Le Cardinal De Tempête
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I ne rsàn rem el A Ik1.. ime woots Lza 1jaiauvAça u ruuci L LiCWLI I LI ay Le cardinal de tempête Pour avoir osé demanclertoute la lumière sur le rôle de l'Eglise dans l'affaire Touvier; il a une nouvellefois semé le trouble doms son camp. Lesjue et les anticléricaux le respectent Les cathos de droite l'exècrent Portrait d'un drôle de paroissien e ne m'intéresse guère », dit-il, citant il ne s'est défilé. » Le soutien du pape avait un peu l'Action catholique, et rêve de « ramener le monde I Malraux. Coquetterie ou humilité? Qu'il calmé les passions, mais l'affaire Touvier vient de à Jésus-Christ». séduise ou exaspère, le cardinal Albert les réveiller brutalement. Petit séminaire, grand séminaire... Jamais de Decourtray en tout cas intéresse les au- Comment l'archevêque de Lyon a-t-il pu réelles hésitations. Il est ordonné en 1947 et rêve tres. C'est un champion de l'Audimat. ouvrir les archives du diocèse à une commission d'être nommé vicaire dans une paroisse ouvrière. Chez Anne Sinclair, Jean-Pierre Elkab- d'historiens pour faire la lumière sur cette étrange Mais voilà, Albert (comme le roi des Belges) bach ou François-Henri de Virieu, il fait histoire ? Les résultats ont sûrement dépassé ses Decourtray (comme la ville) est doué. Avec un un tabac. « On le dit, avoue-t-il en riant, mais je ne craintes. Evêques, clercs et laïcs catholiques ont clin d'oeil il dit : « La revue "Golias" écrit: "Il se sais pas pourquoi... » Le primat des Gaules été, pour le moins, légers dans leur attitude envers croit intelligent." Ces gens n'ont pas tort. On me pratique avec humour et intelligence une forme de l'ancien responsable de la Milice. Ils ont montré, l'a toujours dit. » En 1947, le diocèse qui ne sait naïveté consciente. Il a gardé quelque chose constate l'historien René Rémond, une superbe trop que faire de ses très nombreux prêtres d'étonnamment jeune, de gamin. ignorance et un mépris du politique. Et le cardinal l'envoie faire des études de philosophie. Après un L'autre soir, Elie Wiesel donnait une confé- ose assumer le travail des enquêteurs ! « Le Canard mémoire à la catho de Lille sur e Foi et raison chez rence à Lyon et avait souhaité la présence du enchaîné», bastion de « l'anticléricalisme désuet», Malebranche, », c'est la Grégorienne à Rome. Et cardinal à la tribune. Une reconnaissance. Après salue le geste de l'Eglise, et souhaite, avec le en 1971,1a consécration: Paul VI le choisit comme la réunion, le primat confiait à un ami : « Je ne cardinal Lustiger, voir « d'autres institutions évêque auxiliaire de Dijon. Très vite, il devient comprends pas. Il m'a dit que mon attitude dans avoir le même courage ». Les catholiques tradi- une figure de l'épiscopat, mais en 1980 tout l'affaire Touvier avait fait grand bruit aux tionnels, euxeux, se déchaînent. bascule. Un cancer d'une corde vocale semble le Etats-Unis. Je me marre. Je n'ai rien cherché Bernard député européen du Front terrasser. C'est mal connaître Albert Decourtray. d'autre que la vérité ! » Naïf, Albert Decourtray ? national et président de Chrétienté Solidarité le Il sort de la maladie plus mûr, plus déterminé. « Sa naïveté est plus apparente que réelle», dit son traite de « balance » et lui exprime « son mépris et En 1981, Jean-Paul II nomme Albert Decour- ami Théo Klein, ancien président du Conseil son dégoût». On ne pouvait s'attendre à moins du tray à Lyon et Jean-Marie Lustiger à Paris. représentatif des Institutions juives de France leader lepéniste. Mais Jean Dutourd, en y mettant L'épiscopat et le clergé français apprécient. (CRIF), qui explique sa popularité : « C'est un les formes, parle d'« idiotie » • jusqu'à André L'ancien évêque de Dijon apparaît comme un mystique. Un homme de conviction. Il est capable Frossard, qui déclare au «Journal du dimanche » : contrepoids « conciliaire » face à l'archevêque de de dire des choses essentielles comme si elles « Je n'ai pas très bien compris la nécessité d'ouvrir Paris jugé, à tort ou à raison, proche des nouveaux étaient toutes simples. » une enquête publique. » Et les lettres anonymes mouvements d'Eglise. Surtout, Jean-Marie Lus- Déroutant personnage. Apparemment lisse, font leur réapparition : des crachats, dans des tiger n'est pas du sérail. C'est un converti. sans défaut ni aspérité, il se retrouve régulière- feuilles soigneusement pliées en quatre. Là, L'archevêque de Paris n'est pas le fruit de tous ces ment au cceiir de violentes polémiques. Cet Albert Decourtray ne se « marre plus ». Cet mouvements, souvent contradictoires, qui ont homme chaleureux, souriant, qui prend des airs homme de coups de coeur ne comprend ni les marqué l'histoire de l'Eglise de France : quié- de chanoine en jouant avec sa croix pectorale, ou jugements hâtifs ni la haine. tisme, jansénisme, Sillon, Action française... en croisant ses longues mains fmes sur la poitrine, «Je n'ai jamais rien demandé, ni les titres ni les Albert Decourtray au contraire est un héritier, ale don de soulever des tempêtes. Dénonce-t-il le honneurs», disait-il un jour. C'est peut-être ce qui un conciliaire. Suprême garantie, il sort du moule film de Scorsese, « la Dernière Tentation du lui permet aujourd'hui de supporter les insultes et de l'Action catholique. Quand il parle de ses Christ», il réveille le parti anticlérical qui voit en les calomnies. Son cursus est limpide et son années d'études, de ses lectures, il cite pêle-mêle lui un revanchard rêvant d'imposer la morale histoire ressemble à celle de l'immense majorité les pères de Lubac, Chenu, Congar, Mont- chrétienne à la société française. Prend-il le parti des prêtres de son âge. Dans un livre d'entre- cheuil... Des hommés, qui ont quelquefois sauvé des jeunes des Minguettes, des musulmans, des tiens (1), très émouvant, il raconte : « J'ai reçu la l'honneur de l'Eglise de France sous l'occupation juifs, il s'attire la sympathie du même parti foi avec le lait de ma mère, et ressenti le premier nazie, et ont souvent été crossés par Rome, avant anticlérical et la fureur de nombreux catholiques. appel du sacerdoce vers l'âge de 5 ans. » Il naît le d'être reconnus comme les annonciateurs de Ainsi, le roman à épisodes du carmel d'Ausch- 9 avril 1923 à Wattignies dans le Nord — ce n'est Vatican II. witz a mobilisé toute la droite catholique contre donc pas une « balance», comme le disait Bernard Les deux cardinaux sont des mystiques, chacun Albert Decourtray. Il avait eu l'audace de deman- Antony, mais un bélier, animal biblique destiné à sa façon. Chez Jean-Marie Lustiger domine la der le déplacement immédiat du monastère. Place aux holocaustes. Sa famille, modeste, appartient rigueur; chez Albert Decourtray, la compréhen- de Fourvière, les murs de l'archevêché sont à la petite bourgeoisie, mais vit dans une grande sion. Ils revendiquent leur différence : «Lui, c'est couverts de graffitis. Les lettres anonymes arri- maison, avec jardin. Un luxe. Un jour, grâce à l'un lui, moi, c'est moi ». Au cours de l'un de ses vent par paquets. Les caricatures aussi, comme de ses camarades, il découvre les corons et les voyages en France, Jean-Paul II déjeunait avec les celle représentant le primat poignardant le Christ courées. Un choc. Il lit Van der Meersch deux prélats. Se tournant vers Jean-Marie Lusti- sur la croix. Gherardt Riegier, ancien secrétaire « Pêcheur d'hommes », « Quand les sirènes se ger, il dit en riant: « Vous êtes archevêque de Paris, général du Congrès juif mondial, dit avec admira- taisent »... Il est le produit d'une Eglise de France, mais lui est primat des Gaules ! » tion: « Jamais, malgré les innombrables pressions, qui, entre les deux guerres, vient de découvrir Dans les années 80, constatant que 80 % des 74 /LE NOUVEL OBSERVATEUR /NOTRE ÉPOQUE.