i Le Prix Astrid Lindgren décerné à Banco del Libro

Coin de lecture

s dans une salle de classe e u q è h e t l o o i l c b é i ’ l b n e s o d i e t i d é t d e e ô i é r ’ c t

v Un Prix littéraire pas tout à fait comme les autres l e Prix de littérature à la mémoire d’Astrid Lindgren s n

u 2007 a été décerné à Banco del Libro, institution e e o vénézuélienne à but non lucratif dont le siège se

d L d

c trouve à . En cette année centenaire de la nais- u

s sance d’Astrid Lindgren, le lauréat est pour la première v n

e fois une institution travaillant dans le domaine de la lit- o i e e térature pour les enfants, et non pas un écrivain ou r r h

v illustrateur comme par le passé. Le siège de Banco del Libro à Caracas c Photo: Bernardo Millán s Voici un extrait qui résume bien la motivation du jury é

e pour cette élection : « Avec un esprit pionnier doublé d’inventivité et de téna- d

n cité, Banco del Libro cherche constamment de nou- veaux moyens de diffuser les livres et favoriser la lec- o e ture chez les enfants du Venezuela. L’enthousiasme, le i

u professionnalisme, la proximité avec les enfants ainsi t qu’une approche délicieusement anti-bureaucratique v a caractérisent son travail, aussi bien dans les barrios (ou

e bidonvilles), les villages de montagne que les universités r m ou le cyberespace. » r Institué par le gouvernement suédois en 2002, l’ALMA o

f (Astrid Lindgren Memorial Award) est le plus important prix de littérature pour la jeunesse au monde et le

n deuxième prix littéraire, au sens large du terme, après i

160 LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS-N°235 /actualité Le Prix Astrid Lindgren décerné à Banco del Libro le Nobel. D’une valeur de 5 millions de SEK (environ un monde meilleur), est redevenue d’actualité. Ce pro- s 540 000 Û), ce prix est une juste reconnaissance du jet, aussi juste qu’ambitieux, est l’un des rares à créer rôle que jouent les livres, les histoires et la lecture dans du lien social dans un pays qui, depuis l’ascension e

la vie des enfants. Ce prix témoigne aussi de l’affection d’Hugo Chavez au pouvoir, n’a cessé de se polariser en u que les Suédois ont pour ce populaire écrivain décédé en deux camps farouchement opposés. La lecture et les 2002. Les auteurs et Maurice livres pour enfants ont donc servi de terrain d’entente, q

Sendak (États-Unis), (Angleterre), Lygia grâce à la capacité de Banco del Libro à inspirer et à è Bojunga (Brésil), Christine Nöstlinger (Autriche) et l’illus- mobiliser les divers secteurs de pays à l’heure de favo- trateur Ryôji Arai (Japon) sont les lauréats de l’ALMA des riser l’accès à des publications de qualité pour tous h e t

années précédentes. ses habitants. l o o Livres pour un monde meilleur Des projets « tout terrain » i l « Tout ce qui s’est fait de grand dans le monde a d’abord Banco del Libro a vu le jour après la chute de la dicta- c b germé dans l’imaginaire d’une personne, et le visage du ture en 1958, sous la forme d’un centre d’échange de é i monde de demain dépendra en grande partie de la force manuels scolaires animé par des bénévoles, d’où son ’ d’imagination de ceux qui apprennent à lire. C’est pour- nom : « La Banque du Livre ». Actuellement, Banco del l b

quoi les enfants ont besoin de livres ». Ces paroles sont Libro emploie une trentaine de salariés ainsi que des n e

d’Astrid Lindgren, mais Banco del Libro adhère tout bénévoles, avec une mixité stimulante d’âges et de pro- s autant à cette conviction. María Beatriz Medina, la fessions. L’institution affiche un profil pluridisciplinaire o d i e Directrice générale, parle du livre comme d’une clé, une à de nombreux égards. t i fenêtre vers la société et le monde : « Nous sommes d é convaincus que les livres peuvent faire bouger les Divers projets visent à diffuser les livres et à transmettre le t d e choses ». Même si, au Venezuela, le taux d’alphabéti- goût de la lecture et de l’écriture à un nombre considé- e ô i é sation avoisine le 93 %, les disparités sociales et éco- rable d’enfants, de jeunes et d’adultes. Depuis le siège r ’ c t nomiques restent importantes et beaucoup vivent dans de l’institution à Caracas, Banco del Libro déploie une v l un environnement illettré. grande variété de moyens pour créer des environnements s n

propices à la lecture jusque dans les régions les plus recu- u e e L’une des forces de Banco de Libro reconnues par le lées du pays. Avec des partenaires publics et privés, elle o d d jury de l’ALMA, est sa vocation de service et son ouver- conçoit des structures de diffusion de livres adaptées à c u

ture vers tous les secteurs du pays. Par ailleurs, l’insti- un terrain fort hétérogène : trois bibliobus circulent dans s v n tution ne s’est jamais éloignée ce qui constitue à la fois les zones urbaines, des biblio-mules atteignent les e o i e son champ de compétences et les axes de toutes ses villages éloignés des Andes, et des biblio-bateaux des- e r r h actions. À savoir, la promotion de la lecture ; la création servent les communautés isolées le long de l’Orénoque. v

de structures facilitant l’accès à des publications de c qualité ; le soutien à la création d’ouvrages destinés Banco del Libro gère aussi le plus grand centre de s é

aux enfants et aux jeunes ; l’étude des livres et de la documentation et de recherche de littérature enfantine e littérature pour la jeunesse ; et la formation de profes- en Amérique latine et fait office de pépinière pour jeunes d

sionnels dans tous ces domaines. Comme l’affirme chercheurs, auteurs, illustrateurs, bibliothécaires et pro- n Carmen Diana Dearden, sa Présidente, « contre vents moteurs de la lecture. L’institution a apposé son o et marées, nous avons tenu notre engagement. » empreinte sur tout ce qui a trait à la littérature enfantine e i

vénézuélienne et latino-américaine, et de nombreux u t Au-delà du milieu des spécialistes, le prix décerné à centres spécialisés d’autres pays collaborent avec v Banco del Libro a aussi une importance symbolique elle. a auprès du public vénézuélien. Dans le contexte actuel e r du pays, soumis à une extrême tension politique, la Pour encourager la création et la publication d’ouvrages m confrontation permanente a fini par menacer l’existence de qualité pour les enfants vénézuéliens, un départe- r même d’espaces démocratiques dans la vie de tous les ment d’édition, Ediciones Ekaré, a été créé en 1978. o

jours. Or, dans ce paysage bouleversé, la devise pleine Devenu depuis une entité autonome, Ekaré compte f d’idéalisme lancée par Banco del Libro à la fin des parmi les meilleures maisons d’édition hispanophones années 70, « Libros para un mundo mejor » (Livres pour de livres pour enfants. n i

actualité / N°235-LAREVUEDESLIVRESPOURENFANTS 161 Le Prix Astrid Lindgren décerné à Banco del Libro

La création de nouveaux ponts internationale des associations de bibliothécaires et s Depuis 2000, l’initiative de Banco del Libro a permis de des bibliothèques), est un des projets phares de Banco e multiplier le nombre de bibliothèques scolaires et del Libro. Avec le soutien d’IBBY, l’Organisation inter-

u publiques pour enfants au Venezuela. Plusieurs nouveaux nationale des livres pour la jeunesse, dont Banco del projets ont vu le jour, notamment « La lecture crée des Libro est un membre très actif, d’autres pays sinistrés q ponts » (Tendiendo puentes con la lectura) et « De la lec- comme la Thaïlande après le tsunami, et la Colombie

è ture à l’écriture » (De la lectura a la escritura) dans des qui travaillera prochainement avec des jeunes marqués zones les plus défavorisées de la capitale. Un projet de par les conflits armés, se sont inspirés de l’expérience h cyber-lecture, « Le@mos », apprend aux jeunes des bar- vénézuélienne dans le domaine de la bibliothérapie e t

l rios comment utiliser Internet. dans des situations collectives extrêmement critiques. o o i Banco del Libro mise aujourd’hui sur la recherche et la Un prix qui tend des ponts l c formation, parallèlement à ses travaux directement liés L’écrivain Katherine Paterson, lauréat de l’ALMA en b

é à la promotion de la lecture. Pour reproduire le savoir 2006, a généreusement soutenu cette action en se i ’ acquis, l’institution travaille à différents niveaux. Elle rendant à Vargas pour rencontrer les voisins d’une l documente les expériences liées aux projets, et édite communauté qui avaient partagé la lecture de son b

n diverses publications sur la littérature pour enfants et roman, Un pont de Terabithia, quelque temps après la e

s adolescents et d’autres médias : recommandations, catastrophe. Une conviction essentielle que des insti- o

d guides de lecture, nouvelles recherches, etc. tutions comme Banco del Libro tentent de mettre en i e œuvre tous les jours, résonne dans ses paroles : t i d En outre, elle organise régulièrement des expositions de « Tout au long de ma longue vie, j’ai vu tellement d’abîmes é toutes sortes ainsi que des séminaires internationaux, – abîmes de culture et de temps, divisions de races et t d e e et propose des ateliers et des cours. Sa formation des- de religions, brèches de classe et d’idéologie politique – ô i é r tinée aux promoteurs de la lecture est dispensée au lesquels méritent la création de ponts vers les enfants, ’ c t

v siège, mais aussi en ligne par le biais de son site si seulement je pouvais en construire un suffisamment l Internet (www.bancodellibro.org.ve). L’année dernière bon. Mais la leçon que j’ai apprise au fil des ans, c’est s n

u Banco del Libro a également mis en place un Master en qu’il ne suffit pas de construire un pont pour un enfant : e e o ligne de littérature enfantine en partenariat avec il faut qu’on devienne soi-même pont. Il faut se tendre d d

c l’Université autonome de Barcelone et la Fondation soi-même dans l’abîme. » u

s espagnole Germán Sánchez Ruipérez. v n

e Elena Iribarren o i e e Lire pour vivre r r

h Un conteur et le bibliobus vont à la rencontre des enfants v En prise avec la réalité quotidienne du pays, Banco del

c Libro a su adapter son projet aux événements, parfois s tragiques, qui ont marqué l’histoire récente du é

e Venezuela. Ainsi, une mission de biblio-thérapie, « Lire pour vivre » (Leer para vivir), a vu le jour suite aux glis- d

n sements de terrain catastrophiques de 1999 dans l’é- tat Vargas, lesquels ont coûté la vie à des milliers de o e personnes et détruit des communautés entières. Pour i

u répondre à la dévastation avec les moyens qui lui sont t propres, Banco del Libro a contribué à soulager les trau- v a matismes individuels et collectifs qui ont suivi le cata-

e clysme. Sept ans après, cette activité se poursuit grâce r m à des bénévoles dans de nombreuses communautés qui

r depuis leurs maisons assurent le prêt des livres et orga- nisent des animations autour de la lecture. o f Aujourd’hui, « Lire pour vivre », récompensé en 2003 n par le prix Guust van Wesemael de l’IFLA (Fédération i

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