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Pr de libraire d Québe Nicola Dickner Pr littérair de collégien N Pr Ann-Héber I K Printemps 1989. À l’aube de la vingtaine, Noah, Joyce S et un narrateur non identifié quittent leur lieu de nais- sance pour entamer une longue migration. Fraîchement L débarqués à Montréal, ils tentent de prendre leur vie en main, malgré les erreurs de parcours, les amours O défectueuses et leurs arbres généalogiques tordus. Ils se croient seuls; pourtant, leurs trajectoires ne cessent de se croiser, laissant entrevoir une incontrôlable symétrie au sein de leurs existences. IK Avec une minutie qui frôle parfois celle d’un zoologue N fêlé, Nicolas Dickner prend un malin plaisir à rassembler des archéologues vidangeurs, des flibustiers de tous poils, des serpents de mer, plusieurs grands thons rouges, des victimes du mal de terre, un scaphandrier analphabète, un Commodore 64, d’innombrables bureaux de poste et un mystérieux livre sans couverture. Un récit pluvieux, où l’on boit beaucoup de thé et de Dickner rhum bon marché. Nicola ISBN 978-2-923550-06-0 c o l l e c t i o n CODA 00-Nikolski.qxd_03-Deuxième partie.qxd 17-11-29 09:55 Page1 NIKOLSKI PRIX DES LIBRAIRES DU QUÉBEC PRIX ANNE -H ÉBERT PRIX LITTÉRAIRE DES COLLÉGIENS FINALISTE – P RIX LITTÉRAIRE DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL « Un roman élégant, singulier et bouleversant. » David Mitchell « Une grande réussite, pour la forme et pour l’inspiration. HHHH » La Presse « Un kaléidoscope d’images fortes et de phrases qui claquent. Un roman qui se dévore. Dire de Nicolas Dickner qu’il est doué relève de l’euphémisme : l’évidence crève les yeux. Un imaginaire débridé. […] Des phrases à la précision chirurgicale, portées de la première à la dernière par une ironie subtile et chatoyante. […] Et puis des îles, des livres, des rencontres : on croirait lire un Jacques Poulin altermondialiste, mêlé d’Amélie Poulain, de Borges léger et de Louis Hamelin on the road. Cela s’appelle du Nicolas Dickner. » Le Devoir « Nicolas Dickner célèbre de la manière la plus actuelle les retrouvailles du jeu et du plaisir des histoires. Avec l’habileté d’un auteur de polars, le rythme d’un scénariste et le souffle d’un romancier d’aventures, il excite l’imagination du lecteur jusqu’à la jubilation. » Le Monde 00-Nikolski.qxd_03-Deuxième partie.qxd 17-11-29 09:55 Page2 DU MÊME AUTEUR L’encyclopédie du petit cercle, L’instant même, 2000 (for mat poche, 2006) Traité de balistique (sous le pseudonyme collectif d’Alexandre Bourbaki), Alto, 2006 (CODA, 2012) Tarmac, Alto 2009 (CODA, 2011) DaNse contact – TV Satelite – CuisiN 3 familial, 2010 Le romancier portatif, Alto, 2011 Révolutions (avec Dominique Fortier), Alto, 2014 Six degrés de liberté, Alto, 2015 (CODA, 2016) 00-Nikolski.qxd_03-Deuxième partie.qxd 17-11-29 09:55 Page3 Nicolas Dickner Alto 00-Nikolski.qxd_03-Deuxième partie.qxd 17-11-29 09:55 Page4 Les Éditions Alto remercient de leur soutien financier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC). Les Éditions Alto reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC. Nicolas Dickner remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec pour son appui financier. ISBN : 978-2-923550-06-0 © É ditions Alto, 2007 00-Nikolski.qxd_03-Deuxième partie.qxd 17-11-29 09:55 Page5 00-Nikolski.qxd_03-Deuxième partie.qxd 17-11-29 09:55 Page6 00-Nikolski.qxd_03-Deuxième partie.qxd 17-11-29 09:55 Page7 pour Mariana Leky 00-Nikolski.qxd_03-Deuxième partie.qxd 17-11-29 09:55 Page8 01-Nikchap12013_03-Deuxième partie.qxd 13-01-09 12:18 Page9 1989 01-Nikchap1.qxd 16/03/2007 11:32 Page 10 01-Nikchap1.qxd 20/03/2007 09:13 Page 11 Anomalie magnétique Mon nom n’a pas d’importance. Tout débute au mois de septembre 1989, vers sept heures du matin. Je dors encore, recroquevillé dans mon sac de couchage, étendu à même le plancher du salon. Autour de moi s’entassent les boîtes de carton, les tapis enroulés, les meubles à moitié démontés et les coffres à outils. Plus rien sur les murs, que les taches claires lais- sées par des cadres suspendus là de trop nombreuses années. Par la fenêtre, on entend le rythme mono- tone des vagues qui déferlent sur les galets. Chaque plage possède une signature acoustique particulière, qui varie selon la force et la longueur des vagues, la nature du sol, la morphologie du paysage, les vents dominants et le taux d’humidité dans l’air. Impossible de confondre le murmure feutré de Mallorca, le roulement sonore des cail- loux préhistoriques du Groenland, la musi- que des plages coralliennes du Belize ou le grondement sourd des côtes irlandaises. Or, le ressac que j’entends ce matin est aisément identifiable. Cette rumeur grave, un peu grossière, le son cristallin des galets volcaniques, le retour de vague légèrement asymétrique, l’eau riche en matières nutri- tives – il s’agit de l’inimitable ressac des îles Aléoutiennes. 11 01-Nikchap1.qxd 20/03/2007 09:13 Page 12 J’entrouvre l’œil gauche en maugréant. D’où provient cet invraisemblable bruit ? L’océan le plus proche se trouve à plus de mille kilomètres d’ici. D’ailleurs, je n’ai jamais mis les pieds sur une plage. Je m’extirpe du sac de couchage et titube jusqu’à la fenêtre. Accroché aux rideaux, je regarde la benne à ordures s’arrêter devant notre bungalow dans un couinement d’air comprimé. Depuis quand les moteurs diesels imitent-ils le ressac ? Douteuse poésie de banlieue. Les deux éboueurs sautent de leur véhi- cule et considèrent, interdits, la montagne de sacs empilés sur l’asphalte. Le premier fait mine de les compter, l’air accablé. Je m’in- quiète soudain : aurais-je enfreint un règle- ment municipal limitant le nombre de sacs à ordures par maison ? Le second éboueur, beaucoup plus pragmatique, entreprend de remplir le camion. Il se moque manifeste- ment de la quantité de sacs, de leur contenu ou de l’histoire qui les entoure. Il y a exactement trente sacs. Je les ai achetés à l’épicerie du coin – un moment de magasinage que je n’oublierai pas de sitôt. Planté dans l’allée des produits ménagers, je me demandais combien de sacs à déchets seraient nécessaires pour contenir les innom- brables souvenirs que ma mère avait accu- mulés depuis 1966. Quel volume pouvait bien occuper trente années d’une vie ? Je rechignais à faire l’indécent calcul. Quelles 12 01-Nikchap1.qxd 20/03/2007 09:13 Page 13 que fussent mes estimations, je craignais de sous-estimer l’existence de ma mère. J’avais jeté mon dévolu sur une marque qui semblait assez résistante. Chaque paquet contenait dix révolutionnaires sacs à ordures en ultra-plastique d’une contenance de 60 litres. J’en ramassai trois paquets, pour un total de 1 800 litres. Ces trente sacs se sont avérés suffisants – bien qu’il m’ait parfois fallu insister avec la plante du pied – et maintenant les éboueurs s’emploient à les catapulter dans la gueule du camion. De temps à autre, une lourde mâ- choire d’acier écrase les déchets en poussant des grognements de pachyderme. Rien à voir avec le poétique bruissement des vagues. Mais toute cette histoire, puisqu’il me faut la raconter, a commencé avec le compas Nikolski. Ce vieux compas a refait surface au mois d’août, deux semaines après les funérailles. L’interminable agonie de ma mère m’avait épuisé. Dès le premier diagnostic, ma vie s’était transformée en véritable course à re- lais. Jour et nuit, je faisais la navette entre la maison, le travail et l’hôpital. Je ne dormais plus, je mangeais de moins en moins et j’avais perdu près de cinq kilos. On aurait pu croire que je me débattais moi-même avec les métastases – mais aucune méprise possi- ble : ma mère était morte au bout de sept 13 01-Nikchap1.qxd 20/03/2007 09:13 Page 14 mois, me laissant le monde entier sur les épaules. J’étais vidé, hors focus, mais pas question de baisser les bras. Sitôt évacuées les pape- rasseries, j’entamai le dernier grand ménage. Je ressemblais à un survivaliste, retranché dans le sous-sol du bungalow avec mes trente sacs à ordures, une solide provision de sandwichs au jambon, plusieurs litres de jus d’orange surgelé et le FM en sourdine. Je me donnais une semaine pour réduire à néant cinq décennies d’existence, cinq placards de babioles écrasées sous leur propre poids. Pareil ménage peut sembler sinistre et revanchard. Qu’on me comprenne bien : je me retrouvais soudain seul au monde, sans amis ni famille, avec l’urgente nécessité de continuer à vivre. Il fallait larguer du lest. J’attaquai les placards avec le sang-froid d’un archéologue, subdivisant les souvenirs en catégories plus ou moins logiques : – une boîte de cigarillos remplie de coquillages ; – quatre liasses de coupures de presse sur les radars américains en Alaska ; – un vieil appareil InstaMatic 104 ; – plus de 300 photos prises avec ledit InstaMatic 104 ; – plusieurs romans de poche copieuse- ment annotés ; – une poignée de bijoux bon marché ; – des lunettes fumées roses à la Janis Joplin. 14 01-Nikchap1.qxd 20/03/2007 09:13 Page 15 Et ainsi de suite. Je vivais une troublante remontée dans le temps : plus je m’enfonçais dans les placards, moins je reconnaissais ma mère.