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Ferdinand de Lesseps COLLECTION DESTINS déjà parus Louis Blériot Alexandra David-Néel Pierre Savorgnan de Brazza Theodore Roosevelt René Caillié

© Éditions Jean-Claude Lattès, 1992 USHUAÏA présente

Ferdinand de Lesseps de Thierry TESSON

1.

Ce n'était pas le choléra, c'était la peste...

1832. Port d'Alexandrie. Egypte. Du haut d'un balcon, un jeune homme observe les bâtiments qui, péniblement, cher- chent à entrer dans le port. Une chaleur acca- blante écrase la ville. Pas un souffle ! Ce n'est pas une mince affaire pour les capitaines de ces lourds voiliers que d'accoster dans de telles conditions. Le jeune homme, décidément fort curieux, s'amuse avec une longue-vue à deviner le pays d'origine des navires. Il remarque qu'au jeu de l'accostage les bâtiments les plus gros ne sont pas les moins habiles et que les pilotes britanni- ques paraissent connaître à merveille les cou- rants d'Alexandrie. Piètre consolation cepen- dant que ce jeu pour un tout récent vice-consul condamné à une inaction forcée ! Arrivé la veille à bord du vaisseau français le Diogène en provenance de , le jeune diplomate a en effet été placé en quarantaine dans l'hôpital du port. Durant la traversée, un passager est mort d'un mal subit et le médecin du bord a diagnostiqué un cas de choléra. Les autorités égyptiennes, affolées par la nouvelle, ont alors immédiatement mis le vice-consul et les autres passagers à l'écart. Le spectre de l'épidémie frappant une fois de plus aux portes de l'Egypte, il importe d'éviter tout risque de contagion. D'une nature énergique, le jeune homme souffre plus que les autres de cet enfermement. Il brûle depuis le départ de Tunis — son poste précédent — de connaître ses nouvelles attribu- tions au pays des Pharaons et surtout de commencer une carrière diplomatique qu'il espère brillante et rapide. Aussi se sent-il pris au piège et l'observa- tion attentive du port ne calme-t-elle que modé- rément son attente. Ses amis qui connaissent son tempérament énergique tentent d'adoucir cette semi-captivité. Lui-même redouble d'ef- fort pour prendre son mal en patience et conserver son humour. Mais chaque jour qui passe est inévitablement un jour perdu. Au bout d'une semaine, le consul général d'Alexandrie en personne, Mimaut, vient mal- gré tout prendre des nouvelles de son jeune adjoint, Ferdinand de Lesseps. Ce nom ne lui est pas inconnu. Le vieux consul a déjà rencontré dans sa carrière des Lesseps qui, depuis la fin de l'Ancien Régime, ont servi la diplomatie française. Mimaut trouve Ferdinand robuste, râblé, élégant dans sa jaquette noire serrée à la taille et tombant sur un pantalon gris perle. Habillé ainsi, le vice- consul en titre n'a rien à envier aux « dandys » parisiens ou britanniques qui peuplent alors les cours européennes. Le visage fin aux yeux bruns brillants et décidés est adouci par un sourire qui traduit sans artifice une honnêteté foncière. Mimaut note tout de suite chez son adjoint un air de simplicité et de calme confiance en soi qui lui paraît de bon augure pour ses futures activités consu- laires. Ferdinand, flatté de cette visite impromp- tue, accepte avec joie les livres que lui apporte son supérieur et que ce dernier a choisis à son intention sur les rayons de la bibliothèque du Consulat. Mimaut, lui, est loin de se douter de la portée de ce geste anodin. Il ignore en effet qu'il y a dans ces ouvrages tous les éléments capables d'enflammer l'imagination d'un jeune homme audacieux. Parmi les ouvrages que Ferdinand lit avec avidité, figure notamment la célèbre « Des- cription de l'Egypte » qui allait nourrir son goût de l'aventure et orienter son destin. Plongé dans sa lecture, Lesseps venait de faire sans le savoir le premier pas sur une route qu'il allait suivre pendant quarante longues années. Ce « grand ouvrage sur l'Egypte », comme le dénommaient les contemporains, avait été rédigé par la fameuse Commission des Arts et des Sciences que Bonaparte avait emmenée avec lui dans les sables d'Egypte. Si l'on garde un souvenir mitigé de cette aventure militaire, les découvertes scientifiques qui accompagnèrent cette épopée firent connaître dans le monde entier à la fois les richesses de l'Egypte des Pharaons et la compétence des scientifiques français. Toujours sensible à l'appel de la renommée et soucieux de mettre ses pas dans les traces des grands conquérants, le général Bonaparte, loin- tain héritier d'Alexandre le Grand, avait chargé un de ses anciens condisciples de l'Ecole de Brienne, Jacques Le Père, de reconnaître l'isthme de Suez et d'étudier les possibilités d'y construire un canal. Durant cette mission d'étude avant la let- tre, l'ingénieur n'hésita pas à explorer d'un bout à l'autre cette étroite bande de terre séparant la Méditerranée de la Mer Rouge. Dans ce désert inhospitalier, peuplé seulement d'une poignée de Bédouins nomades, il mena ses recherches avec une constance et une détermination exem- plaires. Comme Bonaparte, il était conscient des possibilités immenses qu'offrirait à la un canal à travers l'isthme de Suez. Cet ouvrage permettrait de créer une nouvelle route vers l'Extrême-Orient et peut-être aussi de contre- carrer en partie la puissance coloniale et mari- time de l'Angleterre. Mieux, dans ses repérages, Le Père avait découvert des traces du fameux canal des Pharaons décrit par Hérodote et que les Ptolémées puis les Romains avaient agrandi et entretenu. Pour Lesseps, ce lien établi avec l'Egypte pharaonique et l'aventure macédonienne a un parfum romantique qui excite son imagination. Bien après sa période de quarantaine, alors qu'il a enfin rejoint son bureau du consulat, Lesseps continue à rêver sur ce canal disparu. Bonaparte n'a pas pu réaliser cet extraordinaire projet, mais le vice-consul d'Alexandrie sent confusément qu'il pourrait être lui, Ferdinand de Lesseps, le continuateur des pharaons et des empereurs romains. Plus profondément, il va trouver dans cet ouvrage la justification de toute une vie : le percement d'un canal à travers l'isthme de Suez permettant l'union de deux mondes à la fois complémentaires et contradic- toires, l'Orient et l'Occident. A Alexandrie, puis plus tard au Caire, Lesseps parcourt les bibliothèques pour collec- ter livres et cartes sur ce sujet passionnant. Son métier ne lui donne pas, à priori, tous les atouts pour se lancer dans une telle aventure. Sans aucune formation d'ingénieur, donc sans bagage technique, avec en outre des occupations offi- cielles importantes, il ne lui est pas facile de s'engager dans une telle entreprise. De fait, cette idée restera à l'état de projet pendant plusieurs dizaines d'années. Cependant, comme la suite de sa vie et la réalisation de son rêve allaient le démontrer, cette apparente « incompétence » n'était qu'une apparence. Originaires du pays basque, c'est dans la ville de Bayonne que les premiers Lesseps se firent connaître dès le XV siècle. Assumant de petites charges (notaires, capitaines de navire etc.), chaque génération avait peu a peu gravi, très souvent honorablement, l'échelon des hon- neurs provinciaux. A la fin du XVIII siècle, Martin de Lesseps réussit à atteindre un rang important dans la diplomatie royale. Il put donner ainsi à ses deux fils le coup de pouce qui devait les conduire sur le chemin des hon- neurs. Barthélemy, l'aîné, connaîtra, après une jeunesse aventureuse dans le sillage de La Pérouse, une carrière diplomatique très bril- lante en Turquie et en Russie. Mathieu, le cadet, père de Ferdinand, effectuera quant à lui une grande partie de sa carrière dans des postes autour de la Méditerranée — certains obscurs comme le Maroc, d'autres plus prestigieux — où il fera preuve d'une grande habileté. Com- missaire général en Egypte sous le Consulat, la connaissance aiguë que Mathieu de Lesseps aura des rouages de ce pays instable sera d'ailleurs hautement profitable à son fils, Ferdinand, dans ses propres fonctions diplomatiques et peut- être même dans la réalisation beaucoup plus lointaine du canal de Suez. En novembre 1805, quand Ferdinand de Lesseps naît à Versailles, Mathieu vient précisé- ment de quitter son poste en Egypte. Il part alors pour la Toscane où l'Empereur l'a nommé. C'est donc presque par hasard que Ferdinand verra le jour en France. Il passera ses premières années à Pise où sa mère, Catherine de Grivegnée, rejoindra très vite son mari. Celle-ci, d'origine espagnole, était la sœur de la comtesse de Teba, remariée plus tard au comte de Montijo et dont la petite-fille, Eugénie, devait épouser un certain Louis-Napoléon Bonaparte, autrement dit Napoléon III ! Si Ferdinand passe avec sa mère les pre- mières années de son existence en Italie, son père ne reste pas longtemps dans ce havre de paix que représente la Toscane sous l'Empire. Envoyé à Corfou sur ordre de Napoléon 1er, il y reste jusqu'en 1814 et, dans les moments critiques — les îles Ioniennes sont très disputées — s'y montre un administrateur habile et courageux. Pendant ces années d'absence, Catherine de Lesseps assumera au mieux l'éducation de ses quatre enfants. Ferdinand et son frère aîné Théodore reçoivent ainsi une éducation soignée et solide, très semblable aux humanités dont bénéficiait la noblesse du XVIII siècle. Plus importante encore dans la formation de l'ado- lescent : l'assistance régulière aux conversations brillantes et spirituelles qui se nouent à la résidence du consul général. Elles apporteront au jeune de Lesseps l'aisance dans le monde qu'observera plus tard Mimaut à Alexandrie. Ferdinand quitte l'Italie en 1814 au moment où l'Empire s'effondre. L'épopée des Cent-Jours vient en effet d'offrir à Mathieu, rapatrié de Corfou, un poste de préfet du Cantal. Sa loyauté à l'Empereur, au moment où beaucoup ménagent l'avenir, lui vaudra d'ail- leurs le titre de comte d'Empire et Napoléon citera dans le Mémorial la fidélité sans faille du préfet de Lesseps. Cet engagement aurait pu valoir à Mathieu, prestement remercié par Louis XVIII, bon nombre d'ennuis de la part d'un régime qui regardait avec suspicion les cadres administra- tifs de l'Empire. Il est vrai que ce poste était le plus « napoléonien » de tous et l'adhésion des préfets aux régimes qu'ils servaient rendait leur tâche difficile voire insoluble en 1814 et 1815. Mathieu, fort inquiet sur son sort, échappe cependant de peu à l'arrestation. Si ses deux fils aînés réussissent sous le nouveau régime à conserver la bourse que leur avait allouée Napoléon, la mansuétude des Bourbons ne va pas toutefois jusqu'à réintégrer Mathieu dans la carrière diplomatique et dès lors s'ouvre une période très difficile pour la famille de Lesseps, privée de ressources et suspecte au régime. Barthélemy, heureusement, va faire preuve d'une belle solidarité avec son frère en disgrâce. L'ancien compagnon de La Pérouse, qui pour- suit sa brillante carrière diplomatique, parvient en effet après beaucoup d'efforts à faire envoyer Mathieu en mission au Maroc. Nous sommes en 1817. Remis en selle, Mathieu de Lesseps, peu après, est nommé au consulat de Philadelphie, cité détrônée comme capitale au bénéfice de Washington. Puis, après trente mois passés aux Etats-Unis, il retrouve très vite sur les bords de la Méditerranée un poste plus prestigieux. Nommé au consulat d'Alep en Asie Mineure, il n'hésite pas alors, avec l'accord du ministère, à emmener son fils aîné Théodore pour lui apprendre l'art de la diplomatie et l'initier à la « carrière ». Une fois de plus, Catherine de Lesseps est restée seule avec ses enfants à Paris et continue avec une belle constance à assurer au mieux leur éducation. Inscrit au lycée Henri-IV, Ferdinand s'y révèle un élève vif et batailleur, plus attiré par les sciences concrètes que par les abstrac- tions intellectuelles. Ajoutons à cela un goût inné de l'action et un tempérament à l'évidence sportif qui lui fera pratiquer avec ferveur l'équi- tation et l'escrime, et on aura un portrait à peu près complet du jeune Ferdinand de Lesseps. Un épisode surprenant montre d'ailleurs son goût précoce et dangereux pour l'exploit physique. Pour rentrer chez lui au faubourg Saint-Germain, il avait l'habitude d'emprunter un bac et d'économiser ainsi un long détour. Par goût de la bravade, un jour de printemps, Ferdinand propose à ses camarades de traverser le fleuve à la nage, comme le faisaient les jeunes Parisiens de l'époque qui s'amusaient à plonger sous les bateaux pour franchir le fleuve d'un seul coup. Devant cette proposition saugrenue, les camarades du jeune Lesseps lui rient au nez. Ils imaginent mal le fils du consul de France nager en caleçon dans la Seine. Piqué au vif par l'attitude de ses amis, Ferdinand décide alors d'aller jusqu'au bout. Il se déshabille, s'attache les souliers autour du cou, ramasse sa chemise dans son chapeau qu'il enfonce d'un coup sec sur la tête. Il noue sa culotte dans son manteau, le tout devant être brandi à bout de bras hors de l'eau pendant la traversée. Il s'avance d'un pas décidé à peine ralenti par le froid glacial qui le saisit d'un coup et, sans écouter son appréhen- sion, se jette à l'eau. Le courant en quelques secondes le déporte vers l'aval, il ne peut réprimer un mouvement de panique. Déjà le point qu'il comptait atteindre sur la rive s'éloigne à toute vitesse et, en dépit de sa vigueur à battre des pieds, la berge paraît de plus en plus éloignée. Submergé par les remous du fleuve, il perd son chapeau tandis que le manteau et le pantalon, bouée dérisoire, sont à présent tout à fait trempés. Conscient du ridi- cule de ce défi aventureux, Ferdinand ne peut se résoudre à crier à l'aide. Il faut se battre, s'accrocher. Il agite ses bras furieusement, de toutes ses forces. Ses gestes désordonnés lui font boire des litres d'eau. Enfin, après quelques secondes qui lui paraissent des heures, la berge semble se rapprocher. Encore un effort et, du bout des pieds, il sent la vase de la rive. Ferdinand se raidit et, en lançant son bras le plus loin qu'il peut, réussit à accrocher la terre ferme. Essoufflé, transi, épuisé mais heureux d'avoir réussi, il voit au loin, en face, ses camarades courir sur le quai. Il distingue avec fierté leur mines inquiètes. Le coeur battant, les jambes molles mais soucieux de la mise en scène, il se relève le plus lentement possible et simulant un profond détachement, dans le plus simple appareil, se dirige vers un arbre où il accroche ses vêtements trempés. Assis sur une pierre, le torse tourné vers le pâle soleil d'avril qui illumine le fleuve à ses pieds, Ferdinand ignore avec superbe les cris de ses amis. Il ne rentrera qu'au bout de quelques heures, coiffé à la diable et les vêtements chiffonnés. Le lende- main, ses camarades de lycée le fêteront comme un héros, hommage qu'il acceptera déjà avec la moins affectée des modesties. Tout Lesseps est dans cette anecdote. Volontaire et décidé. Ne perdant pas un pouce de sa taille que les témoins reconnaissent en dessous de la moyenne, il accepte les défis et les réalise à la force du poignet, sans entrevoir toujours l'ampleur des difficultés qui l'atten- dent. Il y aura un peu de cette inconscience aventureuse dans l'entreprise du canal de Suez. Lesseps n'est pas du tout un « fort en thème » même s'il possède une culture classique que n'auraient pas reniée les « honnêtes hommes » du siècle précédent. Pragmatique, il n'a pas à l'égard du travail le mépris affiché des marquis de l'Ancien Régime. En 1823, ayant terminé ses études secondaires et commençant aussitôt des cours de Droit, il se doit en même temps de gagner sa vie pour soulager les finances de sa mère. Assumant comme il le dira lui-même plus tard, la « sainte loi du monde », il n'hésite pas alors à occuper, à l'intendance des vivres de l'armée, un poste obscur de commis aux écri- tures. Heureusement pour Ferdinand, cette ingrate occupation ne va pas durer très long- temps...

Conscient des difficultés qui se posaient à sa belle -soeur pour assumer l'éducation de ses enfants, Barthélemy de Lesseps gardait un œil bienveillant sur son neveu. Ministre de France à Lisbonne, il fit pour Ferdinand ce que Mathieu avait fait pour son fils aîné. Jouissant de nom- breux appuis, il réussit à obtenir auprès du baron de Damas, ministre des Affaires étran- gères, l'autorisation de s'attacher son neveu dans son poste lisboète. A vingt ans, une nouvelle vie s'offrait au jeune Lesseps. On peut s'étonner que l'entrée dans la « carrière » soit si facile à cette époque. Ni concours ni examen ne sont alors requis pour se lancer dans ces fonctions. Ici jouent d'abord les relations familiales et les appuis des parentèles ou les amitiés. Ce genre de népotisme, qui nous choque aujourd'hui, paraît normal à cette épo- que. Compte tenu du très faible nombre d'indi- vidus capables d'assumer de hautes fonctions administratives — en particulier les postes diplomatiques — il semble légitime de recruter d'abord les candidats parmi ses relations, ses protégés ou ses parents. Ces milieux favorisés offrent en outre des atouts culturels ou techni- ques décisifs par le biais de l'hérédité ou de l'éducation. Cette conception des choses — critiquable au demeurant — n'est pas sans fondements : les réseaux de la haute bourgeoisie — pénétrée par la noblesse d'Ancien Régime — se résument à un fort petit nombre d'individus. Sous l'Empire, le haut fonctionnariat se réduit à un peu moins de 1 000 personnes, qui vont des préfets aux conseillers d'Etat en passant par les diplomates. De ce point de vue, la tradition familiale centrée sur la diplomatie offrait au jeune Les- seps un débouché « naturel ». De bonne éduca- tion, doté d'une particule, capable de faire preuve d'esprit, il représentait l'archétype du secrétaire d'ambassade tel que le concevaient toutes les cours européennes. Le diplomate idéal devait faire preuve de vertus traditionnel- lement attachées à l'aristocratie et à son mode de vie. Catherine de Lesseps avait su donner à ses fils, et surtout à Ferdinand, le tact, l'art de jauger les êtres, l'habitude du monde, la finesse, la loyauté. Autant de qualités dont Ferdinand allait à présent pouvoir faire la démonstration. Ces qualités d'homme du monde, Ferdi- nand saura les faire fructifier pendant ces deux années passées dans la cité pombaline. Extrême- ment sociable, se sentant partout à l'aise, il aura beaucoup de succès dans ces salons où la France est encore une référence et un modèle à suivre. La proximité de l'Espagne lui offre par ailleurs des occasions d'aller à Madrid où il rejoint des membres de sa famille maternelle. Il s'y fait de nombreuses relations. Possédant parfaitement la langue espagnole, il peut tenir des conversa- tions aussi diverses que subtiles. Ces brefs séjours dans les salons ibériques ne seront pas inutiles. Il y rencontrera des personnalités parmi lesquelles les prochains maîtres de l'Espagne qui seront les interlocu- teurs obligés du futur consul de France à Madrid et Barcelone. Après ces deux années de séjour au Portu- gal, Ferdinand, toujours protégé par son oncle, rentre à Paris. Il est alors employé au ministère des Affaires étrangères pour y poursuivre son apprentissage de la diplomatie. Ce très court passage lui non plus n'est pas inutile car Lesseps côtoie alors de près les allées du pouvoir et les ministres en vue de la Restauration. En 1827, il est nommé vice-consul de France à Bogota. Il s'agit là d'une permutation avec son frère Théo- dore qui, venant de se marier, ne désire pas s'exiler avec sa jeune femme dans un poste si lointain. Le ministère toujours accommodant avec ces fonctionnaires de haute volée permet de tels arrangements. La distance n'effraie pas le tout nouveau vice-consul qui prépare ses malles et commence à rêver d'aventures. Mais, sur le point de partir, Ferdinand apprend que sa destination est modi- fiée. Il ne va plus en Colombie mais en Tunisie. Son père, consul général auprès du bey de Tunis, vient d'obtenir des Affaires étrangères la nomination de Ferdinand à son secrétariat. Le père et le fils cadet vont enfin se retrouver après tant d'années de séparation. Après son séjour à Alep où le représentant de la France avait dû assumer des difficultés extrêmes comme le terrible tremblement de terre de 1822, Mathieu de Lesseps avait été nommé en 1826 à Tunis. Cette période précède l'implantation française en Algérie, et le consul général de France joue alors un rôle extrême- ment important dans cette région de l'Afrique du Nord. Le bey de Tunis n'ayant aucune envie de connaître le sort de son voisin d'Alger — qu'il n'apprécie que modérément — aura, de ce fait, des relations suivies et prudentes avec le représentant du roi de France qui laissera par- «S'il n'avait pas existé, Jules Verne l'aurait inventé ! Quelle nature, quel personnage subtil et fonceur, haut en couleur et tout en nuances ! Ce visionnaire qui savait diriger a changé la face de la terre en ouvrant le canal de Suez. Jamais un homme n'aura été aussi lié à son projet. Statufié dès son vivant. » Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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