Et Enseignement Primaire En Belgique 1830- 1914 De R Affrontement Au Pluralisme Volume II
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Université catholique de Louvain Faculté de Philosophie et lettres Laïcité et enseignement primaire en Belgique 1830- 1914 De r affrontement au pluralisme Volume II Thèse présentée pour l'obtention du grade de Docteur en Histoire par Baudouin GroeSSENS Promoteurs : Jean Pirotte Jacques Lory Louvain-la-Neuve, 2004 Lv 44049 Quatrième partie. Le retour au pouvoir des catholiques (1884-1895): temps de revanche ou d'apaisement ? De retour au pouvoir, les catholiques mènent une politique scolaire en rupture totale avec celle suivie par les libéraux au cours des années 1878-1884. Pour en comprendre la genèse et les principes essentiels, il convient de remonter aux différents projets de réforme scolaire formulés lors de la période de rapprochement entre les ultramontains et la Droite parlementaire qui' se met en place à la fin de la guerre scolaire (Chap. I). Ce mouvement aboutit à la loi Jacobs. Celle-ci constitue en quelque sorte le contre-pied de la loi Van Humbeeck"04. largement décentralisatrice, elle attribue des compétences étendues aux communes, notamment en termes d'adoption d'écoles libres et d'inscription de la religion au programme des écoles publiques (Chap. II). Si ces nouvelles dispositions ne satisfont pas tous les catholiques, elles leur permettent néanmoins de supprimer quantité d'écoles publiques, qu'ils remplacent par des écoles libres, de mettre en disponibilité de nombreux instituteurs officiels et de "confessionnaliser" une série d'établissements publics. De leur côté, les libéraux échouent dans un premier temps à empêcher le vote de la loi. Ils organisent ensuite une vive résistance à son application, entre autres à partir des groupes de pression laïques et des,grandes villes. La laïcité scolaire a ainsi pu être (plus ou moins), .maintenue dans les "fiefs libéraux" (Chap. III). 1104 Sur la loi Jacobs du 20 septembre 1884 et sur son application, voir notamment : A. SERRURE, La loi organique de l'enseignementprimaire du 20 septembre 1884 et son application. Mémoire de licence en Histoire, ULB, 1970 ; P. WYNANTS, Les Sœurs de la Providence à Champion et leurs écoles (1830-1914), Namur, 1984, pp. 193-198 ; A. DUCHENE, Een ereplaats voor godsdients en moraal ? Het levensbeschouwelijk karakter van het gemeentelijklager onderwijs in België (1884-1914), Mémoire de licence en Histoire, KUL, 1997,pp. 30-99. 305 Chapitre I Vers une révision de la "loi de malheur" A. Les catholiques et la question du programme"os Les années qui précèdent la victoire libérale de 1878 sont marquées par une radicalisation du conflit opposant les catholiques libéraux et les ultramontains"06. Les premiers sont majoritairement représentés au sein des associations électorales et de la Droite parlementaire. Ils gardent une entière confiance dans le régime politique en place. Les seconds sont surtout présents dans les oeuvres populaires et dans la presse catholique. Ils se méfient des institutions libérales et souhaitent notamment restaurer l'influence de l'Église en mobilisant les masses au sein de leurs propres organisations. Les tensions entre les deux factions atteignent un sommet sous les gouvernements catholiques d'Anethan (1870-1871) et de Theux-Malou (1871-1878), que les ultramontains jugent trop timorés à leur goût, en particulier à l'égard des mesures de laïcisation mises précédemment en place par les gouvernements libéraux (1857-1870). Confortés dans leur anti-libéralisme par l'attitude conservatrice du pape Pie IX, galvanisés en outre par la chute des États pontificaux (1870) et parle retour aupays des "zouaves", lesultramontains tentent d'amener la Droite à faire preuve d'un plus grand militantisme dans la défense des intérêts de l'Église catholique. Ils sont soutenus dans leurs démarches par les évêques de Namur (Gravez), de Liège (Montpellier) et de Tournai (Duniont). Da^ns le même temps,, ils s'efforcent de gagner l'opinion publique à leurs idées, en infiltrant les diverses œuvres catholiques, en particulier les œuvres populaires telles que La Fédération des Cercles catholiques ou La Fédération des Sociétés ouvrières. 1105 Pour plus de détails sur cette question complexe, dont nous n'esquissons ici que les grandes lignes, voir les travaux de J.-L. SOETE, L'ultramontanisme et laformation duparti catholique en Belgique de 1875-1884, dans E. Lamberts (S.DIR.), De kruistocht tegen het libéralisme. Facetten van het ultramontanisme in België in de 19de eeuw, Louvain, 1984, pp. 200-221 ; ID., Les catholiques et la question du programme (1878-1884), dans J. LORY & E. Lamberts (S.DIR.), 1884 : un tournant politique en Belgique, Bruxelles, 1986, pp. 45-67; ID., Structures et organisations de base du parti catholique en Belgique, 1863-1884 ..., pp. 343-373 et 534-558. Voir aussi lapublication de lathèse deJ.DeMaeyer, Arthur Verhaegen, derodebaron..., pp. 160-172. Sur r ultramontanisme, voir entre autres E. Lamberts, Het ultramontanisme in België, 1830-1914, dans ID. (S.DIR.), Dekruistocht..., pp. 38-63 ; J. DE MAEYER, LaBelgique, un élève modèle del'école ultramontaine, dans E.Lamberts (S.DIR.), L'Internationale noire (1870-1878), Louvain, 2002, pp.361-386. 306 I Il convient également de souligner le rôle exercé au cours des années 1870 par des sociétés semi-secrètes de pensée et d'action, où se retrouvent la plupart des ultramontains : il s'agit d'abord de L'Archiconfrérie de Saint-Pierre (1871), puis, lorsque cette association prend un tournant plus radical sous la houlette de J. de Hemptiime^'o^^ Confrérie Saint-Michel (1875)"08 Cette dernière regroupe, sous la présidence de Charles Périn, une soixantaine de membres issus de l'élite sociale du pays^^^ Ces associations organisent des mouvements d'opposition à la laïcisation des cimetières et à l'antériorité du mariage civil. Elles coordorment égalernent d'imposantes manifestations de foi publique. Bref, selon l'expression souvent reprise de Karel Van Isacker"'^^ un fossé sépare "le pays légal" (la Droite parlementaire), soucieux de ne pas hypothéquer ses chances de maintien au pouvoir, et "le pays réel" (les ultramontains et les œuvres catholiques), adepte d'une solution plus radicale. Devant le refus de la Droite de se lancer dans une politique plus nettement confessionnelle, les ultramontains menacent de faire scission et de soutenir uniquement leurs propres candidats peu de temps avant les élections de juin 1878. Au printemps 1878, Arthur Verhaegen publie une brochure qui a exercé un certain retentissement à l'époque. Catholique et Politique^^^ \ où il plaide en faveur de la création d'une sorte de parti cathoUque "extrême", qui aurait entre autres pour mission de réviser la Constitution belge et de restaurer un Etat chrétien, ... c'est-à-dire "de faire de la liberté de l'Église la base de l'ordre social": Ces dissensions, habillement exploitées par les libéraux, conduisent les catholiques au devant d'une large défaite électorale le 11 juin et entraînent la formation du gouvernement Frère- Orban (1878-1884). Ce revers ne désarme cependant pas les ultramontains. Ils militent avec plus d'énergie encore pour remplacer les députés catholiques par des mandataires issus de leur propre mouvance. Arthur Verhaegen se montre particulièrement impatient de constituer "dans les Chambres, non plus une Droite simplement conservatrice et constitutionnelle, mais Sur Joseph de Hemptinne». (J.822-1909), industriel'du textile, promoteur-des Confréries Saint-Vincent-de^ Paul et des Oeuvres pontificales, cofondateur des œuvres de la presse catholique, promoteur des missions catholiques en Afrique, voir E. Lamberts, J. de Hemptinne : een kruisvader in redingote, dans ID. (S.DIR), De kruistocht..., pp. 64-110 et ID., De roi van J. de Hemptinne in de Zwarte internationale (1870-1878), dans J. Art & L. François (S.DIR.), Docendo disdmus. Liber amicorum Romein Van Eenoo, Gand, 1999, pp. 1083- 1102. \ 1108 Suj. Confrérie Saint-Michel, voir J. De Maeyer, De ultramontanen en de gildenbeweging 1875-1896 : het aandel van de ConfrérieSaint-Michel, dans E. LAMBERTS (S.DIR.), De kruistocht..., pp. 222-263. 1 Sur Henri-Xavier-Charies Périn (1815-1905), docteur en droit et économiste, professeur à l'UCL jusqu'en 1881, président de la Confrérie Saint-Michel, voir notamment Biog. Nat., t. XXX, col. 665-671. ' ' K. Van IsacKER, Werkelijk en wettelijk land. De katholieke opinie tegenover de rechterzijde, 1863-1884, Anvers-Bruxelles, 1955. m ' Sur cette brochure et sur Arthur Verhaegen (1847-1917), avocat, historien et archéologue, homme politique catholique démocrate chrétien de premier plan, fondateur de L'Antisocialistische Werkliedenbond van Cent (1890) et de La Ligue démocratique belge, député catholique de l'arrondissement de Gand-Eeklo (1900-1917), voir la biographie magistrale que lui a consacrée J. DE Maeyer, A. Verhaegen, de rode baron ..., pp. 141-149. 307 une Droite catholique composée de francs et vigoureux champions de l'Église"^^^^. Afin d'assurer aux ultramontains une plus large visibilité sur les listes conservatrices, des Sociétés des intérêts catholiques sont créées sur le modèle des associations électorales. Mais cette tentative tourne rapidementcourt et contraintles ultramontains à modifier leur tactique" Plusieurs éléments incitent les ultramontains à modérer leurs propos. Le pape Léon XIII, qui succède à Pie IX en 1878, adopte une ligne de conduite plus conciliante à l'égard du monde moderne et de ses institutions. Dans son allocution aux journalistes de la presse belge venus à Rome le 20 février 1879, le souverain pontife conseille aux ultramontains d'accepter les principes constitutionnels. Le mouvement perd également plusieurs de ses ténors en quelques années : l'évêque de Liège, Mgr De Montpellier, décède en août 1879 ; en 1881, l'affaire Dumont, qui rend public le mépris dans lequel l'archevêque de Malines est tenu dans les milieux intransigeants, provoque le remplacement de l'évêque de Toumai et le licenciement de Périn de l'Université de Louvain. Enfin, la politique de laïcisation scolaire menée par le gouvernement Frère-Orban suscite un rapprochement entre les diverses forces catholiques. Même si des divergences subsistent sur la manière de mener à bien la résistance à la "loi de malheur", la guerre scolaire permet aux ultramontains de se faire mieux accepter par la Droite.