La Force du destin

Mise à jour 2011

L’Avant-Scène Opéra n° 126 décembre 1989 Discographie mise à jour 2011 Jean Cabourg

Notre discographie de 1989 a été Plus tard, à Paris comme à New 1941: Marinuzzi entièrement revue et mise à jour York, on conservera le duo du duel pour ce supplément. mais non le chœur qui précède, alors Si naturellement offerte au décou- que d’une intégrale à l’autre on consta- page en airs séparés, La Forza ne re- La difficulté est moins aujourd’hui, tera d’autres interpolations ou inter- compose ses fragments, d’ailleurs in- d’évaluer les mérites et les limites ventions des scènes, principalement complets, qu’en 1941, à travers cette d’une œuvre aussi populaire et atta- dans le cours de l’acte III, particulière- première intégrale 78 tours confiée au chante, que de trouver les interprètes à ment malmené. grand chef sicilien Gino Marinuzzi, même d’en assumer la vocalité, décli- De là à conclure que cette succes- wagnérien émérite, créateur de La Ron- née en quatre rôles de premier plan et sion de tableaux et de numéros vocaux dine de Puccini, qui, pour avoir redé- plusieurs emplois de composition, né- ne fait pas un opéra, il n’y aurait qu’un couvert une Lucrezia Borgia, une Stra- cessaires au mélange des genres qui la pas à franchir. Verdi lui-même, si on le niera ou même Così, n’en demeure pas caractérise. Les grandes voix ver- lit superficiellement, semble parfois y moins un enfant de la haute époque diennes venant à se raréfier, on ne inviter, qui feint de limiter son ambi- du vérisme. s’étonnera pas de rencontrer dans tion à la simple expression de passions Faute d’un écho sonore de la reprise notre discographie revue et complétée, fortes : « Il n’y a certes pas besoin d’être de La Forza avec Muzio et Gigli, en plus de témoignages du passé, lointain [dans La Forza], très fort en solfège, il 1933 à (alors que l’Alvaro que ou proche, que d’accomplissements ré- suffit d’avoir une âme, de comprendre nous laisse Gigli à travers ses larges ex- cents. La comparaison de la version le texte et de l’exprimer. » Nul doute en traits de 1951 est bien automnal!), on milanaise, définitive, de 1869, avec le tout cas que cette œuvre de maturité et se réjouira d’entendre et de réentendre premier état de la partition, celui de la cependant moins heureuse dans le repiquage de cette première inté- création à Saint-Pétersbourg en 1862, l’équilibre du drame et de la légèreté grale de studio, dont le son, plutôt mé- est aujourd’hui facilitée par l’arrivée de que le génial Bal masqué, ne doive sa tallique, est suffisant, et l’interpréta- l’enregistrement Gergiev de 1995, com- cohésion et une certaine grandeur dra- tion sinon toujours orthodoxe, du plétant utilement l’essai Matheson- matique qu’à de grands chefs capables moins excitante. L’orchestre y est assez BBC de 1981. D’une édition discogra- d’en unifier le style vocal et, plus large- bien défini en ses cordes, comme dans phique à l’autre, le visage de l’œuvre ment, musical, faute de quoi l’opéra se la dynamique de ses emportements et varie. Il convient donc de préciser de réduit à une suite de numéros plus ou des moments de religiosité ou d’apai- quelle Forza il est chaque fois question. moins réussis. Du moins l’œuvre a- sement, la direction suffisamment t-elle su séduire tous les monstres sa- pondérée et active, juste un peu trop crés du théâtre lyrique. Ainsi, dès 1918 indulgente par moments en ces temps LA FORZA de Milan (1869) au Met, Rosa Ponselle, pour ses dé- héroïques de l’enregistrement studio, buts, au côté de Caruso et De Luca. devant les libertés prises par les chan- Nous possédons, sinon un témoignage teurs. Celle universellement répandue a sonore de ces fastes vocaux, du moins Les élans véristes de la Caniglia sont connu de nombreux avatars, accom- une mosaïque de ce que dix ans plus mieux en situation ici qu’en bien modée au gré de la fantaisie des tard les mêmes Ponselle et De Luca of- d’autres occasions. Il est d’ailleurs plus théâtres, des chefs ou des chanteurs. fraient, aux côtés cette fois de Marti- facile de s’en gausser que de recon- Son agencement et son contenu n’ont nelli, en état de grâce, et Pinza, inap- naître à son soprano dramatique cessé de varier depuis cinquante ans. proché depuis, c’est-à-dire un florilège l’exacte dimension du rôle et à son Que l’on sache par exemple que la des grands moments de la partition chant une italianità dont tant d’autres version de Bruno Walter de 1943 au qui ne présente qu’un seul défaut, ce- (Milanov, Price par exemple) sont Met comme celle réalisée la même an- lui de décourager toute comparaison, franchement dépourvues. Certains ai- née pour la Cetra par Marinuzzi opè- en termes de critères vocaux, à partir gus trompetants, certaines saccades ex- rent des coupes claires dans le troi- de ce qui demeure une écrasante réfé- pressionnistes du phrasé n’altèrent pas sième acte, principalement le duo Al- rence discographique. gravement un chant de belle tenue, varo-Carlo, « Né gustare m’è dato » ; que Nous essaierons néanmoins de faire nonobstant les « Fatalità ! fatalità ! » celle mitonnée par Stiedry dès 1952 ne notre miel des quelque 36 intégrales grandiloquents qui signent une comporte pas la scène de l’auberge du II ici visitées, sans prétention à l’exhaus- époque. Trompetant et demi le fou- mais, au contraire de la précédente, tivité, alors que chaque jour voit fleu- gueux Masini, mais large, étincelant, offre le duo précité, tandis que Prezio- rir en CD un nouveau document pré- véritable épée de lumière (comme hier silla réduite à une simple comprimaria tendu jusqu’alors « introuvable » ou d’une certaine façon Martinelli), délié pour de sordides questions de budget telle nouveauté d’un moindre intérêt. dans ses récitatifs, moins sanglotant (le Met comptait alors ses dollars), voit que tant d’autres après lui, plus sa scène initiale sensiblement déplacée. convaincu et convaincant en tout cas, 2 L’Avant-Scène Opéra n° 126 LA FORCE DU DESTIN – Version de Milan (1869), intégrales et sélections date 1941 1942 1943 – 23.I 1943 – 27.XI 1951 – 16.VIII direction Gino Marinuzzi Arthur Rother Bruno Walter Bruno Walter Antonino Votto orchestre EIAR de Turin Radio de Berlin Metropolitan Metropolitan Teatro Municipal il marchese di Calatrava Ernesto Dominici Louis D’Angelo Frederick Lechner Giuseppe Modesti donna Leonora Maria Caniglia Hilde Scheppan Stella Roman Stella Roman Elisabetta Barbato di Vargas Carlo Tagliabue Heinrich Schlusnus Lawrence Tibbett Lawrence Tibbett Enzo Mascherini don Alvaro Galliano Masini Helge Rosvaenge Frederic Jagel Frederic Jagel Beniamino Gigli Preziosilla Ebe Stignani Ira Petina Anna Kaskas Anna-Maria Canali il Padre Guardiano Tancredi Pasero Ludwig Hofmann Ezio Pinza Ezio Pinza Giulio Neri fra Melitone Saturno Meletti Salvatore Baccaloni Guillermo Neviamo Curra Liana Avogadro Thelma Votipka Thelma Votipka Pimentel un Alcade Dario Caselli Lorenzo Alvary Lorenzo Alvary Antonio Lembo Mastro Trabuco Alessio de Paolis Alessio de Paolis Nino Crimi un Chirurgo Ernesto Dominici John Gurney John Gurney Antonio Lembo édition Cetra Ponto (sélection) AS/The Fourties GAO - EJS 561 (sélection) SR (sélection) support cd cd (allemand) cd lp cd enregistrement mono studio mono live mono live mono live mono live

date 1951 – 20.VIII 1951 – 3.IX 1952 – 29.XI 1952 – XII 1952 direction Fritz Busch Argeo Quadri Fritz Stiedry Hans Schmidt-Isserstedt Armando La Rosa Parodi orchestre Royal Philharmonic Radio Hollandaise Metropolitan NWDR Hambourg Teatro alla Scala il marchese di Calatrava Stanley Mason Asd de Rijk Lubomir Vichegenov Siegmund Roth Gino Calò donna Leonora Walburga Wegner Antonietta Stella Zinka Milanov Carla Martinis Adriana Guerrini don Carlos di Vargas Marko Rothmüller Rolando Panerai Leonard Warren Josef Metternich Anselmo Colzani don Alvaro David Poleri José Soler Rudolf Schock Giuseppe Campora Preziosilla Mildred Miller Amalia Pini Mildred Miller Martha Mödl Miriam Pirazzini il Padre Guardiano Bruce Dargaval Enzo Feliciati Jerome Hines Giuseppe Modesti fra Melitone Owen Brannigan Melchiorre Luise Gerhard Pechner Gustav Neidlinger Fernando Corena Curra Bruna Maclean Pim Borken Laura Castellano Ursula Zollenkopf Maria Forcato un Alcade Dennis Wicks Aad de Rijk Ernst-Max Lühr Giovanni Casini Mastro Trabuco Robert Thomas Cornelis Kalkman Kurt Marschner Gino Del Signore un Chirurgo Philip Lewtas Aad de Rijk Algerd Brazis Karl Otto Mario Cappelli édition Melodram Ponto Music & Arts Walhall Preiser support cd cd cd cd (allemand) cd enregistrement mono live mono live mono live mono live mono studio

date 1953 – 12.III 1953 – 14.V 1954 – 20.III 1954 – VIII 1955 – 26.IV direction Walter Herbert Dimitri Mitropoulos Fritz Stiedry Antonino Votto orchestre New Orleans Maggio Musicale Metropolitan Teatro alla Scala Teatro alla Scala il marchese di Calatrava Norman Treigle Silvio Maionica Lubomir Vichegenov Plinio Clabassi Silvio Maionica donna Leonora Zinka Milanov Zinka Milanov Renata Tebaldi don Carlos di Vargas Leonard Warren Aldo Protti Leonard Warren Carlo Tagliabue Aldo Protti don Alvaro Mario Del Monaco Gino Penno Richard Tucker Giuseppe Di Stefano Preziosilla Claranae Turner Fedora Barbieri Jean Madeira Elena Nicolai Martha Perez il Padre Guardiano William Wilderman Cesare Siepi Jerome Hines Nicola Rossi-Lemeni Giuseppe Modesti fra Melitone Gerhard Pechner Renato Capecchi Gerhard Pechner Renato Capecchi Renato Capecchi Curra Rosemary Rotolo Angela Vercelli Thelma Votipka Rina Cavallari Giuseppe Gerbino un Alcade Giorgio Giorgetti Dario Caselli Antonio Zerbini Mastro Trabuco William Herbert Piero de Palma Paul Franke Gino del Signore Giuseppe Zampieri un Chirurgo Donald Bernard Walter Finessi George Cehanovsky Dario Caselli Eraldo Coda édition Legato Palladio Myto EMI GOP support cd cd cd cd cd enregistrement mono live mono live mono live mono studio mono live

L’Avant-Scène Opéra n° 126 3 Discographie

LA FORCE DU DESTIN – Version de Milan (1869), intégrales et sélections date 1955 – VII 1955 1956 – 17.III 1956 – 8.VI 1957 – 6.II direction Francesco Molinari-Pradelli Renato Cellini Fritz Stiedry Arturo Basile orchestre Accademia Santa Cecilia RCA Victor Metropolitan Maggio Musicale RAI de Turin il marchese di Calatrava Silvio Maionica Louis Sgarro Paolo Washington donna Leonora Renata Tebaldi Zinka Milanov Zinka Milanov Renata Tebaldi don Carlos di Vargas Ettore Bastianini Leonard Warren Leonard Warren Giangiacomo Guelfi Gian Giacomo Guelfi don Alvaro Mario Del Monaco Richard Tucker Giuseppe Di Stefano Preziosilla Rosalind Elias Fedora Barbieri il Padre Guardiano Cesare Siepi Nicola Moscona Cesare Siepi Giulio Neri fra Melitone Fernando Corena Fernando Corena Melchiorre Luise Curra Gabriella Carturan Thelma Votipka Luciana Boni un Alcade Ezio Giordano Giorgio Giorgetti Mastro Trabuco Piero de Palma Alessio de Paolis Sergio Tedesco un Chirurgo Eraldo Coda George Cehanovsky Mario Frosini édition Decca Naxos (sélection) Arkadia GDS Myto (sélection) support cd cd cd cd cd enregistrement stéréo studio mono studio mono live mono live mono live

date 1957 – 5.VII 1957 – 28.IX 1958 – 25.I 1958 – 15.III 1958 – VII-VIII direction Antonino Votto Nino Sanzogno Fritz Stiedry F. Molinari-Pradelli Fernando Previtali orchestre Köln – La Scala RAI de Rome Metropolitan San Carlo de Naples Acc. Santa Cecilia il marchese di Calatrava Franco Calabrese Antonio Massaria Louis Sgarro Giorgio Algorta Paolo Washington donna Leonora Anita Cerquetti Zinka Milanov Renata Tebaldi Zinka Milanov don Carlos di Vargas Aldo Protti Aldo Protti Mario Sereni Ettore Bastianini Leonard Warren don Alvaro Giuseppe Di Stefano Pier-Miranda Ferraro Flaviano Labò Franco Corelli Giuseppe Di Stefano Preziosilla Gabriella Carturan Giulietta Simionato Margaret Roggero Oralia Dominguez Rosalind Elias il Padre Guardiano Cesare Siepi Boris Christoff Cesare Siepi Boris Christoff Giorgio Tozzi fra Melitone Enrico Campi Renato Capecchi Fernando Corena Renato Capecchi Dino Mantovani Curra Stefania Malagù Vera Presti Thelma Votipka Anna di Stasio Luisa Gioia un Alcade Alfredo Giacomotti Eraldo Coda Giuseppe Forgione Virgilio Carbonari Mastro Trabuco Angelo Mercuriali Adelia Zagonara Paul Franke Mariano Caruso Angelo Mercuriali un Chirurgo Franco Piva Renzo Gonzales George Cehanovsky Gianni Bardi Sergio Liviabella édition Melodram GAO/Myto/HRE Bongiovanni (sélec- Melodram Decca support cd cd tion) cd cd enregistrement mono live mono live cd mono live mono live mono studio

malgré l’habituel déhanchement de la Padre Guardiano de Pasero. Si la no- chestre pour ne laisser ressortir que prosodie propre au vérisme, qu’un ir- blesse de Pinza demeure inégalée, la des voix le plus souvent en lambeaux, résistible slancio, cet élan du ténor de somptuosité de son cadet (d’un an !) le tableau est plutôt sombre. En lieu et la nouvelle école, magnifie. Un Del est proprement admirable. On se dé- place de Zinka Milanov, au faîte de ses Monaco ne sera jamais qu’un épigone couvre devant Pinza, mais Pasero moyens en ces années (alors que nous de cet Alvaro incandescent, croisant le pousserait vers l’autel la plus dissolue la retrouverons bien éprouvée et fer avec l’un des derniers barytons ita- des impies. Certainement le deuxième éprouvante, plus tard), il nous faut re- liens d’extraction noble, Tagliabue. On acte intégral le plus impressionnant de connaître à Stella Roman, touchante aimera ce dernier encore plus jeune notre discographie. Desdemona hier avec Martinelli, une mais sa prestance, sa plénitude, sa race hauteur d’émission et une intégrité vo- étonneront ceux qui ne connaissent 1943: Walter cale qui feraient aujourd’hui de cette que son pitoyable Carlo de la triste éternelle seconde une première, version Callas enregistrée en 1954. Un an après la reprise de l’œuvre au jointes à une fragilité qui l’empêche de La Stignani aussi est une grande, Met, sous la baguette cette fois de vraiment tenir la distance. Son intré- trop grande, trop sérieuse pour com- Bruno Walter, un document live est pide amant est ici le ténor Jagel, autre poser une Preziosilla, mais qui sait al- réalisé qui nous est aujourd’hui resti- second couteau à la voix large mais in- léger son « Che vergogna » au point de tué en CD. Affiche à demi somp- grate, aux intentions souvent bien ins- racheter les sonorités nasales du « Viva tueuse, pour un ratage absolu. Dans pirées mais au chant trop sommaire la guerra » initial. Immense enfin le un brouillard sonore qui aplatit l’or- pour captiver. La déconvenue est en- 4 L’Avant-Scène Opéra n° 126 LA FORCE DU DESTIN – Version de Milan (1869), intégrales et sélections date 1958 – 1.X 1960 – 12.III 1960 – 23.IX 1961 – 4.VIII 1961 – 26.X direction Antonio Narducci Thomas Schippers Dimitri Mitropoulos Fernando Previtali Ottavio Ziino orchestre Mexico – Bellas Artes Metropolitan Staatsoper Vienne Teatro Colón Parme il marchese di Calatrava Sergio de los Santos Louis Sgarro Ludwig Weber Juan Zanin Silvio Maionica donna Leonora Anita Cerquetti Renata Tebaldi Antonietta Stella Floriana Cavalli Marcella De Osma don Carlos di Vargas Cornell MacNeil Mario Sereni Ettore Bastianini Giuseppe Taddei Piero Cappuccilli don Alvaro Flaviano Labò Richard Tucker Giuseppe Di Stefano Richard Tucker Flaviano Labò Preziosilla Aurora Woodrow Mignon Dunn Giulietta Simionato Oralia Dominguez Fiorenza Cossotto il Padre Guardiano Nicola Zaccaria Jerome Hines Walter Kreppel Plinio Clabassi Ivo Vinco fra Melitone Fernando Corena Salbatore Baccaloni Karl Dönch Giulio Viamonte Guido Mazzini Curra Luiz Muzio Carlotta Ordassy Annemarie Ludwig Carmen Burello Benetti un Alcade Alberto Herrera Harald Pröglhöf José Crea Mastro Trabuco José Octavio Sosa Alessio de Paolis Hugo Meyer-Welfing Virgilio Tavini Glauco Scarlini un Chirurgo José Maria Gavarga Roald Reitan Franz Bierbach Guerrino Boschetti édition HRE Walhall Orfeo Myto FID support lp cd cd cd cd enregistrement mono live mono live mono live mono live mono live

date 1961 1962 – 5.VII 1962 – 1.X 1962 1963 – 16.XI direction Ferdinand Leitner Alberto Erede Georg Solti Hans Löwlein Renato Cellini orchestre Stuttgart Opéra Hollande Covent Garden RSO Berlin New Orleans Opera il marchese di Calatrava Peter van der Bilt Forbes Robinson Ara Berberian donna Leonora Annelies Kupper Gré Brouwenstijn Floriana Cavalli Stefania Woytowicz Eileen Farrell don Carlos di Vargas John Shaw John Shaw Dietrich Fischer-Dieskau Dino Dondi don Alvaro Jan Peerce Carlo Bergonzi Jess Thomas Richard Cassilly Preziosilla Rena Grazioti Josephine Veasey Cvetka Ahlin il Padre Guardiano Josef Greindl Georg Littasy Nicolai Ghiaurov Georg Stern Nicola Moscona fra Melitone Gustav Neidlinger Renato Capecchi Renato Capecchi Raymond Michalski Curra Conchita Gaston Noreen Berry Lydia Neumann un Alcade Jos Borelli David Kelly Mastro Trabuco Wim Koopman John Dobson un Chirurgo Henk Smit Rhydderich Davis édition DGG (sélection) Osteria Myto DGG (sélection) Vaia (sélection) support lp (allemand) cd cd cd (allemand) cd enregistrement stéréo studio mono live mono live mono studio mono live

core plus grande avec un Tibbett mé- ailleurs a si souvent fait notre joie ? cohérence dramatique et de respira- connaissable, ombre de lui-même, dé- Écouter cependant très attentivement tion, dont les manières se sont cati, à bout de timbre et de souffle, ne l’Ouverture : nerveuse, caracolante quelque peu perdues depuis ces an- pouvant respecter le plus souvent ni même, cursive, sans alanguissement ni nées inégales mais riches de talents les notes ni le rythme. Triste déclin surcharge, elle laissait espérer une soi- hors-norme. Attentif à ses chanteurs, d’un grand. Par bonheur, Pinza, même rée toscaninienne. Dommage. ne perdant jamais le sens de la narra- capté dans les conditions que l’on sait, tion mais s’abstenant de toute foucade même inférieur à son incomparable 1951: Busch ou surenchère démonstrative, Busch Guardiano de 1927, demeure un mo- prend place parmi les meilleurs. Les dèle de style et conserve une voix plus Testament lyrique de l’immense errances de la bande sonore, préjudi- qu’éloquente. Baccaloni, lui, court Fritz Busch, cette captation de son cher ciables aux timbres, et les coupures en- après l’effet, charge, caricature, cabo- Festival de Glyndebourne datée du core nombreuses, ne doivent pas dé- tine… et ennuie, comme la médiocris- 20 août 1951, moins d’un mois avant tourner d’un tel document. Ne serait- sime Preziosilla. Comment parler de sa disparition, joint l’émotion d’un ce qu’en raison de la présence en Bruno Walter sinon en observant que adieu au plaisir d’entendre la partition Alvaro d’un ténor singulier, au sein l’effet conjugué de la prise de son, des de La Forza souverainement traitée. À d’une distribution il est vrai peu attrac- variations de vitesse et du peu de te- la tête du Royal Philharmonic et des tive. David Poleri, Faust poétique de La nue de l’orchestre maison font que chœurs maison, le chef allemand dé- Damnation gravée par Charles Munch, nous ne retrouvons pas ici ce qui livre une leçon de slancio pondéré, de présent aux côtés de Magda Olivero L’Avant-Scène Opéra n° 126 5 Discographie

LA FORCE DU DESTIN – Version de Milan (1869), intégrales et sélections date 1964 – 9.II 1964 – VII-VIII 1964 – 14.XII 1965 – 6.II 1965 – 14.IV direction Francesco Molinari-Pradelli Thomas Schippers Wilhelm Schüchter Nello Santi Anton Guadagno orchestre Teatro Comunale Bologne RCA Metropolitan Lyric Opera il marchese di Calatrava Silvio Maionica Giovanni Foiani Louis Sgarro Joseph Fair donna Leonora Leyla Gencer Leontyne Price Hildegard Hillebrecht Gabriella Tucci Eileen Farrell don Carlos di Vargas Piero Cappuccilli Thomas Tipton Ettore Bastianini Anselmo Colzani don Alvaro Carlo Bergonzi Richard Tucker Rudolf Schock Franco Corelli Franco Corelli Preziosilla Adriana Lazzarini Brigitte Fassbaender Joann Grillo Joann Grillo il Padre Guardiano Carlo Cava Giorgio Tozzi Gottlob Frick Giorgio Tozzi Ezio Flagello fra Melitone Michele Casato Ezio Flagello Manfred Röhrl Elfego Esparza Gerhard Pechner Curra Anna-Lia Bazzani Corinna Vozza Carlotta Ordassy Ruth Carron un Alcade Franco Bordoni Rolf Böttcher Louis Pichardo Mastro Trabuco Renato Ercolani Piero de Palma Andrea Velis Robert Schmorr un Chirurgo Armando Manelli Mario Rinaudo Robert Goodloe Walter Knetlar édition GOP RCA Eurodisc (sélection) Gala SRO support lp cd cd (allemand) cd cd enregistrement mono live stéréo studio stéréo studio mono live mono live

date 1965 – VIII 1965 1965 – 7.XII 1965 1966 – 4.I direction Giuseppe Patané George Singer Antonino Votto Argeo Quadri Mario Rossi orchestre Staatskapelle Dresde Staatskapelle Berlin Teatro alla Scala Staatsoper Vienne Teatro La Fenice il marchese di Calatrava Siegfried Vogel Plinio Clabassi Giovanni Antonini donna Leonora Grace Bumbry Hanne-Lore Kuhse Ilva Ligabue Elinor Ross don Carlos di Vargas Hermann Prey Dan Jordachescu Carlo Meliciani Kostas Paskalis Silvano Carroli don Alvaro Nicolai Gedda Martin Ritzmann Carlo Bergonzi Giuseppe Di Stefano Gastone Limarilli Preziosilla Helga Dernesch Sigrid Kehl Giulietta Simionato Giovanna Vighi il Padre Guardiano Gottlob Frick Theo Adam Nicolai Ghiaurov Ivo Vinco fra Melitone Günther Leib Renato Capecchi Mario Basiola Curra Lina Cerri un Alcade Enzo Dara Mastro Trabuco Ottorino Begali un Chirurgo Fred Teschler Hans-Jürgen Volk Giuseppe Morresi Uberto Scaglione édition Berlin (sélection) Phlips (sélection) Myto (sélection) GD (sélection) Mondo Musica support cd (allemand) lp cd cd cd enregistrement stéréo studio stéréo studio mono live mono live mono live

dans leur Mazeppa, Don Carlo notable, 1951: Quadri 1953: Herbert surprendra plus d’un auditeur. Grande et belle voix, timbre singulier immé- Pas évident de succéder à Busch. Le Les tournées américaines du Met diatement identifiable, ligne d’une hasard veut qu’en cette même année étaient en ces années une obligation à plasticité sui generis mais très prenante, 1951, une prise sur le vif nous invite à laquelle les chanteurs se pliaient de italianità à fleur de peau. On en rede- juger des mérites d’Angelo Quadri, di- plus ou moins bonne grâce, malgré mande ou, peu sensible aux atouts très rigeant à Amsterdam un orchestre leurs aléas. Ce live scabreux d’une soi- personnels de ce verdien hors norme, aussi débraillé que son plateau. Les ad- rée dirigée de manière anarchique à la on fait la moue. Moins exaltante mirateurs de la très professionnelle Nouvelle-Orléans par le maître des quoique fière, Walburga Wegner de- Antonietta Stella nous en voudrons de lieux (élève, naguère de Schoenberg !), meure prosaïque en Leonora, alors ne pas partager leur adulation pour à la tête d’un orchestre en débandade, que la Preziosilla de Mildred Miller une soprane foncièrement atone, justifie ces réticences. Que peut-on tombe dans l’habituel travers de la vul- quand elle ne force pas artificiellement sauver de ce naufrage ? Certes pas la garité. Marko Rothmüller est quant à ses accents de déploration, d’acte en Leonora d’une Zinka Milanov saisie lui un Carlo inexistant, Guardiano, une acte plus agressifs. José Soler laisse par- sous son pire profil. Les aigus lancés à basse ingrate. Pour Busch néanmoins, tagé, plutôt vilain de timbre et ins- pleins poumons ne peuvent racheter le et pour le charisme de Poleri il faut al- table. Rolando Panerai flotte dans un débraillé de la ligne, les accents hyper- ler vers cette version pour happy few. habit vocal qui n’est pas vraiment à sa boliques qui d’un élan passionnel mesure, mais conserve au moins di- vous font une crise d’hystérie. C’est gnité et plénitude. presque miracle que d’entendre alors 6 L’Avant-Scène Opéra n° 126 LA FORCE DU DESTIN – Version de Milan (1869), intégrales et sélections date 1966 – 16.II 1967 1967 – 26.XII 1968 – 9.III 1968 – IX direction Pasquale de Angelis Wilhelm Schuchter Fulvio Vernizzi F. Molinari-Pradelli Ino Savini orchestre Teatro San Carlo Staatsoper Berlin Teatro Regio Parme Metropolitan Teatro Viotti il marchese di Calatrava Alessandro Maddalena Franco Federici Louis Sgarro Gino Calò donna Leonora Elena Souliotis Hildegard Hillebrecht Radmila Bokocevic Leontyne Price Emma Renzi don Carlos di Vargas Mario Sereni Piero Cappuccilli Robert Merrill Angelo Mori don Alvaro Carlo Menippo Rudolf Schock Franco Corelli Franco Corelli Gianni Maffeo Preziosilla Franca Mattiucci Brigitte Fassbaender Louise Pearl Stella Sylva il Padre Guardiano Ivo Vinco Gottlob Frick Jerome Hines Silvano Pagliuca fra Melitone Alfredo Mariotti Fernando Corena Orazio Mori Curra Angela Rocco Lidia Gastaldi Carlotta Ordassy Mirella Marcossi un Alcade Augusto Frati Robert Schmorr Giorgio Federici Mastro Trabuco Mario Guggia Pier-Francesco Poli un Chirurgo Robert Goodloe Nello Carpi édition Hardy Eurodisc Myto (sélection) Myto Fabbri support cd (allemand) cd cd lp enregistrement mono live mono live mono live mono live stéréo studio

date 1977 1969 – VI-VII 1970 – I 1971 – 9.IX 1971 – 13.XI direction Andras Korodi Lamberto Gardelli Carol Litvin Fernando Previtali Ino Savini orchestre Hung. State Op. Orch. London Royal Philar. Radio TV Bucarest RAI de Turin Teatre del il marchese di Calatrava Antonio Zerbini Mihai Panghe Graziano Del Vivo Antonio Borras donna Leonora Eva Marton Martina Arroyo Maria Slatinaru Rita Orlandi-Malaspina Raina Kabaivanska don Carlos di Vargas Lajos Miller Piero Cappuccilli Nicolae Herlea Piero Cappuccilli Nicolae Herlea don Alvaro Béla Karizs Carlo Bergonzi Ludovic Spiess Carlo Bergonzi Carlo Bergonzi Preziosilla Margit Ercse Bianca Maria Casoni Zenaida Pally Franca Mattiucci Joyce Blackham il Padre Guardiano Kolos Kováts Ruggero Raimondi Nicolae Florei Agostino Ferrin Gwynne Howell fra Melitone György Bordás Geraint Evans Constantin Gabor Domenico Trimarchi Claudio Giombi Curra Mila Cova Mihaela Marcineanu Mirella Fiorentini Amelia Veiga un Alcade Florindo Andreolli Dan Musetescu Giovanni Gusmeroli Juan Pons Mastro Trabuco Virgilio Carbonari Ion Stoian Florindo Andreolli Diego Monjo un Chirurgo Derek Hammond-Stroud Dan Musetescu Rafael Campos édition Qualiton (sélection) EMI WOO Bongiovanni GD (sélection) support lp cd cd cd cd enregistrement stéréo studio stéréo studio stéréo studio mono live mono live

notre verdienne éperdue soutenir une par le chef. En l’absence de tableau de mot inégale – en deux, légèrement sur- « Vergine degli angeli » enfin respec- l’auberge et avec un Guardiano de sé- estimée. Bien charpentée son Ouver- tueuse de la ligne musicale, et lumi- rie B, le spectacle ne vaut en définitive ture, contrastée, suffisamment redon- neuse. Ignorante du smorzando exta- que par lui. dante pour faire fondre le public, sou- tique, au demeurant. Del Monaco lignées les syncopes de la scène 1953, avec ou sans Mitropoulos, 1953: Mitropoulos d’introduction, mais complaisante conquiert le public, sans états d‘âme l’entrée d’Alvaro ; cinglantes les fins de solfégiques ou stylistiques, toutes Chef d’exception, Mitropoulos tableau, mais coupable la démission voiles dehors dès sa désastreuse entrée signe à Florence une lecture de La devant Barbieri comme le rubato du en scène, mordant à souhait, soucieux Forza qui, à dix ans de distance, est duo Alvaro-Carlo. De même, l’agitato de nuancer sa grande scène du III et les souvent considérée, grâce au live, oppressant de Leonora aux pieds du duos qui s’ensuivent, avec d’évidentes comme aussi indispensable que celle Padre Guardiano laisse vite place au carences techniques. Leonard Warren de Marinuzzi. délayage de leur dialogue (ce qui per- – dont le nom est tragiquement lié à Dans un son cette fois mieux qu’ac- met d’entendre plus que jamais un celui de Carlo, du fait de sa mort en ceptable, rien ne nous échappe de ce souffleur ici omniprésent). Peu de re- scène dans ce rôle – est bien le seul qu’il obtient de l’orchestre très ordi- cherches de coloris par ailleurs, durant (avec Treigle en Calatrava) à honorer naire du Maggio Musicale. Objective- le prologue d’Alvaro… Mitropoulos la noblesse du romantisme verdien, ment (si la chose est possible), sa di- (dont on connaît la désastreuse Car- dévoyée par l’expressionnisme de ses rection nous paraît à la fois engagée et men du Met !) serait-il le chef de génie partenaires mais quelque peu délayée laxiste, fiévreuse et superficielle, en un que l’on dit ? Oui, si on lui doit la stu- L’Avant-Scène Opéra n° 126 7 Discographie

LA FORCE DU DESTIN – Version de Milan (1869), intégrales et sélections date 1972 – 25.VII 1974 – 29.IX 1975 – 27.V 1975 – 13.V 1976 – VII-VIII direction Fernando Previtali Julius Rudel Edward Downes orchestre Teatro Colón Staatsoper Vienne Opéra de Paris Covent Garden London Symphony il marchese di Calatrava Victor de Narké Manfred Jungwirth Robert Lloyd Kurt Moll donna Leonora Martina Arroyo Gilda Cruz-Romo Raina Kabaivanska Gilda Cruz-Romo Leontyne Price don Carlos di Vargas Giampiero Mastromei Kostas Paskalis Norman Mittelmann Sherrill Milnes don Alvaro Plácido Domingo Franco Bonisolli Giuseppe Giacomini Carlo Bergonzi Plácido Domingo Preziosilla Adriana Cantelli Joy Davidson Fiorenza Cossotto il Padre Guardiano Bonaldo Giaiotti Cesare Siepi Kurt Moll Bonaldo Giaiotti fra Melitone Renato Cesari Sesto Bruscantini Gabriel Bacquier Curra Elsa Ventura Axell Gall Anna Wilkins Gillian Knight un Alcade José Crea Harald Pröglhöff Malcolm King Mastro Trabuco Eugenio Valori Kurt Equiluz Michel Sénéchal un Chirurgo Tullio Gagliardo Georg Tichy William Elvin édition Arkadia Myto Golden Age (sélection) Ponto (sélection) RCA support cd cd cd cd cd enregistrement stéréo live mono live mono live mono live stéréo studio

date 1977 1978 – 10.VI 1980 – 4.IX 1985 – IX / 1986 - VI 1986 - VII direction Andras Korodi Giuseppe Patané Miguel Gomez-Martinez Giuseppe Sinopoli Riccardo Muti orchestre Budapest Ph. Teatro alla Scala Staatsoper Vienne Philharmonia Teatro alla Scala il marchese di Calatrava Giovanni Foiani Peter Wimberger John Tomlinson Giorgio Surian donna Leonora Eva Marton Montserrat Caballé Anna Tomowa-Sintow Rosalind Plowright Mirella Freni don Carlos di Vargas Lajos Miller Piero Cappuccilli Yuri Masurok Renato Bruson Giorgio Zancanaro don Alvaro Bela Karisz José Carreras José Carreras José Carreras Pácido Domingo Preziosilla Margit Ersce Maria-Luisa Nave Stefania Toczyska Agnes Baltsa Dolora Zajic il Padre Guardiano Kolos Kovacs Nicolai Ghiaurov Kurt Moll Paata Burchuladze Paul Plishka fra Melitone Gyorgy Bordas Sesto Bruscantini Reid Bunger Juan Pons Sesto Bruscantini Curra Mila Zambasi Margaretha Hintermeier Jean Rigby Franca Garbi un Alcade Giuseppe Morresi Paul Wolfrum Richard van Allan Silvestro Sammaritano Mastro Trabuco Piero di Palma Kurt Equiluz Mark Curtis Ernesto Gavazzi un Chirurgo Carlo Meliciani Neven Belamaric Petteri Salomaa Franck Hadrian édition Hungaroton Myto Legendary Recordings DGG EMI support cd lp cd cd enregistrement mono live mono live stéréo live stéréo studio stéréo studio

date 1986 – 30.IX 2005 – 29.V 2006 – I direction Maurizio Rinaldi Giorgio Paganini Lukas Karytinos orchestre Orchestra T.A.S.M. Casa de la Ópera Filarmonica Veneta il marchese di Calatrava Davide Ruberti Claudio Rotella Giuseppe Nicodemo donna Leonora Maria Prosperi Adelaida Negri Susanna Branchini don Carlos di Vargas Marzio Giossi Leonardo López-Linares Marco Di Felice don Alvaro Antonio Marcenò José Gonzalez-Cuevas Renzo Zulian Preziosilla Cristina Giorgetti Alicia Cecotti Tiziana Carraro il Padre Guardiano Roberto Titta Carlos Esquivel Paolo Battaglia fra Melitone Francesco De Leo Luciano Miotto Paolo Rumetz Curra Roberta Bienchi-Lusardi Vanina Guilledo Silvia Balistreri un Alcade Davide Ruberti Sebastiano De Filippi Luca Dall’Amico Mastro Trabuco Valerio Menolotto Gustavo Torella Antonio Feltracco un Chirurgo Davide Ruberti Esteban Hildebrand Romano Franci édition Timaclub New Ornamenti Dynamic support lp cd cd enregistrement stéréo live stéréo live stéréo live

8 L’Avant-Scène Opéra n° 126 péfiante furia de la jeune Tebaldi, qui sastreuse du report sur vinyle de la somme. Inutile de dire que Serafin brûle littéralement les planches. Ses captation radio ôte, hélas, toute perti- mène le tout sans conviction, sans piani lumineux vont de pair ici avec un nence à nos impressions. Le style dé- doute lucide sur son plateau, ce qui ne mordant inhabituel, une facilité dans braillé de la Milanov, à peine plus sup- le dispensait cependant pas de veiller à l’aigu qui est d’un authentique so- portable qu’à la Nouvelle-Orléans la précision de ses cordes et à la cou- prano spinto, un engagement haletant l’année précédente, est vite lassant, qui leur de son harmonie. du plus bel impact, gâté, il est vrai, par assimile notre héroïne à une mauvaise quelques « Alvaro ! Alvaro ! » grand-gui- Santuzza. Le ténor Gino Penno, peu 1955: Votto gnolesques. Admirable « Son giunta » gâté par le rendu sonore, à l’exception comme « Pace, pace, mio Dio » du IV, de sa grande scène qui le cerne correc- Un « pirate » comme nous les ai- phrasé comme une caresse, rayonnant tement, possède d’Alvaro la hauteur mions hier, nimbé d’un brouillard so- d’éloquence pudique et cristalline, en- d’émission, le souci de la nuance, nore ourlé d’un délicieux rumbling qui fin, son assomption. Autour, on fait jointe à l’extraversion plutôt rustre confère du vibrato à ceux qui en sont avec ce que l’on a. Un bronze ostenta- d’aigus tutta forza. Warren phrase, lui, privés et redouble celui des voix ins- toire pour Del Monaco (« Di mia regale noblement. Difficile de recommander tables. Qui n’a pas scruté, au détour stirpe signore » vaut le détour !), celui un document si peu audible. d’une scène malmenée par une vitesse d’une bête de théâtre sûre de son mor- de rotation aléatoire, l’instant miracu- dant, écourtant les valeurs de notes, 1954: Serafin leux où le génie d’une interprète de lé- scandant cavalièrement son texte, re- gende récompense votre quête opi- cherchant parfois la nuance avant de La marée descendante du vérisme niâtre ? Ce live milanais donne peu à respirer bruyamment pour monter à fait-elle apparaître Maria Callas en entendre de l’orchestre mené par l’assaut d’un Si bémol, bref ce dont on 1954 comme l’ultime recours verdien ? Votto, sinon des cordes savonnées raffolait à l’époque avant qu’un Corelli Ces disques, parmi ses moins convain- dans l’ouverture et, d’une manière gé- n’opère le nécessaire retour à un chant cants, sont loin d’en administrer la nérale, de curieux abandons aux ca- plus romantique. Observons cependant preuve. On nous dira, et c’est vrai, prices des chanteurs. Au premier rang, qu’un Karajan obtenait tout autre qu’elle captive plus que toutes les un Di Stefano qu’il vaut mieux écouter chose du même Del Monaco, par autres, par la justesse du mot, l’intelli- ici, malgré les aléas et distorsions qui exemple dans . gence de la phrase, sa dynamique, la maquillent son timbre, qu’en 1958 à Si Protti est alors le solide baryton ferveur de son engagement toujours son déclin. Après une entrée sé- que nous connaissons, sans complexes maîtrisé. Il n’empêche que la voix n’y millante, le ténor – qui ne force pas particuliers, la Preziosilla de la Bar- est pas, fibreuse, instable, incertaine d’emblée ses moyens – peut séduire, bieri, sauf le respect qu’on lui doit, est dans l’aigu, contrainte dans ses élans tant sont spontanée sa projection et absolument obscène vocalement, in- (l’agitato du premier duo avec Alvaro), délié le duo avec une Tebaldi décidé- capable de vocaliser, aboyante et vul- peu homogène lorsqu’il convient ment superbe. Sa grande scène du III le gaire. Capecchi en Melitone, un rôle d’épouser la ligne dramatique de « Son voit soucieux de demi-teintes (falsetti- qu’il fera sien désormais, offre une giunta », les tensions de l’air du IV. Le santes), celles qui le rendaient si atta- voix timbrée et ferme à son person- génie, incontestable, ne suffit pas à chant à ses débuts et que de semi- nage haut en couleur. Celle de Cesare donner à Leonora la plénitude et la hurlements viennent bientôt relayer. Siepi trouve sa noirceur dans une rela- sensualité que ce drame flamboyant Points d’orgue, voyelles ouvertes, excès tive mollesse de l’articulation mais sa requiert. Première rencontre avec Tuc- démonstratifs : le style débraillé qui stature vocale est bien celle de la der- ker, grand familier du rôle d’Alvaro, prévaudra désormais est en germe. Le nière grande basse italienne du siècle que nous retrouverons égal à lui- duo du champ de bataille qui l’af- en ce répertoire. C’est en définitive la même, très professionnel, avec Mila- fronte au monolithique Protti, s’en- seule Tebaldi qui nous invite à réécou- nov encore en 1954, et même avec combre ainsi d’accents outrés et de cris ter ces faces. Leontyne Price quelque dix ans plus « véristes ». Celui du couvent, initié tard. Voix ingrate, fierté d’émission, comme un cantabile puccinien tourne 1954: Stiedry style châtié mais décevant dans sa à la furia de Turiddu. On sait quel fris- grande scène du III car sanglotant et à son cette vocalité épidermique peut Faute de disposer du live du Metro- court d’aigu. Rossi-Lemeni ne peut provoquer sur l’auditeur. Unique rai- politan de 1952, dans lequel la my- suppléer par sa seule intelligence à la son pour laquelle on ira vers ces thique et surestimée Zinka Milanov modestie de ses moyens, surtout après disques par ailleurs sans grand intérêt. endosse le rôle de Leonora, face à Ri- Pinza, Pasero et Siepi, mais cette qua- chard Tucker et Leonard Warren, om- lité lui inspire d’heureuses inflexions. 1955: Molinari-Pradelli niprésents dans nos recensions améri- Infinie tristesse d’entendre un Taglia- caines de La Forza, celui de 1954 où ce bue sénile et chancelant, écrasé dans Où l’on retrouve Renata Tebaldi, dernier se heurte au ténor Gino Penno son duo par le pleurnichard Alvaro de surexposée par la prise de son Decca, pourrait nous éclairer sur l’étiage vocal Tucker. Une Preziosilla presque aussi métallique et agressive au-dessus du La des représentations de l’ouvrage dans honteuse que Barbieri, un Capecchi forte, composant une femme passion- la capitale américaine. La qualité dé- égal à lui-même : rien d’exaltant en née, quand à Florence elle vivait cette L’Avant-Scène Opéra n° 126 9 Discographie passion. Toujours délicate et pure dans en 1954, mal captée, ou à son franc moyens et la ductilité du chant roman- le cantabile ou la nuance piano, elle ap- déclin en 1959. tique. En artiste néanmoins pertinente paraît globalement inférieure à elle- Ses atouts : un velours dans le mé- et sûre, elle ne démérite pas et com- même en dépit du rayonnement de ses dium, une homogénéité et une am- pense par la seule fermeté des mots ce colorations. Une belle Leonora cepen- pleur du registre aigu, une projection, que son chant ne parvient pas à em- dant, idiomatique et nuancée, quoi- jointe à un soutien du souffle porteur brasser. Nous la retrouverons sept ans qu’ici limitée et rigide dans le registre d’excellents piani, un tempérament en- plus tard, aguerrie, plus sûre de son aigu. Le studio réussirait plutôt bien à fin. Celui-ci se traduit, nous l’avons médium et plus crédible face à l’Alvaro Del Monaco dans la mesure où il flatte noté à l’occasion du très aléatoire do- de Carlo Bergonzi. Pour l’heure, Di Ste- son timbre de bronze. Le chant est cument Herbert de 1953, par une re- fano, dans un de ses mauvais jours et toujours aussi sommaire, à la hus- dondance expressive odéonesque, da- dans des habits vocaux trop larges pour sarde, les efforts pour alléger, plus sen- tée, archaïque, particulièrement gê- sa voix ouverte et indurée, exhibe ses sibles que dans l’arène du théâtre, nante quand vient l’agitato. Pour un défauts sans parvenir à jouer sa carte tournent court, mais cet Alvaro casqué « Pace, pace » légendaire depuis le 78 habituelle de bourreau des cœurs et de est insoupçonnable au chapitre de la tours de 1948, cette ardente chanteuse Sicilien de charme. Comme Votto virilité ! Il trouve à qui parler en la per- a su conserver en ces années un legato semble s’ennuyer et que le rudimen- sonne d’un Bastianini également flatté de violoncelle mais voit s’accuser ses taire Protti et la pauvre Carturan indif- par la somptuosité de la prise de son. travers à mesure que le tempo l’oblige à fèrent, il ne reste guère que Siepi pour Le Guardiano de Siepi est connu et se découvrir. Warren demeure le bel ar- justifier ce médiocre live. trouve à s’extérioriser dans « Il santo tiste un peu neutre que l’on connaît. nome » traité façon Decca. Le chef ne Capable d’élégance, de moelleux, sa- 1957: Sanzogno convaincra guère, pas assez rigoureux chant conserver à sa ligne morbidezza et dans une optique toscaninienne, ni as- tenue, aimant à exhiber un aigu plus Anita Cerquetti, étoile filante de sez passionné pour jouer la carte ro- aisé qu’on ne le pressentait, il pèche l’opéra italien, n’avait aucun mal à mantique, ni raffiné pour diversifier désormais par l’opacité de ses demi- maîtriser la tessiture et le chant di forza les couleurs de son orchestre, au de- teintes (qu’imitera un Milnes) et une de Leonora, son italianità y faisait mer- meurant décevant. De Corena, on relative neutralité de l’expression, re- veille comme la projection solaire de évite ici la surcharge grossière, sa voix vers de sa noble sobriété. L’ensemble son chant. Ce document HRE, peu ré- lui interdisant alors d’y recourir systé- de la distribution mérite par ailleurs pandu et par ailleurs terne, retiendra matiquement. La déception viendra de qu’on y aille voir. moins l’attention toutefois que celui la Simionato, a priori la plus intègre distribué par Replica et datant de la vocalement de toute cette équipe, en 1957: Votto même année. Que le lecteur soit cepen- fait mal à l’aise dans une tessiture qui dant prévenu : le son en a été « stéréo- ne lui convient pas et un rôle trop Ces années 50, plus contrastées qu’il phonisé » de la plus vilaine manière, gouailleur pour elle, tentée de forcer le ne nous arrive de le dire sous le coup faussant tout jugement du fait de son décolleté pour faire valoir ses appas, d’une colère contre le mauvais chant artificielle réverbération. Ni le ténor, brutalisant ses registres et frôlant la alors largement dominant, comptaient emphatique et passe-partout, ni Chris- vulgarité. L’exemple même des plus d’un talent féminin de premier toff ou Simionato que nous rencontre- grandes intégrales Decca de l’époque, plan. Le live nous en présente deux : rons ailleurs, ni le quelconque Sanzo- fastueuse au plan sonore, exploitant Leyla Gencer – dont c’était en 1957 gno n’inciteront à acheter ces disques. les potentiels vocaux du couple Te- l’entrée à La Scala (avec ses premiers Seule Cerquetti pourra séduire. baldi-Del Monaco, et de têtes d’affiche pas dans les Dialogues de Poulenc) – et de premier rang, mais tout compte fait Anita Cerquetti – l’espoir du chant ita- 1958: Molinari-Pradelli en-deçà de l’indispensable. lien de l’époque, véritable soprano li- rico spinto, dont la carrière allait achop- Il arrive que certains soirs, pour peu 1956: Stiedry per sur des problèmes de santé. Le que le climat du théâtre soit chargé disque Melodram est un document live d’électricité comme un ciel d’orage, Il ne faut pas demander à un pirate du 5 juillet 1957 enregistré lors d’une chacun aille jusqu’au bout de lui- des années cinquante au Met plus tournée de La Scala où Antonietta même et donne le meilleur de son ta- qu’il ne peut donner, les coupures Stella et Giulietta Simionato, indispo- lent, quand bien même le chef censé alors pratiquées (notamment la scène nibles, furent remplacées par Leyla catalyser tous ces talents individuels de l’auberge) et les aléas de l’or- Gencer et Gabriella Carturan (modeste se contente d’observer l’éruption sans chestre maison pénalisant l’ouvrage Curra de la version Molinari-Pradelli la contrarier. C’est bien ce qui s’est de manière frustrante. Mais si l’on dé- de 1959). L’intérêt en est mince. Leo- passé ce soir de 1958 au San Carlo de sire entendre Zinka Milanov, hier nora n’a jamais été pour la belcantiste Naples et qui nous vaut le plus exci- l’exact profil vocal de Leonora, par turque un emploi naturel, surtout en sa tant des enregistrements intégraux, l’ampleur des moyens et la foi ver- jeunesse et malgré l’héritage reçu de live ou non, en dépit de la précarité dienne de l’artiste, c’est ici plutôt Giannina Arangi-Lombardi qui, elle, des moyens de prise de son. Quelque qu’en 1953, totalement déstructurée, possédait, à la fois l’ampleur des chose comme les Callas de Mexico. Le 10 L’Avant-Scène Opéra n° 126 paradoxe est que nous avons ici af- 1958: Previtali gent Louis Sgarro (Marquis de Cala- faire à Tebaldi, trop souvent enterrée trava), Tebaldi affiche encore une belle sous les fleurs offertes à sa rivale, alors Une Milanov usée, à bout de santé vocale, peut-être plus évidente que dans un tel rôle, « lirico-drama- souffle, pénible caricature du bel or- qu’à Naples en 1958 grâce à la mise en tico-prévériste », elle la surclasse aisé- gane verdien que nous évoquions su- espace de la prise de son. L’aigu est ment. Jeune encore, en pleine posses- pra, sans le génie de celles qui savent aisé et le plus souvent juste d’intona- sion de moyens intrinsèquement ex- sublimer leurs défaillances, un Di Ste- tion, irisé dans les piani, imparable ceptionnels, elle n’est pas inférieure à fano déplacé dans un emploi excédant dans les forte. On note de surcroît une ce que nous remarquions à propos de ses possibilités naturelles et tech- assise grave d’authentique soprano la soirée de Florence. La présente, na- niques, réduit à forcer un timbre na- dramatique. Venu de loin, peu audible politaine, se déroule dans une atmo- guère enchanteur et qui conserve une à son entrée, Tucker va gagner de mi- sphère de fête, d’exaltation, de ferveur étincelle de séduction, insuffisante nute en minute. La couleur est ce lyrique exubérante. « Un angelo », en- pour racheter son débraillé de « lirico- qu’elle est, la projection sans doute tend-on s’écrier dans la salle après la néovériste », ne peuvent combler l’au- impressionnante en salle, le trait tan- scène « Son giunta », et l’image n’est diteur. Warren est d’une autre décence tôt caressant, tantôt acéré. Le duo des pas ridicule tant l’état de grâce de la vocale et musicale, et l’émotion est amants, précipité par le chef, la voit chanteuse est évident, qui se confirme grande de songer au sort tragique qui tendue tandis qu’il en perd sa syntaxe au moment de « La Vergine degli sera le sien quelques mois plus tard, rythmique. Devant un Jerome Hines angeli », idéalement posée sur un de sorte que sa respiration oppressée légèrement en deçà de la donne, Te- souffle transparent, comme au finale dans le récitatif de l’air « Urna fatale » baldi la voce d’angelo exhale sa « Vergine dans le sublime « Lieta poss’io comme le La bémol triomphal sura- degli angeli » en état de grâce. Comme à precederti ». Le tonnerre d’applaudisse- jouté à la cabalette sont autant de si- l’habitude, le ténor en rajoute dans sa ments qui auparavant aura salué son gnaux rétrospectifs de sa puissance et grande scène du III, follement applau- « Pace, pace » est tout aussi mérité. Le de sa fragilité. Lui seul en vérité die en conséquence, contribuant à public, ce soir-là, galvanise ses chan- marque une distribution où Giorgio neutraliser ensuite le très correct mais teurs, suppléant au chef sans ressort. Tozzi fait ce qu’il peut pour maintenir un peu clairet Carlo de Mario Sereni. Corelli en est comme dopé et ne la ligne de ses devanciers, où Rosalind De l’affrontement final des deux trouve plus le temps de s’abandonner Elias n’est que convenable, et dont on hommes, on retient surtout l’incisivité à ses sanglots : le trait est net, projeté, risque de ne retenir que les faiblesses. de Tucker. Du célèbre « Pace ! Pace ! » de les demi-teintes en situation, le récita- Leonora, privé de son smorzando, une tif de sa scène du III excellent, comme 1960: Schippers fatigue sensible dans l’incertitude de l’air « O tu che in seno agli angeli », posé l’intonation. Le dénouement échevelé sur une colonne d’air inépuisable au- Pour Tebaldi dont Leonora de La ne manque pas de grandeur. Une réus- torisant un legato détendu et des colo- Forza aura vraiment été un rôle fétiche, site d’ensemble comme on n’ose en rê- rations inouïes. Triomphe alors à par- c’est au moins la cinquième et, sauf er- ver aujourd’hui, les réserves mal- tir duquel notre ténor multiplie les ef- reur, la dernière incarnation au disque veillantes sur la Tebaldi faisant à pré- fets de couleur, de dynamique (dans depuis 1953 et Mitropoulos. Tucker sent sourire. le duo « Solenne in quest’ora… Or, paraît quant à lui pour la troisième muoio tranquillo ») sans rien céder de la fois et nous surprendra encore, notam- 1960: Mitropoulos nécessaire autorité du spinto, ce que ment en 1964, sous la baguette à fou- démontre son duo final avec le Carlo cades du même Schippers. Moins sou- Toujours meilleure à la scène qu’au d’airain de Bastianini. Au mieux, ce vent au rendez-vous de Melitone, le sa- studio, Antonietta Stella, belle artiste dernier, noir de timbre, jeune loup voureux mais cabotin Baccaloni n’en ici dans le rôle de ses débuts en 1951, aux dents acérées, ferme de voix, fier est qu’à sa deuxième prestation au aura souffert d’évoluer dans l’ombre d’allure, doté alors d’un aigu conqué- disque depuis le document aléatoire des monstres sacrés, alors que son rant, en cet emploi où son monoli- Bruno Walter de 1943. C’est toutefois chant de bonne école et une expan- thisme est péché véniel. Boris Chris- d’une oreille neuve et sans préjugés sion vocale non négligeable lui assure- toff, toujours un brin exotique en qu’on écoutera la restitution sonore de raient aujourd’hui une renommée in- basse verdienne, intériorise émission cette soirée new-yorkaise du 12 mars ternationale. À cela se limitent cepen- et discours dans un esprit de recueille- 1960. Un son excellent (sans doute ra- dant ses mérites. Retrouver autour ment très orthodoxe. Si Capecchi a de diophonique) autorise une apprécia- d’elle les mêmes, Di Stefano, Bastia- nouveau revêtu le costume de Meli- tion fine de cette « intégrale » à la nini, Simionato, n’est pas de nature à tone, se déchaînant lui aussi au der- mode américaine, amputée de la scène encourager une redécouverte. On ne nier acte, seule la Preziosilla d’Oralia de l’auberge et donc ingrate pour la méprisera cependant pas ce live de Dominguez s’expose à la critique Preziosilla de Mignon Dunn et pour le Vienne. quand survient la vocalise. Une soirée baryton. Ce dernier se (nous) console Cette même année, sous la baguette mémorable. avec le duo du III « Né gustare m’è dato » de Previtali, la belle Gré Brouwenstijn, au demeurant si bien négocié par le té- troquant la Leonore de Beethoven où nor. Trompant la vigilance du très dili- elle excellait pour celle de La Forza, se L’Avant-Scène Opéra n° 126 11 Discographie croit obligée de s'encanailler pour a bien du mérite à tenir un plateau que au studio cinq ans plus tard. Depuis épouser un Verdi qui ne lui est nulle- compromet gravement le lirico-veristico Del Monaco et grâce, notamment, à ment congénital. Accents d'une rare de l’impossible Floriana Cavalli, réso- Corelli, le rôle d’Alvaro s’est recentré. vulgarité, diction italienne exotique, lument à côté du diapason, saccageant On l’aboie moins, on le chante davan- ligne hachée, un expressionnisme hors la ligne verdienne par ses hoquets et tage, dans le souvenir de Fraschini, de propos assaisonné de pénibles hu- ses hululements. Impossible de confé- créateur du Bal masqué dont Bergonzi, lulements.Une prestation à oublier. rer à l’éminente Josephine Veasey, précisément, aura été le meilleur inter- fourvoyée en Preziosilla canaille, un prète en ce demi-siècle, lui qui a ren- 1961: Previtali soupçon d’homogénéité vocale et de contré Alvaro dès ses débuts de ténor souplesse. Peu à attendre d’un Carlo en 1951. Pas de contre-Ut dans cette Buenos Aires, Previtali, bis repetita au vibrato indocile. Comment expli- version de 1869, moins tendue que un an plus tard, une vériste succédant quer à Renato Capecchi qu’il en fait l’originale et privée de cabalette, pas à la trop germanique Brouwenstijn, le trop dans le pléonasme expressif ? d’écueil à redouter pour un ténor dont mauvais goût à l’impréparation musi- Bonheur en revanche que d’entendre l’aigu tend à s’écraser à partir du Si bé- cale. Floriana Cavalli, étoile filante que un Ghiaurov alors souverainement ho- mol, mais l’occasion de démontrer Karajan ne dédaignera pas en Floria mogène dans tous ses registres, géné- l’importance du cantabile dans cet quelques mois après, confère à reux à faire pleurer les pierres du cou- opéra si vocal. L’italien le plus pur, le sa Leonora des inflexions de Giorgietta vent quand il phrase cet « Un’alma a plus énamouré des mots, attentif à d’Il Tabarro. L’italianità du timbre, ap- piangere » anthologique. L’épithète vaut leur scansion, à leur coloration, Ber- préciable, n’est pas en cause, mais bien également pour l’Alvaro de Bergonzi, gonzi nous l’offre, capté d’un peu loin la surenchère grandiloquente, cache- dont c’est sans doute le meilleur au à son entrée, idéalement présent à sa misère d’une technique approxima- disque car idéalement capté et chanté grande scène du III, ouverte sur un re- tive. Ce que trahira une « Vergine degli en apesanteur. Trop policé et belcan- citativo scintillant, culminant avec son angeli » privée de soutien, quand les as- tiste ? Refusons ce paradoxe tant la air, délié d’incomparable façon. sauts des dernières scènes écorchent plasticité du phrasé et la pertinence du L’émotion d’« Or, muoio tranquillo » naît les oreilles. Aigus miaulés, graves vilai- mot redonnent à ce rôle, souvent tiré de la seule beauté du timbre et du nement appuyés tiennent lieu à notre vers une virilité sommaire, la classe phrasé et l’on enrage d’être privé du amante éplorée de slancio verdien. De qu’il mérite. Solti s’emploie d’ailleurs duo du duel, celui du quatrième acte Tucker, ici plus sobre qu’à l’ordinaire à muscler la narration cursive de ce voyant s’ouvrir les cieux et redescendre au III, haut et fier ailleurs, les vertus ne drame flamboyant, de sorte que les Gigli, à partir du sublime « sulla terra sont plus à célébrer. Giuseppe Taddei plages de beauté pure qu’il concède à l’ho adorata… » avant un « Dal ciel son renouvelle en revanche la galerie de son ténor en sont comme un supplé- perdonato » final inouï, au sens propre portraits de l’irascible Carlo. S’il ment d’âme. du mot. Si l’on recherche en Alvaro scande mécaniquement les couplets une flamme et une quinte aiguë impa- de « Son Pereda », si souvent et honteu- 1964: Molinari-Pradelli rable, on sera bien sûr déçu, mais sou- sement biffés de la partition, l’intégrité lignons combien le beau chant est ici de son émission, la franchise de sa Nous annoncions une Gencer galvanisé par la scène bolonaise. couleur et la dynamique de son phrasé mieux armée pour affronter une émis- Un Cappuccilli sonore, juvénile, ef- font chaud au cœur. Face à Tucker sion, une largeur et une tension qui ne ficace, complète une distribution obli- dans les duos fusionnels ou vindicatifs sont pas vraiment dans ses cordes. térée par une basse et une mezzo aussi qui les rassemblent puis les opposent, Nous l’avons ici, dans un son excellent, « province » (au sens de Gatti) que l’or- il conserve l’avantage du timbre et de très présente, donnant aux mots leur chestre. la souplesse. Clabassi n’est que correct poids, à la phrase sa courbe et sa dyna- en Guardiano, flanqué d’un Melitone mique, colorant d’admirables sons filés 1964: Schippers futé. Oralia Dominguez nous semblait un discours inutilement surchargé de mieux inspirée en 1958 à Naples, sa sanglots, soupirs et autres pâmoisons, L’Amérique et RCA auront beau- fougue s’exerçant ici au détriment de facilité que s’accordent toutes les bel- coup fait pour La Forza et il est arrivé la mesure et de l’équilibre des registres cantistes égarées dans des emplois pré- que celle-ci le leur rende bien : c’est le . véristes (voir déjà Simionato) pour cas de ces disques, mieux qu’intéres- 1962: Solti donner le change sur leur carrure. Mais sants. quelle admirable messa di voce au IV, D’abord parce qu’ils réintroduisent Un vent de panique avait soufflé sur quelle habileté à jouer sur des registres le duo du duel à l’acte III, et que Tuc- la première Forza de Solti, nouvelle- disparates, souvent fabriqués, mais ker y exhibe une rare transparence. ment promu à la tête de Covent Gar- toujours au service d’un art du clair- Ensuite parce que Schippers, chef fou- den au point que le ténor Bergonzi en obscur, quels piani impalpables… gueux mais inégal, prend ici la juste avait perdu sa perruque en scène. Un quand bien même quelques hoquets… dimension d’un ouvrage que nous Bergonzi qui constitue l’atout premier L’intérêt se concentrera néanmoins avons dit éparpillé et qu’il parvient à de la soirée préservée par Myto et qui sur Carlo Bergonzi, étonnant de bout unifier en ne se limitant pas à la mise grâce à lui demeure historique. Le chef en bout, très supérieur à ce qu’il sera en valeur des temps forts du drame, 12 L’Avant-Scène Opéra n° 126 mais en en soignant le tissu orchestral 1965, le flamboyant Alvaro conjugue lyrique de Leonora trouve ici un vio- et le climat expressif de façon conti- toujours l’insolence d’un héritier de loncelle de belle facture. D’un aussi nue. On est tout prêt à reconnaître par Martinelli et Masini (sans trop de ri- bel instrument, la chanteuse améri- ailleurs que la sensualité du timbre de gueur) et une technique du souffle et caine s’avère hélas incapable de faire Leontyne Price, l’égalité de son souffle de la dynamique des nuances qui jaillir la moindre inflexion drama- et de son phrasé, les transparences de n’est qu’à lui, quoi qu’on en dise. Le tique, le plus modeste accent verdien, son haut-médium en font a priori une rapprochement avec Naples 1958 se contentant de tenir l’archet en négli- Leonora d’exception, celle de La Forza n’est cependant pas à son avantage, le geant l’articulation et la vibration ex- comme celle hier du Trouvère. Peuvent climat des tournées favorisant chez lui pressive. Une belle prose sans âme indisposer en revanche, outre l’opa- une propension au relâchement, qui quand nous souhaiterions une chan- cité du grave et le rétrécissement de témoigne autant du stress que de la son de geste épique ! l’aigu au-dessus du La, des inflexions volonté d’éblouir. Grande et belle Beau chant et parole verdienne se à la Carmen Jones pour le moins exo- voix, Eileen Farrell, entendue à ses dé- conciliaient mieux avec le Bergonzi live tiques. Une part de son charme vient buts à la radio dans une imitation de de Bologne ; la leçon de chant est au peut-être de ces graves ambrés : on Rosa Ponselle (dont nous avons en studio tout aussi impeccable, mais un nous pardonnera de ne pas y succom- face 6 de l’édition LR un « Pace, pace » grain de tenorilità à la Corelli n’aurait ber. Transformer le récitatif « Son de 1942), apparaîtra presque trop gé- rien gâché ; d’admirable, son Alvaro en giunta… estremo asil quest’è per me ! » néreuse de moyens en Leonora et, par- eût été sans rival. Le gros plan du stu- en pastiche de « My man’s gone now » et tant, obligée de surligner le trait ver- dio ne réussit pas à Cappuccilli, ryth- mêler ainsi Verdi et Gershwin… Su- dien, mais sa santé vocale rejoint heu- miquement fluctuant, approximatif de perbes toutefois « La Vergine degli an- reusement celle de son play-boy de style et d’intonation (quelle platitude geli », moins incorporelle que solaire partenaire. dans son « Buona notte… »!) ou le « Pace, pace » du dernier acte, Toujours en 1965, avec le solide Evans en Melitone fait dans l’his- somptueux, altier et riche de Santi, Corelli, en mauvaise forme, trionisme rocailleux, quant à Rai- contrastes. Alors, oui, la voix de Price peine aux deux sens de l’expression, en mondi, en fausse grande basse Verdi, il est envoûtante. étalant ses défauts, aux côtés d’une Ga- est de peu d’étoffe et rien n’y peut Tucker ne peut compter sur le ma- briella Tucci diligente mais sans génie changer, surtout pas les sons pris en gnétisme de son timbre et s’affirme par et d’un Bastianini déjà miné par la ma- dessous à la manière russe. Pour la seule maîtrise d’une émission inci- ladie. quelques transparences d’Arroyo, pour sive, haute, surchargeant inutilement Trois ans plus tard, le ténor – dont la séduction de Bergonzi, on se sou- son récitatif et son air du III, poussant ce sont les dernières belles saisons – viendra de ces faces. ses aigus quand il faudrait smorzare rivalise de décibels avec sa partenaire, (« Solenne in quest’ora »), mais proche une Leontyne Price légèrement éprou- 1972: Previtali de l’idéal dans le duo « Né gustare m’è vée par la fréquentation des rôles dato », must de cette version. spinto et portée à pallier l’atonie de son Le souvenir des représentations pa- Il y affronte Robert Merrill, voix d’or bas-médium par ces inflexions améri- risiennes de l’ère Liebermann et no- et complicité artistique nouée sur la caines qui peuvent à la longue irriter. tamment des Forza portées en 1977 scène du Met, plus mordant encore Reste que ce couple demeure excitant, par le couple Martina Arroyo / Plácido que Bastianini, mais comme lui à court davantage que Merrill et Hines, Moli- Domingo incite à aller voir du côté de d’imagination. On retrouvera sans dé- nari-Pradelli entérinant les coupures Buenos Aires. Avec leurs plus et leurs plaisir Tozzi en Padre Guardiano, de Stiedry, ce qui nous prive de 20 mi- moins, ces deux verdiens offrent le digne et intègre vocalement devant une nutes de musique. meilleur de soi, dans un constant mé- Leonora à qui il arrache des aigus lange de feu et d’eau tiède. Le feu, c’est d’une douloureuse agressivité. Artificiel 1969: Gardelli assurément le ténor, brûlant ses aigus le Melitone de Flagello, et pas drôle un rien serrés, quand le médium se di- pour un écu, la Preziosilla léonine de Gardelli-Arroyo, le degré zéro du late généreusement, se donnant corps Shirley Verrett, trébuchant sur la voca- charisme verdien et l’apothéose du sté- et âme à son personnage d’aventurier lise et affligée d’un amusant cheveu sur réotype. Mais nous retrouvons Ber- péruvien au sang chaud et ce dès son la langue. Une bonne version qui n’a gonzi, et Martina Arroyo n’est pas dé- «Ah per sempre o mio bell’angiol » initial. que le défaut de manquer ouverte- pourvue d’atouts vocaux. Voix ronde, Une tension qui dans les scènes fi- ment de parfum du terroir italien ! homogène, malléable, aigu bien épa- nales, une fois passé le duo du duel noui, sans cette raucité qui nous irrite qui exacerbe son haut-médium, le 1965-1968: Corelli chez une Leontyne Price, conduite pousse à ses limites dans ses ultimes (Guadagno, Santi, quasi instrumentale du son, jamais interjections de réprouvé éperdu de Molinari-Pradelli) forcé, sobriété de ligne, dénuée d’em- douleur. C’est toutefois dans le canta- portements néovéristes, toutes qualités bile de son grand monologue du III Corelli à sa plus belle époque mais rares qui méritent d’être soulignées et que cet artiste de tempérament va pas forcément ses meilleurs soirs. En qui nous valent d’inappréciables mo- droit à notre sensibilité par la pré- tournée à Philadelphie ce 14 avril ments de pur cantabile. La face angelico- gnance de son timbre et celle d’un L’Avant-Scène Opéra n° 126 13 Discographie phrasé enveloppant. Pour Arroyo, le d’un Panizza !), est l’homme de la si- d’aiguillonner les recrues d’un « Che timbre et la facilité d’un registre supé- tuation. On le sait capable par ailleurs vergogna » d’acier, à l’aise comme per- rieur homogène et solaire tiennent de délicatesse et de raffinements ro- sonne dans une tessiture et une écri- lieu d’engagement, on le sait depuis la mantiques, mais toujours dans la fou- ture fatales à plus d’une, moins vul- version studio de 1969, la scène n’y lée d’une lecture revigorante de la par- gaire que Simionato (ce qui étonnera), ajoute guère. Il reste que cette voix de tition ; en lui, le Risorgimento frappe à elle donne à l’ensemble du plateau velours aux drapés trop amples pos- la porte, fût-elle celle du Destin. Les une éblouissante leçon de jeunesse vo- sède de Verdi l’ampleur. Si l’on excepte cordes n’y acquièrent aucune précision cale. Un remake inutile. le Guardiano vibrant à tous les sens du (attendons Muti) mais les cuivres étin- terme, de Bonaldo Giaiotti, la distribu- cellent et la profondeur de champ 1977 : Korodi tion ne laisse guère de souvenirs. Pour (à défaut de celle du chant) est assurée. l’entrée en compétition de Domingo, Grand habitué du rôle d’Alvaro, rôle Un Verdi allégé, 20 % de matière un détour est conseillé. fétiche (son fils porte ce prénom pour dramatique, ne fait pas de mal (excep- cette raison) qu’il chante depuis 1969 tée la Preziosilla gloussante), mais ne 1974 : Muti (son premier à Hambourg), Plácido fait pas davantage de bien. Voix jeunes Domingo lui prête une telle pulsion au demeurant, parfois policées (Guar- Muti en tournée à Londres avec le sanguine innée, un élan et une richesse diano et Carlo) voire de belle ampleur Staastsoper de Vienne fait son entrée de timbre, qu’on en oublierait la ten- (la jeune Eva Marton, alors promise à dans notre discographie grâce au live sion de l’aigu, la relative pauvreté de la un bel avenir), mais approche vocale proposé par Myto, 12 ans avant l’inté- dynamique des nuances, et le fait qu’il et culturelle superficielle et qui très grale de studio du maestro embléma- pousse régulièrement ce qu’il convien- vite génère l’ennui. tique d’une certaine orthodoxie ver- drait parfois d’alléger dans le sens dienne sur laquelle il nous faudra re- d’une lecture moins générique et d’une 1978 : Patané venir. Pour l’heure, celui-ci captive émission moins gutturale. Mais le mu- moins qu’un Busch ou d’un Mitropou- sicien est scrupuleux et « l’acteur » sé- Le CD vient d’accueillir cet enregis- los, et même que Levine ou Schippers. duisant. Le jugement est global et peu trement scaligère live dirigé par le re- Son rigorisme affiché ne parvient pas analytique à l’image d’un chant lui- gretté Giuseppe Patané, qui ne saurait en tout cas à plier l’impétueuse Gilda même sans diversité. Du moins la voix par le seul souvenir qu’il a laissé, d’un Cruz-Romo à une quelconque no- est-elle alors intègre, ce qui n’est pas le chef consciencieux et dévoué aux blesse de ton. À cette Leonora vite in- cas de celle de Leontyne Price à qui l’on chanteurs, justifier l’intérêt porté à ces supportable de mauvais goût répond a autorisé la plus affligeante des contre- disques. Montserrat Caballé en est la un Franco Bonisolli brûlant comme performances. Seul le haut-médium star, comme voici sept ans à Orange toujours ses vaisseaux, abusant des conserve un reste de splendeur, aigu et (avec Ermanno Mauro). Pour Carreras sons engorgés, brisant sa ligne de chant grave semblant définitivement ruinés, c’était, sauf erreur, une prise de rôle. en éclats désordonnés. Bien sûr il y a ce qui a pour effet de souligner jusqu’à Ghiaurov et Bruscantini y faisaient fi- ici, pour faire oublier ce malcanto, l’ina- l’insupportable caricature les défauts gure d’anciens, le premier fort movible et admirable Cesare Siepi, d’une voix désormais vulgaire, élimée, éprouvé par une carrière en définitive pour la cinquième fois au disque ! pâteuse, et ceux d’une élocution du courte, le second éternellement jeune Certes le meilleur Melitone de notre re- plus vilain style yankee. et sans doute le meilleur des Melitone cension, Sesto Bruscantini entre en lice. L’ombre portée de Warren accom- de l’histoire du disque comme nous le Une basse bouffe frottée à Rossini et pagne comme toujours Sherrill confirmerons avec Muti. qui ne confond pas comique avec Milnes dont on se plaira à noter l’ex- Vertus et faiblesses du chant de la charge, surveille son chant jusque dans trême soin mis à colorer au mieux de grande soprano espagnole sont la composition de son personnage de ses possibilités un chant intelligem- connues. Avant La Forza de 1982, ronchon ventru, évitant le parlando au- ment conduit. À d’autres le métal et la Orange les avaient appréciées dans la tant que la redondance. Un régal. Le transparence, mais ce Carlo s’écoute fameuse Norma de 1974. Sa Leonora Carlo de Kostas Paskalis n’est, lui, que sans déplaisir. Giaiotti essaie de en est très proche par l’intégrité des routine sonore et la gitane de Joy Da- mettre ses pas dans ceux des géants moyens vocaux, d’une exceptionnelle vidson est à ranger parmi les utilités. qui l’ont précédé, il n’y réussit pas beauté, la souveraine maîtrise du Pour juger équitablement de l’apport plus mal que Raimondi, alors que souffle et, partant, de la dynamique, du chef italien mieux vaut attendre Bacquier, Melitone de scène aux al- l’art des colorations. Les piani angé- l’intégrale susdite, d’autant que Brus- lures de Frère Jean des Entommeures, liques sont légendaires, ici parfaite- cantini nous donne rendez-vous pour échoue au disque à faire accepter ses ment en situation lorsqu’il s’agit de deux autres prestations mémorables. accents grossiers et sa truculence d’his- traduire la religiosité de « Madre pie- trion sans vergogne. tosa Vergine », ou cette autre invocation 1976 : Levine Et Cossotto en Preziosilla ? Franche, à « La Vergine degli angeli » à l’acte II, sonore, métallique en son « Venite avant le chant sublimé de « Lieta or Tout feu tout flamme, James Levine, all’indovina » (mais le trille est au ren- poss’io precederti », celui de l’assomp- dans le droit fil de Schippers (sinon dez-vous), peu concernée au moment tion finale. Caballé demeure néan- 14 L’Avant-Scène Opéra n° 126 moins cantatrice plus que personnage Sa vertu première est à notre sens de sans égale aujourd’hui, phrasant avec et, qui plus est, de filiation belcan- réussir mieux que les autres à nous élégance, viril sans redondance, doté tiste, prudente à l’excès dans les en- convaincre de sa cohérence. Muti, dont d’un timbre souverain, le plus accom- sembles où elle n’hésite pas à « mar- on attendait ou redoutait les fulgu- pli depuis le jeune Tagliabue. Et le vé- quer ». On aurait mauvaise grâce à rances de son ou de son Na- téran Bruscantini utilise diabolique- bouder un chant d’une telle qualité, bucco, voire le toscaninisme excessif de ment ce qui lui reste de voix, usant sous le prétexte que La Forza requiert sa Traviata, surprend (ou déçoit) par d’une technique que l’on sait fabu- un engagement, un foyer dramatique, son classicisme et sa pondération. C’est leuse et en remontrant à tous par la qui ne lui sont pas consubstantiels. qu’il ménage en fait ses effets, depuis clarté de son italien, la légèreté de ses Utilisé avec calcul et retenue, le po- une Ouverture et un premier acte très attaques, de sa phrase, de sa fantaisie. tentiel vocal de Caballé convient à retenus, celui-ci maintenu dans le cli- Lui ne confond pas service divin et ser- Leonora ; tel n’est pas le cas de celui mat nocturne qui est le sien, jusqu’à un vice du vin et préfère l’œillade à la gri- du ténor, alors intact, celui d’un lirico acte final tranchant comme une lame, mace, Alfonso de Così réincarné en très peu spinto et dont la technique soumis aux coups de boutoir du destin moine pince-sans-rire. d’émission, influencée par l’exemple à travers une percussion implacable. (désastreux) de Di Stefano, ne peut Le fil des scènes ne se détendra ja- 1986 : Sinopoli suppléer au manque d’aigu, de carrure mais, tenu par un quatuor à cordes et de largeur. La flamme est toutefois d’une précision de trait infaillible, mo- Sinopoli est peut-être un peintre celle du héros romantique, hardi et teur rythmique d’un orchestre aux inspiré mais à coup sûr un très mau- peu circonspect, brûlant ses vaisseaux. cuivres péremptoires mais tenus en li- vais dessinateur, or Verdi n’est ni Puc- En somme, la rencontre d’une canta- sière, tandis que la fièvre croît de scène cini ni Wagner et il s’agit moins avec trice d’école gardant son quant-à-soi en scène et que le contrepoint instru- lui d’étaler de la couleur que de struc- et d’un jeune intrépide présumant de mental ne se relâche à aucun moment. turer des formes, un langage. Le Verdi ses forces : le climat de La Forza auto- Là où un Sinopoli multiplie effets et déstructuré du regretté maestro, étiré rise ce schéma dramatique en 1862, pléonasmes, Muti s’impose la plus (un quart d’heure de plus que le très moins en 1869. grande rigueur et accède au classicisme sage Muti), complaisant (ralentis, Une soirée à La Scala qui ne se re- de la forme, narrateur cursif et attentif pauses et poses, pléonasme constant), fuse pas, néanmoins. à la couleur aussi bien qu’à l’articula- ses recherches d’ambiance, la mollesse tion de son discours. de ses cordes, ses langueurs décadentes, 1980 : Gomez-Martinez Mirella Freni est-elle à sa place en toute cette traduction prétentieuse (au Leonora ? Le rôle met à découvert un sens de traduttore=traditore) insupporte. Un an avant Paris, Berlin accueille en médium et un grave trop menus, qui Si encore les chanteurs donnaient Leonora Anna Tomowa-Sintow, belle réduisent par moments son discours à chair et âme à ces lenteurs boursou- chanteuse bulgare formée à l’école de un semi-parlando, ne laissant s’épa- flées, mais ils en sont incapables. Mozart et de Strauss et qui, toute débu- nouir que le haut-médium, toujours Rosalind Plowright ne faisait déjà tante, avait osé Abigaille. Elle nourrit solaire. Inadéquation d’un soprano plus illusion en 1986 ; son aigu criard, son chant d’une voix riche et pleine, au foncièrement lirico à un emploi qui, ses mignardises assaisonnées d’un ac- vibrato lent, qui s’épanouit sur toute la même au studio, exige une autre di- cent impossible, l’incohérence de sa tessiture du soprano lirico-drammatico. mension, d’où ce chant intelligent, ligne auraient à vrai dire dû frapper Verdi ne lui inspire hélas que des ac- sincère, sensible, éminemment musi- dès l’époque du malheureux Trovatore cents bien convenus, de peu d’élo- cal, mais frustrant. Pour Domingo, de Giulini. D’une Leonora l’autre… quence, comme si cette voix docile aux EMI a recours au lifting de l’equalizer, la On sera sensible à l’énergie du mélismes straussiens ou à la dyna- réverbération isolant le ténor dans une désespoir qui anime le chant de Carre- mique pondérée de Mozart échouait à planète sonore détachée de l’ensemble ras, à la sincérité de son vérisme, mais transmettre la fièvre verdienne, la conti- (écouter sa scène du III), ce qui ne parlons alors de pathétique théâtral et nuité de sa phrase, sa logique ryth- peut faire que ses aigus ne soient dé- plus de chant. Décadent au possible, le mique et la charge émotionnelle de sa sormais extirpés au forceps. On notera Carlo de Bruson, prématurément usé, prosodie. Une belle artiste hors des li- en revanche le souci de diversifier da- chantant faux, bougonnant, ombre de mites de son esthétique d’élection et vantage son chant néanmoins soumis lui-même. Rocailleux mais digne (et qui n’a pas grand-chose à nous dire. à de rudes tensions dans le duo du réverbéré) Burchuladze en Guardiano. duel comme dans la scène finale. Émoustillante en revanche Agnes 1986 : Muti Plishka et Dolora Zajic laissant as- Baltsa, Preziosilla juvénile et accorte, sez indifférent, lui introverti, caillou- ne gommant aucune fioriture et mo- L’une des mieux dirigées de toutes teux, elle approximative et dure ; on re- dérant son tempérament (exceptés ces les versions en présence. Le jugement, tiendra surtout l’excellence, en Carlo, « guerra » ouverts selon une fâcheuse n’émanant pas d’un thuriféraire de de Giorgio Zancanaro et l’inégalable tradition). Il n’est certes pas incon- Muti, mérite d’être étayé, d’autant que Melitone du septuagénaire (sic) Brus- cevable d’entrer dans le jeu sulfureux cette version est loin de faire l’unani- cantini. Car nous tenons en Zancanaro de Sinopoli, par non-conformisme, mité. un Carlo d’exception, d’une morbidezza mieux vaut cependant être prévenu ! L’Avant-Scène Opéra n° 126 15 Discographie

En allemand Le célèbre « Invano Alvaro » ne date nier qu’il est d’une émission grise et que de 1869, comme le finale en pataude, défaut plus ou moins partagé Signalons, avant de conclure, l’exis- forme de catharsis, substitué à la mort par le Melitone de Zastavny. Mais on tence de versions marginales mais non mélodramatique d’Alvaro, première sera moins sévère pour les autres, et sans intérêt pour qui veut mesurer le mouture. particulièrement pour le couple rayonnement de La Forza – ou de Die Excessive, délirante parfois, cette ténor / soprano, quand on songe à ce Macht des Schicksals. Celle, fragmen- première Forza est à certains égards que le studio nous sert pour tout po- taire, enregistrée en Allemagne à la Ra- plus proche du Trovatore que d’une se- tage depuis dix ans. Il nous semble dio de Berlin, en pleine guerre (1942) conde maturité verdienne. C’est parti- que Galina Gorchakova, Olga Boro- avec Roswaenge, colossal, Schlusnus à culièrement vrai de l’air et de la caba- dina et (surtout) Gegam Grigorian son automne, Hilde Scheppan et Lud- lette du ténor, très correctement assu- tiennent fièrement leur rang. La pre- wig Hofmann – avant la génération de mée par Kenneth Collins, mieux mière avec une étoffe de toute beauté Rudolf Schock, délié mais raide en Al- qu’honorable dans cet enregistrement. dont le seul défaut est de privilégier les varo, aux côtés de Mödl, Metternich et Nous avons dit les qualités et les li- appuis graves au détriment du registre Frick dirigés par Schmidt-Isserstedt mites de Martina Arroyo, inchangées. aigu et de la dynamique, mais avec un (1952), ou en 1967 avec Hillebrecht et Seul Peter Glossop, exténué, exté- vrai tempérament. La seconde, grâce à Tipton. Le détour par l’Allemagne ne nuant, peine, hache, torture son texte la richesse naturelle d’une voix souple s’impose pas vraiment, à la différence et ferait chavirer l’embarcation, si le et homogène, trop polie peut-être de ce que nous observons à propos reste de la distribution ne s’avérait pour être celle d’une vivandière mais d’autres Verdi. aussi professionnel. La direction de exempte en tout cas de l’habituelle Matheson n’est que littérale. vulgarité attachée à Preziosilla. Le té- nor enfin avec une hauteur d’émis- La version de 1995 : Gergiev sion, une souplesse et une concentra- Saint-Pétersbourg (1862) tion de timbre comme aucun de ses La version originale de La Forza en- challengers actuels, engorgés qu’ils registrée sur les lieux mêmes de sa sont, ne peut en proposer. Ce ténor ar- 1981 : Matheson création, avec tous les soins du studio, ménien, que l’on utilise régulièrement il aura fallu l’attendre très longtemps et sans vergogne comme remplaçant Paradoxalement, il n’est pas certain avec pour seul viatique l’enregistre- de tous les éclopés de nos scènes na- que la version révisée de 1869 l’em- ment BBC de Matheson. La partition tionales, offre une santé vocale éton- porte à tout coup sur celle originale de que nous restitue à son tour Gergiev nante. Maîtrisant sans effort tous les 1862. Pour nous faire une idée de cette avec son orchestre rutilant est ouverte- écueils de la partition, il prend place dernière, nous n’avons longtemps dis- ment brillante, exacerbée et d’une ur- dans la lignée des Alvaro les plus no- posé que de cette diffusion BBC préser- gence dramatique très affirmée. Ce tables, à cette différence près, redisons- vée par Voce et depuis reportée sur CD rythme échevelé est la marque spéci- le, que sa partie est beaucoup plus ten- par Opera Rara. fique de l’opéra première manière et due que celle assumée par ses devan- En 1862, l’opéra n’est précédé que s’impose avant même que l’auditeur ciers. Une fois passé l’étonnement d’un court prélude orchestral à trois ait pu relever les différences de texte devant un timbre venu d’ailleurs et un thèmes (celui du duo Alvaro-Carlo, ce- entre les deux versions. La belle qualité phrasé à l’avenant, on voudra bien lui de Leonora et une anticipation du de l’orchestre, celle des chœurs et l’ur- considérer que ce ténor dame le pion à suicide d’Alvaro se jetant dans le vide à gence de l’ensemble ne vont pas sans nombre de ses collègues, incapables la fin de l’ouvrage). Les différences, une certaine superficialité, le chef pri- d’affronter le duo du III « Sleale il se- notables mais peu nombreuses qui af- vilégiant l’ardeur au détriment de la greto » et a fortiori l’air avec cabalette à fectent le deuxième acte, concernent la construction. Les réticences émises çà contre-Ut « Qual sangue » avec une tessiture du rôle de Preziosilla (élevée et là devant les insuffisances du pla- aussi fière projection. d’un demi-ton à la reprise de Milan, teau méritent d’être nuancées. Elles Bref, on accueillera à bras ouverts plus sombre à l’origine) et les enjoli- tiennent au fait que cet opéra, créé en cette Forza, sans rien ignorer de ses im- vures du discours vocal de Leonora, Russie par un ténor italien, une so- perfections vocales ni des foucades de gommées en cette même occasion. Le prane française élève de García jr et son chef, mais avec la certitude de re- troisième acte original, qui ne com- trois clés de Fa italiennes, n’est en rien découvrir cette indispensable parti- porte encore ni le chœur « Compagnie un opéra russe, sinon par le rôle qu’y tion. sostiamo » ni le duo « Né gustare », pré- tiennent les chœurs. Par leurs timbres sente une cabalette de Carlo d’un et leurs profils stylistiques, les chan- demi-ton plus aiguë, des couplets de teurs du Mariinsky tirent l’œuvre vers Preziosilla plus sommaires mais sur- un exotisme vocal de nature à sur- tout un air de ténor avec cabalette à prendre. contre-Ut (« Quel sangue… S’affronti la Putilin n’est qu’un Carlo vilain et morte », cf. notre Profil vocal des per- court, rustre et rugueux. Le Guardiano sonnages dans le volume principal). de Mikhail Kit ne fera pas date, prison- 16 L’Avant-Scène Opéra n° 126 LA FORCE DU DESTIN – Version originale de Saint-Pétersbourg (1862) date 1960 – 15.II 1981 – 8.VIII 1995 – XII direction Alfredo Simonetto John Matheson Valery Gergiev orchestre Amsterdam – VARA London – BBC Concert Théâtre du Kirov il marchese di Calatrava Roderik Kennedy Askar Abdrazakov donna Leonora Marijke van der Lugt Martina Arroyo Galina Gorchakova don Carlos di Vargas Renaat Verbruggen Peter Glossop Nikolai Putilin don Alvaro Ettore Babini Kenneth Collins Gegam Grigorian Preziosilla Janet Coster Olga Borodina il Padre Guardiano Don Garrard Mikhail Kit fra Melitone Derek Hammond-Stroud Georgy Zastavny Curra Alison Truefitt Lia Shevtzova un Alcade Philip O’Reilly Gennady Bezzubenkov Mastro Trabuco Kenneth Bowen Nikolai Gassiev un Chirurgo David Fieldsend Yuri Laptev édition HRE (sélection) Opera Rara Philips support lp cd cd enregistrement mono live mono live stéréo studio

(Met 1960) vaut par sa dynamique et Que choisir ? le relief du couple Tebaldi-Tucker. Celle réalisée par RCA en 1964 avec la torride Leontyne Price, a fait date. Sur est en somme le vif, moins complète mais fulgu- bien servie par le disque, live ou de stu- rante et remarquablement chantée, la dio ; tous les monstres sacrés du soirée napolitaine de 1958, avec Co- théâtre lyrique de ce demi-siècle s’y relli et Tebaldi vaut de l’or. Les palais font valoir, sous la direction de chefs délicats ne manqueront pas de savou- parfois éminents. Quelles versions rer les élégances de Bergonzi en 1962 conseiller ? (Solti), 1964 (avec Gencer) et 1969 Pour une première approche de la (malgré Gardelli). Grand parmi les version milanaise intégrale, celle de grands, Fritz Busch signe un docu- Muti, classique dans son respect de la ment au son précaire mais orchestra- partition, vocalement inégale mais lement anthologique. Si l’on accepte d’un niveau global très convenable, coupures et enregistrement mono sur exceptionnelle quant à l’orchestre et 78 tours repiqués, la version Mari- aux personnages de Carlo (et de Meli- nuzzi demeure elle aussi incontour- tone), demeure recommandable. La nable, géniale en son deuxième acte et première édition, live, de Schippers fièrement chantée.

L’Avant-Scène Opéra n° 126 17 Vidéographie Chantal Cazaux

Au DVD, La Force du destin n’est pas vance de la barbe « moïsienne » du son de ses fulgurants débuts. Elle La Traviata : des productions rares en- Padre Guardiano dans les captations rayonne d’aisance et de naturel dans traînent des captations rares aussi. Le suivantes ! Car chacun, par la grâce une vocalité qu’elle aborde ici par son film de Carmine Gallone (1949) reste d’une magie commune tombée ce soir côté le plus clair, sans pour autant une archive qu’il faudrait rééditer : sa du 15 mars 1958 sur le plateau du San manquer de graves négociés avec ho- Forza del destino laisse le seul Carlos de Carlo, est suffisamment pénétré de mogénéité. Sa juvénilité est plus cré- . On espère aussi l’émer- son personnage mais sobre dans son dible que sa présence, déconcentrée gence officielle de certaines produc- expression pour que l’on ne craigne ni par les bravos, et le seul regret à en- tions historiques : Paris 1981 (pour To- la routine ni l’outrance. Et malgré ces tendre sa prestation est en forme de mowa-Sintow) et Lyon 1982, toutes décors de papier, cette direction d’ac- paradoxe : sa lumineuse fermeté, évi- deux bénéficiant du Melitone de Ga- teurs encore inexistante, cette absence dente et solide, peine à colorer les briel Bacquier, ainsi que La Scala 1999 totale d’originalité dans la vision, cette désespoirs de son personnage, qui (beau plateau !). En revanche, il n’est non-mise en scène, on s’approche semble inaltéré. Le tout, même incom- pas certain que Bogotá 1981 (pour Ar- alors, curieusement, d’une pure émo- plet, reste un témoignage précieux de royo, par ailleurs bien documentée au tion qui fonctionne et nous donne à beau chant, généreux et racé. disque) ou Naples 1992 (jolie distri- voir autant qu’à entendre La Forza del bution) soient visuellement inou- destino. Jusqu’au ballet, façon fan- 1978 : Patané/Puggelli bliables… dango à castagnettes, qui s’avère bien Au total : 22 versions recensées dont meilleur – vif et alerte – que certaines 18 juin 1978 : pendant la saison fê- 8 officielles, commentées avec deux propositions plus récentes, et à la prise tant son bicentenaire, La Scala affiche «pirates» sélectionnés pour leur intérêt. de son, étonnamment bonne, qui se un plateau d’exception pour sa nou- Les versions retenues sont signalées concertent pour nous faire oublier l’ef- velle production de La Force du destin – dans nos tableaux par un cadre rouge. fort de cette archéologie visuelle Caballé, Carreras, Cappuccilli, Ghiau- (piètre définition de l’image, surexpo- rov, Bruscantini ! Si la bande vidéo est 1958 : Molinari-Pradelli sition), puisqu’elle nous révèle d’em- fatiguée, elle n’en reste pas moins re- blée une pyramide de la vidéographie gardable : la mise en scène de Lam- On rêve de cette époque où soirée à venir… berto Puggelli, plutôt inexistante, bé- « provinciale » signifiait Tebaldi, Bastia- néficie surtout de la scénographie du nini, Corelli, Christoff et Capecchi ! Ce 1966 : De Angelis/Maestrini peintre sicilien Renato Guttuso, d’un document exceptionnel, autrefois paru figuralisme stylisé qui mêle austérité et en VHS, reste un must du chant ver- La captation de la soirée du 19 fé- couleurs dans un esprit rafraîchissant. dien, une leçon de style permanente : vrier 1966 dans ce même théâtre est en Les tableaux à l’auberge ou au camp que louer le plus, du timbre melliflu fait un montage réunissant l’ouverture, militaire sont les moins réussis – de Tebaldi, ses nuances raffinées, sa le second tableau de l’acte II, le second chœurs indifférents à l’action et pitto- touchante présence – tout sauf tableau de l’acte III, puis le « Pace, resque assez pauvre des costumes et placide ? de la rondeur de Corelli, son pace » de Leonora. De quoi se faire une des attitudes, à commencer par une aisance radiante, et… sa beauté ? de idée d’un théâtre indifférent (quelques Preziosilla qui se voudrait Carmen l’impeccable Capecchi qui équilibre fonds de décor, statisme absolu des (Maria Luisa Nave) et par une trom- très justement son Fra Melitone, ou du chanteurs), d’une direction d’orchestre pette très désaccordée dans son « Rata- somptueux Padre Guardiano de Chris- honorable (l’ouverture est vive et en- plan ». Les scènes intimistes sont par- toff qui, s’il est un peu moins idioma- gagée, mais De Angelis affadit en cours fois de vraies surprises, comme ce gi- tique que les autres, n’en reste pas de soirée ses tempi au point de créer gantesque Christ – si espagnol dans moins impressionnant ? de la pétu- quelques décalages entre fosse et pla- son aspect nerveux et presque écorché lante Oralia Dominguez, qui brosse teau, que ce soit avec le chœur – très – qui domine la salle du monastère, une Preziosilla sans aucune vulgarité moyen – ou les solistes), et d’un pla- ou ces décors aux tons chatoyants qui mais d’une énergie joyeuse et conta- teau vocal de très bonne tenue. À l’ex- viennent déréaliser le plateau en un gieuse ? Même Molinari-Pradelli par- ception de l’Alvaro miaulant faux de onirisme de vitrail. Inabouti compte vient à rendre parfois l’orchestre élec- Carlo Menippo, on sourit avec la Pre- tenu de ce qui se passe en termes de trique – bref : musicalement, la soirée ziosilla-matrone de Franca Mattiucci et direction d’acteurs, mais intéressant. est un miracle. le Melitone bon enfant d’Alfredo Ma- José Carreras, qui venait de triom- On s’avoue même conquis par ce riotti, et l’on savoure le Padre Guar- pher sur la même scène en Don Carlo qui reste à l’image de ce théâtre diano d’Ivo Vinco – legato net et égal, aux côtés du Posa de Cappuccilli, est d’alors. Qui, d’ailleurs, ne changera ligne aussi noble que le timbre. Sur- ici d’une vérité craquante, aussi juste pas beaucoup pendant quelques dé- tout, la Leonora d’Elena Suliotis (23 physiquement que vocalement dans cennies encore – il faut voir la survi- ans alors) est en plein cœur de la sai- son Alvaro fier et passionné, électrique 18 L’Avant-Scène Opéra n° 126 LA FORCE DU DESTIN – versions vidéographiques date 1949 1958 – 15.III 1966 – 19.II 1978 – 18.VI 1979 – I direction Gabriele Santini F. Molinari-Pradelli Pasquale De Angelis Giuseppe Patané Eugenio E. Marco orchestre Opéra de Rome Teatro San Carlo Teatro San Carlo Teatro alla Scala Gran Teatre del Liceu Marchese di Calatrava Fausto Tomei Giorgio Algorta Alessandro Maddalena Giovanni Foiani José Simorra Leonora Renata Tebaldi Elena Suliotis Montserrat Caballé Montserrat Caballé Carlos di Vargas Tito Gobbi Ettore Bastianini Mario Sereni Piero Cappuccilli Matteo Manuguerra Alvaro Galliano Masini Franco Corelli Carlo Menippo José Carreras José Carreras Preziosilla Cloe Elmo Oralia Dominguez Franca Mattiucci Maria Luisa Nave Montserrat Aparici Padre Guardiano Giulio Neri Boris Christoff Ivo Vinco Nicolai Ghiaurov Mario Rinaudo Fra Melitone Vito de Taranto Renato Capecchi Alfredo Mariotti Sesto Bruscantini Otello Borgonovo Curra Anna Di Stasio Angela Rocco Mila Zanlari Cecilia Fondevila Un Alcade Giuseppe Forgione Augusto Frati Giuseppe Morresi R. Campos ? Mastro Trabuco Mariano Caruso Mario Guggia Piero de Palma R. Montero ? Chirurgo Gianni Bardi Carlo Meliciani mise en scène Carmine Gallone Carlo Maestrini Lamberto Puggelli Diego Monjo décors Cesare M. Cristini Renato Guttuso costumes Cesare M. Cristini Renato Guttuso lumières édition Historic Opera Hardy Classic Hardy Classic Hardy Classic Premiere Opera DVD (image – format) PAL – 4:3 NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 sous-titres - FR - E - IT - E - FR - ESP - enregistrement PCM mono studio film PCM mono / DD PCM mono PCM mono / DD PCM mono

Mise en scène de Lamberto Puggelli, Teatro alla Scala, Milan 1978. Archivio fotografico.

L’Avant-Scène Opéra n° 126 19 Vidéographie

LA FORCE DU DESTIN – versions vidéographiques date 1981 - VI 1981 1982 – IV 1982 – 13.VII 1984 – 24.III direction Gianfranco Rivoli Daniel Lipton Daniel Lipton M. Gómez-Martínez James Levine orchestre Opéra de Paris Opéra de Bogotá de Madrid Opéra de Lyon Metropolitan Marchese di Calatrava Fernand Dumont Jesús Sanz-Remiro Antonio Zerbini Richard Vernon Leonora Anna Tomowa-Sintow Martina Arroyo Montserrat Caballé Montserrat Caballé Leontyne Price Carlos di Vargas Ingvar Wixell Juan Pons Juan Pons Silvano Carroli Leo Nucci Alvaro Veriano Luchetti Juan Lloveras Nunzio Todisco Ermanno Mauro Giuseppe Giacomini Preziosilla Alexandrina Milcheva Martha Senn Jane Berbié Franca Mattiucci Isola Jones Padre Guardiano Paul Plishka Francisco Vergara Justíno Diaz Paul Plishka Bonaldo Giaiotti Fra Melitone Gabiel Bacquier Alfredo Mariotti Alfredo Mariotti Gabriel Bacquier Enrico Fissore Curra Annick Dutertre Dolores Cava Josette Jacques Diane Kesling Un Alcade Jean-Louis Soumagnas Mario Ferrer Frédéric Vassar James Courtney Mastro Trabuco Michel Sénéchal Julio Pardo Rémy Corazza Anthony Laciura Chirurgo Jean-Philippe Courtis Alain Verhnes John Darrenkamp mise en scène John Dexter Margherita Wallmann John Dexter décors Jocelyn Herbert Antoine Selva Eugene Berman costumes Andrew Sanders Peter J. Hall lumières Gil Wechsler édition Premiere Opera Legato Classics House of Opera Premiere Opera DGG DVD (image – format) NTSC – 4:3 VHS – NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 sous-titres FR - - FR IT - FR - E - D enregistrement PCM mono PCM mono PCM mono PCM mono PCM stéréo – DTS 5.1

et électrisant. Certes, le couple qu’il forme avec Montserrat Caballé est un plaisir acoustique… mais un défi scé- nique aussi, tant la soprano impose, par sa silhouette indubitable, un sta- tisme et une froideur des corps dérou- tants. Néanmoins, et malgré un re- gistre de poitrine dur et forcé, cette Leonora est un rêve fait voix – prières célestes, palette de nuances inépui- sable, style d’une suprême élégance… Royal, Piero Cappuccilli nous accroche à son Carlos, quand Nicolai Ghiaurov garde son monastère d’un ton souve- rain et que Sesto Bruscantini est un luxe de Melitone qui porte à son meilleur le mélange des genres de cet opéra en des échanges comiques ja- mais triviaux. Giuseppe Patané offre une lecture solide, sans atermoiements ni facilités, sans folie non plus – quand tant de ruptures du discours, tant de surgisse- ments de thèmes s’élevant dans le ciel, seraient propices au ravissement de l’auditeur. Malgré le son probléma- tique, la captation vaut pour son équipe vocale.

Montserrat Caballé (Leonora) et Nicolai Ghiaurov (Padre Guar- diano) dans la mise en scène de Lamberto Puggelli, Teatro alla Scala, Milan 1978. Archivio fotografico.

20 L’Avant-Scène Opéra n° 126 LA FORCE DU DESTIN – versions vidéographiques date 1987 – IX-X 1987 1989 – 23.VIII 1992 – I 1992 – VII direction Maurizio Arena Romano Gandolfi Anton Guadagno Daniel Oren Yoshinori Kikuchi orchestre Canadian Opera Busseto Arènes de Verona Teatro San Carlo Philharmonic Tokyo Marchese di Calatrava Joel Katz Giovanni Furlanetto Franco Federici Hiroyuki Okayama Leonora Stefka Evstatieva Silvia Monica Maria Chiara Ghena Dimitrova Giovanna Casolla Carlos di Vargas Alan Monk Giancarlo Pasquetto Giorgio Zancanaro Piero Cappuccilli Renato Bruson Alvaro Yuri Marusin Carlo Bergonzi Nicola Martinucci Giuseppe Giacomini Giuseppe Giacomini Preziosilla Judith Forst Inés Salazar Jone Iori Luciana D’Intino Naomi Nagata Padre Guardiano John Cheek Roberto Scandiuzzi Roberto Scandiuzzi Fra Melitone Peter Strummer Domenico Trimarchi Alfredo Mariotti Kenji Kojima Curra Gabrielle Prata Elena Angeli Eva Ruta Kyoko Moriyama Un Alcade John Avey Alberto Carusi Giuseppe Zecchillo Naoki Sakurai Mastro Trabuco Gary D. Rideout MAnlio Rocchi Angelo Casertano Kazuhiro Tsunoda Chirurgo Robert Milne Ezio-Maria Tisi Nicola Troisi Kan Hasegawa mise en scène Carlo Maestrini décors costumes lumières édition Premiere Opera Legato Classics Premiere Opera Premiere Opera Premiere Opera DVD (image – format) NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 NTSC – 4:3 sous-titres E - - - - enregistrement PCM mono PCM mono PCM mono PCM mono PCM stéréo

1984 : Levine/Dexter 24 mars 1984 : la dernière Leonora de Leontyne Price sur la scène du Met. Si cela fait alors événement pour son public acquis, la captation témoigne pourtant des défauts stylistiques ma- jeurs de l’interprète : diction pâteuse, portamenti débraillés, raucités véristes proches de l’aboiement… Liste insup- portable aussi bien au regard de Verdi que de Price elle-même. Il n’est que d’entendre son «Alvaro, io t’amo» répété dans le grave : faute de nuance et de fi- nesse, cette Leonora sonne ici plus cas- tratrice qu’amoureuse ! Contresens in- volontaire qui, lui aussi, alimente le sen- timent de vulgarité qui point souvent Giuseppe – et tristement – à son écoute. Giacomini À cette déception de taille s’ajoute le (Alvaro) et Leontyne Price côté poussiéreux de la production : la (Leonora) dans mise en scène de John Dexter datait de la mise en scène 1975 et, déjà, avait été conçue dans les de John Dexter, décors de la production précédente, Metropolitan qui remontait aux années 1950… Opera, C’est dire qu’on est là dans la carica- New York 1984. ture du carton-pâte boursouflé. On ne J. Heffernan. cherchera dans cet univers visuel ni théâtre ni direction d’acteurs, celle-ci naldo Giaiotti, on retient le beau – quelques problèmes de registres, réduite non pas à « l’essentiel » mais au timbre du Marquis de Richard Vernon, mais quelle pêche sexy ! Son physique cliché. Alors, que reste-t-il pour attiser le Melitone musclé d’Enrico Fissore, à la Dionne Warwick, flatté par les quand même notre curiosité ? Malgré moins drôle qu’envahissant, outré strass de son costume, s’accorde parfai- les duretés de Curra (Diane Kesling) et mais bien-chantant ; et la présence tement à celui de Carlos / Leo Nucci, le Padre Guardiano laborieux de Bo- rayonnante d’Isola Jones en Preziosilla transformé par la maquilleuse en sosie L’Avant-Scène Opéra n° 126 21 Vidéographie

LA FORCE DU DESTIN – versions vidéographiques date 1996 – 3.VIII 1998 1999 – 28.II 2005 – V 2006 - I direction Michel Plasson Valery Gergiev Riccardo Muti Giorgio Paganini Lukas Karytinos orchestre Capitole de Toulouse Théâtre du Kirov Teatro alla Scala Casa de la Ópera Filarmonia Veneta Marchese di Calatrava Tomas Tomasson Grigory Karasev Eldar Aliev Claudio Rotella Giuseppe Nicodemo Leonora Michèle Crider Galina Gorchakova Georgina Lukas Adelaida Negri Susanna Branchini Carlos di Vargas Paolo Coni Nikolai Putilin Leo Nucci Leonardo López-Linares Marco Di Felice Alvaro Gegam Grigorian Gegam Grigorian José Cura José Gonzalez-Cuevas Renzo Zulian Preziosilla Violeta Urmana Marianna Tarasova Luciana D’Intino Alicia Cecotti Tiziana Carraro Padre Guardiano Roberto Scandiuzzi Sergei Alexashkin Giacomo Prestià Carlos Esquivel Paolo Battaglia Fra Melitone Alain Vernhes Georgy Zastavny Roberto de Candia Luciano Miotto Paolo Rumetz Curra Sophie Pondjiclis Lia Shevtzova Tiziana Tramonti Vanina Guilledo Silvia Balistreri Un Alcade Christophe Fel Yevgeni Nikitin Giuseppe Riva Sebastiano De Filippi Luca Dall’Amico Mastro Trabuco Valentin Jar Nikolai Gassiev Ernesto Gavazzi Gustavo Torella Antonio Feltracco Chirurgo Eric Martin-Bonnet Yuri Laptev Silvestro Sammaritano Esteban Hildebrand Romano Franci mise en scène Jean-Claude Auvray Elijah Moshinsky Hugo De Ana Eduardo Casullo Pier-Fr. Maestrini décors Bernard Arnoult Andrei Voitenko Hugo De Ana Alfredo Troisi costumes Louis Désiré Peter J. Hall Hugo De Ana Mariela Daga Pier-Fr. Maestrini lumières Philippe Grosperrin Howard Harrison Hugo De Ana édition Diff. FR3 ArtHaus (version 1862) Premiere Opera New Ornamenti Dynamic DVD (image – format) PAL – 16:9 NTSC – 4:3 NTSC – 16:9 NTSC – 4:3 NTSC – 16:9 sous-titres FR FR - IT - E - D - - IT - E - D - FR PCM enregistrement PCM stéréo PCM stéréo PCM stéréo PCM stéréo – DD 2.0 stéréo – DD 5.1

vine. Dès l’ouverture, le chef « frappe les trois coups » comme personne, nous emporte dans une course effré- née de chevaux lâchés, fait avancer ses tempi pour mieux suspendre les si- lences (ce « creux » qui nous élève, avant le trémolo de cordes !), et fait exulter le théâtre dix fois plus dans la fosse que sur la scène. On retrouve cette science du geste sonore dans la scène finale, qui ose une sécheresse glaçante. Pour Levine, avant tout.

1996 : Plasson/Auvray La Force du destin à Orange, c’est une idée périlleuse : certes le cadre specta- culaire du mur antique est à la mesure des scènes à l’auberge et au camp mili- taire, voire de la cérémonie au monas- tère. Mais tout le reste, tout le sel des Michèle Crider (Leonora) et Roberto Scandiuzzi (Padre Guardiano) dans rapports entre personnages, des duos et la mise en scène de Jean-Claude Auvray. Bernateau. des monologues complexes… forcé- ment, tout ceci se perd en un plan large de Robert Taylor, époque Ivanhoé : avec Nucci subtil et endurant à la fois, Gia- généralisé que seule la caméra peut eux, on balance entre Hollywood et comini plus à la peine (surtout au III, aménager. Jean-Claude Auvray, s’il re- Broadway. Seule idée intéressante de périlleux souvent) mais tentant tou- centre l’action au milieu du gigan- toute la soirée : le même maquillage jours la noblesse intérieure, la sobriété tesque plateau par un dispositif circu- s’applique à l’Alvaro de Giuseppe Gia- d’un timbre barytonnant – qui, là en- laire assez judicieux (décors de Bernard comini ; comme on aurait aimé que core, fraternise judicieusement avec Arnoult), ne peut empêcher l’impres- cette gémellité troublante soit plus fi- son partenaire – et une expression as- sion de dissolution qui émane forcé- nement travaillée sur le plan drama- sez fine, jamais histrionique. ment de l’architecture dantesque sur- turgique ! Les deux ennemis sont Les moments les plus formidables plombant l’ensemble, qui dévore toute d’ailleurs à la hauteur de la partition : viennent de la direction de James Le- scénographie. Reconnaissons que les 22 L’Avant-Scène Opéra n° 126 LA FORCE DU DESTIN – versions vidéographiques date 2007 – XI 2008 – III direction Zubin Mehta orchestre Maggio Musicale Staatsoper Vienne Marchese di Calatrava Duccio dal Monte Alastair Miles Leonora Violeta Urmana Nina Stemme Carlos di Vargas Carlo Guelfi Carlo Álvarez Alvaro Marcello Giordani Salvatore Licitra Preziosilla Julia Gersteva Nadia Krasteva Padre Guardiano Roberto Scandiuzzi Alastair Miles Fra Melitone Bruno de Simone Tiziano Bracci Curra Antonella Trevisan Elisabeta Marin Un Alcade Filippo Polinelli Dan Paul Dumitrescu Mastro Trabuco Carlo Bosi Michael Roider Chirurgo Alessandro Luongo Clemens Unterreiner mise en scène Nicolas Joel David Pountney décors Ezio Frigerio Richard Hudson costumes Franca Squarciapino Richard Hudson lumières Jürgen Hoffmann Fabrice Kebour édition TDK Diff. 3sat DVD (image – format) NTSC – 16:9 NTSC – 16:9 sous-titres FR - E - D -IT D Galina Gorchakova (Leonora) enregistrement PCM stéréo – DTS 51 PCM stéréo à Saint-Pétersbourg en 1998. C. Ashmore. parois coulissantes offrent ici certains 1998: Gergiev/Moshinsky frontements Carlos / Alvaro). Le Mar- tableaux agréablement épurés (la de- quis de Grigory Karasev reste peu meure du Marquis, ou l’intérieur du La Forza « comme à la maison » : concerné, Sergei Alexashkin (Padre monastère), même si ce n’est pas pour comme de juste, le Théâtre Mariinsky Guardiano) distant, et l’Alvaro de Ge- son théâtre que l’on visionnera cette monte en 1998 la version dite de gam Grigorian déroule sa soirée sans lecture. Pour son chef, sans doute, un Saint-Pétersbourg, c’est-à-dire celle de nuance ni finesse – il faut voir son en- Plasson emporté qui fouette l’orchestre la création de l’œuvre en 1862 et non trée, « ravi d’être là »… Galina Gorcha- du Capitole et mène la soirée sans celle qui, modifiée par Verdi pour La kova échappe à cette caricature, aidée temps mort – mais les chœurs, eux, ne Scala en 1869, restera dès lors la réfé- de son beau timbre aux graves de fal- sont pas à la hauteur du chant verdien rence. L’entreprise n’est pas inintéres- con : on sent une flamme et une impli- et leur étroitesse, leur platitude notam- sante, d’autant que la direction brû- cation émouvantes dans sa Leonora, ment chez les voix féminines, est re- lante voire exaspérée de Valéry Gergiev n’étaient ces aigus décidément rétifs et grettable. Pour certains artistes de très s’accorde bien à ce prélude, plus bref et périlleux ce soir-là qui empêchent belle tenue : le Marquis de Tomas To- plus noir que l’ouverture bien connue, toute nuance dans le « Pace ». Prezio- masson, souverain ; la Preziosilla de ou à ce finale, si affreux (meurtre et silla (Marianna Tarasova) se veut Azu- Violeta Urmana, solide sinon nuancée; suicide cumulés) qu’il sera édulcoré cena, tous chantent un Verdi d’émis- le Fra Melitone d’Alain Vernhes, d’une pour Milan. Malheureusement, le sion très slave, le tout croit nous em- présence très justement dosée entre hu- même retour à la version originelle ef- porter par des trucs (les cris de mour et sérieux et d’une vocalité à la fectué par la mise en scène ne combat, les aboiements de chiens) diction de rêve ; le Padre Guardiano de convainc guère : les décors, réalisés mais nous laisse à notre dépit. Pour Roberto Scandiuzzi, marmoréen. Mais d’après ceux d’Andreas Roller, restent Gergiev, uniquement. surtout, et en dépit d’un Alvaro mono- d’un réalisme sans chien que seule une lithique et extérieur (Gegam Grigo- direction d’acteurs affûtée pourrait 2005 : Paganini/Casullo rian) et d’un Carlos forcé, sans finesse sauver de l’ennui visuel. Las, Elijah (Paolo Coni), la reine du plateau est Moshinsky semble assurer moins que Également publiée en coffret CD, sans conteste Michèle Crider, artiste le strict minimum : les scènes au camp cette soirée du 24 mai 2005 au Teatro trop rare en France dont le timbre sont pathétiques (la troupe s’exerce Avenida de Buenos Aires (par la com- somptueux, l’impact dramatique, la mollement, la foule se trémousse lour- pagnie La Casa de la Ópera) est irre- beauté voluptueuse d’un chant sans dement, Melitone est plombé de sé- gardable, et à peine plus écoutable. Or- lourdeur ni outrance, font de sa Leo- rieux et d’inexpression – Georgy Zas- chestre faux et pas en place, direction nora un plaisir permanent. Dommage tavny a-t-il compris son personnage ?), molle ou agitée, palette de nuances que la production (et ses conditions le reste des situations est mis en espace étique : dès l’ouverture, Giorgio Paga- mêmes) ne soient pas à la hauteur de sans jamais dépasser l’académisme nini nous offre un panorama de ce qui son exceptionnelle identité vocale. sans souffle, voire le ridicule (les af- suivra – jusqu’au violon solo complè- L’Avant-Scène Opéra n° 126 23 Vidéographie

tement détonant de la scène du mo- tale pour limiter les dépla- nastère, un comble auditif. Côté pla- cements. Elle n’empêche teau vocal, on tente un concours de pourtant pas les failles de décibels pour faire oublier une ab- se révéler (à commencer sence d’engagement dans le projet par sa neutralité esthé- (mais quel projet, en fait ?) : Alvaro en tique) : la gestion des surcompression ahane ses fins de son chœurs est massive, la di- comme à Roland-Garros ; Padre Guar- rection d’acteurs limitée à diano grossit et Preziosilla minaude ; l’ancestrale incompatibi- Leonora – qui pourrait être leur mère à lité entre chant et mouve- tous, détail que d’atroces costumes et ment – en cela, un peu perruques rendent cruel – surchante à moins de fidélité à la tra- plein volume des aigus trop vibrés… dition eût porté ses fruits. Seul le Carlo de Leonardo López-Li- Le seul théâtre est alors nares est un peu mieux chantant. La celui que peuvent appor- « mise en scène » ? un plateau nu agré- ter les artistes eux-mêmes. menté de trois meubles où un écran de Sur ce plan, comme fond tente de « faire le décor » à coup d’ailleurs sur celui de la de photos à peine correctes. À fuir. musique, les femmes sor- tent gagnantes. Violeta 2006 : Karytinos/Maestrini Urmana s’engage profon- dément dans sa Leonora, À l’exception d’une Leonora et d’un avec une intensité expres- Carlo intéressants, la production sive jamais outrancière et consternante du Théâtre de Modène des moyens vocaux à la en janvier 2006 est un autre DVD dis- hauteur de l’enjeu – aigus pensable. Certes clair et chanté dans souverains et graves pro- son ouverture, Lukas Karytinos n’im- fonds, reliés avec homo- prime pas de souffle dramatique à la généité, et une puissance partition, emporté dans des tempi trop qui sait aussi laisser flotter vifs dont la substance tombe dans la les aigus pianissimo. Quant légèreté. Sans doute est-il attentif à à la Preziosilla de Julia soulager la tâche de Renzo Zulian, Al- Violeta Urmana (Leonora) dans la Gersteva, sa beauté brune et sévère re- varo constamment en danger de sortie mise en scène de David Alden. nouvelle avec intérêt la vision du per- de route, poussant sa voix à ses limites W. Hössl. sonnage : autant oiseau de mauvais au- pour « tenir » les lignes meurtrières du gure que fine mouche, elle manie une rôle aux dépens des nuances, inexis- extrêmement raffinée dans ses nuances subtile palette d’intentions qui fait de tantes, et du galbe, tendu comme un – cependant parcimonieuses –, éper- chacune de ses apparitions bien plus cri permanent. Plus la soirée avance, et due dans sa présence avec une belle que le « numéro » attendu. Numéro plus son épreuve (comme la nôtre) est dignité. À mille lieues au-dessus de la qu’elle réalise par ailleurs avec un bel audible. En outre piètre acteur, il ne production qui l’entoure. abattage, timbre noir mais projection peut compenser par lui-même le vide nette. sidérant de la « mise en scène » : les dé- 2007 : Mehta/Joel Les hommes ne sont pas au même cors d’Alfredo Troisi sont branlants et niveau. Oublions le Marquis bâillé de mal ajustés au plateau, Pier-Francesco En 2007, le festival du Mai Musical Duccio dal Monte ; le Padre Guar- Maestrini ne fait même pas l’effort de Florentin présente une Forza qui, mal- diano de Roberto Scandiuzzi est ici placer correctement ses chanteurs (le gré quelques beaux ingrédients, ne sourd et souvent haut ; Carlo Guelfi duo Alvaro / Carlo est risible). Ajoutez « prend » pas. La baguette de Zubin (Carlos) accroche moins l’oreille que une Preziosilla raide, un Melitone pas Mehta n’empêche pas des sonorités le Trabuco de Carlo Bosi. Quant à l’Al- drôle, il ne vous reste que trois chan- parfois raides à l’orchestre – son ou- varo de Marcello Giordani, il peine à teurs à vous mettre sous la dent (en se verture se veut « ligne claire », mais convaincre : vaillant d’abord, sans contentant de la version CD existant en faut-il les trois accords secs à ce faute de goût même, mais totalement parallèle !) : le Padre Guardiano de très point ? –, et laisse souvent s’installer extérieur, il est peu à peu dépassé par beau timbre de Paolo Battaglia, le Carlo un ennui poli faute d’une énergie dra- la tessiture du rôle – dont il parvient souple et rond de voix de Marco Di Fe- matique interne. La mise en scène de certes à assurer les aigus, et même les lice (mais faible acteur aussi), et surtout Nicolas Joel, héritière fidèle de la tradi- nuances. Et c’est quand il commence à la Leonora de Susanna Branchini. Si le tion, profite de la scénographie straté- entrer dans son personnage que le vibrato est parfois large ou le timbre un gique d’Ezio Frigerio : suffisamment grave lui fait défaut, et plus encore le peu dur, la voix est ample, homogène, élégante pour contenter l’œil et fron- soutien. Une soirée inaboutie. 24 L’Avant-Scène Opéra n° 126 Nina Stemme (Leonora) et Salvatore Licitra (Alvaro) dans la mise en scène de David Pountney, Staatsoper de Vienne 2008. A. Zeininger.

2008 : Mehta/Pountney virages en aiguille. C’est bien simple : détour si l’on veut bien passer sur des sur l’ensemble des neuf vidéos vision- soirées sans grâce. Ce sont toujours des Il faut malheureusement tout ou- nées, aucune ne propose un théâtre Leonora : Suliotis (Naples 1966), Cri- blier de cette production captée sur la convaincant. Il faut donc, pour l’ins- der (Orange 1996), Branchini (Mo- chaîne télévisée 3sat, de la régie creuse tant, envisager le problème avec l’ap- dène 2006), Urmana (Florence 2007), de Pountney à l’Alvaro impossible du pétit du lyricomane amoureux des et Stemme (Vienne 2008). regretté Licitra... à l’exception de la voix verdiennes avant tout – mais Leonora de Nina Stemme, superbe alors, on peut être comblé : Naples Je remercie Jean Cabourg, d’engagement, de présence vocale, de 1958 reste indépassable, avec dans sa Sandro Cometta et Pierre Flinois charisme. roue Milan 1978. Tebaldi vs Caballé, pour leur aide précieuse. Corelli vs Carreras, Bastianini vs Cap- En conclusion puccilli… – un beau passage de géné- rations. La Forza del destino attend toujours Certes, on pourra écouter avec inté- sa rencontre avec le théâtre. Et pour- rêt l’apport de Levine (1984) et Ger- tant, un vrai regard dramaturgique ne giev (1998) à l’orchestre verdien, mais nuirait pas à cette partition dont le li- ils sont documentés au disque. Restent vret regorge d’invraisemblances et de quelques pépites égarées qui valent le L’Avant-Scène Opéra n° 126 25 L’œuvre à l’affiche Recherches : mise à jour 2011 Elisabetta Soldini

LA FORCE DU DESTIN à travers le monde (1990-2011) date 1990 1990 1992 1992 1992 ville Glasgow Budapest Naples Florence Londres théâtre Scottish Opera Opéra Teatro San Carlo Maggio musicale ENO (Angl) direction John Mauceri Lamberto Gardelli Daniel Oren Zubin Mehta Mark Elder Leonora Andrea Gruber Ilona Tokody Ghena Dimitrova Stefka Evstatieva Josephine Barstow Alvaro Stefano Algieri Péter Kelen Giuseppe Giacomini Lando Bartolini Edmund Barham Carlo Vladimir Chernov Pál Kovács Piero Cappuccilli Leo Nucci Jonathan Summers Preziosilla Della Jones Eva Pánczél Luciana d’Intino Luciana d’Intino Anne-Marie Owens Padre Guardiano Alexander Morozov László Polgár Roberto Scandiuzzi Roberto Scandiuzzi John Connell Fra Melitone Nicholas Folwell György Bordás Carlo Mariotti Bruno Pola Alan Opie mise en scène Elijah Moshinsky András Mikó Carlo Maestrini Lorenzo Mariani Nicholas Hytner déc. & cost. Michael Yeargan Péter Makai Antonio Mastromattei Maurizio Balo Richard Hudson date 1992 1993 1993 1993 1993 ville Zurich San Francisco Montpellier Madrid Marseille théâtre Opéra Opéra Opéra Berlioz La Zarzuela Opéra direction Eliahu Inbal Gianfranco Masini Lamberto Gardelli Yuri Simonov Leonora Mara Zampieri Leona Mitchell Maria Abajan Galina Savova Pauletta de Vaughn Alvaro Boiko Zvetanov Lando Bartolini Gegam Grigorian Giuseppe Giacomini Vincenzo Scuderi Carlo Giorgio Zancanaro Vladimir Chernov Frederick Burchinal Paolo Gavanelli Ned Barth Preziosilla Stefania Kaluza Judith Forst Luretta Bybee Sofia Salazar Zlatomira Nikolova Padre Guardiano Simon Estes Roberto Scandiuzzi Roberto Scandiuzzi Carlo Colombara Bonaldo Giaiotti Fra Melitone Jozsef Dene Alfonso Antoniozzi Michel Trempont Carlos Chausson Orazio Mori mise en scène Tony Palmer Sonja Frisell Jean-Claude Auvray Elijah Moshinsky Bernard Broca déc. & cost. Göran Wassberg Zack Brown A. Chambon/L. Désiré Michael Yeargan B. Arnould/Y. Sassinot de Nesle date 1994 1995 1996 1996 1996 ville Turin Avignon Copenhague New York Orange théâtre Teatro Regio Opéra Opéra Metropolitan Chorégies direction Alain Guingal Cyril Diederich Maurizio Barbacini James Levine Michel Plasson Leonora Wilhelmenia Fernandez Gitte-Maria Sjöberg Sharon Sweet Michele Crider Alvaro Sergei Larin Francisco Casanova Stephen O’Mora Plácido Domingo Gegam Grigorian Carlo Paolo Coni Jean-Marc Ivaldi Per Hoyer Vladimir Chernov Paolo Coni Preziosilla Elisabetta Fiorillo Ludmilla Semtchuk Marianne Rorholm Gloria Scalchi Violeta Urmana Padre Guardiano Roberto Scandiuzzi Alfonso Echeverria Christian Christiansen Roberto Scandiuzzi Roberto Scandiuzzi Fra Melitone Alfonso Antoniozzi Michel Trempont Jonathan Veira Bruno Pola Alain Vernhes mise en scène Lorenzo Mariani Bernard Broca Stein Winge Giancarlo Del Monaco Jean-Claude Auvray déc. & cost. Maurizio Balo B. Arnould/Y. Sassinot Charles Edwards Michael Scott B. Arnould/L. Désiré

Mise en scène de Bernard Broca, Opéra de Marseille 1999. C. Dresse. 26 L’Avant-Scène Opéra n°126 Josephine Barstow (Leonora) dans la mise en scène de Nicholas Hytner, English National Opera, Londres 1992. Bill Refferty.

ci-contre : Roberto Scandiuzzi (Padre Guardiano) et Maria Abajan (Leonora) dans la mise en scène de Jean-Claude Auvray, Opéra de Montpellier 1993. Pereira.

Jonathan Summers (Carlo), Anne-Marie Owens (Preziosilla) et Edward Byles (Trabuco) dans la mise en scène de Nicholas Hytner, English national Opera, Londres 1992. Bill Refferty. L’Avant-Scène Opéra n° 126 27 L’Œuvre à l’affiche

LA FORCE DU DESTIN à travers le monde (1990-2011) date 1996 1996 1998 1999 1999 ville Barcelone Rome Saint-Pétersbourg Milan Hambourg théâtre Teatro Victoria Accademia Santa Cecilia Théâtre Kirov Teatro alla Scala Opéra direction Paolo Olmi Valery Gergiev Valery Gergiev Riccardo Muti Paolo Olmi Leonora Ana María Sánchez Irena Milkievichute Galina Gorchakova Georgina Lukacs Ana María Sanchez Alvaro V. Polozov/G. Grigorian Gegam Grigorian Gegam Grigorian José Cura Walter Fraccaro Carlo V. Redkin/V. Sardinero Leo Nucci Nikolay Putilin Leo Nucci Lado Ataneli Preziosilla Elisabetta Fiorillo Luciana d’Intino Marianna Tarassova Luciana d’Intino Eugenie Grunewald Padre Guardiano P. Burchuladze/S. Palatchi Roberto Scandiuzzi Sergei Alexashkin Giacomo Prestia Paata Burchuladze Fra Melitone Alfonso Echeverria Alfonso Antoniozzi Gregory Zastavny Alfonso Antoniozzi Alfonso Echeverria mise en scène Bruno Berger version concert Elijah Moshinsky Hugo de Ana Georg Rootering déc. & cost. R. Ivars/Y. Sassinot A. Voitenko/P. Hall Hugo de Ana Andrey Voitenko date 1999 1999 1999 2000 2001 ville Baden-Baden Toulouse Savonlinna Vérone Londres théâtre Festspielhaus Théâtre du Capitole Festival Arènes ENO direction Valery Gergiev Maurizio Benini Pertti Pekkanen Maurizio Arena Gianandrea Noseda Leonora Galina Gorchakova Andrea Gruber Cynthia Makris Ghena Dimitrova Irina Gordei Alvaro Gegam Grigorian Gegam Grigorian Raimo Sirkiä Salvatore Licitra Gegam Grigorian Carlo Vassili Gerello Roberto Servile Raimo Laukka Leo Nucci Nikolay Putilin Preziosilla Marianna Tarassova Marie-Ange Todorovitch Päivi Nisula Francesca Franci Ekaterina Semenchuk Padre Guardiano Mikhail Kit Roberto Scandiuzzi Gleb Nikolsky Michail Ryssov Mikhail Kit Fra Melitone Gregory Zastavny Alfonso Antoniozzi Ambrogio Maestri Gregory Zastavny mise en scène Elijah Moshinsky Nicolas Joel Michael Hampe Nikolaus Windisch-Spoerk Elijah Moshinsky déc. & cost. A. Voitenko/P. Hall Hubert Montloup Anneli Qveflander J. Svoboda/S. Hejnova A. Voitenko/P. Hall

date 2002 2002 2002 2003 2004 ville Turin Rouen Parme New York Londres théâtre Teatro Regio Opéra Teatro Regio Carnegie Hall Covent Garden direction Massimo de Bernart Oswald Sallaberger György Györivanyi Rath Robert Bass Antonio Pappano Leonora Andrea Gruber Anne-Marie Backlund Norma Fantini Maria Guleghina Violeta Urmana Alvaro Salvatore Licitra Louis Otey Alberto Cupido Salvatore Licitra Salvatore Licitra Carlo Stefano Antonucci Sergei Naida Stefano Antonucci Mark Rucker Ambrogio Maestri Preziosilla Anna Maria Chiuri Louise Winter Mariana Pentcheva Marianne Cornetti Marie-Ange Todorovich Padre Guardiano Carlo Colombara Daniele Tonini Carlo Colombara Julian Konstantinov Ferruccio Furlanetto Fra Melitone Bruno De Simone Yanni Yannissis Fabio Previati Paul Plishka Roberto De Candia mise en scène Sylvano Bussotti Lukas Hemleb Alberto Fassini version concert Hugo de Ana déc. & cost. S. & R. Bussotti Jean-Pierre Guillard M. Carosi/A. Ciammarughi Hugo de Ana

28 L’Avant-Scène Opéra n°126 Sergei Alexashkin (Padre Guardiano) et Galina Gorchakova (Leonora) dans la mise en scène de Elijah Moshinsky, Saint-Pétersbourg 1998. C. Ashmore.

José Cura (Alvaro) et Georgina Lukacs (Leonora) dans la mise en scène de Hugo de Ana, Teatro alla Scala, Milan 1999. Teatro alla Scala.

Salvatore Licitra (Alvaro), Andrea Gruber (Leonora) et Carlo Colombara (Padre Guardiano) dans la mise en scène de Sylvano Bussotti, Teatro Regio, Turin 2002. Ramella & Giannese.

page de gauche : Mise en scène de Nikolaus Windisch- Spoerk, Arènes de Vérone 2000. Fondazione Arena di Verona.

L’Avant-Scène Opéra n° 126 29 L’Œuvre à l’affiche

LA FORCE DU DESTIN à travers le monde (1990-2011) date 2005 2005 2005 2005 2006 ville Zurich San Francisco Berlin Avignon théâtre Festival Opéra Opéra Staatsoper Opéra direction Fabio Luisi Nello Santi Nicola Luisotti Michael Gielen Jacques Lacombe Leonora Violeta Urmana Joanna Kozlowska Andrea Gruber Norma Fantini Manon Feubel Alvaro Franco Farina Vincenzo La Scola Vladimir Kuzmenko Frank Porretta Maurizio Comencini Carlo Mark Delavan Leo Nucci Zeljko Lucic Anthony Michaels-Moore Marzio Giossi Preziosilla Dagmar Peckova Stefania Kaluza Jill Grove Ekaterina Semenchuk Karine Deshayes Padre Guardiano Kurt Moll Matti Salminen Orlin Anastassov Kwangchul Youn Orlin Anastassov Fra Melitone Franz-Josef Kappelmann Paolo Rumetz Lucas Meachem Bruno De Simone Olivier Grand mise en scène David Alden Nicolas Joel Ron Daniels Stefan Herheim Claire Servais déc. & cost. Gideon Davey E. Frigerio/ R. Aeschlimann/ Thomas Schuster B. Arnould/ F. Squarciapino A. Schmidt-Futterer Y. Sassinot de Nesle date 2006 2006 2007 2007 2008 ville Cologne New York Gênes Florence Bruxelles théâtre Opéra Metropolitan Teatro Carlo Felice Teatro Comunale Théâtre de La Monnaie direction Enrico Dovico Gianandrea Noseda Daniel Oren Zubin Mehta Kazushi Ono Leonora Isabelle Kabatu Deborah Voigt Susan Neves Violeta Urmana Eva-Maria Westbroek Alvaro Ray M. Wade Salvatore Licitra Franco Farina Marcello Giordani Zoran Todorovich Carlo Bruno Caproni Mark Delavan Franco Vassallo Carlo Guelfi Vassily Gerello Preziosilla Dalia Schaechter Ildikó Komlósi Marianne Cornetti Julia Gertseva Marianne Cornetti Padre Guardiano Andreas Hörl Samuel Ramey Orlin Anastassov Roberto Scandiuzzi Carlo Colombara Fra Melitone Günter von Kannen Juan Pons Bruno Praticò Bruno De Simone José Van Dam mise en scène Christian Schuller L. Feldman/G. Del Monaco Nicolas Joel Nicolas Joel Dirk Tanghe déc. & cost. Jens Killian Michael Scott E. Frigerio/F. Squarciapino E. Frigerio/F. Squarciapino R. Hudson/F. Kebour date 2008 2008 2010 2011 ville Monte-Carlo Vienne Macerata Paris (sous réserve) théâtre Grimaldi-Forum Staatsoper Sferisterio Opéra Bastille direction Alain Guingal Zubin Mehta Daniele Callegari Philippe Jordan Leonora Daniela Dessì Nina Stemme Teresa Romano Violeta Urmana Alvaro Fabio Armiliato Salvatore Licitra Zoran Todorovich Marcelo Álvarez Carlo Carlos Almaguer Carlos Álvarez Marco Di Felice Vladimir Stoyanov Preziosilla Lola Casariego Nadia Krasteva Anna Maria Chiuri Nadia Krasteva Padre Guardiano Paata Burchuladze Alastair Miles Roberto Scandiuzzi Kwangchul Youn Fra Melitone Roberto De Candia Tiziano Bracci Paolo Pecchioli Nicola Alaimo mise en scène Claire Servais David Pountney Pier Luigi Pizzi Jean-Claude Auvray déc. & cost. B. Arnould/ R. Hudson/F. Kebour Pier Luigi Pizzi A. Chambon/M.C. Donato Y. Sassinot de Nesle

page de droite, en haut : Violeta Urmana (Leonora) dans la mise en scène de David Alden, Staatsoper de Munich 2005. W. Hössl.

à gauche : Mise en scène de Pier-Luigi Pizzi, Festival de Macerata 2010. Tabocchini.

30 L’Avant-Scène Opéra n°126 1 - 2 3 1. Andrea Gruber (Leonora) dans la mise en scène de Ron Daniels, Opéra de San Francisco 2005. T. McCarthy.

2. Eva-Maria Westbroek (Leonora) dans la mise en scène de Dirk Tanghe, Théâtre de La Monnaie, Bruxelles 2008. B. Uhlig.

3. Fabio Armiliato (Alvaro), Daniela Dessì (Leonora) et Paata Burchuladze (Padre Guardiano), Opéra de Monte- Carlo 2008. F. Flament. L’Avant-Scène Opéra n° 126 31 Verdi : La Force du destin

Mise à jour, septembre 2011 de L’Avant-Scène Opéra n° 126

Sommaire

Jean Cabourg 3 Discographie

Chantal Cazaux 18 Vidéographie

Elisabetta Soldini 26 L’œuvre à l’affiche (recherches) LA FORCE DU DESTIN à travers le monde (1990-2011)

Éditions Premières Loges. 15, rue Tiquetonne 75002 Paris Directeur de la publication : Michel Pazdro. Rédactrice en chef : Chantal Cazaux Secrétariat de rédaction : Elisabetta Soldini.

Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays. © L’Avant-Scène Opéra 2011 Imprimé en France par Chirat

Supplément gratuit au n° 126 de L’Avant-Scène Opéra. Ne peut pas être vendu.