Théâtral magazine

L’actualité de la création théâtrale sept. - oct. 2016 Fanny Ardant Christophe Barbier Chantal Ladesou Catherine Hiegel Bérénice Bejo Michèle Laroque Alexandre Brasseur Xavier Durringer Jean-Pierre Vincent François Berléand Nicolas Bouchaud Claude Régy Laurent Ruquier Ariane Ascaride Cristiana Reali Fanny Cottençon Alain Françon Boris Charmatz Alexis Michalik le théâtre de demain

E DOSSIER Les comédies musicales in Paris ! M 02434 - 61 - F: 4,60 - RD Théâtral magazine n 61 www.theatral-magazine.com 3’:HIKMOD=YUY[UV:?a@k@g@l@a" °

ommaire

S Théâtral magazine N° 61 - SEPTEMBRE / OCTOBRE 2016

04 AGENDA Septembre - Octobre 2016 06 ACTUALITÉS 07. Edito de Gilles Costaz 08 LA UNE 08. Alexis Michalik

Théâtral magazine est édité par 12 A L’AFFICHE Coulisses Editions 12 . Daniel Russo, Michèle Laroque 7 rue de l’Eperon 75006 Paris France Tél : + 33 1 43 27 07 03 14 . Salomé Lelouch Email : [email protected] 16 . Fanny Ardant Site Internet : www.theatral-magazine.com 18 . Myriam Boyer 20 . Christophe Barbier, Chantal Ladesou Directeur de la publication : Hélène Chevrier 22 . Tiphaine Gentilleau, Catherine Hiegel Directeur de la rédaction : Enric Dausset 24 . Alain Françon Rédactrice en chef : Hélène Chevrier 26 . Bérénice Bejo [email protected] 28. Jean-Pierre Vincent Rédaction : 30 . François Berléand, Tiago Rodrigues Hélène Chevrier 32 . Nicolas Bouchaud, Claude Régy Gilles Costaz 34 . Laurent Ruquier, Eric Assous Enric Dausset Igor Hansen-Love 36 . Alexandre Brasseur Jacques Nerson 38 . Ariane Ascaride, Judith Chemla Nathalie Simon 40 . Agathe Molière, Isabelle Lafon François Varlin 44 . Julie Deliquet Hadrien Volle 46 . Martin Lamotte, Sylvain Creuzevault Direction artistique et maquette : 48 . Cristiana Reali Coulisses Editions : + 33 1 43 27 07 03 50 . Fanny Cottençon, Xavier Durringer Fabrication impression : 52 . Barbara Schulz, Frédéric Ferrer SIB Imprimerie - Imprimé en France 54 . Boris Charmatz Tirage : 10 000 exemplaires 56 . Anne Nguyen, Ronan Chéneau 58 . Robyn Orlin Distribution : Presstalis Dépôt légal : date de parution 42 TÊTES D’AFFICHES Com mission paritaire du journal : 0319 G 89789 Commission paritaire du site : 1117 W 90648 60 DOSSIER : Les comédies musicales Publicité : avec Ladislas Chollat, Alex Goude, Elie Chouraqui, Coulisses Editions : + 33 1 43 27 07 03 Luc Plamandon, Stephen Mear, Dominique Trottein Gestion Flashcodes Arnaud Lacaze : + 33 1 42 18 00 00 70 ZOOM www.infotronique.fr - FAB / Festival des Arts de Bordeaux Métropole Photo couverture Alexis Michalik © Mary Brown - Bettina Atala Le prochain numéro sortira en kiosques le 2 novembre 2016 74 PAGES CRITIQUES 82 LE GRAIN DE SEL ABONNEMENT de Jacques Nerson 1 an = 25 € p.81

www.theatral-magazine.com Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 3 genda Spectacles recommandés

A Mariage et Châtiment , mise en scène Jean-Luc Moreau, avec 1-sept. p.12 Daniel Russo... Théâtre Hébertot 75017 Paris, 01 43 87 23 23 Ils s’aiment depuis 20 ans , avec Michèle Laroque, Muriel 1-sept. p.13 Robin et Pierre Palmade , à l’Olympia à Paris et en tournée Politiquement correct , de et mis en scène par Salomé Le - 2-sept. p.14 louch. La Pépinière théâtre 75002 Paris, 01 42 61 44 16 Croque-monsieur , avec Fanny Ardant, Bernard Menez… 6-sept. p.16 Théâtre de la Michodière 75002 Paris, 01 47 42 95 22 Le Chat, d’après Georges Simenon, avec Myriam Boyer 6-sept. p.18 Théâtre de l’Atelier, 75018 Paris 01 46 06 49 24

@

Présents parallèles , de Jacques Attali, mise en scène Chris - C 7-sept. p.20 a r

o

tophe Barbier, La Reine Blanche 75018 Paris, 01 40 05 06 96 l e

B

e

l

l Peau de vache , mise en scène Michel Fau, avec Chantal La - a

i

c

8-sept. p.21 h desou, Théâtre Antoine 75010 Paris, 01 42 08 77 71 e C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde, création 8-sept. p.22 collective, Rond-Point 75008 Paris, 01 44 95 98 00 Ça ira (1) Fin de Louis, de Joël Pommerat 9-sept. p.76 Nanterre Amandiers, 01 46 14 70 00, du 9 au 25/09 Les Femmes savantes , mise en scène Catherine Hiegel, avec 10-sept. p.23 Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri... Porte Saint-Martin 75010 Paris 2666 , d’après Roberto Bolaño, mise en scène Julien Gosselin 10-sept. p.76 Odéon, Ateliers Berthier 75017 Paris, 01 44 85 40 40

Le dépeupleur , de Samuel Beckett, avec Serge Merlin @

12-sept. p.24 G i

Les Déchargeurs 75001 Paris, 01 42 36 00 50 o

v

a

n

n

i

Tout ce que vous voulez , avec Bérénice Bejo et Stéphane De C

13-sept. p.26 i

t t

Groodt. Théâtre Edouard VII 75009 Paris, 01 47 42 59 92 a

d

i n Iphigénie en Tauride, mise en scène Jean-Pierre Vincent, i 13-sept. p.28 Strasbourg, en tournée et Théâtre de la Ville à Paris Moi, moi et François B. , avec François Berléand, Sébastien Cas - 13-sept. p.30 tro, Constance Dollé… Théâtre Montparnasse 75014 Paris Antoine et Cléopâtre, d’après Shakespeare, mise en scène Tiago 14-sept. p.31 Rodrigues,Théâtre de la Bastille 75011 Paris, 01 43 57 42 14

Dom Juan de Molière, mise en scène de Jean-François Sivadier, r e

14-sept. p.32 g r avec Nicolas Bouchaud.... Odéon 75006 Paris, 01 44 85 40 40 e b

n

i

e

W Edmond , texte et mise en scène d’Alexis Michalik

e 15-sept. p.8 r d

Théâtre du Palais-Royal 75001 Paris, 01 42 97 40 00 n

a

x

e

l

A Rêve et folie , de Georg Trakl, mise en scène de Claude Régy

15-sept. p.33 @ Nanterre Amandiers, 01 46 14 70 70, du 15/09 au 21/10 A droite à gauche , de Laurent Ruquier, avec Francis Huster et 15-sept. p.34 Régis Laspalès. Théâtre des Variétés 75002 Paris, 01 42 33 11 41 L’Heureux élu, d’Eric Assous, avec Bruno Solo, Yvan Lebolloc'h... 15-sept. p.35 Théâtre de la Madeleine 75008 Paris, 01 42 65 07 09

4 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 S e p t . - O c t .

Brasseur et les Enfants du paradis, avec Alexandre Brasseur 15-sept. p.36 et Cléo Sénia. Théâtre du Petit Saint-Martin 75010 Paris Le Silence de Molière, mise en scène de Marc Paquien. 16-sept. p.38 avec Ariane Ascaride. Théâtre de la Tempête, Cartoucherie Traviata, d’après Verdi, mise en scène Benjamin Lazar, avec Ju- 17-sept. p.39 dith Chemla... Bouffes du Nord 75010 Paris, du 17/9 au 15/10 Poil de Carotte d’après Jules Renard, avec Agathe Molière 17-sept. p.40 Nanterre-Amandiers du 17/09 au 2/10, et en tournée

r Les Insoumises, mise en scène et avec Isabelle Lafon, d 20-sept. p.41

@ Théâtre de la Colline,75020 Paris, du 20/09 au 20/10 Vania d’après Oncle Vania, mise en scène de Julie Deliquet 21-sept. p.44 Vieux-Colombier 75006 Paris, du 21/09 au 6/11 Columbo, mise en scène de Didier Caron, avec Martin Lamotte 22-sept. p.46 Théâtre Michel 75008 Paris, 01 42 65 35 02 Angelus Novus AntiFaust, mise en scène Sylvain Creuzevault, 23-sept. p.47 TNS 23/9 -9/10, Toulouse 18-21/10, La Colline, 2/11-4 /12 Les Damnés, d’après Luchino Visconti, mise en scène d’Ivo 24-sept. p.76 van Hove, Comédie-Française, du 24/09 au 13/01 M’man, de Fabrice Melquiot, avec Cristiana Reali... 28-sept. p.48 Théâtre du Petit Saint-Martin 75010 Paris, 01 42 08 00 32 Petits crimes conjugaux, d’Eric-Emmanuel Schmitt, avec 29-sept. p.50 Fanny Cottençon, Sam Karman. Rive Gauche 75014 Paris Acting, par Xavier Durringer, avec Niels Arestrup, Kad Merad, 29-sept. p.51

@ Patrice Bosso. Bouffes Parisiens 75002 Paris, 0142 96 92 42

R

D L Le dernier testament... mise en scène Mélanie Laurent, à Tou- 29-sept. lon 29-30/9, Clermont-Ferrand 12-14/10, Chaillot 25/1 -3/2 FAB, Festival international des Arts de Bordeaux, du 1er au 1-oct. p.70 22/10, dont La nuit des taupes de Philippe Quesne L’Éveil du chameau, avec Barbara Schulz, Pascal Elbé... 4-oct. p.52 Théâtre de l’Atelier, 75018 Paris, 01 46 06 49 24 L’Atlas de l’Anthropocène, conception Frédéric Ferrer 4-oct. p.53 Théâtre du Rond-Point, 75008 Paris, du 4 au 23/10

r e Avant de s’envoler, de Florian Zeller, avec Robert Hirsch...

g r 5-oct. e b Théâtre de l'Oeuvre, 75009 Paris, du 5/10 au 15/01

n i

e

W

e Danse de nuit, de Boris Charmatz, 7 au 9/10 à la MC93, 12 et r d 7-oct. p.54

n a 13/10 aux Beaux-Arts de Paris, 19 au 23/10 Musée du Louvre

x

e l

A P

F Danse des guerriers de la ville, d’Anne Nguyen A @ 13-oct. p.56

@ Théâtre national de Chaillot, 75116 Paris, du 13 au 21/10 Presque l’Italie, de Ronan Chéneau, par le collectif Colette 13-oct. p.57 Nouvel Olympia, Tours, 02 47 64 50 50, du 18 au 21/10 And so you see…, de Robyn Orlin, avec Albert Khoza 13-oct. p.58 Théâtre de la Bastille, 75011 Paris, du 31/10 au 12/11

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 5 ctualités

A HARRY POTTER choir, à la Réunion. AU THÉÂTRE A Gennevilliers, Pascal Rambert Après sept romans et autant de avait dit qu’il ne resterait pas plus films, voilà que le héros magicien de dix ans à la tête du CDN. Pro - du XXIe siècle débarque au théâ - messe tenue : il cèdera début tre. Harry Potter et l’enfant maudit , 2017 la place au directeur du qui se déroule 19 ans après le der - Studio-Théâtre de Vitry, Daniel nier épisode, est une pièce sur les Jeanneteau. Parmi les artistes

rapports d’Harry Potter avec son fils qui seront associés au théâtre, on

qui assume mal l’héritage paternel. @ trouve Lazare, Adrien Béal, Sté -

D

Rien à voir donc ou presque avec R phanie Béghain, Yoann Thom - les précédents épisodes. Cette fois, merel et Sonia Chiambretto. JK Rowling plonge au cœur de la Enfin, après un an sans directeur, psyché de ses personnages. Sans la MAC de Créteil vient de trouver doute est-ce une des raisons pour NOMINATIONS un successeur à Didier Fusillier lesquelles elle a choisi le théâtre. La metteuse en scène, comédienne parti diriger la Villette en 2015 : Sans doute aussi parce qu’elle avait et pianiste Séverine Chavrier c’est José Montalvo qui prendra déclaré qu’il n’y aurait pas de 8e prendra la direction du Centre dra - ses fonctions dès la rentrée de sep - roman. En choisissant d’écrire une matique national d'Orléans à tembre, secondé par Nathalie De - pièce de théâtre, elle respecte ainsi compter du 1er janvier 2017. Elle coudu comme directrice déléguée. sa parole. Toujours est-il que théâ - y accueillera des artistes comme tre, film ou roman, le succès est tou - Jonathan Capdevielle, Sanja Mi - jours au rendez-vous. La pièce dont trovic ou la plasticienne Louise la première a eu lieu le 30 juillet au Sari. Elle succèdera ainsi à Arthur MÉLANIE LAURENT Palace Theater de Londres affiche Nauzyciel qui, lui, vient d’être METTEUSE EN SCÈNE complet jusqu’en mai 2017... nommé à la direction du Théâtre Après Promenade de santé , pièce National de Bretagne à Rennes et écrite pour elle par Nicolas Bedos ADIEU À de son école à la suite de François en 2010 et dans laquelle elle Roger Dumas nous a quittés le 2 Le Pillouër parti en retraite. Autour jouait une nymphomane en conva - juillet. Il était âgé de 84 ans. Habi - de lui, on pourra retrouver Vincent lescence, Mélanie Laurent revient tué des scènes de théâtre ces der - Macaigne, Julie Duclos, Adèle au théâtre en tant que metteuse nières années, on l’a vu notamment Haenel, Sidi Larbi Cherkaoui, des en scène. Pour cette première ex - dans la magnifique pièce L’étu - écrivains et des musiciens. périence, elle a choisi d’adapter en diante et Monsieur Henri , il tournait A Orléans encore, le chorégraphe complicité avec Charlotte Farcet, aussi beaucoup pour le cinéma et la et mime Josef Nadj cèdera la direc - la dramaturge de Wajdi Mouawad, télévision. Et il avait un autre ta - tion du Centre Chorégraphique Le dernier testament de Ben Zion lent, celui d’écrire des chansons. Syl - qu’il a fondé à Maud le Pladec à Avrohom . Ce roman de James Frey vie Vartan lui doit son tube Comme partir du 1er janvier 2017. raconte l’histoire d’un blanc habi - un garçon et Johnny, Dani, Richard Stéphanie Bulteau a été nommée tant le Bronx qui serait le messie Anthony, Yves Montand ou Chan - à la direction de la scène conven - réincarné. Mais l’Elu ne correspond tal Goya beaucoup de leurs succès. tionnée pluridisciplinaire Le Sé - pas à l’image qu’on se fait de lui. La pièce sera créée à Toulon au théâ - tre Liberté les 29 et 30 septembre, HCODES FLAS Dans ce numéro de THÉÂTRAL MAGAZINE , vous trouverez puis ira à la Comédie de Clermont- un certain nombre de flash codes que vous pouvez scanner avec votre smart - Ferrand du 12 au 14 octobre… et phone. Ils vous renvoient via internet vers les bandes-annonces des pièces dont nous parlons dans le journal et réalisées par la société Visioscène. à Paris au théâtre de Chaillot du Ce sont aussi des liens vers les billetteries des spectacles. 25 janvier au 3 février 2017.

6 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 L’ÉDIT de Gilles COSOTAZ

SHARON STONE SUR LE JEU DES SCÈNE À PARIS C’est encore à l’état de projet, MILLE PORTES mais l’actrice de Basic Instinct et de Casino discute avec le produc - Par quelle porte aborder la rentrée ? teur Richard Caillat, coproprié - Le grand jeu classique, Dom Juan à taire des théâtres de Paris et de l'Odéon ? Le rattrapage des specta - la Michodière, de la possibilité cles manqués dans les festivals où de venir jouer à Paris en 2017. l'on n'est pas allé et dans ceux où il

Ce serait une première puisque @ n'y avait plus de places à vendre ? Y

d Sharon Stone n’a jamais fait de r a-t-il encore des billets pour Les théâtre. Elle jouerait le rôle d’une des mondes et Le Chant du Damnés à la Comédie-Française ? Ou femme amenée à faire le bilan de sa cygne/L’ours , Eric Ruf, Valérie Le - bien va-t-on faire la cueillette aux vie face à la solitude. A la mise en sort et Carole Allemand celui de la vedettes ? Réserver pour Bérénice scène, on retrouverait Jérémie Lipp - scénographie pour 20.000 lieues Bejo, Claude Brasseur, Agnès Jaoui, mann, dont la dernière création, La sous les mers à la Comédie-Fran - François Berléand, Niels Arestrup, Rivière , avec Nicolas Briançon et çaise, Alexandre Meyer celui de la Catherine Frot ? Rattraper Fabrice Emma de Caunes n’a malheureuse - musique pour Und d’Howard Barker Luchini qui donne toujours des sé - ment pas marché, après le succès de avec Natalie Dessay et Thomas Os - ries archi-courtes ? Téléphoner aux La Vénus à la fourrure avec Marie termeier celui du meilleur livre sur le Bouffes du Nord pour ne pas man - Gillain en 2015. théâtre avec Le théâtre et la peur. quer Balasko disant Simone de Beauvoir (c'est d'un chic ! ) ? Vérifier PALMARÈS DES PRIX DE LA AVIGNON 2016, BILAN si le nouveau Mnouchkine sera en CRITIQUE 2016 Le festival d’Avignon a terminé retard sur la date annoncée ou bien Le Syndicat de la Critique a remis ses cette année avec une hausse de sa à l'heure ? A moins qu'on prenne le prix. Le grand gagnant est sans sur - fréquentation dans le In, 95% de parti du grand festival parisien, le prise le metteur en scène Ivo van remplissage contre 93% en 2015. Festival d'automne, où tout est ri - Hove dont la pièce Vu du pont d’Ar - La raison ? Sans doute la program - gueur, sérieux et beauté. Si les thur Miller reçoit le Grand Prix et le mation annoncée dès la fin de l’édi - douze heures du Bolaño-Gosselin ne prix du meilleur comédien pour tion 2015 avec l’événement du vous ont pas fait peur, vous ne crain - Charles Berling, et la pièce Kings of retour de la Comédie-Française drez pas les six heures et demie des war d’après Shakespeare est élue dans la Cour d’Honneur avec Les Frères Karamazov par Castorf dans Meilleur spectacle étranger. Qui a Damnés mis en scène par Ivo van une friche de La Courneuve (le peur de Virginia Woolf reçoit aussi Hove, le 2666 de Julien Gosselin même roman a inspiré à Bellorini deux prix : le Prix Laurent-Terzieff du d’après le roman de Roberto Bolaño une soirée courte : cinq heures seu - meilleur spectacle présenté dans un ou la présence quotidienne du très lement ! ). Les petites salles de Paris théâtre privé et celui de la meilleure médiatique Thomas Jolly qui pré - et des grandes villes régionales four - comédienne à Dominique Valadié. sentait un feuilleton théâtral sur les millent de propositions moins fra - Le prix Georges-Lerminier (meilleur 70 ans du festival et signait la mise cassantes mais tout aussi excitantes. spectacle théâtral créé en province) en scène du magnifique Radeau de A ce jeu des mille portes qu'est la récompense Figaro divorce mis en la méduse de Georg Kaiser. Sans rentrée il ne faut pas se tromper scène par Christophe Rauck. Tiago doute aussi que la résolution des d'entrée. Les prix divergent, et c'est Rodrigues reçoit le prix de la meil - conflits avec les intermittents a pesé quand même la lutte des classes : la leure création d’une pièce en langue dans la balance. On se souvient grande bourgeoisie n'a pas toujours française avec Bovary , Maëlle Poésy qu’en 2015, les festivals avaient été les mêmes goûts que la clientèle de celui de la révélation théâtrale de très perturbés par les interventions BilletRéduc... l’année (Prix Jean-Jacques-Lerrant) répétées des intermittents pour dé - pour Candide, si c’est ça le meilleur fendre leurs droits.

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 7 Une

Alexis Michalik n w o Le théâtre de demain r B

y r a M

@

8 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 ED MOND

es maîtres sont Wajdi Mouawad, Jean-François Si - vadier, Simon McBurney, Peter Brook ou sa fille, Irina, qui a lancé sa carrière en lui confiant le rôle de Roméo en 2001. Alexis Michalik, 33 ans, est déjà et depuis longtemps auteur Sdramatique et metteur en scène à succès. Ses deux premières pièces, Le Por - teur d’histoire et Le Cercle des Illusionnistes ont bouleversé ceux qui les ont vues et rapporté à leur auteur deux Molières. Ce chantre d’un théâtre narratif haletant réussit l’exploit de renouveler le genre à chacune de ses créations. Du Porteur d’histoire qui nous entraîne dans un récit romanesque et labyrin - thique, il nous embarque ensuite aux origines du cinéma dans le Cercle des il - lusionnistes et nous ouvrira dès septembre les coulisses de la création de Cyrano de Bergerac dans sa nouvelle pièce, Edmond , au théâtre du Palais- Royal. L’histoire d’Edmond Rostand, l’auteur de Cyrano , consacré en une nuit par une pièce historique qui deviendra l’emblème du théâtre français a inspiré au jeune artiste un docu-fiction passionnant.

Théâtral magazine : Edmond, c’est drôle, c'est brillant, c’est intelligent. à peine d’être inventé et le divertis - Edmond Rostand, l’auteur de Cy - Beaucoup de gens croient que le sement populaire de référence, c’est rano de Bergerac . La pièce est-elle texte date du XVIIe siècle parce qu’il encore le théâtre. Pendant des siè - un biopic de sa vie ? est écrit en alexandrins. Et pourtant cles, Paris n'a compté que deux ou Alexis Michalik : C'est l'histoire il est beaucoup plus contemporain trois théâtres qui n'étaient réservés d'un auteur déconsidéré. C'est un puisqu’il a été publié en 1897. Mais qu’aux arts forains. Et puis à partir peu un Shakespeare in Love à la à sa création, Rostand a l’image d’un de 1800, les salles vont se multiplier française et d’une certaine façon poète très ringard qui écrit en vers, à Paris sous l’impulsion de Napo - l’aventure d’une petite équipe à la - et sa pièce est annoncée comme léon. Le XIXe est le siècle du théâtre quelle personne ne croit et qui fina - une histoire romantique comme parisien. On compte des centaines lement gagne le championnat. celles qu’écrivait Musset 70 ans au - de salles dont certaines monumen - Parce que personne ne croit en Cy - paravant. Mais contre toute attente, tales avec 2000 ou 3000 places. On rano . La pièce coûte très cher, elle la première qui a lieu le 28 décem - y recrée des batailles navales, est écrite en vers, alors qu’on est bre 1897 au théâtre de la Porte Alexandre Dumas et Victor Hugo quand même en 1897. Et pourtant, Saint-Martin est phénoménale. Elle montent des pièces de huit ou douze Rostand devient un poète national recueille vingt minutes d’applaudis - heures… Ce sont des spectacles du jour au lendemain et sa pièce est sements et du jour au lendemain, pour grand public comme le sont au - aujourd’hui encore la plus jouée Rostand devient une star. jourd’hui les films ou les séries télé. dans le monde. C’est ce revirement qui vous a ins - Et les parisiens sortent énormément Pourquoi d’après vous ? piré la pièce ? au théâtre. Ils vont voir les mélo - Parce que le personnage de Cyrano Oui parce que l’avènement d’une drames du boulevard du crime évi - avec son panache représente l'esprit star grâce à une représentation demment mais pas que ça. Il y en a français tel qu'on le rêve. J'ai vu trois théâtrale ça n’arrive plus au - pour tous les goûts. Et les produc - versions de la pièce. Les foules sont jourd’hui. Mais c’est possible à tions théâtrales sont souvent des su - transportées à chaque fois. C'est l’époque, parce que le cinéma vient perproductions. Cyrano compte par

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 9 ALEXIS MICHALIK

exemple 75 acteurs. Et c’était mon - semonde Gérard, une poétesse de ta - et récupérait des pages intéres - naie courante d’avoir tant de monde lent, qui l’aide. Ils ont deux enfants. Il santes dans la corbeille. Mais dra - sur scène. Mais à partir de 1900, ces a déjà écrit trois ou quatre pièces, maturgiquement et visuellement, grosses productions théâtrales vont dont une pour la Comédie-Française, on ne pouvait pas avoir un person - être supplantées petit à petit par le mais qui n’ont pas eu énormément nage assis à sa table pendant deux cinéma. de succès. Cependant, c’est un fils de heures. Et puis je voulais aussi faire Qui est Edmond Rostand avant bonne famille et il subsiste grâce à un panorama du théâtre de d’écrire Cyrano ? l'aide de son père qui est un notable l'époque... En 1897, il a 29 ans. Il est marié à Ro - marseillais. Et puis, c'est le petit pro - ... dans lequel les producteurs veu - tégé de Sarah Bernhardt. Elle aime ce lent imposer dans le rôle de poète. Certains les soupçonnent Roxane une actrice qui est leur même d’être amants. Moi je préfère maîtresse, ou Coquelin placer son dire qu'il est son protégé. Il a d’ail - fils dans le rôle de Ragueneau... Le leurs écrit deux pièces pour elle. Mais théâtre de Rostand ressemble il n’a encore jamais écrit de comédie beaucoup à celui d'aujourd'hui. Il historique. Et il va le faire avec Cy - y a toujours beaucoup d’intérêts rano pour l’acteur Coquelin. en jeu… La pièce nous apprend beaucoup Oui et d’ailleurs, j'ai volontairement de choses sur les conditions de mis des anachronismes, des choses création de Cyrano . Mais tout est- qui se rapportent au showbiz d’au - il vrai ?… jourd'hui. Et en même temps je ne Tout est vrai et rien n'est vrai. Ce qui voulais pas raconter des histoires de a trait à Sarah Bernhardt est vrai, sur maîtresses. Cela n’aurait pas été fi - Coquelin aussi ; il était vraiment me - dèle à l’esprit de la pièce. Une des a c

c nacé d'interdiction de jouer par la thématiques principales de Cyrano , o i l g

a Comédie-Française. J'ai récupéré c'est le romantisme. Et le roman - M Le cercle o plein d’informations mais je les ai tisme, c'est aimer quelqu'un jusqu’à m i s o

C aussi un peu transformées. Par la mort. C'est le cas pour tous les des illusionnistes @ exemple, l’idée de Cyrano est venue personnages. Cyrano aime Roxane à Edmond Rostand après avoir aidé mais n'ose pas le lui dire ; le jour où un ami à séduire une jeune fille ; il il le lui avoue, il meurt. Roxane aime lui avait donné des cours de poésie, Christian sans l'avoir jamais rencon - lui avait conseillé des choses à dire tré et quand elle se marie avec lui, il et il a transposé cette anecdote est envoyé à la guerre et meurt dans la relation entre Cyrano et avant d’avoir consommé le mariage. Christian. Après, il a mis plus de Je voulais qu'on retrouve dans la temps à écrire la pièce que ce que je pièce l'héroïsme du personnage, son raconte et il n’a pas terminé non panache. C’est pourquoi il fallait in - plus la veille de la première. Ce qui tégrer l’histoire de Cyrano dans celle m’importait, c’était de montrer com - d’Edmond, mettre en abîme la créa - ment un spectacle se crée en me fo - tion de Cyrano dans l’histoire d’Ed - calisant sur son auteur. On voit mond. comment il est traversé, aidé et ins - Comme pour Le Porteur d’histoire piré par ce qui lui arrive. Je pense et Le cercle des illusionnistes , vous que dans la réalité, il devait être le signez aussi la mise en scène. plus souvent enfermé chez lui à Au départ, c'était un scénario que r

d écrire. On sait que sa femme l’aidait j'avais écrit et que je voulais réaliser.

@ Le Porteur d’histoire beaucoup, lui corrigeait ses copies Jusqu’à ce que je me dise que ça

10 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 ED MOND

En voyant le théâtre de Wajdi Mouawad, je me suis pouvait faire quelque chose de sha - kespearien même aujourd'hui. Parce n Edmond, texte et mise en scène dit qu'on pouvait faire que le public est toujours avide d’Alexis Michalik quelque chose de d'histoires. C’est pour ça que les sé - Théâtre du Palais-Royal, 38 rue de ries marchent aussi bien ; il veut sa - Monpensier 75001 Paris, 01 42 97 shakespearien même voir ce qui va se passer. Mais s’il sait 40 00, à partir du 15/09 aujourd'hui.. .. déjà, c'est moins intéressant. Quand j’ai écrit Le Porteur d'histoire , je n Intra Muros, texte et mise en scène n’imaginais pas le succès que cela d’Alexis Michalik. remporterait. J’ai été influencé Théâtre 13 / Jardin, pourrait très bien marcher au théâ - d’une certaine manière par Mnemo - du 9/03 au 16/04/2017 tre. nic de Simon Mcburney, dans lequel Avez-vous réécrit pour transposer plusieurs époques s’entremêlent et le scénario sur scène ? qui m’a convaincu qu’on pouvait ra - Repères artistiques Non. Quand j’écris, le plus important conter plusieurs histoires qui conver - c’est que l’histoire soit bonne. Et peu gent vers une seule. J’ai créé le importe qu’elle soit compliquée à Porteur à Avignon comme une sorte Théâtre monter. Aujourd’hui, un auteur de de laboratoire avec cinq acteurs. Le théâtre ne peut pas limiter ses plans succès est venu progressivement en 2001 - Roméo et Juliette, de Shakespeare, mise pour ne pas compliquer la mise en un ou deux an. Ensuite quand on a en scène Irina Brook scène, ou réduire l’intrigue à cinq fait Le cercle , on a eu la confirmation 2003 - admis au Conservatoire National mais personnages par économie. J'essaye qu'il y avait une vraie demande de laisse sa place pour monter une adaptation du d'abord d'avoir une histoire dont je narration forte. Mariage de Figaro suis pleinement satisfait. Et après Au départ Edmond devait être un seulement, je cherche comment pas - film. Qu'est-ce que le théâtre ap - 2005 - Une folle journée, d’après Le Mariage de ser du théâtre au bar, du bar à la porte par rapport au cinéma ? Figaro, adaptation, mise en scène et scène, des coulisses à l'extérieur. Une immense liberté parce que je interprétation Alexis Michalik Pour que ce soit possible, il faut un peux raconter l'histoire que je veux, décor très symbolique facilement ça ne coûte pas plus cher. Le cinéma 2006 - La mégère à peu près apprivoisée, déplaçable puisque le nombre de m’intéresse aussi. J’ai un projet en d’après Shakespeare, adaptation, mise en scène scènes défile très vite. La moitié de cours. Mais cette saison, j’ai la créa - et interprétation Alexis Michalik mes répétitions est consacrée aux tion d’ Edmond, puis de Intra Muros 2008 - R&J d’après Roméo et Juliette, d’après transitions. C'est l’acteur qui amène au théâtre 13 en 2017. J'ai écrit Shakespeare, adaptation, mise en scène et telle chaise, telle table, tel objet. deux épisodes avec Benjamin Belle - interprétation Alexis Michalik C’est réglé comme une chorégra - cour de la série dans laquelle on phie, car c'est ce qui donne le joue, Kaboul Kitchen . Et puis je tra - 2011 - Le Porteur d’Histoire, texte et mise en rythme et la fluidité. vaille sur mon premier roman qui scène Alexis Michalik Il y a dix ans, vous vous imaginiez paraîtra chez Albin-Michel, qui pu - auteur de théâtre ? blie également le texte d’ Edmond . 2014 - Le Cercle des illusionnistes, texte et mise Pas du tout. J'ai toujours écrit mais Propos recueillis par en scène Alexis Michalik je ne pensais pas que ça pourrait in - Hélène Chevrier 2014 - Molière du metteur en scène d'un téresser quelqu'un. Mes premières spectacle de théâtre privé et Molière de l'auteur pièces comme Roméo et Juliette, ou francophone vivant La mégère étaient des classiques re - visités parce que je ne voyais pas Télévision l’intérêt de réécrire ce qui existait déjà. Et en voyant le théâtre de Depuis 2012 - Kaboul Kitchen, série Wajdi Mouawad, je me suis dit qu'on

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 11 à partir du 1er MARIAGE ET CHÂTIMENT Hébertot Sept. JACQUES DANIEL Madeleine r d

Après ses triomphes dans Toc @ Toc, Hier est un autre jour ! et L'Etre ou pas , Daniel Russo met les bouchées doubles. A 19 h, il joue la nouvelle pièce de Laurent Baffie et, à 21 h, celle de David Pharao. Une acrobatie qui ne l'inquiète pas : les deux co - médies sont d'inspiration opposée.

Théâtral magazine : Deux pièces d'un coup, ce n'est pas trop ? Daniel Russo : Je l'ai déjà fait. Et je ne pouvais refuser de travailler pour la première fois avec Jean-Luc Mo - reau, d'un côté, et refuser la nou - Daniel Russo velle comédie de mon ami Laurent Baffie, de l'autre. Les deux specta - cles commencent à trois semaines Coup double de distance, cela permet d'organiser son temps. Et ils sont si différents : c'est le grand écart. Qu'est-ce que Mariage et Châti - Chez ce farceur, ce lanceur de qui vous fait peur, et faire rire avec ment de David Pharao ? blagues, il y a une belle humanité et ce qui vous fait peur. C'est du pur comique. C'est l'histoire beaucoup d'émotion dans l'écriture. Propos recueillis par de quelqu'un qui commet un men - C'est la rencontre, dans un bar à Gilles Costaz songe, ce n'est pas un menteur pro - whisky, d'un veuf inconsolable et fessionnel. Mais son mensonge, qu'il d'un homme trompé. L'alcool les veut corriger et qu'il aggrave, va aide à parler. Ils vont se connaître. tout détruire. Cela devient fou ! Cela La barmaid, que joue Nicole Calfan, rebondit sans cesse ! C'est les chutes entre dans leur jeu. du Niagara. Le personnage est dés - Dans Jacques Daniel , vous parta - n Mariage et Châtiment de David emparé. Très humain, il est massa - gez l'affiche avec Claude Brasseur. Pharao, mise en scène de Jean-Luc cré par tout le monde. Je suis Claude, je l'ai rencontré sur un tour - Moreau, avec Daniel Russo, Laurent content de créer cette pièce avec nage. On est devenu très amis, on Gamelon, Delphine Rich. Laurent Gamelon. Jean-Luc Moreau fait même de la pétanque ensem - Théâtre Hébertot 78 bis, rue des Bati - est un metteur en scène qui est ble ! Je lui ai demandé s'il voulait gnoles 75017 Paris, 01 43 87 23 23, comme un peintre avec ses couleurs. jouer la pièce de Baffie avec moi. Il à partir du 1/09 Nous, on fleurit le texte comme un a tout de suite accepté. Quand il n Jacques Daniel de et mis en scène jardinier fait son jardin. joue, il met de la poésie dans chaque par Laurent Baffie, avec Daniel Russo, Passons à Jacques Daniel , dont le mot et dans chaque silence. Claude Brasseur, Nicole Calfan. titre est un jeu de mots sur une Quelle serait votre définition du Théâtre de la Madeleine 19 rue de Su - certaine marque de whisky. théâtre ? rène 75008 Paris, 01 42 65 07 09, La comédie de Laurent Baffie est Ce serait de vivre ensemble, avec les à partir du 21/09 pleine de nostalgie et de tendresse. autres. C'est aussi pouvoir rire de ce

12 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du ILS S’AIMENT DEPUIS 20 ANS 1er Olympia à Paris et en tournée Sept.

Michèle Laroque Fin de l’histoire

Et revoilà Isabelle et Martin , le couple tellement craquant et authentique que jouent Michèle Laroque et Pierre Palmade depuis 20 ans dans Ils s’aiment, Ils se sont aimés et Ils se RE-aiment. Ils s’aiment depuis 20 ans n’est pas une suite mais un best-of des meilleures

scènes des trois spectacles qu’ils jouent en alternance avec e

g

a

m i

Muriel Robin, leur metteuse en scène et co-auteure. t

s

e

B

_

n

o

l

l

a

V

n

e i

Théâtral magazine : Ils s’aiment de - change-t-il les rapports entre les l

u J

puis 20 ans est une composition à personnages ? @ partir de vos trois spectacles avec Bien sûr. Ce qui se dégage de chaque Pierre Palmade. Comment avez- couple est très différent en fonction brillantissime divorce , que j’ai jouée il vous choisi les sketches ? des personnalités des interprètes et y a quelques années. Au départ, je Michèle Laroque : On reprend les en même temps tellement semblable voulais faire un film qui parlait du ter - tubes. Comme on les a joués, on sait que c’est très fort. Quand ils ont coécrit rorisme mais après Charlie et les at - très bien sur quels morceaux les gens le spectacle, Pierre et Muriel voulaient tentats du 13 novembre, j’ai décidé riaient. Il y a les scènes qui fonction - que ce soit complètement intemporel d’arrêter. On avait été un peu trop vi - nent toujours ; on le voit aussi d’après et universel. D’ailleurs, dans le pre - sionnaires et je n’ai pas le courage le nombre de vues sur YouTube. Cela mier, on jouait des couples différents pour l’instant de parler de ce sujet. va nous permettre de fêter et de clô - à chaque scène. Mais le public a pensé J’espère plus tard. turer cette aventure incroyable avec que c’était le même couple pendant Propos recueillis par le public depuis 20 ans. tout le spectacle. C’est pourquoi dès le Hélène Chevrier Dans quel ordre allez-vous jouer les deuxième, Ils se sont aimés, nous nous scènes ? sommes appelés Isabelle et Martin Chronologique pour raconter une dans toutes les scènes. Là pour simpli - n Ils s’aiment depuis 20 ans, mise en scène de Muriel Robin, histoire qui commence par un ma - fier, on s’appellera tout le temps Isa - avec Michèle Laroque, Muriel Robin et Pierre Palmade riage, passe par un divorce, puis par belle et Martin. Et pour les deux 1 au 3/09 théâtre de Champagne à Troyes, 6 au 17/09 et des retrouvailles. C’est l’histoire du femmes, ce sera Isabelle et Mathilde. 25 au 29/10 Olympia à Paris, 28/09 Amneville, 29/09 couple d’Isabelle et Martin, mais éga - Croyez-vous au pouvoir de l’art ? Nancy, 30/09 Strasbourg, 1/10 Chalon en Champagne, lement celle d’Isabelle et Mathilde et Complètement. Ça donne un souffle 6/10 Marseille, 7/10 Montpellier, 8/10 Nice, 11 et 12/10 de Martin et Mathilde. qui se partage. J'ai d’ailleurs fait Bruxelles, 13 et 14/10 Lille, 15/10 Rouen, 16/10 Amiens, Muriel Robin joue en alternance l'aventure des CoProds dans le ci - 18/10 Limoges, 19/10 Angoulème, 20/10 Pau, 21/10 avec Pierre Palmade et vous. De néma pour ça (un projet de film par - Toulouse, 22/10 Boulazac, 1/11 Angers, 2 et 3/11 sorte que les spectateurs verront ticipatif que Michèle Laroque a lancé Nantes, 4/11 Orléans, 5/11 Brive-la-Gaillarde, 8/11 Brest, selon les représentations trois cou - en 2013, Mon film avec Michèle , 9 et 10/11 Rennes, 11/11 Caen, 16/11 Havre, 17/11 ples différents : Pierre Palmade et ndlr) . Grâce aux gens qui ont parti - Tours, 24/11 Grenoble, 25/11 Bourg-en-Bresse, 29 et vous, Pierre Palmade et Muriel cipé, je vais réaliser mon premier 30/11 Lyon, 1/12 Roanne, 2 et 3/12 Saint-Etienne, 4/12 Robin et Muriel Robin et vous. Cela long-métrage d’après la pièce Mon Clermont-Ferrand, 8/12 Toulon, 9/12 Albertville

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 13 à partir du 2 POLITIQUEMENT CORRECT Sept. La Pépinière - Paris

riage de M. Weizman . Sur ce terrain poli - tique j'ai dû beaucoup me documenter. Salomé Lelouch Et j'ai ainsi compris ce que je ne compre - nais pas quand j'étais petite : cette évo - lution dangereuse d'une société. C'est L'écriture à vif cela qui m'intéresse, et cette étrange histoire d'amour... J'ai rencontré des Directrice, actrice, metteur en scène et à présent au - gens qui ont vécu ce type d'aventure. On croit qu'ils vont ouvrir les yeux et s'arrê - teur : Salomé Lélouch monte sa première grande pièce, même ter. Mais non ! si quelques textes courts et son précédent spectacle, l'adapta - Il fallait que la pièce soit créée avant tion du Mariage de M. Weizman d'après Karin Tuil, portaient l'élection d'avril et mai 2017. déjà la marque d'un écrivain. Avec ce premier texte, elle J'avais été en contact avec La Pépinière Théâtre. Je leur avais proposé il y a trempe sa plume dans l'encrier explosif de la politique. quelque temps un autre projet, qui ne s'est pas fait là. J'ai fait lire Politique - ment correct aux trois directeurs, An - toine Coutrot, Emmanuel de Dietrich et Théâtral magazine : Qu'est-ce qui a dé - Caroline Verdu. Ils ont dit : "C'est gonflé, clenché l'écriture de Politiquement cor - on y va". Ce sont eux qui sont gonflés. rect ? Thibault de Montalembert et Rachel Ar - Salomé Lelouch : Enfant, j'avais du mal diti ont accepté les rôles. Maintenant, je à penser que la France avait pu être oc - me demande si les gens vont oser rire. cupée et je pensais que l'élimination Comment se passe votre direction du d'une communauté n'était plus possi - Ciné XIII Théâtre ? ble. En 2002, la forte poussée du Front Je le dirige depuis treize ans ! J'ai confié national nous a inquiétés mais, autour la programmation à une équipe. Nous de nous, tout le monde était opposé au continuons à soutenir les jeunes compa - FN. Mais, depuis quelques années, j'ai gnies. C'est un théâtre pour les jeunes, découvert, parmi des gens qui étaient donc responsable des problèmes posés. des amis, des personnes qui n'étaient Propos recueillis par plus effrayées par l'extrême droite. Gilles Costaz Comment cela a-t-il pu arriver ? Qui a changé ? Eux ? Nous ? J'ai cherché l'en - droit où cela peut se raconter. Et votre pièce se passe pendant la pro - chaine élection présidentielle. Elle se passe entre le premier et le deuxième tour, pendant quinze jours. Le soir du premier tour, une jeune femme, Mado, qui est une militante de gauche, n Politiquement correct de et mis en scène tombe amoureuse d'un homme, Alexan - par Salomé Lelouch, avec Thibault de Mon - dre, avec qui elle n'a pas parlé politique talembert, Rachel Arditi, Ludivine de Chas - et dont elle ne sait rien. Or c'est un mili - tenet, Bertrand Combe, Arnaud Pfeiffer. tant de la droite extrême... Leurs rencon - La Pépinière théâtre 7 rue Louis Le Grand tres vont se passer dans un café. Ce fut 75002 Paris, 01 42 61 44 16, r d difficile à écrire. Jusqu'alors je m'étais à partir du 2/09 @ préoccupée de l'identité, avec Le Ma -

14 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

à partir du 6 CROQUE - MONSIEUR Sept. Théâtre de la Michodière - Paris

Fanny Ardant A pleines dents !

Jacqueline Maillan, Sophie Desmarets, Maria Pacôme… En évoquant les grands noms de la comédie, Fanny Ardant croit avoir ajouté un jour : “Je n’ai jamais joué de comédie de boulevard” . Sans en avoir l’air, sans en avoir envie. Et la voici, inattendue, dans Croque-monsieur de Marcel Mithois au théâtre de la Michodière ! Fanny Ardant croit toujours qu’elle ne fera plus jamais de théâtre… Jusqu’à ce que l’appel du plateau se fasse irrépressible. Alors elle y va, vaillamment, humblement. La seule question qu’elle se pose : “Serais-je capable ?”.

Théâtral magazine : Avec Croque- comme un tout, mais comme un fini ! C’est une femme qui mène monsieur , vous abordez un genre plus un, plus un, plus un... Je crois en grand train, carnassière. Il y a nouveau ! l’individualité du public. Je déteste comme un retour aux années Pom - Fanny Ardant : Je suis consciente de les masses et l’idée du groupe que pidou, ces années insouciantes, avec ne pas être faite pour le théâtre de l’on doit faire rire ou pleurer. Donc une sorte d’aisance de vivre. Cette boulevard mais c’est une sorte de pour cette pièce, j’y vais comme on période avant les années SIDA où il challenge, de pari d’avoir envie de saute en parachute ! existe encore une parisienne, une faire rire. Je viens d’un théâtre du Bernard Menez va jouer avec vous. mode. Il n’y a plus ni de parisienne texte ; c’est ici un théâtre de situa - Il cultive l’idée du personnage ni de mode ! Maintenant on ne voit tion, de timing, de mauvaise foi, de lourdingue, non ? plus que des femmes de pouvoir, cynisme. De mélancolie aussi. Mé - Mais vous ne l’avez pas vu au ci - dures, qui veulent être respectées, langés comme dans un shaker de néma ? Il a un univers de poésie au - qui ne boivent pas, moralisatrices. cocktail ! Je n’ai pas une nature co - dacieux, extravagant. Nous devons Mon personnage n’est dupe de rien mique. Je me suis retrouvée dans jouer une vraie situation, des person - et sait qu’elle fait partie de ces races des films comiques mais avec des nages très définis, une écriture belle, en voie de disparition. Il ne faut pas personnages assez graves. Je vais une mécanique. Il ne faut jamais se renier ce coté démodé. rentrer dans le monde du rire sans croire plus intelligent que le rôle C’est un peu “Au théâtre ce soir ” ! rire. C’est intéressant de nager dans qu’on joue. Il faut avoir une modestie, C’est ça ! Ça revient ! Il ne faut pas des eaux où l’on n’a pas encore entrer dans cette histoire, ses imbro - avoir l’air plus intelligent que ça. Ça nagé. glios et ne pas se prendre au sérieux. raconte ça, dans ce jus là. Je le Vous cherchez à surprendre en fai - Que dire de cette femme que vous prends comme si on feuilletait un sant cela ? jouez ? album photo. Sans a priori. La Ah non ! Il faut être très humble ! Elle n’est pas snob, assez lucide sur convention théâtrale ce sont les Surprendre en quoi ? On raconte elle-même, assez moqueuse, ner - apartés, les trucs “comme s’il ne une histoire pour des gens, mais veuse, aimant la vie, les fourrures, le l’avait pas entendu” ; vous êtes dans avec aucune idée préconçue de moi- caviar, les hommes, les bijoux. Il faut une boite et l’on vous fait croire que même. Je ne pense jamais au public jouer le démodé. Les années 60 c’est vous êtes dans un hôtel particulier.

16 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 C’est un exercice difficile. Le genre n’est-il pas un peu convenu ? Un genre prévisible, comme dans Cendrillon où l’on sait très bien qu’elle va épouser le prince. Ça fait partie du plaisir, d’être assis dans son fauteuil comme le Deus ex ma - china qui sait… Tout le monde sait que tout ira bien pour mon person - nage. Il faut le jouer avec honnê - teté, avec plaisir, avoir une forte personnalité. Montrer des trucs écla - tants ! Faire rire est tout de suite récom - pensé au théâtre par le public. Plus qu’au cinéma… Au théâtre, de la même façon que l’on pleure sans vouloir le montrer, on fait rire sans avoir voulu faire rire. Il n’y a rien de pire que d’avoir vu que cela faisait rire. Je trouve abject de vouloir plaire au public. On a envie que le public vous aime, mais il ne faut surtout pas lui plaire. C’était pourtant ce que faisaient les divas du boulevard. Elles jouaient de ces codes ! e h c i

Oui mais est-ce que dans la vie elles a l l e B n’étaient pas comme ça ? Ces e l o r femmes comme Patachou, assez élé - a C

gantes, avec de l’autorité, du bagou, @ un chagrin qu’elles devaient ren - trer… Allez-vous voir des comédies au taurants japonais d’où vous sortez scène, c’est l’œil de Moscou. On ar - théâtre ? en ayant encore faim… C’est tou - rive avec sa bonne volonté que l’on Je ne vais pas très souvent au théâ - jours difficile d’aller au théâtre, et jette, et l’œil de Moscou dit si cela tre. Et je ne y invite jamais personne quand je suis dans ma loge c’est fonctionne. J’ai besoin que l’on soit ; ce serait une prétention invraisem - parti, c’est oublié : jouons ! Mais très pragmatique. La vie c’est prag - blable de dire : “venez me voir !“ . avant, il ne faut pas boire, pas matique, concret. Moi-même j’ai peur d’y aller, car s’énerver pour ne pas perdre sa subs - Propos recueillis par neuf fois sur dix on s’y ennuie. Il ne tance sacrée. On est comme un François Varlin faut pas se rebeller contre l’ennui, moine. Et j’ai le trac, je me dis : mais l’accepter. “Pourquoi me suis-je mise dans cette Quand vous allez au théâtre c’est galère ?” . Et puis il y a comme une donc pour jouer ? urgence de dire les mots. Quelque Le théâtre, je dis à chaque fois que chose d’irrépressible. n Croque-monsieur , de Marcel je n’en ferai plus. C’est tellement Qu’appréciez-vous chez Thierry Mithois, mise en scène Thierry Klifa, brutal et violent. Et puis c’est Klifa, qui vous met en scène pour avec Fanny Ardant, Bernard Menez… comme les maladies tropicales qui la troisième fois ? Théâtre de la Michodière, 4 bis rue de reviennent quand on ne s’est pas Il aime beaucoup les acteurs. Et la Michodière 75002 Paris, bien soigné ! J’aime beaucoup les lorsque l’on est aimé, regardé, ça 01 47 42 95 22, à partir du 6/09 one shot, c’est comme dans les res - vous déploie vos ailes. Le metteur en

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 17 à partir du 6 LE CHAT Sept. Théâtre de l’Atelier - Paris

situe les êtres dans un contexte réaliste. Ils s’envoient leur passé à la figure." Beaucoup d’acteurs ont refusé de jouer la pièce à cause notamment des flash-back sur la Myriam rencontre de Marguerite et d’Emile précise Myriam Boyer. "Ils sont très femme et homme à cet âge-là, ils Boyer n’ont pas loin de 70 ans. Elle se dit qu’il peut faire des tra - vaux dans la maison, lui qu’elle peut lui cuisiner des petits plats. Quelque part, c’est un arrangement. Mais la ren - contre est jolie, sincère, les gestes d’amour comptent au - tant que lorsqu’on a 20 ans." Myriam Boyer n’avait "jamais" joué ce genre de per - sonnage, bourgeois posé, mesuré, dans la retenue. "Si c’était une ouvrière retraitée, on me retrouverait sure - ment, mais là non. Je me régale. J’ai beaucoup de ten - dresse pour elle. Elle s’est menti toute sa vie. Elle se croyait aimée. A la fin, on s’aperçoit qu’elle a été rejetée par son père, puis son mari. Elle s’accroche à ce qu’elle peut." L’actrice brune ne craint pas la comparaison avec Si - mone Signoret. Même si elle voue une grande admiration à l’auteur de La nostalgie n’est plus ce qu’elle était. De r d L’amour à 70 ans même qu’elle a occulté la référence à Liz Taylor quand @ elle a incarné Martha l’héroïne de Qui a peur de Virginia Woolf . Elle explique : "J’adore, au contraire, il n’y a rien hé vert, énergie communicative, petit bout de plus gratifiant qu’on pense à moi pour jouer Margue - de femme attachant, Myriam Boyer n’est pas rite. J’ai bataillé pour que la pièce existe. Les adaptateurs, peu fière de défendre Le Chat , la pièce tirée Christian Lyon et Blandine Stintzy, me l’ont apportée du livre de Georges Simenon montée par son parce que je fais penser à Simone. Tant mieux ! Quand ils T metteur en scène "préféré", Didier Long. Il y l’ont écrite, ils ont pensé à moi. Simone est LA référence, a un peu plus d’un an, elle en a acheté les droits au mais quand je m’empare de l’oeuvre, je ne suis pas envahie fils de l’écrivain, John Simenon. Depuis, elle l’a créée par des images du passé, j’en fais autre chose. Je ne passe au théâtre de la Tête d'Or à Lyon avec Jean Benguigui pas derrière Simone, on est des interprètes." et la bénédiction de son directeur, Pascal Héritier. C’est la première fois que Myriam Boyer et Jean Ben - Entre-temps, elle a repris en tournée Chère Elena de guigui se donnent la réplique. "Ca fonctionne de façon Ludmilla Razoumovskaïa avec sa "bande de jeunes ". impeccable", se réjouit la comédienne. "Moi, je trace, cha - Elle est sereine à l’idée de reprendre le rôle "très hu - cun est entré à sa manière dans le personnage, on s’est main " de Marguerite dans Le Chat à Paris. senti, on a avancé. Qu’est-ce que Jean m’a dit ? En subs - tance, qu’on est différent, mais qu’on s’entend bien. Nous Comme pour le personnage de Madame Rosa de La nous respectons, nous n’avons pas eu besoin d’intervenir vie devant soi de Romain Gary qui lui a valu son second dans le travail de l’autre. Didier Long dit quelque chose Molière en 2008 -le premier était pour Qui a peur de Vir - que j’aime bien : "Avec Myriam, c’est par le ventre que ginia Woolf en 1997-, les adaptateurs sont partis du livre ça passe ". C’est juste." paru en 1967 et non du célèbre film de Pierre Granier-De - Propos recueillis par ferre avec et Jean Gabin (1971). "L’his - Nathalie Simon toire est différente, ce sont deux veufs qui se rencontrent sur le tard, deux solitudes qui essaient de cohabiter… Ils n Le Chat, d’après l’œuvre de Georges Simenon, vont dans le mur" , résume la comédienne enthousiaste adaptation Christian Lyon et Blandine Stintzy, avant de décrire le couple. mise en scène Didier Long, "Ils sont issus de milieux sociaux différents. Emile est Théâtre de l’Atelier, 1 Place Charles Dullin, 75018 Paris ouvrier retraité, Marguerite vient de la petite bourgeoisie 01 46 06 49 24, à partir du 6/09 de province catholique, c’est du Simenon tout craché. Il

18 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

à partir du 7 PRÉSENTS PARALLÈLES Sept. Théâtre de la Reine Blanche - Paris

Le directeur de la rédaction de L’Express est un passionné de théâtre. Depuis 25 ans, Christophe Barbier joue avec une troupe amateur. Et il s’autorise des incursions chez les professionnels : auteur d’ Une histoire de la Comédie-Française jouée par la troupe du Français en 2012, rôle principal du film Doutes en 2013, il s’apprête à mettre en scène une pièce de science-fiction de Jacques Attali avec Xavier Gallais et Marianne Basler. r d Amateur d’uchronie @ Théâtral magazine : Présents paral - lèles de Jacques Attali est une uchro - nie, comment cela fonctionne-t-il ? Christophe Barbier Christophe Barbier : Le principe est simple : nous sommes dans le 2016 que l’on connaît en train de discuter tranquillement et peut-être que ture mentale de cette pièce qui em - puisque c'est L'autre qui traverse les deux autres nous, vous et moi, sont pile les hypothèses. L'autre défi c'est époques. Marianne Basler qui joue en train de discuter au même mo - de réussir à brancher la fin de l'acte le personnage d’Elle, est la clé de ment dans un autre 2016 totale - trois avec le début car la pièce fonc - l'énigme, puisque c’est elle qui nous ment différent parce que les nazis tionne comme un ruban de Moebius donne la solution et en même ont gagné la guerre en 45, ou que dont les deux faces n'en forment temps, elle amène l’amour, un sen - Napoléon a gagné à Waterloo… qu'une. Mais au théâtre, le charme timent tout aussi inexplicable, irra - Jacques dit qu’il y a une infinité de vient aussi de l'égarement ; on a tionnel. Jean Alibert joue le possibles et s’il a raison, notre vie plein d’exemples de pièces inexpli - personnage de Lui, qui apporte de la n'est qu'un leurre. Et un leurre, c'est cables : La jeune fille Violaine de drôlerie ; c’est celui qui ruse, qui s'ar - une idée formidablement théâtrale. Claudel, Ubu , En attendant Godot … range, qui est un peu veule. Ça le Au théâtre, on accepte l’idée des Et si le spectateur n’entre pas dans rend proche de nous, on s'accroche présents parallèles : on est dans la ce système d’espace-temps, il peut à lui en se disant que tant qu’il est salle et sur scène il y a Roméo et Ju - se laisser prendre par l’émotion de là, on ne devient pas fou… liette ou les trois mousquetaires. l’histoire et par son aspect documen - Propos recueillis par Selon Présents parallèles, le théâtre taire passionnant. Hélène Chevrier est la vraie vie et peut-être que Xavier Gallais joue L’autre, Ma - notre vie n'est que du théâtre. rianne Basler Elle et Jean Alibert Si le spectateur est perdu, à quoi Lui. Comment avez-vous choisi les peut-il se raccrocher ? comédiens ? n Présents parallèles, de Jacques Je vais lui donner des indices dans le Chez Xavier Gallais, ce qui m'a évi - Attali, mise en scène de Christophe décor, les costumes, les petits inci - demment intéressé c'est sa folie, sa Barbier, avec Xavier Gallais, dents de représentation, les effets capacité à restituer l'étrangeté de Marianne Basler, Jean Alibert. sonores, telle aspérité… pour qu’il L'autre. Il faut que ce personnage Théâtre de la Reine Blanche, trouve de quoi résoudre l'énigme. Le ait quelque chose de fascinant pour 2 bis passage Ruelle 75018 Paris, premier défi pour le spectateur est que la femme en tombe amoureuse 01 40 05 06 96, du 7/09 au 3/11 de construire dans sa tête l'architec - et que le spectateur soit embarqué

20 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du PEAU DE VACHE 8 Théâtre Antoine - Paris Sept. Bonne copine et peau de vache ! Chantal Ladesou

Chantal Ladesou aime la comédie pour la part de drame qui la compose. La comédienne, qui vient de vivre un succès épatant avec Nelson durant deux saisons, revient au Théâtre Antoine dans une pièce de Barillet et Gredy écrite en 1975 pour Sophie Desmarets. Elle y sera mise en scène par Michel Fau. Deux folies qui se rejoignent !

Théâtral magazine : Que pensez- tre. Il est complètement dans la vous de ce théâtre de boulevard des folie, extravagant, exagéré. Il n’a années 70 qui revient à la mode ? rien de sobre. J’adore son person - Chantal Ladesou : Il est intemporel nage. Il va me faire aller très loin car il joue sur les sentiments hu - dans le jeu car il ne veut pas d’eau mains. Peau de vache est un carac - tiède ! Il veut qu’une colère, une tère féminin très moderne. Il y a eu joie, une tristesse aille très loin, que une forme de snobisme contre le j’aille au bout de ce que je suis et de boulevard, mais le public aime ça. La mes sentiments. Selon lui, je parle pièce de Barillet et Gredy est très comme un chanteur et j’entraîne le bien écrite, et plus on fouille, plus on public dans une mélodie… r d trouve des choses nouvelles à jouer. Pourquoi aimez-vous les rôles de Il y a des sentiments, des situations. personnages méchants ? @ C’est très riche. Un personnage méchant, c’est un mais passée en force. Mon premier Est-ce un esprit différent des beau cadeau. On peut aller très loin gros coup de projecteur a été mon pièces d’auteurs récents que vous dans la méchanceté, faire des re - one-woman-show. J’ouvrais ma avez jouées ? tours en arrière, avoir des fêlures, gueule et ça a été le premier gros Jean-Marie Chevret dans Les Ama - être tendre, regretter, recommencer. succès. Je n’étais plus la bonne co - zones proposait des personnages à Je dois avoir parfois une façon de médienne qui faisait des pièces mar - la mode, modernes, il jouait sur les parler qui peut paraître désagréa - rantes. J’ai trouvé le public et je suis vannes. Chez Barillet et Gredy, la ble, mais ce n’est jamais méchant… devenue sa copine. femme est au foyer ! Ce sont aussi Je suis tellement timide ! Je suis Propos recueillis par des auteurs qui écrivaient sur me - brute de décoffrage et cette nature François Varlin sure pour Maillan et Desmarets. brute, à l’emporte-pièce, ça met de Craignez-vous de passer derrière l’ambiance ! Il faut savoir dire les Sophie Desmarets ? choses sur un tempo particulier. Pas du tout, nous avons des person - C’est mon personnage… n Peau de vache, une comédie de nalités très différentes. Michel Fau Regrettez-vous dans votre carrière Barillet et Grédy, mise en scène Michel dit que l’on a l’impression que le rôle que les grands rôles soient venus Fau, avec Chantal Ladesou... a été écrit pour moi ! tardivement ? Théâtre Antoine, 14 boulevard de Parlez-nous de Michel Fau, votre Je n’ai aucun regret. J’ai ramé, mais Strasbourg 75010 Paris, 01 42 08 metteur en scène. toujours bossé. J’avais un succès d’es - 77 71, à partir du 8/09 Nous nous sommes choisis l’un l’au - time auprès des médias, je ne suis ja -

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 21 à partir du 8 C’EST (UN PEU) COMPLIQUÉ D’ÊTRE L’ORIGINE DU MONDE Sept. Théâtre du Rond-Point - Paris

un impact énorme dans nos vies et ça bouge très lentement. Les Tiphaine Gentilleau femmes prennent encore tout en charge et leurs carrières sont frei - nées ou interrompues par l'arrivée L’aventure de la maternité d'un enfant. Il y a beaucoup de dé - terminisme qui pèse sur ces déci - , élever son enfant, tout le monde sions là. Et pourtant c'est un sujet qui Tomber enceinte concerne autant les femmes que les sait qu’aujourd’hui c’est une prise de tête quand la mère tra - hommes ; après la grossesse, il n'y a vaille car elle doit faire des choix à ce moment-là. Mais pour rien qui ne soit pas partageable. Tiphaine Gentilleau et ses amies actrices, il a fallu en plus Diriez-vous qu’avoir des enfants a eu un impact sur votre propre car - affronter les revers d’un métier déjà très aléatoire. rière ? Non parce que qu’on s’est mises en Théâtral magazine : Vous mouvement pour faire ce spec - avez écrit le texte à plu - tacle et du coup le travail sieurs. Y avez-vous mis vos amène le travail. Mais l'organi - expériences personnelles de sation est compliquée. Ne se - la maternité ? rait-ce que partir en résidence : Tiphaine Gentilleau : C'est cela implique que le papa inspiré de plein d'expériences, prenne en charge l'enfant. des nôtres et aussi celles de Comment le spectacle se dé - copines, qu'on a transformées roule-t-il ? pour forcer le trait. Mais ce Ça débute au moment où le n'est pas une pièce à charge ; personnage central de la jeune c’est simplement le constat femme fait le test de grossesse qu’avoir un bébé change énor - et découvre qu'elle est enceinte mément de choses. jusqu'aux premiers mois après Qu’est-ce qui change ? la naissance avec les considéra - i s e C A chaque étape on découvre i tions logistiques qui lui man - n i d a

des choses. Dès la grossesse t gent le cerveau. La dramaturgie t i C i

car c’est une période qu'on ne n suit la chronologie de la gros - n a v

peut pas maîtriser, qui va à o sesse, de la naissance aux impli - i G l'inverse du fonctionnement @ cations professionnelles post- global de notre société. Ça im - accouchement. plique pour les employeurs de ce soit compliqué d’engager une co - Propos recueillis par prendre en compte des rythmes dif - médienne qui risque de ne plus pou - Hélène Chevrier férents et c'est vrai qu'on ne se di - voir jouer. Mais on est tellement rige pas trop vers ça. habitué à considérer la grossesse En tant qu’artiste, vous êtes comme un problème qu'on ne pense n C’est (un peu) compliqué d’être confrontée à des metteurs en pas à inverser la donne. Il faut chan - l’origine du monde, création collective scène qui hésitent à engager des ger les mentalités. des Filles de Simone, Claire Fretel, actrices enceintes. Est-ce que cela Est-ce l’ambition de ce spectacle Tiphaine Gentilleau, Chloé Olivérès vous révolte ? de changer les mentalités ? Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Pas du tout. Quand on connaît la fra - En tout cas, on s'est dit qu'il fallait Roosevelt 75008 Paris, gilité de l'économie d'une compa - faire entendre un autre son de 01 44 95 98 00, du 8/09 au 2/10 gnie de théâtre, on comprend que cloche. La sphère professionnelle a

22 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 LES FEMMES SAVANTES à partir du Porte Saint-Martin - Paris 10 Sept.

Catherine Hiegel La cause des femmes i n i d a t t i C

i n n a v o i G

@

tuffe grammairien. Molière se mo - Elle était l’une des grandes figures quait à travers lui de l’abbé Cotin, un de la Comédie-Française. Scandaleusement remerciée mauvais poète pensionné. La Cour du Français en 2009, elle n’a cessé de jouer dans le venait assister à une vengeance de théâtre public et le théâtre privé. Elle revient à la Molière ! Quel sera le décor ? mise en scène avec Les Femmes savantes . J’ai demandé à Goury de s’inspirer des cabinets de curiosités. Ce sera Théâtral magazine : Il y a trente Berthier, Evelyne Buyle, Julie-Marie un univers assez sombre et assez ans, vous mettiez en scène Les Parmentier, René Turquois, Baptiste masculin, avec un œil de bœuf pour Femmes savantes à la Porte Saint- Roussillon. Catherine Ferran, qui fai - observer la lune ! Martin où s’était repliée la Comé - sait Philaminte il y a trente ans, joue Ensuite c’est vous qui serez dirigée die-Française. Vous mettez en Martine. C’est la première fois que je par Agnès Jaoui ? scène la même pièce aujourd’hui, fais une deuxième mise en scène Oui, la saison de la Porte Saint-Mar - pour une production privée. d’une même pièce. tin se poursuit avec les deux pièces Catherine Hiegel : Je n’avais pas Vous avez été l’une des premières de Jaoui-Bacri, Un air de famille et l’intention de revenir aux Femmes à prendre parti pour ces “femmes Cuisine et dépendance . Je joue dans savantes , mais le directeur de la savantes”, sans les trouver ridi - Un air de famille. Quel bonheur Porte Saint-Martin, Jean Robert- cules. d’être dans la pièce la mère de Gré - Charrier a insisté, est venu jusqu’à Je continue. Précisément, ce ne sont gory Gadebois ! Lausanne où je jouais Retour au dé - pas des précieuses ridicules. Je ne Propos recueillis par sert pour réitérer sa proposition de transpose pas. Je ne pense pas que Gilles Costaz monter la pièce de Molière. J’ai ac - ce soit contemporain. Et d’ailleurs je cepté à condition d’être libre pour la ne décale jamais. Quand on le fait, distribution. Agnès Jaoui a tout de les pièces se vengent. Je trouve ces suite dit oui pour le rôle de Phila - femmes d’un courage inouï. minte – elle incarnera très bien une Pourtant Molière semble rire de n Les Femmes savantes de Molière, femme de drapier qui a une révéla - ces femmes obsédées par l’idée mise en scène de Catherine Hiegel, tion et entraîne sa famille dans sa d’apprendre et de se cultiver. avec Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, passion des livres et des beaux es - Ce n’est pas aussi simple. Le texte Evelyne Buyle... prits - , et j’ai rassemblé d’autres ac - est l’un des plus subtils et des plus fi - Théâtre de la Porte Saint-Martin, teurs que j’estimais autour d’elle : nement écrits de Molière. On rit sur - 18 bd Saint-Martin 75010 Paris, Jean-Pierre Bacri, Philippe Du - tout de Trissotin, que jouera 01 42 08 00 32, à partir du 10/09 quesne, Benjamin Jungers, Chloé Philippe Duquesne et qui est un Tar -

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 23 à partir du 12 LE DÉPEUPLEUR Sept. Les Déchargeurs - Paris

en bloc. On voit bien comment on peut développer ça avec la fibre de Alain Françon l’humour. Ça pourrait être une suite de La Colonie pénitentiaire de Kafka. Eloge de la complexité Ça parle d'une société confinée avec des règles très précises et concernée uniquement par un avenir qu'on ne Après Fin de partie et La dernière bande, Alain Françon peut voir que d'en haut et qu'on ne dirige à nouveau Serge Merlin dans un texte de peut néanmoins pas atteindre. Mais ce n’est pas pour autant la mort. Beckett : Le dépeupleur . Ni pièce, ni roman, ce texte pu - Beckett disait toujours "j'ai écrit : Fin blié en 1971 décrit de façon laconique toute une société de partie. Je n'ai pas écrit Mourir de qui s’organise à l’intérieur d’un mystérieux cylindre. partie ". Donc la fin pour lui ce n'est pas la mort. Au départ c'est un texte qui paraît d’une abstraction totale Théâtral magazine : Jouer Le Dé - de fois dans des versions très diffé - et en fait, il nous ramène au réel peupleur c’est un projet auquel rentes. Et de mon côté, je l’ai aussi d’une manière incroyable. C'est une Serge Merlin tenait beaucoup… monté avec Michel Didym quand métaphore de notre monde. Mais Alain Françon : Il voulait retravailler j'étais directeur de la Colline. chaque fois qu'on donne un sens avec moi et on devait faire une adap - Est-ce que ce sera une simple lec - trop précis à cette métaphore, on la tation des Maîtres anciens , de Tho - ture ou une mise en scène comme mutile. mas Bernhard, au théâtre de celle que vous aviez faite avec Mi - Qu’est-ce qui vous intéresse, vous, l’Oeuvre. Mais Frédéric Franck, le di - chel Didym ? dans ce texte ? recteur, ayant vendu la salle, le projet Ce sera plus qu’une lecture. Serge en C’est la forme. Le dépeupleur est un est devenu plus compliqué à monter. a toujours donné des versions tra - texte fondateur. Et avec un acteur Et comme Serge Merlin n’est pas giques. Et moi, je pense qu’il faut ra - comme Serge, on a un accès à la qu’un familier de Thomas Bernhard mener du rire, parce que s’il n’y a pas langue, même s'il a 80 ans passés. mais aussi de Beckett, dont on avait de rire, il n’y a pas de tragique. D’ail - C'est ça qu'il faudrait transmettre, monté ensemble Fin de Partie et La leurs, avec Didym, j’avais fait l’art du langage chez un acteur et dernière bande , on a choisi Le dépeu - quelque chose qui faisait penser à aussi le grand art de Beckett sur la pleur . C’est un texte qui le suit depuis Groucho Marx. Pour Serge, on a com - phrase. Il est tellement lapidaire, tel - longtemps. Il l’a lu je ne sais combien mencé à regarder du côté du clown lement fort rythmiquement sur l'al - Grock. Je pense qu'il ternance de la parole et du silence. sera debout au mi - L’idée de ramener au théâtre Serge Merlin lieu d’une piste de quelque chose de l'ordre et de la cirque. complexité me semble fondamental. dans Le Dépeupleur C’est un texte très Propos recueillis par difficile. Quelle in - Hélène Chevrier terprétation en faites-vous ? Tout le monde y est allé de sa définition du Dépeupleur , que ce soit Badiou, ou n Le dépeupleur, de Samuel Beckett, s a

e Deleuze… Je crois avec Serge Merlin. Les Déchargeurs, M

a r

a au contraire qu'il 3 rue des Déchargeurs 75001 Paris, n n

u faut garder ça se - 01 42 36 00 50, du 12/09 au 1/10 D

@ cret. C'est à prendre

24 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

à partir du 13 TOUT CE QUE VOUS VOULEZ Sept. Théâtre Edouard VII - Paris

Bérénice Bejo Une étoile est née

La star de The Artist et des films d'Hazanavicius n'avait jamais fait de théâtre, si l'on excepte un spectacle de fin d'année qui concluait ses années de formation à l'Atelier de l'Ouest en 1999 ! Elle est la surprise de la rentrée, comme l'est son partenaire, Stéphane de Groodt. Ils sont réunis par Bernard Murat pour la nouvelle pièce des auteurs du Prénom et d' Un dîner d'adieu , Delaporte et de La Patellière.

Théâtral magazine : Vous avez semaines après, il me faisait porter prendre le personnage. J'essaie de suivi des cours de théâtre et pour - le texte de Tout ce que vous voulez . ne pas penser que je serai tout le tant on ne vous a jamais vue en Un hasard incroyable. temps en scène. Je vais tout décou - scène. Que s'est-il passé ? Que raconte la pièce ? vrir et je pense que je vais aussi Bérénice Bejo : J'étais quelqu'un de C'est la rencontre de deux êtres un m'amuser. très timide. J'ai fait plusieurs cours, peu seuls. Elle est un auteur à succès Le choix de l'écrivain Stéphane De j'étais malheureuse dans les grands qui est en panne d'inspiration, alors Groodt pour qu'il soit votre parte - cours. Je n'ai été bien qu'à l'Atelier de qu'elle est mariée à un acteur à qui naire est surprenant. l'Ouest, avec Yves Kalfa qui ne va pas tout réussit. Elle a toujours travaillé Il a tenu des rôles au cinéma et, à chercher les relations personnelles dans le malheur. Le bonheur ne l'ins - Bruxelles, il a joué Le Prénom . Ce mais travaille sur la technique et vous pire pas. Voilà qu'arrive un nouveau sont Delaporte et de La Patellière rassure. Je l'ai tellement apprécié voisin, un banquier à la vie stable et qui ont eu l'idée de lui proposer le qu'il me sert de coach aujourd'hui ! Je qui, pourtant, vient de traverser un rôle. Dès la première lecture, j'ai eu me suis épanouie, détendue, grâce à moment douloureux. Ensemble, ils l'impression d'être en face d'un lui, grâce à des stages de clown. Mais vont avancer. Elle va peut-être re - grand acteur. je n'étais pas prête pour le théâtre. trouver son inspiration ! C'est très Comment travaillez-vous avec Ber - J'avais grandi dans les VHS et je ne agréable, drôle, et aussi très émou - nard Murat et avec les auteurs ? rêvais que de cinéma. vant. Cela fait trois ans que je A partir de notre duo, de La Patel - Après vos succès à l'écran, on vous tourne des drames. J'avais besoin de lière et Delaporte ont retouché le a sans doute proposé des rôles au revenir à la comédie. texte. C'est génial d'être à la nais - théâtre. Avez-vous un peu d'appréhension sance d'une pièce ! Ils sont prêts à Oui. Parfois. Par exemple, Bernard face à cet exercice que vous prati - dialoguer pour tout changement. Murat m'a proposé de jouer dans Les quez pour la première fois devant Bernard Murat, lui, me fait penser à Dix Petits Nègres , mais ça ne s'est un vrai public ? Marco Bellochio, avec qui j'ai pas fait. Puis j'ai eu mes enfants. Ces Je m'y prête de façon partiellement tourné. Il est clair, rassurant, a une derniers temps, j'ai dit à mon agent inconsciente. Je me concentre sur le compréhension formidable du texte que j'aimerais faire du théâtre. Deux travail à faire : approfondir, com - et du jeu.

26 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 r e g r e b n i e W

e r d n a x e l a

@

Allez-vous parfois, ou régulière - ont 5 et 8 ans. Pour la petite, je lui ment, au théâtre ? ferai d'abord découvrir les coulisses. n Tout ce que vous voulez, de J'ai vu Tartuffe dans la mise en Quand elle verra la pièce, elle sera Mathieu Delaporte et Alexandre de scène de Luc Bondy, Cyrano par Phi - surprise. Elle croit que, partout où je La Patellière, mise en scène de lippe Torreton... Je vais voir de la vais, je joue Peppy Miller, mon per - Bernard Murat, avec Bérénice Bejo et danse classique et contemporaine. sonnage dans The Artist ! Stéphane De Groodt. Je suis attirée par les spectacles les Propos recueillis par Théâtre Edouard VII, 10 place Edouard plus vivants. Je vais écouter de la Gilles Costaz VII 75009 Paris, 01 47 42 59 92, musique à Radio France... à partir du 13/09 Quels spectateurs attendez-vous ? Je sais qu'à un moment ou à un autre, je ferai venir mes enfants, qui

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 27 à partir du 13 IPHIGÉNIE EN TAURIDE... Sept. TNS – Strasbourg et tournée

la transporte à 1500 km au nord en Tauride, c'est-à-dire en Crimée, un Jean-Pierre Vincent pays barbare. Elle est cependant bien accueillie par le roi qui fait Un modèle de femme d’elle la prêtresse du temple d’Arté - mis. Or son rôle de prêtresse étant d’égorger tout étranger qui rentre Selon la mythologie , Iphigénie est sacrifiée par son en Tauride, Iphigénie réussit à faire père Agamemnon en échange de vents favorables pour pousser abolir cette loi et à civiliser le pays. Cela dure jusqu’à ce que le roi dé - la flotte grecque vers Troie. Mais la déesse Artémis qui a exigé cide de rétablir la loi barbare, parce son sacrifice s’est rétractée et l’a sauvée et déportée en Tauride. qu’elle repousse ses avances et re - Dans ce pays barbare, devenu l’actuelle Crimée, la jeune prin - fuse de l’épouser. Elle doit alors faire cesse va avoir une conduite exemplaire de courage et d’intégrité. exécuter deux types qui entrent dans le pays et qui sont en réalité La version qu’en a donnée Goethe, célébrant magnifique - Oreste, le frère d’Iphigénie, et Pilate. ment la femme, a séduit Jean-Pierre Vincent. Mais grâce au talent d’Iphigénie, ils vont repartir tous les trois ensemble Théâtral magazine : Pourquoi avoir de théâtre à chaque réplique… Sauf sains et saufs ! choisi la version de Goethe, plutôt que cela ne dit rien à personne. Très Comment le convainc-t-elle ? que celle d’Euripide ? peu de gens connaissent la suite de C’est une acharnée de la vérité. Un Jean-Pierre Vincent : C’est un ami l'histoire d' Iphigénie , très peu peu comme aujourd’hui une Simone allemand, journaliste à Berlin, qui connaissent l’œuvre de Goethe. Et Veil ou une Élisabeth Badinter. C’est nous a parlé de la pièce à Bernard personne en France n'a lu Iphigénie une pièce qui célèbre les femmes. Chartreux, mon dramaturge, et à en Tauride de Goethe. Ça correspond à la tendance de moi. Chartreux l'a lue et en est Car pour tout le monde, Iphigénie l’époque de Goethe : au XVIIIe siè - tombé amoureux et il m’a transmis est morte sacrifiée par son père cle, on en voit un certain nombre la maladie. C'est un très grand chef- Agamemnon lorsqu’il part à Troie. émerger dans la vie politique, litté - d'œuvre du théâtre, écrit en 1779 C'est la déesse Artémis (Diane chez raire et sociale. C'est une pièce ter - en plein siècle des Lumières et du Goethe) qui a demandé à Agamem - restre qui se passe entre les humains préromantisme allemand. C’est non le sacrifice de sa fille en et écarte l’idée de Dieu. l’époque où le jeune Goethe écrit échange des vents favorables pour Propos recueillis par des romans et des pièces extraordi - faire avancer la flotte grecque. Mais Hélène Chevrier naires. Son Iphigénie est un vérita - au moment de l'immolation, Arté - ble roman d’aventures, avec un coup mis se repentant enlève Iphigénie et n Iphigénie en Tauride, de Goethe, mise en scène de Jean-Pierre Vincent, avec Cécile Garcia Vogel, Pierre-François Garel… 13 au 25/09 Théâtre National de Strasbourg 5 au 9/10 Théâtre du Nord 11 au 15/10 théâtre du Gymnase à Marseille, 17 et 18/10 théâtre Sortie Ouest à Béziers 3 et 4/11 le Granit à Belfort s

a 9 au 11/11 Théâtre de Caen c u L

t 15 au 19/11 la Comédie de Genève n e c n

i 23/11 au 10/12 Théâtre de la Ville à Paris V

@

28 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 n Iphigénie en Tauride, de Goethe, mise en scène de Jean-Pierre Vincent, avec Cécile Garcia Vogel, Pierre-François Garel… 13 au 25/09 Théâtre National de Strasbourg 5 au 9/10 Théâtre du Nord 11 au 15/10 théâtre du Gymnase à Marseille, 17 et 18/10 théâtre Sortie Ouest à Béziers 3 et 4/11 le Granit à Belfort 9 au 11/11 Théâtre de Caen 15 au 19/11 la Comédie de Genève 23/11 au 10/12 Théâtre de la Ville à Paris à partir du 13 MOI, MOI ET FRANÇOIS B. Sept. Théâtre Montparnasse - Paris

F. Berléand et F rançois B. Après Momo de Sébastien Thiéry, François Berléand ne se tient plus de joie à l’idée d’interpréter son double, un acteur qui joue Dom Juan de Molière, mais se réveille dans une agence de voyages. Il est le héros de Moi, moi et François B. , une comédie que Clément Gayet lui a taillée sur mesure. “J’avais écrit une autre pièce pour lui, mais comme il ne me connaissait pas, j’ai imaginé n o n une lettre dialogue pour me présenter. Je l’ai trouvée meilleure que é G

u e i h

mon manuscrit, l’ai transformée en pièce intitulée Moi, moi et t a M

François B . et déposée au théâtre “, se souvient l’auteur qui avait @ d’abord pensé à écrire pour Pierre Arditi. François Berléand a donné vaillé ensemble. Nous sommes de la son accord en septembre 2013. Stéphane Hillel le met en scène au - même génération et avons les jourd’hui. Une première collaboration pour les deux artistes. mêmes codes. Comme je viens du théâtre subventionné je suis obéis - sant. Je ne me mets jamais en Théâtral magazine. Qu’y a-t-il de Le titre vous protège. péril… J’essaie de faire ce qu’on me vous dans cette pièce ? Oui. Bon, il y a des choses de moi, le demande. On peut faire des sugges - François Berléand : Quand je l’ai ac - fait qu’il veuille aller vite, qu’il ne tions, mais je fais confiance au met - ceptée, Clément Gayet s’est inspiré comprenne pas d’avoir à affronter teur en scène. Le point de vue de encore plus de moi, de ma jeunesse quelqu’un de crétin. Qu’est-ce que l’autre est important. J’ai eu la pour la retravailler, mais dans le c’est que cet auteur idiot, interprété chance d’avoir déjà fait une mise en futur, elle pourra être jouée par un par Sébastien Castro, qui a écrit une scène, d’avoir souvent été assistant autre comédien. C’est à la fois moi et pièce. J’aime que le spectateur dé - de mise en scène notamment avec pas moi ce personnage. C’est l’his - couvre l’histoire en même temps Sophie Loucachevsky et de com - toire d’un auteur qui séquestre un que les personnages. Il y a un coup prendre beaucoup mieux mon mé - acteur qui joue Dom Juan . Ce qui de théâtre au bon moment, mais on tier. L’important dans la vie, ce n’est m’a plu, c’est le théâtre dans le théâ - n’en dira pas plus. Quand je l’ai lue, pas d’être connu, mais de continuer tre comme dans Six personnages en j’ai trouvé l’ensemble magique. Il l’a à s’amuser et j’ai la chance de faire quête d’auteur ou Huis clos qui retravaillée, mais l’essentiel était là. un métier où je m’amuse. m’avaient particulièrement touché. Tout s’est bien mis en place dès les Propos recueillis par Là, c’est une création et un univers répétitions. Il y a un rapprochement Nathalie Simon que j’aime, bancal, foutraque, ab - avec les pièces de Sébastien Thiery. surde, qui touche plusieurs do - Clément Gayet va aussi loin dans maines. C’est à la fois assez facile à l’absurde, mais ajoute quelque jouer et quand même avec pas mal chose d’ “intello “. Sébastien est dans n Moi, moi et François B. pièce de d’écueils. Ca résonne en moi. un registre dramatique, avec lui on Clément Gayet, mise en scène Sté - Vous risquez de devenir schizo - est toujours en danger de mort phane Hillel, avec François Berléand, phrène ! comme chez Feydeau. Sébastien Castro, Constance Dollé, … Le voyage en schizophrénie je l’ai Et plus, vous êtes dirigé par Sté - Théâtre Montparnasse 31 rue de la fait quand j’étais petit (en souriant). phane Hillel. Gaîté 750014 Paris, 01 43 22 77 74, C’est réglé. La pièce s’appellerait Nous nous connaissons depuis long - à partir du 13/09 Moi, moi, François Berléand , ok. temps, mais n’avions jamais tra -

30 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 ANTOINE ET CLÉOPÂTRE à partir du Théâtre de la Bastille – Paris 14 Sept. Tiago Rodrigues Dans votre version, il n’y a qu’An - A travers les yeux de l’autre toine et Cléopâtre toujours face à face. Personne d’autre. Dans celle de Shakespeare, ils ne sont jamais Le metteur en scène Tiago Rodrigues, directeur du théâtre seuls. Comment l’expliquez-vous ? National de Lisbonne, a élu domicile au théâtre de la Bastille Ce sont deux personnages publics, avant l’été avec le projet Occupation Bastille. On l’y retrouve préoccupés de l’image que le monde a d’eux. Au temps de Shakespeare, à la rentrée avec la reprise de la tragédie d’ Antoine et Cléo - ça ne concernait que les gens de pâtre remastérisée pour un couple de danseurs, Sofia Dias pouvoir. Aujourd’hui, ça nous et Vítor Roriz, et dont le principe est de parler de l’autre. concerne tous. On est tous en train de gérer la perception que le monde a de nous, même les ados, même les Théâtral magazine : enfants. Plutarque a dit Vous reprenez Antoine que l’amour selon Antoine et Cléopâtre à la ren - et Cléopâtre était de regar - trée. Qu’est-ce qui der le monde à travers les change par rapport à la yeux de l'autre. Et j’aime - création au festival rais qu'aujourd'hui, on soit d’Avignon 2015 ? capable de dire "je regarde Tiago Rodrigues : A Avi - le monde à travers tes yeux gnon, on avait présenté le et pas les miens, je m'en - spectacle en portugais et gage avec toi pour partici - au théâtre de la Bastille, per au monde". on jouera en français. N’est-ce pas aussi un peu r d Vítor et Sofia qui interprè - le rôle du metteur en Sofia Dias et Vítor Roriz @ tent Antoine et Cléopâtre scène qui dirige les acteurs le parlent couramment. On l’a déjà étrangère, on s’accroche au sens. de regarder la pièce qu’il monte à fait à Montpellier, chez Rodrigo Gar - Qu'est-ce qui vous fascine autant travers les yeux des acteurs ? cia, et on a constaté que cela créait chez Antoine et Cléopâtre ? C’est vrai et c’est pourquoi je propose un rapport plus direct et humain C'est ma tragédie préférée de Sha - des idées aux comédiens. Je ne leur entre les comédiens et le public. kespeare. Elle nous parle d'une his - impose pas ma vision de la pièce Est-ce que cela induit des change - toire qui mêle l’amour et la politique, mais j’essaie de leur donner des ou - ments dans les attitudes des co - l’intime et le public. Aujourd’hui, on tils pour participer au monde, ne pas médiens ? est otage d'un discours politique qui être que des interprètes obéissants. Bien sûr. On a beaucoup travaillé la nous abreuve de mots qui ne veulent C’est une rencontre entre eux et moi version française, on a réécrit cer - plus rien dire mais qui inspirent de la dont la conséquence est la création tains passages pour restituer les jeux peur. Je crois qu'il faut trouver des d’un spectacle. phonétiques et les jeux de mots de la façons de remplir le discours public Propos recueillis par version portugaise, mais le fait de avec des mots qui touchent et qui Hélène Chevrier parler une autre langue crée inévita - correspondent aux envies des gens. blement une autre manière de bou - Le théâtre est parfait pour ce genre n Antoine et Cléopâtre, d’après ger sur scène, une autre présence, d'expérience, parce qu’il parle à la Shakespeare, mise en scène Tiago même leurs voix sont différentes. Il y fois de l’intime et du public. Quand Rodrigues, avec Sofia Dias et Vítor a comme un déplacement de person - Antoine et Cléopâtre se rencontrent, Roriz. Théâtre de la Bastille, 75 rue nalités. Mais cela les rapproche aussi ils ont déjà tout et ils risquent de de la Roquette 75011 Paris, du sens des mots. Quand on ne tout perdre pour vivre avec la per - 01 43 57 42 14, du 14/09 au 8/10 connait pas les nuances d’une langue sonne qu’ils aiment.

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 31 à partir du i s e

DOM JUAN C i n i

14 d a t

Théâtre de l’Odéon - Paris t i C Sept. i n n a v o i G

@

Colosse du théâtre français , il s'affirme sur deux voies : celles des grandes pièces du répertoire qu'il joue sous la direction de Jean-François Si - vadier, et celle des spectacles qu'il conçoit et joue généralement en solo. Après avoir participé à Interview au festival d'Avignon, il reprend le Dom Juan de Molière.

Théâtral magazine : Pourquoi, après Le Misanthrope , vous êtes- vous attelés, Jean-François Siva - dier et vous, à Dom Juan ? Nicolas Bouchaud : Ce choix nous ramène à Didier-Georges Gabily, Nicolas Bouchaud avec qui on répétait Dom Juan quand il est mort. Nous allons rendre hommage à Gabily pendant trois Un corps dans la bataille jours, au Monfort, en novembre. Et, en pensant à lui, nous avons abordé points de vue opposés. L'une des dif - saison d'après. C'est un travail né - Dom Juan , une pièce qui ne peut se ficultés, c'est de passer du mono - cessaire pour moi. Solo ? Duo ? Je me comprendre qu'en référence à l'in - logue sur l'inconstance aux deux pose des questions. Mais, entre le terdiction de Tartuffe . Molière monologues sur l'hypocrisie. Il faut travail en troupe et le spectacle per - connaissait la figure de Dom Juan comprendre qu'il n'y a pas de liens sonnel, c'est un bon dialogue, par - par les Italiens et il entre en dialogue et passer par les situations. Ce que fois compliqué. J'ai des problèmes avec elle. Son Dom Juan est libertin, j'aime, c'est que Dom Juan agit plus d'adaptation pour passer de l'un à incroyant, athée. C'est un person - dans le silence que dans la parole. l'autre. Qu'est-ce qu'on représente ? nage qui agit et séduit. Ce qui nous La pièce est un long dialogue entre Dans le solo, ce n'est pas de l'imita - a intéressés, c'est qu'il ne travaille Dom Juan et Sganarelle mais face tion. Il s'agit de rendre sensibles des que pour son propre plaisir. Il ne dé - aux autres, Dom Juan se tait, avant idées, de donner une forme théâ - livre pas de message. Dom Juan et de porter l'estocade. La violence de trale à l'expérience littéraire. Sganarelle (que joue Vincent Gué - Dom Juan, la façon dont une phrase Propos recueillis par don), c'est une paire de coquins qui fait exploser l'autre, cela m'a pas - Gilles Costaz est là pour mettre le chaos. C'est sionné comme acteur. Mon viatique, dans le désordre que nous sommes c'est l'idée que Dom Juan jette son n Dom Juan de Molière, mise en vivants. C'est une pièce qui désobéit. corps dans la bataille. Le jeu, ce scène de Jean-François Sivadier, avec Alors comment jouer Dom Juan ? n'est que du corps. Nicolas Bouchaud, Vincent Guédon, On est toujours dans le vif. Ce n'est Et vos propres spectacles, les solos Marie Vialle. Odéon, Place de l’Odéon pas actuel, mais moderne. Il n'y a ou quasi-solos, La Loi du marcheur , 75006 Paris, 01 44 85 40 40, pas à actualiser. C'est la seule pièce Un métier idéal et Le Méridien ? du 14/09 au 4/12 que je connaisse où il faut jouer des Je dois les reprendre tous les trois la

32 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du RÊVE ET FOLIE Amandiers – Nanterre 15 Après 60 ans de recherche Sept. théâtrale, Claude Régy trouve dans l’oeuvre de Georg Trakl (1887-1914) un accès vers une perception au-delà de l’intelligible . L’écriture du poète autrichien, empreinte d’une vie sans limites et pétrie de contradictions, ouvre une porte sur un univers inconnu… Claude Régy 5 1 0 2

P F A Aux frontières ultimes @

Théâtral magazine : Qu'est-ce qu’il quand même 93 ans. Et on ne vieillit univers inconnu. C’est cet univers y a de remarquable dans l’œuvre pas impunément. qu'il nous fait connaître. Mais ce qui de Georg Trakl ? Peut-être que vous ne trouverez est aussi très frappant chez lui, c'est Claude Régy : Son écriture nous em - pas non plus d’écriture qui sur - sa contradiction. L’inceste avec sa mène très au-delà de ce que les passe celle de Trakl ? sœur a occupé sa vie et pourtant il mots pourraient signifier, très au- Si je cherchais, je pense que je trou - était très influencé par le christia - delà du sens et même du propre - verais. Mais il me semble que j'ai fait nisme et de deux façons différentes ment intelligible. A la lecture, on se ce que j'avais à faire. J'ai rencontré avec une mère catholique et un père rend compte qu’on est capable de par miracle des auteurs tout à fait protestant. Dans son œuvre le sang percevoir des choses qu'on croyait exceptionnels et déterminants. Mais coule très souvent, et on ne sait plus ne pas pouvoir comprendre. Il donne il ne faut pas convoquer cette si c'est le sang menstruel de la sœur, un accès vers l'impossible. Quand il chance indéfiniment. C'est ce que dit ou si c'est le sang du Christ. Cette écrit "Le mot dans sa paresse cherche Trakl : "l'insaisissable que l'on touche pluralité de sens et cette contradic - en vain à saisir au vol l’insaisissa - dans le sombre silence aux frontières tion possible sont caractéristiques de ble..." , son propos est bien de saisir ultimes de notre esprit" ; il y a peut- sa façon d'écrire. Dans notre région, l'insaisissable. être l'idée qu’on pourrait dépasser on a tendance à opposer les contra - Y parvient-il mieux que les auteurs ces frontières ultimes, ce qui est dictions et à penser qu'elles s'ex - que vous avez précédemment quand même assez aventureux. cluent l'une l'autre. Trakl avait montés ? Le spectacle est composé de deux compris qu’en les réunissant, on pou - Je pense que oui. C’était déjà en poèmes Crépuscule et déclin et Sé - vait investir un territoire nouveau. amorce dans La barque le soir de bastien en rêve . Quel montage Propos recueillis par Tarjei Vesaas. Mais chez Trakl, c’est avez-vous fait entre les deux ? Hélène Chevrier beaucoup plus abouti dans la vio - C'est beaucoup moins un montage lence. Cela me convoque au dernier que pour La barque le soir, puisque point. Et je pense qu'il est temps de j’ai choisi de garder essentiellement n Rêve et folie, de Georg Trakl, mise finir avec ce travail. Cela sera ma Sébastien en rêve. en scène de Claude Régy, avec Yann dernière mise en scène. Cela fait 60 C’est un texte difficile mais le fait de Boudaud ans que je monte des spectacles connaître la vie de Georg Trakl en Théâtre des Amandiers, 7 avenue sans m’arrêter. J'ai exploré beau - éclaire la lecture… Pablo Picasso 92000 Nanterre, coup d'écritures qui m'ont toutes C'est un homme qui a dépassé tous 01 46 14 70 70, du 15/09 au 21/10 passionné. Mais là, je fatigue. J'ai les interdits et qui est passé dans un

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 33 à partir du 15 A DROITE À GAUCHE Sept. Théâtre des Variétés – Paris Laurent Ruquier Sa nouvelle pièce est en plein cœur de l’actualité : alors Rire et que la France se prépare à vivre les prochaines élections présidentielles, réfléchir dans A droite à gauche, un ouvrier de droite (Régis Laspalès) et un riche acteur de gauche (Francis Huster) confrontent leurs idées sur le clivage droite-gauche. Presque du vécu pour l’auteur du texte, Laurent Ruquier, animateur à succès de télé, directeur t o m du théâtre Antoine et producteur l a g

a i

inspiré d’artistes comme Michaël v l y

Grégorio. @

Théâtral magazine : Est-ce l’arri - pour confronter la théorie à la réa - vers le discours de l’acteur qui ex - vée des élections présidentielles lité. Et la réalité se concrétise avec plique que l’art éduque les gens, les l’année prochaine qui vous a ins - les apparitions du patron de l’ou - ouvre à autre chose. C’est complète - piré cette pièce ? vrier et de la femme et du fils de l’ac - ment exagéré et l’ouvrier répond à Laurent Ruquier : Il y a de ça mais ce teur. Et ça marche. Quand on a fait juste titre qu’il ne faut pas forcer les sont aussi mes propres questionne - la première lecture avec Francis gens ni dénigrer ce qu’ils regardent. ments. Venant d'une catégorie socia - Huster et Régis Laspalès, je me suis J’en parle en connaissance de cause. lement malaisée et arrivé dans une régalé. Francis met une telle fougue Je suis un enfant de la télé, petit je situation aujourd'hui de privilégié, je dans le rôle de l’acteur, il se démène regardais Sacrée soirée et Guy Lux me demande comment c'est possible tellement pour démontrer qu'il a rai - avec mes parents et j'aimais ça. Mais de rester de gauche en gardant les son et faire passer ses idées, qu’il est c’était tout ce qu’abhorraient à mêmes idées. Et j'essaie de répondre génial. Et avec Régis en face et son l'époque les gens de gauche. Et dès à travers un dialogue amusant entre flegme indémontable, ça donne des que la gauche est arrivée au pouvoir un ouvrier de droite et un acteur riche dialogues savoureux. en 81, plein de chanteurs et d’anima - et de gauche. Je pense que la pièce va Est-ce une façon de dire qu’il faut teurs ont disparu des programmes. la fois amuser et faire réfléchir. dépasser ce clivage droite-gauche ? Tout ça sous prétexte qu'il fallait C'est effectivement une pièce qui J’ai bien peur qu'on n'en sorte pas ; éduquer les masses. Or, l'un ne va fait réfléchir, puisque les deux per - quand on en sort, on tombe généra - pas sans l'autre . sonnages principaux ne font lement dans le populisme, ou les ex - Propos recueillis par presque que discuter de leurs po - trêmes. La pièce n’apporte pas de Hélène Chevrier sitions respectives. Il n'y a pas solution, sauf peut-être à la fin que vraiment d'intrigue. je ne veux pas dévoiler. C’est une Non et d’ailleurs, au départ j'étais pièce aussi pour s’amuser. Je ne suis n A droite à gauche, de Laurent parti sur une pièce à deux person - pas en train de militer. Ce n'est pas Ruquier, mise en scène de Steve nages seulement avec un dialogue parce que je suis de gauche que je Suissa, avec Francis Huster et Régis entre les deux et je me suis dit que demande aux gens de voter comme Laspalès. Théâtre des Variétés, dramaturgiquement parlant ce se - moi. 7 boulevard Montmartre 75002 Paris , rait un peu plus intéressant si on sor - Croyez-vous au pouvoir de l’art ? 01 42 33 11 41, à partir du 15/09 tait de temps en temps du dialogue Bien sûr. Je le dis dans la pièce à tra -

34 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du L’HEUREUX ÉLU 15 Théâtre de la Madeleine - Paris Sept. Eric Assous L’amour, toujours

Attrapé en plein travail d’écriture, un scénario de pièce et un autre de film, Eric Assous soupire. "Je jette les trois quarts de ma produc - tion... Quand j’étais jeune, j’avais du talent ", plaisante-t-il. Régulier, l’auteur a "pondu " une comédie pour la rentrée. Baptisée L’Heureux élu , elle se penche sur un groupe d’amis dont on découvre les liens au fur et à mesure des scènes. Fidèle d’Eric Assous, Jean-Luc Moreau r d

@ signe une nouvelle fois la mise en scène.

Théâtral magazine : Comment est d’une bonne histoire avec des rebon - qu’il n’y a rien à garder. né L’Heureux élu ? dissements. Là, je trouvais qu’il y Est-ce que votre "trilogie" L’Illu - Eric Assous : J’ai rajouté un ingré - avait une situation. La question n’est sion conjugale , Les Conjoints et On dient que je n’utilise quasiment ja - pas politique ou morale, est-ce que ne se mentira jamais n’est pas la mais dans mes pièces, peut-être c’est bien ou mal ? Mais quand une meilleure ? dans le souci de me renouveler. Je fille rencontre un type de ce genre, C’est la même inspiration, la même trouvais cela amusant. C’est l’his - faut-il se dire est-ce que l’amour est écriture. On va jusqu’à un certain ni - toire d’une fille de 35-36 ans qui an - plus fort que tout ? Ou faut-il la met - veau d’analyse du couple plus que nonce à ses amis qu’elle va se marier tre en garde ? Il y a un vrai dilemme. dans d’autres pièces où on est plus avec un type formidable. Juste Je pars du principe que toutes les dans la situation et l’intrigue. Encore avant qu’il n’arrive, elle précise qu’il pièces doivent en proposer un. Je ne que dans L’Heureux élu ... Repré - est un peu, un peu… Un peu quoi ? prends pas parti ou pour le réac ou sailles avec Michel Sardou était une demandent ses copains. Elle n’arrive pour les bobos gentils plein de bons comédie pure destinée à déclencher pas à dire quoi, mais quand il arrive, sentiments, je donne à voir une si - le rire quitte à ce que les choses ne ils se rendent compte qu’il est un tuation qui j’espère fera rire. soient pas d’une crédibilité absolue. peu réac, facho. Ce n’est pas une ca - Y a-t-il quelque chose de vaudevil - Il y a des pièces pour les gens qui ai - ricature, il est cultivé, fin. Il y a une lesque ? ment le théâtre et d’autres pour confrontation entre lui et les autres Ah oui, il y a tous les ingrédients du ceux qui aiment le spectacle, c’est auxquels on s’identifie, des bobos. genre. La fille a eu une aventure différent. Quand on écrit pour Mi - Qui joue ce triste individu ? avec l’un des deux amis au vu et su chel Sardou, il faut être plus dans la David Brécourt. Bruno Solo, Yvan de tout le monde et surtout une liai - situation que dans la finesse d’ana - Lebolloc'h sont les amis qui reçoi - son secrète avec l’autre. Il y les si - lyse, plus percutant, ce n’est pas tou - vent. Il arrive vers la fin, il a un rôle lences embarrassés, les mensonges, jours plus facile. important, mais pas principal. les regards qui en disent long… je Propos recueillis par Quand vous parlez de vous renouveler n’ai pas beaucoup changé. Nathalie Simon c’est en introduisant ce personnage ? Comment travaillez-vous ? On me reproche souvent de ne pas Je jette beaucoup. Contrairement aux n L’Heureux élu pièce d’Eric Assous, donner mes opinions politiques. Elles acteurs, je n’ai pas d’autres activités, mise en scène Jean-Luc Moreau, avec sont comme celles de la plupart des donc j’écris tout le temps. Je suis tous Bruno Solo, Yvan Lebolloc'h, Mélanie gens, volatiles. Quand je vois des les jours devant mon ordinateur. Page, Mathilde Penin et David pièces comme spectateur où l’auteur C’est un rêve de vivre de sa plume. Brécourt, Théâtre de la Madeleine, partage ses opinions et dit tout l’in - C’est un peu douloureux quand vous 19 rue de Surene 75008 Paris, térêt qu’elle recèle, je ne suis pas in - restez cinq jours sur le même élé - 01 42 65 07 09, à partir du 15/09 téressé. Je suis beaucoup plus client ment. Et en relisant, vous vous dites

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 35 à partir du 15 BRASSEUR ET LES ENFANTS DU PARADIS Sept. Théâtre du Petit Saint-Martin - Paris

en Provence pour écrire Les enfants du paradis , d’abord baptisé Les Funambules , en 1943, sous la censure de Vichy, cerné par des Allemands.” A travers sa voix, Alexandre Brasseur souhaite évo - quer quatre “personnages” : Prévert, anarchiste antimili - tariste résistant de cœur, Carné, homosexuel, Trauner et Kosma, respectivement le décorateur et le musicien, juifs hongrois. L’omniprésence de la guerre, de la Shoah est liée à leurs destins. “Comment moi qui joue Pierre (Bras - seur), du haut de mes 45 ans, je pouvais me permettre de parler de cette période sans la comprendre ? J’avais envie de sortir des livres d’Histoire, de ce qu’on avait appris. J’ai voulu aller voir l’horreur de la guerre ” , insiste-t-il. Lors de la lecture à Jean Robert-Charrier, puis

Y quand il a joué au festival d’Anjou, les spectateurs N G I

M étaient mal à l’aise. “Tant mieux, si on peut faire réfléchir, R A

D rouvrir le dialogue, poser les vraies questions” , assène

S

Alexandre I O Alexandre Brasseur. Et l’acteur d’ajouter : “75 ans après, C N

A on peut se demander comment on se serait comporté, R F

Brasseur @ nous ? ” Il a eu l’idée de ce spectacle en voyant l’exposi - tion que la Cinémathèque française a consacrée aux En - Retour sur l’Histoire fants du paradis en 2012. “Je suis tombé sur le chapeau de mon grand-père, sa feuille de paie, son bulletin de sé - curité sociale, des photographies sur les quatre en train résent dans la série Le bureau des légendes de de bosser… J’ai pleuré. J’ai toujours eu un lien secret, ténu Canal+, Alexandre Brasseur retrouve les avec Pierre au-delà de tous les crétins qui prétendent planches avec un spectacle de son cru intitulé l’avoir connu. Je lui ressemble tellement...” P Brasseur et les enfants du paradis , co-écrit avec Le petit-fils de Pierre et fils de Claude a eu du mal à Daniel Colas. Inspiré du film légendaire, il met en trouver un auteur. Il a travaillé pendant un an avec Da - scène un quatuor tout aussi mythique : Prévert, niel Colas pour nourrir la pièce. Il raconte : “Moi, je vou - Carné, Kosma, Trauner . “De quoi j’ai envie dans un spec - lais interpréter Prévert, lui voulait que je sois Brasseur. tacle ? interroge le fils de Claude . “Me divertir -ça ne veut J’avais vu Le Joueur d’échecs avec Francis Huster. La so - pas dire se marrer-, mais être touché et si je peux en sortir lution était là : j’ai décidé d’incarner tous les protago - un peu moins bête, c’est réussi”. L’acteur s’est démené nistes.” Pour la première fois, ce père de deux grands comme un fou pour monter son premier seul en scène. enfants se lance dans un seul en scène. “Pierre se sou - “C’est mon spectacle, mon idée” , aime à dire Alexan - vient de Carné, Prévert… puis rentre dans le dialogue. dre Brasseur à propos de Brasseur et les Enfants du pa - Berry, Arletty surgissent. On n’est pas obligé d’avoir vu radis . Pour s’immerger dans la période, il a visité la Les enfants du paradis pour comprendre la pièce. Film maison d’Anne Frank, lu le journal de l’adolescente, par - mythique, il reste le support. Il est le premier sorti à la Li - couru les camps de la mort et vu la pièce d’Eric Emma - bération, en 1945”. nuel Schmitt. “J’ai voulu payer mon respect à la mémoire Nathalie Simon des gens qui étaient passés par là” , explique le comédien très investi. Le texte qu’il a écrit “main dans la main” avec Da - n Brasseur et les Enfants du paradis d’Alexandre Brasseur niel Colas, également metteur en scène du spectacle, et Daniel Colas, mise en scène Daniel Colas, avec évoque la thématique de la liberté : “Comment rester Alexandre Brasseur et Cléo Sénia, musique Stéphane libre sous l’Occupation ? C’était le grand combat de Green. Théâtre du Petit Saint-Martin, 17 rue René Boulan - Jacques Prévert, affirmer la suprématie de l’art sur les ger 75010 Paris, 01 42 08 00 32, à partir du 15/09 armes. Ils sont allés se planquer six mois dans un prieuré

36 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

à partir du 16 LE SILENCE DE MOLIÈRE Sept. Théâtre de la Tempête - Vincennes Ariane Ascaride Esprit des planches Ariane Ascaride s’installe pour un mois au Théâtre de la Tempête dans Le Silence de Molière de Giovanni Macchia où elle incarne la discrète Esprit-Madeleine Poquelin, fille de Molière. Une

histoire qui aborde forcément r o t c i V

le pourquoi du père sur le l a c s a

devenir de sa fille… P

@

Théâtral magazine : Vous êtes une mort dans la nuit ! C’est comme ça éclaboussée par les pires rumeurs et actrice de cinéma célèbre. Qu’est- chez mon père, il y toujours quelque jamais personne ne pense à elle. ce qui vous appelle au théâtre ? chose qui fait que ça ne se fait pas. Même pas son père qui, de son vi - Ariane Ascaride : Le théâtre ne Aujourd’hui lorsque vous montez vant, se rappelle ponctuellement de m’appelle pas : j’y suis née. Mon père sur scène, est-ce pour votre père ? son existence. Où est votre place faisait du théâtre amateur avec une Oh non ! Peut-être seulement quand vous êtes l’enfant d’un génie ? compagnie issue de la Résistance. A quand je fais Le Silence de Molière . Et Molière en était un ! l’âge de huit ans, je me suis retrou - Mais généralement, quand je monte D’autres auteurs dramatiques vée sur un plateau, non pas par sur scène, je me sens faire corps vous font l’effet que vous procure choix, mais parce que c’était comme avec les planches comme un motard Molière ? ça ! C’est aussi des souvenirs d’en - avec sa moto. Plus qu’un plateau de Anton Tchekhov, William Shakes - fance : le théâtre me rappelle cinéma, monter sur les planches, peare, je suis très classique… l’énorme boîte à maquillage de mon c’est rentrer chez moi. Vous aimeriez jouer Tchekhov ? père qu’il m’était interdit de toucher Qu’est-ce qui vous a convaincue Tout le monde aimerait jouer Tchek - et dont je soulevais le couvercle en dans ce texte ? hov ! Mais en France, ce milieu est cachette de retour de l’école… Le rapport au père, au spectacle, très bourgeois et je ne corresponds Certains auraient pu choisir d’opé - comment l’héroïne raconte cette pas à l’image que l’on se fait d’une ac - rer une rupture, comme le person - folie des gens de théâtre et la haine trice pour jouer du Tchekhov. L’image nage d’Esprit-Madeleine que vous de ce monde qui lui a volé son père. populaire me colle à la peau. incarnez dans La Fille de Molière . Pendant les répétitions, j’ai fait un Propos recueillis par Vous avez choisi de rester dans cet blocage. Cela me replongeait dans le Hadrien Volle univers. rapport avec mon propre père, bien Je n’ai pas choisi. La force de mon que le mien ne soit pas Molière ! père est encore là aujourd’hui ! Mes Mais forcément, ça résonne. Au - n Le Silence de Molière, de Giovanni frères et moi avons fait tout ce qu’il jourd’hui encore quand je joue ce Macchia, mise en scène de Marc n’a pas pu faire. Notre père rêvait spectacle, j’ai peur à chaque fois. Paquien. d’être chanteur d’opéra. Il a passé Que pensez-vous de votre person - Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, une audition à l’opéra de Marseille, nage, la fille de Molière ? Route du Champs de Manœuvre, le directeur lui a promis un engage - Elle est géniale ! Sa souffrance et 75012 Paris, 01 43 28 36 36, ment en l’invitant à venir signer le son choix de rester dans l’ombre. Son du 16/09 au 16/10 lendemain, mais le directeur est père est trainé dans la boue, elle est

38 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du TRAVIATA 17 Bouffes du Nord - Paris Sept. Judith Chemla ment existé. Parce que c'est une his - toire vraie qui a marqué les esprits. Esprit des planches Un an après sa mort, Alexandre Dumas a écrit un roman dont il a fait une pièce que Verdi a vue et en a tiré un opéra. Sur scène il y a un vio - lon, un violoncelle, une contrebasse, un cor, un trombone, un accordéon, une clarinette, une flûte et un piano. Mais on aime aussi retrouver le si - lence qu'on n’entend pas dans un opéra, parce que le silence émet r o t c i aussi une musique. V l a

c Comment se présente le décor ? s a P

r Ça commence après son décès, dans d

@ Le souffle de l’amour @ un espace rendu un peu fantoma - tique par de grands voiles qui recou - vrent tout comme pour dresser L’histoire de Violetta Valéry dans La Traviata l’inventaire de ce qui lui reste, de ce émeut Judith Chemla depuis qu’elle a 17 ans. qu'on vend et les gens viennent voir Elle rêve alors de jouer l’opéra de Verdi pas tant pour cette curiosité. Dans le deuxième raconter l’histoire de cette “femme qui disparaît “ que acte, à la campagne, tout se distord pour partager l’amour inconditionnel qu’elle porte à pour marquer son humiliation. Et à la fin on revient dans un espace un un homme. Avec Benjamin Lazar qui signe la mise en peu recouvert. On parle d’un amour scène, ils ont imaginé un spectacle qui retrouve le au-delà de ce qu'on connaît dans souffle de cet amour. nos vies organisées et sociales. Il y a un souffle et c’est ça qu’on essaie de Théâtral magazine : Cette œuvre tements de cœur. C'est très trou - retranscrire sur scène. Comme on es - vous habite depuis très longtemps. blant. saie de retrouver l’élan qui a poussé Qu’est-ce qui vous bouleverse de - C'est une version allégée de Verdi à écrire cet opéra. dans ? l'opéra de Verdi. Propos recueillis par Judith Chemla : J'ai l'impression de C’est la même histoire, mais on ne Hélène Chevrier percevoir l'endroit humain où ça se joue pas la totalité de l’opéra ; il y a joue. Et puis il y a eu la rencontre des choses qu’on se permet de trans - avec Benjamin Lazar et j'ai senti que former, d’enlever. On utilise des ar - lui aussi percevait l'endroit très fra - chives d'époque, La Dame aux gile où ça se jouait. Qu’il comprenait Camélias , le livret de Verdi et des aussi cette femme qui découvre textes du poète contemporain Chris - l'amour et dans le même temps qua - tophe Tarkos qui avait une écriture n Traviata (vous méritez un avenir meilleur), siment est obligée d’y renoncer à très incisive. d’après Verdi, conception Benjamin Lazar, cause de la société qui l’entoure. Elle Ce n’est donc pas que de l’opéra ? Florent Hubert et Judith Chemla, mise en est malade, elle sait qu’elle va mou - Non, on ne fait pas que chanter ; on scène Benjamin Lazar, arrangements et rir, et elle accepte de sacrifier le seul parle aussi et on essaie de faire en direction musicale Florent Hubert et Paul trésor qu’elle possède, tout ce qui la sorte que la musique naisse des Escobar. Bouffes du Nord, 37 bis boulevard tient, en vie par amour. C'est très émotions, des situations, comme de la Chapelle 75010 Paris, 01 46 07 34 50, beau. On a l’impression qua Verdi a une nécessité. On fait renaître le du 17/09 au 15/10 capté l’âme de cette femme, ses bat - fantôme de cette femme qui a vrai -

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 39 à partir du 17 POIL DE CAROTTE Sept. Amandiers - Nanterre et en tournée

pas le clou sur la mère, elle ne plonge pas dans la seule faille de la Agathe Molière génitrice mal aimante. Il y a des saisons où l’on vous voit beaucoup sur scène et d’autres où vous semblez disparaître… Cela ne vient pas de moi, c’est en fonction des projets. Il y a une chute sensible dans les moyens de produc - tion. Parfois, des tournées envisa - gées ne se font pas et quelquefois on travaille sur des créations qui ne connaissent aucune suite. J’ai fait deux spectacles morts-nés récem - ment. Si on n’est pas dans les grands circuits, les spectacles ne se vendent pas. Mais je fais autre chose à côté. Vous n’êtes pas seulement actrice ? r d Ne pas juger

@ Je suis aussi monteuse, pour l’ins - tant de courts-métrages mais j’es - Agathe Molière va incarner Poil de Carotte , figure auto - saye de développer une activité plus biographique de Jules Renard connue par le roman du même importante. Le montage est aussi nom. L’adaptation est conduite par l’italienne Silvia Costa, une création, j’adore ça et ce n’est collaboratrice artistique sur la plupart des spectacles de Romeo pas contradictoire avec mon métier de comédienne. Lorsque je monte Castellucci et qui partage son approche plastique de la scène. un film j’exprime une sensibilité ar - tistique. C’est une autre façon de Théâtral magazine : Avant de tra - d’adulte et de jeune mère, je suis s’approprier les histoires. Dans ce vailler avec Silvia Costa, que repré - toujours avec Poil de Carotte mais domaine, j’aimerais davantage tra - sentait pour vous Poil de Carotte ? j’essaye aussi de comprendre sa vailler avec les gens du théâtre car Agathe Molière : Un vague souve - mère, son désamour pour son en - aujourd’hui, on fait beaucoup d’an - nir. J’ai d’abord pensé que je ne fant. Le garçon est victime d’injus - nonces vidéo, de teasers et c’est très l’avais jamais lu avant de me rendre tice et en même temps, il ne se laisse intéressant à faire ! Je cumule l’œil compte en le reprenant que j’avais pas faire, je ne vois pas ce roman de la spectatrice de théâtre et celui dû l’étudier au collège. Tout le juste comme une histoire triste. Puis de la monteuse. Le montage permet monde connaît cette figure de petit on parle d’un autre siècle ! de sauver des comédiens ! garçon roux sans que l’on sache très Que voulez-vous transmettre en Propos recueillis par bien le définir. Moi, je l’imaginais jouant ce rôle ? Hadrien Volle comme un garçon intrépide alors Je pense que Silvia Costa a son pro - que ce n’est pas le cas ! pre point de vue et puisque nous n Poil de Carotte d’après Jules Renard, mise en Cette histoire est particulièrement n’avons pas encore commencé à tra - scène de Silvia Costa. Théâtre Nanterre-Aman - cruelle pour le jeune garçon. Alors vailler et que je viens de recevoir diers du 17/09 au 2/10, Scène Nationale de que vous allez jouer le rôle, qu’est- l’adaptation (en juin 2016, ndlr) , je Cergy-Pontoise du 6 au 8/10, La Commune ce que vous éprouvez pour lui ? pense juste avoir compris qu’elle d’Aubervilliers du 11 au 15/10, La Villette du Lorsqu’on lit cette histoire quand on avait décidé de ne pas juger les pa - 18 au 21/11, Théâtre Louis Aragon de Trem - est enfant, je pense qu’on se met à rents et de montrer que tout le blay-en-France les 13 et 14/12. Dans le cadre la place du petit et qu’on a de l’em - monde a sa part de responsabilité du Festival d’Automne, 01 53 45 17 17 pathie pour lui. De mon point de vue dans cette histoire. Costa n’enfonce

40 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du LES INSOUMISES 20 Théâtre de la Colline - Paris Sept.

Isabelle Lafon Montrer l’essentiel Avec le cycle des Insoumises , Isabelle Lafon rend hommage à Lydia Tchoukovskaïa, Virginia Woolf et Monique Wittig. Ces écrivaines qui par leur courage, leur s e u q quête et leur façon d’écrire sont capables de nous c a J

. R maintenir éveillés, et de nous redonner de la vie. @

Théâtral magazine : Le premier Il commence en 1916 et se termine avec Wittig, on a une langue extraor - spectacle du cycle des Insoumises, en 1941. Cela représente plus de dinaire. Elle a été très importante c'est Deux ampoules sur cinq tiré 2000 pages. Ce qui m’a marquée, dans le mouvement féministe et les - de Notes sur Akhmatova de Lydia c’est cette quête qu’elle avait de sai - bien. Le pronom "on" est beaucoup Tchoukovskaïa. sir les choses avant qu'elles ne de - utilisé comme pour faire éclater le "je" Isabelle Lafon : C’est l'histoire de sa viennent des œuvres d'art. Et il y a et le genre. rencontre avec la poétesse russe quelque chose dans son journal qui Pourquoi avoir appelé ces trois Anna Akhmatova en 1938 qu’elle est éminemment artistique. Sur pièces Les insoumises ? n’a cessé de voir ensuite jusqu'à sa scène, j’ai imaginé trois femmes, très Toutes ces écrivaines, à leur façon, mort en 1966. Elle a tenu le journal différentes, toutes fascinées par Vir - inventent quelque chose, dans un de leur amitié. Ce qui était coura - ginia Woolf. Probablement des rapport très particulier à la néces - geux à l’époque, puisque sous Sta - femmes de son époque. Elle donnait sité. C’étaient des livres de chevet line, toute trace écrite était beaucoup de conférences notam - qui me donnaient l'impression que susceptible de porter tort à son au - ment devant la Women’s Guild, une les choses peuvent être bougées teur, toute conversation dans les ap - association d’ouvrières. On peut sup - une à une, que leur écriture peuvent partements communautaires était poser que ces trois femmes allaient nous maintenir éveillés, nous inciter susceptible d'être dénoncée. Et puis, l’écouter. Il y a aussi l'idée d'une ti - à ne pas nous laisser faire. J’y trouve Anna Akhmatova était alors inter - midité face à tout ça. quelque chose de l'ordre de l'éner - dite de publication, son fils était Enfin, le dernier spectacle, c’est gie, de la vie. dans les camps. Lydia commence L’Opoponax de Monique Wittig. Propos recueillis par d’ailleurs le journal en écrivant : "je C’est l’histoire de Catherine Legrand, Hélène Chevrier vais raconter notre rencontre mais je une petite fille qui a 5 ans au début vais omettre l'essentiel" . Et cela m’a du texte et 15 à la fin. C’est le regard donné l’idée de cadrer serré pour que sur le monde d'une petite fille, qui se n Les Insoumises, cycle de trois spectacles : Deux le spectateur puisse imaginer tout ce modèle. C’est très drôle. Je joue le rôle ampoules sur cinq d'après Lydia Tchoukovskaïa, qui est hors-champ, tout ce qu'on ne accompagnée d’un batteur, parce Let me try d’après Virginia Woolf et L’Opoponax voit pas. Et ce sont les spectateurs du que ce texte a quelque chose d’un d’après Monique Wittig, mise en scène d’Isabelle premier rang qui nous éclairent sur récit mais aussi d’un récital. L’écriture Lafon, avec Johanna Korthals Altès, Isabelle scène avec des lampes torches. de Monique Wittig est hallucinante. Lafon, Marie Piemontese, Vassili Schémann Le deuxième spectacle, Let me try , La langue peut bouleverser les Théâtre de la Colline, 15 rue Malte Brun 75020 est inspiré du journal de l’écrivaine choses. Virginia Woolf parle souvent Paris, 01 44 62 52 00, du 20/09 au 20/10 Virginia Woolf. des mots qui sont indomptables et

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 41 ffiche T êtes d’a

Alexis Michalik crée et met en scène Edmond Fanny Ardant joue dans Croque-Monsieur au théâtre du Palais-Royal -> p. 8 au théâtre de la Michodière - > p. 16

Mélanie Laurent crée Le Dernier Testa - Christophe Barbier met en scène Présents Chantal Ladesou joue dans Peau de vache ment... auThéâtre Liberté à Toulon parralèles à la Reine Blanche -> p. 20 au Théâtre Antoine -> p.21

Michèle Laroque, Muriel Robin et Pierre Palmade jouent dans Ils s'ai - ment depuis 20 ans en tournée -> p. 13

Agnès Jaoui joue dans Les femmes sa - vantes à la Porte Saint-Martin -> p. 23

François Berléand joue dans Moi, moi et Nicolas Bouchaud joue Dom Juan Laurent Ruquier crée A droite, à gauche François B. au Montparnasse -> p.30 au Théâtre de l’Odéon -> p. 32 au Théâtre des Variétés -> p.34 ffiche êtes d’a Claude Régy met en scène Rêve et folie Alexandre Brasseur crée Brasseur et les En - aux Amandiers - Nanterre -> p. 33 fants du paradis au Petit Saint-Martin -> p. 36

Bérénice Bejo joue dans Tout ce que vous Ariane Ascaride joue dans Le Silence de Judith Chemla joue dans Traviata voulez au Théâtre Edouard VII -> p. 26 Molière au Théâtre de la Tempête -> p. 38 aux Bouffes du Nord -> p. 39

Martin Lamotte joue dans Columbo Cristiana Reali joue dans M’man Performance de Charlotte Rampling et au Théâtre Michel -> p. 46 au théâtre du Petit Saint-Martin -> p.48 Tilda Swinton au Musée d’Art Moderne

Fanny Cottençon joue dans Petits crimes Barbara Schulz joue dans L’éveil du chameau Robert Hirsch joue dans Avant de s’envoler conjugaux au Rive Gauche -> p.50 au théâtre de l’Atelier -> p.52 au Théâtre de l’Oeuvre

James Thiérrée crée La grenouille avait Guillaume Gallienne joue dans Les Damnés André Dussollier joue dans Novecento raison aux Célestins et en tournée à la Comédie-Française -> p. 76 au Rond-Point -> p. 74 à partir du 21 VANIA D’APRÈS ONCLE VANIA Sept. Vieux-Colombier - Paris Julie Deliquet Après la trilogie Des années 70 à nos jours autour de la famille, Tchekhov au milieu de 2016 Julie Deliquet laisse momentané - ment les acteurs du collectif In Vitro pour partager son théâtre du réel avec ceux de la Comédie-Française. Vania d’après Oncle Vania n’est pas une réécriture de la pièce mais une plongée dans l’univers de n i l

Tchekhov façon Louis Malle e s s o G

dans Vanya, 42e rue. n o m i S

@

Théâtral magazine : Vous êtes pro - de 2016 pour plonger vers Tchekhov. une forme de radicalité qu'on retrouve grammée à la Comédie-Française. Comment travaillez-vous avec les ac - un peu chez les jeunes d'aujourd'hui. Comment cela s'est-il passé ? teurs de la Comédie-Française ? Le professeur appartient à la généra - Julie Deliquet : Il y a deux ans Éric Ruf Il y a une rencontre entre la facilité que tion qui ne veut pas vieillir et qui prend est venu voir ma trilogie au Théâtre de ces acteurs ont à rentrer dans un texte encore beaucoup de place. Il empêche la Ville et il m'a fait une proposition et moi la manière dont je bouscule le ceux qui suivent de se trouver. Ce sont mais ce n'était pas évident pour moi à texte. Dès qu'il y a une forme de théâ - des problématiques presque soixante- ce moment là car j’étais sur la création tralité ou de classicisme, je déconstruis huitardes. On voit bien qu’Elena et de Catherine et Christian (fin de par - entièrement la pièce pour la reprendre Vania errent entre les deux. Vania dit tie) , l’épiloque du triptyque. L’année dans un ordre différent. Cela impliquait qu’il a vieilli avant l’heure alors qu'il n'a dernière, il m'a relancée et c’était le de trouver les acteurs partants pour im - que 45 ans. Moi qui ai presque son âge bon moment. J'avais envie de travail - proviser. Et puis je voulais des gens qui - j'ai 36 ans -, je ne fais plus partie des ler sur Oncle Vania . Le fait que la pièce aient vraiment quelque chose des per - jeunes, je ne suis pas encore dans la gé - soit construite en quatre plans sé - sonnages. Ça joue vite, c'est très in - nération d'après, et je me sens prise quences, sans segment de scène, que carné, très cinématographique, pas du entre les utopies de l’une et la radica - cela se passe sur une saison, avec huit tout psychologique. On va installer un lité de l'autre. personnages, c'était un terrain d'expé - bi-frontal au Vieux-Colombier. Je vou - Propos recueillis par rimentation en rapport avec ce que je lais que tout se passe au milieu des Hélène Chevrier cherchais. gens comme dans une sorte de labora - Vania d'après Oncle Vania , est-ce une toire : Tchekhov au milieu de 2016. Et réécriture de la pièce de Tchekhov ? du coup les personnages peuvent C'est plus une adaptation qu'une écri - s'adresser au public de manière très n Vania d’après Oncle Vania, mise en scène ture de plateau. J'ai modernisé cer - simple. de Julie Deliquet, avec Laurent Stocker, taines choses en élaguant et en Qu’est-ce que Vania raconte de , Stéphane Varupenne, remplaçant par un langage plus ac - notre monde d’aujourd’hui ? Hervé Pierre, Florence Viala, Anna Cervinka, tuel. Et on n’a plus que sept person - Tchekhov parle de la fin d'un monde, Noam Morgensztern nages puisque j'ai supprimé le rôle de d'une société. Il y a dans sa pièce une Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier la nourrice que je n'arrivais pas à mélancolie très présente actuellement. 75006 Paris, 01 44 58 15 15, transposer. Un peu comme Louis Malle J'ai rajeuni un peu Sonia, Astrov et Té - du 21/09 au 6/11 avait fait avec Vanya, 42e rue . On part léguine. Ils essaient de s’en sortir avec

44 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 @ Simon Gosselin à partir du 22 COL UMBO Sept. Théâtre Michel - Paris

quand ? C’est un véritable duel de manipulation qui doit conduire l’as - Martin Lamotte sassin à se dévoiler. On vous voit souvent à l’affiche de comédies, vous aimeriez jouer autre Columbo nouveau chose ? Vous mettre en danger ? Je n’aime pas l’expression "se mettre Martin Lamotte s’installe au Théâtre Michel pour jouer en danger ". Si on se met en danger, l’inspecteur Columbo dans la pièce originelle ayant donné c’est qu’on ne veut pas que ça naissance à la série du même nom. Cet acteur "fou de marche tandis que moi j’essaye de tout faire pour que ce dans quoi je comédies " ne cache pas son plaisir de jouer dans un spectacle m’engage réussisse. Par contre, "à enquête " où le public partage la réflexion du personnage. j’aime faire des choses difficiles, ne pas reproduire systématiquement ce que je sais faire. Mais je reste un Théâtral magazine : Qu’est-ce qui fou de comédies, j’y reviendrai tou - vous intéresse dans le rôle de Co - jours car c’est là que je prends le plus lumbo ? de plaisir. Je ne fais pas de la comé - Martin Lamotte : Je ne l’ai pas ac - die par dépit. Même si je vais faire cepté d’emblée, j’ai d’abord voulu de plus en plus de drames. lire le texte, car on oublie souvent Comment ça ? qu’à l’origine Columbo est une pièce Aujourd’hui, je me sens plus apte à de théâtre qui a ensuite été trans - faire certaines choses, l’âge aidant, formée en premier épisode d’une j’ai pris un peu plus confiance en longue série. Celui-ci m’a intéressé moi. J’aimerais faire de grandes car cela me permet de me lancer pièces. Pourquoi ne pas jouer dans dans une évocation d’un person - une belle traduction de Shakes - nage très marqué, en prenant garde peare ? de ne pas imiter Serge Sauvion, le Un rôle classique dans lequel vous doubleur de Peter Falk, dont la voix aimeriez jouer ?

est dans tous les esprits. t Pourquoi pas Richard III ? Mais sur - e u o

Avez-vous une histoire avec le per - c tout pas en costume d’époque ! s r a

sonnage ? Suiviez-vous la série ? H Vraiment la pièce telle qu’elle est. Le k c n

Comme tout le monde, j’en ai vu a Misanthrope aussi, car c’est une r F

quelques épisodes. J’aime bien la @ pièce d’actualité, je pourrais être Al - série sans être un inconditionnel. J’ai ceste, cela me plairait beaucoup. toujours apprécié le principe de l’en - gence pour le public qui suit le rai - Mais j’ai encore le temps ! quête car tout le monde peut parti - sonnement. Propos recueillis par ciper. Vous dites que vous ne voulez pas Hadrien Volle Mais il n’y a pas d’assassin à dé - imiter Serge Sauvion. Qu’aura de par - couvrir chez Columbo, puisque le ticulier l’inspecteur façon Lamotte ? meurtrier est toujours connu au Ce sera un personnage malicieux et n Columbo de William Link et début de l’épisode et ce sera le cas populaire. C’est quelqu’un qui est Richard Levinson, mise en scène de dans la pièce… issu d’un milieu modeste, ne cherche Didier Caron. C’est le style Columbo qui veut ça ! pas à briller et fait honnêtement son Théâtre Michel, 38 rue des Mathu - Mais c’est intéressant car on va sui - travail. Malicieux car il joue au chat rins, 75008 Paris, 01 42 65 35 02, vre comment Columbo va trouver le et à la souris avec l’assassin, les deux à partir du 22/09 coupable. C’est un exercice d’intelli - se toisent sans cesse mais jusqu’à

46 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du ANGELUS NOVUS ANTIFAUST 23 TNS - Strasbourg Sept. La Colline - Paris et en tournée

Sylvain Creuzevault Faust succède à Marx et Robespierre

ylvain Creuzevault dirige lequel est construit le spectacle. Une dans ces spectacles, il sont parvenus, sa compagnie, D’ores et fois sur scène, ils improvisent en fonc - lui et sa troupe, à se rendre suffisam - déjà, dans une nouvelle tion de situations définies, jusqu’à ment érudits sur les sujets donnés aventure collective, An - écrire certains passages – qu’ils ne pour se libérer des concepts et ainsi S gelus Novus AntiFaust . jouent pas forcément. Creuzevault transformer la pensée en du vrai Celle-ci verra le jour en septembre au aime travailler à partir des corps, des théâtre : dynamique, clair, lisible, brû - Théâtre National de Strasbourg sensations et des émotions des ac - lant du désir d’illustrer le monde sans avant de s’installer pour un mois à La teurs. Ses spectacles semblent ainsi faire la morale au spectateur. Un Colline en novembre. en chantier permanent – ils sont dif - spectateur qui était intégré à la table férents tous les soirs – mais cela par un système de gradins bifrontal, Sylvain Creuzevault ne donne donne aussi une vie et une sponta - élément scénique récurrent qui, sur pas d’interviews, non par discrétion, néité à des situations historiques qui les premières photos du spectacle à mais parce qu’il pense qu’on ne peut pourraient paraître datées et qui venir, paraît avoir disparu au profit pas "communiquer " sur un spectacle pourtant semblent naître du temps de la vidéo. Mais, ce ne serait que à naître. Il préfère s’adresser directe - présent aux yeux du spectateur. Dif - pure conjecture d’en dire plus sans ment au public. Ce qu’il a fait par ficile de ne pas rapprocher Creuze - avoir pu interroger le principal inté - Skype lors de la présentation de sai - vault de Joël Pommerat qui a créé, ressé… son du Théâtre National de Stras - par l’écriture de plateau et avec une Hadrien Volle bourg en juin 2016 par exemple. Il y troupe fidèle, un spectacle sur la Ré - présentait le spectacle qui y sera créé volution Française, mais Creuzevault le 23 septembre : Angelus Novus An - met le théâtre politique au cœur de n Angelus Novus AntiFaust, tifaust, nouvelle création collective son projet dramatique, le libérant de mise en scène de Sylvain Creuzevault, autour de la figure populaire germa - contraintes esthétiques qui pour - Théâtre National de Strasbourg, nique de Faust, prêt à tout pour at - raient faire barrière entre le discours, 03 88 24 88 00, du 23/09 au 9/10 teindre le savoir universel. Habités sa vitalité, et celui qui le reçoit. Toulouse du 18 au 21/10 par ce mythe, les comédiens feront le La Colline, Paris 2/11 au 4 /12 pont avec la société actuelle qui fait Cela avait fonctionné pour ses dans le cadre du Festival d’Automne du savoir une marchandise. Deux précédentes créations, globalement puis en tournée. hommes et une femme seront bien accueillies par confrontés à leurs choix, leurs entou - la critique. Dans ses rages et leurs démons. deux dernières mises en scènes, les Le procédé de conception du sujets auraient pu spectacle est le même que pour Le paraître rebutants : Père Tralalère, Notre Terreur et Le Ca - la Terreur et en par - pital et son Singe , à savoir une écri - ticulier la figure de ture de plateau radicale. Les Robespierre (2009) comédiens viennent travailler sans puis Le Capital de texte appris au préalable, habités par Marx, œuvre bien leurs différentes lectures, travaux peu dramatique personnels sur un sujet donné et sur (2014). Pourtant,

Théâtral

r magazine Septembre - Octobre 2016 47

d

@ à partir du 28 M’ MAN Sept. Théâtre du Petit Saint-Martin - Paris

Cristiana Reali en couple !

Au théâtre du Petit St-Martin, Cristiana Reali joue, sous la direction de Charles Templon et en compagnie de Robin Causse, un texte qui lui tient à cœur de Fabrice Melquiot. M’man , un duo mère-fils, une comédie douce-amère dans laquelle la comédienne nous promet que “bien des spectateurs vont se retrouver “ ! r d

@

Théâtral magazine : Comment ce derne, très ouvert. Des phrases lons être chez ces gens comme si on texte de Fabrice Melquiot est-il courtes, pas de longues tirades. C’est était dans leur cuisine, mais en tombé entre vos mains ? la vie qui passe – trop vite – au même temps comme si on écoutait Cristiana Reali : J’avais joué avec cours de trois anniversaires. Cela à leur porte ou comme si on les re - Robin Causse La Rose tatouée de montre que l’on peut être très en - gardait par la fenêtre. On les prend Tennessee Williams, et nous avions touré et demeurer seul au monde. Il sur le vif, lui en train de s’occuper envie de nous retrouver. Nous vou - y a plein de non-dits à réaliser sur d’elle, presque comme un père s’oc - lions écrire une histoire sur les rap - scène, à inventer, à jouer ; une li - cuperait de sa fille, elle un peu ado - ports entre une jeune mère et son berté de ton qui permet de monter lescente stoppée parce qu’elle a eu, fils qui auraient été comme un cou - ce spectacle de bien des manières trop jeune, un enfant. Une situation ple. Il y a peu de couples forts mère- différentes. Je suis heureuse de le dramatique, mais des dialogues fils dans le théâtre moderne. Et ce créer, comme je l’ai été de créer drôles. texte de Melquiot est venu a nous ; Good Canary en 2008. Propos recueillis par ce n’était pas la peine de l’écrire : la Aviez-vous des idées de mise en François Varlin pièce existait ! C’est une mère de 47 scène ? ans, un fils de 30 ans. Je crois que J’avais envie de confier la mise en Robin est le fils que j’aurais pu avoir ; scène à un jeune, car je voulais un il est très crédible pour ce rôle. projet neuf. Charles Templon est dy - Qu’aimez-vous dans le théâtre de namique, bourré d’idées, inspiré par Melquiot ? la pièce et surtout il a l’âge du rôle Je connais un peu cet auteur et j’ai du garçon. Il a le goût de quelqu’un n M’man, de Fabrice Melquiot, mise toujours aimé ce que j’ai vu de lui. de son âge et c’est comme si ce fils, en scène Charles Templon, avec Son écriture est élégante et il res - joué par Robin Causse, faisait la Cristiana Reali, Robin Causse. pecte beaucoup ses personnages. mise en scène. Cette tranche de vie Théâtre du Petit Saint-Martin, Mais M’man est une pièce différente est émouvante, il a compris ce que 17 rue René Boulanger 75010 Paris, de celles qu’il a l’habitude d’écrire. je voulais faire de cette pièce. Nous 01 42 08 00 32, à partir du 28/09 C’est un texte très original, mo - avions les mêmes envies. Nous al -

48 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

à partir du 29 PETITS CRIMES CONJUGAUX Sept. Théâtre Rive Gauche - Paris

Fanny Cottençon “Choisie” par Jean-Luc Moreau, Fanny Cottençon (César du meilleur espoir pour L'Étoile du Nord de Pierre Granier-Deferre en 1982) donnera la réplique à Sam Karman dans Petits crimes conjugaux , adapté du roman d’Eric-Emmanuel Schmitt (Ed. Albin Michel, 2003). r d A la suite d’un accident, Gilles (Sam Karman) perd la mémoire et sa femme Lisa tente de raviver ses souvenirs. Leur histoire d’amour @ remonte à la surface après quinze ans de vie commune. c’est du bonheur, ça coule. Comme je Fanny Cottençon arrive sans fard, juste avec son beau regard bleu le connais bien, je peux tout lui dire, et une robe rouge seyante et le manuscrit de la pièce à la main. cela le fait rire. Il n’y a que de la bien - veillance. Avez-vous besoin d’être attachée Théâtral magazine : Qu’est-ce ce Pouvez-vous parler de Gilles et Lisa au personnage ? qui vous a séduit dans ce projet ? et d’elle surtout ? J’adore les personnages torturés ou Fanny Cottençon : J’ai besoin de tra - Ce n’est pas un vaudeville comme méchants. J’ai joué la mère d’Anna vailler dans la joie, l’affection, le res - dans une pièce d’Eric Assous par dans Après la répétition de Bergman pect, j’oserais dire l’amour. C’est exemple. Là, c’est différent. Il y a une avec Didier Bezace. On s’approprie, Molière qui disait : “Dis-moi que tu jolie rencontre, mais ce n’est ni le on fait le chemin pour aimer le per - m’aimes et je te chanterai ma chan - début, ni la fin. C’est comment conti - sonnage, le justifier même si on ne son” . J’en ai fait ma devise. J’ai be - nuer à s’aimer sans que l’usure soit l’excuse pas. Je ne crois pas qu’on soin qu’on me fasse confiance pour présente et en se faisant le moins de naisse méchant, on le devient. donner tout ce dont je suis capable. mal possible ? Ces personnages sont J’avais joué à la télévision la mère de Pierre Granier-Deferre assurait la di - infiniment théâtraux. Lisa aime Gilles Poil de carotte de Jules Renard avec rection d’acteurs, c’est 80% le choix passionnément autant qu’elle craint Richard Bohringer, j’avais travaillé des acteurs pour les personnages. de le perdre. Elle-même a peut-être sur la bêtise de cette femme. Chaque Certains acteurs n’ont pas besoin été abandonnée, elle n’a pas fois, on fait notre vinaigrette en d’amour pour exercer, je pense à Pa - confiance en elle et développe donc amont, on invente un passé au per - trick Dewaere, mais il y avait de la des névroses, mais ne dévoilons pas sonnage. Petits crimes conjugaux douleur en lui. Moi, c’est mon mo - tout. En même temps, elle est forte. c’est un défi. Il y a des tirades lyriques teur. Une étude a montré que la La première fois qu’on a fait une lec - avec des accents claudéliens, regar - réussite collective apporte plus de ture, j’ai pensé : qu’est-ce qu’ils s’ai - dez ! (et l’actrice de tourner les pages plaisir que la réussite individuelle. ment ces deux-là ! Mais mal. Comme du manuscrit, ndlr). J’ai mis plein de Connaissiez-vous le livre d’Eric-Em - dit Célimène : “Vous ne m’aimez pas post-it roses. Je suis à la fois angois - manuel Schmitt ? comme il faut” . Quinze ans de vie sée et excitée à l’idée de jouer. Non, son écriture n’est pas évidente. commune, c’est rien et beaucoup. Propos recueillis par Elle demande qu’on rentre dedans Lisa rêve de conserver leur amour in - Nathalie Simon avec le plus de vérité possible, en res - tact comme au premier jour. pectant l’esprit de l’auteur, d’envisa - Vous retrouvez Jean-Luc Moreau ger les contours, les rythmes de son qui vous a dirigée et avec lequel n Petits crimes conjugaux, pièce d’Eric-Emma - texte. Eric-Emmanuel Schmitt est vous aviez joué dans On ne se men - nuel Schmitt, mise en scène Jean-Luc Moreau concertiste et a construit son texte tira jamais ! d’Eric Assous en 2015. avec Fanny Cottençon, Sam Karman comme une symphonie. Il a attendu Il m’impressionne, il a un calme inté - Théâtre Rive Gauche 6 Rue de la Gaité, 75014 que nous parcourions le chemin, que rieur incroyable comme s’il allait Paris, 01 43 35 32 31, à partir du 29/09 nous sentions telle ou telle réplique. chercher à l’intérieur. Il sait où il va,

50 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du AC TING 29 Bouffes parisiens - Paris Sept

Xavier Durringer De l'autre côté de l'écran

Cinéaste, écrivain, metteur en scène, Xavier Durringer a conté sa vie, déformée, réinventée, dans un beau roman, Sfumato (Ed. Le Passage). Ses pièces n'ont jamais cessé d'être jouées ici et là, il publiait de nouveaux textes mais semblait absent, ne créant pas de nouveau spectacle. Il revient à la mise en scène avec Acting : une pièce de Durringer, bien sûr.

Théâtral magazine : Depuis com - J'ai été président des EAT (Ecrivains bien de temps n'avez-vous pas associés du théâtre), j'attaquais bille monté l'un de vos textes ? en tête, pour les autres. Il y a eu des Xavier Durringer : Quinze ans ! J'ai clashs. J'ai trouvé dans le cinéma ce r

parfois dirigé Didier Bénureau ou que je commençais à perdre dans le d

Jane Birkin mais, pour mon propre théâtre. @ théâtre, ma dernière mise en scène, Que raconte Acting ? c'était La Promise en 2001, trois ans Il y a deux thèmes. C'est la rencontre débuter), une réflexion sur l'art de après Surfeurs . Cette pièce, Acting , entre un acteur qui représente l'art l'acteur et la façon d'appréhender j'en avais publié le texte en 2012. théâtral tel que je l'ai appris et un un personnage. On s'est vite entendu pour le monter tueur. Niels incarne Bob, une sorte A quel public vous adressez-vous ? mais on ne trouvait pas de parte - de Lee Strasberg dont les modèles Au public populaire comme au pu - naire à Niels Arestrup. Heureuse - sont Laurence Olivier et Orson blic érudit. Je pense qu'on va y rire ment, Niels et Kad Merad se sont Welles. Le tueur que joue Kad Merad plus que devant une comédie bour - rencontrés en tournant Le Baron n'aime que les séries américaines, geoise ! noir . Ils ont voulu jouer ensemble. les séries télé. Tous deux se retrou - Propos recueillis par C'est la première fois que je travaille vent en prison. Le tueur demande à Gilles Costaz dans le privé. C'est bien agréable de Bob de lui apprendre à être acteur. savoir que votre pièce va être jouée Comme ils ont cinq ans devant eux, plus de 30 fois. J'en ai souffert pour le vieux comédien se promet de n Acting de et mis en scène par Surfeurs , pour La Promise . C'est un faire du tueur le plus grand comé - Xavier Durringer, avec Niels Arestrup, grand bonheur de revenir. Je suis un dien de tous les temps. Le premier Kad Merad, Patrick Bosso. enfant du théâtre, je reviens dans thème, c'est notre société dans sa Création au Jeu de paume, Aix-en- ma maison. “peoplelisation “ : deux mondes, l'un Provence, le 16/09 Pourquoi aviez-vous disparu des superficiel, l'autre profond, se ren - Bouffes parisiens 4 rue Monsigny théâtres ? contrent là alors qu'ils ne se rencon - 75002 Paris, 0142 96 92 42, Comme je n'écrivais pas et ne mon - trent jamais. Le second thème, c'est, à partir du 29/09 tais pas deux pièces tous les ans et à travers Bob (le nom est une réfé - Texte aux éditions Théâtrales demi, on m'a coupé ma subvention. rence à Robert Cordier, qui m'a fait

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 51 à partir du 4 L’ÉVEIL DU CHAMEAU Octobre Théâtre de l’Atelier - Paris

Après avoir tenu l’affiche dans l’adaptation de King Kong Théorie de Virginie Despentes, mis en scène par Vanessa Larré et l’un des grands succès au théâtre de la saison 2014-2015, Barbara Schulz est de retour au Théâtre de l’Atelier dans une nouvelle pièce de Murielle Magellan, L’Éveil du chameau.

Théâtral magazine : Quelle his - toire se cache sous ce titre étrange L’Eveil du chameau ? Barbara Schulz h e l Barbara Schulz : Pas de désert, pas a m l E ́ e

de chameau et pas d’oasis ! Le titre i r A vient de l’expression figurée et dés -

Joue vrai @ uète employée par nos grand-mères pour qualifier un homme qu’au - genre à un autre ? plonger dans les racines de la démo - jourd’hui on traiterait de salaud. J’aime tout jouer. J’ai commencé cratie et à m’en faire voir sa beauté. Dans la pièce, Pascal Elbé est le cha - dans Les Sorcières de Salem d’Arthur J’ai aussi été marquée par les mises meau qui s’éveille à mon contact… Miller. Je jouais une sorcière où je en scène d’Ivo van Hove, Kings of C’est l’histoire de deux personnes qui faisais liquider tout un village et War et Vu du pont . n’auraient jamais dû se rencontrer et l’homme que j’aimais finissait par Un rôle que vous aimeriez jouer à qui se retrouvent parce que le fils de être pendu. Juste après j’ai joué l’avenir ? Pascal a mis enceinte ma fille et qu’il dans Le Bourgeois Gentilhomme mis Blanche DuBois dans Un tramway fuit ses responsabilités. Comme son en scène par Jérôme Savary avant nommé désir . Je l’ai travaillé quand père a fait avec lui. Sur le ton de la de continuer par Dommage que ce je suis partie vivre à New-York entre comédie un peu romantique le texte soit une putain de John Ford puis 2011 et 2014, une période pendant aborde des sujets sérieux sur la pa - Joyeuses Pâques qui est une comé - laquelle j’ai repris des cours de théâ - ternité, la filiation, la famille. Mon die. C’est très enrichissant de pou - tre. J’ai dépouillé mon jeu, adopté la personnage est une exubérante obs - voir changer, je ne choisis pas entre méthode américaine, "don’t play the tinée qui a des principes. Elle trouve la comédie et le drame, ce que je idea". Je m’efforce aujourd’hui de le courage de faire des choses qu’elle préfère c’est quand c’est bien. l’appliquer. n’aurait jamais faites, à commencer Allez-vous vous-même au théâtre ? Propos recueillis par par séquestrer cet homme. Qu’est-ce qui vous a marquée la Hadrien Volle Vous êtes sensible à cette histoire ? saison dernière ? Lorsqu’on joue il faut trouver toujours Le plus récemment, La Mouette , de l’endroit où cela résonne en nous. Le Thomas Ostermeier à l’Odéon, pour texte est bien écrit, touchant, hu - son art de créer des atmosphères et main. Je suis mère moi-même et je pour les acteurs qui étaient tous ex - n L’Éveil du chameau de Murielle pense que je pourrais avoir la même cellents. J’ai aussi pris une claque Magellan, mise en scène d’Anouche réaction que mon personnage. avec Ça ira de Joël Pommerat. Setbon. Théâtre de l’Atelier, 1 place On vous voit dans des spectacles Jusqu’à ce que je le voie, je sentais Charles Dullin, 75018 Paris, très différents. Vous aimez passer une distance entre la politique et 01 46 06 49 24, à partir du 4/10 d’un type de rôle à un autre, d’un moi et Pommerat est parvenu à me

52 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du L’ATLAS DE L’ANTHROPOCÈNE 4 Théâtre du Rond-Point – Paris Octobre

Frédéric monde et notamment en Europe et en France et qui transmet la dengue, et a la capacité vectorielle de pou - Ferrer voir prendre en charge le virus Zika. C’est très drôle puisqu’il remonte la vallée du Rhône, en suivant les axes autoroutiers ; d’aire d’autoroute en aire d’autoroute, il a dépassé Lyon, Mâcon, et l'été 2015 il était à 40 km de Paris. C'est une vraie énigme. Et puis vous vous êtes intéressé au Pôle Nord… Dans 15 ou 20 ans ce ne sera peut- être plus de la banquise mais un

océan libre de glace et je me suis de -

C C

G Conférencier passionné mandé ce qu’allait devenir ce point @ particulier du globe. On peut suppo - c’est une collection de ser qu’un espace touristique va s’y dé - L’Atlas de l’Anthropocène, velopper, peut-être sous la forme conférences très sérieuses et très drôles conçues d’une plate-forme pétrolière pour les et présentées par Frédéric Ferrer sur des sujets préoccu - touristes. Je me suis pris à rêver de ça. pants comme le réchauffement climatique, la menace Et à rêver d’aller sur Mars dans Wow ! Zika ou la vie extra-terrestre. Le Centre national d'études spa - tiales m'avait demandé de travailler Théâtral magazine : La première sion où Claude Allègre et Valérie sur les possibilités de vie extérieures cartographie sur les canards jetés Masson-Delmotte, une climatologue de la Terre. Et je suis en train de pré - dans l’Arctique, cela ressemble à avec laquelle j'avais travaillé sur les parer une sixième cartographie sur une blague ! canards, parlaient du changement la disparition de la morue au large Frédéric Ferrer : Et pourtant, c'est climatique au Groenland. Le nom de Terre-Neuve. une expérience très sérieuse de la Groenland signifiant "terre verte" en C'est toujours très enrichissant et NASA qui visait à mesurer la vitesse danois et ayant été donné vers l’an en même temps très drôle. du réchauffement climatique de mille par le viking Erik le Rouge, Cela tient au rythme, à l'absurdité et l'Arctique. Des canards en plastique Claude Allègre en déduisait que cela à la naïveté des PowerPoint. C'est jaune ont été jetés dans le trou d'un devait être vert à l’époque et qu'il fai - une dramaturgie de slides. Ça condi - glacier du Groenland pour vérifier sait beaucoup plus chaud qu'au - tionne un discours spontané l'existence de courants d'eaux li - jourd'hui. Les hommes n’émettant puisque rien n’est écrit d’avance quides souterrains dont on pense pas de dioxyde de carbone au même si je connais parfaitement qu'ils auraient une action sur la dis - Moyen-Âge, le changement clima - mes sujets. parition rapide des glaces par un tique ne pouvait être que d'origine Propos recueillis par effet d’entraînement. Quand la naturelle. Par analogie, aujourd’hui Hélène Chevrier NASA a lancé un appel pour les re - aussi. J’ai donc cherché à savoir si Erik trouver, je suis parti au Groenland ; Le Rouge avait menti, si le Groenland n L’Atlas de l’Anthropocène (5 cartographies : A la re - je ne les ai pas retrouvés, mais j'ai à l’époque était vert ou blanc. cherche des canards perdus, Les vikings et les satellites, fait cette cartographie pour rendre La troisième cartographie est plus Les déterritorialisations du vecteur, Pôle Nord, Wow !), compte de mon enquête. obscure : que signifient Les déter - conception et interprétation Frédéric Ferrer La deuxième traite des vikings et ritorialisations du vecteur ? Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Roosevelt des satellites. C’est la progression très rapide du 75008 Paris, 01 44 95 98 21, du 4 au 23/10 Elle est née d'une émission de télévi - moustique tigre partout dans le

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 53 à partir du 7 DANSE DE NUIT Octobre Espaces publics - Paris

j’espère au besoin urgent d'interve - nir dans l'espace public, de définir les nouvelles postures qui prennent Boris Charmatz en compte toutes les peurs d'au - jourd'hui, de l'absence de rencontre entre des populations, de la paupé - risation mais aussi évidemment de la violence, de la misogynie et du terrorisme et du coup d’une pré - sence sécuritaire qui nous habite tous. C’est pourquoi j’ai voulu créer une danse urbaine au sens propre, c’est à dire destinée aux passants, et qui soit en partie improvisée, dans une rapidité de mouvements et de paroles, pour retrouver la liberté de y e

s bouger n'importe comment en di - s u r B sant n’importe quoi. Ça pose la ques - s i r o

B Retrouver la liberté tion de la durée de vie de nos gestes. © On s'est beaucoup penché sur les ca - ricatures politiques notamment Avec Danse de nuit , le chorégraphe Boris Charmatz, celles de Reiser en se demandant ce (également directeur du Musée de la Danse à Rennes) qui restait de ses dessins. On ne lit investit l’espace public avec des danseurs qui bougent pas l'édition de Libération de la se - "n’importe comment en disant n’importe quoi" . Un hommage maine dernière comme celle du jour. On dit que l'art est éphémère mais à la liberté de parole et d’être qui déserte doucement notre le dessin d'humour, ou le dessin po - société de plus en plus habitée par la peur et l’angoisse. litique, n’est pas beaucoup plus éphémère que ce qu’on fait en Théâtral magazine : Le spectacle fait dans Con forts fleuve , dans le - danse contemporaine. s’appelle Danse de nuit. Est-ce pour quel on demandait à des figurants Comment avez-vous travaillé avec le différencier d’une danse de jour ? de suivre les danseurs comme des les danseurs ? Boris Charmatz : Cela fait partie de sortes d'ombres. C'est vraiment un travail de perfor - l'é quation de la pièce : on la donne Les danseurs ne font pas que dan - meurs. Je leur donne des lignes direc - dans des espaces publics. Evidem - ser mais parlent aussi… tives qu'ils digèrent à leur manière, ment, ça se joue à chaque fois diffé - En mai dernier, à Rennes, on a fait et qu'on recompose ensemble. remment selon la ville et l’espace un événement, Fous de danse , qui Propos recueillis par choisi. Et le fait qu’on joue de nuit était un peu le versant jour de Hélène Chevrier implique l’obscurité, les fantômes de Danse de nuit , et qui a rassemblé la nuit, ou les lumières urbaines. 16.000 personnes sur la place De n Danse de nuit, un spectacle Est-ce que ça signifie que vous uti - Gaulle. Cette foule traduit un chorégraphique de Boris Charmatz lisez la lumière ambiante ? énorme besoin d'assemblées 7 au 9/10 à la MC93 à la Friche Oui et non. Yves Godin a eu l’idée qu’elles soient citoyennes, poli - industrielle Babcock magnifique de confier la lumière à tiques, civiques. Ça résonne avec 12 et 13/10 aux Beaux-Arts de Paris des gens qui la portent sur leur dos l'assemblée théâtrale classique et 19 au 23/10 Musée du Louvre Cour et éclairent le spectacle sans le voir, j’avais envie qu'on en invente sous Lefuel, accès par le 8 quai François un peu comme des ombres. C'est d'autres formes. Danse de nuit c'est Mitterrand 75001 Paris très proche du travail qu'on avait un petit exemple de ça. Cela répond

54 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

à partir du 13 DANSE DES GUERRIERS DE LA VILLE Octobre Chaillot - Paris Dans la peau d’un danseur de hip-hop Anne Nguyen La chorégraphe Anne Nguyen présente à Chaillot un ensemble de cinq installations de danses hip-hop donnant la possibilité aux visiteurs de se familiariser avec cette danse stigmatisée à tort comme la chasse gardée d’une population exclue et revendicatrice.

Théâtral magazine : Danse des sition de danseur. Les visi - guerriers de la ville n’est pas une teurs peuvent aussi s’affron - chorégraphie mais un ensemble ter au cours d’un battle de d’installations… cartes à jouer sur lesquelles Anne Nguyen : Je voulais faire dé - on a répertorié tous les mou - couvrir la danse hip-hop de l'inté - vements de danse de la com - d r a

rieur. Les gens qui écrivent sur le pagnie. Ce sont des m a r G

hip-hop sont sociologues, journa - installations qui nous font e p p i l listes, historiens, mais rarement dan - plus ou moins danser. i h p seurs. J'ai d’abord écrit le Manuel des Avec une proposition qui @ guerriers de la ville , qui est un recueil s’appelle Danse des guer - de petits poèmes d'une dizaine de riers de la ville et qui pousse le vi - base et les gens qui ne les maîtrisent lignes à la première personne sur le siteur à s’imaginer en danseur, pas ne se sentent pas concernés ; ils ressenti du danseur par rapport à la essayez-vous de changer l'image pensent que c’est une danse pour les ville, à l'architecture, à ses vêtements que les gens ont du hip-hop ? jeunes. Sauf qu’aujourd’hui, les pre - et à plein d’autres choses. Et j’avais Oui. Même si je trouve qu’elle évolue miers danseurs de hip-hop ont 45 ou envie d'utiliser d'autres moyens pour déjà bien. Mais il y a encore une es - 50 ans et viennent de milieux so - que le public s'identifie aux danseurs. pèce de scission entre le monde des ciaux très diversifiés. Et la majorité D’où ces cinq installations auxquelles jeunes qui dansent en amateurs et des danseurs contrairement aux j’ai donné des noms de mouvements le monde du spectacle. C'est parfois idées reçues n’est pas issue des ban - ou de concepts de danse hip-hop perçu comme complètement anti - lieues. Moi-même je ne viens pas comme freestyle, battle, tust, ou nomique alors que c'est complé - d’une banlieue. Le but de ces instal - bound. mentaire. lations est aussi de montrer la diver - Quelles sont les activités propo - Il y a quand même un côté très sité de cette danse, sans que ce soit sées aux visiteurs ? acrobatique et graphique dans le pédagogique, ou didactique. Cela Chaque installation nous fait inter - hip-hop. doit rester instinctif. agir différemment avec la danse. C'est un cliché. Il n'y a pas que le Propos recueillis par Tust , un mouvement dont le nom break acrobatique, il y a une quin - Hélène Chevrier vient de Toutankhâmon et est ins - zaine de danses différentes, il y en a piré des hiéroglyphes égyptiens, re - même qui sont issues des commu - n Danse des guerriers de la ville, présente une frise de personnages nautés homosexuelles avec des pos - d’Anne Nguyen qui commence dès le métro de tures très féminines qui utilisent Chaillot, 1 place du Trocadéro 75116 Chaillot et nous guide dans le par - beaucoup les bras. Pour pouvoir vrai - Paris, 01 53 65 30 00, cours d'installations pour finir par ment danser il faut avoir pu s'appro - du 13 au 21/10 nous prendre en photo dans une po - prier une partie des mouvements de

56 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 à partir du PRESQUE L’ITALIE 18 Nouvel Olympia - Tours Octobre

aussi habitués de la maison. Comme cette maison appartient à un passé Ronan Chéneau commun, les souvenirs reviennent. Est-ce une enquête psychologique ? Oui il y a de ça. La pièce est Souvenirs d’amitié construite sur le doute quant à la Pour leur deuxième création après Pauline à la plage , nature des relations entre ces amis. Cette situation exhume des choses les membres du collectif Colette ont demandé à Ronan qui se sont passées entre eux, des Chéneau de leur écrire une pièce. Presque l’Italie a le désirs qui n'ont pas été assouvis, des parfum du cinéma et du théâtre italiens des années 60 conflits... Ce sont des jeunes d'au - et parle de l’amitié, celle qui nourrit les grands idéaux… jourd'hui confrontés à des trajec - toires différentes. A un moment donné il faut choisir son avenir entre un certain confort matériel et Théâtral magazine : Com - un projet personnel, la tran - ment avez-vous rencontré quillité ou la passion amou - les membres du collectif reuse. Ce sont des questions Colette ? très banales mais ils sont tous d r a Ronan Chéneau : Au mo - confrontés à ça. Et puis il y a un m a r

G ment où ils terminaient leur monde qui se délite autour e p p i cursus à l’ESAD de Paris ; d’eux. C'est pour ça qu’ils cher - l i h p Laurent Gutmann faisait la chent à se resserrer dans un @ mise en scène de leur spec - univers familier. tacle de fin d'année, et me Quelle est la nature de leurs connaissant, il m’a com - liens ? mandé un texte, Nouvelle Il y a des liens d'amour. Cette vague . Cela a été l'occasion jeune femme a une relation de le monter avec eux. Puis particulière avec ces trois

ils m'ont recontacté après r hommes. Il y a quand même d

leur première création, @ l'idée d'un chassé-croisé amou - l'adaptation de Pauline à la reux même si ce n'est pas l'ar - plage qui les a fait connaître, pour rentrer dans des dramaturgies assez gument principal de la pièce. Ça fait me passer une commande. narratives. un peu référence à Pauline à la Avaient-ils une idée de ce dont ils Sur quelle piste êtes-vous parti ? plage . voulaient parler ? Le point de départ c'est une jeune Propos recueillis par Ils m'ont surtout donné des pistes, femme qui a des problèmes de mé - Hélène Chevrier plutôt des ambiances, des tonalités. moire. Je ne rentre pas forcément Laurent aime le cinéma de Rohmer, dans le détail de la maladie. Cela mais aussi le théâtre italien et le pourrait être une sorte de dépres - n Presque l’Italie, de Ronan Chéneau, théâtre des années 60. Et puis ils sion puisque cela trouble son com - mise en scène Laurent Cogez, avec voulaient travailler sur la nostalgie, portement et ses souvenirs et ses Antoine Amblard, Lou Martin-Fernet, le passé, les souvenirs qui s'effacent, rapports aux autres sont confus. Un Blaise Pettebone, Nelly Pulicani, la perte du temps, des choses ami qui l’a prise sous son aile l'em - Maxime Taffanel comme ça et autour de ça, j’avais mène dans une maison de vacances Nouvel Olympia, 7 rue de Luce 37000 une liberté assez grande. Je savais où ils allaient avant. Et pour ne pas Tours, 02 47 64 50 50, aussi que ce sont des jeunes gens être tout seul dans ce soutien, il in - du 18 au 21/10 qui aiment la langue, les histoires, et vite trois autres très bons amis eux-

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 57 à partir du 31 AND SO YOU SEE… OUR HONORABLE BLUE SKY... Octobre Théâtre de la Bastille - Paris

Robyn Orlin un requiem pour l’humanité Chorégraphe controversée et provocatrice, Robyn Orlin dictateur et évoque les sept péchés capitaux à sa façon ; c’est abstrait, il pratique une forme de danse très théâtrale et expérimentale y a des images, des visuels, et à la pour parler souvent des drames qui secouent son pays, l’Afrique fin, il essaye de contacter ses ancê - du Sud. Avec Albert Khoza elle a imaginé un solo qui part du tres. L’idée étant qu’Albert cherche singulier de ce jeune performeur corpulent et homosexuel pour à trouver une rédemption pour le monde et pour lui-même. nous signifier un chemin plus universel vers la rédemption et la C’est un spectacle visuel mais réalisation de soi. aussi musical ? Oui je fais appel à différents Théâtral magazine : Qui donc types de musique, allant de Mo - est Albert Khoza qui porte ce zart a Fela Kuti. Les puristes ̀ solo ? vont être furieux d’entendre le Robyn Orlin : C’est un jeune ac - Requiem de Mozart pendant teur chorégraphe performeur qui qu’Albert sera en train de dévo - vient d’Afrique du Sud, c’est un rer une orange avec la camera personnage très intéressant avec qui zoome sur son visage. Ils un physique très imposant, c’est vont être furieux ! un "sangoma", un guérisseur, un Le titre évoque un ciel bleu et intercesseur entre les vivants et un soleil à consommer en les morts ; et compte tenu de son tranches !? identité de genre un peu compli - C’est une citation extraite d’un quée, son histoire permet aussi livre que je lisais sur le mouve - de parler de la situation actuelle ment Dada. J’y vois l’idée de ne de l’Afrique du Sud sur des sujets pas être avide, auto-destruc - comme l’homophobie, la violence teur et destructeur, l’idée de envers les femmes noires, le ra - profiter des petits morceaux de r d

cisme ou encore la corruption. avec Albert Khoza ciel bleu, de ne pas ignorer ou D’ou cette idée de faire voya - @ repousser les 7 soi-disant pé - ger Albert à travers les sept par le Brexit, mon dieu, dans quel chés, mais de les reconnaître et d’ap - péchés capitaux ? monde sommes-nous ? C’est pour - prendre à vivre avec. C’est un point de départ. Mais je ne quoi j’imagine cette pièce comme Propos recueillis par veux pas enfermer Albert dans ces un requiem pour l’humanité. Enric Dausset références qui sont catholiques et Comment Albert va-t-il s’exprimer très "premier monde", c’est un tra - sur scène ? n And so you see… our honourable vail plus abstrait et transverse qui Je ne veux pas trop en dire car c’est blue sky and ever enduring sun… can évoque de façon plus générale ce un travail qui évolue tout le temps only be consumed slice by slice…, de qui se passe dans le monde. J’ai été mais au début, il sera assis dans le Robyn Orlin, avec Albert Khoza choquée par le dernier attentat ho - sens du public, lui tournant donc le Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Ro - mophobe à Orlando, mais aussi par dos, pendant qu’une camera le fil - quette 75011 Paris, 01 43 57 42 14, ce qui s’est passé en France ou en mera de face et captera sa perfor - du 31/10 au 12/11 Belgique, et même tout récemment mance. Il incarne une sorte de

58 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

ossier Les comédies musicales D Singing in Paris n o s s r e P

n a h o J

@

60 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 Les comédies musicales Singing in Paris

haque année les comédies musicales sont présentes à Paris, et chaque année on se dit avec surprise que c’est "Broadway sur Seine ". Cela n’a jamais été aussi vrai que cette rentrée avec pas moins d’une douzaine de grands spectacles musicaux dans la capitale ! Au pays de l’opérette, le goût que l’on disait s’être affadi pour le genre est finalement bien vivant ! CIl y en aura pour tous les appétits, avec une exigence commune chez leurs produc - teurs : se surpasser pour plaire au public et tirer leur épingle du jeu. La barre est donc haute cette saison. Les plus grandes salles de Paris semblent bien décidées à faire le plein, même si c’est la crise, même si les radios diffusent de moins en moins leurs tubes, même si certains chantent en anglais et d’autres adaptent en français, même si… On chante et on danse beaucoup, et c’est bien !

Toutes les grandes familles sont représentées. Celle du grand show à l’américaine, avec Le Fantôme de l’Opéra à Mogador, 42nd Street au Châtelet, et leur petit frère tout nouveau, Oliver Twist à la salle Gaveau. Les romans se chantent aussi avec, au Palais des sports, Les 3 mousquetaires, Le Rouge et le Noir au Palace. Le Comedia accueille une fresque historique sur la Libération, Eté 44, et Timéo au Casino de Paris fédèrera les sup - porters des toutes les différences. Et puis il y a les spectacles cultes que l’on reverra en frissonnant : Notre-Dame de Paris revient prendre pension au Palais des Congrès de Paris, Les Dix Commandements à Bercy, la Fièvre du samedi soir se profile à l’horizon. On an - nonce aussi pour 2017 Priscilla folle du désert, Les Choristes et Starmania pour 2018 ! Plus que jamais : envoyez la musique ! François Varlin

Avec les interviews exclusives de Ladislas Chollat, Alex Goude, Elie Chouraqui, Luc Plamandon, Stephen Mear, Dominique Trottein

<- Le Fantôme de l’Opéra à Mogador

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 61 DOSSIER Ladislas Chollat Inspiré par Broadway

Habitué des mises en scène de famille Chedid, puis j’ai mis en scène Ré - soit au sommet de ce qu’il peut être. Je théâtre, Ladislas Chollat s’est siste . Une comédie musicale, c’est une puise mon inspiration dans ce que je vois à frotté avec succès la saison der - aventure collective, ce n’est pas la réussite Broadway. Avec Oliver Twist on sera dans nière au genre du spectacle musi - d’un seul mais d’un groupe d’artistes. cette famille-là ! Les personnages de cal avec Résiste , la comédie Dickens ne sont pas blancs ou noirs. Il y a musicale de France Gall. Pour cet plusieurs méchants, cela parle de la grande Oliver Twist qui sera créé dès le 23 Oliver Twist misère à Londres en 1830, une espèce de septembre, c’est la salle Gaveau quart-monde préindustriel. Il faut faire et son acoustique exceptionnelle rêver avec ce monde terrible et misérable. qui a été choisie. Un beau projet Oliver Twist appartient pourtant à un Mettre en scène un texte chanté est-ce avec 23 artistes et un orchestre genre bien différent de celui de Résiste ... différent d’un texte de théâtre ? live, qu’il met en scène. Résiste était un style de comédie musicale Pas tant que cela. Mais il faut aussi parler à très différent de ce que l’on voit à Broad - plus de corps de métiers, être un peu plus Avec Résiste avez-vous pris goût aux co - way. Avec Oliver Twist , c’est le coté amé - casse-pied pour ne pas se faire déborder. Je médie musicales ? ricain de la musique qui m’a plu. Le roman ne suis ni très bon chanteur ni très bon dan - Ladislas Chollat : J’ai toujours aimé les co - ne m’avait pas touché particulièrement, seur, mais une chanson ce sont des mots et médies musicales. Ce sont mes plus inou - mais les chansons du compositeur Shay je fais travailler les comédiens sur les pa - bliables émotions de spectateur. Des Alon m’ont décidées. C’est français, c’est roles en essayant de les amener à du émotions populaires, car on touche par la neuf, cela ressemble à ce que l’on voit aux concret. La chanson est source d’évocation musique un public plus nombreux, même Etats-Unis ou à Londres. Quelle joie de tra - émotionnelle et il faut trouver pourquoi. en transcendant parfois les problèmes de vailler là-dessus ! Dans les comédies mu - Propos recueillis par langue. C’est un art exigeant car il faut ex - sicales à la française, les histoires ne sont François Varlin celler dans plusieurs domaines et que les pas toujours évidentes ; c’est souvent un codes des musiciens, des chanteurs et des théâtre plus d’images que de sens… danseurs soient au même diapason. Le Quels sont les atouts de ce spectacle ? nOlliver Twist, mise en scène Ladislas Chollat, genre m’attire comme spectateur et le Une histoire construite, rythmée, des per - Salle Gaveau, 45-47 rue La Boétie 75008 challenge me plaît comme metteur en sonnages attachants, une musique qui Paris, 01 49 53 05 07, à partir du 23/09 scène. J’avais déjà approché le spectacle porte le tout, des musiciens en direct et des En tournée en France, Suisse et Belgique a ̀ musical en mettant en scène celui de Julien artistes ayant cette capacité de chanter et partir de l’automne 2017, www.olivertwist- Clerc au Palais des Sports, le concert de la danser. Il faut qu‘à chaque poste chacun lemusical.fr

r e k s a r K

e l l i r y C

@

62 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 LES COMÉDIES MUSICALES

Alex Goude

Timéo Sur la piste des étoiles

Alex Goude fait beaucoup de Quel est l’enjeu de ce projet ? les autres de réussir la-leur ! J’ai plus l’am - choses, c’est l’histoire de sa vie. Je souhaitais que l’on chante, fasse des nu - bition de faire un spectacle avec des va - Footballeur, journaliste, comé - méros de cirque, joue la comédie et danse. leurs que de faire des tubes avec les dien, producteur, metteur en Cela demandait à chaque artiste une pa - chansons. scène, animateur télé… Le spec - lette inédite en France. On est dans le Pourquoi ce mélange entre les circas - tacle Timéo sera l’aboutissement cirque et sa culture. Nous aurions pu jouer siens et le monde du handicap ? de tout ce qu’il sait faire. Une sous chapiteau, mais un théâtre au cœur J’ai créé à Las Vegas un variety-show avec grosse artillerie de 2h30 de show de Paris permet de partir dans des univers des circassiens, je viens d’y mettre en place en 19 chansons et 18 comédiens autres que celui du cirque. Ca s’appelle un spectacle de magie, j’ai présenté In - qu’il met en scène pour le Casino Timéo, être différent c’est normal . On veut croyable talent ; j’ai toujours aimé cet uni - de Paris à partir du 16 septembre. faire en sorte que les gens rient, pleurent vers. Et je suis très proche de ce milieu du L’histoire d’un jeune garçon en et ressortent bougés, transformés, et ac - handicap que j’essaie d’aider le plus possi - fauteuil roulant qui rêve de deve - ceptent mieux les autres. Il y a tellement ble par ma notoriété. On m’avait proposé nir artiste de cirque… de gens qui passent leur vie à empêcher pléthore de spectacles pathos sur le sujet, mais ces gens ont envie de Timéo est donc une comédie musi - vivre, de se bagarrer et sont cale sur le handicap avec, pour in - tout sauf pathos ! Tout de suite carner votre héros, une double j’ai compris que ce projet pou - distribution. vait donc être drôle, fin et faire Alex Goude : L’un a connu la validité réfléchir. Mêler cela avec le et est en fauteuil roulant, le second cirque était une super idée, car peut marcher malgré son handicap les artistes de cirque sont tou - mais jouera en fauteuil. Ils joueront jours très différents : ils vien - en alternance. Je ne veux pas que l’on nent de partout, sont très soit choqué parce qu’ils sont en fau - mélangés. Je n’ai aucun doute teuil. Je veux que ca passe, qu’être dif - que visuellement ca va être férent ce soit normal. En voyant le "ouf " ! film Intouchables , je me disais que si Propos recueillis par le rôle avait été tenu par un comé - François Varlin dien handicapé cela aurait été l’occa - sion de lui changer la vie. Je ne voulais pas rater la même occasion, mais que ça change la vie de mes co - médiens d’être premier rôle d’une des plus grosses comédies musicales du n Tiimeéo,, Casino de Paris, moment. Beaucoup sont soit des li - 16 rue de Clichy 75009 Paris,

cences autour d’histoires que tout le r 08 926 98 926, e i t u monde connaît, soit des reprises. Il y o à partir du 16/09 M

l a peu de créations. Nous sommes e et en tournée u n a

même les premiers depuis très long - M à partir de mars 2017

temps de cette envergure-là. @ www.timeo-lespectacle.com

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 63 DOSSIER Elie Chouraqui

Les Dix Commandements

r Son projet humaniste d

@

Il voulait saluer le nouveau millé - tre à bas les imbéciles. Il est plus facile çons par toutes les prières du monde pour naire à venir par une œuvre sur les d’aimer que de haïr, or les hommes font ouvrir l’esprit des spectateurs. La Bible , on Dix Commandements. En l’an exactement le contraire. Par ce spectacle, choisit d’y entrer. Les spectateurs qui sont 2000, Elie Chouraqui écrit et met nous voulions dire aux gens d’essayer de venus y entraient totalement de façon en scène un spectacle qui fera s’aimer. J’ai le plus grand respect de ahurissante . On n’était pas du tout dans date dans l’histoire de la comédie toutes les cultures et religions ; André le commercial, c’était un message. Cer - musicale, mais aussi dans la mé - Chouraqui (qui a publié une traduction de tains ont essayé de donner le spectacle moire collective. Kamel Ouali si - La Bible en 1970, Ndlr) avec qui j’ai beau - uniquement en chansons, mais il n’y avait gnait les chorégraphies, Sonia coup travaillé disait que le message de plus le même intérêt ou la même émotion. Rykiel les costumes, et la musique paix de ces dix paroles est celui du Dieu Ça va au-delà de la musique. de Pascal Obispo consacrait des unique des trois religions. Or nous Craignez-vous la concurrence des au - chansons aux thèmes fraternels. sommes dans un climat d’agressivité qui tres comédies musicales ? 16 ans plus tard, il le propose de me donne la chair de poule. Je désire ce Je me réjouis qu’il existe beaucoup de nouveau à Paris et repart en tour - spectacle fondateur, c’est une pierre sur le spectacles, ce n’est pas concurrentiel. née avec. mur de la paix. J’aime l’idée de la comédie musicale, car Qu’est ce qui vous a guidé pour l’écriture dans toutes les Eglises on chante. Le Pourquoi reprendre ce projet ? de ce livret ? chant a toujours été le véhicule de la re - Elie Chouraqui : Pour le plaisir ! J’ai été L’Exode est l’Exode, dans La Bible . Je n’ai lation à Dieu. tellement heureux pendant la fabrication rien changé. J’ai choisi les étapes essen - Propos recueillis par et l’exploitation mondiale de ce spectacle tielles pour faire des chansons. J’allais François Varlin que je voulais recommencer, y prendre le comme sur un lac, en sautant de rocher en même plaisir. De plus, c’est un spectacle rocher pour traverser le récit. Ça m’est de fraternité dans un temps de conflit. venu comme une évidence. J’ai adapté Le monde a changé, pourtant, malgré l’Exode à mon spectacle et j’ai réuni Pascal L’envie d’aimer … Obispo et les paroliers pour leur raconter La grande idée au départ c’était que les les textes. gens qui venaient le voir en ressortent le Quel a été l’élément déclencheur de ce n Les DDixix C Comommmanadnedmemenetnst, s, AccorHotels cœur gonflé d’une générosité qu’ils succès ? Arena, 8 boulevard de Bercy 75012 Paris, n’avaient pas avant. Il aurait fallu mille et Le tour de force était de plonger les gens 01 58 70 16 00, du 17 au 20/11 mille spectacles comme le mien pour met - dans un univers biblique. Nous commen - www.accorhotelsarena.com

64 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 LES COMÉDIES MUSICALES

Luc Plamondon

Notre-Dame de Paris De Starmania à Notre-Dame de Paris Intarissable et passionnant quand Ce n’est pas la musique, pas les paroles, il parle des comédies musicales pas la mise en scène, mais prendre un dont il a signé les textes, Luc Pla - roman de 800 pages et le réduire à deux mondon est un des plus célèbres heures de texte chanté qui racontent l’his - paroliers des cinquante dernières toire en entier. Quand les chansons de années. Son Notre-Dame de Paris , spectacles musicaux ne racontent pas les immense succès mondial depuis histoires, elles ne le portent pas. Les co - 1998, revient pour 40 représenta - médies musicales qui se cassent la gueule tions au Palais des Congrès dès le de nos jours n’ont pas de chansons. C’est 23 novembre. leur grande faiblesse. J’ai fait un roman de Victor Hugo en comédie musicale. J’étais Quel a été votre contribution à ce genre emporté par le sujet. Il n’y a pas de dia - qu’est la comédie musicale ? logues dans le roman, mais j’ai fait s’expri - Luc Plamondon : J’ai commencé en 1966 mer en chansons les personnages, et à faire des chansons. J’étais un parolier c’était mon plaisir. Dans La Traviata, c’est rock français et Michel Berger trouvait le même travail sur le roman de La Dame que j’écrivais moderne. Le jour où l’on a aux Camélias . écrit Le monde est stone , nous avons eu un Quel est le terme le plus approprié au point de départ ! Ceux qui ont fait des co - genre que vous créez ? médies musicales étaient tous fans de Un spectacle musical, ca ne veut rien dire. Starmania . Mais c’est Notre-Dame de Paris Un tour de chant, un concert rock en sont qui a engendré un flux qui ne s’est pas ar - aussi ! Michel Berger, il y a 40 ans, utili - rêté depuis : Roméo et Juliette, Les Dix sait le terme "opéra rock ". Nous avions un

Commandements … C’est devenu comme r mélange de rock et de symphonique. d

une recette, avec ce mur de fond de scène Quand nous avons crée Notre-Dame de @ nu, des acrobates, des chorégraphies… Paris, il n’y avait pas de rock là-dedans… Qu’est-ce qui a fait le succès de Notre- Berger et Cocciante détestent le mot "co - n Notre-Dame de PPaarriiss,, Palais des Congrès Dame de Paris ? médie musicale ". Les compositeurs sem - de Paris 75017 Paris, 01 40 68 22 22, L’équipe n’avait jamais touché au monde blent ne pas vouloir s’associer à ce monde, à partir du 23/11 de la comédie musicale ; j’étais le seul à qui était pourtant une véritable gloire à et en tournée en 2017 : en avoir fait. Voila la recette ! J’ai choisi Broadway à la grande époque. Ce n’est Toulouse du 07 au 08/04, Montpellier du Richard Cocciante. Ca été magique. Un pas de la "comédie " dans le sens de co - 14 au 15/04, Nice du 21 au 22/04, Mar - show de créateurs soutenu par Charles mique, mais dans le sens de théâtre. Une seille 28-29/04, Genève 05-06/05, Stras - Talar le producteur. Trois millions de spec - comédie musicale c’est du théâtre musi - bourg 12-13/05, Nancy 19-20/05, Dijon tateurs en deux ans. Et quand c’est ma - cal. Les américains, eux disent "musical ". 26-27/05, Orléans 02-03/06, Rennes 09- gique, c’est magique ! Ce ne sont pas les Propos recueillis par 10/06, Rouen 16-17/06, Le Mans 23- vedettes qui en ont fait le succès ; les François Varlin 24/06, Nantes 13-4/10, Caen 20-21/10, chansons, plus que les chanteurs, sont de - Amiens, 27-28/10, Lille 03-04/1, Épernay venues les vedettes. 17-18/11, Lyon 24-25/11, Clermont-Fer - Qu’est-ce qui est le plus difficile à réus - rand 01-02/12, Limoges 08-09/12, Bor - sir dans un tel projet ? deaux 22-23/12

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 65 LES COMÉDIES MUSICALES Dominique Trottein

mais je dirige de l’opéra, de l’opérette, du ballet… En France ce n’est pas très bien Sous sa baguette : le plus grand vu ! Diriger sept fois par semaine un tel spectacle est un tout autre rythme que de casting d’artistes d’un musical diriger un opéra pour trois représenta - tions. Ce n’est pas plus facile à diriger que à Mogador ! du Wagner. Intellectuellement ces ou - vrages sont parfois plus simples, mais l’écriture de Andrew Lloyd Webber est en fait très complexe, très construite. Une musique proche du classique, avec des pa - rodies d’opéras. L’exigence est la même que si je dirigeais La Flute enchantée … Il n’y a pas de bonne et de mauvaise mu - sique ! Qui seront vos chanteurs ? Nous avons des voix lyriques dans notre casting, mais qui peuvent chanter sept fois par semaine, ce qui est très difficile. Nous voulions des couleurs et des timbres de voix très précis. Il a fallu choisir entre 3000 candidats ! Nous allons aussi les for - mer à ce que nous souhaitons car nous mi -

n sons sur leur potentiel. Le rôle de Christine o s s r sera tenu par la star de ce rôle dans le e P

n

a monde entier : Sierra Boggess. h

o Fantôme de l’Opéra J Le public semble souvent surpris que ces @ œuvres soient adaptées en français… 2016 célèbre les trente ans Qu’est-ce qu’un directeur musical ? C’est la politique de Stage Entertainment, de la création du Fantôme de Dominique Trottein : Directeur musical le producteur. Au XIXe siècle, Verdi sou - l’Opéra d’Andrew Lloyd Webber. résident signifie que je suis le chef d’or - haitait que ses opéras soient donnés en Une production qui a réuni 140 chestre du spectacle, mais que je recrute français. Il y a deux écoles, mais pour millions de spectateurs dans le également les musiciens et réalise les cas - aborder le public – et surtout pour un ou - monde et dont la version pari - tings. J’ai donc la responsabilité de l’or - vrage français de Gaston Leroux – il fallait sienne sera l’exact reflet. Une chestre et du travail des chanteurs, tandis le jouer en français. On atteint un public première dans la capitale, pour qu’ordinairement à l’opéra, le chef d’or - qui ne viendrait peut-être pas si c’était en une histoire finalement si pari - chestre se contente de lever le bras. L’écri - anglais. sienne, et un show qui va réunir ture de l’œuvre est très opératique, et je Propos recueillis par le plus grand nombre d’artistes pense que c’est aussi pour cela que j’ai été François Varlin sur scène pour deux ans à Moga - retenu après un concours, puisque je viens dor. Très spectaculaire, très at - du milieu de l’opéra. On me dit souvent tendu, le spectacle sera placé que j’ai la meilleure place au spectacle, sous la direction musicale d’un mais je ne suis pas celui qui l’entend le n Fantôme de ll’’Oppéérraa,, adapté du roman de chef d’orchestre habitué des mieux et je ne le vois pas avec la distance Gaston Leroux, d'Andrew Lloyd Webber, maisons d’opéra du monde en - la plus favorable… Théâtre Mogador, 25 rue de Mogador tier : Dominique Trottein. Passer de l’opéra à la comédie musicale, 75009 Paris, 01 53 33 45 30, à partir du est-ce bien sérieux ? 13/10 J’ai déjà dirigé des comédies musicales, www.lefantomedelopera.com

66 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

LES COMÉDIES MUSICALES Stephen Mear 42nd Street Et aussi : n La Famille Addams . Le Palace, 8 rue du Fbg Tous les codes du Montmartre 75009 Paris, du 15/09 au 30/12 musical de Broadway n Charlie Chaplin : sa vie, son oeuvre. Les Feux de la Rampe, 34 rue Richer 75009 Paris, 01 42 46 26 19, du 15/09 au 14/01/2017 De nouveau l’univers des back - époque, tout en ajoutant un peu de mon stages des grosses productions propre style dans la chorégraphie pour don - n Volver . Chorégraphies Jean-Claude Gallotta, américaines va faire rêver le pu - ner une touche moderne, sans perdre la sen - avec Olivia Ruiz. 17/09 à la MC2 de Grenoble, blic du Théâtre du Châtelet. En sation authentique de la pièce. C’est 21 au 24/09 à la Maison de la Danse à Lyon, effet, Jean-Luc Choplin a choisi important car c’est un classique. Les gens du 7 au 21/10 à Chaillot à Paris d’y produire 42nd Street dans veulent être transportés ailleurs, vivre l’ex - une mise en scène du choré - périence du passé, surtout quand il s’agit de n Gutenberg le musical , de Scott Brown et An - graphe britannique Stephen numéros de claquettes. Le public aime les thony King. Sentier des Halles, 50 rue d’Aboukir Mear dès le 17 novembre et grandes vieilles comédies musicales, s’éva - 75002 Paris, 01 42 61 89 95, du 20/09 au jusqu’aux fêtes. L’histoire d’un der grâce à ces fastueux spectacles de 28/12 http://lesentierdeshalles.fr rêve devenu réalité dans le Broadway ; il y a des numéros prodigieux qui monde du spectacle, et pour Ste - remplissent l'imagination tout en alimen - n Le Rouge et le noir, l’Opéra rock, d’après phen Mear la joie de chorégra - tant l'amour de la danse et de la musique. l’oeuvre de Stendhal. Chansons Zazie et Vincent phier un spectacle qui lui est Singin' in the rain a reçu a un bel accueil à Baguian. Le Palace, 8 rue du Faubourg Mont - cher… Avec des claquettes ! Paris révélant un amour évident pour les co - martre 75009 Paris, du 22/09 au 31/12, médies musicales du bon vieux temps. http://lerougelenoir.fr 42nd Street est-elle une caricature de ce Qu'aimez-vous dans cet univers ? qui se vit dans les productions de grands 42nd Street a été mon deuxième emploi n Les 3 mousquetaires. Palais des Sports, 34 spectacles ? comme danseur dans le West End de Lon - boulevard Victor 75015 Paris, 01 48 28 40 10, Stephen Mear : Ça peut être une caricature dres. Le diriger et le chorégraphier mainte - du 29/09 au 27/11, www.ledomedeparis.com et ça l’a été récemment à Londres, lorsque nant est un honneur pour moi. J'ai toujours Ria Jones – qui jouera dans notre produc - aimé les claquettes qui sont mon fort et tous n Jersey Boys. Folies Bergère, 32 rue Richer tion – a dû remplacer dans Sunset Boule - les grands films musicaux du passé. Quand 75009 Paris, 01 44 79 98 60, vard Glenn Close qui était souffrante. j'étais très jeune, je restais assis à regarder du 30/09 au 15/10 Certaines personnes ont hué lorsque l'an - des films en noir et blanc avec ma mère, en nonce en a été faite, mais à la fin du spec - voyant des danseurs comme Fred Astaire, n Barbara et l'homme en habit rouge, mise en tacle la performance de Ria a reçu une Ginger Rogers, Gene Kelly, Cyd Charisse et scène Eric-Emmanuel Schmitt. Théâtre Rive immense ovation debout du public ! Grâce bien sûr les magnifiques formations de Gauche, 6 rue de la Gaîté 75014 Paris, à ce coup du sort, Jean-Luc Choplin a vu la danse de Busby Berkeley. Je les regardais du 30/09 au 16/12 performance de Ria, reconnu son talent et avec admiration, fasciné par leur talent. Des lui a demandé de faire partie de 42nd films comme Les Sept Femmes de Barbe- n Eté 44 . Le Comédia, 4 boulevard de Stras - Street à Paris. L'histoire de Ria reflète le scé - Rousse, Oklahoma !, Chantons sous la pluie bourg 75010 Paris, du 4/11 au 26/02/2017 nario du spectacle dans lequel une choriste m’ont inspiré pour vouloir danser toujours devient star ! Tout le monde aime ces his - davantage. Mettre en scène 42nd Street est n Le s Chevaliers de la table ronde. Athénée, toires parce que tout le monde a des rêves. un rêve devenu réalité pour moi. square de l'Opéra Louis-Jouvet 75009 Paris, Pour vos chorégraphies, allez-vous mon - Propos recueillis par 01 53 05 19 19, du 16/12 au 7/01/2017 trer les codes précis des musicals améri - François Varlin cains ou ferez-vous appel à la danse n 42nndd SSttrreeeet t, n Saturday night Fever. Palais des Sports, moderne ? Théâtre du Châtelet, 75001 Paris, 34 bd Victor 75015 Paris, 01 48 28 40 10, Je vais honorer le style original et son 01 40 28 28 40, à partir du 17/11 du 9/02 au 30/04/2017

68 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

oom dossier réalisé par Hélène Chevrier

Z Les taupes sont très affairées à creuser, à construire une maison, à l'habiter, à ex - Philippe Quesne traire de la terre, à jouer de la musique. La nuit des taupes Comment traduisez-vous cet univers sou - terrain sur scène ? C’est très sombre. Il y a sur le plateau des Sa nouvelle création met en scène des taupes géantes en train matériaux qui renvoient à la précarité de de creuser des galeries souterraines. Une fable qui fait référence leurs habitats avec du plastique, du carton. à tous ceux qui se cherchent une place sur cette planète, comme On peut y voir un univers de réfugiés avec les réfugiés des pays en guerre, les résistants, les évadés ou la nécessité de se cacher, de se construire même les artistes… des abris. Le monde des sous-sols, c'est aussi celui de la résistance et de la perspective de la liberté. Creuser son tunnel pour s’évader, Dans ce spectacle, il n’y a pas d’humain, sous-sol pour trouver sa place sous la croûte franchir des frontières, c'est un peu comme mais sept taupes géantes. D’où est venue terrestre me fait penser à la quête de l'ar - voler. Il y a aussi des structures en bois l’idée de parler de taupes ? tiste pour s'inventer des territoires. C’est un comme celles des hamsters ou des rats de Il y a trois ans, j'avais créé Swamp Club qui animal assez méprisé et même oublié des laboratoire, susceptibles de modifier ou mettait en jeu la vie d'un centre d'art en dessins animés de Walt Disney. Sans doute d’orienter leur comportement. danger, et dans lequel les artistes appre - parce qu’il nous renvoie aux profondeurs Comme dans les jardins d'enfants ? naient à se défendre. Une taupe géante fai - alors que notre société rêve plutôt d’envols. Exactement. A la création, un enfant m'a dit sait déjà partie des personnages et Que raconte le spectacle ? que c’était des animaux échappés d’un labo - apprenait aux artistes à visiter les souter - On est un peu dans une fantasmagorie ; ratoire qui vivent une nuit de rêve. On va rains, à s'enfouir et à se protéger. J'ai décidé c’est très visuel et très plastique puisque d’ailleurs faire une version pour les enfants de lui écrire une tranche de vie. c'est comme un musée d'animaux qui s'ani - qui s’appellera L’après-midi des taupes . La taupe, c’est un animal qui vous touche ? meraient . On les voit se déplacer, se nourrir, Oui, beaucoup. Elle est presque aveugle, so - faire un enfant, ou manger des vers de n La nuiitt ddeess t taauuppees,s, conception, mise en litaire et fait confiance à ses instincts. Les terre, autant d’actions extrêmement sim - scène et scénographie Philippe Quesne fermiers et les propriétaires de jolis jardins ples qui sont de l’ordre de la fable. Avec la 4 au 8/10 au TNBA 05 56 33 36 80 la qualifient de nuisible à cause des petits plasticienne Corinne Petit-Pierre, on leur a 12 et 13/10, Merlan à Marseille monticules de terre qu’elle laisse à la sur - créé des costumes en fonction des acteurs. 5 au 26/11 Amandiers à Nanterre face mais on pourrait aussi dire que ce sont Ce sont sept personnalités différentes. C'est n L’Effet de Serge, Nanterre-Amandiers : des sculptures. Cette terre qu'elle extrait du aussi une histoire de petite communauté. 18/09, 16/10, 4/12, 26/02, 26/03, 30/04

convaincre de le ressusciter en faisant tom - Après un triptyque sur la famille Anna Nozière ber toutes leurs résistances en interrogeant (Les Fidèles histoire d’Annie Ro - leurs croyances avec des questions très zier, La Petite et Joséphine) , Les Grandes Eaux concrètes. Malgré le sujet du deuil, c’est très Anna Nozière se penche sur burlesque et très terre-à-terre. notre rapport à la mort avec la Dans Les Grandes Eaux , six femmes es - Après la famille, vous parlez de la mort. saient de ressusciter un mort avec le - Qu’est-ce qui vous a intéressée dedans ? création d’une pièce burlesque. quel elles ont un lien : mari, frère, Le fait qu’on cherche des solutions à un pro - Dans Les Grandes Eaux , un amant, voisin… blème qui n'en a pas. Ce n'est pas parce que homme meurt en mangeant Ça raconte la résistance à l’impermanence les gens sont morts qu'on ne peut pas être une paupiette de veau et sa voi - des choses. Ces six femmes ont des en relation avec eux ; je pense qu'on coha - sine propose aux femmes de sa croyances sur la mort et vont vivre leur état bite. Mais ce n'est pas que le thème de la vie de le ressusciter au cours de deuil de manières différentes. Elles vont pièce. Elle parle aussi de notre rapport à la aussi être confrontées à la question de la ré - mort sur un plan plus social. On voit bien le d’une cérémonie spéciale… surrection puisqu’une voisine va les jeu que l'on joue quand il y a des enterre -

70 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 FAB Festival international des Arts de Bordeaux Du 1er au 22 octobre 2016 - http://fab.festivalbordeaux.com

La compagnie Spitfire est une forma - aucune d’entre nous n’aime la bière ou l’al - tion tchèque avant-gardiste qui mêle Mi enka echová cool. La difficulté c’est de gérer l’état danse, théâtre, musique et images. d’ébriété progressif avec la précision et Antiwords l’écoute requise par la pièce : il faut se caler Avec Antiwords , une pièce tirée du ré - ř Č avec le dialogue qui est en off, il faut soule - pertoire de feu le “président-philo - sonnages masculins par des comédiennes ver ces immenses têtes, il faut suivre son sophe“ Vaclav Havel, les comédiennes qui portent des masques très imposants en partenaire, et en même temps composer de la compagnie livrent une véritable forme de têtes, et lorsqu’elles soulèvent avec les moments d’improvisation qui nais - performance puisqu’elles ingurgitent leur masque, elles boivent de la bière, et sent de la façon dont on boit ou déplace les vraiment de la bière, car c’est aussi une chaises. C’est une réelle performance ! sur scène des pintes et des pintes de pièce sur la destruction par l’alcool. Une performance qui éclipse le message bière ! Pour l’amour de l’art… La pièce d’origine s’appelle Audience … politique de la pièce ? C’est une pièce que Vaclav Havel a écrite Non, la pièce reste très actuelle, la manipu - Votre compagnie a souvent été récompen - en 1975, une pièce à la fois cocasse et ab - lation aujourd’hui ce sont tous ces discours sée dans le registre du théâtre total ou surde, cynique et cruelle, dans laquelle il se populistes en Tchéquie, en Europe, dans le théâtre physique, comment définiriez-vous met en scène sous les traits de Vanek et qui monde entier . Vaclav Havel luttait contre votre travail ? illustre admirablement nos sociétés : un ces mêmes discours faciles qui empêchent Moi-même je viens de la danse et du théâ - monde qui nous donne la gueule de bois. les gens de s’intéresser à la complexité du tre, et Petr Bohác avec qui j’ai fondé la Pourquoi en avoir changé le titre et l’avoir monde. Et puis je vois l’alcool comme une compagnie vient de l’univers de la philoso - intitulé Antiwords (anti-mots) ? métaphore de la manipulation que l’on phie et de la littérature. Habituellement Parce que nous avons choisi de ne pas par - subit : lorsque l’on boit on est dans un état au théâtre on joue ou on reproduit des ler, les comédiennes n’ont pas de dialogue ; de conscience confus qui brouille notre vi - émotions ; notre objectif c’est vraiment de en revanche nous utilisons en off l’enregis - sion, notre compréhension. Et ensuite les créer en direct sur scène. trement original de Vaclav Havel lui- lorsque l’on a la gueule de bois, on est as - Comme dans Antiwords où les comédiennes même qui avait créé et enregistré la pièce sommé, fatigué et cynique. Un peu comme boivent de la bière jusqu’à plus soif ? avec un ami du temps de la censure. Les dans le monde d’aujourd’hui… Oui, en fait on a repris une pièce de Vaclev comédiennes vont contre les mots, contre Havel qui comporte deux personnages et ce qui est dit, et même s’il y a des paroles qui se déroule dans une brasserie. Stanek ce ne sont pas les nôtres… nAnttiiwwoorrdds s, d’après Audience de Václav le brasseur grossier cherche à soûler Qu’apporte artistiquement le fait de boire Havel, par la compagnie tchèque Spitfire Vanek une sorte d’écrivain déchu pour le autant sur scène ? les 18 et 19/10 au Glob Théâtre manipuler. Nous avons remplacé les 2 per - C’est un immense défi car spontanément à Bordeaux, 05 56 69 06 66

ments. Il n'y a pas que de la peine ; il y a moire. Elle ne se souvient plus de son leuse. Il y a sûrement une addition de aussi la façon dont on se présente au mari. choses très positives mais c’est peut-être monde. Il y a tout un jeu de pouvoir, de Et c'est à travers le mouvement des au - le fait de travailler sur l’acceptation de territoire, on veut toujours être celui qui tres qu'elle va réapprendre qui était cet l’impermanence des choses et notre im - connaissait le plus le mort parce que ça homme. Mais comme elle ne se souvient puissance face à ce qui n'est plus qui nous confère une certaine valeur. À par - plus de lui, j'avais besoin qu'un des per - nous rendait joyeux ; parce que c'est tir du moment où il est mort, il appar - sonnages représente l'amour pour cet aussi accepter la dualité de la vie. tient à tout le monde. Dans la pièce, ce homme et j’ai imaginé une maîtresse sont la sœur, l’épouse, la maîtresse, la pour qu'existe un amour sexué. voisine, des amies. Il y a quelque chose Vous traitez cette histoire de résurrec - qui les dépasse, qui a avoir avec le mys - tion sur un mode burlesque. Qu’est-ce n Les Grandes Eaux, texte et mise en tère de la vie. Quand on partage ça avec que cela vous a apporté ? scène d’Anna Nozière quelqu'un, on ne peut plus être dans les C'est la première fois que j'aborde le bur - 11 au 15/10 au TNBA 05 56 33 36 80 mêmes rapports. Ça rapproche. lesque aussi frontalement. Et avec 15 et 16/11 L’Espal Le Mans Et puis la femme du mort perd la mé - l’équipe, on a vécu une création merveil - 24 et 25/01 Scène Nationale de Dieppe

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 71 oom Z Bettina Atala Très inspirée

Après Grand Magasin qui présentait des exposés sur des thématiques très pointues, Bettina Atala prépare une série de créations à partir de son one-woman-show Stand-Up Comédie qui seront dé - voilées tout au long de la saison des Amandiers.

Comment vont se présenter ces inter - ventions que vous appelez des Parlers Debout ? Ce sera à peu près une fois par mois dans le Planétarium des Amandiers dans le a

décor de L’effet de Serge que Philippe d a h Quesne reprend toute l’année. Ce sont u O

r e i v

des interventions de 45 minutes à une i l O heure. Je commence par la reprise de @ Stand-Up Comédie que j’avais créé pour le Centre Pompidou l’an dernier qui sert suite de ce n°2 ? die 1 où je fais une courte démonstra - un peu de matrice aux suivantes qui Non, je m'inspire du premier stand-up que tion d'un jeu vidéo que j'ai programmé sont toutes des créations. Le fil conduc - j'adapte en sitcom et que je tourne dans et dont le héros est un artiste. C'est un teur de toutes ces interventions, c’est le théâtre des Amandiers. Les person - jeu très basique que je vais un peu com - aussi l’idée d'être debout face à un pu - nages principaux sont moi-même et une pliquer pour que les spectateurs puis - blic et de raconter des histoires, des assistante avec une intrigue très simple. sent y jouer. On va mettre à leur anecdotes, ne pas jouer le rôle de C’est un prétexte pour m’essayer à la réa - disposition une borne d’arcade un peu quelqu'un d'autre, ne pas utiliser d'ac - lisation d’une sitcom parce que j'ai suivi comme dans les bars des années 80. cessoires ni de décor. des cours de séries télé à Los Angeles. Il y Le dernier spectacle, Paysage Em - De quoi parlez-vous dans Stand-Up aura cinq épisodes de 10 minutes. Le jour prunté , sera un peu un hommage à Comédie 2 qui est la suite de Stand-Up de la présentation au public, je donnerai cette année créative que vous aurez Comédie ? en plus une petite conférence. passée aux Amandiers. Je finissais le premier épisode sur un La suivante s’appelle Portrait de Ce sera une sorte de déambulation pour événement assez difficile qui est la mort Groupe et s’inspire de la datavisuali - montrer aux gens tout ce que j’aime de mon père. Je repars de ça dans sation. dans ce théâtre, tel néon, telle chaise, Stand-Up Comédie 2 et je questionne ce C’est un spectacle auquel participeront telle porte... que sont les souvenirs et les traces qu’on des amateurs volontaires de Nanterre et Propos recueillis par laisse. Entretemps, j’ai eu une fille et des Hauts-de-Seine. Il s'agit de fabriquer Hélène Chevrier cela pose aussi la question des traces en une chorégraphie extrêmement mini - direction de l'avenir. Du coup je ques - male de gens debouts : je leur pose des n 15/10 Stand-Up Comédie tionne la mémoire passée et la mémoire questions hyper simples pour les diviser 17/12 Stand-Up Comédie 2 du futur. Je vais aussi inviter des gens et former des catégories à l’intérieur du 25/01 Situation Comédie qui étaient là au moment des faits et groupe, comme fumeurs et non-fumeurs . Date à déterminer Portrait de groupe qui vont donner leur point de vue sur les C'est assez mathématique et visuel. 29/04 Poème et Vidéo Game épisodes que je raconte, comme ma Avec Poèmes et Vidéo Game, vous ré - 20/05 Paysage Emprunté mère, ma femme et des amis. vélez votre potentiel geek. Théâtre des Amandiers, 7 avenue Pablo Situation Comédie , est-ce encore une C’est une extension de Stand-Up Comé - Picasso 92000 Nanterre, 01 46 14 70 70

72 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

LES FEMMES SAVANTES au théâtre de la Porte Saint-Martin > > M’MAN au théâtre du Petit Saint-Martin

L’ESPRIT DE CONTRADICTION

au théâtre du Petit Saint-Martin > >

L’ECOLE DES FEMMES au théâtre de la Tempête

LA LOUVE

Au théâtre la Bruyère > >

MARIAGE & CHÂTIMENT Au théâtre Hébertot PAGES CRITIQUES Chaque semaine de nouvelles critiques sur www.theatral-magazine.com t e n a G

n a i t s i r r h m d C t

@ @ @

Seuls Novecento Réparer les vivants

[ Wajdi dans ses œuvres ] [ Dussollier connaît la musique ] [ Coup de cœur ] texte, mise en scène et jeu Wajdi Mouawad d’Alessandro Barricco, avec André Dussollier d'après le roman de Maylis de Kerangal, mise La Colline, 15 rue Malte-Brun 75020 Paris Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roo - en scène et interprétation Emmanuel Noblet 01 44 62 52 52, du 23/09 au 9/10 sevelt 75008 Paris, 01 44 95 98 00, du Rond-Point 75008 Paris du 7/09 au 9/10 C’est le nouveau directeur de la Colline en 20/09 au 27/11 Théâtre du Nord (Villeneuve d'Ascq - La Rose personne qui rejoue une pièce présentée en Novecento , c’est l’histoire étrange et mer - des vents) du 11 au 21/10 2008 au festival d’Avignon : Seuls . Wajdi y veilleuse d’un pianiste virtuose né sur un Le roman de Maylis de Kerangal raconte un joue le rôle de Harwan, étudiant libanais transatlantique qu’il n’a jamais quitté. voyage. Celui d’un cœur, transplanté de la émigré au Canada, en train de finaliser sa C’est un court récit d'une sensibilité et poitrine d’un jeune surfeur de 19 ans vers thèse sur “le Cadre comme espace identi - d’une poésie incroyables qui ne laisse per - celui d’une femme de 50 ans. Un voyage taire dans les solos de Robert Lepage”. Tout sonne indifférent, en particulier André avec son lot de douleurs, de rencontres, de un programme... Harwan ne sait pas com - Dussollier qui rêvait de monter ce texte de - décisions graves, d’émotions, de larmes et ment boucler son travail et s’en va intervie - puis sa parution. L’angle choisi par Dussol - de joies. 24h d’une intensité prodigieuse, wer le pape du théâtre, Robert Lepage lier est de nous faire écouter la musique hors du commun. Le porter à la scène avec lui-même. Seulement, tout ne se déroule dont Barrico tisse dans chacun de ses mots un seul comédien représentait un enjeu dif - pas comme prévu, Wajdi nous emmène à la puissance d’évocation. Aussi partage-t-il ficile ; c’est Emmanuel Noblet qui donne vie l’endroit où le destin bascule, là où toute la scène avec un véritable orchestre, un à ce projet en adaptant l’ouvrage, le met - notre vie et tous nos rêves se rejouent. Son quartet piano, trompette, batterie, contre - tant en scène et le jouant. Une extraordi - père tombe dans le coma et voilà Harwan basse qui nous berce et nous jazze entre naire maîtrise du plateau, des personnages, qui réinterroge sa relation filiale, fait le musique classique et ragtime. Avec une et surtout l’esprit de ce texte ciselé à la per - point sur sa vie, et se souvient du jardin de énergie enthousiaste, beaucoup de légè - fection. Le comédien raconte ce parcours son enfance, des figuiers sauvages et de reté et d’humour, André Dussollier dia - depuis l’accident provoquant la mort céré - l’odeur du thym cuit. Tout bascule, et plus logue avec les musiciens et se démultiplie brale du jeune donneur, la douloureuse encore qu’on ne l’imagine... Voilà Harwan- en capitaine, en trompettiste, en passager prise de décision de ses parents, la mise en Wajdi qui passe de l’autre coté du cadre et pour nous conter l’histoire poignante de œuvre de la transplantation, jusqu’à la re - se lance dans un happening artistique à la Novecento. Certes on ne revit pas l’inten - prise des battements de l’organe dans le Jackson Pollock ; la peinture gicle sur la sité poétique du voyage imaginaire que corps du receveur. Des voix off lui répon - scène, envahit le corps et l’espace, ouvre de produit la lecture du roman, mais cette dent, des images projetées apportent nouveaux horizons de liberté et naît la pos - mise en scène musicale et enjouée permet quelques indications de lieux, deux chaises, sibilité pour Harwan de renouer avec son de prolonger l’émotion que ne donnent un drap, et tout est là avec intensité. On père et ses rêves d’enfant. L’art et la créa - plus les mots. André Dussollier dit le texte, écoute les larmes aux yeux et la joie au cœur tion, dans le cadre et hors du cadre, l’ont il vole, il bondit, il danse, sa joie est com - l’éclatement de l’être de ce jeune homme qui enfin conduit sur le chemin de la réalisation municative, sa voix est chaleureuse ; vit au delà de sa vie par cette transplanta - personnelle et identitaire. Chacun est seul comme Novecento le pianiste, André Dus - tion. Parler du don d’organe, c’est soulever face à son destin semblent dire Lepage ou sollier le conteur joue admirablement ses en chacun un sentiment d’inquiétude un Wajdi dans leurs solos ; l’enjeu est d’y met - gammes. peu légitime, tout en soufflant une idée de tre les bonnes couleurs. Enric Dausset générosité. Un spectacle d’excellence. Hélène Chevrier François Varlin

74 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

PAGES CRITIQUES Chaque semaine de nouvelles critiques sur www.theatral-magazine.com o i h c c n e i r l a e s C

s o h t G

e n b o a L z i D m l i R E S

@ @ @

Ça ira (1) Les Damnés 2666 Fin de Louis [ Pommerat révolutionné ] [ Brillante variation ] [ Démesure ] de Joël Pommerat D’après le scénario de Luchino Visconti, mise d’après le roman de Roberto Bolaño, adapta - Nanterre Amandiers, 7 avenue Pablo Pi - en scène d’Ivo van Hove tion et mise en scène de Julien Gosselin casso 92022 Nanterre, 01 46 14 70 00, du Comédie-Française, salle Richelieu, Odéon, Ateliers Berthier 75017 Paris, 9 au 25/09 01 44 58 15 15, du 24/09 au 13/01 01 44 85 40 40, du 10/09 au16/10 Ce spectacle marque un tournant dans le C’était le retour de la Comédie-Française à 2666 est un roman colossal et labyrin - cheminement de Joël Pommerat. Pour Ça Avignon, après 25 ans d’absence. Et il n’est thique du Chilien Roberto Bolaño. Au ira (1) Fin de Louis , il se détache de son pas banal. Les acteurs du Français se met - cœur, il y a l’histoire d’un mystérieux écri - procédé habituel consistant à faire se suc - tent au service du metteur en scène le plus vain allemand, Archimboldi, sur lequel en - céder des images très soignées à la façon recherché et le moins classique du moment, quêtent des universitaires européens d’une machine à diapositives pour travail - le Belge Ivo van Hove, et d’un scénario d’un avant que l’action ne se transporte dans un ler sur une impressionnante unité de mise film d’anthologie, Les Damnés de Visconti. Mexique tueur de femmes. Après le grand en scène où la cohésion entre les différents Toute la folie du IIIe Reich s’y déchaîne, succès de la transposition des Particules élé - acteurs est au coeur du projet. La théma - dans ses fureurs politiques, militaires et mentaires de Houellebecq, Julien Gosselin tique est aussi plus sérieuse. Avec génie, sexuelles. La famille von Essenbeck possède a eu les moyens de monter cette immense Pommerat relie le théâtre historique à l’ac - d’importantes aciéries, et cette famille est fresque qui défie les limites temporelles : le tualité brûlante. On observe les enjeux po - nombreuse : elle va de l’ancêtre aux vieilles spectacle, avec ses entractes, dure 13 litiques multiples de la Révolution méthodes jusqu’à la jeune génération, où heures ! Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pas française à travers ses événements les plus s’agrègent les épouses innocentes ou ambi - complètement. Gosselin a placé la barre marquants. La salle de spectacle est trans - tieuses. Face au pouvoir nazi, le jeu est diffi - haut, avec un décor en perpétuel mouve - formée en lieu d’assemblée ; dispersés cile : les commandes d’armement sont au ment, des caméras qui proposent d’autres dans la salle, les personnages imposent au prix des compromissions et de diverses cou - angles de vision, une troupe où l’on spectateur une immersion importante cheries. Van Hove donne à voir à la fois l’ac - change sans cesse de rôle dans la volupté dans le moule tumultueux de cette société tion, son reflet sur grand écran, les acteurs et la nervosité. Mais l’entreprise est déme - en ruine à rebâtir. Très rigoureuse du point en train de se changer et de se maquiller, et surée. L’un des chapitres est organisé de vue historique, sombre dans sa forme une série de visions personnelles (des cer - comme une série de dépêches sur des viols comme dans son propos, la création porte cueils où les victimes sont filmées se débat - et des meurtres projetées sur un tulle, cependant en elle toutes les émotions de tant après la mort, une sexualité exaspérée qu’on lit pendant deux heures quinze ! la Nation française naissante. On sort du mais chorégraphiée). Les comédiens s’amu - Une autre se compose majoritairement de spectacle gonflé d’espoir, certain que sent follement à jouer hors de leurs normes : la diction du texte faite par une actrice, Ca - l’Homme est capable de se tirer des situa - Didier Sandre, Elsa Lepoivre, Denis Podaly - roline Mounier, en gros plan. Le spectacle tions les plus extrêmes, contre toute forme dès, Christophe Montenez… Ça a de la s’épuise à tenir son pari impossible et, d’inertie. Alors, on peut affirmer : Pomme - gueule, de l’invention, une maîtrise impla - comme il est porté par une équipe de rat compose le théâtre le plus noble qui cable. Mais cela reste une variation sur un grand talent, il s’effondre avec les applau - soit. grand film qui reste supérieur à ce brillant dissements que l’on doit aux braves . Hadrien Volle exercice. Gilles Costaz Gilles Costaz

76 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016

PAGES CRITIQUES Chaque semaine de nouvelles critiques sur www.theatral-magazine.com L r r D d d

R

@ @ @

Addition Cousins comme Hearing cochons [ Entre Art et Le Prénom ] [ Du lard et des amants ] [ Le message ne passe pas ] de Clément Michel, avec Sébastien Castro, de et mis en scène par Nicolas Lumbreras, de et mis en scène par Amir Reza Koohestani Stéphan Guérin-Tillié et Clément Michel avec Christophe Canard (ou Serge Da Silva), les 6 et 7/10 au Festival des Arts de Bor - Théâtre de la Gaîté, 26 rue de la Gaîté Constance Carrelet, Emmanuelle Bougerol... deaux, du 11 au 19/10 au Théâtre de la 75014 Paris, 01 43 20 60 56 Théâtre du Splendid, 48 rue du Faubourg Bastille et en tournée Clément Michel c’est l’addition de succès. Saint-Martin 75010 Paris, 01 42 08 21 93 Samaneh est convoquée avec Nada par la Après Le Carton, Début fin de soirée, Le Cette 8e comédie de la Troupe à Palmade surveillante du dortoir pour un interroga - grand bain et Une semaine pas plus , voici est une parodie des pièces de Feydeau. On toire. La première accuse la seconde qu’arrive sa dernière pièce, Addition . Un y retrouve tous les ingrédients du vaude - d’avoir reçu un homme dans sa chambre le week-end entre amis, trois quadras qui dé - ville : le mari trompé, la femme qui trompe, soir du Nouvel An. Cette intrigue simple couvrent au fil de leurs débats qu’ils ne se l’amant dans l’armoire, les domestiques qui tourne autour d’un tabou suprême à la connaissaient pas si bien : 20 ans d’amitié, frôlent la catastrophe… les acteurs pous - conséquence fatale en Iran : un honneur de jalousies, de préjugés, de non-dits remon - sent aussi la chansonnette comme chez La - sali, des responsables à désigner. tent à la surface et cela peut faire mal ! Mais biche et on retrouve une forêt enchantée Comment Samaneh est-elle au courant du le talent de Clément Michel, c’est de gar - comme chez Shakespeare. Cela commence forfait de Nada ? A-t-elle vu quelque chose ? der beaucoup de tendresse et d’affection avec un couple de riches bourgeois qui s’oc - Non. Alors serait-ce du domaine du fan - pour ses personnages qui ne versent pas cupe comme il peut à la campagne. Lui tasme ?... dans la méchanceté ou la rancœur comme adore la chasse et elle être chassée ; Tout cela a-t-il un sens ? Hearing souffre dans Art , la pièce référente sur le sujet de chaque mercredi après-midi, il disparaît du peu de réponses apportées aux ques - Yasmina Reza. L’analyse psychologique dans la forêt pleine de magie, tandis qu’elle tions. Le manque de clarté est aussi dans est suffisamment fine et bien ciselée pour disparaît dans leur chambre avec son la forme : l’utilisation de la vidéo est tech - que chacun puisse s’y retrouver entre le cé - amant. Mais ce mercredi-là, le mari trompé niquement discutable, filmées à la pre - libataire mal dans sa peau (Clément Mi - rentre deux heures trop tôt avec un co - mière personne, les images aux filtres chel lui-même), le professeur d’université chon… D’habitude, chez Feydeau, ce sont angoissants ne nous éclairent pas davan - en quête d’horizons nouveaux (Sébastien plutôt les hommes qui s’emmêlent les pin - tage sur les intentions du spectacle. Castro et sa vis comica), ou le dragueur im - ceaux dans les invraisemblances ; ici, c’est Les actrices sont justes et, conformément pénitent au grand cœur (l’attachant Sté - la femme qui s’enfonce dans les mensonges à la volonté d’Amir Reza Koohestani le phan Guérin-Tillié). On ne s’ennuie pas une et le mari qui ne se doute de rien. metteur en scène, on imagine que leurs seconde et on rit de bon cœur, la pièce est On rit du début à la fin. Les gags sont très paroles et leurs façons d’être pourraient parfaitement rythmée par des réparties et drôles, parfois à la limite de la vulgarité, être celles de n’importe quelle jeune ira - des rebondissements incessants, c’est un mais heureusement toujours rattrapés par nienne moderne. Mais la pièce est trop for - succès vous dis-je. L’addition s’il vous plaît. les comédiens, tous excellents. On passe melle ou bien pas assez claire, puisqu’en Enric Dausset une soirée revigorante. fin de compte, le message ne passe pas. Hélène Chevrier Hadrien Volle

78 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 u a e v Go Théâtre u o n “Qu’est-ce qu’il faut voir au théâtre en ce moment ?” Tous les jours deux places de théâtre à gagner ! Go Théâtre

trouve le spectacle qu’il vous faut ! GO en fonction : T - de vos envies - de votre localisation Go Théâtre - des critiques - des avis des spectateurs

Go Théâtre

disponible gratuitement sur Android sur Iphone PAGES CRITIQUES Chaque semaine de nouvelles critiques sur www.theatral-magazine.com s i o b s o r G

e r L t r D e o i L R

P © @ @

Le portrait de On achève bien Rumeur et petits jours Dorian Gray les anges (élégies) [ Eternelles lectures de jeunesse... ] [ Cirque en noir et gris ] [ Humour sans fond ] d'après le roman d'Oscar Wilde, mise en de et mis en scène par Bartabas du Raoul Collectif scène de Thomas Le Douarec Théâtre équestre Zingaro, 176 avenue Jean Bruxelles 27/9 - 2/10, Lyon 11-15/10, Saint Studio des Champs-Elysées, 15 avenue Mon - Jaurès 93300 Aubervilliers, 01 48 39 18 03, -Médard-en-Jalles les 18-19/10, Théâtre de la taigne 75008 Paris, 01 53 23 99 19 à partir du 30/09 Bastille à Paris 2-25/11, et en tournée Le secret de l’éternelle jeunesse se trouve Pour son nouveau spectacle Bartabas Sur le plateau est installé un studio radio au Studio des Champs-Elysées, l’éternelle bouscule les images traditionnelles des de fortune. Les cinq hommes qui l’occu - jeunesse d’un roman à nul autre pareil, mys - anges. On achève bien les anges , c'est un pent ont l’apparence d’un groupe d’intel - térieux, transgressif, métaphysique, esthé - retour à la lenteur, à la joliesse et au lectuels post-soixante-huitards plus vrai tique, amoral, libre et libertin : Le portrait cirque. C'est beaucoup moins philoso - que nature. Ensemble, ils vont animer le de Dorian Gray , cet indélébile roman qui phique et beaucoup moins casseur. C'est dernier numéro d’ Épigraphe , l’émission marque tous ceux qui se brûlent au soleil même hollywoodien avec un bain de ayant été sortie de l’antenne après des an - flamboyant de la jeunesse. L’adaptation de mousse final. Lenteur car les scènes se sui - nées, faute d’audience. Thomas Le Douarec est des plus réussies : vent sans précipitation avec des pauses C’est d’abord très drôle. Cette parodie les tableaux se succèdent en épousant l’es - musicales. Joliesse car, même si Bartabas d’émission culturelle, entre Apostrophe et sentiel de la trame du roman, les répliques conserve lui-même son côté mauvais gar - Hors-Champs , est tenue par une bande ai - reprennent des citations entières du texte çon, l'effroi prend des allures de conte de grie de se voir mise à l’écart et qui compte d’origine, et la mise en scène est simple, ef - fées. Cirque car une piste, des clowns, des bien utiliser cette dernière heure de direct ficace et captivante. Lord Henry est inter - funambules et des chevaux, dressés selon pour régler ses comptes. La réaction de prété par Thomas Le Douarec lui même qui les principes de la haute école (Bartabas chacun est aussi drôle que fine et, même nous régale de sa séduction matou et déli - lui-même, enveloppé dans l'obscurité, di - sans parole, leur jeu parodique est une vre avec délectation le message cynique du rige ses chevaux avec une chambrière grande réussite. mentor de Dorian Gray. Le jeune dandy est dans l'un des tableaux). Cela n'efface pas Mais une fois que l’on a découvert le carac - incarné par Arnaud Denis (ou en alternance la marque Bartabas : le noir et le gris pré - tère de chaque personnage – l’un est hys - par Valentin de Carbonnières) qui donne à férés aux couleurs, un univers de terre et térique, l’autre d’une nonchalance son personnage toute la beauté marmo - de neige, quelques passages qui font peur gainsbourienne quand un troisième tente réenne et sulfureuse de celui qui a pactisé (les deux cavaliers sur les mulets), la re - de tenir l’émission à flot par ses chroniques avec le diable. La pièce rencontre un grand cherche de la difficulté (l'ouverture avec structurées – le manque de fond gâche la succès : depuis sa création au Lucernaire en les cavaliers descendant des cintres les forme. Après vingt minutes de spectacle, janvier 2016, elle est à l’affiche du Studio yeux bandés et chevauchant avec les on assiste à un interminable diaporama des Champs-Elysées depuis le mois d’avril. jambes entravées), un arrière-plan poli - d’animaux "à sauver", et une troisième par - Pour retrouver l’éternel plaisir de nos lec - tique avec un personnage qui fait le tour tie où les révolutionnaires radiophoniques tures de jeunesse. des différents signes religieux et les re - décident d’inviter "une idée" avant de Enric Dausset garde avec indifférence. On a surtout re - noyer la scène sous le sable : ce micmac in - trouvé Bartabas, ici à la hauteur de ses tellectuel d’une heure trente aura finale - meilleurs spectacles. ment semblé interminable… Gilles Costaz Hadrien Volle

80 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016 BULLETIN D’ABONNEMENT

25 € 1 an

q Je m’abonne à Théâtral magazine et au site theatral-magazine.com TARIFS 1 AN 2 ANS 3 ANS FRANCE q 25 euros q 45 euros q 60 euros TARIFS 1 AN 2 ANS 3 ANS ETRANGER q 32 euros q 58 euros q 76 euros

Vos coordonnées : Nom : Prénom : Adresse : CP : Ville : Pays : E-mail (pour recevoir les critiques et coups de coeur)

Téléphone :

J’adresse ci-joint mon règlement :

par chèque bancaire ou postal à l’ordre de : COULISSES EDITIONS 7 rue de l’Eperon 75006 Paris

Date et signature :

Vos coordonnées ne feront l’objet d’aucune exploitation commerciale et ne seront communi - quées à aucunM partenaire. Conformeément à la lrégislation cen vigueur ivous d ispose!z d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant. MON GRAIN DE SEL

par Jacques NERSON

La part du pauvre

Dans beaucoup de religions, on retrouve une même On me dira qu’à côté des grands spectacles du In tradition qui consiste à mettre de côté la part du comme Les Damnés, 2666, Karamazov ou encore Qué pauvre lors des repas de fête. Souvent le pauvre en haré yo con esta espada ? , peu abordables par le question reste un symbole et le riche se garde d’in - grand public, le directeur du festival en personne a viter pour de bon un indigent à sa table. Toutefois pris soin de promener hors les murs, dans les quartiers on aurait tort de n’y voir que pure hypocrisie. Au défavorisés d’Avignon, deux courts spectacles tirés moins le riche sur le point de gloutonner a-t-il une d’Eschyle : Prométhée enchaîné et Pièces de guerre. pensée pour les meurt-de-faim. On ne doute pas un instant des bonnes intentions d’Olivier Py. Mais il semble douteux que ces tragédies A présent, les hiérarques du théâtre public n’ont pas "low coast ", présentées l’autre soir sans autre éclai - ces scrupules. Alors que la culture est une forme de rage que les tubes fluorescents de la salle polyva - richesse, ils ne cherchent pas à la redistribuer à ceux lente où elles se donnaient, obtiennent de qui n’ont pas eu la chance de l’acquérir ou d’en héri - nombreuses conversions. D’ailleurs, pourquoi propo - ter. Le festival d’Avignon est représentatif de cet ser aux pauvres de culture des spectacles pauvre - égoïsme. Créé par Jean Vilar pour y faire du théâtre ment montés ? N’ont-ils pas droit à de beaux décors, populaire, c’est-à-dire partagé avec le plus grand à des lumières convenables ? nombre, il est au fil des ans devenu le pèlerinage an - nuel des branchés, vieux babas intellos ou jeunes En réalité, Avignon décrit comme d’habitude un phé - bobos théâtreux. Et le profane dans tout ça ? Disparu nomène de société qui dépasse le théâtre, c’est le di - des écrans radar. Effacé des mémoires. On ne lui a vorce du peuple d’avec la bourgeoisie. On vient en laissé aucune part du gâteau. C’est le triomphe de Angleterre d’en voir le désastreux résultat avec le l’entre-soi. On a renoncé à lui à jamais. Brexit. Et l’on voit chez nous les votes populaires abandonner les partis démocratiques par lesquels ils Chacun de nous connaît pourtant au moins un ignare ne se sentent plus représentés pour se reporter sur en théâtre, entré par hasard dans une salle et sou - les extrêmes. dain touché par la grâce, mordu pour le restant de ses jours. Le théâtre va-t-il redevenir un art de cour, Quand le peuple vote mal, Brecht suggère de le dis - desséché, fermé sur lui-même, réservé aux initiés ? soudre. On dirait que les bourgeois de gauche qui C’est ce qui se passe dans le In à Avignon : plus éli - constituent l’essentiel du personnel culturel - artistes, tiste, tu meurs. Quant au off, ce sont les farceurs du enseignants et administratifs confondus – ont pris le Pont-Neuf : bons pour les provinciaux. Les campeurs. conseil au pied de la lettre. Au festival d’Avignon, il Les blaireaux. Les beaufs. La populace, quoi. est déjà entré en application.

82 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2016