Une Brève Histoire De La Pitoune De 4 Pieds
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Une brève histoire de la pitoune de 4 pieds Le Plan conjoint des producteurs de bois de Québec-Sud (1962-1975) Suivi de Flottage sur la Chaudière (1847-1947) Document réalisé par : M. Pierre C. Poulin, historien Pour : Décembre 2018 Le Plan conjoint des producteurs de bois de Québec-Sud (1962-1975) Introduction Fin 2018 début 2019, la compagnie Kruger, la dernière compagnie à utiliser le bois de pulpe de quatre pieds dans sa production au Québec, mettra définitivement un terme à ses contrats d’approvisionnement auprès des propriétaires de boisés privés de la Beauce. Pour l’industrie papetière, le bois de pulpe des producteurs de bois beaucerons représentait un apport intéressant. Depuis des générations, les cultivateurs obtenaient une source de revenu non négligeable de cette activité saisonnière. Ce temps est maintenant révolu; c’est la fin d’une époque. Au début des années 1960, les cultivateurs de la Beauce vendaient déjà du bois de pulpe aux compagnies forestières par le biais d’intermédiaires et de courtiers. Dans le but d’obtenir un juste prix pour leurs productions, ils se sont regroupés en association. Sous l’appellation du « Syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud », des cultivateurs des comtés de Beauce, Dorchester et d’une partie de Frontenac entreprennent des démarches auprès du ministère de l’Agriculture pour obtenir un plan conjoint en 1962. Conçu pour dicter les règles qui encadrent ce secteur d’activité, il sera mis en application en 1966. Alors que l’industrie s’apprête à tourner la page sur la « pitoune de quatre pieds », l’occasion est belle pour retracer les principales étapes qui ont conduit à la mise en place de ce plan conjoint et de ses répercussions sur les producteurs de boisés privés dans sa première décennie d’existence où les défis à relever furent nombreux. Pâtes et papiers au Québec Bref historique d’une grande industrie (1800-1980) Au Québec, l’industrie des pâtes et papiers s’implante dès le milieu du XIXe siècle. La transformation du bois de pulpe en pâte, que ce soit mécaniquement ou par l’utilisation de produits chimiques, requiert une importante source d’énergie. De plus, pour être rentable, l’industrie devait s’implanter le plus possible à proximité de la ressource forestière convoitée. Le Québec offrait ces deux avantages disposant d’un réseau hydrographique d’une grande ampleur, particulièrement sur la rive nord du Saint-Laurent et d’immenses réserves forestières1. Rien d’étonnant que ce soit en Outaouais, en Mauricie et au Saguenay que l’industrie des pâtes et papiers installe en grande majorité leurs installations au début du XXe siècle, pour bénéficier du potentiel hydrographique et de la ressource en place. Mais déjà, au milieu du XIXe siècle, des villes des Cantons-de-l‘Est comme Windsor, East-Angus, Bromptonville et Kingsey Falls étaient nées autour de l’industrie des pâtes et papiers, devenant de véritables petits centres industriels2. Disposant d’un pouvoir 1 Jean Pierre Charland, Les pâtes et papiers au Québec 1880-1980. Technologies, travail et travailleurs. IQRC, documents de recherche 23, 1990, pp. 49-51. 2 Jean-Pierre Kesteman, Peter Southam et Diane Saint-Pierre, Histoire des Cantons-de-l’Est, Coll. Les Régions du Québec, institut québécois de recherche sur la culture, 1998, pp. 534-546. UNE BRÈVE HISTOIRE DE LA PITOUNE DE 4 PIEDS : Le Plan conjoint des producteurs de bois de Québec-Sud (1962-1975) Association des propriétaires de boisés de la Beauce 2/35 hydraulique inférieur aux industries de la rive nord du Saint-Laurent, la quantité de tonnes produites journalièrement par les moulins de ces villes industrielles est moins importante. Dans les années 1920, la ressource se faisant plus rare, les entreprises opérant les moulins à ces endroits doivent également se tourner vers la rive nord du Saint-Laurent pour un approvisionnement suffisant. Par ailleurs, il apparaît clair que cette industrie profitait également du réseau ferroviaire en expansion dans la deuxième moitié du XIXe siècle. À partir des années 1880, on utilise de plus en plus de papier d’emballage, cirés et du carton pour les denrées de consommation qui, jusqu’alors, étaient transportées dans des boites de bois ou des barils. Il n’a y pas que les journaux qui demandent d’importantes quantités de papier pour leurs besoins, il en va de même pour la publication de livres, de manuels scolaires, de papier buvard, etc. Dès cette époque, le Québec exporte 70 % de sa production de bois de pulpe vers les États-Unis, particulièrement vers les états de la Nouvelle-Angleterre auxquels cette ressource fait défaut. En 1905, la dynamique change alors que l’Ontario impose un embargo sur l’exportation du bois de pulpe coupé sur les terres de la couronne. Au Québec, la même sanction s’imposera, mais cinq ans plus tard. Cela donne le temps aux papetières de s’approvisionner davantage au Québec durant cette décennie3. 3 René Hardy, La Mauricie, Presses de l’Université Laval, INRS, 2008, p. 106; UNE BRÈVE HISTOIRE DE LA PITOUNE DE 4 PIEDS : Le Plan conjoint des producteurs de bois de Québec-Sud (1962-1975) Association des propriétaires de boisés de la Beauce 3/35 Entre les années 1920 et 1960, la production canadienne de papier journal n’a cessé d’augmenter. « À la suite de la phase d’expansion de la décennie 1920, le Canada est devenu rapidement le premier exportateur mondial de papier journal. En 1938, il contribue pour 63 % des onze principaux pays producteurs. En 1957, il fournit 77 % du total des exportations […]4. » Les années de la mise en place du Plan conjoint des producteurs de Québec-Sud coïncident avec une restructuration majeure au niveau de l’industrie, qui procède à de nombreux changements dans l’organisation des compagnies. À partir de 1960, la compétition devient plus vive pour l’industrie des pâtes et papiers canadienne alors que les États-Unis augmentent leur production dans leurs usines du sud et de l’ouest du pays. Dans ces conditions, plusieurs petites compagnies ont fermé ou ont été acquises par la concurrence. Parmi les gros joueurs que compte dorénavant l’industrie, il y a la Canadian International Paper, la Consolidated Paper (qui fusionnera avec Consolidated Bathurst), la compagnie Price (Abitibi-Price en 1974), la Domtar, la Kruger, la Donohue et d’autres de moindre importance. 4 Martin Roy, L’industrie de la pulpe et du papier au Canada, mémoire de Maîtrise, Université Laval, 1950, Idem., p. 141. UNE BRÈVE HISTOIRE DE LA PITOUNE DE 4 PIEDS : Le Plan conjoint des producteurs de bois de Québec-Sud (1962-1975) Association des propriétaires de boisés de la Beauce 4/35 Les prémisses du plan conjoint Comme nous venons de l’évoquer brièvement, l’industrie des pâtes et papiers est en plein essor au Québec au début du XXe siècle. La demande ne cesse de croître pour répondre aux besoins de la population nord-américaine. Et il y a longtemps que les cultivateurs de la région, année après année, coupaient du bois de pulpe sur leurs terres, destiné aux compagnies papetières. La crise économique des années 1930 provoque un véritable choc dans cette industrie et plusieurs compagnies sont acculées à la faillite ou ferment définitivement leurs portes. À la fin de cette décennie, les affaires reprennent pour l’industrie papetière, mais sans pour autant augmenter le prix d’achat du bois de pulpe auprès des producteurs de la forêt privée. Depuis le début de cette industrie au Québec, les compagnies avaient pris l’habitude de s’approvisionner en partie chez les propriétaires de boisés pour le bois de sciage utilisé notamment dans la construction. Depuis plusieurs décennies déjà, les représentants des compagnies visitaient les campagnes et achetaient des cultivateurs les billots éventuellement transformés en planches et en madriers. Le même principe s’est appliqué au bois de pulpe tout simplement. Or, même si, depuis la grande crise, la situation s’est améliorée au plan économique dans le secteur des pâtes et papiers, les propriétaires de boisés (cultivateurs et colons) affirment que le prix qu’ils reçoivent pour une corde de pulpe est bien inférieur à ce qu’il devrait être selon le marché. Ce sentiment d’injustice généralisé à la grandeur de la province est tel que, le 30 juillet 1941, le gouvernement d’Adélard Godbout instituait une commission d’enquête pour étudier la question. Dans les années 1950, les pressions exercées notamment par l’Union catholique des cultivateurs (UCC) sur le gouvernement de Maurice Duplessis conduisent à l’adoption de la Loi des marchés agricoles, le 23 février 1956. Cette loi permet à un groupe de producteurs de s’unir pour participer à la mise en place d’un plan conjoint. Cette nouvelle structure doit permettre une meilleure mise en marché des produits visés par le plan conjoint. Une fois le plan mis en place, tous les acteurs doivent observer les règles qui s’y appliquent. Dans le domaine du bois de pulpe, les premiers plans conjoints ont été mis en place graduellement dans les comtés de Charlevoix, Lévis-Bellechasse, Montmorency en 1958, Mégantic, Lotbinière en 1960, Portneuf et la Côte-Nord en 1962. C’est également en 1962 que les cultivateurs des comtés de Beauce, Dorchester et de Frontenac adressaient au gouvernement une demande en ce sens au nom du « Syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud5. » 5 Gazette officielle de Québec, 15 décembre 1962, Tome 94, no 50, p. 6232. UNE BRÈVE HISTOIRE DE LA PITOUNE DE 4 PIEDS : Le Plan conjoint des producteurs de bois de Québec-Sud (1962-1975) Association des propriétaires de boisés de la Beauce 5/35 Premières démarches Le 15 décembre 1962, la Gazette officielle publie l’annonce attestant de la création du « Syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud », autorisée par le secrétaire, le 23 novembre 1962, et dont le siège social se situe à Saint-Georges-de-Beauce.