LES GUERAU DE CABRERA, GUIRAUT DE CALANSON, BERTRAND DE PAHIS ET LEURS OEUVRES CHAPITRE l. - GUERAU DE CABRERA

1. ÉTAT DE LA QUESTION

A. LES RDITIONS DU "SIRVENTES-ENSENHAMEN" DE GUERAU DE CABRERA

Un rappel rapide des éditions anciennes nous a été foumi par Ma& de Riquer dans les cummentaires qui préchdent son édition l. L'émdit catalan renvoie a l'ouvrage classique de Pillet-Carstens 2. Assez curieuse- ment, la rubrique consacrée A Guerau de Cabrera ne présente pas les garanties traditionnelles de précisiou qui sont offertes par la biblio- graphie allemande. 11 nous a donc paru préférable de rappeler l'en- semble des éditions antérieures plut6t que d'apporter une série d'addi- tions et de currections. Au xmesihcle, Lacurne de Sainte-Palaye résume les w. 7-8, 10-12, 16-18, 25-29, 34-36 et affirme ensuite:

ii-dessus il enfüe un détail ennuyeux des historiettes et des romans A la mode, qui faisoient sans doute une partie principale de la science des jongieurs. Raynouard publia quelques extraits du Cabra Juglar dans son Choix '. On peut signaler quelques notes au tome 2 tandis que les 21 premiers vers du pokme se lisent au tome 58. Comme on le sait, Galvani, u& sant abondamment Poeuvre de Raynouard, imprima le meme texte en - y ajoutant une traduction en langue itaiienne et de nombreuses notes critiquesT. Ces deux éditions sont donc partielles.

1. M. de Riquer, Les clurnsonr de seate froncoises, Paris, 1957, p. 341. 2. Bibliogmphie der Troubodours, Halle, 1933, p. 215, mbnque 242 a. 3. Histoire littdraire des ttoubadours, Paris, 1774, t. 2, PP. 495-496. 4. Cho& des godsies originales des troubodours, Paris, 1816-1821. 5. Op. cit., t. 2, pp. 289-295. 6. 0p. dt., t. 5, pp. 167-168. 7. O~seninrioni&la poe- d8i troontm. e mlle principali maniere e fonne di em confrontate breuemente. colle entiche itaüam, Modene, 1829, pp. 278-282. La premiere édition complete sera Ióeuvre de Karl Bartschg. Cette édition8 est, par endroit, insuffisante. Ou notera certaines erreurs de lecture et, en outre, i'omission des w. 99-100. Cette publication est tres incommode, car Bartsch utiiisait un systeme de numérotation des vers détestable, On se souvient, en effet, que Bartsch uumérotait ses vers par page (la numérotation étant meme coutiuue lorsqu'on trouvait sur le m6me feuillet la fin dún poeme et le début dún autre). On compreudra donc la particuliere déficience dudit systeme lorsqu'on étudie un texte long de 216 vers. L'édition de Bartsch va servir de base a celle de Manuel Milá y Fontanals 'O. Milá a comblé la lacune, proposé quelques corrections et suggéré un certain nombre d'identiíications et d'interprétations. En outre, Milá a tenté de déterminer la date du poeme en identifiant Pauteur. Cette édition est en net progres sur les précédentes. Enfin, le polygraphe catalan Víctor Balaguer a réimprimé sans changement la note de Milá ll. Mahn, en travailleur aussi infatigable que rapide, a imprimé le sir- uentes-ensenhamen 12. Cette édition n'est pas en progres sur celle de -Mi16 Le travail scientiíique va reprendre ses droits avec i'article d'Adolf Mussafia lS. Cet érudit va collationner le texte de Bartsch (qui, comme celui de Mahn, se fonde sur la copie du manuscrit conservée Paris) avec l'original de la bibliotheque de Modene. Travail parfait. Nous avons été tres surpris de déconvrir une édition des 66 pre- miers vers du Cabra Juglar dans une anthologie, bien oubliée aujour- d'hui, due a SAbbé Bayle 14. La particularité de cette édition est la di- vision en sizains du poeme publié jusque-la en vers suivis. Toutefois, Bayle, philologue dóccasion, a numéroté son texte par groupe de cinq vers. .. Monaci, dans sa classique anthologie, réimprime ?t son tour le sir- ventes-ensenhamen l6 et propose deux nouveiies corrections au texte. La demiere édition de la Chrestomthie de Bartsch" possede éga- lement un fragment du siruentes-ensenhamen (w. 1-78). Le systeme de

9. PP. 88-94, notes p. 326. 10. De 109 tío vado re^ en Espoiia, Bazcelone, 1861, PP. 265-277;cette Bditian a été réimprim&e au deuxiOme tome des Obros completos, Barcelooe, 1889, pp. 269.284. et, récemment, sous la directian de M. de Riquer, Barcelone, 1966, PP. 240-251. 11. Historia polItic<~ y literaria de los trooadores, Madrid, t. 3, 1877.1880, PP. 285-307. 12. Gedichte de? Troubadouts, 1864, t. 3, PP. 212214. 13. In Sitzungsberlchte der Korserlichen Akadernie %u Wien, Phdl. HM. Klasse, t. 55, 1867, pp. 424-426. 14. PoéJies choisies des tr~trbadours,Aix-Leipzig, 1879, PP. 250-255. 15. Testi antichi proveníali, Rome, 1889, col. 3233. 16. Chrestomdhie prooencale, Bd., Marbuxg, 1904, col. 91-92. DES TROUBADOURS OCClTANS ET CATAIiANS DES XIle ET XIIP S&CLES 79 numérotation est toujours aussi défectueux mais les éditions postérieures A la parution des Denkmiiler ont été mises A profit. Une autre édition partielle sera fournie par Vincenzo Crescinis7. Les w. 1-65 et 201-216 seront encore repris dans le Manuale du meme auteur Is. En 1905, date de la seconde édition du Manualetto, paraissait le fascicule que De Bartholomaeis avait consu pour ses éleves et qoi, de nos jours, est devenu absolument introuvable Is. La préseutatiou stro- phique est assez particulihre, car I'éditeur a adopté la présentatiou du verms tripertitus caudatus utilisée parfois par les scribes anglo-nor- mands: deux vers de quatce syllabes sur Ia meme Iigne suivis par le vers de huit syllabes *O. Enfin, Rita Lejeune a réédlté et traduit les dix premiers sizains de ce mentes-ensenhamen en étudiant la structure strophique du poeme 2'.

B. LES TRAVAUX CRITIQUES CONSACRES AU "SIRVENTES. ENSENHAMEN DE GUERAU DE CABRERA

Lorsque, au terme d'un travail te1 que le ndtre, on a lu Pensemble des travaux critiques, on est évidemment autorisé A formuler quelques remarques sur la bibliographie cousultée. D'abord, les notules consacrées I'oeuvre du catalan sont innombrables et, généralement, tres breves, car elles n'envisagent qu'un point tres particulier du Cabra Ensuite, un grand nombre de ces tcavaux n'a plus auiourd'bui qu'une valeur "historique" et la quasi-totalité des autres n'apporte rieu de particulierement iutéressant. Toutefois, il e&t été possible de concevoir une bibliographie exhaus- tive. Nous ne I'avons pas voulu. Toutes les notes étant examinées dans les pages consacrées a un point particulier du texte étudié ou dans i'édition, il nous a paru superñu de déployer A nouveau tout un appareil bibliographique qui ferait double emploi. Les travaux de synthese sur la question sont rares. On ue peut en

17. In Manualetlo provenzale per uso dsgli alunni, Vérone-Padoue, 1905, 2' kd. du livre de 1892, pp. 220 el #v. 18. Edition refondue du Manlroletto sous le titre de Manaole per I'a~~inmentoagU s2udi prouenzali, Milan, 1926, pp. 186 et sv. 19. Imegnarnenti pe'giullori dl Giraut de Cabreira, "Testi romanzi per uso delle ...... ~ninte" Rnme.~-, 1905 nn 3-6...~

en. ..-.Po,,, le-- earn~tA~erarirrime ~.~~ de~ ce~ travail.. on -Deut voir 1. Frank, Pons de la Guardia, in BBABLB, t. 22, 1949, p. 253, note 6. 21. fn Lo $0- de I'ensanlromen ou iongleur du troubndour Guiraut. de Cabrava, in ER, t. 9, 1961, pp. 171.181 (MQlanges L. Nicolav d'Olwer). effet ranger dans cette catégorie que les travaux de Martín de Riquer. Le lecteur découvrira d'ailleurs lui-meme, par la fréquence des cita- tions, les mntributions esseutielies.

11. LE MANUSCRIT -

$ 1. F~AISONSET ir DE L'~EDW CHANSONNIER D. Le sirventes-ensenkawn de Guerau de Cabrera (et lun des dew textes du Fadet JogZur de Guiraut de Calanson A sa suite) est contenu dans un seul manuscrit, connu des provencalistes sous le sigle Da l. 11 s'agit du célebre codex appelé par les anciens érudits manuscrit d'Este ou de Modene. 11 nous a pani bon de nous pencher avec attention sur le support matériel de notre poeme a& d'en tirer toutes indications utiles pour notre recherche. Ce n'est pas un luxe superflu. En effet, les critiques quelque peu familiarisés avec les chansonniers occitans savent que des questions fondamentales comrne la date et la composition de ccs grands recueils manuscrits sont négligées de nos jours. Autrefois, Pétude des chanson- niers fut tres pratiquée par plusieurs générations de spécialistes qui ont consacré A ces recherches des trésors d'ingéniosité et d'émditiou. On peut citer, dans le domaine de I'étude "exteme", les noms de Paul Mey- er, de Camille Chabaneau, de Giulio Bertoni, d'Alfred Jeanroy, et pour Pétude "interne", ceux de Gustav Grober et de Salvatore Santangelo. Malheureusement, ils n'ont guere trouvé de successeurs. Sans guere se tromper, on peut affirmer que des études semblables A ceiies que Frank puis Monfrin out consacréec au ms. C sont suscep- tibles de bouleverser la plupart de nos certitudes. Des monographies précises sur chaque chansonnier provencal devraient etre entreprisqs par des esprits systématiques, dotés d'une formation phiiologique, paléo- graphique et codicologique. 11s étudieraient chaque manuscrit en tant

1. F. 203 du ms. n, R.4.4. de la BibUothAque d'Este A ModEne. La hibliographie ghnérale sur le chansonnier D peut se tire dans quatre ouvrages qui sont fandamentaux en la matihre: A. Jeanroy, Bibliographie sommoirs des chansonniers prooencaux, mrc nwcrifs et kditions, Paris, réhd., 1966, PP. 4-5; A. Pxüet-H. Carstens, Bfbliographie dsr Trmbodours, pp. m-xm; C. Bmnel, BiblGogrophfe des manuacrits littkrniies sn ancien provencol, Paris, 1935, PP. 91-92, no 314; A. S. Avdle, Lo letterofura medieuh in lingua d'oc nella m tvodizione mnoscratn, Turin, 1961, pp. 63-64. 2. Jacques Manirin, Notes sur ú chansonnier prooericol C. in Recueil de trovaur offert d M. Clouis Brunel, Pwis, 1955, t. 2, PP. 299 et m. que te1 sans envisager, au départ, leur étude sous Pangle particuiier de Pédition critique de texte. A la suite de grands anciens, comme Grober ou Santangelo ', Arco Silvio Avaiie a consacré une monographie de qualité A la tradition ma- nuscnte occitane s. Cette étude, qui tend presque exclusivement A éta- blir un stemma général des chansonniers, est une oeuvre magistrale qui pounait faire croire que le domaine est totalement connn. La réalité . est malheureusemeut tout autre: un Iecteur attentif de i'ouvrage d'Avalie constatera sans peine que Pérudit italien est embarrassé par le carac- tere fragmentaire des travaux d'approche sur lesqueis reposent ses concIusions.

Heureusement pour nous, le ms. D a été étudié par quelques-uns des plus grands maitres de notre discipline. L'examen scientiBque du manuscrit est inauguré par un des plus síirs parmi les érudits de la premiAre génération, Adolf Mussafia. On doit au maitre viennois une exceliente monographie qui passe, A juste titre, pour un modele de précision? 11 s'agit d'une description, ac- compagnée d'une table, du manuscrit. Paul Meyer lui a consacré un long et minutieux compte rendu ?. Le chansonnier de ModAne est devenu ensuite le "domaine rárervé" de Giuiio Bertoni qui fut le meilieur connaisseur des codices proven- Saux conservés en Italie. Bertoni consacra une longue série de travaux A ce manuscrit 8, Nous noterons, chemin faisaut, les autres études con- sacrées au manuscnt de Modbne.

3. 6. Grober, Die Lieder8ammlungen der Troubndmirs, in Romnische Studien, t. 2, 1877, pp. 337-670. 4. S. Saotangelo, Dante e i trovuton' pmuenzoli, Catane, 1959, 2* éd. 5. A. S. Avalle, La idterduro mdimole in lingira d'oc nsllo w hndizione m- noscritta, Turin, 1961, comptes rendus de Maria Corti. in GSLI, t. 139, 1962, pp. 578- 575; L. Polimann, in Ernsmus, t. 15, 1963, PP. 538-540; M. D., in RCCM, t. 5, 1963. PP. 204-206; U. Mulk, in ZRP, t. 80, 1964, pp. 175-181; Y. LefAwe, in RP, t. 19, 1965. PP. 107-111; M. Boni, in Studi Francesi, t. 1, 1963, PP. 102-105. 6. A. Mussefia, Del codice Estense di lime provenzoli, Vicnne, 1867, tirage Q part de Sitsun~sbericfitede? I

9. G. Bertoni, + AM, t. 19, 1907, PP. 238-243, et AR, t. 1, 1917, PP. 313-317. 10. In AM, t. 19, 1907, p. 242, note 1. 11. Voir, sur mite question, G. Bertoni, in SR, t. 1, pp. 1 et sv. De Nolbse, Lo bibliothdque da FUE& Orsini, Paris, 1887, p. 315, svait dAj& gtabli, avec Paide de Paul Meyer, que les annotations ktaieot de la main de Bembo. Santorre Debenedetti, Tpe sol

Je vous ay annoucé A ce docte Modenois (Muratori), qui me marque dans sa dernidre lettre un vray désir de vous voir et qui vous eommuniquera un manuscnt des troiibadours de i'an 125414. Saínte-Palaye, voyageant en Italie avec Des Brosses Guiri 1739-aout 1740), voulut voir Muratori qui était le gardien de D. On lira dans les Souvenirs de Des Brosses l'anecdote plaisante suivant laquelle Saiute- Palaye, ne trouvant pas Muratori a Modbne, calma ses ardeurs avec Mlie Grognet,

premiere sautiiieuse du duché de Modene's.

Revenu aux choses de l'esprit, Sainte-Palaye consulta toutefois le ms. D et en fit faire une copie. Le ms. D resta A Modkne, hormis un court passage a Vienne de 1859 a 1868, époque a laquelle Mussafia l'étudia. 11 prit ensuite le chemin du retour et est actuellement conservé a la bibliotheque &Este. En conclusion, il semble que le ms. D a toujours été conservé en Italie du Nord, si Son excepte un rapide séjotir a Vienne.

1. Composition du chansonnier.

Le chansonnier D est, en fait, un recueil factice composé de diver- ses parties reliées a date ancienne. La meilleure description du manuscrit reste l'oeuvre de Giulio Ber- toni le. On y joindra des renseignements provenant des travaux de Mus- safia et de Meyer. On notera d'abord que le manuscrit se divise naturellement en de- parties en raison du matériau utilisé: parchemin et papier. Les provencalistes, A la suite de Bartsch, ont donné le sigle D A la section sur parchemin et d a celie sur papier '". Cette demibre ne nous intéresse pas ici 18.

14. Zbid., p. 189. 15. Zbid., p. 205. 16. In AR, t. 1, 1917, PP. 307-313. 17. K. Bartsch, Gnindrds zur Gescltichte der prooenznlischen Literatur, Elberfeld, 1872, p. 25. On sait que Paul Meyer, in BEC, t. 30, p. 255, note 1, a proposé un auke systerne de sigles qui n'eut aucun snccks. Meyer désignait le manuscnt de Madene par la leme U. 18. Manuscrit sur papiri du xvi' siecle, simple copie partielle de K ou d'tm ma- nuscrit tds voisio. Ce manuscrit est g6nkralement kliminé dans les editions savantes. La sectien sur parchemin est elle-meme partagée en plusieurs frag- ments: - D = Premiere série de poésies provencales (ff. 1-El), no 1-526, soit 526 poemes appartenant 93 troubadours. - D = Dedeme série de poésies provencales (ff. 153-211), no 527-777, soit 251 poemes. -Les ff. 211-212, blancs sl I'origine, ont été rempiis par une main du- xw sidcle qui a transcrit un fragment poétique frangais 19. -Les ff. 213-216 sont occupés par le Thezaur de Peire de Corbianm. -Les ff. 218-230 forment le chansonnier frangais H - Db = Chansonnier de Peire Cardenal (ff. 232-243) -DE = Floddge de Ferrari da Ferrara (ff. 243-260)

2. Examen paléographique et date. Les ff. 1-230 forment un tout auquel furent ajoutés par aprks Db et Dc (ff. 232-260). L'index (en tete du volume), les ff. 1-91 et 153-230 sont de la meme main ", les ff. 92-151 d'unc autre. Les scribes se sont partagé le travail: le scribe a copia la premiere moitié de D et l'intégralité de Da, le Thezaur et les chansons francaises; le scribe b la seconde moitié de D. 11 n'y a la rien d'étonnant pour qui connaft les habitudes des swiptoria. Les ff, 1-230 wnstitnent le codex original et ancien de D, et les ff. 232-269 deux additions tardives sur parchemin. La division entre la partie ancienne et la partie plus récente est marquée par un feuillet blanc de transition (f. 231). Nos pokmes étant copiés dans I)a, seule la premiere partie du codex

19. Ed. par C. Bertoni, in GSLI, t. 43, 1904, PP. 81 et sv. 20. Ed. par A. Jeanroy et G. Bertoni, Le Thszaur de Peire da Corbion, in AM, t. 23, 1911. PP. 289-358, et pp. 451-471. 21. Chansonnier H de Raynaud-Spanke, Bibiiographie, Leiden, 1955, p. 2. Ce chansonnier a été bien étudié par Holger Petersen Dyggve, Mona $Arras et Moniot de Paris, Helsinki, 1938, PP. 126 et sv. 22. il existe une copie de Db due Bertoni et donnée par ce deroier P Renú La- vaud (déposée aujourd'hui B la biblioth&que de I'Institut d'études rnéndionales de la Faculté des Lerires de Toulouse). 23. Publié diplomatiquement par H. Teulik et C. Rossi, in AM, t. 13, 1901, pp. 60-73, 199-215,371-388, et t. 14, 1902, pp. 197-205,523-538. On "erra le long compte rendu de 6. Bertoni. in GSLZ, t. 42, 1903, PP. 378-393. Sur le personnage, on vena les articles de G. Beitoni cités plus haut et BoutiOre-Scbntz, Biogíaphiea des trou- bodours. Paris, 1964, 2' &d., PP. 581-583. 24. On pourra comparer lidentité de main en regardant le f. 22 vo dans le livrs #Avalte, La hadizions mnnoscrino, fig. 3, enhe pp. 64-65, les E. 203 et sv., et les E. 218.230 dans 1'éd. G. Bertoni, in AR, t. 1, 1917, PP. 320-347. Avalle, op. cit., p. 63, a mal lu Bertoni qni n'&me nufle part QW le ms. D se limite sux ff. 1-91. va retenir ici notre attention. La composition est Iwueuse, deux co- lonnes, avec des letttes ornées de couleur 26. L'écriture des deux scribes trahit une origine italienne des m- XIP siecles et, plus précisément, une provenance vénitienne. Cette loca- lisation est conkEe par I'origine des premiers propriétaires connus qui sont issus de la région vénitienne au sens large. Le ms. D (y compris Da, le Thezaur et le chansonnier francais) peut &e daté: ii est d'ailleurs le seul rccueil provencal dans ce cas. Les ff. 1-230 sont précédés d'un index et d'une note de copiste:

A In ihl xpi nomiue Anno eiusde Natiuitaaf miiiesimo ducentefi mo quinquageho quarto Indic tione duodecima die Merninj duodecimo Intrante Augusto.

En tete de i'index de Da, ou peut lire une autre mention explicite:

Hec sunt inceptiones ~antionumde Ebro gui fuit Domini Alberici, et nomina repertonim emdemcantionum. On retiendra deux choses: le modele de D et Da ou D et I)a eux- m&mes sont antérieurs ci 1254; Da est extrait de libro qui fuit &?nini Albetici. Qui est donc ce dolninus Alberints? Depuis longtemps, on Pa identifié avec Alberico da Romano, frere dEzzeho de Padoue ZB. Ce personnage est bien connu comme troubadour et comme proteo teur de poetes. 11 est I'auteur d'un fragment de chanson et le partenaire d'Ue de Saint-Circ dans une tenson2'. Alberico da Romano, cité par ailleurs dans la biographie de Sordel 28, est mort en 1260. Quoiqu'il en soit donc, le liber domini Alberici est antérieur ii 1260, date de la mort de son propriétaire. La date de 1254 est-eiie eelle de la composition de D seul ou celle de toute la premiere partie (ff. 1-230, soit D, Da, Thezaur et chanson-

25. Bertoni, in AR, t. 1, 1917, p. 308: "il codice estense rende legitima, col suo aspe estedore, la supposizione che sia siato preparato pez qualche signore o riceo amatore o soche oer una corte che si diietasse dedi- sccenti e dei suoni della tioesia di Provenza". ' 26. Identification de G. Bertoni. 1 troootori d'ítalkz. Modhne. 1915. D. 68 írkédition anastatique); admis par A. ~eanroy; Poksie 2yriqus. t:l, p. 249, et-Avalle, op. cit., PP. 102103. 27. Sur cette quetion, on vena A. Jesnroy et J. J. Salverda de Grave, Poksies de Uc & SaintCirc, Paris-Toulouse, 1913, PP. 112 et sv.; V. Crescini, Ugo di SaintCfro a Treubo, in SM, N. S., t. 2, 1929, PP. 41 et sv.; V. De Bartholomaeis, Possie pro- oe-13 Btorichs, Rome, 1931. t. 2, pp. 68-75; M. Booi, Sordello, Bdogne, 1954, pp. XLI-XLn. 28. BoutiBreSchutz, kd., 1964. PP. 562-565. 86 FRAN$OIS PIROT. - RECHERCHES SUR LES CONNAISSANCES LI~TÉRAIREs nier fransais H)? Le copiste auquel on doit les ff. 1-91 et 153-230 a-t-il simplement transcrit une rubrique qui se trouvait dans le manuscrit qu'il copiait? 11 est impossible de répondre avec toute certitude. Par wntre, una partie des ff. 1-230, due au meme scribe, ne peut avoir été mpiée avant 1248, date d'une des chansons de la partie fran~aise, comme Pa bien vu Holger Petersen Dyggve: ..' A en croire Sindication se trouvant en tete de Pindex du manuscrit H (sigle du chanson~erfrancais incius dans D), lequel se rapporte seutement aux fol. 1-230, c'est-&-dire A la partie qui comprend entre autres toute la série 8 des chansons franpkes qui nous intéresse ici, celles-ci, avec I? pieces pro- vencales qui les précedeut, auraient été transcrites en 1254. Mais, dit M. Ber- toni (o. c., p. 311), cette date iudiquée peut aussi bien n'apparienir qu'au ~ modele du copiste de notre manuscrit qui Saura copiée avec le reste, peut- &e vers la fin du xm' siecle. Ce qui est certain, c'est que M. Spanke a tori de dater (Balehzlngen zwischen romnnischír und mitteüuteinischeí Lydk, p. 27) le manuscrit H d'une époque avant 1230: on n'a qn'k observes que la chanson portant dans le manuscrit le numéro XVII (R. 1835: Molt lieement diruf mon serventois) se réfere B des événements histosiques ayant en üeu en 1242, et que la piece précédente, le numéro XVI (R. 1729: Un seroemt2s phde déduit, de ioie), a été écrite en 124829.

De toute manihre, le manuscrit ne peut pas &re tres postérieur & 1254, car Sécrihtre est d'une main italienne du m. En outre, il n'est pas dans I'hahitude des scribes professionnel~~~de copier des men- tions de date contenues dans un manuscrit qu'ils copiaient. Si cela avait été le cas, il nous para$ vraisemblable que le scribe e&t ajouté une autre mention pour indiquer la date de copie.

Dans son compte rendu de la publication de Mussafta, Paul Meyer, toujours perspicace, a bien discemé comment a été composé le ms. D:

On a vu que la parüe la plus ancienne du ms. (done D), celle qui est datée de 1254, se divise en deun sections. M. M. a justement remarqué la relation qui existe entre elles. L'ordre des auteurs est le meme de part et d'autre et les deux séries se complBtent mutuellement. 11 est évident que 1s copiste, ayant eu commnnication de deux recueiis diffbrents, a d'abord copié Sun puis a pris dans le second ce qui manquait au premier afin d'en former un snpplément, et pour qu'il fOt plus facile de recourir de Suue & Pautre sec- tiou, il a disposé la seconde dans l'ordre de la premiere. Ce scrihe a meme pris le soin de désigner d'une facon trhs explicite le recueif au moyen du- que1 ii a fait son supplément. Au début de la table de la section 11, il a

29. H. Petersen Dyggve, op. cit., p. 126, no 2. 30. Ls facture da maousorit oblige B penser que nous avonp &aire B des scribes professionnels. édt: Hec sunt inceptfones candionum de libro qui fui: Domini Alberici, et nomhta repertorum earumdem cantionum 31. Ce qu'avance Paul Meyer n'est pas entierement exact. En effet, au teime de longues analyses qu'il n'est pas possible de publier icisz, on constate que Da ne suit i'ordre adopté par D que dans la premiere par- tie. En effet, seuls les ff. 153-185 de Da (no 527-663 de Mussafia) suivent lerdre des ff. 1-127 de D (no 1-433 du meme Mussafia) 33. Les bsde D (ff. 130-151) 34 et de Da (ff. 185-212) sont constituées de quelques (parfois une seule) chansons par troubadours qui paraissent elies-memes des compléments A D puis Da. Les premieres parties de D et de D8 donnent un grand nombre de chansons par .troubadour --e qui n'est pas le cas dans la seconde partie. Depuis longtemps, les critiques (Grober, MussaEa, Meyer) ont affir- mé que D. préseute une tradition indépendante dont les sonrces sont incon&es. Cette assertion para$ assurée. Ponr Dn, Paul Meyer était arrivé, des 1867, a certains résultats que la critique a totalement ignorés depuisa5:

Quant & la seconde section, cene qui est dérivée du ms. d'Alherico (donc Da), je lui attribue une double origine. Pour ma part eUe est tirée d'un recueü incounu, et pour une autre, la ~lusconsidérable, eUe so rattache & la catégorie oii se trouvent déj& les mss. fr. 854 (C) et 12.473 (K). 11 y a en effet, dans un grand nombre de ces cas, un parfait accord entre ces deux mss. et la section 11 du ms. $Este pour I'attribution des pieces, pour l'o1dre dans leqnel elles sont raogées sous chaque nom, enfio, pour les lewns. Cela rksulte d'une comparaisou complete dans le détail de IaqueUe je ne puis entrer ici. Je me bomerai A donuer la liste des pieces que le recueil $Al- berico (reprksenté par l'extrait que nous en a conservé la section 11 du ms. d%ste), me parait avoir prises ailleurs que dans la classe 854-12.473. Voici ces pieces; je les désigne par les chiffies de M. Mussafia: 548, 567, 568, 581, 595, 600,610, 615, 633, 646, 647, 652, 653, 657-660. 675-677, 681, 690, 700-708, 711, 712-716, 718720, 728, 729, 733, 735-738, 741, 742, 744- 746, 748, 749, 751-753, 755-77630. Sans refaire ici un travail qui consisterait a examiner dans quels chansonniers se trouvent tous les poemes inclus dans Da, il nous a

31. P. Meyer, in RC, t. 4, 1867, p. 93. Les pages consacr6es par Grober dass ses Liedsrsommlungen ne sont d'aucune utilite pour notre recherche (pp. 462-463). 32. Que J'espdre bien publier quelque jour. 33. Troubadours doot les oeuvres contenues dans D ne trouvent pas de compl6- ment dans Da: Arnaut de Mnreuil, Uc Bmnenc, Arnaut Daniel, Ricbard de Tarascon, Pistoleta, Guillem de Bearn, Jordan Bonel, Aimeric de Sarlat, le comtesse de Die, Blacatz, 1s roi d'iiragon, Peire Raimon, Jaufre Budel, Miraval, Guiihem de Capestaing, Giraud le Roux, Jourdnin de 1'Isle. 34. Les ff. 127-130 sont occupés par le ohansonnier, tres bien représentk, de Guü- hem de Berpuedan. 35. On relbvera une fois de plus combien des efforts intbressants inclus dans des comptes rendus hchsppent souveot B la critique, surtaut dsnr les revues anciennes et non spécialls8es comme la Remts Crifiqus. 36. P. Meyer, in RC, t. 4, 1867, p. 93. paru bon d'examiner en détail la liste donnée par Meyer des poemes non communs & D' et IK. On remarquera des i'abord que la majorité des poemes de Dn non contenus dans IK se trouvent la 6n de Da (ff. 185-212, no 663 et sv. de Mussda) "'. Tout particuli&rement par- tir du no 700 de Mussafia (f. 193) et jusqu'a la 6n de Da, on peut dire que le ms. Dmn'a plus que des rapports accidentels avec IK (voir ta- bleau aux pp. 89-90, note 38). Nous avons cm bon d'étudier les poemes qui ne se trouvent pas dans iK pour essayer de déterminer les autres sources de Da. Cette enquete se fondera sur la table de Mussafia, a laquelle sera jointe le nnméro d'ordre dans le manuel de Pillet-Carstens. On notera ensuite le ou les manuserits reprenant le poeme

37. Il est bien difficiie, dans I'htat da notre connaissance de Da, de savok 06 U commence. 11 poma% aussi bien commeocer vers 657 ou 646. Nous y reviendrons. 38. no de Mussafla m de P.-C. manuscrita et obsemations 548 29, 11 D. = Giraut de Borneü. A = Amaut Daniel. Fin du ehansannier consacl.6 A Gui- raut de Borneü. 567 364, 21 C,D',H,M,Q,R,S,e. 568 70, 3 C, M, R, S, a, h" = Bernard de Ven- tadour. H-D. = Peire Vidal. Fin du chansonnier consacr6 A Bemard de Ventadour. 58 1 173, 12 H, 1, K, d= Gau~beade Poicibot. Ds= Moine de Montaudon. G = Anonyme. Fin du chmsonnier consacr6 au Moine de Montaudon. 595 366, 27 a Da, G, R, S = Peirol. Folquet de Marseiile =A, Ab. D, E, M, O, T, a. Folquet de Romans: C, c. Anonyme = f. Cbanson. Fin de rubrique conracrúe A

600 10. 22 Erreur de Mever: se trouve daos M. 610 35, 12 D., M, R = Peire Rahon de Twlouse. M, d = Uc da la Baealaria. 615 457, 22 Erreur de Meyer: se trouve dans IK. 633 217. 7 C, Da, R, a' = Guilhem Figuiera. M = Gui Figera. Ademar lo ~egre=T. Cadenet = f. Anonyme = O. Fin du fhansonnier ronsacre A Gdem Figuiera. Chanson de croisnde. 281, 3 D. 702, S = Lambrti de Buvarel. --+ DES TROUBADIJURS OCCrPANS ET CATALANS DES XlF 6i XLIle s~CLES Quelles sont les mnclusions de cette breve étude? Da est divisé en trois parües: 1) Da, proprement dit, mmplément de D, est apparenté IK, comme favait constaté Meyer. D" est apparenté A L.non seulement

no de Mussafia no de P.-C. manuscrits et ohservations Da 646,G, a' = Raimbaut da Vaqueiras. Deux fois dans D.: no 646 et 702. 647 392, 17 En DL, déhut strophe 2, G, a', C, E. Fin du chansomier, aveo le podrne nréeédent. de Rahhaut de Vasuei- ras. 389, 10 a D., E, P. R. Fin du chansonnier can- sacré B Raünbaut d'orange. 370, 2 A, D', H. 375, 8 A, C, D., L, R. Anonyme = G. 375. 25 D., s. 375, 2 C, Da, L, R. 375, 5 C, Da, R. Anonyme = O. Tout le ehansonnier de Ponr de Cap doiil. 236, 1 Da. 236, 10 Da. 236. 3 Da. Troir padmes la fin du chansoania. de Guilbern de 1s. Tor. 681 293, 23 D. et z. 690 9, 19 " E = Aimerie de Belenoi. D. (Wiilerns e n'herics). Seul padme. 700 142, 2 A, Da. Seul padme sous cette mbrique. D.. DL.S, G, Q. a'. D. 646 (Raimhaut de Vaqueiras). D.. D.. A, C, Da. Anonyme = N. A. D.. P = snanyme. C, D. 607, 1, K, M, T. e B Peire Rai- mon de Toulouse. Lamherti de Buvael: D. 707. C. D, Dc, 1, K, c. a! B Peire Rairnon de TouIouse. Lamberti de Buvarel =D.. Peirol =N. D.. Anonyrne = f. A, C, D., R. E = Folquet de Rornans. Anooyme = L. -.D.. D.. D., Dc, T (anonyme). n-. C, Da,E, N. D', a' (Berban de Bom). Anonyme = H. D.. en ce qui concerne I'attribution des pokmes mais également pour I'ordre dans lequel ceux-ci sont rangés sous chaque nom. 2) Dans son travail de complément, Yauteur de DI1 utilise un autre manuscnt que celui apparenté a IK. On sait maintenant que les pieces de Da provenant de ce dernicr manuscrit sont gknéralernent placées la fin de la mbnque consacrée a te1 ou te1 troubadour. 11 en va &si pour Ies no 548, 567, 581, 595, 615a8, 633, 646-647, 652, tout le chansonnier de Pons de Chapteuil (657, 658, 659, 660), 675-676, 677, 690, 700 40, tout le chansonnier de Lamberti de Buvarel (701, 702, 703, 704, 705, 706, 707, 708), 711 et tous les poemes qui suivent (de 712 h 720, sauf 717).

728 C, D', R. 729 D'. 733 C, D., R, a'. 735 Da, Gario D. 736 D et DD. 737 n* 738 nos f 741 243, 7a D' et R. 142, 3 A, C, Da, G, N, Q, S. 192, 4 A, anonyme = D",N. 209, 2 A, D'. Anonyme =N. 352, 1 A, C, D", R. 95, 2 D., H. 343. 1 A. na. A' Guillem de la Tar), D' (Palais). D". Anonyme = Q. D (Gaucelm Fejdit), D9 E, G, L, Q. Da, G, Q, S. D', N. Da. Anonyme = N. B. Anonymc =N. Da, z. A,C,DL,I,K,R,al,d,z. D. C,.D~,G, H. Dq H. D', a'. C, D", E, G, R Ds,1, K, a'.

770 136, 1 a D.. 771 97, 3 Da, G, H. 772 457, 5 De. 773 167, 13 D' = anonyme. H. 773" 136, 3 B = anonyme. H. 774 392, 31 Da, H. 775 129, 2 P. 39. On doit éhiner de la liste proposbe par Meyer les no 600, 615 de Mussafis, en outre 610 se h.ouve dans iX sous le nom d'un auhe troubadour. 40. Seul pohme sous oette mhrique, ce qui revient au mame. 3) Les no 725 & 775 forment un groupe particulier en raison de la nature des pieices qui, d'ailleurs, ne se trouvent pratiquement pas dans IK. Comme on voit, on est obligé de constater que Da se compose en fait de trois parties:

Da: no 527-663 de Mussafia (ff. 153-185) o& l'auteur de Da suit fidhle- ment i'ordre de D. Del4': no 663-720 de Mussaña (ff. 185-198). L'auteur de Da ne suit plus l'ordre de D. La source principale reste le chansonnier appa- renté & IK des no 663 & 699. La source des no 700 & 720, o& est ras- semblé un grand nombre dúnica, parait bien difficile & déterminer. P2:no 721 & 775 (ff. 198-212) paralt surtout formé de tensons et de pieces de genres tres particuliers.

Nous sommes ainsi parvenu ?t compléter les observations de Paul Meyer qui permettent dlmaginer le travail de l'auteur de Da. 11 dis- posait d'un manuscrit de la famille de IK42 et d'un minimum de trois autres manuscrits. 11 disposait évidemment de D dont il suit scmpuleu- sement l'ordre jusqu'au no 663. 11 utilisait également un autre manus- crit & l'aide duque1 il a ajouté un ou plusieurs poemes en fin du chan- sonnier consacré & un certain nombre de troubadours. Comme ce pro- cédé est constant, on ne peut avoir de donte & ce sujet. Del est formé vraisemblablement par la suite du manuscrit déj& utilisé come com- plément de celui apparenté & IK et, ensuite, d'autres sources. DB2est la copie d'une collection de tensons, de coblas et de pibces particu- iieres.

11 nous reste maintenant A étudier Da2oU se trouvent nos poemes 44. Que peut-on conclure du tableau donné en note pour la compo- sition de De2?

41. Nous .proposoas . la critique de sirrler les parties internes de Da avec des ex- POIBntS. 42. Mais qui n'est pas IK comrne Ya bien vu Meyer, att. cü., p. 94. 43. Je remets h d'autres jaurs i'étude des sources de ce manuscrit, qui n'wrait pas sa place M. 44. no de no de Mussafia P.-C. genre iittéraúe manusoriis -. .- 721 323, 11 satire littéraire A,C,DC,I,K,N9R,s. 722 242, 22 tenson Da, 1, K, Q. 723 305, 10 enueg C, Da,1, K, R. 724 194, 18 tenson Da,1, K, R. a'. --e 1) Genre littdraire: Une immense majorité de tensons (21), de sir- ventes-tensons (8) (échanges de &entes), coblas ou échanges de co- blas (15), un enueg, une satire littéraire, un descort, un planh, un mo- nologue dramatique (Raimon d'Avinho) et les pokmes de Guiraut de Calanson et Guerau de Cabrera. Comme on le remarque, le compilateur de Da a retenu nos podmes dans une collection de pihces particuükres parmi lesqueües domine

tenson C, D', E, 1, K. tensan C, D., m, G, 1, K, M, N, Q. a'. tenson Da,D+E,G,I,K,R,a'. sirventes C, D., R. échange de eoblar chsnson (vers) tenson tenson descaa tenson kchange de coblas shentespastoureUe deux coblas cobla planh A,C,D.,H,I,K,R. monologue C, D., 1, K, R. D.. nos po&mes tenson tenehson sirventes-tenson sirventea-tenson tenson coblas sirventestensan sirvente8 guerrier aveo refrain D., 1, K. sirventes-tenson A, D.. sirventes A, D.. cabla D" Q. tenson Da, E, G, 1, K, Q. te490n D, D., E, 6%h Q. tenson D., G, Q, S. sirventes-tenron paro- dique D", N. sirventes-tenson D., N. shentes-tenson D., N. tenson D., 2. simentes A,C,D.,f,K,R,al,d,z. Bchange de coblas Da. kchange de coblar C, D., G, H. écbange de coblas D', H. teason D*, a'. tenson C, D., E, G, R. teason D., 1, K, al. teason A,C,D.D*.E,G,I,K,O,Q.al.-f i'éiément dialogué alternatif. En effet, on n'est pas trop étomé que le compilateur ait choisi de placer nos poemes parmi des tensons ou des échanges de coblos puisque le premier vers indique un élément de dialogue. Ensuite, on trouve dans cette collection un grand nombre de sirventes-tensons (échanges de simentes par dew troubadours sur un meme sujet). Or, on sait que nos poemes doivent etre rapprochés du genre du sirventes. 11 est encore plus significatif de constater que le compilateur de Da a piacé le monologue dramatique de Raimon d'Avinho immédiatement avant les sirventes A Cabra et A F&. Ceci conhenos propres conclusions sur les rapports existant entre le poeme de Raimon d'Avinho et nos poemes 46. 2) Quelles sont les sources de Daz? 1. On notera que les no 721 A 732, placés en tete de Da%,sont des pieces fort connues qui se trouvent (sauf 728-729) dans IK. Le com- pilateur de DnZa-t-il encore utilisé le systeme employé pour compo- ser la premiere partie de Da? A-t-il encore complété D au départ d'un manuscrit voisin de IK? Une dtude approfondie permettca sans doute d'y répondre. 2. Apres le no 733, on trouve des poemes tres bien représentés dans la tradition manuscnte (no 734, 739, 743, 744, 747, 754, 781, 788) mé- langés avec des poemes fort peu connus. 3. Pour les po&mcs qui sout tres représentés dans la traditiou manus- crite, on notera d'abord que les mss. IK sont touiours présents (721, 722, 723, 724, 725, 726, 727, 730, 731, 732, 734). On notera aussi le groupement fréquent CDBIKR (721, 723, 730, 739, 740, 743, 747, 761). 4. Parmi les poemes tr8s peu représentés dans la tradition manuscrite, on peut noter plusieurs groupemeuts: CDeR = 728. CDaR f un autre manuscrit = 733, 748. DaN 'N 757, 758, 759. DaH = 749, 784, 773, 773*, 774. no de n* de -Mnsafia --P.G. geiire Iittéraire manuscrüs 769 129, 3 tenson D.. 770 136. 1 a tenson D.. 771 97, 3 écbange de coblas parodiques D', G, H. 772 457. 5 ooblas D.. /773 167, 13 cabla Da, H. / 773' 136, 3 cobla D.. H. 774 392, 31 cobla D., H. 775 129, 2 éohnnge de coblas D.. 45. On vema le chapitre 11 de I'Introduction, prineipalement les pp. 58-61. . 94 FRANf&JIS PIROT. -RECHJSRCHJSS SUR LES CONNAISSANCES L~~TÉRA;LREs DBH+ un autre manuscrit = 771. On pourrait en conclure que des petites séries de pokmes ont été ajoutées A la suite (venant d'apports divers apparentés N et H). 5. Unica: 729, 737, 738, 741, 769, 770, 772, 775.

En conclusion, nous croyons que DnZ provient de sources tres wm- posites 46: 1) En tete de Dn2, des poemes t&s connus, représentés pour leur quasi-totalité dans IK. 2) Ensuite, un mélange de pokmes bien représentés dans la tradi- tion manuscrite (oh dominent C, De, IK, R), de petits groupements (CDaR, DBN, DH) et un certain nombre d'zcnica. 3) 11 n'est d'aiileurs pas étonnant que Da2 ait des liens avec les mss. C, D, H puisque ceux-ci possedent des collections particulikres de tmom et de partimens.

1) Le manuscrit de la bibliothkque d'Este est composé de diverses parties dont la partie ancienne (Df Da + le Tl2ezaur f le chanson- nier francais) a ét6 transcrite en 1254 par deux scribes italiens de la région de Venise. Le manuscrit n'a jamais quitté la région septentrio- nale de SItalie jusqu'a Sépoque moderne. 2) Aux divisions traditionnelles adoptées par la critique, nous croyons avoir ajouté de nouveiles sections internes a Da et apporté ainsi - des précisions quant A sa composition. 3) Da est composé de trois parties: Da =no 527-663. Complément au chansonnier D, disposé dans Sordre de ce chansonnier, tiré d'un manuscrit qui appartint Alberico da Romano et qui est apparenté la famille de IK. Le compi- lateur de Da dispose d'un autre manuscnt dont il place les ap- ports particuliers en 6n de la rubrique consacrée a certains trou- badours. Da' =no 663-720. L'auteur de D8 ne suit plus Yordre de D. La source des no 663-699 parait etre le mauuscrit apparenté a IK; la source des no 700-720, o& Son rencontre un grand nombre d'unica, pa- rait impossible A déterminer. Da2 = no 721 & 775 est camposé d'une série de tensons et de siroentes- tmom issue du manuscrit d'Alberic qui devait sans doute con-

46. Je ne vois rien dans ces canclusioizs qui soit contraire au stemmo général des chansonnie18 provencaiu te1 quil est determin4 par A. S. Avalle, GP. cit., p. 100. DES TROUBADOUXS OCCITANS ET CdiTALANS DES X@ ET XI& S&CLES 95 tenir une collection de tensons. Les sources de cette collection de tensons paraissent tres uombrenses. On observe une certaine fré- quence de rencontres avec le groupe CIKR et les mss. CR, H, N. Toutefois, il est bien difficile d'établir une quelconque filiation car les manuscnts en question possbdent une collection de ten- sons avec lesquelles les contacts devaient nécessairement 4tre nombreux.

4) Les pobmes de Guerau de Cabrera et de Guiraut de Calanson ont été inclus dans Da2, car le compilateur a été sans doute frappé par les incipits (Cabra juglar, Fadet juglar) qui font penser i des tmom ou des sirventes-temow. Da2 compte également un certain nombre de poemes parodiques, satiriques et "joyew" (le poeme de Raimon d'A- vinho placé immédiatement devant nos dew pobmes, tout particulib- rement).

Le compüateur de Da2 est un homme intelligent et bon connaisseur de la poésie provencale. 11 a voulu grouper des poemes dialogués (ten- sons et sirventes-tensons) et des oeuvres curieuses, un peu en marge de la tradition courtoise traditionnelle. L'amateur éclairé pour qui a été composée la partie ancienne du chansonnier de Modene semble avoir fait entreprendre un véritable travail anthologique au départ du ms. D, déji tres particdier. Les additions successives faites i l'aide du livre dillberic, chansonnier com- posé lui-meme d'un manuscrit proche de IK, d'une autre source (addi- tion ti Da et la seconde partie de Da') et d'une colIection de tensons (Da2),montrent que celui qui s'est chargé du travail a soigneusement sélectionné les chansonniers et les oeuvres i transcrire.. . On n'est donc pas étonné de trouver inclus dans DaZ dew poemes remplis d'une cul- ture encyclopédique marquée au coin de la jactantia. Les goiits de Pamateur pour qui a été composée la partie ancienne du chansonnier de Modhue sont nettement affirmés par la copie du Thezaur de Peire de Corbian. En conclusion déíinitive, la partie ancienne du chansonnier de Mo- dbne trahit l'action dklibérée et inteliigente d'un amateur de la poésie d'oc en Italie septentrionale au milieu du XIIP sible. On disceme claire- ment une volonté de composer un recueil aussi complet et aussi parti- cnlier que possible. Le gout de l'arnateur des choses originales (qui est caractéristique, comme nous le verrons, du compüateur de R) a sauvé de la disparition un grand nombre de pibces que les autres wm- pilateurs ont écartées parce qu'eiies n'étaient pas conformes A leur conception de la poésie d'oc. 111. LA METRIQUE

On sait que les poemes de Guerau de Cabrera et Guiraut de Ca- lansou ont été rédigés suivant un metre identique, Guiraut de Calanson aeirmant explicitement qu'il imite son prédécesseur. La versscation de ces pokmes n'a jamais été étudiée en profondeur puisque le seul critique qui sy soit intéressé, Wilhelm Keller, n'a wnsacré A cette ques- tion qu'une vingtaine de lignes 1. Toutefois, les érudits ont reconnu depuis Iongtemps qu'il s'agissait du versus tripertitw cuudatus dout on signale des exemples dans toutec les lyriques européemes (latine, francaise, anglo-nomande, occitane, espagnole, portugaise, italienne, allemande et anglaise). L'6volution du oerms tripertitus caudatus dan5 la lyrique aliemande a été la seule faire l'objet d'une monographie, d'ailleurs méritoire Les deux sirventes-ensenhamens offrent un schéma catalogué par István Frank so-us le no 193 (note) de son répertoire métnque

aabccb.

Le regretté provencaliste indiquait en outre, en examinant nos tex- tes, "plutot tercets que sixains". Frank avait donc hésité entre les deux formules strophiques, et avec quelque raison. L'unité de base, sur la- queiie doit se fonder toute la discussion, est le versus tripertitus cau- datw4 qui, tres souvent, est organisé par paires dans un sixain. 11 importe de définir le verw tíipertitus caudatw appelé aussi rith- mus triptongus caudatus cons0nan.s. La premiere formulation provient des Artes rithmicue, la sewnde des Artes exumetri

1. W. Keller, Das Siruentea Fa& Joglnr, Zuricb, 1905, pp. 17-18. 2. F. Kossmann, Die siebenzeilige Strophe in der deutschen Literatur, Den Haag, iseq 3. 1. Frank, Rkpertoire mét- da la poQsis des troubadoura, Paris, 1953, t. 1, p. 35; Frank renvoie la mbrique 788 a o& les sizaios sont txaarfombs en quahains abcb avec rime6 internes en a et c. 4. Aussi nommé "coué", 'strophe $ kaine". VOY déhition chez P. VerRer, Le oers franca&, t. 3, p. 385: "Rime couée (coudata), c'est-$-dire rime en queue; (sem primitifl rime finale d'un grmd vers; lsens ordinaire) rime finels d'un grand vers $ rime batelbe, rime teUe que b dans aabaab." 5. Voir sur cette question Giovaani Mari, 1 trottati medievoü in ritmion lotina, Mi- lan, 1898 lemait des Memone de1PlstitUto Lombarda, t. 20, 11 de la 3' série, faso. 8). Le De cognitione metri parle de ce phénomene en ces termes:

Dactilici tripertiti caudati... qui ex omnihus dactitis constant praeter ultimum et tribus partibus in scansione dividuntur et hini ünaliter consonant 8.

Henri Moner, dans son Dictionnn

Disposition strophique dans laqueiie une rime revieut de trois vers en trois ven, A la suite de deux rimes plates, le retour de cette rime étant souügné par un écourtement du mdtre. Cest le ms, par exemple, dans une strophe de 12.12.6.12.12.6.,avec le schéma aabccb. La stroplie ainsi -coustniite est égarement nommée strophe coude (du latin caudata, terminée par une queue) 7.

Cette définition entrafne toutefois deux reserves. D'abord, le retour de la rime ne nécessite pas nécessairement un écourtement du mhtre. Ensuite, la strophe de six vers, constituée de deux versi, n'est, comme le dit Morier lui-meme, qu'un cas particulier, car on connaft la forme aabccbddbeeb, etc.

La tripartition est un phénomhne ancien cnrcgistré dans la poésie rythmique latine et, bien sur, dans la poésie en langue vulgaire. Sans entrer trop avant dans les dédales d'une recherche génétique, il semble bon de résumer brievement les quelques opinions en présence. Nous devons toutefois rappeler que le probleme du versus tripertilus caudatus est pratiquement toujours lié I'étude de la strophe de 6 vers (en aabaab ou aabccb) constituée par le redoublement dudit: versus. La synthese la plus accesible qui traite de la genese de la strophe en aabaab reste celle d'Alfred Jeanroy Nous ne nous attarderons guere aux propositions formulées par F. Wolf et K. Bartsch lo qui voulaient voir dans la cauda (b) un re- frain succédant un froons (aa), ledit frons provenant du démembre-

6. Citá par G. Mari, Ritnio &ino e teminologia +mica mdieoub, in SFA, t. 8, 1901, p. 53, note 1. 7. H. Moriei, Dictiannaire de ppoétique et de rhétorique, Paris, 1961, p. 349. On trouve d&iA dans le De oulgari eloquentio, 11, 10: "La triparütion consiste en ceci que le couplet est divise en hois groupes da verr, dont les deun premiers se font strietement pendsnt." 8. A. Jeanray, Les origines de la poésie lyrique en hnce au moyen &e, Paris, 1925, PP. 364-377. 9. F. Wolf, Veher die Lals, Sequenzen und Leiche. Heidelherg, 1841. PP. 29 et sv., 47, 104, 111, 198, 213. ID. X. Bnrtsch, Vortroege, p. 255.

100 FRANpIS PIROT. -RECNERCHES SUR LES CONNAISSANCES LITTÉBADXS vulgaire. 11 nous ineombe aussi de mener quelques recherches pour con- naitre les poemes qui furent écrits suivant le systeme dudit versus en dehors de la poésie reiigieuse.

A. En latin.

Nous n'avons évidemment pas mené une enquete exhaustive en latin médiéval mais la lecture de quelques ouvrages fondamentaux permet de se faire une idee suffisante de la question.

a. Poésie religieuse. -On a vu que le V.T.C. a été ires employé dans les séquences. Dans les Hymni mediamales, nous en avons trouvé de nombreux exemples le. Le V.T.C. devient tellement fréquent qu'on peut le considérer comme une "regle" chez Adam de Saint-Victor dans les proses" joy- euses 20. En Catalogne aussi, le V.T.C. est utilicé dans certains poemes de i'Anonyme de RipoU 21. On aura remarqué que le V.T.C. est utilisé A de multiples fins mais qu'il paralt surtout fréquent dans les chants liturgiques "joyeux" -dé- dicace d'Eglise, f&tes liturgiques de la joie (Noel, Pentedte), chant en l'honneur de la Vierge. On aura noté que le Veni, Sancte Spiritus et que le poeme de saint Abélard sur les Saints lnnocents est rédigé en V.T.C.. . z2.

b. Poésie profane. -Le V.T.C. est aussi utiüsé par les auteurs profanes, mais surtout, A ce qu'il nous semble, dans les satires conire

19. D'aprPs P. S. Everts, Wymni mediaeuoles, Zwalle, 1950: p. 36: jewsolem, u& benta, séquence pour la dédicace d'une église; p. 37: Veni, Snncte Spidtus, S&- quence pour la fete de la Pentecate; p. 38: Urbs Aquensls, urbbs vregl&, séquence anony- me en i'honneur de saint Charlemagne; p. 40: Mara prnecunit in plotictis, sur l'iniquité des puissaots; p. 44: Solutaa, stella m*, chsna marial de Bernard de Moriaix, 31 stro- phes de 6 vers, voir Dreves, in Anabctn Hyrnnlca, t. 50, 1907, pp. 424-483; p. 49: Omnh mundi cveaturn d'Alain de Lüie, ohant au sujet de In vanitk du monde; p. 51: Laudes Cmch attollnmus d'Adam dc Saint-Victor; p.. 57: Luz est o& gentibus, s6quence anonyme pour Noel; p. 60: Amor sonctus, amor mundus, sur famour divin; p. 66: Lau- da, Sioii, Saluatoreml, skquence de saiot Thomas sur le corpr duChrist; p. 70: Recordad snnotoe Cmcis, louanges de la Sainte Croix par saint Banavenhire; p. 73: Stabot Mnter dolorosa, aéquence sur la souffrance de la Vierge; p. 77: Ave, Jesu, lumen punim, sé- quence d'Engelbert sur le Jngement dernier. 20. E. Misset et P. Aubry, Les proses d'Adnm de Snint-Vlctor, Paris, 1900, 8. 46. 21. Voir sur cette question L. Nicolau d'Olwer, L'escola podtica de RipoEl en eLs segbs X-XZII, in AIEC, t. 6, 1915-1920,pp. 3-84, et l'article du meme dans la Coto- logw d 1'4poque ~omna,Paris, 1931, pp. 189-195. 22. Voir saint Abhlard, in Migne, PL, t. 178, p. 1807.

. . ,, n~smow~~oms OCC~TANS ET CATALANS DES XII~ET xme s6xm.s 101 . , PEglise (ou ses représentants) et dans des imitations ironiques de mo-. - deles religieux. Pour illustrer cette wnstatation, il sufFira de citer dew poemes de I ~. Gautier de Chktillon ($: 1135-1165) qui présentent d'aiiieurs plusieurs simiütudes avec les simentes-enenhame (m&meesprit satirique, meme énidition, longueur identique): 1) Le célebre Propter Sion non tacebo: poeme, tout empreint d'éru-. dition biblique, composé de 30 couplets de 6 vers, sur la décadence de l'Eglise 2) Le Tanto viro locuturi: poeme contre la Curie romaine avec de nombreux noms propres, en 26 strophes On compte aussi d'autres poemes d'inspiration goliardique, "joy- - euse" ou satirique: Univwsa gens laetetur (un "Noel d'éwlier~")~~; - Denudata veritate ("un débat de i'eau et du vin") 28; Plan& pecca- tork ("Plainte de la fiUe qui a péché") une lettre de Baudri de Bour- gueil A un "faux ami" 28. On voit donc bien que le V.T.C. cst, dans la tradition latine médié- vale, un metre liturgique qui, utilisé dans des contrafacta, convient des lors pour exprimer la joie et la satire "profanes".

B. En frangais. - a. Poésie religieuse. - Continuant la tradition Iatine, le V.T.G. est , . utilisé en poésie religieuse %*.

b. Poésie profane. - Nous devons A l'amitié d'Ulrich Molk une

23. Olga Dobiacbe-RojdestvennIcy, Les poésies des Goliords, Par*, pp. 80-90, et S6d. de Kart Strecker, &toralisckSntirische Gedichte Walters von Chbtillon, Heidelberg, 1929, pihce 1; voir aussi A. Wilrnart, in RE&, t. 49, 1937, pp. 121-169 et 322-365. 24. 0.Dobiache, op. cit., pp. 90-98, et K. Strecker, op. cit., pokrne no 2. 25. Edelestand du Mero, Poésies inédites du moyeqi &e, Paris, 1854, pp. 295-302. 26. Ibid., pp. 303 et sv. 27. 0. Dobiache, op. cit., pp. 237-239. 28. P. Abrahams, Les oeuwes .noétiques . de Baudri de Bourgueil, Paris, 1926, PP. 263-264. 29. Voir aussi GRLMA, t. 6 (2), les nurnéros: 56: Seint Esperiz, ous ueneí (anglo- normand; xme sikcle); Bd. P. Meyer, in Rorn., t. 32, 1903, pp. 26-27; cfr. Sonet, no 1823. Traductian de I'hyrnne Ven<, Sancte Spiritus latin, aveo Soiiginat. - 139: Qui voudro estre snus (xnza sihcle); éd. F. Miehel, Libri psalmonim, ser.& antiquo, Oxford, 1860, p. 361; cfr. Sonet, no 1756.-376: Deus qul fek comme VE708 pere (xm* si& cle); éd. P. Meyer, in Rorn., t. 6, 1877, pp. 18 et 602; cfr. Sonet, no 410, et Naetebus, LXV, 5, - 544: Site merci Deus m'eschoisi (xma sikclel; éd. R. Atkioson, Vie de sdnt Aubon, Londres, 1876, pp. xi-xn; cfr. Sonet, no 2095; pahmes en 6 strophes sur diverr saints (4a, 48, Gb, 4c, 4c, 6b). - 660: Dlnrie mere de camorde (xm* sikele); kd. M. Jus- relin, La. pri

liste des poemes en aabccb dans la po6sie des trouveres 30. On notera que, chez les auteurs de langue d'ort, le vers de la rime couée est plus court que celui du frons. Mais c'est surtout dans la poésie anglo-nor- mande -et, par voie de conséquence, dans la poésie anglaise- que le V.T.C. va connaftre une fortune exceptioiinelle. Toutefois, avant d'aborder cette étude, nous aimerions relever un fait qui n'est pas sans intéret pour notre sujet. On sait que la strophe de Fatrasie est divisée en dew parties qui, d'aprhs L. C. Portera1, ont des origines différentes. D'apres le spécialiste américain de ce genre littéraire, la premiere partie de ladite strophe est en aabccb. Nous pensons qu'il n'est pas inutile de signaler le fait: il montre de maniere évidente que cette formule strophique a ét6 utitisée dans des pohmes incontestablement "fantaisistes". Dans le monde anglo-normand, le V.T.C.

est si fréquent qu'ou pourrait l'en croire originaire; toutefois, je (Paul Me- yer) crois plutot qu'il s'y est simplement localiséaz. Mary Domenica Legge, dans un court mais substantiel article con- sacré i la versiíication anglo-normande, a examiné attentivement le probleme a3.

30. No 535 du R&a.rtoira métrigue d'Ulrieh M6lk (maiutenant publié B Munich, 1972, pp. 263-2641 aabccb: 1) 886' 886' R.-Sp. 851 2) 886' 886' 1644 3) 886' 886' 1831 4) 886' 886' 2072 a 5) 776' 776' " 2125 a (str. Y, VI) 6) 775' 776' 318 7) 774 774 " 2130 a (str. 11, 111, IV) 8) 664 6'6'4 341 a 9) 484 484 7 a 10) 484 484 924 b 11) 446' 446' 1020 (str. XIV) en aabaeb, d'aprbs Jeanroy (Origines, París, 1925, p. 373): R.-Sp. 74, 574, 569, 580, 1039, 1377, etc. 31. L. C. Porter, La Fatrasie d le Fotras, Geneve-Par*, 1960, pp. 29-31. 32. P. Meyer, Bdb~sde littdvatu~eonglo-normanda, in JREL, t. 7, 1866, P. 44. 33. M. D. Legge, La uers

C. En langue d'oc. a. Poésie religieuse. -Paul Meyer édita, en 1860, des Anciennes poésies religieuses en langue üoc de meme formule métrique que le Cabfa Juglar. Le jeune éditeur de vingt ans assortissait cette édition d'un commentaire qui mérite encore detre imprimé Une Znvocation d la Vierge, également conque suivant cette formule, a été insérée dans les Leys dámor3" De meme, Peire Cardenal a composé son fameux Predicator, que l'auteur lui-meme qualifie de sermo, suivant le systhme du V.T.C. "?. sant d'oetosyllabes, mais la ,queue. n'a que quatre syllabes. Le choix de cette forme essentiellement lyrique pour un ion8 poems narratif cst malheureux. Il est souvent pos- sible de lire le texte eii omettsnt la ~queue., qui, pour la plupart du temes, consiste en un cliché. Ainsi, on a I'impression que la ~queue. est insérée dans un texte en octosyllabes en rimes platea. Néanmoins, il est évident que la ~queus. fait Paxtie de la eonception originale du tcxte. En moyen anslais, une stance de oe type, mais souvent allongée de plusieurs vers. a fait fortune chez les iomanciers de 1'Est-Anglie, qui l'ont adaptée au systeme de vsrsification basé sur I'allitération. A Cbaucer, qui s'en est moqué dans S* Thopas, la stanca en rimcs couées iie fut plus qu'un barbarisme. Lón ne sait si Beneit fut le premier Q employer cette forme pour un pokme nnrratif, mais au moins s'en est-ii servi pour une Vie de saht, ce qui explique peut-&&e le choix *une forme inventée pour los ehants ecclésiastiques." 34. E. K. Chamberr; et F. Sidpwick, Enrl>~englisli Lyrics amorous, divine, moro1 and triuial, Londres, 5' éd., 1947: p. 59: Tlbis other da*, poeme amoureux; Mouming, Mourning, poeme amoureux; p. 157: This enders night, yoeme religieux; p. 178: Wold

God that men miglit seize, poerne moral; p. 241: Tlie merthe of nll6lnn&, podme trivial. , , C. Brown, Religiaus ZYT~CS of tke XNtb centuw, Oxford, 1952, pp. 18, 25, 37, 39, 59, 60, 84, etc. 35. P. Meyer, Anciennes poésies religieusea en longue d'oc, in BEC, t. 1 de la 5' drie, 1860, PP. 481.497, ici p. 482: "Du reste il faut reconnaitre dans cette pieee . , (o" ces pidcer) une grande habileté de vcrsification. Sauf les quatre prerniers vers de douze pieds qui sont comme la préfface du pokme, ce sont de petits vers disposés par sttophes de trais vers dont le premier est constamment un ent. Ces straphes sont de deux espkces: l'une de trois vers de six syllabes, Pautre de deux vers de quatre et d'un de six ou parfois huit syllabes, ces strophei n'étant point aiternées, mais disposées par séries de plusieurs strophes de memc nnture. Celle en vers iuégaw a un rhythme Iéger et sautiilsnt d'un effet arsez joli, mais que vient heureusement remplacer, dani les en- droits aU le ton (1u récit s'éleve, le rhytbme plus grave de la strophe en vers de six syllshes. Ce geme de strophes de trois vers n'est pas fiOquent dans la litt6isture pro- vencaie; en voici ~~pendnntdeun exemples: deux troubadourn, Gúaud de Cabreira ct Gtaud de Calanson, nous ont laissé deux pihces si semblables d'idée et de rhythme que I'une est bien certainement imitée de l'antre." 36. Leys d'amor, morceau lyrique no 25. 37. J. Boutikre, Les poésies religieuses de Prire Cnrdenal, dans Mélonges Georges Le Gentil, Lisbonne, 1949, pp. 87-130,et R. Lsvaud, Peire Cardenal, Toulouse, 1955, / PP. 420 et w. 11 existe une contradietion dans les remarques de René Lavaud. Jean Boutihre avait noté: "La pieoe d'Aldric del Vilar et le premier 8iruentes prkcité de, Peira d'Alveinhc --gui ont unifoimément, comme uotre sernlo, la rime b ao -ar- ~ont trhs vraisernblablement les modeles de Gsrdenai" (a?. cit., p. l21), et René Lavaud, reprenant la remerque de Boutidre, affirme que "Peire Cardenal imite la forme de b. Poésie profane. -11 nous a semblé bon d'examiner non seule- ment ies poemes présentant une formule aabccb mais également ceux en aabaab, car ces derniers sont, bien évidemment, construits sur un redoublement du V.T.C. 11 nous parait important de déteminer si Puti- iisation de cette formule correspond i certains types particuliers d'oeu- vres en aabaab (= Frank, RMPT, no 91)

Peire d'Alvernhe sait d'Aldric del Vilat (Tot a E*) interpellsnt Marcabm (Dejeame, Bd. , P. 94) qui lui répond dans la meme forme (Seigner N'Audric, . 65-66). 6. P.-C., 377, 3. Chanson de séparetion de Pons de la Guardia (éd. par 1. Fxank, in BRABLB, t. 22, 1949, p. 296), 7. P.C., 437, 28. Siruentes parsonnel de Sordel, trks violent, contre Peire Bremon Ricas Novas íéd. M. Boni, p. 141). Sur oes sept pohes, deux groupes se détatachent nettemeot B cause de l'identité des rimes: les pobmes 1 a 4 d'une part et 2, 5, 7 d'autre part, comme liivait noté Frank íin BRABLB. t. 22. 1949.. -D. 275). 8. P.-C., 293, 15. La "ehanson courtoise" de Marcabru, éd. par A. Roncaglia, in RCCM, t. 7, 1965, PP. 948-961. 9. P.-C., 293, 22. "Chanson de croisade" de Marcabru, publike par A. Roncaglia, in CN, t. 10, 1950, no. 153-183. 10. P.-C., 305, ¡6. SZI~littérairedu Maine de Montaudon, imité* de la suivante íkd. Par R. Lavaud, Troubadours cantaliens, t. 2, pp. 244 et sv.). 11. P.C., 323, 11. Satire littéraire de PeLe d'.4uvergna (vóir éd. A. del Monte, Turin, 1955, pp. 118-142). Vers de sept syiiabes: les poemes da Marcaat. 15. P.-C., 294, l. Siwentes tres violent contre des jongleurs, éd. par A. Jeanray, op. cit., P. 12, el J. M. Dejeme, in Ahf, t. t.5, p. 362. 16. P.-C., 294, 2. Sifflentes tras violent contre le seigneur Sena, Bd. par A. Jeauroy, p. 12, et J. M. Dejeanne, in AM, t. 15, p. 366. Vers de six syllabes: 17. P.-(>., 210, 7. Satire violente cantre Péveque d'urgell de Guühem de Berguedan, éd. par M. de Riquer, U1 SM, t. 18, p. 282, et kd. complete, t. 2, p. 71. DES TROUBAWURS OCCITANS El' CATALANS DES XUe EX X@ S&CLES1% En conclusion de I'énumération mise en note, on peut affirmer: 1) Le V.T.C. est connu et employé par les troubadours du second et du troisieme tiers du xne siecle (1, 2, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 10,. 17)., 2) Les poimes composés suivant le V.T.C. sont d'un genre parti- cuiier: escondig (Z), gab (5), chanson de séparation (6), satire littéraire (10 et ll),tenson (3) et sirventes (7, 12, 15, 16) de ton tres violent. Nous menons la meme étude pour la formule strophique en aabccb (= Frank, RMPT, no 193) 3n. En aabccb, la majorité des poemes sont l'oeuvre de troubadours du second tiers du xue sihele. 11s sont utilisés dans des oeuvres particulieres (tenson sur deux poemes, gab, sirventes de ton violent).

D. Conclusions. Le V.T.C. a été utilisé en poésie religieuse et en poésie profane aussi bien en laün qu'en francais et en provencal. 11 semble en outre que les poemes profanes composés en V.T.C. sont soit des imitations iro- niques de modeles religieux, soit des oeuvres tres particuli&resoh do- mine I'esprit de satire (personnelle ou littéraire) et de "gaberie". On voit donc bien que I'utilisation du V.T.C. par les auteurs des siruentes-ensenhamens indique des troubadours de la seconde moitié du me siecle. En outre, ce metre convieut parfaitement A des oeuvres dont nous avons souligné les relations aves le sirventes, le monologue dramutique et, accessoirement, le sermon joyeux 40.

Les éditeurs du Cabra Juglar et du Fadet Joglar ont toujours pubií6 les poemes en texte continu, en y voyant une forme aabccbddbeeb ...

39. 1. P.-C.,404, 13. Chamn d'omour de Raimon-Iordan. éd. Dar H. Kiellrnnn.. Uoosala--- Paris, p. 108. 2. P.-C., 219, 1. Chanson d'amour de G. Codi, svec une attaque violente contra les lausengiers, éd. par C. Appei, Prov. Inedito, p. 139. 3. P.-C.,293, 41. Simentes violent, éd. par le Dr. Dejeanne, Morcobni, p. 201. 4. P.G., 323, 8. Sínientes de Peire d'Auvergne, éd. par A. del Monte. p. 143. 5. P.-C.,434 a, 34. Viodetlra de Cerveri de Giroas, éd. par M. de Riquer, p. 2. 6. P.-C., 16 b, 1. Tenson sur deux pokrnes d'Aldric et de Mmabm, éd. par le Dr. Dejeanne, p. 94. 7. P.-C.,293, 16. Gob, éd. par A. Roncaglia, in SM, t. 17, 1951, pp. 59 et sv. 8. P.-C., 293, 43. Réponse de Marcabm au poeme d'Aldric, tenson sur deux pohes, &d. par le Dr. Dejeanne, p. 99. 40. Signalans ici que le V.T.C. ea utilisé aussi en porhigsis dans les Chnnsm de Mal Dimr, vair &d. de M. Rodrigues Lapa, no 20, 21, 26, 141, 181, 205, 206. Voir - . aussi G. Tavani, Repertorio metrico della liricn galeg~portogheae,Rome, 1967, w 28, 43, 72. , Nous avons déjh signalé que Frank avait rangé nos poemes sous aabccb mais en signalant en note "plutbt tercets que sizaíns". Dans un article récent", Rita Lejeune est revenue sur la question de I? forme du Cabra Iugla~de Guerau de Cabrera. Analysant le début du poeme, Rita Lejeune sest apercue que la découpe du siroentes- ensenhamen en sizains donne

au texte plus de force expressive et plus d'éclat. Certains procédés de style tels que répétitions, comparaisons, accumulations vouiues, raientissements calculés, so?lmt des effets jusqu'ici in~oup~onnés.C'est que les pauses H la fin de chaque groupe de vers ménagent i la strophe, comme H l'esprit du lectenr, un isolement qui met mieux en valenr la logique interne des idées exprimées 42.

En effet, en ce début de pohme, Guerau de Cabrera expose les aptitudes musicales et jongleresques, les connaissances en fait de genres lyriques, etc., en les groupant par sizains. Ces trois positions sont-elles inconciliables? Rappelons ici certaines des conclusions auxquelles nous sommes parvenu: 1) L'unité fondamentale est le versus tripertitus caudatus prove- nant du démembrement d'un long vers latin. 2) Cette unité de base est pratiquement toujours redoublée et a donné naissance A des formules strophiques de sizains. Pourquoi ce redoublement? La formule en aab ne pouvait obtenir un grand succks dans la poésie lyrique des troubadours qui ont éla- boré tres rapidement des systhmes complexes. 0n rappellera toutefois qu'A I'origine, chez Guillaume IX par exemple, les longs vers non-coués en aaa sont encore utiüsés. On se souviendra également que la strophe en aab est encore employée par Jean Nicolas de Pignans dans un poeme, saürique soulignons-le, contre Rogier, clerc de Pignans 43. 11 semble que certains troubadours et certains éditeurs modemes ont hésité entre le tercet et le sizain: les deux pohmes conservés de Marcoat en sont une preuve. Le Dr. Dejeanne, dans son édition des Annales du Midi (1903), affhe:

Ce qui contribue obscurcir le sens, c'est que le texte nous est arrivé fort mutilé: il ne manque, H notre avis, pas moins de deux demi-couplets. Nous considérons, en effet, la piece comme formée de strophes en aahaab (avec persistance de la rime féminine h), On sait que cette forme, empruntée ci la pohsie latine rythmiyue, est dón fréyuent uiage dans la période Ia plus

41. R. Lejeune, Ln forme de l'ensenhornsn oti iongleur dcr troubadour Guiraut de Cabrera, in ER, t. 9, PP. 171-181 (MÉlanges L. Nicolou d'Olwel: datks de 1961, mais parus en fait en 1966). 42. Ad. oit., p. 173. 43. RMPT, no 87a, publiA par L. Blancard, in Reuue des Societds Snoontes, 4' série, t. 10, 1869, p. 481; Bmnel, Bibliographle des manuscrits littéraires, o0 112 bis. ancienne de la poésie des troubadours, et notamment dans les pieces sati- riques ou d'allure popdaire M.

Et plus loin:

En ce qui concerne la forme, je me suis rangé A Popinion de M. Jeanroy, qui voit ici, comme dans la piece précédente, des strophes en aab; la shuc- ture des deux demieres et celle des deux tomades me paratt, comme Q lui, concluante cet égard. Dans cette hypothese, une grande partie de la piece est perdue. Le fait en lui-meme n'est pas surprenant; les lacunes s'expli- quent naturellement dans les pihces énumératives du genre de ceiie-ci, o& les parties sont médiocrement enchatnées entre eUes45.

Et le meme Jeanroy, publiant ces memes pikces quelques années plus tard, adopte le tercet, car

dans les deux mss. les strophes sont fonnées de tercets, c'est-%-dire qull y a une initiale ornée chaque trois vers48.

Frank, citant les de- éditions, ne tient pas compte de Iindication donnke par le manuscrit et se range A Iavis du Dr. Dejeanne'?. Nous pensons qu'il en va de meme dans nos pokmes qui paraissent &re la confl~~encede trois traditions. Syntaxiquement, la structure parait bien etre le groupe de trois vers, car on ne découvre pas d'enjambements entre deux tercets coués 4s. D'autre part, comme i'a montré Mme Lejeune, la division en sizains facilite incontestablemeiit "le déchiffrement des intentions du trouba- dour" dans le début du Cabra Juglar 4s. Enfin, un théoricien comme Elwert 50 affirme que:

44. In AM, t. 15, 1903, p. 361. 45. In AM, t. 15, 1903, pp. 365.366 46. In éd. des Goscons, p. 12, note 1. 47. Frank, in RAfPT, no 91, 15 et 16, 48. En effet, dans le Fodet de Guiraut de Calanson, on notera que les permuta- tions de vers et les omisiions se font, dans los deux manuscrits, par groupes de trois vers: ms. D les w. 34-36, 37-39, 88-90, 172-174, et mi. R les w. 91-93, 178-180, 187-189, 226-228, 241-243. La structure syntanigue correspond durant tout le po&me au groupe de trois vers coués. Chez Guerau de Cabrera, ct a partir du v. 55, les aUu- sions s'organiseot en tercets: les vv. 55-57 (Roland), 58-60 (Artbur et Marc), 61-63 (Aiol), 67-69 (Flaovant), 73.75 (Erec), 76-78 (Ami et Amile), 94-96 (les consuuctions de la Rome antique), 109-111 (Raaul de Cambrai), 112-114 (Aimerio), 115-117 (la captivité de Charlemagne i Montmélian), 121-123 (Troie), 124-126 (Antioche), 142-144 (Gomon), 145-147 (Mainet), 148-150 (Alexandre), 154-156 (Daiius), 157-159 (Olivier), 166-168 (Pirame et Tisbé), 175.177 (Rainounrt au tinel), 178-180 (épisode inconnu), 181-188 (Oie de Bretmar), 184-186 (Tristan et Yseut), 187-189 (Gauvain), 205.207 (le lévrier), 208-210 (Richeut). 49. Art. cit., p. 181. 50. W. T. Eiwert, Tmi#d de ueirification francabe des origines d nos iours, Paris, 1965. Lorsque le troisibme vers ou le vers du milieu (du tercet) rime avec un de ceux du tercet suivant, ii y a rime enchalnée et poésie non strophique m.

Une forme non s'ophique est constituée aussi par les vers A rime en- chauiée... b) eiie se rapproche de la division en strophes, lorsque le groupe- ment suit un certain schéma; car le schéma n'est pas ahsolument strophique du fait de la mise en série des vers, mbme si des coupes syntaxiques divi- sent régulibrement les groupes de vers62.

Tercet, sizain ou poésie non-strophique? Nous avons préféré suivre Mme Lejeune qui a édité le podme en sizains, car ii nous paralt incontestable que Gucrau de Cabrera -sous i'duence des sizains en aabaab ou aabecb utilisés de son temps dans des poésies similaires- réunit deux tereets pour exprimer, en debut de podme, certaines idées b3.

IV. L'AUTEUR ET LA DATE

La date que l'on peut assigner au siruentes-ensenhamen de Gue- raul de Cabrera, ainsi que la personnalité exacte de ee demier, sont certainement deux des probldmes les plus importants qu'ii nous incombe de résoudre. 11 est évident que la date du sirventes-ensenhamen con-

51. OP cit., p. 149, paragraphe 193. 52. 08. cit., p. 158, paragrapbe 203. 53. De plus, Rita Lejeune a signalé (a*. cit., p. 173): "répartis en sizainr, les 216 vera de lknsenhaman font du reste 'apparafhe Pexistencc de 36 shopbes de 6 vers: agencement significatif pour tout qui est sensible au rapport des nombres dans le monde médiAval". De fait, le symbolisme du nombre 6 ost une des choses les plus comes des bommes du myen &e. Pour saint Augustin (Citd de Di-, iivre XI, chap. 30), qui suit Platon (Rbpublique, VIII, 546 B) et Phiion CAlexandiie (De onificio mundi. chap. 111, et Legum alZegoria, 1, 3-4), le nombre 6 est le premier nombre parfait paree qu'il est le produit de ses facteurs. Le nombre 6 est temeshe (7 est le premier nombre céleste): U convlent done i la satire. Toutefois, U est parfait car U est le produit dhn nombre m&le (impair r 3 = uersus trlpertitus caudatus) et femelle (pair = 2 = redou- blement du versus). Comme le remarque Marie-Madeleina Davy, lnitiotion D la symbo- lique romane, Paris, 1964, p. 253: 'Timpair et le pair expriment Yanité indestructible et la multiplieité taujours changaante. Or cette doubie divirion de Simpair et du pair se rehouve partout. Le nombre impair est parfait parea qu'ii est indivisible et de ce fait inaltérable. Tout nombre impair auquel on aioute un chiffre pair reste impair. Donc un ohi&e impair est toujours immuable, U s'apparente á i'ordre &terne1 tandis que le pair appartient an temps". On voit tout ce qu'on pourrait tire* de ces remarques... Nous naur nrrbtons ici car les critiques n'accordent pas encare la science des nombres la place ,qu'elle mérite dans les &des m6diévales. Les travaux de I'équipe da CNRS dirigée par Mane-Madeleine Davy et ceux BHubert Le BourdellAs, professeur i PUnL versit6 de LUle, vont sans doute changer cet Btat á'esprit. 1. Gerallus en latin, Guiraut en provencal (Guirauz dans le mr. Da), Gusrau en eatalln ditionne, pour une part, Pimportance et l'intérbt de ce texte pour l'his- toire littéraire médiévale. La question a été étudiée plusieurs fois. De nombreux érudits --et parmi les plus célebres d'une terre choyée par Clio 2- se sont con- sacrés A la solution de cette délicate question. Que i'on nous permette de rappeler iei les noms de Manuel Milá y Fontanals, Joaquín Miret y Sans et Lluis Nicolau d'Olwer ... La critique contemporaine a repris i'étude de la question et le nom de Martín de Riquer est maintenant lié aw recherches consacrées au troubadour catalan. Malgré la science et la perspicacité de ces chercheurs, tout ne pa- raft pas avoir été dit sur un sujet extrbmement difficile. Nous avons donc repris l'ensemble du problbme et nous espérons fournir ainsi aux romanistes une monographie accesible, la plus complAte possible, con- saerée aux Cabrera. 11 nous paraft indispensable de remettre devant les yeux de la critique toutes les données d'un problbme complexe, ear on a vu un philologue3 consacrer récemment une dizaine de pages A la date du sirventes-ensenhumen de Cabrera sans avoir pris connaissance du tres importaut article de Nicolau d'Olwer, ni -ce qui est plus grave- d'aucun écrit histonque postérieur h 1916.. . De plus, sauf quelqnes bdiantes exceptions, l'histoire de la Cata- logne est -c'est un fait- généralement mal connue des romanistes. Cette carence est bien naturelle lorsqu'on sait que les bibliotheques européennes, non espagnoles, sont relativement pauvres en travaux his- toriques consacrés h la Catalogne. Cette lacuue des bibliothbques ne reflete pourtant en rien l'immense effort des historiens catalans depuis Joaquín Miret y Sans jusqu'h Ramon d'Abadal i de Vinyals. Nous avons donc cru bon de rassembler nombre d'informations his- toriques disparates et qui sont, eu regle générale, d'un abord malaisé, voire inaccessibles.

A. ENQUETE HISTORIQUE

La maison de Cabrera est une grande famiile eatalane dont on com- mence A bien connaitre I'histoire. Les historiens se sont, en effet, inté-

2. Voir, par exarnple, Historio y labor de lo ReoZ Academia de Buen- Letros de Barcelona, desde su fundwidn en el siglo XVII, Barcelona, 1955, 280 psges, tkéh-part du t. 25, 1953, pp. 272550. 3. S. J. Borg, Aya CAvignon, chawoa de geste anonyme, GenBve, 1967 (TLF, no 134L PP. 129-137. Nous traiterons de la tentstive de datation de Borg dans les Pases qui vont suivre, PP. 135145 et 193. ressés a une famille qui eut un destin assez exceptionnel puisque ses membres portkrent successivement les titres de vicomte de Gérone, 'vicomte dXger, eomte d'urgell, eomte de Modica en Sicile, vicomte de Bas, comte d'Osorio en Castille. Malbeureusement, il n'existe pas encore de nos jours une inonogra- phie sérieuse consacrée exclusivement aux Cabrera l. Nous disposons toutefois d'une série de travaux fort bien documentés dans lesquels nous puiserons largement. En premier lieu, nous avons réuni les travaux qui accordent une large part A la famille de Cabrera nous avons étudié ensuite les mo- nographies qui traitent des possessions des Cabrera: Ager et Balaguer tout partieulikrement 3. Nous avons bvidernment consulté les histoires générales eoncernant la Catalogne* et celles, malheureusement vieillies, traitant du comté d'Urgell6.

1. La sede manographie existante est due a V. Coma Soley, Los oizcondes de Cabm. Monografía histdricn, Bamelane, Librería Balmes, 1968, et ne répond en rieo aux exigentes historiques contemporainer; oomme les travaux du meme auteur sur Blanes, d'ailleurs. 2. J. Miret y Sans, Lo inuestigoción histdricn sobre el oimndndo de Castellbó, Barielone, 1900, pp. 64-118, et Notes pee la biografin del troondor Guerou de Ca- br~ve,in EUC, t. 4, 1910, pp. 299-331; L. NicoIau dSOIwer, Clarfcies pe, la histdria de& uescomtes de GironaGnbrero, in Anuari herifa, 1917, PP. 99-107; 1. Frank, Poris de 10 Guardia, troubadotit catalon drc XII' siacle, in BRABLB, t. 22, 1949, pp. 229-327 (surtout pp. 253-2571, 3. Les travaux fondamentaux en fe domaine sont cewr du Pere P. Ssnahuia, His- to.tln de le villa de Age~,Barcelone, Seráfica, 1961 (HA), et Histdria de la ciuta de Balagfrer, Barcelona, Seráfica, 2' éd., 1965 (IíB). On a eu remurs ensuite a une série de monographies plus spécialisées: J. M. Font Rius, Notas sobre la eooluiión iuridico- público de una comunidad local en el Pirineo cntoláti: Ager, Siiragosse, 1950 (separata des Actos del 1 Congreso internacional de pireneístas), et du meme, Cartas de pobla- ción y franquicia de Cataluña, Barcelone, 1969, t. 1, pp. 713-721; M. Riu Riu, Los comunidades religiosos en el antiguo obispodo de Uqgel (VIII-XVI), Barcelone, 1961, qui renvoie A sa thhse doctorale iddite dant les pages 491 A 526 sont consacrées A la collégiale San Pedro d'Agei; on doit egalement au R. P. J. J. Bauer, Sankt Peter zu Ageí. Zur Kononikerbewegufig und Kircheníefonn in dar melt~zi des XI. Jahr- hunderts, in Spanischs Forscl~ungen,t. 19, 1962, pp. 99-113 (Mélanges G. Schretber). 4. On reovema toujourc, mais avec une certaine prudente, A A. Rovira i Virgili, Histdria nacional de Cdalunya, Barielone, 1924, t. 3, PP. 499, 522, 533, 544, 580, 582-585; t. 4, PP. 438, 439, 500-503, 516, 534, 535, 536, 598, 600, 603, 606, 607; 645-647. Parmi les travaux plus réeents, S. SabrequBs i Vidal, Els biirons de Cota- Zunya, Barcelone, 1957 (réimprossion 19611, PP. 44-47, 73-83, 117.120, et du meme, Els grana comtes de Bowelona, Barcelone, 1961, pp. 72, 76, 108, 119, 123, 132, 146, 161,...~ 164. 167, 194, 198-199, 208 et 213 (travaux de synthhse tris utiles mais ihita- blement rapides et pnrfois inexacts). 5. 11 faut voir le manuscrit de Jaume Villanueva, Memofins cronoldgicos de los condes de Urgel, 300 + 2 folios avec 44 pidces justificatives (hit en 1810 et conservé A la BN de Paris, Fonds espopnol, no 520). Cc manuscrit "n'e pos étB suffisammeiit utilisé par les bistorieus de la Catalogne" 3nx dires $1. Frank (BRABLB, t. 22, 1949, p. 254). Sur ce manuscrit, on consultera encore J. Miiret y Sans, Lea "Memorins crono- Iógicns de los condes de UrgeP' pec don Joume Villonueua, dans RAABLB, 1909-1910, pp. 415427, qui juge ainsi ce travail: "Entenem, donchs, quels serveys que les Me- morias cronoLógicos de los condes de Urgel poden encere fer als erndits catalans. sbn < DES TROUBADOITRS OCCITANS ET CATUNS DES XIIe ET XI@ S~CLES 111

L'iiiustre destin des Cabrera excita la veme des cbroniqueurs, des généalogistes médiévaux ou pseudo-médiévaux, qui leur attribuerent une origine royale. D'apres ces derniers, iIs descendraient de San$ el PiIÓs, fils b2tard et incestueux de Ramire 111, qui s'était établi en Ga- Bce. Son petit-fils serait passé ensuite en Catalogne et aurait donné naissance aux Cabrera "hispaniques" 'J. Bernat Boades nous affirme, entre autres récits légendaires, qu'un certain Arbat de Cabrera était compagnon d'armes du fameux Ogier ". Fortih Sola nous rapporte aussi qu'un Benet de Cabrera est le fonda- teur -au demeurant Iégendaire- du sanctuaire de la Vierge del Coii en 765

Les historiens et certains philofogues connaissent bien I'exception- nelle nchesse des archives catalanes s. Dans les fonds inépuisables des

d'ordre secundari y de detall, per rahó de la munib de escriptures enhactades en lo cors de la obra y que oferexen noves d'utilitat per diferents rnonografiek (p. 427). On doit consultar en autre D. Monfar y Sors, Historú? de los condes de U~gel, 2 tomes, Barcelone, 1853 (publiEs dans la Colección de documentos {néditos de Bofarull, t. 9 et 10). On y ajouteia le tome 9 (Viaje o Solsana, Ager y Urgel) du Viaje literario a los iglesias de Espaiirr de Jaume Viilanuws, Valenee, 1821, PP. 88-107. On lira utüement le Vinie n Urge2 (t. 10, 11 et 12) du meme. On lira aussi les travauv d'E. Corredera Gutiérrez, Los condes soberanos de Urge1 y los Piemonsbratcrnses, in Analecto Sacra Tarrnconerisio, t. 36, 1963, pp. 33-102 et 209-282. 6. S. Sobrequés, op. cit., p. 44, qni cite la Enciclopedia herdIdica y genenlógico de García Caraffa a i'article Cabrera (Madrid, 1925, t. 20, pp. 111-119). Tous les arguments -plus ou moins fantaisistes- rapportés par les Caraffa peuvent se lire aux pp. 111-113. Les généalogistes ne rapportent rien do sérieux avast le mariage d'un Cabrera avoc Letgarda de Tost (3s reprennent en fait a partir de la les travaua de Zurita). 7. Selon Boades (t. 1, PP. 25, 29; t. 2, pp. 25, 30, 37, 70, 94, 122; t. 3, PP. 60, 68-69, 121, 147, 163, 170; t. 4, pp. 25, 84, 137, 154, 168-169, 170, 173; t. 5, PP. 37, 53, 100, 135, 142, 143). Sur Boades, voir Enric Bagué, Libre de feyts d'ormes de Cntalunr~a, Barcelone, 1930-1948 (5 volumer). On lira i'éNde remarquable da M. Coll i Alentorn, El problema de I'outenticitnt del "Libre de fe@# d'ormes de Cotolunyd', dans I'éd. Bagué, t. 4, pp. 11-89, et i'étude de I'hditeur au t. 5, pp. 5-41; La llegendo d'Otger Cotaló i e& Nou Bnrons, et déja dans ER, t. 1, pp. 27-28 du tirage a part: et M. de Riquer, HLC, t. 3, p. 658, et Ernmen lingkist

Sur le plan de l'histoire positive, cette famiile, qui tire son nom d'une terre et d'un chhteau situés pres d'Igualada 18, entre dans l'his- toire avec le titre de vicomte de Gérone. Le fait est étonnant en soi, car Cabrera d'Anoia est tres éloigné de cette derniere viUe (120 km). De toute manikre,. les Cabrera ont des possessions Zi date tres ancienne (milieu du xre siecle) A Blanes, Hostalric, chhteaw importants situés dans le comté de Gérone en bordure de mer 19. Dans la province de Gérone, les comtes se sont adjoints dest attesté depuis 841- des vicomtes 20. Cette charge devint rapidement, semhle-t-il, héréditaire. On ne pent cependant savoir avec exactitude A partir de quelle époque la famille de CabreraZ1 occupe des hautes fonctions dans le comté de Gérone.

17. Nous nous faisons un devoir ds remercier ici les autorites académiwes de notra Université pour leur campréhension et leur rautien. 18. Cabrera d'lgualada, i 45 km de Vallbona; voir M. de Riquer, Guiraut del Luc, p. 214, et Enciclovedia unioeclol ilustrada, art. Cobrern. 11 existe d'innombrables Cabrera en Espagne, d'aprPs Pascud Madoz, Diccionario geográfico-estadtstko-histdrico de España, Madrid, 1846, article Cobrara, t. 5, p. 57. Le Nomenckíto~de Ins ciudoda, oilIar, lugares, oldeas y demis entidodes de población de España, Madrid, 1900, t. 1, p. 142, signale deu Cabrero danr la province de Barcelone: Cobrero d'lgualoda (le n6tre) et Sont Feliu de Cabrera. En ce sui conceme Cabrera d'hoia ou d'lgudada, voir le Diccioyvi nomsncidtor de pobles i de poblats de Cdolunya, 2* éd., Barcelone, 1964, p. 71. Silvio Avalle, dans son éditioa de Peire Vidal, donne en annexe une cate des mentions géographiques contenues dans i'oeuvre. 11 eonfond Cabrera d'lgudada et un autre Cabrera (Cabrera de Mataró) qui se trouve sur 1s ebte au N,-E. de Barcelone. 19. Voir L. Monreal et M. de Riquei, Els costells medievals de Catolunya, Bar- celone, 1955, pp. 253-267 et 279-303. 20. Voir, d'abard, Miret, Costellbó, p. 71, puis J. Botet i Sisó, Notes sobre "es- comtes de Gerono, dans BRABLB, 1909, p. 114. On trouve des vieomtes dPs 841 et en 850, 928, 934, 945, 962, 982, 986, 987, 992, 993, 997, 1008, 1019 et 1020. On "erra aussi, du mbe, Cotidado de Gerono. Los condes beneficiarios, Gérooe, 1890. Pour le piobl&me g6néial des vicomtés dans la Cataloane du c2 siecle, on verra R. #Abadal i de Vinyals, Lo iiutitució con~tol coroltngio en la pre-Cotnlunyn del segk IX, dan* AEM, t. 1, 1964, pp. 64-68. 21. Sur Amat (vob Miret, Castellbd, p. 74) et sa suceession immécbte, voir 1. Br>. Quoi qu'il en soit, un certain Amat, vicomte de Gérone, apparait dans des chartes en 1019 et 1020. On ne sait pratiquement sien de lui sauf qu'il était mort en 1035, car, cette date, son successeur Guerau de Cabrera -son fils ou son gendre- apparait comme oicomte dans un acte de vente avec sa femme Ermisindi~2~.11 est cité cinq fois (1019W,1035, 1038, 1040, 1044) et porte toujours le nom de Guerau 11 meurt entre 1045 et 1054.

Son 61s Pons Guerau, par son mariage (vers 1050) avec Letgarda, fille d'hnau Mir de Tost, fait entrer la famille de Cabrera dans i'his- toire du comté d'Urgell. Abandonnant la province de Gérone, les Ca- brera vont recevoir une partie de I'héritage du légendaire Aniau Mir de Tost, héros de la Reconquista. C'est Pépée la main que ce demier se tailla un fief dans les terres maures de la vallée d'Ager. Ager est la ville capitale d'une vallke tris fertile qui s'étend, d'Est en Ouest, entre les rivieres Noguera de Pallars et Noguera de Riba- gorQa et, du Nord au Sud, depuis la chauie du Montsec iusqu'nu chkteau de Santa Linya 28. Lieutenant des comtes d'Urgell, Ermengol 11 (f 1038 en Terre tet i Sisó, Notes sobre vescomtes de Geiona, dsns BRABLB, 1909, pp. 112-114. Amat est cité en 1019 et 1020. Traduit du eatalan: "On constate que, apres Amat, fut vicomte de Gérone Guerau de Cabrera, le m4me p~obablementqui figure dans la charte de 1019, lequel fut marié avec Ermessendes et &=e de Pons Guerau de Cabrera, qui épousa Letgarda de Tost 4 fut aussi, aveo ses successeurs, vicomte de Gérone. Ce Pons Gue- rsu Ier se dit, dans le dacument de 1061, Bls de Guaian et petit-61s d'hst. Or, petit- fils d'Amat, il peut 1'ehe de deur manieres, par son pare au par sa mere. Dans le pre- mier cas, le vicomte Amat apparüendrait & la maison de Cabrera, dans le second cas, la maison de Cabrera serait entré6 en possession de la vicomté de Gérone par héritage d%masendes, mere du vicomte Pons Guerau I*r. Dona Ermessendes serait-elle la fille du vicomtc Amnt et héritidre par son pera de la vicomté de GCrone? Deux indices: 1) dans une charte sans dete (pastbrieure toutefois B 1035), on découwe une Emeasen. des fille d'Amat Soma; 2) dans une charte du 10.7.1044 figure un Saflcii Ptius qut fuit Sancie uicicomisse. Dans un acte de Sant Cugat del Vallhs, on houve également un Amatus Gerundensk, citB par Font Rius, Cartas de poblacidit, t. 1, p. 28 (26 avril ,",*,"*VA,,. 22. On trouve des 1017 un Gausfred de Cabrera dans I'acte de fondation de Sév.?di& de Beralh; voir F. Montsslvatie, B~salh,sus condes, su obispado y sua %o- sumentos. dans Notieia~histdricas, t. 1, Olnt, 1889, XV, p. 278: "Gauzfredi ex cssho Caprarensi!' 23. "Gerardo Caprariensi"; voir Marca Hispbnica, ap. CLXXXI. 24. Acte de 1040: "Giraldo Gerundensium viee coinite"; acte de 1044: "Geraldus et filio suo Poncio." 25. Pour une éhide gdogriiphique d'Ager et de la Nagucra, on vena 1s Geograjia & Catalunya, Barcelone, 1964, t. 2, PP. 577.602. Sainte) et Ermengol 111 (t 1085 au siege de Barbastre) Arnau mena, sous la direction du comte de Barcelone, les campagnes militaires qui entrauierent I'annexion dünportants territoires dans la région du río Segre. 11 était issu d'une famille distinguée qui possédait depuis long- temps la terre et le chiteau de Tost dans la chaine montagneuse du Cadí. Le seigneur de Tost, guerroyant sous les ordres des comtes de BarceIone et d'urgell, s'installa solidement sur le versant Nord du Montsec des 1032. De Ih il descendit, toujours au service de ses deux suzerains, dans la fertile vallée d'Ager d'od il délogea les Arabes en 1034, puis, déflnitivement, en 1047. Les Arabes furent, en effet, délogés en de- dois de la vallée d'Ager. On trouve une trace de cette reconquete dans un document de la col- Iégiale San Pedro:

"quando Sarraceni ipsum castrum et villam de Ager ceperunt, omnes scrip- tores, quas ibi reperunt, cremavemt et deleverunt" (doc. 2123 du Com- vendi). Pour le remercier de ces actions d'éclat, le comte d'UrgeU lui wn- céda en fief les importants territoires conquis 27. 11 devint ainsi "domi- nus" d'Ager sans porter le titre vicomtal. Le couronnement de sa carriere sera la régence du comté d'urgell, conjointcmeut avec le vi- comte de CasteUbó, pendant la minorité d'Ermengo1 IV. Héros guerrier ii la longévité assez insolite, Arnau Mir de Tost mourut septuagénaise, laissant ses terres ses deux filles encore en vie en 1071 28.

26. Voir pour un rapide r&-6 de tliistoire de la fomüle d'urgell, F. Vendrell de Millas, A. Masicl de Ros, Jaum el dissortat, darrer comte d'Urgell, Rarcelone, 1955, pp. 13 et sv.; voir également Rovira i Virgüi, Histdr*i nncbnol de Cntalunya, Bsrce- lone, 1922.1934, t. 3 et 4. 27. Vair aussi F. Carreras y Candi, Casiquisme potitich en lo segle XlII, dans BRABLB, 1905, pp. 22-23. Sur Arnau Mir de Tost, résumé de son action dans Sobre- qués, op. cit., p. 25. 28. Sur ce persomage tres important, on vena P. Sanahuja, Amaut Mir de Tost, su familia, in Ilerdn, t. 1, 1943, pp. 11-27 et 155-169; du m@me, Historio ds Agm, pp. 26-75. 11 est né A la fin du xe siecle de Mir, seigneur de Tost, et de Senche, vrai- semblablement %le du vicomte de Conflent. Mir de Tast X Sanche (vil encore en 1040) I 1 l l 1 Arnau Mir de Tost Geiberga Bernard Seaiofred X Arsenda X Mir, archidiacre de Tost, sacrktain de Tost, , enhe le 5.8.1030 vicomte de Castellb6, teste en 1030 cité en 1030 ,. et le 31.1.1030 avant janvier 1040 l l 1 1 I Guillem Leigarda Valencia Sanche et derw cité en 1050, X Pons Guerau X Ramon 111 ensevelie au 611es 1053, 1056, 1059 de Cabrera de Pallars monast¿.re de U>wmnes t avant le 6.3.1061 avant le 6.3.1067 le 2.9.1055 San Lorenzo I, - Le texte intégral du testament d'Arnau a été publié par Miretm. Le testateur divise équitablement ses terres entre ses deux mes. Sa füle Letgarda de Tost, femme de Pons Guerau Ier, et son petit-fits Guerau Pons 11 obtiement diverses ?erres:

... dimitto ad Gerallum nepto meo et ad Ledgardem filiam meam vicecomi- tissarn excepto hoc toto quod in supradictis locis Domino Deo et sanctis eius sicut dictum est dimitto et adhuc ante meum obitum dimissero ... Ces territoires fonnent le centre de la seigneune d'Ager dont les Ca- brera feront bient8t une vicomté. Le mari de Letgarda eut une certaine irnportance politique qui se traduit par les nombreuses mentions o& il apparait comme témoin ". 11 ne posséda pas en propre la terre d'Ager, Arnau Mir de Tost i'ayant léguée A son petit-fils et A sa íiUe. Cependant, d'apres certains indices, on peut croire que Pons Guerau Ier gouverna la terre d'Ager durant la minorité de son fils. Cette "régence" ne fut pas de longue durée, car des 1075, le phre (Pons Guerau Ier) et le fils (Guerau Pons 11) signent ensemble. Pons Guerau Ie' meurt avant 1095, car, cette date, son fiis apparalt comme chef de famiiie 31.

Arnau Mir da Tost e& atte& te 13.2.1019 (HA, np. 1); 18.11.1019 (Vilfanueva, t. 9, pp. 267-268); 1024-1026 (LFM, t. 1, pp. 158-164); 23.1.1030 (Casbellbó, PP. 69-70); 5.8.1030 (LFM, t. 1, p. 120); 31.1.1033 (LFM, t. 1, p. 121); 4.9.1034 (HA, se. 3); 12.10.1038 (HA, ap. 6); 1040 (Condcration d'Ager); 10.5.1041 (Villanueva, t. 10, PP. 174-180 et 326333); 21.10.1041 (HA, ap. 9); 31.12.1042 (EA, ap. 10); 2.3.1045 (UA, ap. 11); 28.2.1048 (HA, ap. 13); 5.11.1050 (Arch. Ager, doc. 968, imprimé Pou, Histotia de RaEnguer, pp. 423-425); 16.2.1053 (HA, ap. 17); 16.5.1055 (LFM, t. 1, p. 123); 8.6.1055 (LFM, t. 1, p. 124); 2.9.1055 (LFM. t. 1, p. 125); 10.1.1056 (Villanueva, t. 9, pp. 249-251); 12.11.1056 (LFM, t. 1, p. 519); 5.2.1058 (LFM, t. 1, p. 180); 5.10.1058 (LFM, t. 1, p. 146); 31.11.1059 (Aroh. Ager, doc. 464); 6.3.1061 (Arch. Ager, dao. 106); 7.4.1064 (LFM, t. 1, p. 61); 16.6.1064 (LFM, t. 1, p. 128); 1065 (Arch. Ager, doc. 965, copié dans Villanueva, t. 9, pp. 128-172); 2.2.1066 (Pas- cual, t. 9, p. 144, pour Tabdrnolas); 25.11.1066 (HA, ap. 22); 4.4.1067 (HA, ap. 23); 27.7.1067 (HA, ap. 24); 5.8.1067 (LFM, t. 1, p. 60); 4.4.1068 (Viilanueva, t. 9, pp. 255-262); 22.5.1068 (HA, ap. 25); 11.8.1071 (HA, ap. 26); le 23.3.1072 U est mert, voir LFM, t. 1, p. 157. 29. Miret, Costellbd, pp. 350-358. 30. Pons Guerau Ier apperait dans des actes de: 1050, 1055 (2d, 1056, 1059, 1061 (2x), 1062, 1066 (2x), 1067, 1068, 1072, 1074 (2 x), 1075, 1078, 1079 (33, 1080-1081, 1082, 1083, 1084, 1086 (2x), 1088, 1091, 1093. Miret (CasteUbó, p. 87) resms les indices qd lui permettent d'affirmer que Pons Guerau Ie? occupait une place prééminente la caur de Barcelone. 31. Miret, Notes, p. 300, mais U avait donné la date de 1105 dans Castellbó, p. 57. Deuñ documents ont échappi: ci la sagacitk de Miret. 11s proviennent tous deux du Llibrs Bkmh de Santa Creua (Cartulario del siglo XII), Barcelooe, 1947 (C.S.I.C., Escuela de Eshidios Medievales. Sección de Barcelona), dont l'édition est due A F. Udina Mnr- torell. Dans Sacte no 17 du 6 aoUt 1079, le vicomte de Gérone Pons Guerau, san épouse Inguilsia et son 61s Gueralfus Pontü font une donation (p. 21). Le document ne laisss pa. de su~prendre,cm I'on deit supposer que Pons Guerau Icr s'est remarik ou que son kpouse Letgarda de Tost a changé de pxénom. Dans I'acte no 20 du 23 juin 1084, Pons Guerau Ier appardt commo témrin dans un acte de vente dm comte de Barcelone Bb renger Ramos 11 le Fratricida: "Simum Pontü Geralli, vicecomitis Gerundensis." Guerau Pons 11 est le premier Cabrera qui soit i la fois vicomte de Gérone et vicomte d'Ager. 11 eut comme son pere une iduence politique certaine, car on le voit apparaltre dans un grand nombre 3 d'actes dont certains sont notables aZ. L'évéuement capital du regne de Guerau Pons 11 fut certainemeut la conquete de Balaguer en 1116. L'occupation de nouveaux temtoires, spécialement au sud-ouest du Montsec, eut d'importantes conséquences sur le plan des institutions du comté d'urgell. En effet, d'apres Miret aa, le comte d'Urgell n'avait, i la 6n du W ou au début du m\ qu'un seul iieutenant, le vicomte et seigneur de Castellbó. Les récentes conquhtes, dues príncipalement a Amau Mir de Tost et ses successeurs, obligerent le comte d'Urgell i Sadjoindre un nouveau vicomte. 11 désigna assez naturellemeut pour cette charge Sun des plus irnportauts seigneurs du comté, le petit-fils d'hau Mir de Tost. Le comte d'Urge11 dirigeant personneliement le centre du comté, la partie montagneuse tombe alors sous la juridiction du seigneur de Cas- tellbó, la partie basse sous celle du seigneur d'Ager. Ce fut le cas des le début du regne de Guerau Pons 11, en 1094. Toutefois, le principe des vicomtés simultanées ue dura pas longtemps, car Ia vicomté de Castellbó, enfermée daus ses montagnes, s'érigea rapidement en vicomté indépendante. Guerau Pons 11 devint alors le seul lieutenant-vicomte du comté d'Urgell. Les Cabrera cumulerent donc, des le début du xne si&- cle, deux charges de vicomte: héréditairement, ils Btaient vicomtes de Gérone, et par mariage, du fait de Ihéritage d'Arnau Mir de Tost et aussi de leurs qualités, vicomtes d'Ager.

A partir de Pons Guerau 11, on doit abaudonner 1'Histoire de Cas- tellbó de Miret pour ses Notes, le premier travail montrant clairement, les doutes et les erreurs de lhistorien catalan. En 1107, on trouve pour la premihre fois la signature d'un fils de Guerau Pous 11, nommé Ferrer. En 1116, Guerau Ferrer apparait avec son f&re Bernard dans un don la collégiale d'Ager (HA, p. 90). 11 est vraisemblable que ces membres de la famille de Cabrera, non men-

32. Actas citBs par Mket, Ca

Signum GcraUus Poncii qui hanc donationem m potestate et in dominio Sancti Pehi hado; Signum Poncius Geralli Filii eius; Signum Geralius qnod vocitatur Ferrarius ENS frater qui hanc donationem afitmamus et combo- ramus. .. 34. En 1130 hgalement, le pAre signe avec ses deux Bs:

Signum Geralius vicecomes; Signum Poncius Geralli filius eius; Signum Fer- rerius Geralli frater eins 86. Les fils de Guerau 11, Pons et Ferrer, ont un certain bge en 1131, i+ la date dn testament de leur $re. Outre le fait que le pkre est né avant 1059, on voit signer le cadet, Fener, en 110756. Ceci reporte la naissance de Painé, Pons Guerau 11, certainement avant 10903'. En 1131, Pons Guerau 11 approche de la quarantaiue lorsqu'il devient vi- comte. 11 est assez peu cité dans les actes: outre les actes passés en 1126 (2x), 1127, 1129, 1130, 1131, ou le voit paraltre en 1135, 1136, c'est tout. On ne trouve aucun Cabrera daus les actes d'Urgell entre 1139 et 1145. Le silence des textes est extremement bizarre lorsqu'ou connait la fréquence d'apparition des Cabrera dans les actes -et ce depuis un sikcle. Nous n'avons pas non plus de testament. 11 nous reste A conclure que le vicomte Pons Guerau est mort inopinément vers quarante-cinq ans.

Villanuevaas, et Miret 38 A sa suite, signale Pexisteuce dUn person- nage nommé Pons de Cabrera qui est doté des titres de comte et de maimdome du roi de Castiiie. Ce Pons de Cubreru apparait dans Pacte de i'accord de Carrión du 21.2.1141 conclu entre Alphonse de Castille et Raymond de Barcelone. Ce dit Pons de Cabrera serait passé en Castilie des 1128 -4est-A-dire du vivant de Pons Guerau 11- daus la

34. Tente important, car U montre clakement les procédés diplomatiques en vi- &mur dans le comté d'Urgel1. On zemarquera que les scribes chargés de la confection des actes ne se peimettent aucune appronimatioa dans la titulature des Cabrera. Le Fsnorius e& +ate? est toutefois curieux. La eius dait-il se rapporter i Gersllus Poncü ou B Ponoius Geralli? 35. Miret, Notes, p. 305. 36. Vair Costellbó, p. 90, note. 37. 11 reqoit un don M 1105. 38. Viüanuevs, t. 9, PP. 101-102. 39. Miret, Castellbó, p. 98, et Notes, pp. 305.306. DES TROUBAWURS OCCITANS ET CATALANS nEs xne m KflIe SIECLES 119 suite de Bérengere de Barcelone qui allait épouser Alphonse VI140. Dans un acte d'Ager daté du 6.7.1145, un habitant du lieu teste en faveur de sa femme et place cette derniere sous la protection de Don Pon& Vi~conde*~.11 doit s'agir du comte castillan doté toutefois de son titre catalan de vicomte. De plus, dans un acte du 27.2.1152, le comte Pons approuve et conamie un don du vicomte Guerau A la collégiale San Pedro d'Ager 42. Ceci démontre clairement que Pons de Cabrera, comte en CastiUe, a exercé de pres ou de loin une protection -voire une régence- sur la vicomté d'Ager durant la minorité de Guerau Pons 111. Ce fait est encore attesté par un acte du 24.6.1158 suivant lequel un habitant d'Ager met, apres sa mort, sa femme sous la garde du comte Pons, du vicomte Guerau et de tous ses hommes 43. Le comte Pons signe encore wmme témoin le 29.10.1158 dans un acte de restitution du vicomte Guerau Pons et de so11 fils Pons Guerau au monastere de San Pedro d'Ager (Arch. Ager, doc. 1745). Le 8.9.1169, le meme comte Pons confirme une donation A San Pedro d'Ager *4. 11 doit s'agir du majordome d'Alphonse VI1 qui ne meurt qu'en 1173 et qui exerce sans doute A nouveau un semblant de régence durant la mino- rité de Pons Guerau 111, le mari de Marquesa. Qui est ce Pons de Cabrera? 11 est indubitablement de la familie des vicomtes d'Ager puisqu'il apparalt dans des actes de la collégiale San Pedro. Toutefois, il ne peut &e un as du testateur de 1131 puisque nous connaissons fort bien les noms des deux fils encore en vie de Guerau Pons 11: Pons Guerau 11 et Guerau Ferrer. 11 ne peut donc s'agir que d'un consin de Pons Guerau 11, un as de Gnerau Ferrer, de Bernard Geralt ou de Pedro de Cabrera *6. Santiago Sobrequés croit que la carriere castillane du comte Pons, majordome de l'empereur, est une preuve supplémentaire du rappro- chement castillano-catalan durant le second tiers du XIF siecle. 11 af- firme ensuite que Pons avait épousé une castillane et aurait fait souche en CastiUe. Les comtes d'Osorio et les Cabrera de Córdoba en des- cendraient *%.Alplionse VI1 avait donné le 19 octobre 1152 au comte

40. LFM, t. 1, p. 38. Un Poncius "conies" majordome d'Alphonse VI1 est oité dans un acte d'octabre 1136 (vok Colledian Moreau, t. 56, E, 209-210. Titres du diocese d'Aususane). 41. &ch. Ager, doc. 2072, cite par P. Sanshuja, HA, p. 93. 42. Aroh. Ager, cité par P. Sanahujo, HA, p. 93. 43. Arih. Ager, doc. 42. 44. Areh. Ager, doc. 241. 45. 11 ne peut en tout cas s'agir de Pons Guerau 11. Le cornte Pons signe encore en 1169, date A laquelle Pons Guerau 11 aurait plus de soíxante-quiuee ans. A ce pre- mier argument on peut ajouter qu'en le m&me année 1169 signe la femme de Pons Guerau 11, Sanche, dans un acte de son petit-Eis sans que son mari soit cité (vok texte dans HA, pp. 98-99). 46. Voir S. SobrequBs, Comtes, pp. 198-199, et Bnlons. p. 46. De toutc manikre. notons que Sobrequés s'sppuyant sur le Castellbó de Muet (PP. 99-100) prend Gue- rau 111 Pan8 pour un frae de Pons Guarau 11. 11 a omis de consulter les Note8 du Pons de Cabrera le chateau d'Almonacid en Castilie reconquis sur les Maures 'l.

A sa mort, Ie vicomte Pons Guerau 11 ne laissait sans doute qu'un héritier relativement jeune, car Pabsence d'acte entre 1139 et 1145 le fait supposer. Une régence exercée par le "castilian" Pons de Cabrera ou par Sanche, veuve de Pons Gnerau 11, a probablement d13 btre instituée, mais on ne possede toutefois aucun document pour le dé- montrer. C'est en 1145 qu'on trouve a nouveau trace d'un vicomte de Ca- brera. A cette date, en effet, Guerau de Cabrera et sa mere Sanche fondent le monastere de Rocarossa (prh de Blanes) dans une région o& les Cabrera ont des possessions. Dans ce document important, Gue- rau de Cabrera s'intitule vicomte de GArone et d'UrgeU 48. Aucun doute n'est donc pennis: la mention des deux titres pronve sans possibilité de discussion que ce Guerau de Cabrera est bien un successeur des Cabrera d'Anoia devenus vicomtes de Gérone et d'Arnau Mir de Tost dont les héritiers sont vicomtes d'Urgel1. Pour étabiir avec toute certitude la filiation de ce Guerau qui signe en 1147, 1149, 115Z4*, 1153, Miret a exhumé un document tres impor- tant suivant Iequel Guerau Pons, fondateur du monastere de Roca- rossa, est bien le -petit-fils du testatenr de 1131, c'est-&-&e Guerau Pons 11. En effet, en 1157, Guerau Pons 111 confirme une donation accordée par son grand-p6re A P6vbque et au chapitre d'UrgeU. Or, dans le testa- ment de Guerau Pons II daté de 1131, on peut lire la conñrmation de cette donation faite déji par le meme i la Seu d'Urgel1 en 1095 60. 11 est donc évident, puisque nous possédons I'acte original et sa confirma- tion, que Guerau 111 Pons est le petit-fils de Gueran 11 Pons, lui-mbme petit-fils d'Amau Mir de Tost. Guerau Pons 111 signe eucore la meme année puis dans deux actes de 1158 et un document de 1159. meme Miret (PP. 306307). le ne crais @Are ee que Sobrequés, Comtes, PP. 198-199, affime. Rien n'autorise en effet A croire qu'une branche des Cabrera rbsidait dkia en Lean ou en Calice. Les généalozistw. médiévaux dont on wnnaft la fantaisie sont les seuls h rapporter la cbose. 47. Voir Miret, Notes, p. 306. Le roi de Castiiie accorda un privilege rodado au comte Poní- B Guadalaiara la 19.10.1152. 48. Acte publib par Villanueva, Vioie, t. 9, PP. 241-243: "Ego Geraldui de Ca- brera. Gemndensis ae Urzeltensis vicecomes dono Deo Omnipotenti ..." 11 sisne. avee sa m&e: 'Sipnum ~eraldi~vicecomitis,Signum Sanctiae matris éius.'. 49, L'acte du 28.1.1152, copi6 dans Villanueva, Vide, t. 9, PP. 279-281 (doc. 296 des Arch. Ager), est un faux d'apres le P&ze Sanahuja (HA, p. 97). Les r6flexioar de Miret, Costellbó, PP. 99-101, tambent donc d'elles-memes. 50. Miret, Castellbó, p. 89, note Cextrait de I'acte). A cette date, on perd la trace de Guerau Pons 111. La question de la date de la mort de ce personnage se pose donc, car on ne possede pas de testament. Se fondant sur El Llibre Blanch de Santas Creus, Martín de Riquer a voulu démontrer que Guerau 111 Pons est mort entre mars 1168 et octobre 1170, car son fils Pons, qui paralt doté du titre de vicomte en octobre 1170, ne le possede pas encore dans un acte de 1168 Un examen du document signalé par Martín de Riquer s'impose toutefois. L'acte du Llibre Blanch de Santas Creus est de portée stricte- ment familiale: Pons conhe, en effet, un acte précédent de permu- tation donnée par sa tante maternelle Sanche de Queralt en faveur du monastere de Santes Creus. Nous ne croyons pas que la mention du titre vicomtal soit obligatoire dans un acte de cet ordre; on ne peut donc rien en inférer, A notre sens, pour la solution du probleme qui nous occupe. Par contre, iI est tout A fait curieux qu'un acte inclus dans les cé- lebres Papsturhnden de PauI Kehr n'ait pas attué Pattentiou d'un cri- tique avant le Pbre Sanahuja. En effet, le 28 aout 1165, le pape Alex- andre 111 envoie un message

in eundem fere modum nobiii viro P(oncio), vicecomiti de Capranaja.

Ce document émanant de la chancellerie pontificale -et dont on ne peut guere mettre en doute la précision et Pexactitude- prouve A tout le moins que Guerau Pons 111 était bien mort en 1165. En outre, le silence des actes concernant Guerau 111 A partir de 1159 ne laisse pas de surprendre comme, également, la réapparition du comte "castihn" Pons de Cabrera dans les actes d'Ager. L'érudit historien Ramón Chesé, qui prépare une these sur la diplo- matique d'Ager antérieure A 1198, a bien voulu, en une correspondance particuliere ", conber mes conclusions. En telle situation, je suis donc enclin A croire, comme le Pere Sa- nahuja, A la disparition du vicomte Guerau Pons 111 vers 1160, en pleine force de P$ge.

51. F. Udina Martorell, El Llibre Blonih da Santus Creua. 1946, pp. 138 et 139, dac. 135; voú M. dc Riquer, Chonsom de geste francoises, Paris, 1957, p. 339. 52. Sur la fadle de Queralt, vok Amiro Masriera, Prdceres cdalonea de vicia estirpe. Ln casa de Queroif, Barcelone, 1916. 63. P. Kehr, Popsturkunden in Sponien ... K. Katalonien, p. 418 (doc. 120). 54. Lettre persannelle en date du 28 navembre 1970. 122 FRAN$OIS PIROT. - RECHERCNFS SUR LES CONNAISSANCES LI~RAIRES

Aux sources imprimées traditionnelles, on doit ajouter l'étude d'Ist- ván Frank sur ce célebre et turbulent baron 66. Pons 111 doit etre né vers 1145 puisqu'il signe déji en 1159. On a dit qu'ii s'était marié vers 1167, mais la date de ce manage est assez coutroversée Quoi qu'il en soit, ce mariage est d'une ext+eme importance pour la famille de Cabrera, car ceux-ci s'unissent ainsi i leurs suzerains: Pons 111 épouse en effet la tres célebre Marquesa, ale d'Ermengol VII, comte d'urgell. On sait par des documents datés de juiiiet 1175 et de septembre 1183 que Pons réside en Catalogne. Des 1184 pourtant, le caractere impétueux de Pons l'a déji en- trabé dans une situation tres inconfortable. En 1185, en effet, il ob- tient d'Alphonse Ie Chaste la promesse de le tirer des prisous du roi de Castille:

couvenit eiquidem boua fide et promittit dominus Rex Arag. quod delibe- ravit P. de Cabrería ab bac capcione qua modo captus tenetur a rege Cas- telle 57.

Les causes de cet empnsonnement paraisseut assez mystérieuses; on peut toutefois supposer que Pons 111 est déja entré en congit avec son suzcrain et beau-frere pour la possession des chiteaux $Os, Ager et Casseres Rentré en Catalogne en 1187, suite donc l'intervention du roi Alphonse d'Aragon, Pons reprendra presque immédiatement ses menaces contre le comte d'Urgell. En effet, des novembre 1188, Al- phonse 11 et Ermengol ct'Urgell signent un accord pour régler les pro- blbmes posés par la turbulence de Pons. Des accords identiques seront encore passés, dans les trois années suivantes (le dernier prévoyant

55. 1. Frank, Pon8 de la Gualdlrr, troubndour catalan dtt XII* siecle, in BRABLB, t. 22, 1949, PP. 253-257. 56. Suivant la démonstration d'I. Frank, Pons de la Guardia, p. 253, note 7. Le regretté érudit a d6couvert dans les Memorias de Villanueva (BN, Bnds espagnol, no 520, f. 258) le testament d'Ermengo1 VII, oomte d'Urgell et pdre de Marquesa. Le testament, rédig6 le 3 aoht 1167 A Ciudad Rodrigo, pres de la fiontidre portugaise, est tres explicite: "et si obierit predictus filius meus (le futur Emengal VIII) absque legitima prole, revertatur totus predictus honor meus ad iiiiarn meam et sd maritum suum Poncium de Cabrera". Prsnk pr6cise pius loiu qu'il n'est -pas plus que nous- en mesure de véri6er i'authenticité de cet acte (p. 256, note 19). La date de ce testa- ment est peu sUre comme le stgnale fort iustemat le P&reCorredera, Loa condes aobe- vanos, in Annledn Sacra Tarracomsln, t. 36, 1963, p. 46. 57. Mire!, Notes, p. 308. 58. Pons 111 ne ferait que reprendre le flambeau paternel, car Guerau 111 avait déjk eu des dém&lks avee le aomte d'Urgel1 pour la possession d'Os, Ager et Casseres (Sobrequés, p. 46). meme le partage des terres du vicomte de Cabrera, entre le roi d'Ara- gon et le comte BLTrgell). La révolte a enfiammé le coeur des barons catalans. Autour des vi- comtes de Cabrera et de Castellbó s'était réunie une véritable ligue armée qui résista plusieurs années -et dont le chantre passionné fut le tres célebre Guilhem de Berguedan. La situation militaire devint toutefois, vers 1193, insoutenable pour les révoItés. Pons envoya alors sa femme eutamer des négociations avec Alphonse, roi d'Aragon, et Ermengol, comte d'Urgell. Marquesa mena fort bien cette mission dé- licate, car, le 28 aout 1194, au monastere de Poblet, le roi signa avee Pous un acte soleunel de réconciliation. Grace A son habileté, Marquesa sut limiter au minimum les pertes territoriales A consentir par son époux en évitant l'application de l'accord eonclu en 1191, accord qui prévoyait le partage des tenes appartenant aux Cabrera. Les luttes incessantes de cette fin de siecle se terminerent avec la vie meme des belligérants: Alphonse 11 mourut en 1196 et Pons ne lui survécut gudre (mert entre janvier 1198 et mai 1199). Son successeur reprendra la lntte.

Celui-ci doit &re né peu apres 1174, car dans i'acte ¿le 1194, qui scelle la réconciliation entre son pdre et le roi d'Aragon, on peut lire:

cum filius noster Guiraldus pervenerit ad legitimam etatem, id est, xx an- nonrm.. . $0. En 1199, il prete serment de vassalité au roi d'Aragon qui, A cette occasion, lui enleve toutes les servitudes imposées jadis son pere par l'accord de Poblet. 11 est, au début de son regne, en fort bons termes avec son suzerain et oncle, Ermengol VI11 d'Urgeii (doeurnents datés de 1200, 12010', 1204, 1205, 1206). Devant partir en Castille en 1205, il rédige un testament. Ce document montre clairement qu'il est encoro célibataire, car il teste en faveur de sa mere. Son voyage en CastiUe se déroulant sans difficultés, il rentre rapidement en Catalogne oh il se lie d'amitié avec le roi Pere s2. La grave question de la succession du

59. Pour les dktails, on lira avec grsnd profit M. de Riqiier, El trovador Guiraut del Luo y sus poesías contra Alfonso 11 da Arasbn, in BRABLB, t. 23, 1950. pp. 214-217, et du rnbme, El trovador Guilhcrn de Berguedh y tos luchas feudales de su tiempo, Castellón, 1953, pp. 27-Z9, et Guillein de Be~guedd,t. 1, PP. 143-144. 60. Voir LFM, t. 1, p. 436. 61. On peut üre le texte dans Miret, Itinerario Pedro 1, in BRABLB, 1905, P. 244. 62. MUet, Notgs, p. 316. comté d'Urgell va s'ouvrir, car Ermengol VI11 meurt a la fin de sep- tembre 1209, laissant comme héritiere sa fille, Aurembiaix. Guerau de Cabrera, lui, revendique la succession en tant que descendant male (petit-fils) du comte d'urgell, Ermengol VII. Les troubles inhérents A cette difficile succession suivent immédia- tement. Devant les menaces de Guerau de Cabrera, la veuve du comte BUrgell cede tous ses droits au souverain de Catalogne-Aragon (Yac- cord étant conclu autour d'une promesse de mariage entre I'hériti&re d'Urgell et Shérítier de Catalogne-Aragon, Jaume Ier). Malgré cela, Guerau de Cabrera prend Sinitiative de la lutte armée et occupe plu- sieurs castels. A cette provocation, le souverain réagit avec une vigueur telle que le vicomte capitule rapidement. Pere Ier, qui désire calmer définitivement Sardeur belliqueuse de Cabrera, Senvoie en prison a Jaca. Le vicomte dispara& alors de la scbne politique jusqu'en 1213, date de la mort du roi Pere la bataille de Muret. La régence du comte Sanche est marquée par de nombreuses difFi- cultés politiques dont profite a nouveau Guerau de Cabrera. Cette révolte est de courte durée, car il signe (en 1217) un accord avec les grands féodaux catalans suivant lequel le gouvemement du comté reste vacant. Le vicomte de Cabrera rentre ensuite dans le rang, car on le voit signer plusieurs actes comme membre de la suite du souverain. C'est en vertu de cette faveur qu'il Sintitule, des 1217-1218, comte BUrgell ("quod ego Gerallus Dei gratia comes Urge& et vicecomes Caprariae"). A cette date, en effet, le jeune souverain a été soumis B des pressions en regle de la part de ses conseülers favorables aux Ca- brera. Apres cinq ans d'hésitation, il concede B cette famille le comté d'urgell. Le 21 décembre 1222 Terrer, le roi reconnaft a Guerau Ia possession du comté tant que l'héritibre Iégitimc n'entamera pas une procédure d'opposition. Au cas o& celte-ci ferait valoir ses droits, les Cabrera devront se soumettre a Sarbitrage du tribunal roya1 et si cette mur rend un jugement favorable ?I la fille d'Emiengo1 VIII, celle-ci devra verser Guerau de Cabrera une importante somme d'argent. De 1222 ?I 1227, Guerau gouverne de droit le comté, car la jeune Aurem- biaix vit retirée en Castille. Toutefois, pris de remords ou pour toute autre raison", le nouveau comte d'Urgell montre par un acte solennel (daté de la fin 1226) qu'il désire prendre I'habit de templier. 11 rompt en meme temps avec son souverain. Dew ans apres le départ de Guerau de la vie politique, Aurembiaix Choisit de rentrer en sc&ne. Et de maitresso fagon. Elle ne se heurte

63. La chose est ruffisamment frhquente au mayen Bge pour ne par Insister. 64. Cene decision peut 4tre mativée par des problt.mes successoraux. Guerau, sentant sa mort prochahe a --c'ert une supposition- voulu fsire acceder son 61s au titre cantal de son vivant. pas directement A, Pons, fils auié de Guerau et d'Elo mais s'assure les bonnes grtces du souverain, Jaume Ier. Le jeune roi de vi.@ ans, tres sensible au charme féminin66, est tout particuli&remtlittouché par la grtce de l'héritibre d'Urgell. Entrabé dans un invraisemblable im- broglio poíitico-sentimental, le monarque succombe A la fois au charme d'Aurembiaix et A, la possibiíité d'unú Urgell A la Couronne. 11 m&- nera une victorieuse campagne en 1228 contre Pons et Guerau -ce dernier sorti peut-&tre de sa commanderie du Temple pour la circons- tance Urgell revient ainsi A la famille Iégitime mais pour la quitter A, nouveau. A la mort d'Aurembiau, son mari, l'infant du Portugal, échange Urgell avec le roi d'Aragon. Les Cabrera reviendront alors, aprbs une lutte de quatre ans et avec l'aide des grands féodaux cata- lans, A la t&te du comté d'Urgell (1236).

établi successivement par Miret y Sans, Castellbó, pp. 64-65; Nicolau d'olwer, Ckzrtcies, pp. 99-100; Sobrequés, op. cit., p. 160, et comple- tement revu par nos soins.

Amat Gausfred vicomtc de G6ronc. seigneur de Cabrera, o 7 cit6 en 1017 X ? t ?

Guerau Iei vicomte de Gérone, O ? ? cité en 1019,1035,1038,1040,1044 Ennessende ->X Ermessende t entre 1045 et 1054

65. Sur ce mariage de Gueiau et d'Elo Fernández de Castro, veuve du comte TrastBmara, voir Sobrequhs, op. cit., p. 1307, no 2. 66. Vair Soler i Palet, Un aspecto de 10 vido privada de Jaume 1, dans 1 Congrks d'liistoire de la Couronne d'A?ngon, t. 2, p. 540. 67. Ponr toute cette affaire, voir I'excellent résumé de Soldevila, Historio de Co- talunyo, Bwcelone, 1963, pp, 229, 262 et sv., et du meme, Fou Aurembiair d'Urgell mistancoda de Ioume I?, dans Recerques i comentaris, t. 1, p. 208. Un contrat de concubinsge fut meme signé le 28.10.1228 entre Janme et la comterse d'Urgell. L'in- constant Jaume abandonna bientbt Aurembisix qui épousa I'infant du Portugal. Guerau I'* X Emessende 1

Ponsl Guerau Icr vicomte de Gérone, 0 ? cité en 1050, 1055 (2x), 1056, 1059, X Letgaida 1061 (23, 1062, 1066 (2x), 1067, 1068, fille d'Arnau Mir de Tost 1072, 1074 (Zx), 1075, 1078, 1079 (3 x), (YO& note 28), 1080, 1081, 1082, 1083, 1084, 1086 (2x), domtna d'Ager 1088, 1091, 1093 t evnnt 1095 l I Gueraii Pons 11 vicornte de Géroiie, cité en 1072, 1074 (2x), 1075, 1079, vicomte d'Ager, 1086, 1088, 1090, 1091, 1092, 1093 (Zn), O vers 1050-1055 1095, 1100, 1101 (Zx), 1102, 1103, 1105 (44, X 1) Estefania (1083), 1106 (3x), 1107, 1112, 1113, 1116 (3x1, 2) Malsenyada (1090), 1117, 1118, 1121 (2x), 1126, 1127, 1129 (3x1, 3) Ge1vU.a (1097) 1130, 1131 (4x) t 1131

Ponsl Guerau 11 vicomte de GBronu et vicomte d'Ager O -i 1095 cit6 en 1126 (Zx), 1127, 1129, 1130, X Sanche (f aprAs 1169) 1131, 1135, 1136 t vers 1140

Pons de Cabrera "conde" en Castiile Guerau Pons 111 O 1125.1130 cité en 1145 (2r), 1146, 1147, 1149, X BérengAre de Queralt (veis 1145) 1152, 1153, 1157 (Zx), 1158 (2d, 1159 t sprAs 1159 I

I Pons 111 oité en 1165, 1167, 1168, 1170, 1174, 1175, 0 entre 1147-1150 (?) 1179, 1183, 1185, 1186 (3x), 1188 (3x), X Marquesa d'Urge11 111671) 1189, 1190, 1191, 1193, 1194, 1196, 1197 t 1199 I I Guerau IV comme vicornto d'Ager Guerau Ier oommc comte d'Urge11 cité en 1194, 1199, 1200, 1201, 1205 (3J, Overs 1170-1175 1209, 1211, 1217, 1218 (2n), 1222, 1223 (3d, X Elo 1-i 1205) 1224 (4 n), 1226 (3x) t 1229 Nous avons dressé un tableau des actes conniis de nous o& figurent les Cabrera:

1017: acte de fondation de I'évkhé de Besalú, im- pxim6 F. Monsalvatje, Besdic, Olot, 1889, t. 1, p. 278. GauSredi ex castro Capra- rensi. 1017: Carhdaire de Sant Cugat del Valles, acte 464, pp. 110 et sv. Arnatus Gerundensis.. . Ge- rallus. 1019: Marca Hispánica, ap. CLXXXI. Gerardo Caprariensi. 1035: Arch. Cathédrale de Vic, parch. 933. Guerau et Ermessindis. 1038: Fondation de Sant Salvador de Breda. 1040: ACA, R. Bérenger lo', copie de Ribera. Giraldo Gerundensium vice comite. 1044: Arch. Cathédrale de Vic, cite par Miret, Cas- tellbó, p. 82. Geraldus et íiíio suo Poncio vice comes. 1050: BoFaruU, Condes olndicados, t. 2, p. 23, Pons Gran. 21.3.1055: LFM, t. 1, p. 416. Poncio Geralli et mater sua vicecornitissa. 1055: ViUanueva, t. 15, ap. XXII. Poncius vice comes. 1056: ACA, R. Bérenger I"', parch. 210, 1059: Arch. de i'év&ché de Vic, no 91. Pontium vice comitem ge- rundensem. .. ad Geral- lum filium ipsius Poncii vice comitis. 1061: Arch. de i'éveché de Vic.' 9,.- parch. 12. 1061: LFM. t. 1, p. 423. Poncius Geralli vicecomes. 1061: Camilaire de Sant Cugat del VaU&s, acte 626, 11, p. 291. Poncius Geraüi vicecames. 1066: ACA, R. Bérenger I"', no 375. 1066: Arch. épiscopale de Vic, 9, n" 3. Poncium vicecomitem Ge- rundensem. 1067: LFM, t. 1, p. 269. Pons Geraid, vice comes. 1068: Villanueva, t. 14, ap. XVI. 11.12.1072: LFM, t. 1, p. 129. Poncium vicecomitem et Ledgardis vicecomitissa et Gerallus @US eom. 7.4.1074: HA, p. 68; voir Arch. Ager, doc. Proceso, 2498, no 13, actue1Iement BCB. Pons Guerau et son fils Guerau. 16.4.1074: HA, p. 68; voir Arch. Ager, doc. Proceso, 2498, n' 8, actuellement BCB. Pons Guerau et son @s. 1075: cite par Miret, Castellbd, p. 86. Poncius Geraidi et Ged- lus Hius. 18.6.1078: Bofarull, op. cit., doc. 111. 1079: Arch. épiscopale de Vic, 9, no 4. 1079: ACA, R. Bérenger 11, n" 41. 1079: Llibre Blnnch de Santas Creus, acte 17. Pons Guerau, Inguilsia son épouse et GneraUus Pon- tii le~üis. 1080: Bofadl, op. cit., cité par Miret, p. 86. Poncius ierundensis vice comes. 1081: Arch. épiscopale de Vic, 5, n" 3 et 20. 30.3.1082: Font Rius, Cartas, acte 38. 30.10.1083: HA, p. 90; Arch. de Solsona. Guerau Pons et sa femme. 1084: Llibre Blanch de Santas Creus, acte 20. Pontii Geralii, vicecomitis Gerundensis. 1086: ACA, R. Bérenger 11, no B. 1086: BofaruU, Condes vindicados, t. 2, p. 134. Pons et son .als Gnerau. 15.9.1088: HA, p. 91; Arch. Ager, doc. 1607. Pons Guerau et Guerau Pons. 3.2.1090: Sanahuja, HA, ap. 29. GeraUus Pontü. 1091: Cathédrale d'Urgel1, cart. 1, no 59 Poncio Geraiü fiüoque eius Cerdo Poncii. 1092: Arch. Ager, doc. 125. 15.7.1093: HA, D. 85: voir J. F. Iela, Cartulario Ma- yor de ~odi,ierida, pp.. 61-62. Guerau Pons vicomte. 4.8.1093: HA, p. 90; Arch. Ager, doc. 415. Guerau Pons et sa femme. 1094: Cathédraie d'Urgell, cart. 1, no 70. Domni Poncii vice comitis et dompni Geraiü filii eius. entre 1053 et 1071: LFM, t. 1, p. 405. Poncio GeraUi vicecomite. entre 1050 et 1076: LFM, t. 1, p. 425. Poncins vicecomes, üiius snm Ermessendis, vice- comitissa. entre 1072 et 1095: LFM, t. 1, pp. 432-433. Gueraldus Poncii. entre 1082 et 1097: LFM, t. 1, p. 427. Gerallus Poncii filius qui fui Lexcardis femine. 1094: Cartulaire d'urgell, 1, n" 355. 1095: Cartulaire d'urgell, 1, n' 106. GeraUus 6iius Pontii. 1100: Cathédrale de Solsona, libro 1, u' 22 Vicomte Geralt, sa feme Gelvira et ses 61s Ferrer et Bemat Gerait. 1101: Villanueva, Notes, f. 239, ap. XVI; Arch. de Solsona. GeraUi Poncii 'ironon- sulis". 6.1.1101: P. Bou, Historia de Balaguer, pp. 317-318. Gueran-Pons: 7.8.1102: Carhilaire d'urgell, 1, ns 32. GeraIli scilicet Pontii 1103: Parchemins de la Cathédraie d'UreeU.- sans cate chez Miret, Castellbó, p. 90, note. Guerau Pons. 1105: Arch. épiscopale de Vic, 3, parch. 103 GeraUus vice comes gerun- densis. 1105: ACA, R. Bérenger 111, no 97 GeraUus Poncii vice comes Girundensis. 3.11.1105: Monfar, Hist. condes de Urgel, t. 1, pp. 367-368, et LFM, t. 1, pp. 185-1638. Vicecomes Geraldus. 1105: Parchemins R. Bérenger 111, n" 99. Vicecomes Don Gerallus Poncii. entre 1096-1105: LFM, t. 1, p. 428. Poncius, 6iius qni fni Er messindis. DES TROUBADOURS OCCITANS ET CATALANS DES X@ ET Xds&UES 129 sans doute avant 1100 date o& Gerallus apparait come vicomte. 1106: Villanueva, Notes, f. 244, ap. XX. Gerallus Poncii vicecomes. 1106: LFM, t. 1, pp. 429-430. Gerallus Poncii vicecomes £üius Legardis. 1106: LFM, t. 1, pp. 430-431. Gerallus Poncii. 1107: Cathédrale de Solsona, lihro 1, f. 15, n' 20, Guerau Pons et son ftls Ferrer. 1112: Arch. Ager, doc. 2133, et col. Moreau, t. 46, f. 91. Geralio Poncio filio Let- zardis. 1113: LFM, t. 1, pp. 431-432 Gerdum vice comitem ge- rundensem. 1116: ViUanueva, t. 9, ap. XX. 1116: Cartdaire d'urgell, 1, doc. 411. 4.5.1116: HA, p. 90; Arch. Ager, doc. 844. Guerau Ferrer, as de Gue- rau Pons, et Bernard son frhre. 1117: Marca Hkpíinica, ap. CCCLIX. Guerau Pons "ice comitis serundensis. 29.6.1118: Font Rius, t. 1, Cartas, Rcte 50. Geraldus. 1121: Arch. Ager, doc. 1575, et col. Moreau, t. 50, f. 171. Cerallus. 1121: col. More& t. 50, f. 1. Vicomte Guernu et son 6ls Ferrer. 1126: Miret, Les vicomfes de Bas, Barcelone, 1901, ap. IV. Poncii de Capraria. 1127: Arch. Ager, n' 952, et col. Moreau, t. 53, f. 10. Geralius vicecomes, Pontii Geralli &us ejus et Fer- rarius. 1129: Arch. Ager, n" 1581, et col. Moreau, t. 54, f. 3. Gerallus Poncii vicecomes et Fenarius Geralii. 1129: Arch. Ager, ne 1556, et col. Moreau, t. 54, f. 211. Gerallus Poncii, Poncius Geralli; Gerallus quod vocitatur Ferrarius. 1129: Parchemins de la Cathédrale d'urgell, cité par Miret, Casfellbó, p. 96, note. 1130: col. Moreau, t. 54, f. 128, Gerallus vicecomes, Pon- cius Geralli filius sius, Fenerius Geralli frater eius. 1131: col. Moreau, t. 55, f. 13. Geiallus vicecomes, Poncio &o meo, Ferrer üiio meo. 1131: Miret, Les cases de Templers y Hospitalers en Catalunva. Barcelone. 1910. ~lanche40. Gerallus Poncius. 1131: Mireti Notes, ip.30'2305, et col. Morean, t. 55, ff. 16-19. Geralius vicecomes et Yon- tius vicecomitis, Ferra- nus frater eius. 1131: Arch. Ager, no 411, et col. Moreau, t. 55, f. 20. Geralli vicecomitis.

9 avant 1131: LFM, t. 2, p. 264. Geraldus Pontii et Pontius. 1136: ACA, R. Bérenger IV, n" 55. Poncius de Cabrera. 21.2.1141: LFM, t. 1, p. 38. Comte Pons de Cabrera, majordome du roi de Castille. 6.7.1145: HA, p. 93; Arch. Ager, doc. 2072. Pons vicomte. 20.10.1145: Viiianueva, Viaie, t. 9, ap. 11. Geraldus de Cabrera et sa mere Sanche. 11.8.1146: Font Rius, Cartas, acte no 63. GeraUus vicecomes. 1147: Carhdaire des templiers de Gardeny, doc. 1150. Geraldi vicecomittis. 1149: Camilaire de Charlemagne, Cathédrale de Gé- rone, doc. 274. Guerau de Cabrera. 28.2.1152: HA, pp. 93 et 97; Arch. Ager, nD 290 (document faux). 19.1.1153: HA, p. 94; Arch. Ager, doc. 2206. Guerau de Cabrera et son épouse Bérengkre. 1157: Cartulaire de la Seu d'UrgeU, t. 1, doc. 971. Giieran de Cabrera. 1157: col. Moreau, t. 68, et HGL, t. 5, doc. 608. Geraldum de Cahraria. 24.6.1158: HA, p. 83; ArcIi. Ager, doc. 42. Comte Pons et vicomte Guerau. 29.10.1158: HA, p. 95, et imprimé in externo, pp. 332-333. GeraUi vicecomitis, Beren- garie vicecomitisse, Pon- cii Cerdi, filius eius, comes Poncius. 14.10.1159: HA, p. 95; Arch. Ager, doc. 1560. Vicomte Guerau. 28.8.1165: P. Kehr, Papsturkundm... 1. Xatalanien, p. 418 (doc. 120). Viro P(oncio), viceeomiti de Caprana. 1167: Villanueva, BN de Paris, ms. esp. 520. Poncium de Cabrera. 1168: Llibre Bkznch de Santas Creus, doc. 135, pp. 138-139. Poncius de Capraria. 8.9.1169: HA, p. 94; Arch. Ager, doc. 271. Comte Pons. 1170: cité par Miret, Notes, p. 308. Poncius de Cabrera. 13.7.1174: Font Rins, Cartas, no 149. Pontii, vicecomitis de Ca- brera. 1175: Carhdaire des templiers de Gardeny, f. 59. 17.7.1179: Miret, Les cases de Templers y Hospita- las en Catatunya, Barcelone, 1910, p. 325. Pontius de Cabreira. 1183: Arch, du monastere d'Alguaire, de i'ordre de l'Hbpital, cité par Miret, Notes, p. 308. Poncius de Cabrera. 1185: ACA, Varia d'aphonse I", f. 55, Notes, p. 308. Poncium de Cabreira. 1186: ACA, Aiphonse I", parch. 312. Poncio de Cabrero (sic) 1186: ACA, Alphonse I", no 405.

1186: ACA.. Ai~honse- 1"'. u" 412. cité en Aoa6e Dar Miret, p. 309. Ponciilm de Cahreira. 1188: Vilfanueva, BN de Paris, ms. esp. 520. cité par Miret, pp. 309-310. 1188: ACA, Aiphonse I*', no 512. 1188: ACA. Varia 2 d'Ainhonse 1''. f, 113. cité en partie par Miret, Notes, p. 310. Poncium de Cabreira. 1189: ACA, Aiphonse I", n" 517. 1190: ACA, Alphonse I"', n" 551. DES TROURADOURS OCCITANS ET CATALANS DES xne E% XIIP SIECLES131

1191: ACA, Alphonse le', n" 597. 1193: ACA, Alphonse l", n' 646. Poncinm de Caprana. 1194: cité en entier par Miret, Notes, pp. 312-313, et LFM, t. 1, pp. 434-436. Poncinm de Caprana, Ge rallus filius noster. 1196: Monfar, p. 418, et LFM, t. 1, p. 436. 1197: acte cité par Miret, Notes, p. 314. Poncium de. Capraria vice- comite. 1199: ACA, Parchemins de Pere I"', n' 66, et LFM, t. 1, pp. 436-438. Geraldns de Capraria vice- comes. 1200: Marca Hispánica, ap. 492. 1201: ACA, Pere I"', n" 117, cité en partie par Mi- ret, Notes, pp. 315316. Gerardo vicecomiti Capra- riae. 1205: Cartulad de Poblet, Barcelone, 1938, pp. 10-11, acte 27. Geraldus de Cabraria. 1205: col. Moreau, t. 106, f. 220, cité en entier dans Miret, Notes, pp. 316-318. Geraldi vicecomitis Capra- nae. 1205: Arch. Ager, copié dans la col. Moreau, t. 107, f. 25. 1209: cité par Miret, Notes, p. 319. 1211: cité par Miret, Custellbó, p. 107. Gnerad de Cabrera. 1217: publié par de Tonrtoulon, Hist. de Jaques le conquérant, ap. IV. 1218: cité par Miret, Notes, p. 320. 1218: Villanueva, BN de Paris, ms. esp. 520, cité par Miret, p. 320. Gerallus comes Urgelli et vicecomes Caprarie.

On trouve encore des actes du meme persomage en 1222, 1223. (2x), la4 (4x), 1226 (3 x). Son 61s Poncins apparalt des 1227 avec le titre de comes UrgeUi.

L'histoire des Cabrera, qui vient d'etre retracée A grands iraits, montre avec évidence la valeur de chacun de ses membres. Si I'origine de la maison parait entourée d'une certaine obscurité, on voit ensuite la jeune dynastie gravir lentement chaque génération, A chaque ma- riage, avec intelligence et pugnacité, les échelons de la hiérarchie féodale. Si bn suit Botet i Sisó, on remarquera que le premier Cabrera vi- comte de Gérone, Guerau Pons Ier, le doit A sa femme Ermessende, fiiie d'Amat vicomte de Gérone. Continuant cette politique efficace, le íiis de ce premier Cabrera, Pons Guerau Ie', s'établit dans les terres d'Ur- gel1 en épousant Letgarda de Tost, 6lle du conquérant de la terre d'Ager. Ces mariages fructueux n'expliquent toutefois pas entiirement Pirnportance grandissante des Cabrera durant le e siicle: des qualités personnelles évidentes &ent du mari de Letgarda de Tost un des ba- rons les plus importants de la mur de Barcelone. Son fils, Gnerau Pons 11, gravit encore un échelon en adjoignant A son titre de vicomte de Gérone celui de vicomte d'Ager. La transformation de la structure féodale du comté d'Urgefl (vicomté de Castellbb indépendante, création d'nne nouvelle vicomté) apparalt comme un phénomhne capital dans i'ascension des Cabrera: Simportance territoriale se greffe enfin le titre féodal conespondant. Gérone est loin: les terres d'Urgell sont maintenant les seuls soucis des Cabrera. Les rkgnes des dew successeurs, Pons Guerau 11 et Guerau Pons 111, sont plus temes -pour plusieurs raisons. Le premier, accédant Agé A la charge, n'eut gukre de temps pour déployer des talents éventnels, car il meurt rapidement. Son fils, Gueran Pons 111, lui succkde trbs jeuue. Qnoique sans éclat, le rhgne de ce vicomte, malgré les difficultés suc- cessorales si dangereuses pour la conünuité des maisons, verra le main- tien des terres et du titre. L'acte politique le plus marquant de Guerau Pons 111 fut de marier son fils, Pons 111, avcc une füle du comte d'urgell, son suzerain. L'époux de Marquesa d'ürgell fut le héros malheureux de Sétablissement défi- nitif de sa famille. Au terme d'nne tumultueuse vie de lutte contre son roi et son suzerain, il n'aboutira pas. Son ñls, lui, aboutira. Les Cabrera sont comtes d'Urgell.

Les Cabrera, ces grands féodaux catalans, out compté dans leurs rangs un troubadour qui ne nous a laissé qu'un seul pokme. Ce pohte est nommé Guirauz de Cabrera dans la rubrique du manuscrit unique. Les problbmes inhérents A la date de composition du pokme et A la personnalité du troubadour ont retenu Sattention de la critique depuis plus d'un sihcle. A notre tour, nous nous sommes intéressé el ce probleme. Sur le plan de la méthode, nous nous sommes toutefois sensiblement écarté de nos prédé~esseursen synthétisant d'abord, faisant abstraction de toute donnée littéraire, le rbIe historique des Cabrera. Ceci fait, nous allons exarniner les éléments littéraires susceptibles de nous foumir des précisions chronologiques pour dater le sirventes- ozsenhamen. E&, dans un stade ultime de Senquete, nous compare- rons les résultats acquis par l'enquete historique et ceux obtenus au teme de l'enquete littéraire.

La datation d'un texte te1 que le n6tre pose quelques problbes. 11 nous paralt en effet nécessaire de ne pas céder la teutation de dater la piece en se fondant sur Sensemble des allusions littéraires qu'il contient. 11 importe de ne pas retenir la date présumée des textes mentionnés dans le siruentes-ensenhamen car, comme Sa tres justement noté Martín de Riquer,

il faut recourir a tous les indices vaiahles possihles en faisant précisément ahsbaction des aUusions aux persounages de "gestes" Iégendaires quón y voit apparaltre, puisque Guiraut de Cahreira a pu disposer, de toute facon, de sources d'informations distinctes des chausons que nous possédons an- , jourd'hui 1.

Nous pensons douc que les criteres décisifs de datation sont, outre ceux qui sont fondés sur des données matérielles (date du manuscrit.. .) ou sur des enseignemeuts précis de l'histoire littéraire des troubadours, les élkmeuts du texte lui-meme susceptibles d'rltre datés avec un maxi- mum de sécurité. Quels sont-ils? 11 s'agit des poemes lyriques o& Soeuvre et Sauteur s'identaent nécessairement. Cette caractéristique ne conceme pas -ou ne le répétera jamais assez- l'ensemble de la production littéraire mé- diévale. Les autres ailusions littéraires ne seront donc examinées qu'avec la plus extreme prudence et n'interviendront dans le processus de data- tion qu'A titre conhatif.

Guerau de Cabrera ne consacre qu'uue part modeste de son Cabra Juglar aux poetes lyriques. En vertu des criteres de datation que nous veuons d'affirmer, uous allous examiner avec attention les six vers con- sacrés aux troubadours:

Ja vers novel hon d'Eu RudeU non cug que t pas sotz lo guingnon, de Markabmn, ni de negun ni de N'Anfos ni de N'Eblon. (w. 25-30) Les poetes cités sont tous de langue dec. Cette remarque peut passer pour un truisme. Mais cette simple constatation objective ne mérite-t-elle pas qu'ou s'y arrete quelque peu? Ne s'agit-il pas déji d'une indication chronologique? S'il est certain que la poésie conuue et pratiquée par les catalans du moyen &ge est évidemmeut celle de langue d'oc, il est tout aussi certain que Guerau de Cabrera, élaborant un répertoire idéal pour un jongleur, ne cite aucun trouvere. On est donc en droit de s'interroger sur cette omission -si omission il y a. 11 est en effet assez étonnant de ne pas renconher les noms des premiers trouvAres connus (Guiot de Provins, Huon d'Oisy et Chrétien de Troyes) dont les premieres oeuvres peuvent &e datées de 1165 a 1180. De toute évidence, il est périlleux de teiiter une datation sur la base d'arguments e silentio, mais ceux-ci peuvent etre éclairants et doivent, de toute maniere, 6tre soulignés.

A. "la vers novel / bon &En RudelP'. Guerau de Cabrera cite en premier lieu Jaufre Rudel, troubadour célebre s'il en est, dont il qualifie heuvre A l'aide de deux adjectifs: bon et novel. On hadans une note de Pédition uue démonstration qui tend i dé- finir le geure du vers comme un genre littéraire utilisé par les plus anciens troubadours connus. Ce signe d'archaisme doit 6tre souligné, meme s'il n'est pas un argument décisif puisque le terme vers a été uti- lisé i toutes les époques de la poésie &c. L'adjectif bon est un jugement de valeur du troubadour catalan qui concorde parfaitement avec ce que l'histoire littéraire peut nous ap- prendre. En effet, si nous savons qu'il existe des liens d'amitié entre un Cabrera et Marcabm (voir les pp. 145-157), nous savons égale- ment que Marcabru considere avec faveur les qualités poétiques de Rudel z.

a. Le Jaufre Rudel Izistorique. -A quelle époque vit donc Jaufre Rudel? On se reportera une savante étude de Pan1 Cravayat qui a repris sur de nouvelles bases le célebre article de Gaston Paris'. Cette mono- graphie du vieux maitre fraqais a été assez séverement jugée par Cravayat, ca? elle

8. Pihce 293, 15, dans i'éd. de Roncaglia, io Mélanges Alfredo Schúiffini, dans RCCM, t. 7, p. 960. 3. P. Cravayat, Les origfnes du troubadour Jaufre Rudel, in Ron, t. 71, 1950, PP. 16E-179. Avec toute la bibliographie correspondante. 4. G. Paris, 7oufi.e Rudel, in Reuue Historique, t. 53, 1893. gp. 225-260. - DES TROUBAWUIIS OCCITANS ET CATALANS DES xne ET XIJPS~CLES 135

se contente pour les questions de généalogie d'utiliser les recherches du chevalier de Courcelles et n'apporte aucun document uouveau. Son auteur (Gaston Paris) va mbme jusqu'i affimer que Janfre Rudei ne figure dans aucune charte 5.

D'apres Cravayat, Jaufre Rudel, descendant d'une famille qui pos- sédait des terres en Bordelafs et en Saintonge, était vassal du comte diAngoul6me et du comte de Poitiers. Cité pour la premiere fois dans un document postérieur a 112.5, Jaufre Rudel joua un grand r6le dans une lutte féodale qui avait pour objet la maitrise dn chateau fortifié de Blaye quil possédait. Cette place commandait l'estuaire de la Gi- ronde et avait de ce fait une importance stratégique non négligeable. Le pbre de Jaufre Rudel avait été dépossédé de son fief par le comte de Poitiers, Guillaume IX le troubadour, qui avait ruiné les murs et le donjon. Le comte d'Angoul6me, en fréquents conflits avec le duc de Poitiers, chassa le 61s du troubadour, Guillaume X, de Blaye, et re- construisit le chateau. Le titre porté par Jaufre Rudel, prince de Blaye 6, montre clairement que le duc d'Angoul&me, uni a la famille de Blaye par des liens familiaux, avait reudu la place a son vassal. On notera donc que Jaufre Rudel, en age de signer avec son pere et son frase cadet a une date postérieure A 112.5, doit &re né dans la premiere dé- cenuie du siecle (son pese signe dans un document en 1096). Ce troubadour a donc été, pendant la plus grande partie de sa jeunesse, un dépossédé puisque le chateau familial a été occupé par les poite- vins durant les années 1115-1130. Cette constatatiou nous amene donc ti penser que la jeunesse du troubadour a été celle d'un marginal mn7, comme celle de la plupart de ses confieres en poésie. On est donc encfin ti se demande1 o&ce Bordelais -rappelons que cette région se signale peu dans le domaine des lettres a cette époque- a passé ses années de jeunesse *. La réponse hypothétique que nous formulous en note a le mérite de donner une certaiue cohérence géographique ti cette école des premiers troubadours connus qui, avant 1150, semblent gra- viter autour de la cour de Poitiers. On sait, par i'envoi de la piece XV de Marcabru (Co~tesamenmoiU comerusar), que Jaufre Rudel s'était croisé et se trouvait outre-mer en 1148. D'apres Gaston Paris et Paul Cravayat, Jaufre Rudel s'était enrB1é avec son suzeraiu le comte d'Angoul6me dans l'armée du comte de Toulouse qui s'était embarquée a Port-Bou. Cette partie du con-

5. P. Cravayat, art. cit., p. 167. 6. Dans un autre scte conceinnnt Jaufre Rudel, malheureusement sans date, Iaufre Rudel s'intitule lui-meme "daminus Blavise", ort. cit., p. 175, note 2. 7. D'apras l'expression introduite par Erioh X6hler dans ses recherches sociologi- ques sur la poésie des troubadours. 8. J'Bmets, rous toute réserve, lShypothese ~u'ilP pasd ra jeunesse a la cour de Poitiers oU il a pu cannaitre Mareabni et Cercarnon, les poetes de la eout de Poitiers de I'kpoque. tingent francais de la seconde croisade a débarqué A Saint-Jean-d'Acre le 13 avril 1148. On s'accorde A dire que le troubadour est mort peu apres. 11 n'a, de toute manikre, pas d& vivre trks longtemps aprks 1150, car iI n'est cité par aucun troubadour immédiatement postérieur. 11 avait d'ailleurs atteint la cinquantaine. La critique s'accorde a considérer 1148 comme la date présumée laquelle on perd la trace de notre troubadour. Or, le vws de Rudel est qualifié par Guerau de Cabrera de novel. Sagit-il d'une indication chronologique?

b. "Veis novel". &u& du probleme et réfutation des idées de S. J. Borg.-La critique a toujours insisté sur cette "nouveauté" du vers de Rudel. 11s en ont conclu que l'auteur du sirventes-ensenhamen se situe dans la meme tranche chronologique que le seigneur de Blaye. En 1861, Mil6 PafEimait déja:

en efecto, se citan como nuevos los versos de Rudel, cuya carrera poética no llega más allá de dicho aiío 8. AprAs cet érudic on sait que Martín de Riquerlo, puis avec insis- tance 1. M. Cluzel 11, ont fort insisté sur le vers novel de Jaufre Rudel pour affirmer que Guerau de Cabrera écrivait i une époque ob le vefs en question pouvait encore &re considéré comrne le témoin d'une cer- tahe nouveauté poétique. Quelques temps auparavani, une érudite allemande a publié une 6tude consacrée au mot noous dans la poésie des troubadours et la Vita Nova de Dante12. Ce travail, bien quil soit mentionné par le FEW, parait avoir été totalement ignoré des érudits qui se sont penchés sur notre problkme l3. A la merne époque, Aurelio Roncaglia publiait une étude consacrée A la farciture romane du cantique In hoc anni circulo transmise dans un manuscrit de Saint-Martial de Limoges 14. Cette contribution impor-

9. M. M26 y Fontanals, op. cit., p. 265. 10. M. de ñiquer, op. cit., 1' éd., p. 385: "cuando él esciibe er todavía una no- vedad la poesía de Jaufre Rudel", et CCM, t. 2, 1959, p. 182: "Jaufre Rudel dont il rsmarque la nouveautd podtigud'. 11. L M. Cluzel, nrt. clt., p. 91: "Mr de Riquer a bien recannu l'impartance de i'adiecüí nouel... Nous irons m8me plus loin: i'adjectif nooel implique I'idée que le uers n'est pas connu des auditeurs, qu'ii est inédit en somme, et que, par conséquent, l'auteur est encore vivant!' 12. E. Ebenvein-Dabcovich, Das Wort noous in der altprooen~olischen Dichtung und in Dantes Vita Noua, dans RJ, t. 2, 1949, PP. 171-195, surtout les pp. 176-177. 13. FEW, article nouus, t. 7, p. 212, col. 2: "In der LyRk der Troubadours und in der jenigen der von hen beebñussten dicbter verbindet sich mit nou, manchmal auch mit meel, eine besandere gefühlsnüance, die der eaipfindune, welche aus dem wiederer- stehen der lebenshnssemogen, aus einer regeneration von menseh und nahir entsteht." 14. A. Boneaglia, Lnisd estar lo gngozel (Contributo nlla discuasione su3 rapporti jfa lo mgkl B ia ritmtca ~mnanxa),in CN, t. 9, 1949, PP. 74-76. tante pour l'étude des rapports entre les poésies arabe et romane a paru la meme année que Sarticle de Mme Ebenvein. Cette note de Roncaglia inthresse directement notre sujet, car Pérudit italien com- mehte les vers suivants:

Laisat estar lo gazel: aprendet un so noel de Virgine Maria et les vers finaux:

En vos ai dit mon talan e vos dijat en avan chasques vers nou ah nou chan de Virgine Maria.

Le professeur romain consacre trois excelientes pages, tres informées, aux problemes posés par le so noel et le nou chan. Nous utiliserons les multiples notes de cet article fort documenté dans le cours de notre exposé.

Nous n'avons pas cru devoir étudier le probldme de vers novel en suivant l'article de Mme Eberwein, car celui-ci ne nous paraissait pas constituer une base de travail suffisamment solide pour notre type d'en- quete. Nous avons en effet constaté que l'érudite allemande aboutissait i des considérations de type philosophico-littéraire par trop éloignées de notre modeste enquete; en outre, des conclusions parfois hasardées nous paraissaient tirées au départ de prémisses fort ténues IB. Nous croyons quil est plus sage d'étudier le probleme sur un mode plus concret qui ect celui de l'analyse lexicale. On trouve déji, A plusieurs reprises le, l'expression "umnos kainos" dans la version grecque de la Bible des Septante. La version latine, tout spécialement dans les Psaumes, présente plusieurs fois la forme canticum novum 17.

15. Principalement quand Mma Ebenvein, sur la sede foi du mot nOOu.9, diirme "que nous avans la preuie (p. 184) que la premiere poésie profane occidentale est liée auu événements des premien temps chrétieor ...". "Le renouveau du monde qui a lieu sous l'impulsion du Christ, le .novus horno, et grace B son .nowm testarnentumr, le temps nouveau a été, des le début, senti cornrne un miracle printanier. Mais c'est sur- tout le mot snaws. qui revient dans les Eva+igiie& chez les PBres de 1'Eglise et dans les premiers Hymes. ii est A remarquer que cc mot ne recouvre pas reulement la si& fication de la résurreetion pascale mais aursi 1s ~aisssncememe, le nauvel Adam, ee qui implique Pancien, le tout piis dans un sens cosmologigue." h ce nivcau d'explication, nous WoYans que tout peut €he démantré. 16. Voir E. Hatch et H. A. Rcdpath, A concordonce to the Soptuneint, 1954, t. 2, P. 1405. 17. Réiérences apportées par Mme Ebenvein, ort. cit., p. 178, note 1. Je cite $8- ~18sLouis Pirot, La Sointe Bible. Terte latin, Paris, 1937, t. 5, les Psaumes, p. 156, A ces exemples tirés de Uncien Testament, Roncaglia a joint d'autres textes de la tradition chrétienne, tout spécialement médiévale. L'exégese chrétienne -saint Angnstin, Quodvulteus de Carthage, Hugues de Saint-Victor- oppose le testamentum vetus, canticus vetus, horno vetus au testamentum novum, canticum novum. La tradition chrétienne oppose évidemment les deux "vies" déter- minées par la rédemption du Christ. Parmi les exemples allégnés par Roncaglia, celui-ci me parait résumer de la manikre la plus laconique la pensée des théologiens:

Canticum est vita: canticum novum, vita nova; canticum veius, vita vetus. Nova vita, iustitia; veius vita, culpa.

Comme on le constate, I'expression canticum novum est bien attes- tée dans la tradition judaiqne pnis chrétienne. Les premiers trouba- dours -qni doivent bien utiliser des mncepts et des expressions déjh fixés pour exprimer leur conception de I'existence et de I'amonr- vont laiciser certaines expressions qui préexistent dans la iittérature médio- latine la. 11 est toutefois bien évident que les liens génétiques qui uni- raient I'expression canticun%novum rencontrée dans la patristique A I'expression chan novel utilisée par les tronbadonrs sont loin &&re clairs. 11 reste donc A détenniner le sens A donner aux diverses déclarations de "nouveauté" dans le monde laic des troubadours et A savoir si novel accolé h un teme littéraire dans la tradition romane ne recouvre pas plusieurs significations. 11 nous faut, au teme de I'analyse, nous de- mande~si la qualification d'nn terme littéraire par novel ne eorrespond pas A des notions aussi précises que spécialisées.

Des I'oeuvre du premier troubadour, on déconvre I'expression dans une strophe printaniere:

Ab la dolchor del ternps novel fono fi bosc, e li aucel chanton chascus en lor lati segou lo vers del novel chan ... 19. (P.-C.,183, 1, VV. 1-4)

XL, 4: "et immisit in os meum canticum novum"; XXXIII, 3: "cantate ei canticum novum / bene psaiüte et in vociferatione (p. 121); XCVI, 1: "Cantate Domino canticum novum" (p. 384); XCVIII, 1: 'Tantate Domino canticum novum" (p. 391); "Cantste Domino canticum novum" (p. 569); t. 7, p. 158: "Cantate Domino canticum novum" (Isaie, XLII, 10). On trouvera é~dementles memes r&&renceschez A. RoncapUa, art. cit., p. 74, note 24. 18. Eugen Lerch, Trobodorspmche und reIigiose Sprache, in CN, t. 3, 1943, PP. 214230. 19. Voir A. Jeanroy, Guilhume ZX, p. 24. Les provengalistes savent que ternps novel ou encore temini novelw sont les périphrases fréquemment utilisées par les troubadours pour désigner le printemps. Chez Marcabru également, on trouve associées l'idée du renouveau printanier et celle du "nouveau chant":

en aiziment de blancas flors e de noveni chant costumier ... 2'. (P.-C., 293, 1, VV. 4-5) On peut ainsi dégager un premier sens de I'expression "novel chant": le chant du "renouveau printanier". On notera que dans ces deux exemples, le mot "chan" designe uniquement le chant 4ans son sens musical- des oiseaux sans qu'on puisse y voir une ailusion A un quelconque genre littéraire. Lorsque i'adjectif novel est joint & un mot désiguant clairement un genre ou un teme littéraire, il en va autrement. Dans une chanson attribuée généralement A Guillaume IX 22, le pre- mier troubadour commence un de ses poemes par Pexorde suivant:

Farai chansoneta nueva ans que vent ni gel ni plueva ... 23. (P.-C., 183, 8, w. 1-2) A cet exemple, on peut ajouter un grand nombre de références assez semblables dans les seuls incipit 24. Au départ de ces quelques incipit, on peut déjk tirer quelques con- clusions: un si~ventespeut &re dit nouveau en raison des circonstances qui motivent sa création. Le contexte politique (Folquet de Romans) et le contexte psychologique ou amoureux (chez Guiilaume IX?) peuvent justSer une composition lyrique nouvelle qui veut répondre A la vio- lente des sentiments & exprimer

20. Paur des exemples semblables, voir FEW, t. 3, p. 202. 21. Vair J. M. L. Dejeanne, Le troubodour Morcobni, p. 3. 22. Voir A. Monteverdi, Lo "chansonsta nuevo'' attribuita n Guglit.lmo d'AqutAania, in Studi im more dl S. Sontongelo, publiés in Siculomrn Gymnosium, t. 8, 1955, PP. 6-15. 23. Texte dans A. Jeanroy, kd. cit., p. 19. 24. Chez Bemard Marti ((Bd. E. Hoepffner, p. 19): "Farai un vers sb so novel" (P.-C., 63, 7, v. 1). Chez Raimbaut d'orange: 'Ab no" cor et ab no" talen, / ab nou saber et ab nou sen / et ab non be1 captenemen / vuoill un bon nou vers comensaz" (P.-C., 389, 1, VV. 1-4; 6d. W. T. Pattison, p. 184). Chez Bertran de Bom (la fils?): "Un sirventea farai novel" (P.-C., 76, 42, v. 1; Bd. A. Stiinming, Beltrand de Bom, 2' &d., Halle, 1913, p. 213). Cher Guilhem de Berguedan: "Un sinentes vuoill nou far en rim'eskaignd' (P.-C., 210, 21, v. 1; éd. M. de Riquer, t. 2, p. 80). Chez Peke Cardenal: "Un skventes novel vueill comensar" (P.-C., 335, 67, v. 1; Bd. Lavaud, p. 222). Chez Folquet de Romans: "Par vuelli un nou sirveiites / que razan n'ai granda" (P.-C., 156, 6, w. 1-2; &d. De Bartholomaeis, Poesie proueriínli storiche, t. 2, p. 3). 25. C'est encore le cas chez Guiraut de Barneil: "Volb far ab la dolor / que m'a cbargst Amors / en loe d'altre recors / un novel chan / que m'ira conarian / de Süe On aura remarqué que certaines compositions poétiques sont dites m nouvelies" pour des raisons techniques (en rim'estraigna chez Guiihem de Berguedan) ou, surtout, musicales (ab so twvel chez Bernard Marti). Ces acceptions sont fort fréquentes chez Peire Cardenal, A cause d'une "nouveauté" technique:

un esiribot farai ... de motz novels..

René Lavaud (éd. cit., p. 206) affirme que "chaque estribot étant carac- térisé par Ia s6rie de ses rimes, peut-&re s'agit-il pour Pauteur... de choisir une séne nouvelie". Chez nombre de troubadours, la suite de Bemard Marti, la "nouveaut6" semble surtout musicalez5. L'élément musical parait tres importaut pour pouvoir quamer un quelconque poAme de "novel". C'est tout spécialement le cas de la potrouenge %7,du lai, du son, de la note 2*. De tous ces exemples, il ressort clairement que l'adjectif novel quali- hnt un mot de la teminologie littéraire désigne la "nouveauté" d'une ocuvre par rapport aiix oeu\.r;i aiitériei,rcs. 1iñ outre, il scml~lcrcssortir que si la "nou\e.itité" sc fonde t.rscnticllriiiciit siir I:i "noiiveaut&"du

de l'afan" (P.-C., 242, 68, VV. 4-9; éd. A. Kolsen, t. 1, p. 202). C'est encare le cas ehez Bernard de Ventadour: "Bem cuidei de chantar sofrir / entra lai el doutz tems suau; / eras, pus negus no s'esjau / e pretz e donar vei morir, / no posc mudar, no prenha cura / d'un vers nave1 a la frejuri" (P.-C., 70, 13, w. 1-6; éd. C. Appel, Bemnrd oon Vantadorn, p. 76). Chez Thibaut de Chwpagne: "Amars me fet comen- cier / une chan~onnouvele / qu'ele me veut enseignier, / a ame* la plus bele / rli~i soit el mont vivant: / o'est la hele au cors gent, I' c'est cele dont ie chnnt" (R., 1268). 26. Chez Peire Vidal: "Par qu3ie.us retrac ma chanso / novela ab novel so" (P.-C., 364, 6, w. 5455; A. S. Avalle, Pelre Vidal, t. 2, p. 208). Ln vida de Guülem Rainol d'At prkcisa que ce trouhadour "e si fez a toz sos sirventes sons nous" (Bouti&re- Schutz, Biogrophies des troubadmrrs, pp. 495496. Voir, sur ce passage, A. Jeanroy, Poésie lyrique, t. 2, p. 182). Cette remarqye du biograpbe rnontre clairement que les trouba- dours réutiiisaient certaines mélodies. Ce phénomene est corroboré 130, un passage de Gauceirn Faidit: "Ab nou cor et ah novel so, / voill un non sirventes bastir" (P.-C., 167, 3, VV. 1-2; J. Mouzat, Gaucelm Foidlt, Paris, 1965, p. 564). Gaucelrn Faidit indique les conditions pour rédiger un "nauveau" simntes: une impulsian poétique "nouvelld' (ob no& cap) et une "nouvelle" musique (ab novel so). 27. Sur cette question voir F. Gennrich, Die altfra~lraníOsischsRotrouenge, Halle, 1915, pp;, 10-13. 28. Tristsn ki bien savait haraer / en aveit fet un nuvel lai" (Chdorefouille, vv. 112-113). "Mult w8ssies air chawns, / rotrouenges e noviax son? (Wace, Bnit, VV. 10825-6). 'Zsis e nouveaus son8 / et rotrouenges et chencons" (Loi de l'Oiselel, VV. 91-92). "Contes e fables e chancons / e estrumenz e naveaus sans" (Troie, w. 5308-9). "Ge sai conter beaa diz noveax, / mtruenges viez et noveles / et sinentois et pastoreles" (Les dew bouvdeurs libaudd. "Saup novella violadura / ni cariz0 ni descort ni lai" (Flamenco). "Notes et estampiez helles / de cei rotelenees nouvelles" (Renart lo Con- tíefait). "Retrawange nouele / dirai et bone et bele / de la Vierge pucale" (R., 602). "Des feblcs fait on les fahliaus / el des notes les sans noiiaud' (Montsigion, Fahliaur, CXXIX, v. 1-2). "Et chanterit un novel son / díin doz Iai" (Bartsch, 111, 29, 8). "Notes noveles de grant douceour / si estoit en temps de mav" (Faral, Blancheflour et Florence, w. 100-101). ''Ver* deu aver lonc so / e psuzat e noel" (Leys d'amors). theme, elie peut également concerner la "nouveauté" de la musique ou cl'une caractéristique technique. A ce sens premier, vient se joindre un sens second:

autre, qui succede B un &re ou A une chose du meme ordre29. Ce dernier sens est celui de i'expression "stil novo" que Son retrouve chez Dante3". Pour le poete, le stil novo était représenté par Sécole issue des concepts de Guinizelli et de Guittone d'Arezzo qui s'oppose A Sécole sicilienne d'inspiration provensale (Iacopo da Lentini ou, en Toscane, Buonagiunta de Lucca). Le stil novo se caractérise par une teudance a la "nouveauté" dans Sinspiration, le style, la langue et les genres littéraires utilisés 31. En conclusion, les expressions oh un teme iittéraire est qnaliñé de novel sont extremement nombreuses. On releve trois sens possibles A donner A novel. D'abord, un poeme peut-&e dit novel A cause de la proximité de la date de composition, de la nouveauté de Sinspiration, ou d'une quel- conqiip caractéristique Sordre technique ou musical. Ensuite, novel peut avoir le sens -qui démule tres normalement du premier- de "différent", "autre", "qui succkde A un &re ou a une chose du meme ordre". Guerau de Cabrera peut vouloir signaler: 1) ou la récente compo- sition du vers; 2) on la nouveauté "poétique", "technique" ou "musi. cales' des vers de Rudel dans le contexte Littéraire d'une époque déter- minée; 3) ou la différence entre les conceptions poétiques de Rudel et celles de I'époque qui précédait ce dernier. 11 nous parait impossible de choisir entre ces trois acceptions. Quoi qu'il en soit, nooel accolé A un terme iittéraire indique une proximité chronologique certaine mais qui est plus ou moins grande selon que Son retient Sune des trois acceptions. D'autre part, s'il parait s6r que csrtaines expressions du type que nons étudions paraissent relativement figées 32, il n'en est pas moins s6r qu'on ne peut donner I'adjectif novel un autre sens que ceux déter- minés plus haut. D'ailleurs, selon toute vraisemblance, ces expressions sont fig4es paree qu'elles font partie du répertoire des formules utilisées dans la composition des textes narratifs.

29. FEW, t. 7, 201. En thmoigne un poeme de Guüiiem de Montanhagol: "Non an tan dig li primier trobador / ni fsg d'nmor, / lai el temps qu'era guays, / qu'enquera nos no fassam ames lor / chnns de valor, / nous, plazens e "erais / quar dit not hom so qu'estat dig no sia, / qu'ertiers non es trobaires bos ni 6s / &o fai sos Jtans guays, nous e gent sssis, / ab noels digz de nova maestria" (P.-C., 225, 7, w. 1-10; P. T. Ricketts, Les paksies de Guilhem de Montanhagol, Toronto, 1964, pp. 84-85). 30. Purgotoirrr, XXIV, 52-57. 31. Siebzehner-Vivsnti, DizionnriD della Dinina Contedin, Milan, 1965, pp. 617-618. 32. Pmiles exemples cites supra, ceux du Bwt et du Roman de Troie par exemple. On voit donc bien pourquoi l'argumentation proposée par 1. M. Clu- zel nous paralt quelque peu forcée:

i'adjectif novel implique i'idée que le oers n'est pas encare connu des audi- teurc, qu'il est inédit en somme, et que, par conséquent, i'auteur est encare vivant m; de meme que celies des érudits qui considhrent uniquement un vers novel comme réeemment composé. Dans cette optique et d'aprhs ce que nous savons de l'histoire litté- raire des troubadours, Guerau de Cabrera, écrivant de toute maniere d une époque assez pmche des dates de pmduction assignées d Jaufre Rudel, était-il autorisé ti qiialifier le veís de nouel pour une autre raison que la proximité chronologique des compositions du troubadour de Blaye? En ce qui conceme le style ou les idées, on peut affirmer sans am- bage que Rudel constitue une nouvelle tendance dans le contexte de la seconde génération. La seusibilité frémissante du pokte de Blaye dome A son oeuvre une vibration poétique toiit ti fait originale qui justifie amplement le jugement de Cabrera. L'élément musical dont nous avons noté l'importance en ce qui con- ceme la nouveauté poétique d'une oeuvre représente-t-il également un progres? On serait meme d'en juger puisque nous possédons quatre mé- lodies notées sur les scpt chansons conservées du troubadour (P.-C., 262, 2, 3, 5, 6). Pour répondre A cette question, il etit faliu posséder des connais- sances que je n'ai malheureusement pas ou, ti tout le moins, disposer d'une bibliograpbie qui s'est révélée inexistante.

Tout ce qui préchde était rédigé quand nous avons eu connaissance de l'édition de la chanson de geste francaise d'Aye ZAvignon due ti S. J. Borg Cet érudit a consacré quelques pages de son introduction ti la date du sirventes-ensenhamen de Guerau de Cabrera en relation avee Ie texte qu'il éditait. Cette note, concue et rédigée avec une certaine désin- volture, sóppose aux datations proposées par les demiers érudits qui se

33. 1. M. Cluzel, a*. ot., p. 91. Je camprends mal le raisonnement de Cluzel, car Guerau de Cabrera ne serait pas autarisk repracher Cabra des paemes inconnus du puhlic et 'inkdit(s) en somrne". Ce commentaire va 2 I'encontre du gens gknéral du pohe puisque Cabrera ne peut 6videmrnent reprocher que la rnkconnaissance de teaes bien connus. 34. S. J. Borg, Aye d'Adgmn, chanson de gests anonyme, Genhe, 1967 (TLF, no 134), pp. 132-134. sont ocnipés du probleme. Nous aurons Yoccasion de revenir su cette contribution, mais nous voudrions analyser des maintenant les affir- mations concernant novel. Borg s'est posé en effet la meme question que nous:

est-il certain que novel ne puissc désigner que nouuenu, dcenf? Cet adjectif pourrait signifier: 'inoui, exhaordinaire".

On connait notre réponse nuancée qui contraste avec cclle, aussi négative que tranchée, de Borg. La méthode utilisée nous parait tres contestable. Comme personne, ce jour, n'a réfuté les démoustrations hasardécs de Borg, nous nous faisons un devoir de les commenter. Borg cite d'abord un extrait du So fo el temps de Raimon Vidal de Besalú:

Venc en .i. pradet (exemple 1) aital co natura.1 tramet can lo Pascors ven, gai ni be1 e car no,y ac loc pus novelas.

11 est évident qu'il s'agit ici du premier sens que nous avons déter- miné. 11 s'agit d'un lieu "novel" étant donné le clirnat de renouveau ambiant (pradet et Pascors). La traduction proposée par Cre~cini~~ "ameno" est un équivalent littéraire pour alléger la traduction littérale: et car il n'y a pus de lieu plus nouveau = baignant dans un climat de renouveau. Cette expression n'a done rien A voir avec les expressions du type ''teme littéraire + novel". Le second texte avancé par Borg est celui de la farciture romane contenue dans le In hoc anni circulo de Saiiit-Martial de Limoges:

Mei amic e mei &al, (exemple 2) laisat estar lo gazei: aprendet .I. so noel de Virgine Maria 47.

11 est égalemcnt clair qu'il faut rapprocher ce texte de ceux du type "so novel" rassemblés plus haut. 11 ne faut évidemment pas comprendre cet adjectif dans le sens dinoui" comme Borg. Aurelio Roncaglia, que Borg ne cite nuUe part, estime dubitativement que

35. Ed. Max Cornicelius, So fo el temps, Diss. de Berlin, 1888. 36. Mnnuole, MUan, 1926, glossaiie. 37. A. Roncaglia, Lnisof estor lo gosel (Contributo alla discussione mi ronporti frn 10 zogiol e la &mica romanza), in CN, t. 9, 1949, pp. 67-99, $tude totalcment ignoree de Borg. non potrebbe gazel (on se rappellera que Ierudit veut voir dans ce mot un zedfel) rappresentare in qualche modo il canticum vetus, conbrapposto ai canticum mum, al so noel 88.

L'exemple suivant provient de la Nouvelle allégorique de Peire GuiUem. Une demoiselle Anet chantan un chan noel (exemple 3) si qu'entindol boi e li auzel, e s'en laissavo de chantar. E chantet gent azaut e clar, e díh "dona ses amador e cavasier senes amor devria.n aze cavaiguar..." 39. Ce texte rentre également dans Pensemble des exemples cités plus haut. La demoiselle va chanter une chanson nouvelle --elle le fait effectivement- et Son ue voit vraimeut pas comment on pourrait tra- duire ici novel par inoui. 11 s'agit douc d'un des sens déterminés plus haut. L'exemple suivant est tiré de SElucidari:

Quan yeu aun sa corteza requesta, (exemple 4) eshanh mi fo, novel mot e de festa 40.

Ici non plus, on ne peut traduire par inoui ou extruordinaire. Mot désigne le texte, teme opposé A so = la musique (c'était déjA Sexpli- catiou de Bartschl). 11 s'agit donc d'une applicatiou A mot de novel suivant la formule so et novel. On notera également que cet exemple peut se rapprocher de celui de Guilhem de Berguedau vu plus haut; nous sommes donc devant un emploi particulier de la formule tradi- tionnelle. Le dernier exemple cité par Borg est extrait du poeme Tostemps uzir fulsetat et enjan de Peire Cardenal. Borg cite d'apres Appel et Bergin et n'est pas retourué i Pédition de René Lavaud oh on peut lire: Des Orien tro al soleil colgan (exemple 5) faz a la gene un covinen novel: que al leial donarai un bezan si.1 desleials mi dona un clavel ... 41. Peire Cardenal fait donc un échange "nouveau" qui paralt original du fait de sa nouveauté m&me.11 s'agit dUn bon exemple pour montrer

38. A+. cit., p. 76. 39. Bartech, Chrestomathie prouenwle, 001. 269, w. 31-37. 40. Bar*;&, Chrestomothie provengale, coi. 367, w. 5-6. 41, R. Lavaud, Éd. cit., p. 496, VV. 25-28. le glissement sémantique que 10n peut constater des les plus viem documents de l'ancienne langue: novel dans le sens de "qui sort de la regle, singulier, qni parait nouvean" est en effet attesté des le XP siecle (FEW, t. 7, p. 201). En conclusion, dans les exemples cités par Borg, nous avons d'abord un exemple inadéquat (cornme le dernier d'aiüeurs) puisqu'il ne s'agit pas d'un teme Iittéraire. En ce qui conceme les exemples 2 et 3, la traduction de Borg est forcée: il s'agit du type novel + so vu plus haut. Dans les deux derniers exemples, on constate une évolution skmantique vers "qui sort de la regle, singulier, qui parait nouveau", sans que lón doive traduire par inoui ou ertraordinaire. Notons enfin que dans le quatrieme exemple, Ievolution se fait au départ de la formule tradi- tionnelle.

B. Markabrun. a. Points communs entre Cabrera et Marcabru. Etat de la ques- tion.-11 s'agit bien entendu du troubadonr Marcabm. Le fait est absolument certain, car les recherches effectnées ont constaté le carac- tere rarissime de cet anthroponyme 42. Les dates de production sont bien flxées par une séne de travaux qui aboutissent 8. des résultats presque identiques. Apres Pan1 Meyer, Prosper Boissonnade, Carl Appel et Aurelio Roncaglia, on peut con- clure que la production de Marcabru est comprise entre 1130 et 1147 *a. Nons considérons ce point comme acquis. Martín de Riquer a souligné l'existence de liens personnels et ami- caux entre Marcabru et un seignenr de Cabrera auteur du sirventes- ensenhamen. L'argurnentation de l'érudit catalan se fonde sur les faits suivants: 1) La structure strophique du sirventes-ensenhamen est également utilisée par Marcabm dans deux de ses @mes (P.-C., 293, 16; P.-C., 293, 43) ou trois (P.-C., 293, 20) si la tenson avec Aldric del Vilar est fictive.

42. F. Pirot, Ce n'étnit soitrt le troubodoue Marcabru. in AM. t. 78. 1966. PP. 537.541. 43. P. Meyer, Mnrcobmn, in Rom., t. 6, 1877, pp. 110-129; P. Boissonnade, Les ilersonnases et les éudnements de I%istoire ZAllemagne, de F~onceet d%spogne dan9 l'oeume de Marcaúru, in Rom., t. 48, 1922, pp. 207-242; C. Appel, Zu Marcobni, in ZRP, t. 42, 1923, PP. 406409; A. Roncaplia, d~nstoutes les éditions partielles recensées dans nos articles Bibliogrnpliie commentée du troubadour Murcobru, dans MA, t. 73, 1967, PP. 87-126, et "A la fontana del uergier" (P.C., 293, I), ddition, trnduction et cmnmentaiie, daiis un article i paralhe. Le kavail de Carl AppI, gui ert moinr fouillé que celui de Boissonniide, a toutefois le mérite essentiei de codlrmer la plupart des data- tions établies par ce dernier. Errante certi6e 1s simultanéité et le perallélisme des deux ' travaux: "11 Boisronnade e I'Appel scrissero contemporaneamente, e come ignoravan dunque le Sspettive couclusiani, tanto piU rimarchevale 6 ii fatto che queste coincidono suasi perfettamente." 146 FRAN~ISPLROT. - RECHERCHES SUR LES CONNAISSANCES LITIZRAIRES

2) Dans la piece P.-C., 293, 43, Marcabru cite un personnage4* que Son peut rapprocher de I'Alulmalec du v. 200 de Pensenhamen. 3) Marcabm envoie un de ses poemes (P.-C., 293, 34, w. 43-49) A un seigneur de Cabrera. Que retenir de ces trois arguments? 1) Le metre et la structure strophique. La reprise est vraiseinblable (voir les pp. 103-108). 2) Les variantes d'Artimalec iudiquent clairemeilt que I'on doit rapprocher ce mot de SArumalec du v. 200 du sirventes-ensenhamen. La coincidence est d'autant plus significative que ce nom propre se retrouve dans deux textes de metre ct de structure strophique iden- tiques 46. 3) Marcabm envoie un de ces pohmes A un seigneur de Cabrera qui a sa résideuce pres d'Urgell. La précision géographique n'autorise aucun doute quant A Sorigine catalane du seigneur de Cabrera cité. Martin de Riquer, remarquant en outre que Guerau de Cabrera n'emploie pas la particule honoriíique En devant Marcabru alors qu'il Sutilise devant les nvms des autres troubadours, eu conclut que les deux poetes devaient étre liés d'amitié. L'absence de particule peut toutefois s'expliquer de deux manieres: les liens d'amitié d'abord, la condition modeste du troubadour Mar- cabru ensuite. Cette derniere hypothese ne nous parait @Are fondée malgré Sopinion généralement admise suivant laquelíe Marcabm serait un troubadow d'origine sociale modeste. A notre avis, aucun élément historique sG, aucun passage de Soeuvre ne vient coníirmer I'assertion de la vida du troubadour. Nous nous sommes expliqué plusieurs fois sur ce point *?. A premiere vue, I'absence de la particule N conñrmerait l'hypothese de la différence sociale entre les deux troubadours. Rien n'est moins sur: on n'est pas sans remarquer que si les troubadours placent la particule devant un patronyrne, ils ne Sutilisent pas devant un cognomen.

44. P.-C., 293, 20 bis, v. 35: A Ndumalec, D Nartimalec, IK Naturnalec, CR Nartimokc; sur ee point vok le v. 200 de fedition. 45. Voir P.-C., 293, 34, w. 43-49: "Messatgefs) cortes, ben parlans, / vai t'en en Urge1 ses falhk, / s sias de1 vers despleyans / a'n Cahrieka, ?:e lo ?emir, / e potz li dk senes gabar / qu'en tal lac ai tornat ma sort / on elh poiria pro muzar." Texte et haduction de Deieanne, p. 167: "Messager courtois, bien parlant, va-t-en Q Urge1 sans faillk et déploie le vers devant sire Cabrieira, pour qu'il I'admire. Et tu peux lui dire sans vanterie que i'ai tourné ma destinée en un te1 lien aU lui-meme paunait attendre longtemps en vain." 46. Voir p. 105, note 39. 47. Voix A ee sujet deuv de nos articles: L'iddologie des troubodours, dans MA, t. 74, 1968, pp. 301-331, surtout les pp. 309.313 et 317-318, et "A lu fontana del ver- S&<', nrticle a paraitre. D'autant plus que Ronoaglia a souligné dans son édition de la teruon Catola-Marcnbm (in Linguistica e filologio. Omoggio n Berluenuto Tewacini, a cura di C. Segre, pp. 206.213) de trks importantes relations, entre le troubadour et un "Ehevalier" dén-é Catola, mi ne paraissent gukre "jongleresques". L'existence de relations persouuelles entre les deux troubadours nous parait plus que vraisemblable, car Marcabru a parcouru I'Espagne en tous seus pendant de nombreuses anuées. En outre, il a dG séjourner A la cour de Castiile o& uous savons que les Cabrera occupaient ou avaient occupé des fonctions officielles; il s'est battu en Espagne comme le laisse supposer le vers du Lavador et il a loué I'action de Rayniond Béreuger IV daus les armées duque1 out figuré les Cabrera 48. Une question se pose ici: le Cabrera cité par Marcabru est-il poete? L'envoi de la piece 34 le Iaisse supposer, car Marcabru demande au messager "ben parlans" de dérouler le vers pour que Cabrera i'admire. Le seigneur de Cabrera visé est donc, d'apres les dires de Marcabm lui-meme, un connaisseur en fait de poésie troubadouresque. En outre, si Son compare cet envoi avec un autre envoi d13 au troubadour Mar- cabru, on peut supposer que Cabrera est pobte. En effet, dans Fenvoi de Cortesamen vuoill comenssar A un contemporain qui est iudubitable- ment pobte, Marcabru s'exprime en ces termes: "lo vers e.1 son vuoill enviar / a.u Jaufre Rudel outra mar". On notera que I'envoi A Cabrera, qui est plus proiixe et plus précis que celui destiué A Jaufre Rudel, s'adresse A quelqu'un dont I'autorité en fait de poésie semble &re celle d'uu auteur. A ce point de I'exposé, on est autorisé A croire A l'existence de Iiens personnels -voire amicaux- entre Marcabru et un noble catalan de la famille des Cabrera. Ce Cabrera est, suivaut toute vraisemblance, ama- teur de poésie et poete lui-meme. Ce seigneur de Cabrera ne peut htre que Guerau 111 Pous, car les dates de productiou de Marcabru u'auto- riseut que cene possibilité. 11 n'est pas lieu de couclure, A ce point de I'exposé, A I'ideutité du contemporain de Marcabru et de Pauteur de Pensenhamen. Les vues que nous venous d'exposer sout, si I'on fait abstractiou de quelques détails et de quelques précisions, cenes de Martín de ñiquer. L'autre érudit qui était susceptible, en vertu de sa connaissance appro- fondie de la lyrique occitane et de I'histoire de la CataIogne, István Frank, de douuer un avis sur la questiou, s'était lui aussi raiíié am conclusions du professeur de Suniversité de Barcel~ne~~. Mais ces argumeuts dus ii Martín de Riquer, il nous parait ntiie d'ajouter quelques faits qui n'ont pas été suffisamment mis en valeur par la critique.

48. W. M. Wiacek, Lexlque des noms gdograpi~iquesm ethniques, Paris, 1968, p. 120, signale une mention de la ville de GBrone dan8 P.G., 293, 12 S, v. 46. Cest une erreur de plus de ce tres mauvais manuel. 11 s'apit de la Gkonde (attesth par la rime). 49. 1. Frank, Les dkbuts de la podsie courtoise en Cdalogna et h ~oblemedes ori&es kriwee, daos Vii Congreso intsmocionol

Di Pestornels: "Part Lerida a pros es tan descremida, c'anc no saup plus de gandida, plena de falsa crezensa ..." 50. (P.-C., 293, 26, w. 23-26)

- L'étourneau rappelle la conduite d'une dame qui s'est notablement méconduite au-del&de la ville de Lenda. Seul, dans une note tres laconique de son anthologiesl, Martín de Riquer signale que

la alusión del verso 23 lleva a situar esta poesía en tiempos de la caída de Lérids en poder del conde de Barcelona (24 de octubre de 1149). v por ende es la iiltima fechable de la producción de Marcabrú que ha llegado hasta nosotros.

En effet, l'ailusion Lerida, outre l'importance qu'eile présente ponr la chronologie de Marcabni, est tres intéressante pour notre sujet. On sait que, depuis le milien du me siecle, les rois arabes de Leda et de Tortose payent un tribut au comte de Barcelone ". A la fin du xP siecle, les comtes de Barcelone, ne se contentant pas des revenus kanciers ainsi obtenus, songerent occuper les terres de la frontiere occidentale. Ces régions qui jouissaient d'une remarquable prospérité, atiiraient irrésistiblement les grands féodaux catalans. Raymond Bérenger 11 voulut donc imposer son protectorat aux royaumes de Saragosse, Lerida et Valence. Sans grand succes toutefois. Son successeur, Raymond Bérenger 111, imposa au roi arabe de Lenda la signature d'nn pacte d'alliance et de soumission (14 octobre 1120) 63.

50. Ed. J. M. L. Dejeme, pp. 121-130: "L'étourneau dit: Au-dela de Lerida, avec des preux tu t'es tellement escnmée que je ne sais comment me porter garant: des mauvais bmits ont couni!' On vena le commentaire da K. Lewent, Beitrdge zum Ve,- dandnis der Zieder Marcabnis, in ZRP, t. 37, 1913. 51. M. de Riquer, La 16lica & los trooadores, Barcelone, 1948, t. 1, p. 67. 52. Bofarull, Condes de Barcelona, t. 2, pp. 27 et 79. 53. Sur les événements qui ont préc8dé la prise de Lerida et sur I'investissement de la ville par les chrétiens, on "erra I'oxoellente synthdse de Josep Lladonosa, Lo cm- questa de Lleida, Bareelone, 1961, ou la monopraphie de Jos6 Tortosa, Lo conquista ds lo ciudnd de Ld+idn por Romo'n Berenguer N, conde de Bovcelona, in Iler&, t. 17, 1953, PP. 27-66. La signature de ce traité montre clairement combien la poussée des chrétiens dans la vailée du Segre était forte. La volonté d'envahir Lerida constitue le dernier stade d'un pro- cessus mis en branle par Arnau Mir de Tost. Le conquérant de la vallée d'Ager &a fortement les chrétiens sur le versant méndional du Mont- sec; ses successeurs, les Cabrera, pacifierent la région dont le demier bastion arabe, Os, fut occupé en 1116 64. Les vicomtes d'Ager réunis- saient ainsi Ager et Balaguer occnp4s par le comte d'Urgell de- puis 1106 66. La conquete de Balaguer et la pacification de tout Sarriere-pays donnaient la possibilité aux chrétiens d'entreprendre une opération militaire d'envergure contre Lerida6E. Balaguer était une cxcellente place forte de départ, bien protégée par une suda, et B I'abn, depuis 1116, d'une opération militaire menée A revers. Les comtes de Barcelone et d'urgell n'étaient pas les seuls A vouloir occuper Lenda puisque Alphonse Ie' d'hagon et le comte de Toulouse vuirent assiéger la ville le 13 mai 1122. Cette expédition se solda par un échec total. Cette premiere opération militaire n'est pas celle évoquée par Mar- cabru dans son chant de Pdtourneau. Plusieurs factcurs s'y opposent. D'abord, un événement qui a eu lieu en 1122 paraft trop ancien pour que Marcabru puisse y £aire allusiou. D'autre part, Mme Lejeune a démontré que la chanson de Z'dtourneau de Marcabru parodiait la chan- son du rossigno1 de Peire diluvergne Les poemes de Sestornel sont ainsi parmi les plus récents de Marcabru puisqu'ils sont postéricurs B une composition de Peire dituvergne (dont les premieres productions datent du milieu du siecle). L'histoire littéraire nous amene B penser que la mention de la ville de Lerida dans la chanson de Z'dtourneau a trait B la pnse de cette vilie par les catalans le 24 octobre 1149, ou, plutdt, A la "petite histoire" de la campagne. Mais Marcabru donne une indication supplémentaire: ü dit que la dame se dévergonde avec des preux (donc pendant une exphdition militaire) part Lenda, c'est-B-dire "au-dela de Lenda". On pomait ainsi affinner, au départ de ce part "au-dela", que Marcabru fait allusion aw campagnes qui out snivi la prise de Lerida. Mais cornme on ne sait pas o& se trouve Marcabru au moment de la composition du poeme, le part peut ttes bien désigner le Nord ou le Sud de la ville wnquise.

54. P. Saoahuja, Historio de la uilln de Aget, Barcelane, 1961, p. 91. 55. P. Sanahuia, HiJtdrio de Io ciutd da Balneuer, Barcelone, 1965, P. 70. 56. La progiession conire Lerida a bien 6th mise en valeur par F. Soldevila, Hbtdrh, p. 181. 57. R. Leieune, Thernes communi de troubodours et vie de aociktd, in Acta et mhires du 11' Congr& intemdionol de 2aneue et latdrature du Midi de h Fmncs, Aú, 1961, PP. 75-88. 2) Le "Vers del Laoador" de Marcabru (P.-C., 293, 35). - Dans ce fameux pohme, Marcabru se bat contie les mnsnlmans d'Espagne et pleure un comte de la maison de Poitiers:

En Espaigna sai, lo Marques e ciU del temple Salamo sofrou lo pes e.1 fais de le~oilpaganor, per que jovens cuoiii aval laus; e4 critz per aquest lavador versa sobrels plus rics captaus, fraik, faiiük, de proeza las, que non amon joi ni deport.

Desnahuat son li Frances, si de t'afar Dieu dizou no, qu'ieu sai cum es: Antiocha, prek e valor sai plora Guiann'e Peitaus; Dieus Seigner, al tieu lavador Yama del comte met en pans, e sai eart Peitieus e Niori lo Seigner que ressors del vas1 68 (P.-C., 293, 35, w. 55-72) Les w. 55 et sv. sont importants: Marcabru dit qu'ii est en Es- en butte aux Sarrazins dans un combat oii lo Marques et les Tempüers sont engagés. En outre, Antioche lb-bas, Guyenne et Poitou ici, pleurent l'&me du mmte. Au départ de ces indications, la critique a enixepris de dater le poeme. La date généralement retenue est ceiie que proposa jadis Paul Meyer "O, 1137. Pour ce demier e', la cause des pleurs de la Guyenne et du Poitou est la mort du comte Guülaume X, survenue A Saini-Jacques-de-Com- posteiie, le 9 avril 1137. L'érudit Erancais s'empresse d'ajouter qu'il ne séxplique pas tres bien la mention d'Antioche dans ce couplet".

58. Ed. en dsrnier Iieu par P. T. Ricketts et E. J. Hataway, Le "Vers del Lavodoi' & Marmb~un: Edition critique, trduction et cornmsntaile, in RLA, t. 77, 1966, pp. 1-11. Tradirction: "En Espagne ici, le Mquis, et wux du temple de S&mon so&ent le poids et le fardsau que i'orgued des paiens leur impose; ckst pourquoi IibS ralite est en défaveur, et le blhe, oause de ce bain, tombe sur les plus puissants capitaines, brisés, faiüis, bout de prouesses, qui n'aiment ni joie ni plaisir. Les Francais sont dégénérés s'fls refusent de soutenL fa cause de Dieu, car je saia oU en sont les cboses: Antioche, ici Guyaone et Poitou pleurent prix et valsur; Dieu Seigneur, en ton bain donna repos $ PEune du eomte, et que le Seigneur qui ressuscita des morts gsrde Poitiers et Niortl" 59. Voir la note sur sal dans Péd. Ricketts, pp. 8-9. 60. P. Meyer, Marcabwn, in Rm., t. 6, 1877, p. 123. 61. Ja ruis paiticuiikrement heurelu d'offrú a Mms Rita Lejeune les pages qui vont suine. Elle a, en effet, toujours défendu que 1137 ne pouvait 6tre la data du Ver8 del Laoador. Camiííe Chabaneau n'a pas été convaincu par Pargumentation de Paul Meyer

M. Paul Meyer, dans un intéressant article de la Romaniu (VI, 119-129) oh il a cherché A &er la date de plusieurs des compositions de Marcabmn, émet l'opinion que le comte dont la mort est déplorée a la fin de Ia pi&ce, si- justement cél&hreau moyen age, sous le nom de Verr del Luuador, du trou- badour gascon, est le comte de Poitiers, Guillaume VIII, mort le 9 avril 1137, et que la pikce en question est conséquemment peu postésieure A cet événe- ment. Je ne suis pas sur ce poht de l'avis de M. Paul Meyer et je crois qu'il s'agit, non de Guillaume VIII, mais de son frkre Raymond d'Antioche, mort en 1148 en combattant contre Monrad, sultan d'Alep. Ainsi s'e.xpliqnerait parfaitemeut la mention d'Antioche au vers 67, et disparahit la Uiculté que M. Paul Meya a bien apercue, mais dont il s'est débamassé peut-&e un peu trop facilement. La mort de Raymond dut avoir en Aquitaine un grana retentissement.

Et Chabaneau cite A Pappui de sa &&se un passage de Richard le pklerin o& Pon pleure, en Oceident, la mort du comte d'Antioche. Paul Meyer a eu la réaction rapide puisqu'il publia dans la livraison de la Romnia qui suivit la parution de la note de Chabaneau une mise au pointW:

Cette pi&ce se temine par quelques vers oh l'auteur nous présente Antioche dime part, et d'autre part la Guyenne et le Poitou dans la désolation A cnuse de la mort dún personnage vaguement désign6 dans ce vers: Lkm del comte met en paus. J'ai supposé que ce comte Btait Guiilaume VIII, comte de Poitiers, duc d'Aquitaine, mort en 1137 (Romniu, VI, 123), et ie le ¿mis encore. M. Ch. Dense auil s'aait- du Drince Raimon d'htioche, tué en ba- taille le 28 juin 1149, opinion qni ne serait pas sans vraisemblance si, d'une part, R. d'Antiocbe n'était constamment qualifié de prince et non de comte, &si bien par les Grecs que par les Latins, et si, d'autre part, la piece de Marcabmn n'avait pas en vue une ehpédition en Espagne, ce qui cunvient mal B l'année 1149 et semble indiquer une époque un peu antérieure.

L'affiiation réitérée de Paul Meyer a convaineu I'ensemble de la critique Prosper Boissonnade a accepté sans diseussion la datation proposée par le directeur de I'Ecole des Chartes 85. L'érudit poitevin maintient que la mort de Raimon d'Antioche ne pouvait pas provoquer une ex- plosion de douleur en Occident, car

62. C. Chabaneau, Sur la dote du 'Vera del Looodof de Morcobm, in RLR, t. 27, 1885, p. 250. 63. P. Meyer, in Rom., t. 14, 1885, p. 613. 64. V. Cresciai, in Atti del R. Istituto Veneto, t. 59 (II), 1899-1900, p. 691; K. Lewent, Das olhtrouenzolische K~eulJied,Berne, 1905, p. 49; J. M. L. Dejeme, Éd. cit., p. 235. 65. P. Boissonnade, Les psrsonnages et les Évdnements, in Rom., t. 48, 1922, PP. 219.220. son sonvenir ne devait plus &&eassez vivant dans les pays d'Ouest ... Ray- mond était priuce et non comte d'Antioche ... Poitiers et Niort n'ktaient ndiement misa en danger par la mori de Raymond, alors qu'ella pouvaient i'etre par ceUe de Gnilhem VIII.

11 failait enwre expliquer la mention d'Antioche. Ricketts et Ha- taway I'expiiquent par la déroute des francais d'Antioche en avril 1136 devant les troupes de Zengl

Reprenons le texte. Marcahru est en Espagne avec les troupes du Marquis et les tem- pliers. Le Marquis est considéré par la critique comme étant Raymond Bérenger IV, wmte de Barcelone. On a, en effet, admis que Raymond Bé- renger IV était désigné dans ce podme par son titre de marquis de Provence. Nous reviendrons plus loin sur cette question. A c6té de ce marquis figure l'ordre du Temple i la mention duque1 la critique est restée insensible. Et pourtantl Raymond Bérenger IV et I'ordre du Tem- ple combattant ensemble en Espagne auraient da attirer quelque pen I'attention. Un peu d'histoire s'impose ici67. Le jeune ordre du Temple, fondé en 1118-1120, s'úistalle rapidement en Catalognea8. Des 1130, on voit les comtes de Barcelone leur accorder en fief des chiteaux et des hiens. M& i'6vknement essentiel pour lñistoire des ordres miiitaues en Es- pagne est, bien entendu, le testament d'Alphonse IeZ dit le Batailleur, mi d'Aragon. Quelques jours aprds la reteutissante défaite chrétienne de Fraga (septembre 1134), ce dernier meurt sans successeur. 11 wdait son royaume aux chevaiiers du Saint-Sépulcre, de I'H6pital et du Tem- ple, par testament daté d'octobre 1131:

Itaque post obitum meum heredem et succesorem relinquo michi sepulcm Domini quod est Jherosolomis, et qui observant et custodiunt illud et ibidem se~uutDeo et ospitale paupemm quod Jhierosolimis est, et Templum Do- mini cum miiitibus qui ad defendendum christianitatis nomen ibi vigilant. His tribus toinm regnum meum concedoag.

On sait aussi que les nobles aragonais n'admirent pas ces dispositions testamentaires et ñrent sortir de son éveché le frdre d'Alphonse le Bataiileur, Ramire70. Ce dernier fut installé sur le tr8ne devant la

66. P. flicketts et Hataway, kd. cit., p. 10. 67. P. E. Schramm, EL primer* comtea-re&, Barcelone, 1963, pp. 9-51. 68. Voir, sur Iliiatoire de l'ordre du Temple en Catalogne, I'auvrege fondamental de J. Miret y Caos, Les ccoses de Templers y Hospftalsrs m Catadolunya, Barcelone, 1910. 69. Texte da= Bofmll, Documentos inbditos, t. 4, doc. 2. 70. Ramire ktait entré jeme au couvent de Saint-Pons de Thomi&res avmt de devenir abbé de Saúit-Pierre d'Orca, puis éy8veque de Roda-Barbastro. Pour toute cette menace qu'Alphonse VI1 de Castilie faisait peser sur I'iudépeudance de I'Aragon. Ramire, pour sauver son tr8ne d'abord, pour retourner A la vie contemplative ensuite, doma sa fille Péroneiia a Raymond Bé- renger IV. L'héritiere d'Aragon, née en 1135 du mariage du roi-moine et d'Agn&s de Poitou, fut en effet fiancée au comte de Barcelone le 11 aodt 1137. Que devenait le testament d'Alphonse le Batailleur dans cette af- faire? Recomu valide par le Saint-Siege le testament restait d'appli- cation. Diplomate habile, Raymond Bérenger IV arrive A un accord avec les grands maitres de I'ordre de PH8pital et du Saint-Sépulcre qui renoncent A leurs droits le 16 septembre 1140T2.Les chefs des ordres militaires reconnaisseut en effet que le comte de Barcelone "Quem utilem et necessarium ad regendam ac defendeudam terram (liiragon)". On remarquera que les Templiers ne figurent pas dans cet acwrd. Les relations entre hrdre du Temple et Raymond Bérenger IV sont- elles bonnes? EUes sont excellentes. Nous possédons un premier document daté du 15 avril 1134 par lequel le comte de Barcelone accorde un privilege d'exemption en faveur des chevaliers de I'ordre du Temple qui viement wmbattre en Espagne. Cet accord est toutefois antérieur A I'ouverture du testament d'Alphonse le Batailleur et, donc, au contentiew entre le comte de Barcelone et les héritiers du roi d'Aragou (les ordres militai- res). Un second document du 27 novembre 1143 est bien plus important encore puisque Raymond Bérenger IV, "virtute spiritus sancti com- motus", accorde un extraordinaire privilege par lequel il donne aux templiers les chateaux de Montsó, Montgai, Xalamera, Babera, Remo- lins et Corbins. En outre, le comte de Barcelone accorde aux chevaliers du Temple la cinquieme partie de toutes les terres conquises sur les sarrazins et le dixieme de sa part personneiie. 11 va sans dire que cet acte solennel de donation répond A des mo- biies politiques: obtenir I'aide des templiers pour mener A bien la re- conquete des villes situées aux frontieres occidentales de la Catalogne. Le comte de Barcelone avait besoin des milices disciplinées des ordres militaires pour mener A bien la conquete de Tortose, de Fraga et de Lerida. Les templiers vont participe1 activement A ces conquetes puis- que dans les "cartas de población" de Tortose et de Lerida accordées

-. 71. Innocent 11, outre par le muiage de I'ex-évbque de Roda-Barbastro, inchait A diviser I'Aregon entre les trois ordres et confier Saragosse A Alphonse VI1 de CastUle. 72. Le dacument des templiers masque mais lcur accoid na fait .aucun doute. 73. L'expression est de F. Soldevila, Histdrio, p. 175, note 14. par le comte de Barcelone, POrdre recoit sa part des terres reconquises. A Tortose, les Templiers recurent, en vertu de Paccord de 1143, un cinquieme de Ia ville ", donation qui fut confirmée plusieurs fois dans la suite. A Lerida, on constate une répartition identique La possession par les Templiers d'une partie de Tortose et de Le- nda prouve de manihre certaíne Ieur participation aux pnses de ces villes. Nous somrnes donc enclin a penser qn'une mention o& figurent cBte ?i cate Raymond Bérenger IV et Pordre du TempIe est postérieure A novembre 1143, date partir de laquelle le souverain catalan liquide son contentieux avec l'ordre du Temple en l'associant aux conquktes futures. Pour bien concrétiser cette alliance, Raymond Béreuger IV s'affilie lni-meme ?i l'ordre du Temple. U est donc tout A fait erroné d'affirmer, comme Paul Meyer, que "l'année 1149 convenait fort mal pour une expédition en Espagne", car c'est justement cette ande-& que tombent Tortose 7s, Lerida et Fraga. Le marquis est indubitablement le comte de Barcelone puisque les autres grands promoteurs de la Reconquista sont dotés du titre roya1 (Castille et Aragon). Mais pourquoi donc évoquer la personne de Ray- mond Bérenger IV par le titre de marquis, que la critique affííe &Te celui de marquis de Provence7' alors que Marcabru est "sai", c'est-ti- dire en Espagne? Ne serait-il pas plus normal de citer Raymond Bé- renger IV en Pappelant suivant ses titres hispaniques, d'aillenrs beau- coup plus importants: comes de Barcelone ou pnnceps d'Aragon, "Rai- mundus comes Barchinonensis et princeps Aragonum"? 18. On sait que Raymond Bérenger portait -comme ses afeux- le titre de "marchio": "gratia Dei Barcinonensis comes et marchio princepsque Aragonis" '9. Les comtes de Barcelone se disaient marchio depuis le F sibcle, titre qui n'a, par conséquent, aucnn rapport avec la Provence: les comtes sont évidemment, ?icette époque, marquis de la marche d'Espagne so.

74. J. Font Rius, Cortas de población y fronquich de Cataluña, Barcelone, 1969, t. 2. PP. 771.773. 75. J. Font Rius, o*. cit., t. 2, p. 807. 76. A vrai dire, le dernier jonr de 1148. 77. Voi, par eaemple, J. M. L. Dejeme, &d. c*., g. 235. 78. Sur la question de la titulature, on veira P. Schramm, op. cit., p. 20, et t'ex- ceUente monographia de F. Mateu y Llopis, RE-X Arogonum. Notoa sobre 10 intitii2oddn real diphbtica en Eo Corona de Arogón, in Gemmmelten Aufsritze sur Kulturgeschichte Spaniens, t. 9, 1954, pp. 117-143. 79. Voir, entre de multiples exemples, J. Font ñius, Cortas, t. 1, P. 105 (1147), etc. 80. Voyez sur cene question E. Rodb~Binué, El lenguaje tQcnico del feudnlismo en el siglo XI en Cataluña, Barcelone, 1957, P. 175; marchio = rnarqitis: Zos condes de Barcelona se titulaban comes et marchid'; rkf6reooes A des actes de 923, 988, 1011, 1012, 1057, etc. 11 est évidemment $ rappeler ici quc depuis fkvrier 1112, la maison de Barcelona possbde le comté de Provence B la suite du mariage de Raymond Bérenger 111 avec Douce (voi R. Busquet, iiistoire de Prooencs, Monaco, 1954, pp. 143 et sv.). Ce titre de marquis a ensuite cédé le pas devant le titre plus im- portant de comte de Barcelone et, aprBs aoiit 1137, de prince d'Aragon. Toutefois, si dans un acte donné devant Tortose huit jours avant la prise de la ville, Raymond s'intitule "comes Barchinonensis et princeps regni Aragonensis"al, le titre de marquis réapparait quelques jours apres. Mais il ne s'agit ni du titre de marquiso Hispaniarum ni de marquis de Provence mais de celui de marquis de Tortose": "comes Barchilone, princeps Aragonensium, marchio Tortose". Immédiatement apres la prise de Lerida, Raymond Bérenger y ajoutera le titre de marquis.de Lerida. Dans les "Cartas de población" de Tortose (20 no- vembre 1149) et de Lenda (janvier 1150)83, Raymond Bérenger s'y intitule "comes Barchinonensis princeps Aragonensis atque Ilerde et Tortose marchio". La prise de ces deux villes constitua un te1 événement que Raymond continuera A s'intituler mrchio llerde et Tortose dans la suite 84. 11 nous semble donc que l'emploi du teme marquis pour désigner Raymond Bérenger IV prend une certaine valeur lorsqu'on sait que c'est avec l'aide des templiers qu'il devint marquis de Tortose et de Lenda, respectivement le 31 décemhre 1148 et le 24 octobre 1149. Le fait que Raymond Bérenger ait ajouté A sa titulature les titres de marquis de Lerida et de Tortose, aprBs la prise de ces villes, n'a pas échappé A la sagacité des historiens 86. Nous croyons que le caractBre insolite du titre de marquis pour désigner Raymond Bérenger IV de Barcelone-Aragon s'explique par un fait contemporain: la prise de Lenda et de Tortose. Ceci est corroboré par le fait que Marcabru rappelle dans un poBme daté de 1150 environ un événement qui sest déroulé A Lerida (chanson XXV: Part Lerida ...) et est confirmé par la présence des templiers aux cbtés des souverains. Et la mention d'Autioche, dans ce nouveau contexte historique? D'apres Marcabru, Antioche, Guyenne et Poitou pleurent prix et valeur et personne ne garde Poitiers et Niort. On a dit qu'il s'agissait de la mort de Guillaume X, de la défaite des francais d'Antioche, et de l'ahsence de comte pour protéger Poitiers et Niort (1137). Seul, Chabaneau a affirmé qu'il s'agissait de la mort de Raimon, prince d'Antioche et frere dn comte de Poitou, mort en 1149. 11 semble que Chabaneau avait raison. Relisons donc le texte.

81. J. Fonl Rius, Gaitas, t. 1, p. 109. 82. Ibid., t . 1, p. 121. 83. Ibid., t . 1, p. 130. 84. 23 aoUt 1151, 20 novembra 1151, 3 septembre 1152, 29 avrü 1153, S avlU 1155, 29 ad1155, etc. 85. P. E. 5iehramm, E& primer8 comtes-re&, Barcelone, 1963, p. 38; F. Soldevila, Histdda, p. 184, note "- 156 FRANGOIS PIROT. - RECKiSRCHES SUR LES CONNAISSANCES LI~RAIRES Antioche, Guyenne et Poitou pleurent "prix" et "valeur". Dans les vers qui suivent immédiatement cette affirmation, Marcabru demande a Dieu de veiUer sur P&me du comte. Une Iecture "naive", mais cohé- rente, dn texte nous oblige A penser qu'il existe qnelques liens entre le- dit comte d'me part et Antioche, Guyenne et Poitou d'autre part. Le seul personnage qui réponde $ ces caractéristiques est évidemment Raimon SAntioche, frkre de Guillame X de Poitou-Aquitaine, prinee d'Antioche depuis 1136 et tué au combat le 27 juin 1149. Si Son voit dans cec vers un écho de la mort de Guillaume X de Poitiers, la mention d'ntioche paralt hétérogkne, car on doit alors penser A Sattaque du chef turc Zengi contre cette principauté. On nous accordera que les rapports entre la mort du "comte de Poitiers" et la déroute d'Antioche sont, dans ce cas, moins évidents. Si Son envisage la date de 1149 par contre, le probleme s'éclaire complktement, car il explique le "desnaturat son li Frances si de Safar Dieu dizon no" et "sai gart Peitieus et Niort". 11 est étonnant que la mention de Frunces devant défendre la cause de Dieu et Sabsence de comte en Poitou n'aient frappé personne. En 1137, Aliénor était mariée depuis pen a Louis VII, qui, résidant A Paris, pouvait fort bien garder Poitiers et Niort avec ses troupes et celles de son épouse poitevine. En 1149, par contre, les troupes d'Aliénor et Louis VI1 sont au loin, en croisade, et songent m&mesérieusement au rembarqnement. 11 n'y a personne pour garder Poitiers et Niort puisque les suzerains naturels, c'est-a-dire Louis VI1 et Aliénor, sont tres éloignés de leurs domaines. Nous croyons donc que le pohme Pux in Nomine Domini a été com- posé entre le 27 juin 1149, date de la mort de Raimon d'Antioche 8e, et le 24 octobre 1149, date laquelle Lerida tombe devant Raymond Bé- renger IV et les templiers. Dans le pokme, Marcabru Iaisse entendre que le Marquis (Rayrnond Béreuger s'intitute marchio de Tortose depuis les premiers jours de janvier 1149) souffre avec les templiers "lo pes e 1 fais de Sorguoill pa- ganor". Ceci laisse supposer que Lerida n'est pas prise (24 octobre 1149). Pour tout ce qui préckde, il nous parait que Marcabrn a díi participer d'assez pres aux campagnes militaires pour investir Lerida et Tortose. On sait que Marcabru est en Espagne entre 1140 et 1145, dates des pikces XXII et XXIII, les siroentes a Alphonse VI1 87. Qu'il y soit encore en 1148-1150 est chose bien normalel Martín de Riquer a déterminé avec toute raison Sexistence de liens

86. 11 faut 1e temps que cene nouveUe arrive en Europe. 87, Voir A. Roncaglia, in CN, t. 10, 1950, p. 183. Roncaglis estime que Marcabm es€ déja en Espagne en 1134 et s6journera en Castille jusqu'8 1140 (sur catte question, on "erra CN, t. 17, 1957, PP. 20-48, et t. 20, 1960, PP. 157-1831. "amicawr" entre Marcabru et un seigneur de Cabrera, vers Urgell. Rien n'est donc moins étonnant si nous découvrons, A notre tour, quelques liens supplémentaires avec cette "nouvelle" Catalogue oh vivent les Cabrera. Marcabru a díi assister & la campagne de 1148-1149 contre Tor- tose et Lerida. C'est sans doute A cette époque qu'il a connu le seigneur de Cabrera, car les terres de ce dernier sont & soixante-dix kilometres -soit une bonne journbe de cheval- de Lerida.

A ces conclusions, la critique est évidemmeut autorisée A opposer quel- ques objections. La premiere --et non la moindre- consiste A souligner cambien Marcabru a frappé non seulement les imaginations de ses contemporains et de ses successeurs immédiats, comme Marcoat ou Marti, mais également un graud nombre de troubadours tres posté- rieurs. La grande originalité littéraire de Marcabru et un "tic" qui con- sistait & se nommer dans ses vers sont tres certainement & la base de la pérénnité du souvenir. On serait donc entrahé A voir dans la citation de Cabrera, si Sauteur de Sensenhamen n'était pas le Cabrera cité par Marcabm, une conséquence de Simpodance de Marcabru et de son in9uence sur toute la lyriquc postérieure Si Marcabm était le seul troubadour cité, cet argument serait évi- dernment de poids. Or, Marcabru est entouré d'autres troubadours qui n'ont certes pas eu son importance ni sa vogue. Nous y reviendrons plus loin.

C. "ni de negun" ou "ni de N%gun". Le cinquieme vers du sizain consacré aux troubadours pose un pro- bleme, car le manuscrit unique offre la lecon ni de negun, que Son peut traduire par ni de personne.

88. Nous avons étndié l'ensemble de eette question dans une comniunication pré- sentée au VIa Congr4s de longue et littérature d'oc, $ MontpelIier, en aoht 1970. La liste n'est pss limitative: Marcoat (Dejeanne, Le troubodotrr Morcoot, dans AM, t. 15, 1903, p. 362); Bernard Marti (E.Hoepffnei, Les poksies de Bernard Marti, Paris, 1929, pikce IX, VV. 22-28, p. 31); mention possible du Lovodor chez Peire d'Auvergne (voir (?d. Zenker, dans RF, t. 12, 1900, P. 107, et Del Monte, Turin, 1955, p. 135); Giraut de Bomelh (éd. Kolien, t. 1, Berlin, 1910, LII, w. 67-70); Raimon-Jordan (éd. Kielmann, Uppsala-Paris, 1922, pp. 62-63); Magret (&d. Naudieih, Halle, 1914, Beihefte ZRP, pp. 124-125); Bennon Rascas (Lewent, Das altprooenmlbrche Kreudied, Berlin, 1905, p. 77, et O. Schultz-Gora, Prooenzolische Studien, t. 2, p. 113); imitation chez Bertran Carbonel (&d.Jeanroy, AM, t. 25, 1913, ooblas LV et LVI); Guilhelm de I'Olivier d'iirles (O. Sehultz-Gora, Prooenuiliache Studien, t. 1, p. 37); "(da de Peire de Valeira (Bd. Bau- ti&-Schutz, Paris, 1964, p. 14); le Breoiori d'umot de Matfxé Ermengaud (Bd. Azaic, Bkziers-Paris, 1862, VV. 28246.26251 et le v. 28365); Flamenca (éd. Meyer, v. 694, dans I'kd. de 1865); le Romrln de Joufrois (éd. ShenpRenkonen, Turku, 1930, vv. 3601, 3614, 3627, 3632, 3647, 3669, 3685). Camiile Chabaneau, & deux reprisesea, a émis i'hypothese qu'il s'a- gissait de ni de N'Egun. Les éditeurs n'ont pas repris cette wrrection, si Ión excepte Rita Lejeune OO. L'hypothhse est évidemment vraisemblable dans une succession de prénoms. 11 reste & savoir si elle peut apporter un argument pour la datation du siruentes-ensenhamen. On ne connalt malheureusement aucun persoi~nage,uommé Egun, ni wmme troubadour ni, de surcrolt, dans Sensemble de la poésie lyrique en langue d'oc. Ce prénom paralt en ontre assez rare dans les régious de langue d'oc. Dans la tres utile recension de chartes due i Clovis Brunel, on ne trouve aucun exemple d'Egunul, On assiste au m&me phénomene dans une oeuvre pourtant riche en renseiguemeuts onomastiques, la C7ulnson de la Croisade Albigeoise 0%. Ou ue peut que constater l'inexistence du prénom dans les textes littéraires: rien dans les chansous de geste (Langlois), rien dans les romans (Flutre), rien dans les poemes des trouveres (Dygg~e)~.On assiste au meme phénomhne daus le monde littéraire du latin mé- diéval O*. On peut donc conclure que, le prénom Egun étant inexistaut dans les poemes connus des troubadours, ü est impossible de fonder une quelwnque argumeiitation sur ce qui reste une lecture du texte du manuscrit 95.

D. Anfos,

L'identification de ce troubadour a présenté de nombreuses diffi- eultés. Pour Müá y Fontanals, Anfos devait désigner Alphonse Ie' de Bar- celone et 11 d'Aragon:

89. C. Chabaneau, HGL, t. 10, pp. 346 et 368: "11 nous semble plus naturel de voir icj dans mgun un nom propre (N'Egun?) que I'hquivalent de nema"; du m8me. Onomostique des troubadours, p. 211: "G. de Cabreia, p. 89 (il s'agit de Bartsch), Denk.; le texte porte ni de negun. Egun ddait &re une canjedure de Chabaneau." 90. R. Lejeune, La fom de l'ensenhamen au ionzleur, P. 7 et note 14. 91. C. Bninel, Les plus anciennes chartes en langue prouen~ale, Paxis, 2 tomes, table des noms propres. 92. E. Martin-Chabot, Lo Chnnson de lo Croisode Albigeoise, Paris, 1961, t. 3, table des noms propres. 93. E. Langloie, 1904; L. F. Flutre, 1962; H. Petersen Dyggve, 1935. 94. A. Franklin, Dictionnoire de8 noms, sumoms et pseudonymes latins de Z'histoire littkroire du moyen &e, ParK, 1875. 95. Nous n'avous que tres rarement rencantrh ce prénom dan8 les carhrlaires -aSSWZ nombmw- que nous avons consulths. Sauf quelqnes attestations dans la lkgion poite- vine. DES TIIOUBAWURS OCCITANS ET CATALANS DES XIIe ET XIIY s&CLES 158

Alfonso, que hemos de suponer el rey de Aragón, pues no se conoce otro trovador de este nombre s.

A sa suite, la critique a toujours accepté cette identiíication. Martín de Riquer, daus l'édition espagnole des Cantares de gesta, affirme:

el único trovador llamado Alfonso de que se tiene noticia es el rey don Al- fonso 11 de Aragón, primero como conde de Barcelona. Se trata, además, del rey y señor natural de los Cabrera, lo que hace que tal identificación pueda darse como segura. Alfonso nació en el año 1152. Por lo tanto, cuando se escribió el ensenhumen el monarca debía haber alcanzado una edad en la que fuera capaz de escribir versos. En el reducido repertoiio de poesías coa- servadas de Alfonso 11 s61o hay una que permita ser fechada: su debate con Giraut de Bomelh, que ha sido fijado en el año 1170 por Walter T. Pat. tison y en 1172 por Adolf Kolsen, en lo que está de acuerdo Bruno Panvini. En 1170 Alfonso 11 tenía dieciocho años, lo que hace creer que entonces estaba en los inicios de sus aficiones poéticas. Se concluye de todo ello qne el ensenlzumen de Guiraut de Cahreira no puede ser muy anterior al año 1170 97.

L'identiíication d4nfos avec Alphonse le Chaste passait dono pour certaine, car Anfos est effectivement le seul troubadour de ce nom dont nous ayons conservé quelques poésies Si Guerau de Cabrera fait allusion aux taleuts poétiques d'Alphonse d'Aragon, deux questions se poseut A nous: 1) queIie est la date de naissance du roi? (elle conditionne évidemment la date A laquelle les dons littéraires du souverain peuvent &re signalés); 2) s'agit-il d'AI- phonse d'Aragon?

a. La date de naissance d'Alplwm-e 11 d'Aragon. - Depuis toujours, les historiens de la Catalogne admettaient la date de 1152 comme cene de la naissance d'Alphonse le Chaste. 11s fondaient leur certitude sur le testament de sa mere, Pétronille d'Aragon, donn6 k Barcelone le 4 awil 1152. L'héritiAre d'Aragon, épouse du comte de Barcelone, Raymond Bé- renger IV, étant "iaeens et in partu laborans apud Barchinonamngs, fit rédiger son testament, car elle craignait pour sa vie au cours d'un accouchement difficile. Elle institue le fils & naltxe, qui se nommera - Ramon, héritier de ses états. Au cas o& une fille naitrait, Ykagon re-

, 96. M. MUá y Fontanals, De los trouodwes, 1. éd., P. 265. 97. M. de Riqaer, Los cantorm de cesta fmnceses, Madrid, 1952, pp. 383384. 98. Vair rnaintenant Pexcellente kdition due A Irbnke-Mascel Cluzel, Princes et troiibodours de la MaWn Roya&? de Borcelone-Apaeon, dans BRABLB, t. 27, 1957-1958, PP. 321.373; pour Anfas, voir PP. 324-334. 99. Le texte complet du tesiament peut se lire dsns le Liber Feudmm Maw, éd. F. Miquel Rosell. Barcelone, 1945, t. 1, acte no 16. 160 FFiANGOIS PIROT. - RECIIERCWES SUR LES CONNAISSANCES LIITÉRAIRES viendrait au mari de la défunte, le comte de Barcelone. Depuis Zurita, cette date de naissance était admise par tous. Les commentateurs no- taient, bien entendu, la différence de prénom, mais résolvaient la dif- ficulté en affirmant que le fils de Pétronille avait changé de prénom. On croyait que le futur souverain des deux états avait porté le pré- nom de Ramon, de tradition catalane, dans les actes de son pere, et le prénom Alphonse, de tradition aragonaise, dans les actes de sa mere. De toute mani&re, cette date de 1152 pouvait paraitre assez vraisemblable puisque Alphonse d'Aragon est comte de Barcelone en 1162. En 1951, Antonio Ubieto Arteta publie uri. article oii il propose la date révolutionnaire de 1157 'O0. En premier lieu, I'érudit aragonais se penche sur la date de mariage de Pétronille. Celle-ci, £ille du roi-moine Ramire et d'AgnAs de Poitou (mariage fb 1135), est née en 1136 et est le seul enfant dn mariage. Apr&s I'examen de divers documents, Ubieto conclut qu'

en consecuencia, debemos colocar la celebración del matrimonio de Ramón Berenguer IV de Barcelona con doña Petronila de Aragón entre los meses de agosto y septiembre de 11'501O'.

Pétronille, qui a quatorze ans, peut donc fort bien accoucher deux ans plus tard, le 4 avril 1152. Ubieto considere Pacte de 1152 comme le reflet aun "primer em- barazo de doña Petroniia", car il a decouvert dans un acte de dona- tion de Pabbé de Saint-Pons de ThomiAres le passage suivant:

Facta carta era M.'C.~~~~."VI,regnante Raimundo Berengario in Aragone et in Superarbio et in / Ripacurcia et in Barcbhona, ipso anno qnando dompna regina peperit filium suum Adefonsum / in civitate Osclia 102.

La réaction ne se fit pas attendre: Jaime Caruana, Pexcellent his- torien d'Alphonse IIIOS, et Martín de Riquer, le non moins excellent critique littéraire du rAgne du meme souverain lo&, revinrent sur la question. Caruana ne lit pas Ia date du document comme Ubieto: an lieu de C.~LX.XXX.% de Pere, il lit C.*IXXXX.~~,c'est-&-dire que Caruana lit 1155 au lieu de 1157. Caruana, A Paide d'autres arguments, qu'il est peu utile de rappeler ici, propose Pannée 1155 comme date de naissance.

100. El nacimiento de Alfonso II de Aragdn, in EEMCA, t. 4, 1951, pp. 419-425, 101. A. Uhieto, a*. cit., p. 421. 102. Texte dans Particle d'Ubieto, note 19. L'orisinal se trouve i'lkchivo Muni- cipal de Hiiesca, núm. 47 P, original partida por ABC. . . 103. J. Caruana, Sable el nncimierito de AZjofonso 11 de Apagón, daos Teruel, t. 11, 1954, pp. 5-32. 104. M. de Riquer, Loa dsl "roman" prooenzal de Jaujré, dans M$- langes Clouis B~unel,Paris, 1955, p. 444, note 2. Riquer réfute la datation d'Ubieto A Paide de documents historiques et littéraires. L'érudit rappelle le pacte de Lenda conclut en mai 1156 entre Alphonse VI1 de Castille et Raymond Bérenger IV. Ce pacte -qui est trauscrit dans le Liber Feudorum Maior 'OK- consiste en ceci:

dare fiiiam suam filio meo in uxorem, ego, inuumerabiies ei gracias refe- rendo, iure mairimonii recipio eam Bio meo h uxorem, et do ei ñiium meum 6iie sue in virum, in causimento et bene placito suo. Riquer rappelle que ce manage a réellement eu lieu puisque la füle filphonse VII, Sanche, épousera effectivement Alphonse 11 d'Aragon. Riquer rappeUe en outre la datation offerte par le Chronicon DW- senselOB, Pannée 1154 de la Nativité. Riquer fait également intervenir des arguments tirés de la chronologie d'oeuvres littéraires -tout spécia- lement la date de la tenson entre Alphonse d'Aragon et Giraut de Bor- nelh, 1170 ou 1171 pow Walter T. Pattison ou 1172 pour Kolsen et Bruno Panvinilo7. Nous préférons, quant a nous, ne pas retenir des datations qui s'appuient sur une argumentation littéraire, car eile ne peut intervenir dans un te1 probleme que pow con~ation. Ubieto, dans ce débat qui se caractérise par la plus parfaite urba- nité, a répondu A Caruana et Riquer 'Os. Ubieto revient sur le problhe du pacte de Lerida et des accords conclus pendant ces négociations. Ubieto &irme, apres une étude paléographique et historique tres mi- nutieuse:

entre el 1 y e1 25 de marzo de 1157 nacía en Huesca el futuro rey de Ara- g6n y conde de Barcelona, Alfonso 11. En el mes de mayo -posiblemente antes del día 26 de ese mes- Ramón Berenguer IV concertaba el mahimo- nio de su hijo Alfonso con una hija de Alfonso VI1 de Castüla, aparte de señalar la división de Navarra y las zonas de conquista sobre tierras musul- manas. Estos acuerdos se establecen mcdiante el pacto de LéridaIoS.

Le débat en était la lorsque l'historien de la Catalogne Ferran Sol- devila a repris Pensemble du problhme, dan~son H&ria de Catalunya d'abord, dans un article uniquement consacr6 A ce sujet eusuite"O. Le travail de Soldevila est extremement fouillé, mais nous croyons

105. F. Miqusl Roselt, Liber Feodorum Maior, t. 1, p. 43. 106. J. Villanueva, Viaie, t. 5, p. 239. 107. Pour la bibliographie, voir Particle de Msrtin de Riquer. 108. A. Ubieto, De tiueuo sobre el nacimiento de Alfonso II de Arngón, in EEMCA, t. 6, 1956, pp. 203-210. 109. A. Ubieto, art. cit., p. 207. Cette date a 6th sccepthe sanr disnissiori par Joan F. Cabestany, Alforts el Cost, dan$ Els primer8 corntesrais, Barcelone, 1963, PP. 58-59. 110. F. Soldevila, Hrstdna de Catalunya, Barcelone, 1963, pp. 193-195, note, et La data de NiFrwa diilfons 11 dilragd, dans iiomenaie o don Ramón Corande, Madrid, 1963, pp. 301-310. Tableau: Pere Barcelone en 1152, mort avant le pacte de Lerida en 1156; Ramon (fuw Alphonse II), en 1154; Anfos, n6 en 1157, mart leune.

11. qu'il accorde une place trop importante aux assertions de Zurita, sans foumir les textes onginaux. Ceci dit, on doit recanualtre que les con- clusions sont elles aussi tres vraisemblables. Sur la foi de Zurita, iI afFinne que I'enfant né en 1152 (et dont la naissance difficile a motivé le testament de sa mere) s'appelait Pcre. Alfonse le Chaste serait né, lui, entre le leret le W mars 1154 (suivant la Chronicon Dertuseme) et aurait porté A Ia naissance le nom de Ramon, son frere alné étant tou- jours vivant. Toutefois, lors du pacte de Lerida, I'ainé, Pere, devait etre mort, car Rayrnond Béréngcr parle de "filio meo" et, I'année sui- vante (février 1158 au pacte d'Haxamana), on fiance Sinfant Ramon (le futur Alphonse 11) avec Sanche de Castiiie. Toutefois, comme I'a bien vu Ubieto, un fils de Catalogne-Aragon est né 3. Huesca et a été haptisé sous le nom d'Alphonse, de tradition aragonaise, car son frere ainé Ramon (qni deviendra, rappelons-le pour la clarté des débats, Al- phonse 11) a été doté d'un prénom de tsaditiou catalane. Ce dernier fil~ n'a pas vécu, car le testament de son pere ne le mentionne pas. Le probleme des deux prénoms d'un meme personnage ne laisse pas de surprendre, mais s'explique par la rivalité entre les deux états qui altaient se retrouver sous la houlette de I'héritier des deux souve- rains. Taut que vivra Rayrnond Bérenger IV, I'héritier se nommera Ramon; A la mort du comte eatalan, la reine d'Aragou donnera t3 son fils le uom de tradition aragonaise Anfos, puisque le premier-né, Pere, était mort. Que conclure? Je crois t3 la naissance, en 1152, dUn enfant qui n'a pas vécu. Par contre, je ne crois pas 3. I'existence dún fils ainé nommé Pere sur la foi de Zurita (livre 11, chapitre XX). Prbsper de Bofarull n'y croyait gukre non plus, et Soldevila est ohligé de reconnaitrc que "igno- rem d'on va treure Zurita aquesta notícia" 'll. On doit accorder ensuite crédit au Chronicon Dertuseme II et 3. I'acte donné par Uhieto. Nous sommes donc cnciin a croire que Penfant né en 1152 n'a pas vécu (qn'il s'appelle Pere est sans intérht). Cette mort n'aurait d'aiEeurs rien d'étonuant puisquc I'accouchement difficile d'une primipare se soldait souvent par le décds de I'enfant. Un fils baptisé sous le nom de Ramon est né en 1154, car le pacte d'Haxamana (février 1158) voit I'appari- tion d'un "Raimundo primogenito, filio dicti comitis" dont I'existence est déja attestée par le pacte de Lerida en mai 1156 ou 1157. Le fait que Pacte de Lerida ne nomme pas le fils du couple qui unit les couronnes de Catalogne et d'Aragon et se contente de le citer comme primogenitus" est révélateur: un second Hs du couple a dii naitre entre les deux traités. Ce fils, nommé Alphonse la naissance, est nk a Huesca en 1157 comme le rapporte I'acte signalé par Ubieto.

111. F. Soldevila, o&. cit., p. 302. L'enfant nommé Ramon a vécu tres certainement puisqu'il est cité dans le testament de son p&redaté de 1162 et qn'il deviendra roi ha- gon sous le nom d'Alphonse. Nons sommes donc enciin a croire qn7Alphonse d'Aragou est né en 1154 comme le rapporte le Chronicon Dertusense II et comme étaient enclins A le croire Ferrau Soldevila, Jaime Caruana, et Martín de Ri- quer. Cette date de naissance conditionne la date des premieres pro- ductions poétiques du roi-troubadour. La date de 1172 assignée au déhat poétique avec Guixaut de Bomelh doit coincide1 avec les pre- mieres productious poétiques d'Alphonse. La perfection techuique, la virtuosité littéraire du souverain nous incitent A penser que les conseils des poetes de la cour ont d6 &re plus qu'effectis "%. b. Sagit-il d'Alphonse ZI d'AragonP- Le premier qni a émis quel- que doute quant a Sidentité d'Alphonse d'Aragou avec I'Anfos de Pen- senhamen est 1. M. Cluze1113. Toutefois, le critique francais n'exclnt AIphouse d'Aragon qu'avec I'aide d'une argumentation qui se fonde elle-meme sur tout un corps de doctxiue. Suivaut, ici encore, notre méthode d'investigation, méthode qui veut se fonder sur des criteres ohjectifs totalement indépendants d'nne quelconque datation, nous som- mes contraint d'ignorer pour l'heure les conclusions de Cluzel. La question posée impose une donhle réponse: s'agit-il d'abord d'Alphouse d'Aragon? Si1 ne s'agit pas de ce dernier, que1 est donc ce trouhadour du nom d'Anfos? Sil s'agit d'Alphonse d'hagon, Sensenhamen ne peut avoix été ré- digé avant 1170-1171, car la date de naissance dn sonverain exclut toute datation antérieure. Un argument est avancé par Cluzel pour exclure le roi d'hagon:

L'attitude générale des vicomtes de Cabrera, au cours des xo' et m' sikcles, comme d'ailleurs ceUe de la piupart des grands féodaux catalans, est loin de instifier un d'adulation euvers la couronne díiragon, d'autant que. dans ce cas particulier, le vicornte était un hornme bgé, peut-&&eun vieillard, et le souverain encore un enfant ou presque114.

Le second argument avancé ne doit pas etxe retenu par nous puis- que, pour Sinstant, nous ignorons justement Tage respectif des prota- gonistes au moment de la composition de Sensenhamen. L'autre fait allégué par Pérudit francais doit également ¿be écarté. En effet, rieu

112. M. de Riquer a saulignb (CCM, t. 2, 1959, p. 184) que i'on dBcouvre dms la langue des traces didectales qui sont si fréquentes chez les troubadaurs nés en Ca- tdopne. 113. 1. M. Cluzel, A propos ds I'ensenharnen du troubodour cototon Guerau de Co- brera, in BRABLB, t. 26, 1954-1956,pp. 87-93. 114. I. M. Cluzel, o*. cit., P. 88, note 7. dans l'attitude de Guerau Pons 111 et de son fils Pons 111 -avant 1185- ne signale une quelconque hostilité envers les comtes de Barcelone, envers Raymond Bérenger IV puis Alphonse 11. Cette hostilité est évi- demment notoire A partir de 1186-1187. Mais en 1185, l'accord entre Alphonse de Castille et Alphonse d'hagon pour faire sortir Pons de Cabrera des ~~SOUScastillanes montre clairement que le souverain ca- talan accorde enwre son appui son turbulent vassal. 01, il est vraisemblable qu'Alphonse 11 n'a eu ni le loisir ni le gout de composer des pohes que pendant sa jeunesse. Ce fait est d'ailleurs confirmé par les dates des oeuvres qui lui sont attribuées. Martín de Riquer, raisonnaut lni aussi en fonction de la date qu'il assigne A Pensenhamen, a été séduit par l'argumeutation de Cluzel. Croyant encore qu'il s'agissait du roi d'Aragon dans i'édition espagnole des Cantares de gesta, il accepta, timidement d'abord 11" avec plus d'en- thousiasme ensuite 116, l'objection formulée par Cluzel. Ou reconnaitra qu'il n'y a guere jusqu'ici d'argument déterminant. Nous sommes également couvaincu qu'il ne s'agit pas du roi d'hagon, et ce pour un critere que nous estimons objectif. Apres une enqubte approfondie concemant les mentions du roi dans les textes lyriques et dans les textes narratifs, nous ne trouvons aucun exemple o& le nom du troubadour Anfos, roi dilragon, ne soit précédé du titre royal. Les textes narratifs, vidas et razos, offrent toujours la forme r& d'Anfos, ou reis N'Anfos d'Ar(r)agon: razo 30, 19 d'Arnaut de Mareuil, razo 80, 37 de Bertran de Born, razo 80, 32 du meme, vida de Peire Raimon de Toloza, razo 364, 16 de Peire Vidal, vida de Folquet de Marseille, ~azo115, 27 de Folquet de Marseille, vida de Guillem Rainol d'Apt, vida d'Anfos d'hagon, razo 213, 5 de Gnillem de Cahestaing dans les versions de HR et de P"7. On objectera avec raison que ces textes rédigés au meou au XIV sihcles, sils ont valeur confirmative, ne peuvent constifxer une raison déterminante. 11 nous reste donc A examiner les pohmes des con- temporains. On sait que les allusions au souveraiu d'Aragon se divisent nettement en deux groupes: les fidbles inconditionnels et les adversaires déclarés.

115. M. de liiquer, Chansoqls de gesta fioncoises, Paris, 1957, p. 337. 116. hi meme, La litt4rature pvooengole d lo cour d'Alphonse 11 d'Aragon, dans CCM, t. 2, 1959, p. 182: "et un rnystérieux Anfos, jadis identifié avec Alphonse 11 d'Aragon, mais que maintenant on doit considérer comrne un houbadour inconnu"; et HLC, t. 1, p. 63. 117. Boutiere-Schutz, Biogrnphies des tioubadours, Paris, 1964, 2' éd., respecti- vsment pp. 36, 72, 108, 239, 268, 307, 347, 368, 470, 478, 495, 595, 540, 549. A I'appui de eet argument, Jules Horrent me signale la fagon dont les didarcalies nom- ment les pobtes de l'6cole siciliennc: eller s'ouhlient pas le titre roya1 ou impérial qirond le podte est un rai ou un emperear. L'objectioion de la date des didascalies est tigaleme~t valable: elles sont tardives et datent du manuscrit. DFS TROUEADOURS OCCITANS ET CATALANS DES xne ET xnp SIECLES 165 Les citations d'Alphonse d'hagon ont été signalées par Mil&, Irénée M. Cluzel, Martín de Riquer, Jordi Ventura, J. F. Cabestany 118. 11 faut distinguer ici entre les troubadours favorables Alphonse 11 et ceux qui sont de farouches opposants politiques (Guilhem de Ber- guedan, Bertrand de Born et Guiraut del Luc). Les troubadows favorables placent tous le titre royal devant le prénom du souverain l18; il en va de meme des adversaires 120. On constate deux choses: 1) Si1 s'agit du roi d'hagon, il ne peut avoir composé avant I'bge de dix-sept ou dix-buit aus, c'est-&-dire vers 1171-1172, date & laquelle est á'ailleuxs attestée son activité poétique (tenson avec Guiraut de Bonleü, 1172). 2) Qu'ii est fort étrange que Guerau de Cabrera n'ait pas fait pré- céder le prénom du troubadour du titre royal, s'il s'agit bien &Al- phonse 11. Nous avons en effet noté que le titre royal est toujows précisé par les troubadours, mame par Guühem de Berguedan, son en- nemi farouche. La premiere de ces conclusions entralne une conséquence irréfu- table: la présence d'Alphonse 11 (1171-1172) & cdté de troubadows comme Marcabm, Rudel, Eble de Veutadour est iiisolite puisque ceux-ci forment une géuération éteinte depuis une vingtaine d'années. Si hn ajoute & ce premier phénomene, déji bizarre, I'insolite de l'appelation Anfos pour désigner le roi d'Aragon, on est amené & penser que Guerau de Cabrera ne pense pas ici A Alpbonse de Barcelone.

118. Milá, De los trouodores, éd. 1965, pp. 83 et sv.; 1. M. Cluzel, Princes et trou bodours, dans BRABLB, t. 27, 1957-1958, pp. 324-328; M. de Riquer, La poésie pro- "encale d la cout d'A1phoonse ZZ d'Arogon, dnns CCM, t. 2, 1959, pp. 177 et w.; J. Ventura, Alfons el Casi, el primer coniteaei, Barcdane, 1964, pp. 271-287 (traduc- tion cstalane du texte); J. F. Cabestany et autres, Ramon Berenguer N, Alphons e1 Cost, Pere el Cutdlic, Barcelone, 1963, pp. 36-39. 119. Aimeric de Sarlat, P.-C., 11, 1, strophe 6, éd. R. Lavaud, Les trois trwbn- dours de Sarht, Péripueux, 1912, p. 2: "del bon rei ... d'Aragan"; hsut de Mareuü, P.-C., 30, 1, v. 39, éd. R. C. Johnston, Les poésiea lyriques ZArnout de Moreuü, Pa- ris, 1935, P. 123: "En Aragon, al rei ..."; Folquet de Marseille, P.-C., 155, 5 et 15, Bd. S. Stronski, Folquet de Marseille, Cracovie, 1910, pp. 14 et 85: 'lo bon rei... d'hagd' et "nosire reys BArago"; Guiraut de Borneil, éd. A. Kalsen, Gitaut de Bm. fleil, t. 1, P. 178: "Senher reis d'AragoW, et p. 446: "Si.1 senher, cui red Aragas"; Raimbaut de Vaqueiras, kd. J. Linskiil, The poems of Roimbnut de Vaqueiros, La Haye, 1964, p. 274: 'la reis dels Arsgoiies", et p. 269: "rei de Barsolona"; Peire Vidal, éd. Avalle, Peire Vidal, Milan, 1961: "al bon rei" (p. 32), '%os reis d'Arago" (p. 41), "bas reis" (p. 47), "al bou reí ... en Arago" (p. 62). "A1 bon rei part Cerveira" (P. 396% etc.; Aimeric de Peguilhan, Bd. Shepard et Chambers, The po- of Airnetic de Peguilhan, Evanston, p. 146: "que1 reys mori N'Anfos"; Mome de Montaudon, dd. O. Klein, Dle Dkhtungen des M8tichs von Montnudon, Marburg, 1885, p. 58 (AA, no 7): "reis N'Anfoa". 120. Paur Guiihem de Berguedan, voir kd. M. de Riquer, t. 2, p. 56 (piace IV, v. 4): uas lo re1 8A~ago;meme pitice, v. 20; 111, v. 30; V, v. 10. Pour le reste, voir ks notes de Risuei dans son édition de Guiraut del Luc, i'éd. Stimming de Bertrand de Bom et les pp. 281 et sv. de l'ouvrage de Ventura sur Alphonse le Chaste. Ceci étant dit, le problkme reste entier: de que1 troubadour s'agit-il? On sait qu'il n'existe aucun troubadour nommé Anfos, autre que le roi d'Aragon, dont on ait conservé quelque poésie. En désespoir de cause, ii s'agit done d'étudier dans la trancbe chronologique déterminée par les autres troubadours cités par Cabrera -c'est-i-dire 1130-1150- les personnages nommés Alphonse qui apparaissent dans la poésie des troubadours. On découvre alors plusieurs N'Anfos, comine fa souligné 1. M. Clu- , zellZ1. Dans le pZanh de Cercarnon sur la mort de Guillaume X, on peut lire: Don Jovenz se clama chaitiu, qar un non boba on s'aiziu, mas qan N'Anfos, q'a joi conquis '22. (P.-C., 112, 2a, VV. 34-36)

Jeanroy estime qu'il s'agit d'Alphonse VI1 de Castille ou Alphonse- Jourdain de Toulouse. On notera aussi que cet Anfos -qui a conquis le loi- est cité par dans le planh qu'il envoie i EbIon de Ventadour (v. 50). Ces memes personnages sont également cités par Marcabru:

Coms de Peitieus, vostre pretz s'assegura e a n'Anfos de sai, si gairem dura, car Avignon e Proens'e Belcaire te miels per son no fes Tolzan sos paire 123. (P.-C., 293, 9, VV. 25-28)

Dans ce pokme, Marcabru cite Alphonse de Toulouse et Alphonse de Castiile A la fin de Pautomne 1133 ou au début de 1134. Irénée M. Cluzel et Jean Mouzat attribuent -dubitativement il est vrai- i Eble de Ventadour ou PAnfos cité par Guerau de Cabrera le poeme Per fin'Amor m'eqauzira (P.-C., 112, 3) dont Jeanroy con- teste la paternité & Cercamon, malgré Pattribution du ms. D. Je ne vois nen dans ce pokme qui puisse confirmer cette attribution a Eble ou a Anfos; en outre, je ne vois nen qui puisse faire douter de l'attri- bution & Cercamon '24. On s'accordera i considérer le procédé d'attribu-

121. 1. M. Cluzel, art. cit., pp. 9293. 122. A. Isanroy, dd. Cercarnon, P. 21 et p. VI, note 4. 123. Texte dans A. Ronancaglia, in CN, t. 17, 1957, PP. 20-48. 124. L. ROmer (Die e>olkshrmlichen Dichtungsorten de, altp~ouenzalisclien Lyrik, Marburg, 1884, p. 58, AA, no 26) se prononce contre i'attribution A Cercamon pour des raisons métriques et technigues absolument fausses. Le Dr. Dejeanne (in AM, t. 17, 1905, p. 31) les a réfutées avec raison. Alfred Jeanroy a refusb la piace A Cercamon, car 'l'auteur de la pihce (112, 3) se présente comme un seigneur en état de faire des largesses et de cguerroyer., ce qui est en contradiction avec ce que naus savons de la condition de Cercamon. J'ai done cm devoir rejeter oette chanson en appendice". Jean Mouzat (in CN, t. 17, 1957, pp. 111-120, et Actes et mÉ?noires du 11' Congrda in- tion i des troubadours non cités dans les rubriques comme tres aléa- toire et -ce qui est plus grave- comme une pratique dangereuse en histoire littéraire "positive".

E. Eblon. La critique a ideutifié le troubadour Eblon cité par Guerau de Ca- brera avec Eble, deuxieme vicomte de Ventadour. c'était déji l'opinion de Manuel Mil4 y Fontanals meme si celui-ei euvisageait également les troubadours Eble de Saignes et Eble d'Us- se1lZ5. Martin de Riquer, comme I'ensemble de la critique, opte sans discussion:

N'Eblon est Eble 11, vicomte de Ventadour (vers 1096-1147).dont on a nen conservé; mais des renseignements contemporains nous apprennent qu'il 6tait fort célébré comme troubadour '2%.

Comme Pavait bien vu Milá y Fontanals, ii y a trois troubadours nommés Eble entre lesquels il faut ehoisir: Eble de Ventadour, Eble de Saignes et Eble d'ussel. L'identité des prénoms n'a pas été sans en- trainer de multiples confusions et dlnnombrables et délicats prohl~mes d'identification. Nous avons tenté de résoudre cette question dans un article paru dans les Méhnges offevts d M. Pierre Le Dans cette contri- bution, nous avons eiitrepris d'étudier les trois troubadours daus les do- maines historique et littéraire. Le développement pris par ces recherches interdit de les reproduire ici dans leur intégralité. Toutefois, il nous a paru impossible d'analyser la mention d'Eblogz par Guerau de Cabrera sans un recours permauent A cet article. Pour plus de détails, le lecteur voudra bien s'y reporter. ternatiotial de lar~gueet littéroture du Midi de la Fronce, AY, 1961, pp. 89-103)attribue la piece $ Eble de Ventadour (ou B ARfos, 2' article, p. 96), ainsi qu'Ulrich M61k (Trobor cltis-Trobar leer, Munich, 1968, pp. 31-33).Je suis sceptique (comme Janine Angé- lique, Le troubodour Cercnmon, Lihge, 1970, mhmoire inédit de licence en phiialogie romane, 337 pages; voir les pp. 136-137)sur les aiguments avuncks pour refuser la pibce B Cercamon et i'attribuer B Bautres troubadours: 1) le schkma méhique de 122, 3 s'aecorde avec cerrx de Cercarnon; 2) la cortesso perticulibre, le ton direct, I'attaque Printanibre peuvent convenir A Cercamon, et 3) le rang social elevé que la pikce 112, 3 confere i son auteur ue jaue oonke Cercarnon que dans la mesure o& on accrkdita la vida. Or, ladite osda de Cercamon ne paralt Btze qu'un tissu dinventions ou d'appro- ximations (ktymologie populaire sur le sobriquet, origine gasconne, les pastoretos, malhe de Marcabru, etc.). 125. M. Mil& De los trouodores en Eqaño, éd. Riquer, Barcelone, 1966 (3. éd,), P. 242. 126. M. de Riquer, Les chanrons de geste francaises, Paris, 1957, PP. 336 et 343. 127. F. Pirot, Le troubadoui Eble de Saignes. Auec des notes sur lea troubndours Eble de Ventodour et Eble d'Usse1, in Mkbnges offetfs 3 M. Piene Le GentU, Paris, 1972. Fiddle A une méthode d'enquete qui présuppose une investigation strictement historique dans les probldmes d'identification, nous ceme- rons d'abord les trois troubadours connus pxénommés Eble. a. Enqudte historique. - 1) Eble de Ventadour. - L'existence d'Eble 11, viwmte de Ventadour 'a8, est historiquement bien wnnue. La meiiieure étude reste celle de Stanislas Stronski '%, précisée ensuite par Carl AppellaOet Jacques Boussard la', sans compter les travaux, plus spécifiquemeut littéraires, de Maria Dumitresc~'~~,Jean Moilouzat '3g, Ulrich Moik la4 et Léo Polhnann 13§. Au début de la dynastie, I'ainé de la famille de Ventadour s'appe- lait Archambaud. Toutefois, les cadets ayant été élevés par deux fois i la dignité viwmtale, le prénom Eble deviut bientot celui de l'ahé de la familie. Pour l'époque qui nous occupe, on releve deux Eble de Ventadour. Le premier, Eble 11, est attesté avec son frere afne et sa mere des 1096. Tres jeune i cette époque, il devint chef de famille apres le déces de son frere (avant 1106). 11 est cité ensuite A de multiples reprises dans des actes (1109, apres 1120, 1131, 1135, 1143, 1147). Participaut A la croisade de 1147, il serait mort, d'apres le Prieur de Vigeois, sur le chemin du retour A I'abbaye du Montcassin. Cette dernidre assertion est controversée las. Eble 111 succéda A son pere vers 1147-1148 et mou- rut en 1169. Son fils, Eble IV, continua la lignée '37.

2) Eble cle Saignes. -Eble de Saignes est de la familie des sei- gneurs de Saignes (arr. de Mauriac, Cantal). Contrairemeut i I'avis de

128. Mousüer-Ventadour, canton d'Egletons, arrondissement de Tulle, CairAze. 129. S. Stronski, La lériende amolarause & Bertrand de Born, Paris, 1914, pp. 164-165. 130. C. Appel, Ben~nrtoon Ventodorn, Halle, 1915, pp. "ir et sv, 131. T. Boussard. Le gopcvernemnt d'lionri 11 Plontngsdt, Paris, 1956, pp. 136, no 5; 140,'n~ 8; 142, no 5-et 6. 132. M. Dumitreseu, Las premiers troubndours connus et les origines de le podsie proaencole, dan8 CCM, t. 9, 1966, pp. 345-354; Eble de VentodDur et Guillaunte IX #Aquituiní, dans CCM, t. 11, 1968, pp. 379.412: "L'escola N'Eblon" et ses représen- tonts, dans Mélanges Bita Leieune, Gembloux, 1969, pp. 107-118. 133. J. Mouzat, Les podms peidus d'Eble 11 de Ventadorn, dans Actes et mknoires du II* Congr2s intemationul da lnngue et 1ittQrature du Midi de la Frunce, Aúr, 1961, PP. 89-103, et faticle assez similsire dans CN, t. 18, 1958, PP. 1 et sv. 134. U. MiJlk, Trobor clus - Trobar leu, Munich, 1968, pp. 18 et m., pp. 24 et sv., PP. 28-36. 135. L. Pollmann, Die Liebe in der hochmittelalterlichen Literatur Frunkreichs, Fraddmt, 1966, pp. 103 et sv. (Analade Romanica, no 18). 136. S. Stronski (op. cit., p. 166) croit que I'Eble de Ventadour mor€ au Mont- eassio est Eble 11, tandis qu'A. Roncaglia (dans MR, t. 19, 1969. p. 74) pencbe pour Eble 111 en suivant le Prieur de Vigeois. 11 semble toutefois que Stronski ait vu fuste (aote du oartulaire d'obazine et iettre de GAreud, kveque da Cahors, cites par Stronski, w.cit., p. 167, note). 137. Attesté en 1174, 1181 et 1184. toute une génération d'érudits, il faut rappeler que Saignes possede des seigneurs qui n'ont sien A voir avec les familles voisines, particuliere- ment celle d'Ussel. L'histoire de Saignes est bien connue par une bonne étude de Ribier 138. Le premier seigneur du lieu que nous connaissons, Odon, apparalt dans un acte de 1187. Si Odon parait &re le nom usuel de l'afné, celui d'Eble est celui du cadet. Un seul de ces cadets, Eble de Saignes comptor Sanhrum, est devenu, pour des raisons inconnues, chef de famille de 1260 A 1280. L'absence de document au me siecle et leur rareté au xme ne per- mettent pas d'établir une qnelconque généalogie. En tout cas, deux faits sont assurés: il existe une famille de Saignes au xrre siecle et les cadets se nommeiit Eble.

3) Eble ZUsseE. - 11 s'agit d'un seigneur appartenant A la famiiie d'Ussel (Ussel-sur-Sarzonne, chef-lieu d'arr. de la Correze). On doit & Jean Audiau une bonne étnde historique cousacrée aux quatre freres d'Ussel qui furent troubadours. Jean Audiau se fonde sur une copie du cartulaire de Bonaygue (cant. d'Usse1, Correze) qui rapporte des actes datés de 1190, 1195, 1225, 1233 133. Dans ces quatre documents, il est fait mention d'Eble: avec son frbre Pierre en 1190, avec son frere Gui en 1195, seul en 1225 et 1233. Jacques Boussard signale de son caté un acte inconnu d'Audiau qui concerne également Bonaygue. Ce document a le mérite de préciser les débnts de l'activité des freres d'U~sell*~.En 1157, en effet, Guiiiem et Peire d'Ussel fondent cette abbaye. Cet acte démontre, d'une part, que le widimw de la famille d'Ussel concernant Bonaygue n'est pas complet et, d'autre part, que Pierre, fahé des freres sans doute, est né avant 1140. Cette date de 1157 est mnbée par i'acte de 1225 donné par Eble qui, arrivé A un Age tres avancé, et seul survivant de sa ghération, fait une donation importante A Bonaygue, car

in eisdem diebus patrem, matrem, fratres, et Ebolum &um meum de cymi- teno collegi, et eos in claustro (se. Bonae-aquae) juxta capitulum honorifice PO SU^ 141.

138. Ribier, Saignes. Ses camtors, ses comtes et se boutgeaisie, dans Reme de ii Haute-Auusrgne, t. 25, 1929, pp. 9.26, 68-77, 137.180, 11 subsiste B Saignes les ruines du cbateau médiéual et de 1s cbapelle castrale sises sur une roche basaitique qui m- plombe la loealitk. 139. J. Audiau, Les poésies des quoire troubodours d'Ussel, Pds, 1922, pp. 16-17. 140. J. Boussard, op. cit., pp. 134; 135; 140, note 8; 141; 142, note 7; 191; 229. 141. Texte cité par Audiau, op. ctt., p. 111, d'apres un uidirnw appartenant Q ia famille d2Usrel et redigb B se demande en septembre 1766. Sur Ronaygue, on vena Laveix, L'obboye de Bonn&ue, dans le Bulletin de lo Saciété scieniifique, hLámiqw et nrchkolosique de ii Cowdze, 1884, pp. 535-557. On doit donc conclnre qu'Eble d'Ussel est certainement né dans la décennie 1160-1170 et vraisemblablement avant. En conclusion, des troubadours nommés Eble, deux peuvent &re cernés chronologiquement: Eble de Ventadour (e1080-t 1147) et Eble d'Ussel (1160-1170-t 1235). b. Enquke littéraire. -Dans i'article cité plus haut, nous avons étudié de manidre approfondie les divers personnages nommés Eble dans la poésie lyrique des troubadours. Nous avons examiné les dix- sept rubriques et podmes o& un personnage doté du nom qui nous in- téresse est signalé 142. Au départ des conclusions obtenues dans cet article, nous tenterons de préciser le r6le de nos trois podtes dans le contexte littéraire du temps i i'aide des textes dont nous sommes sur 143.

1) Le troubadour Eble de Ventadour dit "le chanteur".-Eble de Ventadour, personnage fastueux et féodal irnportant, est un podte énig- matique. On ne conserve de lui aucun podme mais de multiples té- moignages indirects -dont un est indiscutable- nous confirment son activité littéraire. 11 est inutile de réimprimer ici les passages hds con- nus dus au Prieur de Vigeois par lesquels on sait qu'Eble de Ventadour usque ad senectam (sic) carmina alacritath dihit. La critique a bien examiné ce passage mais n'a pas suffisamment insisté sur le usque ad senectam. L'assertion du Piieur de Vigeois oblige de penser qu'Eble de Ventadour participait encore activement, vers la fin de ses jours, ti la vie littéraire des années 1140-1147 14*. En 1137, Cercamon compose son planh sur la mort de Guillaume X d'Aquitaine et Penvoie

Lo plainz es de bona raza se Cercamonz bamet N'Eblo. Ail Com lo plaigno li Gasco, cil d'Espaigné cil d'Arago 145. Rien n'est plus naturel que cet envoi puisque Eble de Ventadour, un des quatre vicomtes du comté de Poitou, était non seulement un

142. Art. cit. 143. Nous ne faisons pss interven& dans oette enquete des twtes oU l'Eble cité n'est pas certainement un de nos trois poetes. Dans Izarticle cité plus haut, il s'agit des rubriques 1, 2, 3, 5, 6, 10 a, 11 b. 144. Pour les problemes posés par Eble de Ventadour, oo ne peut que renvoyer -aux ouvrages cités aux notes 129-135. L'alacrité intellectuelle du personnagc va de paú avec une verdeur physique incontestable puisqu'il ert mort en 1147, en paiticipant, ver5 soixante-dix ans, la croisade d'orient. 145. Coreamon: P.-C., 112, 2 a, w. 49.52. Joanroy estime que "Eble cité par Cer. camon est probablement Eble 11 le chnnteur, vicomte de Ventadour", voir A. Jeanroy, Lea poQsies de Cercarnon, Paris (CFMA), 1922, pp. 22 et 37. confrbre en poésie de Cercarnon mais également un ami du pdre du défunt 14%. La date prBcoce de la complainte funbbre exclut Eble de Saignes et Eble d'Ussel. On est amené & étudier ensemble les passages de l'oeuvre de Mar- cabru et de Bemard de Ventadour oii il est fait mention d'un Eble.

Ja no farai mai plevina ieu per la boba N'Eblo, que sentenssa follatina manten encontra razo; ail Qu'ieu dis e dic e duai ques "Amors" et "Amars" brai, hoc, e qui blasm'Arnor, buzina 14T.

A la troba N%blo du podme de Marcabru, écrit avant 1147, répond Sescola N'Eblo de Bemard de Ventadour:

Ja mais no semi chantaire ni de i'escola N'Eblo, que mos chantars no val gaire ni mas vontas ni mei so... 148.

Le rapprochement entre troba et escola oblige Ii penser qu'il s'agit d'un mbme personnage, tenant d'une certaine conception poétique lis. La date de composition de i'oeuvre de Marcabm entrahe B voir ici Eble de Ventadour; cette identiíication est conhée par Bemard qui mentionne certainement l'Eble dont il porte le nom 160. Comme on l'aura vu dans notre article, nous estimous que les di- verses identifications de personnages nommés Eble avec Eble 11 de Ventadour sont correctes. Ce que nous savons du personnage historique et du poete nous autorise B croire, avec toute certitude, Ii l'importance de son r6le dans le contexte littéraire depuis 1100 jusqu'i 1147, date de sa mort.

2) Le troubadour Eble de Saignes.- Nous avons w qu'il Btait im- possible de connaitre quelque chose de ce troubadour au départ d'me enquete strictement historique. L'histoire littéraire permet heureuse- ment de combler cette lacune, car Eble de Saignes est cité dans deux

146. On se rappellera Sanecdote si souvent rapportée o& Eble fait rnontre de faste "courtois" en accueiilant Guiilaume IX arrivé A Simproviste avec cent chevaliers. 147. Mafcabru: P.G., 293, 31, v. 74; J. M. L. Deiennue, Le troubodour Morcobru, Paris-Toulouse, 1909, p. 149. 148. Podme P.-C., 70, 30; C. Appel, Bernart von Ventadom, Halle, 1915, p. 180. 149. Sur oe probldme, voir mon artiole. 150. Sur oette quuestion, voir mon article. poemes pour lesquels on peut déterminer des termint ante quemal. Le premier témoignage que Son peiit aiiéguer est I'enuoi de la tenso fictive due A Garin le Brun:

Messatgier, lo vers portaras N'Ebton de Saignas e.1 diras si ca.1 BNS 1041 envia 152.

La date de cette tenso peut évidemment fouinir une indication chro- nologique pour Eble de Saignes si Son parvient A déterminer Pépoque probable de composition du pobme. Qui est donc l'auteur de ce pobme, Garin le Brun? D'apres Camille ChabaneauBsa,ce personnage serait peut-&re le meme qu'un Garinus Bruni qui fut garant d'un serment de fidélité ~16th par le vicomte de Nmes au comte de Toulouse en 1174 164. Clovis Bru- ne1 lS6 estime par contre, et A noire sens avec raison, que cet aCte eSt de date peu sure, car le raisonnement de Teulet est inexact l". Clovis Brunel, aprks Remize 15*, a repris l'ensemble de la généalo- gie de la famille de Randon, mal établie par Stanislas Stronski sur la foi du Pere Anselme lS8. Garin le Bmn était seigneur de Randon (cha- teau ruiné, com. $Estables de Randon, cant. de Saint-Amans, arr. de Mende), tenu en pariage avec son frere ahé, Guiilaume de Randon. Garin le Bmn était déjA mort en 1162, date A laqueue son frbre fait une donation "pro amore Dei et pro anima fratris mei Garini BNN et iu redemptione suorum peccatorum" lea, et meme des 1156 lS0. La tenso est donc antérieure A 1156. A cette date, l'activité poétique d%ble de Saignes est certaine. On notera toutefois que l'activité poétique de Garin le Brun ne doit pas &betres antérieure A la date de sa mort, car il a dii mourir jeune. En effet, son fr&re ainé, GuilIaume de Randon, est attesté de 1148 A 1176 au moins. L'ahé ayant survécu A son cadet d'une vingtaine d'an-

151. On remarpuera que nous ne faisons pas intervenir ici des tbmoignages con- cemant Eble de Saignes qui, en +out 6tat de cause, ne peuvent foumb d'indications chronologiques. 152. P.-C.,163, 1, w. 51-53; C. Appel, in RLR, t. 33, 1889, p. 408, et Poksies ptooencole?. .. d'ltolie, pp. 5-6. 153. C. Chabaneau, HGL, t. 10, p. 351. 154. Teulet, Layette du trd~ordes =hartes, t. 1, p. 107. 155. C. Bninel, Documents linguistiques du Gd'ooudatz, in BEC, t. 77, 1916, p. 6, note 3. 156. Op. cit., p. 108. 157. Abb6 Remize, Godn le Bwn, in Butlctstin de & SociÉtk de la Lodre, t. 1, 1903-1908, p. 176. 158. S. Shonski, Recherches historiques sur quelques protecteurs des tmubadours, in AM, t. 19, 1907, p. 40. 159. C. Bmnel. Randoia, protecteur des troubadaurs, in Rmn., t. 39, 1910, pp. 297.304. 160. C. Brunel, Documents linguhdigues du GQuoudan, p. 6, note 3. nées au moins, on peut supposer que l'activité littéraire de Garin le Brun ne doit pas &re tres antérieure & 1150. En d'autres termes, Sactivité d'Eble de Saignes peut &re affirmée, sur la foi de cette tenso, entre 1145 et 1156. Le second témoignage certain sur l'activité poétique d'Eble de Saignes est le couplet consacré a ce troubadow dans la célebre galerie littéraire de Peire d'Auvergne lel. On verra dans notre article '62 que nous sommes convaincu, con- trairement a l'avis de quelques critiques mal informés, qu'Eble de Saignes caricaturé par Peire d'Auvergne est bien un troubadour portant ce nom. Nous avons affirmé, apres analyse, que la satire littéraire met- tait en scene des persounages dont l'existence histonque est certaine. On ne peut, en effet, déceler une quelconque fantaisie de Peire d'Au- vergne dans ce domaine. En outre, le terminus ante 9qua de ce pohe satirique est bien hé: 1173, date de la mort d'un des troubadours caricaturés, Raimbaut d'orange. En conclusion, l'activité poétique d'Eble de Saignes peut etre envi- sagée entre des dates qui vont de 1145 & 1175-1180.

3) Le troubadour Eble d'Ussel. - Les indications littéraires préci- sent ce que lhistoire sensu stricto nous a appris. On verra, dans notre arücle, que la production poétique d'Eble d'Ussel est certaine dans les dernieres années du xne siecle et dans les premieres années du siecle suivant.

Auquel de ces trois troubadours fait: allusion Guerau de Cabrera? On ne peut aboutir a un résultat que par comparaison avec les autres troubadours cités; il existe, toutefois, un préjugé favorable pour le plus célebre d'entre eux: Eble de Ventadour. Nous avons vu que les troubadours cités sont des membres de ce qu'on appelle la "seconde génération": Rudel (f 1147), Marcabm (t 1150), Anfos (t avant 1150T). On peut donc écarter Eble d'Ussel, petit seigneur du Limousin composant entre 1190 et 1210, que i'on n'est guhre autoricé A rapprocher, quant & l'époque de production et quant A la célébntb, de deux grands anciens comme Rudel et Marcabm. Restent en préseuce Eble de Ventadour et EbIe de Saignes. Les enqu4tes historiques et littéraires permetteut d'affirmer qu'Eble

161. Eble de Saignes est le dixibrne houbsdaur csricaturb par Peire d'Auvergne dans une piece cél&bse (P.-C.,323, 11). éditbe en dernier &su par A. del Monte, Peire d'Alvemha. Li~khe,Turin, 1055, p. 133. 162. Alt. oit. de Ventadour (1110-1147) précede Eble de Saignes (1145-1180). Nous croyons mame que si les troubadours ne désignent pas avec plus de précision les Eble lorsqu'ils citent I'uu d'eutre eux, c'est que la confu- sion n'était plus possible A I'époque o& ils composaient. Quoi qu'il en soit, il doit s'agir dans le Cabra Juglar d'Eble de Ventadour, car la proximité de Marcabru et de Rudel le désigne natu- rellement.

Nous aimerions traiter ici dUn petit probldme puisque nous veuons de rappeler Ia préseuce d'Eble de Saignes dans la satire littéraire de Peire d'Auvergne. On sait que ce pohme a été composé dans un lieu, appelé Puoich- vert, si Pon en croit les w. 85-86:

Lo vers fo faitz als enñahotz a Puoich-vert, tot iogan rizen 1". La critique a cru longtemps qu'il s'agissait de Puivert (com. du dép. de I'Aude), car sy dressent encore d'imposantes ruines d'un chk- teau médiéval. Rita Lejeone a démoutré qu'il ne pouvait s'agir de ce chkteau de Puivert de I'Aude pace que la premiere construction A cet endroit n'est signatée qu'en 12101e4. En outre, un dénombrement précis, effectué en 1167, de toute la région de Puivert de I'Ande ne siguale mame pas ce toponyme tandis qu'un acte de 1175 mentionne le topouyme mais sans parler d'un chkteau. On est donc ameué a penser, en suivant Rita Le- jeune, qu'il ne peut s'agir de Puivert de SAude pour un événement survenu avant 1173. De que1 lieu s'agit-il? Rita Lejeune a tenté d'identifier ce Puoich-vert avec I'un des trois "podium-viride" de Catalogne. Que le Puoich-vert o& a été composé (ou récité) la satire littéraire soit en Catalogne nous parait absolument certain: 1) La forme du toponyme Puoich-vert présente des particuIarités Iinguistiques du CataIan, comme I'a montré Guiter 'OS. 2) La préseuce simultauée de Castiilans, de Catalans et de Méri- dionaux sexplique mieux en Catalogne qu'aifleurs.

163. A. del Monte, éd. de Peire ZAlvernhe, Turin, 1955, pi&ce no 12, p. 127. 164. R. Lejeune, La "Goleee littk~aire'' du tvotibadour Peire d'Aloernhe, in RLLO, t. 1213, 1962-1963, pp. 35-54 (ici p. 48). 165. Daas une intervention, non encore publiée, au Ve Congres internationol de langue et littdroturg du Midi de la Frnnee, qui s'est tenu B Nice en septembre 1967. De que1 Puiguert catalan s'agit-il donc? Parmi les Puigvert catalans, deux localités paraissent avoir joué un certain role dans lhistoire de cette partie de PEspagne au moyen &e: Puigvert de Lerida et Puigvert d'Agrmunt. Puigvert de Lerida (actuellement contrée de Les Garrigues, prov. de Lerida) est une petite localité située au sud-est de cette demiere ville. Cette terre a été reconquise aprds 1149 et paralt avoir dépendu de PEglise de Tortose jusqu'au moment o& Guillaume de Cervera et Ber- nard de Montpao concedent une charte de peuplement. En 1201, ces seigneurs de la région de Castelldans autorisent des habitants ongi- naires de Torre de Sentmenat d'occuper le lieu de Puigvert. Cette loca- lité ne connait toutefois qu'une existente sans histoire en rapport avec sa médiocre Mportance leB. Puigvert d'Agrarnunt (contrée de Pla d'urgell, prov. de Lerida) est, par contre, beaucoup mieux connu. On retrouve ce toponyrne ainsi que les noms des représentants d'une famille qui en est originaire dans un grand nombre d'actes conser~és'~~.La localité, voisine d'Agrarnunt, dépend du comte d'Urgell et de la famille de Puigvert (en latin Podium viride); elle connait dans la premiere moitié du XIP sidcle une prospé- rité croissante lE8.Les comtes d'Urgell paraissent meme y résider fré- quemment avant la prise de Balaguer. La cité est un centre commercial actif dont les habitants, tres industrieux, construisent une villa nova pour laquelle le comte d'urgell, Pierre et Guillaume de Puigvert con- cedent anx habitants d'Agramunt une charte importante datée du 13 no- vembre 1163 lea. Sans trop nous tromper, nous croyons pouvoir affirmer que la satire littéraire a été récitée devaut les "emíiabotz" au chiteau de Puigvert d'Agramunt qui domine une route importante qui va "de Foix a Lerida via Puigcerda". Ce fait admis, une question se pose nous avec insistan- ce. Comment cxpliquer que Guerau de Cabrera, Pamateur de poésies qui est en relation avec Marcabru, n'est pas présent a une grande réunion de poetes qui se tient A quelques heures de marche de ses terres? La réponse est maintenant aisée A formuler apres nos recherches historiques. La réunion de Puigvert a eu lieu vers 1170 a une date oh Guerau de Cabrera, ami de Marcabru, n'est plus de ce monde (rap- pelons que le dernicr témoignage historique sur date de 1159). Nous possédons ainsi une confirmation indirecte de la mort de Guerau avant la date présumée de la satire de Peire d'Auvergne, c'est-&-dire 1170. La présence de Guerau de Cabrera a la réunion de Puigvert eilt été

166. Sur tous ces points, on "erra J. Foot Rius, Cartas, t. 1, p. 821. 167. On "erra, sur ce point, I'artiele dc R. Lejeune, PP. 51-52, qui fait ttat de recherches personnelles et de renseignements fournis par P. Bohigas. 168. Sur ces faits, on "erra J. Font Rius, op. cit., pp. 707-709. . 169. Voi le texte dans J. Font Rius, op. cit., pp, 176-178. tout A fait normale -et mbme obligatoire- s'il avait été encore de ce monde. Pourquoi? 1) La proximité géograpbique d'abord, comme en témoigne la carte . ci-jointe,

I I

2) La famille de Cabrera avait possédé ou possédait encore des droits dans la viguerie d'Agramunt. En effet, les chiteaux de Mout- magastre et de Gavana appartiennent aux Cabrera qui les ont concé- dés en fief A Alegret en 1121 lTO. 3) On sait que Guerau Pons 111 a eu des démblés avec le comte d'Urgell pour la possession d'une série de chtiteaux. Cette contestation fut sournise A l'arbitragelT1 de personuages importants parmi lesquels Mir Guilhem de Puigvert (27 janvier 1157), personnage qui paralt avoir fait caniere daus l'entourage du comte de Barcelone. Cette affaire se termina A l'avantage du vicomte de Cabrera dont les droits sur les chtiteaux furent confirmés. Ce Mir Guilhem de Puigvert est certaine- ment de la famille de Puigvert dilgramunt puisqu'il est encore cité dans un acte concemant un membre de cette famille lT2. De ces indices, il rksulte que Guerau Pons 111 de Cabrera aurait

170. Voir Miret, CosteZlb6, p. 96. 171. Texte dans HGL, t. 5, doc. 608. 172. Texte dans LFM, t. 1, p. 178. dG assister a I'entrewe de Puigvert d'Agramunt, tenue a une date voi- sine de 1170. Son absence confirme une mort que Son supposait par le silence des actes partir de 1159. On peut donc conclure que fe troubadour Eble cité par Guerau de Cabrera est bien Eble de Ventadour. Guerau de Cabrera est d'une génération dont les grands noms sont ceux cités par lui dans son Cabra lugh: Marcabm, Rudel et Eble de Ventadour. Eble de Saignes, qui participe d'une génération Iégerement postérieure, celle mise en scene dans la satire littéraire de Peire d'hvergne, ne peut donc &&eraison- nablement envisagé ici.

A Pétude lustorique de la famiüe de Cabrera et a Sétude historiw- littéraire des troubadours cités dans le Cabra luglnr, la critique a joint une argumentation importante, fondée sur un cbapitre d'une oeuvre littéraire latine du moyen kge. 11 s'agit des Otla lrnperialia de Gervais de Tilbury. Au moment o& nous écrivons ces iignes, on ne dispose pas encare d'édition moderne de cette oeuvre et Son doit encare consulter une édition du milieu du mesiecle 'T3. L'érudit américain J. R. Caldweli prépare depuis plusieurs années une édition et a dé$ publié une série d'articles constituant des prolégomenes i ce travaill". Pour Sétude de I'auteur et de son oeuvre, on dispose essentieliement de deux bons tra- vaux: le premier, déja ancien, est i'oeuvre de R. Pauli1T6; Ie second, plus récent, est d& a f'bisiorien de la Provence Raoul Busquet IT6. On connalt assez bien la biographie de Gervais de Tilbury. Comme son nom I'indique, il est né A Tilbury dans 1'Essex vers 1152. 11 passe en 1176 sur le continent pour continuer ses études aw écoles de Reims, fort renommées I'époque. Vers 1177, il descend en Italie pour ap- prendre le droit a Boiogne. Son curm scolaire terminé, il entre dans

173. F. Liebreclit, Das Geronsius ooii Tilbury. Otia Imperuilio, Hanovre, 1856, PP. 44 et 154. 174. J. R. Caldwell, The nutogmpli rnanusiript of Gemnse af Tilbuw, in Scrivt., t. 11, 1957, pp. 87-98; Geruose of Tilbury's addendo to his "Otia Imperiolia", in MS, t. 24, 19G2, pp. 95-126; Mnniisc,ipta o+ Gervme of Tiibury's "Otin Imperialia", ui Script., t. 16, 1962, pp. 28-45, et Ths interelaionship of tlie monuscdpts of Gemo~s of Tilbiiw'a "Otia Irnperiolio", in Scdpt., t. 16, 1962, pp. 246.274. 175. R. Pauli, Getuosi Tillebeiiatisis Otiis Zmperialibus, in MGH, Scriptores, t. 27, 1885, PP. 359-394. 176. R. Busquet, Gemnis de Tilbunr incorinu, in Reoue Histodque, t. 191, 1941, PP. 1-20,aveo bibliographie antérieure B la note 1. Je dois A cene monogrnphie l'essen- tiel de ce qui est dit ici. On peut égdement lire dans le Didion~iredes lettres fran- Cabes, partie Moyen &e, une notice tr&s insuffisante due B René Hervd. I'entourage du fits d'Henri 11, Henri-au-court-mantel. Cette protection ne dure guere puisque le jeune Plantagenet meurt en 1183. A cette date, Gervais redescend en Italie, A Bologne, pow y enseigner la disci- pline qu'ii y avait apprise. On le retrouve ensuite en Sicile, vers le milieu de 1189, au service de Guillaume 11 le Bon, qui meuri la meme année. Des le début de la derniere décennie du xue siecle, Gervais occupe i Arles la charge de juge de I'archevbque. Vers 1207, il devient juge supérieur du comté de Provence, titre qui correspond A une fonction importante. A I'avenement d'othon IV de Brunswick en 1209, ce der- nier Sinvestit du maréchalat de I'Empire pour le royaume d'hles. Les charges réelles dn maréchal d'kles sont relativemeiit réduites, car Seui- pereur n'exerce en fait que quelques droits réeIs sur cette terre tres éloignée de SEmpire. Gervais -qui s'est installé i Arles et a épousé une parente de l'archevhque- reste mar4chal jusqua sa mort (aoGt 1221). A cette carnere politico-juridique, Gervais de Tilbury a joint une intense aetivité de lettré. 11 est l'auteur de toute une série d'ouvrages historiques sur I'Angleterre, la Bourgogue et la Terre Sainte. Ce sont toutefois les Otia Imperialia, écrits somme toute mineurs, qui ont as. suré sa célébrité. Ces Otia Impmialia, "les récréations de SEmpereur", ont recu ce titre, car ils ont été dédiés au dernier protecteur de l'auteur, Othon IV, élu définitivement A la thte du Saint-Empire gemanique en 1209. Cette date constitue un teiminus a quo pour I'oeuvre; 1216, date de la mort d'Othon, étant le terminus ante quem. Au teme d'une enquete serrée, Raoul Busquet couclut que I'oeuvre a été temhée en 1213-1214. 11 semble toutefois que les 0th lmperialia soient le fruit du travail d'uue vie. En effet, Gervais avoue lui-menie qu'ii await aimé dédier les "récréations" A son premier protecteur, c'est- a-dire A Henri-au-court-mantel, mort en 1183. Les Otia sont divisés en trois parties. Les dew premieres decisiones forment une espece d'encyclopédie des connaissances de son temps. Cette somme est le résultat des nombreuses lectures de Gervais, comme I'a adrnirablement montré Edmond Faral en etudiant un poiut précis de I'oeuvre lq7. La troisidme partie constitue un recueil des événements merveiUeux et des choses exfraordinaires que Gervais a pu 1Ure ou contempler de son temps. 11 semble que ces mirabilia soient le fruit de Pexpénence personnelle de I'auteur, car ils émanent prineipalement de lieux o& il a vécu: le royaume d'Arles, le Dauphiné, le sud-est de la France et la Catalogne. 177. E. Faral, Une sourca lotine de l'histoire d'Alernndre: lo lenre sur les tner- veilles de I'lnde, in Rom., t. 43, 1914, pp. 198-215 et 253-370. Les Otia ont comu un succes considérable si Pon en juge par le grand nombre de manuscrits conservés. On peut encore ajouter que le texte latin a été traduit en francais A deux reprises Les mirabiliu des Otea ont attiré depuis longtemps Pattention des romanistes, car un épisode rapporte l'histoire du cheval savant d'un noble catalan, nommé Giraldus de Cabreriis. Chabaneau est le premier a avoir publié le passage dans ses Biogruphies, sans, malhemeusement, donner le moindre mot de c~mmentaire'"~.La seule analyse círcons- tanciée de' cet épisode est due a i'érndit catalan Lluís Nicolau d'01- wer 'so. Martín de Riquer s'en inspire directement.

Erat temporibus nostris in Catalonia miles, nobiiissimis ortus natalibus, militia strenuus, elegantia gratioíus, cui nomen Giraldus de Cabreriis. Hic equum babe- bat in bonitate singularem, velocitate inviucibilem, et quod siue exemplo mirandum fuit, in omnibns auystiis consiliosum. Huic nobilis indidit, ut bonus amicus voca- retur. Solo pane triticeo in concba vescebatur argentea, et culcitra de pluma pro substemio utebatur. Quoties arctissimo quoquam negotio vir nobilis urgebatur, tan- quam ad cujusvis discretissimum consilium, ad equum confugiebat. Veruntamen quibus verbis quibusve signis ant motibus ad intellecium responsa formabat, bomi- nibus praeter dominum suum erat incognitum. Sed hoc apud omnes probatissimum fuit, etiam apud bastes capitales, quod nullius praeter equum usus consilio, in omni- bus prospere agebat, omnes eludens et a nao elusus; a nemine victus, et a multis persequentibus fugiebat, dum volebat, et inter crebros ictus fugabat, quos eligebat ad pugnam. Erat miles in juventute sua, jucundus, hilan's, musicis instmmentis plu- rimum inshucius, a dominabus invidiose desideratus. In palatio nostro (quod ex vestro munere vestraque gratia ad nos rediit per sententiam curiae Imperialis, Prin- ceps Excellentissime, propster jus patrimoniale UXO~Snostrae), in praesentia piae me- moriae Ildefonsi, regis illustris quondam Aragonensis, et socms vestrae (quae sin- gulan laude praeceiiebat), inter dominas sui confinii, nec non in couspeciu multomm procerum, miles saeDe dictus violam trahebat. dominae chorum ducebant. et ad tactum chordarum eiuus incomparabilibus cir~umflexionibus saltabat. ~uidplana? Quid dicam, nescio. Si venis equus fuit: unde in eo consilium, inteiiigentia fidesque, quae in disertissimo admiranda? Si fadus equus erat, ut bomines assemt, aut genus quoddam mixtum daemonibus: qualiter comedebat, et ad ultimum, peremto suo domino ab armigero suo, pretio pemaximo tum corrupto (eo quod, ipso phleboto- mato, alium equum aacenderat) nunquam post boc cibum assurnsit, sed cervice ad parietem coiiisa, mirabiliter ari miserabiliter iuteriit?

'De notre temps, il y avait en Cataiogne un chevalier, issu $une famille trds noble, brave au combat, en fnveur giace son élégance, dont le nom était Gujraut de Ca- brera. Cet bomme possédait un cheval dúne qualitB eaceptionnelle, invincible B la caurse et -fait menreilleux sans autre exemple de bon conseil dans toutes les situa-

178. L. Delisle, in HLF, t. 33, pp. 17-22.La premidre trsduction est due B Jean de Vignai, ms. 19 du Fondt Borrois; la seconde B Sean d'Antioche, surnommé le iiarenc, BN, Fonds finngais, no 9113. 179. C. Chabaneau, in XGL, t. 10, pp. 304305; ruit le texto de Liebrecbt. 180. L. Nicolau d'olwer, Chríc&s, pp. 104-107. 181. M. de ñiquer, HLC, t. 1, pp. 63-66. Tradudion plus litteiale que littéraire. tions critisues. Le noble lui douna le nom de "'bon amT'. 11 se nouniissait du seul pain de froment dans une vasque en argent et utilisait un matelas de plume pour litiere. Chaque fois que le noble était tourmenté par quelque affaire diiiioile, il se réEugiait aupres de son chevai, come pour rechereher l'avis tres sérieua de quelqutn. Mais pourtant les mots ou les signes ou les mouvements que le cheval emplayait dans ses rkponser pour se faite comprendre, tout cela était inconnu de tous sauf de san maitre. Mais ceci Btait entihrement reconnu par tout 1s monde, meme par ses ennemir mortels, qu'il réussisrait dans tous les domaines aprés s'éhe servi du seul conseil de son cheval. ss jouant de tous et n'étant ion& par personne. 11 n'était vahcu par personne: il se dé- robait, aussi longtemps qu'il le voulait, B ses nombreux poursuivants et, au milieu de coups nombreurt, ii mettait en fuite ceux qu'il piovoquait au combat. Le chevalier était dans sa ieunesse, ioyeux, de boniie humeur, versé au plus haut point dans les instru- ments de musiqrie, tres dé& par les dames. Dani. notre palais (qui, par votre faveur et votre crédit, nous fut rendu la sube d'une décisian de la cour impériale, tds excellent prince, en vertu du droit patrimonial de noke épouse), en présence d'Alphanse, iadis illushe roi d'Aragon, et de voke belle-mere (qui jouissait di

Analyse.

Erat temporibus nostris... Gervais de Tilbury (1152-1221) est arrivé a Arles en 1190-1191 et y est resté jusqu'i sa mort.

... in Catalonia miles, nobjljssimis ortus natalibus, militia sirenuus, elegantia gratiosus, mi nomen Giraldus de Cabreriis ... Erat miles in juventute sua, iucundus, hilaris, musicis inshimentis plurimum instructus, a dominabus invidiose desideratus.. .

11 s'agit fin Catalan, de tres noble naissauce, renommé pour sa valeur militaire, ses connaissances littéraires et musicales: Guiraut de Cabrera. Ces précisious désignent tout naturellement un vicomte d'Ager. Durant la vie de Gervais de Tilbury, on connait deux Guerau de Cabrera. Le premier, Guerau 111 Pons, est attesté dans les documents de 1145 1159; le second, Guerau IV, de 1194 1229. Gervais de

182. Je ne sais que faire diin rapprochement avec la vida de Guilhem de Ber- guedsn "Poir Paucis uns peons". La ressemblance entre la mort de Guerau de Ca- brera, telle qu'elle est rappoitée par Gervais de Tilbury, st celle de Guilhem da Berguedan, telle qu'elle est contée par Psuteut, trhs bien informé (M. de Riquer, L'an- cienne "vida" prouenpxle du troubadour G. de B., in Ier Congvds intemat(onol de longue et littérdure du Midi de la France, pp. 60 et sv.), de la vida, est troublante. Tilbury précise que le Guerau de Cabrera présent A Arles est jeune, on ne peut envisager qu'une anecdote ayant eu lieu entre 1145-1155 (Gue- rau 111) ou 1190-1200 (Guerau IV).

In palatio nostro [quod ex vestra muuere vestraque gratia ad nos rediit per sententiam curiae Imperialis, Princeps Excellentissime, propter jus patrimo- niale uxons nostrae).. . Gervais rappelle que l'événement s'est déroulé dans sa demeure; il affirme done par la m&me occasion qu'il fut un speetateur tres attentif du mirabilium de bonus arnicus. 11 signale, en outre, que cene maisou appartenait A la famille de sa femme: ce fait a pu &re controlé historiquement puisqu'on sait qu'il épousa une parente de I'archev6que d'Arles. Le Maréchal rappelle l'intervention de son protecteur pour lui rendre une maisou dont la possession lui fut sans doute contestée. 11 s'agit vraisemblablement d'uu probleme successoral réglé apres I'avd- nement d'othon IV (1209). Toutes ces précisions laissent supposer que l'anecdote rapportée est exacte.

... in praesentia piae memoriae Ildefonsi, regis iliusMs quondam Arago- neusis... Le roi Alphonse d'Aragon de pieuse mémoire est évidemment A1- . phonse 11 d'Aragon (1154-1196). Cette précisiou est tres importante, car eile permet de déterminer la date de .Yépisode. On conna?t fort bien Pftinéraúe" du roi dilragon gr&ce A deux travaux de toute premiere qualité dus A Miret y Sans '33 et A J. Caruana lS4. La présence du roi d'Aragon A Arles est attestée trois fois durant son regue. Ces trois sé- jours sont certainement les seuls, car on est informé -mois apres mois- de I'itinéraire d'Alphonse durant son regne. Les visites d'Alphonse A Arles sont peu nombreuses, car le souverain catalan n'avait rien A faire en terres d%mpire. On date ces séjours de mars A octohre 1167, d'avril 1176 et de mars 1194 185. Etant donné l'histoire des vicomtes d'Ager, il ne peut s'agir de 1167, car A cette date Guerau 111 est vraisemblablement mort; il ne peut s'agir aussí de 1176, car A ce moment Guerau 111 est mort et Guerau IV un enfant en bas-&ge (s'il est né). Reste donc la date de 1194. La date de 1194 convient bien pour Guerau IV. En effet, dans

183. J. Miret y Sans, Zti+zerotio de2 res, Alfonso 1 de Cotoluño y de Arogdn, in BRABLB, t. 2, 1903-1904, pp. 257-278, 389-423 et 437-474. 184. J. Caruana, Ztineratio de Alfonro ZZ de Arogdn, in EEMCA, t. 7, 1962, --DO. 73.226. 185. D'apres Miret, il pounait egalement etre iArles en mar. 1184. C'ert Liexact, ?ar i P6poque fl Btait A Barbashe (Csniana, ov. cit., pp. 216-220). Saccord du 28 aoíit 1194 signé A Poblet entre Alphonse d'Aragon et Pons de Cabrera, ce dernier promet que les accords antérieurs seront respectés par

filius noster Guiraldus pervenerit ad legitimam aetatem, id est, xx anuo- mm 186.

Guerau de Cabrera n'ayant pas atteint S8ge ne sigue d'ailleurs pas cet acte: il est donc in juventute wa. La date de 1194 convient égaiement pour Gervais de Tilbury qui est A Arles depuis 1190 environ. 11 reste A expliquer la présence du fntur Guerau IV dans la suite du roi d'Aragon A Arles en mars 1194. On sait que les luttes entre Alphonse et le cornte d'urgell, diine part, et la ligue des barons catalans dirigée par Pons de Cabrera, d'autre paft, deviurent insoutenables pour les troupes révoltées A la iin de 1192. On sait que Marquesa entrepnt alors des négociations qui se solderent par un accord conclu entre Al- phonse et elle-meme. Cette rencontre eut lieu pres de Gérone en jan- vier 1193 187. L'accord en question ne comporte aucun caractere solen- nel, car il n'y a pas de confirmants. L'accord définitif entre Pons et le souverain n'aura lieu solennellement A Poblet qu'en aoíit 1194; il s'agit de Sacte signalé plus haut o21 est mentionné pour la premiere fois le jeune Guerau. C'est entre ces deux dates qu'est attestée la présence d'Alphonse 11 Arles (lermars 1194). Ne peut-ou donc formuler sur ces bases Phypo- these suivant laquelle le fils de Pons de Cabrera et de Marquesa d'Ur- geU a servi d'otage aupres du roi aAragon entre i'accord de janvier 1193 et i'acte solennel d'aoíit 11947 Cette hypothdse nous paralt plus que vraisemblable. Elle est mal- heureusement invérifiable puisque nous savons par i'acte de 1194 que Guerau IV n'a pas encore atteint S8ge de signer dans les actes.

... et socms veshae (quae singulari laude praecellebat), inter dominas sui confisii.. . 11 s'agit donc hebelle-mere de Pempereur Othon IV presente A Arles avec des compagnes originaires de son pays IsS.

186. LPM, t. 1, doc. 308, PP. 333-334. nm-hrimin --187. . . --ACA -.., E-.--v-- fidR- - - d'Alnhnnrrl- .--=- ~ -..-- Ter.- . 188. Je ne retiens pas l'argumentation de H. G. Richardson, Gervase of Tllbury, in History, t. 46, 1961, pp. 102-114, ioi p. 112, note 62: "Pauli, p. 391: 11% pallacia nasho... in pressntin pie memorie Ildefansi illustris regis quondm Arsgonsnsis et sooms vestre... The latter must be either Irene, mother of Otto's wife Beatrice, or Eieanor. Pauli rejects the former as hardly possiblle aand with good reasan. Irene eould not, m any case, be called 'ioerus vesha' before 1208, when Otto was betrothed ta Beahiee, and probably not befora 1212, when the maniage was celebrated. But the Nous somrnes dans une des périodes les plus troublées de l'histoire du Saint-Empire germanique. Gervais de Tilbury nous oblige donc A faire revivre quelques personnages marquants de cette époque. Othon IV (1175-1218) se maria deux fois. 11 éponsa en 1208 Béatrice de Hohenstaden, fiiie de Philippe de Souabe et d'1rene de Byzance. Veuf en 1212, il prit alors pour femme Marie de Brabant, füle d'Hen- ri 1" de Brabant et de Mathilde d'Alsace, le 19 mai 1214 lag. Les belles-meres d'Othon IV sont donc Irene de Byzance et Ma- thilde d'Alsace. On peut éliminer d'entrée de jeu la seconde de ees dames, car les Otia Imperialia sont antérieurs au second mariage d'Otbon IV. Ce dernier mariage ne précédant que de deux mois la ba- taille de Bouvines (27 juiilet 1214), terminus ante quern certain pour les Otia, Mathilde de Brabant et d'Alsace ne peut 4tre la socrm vestrae citée par Gervais "O. De plus, on voit mal comment Mathilde d'Alsace aurait pu séjoumer a Arles en 1194 le1. 11 en va tout autrement pour Irdne de Byzance. Cette fiiie de l'empereur de Byzance lQ2 Isaac l'Ange fut mariée en 1189-1190 A Roger, fils du roi de Sicile Tancrede. On sait que la dynastie "légitime" des Normands de Sicile se ter- mine en 1189 avec la mo* sans béritier male de Guillaume le Bon. Pour faire obstacle aux prhtentions de l'empereur d'A1lemagne Henri IV, épow de la fiiie de Guillaume le Bon, on fit alors appel A un enfant naturel de la maison normande, Tancrede. En 1189, Issac SAnge, vou- lant assurer la paix avec ses voisins de Sicile, toujours dangereux, doma sa fiile A Roger, fils ct successeur de Tancrede lS3. Irdne, B peine agée de quinze ans, fut alors envoyée A Palerme. A la fui de 1193, Roger -qui avait été associé au gouvemement incident took place before Alphonse's death in 1196, and the aniy person who could - be described as 'socruí vestra' then was Elcanor, Ottoi grandmother. The only probable occasion for Eleanar's visit to Arles was either on her wav to Sicily 4th Berengaria early in January 1191 via Mont-Genkvre and Milan ar on her return iourney via Rome (Easter 1191) snd ihence to Normandy. But if it weie on hez outward iourney, we should eapeet Berengaxia to have been mentioned. Cf. Landon, Itinerary of Richatd 1, . . PP. 45, 48, 192, aod Englkh Historical Reoiew, Wv, 201", car il eGt fallu admettre un autre sens pour socriis eü, siirtout, un skjour d'Alphoosc 11 i Arles en 1191. 189. Voir, sur Henri de Brabant, la notice BA. Wauters, Biographie Ndiod Belge, t. 9, et sur Marie de Brabant, du m8me Brndit dans la meme cotlection, t. 13, p. 604. 190. Mathilde n'est pas la fille da Philippe d2Alsace -cornme le dit Nicolau d'O1- wer- mais sa nihe (Blle de Mathieu d'Alsace). 191. De toute maniare, la sBjour d'uoe beUe-mkre d'Othon IV Aries ne peut - avoir lieu qu'en 1194 .puisque . Mathilde d'Alsace naft vers 1170 et Irbne de Byzancs vers 1175. 192. Les temes emplqiés par Gervsis, oonfinii mi, font penser $ des terres loin- talies. Ceci s'applique Bvidemment mieux S! Irkne de Constantinaple qu'$ une ale du duc de Brabant dans un ouvrage dédicae6 a un empereur d'Ailemagne. 193. VoU F. Chalandan, HLriaire de la domination normanda en ItnZie et en Si- cile, Paris, 1907. en 1192- mourut. Son pere, Tancrede, ne lui snrvécnt guere (20 fé- vrier 1194). A la mort du demier Normand de Sicile, Henri VI, se fon- dant sur les droits de sa femme, revendique la couronne. Si nous sommes assez mal renseignés sur le destiu d'Ir&ne de Byzance irnmédiatement apres la mort de son mari, on sait en tout cas qu'Henri VI -ti peine sur le tr6ne- revendique les territoires conquis sur les byzantins de Durazzo ti Thessalonique par Guillaume le Bon. L'empereur d'occi- dent met alors la main sur la fiUe de l'empereur d'orient, Ireue, veuve de Roger de Sicile, et la fiance aussitbt & son frhre Philippe de Souabe, tiré de son éveché pour la circonstance la4. 11 n'est donc nullement étonnant qu'Ir&ne venant de Sicile et re- montant vers les terres d'Empire (c'est-A-dire, & l'époque, la Bourgogne et la principauté de Liege) fasse étape A Arles, autre terre d'Empire, en mars 1194. Le séjour d'Alphonse d'Aragon est attesté par un acte du le' mars 1194. 11 est & Narbonne en février et & Perpignan en mars sans que Son sache avec plus de précision la date des actes passés dans ces deux dernieres villes. En tout état de cause, il semble bien que le séjour & Arles ait été de breve durée lS5. Ne peut-on donc penser que ce voyage A Arles se justifie par la venue d'Irene de Byzance que Al- phonse 11, toujours soncieux des événements d'Italie et d'Ailemagne, anrait voulu rencontrer? IsB. Alphonse avait d'aiileurs requ I'année pré- cédente, pour des raisons assez semblables, Bérengere de Navarre, épouse de Richard Coeur-de-Lion, débarquant ti Marseille au retour de Palesthe lgT. Irene de Byzance épouse Philippe de Souabe en 1197. A peu pr&s an meme moment, Henri VI est assassiné et ron assiste ti un conflit suc- cessoral entre son frkre Phiiippe et le 61s d'Henn le Lion, Othon de Bmswick. Les deux prétendants au tdne se font couronner en 1198 et enta- ment une lutte que Philippe de Souabe était sur le point de remporter lorsqu'il fut assassiné en 1208 l". En effet, au mois d'aout 1207, on offrait ti Othon IV, comme prix de sa renonciation A SEmpire, le royaume d'Arles, d'autres provinces et la main de Béatrice (fille de Phi- lippe de Souabe, son vainqueur, et d'Ir&ne de Byzance) la@.

194. Edouaid de Muralt, Essni da chromgrophie byanntme, Saint-Pétersbourg, re- print 1965, années 1194-1195. 195. Voi~J. Caruana, op. cit., p. 283. 196. Voú J. Ventura, op. cit, pp. 249.250; Alphonse d'Aragon avait en effet do lutter en 1193 contre i'ernpereur Hemi VI qui avait des visees sur la Provence en avait conclu une diance avec les Genais. 197. J. Caruans, op. cit., p. 281. 198. Sur tous ces prabl&rnes, an peut vaú, dans la collcction des Jahrbucher: E. Winkelmann, Philippe uon Sihwaben und Ofto N uon Brounsckweig, Leipzig, et, évidemment, Glotz, t. 4, 1. 199. Sur ce point voú P. Poumiei, Le royaume d'Arlas et de Vioienne, Pmis, 1891, p. 94. Guerau de Cabrera

Guerau de Cabrera jeune

Ge~aisde Tilbury 5 Arles

"Socrus vestrae"

"socrus vestrae" 5 Aries

Date de I'anecdote

Coordonnées pour dater hecdote de Gervais de Tilbury. 186 FBAN$OIS PIROT. - RECZIERCHES SUR LES CONNAISSANCES L~RATHES Béatrice, une des quatre filles d'IrAne de Constantinople, mettait fin par son mariage avec Othou de Brunswick A dix années de lurte ouverte dans PEmpire. Cette union rassemblait les descendants des deux grands ennemis du siAele, Frédéric-Barberousse et Hemi le Lion. AprAs Passassinat de son pAre par Othon de Wittelsbach, Béatrice devenait im- pératrice jusqu'd sa mort en 1212.

En conclusion, Gervais de Tilbury nous rapporte une anecdote que les implications bistoriques datent de mars 1194. A cette date seulement, Alphonse d'hagon, une belle-mAre d'Othon IV, un Giraldns de Ca- brerüs ín juvaztute sua et l'auteur peuvent &re réunis Arles. Nous ne croyons donc pas -comme Nicolau d'Olwer- que Gervaia de Tilbury ait confondu deux événements: l'entrée d'Alphonse d'Aragon A Arles en 1167 et le séjour d'IrAne de Constantinople en 1194. 11 n'y a aucune raison historique réelle pour suspecter les dires de Gewais de Tilbury puisqne l'année 1194 convient parfaitement A tous les prota- gonistes en présence. Nous dirons m6me que les renseiguements donnés sur le Guerau de Cabrera cité dans les Otia nous obligent A penser que Panecdote est datée avee certitude de 1194. Ce fait étant acquis, on sait seulement que Guerau IV possédait quelques dons musicaw et un coursier fort bien dressé. Guerau IV est-il l'auteur du Cabra Jugla~?Tous les critiques ont cédé A la tentation -fort auéchante il est vrai- d'identifier le héros de Panecdote de Gervais de Tilbury et Pauteur du Cabra Juglar. 11 serait bon d'échapper d ces vues simplificatriees puisque Gue- rau 111 est certainement en relation avee le pohte Marcabru et que Mar- quesa d'UrgeU, bru de Guerau 111 et mAre de Guerau IV, est citée par de uombreux troubadours. Gewais de Tilbury nous rapportant que Gue- rau IV est un bon musicien n'est qu'un argument supplémentaire pour attester une activité lettrée chez les Cabrera pendant le mesiAcle. Qui, de Guerau 111 ou de Guerau IV, est l'auteur du Cabra Juglar? Nous y répondrons dans nos conclusions.

$ 5. LA FAMILLF. DE CABREBADANS L'H~STOIRE L~TÉWIRE DES TROUBADOURS. Nous avons étudié plus haut la mention dans Ióeuvre de Marcabru dun Cabrera résidant prAs d'urgell. 11 s'agit, nous l'avons vu, de Gue- rau 111 Pons. On sait aussi que la bru du vicomte cité par Mareabru, Marquesa $Urge& participa activement A la vie politique (voir pp. 122-123) et lit- téraire de son temps. DES TROUFIADOURS OCCITANS ET CATALANS DES xLIe ET XIE sIE~LEs 187 István Frank a étudié, avec sa science habituelle, le r81e tenu par Marquesa dans la poésie des troubadours %O0. Nous nous contenterons donc de résumer brievement les mnclusions de Frank en priant le lecteur de bien vouloir se reporter, pour plus de dét&, & Pédition de Pons de la Guardia. En 1184 donc, Bertrand de Born envoie sa chanson Quan la novela fbrs (P.-C., 80, 34, w. 49-52) & "une dame de Cabrera qui fut BUr- gel". Cette précision permet d'identifier en toute certitude cette dame avec Marquesa d'urgell, épouse de Pons 111. Peire Vidal, fidele client BAlphonse 11, ne peut toutefois s'empbcher, entre 1190 et 1193, de juger la conduite du souverain d'Aragon vis-A- vis de Midons de Cabera (P.-C., 364, 40, w. 43-46) On peut lire une réaction identique dans un poeme de Guilhem de Berguedau (P.-C., 210, 17, VV. 1-4 et 9-12) en 1192: il stigmatise la du- reté d'Alphonse 11 envers Marquesa aprbs la prise, par les troupes roy- ales, de la région d'Ager. Nous savons toutefois par l'histoire que Pat- titude d'Alphonse 11 envers I'épouse de l'incorrigible Pons a été beau- coup moins sévere que ne Paffirment les troubadours2~'J. En demier lieu, ü paralt certain aujourd'hui, apres la démonstration de Frank, que Marquesa a été chantée par Pons de la Guardia sous le senhal de On-tot-mi-platzmS. A ces notes de Frank, il faut ajouter d'autres mentions de Cabrera dans la poésie des troubadours. Dans la mbme tranche chronologique que Guühem de Berguedan et Peire Vidal, Guiraut del Luc rappeiie également les malheurs des Cabrera durant les campagnes menées contre eux par le roi d'Aragon et le mmte d'urgeli. Le troubadour Guiraut del Luc, qui fait partie de la ligue des barons opposés A Alphonse 11, rappelle I'attitude du roi d'Aragon, jugée odieuse, envers les Cabrera dans une chanson adressée A Marquesa. Guiraut rappeUe également le vio1 par le souverain de trois nonnes au monastere de Vdbonam4, situé prhs des territoires des Cabrera. 11 faut toutefois remarquer que les mentions de Marquesa d'Urgell sont de deux ordres. Celle faite par Bertrand de Bom, si eUe peut pré- senter un arriere-fond politique m,paralt surtout un éloge pour le r8le

200. 1. Frank, Pom de la Guordin, troubadour cotnlon du XII* rihcla, úi BRABLB, t. 22, 1949, PP. 247-249. 201. Voú E. Hoepffner, L'Evngns &m la "te et don* l'oeuore du trarbodDur Peire Vidol, Ui Mélanges 1945. Etudes l&&oires, p. 51 Iavec des erreurs). 202. Vou M. de Riquer, Guilhern de Bergueddn y lris luchas feudoles de su tiampo, Castell¿n, 1953, et Guillem de Berguedd, t. 1, pp. 140-144. 203. Voir Frnnk, Qd. cit., pp. 249-253. 204. M. de Ekquer, El troundor Gutraut del Luc y sus poesios contra Alfonso 21 de Aragdn, in BRABLB, t. 23, 1950, pp. 214-215 et 240. 205. Voú sur cette guertion L. E. Kastner, Notes on the poems of Berttrand & Bom, in MLR, t. 32, 1937, PP. 176-177. tenu par Marquesa dans la vie de cour du temps. Ce pobme de Ber- trand de Bom a fait l'objet d'une notice explicative 206 qui mérite un commentaire. On peut en effet lire dans cette razo:

... et entendia se en Na Marquesa, qu'era filla del comte $Urge1 e moiUer d'En GUout de Cabxieras, qu'era lo plus rics hom e 1 plus gentils de Cata- loingna, bait lo comte d'Utirgel, son seingnor.

11 ne faut pas s'hypnotiser sur le prénom du mari de Marquesa dans la razo. Le biographe -qui n'avait pas de prénom dans le poeme qn'il glosait- a eu recours h un des deux prénoms usuels dans la famille de Cabrera, Guerau. 11 est, de surcrolt, tres vraisemblable que le biographe, écnvant dans la premiere moitié du mne siecle, pense h son contempo- rain Guiraut, le 61s de Pons, qui eut lui aussi de multiples démblés avec son suzerain puis avec la fille de ce dernier. De toute maniere, comme nous savons que le mari de Marquesa a toujours porté le prénom de Pons dans tous les actes officiels oh on le voit signer, il s'agit d'une erreur du biographe. D'antre part, il ne faut pas voir de rapport entre l'auteur du sirventes-ensenhamen, copié seulement dans le ms. D, et le personnage figurant dans la razo de la chanson 24 de Bertrand de Bom, rapportée par les mss. IK et F. Les mentions de Peire Vidal, de Guilliem de Berguedan et de Gui- rant del Luc ont toutes trait, par contre, aux événemeuts politiques de la demiere décennie dn x@ siecle. Ces trois mentions, chez des troubadours auSsi différents, montrent clairement que les Cabrera sont surtout célébrés comme les promoteurs de la révolte des barons catalans h la íin du me siecle. On ne peut penser, en effet, h une possibilité de vie courtoise que dans les pre- mieres amées du regne de Marquesa et de son mari, c'est-h-dire avant 1185. 11 est d'antre part curiew de remarquer que seule Marquesa ap- paralt dans la poésie des troubadours mais que son mari, Pons 111, ny est cité directement nulle part. On s'accordera h penser que cette atti- tude des poetes contemporains est curieuse si Son veut considérer Pons comme un de leurs confieres dans des joutes non seulement guerrihres mais également poétiques. Un autre troubadour, Cerveri de Girona, parle plusieurs fois des Cabrera. 11 est évident que, étant donné les dates de production de ce troubadour catalan, il ne peut nullement s'agir de l'auteur du sirventes- ensenhamen. Le Guerau de Cabrera cité avec son frere Ramon dans le testament de Cerveri est évidemment Guerau VI, époux de Sanca de Santa Eugenia (t 1278) et Ramon de Cabrera, époux d'Alamanda (t 1298). La vicomtesse de Cabrera citée ailleurs doit &re l'épouse du premier des deux frbres. On notera que ces Cabrera sont mentionnés en raison de Ieur importante politique: nulle part, on ne peut discerner une allusion i une quelconque vie d'é~rivain~~~. En conclusion, les seules relations littéraires entre un vicomte de Cabrera et un troubadour qui soient attestées explicitement sont celles de Guerau Pons 111 et Marcabru. Les autres mentions de membres de la famiiie de Cabrera intéressent principalement une vicomtesse, Mar- quesa, et sous I'angle particulier des malheurs politiques de cette der- niere. Les autres Cabrera cités dans les poemes de Cerveri ne peuvent convenir pour des raisons de chronologie littéraire.

C. CONCLUSIONS

1842. Emeric-David, dans HLF, t. 20, pp. 524-525: "Posténeur a Marcabru

et Ehleq. d'Uiwe1~ ~ ~..~.. " 1861. M. Milá y Fontanals, De los trooadores en Espuria, Barcelone, pp. 265- 277 (réimprimé sans changement dans les Obras completas, 1889, t. 2, pp. 269-284, et dans Balaguer, t. 3, pp. 285-307): daté de 1170 environ. Auteur: Pons 111. Ar- guments: la nouveauté des oers de Rudel; l'époque des troubadours cités. 1865. P. Meyer, Le Roman de Flumenca, Paris, p. xxvnr: xnc siecle. Ne pa- rait pas connaltre Milh. "Giraut de Cabreira, troubadour sui vivait au xne sihcle." 11 y a de cela plusieurs preuves: 1) Guiraut de Cahreira plus ancien que Guiraut de Calausou qui l'a imité; 2) Guiraut de Cabreira doit &&eidentifié avec le Giraldus de Cabrenis dont Gemais de Tilbury parle comme d'un des plus briiiants seigneurs de la cour d'Alphonse 11; 3) c'est du m&me personnige que parle la oie de Ber- trand de Bom. 1872. K. Bartsch, Gmi~drisszur Gesclzichte der prouenzalischen Literatur, El- herfeld, p. 51: pas antérieur .i 1170. 'Zeitgenosse von Bertrand de Born und Peúe Vida1... wohl nicht spater als 1170", et renvoie A hfilá. 1878. A. Birch-I-Iirschfeld, Uebet die den provenzalisclieti Troubadours de* XII und XIII Jahrhunderts, Leipzig, p. 4. Maintien de la date de Milá: "Es lasst sich gegen diese Datierung nicht einlvenden ... Ich halte demnach an der Datiemng Mil& y Fontanals." 1880. C. Chabaneau, Biographies des trotibadours, dans HGL, t. 10, p. 235 et surtout p. 304. Maintien de la date de Milá. Publie in extenso le passage o& figure Guerau de Cabrera dans les Otia Imperialia de Gervais de Tilbury. AMibue .i la f&te en question la date de 1184. 1880. P. Meyer, Daurel et Beton, Paris (SATF), p. 1: "M. Milá y Fontanals place ven 1170 la composition de l'unique pi&ce qui nous soit parvenue de G. de Cabrera quoiqu'il ue me semble pas qu'il y ait dans Ia pibe aucun élémeut chronologique permettant une datation aussi précise." Pencherait pour Guerau IV, 61s de Pons 111, ou pour un Guerau plus récent. P. Meyer n'appuie cette affirma- tiou d'aucune argurnentation.

207. M. de Riquer, Obra< campktetar del trouodor Cerveri de Girono, Barcelone, 1947, PP. 21, 37 et 373. . 1882. P. Meyer et A. Longnon, Raod de Cambrai, Paris (SATF), p. 51: com- mencement du xm'si6cle. Renvoie a Daurel d Bdon. 1886. G. Paris, Daurel et Beton, dans Jwml des Saoants, juüiet-septembre, pp. 539-550; cite d'aprds Les mélanges de littérature frangaise du rnoyen age, Pa- ris, 1912, p. 142: ^dans une piece qui paralt avoir été écrite aux environs de Pan 1200", et note: "la date de cette piece avait 6th assignée a 1170 par le regretté Mil6 y Fontanals; M. P. Meyer est porté i la faire descendre beaucoup plus has. 11 serait hehaute importance pour i'histoire littéraire de dater avec préci- sion cette riche énumération de podmes narraas connns en Catalogne. Je suis porté A i'atkihuer en tout cas i la fin du xu* siecle". 1888. O. Schultz-Gora, dans ZRP, t. 12, p. 54: contemporain de Marcabru et Rudel. 1897. A. Stimming, Gwndrlss der rotnanivchen Philologie, t. 2, 2' partie, p. 44: letzten Vierta1 des 12. Jahrbnuderts". 1902. G. Paris, Naimeri - 'N Aymeric, dans Mélanges L. Couhcre, pp. 349-357; cité d'aprb Les mélanges de littévature francatse du moyen age, Paris, 1912, p. 221, note 3: ':0n a discuté la date o& Borissait Guiraut de Cabreira; mais on ne peut douter que ce soit lui dont parle Gewais de Tilhury comme étant mort quelque temps avant i'kpoque o& celui-ci écrivait (1208-1213) et comme ayant figuré dans une fete dounée au palais d'iiries. On peut, sans hésiter, rapporter Fensenhamen aux vingt dedres années du wa siecle." 1903. A. Brossmer, Aigar et Maurtn, dans RF, t. 14, p. 3, Cite les avis contra- dictoires de Milá et Paul Meyer dans son intraduction a Daurel d Beton. 1905. J. Anglade, Le houbadour Giraut Riquier, Bordeaux-Paris, p. 131, note 4. Reprend la date du Gw1KEriss de Bartscli qui suit lui-meme Milá. Anglade ajoute l'avis de Menéndez y Pelayo dans i'ouvrage de Fitzmaurice Kelly, Histoire de la Uttérature espagnole, p. 26, mais le polygraphe espagnol ue fait que reprendre la datation de Milá. 1905. W. Kelier, Das Simentes Fadet Joglaal des Guiraut oon Calanson, Er- langen, p. 46. (Le m&me travail est plus accessible dans ñF, t. 22, pp. 99-283.) Cite la plupart des avis précédents. 1909. J. M. L. Dejeanne, Podsies oompldtes du troubadour Marcabw, Ton- louse-Paris, p. 235: "Prohablement Guiraut de Cabreira, qui cite Marcabm dans Cabra Juglar et ne mentionue aucun troubadotur postérieur. Cfr. Milá, Trouadores, 2' édition, pp. 273-4." 1910. J. Miret y Sans, Notes per la biogvafkz del trovador Guerau de Ca- brera, dans EUC, t. 4, pp. 299-331. Penche pour Guerau IV de Cabrera. Miret, dont le but esseutiel était de clarifier i'histoire de la famiüe catalane, remarque que dans la titulature officielle des Cabrera, Pons 111 n'est jamais appelé Pons Guerau IIi -comme ce fut iúsage pour les Cabrera qui Iónt précédé. Partant de la date athibuée par Milá, il conclut que le troubadour ne peut &e qu'un Cabrera nomd Guerau et post&rieur a 1170, soit Guerau IV. 1917. L. Nicolau d'olwer, Clarícies per la histdria dels vescomtes de Gircna- Cabrera, dans Anuari herdldic, pp. 99-107. Penche pour la datation littéraire de Milá (117m et rappelle i'obligation qu'il s'agisse $un Guerau, suivant Miret. Penche alors pour un Guerau avant 1170, c'est-i-dire Guerau 111. Etude du pas- sage des Otia Impedalia. 1921. J. Anglade, Histoire sommaire de la littérature mélidionale au moyen &e, Paris, pp. 148 et 183: "Guiraut de Cabreira, qui écrivait vers 1170" (p. 148) et "Guiraut de Cabreira, noble catalan contemporain d'Alphonse 11, roi d'Aragon (p. 183, en note 3). vers 1180-1190?" 1929. A. Bayot, Le podme moral, Bmxelles-Likge, 1929, p. cvr. L'auteur rap- DES TROUBADOURS OCCITANS ET CATALANS DES xne ET xn~esrEn~s 191 pelle les datations proposées par Mila et Paul Meyer: "il devrait s'identifier avec le Guiraut de Cabrera qui se fit templier en 1228". 1932. J. Massó Torrents, Repertort de Pantiga literatura catalana. La poesia, t. 1 (sed pam), Barcelone, pp. 124-127. Résume les tentatives de datation et opte pour ceUe de Nicolau d'olwer. 1934. A. Jeanroy, La podsis lyrique des troubadours, Toulouse-Paris, t. 1, p. 384: "Seigneur catalan de la famiiie des vicomtes de Cabrera, contemporain d'illpbouse 11 d'kagon, probablement Guiraut DI, connu de 1145 1179." 1935. H. Anglds, La música a Catalunya fina al segle XIII, Barcelone, p. 364: 1145-11807 1945. A. Jeanroy, Hktoire sommaire de la poésie oCcltane des o~igiginesd la fin du XVIIIa sidcle, Toul~use-Paris,p. 82: "Cabra Juglar, fin du x@ sidcle." 1947. R. Louis, Girart, comte de Vienne, dan* les chansonr de geste, Auxerre, - p. 276, note 1. Connalt les datations de Bartsch, P. Meyer et G. Paris; opte pour celle de G. Paris: "dans les viugt demidres années du m' sidcle". 1949. 1. Frank, Ponr de la Guardia, dahs BRABLB, t. 22, p. 253. Sans dé- .. monstration, croit que le troubadour est Guerau 111.

1951. J. Homt, La Chanson de Roland dans les littératures franGoke et es- ' , pagnole air moyen Bge, Lidge-Pans, 1951, p. 451 et note 3: dans la demidme moitié du m*siecle (vers 1170), A la suite de Menéndez Pidal et Mili. Note que P. Meyer rajeunit l'oeuvre. 1957. M. de Riquer, Les chansons de geste francaises, Paris, pp. 332-354. Etude fondamentale sur le sujet: entre 1168-1169. 1954-1956. 1. Cluzel, A pmpos de l'ensenhamen du troubadour catalan Gne- rau de Cabrera, dans BRABLB, t. 26, pp. 87-93: 1150-1155. S'appuie essentielle- ment sur le "vers novel" appliqué J. Hudel; sur les relations avec Marcabru; sur le fait que I'Anfos nést pas le souverain de Cataiogne-Aragon. 1955. M. Coll i Alentom, La introducció de les llegendes &iques franceses a Catalunya, dans Coloquios de Roncesoalles, Saragosse, p. 133: "quan Guerau de Cabrera compon el seu Ensenhamen, encara que acceptem per a aquest datacions tan reculades i poc semes com la de 1170". 1957. 1. Cluzel, Les plus anciens troubadours et la légende amoureuse de Tristan et Iseut, dans Mdlonges Zstván Frank, pp. 158-159. Confirme sa positiou antérieure. 1957. P. Aebischer, Raimbaud et Hamon, dans MA, t. 63, p. 26: "terte que M. de Hiquer pense pouvoir dater de 1170". 1957. R. Menéndez Pidal, Poeda iuglaresca y orígenes de las literaturas romá- nicns, Madrid, p. 113: "1169-1170". 1959. M. de Riquer, La littérature prooengale d la cour d'Alphonse il, dans CCM, t. 2, pp. 177-201: ''piece rédigée au milieu du m*siecle" (p. 180). 1961. P. Bohigas, La ,Mati&e de Bretagne en Catologne, dans BBSIA, t. 13, P. 82: "Je veux seulement rappeler ici i'importance qu'a pour la connairsance de la litthrature artbnrieune i'dpttre de Guerau de Cabrera A Cabra Juglar datée d'abord par M. de Riquer de 1169-70 environ et plus tard par Irénée Cluzel et par le meme Riquer du milieu du XII' siecle." 1961. R. Lejeune, La forme de l'ensenlurmen au iongleur du troubndour Gui- rnut de Cabrera, in ER, t. 9, pp. 171-181 (Mélanges L. Nicolau d'olwer, t. 2). Opte pour la datation de hfartín de Riquer. 1961. A. Varvaro, Dt~enote su Richeut, dans SMV, t. 9, p. 231, note 16. Rappel des datations proposées par Riquer et Menéndez Pidal. La datation de Cluzel acceptée par Riquer est moins probable. 1964. H. et l. Kahane, Herzeldde, dans Mélanges Delbouilb, t. 2, p. 329. Snivent Riquer (1169-1170) et rapportent la datation de Cluzal. 1967. S. J. Borg, Aye d'Avignon, chanson de geste anonyme, Geneve, 1967, pp. 135 et sv.: "Nous retenons comme possible, peut-etre m&ne comme tres vrai- semblable, i'identification, pmposée par Miret, du GuiFaut de Cabrera avec Gui- raut N, vivant encare en 1227. Cette date devrait 4h.e retenue comme un tennintcs ante quem possible pour l'ensenhnmen de Guiraut." 1969. M. Delbouille, Apollonitcs de Tyr et les ddbus du T077Ian frangais, dans Mklanges Rita Leimne, t. 2, p. 1175: "daté de 1168 au plus tard par M. Martin de Riquer, malgré la mentiou dóeuvres sans doute moins anciennes" et "il est trop évident que tout n'a pas encare été dit au sujet de la composition et de lage de l'emenhamen". 1969. M. de Riquer, La fecha del "RonsasvaEs" y del "Rollan a Saragossa" según el armamento, dans BRAE, t. 187, 1969, p. 250: "que Guerau de Cabrera, en su Ensenhamen, escrito entre 1150 y 1155, conociera datos peculjares del Ronswals".

Que conclure? 1150-1155: Cluzel et Riquer (1969). 1170 (avec une fourchette allant de 1165 A 1180): Mili, Bartsch, Birch-Hirschfeld, Chabanean, Anglade, Keller, Dejeanne, Nicolau 801- wer, Appel, Massó Torrents, Jeanroy, Angles, Frank, Horrent, Rquer (1952 et 1957), Coll i Alentorn, Aebischer, Menéndez Pidal, Rita Le- jeune, Varvaro, Kahane. Demier quart du xue sihcle: Stimming. Vingt demieres années du x@ siecle: Gaston Paris (1902). Durant le XIP sihcle: Meyer (1865). 1200 environ: Gaston Paris (1886). Entre 1200 et 1228: Miret y Sans, Borg. Vers 1228: Meyer (1880). Que retenu de toutes ces datations? Celles-ci ne refletent généra- lement pas une opiníon personnclle, car la plupart des critiques ad- mettent des datations antérieures ou obéissent A des impératifs doc- trinaux. Les seuls travaux onginaux sont cew de Mili, de Nicolau, de Miret, de Riquer et de Cluzel. L'opinion de Paul Meyer dans Ic Daurel et Beton (1880) ne repose sur aucun argument, sérienx ou autre. 11 est fichew de constater combien l'assertion d'un grand maitre, qui repose uniquement sur des cousidérations doctrinales non motivées, peut faire son chemin.

Cenqubte historique apporte des conclusious relativement nettes. La seconde moitié du XIP siecle est le cadre naturel de nohe re- cherche puisque, d'une part, on ne connait pas de mouvement litté- raire en langue vulgaire dans les temes catalanes avant 1150 et que, d'auhe part, le siwentes-ensenhamen est certainement antérieur au pobme de Guiraut de Calanson écnt avant E215 (et vraisemblablement A la Gn du me siecle ou au d&but du x& siecle). Ce terminus ante quem n'a pas été accepté par S. J. Borg qui Pa combattu avec des arguments toujours contestables et souvent surpre- nants. Je cede la plume a Borg:

Guiraut de Calanson, dans son ensenhamen au iongleur Fadet, imite Guiraut de Cabrera paree qu'il se sea, lui aussi, de la meme stnicture stropbique, et qu'il avoue I'imitation en disant Fadet:

E m gufl dels motz -ben de trasto&- de cels qu'En Girout fes escrin No sal lo qart, mas tuna paii t'en diroi segon mon albii. (w. 7-12)

Cidentité shichuale ne prouve nen et, ici encore, il reste dbmontrer que i'En Giruut mentionné par Calauso est le Guiraut de Cabreira qui nous a laiss6 i'ensenhumen 1.

L'argumentation proposée est teiie que Marc-René Jung dans son compre rendu ne craint pas d'affirmer: - Wamm Borg aber bestreitet, Guiraut de Calanson habe Guiraut de Ca- breira nachgeahmt, ist uns nnversstandlich 2.

En effet, toute la critique antérieure a toujours admis i'imitation de Cabra Juglar par Guiraut de Calanson puisque ce dernier avoue lui- meme imiter une oeuvre antérieure écrite par un seigneur Guiraut et que, de plus, il utilise la structure métnque du Cabra Juglar. On s'ac- cordera donc considérer la remarque de Borg comme fausse, voire aberrante. 11 vaudrait peut-&re mieux ne pas iusister sur la Iégereté des propositions formulées par Borg meme si le ton -parfois déplaisant- de la démonstration aurait dG attirer un sévere compte rendu. - 11 nous plait toutefois dajouter encore un argument: le compiiateur du ms. Dn (écrit avant 1254 en Italie), muni de ses seuls yeux et de son seul bon sens, a plack le siruentes de Guiraut de Calanson la suite de celui de Guiraut de Cabrera. On peut esümer que la méthode de certains scribes médiévaux parait supérieure a celle de certains critiques contemporains passablement pressés.. . Entre 1140 et 1215 donc, on connait deux Guerau de Cabrera de la famille des víromtes de Gérone et d'Ager et un seigneur appelé Pons de Cabrera.

1. S. J. Borg, Aye dilvignon, p. 135. 2. M.-R. Jung, in Vor Romonien, t. 28, 1969, p. 329, note 2.

1.3. Nous acceptons la rubrique du ms. D, d'aiiieurs généralement siir dans ses attributions, car le prénom Guiraut est confimié par le poeme de Guiraut de Calanson. L'auteur du Cabra Juglar s'appelle donc bien Guerau de Cabrera. 11 nous incombe avant toute chose de réfuter une argumentation de Miret suivant laqueiie les seigneurs de Cabrera s'appelant altema- tivement Guerau et Pons, leurs amis et connaissances auraient pu les appeler indifféremment par Sun ou Sautre prénom. En effet, on a vu que dans les multiples actes concernant la famille des Cabrera, les ainés sont dits altemativement Poncius Geralzi (Poncius fils de Gerallus) et Gerallus Poncii (Geraiius 51s de Poncius). 11 s'agit d'une usage habi- tuel dans la diplomatique médiévale de joindre au prénom d'un per- sonnage au nominatif le prénom du pere au génitif. Dans une famille comme ceUe des vicomtes d'Ager o& le prénom passe par tradition du grand-pere au petit-fils, il s'ensuit une constante de deux prénoms iden- tiques (un prénom au nominatif et un second au génitif, Sordre s'inver- sant A chaque génération). 11 est toutefois bien évident que cet usage diplomatique n'a aucune incidence sur le prénoui usuel des Cabrera. 11s sont soit Poncius soit Gerallus. Ce fait devient tres net des la f?n du premier tiers du xne siecle. On aura vu dans le tableau des mentions des Cabrera que, des 1145, Pusage diplomatique se réduit toujours au prénom usuel sauf dans un seul acte *. La rubrique du manuscrit et le vers du Fadet Ioglar excluent donc Pons de Cabrera comme auteur du siruentes-ensenhamen, car ce der- nier, des sa majorité, porte le seul prénom de Poncius dans tous les actes conservés (au nombre de dix-neuf). Deux Guerau de Cabrera restent donc en présence: Guerau 111 et Guerau IV. Le premier est attesté de 1145 b 1159. Nous avons traité plus haut du raisonnement de Martín de Riquer qui croyait (1957) b Sexistence de Guerau 111 jusqu'b 1168 en se fondant sur le fait que Pons de Ca- brera apparait sans son titre vicomtal dans un acte de 1168. Nous avons souligné qu'il n'est pas possible de se fonder sur un acte familia1 de droit privé pour établir de maniere certaine Sexistence de Guerau 111 en 1168 alors qu'tl n'est plus attesté depuis 1159. Cctte lacune dans notre documentation historique sur les Cabrera entre 1159 et 1165 est tellement surprenante -étant donné la fréquence des actes concemant les divers représentants des Cabrera- qu'on doit conclure, dans i'état de nos connaissances, A la disparition de Guerau 111 vers 1160. Le second est attesté de 1194 A 1227. Lequel de ces deux Guerau est Pauteur du siruentes-ensenhamen?

3. J. Miiet, Notes, p. 300. 4. Celui de 1158. DES TROUBADOURS OCCITANS ET CATALANS DES XIle ET XITle S&CLES195 11 est évidemment impossible de répondre a cette question & i'aide d'une argumentation historique. C'est i'étude du sizain consacré aux troubadours qni permet d'ap- porter de nouvelles précisions. Les troubadours cités nous obligent A remonter la seconde géné- ration: Marcabru, Janfre Rudel et Eble de Ventadour. Les multiples relations attestées entre Marcabru et le seigneur de Cabrera remontent obligatoirement vers 1150 et concernent donc Gne- rau 111 de Cabrera. Les deux autres troubadours cités, Jaufre Rudel et Eble de Ventadour meurent également A la meme date. Ces deux der- niers troubadours ayant de leur caté des relations poétiques avec Mar- cabru, on détermine ainsi tout un faisceau de contacts qui remontent tous aux années 1135-1150. Le velg novel, s'il n'est pas un argument aussi péremptoire que la critique a bien voulu le croire, oblige toute- fois penser a une période circonscrite entre 1130 et 1160. L'objection fondamentale opposée une datation aussi reculée était la mention d'un troubadour nommé Anfos que I'on identifiait avec Al- phonse 11 d'Aragon. A la suite de Cluzel, on a constaté, pour des raisons historiques et littéraires, d'ailleurs différentes de celles avancées par i'érudit francais, qutl ne peut s'agir du sonverain d'Aragon. Sil ne s'agit pas d'un troubadour inconnu de la seconde génération, on peut envisager -soiis toute réserve- de voir dans SAnfos, cité dans Ie Cabra Juglar, Alphonse-Jourdain de Toulouse ou celui cité par Cercarnon. On ne connait en tout cas aucun troubadour posténeur doté d'un te1 pré- nom, ce qui peut constituer un argument ab nihilo. L'anecdote rapportée par Gervais de Tilbury ne peut se concevoir qu'en 1194 et met donc en scene Guerau IV. Ce témoignage coníirme seulement que la musique et les activités jongleresques ont été culti- vées par les Cabrera dnrant le me sikcle: par Guerau 111 d'abord, par sa bru Marquesa d'Urgeli ensuite, par son petit-fils Gueran IV enñn Ce Guerau IV, contrairement A son grand-pkre, n'est toutefois connu par aucune autre allnsion dans la poésie des troubadours. Ce fait est évidemment tres insolite s'il avait été poete Peire Vidal -et tant d'au- tres troubadours qui ont arpenté la Catalogne a la charniere des me et xule siecles- ne le cite jamais. De surcrolt, si Guerau IV avait composé le Cabra Juglar, il aurait

5. Mdn de Riquer me cornmnniquo un texte qui m'avait totalement hchappé er qui vient oonfirmer mon identification: '.Esta anhcdota, ademds, revela el temperamentc pintoresco y realmente poco sensato de Guerau Pon$ IV. Ella se aviene con un pasaje del Libte dels feyts, a crónica de Jaime 1 el Conquistador, donde, tratando de la ren- dicibn de Balaguer (octubre de 1228), escribe: .E en tant enviam un missatger a-N GUR rau de Cabrera e els de la vila, que atorgivem la feeltat que-ns tingues En Raman Berenguer d'hger. 2.N Gueiau no havia.1 sen de Solamó, e dona's paor dels de la da. E havia un astor mudat molt ba e molt bel; e pres san astor en sa mi, e passkl pont. . (cap. 44; edici6n Casacuberta, 1, p&g. 112)." pour le moins choisi de citer des troubadours célebres en cette 5 de w" sieele: Guiraut de Bomeii, le maitre des troubadours, Peire Vidal ou Guilhem de Berguedan parmi les mntemporains, Peire d'Auvergne et Bernard de Ventadour parmi les troubadours légerement antérieurs. Nous avons insistd aussi sur l'absence insolite de Guerau 111 de Cabrera dans la saüre littéraire de Peire d'Auvergne (1170), absence insoiite Sil avait été encore de ce ,monde. De plus, la mention d'Eble de Ventadour serait partieuli&rement ébnnante en cette ni de w" siecle puisqu'on ne mnnait aucun pohe trmis sous le nom de ce troubadour dans les chansonniers proven- qaux dont les archétypes remontent pour la plupart au début du XIIP sieele. Pour toutes ces raisons, nous croyons pouvoir conclure que le poete auquel on doit le Cabfa Iugkr est Guerau 111 de Cabrera, attesté dans les documents histonques de 1145 ?i 1159. Le &mentes-ensenhamen date done de la meme époque et est, de toute maniere, anténeur A 11% (date A laquelle son fils Pons est vicomte de Cabrera).