Luchino Visconti Italie 1954 1H55 Technicolor Copie Restaurée En Version Originale Sous-Titrée Français
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Senso Luchino Visconti Italie 1954 1h55 Technicolor Copie restaurée en version originale sous-titrée français Fiche technique Réalisation : Luchino Visconti Scénario : Luchino Visconti et Suso Cecchi d'Amico, d'après la nouvelle de Camillo Boito Photographie : G. R. Aldo et Robert Krasker Décors : Ottavio Scotti Costumes : Marcel Escoffier, P. Tosi Musique : Giuseppe Verdi et Anton Bruckner © photo Senso : Tamasa Production : Lux Film Interprétation Comtesse Livia Serpieri : alida Valli Franz Malher : Farley Granger Marquis Roberto Ussoni : Massimo Girotti Comte Serpieri : Heinz Moog Laura : Rina Morelli Clara : Marcella Mariani L'officier : Christian Marquand Colonel Leist : Tonio Selwart Synopsis En 1866, à Venise, se joue une page de l'unité italienne. Les patriotes italiens veulent affranchir la ville de la domination autrichienne. En pleine représentation du "Trouvère" de Verdi, au théâtre de la Fenice, une manifestation éclate au cours de laquelle un des ses instigateur, le marquis Ussoni, provoque en duel le lieutenant autrichien Malher. Ussoni est arrêté. Sa cousine, la comtesse Livia Serpieri, demande à rencontrer le lieutenant autrichien. Elle en tombe alors follement amoureuse, et, enlisée dans cette passion, elle en oubliera ses convictions, sa dignité même. Genèse de l'œuvre Visconti, qui, depuis Bellissima , sorti en 1951, travaille pour l'opéra, a le projet d'un film critiquant l'institution matrimoniale mais le contexte socio politique y est peu favorable. La Lux lui passe commande d'un "film à grand spectacle d'un haut niveau artistique". Il choisit de s'inspirer d'un récit de Camillo Boito, "Senso", écrit en 1883. La nouvelle raconte l'amour, en 1866, en pleine révolte patriotique italienne, d'une comtesse vénitienne pour un militaire autrichien. Visconti, qui a perçu la passion amoureuse comme un "fait divers", choisit de le transformer en "un épisode d'un tableau de l'histoire italienne". Ce qui l'intéressait particulièrement dans cette nouvelle c'était qu'elle offrait une vision fugitive d'une guerre, qui, bien que victorieuse dans l'ensemble, avait été endeuillée par la terrible défaite de Custozza. Le projet de Visconti était de faire un film qui s'achèverait sur la double défaite de l'Italie, battue à Custozza, et de l'Autriche, qui perd la guerre contre la Prusse. "C'est vers l'aspect historique que j'avais orienté le texte tout d'abord. Je voulais qu'il s'appelle Custozza du nom d'une grande défaite italienne. Ce fut un tollé : la Lux, le Ministère, la censure. On ne voulait plus de Senso . (…) Mon idée était de dresser un tableau d'ensemble de l'histoire italienne sur lequel se détacherait l'aventure personnelle de la comtesse Serpieri, mais celle-ci, au fond, n'était que la représentante d'une certaine classe. Ce qui m'intéressait c'était de raconter l'histoire d'une guerre mal faite, par une classe seule, et qui fut un désastre." Mais la censure, très active à l'époque, a entravé ses projets, surtout que Visconti engageait des moyens énormes, notamment pour les scène de la bataille. Finalement, Visconti parvint à faire le film qu'il souhaitait, mises à part pour les scènes de la bataille de Custozza et de la mort de Franz Malher, qu'il ne put faire aussi grandioses qu'il le souhaitait. Démystifiant le romantisme béat, Luchino Visconti enrobe cette tragédie dérisoire dans une reconstitution historique fastueuse, aux images flamboyantes, qui prend d'emblée l'ampleur et la résonance d'un opéra. Un mélodrame © photo Senso : Tamasa « C'est un film romantique, qui laisse transparaître la vraie veine de l'opéra italien. Ses personnages font des déclarations mélodramatiques. J'y tiens beaucoup. Dans la vie aussi existent des personnes mélodramatiques, comme existent en Sicile des pêcheurs analphabètes... J'ai transporté les sentiments exprimés dans Le Trouvère de Verdi hors de la scène, dans une histoire de guerre et de rébellion. » Visconti ; Leggere Visconti, Giuliana Callegari et Nuccio Lodato ; cité in Viscont ; Actes Sud, Institut Louis Lumière. « La terre tremble est un film postérieur à mes premières expériences théâtrales et je ne peux pas dire qu'il soit influencé par le théâtre. Senso, oui, parce que je l'ai voulu ainsi. Le début du film le montre très clairement. On assiste à la représentation d'un mélodrame sur scène, et ensuite le mélodrame dépasse la scène et déborde dans la vie. L'histoire de Senso est cela : un mélodrame. Voilà pourquoi le film s'ouvre sur la scène au théâtre, même si j'aurais pu commencer de mille autres manières. En effet le scénario primitif commençait de façon très différente, avec l'arrivée des troupes italiennes à vérone... Mais quand j'ai commencé à tourner, j'ai compris qu'il fallait chercher à rendre dans le film tout entier la même atmosphère, celle du mélodrame italien du Trouvère. Oui, ce film a été influencé par mes expériences théâtrales, mais La terre tremble non, et Bellissima sûrement pas. » Visconti ; interview de Jacques Doniol- Valcroze et Jean Domarchi, in Visconti, Actes Sud , Institut Lumière. Le film répond à une structure de mélodrame en 4 actes Acte I /La Fenice / L'exposition Le partisan Ussoni est arrêté pour avoir voulu provoqué un officier autrichien, Franz Malher . Sa cousine, la comtesse Livia Serpieri demande à rencontrer cet officier. Acte II /Venise / La confrontation La comtesse Serpieri tombe amoureuse de Franz Mahler. Son cousin Ussoni, qui réapparaît brutalement, lui confie l'argent des partisans. Acte III /la maison de campagne d'Aldeno / La trahison La comtesse Serpieri donne à son amant, l'argent que lui a confié son cousin. Défaite de l'armée italienne à Custozza Acte IV / Vérone/ La résolution La comtesse Serpieri, trahie par son amant, le dénonce aux autorités autrichiennes. L'officier Mahler est exécuté et Livia erre dans les rues de Vérone en criant le nom de Malher. C'est la situation militaire qui détermine la structure de ce film. Chaque acte s'achève sur une irruption de l'Histoire. L'action, quant à elle, se développe avec des coups de théâtre, qui sont autant de manifestations d'un destin qui échappe aux hommes et qui détermine l'Histoire, comme chez Verdi. Un jeu de miroir Lors d'une interview qu'il a donnée à Paris, en 1956, à l'occasion de la présentation de son film, Visconti s'est expliqué sur son choix d'ouvrir son film par une représentation du Trouvère de Verdi, à la Fenice : « C'est un film romantique : la vera vena de l'opéra italien y paraît. Les personnages tiennent des propos mélodramatiques.... J'y tiens beaucoup. » et d'ajouter: « J'ai fait sauter les sentiments exprimés par le Trouvère de Verdi par dessus la rampe, dans une histoire de guerre et de rébellion. » Visconti se sert de l'opéra de Verdi comme d'une mise en abyme de l'histoire qu'il raconte dans son film. Les amours de la comtesse Serpieri et de l'officier autrichien, Franz Mahler sont frappés du même destin fatal que Leonora et Manrico, les deux héros verdiens. Tout le film de Visconti se construit autour du thème du miroir qui dédouble l'image, déconstruit l'espace et désoriente le spectateur. Quand apparaît, Livia, dans sa loge ; au premier plan, l'image de la chanteuse qui interprète le rôle de Leonora se reflète en arrière plan. Et lorsque l'officier Franz Mahler rejoint Livia dans cette même loge, le reflet de Leonora vient se glisser entre les deux futurs amants comme pour sceller le destin tragique qui les attend. Ce jeu de miroirs entre la scène lyrique et la scène filmique, fait de Livia le double de Leonora. Catherine Clément dans son livre L'Opéra ou la défaite des femmes nous rappelle que la prima donna n'a d'autre sort que de mourir ou de devenir folle. C'est ce qui attend Livia, elle qui refuse de rester enfermée dans le carcan que lui impose son mari, la société qui l'entoure, elle qui cherche une identité qui lui permette d'exister et qui lui est refusée. Mais comme dans tout miroir, l'image s'inverse. Si chez Verdi, Leonora se sacrifie pour son amant Manrico, chez Visconti, Livia dénonce et donc condamne à mort son amant. Nous retrouvons cette figure du double entre les deux personnages masculins, Mahler et Ussoni, le cousin de Livia, qui s'opposent dans un jeu de substitution. Si le second peut être considéré comme un héros, dans la mesure où il lutte contre l'occupant, le premier est un lâche qui se fait réformer avec l'argent qu'il a réussi à soutirer à Livia. Ussoni, un peu à la manière de Fabrice à Waterloo, veut participer à la bataille de Custozza. Immédiatement blessé, il ne peut pas prendre part aux combats. Il incarne alors l'action inutile et d'autant plus inutile que tout l'argent récolté pour la cause nationale, il le remet à Livia qui s'empresse de le donner à Mahler. Ce dernier maîtrise totalement la situation. Il obtient tout de Livia sans jamais rien lui céder. Si Ussoni voudrait devenir un héros et ne le peut pas, Mahler a tout pour réussir et finit par renoncer, préférant se faire réformer et mener une vie dissolue. Quant à Livia, contrairement à son double Leonora, elle est incapable de se sacrifier. Dans ce jeu de miroirs inversés, Senso se démarque de son modèle verdien. Il semble alors que pour Visconti, l'opéra qui appartient à sa culture, et qu'il a tant servi par ses mises en scène, n'est plus à même d'offrir des modèles héroïques dans ce monde nouveau, né de la Deuxième guerre mondiale.