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Compte rendu, exposition « Renoir au XXème siècle » au Grand Palais à Paris du 23 Septembre 2009 au 24 Janvier 2010

Portrait de Renoir (1841 à Limoges- 1919 à Cagnes-sur-Mer) par le photographe Nadal

En 1844, Renoir arrive avec ses parents à Paris. Il débute sa carrière en devenant décorateur de porcelaine, puis il suit des cours de dessin dès 1862 qui lui permettent de rentrer à l’école des Beaux-arts où il reçoit l’enseignement du maître Charles Gleyre.

Hercule et Omphale- Charles Gleyre Renoir s’inspire du peintre pour la composition, la perspective et la lumière de ses toiles.

En 1864, les relations entre les deux hommes ne sont pas bonnes. Renoir réagit violemment à cet enseignement et décide avec quelques amis dont Monnet et Sisley de créer le mouvement impressionniste.

Le peintre a cependant soif de reconnaissance et veut réussir à être accepté au salon officiel. Il y présente successivement deux toiles en 1866 et 1867 qui seront à chaque fois refusées.

« Diane chasseresse » « Paysage aux deux personnages »

A cette époque Renoir est amoureux et inspiré par la belle Tréhot. C'est chez son ami Jules Le Coeur que Renoir rencontre cette jeune fille. Elle a 18 ans, devient vite sa maîtresse et son modèle favori, notamment pour sa « Jeune fille à l’ombrelle » de 1865 jusqu'au début des années 70.

Lise à l’ombrelle- 1868

Lise à l'ombrelle contient déjà la gamme des blancs chère aux futurs impressionnistes et emporte l'estime du public éclairé. Dans cette œuvre, Renoir abandonne le dessin au profit du flou artistique rendant le modèle très vivant. Le peintre prend plaisir à jouer avec les effets d’ombre et de lumière.

« La Grenouillère »- 1874

C’est au salon des impressionnistes que Renoir expose La Grenouillère. Le dessin a totalement disparu au profit de la matière. La nature devient une source d’inspiration première, l’instant, le moment sont captés en peignant à l’extérieur.

« » 1877

Dans cette œuvre, les tonalités jouent sur les noirs et les blancs. Renoir utilise les techniques modernes dans la représentation des détails dont la dentelle du corsage de la femme au premier plan. La modernité existe aussi dans le cadrage, rendu possible par le développement de la photo.

Dés la fin des années 70, Renoir s’attaque aux grands formats avec « Le Moulin de la Galette ». C’est un échec : les modernes adorent la toile pour l’expérimentation, la modernité, le génie du peintre qui matérialise les éléments difficiles à peindre comme la lumière. En revanche, pour l’Académie, le sujet est hérétique. La manière de peindre de Renoir ne correspond pas davantage aux codes de l’Académie.

« Le déjeuner des canotiers »1881

En 1880, Renoir rencontre une jeune modiste, , qui travaille non loin de son atelier. Elle a vingt ans, elle posera pour lui dans de très nombreux tableaux. Ils se marieront en 1890, cinq ans après la naissance de Pierre, et auront trois enfants, Pierre, Jean (le cinéaste) et Claude. Aline posera une première fois dans: "Les Canotiers à Chatou", puis comme les amis de Renoir, dans "Le déjeuner des canotiers" (Aline est la jeune femme assise à gauche, et en face d'elle le peintre Gustave Caillebotte).

Dans cette peinture, Renoir se remet à faire du volume, des corps, des visages avec des émotions. Il aborde une peinture qui raconte à nouveau une histoire.

En 1881, Renoir peut pour la première fois, partir au printemps en voyage vers le sud, sur les traces de Delacroix, d'abord en Algérie, puis à l'automne et l'hiver en Italie, où il découvre les maîtres florentins, Raphaël et les fresques de Pompéi, enfin à l'Estaque, près de Marseille, où il peint avec Cézanne, avec des coloris plus violents, et revient au dessin.

Renoir affiche encore plus de détachement à l'égard de l'impressionnisme et déclare: «Vers 1883, il s'est fait comme une cassure dans mon œuvre. J'étais allé jusqu'au bout de l'impressionnisme et j'arrivais à cette constatation que je ne savais ni peindre ni dessiner. En un mot, j'étais dans une impasse» (Renoir cité par Vollard, dans "Renoir", Paris, 1920).

A partir de ce moment, Renoir doute et remet son œuvre en question. Il s'éloigne de plus en plus de l'impressionnisme, les contours de ses personnages deviennent plus précis. Il dessine les formes avec plus de rigueur, les couleurs se font plus froides.

La transition sera progressive car Renoir est en perpétuelle recherche d'un art pictural absolu. Dès fin 1881, il écrit à Durand-Ruel: "Je suis encore dans la maladie des recherches. Je ne suis pas content et j'efface, j'efface encore....".

“Les Grandes baigneuses” 1887

Sa nouvelle manière (époque mise en valeur par l’exposition Parisienne) correspond à la période dite «sèche» ou «ingresque». Elle est d'abord caractérisée par un dessin plus précis et par des aplats comme dans "Les Parapluies" (1882-1884) ou "La Danse à la ville" (1883), puis par un contour net, une matière lisse et une répartition uniforme de la lumière comme dans "Les Grandes Baigneuses" (1884-1887).

La toile mesure 115 x 170 cm, les modèles principaux sont Aline Charigot, la brune, et Suzanne Valadon, la blonde. Cette œuvre associe de façon insolite la gaieté d'un instantané où des filles de rue se comportent d'une façon décontractée et une composition stylisée, "classique". Les figures ne se fondent plus dans le paysage, mais apparaissent nettement démarquées. Cette toile est refusée par l’académie. Suite à ce désaveu, Renoir décide d’abandonner toute peinture se rapprochant de prés ou de loin à l’impressionnisme, convaincu que ce mode d’expression picturale est la cause de son échec. Naissent alors une série d’œuvres (au cours des 20 dernières années) qui ne sont pas du tout appréciées.

En 1890 Renoir épouse Aline Charigot.

Critiqué, mal compris, Renoir va peu à peu sortir de la période "sèche". Il va infléchir le trait, abandonner la rigueur tout en conservant le modelé de ses sujets. Délicatesse, forme, couleur, lumière et volupté sont les maîtres mots de cette nouvelle période. Il procède à un mélange entre la grande révolution impressionniste et un retour aux sources qui n’est pas encore pour lui la solution.

« Jeunes filles au piano » 1892

Abandonnant le style linéaire, Renoir adopte une facture plus souple et onctueuse, avec plus de fluidité et des effets de transparence. C'est ce que l'on a appelé la période «nacrée».

Cette évolution de Renoir qui approche de la cinquantaine est aussi due au fait suivant : «Il s'aperçut en effet, à cette époque, que ses œuvres de jeunesse se craquelaient et que les tons s'altéraient. Il surveilla donc ses mélanges, qu'il réduisit, comme Rubens, au minimum, et se contenta d'une couche mince et unique» (André Lhote).

Avec cette œuvre, Renoir est enfin reconnu par l’académie, il a des commanditaires, il devient riche. Le tableau plait à une société donnée : cette société qui bascule dans la modernité mais qui ne l’est pas encore. Renoir, à cette période, est le trait d’union entre tradition et modernité. La tradition se concrétise par le choix du bon sujet bourgeois, la palette plaisante, dans un monde dessiné, compréhensible avec quelques tâches de modernité (rideaux, rubans..) et dans le côté flou, évanescent de la toile.

« Jeune joueuse de guitare »1897

Dans cette œuvre, Renoir s’autorise à ne pas être dans une composition parfaite. La modernité désirée ne passe pas par une beauté classique, idéalisée, comme dans « les baigneuses » de Cézanne.

La famille devient le vivier des tableaux de Renoir. A l’époque, elle est l’élément fondamental de la société.

« en clown »1909 Dans ce tableau, la perspective est donnée par les couleurs avec un contraste de base. La collerette est dans l’esprit de « La loge ». Cette toile est un trait d’union entre modernité et tradition.

Les recherches picturales de Renoir vont inspirer les modernes : Picasso va s’inspirer de cette œuvre pour son « Paul en arlequin ».

« Paul en arlequin » Picasso 1924

Le tableau de Renoir « Jeune fille s’essuyant les pieds » donne le même thème chez Picasso

« Jeune fille s’essuyant les pieds » Renoir

« Femme nue » Picasso

De même, Matisse, dans son « Odalisque à la culotte rouge » 1921, rendra hommage à Renoir (« Le concert »). Le peintre déclare se construire dans sa modernité grâce au travail à partir des tableaux de Renoir. Dans les deux œuvres, les influences sont nettes : on note le côté lascif des personnages, le volume des corps ainsi que le décor très présent.

« Le concert » Renoir, 1919

Renoir s intéresse également à la sculpture, mais c’est dit-on un échange avec Maillol en 1907 qui lui fait reprendre le modelage à la fin de sa vie. En 1913, , son marchand attitré, lui suggère d’employer , jeune sculpteur étudiant sous la direction de Maillol, pour l’assister. Leur collaboration dure 5 ans, Renoir, perclus de rhumatismes, jetant sur le papier des esquisses, Guino modelant l’œuvre projetée sous la direction du maître qui agite ou qui pointe un bâton pour exprimer les modifications plastiques nécessaires, Vollard éditant les œuvres en bronze. La « Venus victrix », réalisée entre 1914 et 1916, illustre le triomphe de la déesse de l’amour, sur ses concurrentes, Minerve et Junon.

« Vénus victrix » Renoir 1916

Le style antiquisant est l’écho de la dernière manière de Renoir : comme Maillol, Bourdelle ou Picasso à la même époque, il se tourne vers le modèle gréco-romain dans ce que l’on appellera « le retour au style », alliant réalisme et idéalisme. Ceci se traduit dans la silhouette épurée de la Venus, dans ses mouvements doux et mesurés, dans la surface lisse et les formes rondes de son corps. Bien plus qu’une Vénus conquérante, la « Venus victrix » est une baigneuse – une de celles qui traversent l’œuvre peinte de Renoir. Toutes exaltent le corps de la femme avec le même mélange de plénitude des formes et de pudeur du regard baissé. Mais la tri- dimension et le matériau bronze de la sculpture ajoutent une saveur nouvelle au Thème familier du vieil artiste, le dotant ainsi d’une réalité visuelle et tactile éminemment sensuelle.

« Allégorie de l’eau » Renoir 1919

Dans ces deux sculptures, les corps sont puissants, sculpturaux, alors que l’époque est au cubisme et à l’abstraction. Cependant la modernité peut s’exprimer aussi dans le figuratif, comme le font Renoir puis Maillol et Picasso en continuant à raconter des histoires.

« La Méditerranée » Maillol 1921