Vox Et Machina : Lorsque L'électronique Redéploie La Voix
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Document generated on 09/29/2021 12:33 a.m. Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique Vox et machina : lorsque l’électronique redéploie la voix dans les opéras de Philippe Manoury (En écho, 60e Parallèle, K…, La Frontière, La Nuit de Gutenberg) Vox and Machina: When Electronics Sustain the Voice in the Works of Philippe Manoury (En écho, 60e Parallèle, K…, La Frontière, La Nuit de Gutenberg) Brice Tissier Le style et l’idée : de la fonction à la perception, de la typologie à la Article abstract pratique Both a composer and a researcher, Manoury took an early interest in real-time Volume 15, Number 2, Fall 2014 interactions between acoustic instruments and new technologies in computer music, as developed by the Institut de recherche et coordination URI: https://id.erudit.org/iderudit/1036119ar acoustique/musique (Ircam) since the 1980s. After Répons (original version in DOI: https://doi.org/10.7202/1036119ar 1981) by Pierre Boulez, there was a need to break the rigidity of the electronic tool and explore beyond the conventional instrument/computer dialogue to develop a mutually beneficial symbiosis, malleable in concert, and constantly See table of contents renewable, in the style of a concert performance. After the instrument, the composer had to quickly consider the issue of the voice. Starting in 1993, Manoury worked to capture and then digitally process voice in real-time, first Publisher(s) by analyzing the acoustic components of the sound, and then by manipulating these components. The melody cycle En écho (1993-1994) for soprano and Société québécoise de recherche en musique electronics was the first stage in this reflection, as part of experimental research. ISSN If Manoury the researcher was seeking innovation, Manoury the composer, 1480-1132 (print) however, willingly turned to traditional institutions and musical genres, 1929-7394 (digital) including opera and choral music. Manoury’s vocal compositions, which can be described as simple and natural, show enormous flexibility and are the fruit of Explore this journal a reflection that takes into account the limits of post-serial language, as demonstrated by his various operas. Yet this return to the king of the genre was not without new electronic innovations: 60e Parallèle (1995-96), K… (2000), La Frontière (2003) and La Nuit de Gutenberg (2011) incorporate an electronic Cite this article component, using, for each opus, technological developments for voice and Tissier, B. (2014). Vox et machina : lorsque l’électronique redéploie la voix dans opera. The aim of this article is to provide a comprehensive approach to les opéras de Philippe Manoury (En écho, 60e Parallèle, K…, La Frontière, La Manoury’s various operatic projects in order to highlight the increasingly Nuit de Gutenberg). Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en prominent role of the electronic transformation at the dramatic level, and also musique, 15(2), 55–69. https://doi.org/10.7202/1036119ar to analyze the true reciprocal work between the instrumental and the electronic. Tous droits réservés © Société québécoise de recherche en musique, 2016 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Vox et machina : Lorsque l’électronique redéploie la voix dans les opéras de Philippe Manoury (En écho, 60e Parallèle, K…, La Frontière, La Nuit de Gutenberg) Brice Tissier (Conservatoire à rayonnement régional de Toulouse) Composer un opéra, c’est exprimer une réalité, fût-elle de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam3) hors norme . Non pas l’expliquer, ni la montrer, mais en à partir des années 19804 . Après Répons (première version suggérer l’existence et l’épaisseur, alors que bien peu en 1981) de Pierre Boulez, le besoin se fait en effet sentir nous est donné à percevoir (Manoury 1998a, 415) . de casser la rigidité de l’outil électronique et d’explorer au- delà du dialogue conventionnel instrument/ordinateur, afin é en 1952, le Français Philippe Manoury fait partie d’élaborer, enfin, une symbiose réciproquement profitable, de la génération de compositeurs ayant succédé malléable en concert, et constamment renouvelable, à la aux principaux tenants de l’avant-gardisme des manière d’une interprétation concertante . Dans Répons, Nannées 1949-1970, notamment Pierre Boulez, Karlheinz les ingénieurs de l’Ircam avaient déjà partiellement réglé 1 Stockhausen, Luciano Berio et Iannis Xenakis . Cette cet écueil pour les instruments à clavier et ceux qui leur nouvelle génération, dont l’activité créatrice commence sont assimilés : en fixant un capteur sous chaque touche concrètement dans le courant des années 1970, s’est (piano), chaque lame (vibraphone) ou chaque corde (harpe cependant retrouvée confrontée à la même problématique que et cymbalum), l’ordinateur pouvait suivre, enregistrer et ses aînés . Depuis le milieu des années 1960, en réaction à la traiter l’action du musicien, puis produire, en temps réel, un tabula rasa des années 1950, s’est en effet inversé le rapport résultat projeté dans la salle par des haut-parleurs . Dans un entre l’écriture et la perception, avec le retour de la prise en second temps, Manoury lui-même, avec la collaboration du Cconsidération de la dimension perceptive dans les stratégies jeune mathématicien américain Miller Puckette et du flûtiste compositionnelles . Cette évolution de l’esthétique musicale Larry Beauregard, avait adapté la flûte selon le même chez plusieurs compositeurs est évidente dans les mutations modèle, grâce au principe des plateaux de l’instrument, eux des techniques d’écriture, mais elle transparaît également aussi facilement identifiables par l’ordinateur. S’ensuivit dans l’évolution de l’appréhension des outils technologiques . un cycle d’œuvres consacré à cette interaction instrument- Depuis les premiers essais de Pierre Schaeffer, en passant par ordinateur : Jupiter (1987) pour flûte et électronique,Pluton les expériences et les œuvres de Boulez et de Stockhausen2, (1988-1989) pour piano et électronique, La partition du ciel l’électronique évolue désormais conjointement à l’univers et de l’enfer (1989) pour flûte, deux pianos et électronique, instrumental, mais ne pouvait, jusqu’à une période récente, et enfin Neptune (1991) pour percussions et électronique . prétendre ni à l’égalité, ni à la réciprocité . Très rapidement, le compositeur devait se pencher sur À la fois compositeur et chercheur, Manoury s’est la problématique de la voix, qui n’est pas un instrument à très tôt intéressé à l’interaction en temps réel entre les proprement parler, comme Manoury l’a lui-même énoncé : instruments acoustiques et les nouvelles technologies liées « Sa production sonore ne dépend pas de mécanismes à l’informatique musicale, telle que développée à l’Institut artificiels. Il s’agit donc, dans le cas présent, de capter un 1 Outre Manoury, citons George Benjamin, Marc-André Dalbavie, Gérard Grisey, Jonathan Harvey, Philippe Hurel, Michael Jarrell, Michael Lévinas et Tristan Murail . 2 Voir, par exemple, Deliège (2003) . 3 Fondé en 1971 par Pierre Boulez, l’Ircam s’est non seulement donné pour but de réunir au sein d’un même laboratoire artistes et scientifiques afin d’élaborer des projets communs, mais aussi d’initier de jeunes compositeurs aux outils informatiques et électroniques . 4 L’intérêt de Manoury pour la recherche et les nouvelles technologies tient également à sa longue pratique de l’enseignement : en 1978, il s’installe au Brésil pour y donner des cours et des conférences sur la musique contemporaine dans différentes universités (São Paulo, Brasilia, Rio de Janeiro, Salvador) . Entre 1983 et 1987, à Paris, il est responsable de la pédagogie au sein de l’Ensemble InterContemporain, puis enseigne de 1987 à 1997 la composition assistée par ordinateur (CAO) et la musique électronique au Conservatoire national supérieur de musique de Lyon . Entre 2004 et 2012, il enseigne la composition à l’Université de Californie à San Diego, et depuis 2013 au Conservatoire de Strasbourg . Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, vol . 15, n° 2 55 signal sonore – extrêmement complexe et variable – et de celui de Marc Battier (Battier 2005), ont également abordé le synchroniser avec un ordinateur ». (Manoury 1998b) . certains points spécifiques de l’écriture électronique de À partir de 1993, Manoury va ainsi travailler à la capture, Manoury dans K… . Les trois autres opéras n’ont en revanche puis au traitement numérique de la voix en temps réel, pas à ce jour bénéficié de travaux comparables5, hormis d’abord par une analyse des composantes acoustiques du quelques études techniques sur l’évolution des partitions son, puis une manipulation de ces composantes . Le cycle de électroniques successives (Bossis 2005 ; Lemouton 2011) . mélodies En écho (1993-1994) pour soprano et électronique Une approche globale des différents projets lyriques de représente le premier stade de cette réflexion. Manoury permet cependant de mettre en lumière un rôle de plus en plus prononcé de la transformation électronique sur Si le chercheur Manoury recherche l’innovation, le le plan dramatique, et particulièrement