La Pensée Critique
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Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm UNIVERSITÉ DE LORRAINE École doctorale Fernand Braudel Laboratoire Lorrain de Sciences Sociales Thèse En vue de l’obtention du Diplôme national de Docteur Discipline : Philosophie Présentée et soutenue publiquement par Laurent Maronneau Le 10 novembre 2016 Le milieu de la laïcité – Contextes, espaces et temps Thèse co-dirigée par : Monsieur Benoît Goetz, professeur à l’Université de Lorraine Monsieur Jean-Paul Resweber, professeur émérite à l’Université de Lorraine Membres du jury : Monsieur Jean-François Bert, Maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne Monsieur Franck Fischbach, professeur à l’Université de Strasbourg Monsieur Benoît Goetz, professeur à l’Université de Lorraine Monsieur Jean-Paul Resweber, professeur émérite à l’Université de Lorraine Monsieur Jacob Rogozinski, professeur à l’Université de Strasbourg Monsieur Lukas Sosoe, professeur à l’Université du Luxembourg Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier Jean-Paul Resweber et Benoît Goetz pour leur confiance, leur soutien, leurs précieux conseils et leur amitié. Je remercie Jacob Rogozinski pour les nombreux échanges passionnants que nous avons eu, ainsi que Franck Fischbach, dont l’enseignement fut éclairant, mais également Jean-François Bert et Lukas Sosoe d’avoir accepté d’être membres de mon jury. Je remercie également Henri Maronneau, sans le soutien matériel et humain duquel ce travail n’aurait pas abouti. « La science donne beaucoup de satisfaction à celui qui y consacre son travail et ses recherches, mais fort peu à celui qui apprend les résultats. Mais comme toutes les vérités importantes de la science ne peuvent que devenir peu à peu banales et communes, même ce peu de satisfaction disparaît : c’est ainsi que nous avons depuis longtemps cessé de trouver le moindre plaisir à apprendre la table de multiplication, pourtant si admirable. Si donc la science donne de moins en moins de plaisir par elle- même et ôte toujours davantage en jetant la suspicion sur la métaphysique, la religion et l’art qui consolent, voilà appauvrie cette source de plaisir, de toutes la plus grande, à laquelle les hommes doivent à peu près toute leur humanité. Aussi une civilisation supérieure devra-t-elle donner un cerveau double à l’homme, quelque chose comme deux compartiments cérébraux, l’un pour être sensible à la science, l’autre à ce qui n’est pas la science : juxtaposés, sans empiétement, séparables, étanches ; c’est là ce qu’exige la santé. La source d’énergie se trouve dans une sphère, dans l’autre le régulateur : il faut chauffer aux illusions, aux idées bornées, aux passions, et se servir de la science clairvoyante pour prévenir les suites malignes et dangereuses d’une chauffe trop poussée. – Si l’ont ne satisfait pas à cette condition de civilisation supérieure, on peut prédire presque à coup sûr le cours que prendra l’évolution humaine : le goût du vrai va disparaître au fur et à mesure qu’il garantira moins de plaisir ; l’illusion, l’erreur, la chimère vont reconquérir pas à pas, étant associées au plaisir, le terrain qu’elles tenaient autrefois ; la ruine des sciences, la rechute dans la barbarie en seront la conséquence immédiate ; l’humanité devra se remettre à tisser sa toile après l’avoir, telle Pénélope, défaite pendant la nuit. Mais qui nous garantira qu’elle en retrouvera toujours la force ? » Nietzsche, Humain trop humain §251, L’avenir de la science. Introduction La notion de laïcité ne sera pas discutée dès l’ouverture de ce travail mais, dans un premier temps, en sera présenté le contexte : le monde moderne, ou occidental, tel qu’il est nôtre, celui que nous vivons. Il appartient à chacun de penser la laïcité sur le mode qui lui convient. Mais il a semblé impossible de se résoudre à le faire autrement qu’en prenant en compte le monde qui est en relation avec son déploiement (son milieu), avant d’en explorer le cœur (son milieu) et par conséquent, ses limites. La laïcité est sur toutes les lèvres depuis quelques années, mais revient par vagues depuis les premières « affaires du voile islamique » (1989 à Creil). C’est un problème central de la société française, qui reste en partie non interrogé sur le fond, parce qu’il est souvent considéré comme déjà résolu, depuis 1905. Si une nouvelle fois la notion de laïcité est mobilisée dans le contexte des attentats commis sur le sol français depuis 2012 (Mohammed Merah), puis en janvier et novembre 2015, et en juillet 2016, c’est en un sens combatif, pour lutter contre ces « extrémismes » venus de groupes se réclamant de l’Islam. Or, puisque ce qui est bien connu, parce qu’il est bien connu, n’est pas connu, il s’agit de se demander : qu’est-ce que la laïcité ? Une question que Hegel prendrait à bras le corps, alors que Heidegger la transformerait en : « qui est laïc ? » L’une et l’autre question demandant à ce qu’on s’interroge sur le contexte social, économique, politique de la laïcité. Il y a dans la reformulation de la question par Heidegger, une tentative de sortie du discours sur les essences des notions et concepts : volonté de sortie de la métaphysique. La philosophie, la logique et les arts libéraux (Le Trivium : grammaire, dialectique, et rhétorique ; ainsi que le Quadrivium : arithmétique, musique, géométrie et astronomie), avaient été laissés hors du champs de la théologie, mais pour lui être subordonnés. De par la position de surplomb à laquelle s’était placée la théologie, la philosophie ne pouvait plus porter d’interrogation sur le monde (encore moins sur le réel), sans risquer de déplaire au clergé, tant que la théologie encadrait et ordonnait la société : hégémonie du dogme (l’opinion) et de l’économie du salut (la mise en pratique du dogme ou morale appliquée), les deux banches du théologique. Ce geste de démarcation, ou de remise en cause 3 de l’hégémonie d’une pensée sur toute la société occidentale est précisément un geste laïc. Cette démarcation a pu émerger tout au long du récit théologique du monde, mais à la marge, sous la menace de l’accusation d’hérésie. Cette marge s’est cependant émancipée de la tutelle théologique (du moins c’est la façon dont elle se pense), pour s’exprimer aujourd’hui avec une liberté qui est souvent considérée comme acquise. Cependant, la sécularisation des États européens a progressivement fait en sorte que l’économique remplace le théologique, et en reprenne le discours hégémonique. Doit-on alors considérer l’économique comme étant le nouveau théologique ? Il faudrait en examiner les deux aspects : le dogme et l’économie, c’est-à-dire l’opinion élevée au rang de certitude (et même de vérité) et la pratique comme mise en ordre du monde selon une morale issue du dogme. L’économie, mesure de toute chose ? Il s’agira d’observer la société occidentale sous divers angles, autant de points de vue qui tenteront d’appréhender la réalité dans laquelle nous vivons, sous une forme kaléidoscopique ne prétendant pas à l’exhaustivité. Ces approches contextuelles seront une entrée en matière qui permettra de rejoindre la laïcité. Après la partie ouvrant ce travail sur son milieu, seront proposés des parcours historiques de la laïcité. Quelle est son orientation ? Répond-elle à nos attentes politiques et sociales ? Ces traversées d’espaces divers, objets de notre attention, devraient permettre de circonscrire le propos : espace social, politique, mental, religieux. Quelles relations entre l’Occident et la laïcité ? La séparation et la mise en place de la laïcité dans la société occidentale posent question : une autre pensée de la laïcité est- elle possible ? Le parcours de cette émancipation dans la société moderne a été muselé, et la laïcité a été récupérée par l’idéologie dominante, afin de servir ses intérêts. Comment est-il possible de s’en démarquer ? C’est par une pharmakologie de la laïcité que pourront être montrés les liens de l’État avec l’Église, mais aussi la perception de la religion dans l’espace public. Quels sont les symptômes de la situation que nous 4 étudions ? Et quelles sont les relations entre la République, le capitalisme et la laïcité ? Comment envisager la possibilité d’une individuation laïque, dans le cadre de la République française ? Il se peut que la laïcité ne soit qu’une émotion, un sentiment : un aspect spirituel de la relation. Qu’en est-il de la pratique politique ? Avec Platon, se posera le problème du pouvoir et du mensonge d’État ; puis, celui de la constitution d’une communauté dans le champ de la laïcité. Faut-il en passer par une praxis du contrat et d’éclaircir la notion de religion civile (cet autre nom du sentiment) ? Nous verrons également ce que peut apporter à la discussion une réinterprétation de la dialectique du maître et du serviteur, comme support théorique à la dialectique du seigneur et du serf, présentant l’émancipation du serf dans le contexte féodal. A la suite du mouvement de sortie de la féodalité, il s’agira de mettre en perspective des analyses de la tradition, de la sécularisation et de la croyance, avec comme ligne d’horizon la naissance des États modernes.