Université Jean Moulin Lyon 3

Ecole doctorale : Lettres, langues, linguistique et arts (LLLA)

MIYAMOTO Tsunéichi 宮宮宮宮, un ethnographe folkloriste, infatigable marcheur à la recherche de l’identité japonaise

par Alexandre MANGIN

Thèse de doctorat d’Etudes de l’Asie et ses diasporas

sous la direction de Jean­Pierre GIRAUD

présentée et soutenue publiquement le 11 septembre 2008 devant un jury composé de : Jean­Pierre GIRAUD, professeur à l’université Jean Moulin Lyon 3 Yves­Marie ALLIOUX, maître de conférences à l’université Toulouse Le Mirail Gregory B. LEE, professeur à l’université Jean Moulin Lyon 3 Philippe PELLETIER, professeur à l’université Lumière Lyon 2

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「 「「「「 (« Si l’on marquait les traces de pas de MIYAMOTO­kun sur une carte blanche à l’encre rouge c’en serait au point qu’elle en deviendrait toute rouge. » SHIBUSAWA Keizô1)

« Anthropologie et comparatisme apparaissent (…) comme les deux faces d’une même réalité. » Gilbert DURAND2

« L’aventure n’a pas sa place dans la profession d’ethnographe ; elle en est seulement une servitude (…) Qu’il faille tant d’efforts et de vaines dépenses pour atteindre l’objet de nos études ne confère aucun prix à ce qu’il faudrait plutôt considérer comme l’aspect négatif de notre métier. » Claude LEVI­STRAUSS3

« Un Allemand cultivé me dit un jour : “Comment ! vous venez du folklore ? ” Cela dénote un manque de culture. Comme si un homme sur qui le soleil brille, la lune répand sa clarté, comme si tout ce qui nous entoure, comme si tout cela n’était pas le support et une part de culture ? J’ai tourné les talons et l’ai planté là ! » Leos JANACEK4

1 « Waga shokkaku ha Nippon ichi – Doryoku no minzokugakusha Miyamoto Tsuneichi­kun no koto » 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Mon pique­assiette est le premier du Japon / A propos d’un grand travailleur : l’ethnographe folkloriste Miyamoto Tsuneichi­kun »), publié dans Bungei shunjû 「「「「「「 (Printemps et automne (ou Annales) littéraires), numéro d’août 1961. Cité dans Miyamoto Tsuneichi suru minzokugakusha 「「「「「「「「「「「「「「 (Miyamoto Tsunéichi / Un ethnographe folkloriste qui voyageait), ouvrage collectif sous la direction de SANO Shin’ichi 「「「「, Kawade shobô shinsha 「「「「「「, Tôkyô, 1ère éd. Avril 2005, rééd. Juin 2005, p. 84. 2 Structures / Eranos I, La Table ronde, Contretemps, Paris, 2003, « Dualismes et dramatisation », p. 131. 3 Tristes Tropiques, Plon, Paris, 2004, 1ère éd. 1955, « I Départ », p. 9. 4 Guy Erismann, Janáček ou la passion de la vérité, Paris, éditions du Seuil, 1979, rééd. 2007, 350 p., p. 247. [Avertissement]

L’université Jean Moulin Lyon III n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

A la mémoire de mon grand père Louis­Jean RIOU et du professeur Jean CHOLLEY, disparus tous deux en mars 2007 pendant la rédaction de cette thèse. Remerciements

J’aimerais remercier ici :

En premier lieu M. Jean­Pierre GIRAUD, (Professeur des universités en littérature et culture du Japon à l'Université LYON III ­ Jean MOULIN, Directeur du Département des Études Japonaises), mon directeur de recherches, à qui je dois tout d’abord de m’avoir suggéré, avec beaucoup de clairvoyance, le sujet même de cette thèse, m’ouvrant ainsi l’accès à un monde dont je ne soupçonnais pas alors la prodigieuse richesse. Je lui dois également de m’avoir donné à plusieurs reprises l’opportunité de faire de longs séjours au Japon, séjours sans lesquels je n’aurais jamais pu mener à bien mes recherches. En outre, la pertinence de ses conseils et le soutien attentif que j’ai toujours trouvé en lui m’ont été plus que précieux : inestimables. Qu’il trouve ici l’expression de ma très sincère et absolue gratitude.

M. Jean CHOLLEY†, (professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III), à qui ce travail est dédié, mon directeur de recherches en maîtrise (La mélancolie dans le Sarashina nikki, chez KAMO no Chômei et KAWABATA Yasunari) et DEA (De quelques influences de l’étranger et de leur rapport avec l’identité japonaise), qui a bien voulu assurer un suivi quant aux problèmes de langue (notamment classique) et donc, de traduction, et m’a fait bénéficier de ses observations érudites sur le Japon d’autrefois. Merci aussi à Mme CHOLLEY Natsuko pour ses encouragements.

M. Gregory B. LEE, (professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III, Premier vice­président de l’Université Lyon III, Directeur du département des études chinoises et Directeur de l’IETT), qui a stimulé ma réflexion théorique (notamment par des conseils de lectures qui ont agrandi mon champ de vision concernant l’Asie et même les sciences humaines en général) et m’a régulièrement poussé à me remettre en question et à rejeter toute facilité.

M. SUMITANI Hirobumi 住 住 住 住 (professeur à l’Université d’éducation d’Osaka / Oosaka kyôiku daigaku 住住住住住住) qui m’a fait connaître MIYAMOTO Tsunéichi, à l’occasion de mes recherches de DEA et a suivi l’avancement de mes travaux tout au long de ma scolarité de troisième cycle, ne ménageant pas son temps pour m’aider dans mes recherches sur place.

Mme MIYAMOTO Asako 住住住住住 (veuve de MIYAMOTO Tsunéichi), M. MIYAMOTO Hikaru 住住住 (fils cadet de MIYAMOTO Tsunéichi) et son épouse qui ont bien voulu m’accueillir chez eux et me parler de leur regretté Tsunéichi.

M. MIYAMOTO Kesao 住住住住住 (non apparenté à MIYAMOTO Tsunéichi) (professeur à l’Université de Musashi 住住住住), qui m’a orienté et conseillé pendant ma première année de thèse au Japon ; M. KOJIMA Takao 住住住住 (enseignant à l’Université de Musashi), dernier disciple de MIYAMOTO Tsunéichi, qui m’a laissé l’interviewer et m’a fourni de nombreux et précieux articles concernant son défunt maître ;

M. YAMAGUCHI Kôichi 住 住 住 住 (chargé d’enseignement à l’Université Lyon III), mon premier professeur de japonais, qui m’a donné l’envie de persévérer dans mon apprentissage du japonais et de la culture japonaise ;

M. TSUKUDA Tomonori 住住住 (chercheur en industrie halieutique), pour son aide appréciée, sur place, concernant le monde de la mer et ses travailleurs ;

M. FURUHASHI Nobuyoshi 住住住住 (professeur à l’Université de Musashi), mon professeur responsable au Japon pendant ma première année de thèse, qui m’a fait beaucoup lire ;

M. NAKAHIRA Ryûjirô 住住住住住 (chercheur en Histoire des toponymes et cartographe), pour son aide savante, en particulier en ce qui concerne l’Histoire des routes et des toponymes japonais ;

M. NAKAJIMA Hiroji 住住住住. (professeur à l’Université Rikkyô 住住住住) pour ses conseils ;

M. Jean­Michel BUTEL, (maître de conférence à l’Université Toulouse Le Mirail) pour ses encouragements ;

M. Nicolas RENAHY, (chercheur à l’INRA et au Laboratoire de sciences sociales) pour ses marques d’intérêt ;

Mes amis Mme SHIMA Misako 住住住住, Laurent, Kiyoko, Yukako, Mizuho, Vincent, Sato, Tomoko…

Et bien sûr ma famille, pour son soutien permanent et indéfectible. Note liminaire sur la transcription des mots japonais et la présentation

Le système utilisé ici pour la transcription du japonais est celui dit de Hepburn modifié, tel qu’il figure dans le Nelson5 (avec basculement du « n » au « m » avant b, m et p). Pour un compte­rendu détaillé des différents systèmes de transcription du japonais, nous renvoyons à l’article de Laurence Labrune6.

Selon ce système, les consonnes se prononcent comme en français, sauf que :

Le « r » est très doux, entre le r et le l français.

Le « g » est toujours dur, comme dans « guerre » ou « gare » et légèrement nasalisé en milieu de mot lorsque le japonais est parlé avec élégance.

Ex. : 住住 sera transcrit negi et se prononcera « négui » [negi].

Le « s » est toujours sifflant, comme dans « samedi ».

Ex. :住 sera transcrit asa et se prononcera « aça » / « assa » [asa].

Et les voyelles se prononcent comme en italien, ou en français :

« u » se prononce entre le ou de « où » et le eu de « peur ». En fin de phrase, il est très peu marqué, sauf dans le langage féminin affecté ou dans le langage formel, notamment au téléphone.

« e » se prononce tantôt comme é, tantôt è. Par convention, nous transcrivons « e » dans les noms communs où qu’ils figurent et les noms propres figurant dans une phrase ou un titre japonais transcrit(e), et « é » dans un nom propre figurant dans une phrase française.

Ex. : MIYAMOTO Tsuneichi ha hon wo nihyaku­satsu kakimashita.

MIYAMOTO Tsunéichi a écrit deux cents livres.

Un accent circonflexe (ou un macron) sert à noter une voyelle longue. Nous distinguerons cependant entre 住住 transcrit « oo » et 住住 transcrit « ô », de même 住住 « ei », 住住 « ê » et 住住 « ee ».

Ex. : 住住 kenkô se prononcera donc « kennkoo » [kε nko:]

住住住 ookii se prononcera donc « ookii » [o:ki:]

Quant à la prononciation des sons transcrits avec un « w » :

Le 住 wo se prononce « ouo » [wo] en japonais ancien et « ô » [o] en japonais moderne.

Le 住 wi se prononcera de même « oui » [wi] en japonais ancien et « i » [i] en japonais moderne.

Le 住 we se prononcera « oué » [we] en japonais ancien et é [e] en japonais moderne. 5 The New Nelson, par Andrew Nathaniel NELSON, révisé et mis à jour par John H. HAIG, Tuttle, Tôkyô, 1997. 6 Article (« Fiche de grammaire / Transcrire le japonais ») paru dans le numéro 6/7 du printemps 2000 de la revue Daruma, Editions Philippe Piquier, Arles, 2000, p.339­356. Les syllabes 住住 kwa, 住住 kwi, 住住 kwe et 住住 kwo se prononceront donc respectivement en japonais ancien « kwa » [kwa], « kwi » [kwi], « kwé » [kwe] et « kouo » [kwo] et se prononceront ka [ka], ki [ki], ké [ke] et ko [ko] en japonais moderne.

Par convention, nous transcrivons zu le japonais 住 qui se prononce « zou » [zu] en japonais classique et dzou [dzu] en japonais moderne et dzu le kana 住 qui se prononce « dzou » [dzu] en japonais classique tout comme en japonais moderne, notant le même son que 住. De même pour 住 dji et 住 ji.

En outre, à chaque mot est affecté une intonation (akusento 住住住住住) qui permet de distinguer des mots dont la transcription en kana serait la même, donc des quasi­homonymes, mais non des homophones purs (à cause de cette intonation), ni des homographes, à cause de la différence de caractères chinois ou d’origine (cas de mot d’origine étrangère non chinoise (gairaigo 住住住), transcrit en katakana). Il n’y a que deux hauteurs en japonais : une intonation haute et une intonation basse. L’intonation haute est constante, ou descendante.

Dans nos exemples, nous figurerons l’intonation basse par un soulignement, l’intonation haute ne sera pas figurée et une intonation haute descendante sera figurée par un accent grave.

Ainsi par exemple, on distinguera, en langue standard7 : trois hashi 住住 : 1/ hashi 住, le bord ; 2/ hàshi 住, les baguettes et 3/ hashì 住, le pont.

Autre exemple avec des gairaigo : mejâ 住住住住 : 1/ mèjâ (de l’anglais measure : mesure) ; 2/ mejâ (de l’anglais major : majeur, de première importance).

Notons également que les mots d’origine chinoise employés en composés avec d’autres mots de même type voient la plupart du temps leur intonation changer par cette « agglutination ».

Ainsi, kippu 住 住 (ticket), devient, en composé avec uriba 住 住 住 (machine à vendre, distributeur), kippuùriba 住住住住住.

Toutefois, les hauteurs ne distingueront pas toujours les homonymes, et nous aurons parfois de purs homophones, que seul le contexte permettra de distinguer.

Ainsi par exemple : kyôkai, l’église 住住 et l’association 住住, auront la même hauteur « kyookai » et donc rigoureusement la même prononciation. On notera que le mot signifiant « association » est peu employé à l’oral, et lorsqu’on le fait, on doit toujours préciser de quoi on parle.

Autre exemple avec des gairaigo : buranchi 住住住住 qui signifiera, avec la même prononciation burànchi, et en plus la même orthographe, selon le contexte, brunch (brunch, goûter de 10 heures) ou branch (branche [économique]).

7 Les accents et dialectes régionaux ont leurs propres intonations qui sont parfois l’inverse de la prononciation standard de Tôkyô. Pour des raisons de commodité informatique, nous ne transcrirons pas ces intonations, bien qu’elles soient essentielles pour éviter tout malentendu8.

La transcription des noms et mots chinois est faite selon le système pīnyīn 住住, pure convention qui a le mérite d’être utilisée partout, à défaut de refléter pour des Européens la prononciation réelle du chinois (contrairement au système Wade, ou à la transcription de l’Ecole française d’Extrême Orient). Les tons sont notés au moyen d’accents.

Pour plus de précisions sur la prononciation du chinois, nous renvoyons aux ouvrages spécialisés (cf. bibliographie).

Par convention, les ouvrages écrits en langue classique verront leur titre et les extraits cités reproduits dans la mesure du possible en caractères classiques (ou « non simplifiés ») (kyûji 住 住 ). Ainsi par exemple le Man’yô­shû sera noté 住住住住住 et non 住住住住住.

Enfin, les noms de personnes sont donnés dans l’ordre japonais, le patronyme en premier (et en majuscule par convention), sauf cas particulier (par exemple personne américaine ou européenne d’origine japonaise). Il en est de même pour les Coréens et les Chinois, la transcription de leur nom suivant la prononciation de leur pays, et non la prononciation japonaise.

Ex. : SHIBUSAWA Keizô et non « Keizô Shibusawa ».

TAWADA Yôko (essayiste japonaise) mais « Yôko TAWADA » (lorsqu’elle choisit d’apparaître en tant qu’écrivain d’expression allemande)

LĬ Bái et non « Bai Li » ni « Ri Haku » (prononciation japonaise)

Les mots suivis d’un astérisque * renvoient au lexique approprié situé en fin de volume.

Par convention, les titres des ouvrages de MIYAMOTO Tsunéichi sont donnés dans le corps du texte en transcription non traduite. Les titres complets en écriture originale et avec leur traduction et les références sont indiqués dans la bibliographie en fin de volume. Notons aussi que les Œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi Miyamoto Tsuneichi Chosaku­shû 住住住住住住住住住publiées aux éditions Miraisha 住住住, sont abrégées en OM, suivies du numéro du volume, et de la page. OMB1 et OMB2 désignent les volumes annexes des Œuvres (besshû 住住).

Ex. : le chapitre II de Sanson to kokuyû­rin 住 住 住 住 住 住 住 住 (Villages de montagne et forêts domaniales) sera situé dans : OM14, 22 (ch. II) (soit page 22, deuxième chapitre, du tome 14 des Miyamoto Tsuneichi Chosaku­shû).

Les nombres et mots placés entre crochets [ ] sont rajoutés par nous pour plus de commodité.

Sauf mention particulière, nous avons utilisé nos propres traductions.

8 Pour plus de renseignements, on se reportera au dictionnaire japonais de référence, le Shinmeikai nihongo akusento jiten 「「「「「「「「「「「「「「「, sous la direction de KINDA’ICHI Haruhiko 「「「「「 et AKINAGA Kazué 「「「「, Sanseidô 「「「, Tôkyô, 4ème éd. nov.2002. Enfin, la encore sauf mention contraire, les photographies insérées ont été prises par nous et sont donc libres de droit. Introduction

La distance, due aujourd’hui davantage à la langue qu’à l’éloignement géographique fait que certaines œuvres et certains grands hommes du Japon, connus dans leur pays, nous sont présentés en Occident avec un retard pouvant aller jusqu’à plusieurs siècles. La réciproque est vraie, bien entendu. En 1950, voici ce qu’écrivait YANAGITA Kunio 住 住 住 住 (1875­1962), considéré comme le fondateur de l’ethnologie au Japon, et plus précisément de l’ethnologie des contes populaires, à propos d’un de ses disciples :

C’« était le voyageur qui, longtemps, et jusqu’à maintenant, a le plus parcouru le Japon, en tous sens et dans ses moindres recoins, justement dans des terres du genre où personne n’allait. Peu sont ceux qui, à ce point, ont réfléchi avec attention aux histoires qu’il serait intéressant pour nous d’écouter, ou que nous voudrions écouter et que, par ailleurs, nous retenons. Il est difficile de discerner et de classer les sujets (kotogara) que nous voudrions que le peuple japonais porteur des temps futurs connaisse en priorité, mais pour cela aussi, [lui] qui est un grand lecteur, ne s’y est pas trompé et n’a pas fait fausse route. »9.

Ce jugement élogieux est destiné au plus humble d’entre les humbles, au plus faible des hommes, et en même temps au plus volontaire, à un travailleur qui fit passer le terrain et l’écriture avant sa santé fragile, le concret avant la théorisation, le respect avant la remise en question, « l’amour » du petit peuple avant tout, un certain MIYAMOTO Tsunéichi 「「「「(1907­1981).

En 1995, date qui marque le début des études miyamotiennes, NAGAHAMA Isao 住 住 住 s’étonnait qu’une œuvre de cette importance quantitative et qualitative n’ait jamais été présentée et analysée de façon sérieuse et soit boudée par les universitaires. Que l’œuvre soit foisonnante, raison de plus pour l’étudier, réplique­t­il10. Aujourd’hui de moins en moins inconnu au Japon11 – ceux qui en ont entendu parler, sans le lire, ont au moins vu une ou deux de ses photographies12 – connu, souvent reconnu et 9 Préface à l’édition Kôdansha gakujutsu bunko de Furusato no seikatsu, 1986, rééd. 2002, p. 10­11. Un extrait plus long précédé du texte original figure en annexe. 10 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (Regard d’errance : Voyages et science de Miyamoto Tsunéichi), Tôkyô, Akashi shoten 「「「「, 1995, 249 p., Introduction, p. 17. 11 Dernière en date, l’exposition magistrale et très complète « Miyamoto Tsuneichi no ashiato »「「「「「「「 「「(Sur les traces de MIYAMOTO Tsunéichi »), qui se tint en avril et mai 2007, au Kyôdo no mori hakubutsukan 「「「「「「「 (Musée du bois du terroir) de Fuchû 「「, ville où résida MIYAMOTO de 1961 à sa mort en 1981. 12 Que ce soit dans un quotidien national, à la rubrique « nostalgie », où lors d’une exposition, telle celle de la galerie Place M de Tôkyô du 11 au 17 juillet 2005, Place M, Kindai Bldg. 3F, 1­2­11 Shinjuku, Shinjuku­ku, Tokyo 160­0022 ; site : http://www.tokyoartbeat.com/event/2005/23B7.en ; http://www.placem.com/schedule/2005/pastschedule_2005.html commençant tout juste à être étudié dans le milieu universitaire, il n’a pas encore eu la chance d’être traduit en langue européenne (une traduction française de Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住住住 par Jean­ Michel BUTEL est en cours à ce jour, en 2008), aucune publication francophone ne parle de lui 13, à commencer notamment par les ouvrages de référence que sont, par exemple, le Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, de Pierre BONTE et Michel IZARD14 ou le Dictionnaire de littérature japonaise de Jean­Jacques ORIGAS15. Pourtant c’était un intellectuel exigeant qui laissa une œuvre écrite considérable (l’édition sérieuse de ses Œuvres (Chosaku­shû 住住住住住) ne comportant pas moins de cinquante­deux volumes). Cette œuvre se trouve d’ailleurs en librairie au rayon ethnographie, son nom en grands caractères et servant parfois d’argument de vente à lui seul. Son intérêt non seulement scientifique, mais aussi littéraire, semble de plus être réévalué depuis quelques années, notamment le livre considéré comme son chef­d’œuvre, Wasurerareta Nihonjin (Les Japonais oubliés).

Mais d’abord, qui était MIYAMOTO Tsunéichi ? Quand et comment vécut­il ? Comment le situer au milieu des intellectuels de sa génération, de la précédente, de la suivante ? Quelle est sa place aujourd’hui (ou quelle devrait être sa place) ? Qu’a­t­il dit, ou cherché à nous dire ? C’est à ces questions, et à beaucoup d’autres, que cette étude tentera d’apporter des éléments de réponse. Mais avant cela, la présente introduction s’organisera selon deux axes : une présentation du fond, avant un bref exposé des conditions matérielles de sa réalisation.

I Présentation de l’homme et définition des termes employés

Nous présenterons brièvement l’homme, avant de nous interroger sur les concepts et les champs d’études que nous serons amenés à utiliser.

13 Nous verrons plus loin que certains spécialistes occidentaux le citent cependant, en bibliographie la plupart du temps. 14 Pierre Bonte et Michel Izard, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF/Quadrige, 1ère éd. 1991, rééd. 2002, 842 p.. Les notices respectives de Laurence Caillet et Patrick Beillevaire (p. 397­399) évoquent Yanagita Kunio, Orikuchi Shinobu, Nakane Chié, et Seki Keigo, mais ni Miyamoto Tsunéichi, ni Shibusawa Keizô, ni même Minakata Gumagusu, considéré pourtant comme le précurseur de la discipline. 15 Jean­Jacques Origas, Dictionnaire de littérature japonaise, Paris, PUF/Quadrige, 1ère éd. 1994, rééd. 2000, 366 p.. On y trouve un article Orikuchi Shinobu (p. 236­237) et un article Yanagita Kunio (p. 340­342). L’absence de Miyamoto Tsunéichi et de Minakata Kumagusu y est moins gênante, compte tenu du sujet, ni l’un, ni l’autre n’étant romancier. A/ Quelques repères sur la vie et l’œuvre de MIYAMOTO Tsunéichi16

MIYAMOTO Tsunéichi est né le 1er août 1907 (Meiji XL) à Ooaza Nishigata 住住住住, commune d’Oki­ Kamuro Nishigata 住住住住住住, district d’Ooshima 住住住, (futur district de Tôwa (Tôwa­chô 住住住)) sur Suô Ooshima 住住住住, département de Yamaguchi (Yamaguchi­ken 住住住), fils aîné de MIYAMOTO Zenjûrô 住住住 住住 et de sa femme Machi 住住, tous deux agriculteurs. La famille MIYAMOTO appartient à la classe des paysans, hyakushô 住住, même si elle compte aussi quelques prêtres shintô (kannushi 住住) à l’origine selon Tsunéichi du nom de famille « MIYAMOTO » (« Au pied (moto) des temples (miya) »).

Dans sa petite enfance, son père est absent, expatrié aux îles Fidji. Son grand père, homme d’une grande sagesse, prend son éducation à cœur. Il lui inculque les valeurs traditionnelles.

16 Pour plus de détails et de dates, voir les repères biographiques figurant en annexe. Suô Ooshima17 est une île de taille moyenne (d’une superficie de 129,7 km²)18, à fort relief, tout comme les autres îles du Japon, dépourvue de fleuve ou de rivière, peuplée d’agriculteurs et, dans une moindre mesure, de pêcheurs, qui a globalement su se tenir à distance de la plupart des conflits et destructions provoqués par les bushi 住住, la classe des guerriers. Le fait d’être né sur une terre de paix19, loin du monde des « samouraïs », jouera un rôle structurant dans la personnalité foncièrement pacifiste de MIYAMOTO qui tentera toute sa vie de montrer que le Japon est loin de n’être peuplé que de guerriers (ces derniers ne représentant que 7 % de la population20 à l’époque des TOKUGAWA, au XVIIème siècle, cette proportion ayant peu varié par la suite jusqu’à Meiji). Au XVIIIème siècle, l’île se met à produire des Satsuma imo 住住住住住 [住住住] (sorte de patates douces, encore produites aujourd’hui), ce qui a pour effet une augmentation importante de la population (jusqu’à environ 50 000 habitants à la fin de l’époque d’Edo – début XIXème s.)21. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’île est démographiquement prospère, ou en tout cas capable de s’auto­suffire. Réputée pour ses sculpteurs sur bois22 employés dans tout l’archipel, l’île est cependant une terre que l’on quitte. En effet, de

17 Nous tirons nos informations de la monographie de Tôwa­chô quasi­exhaustive corédigée par Miyamoto Tsuéinchi et Okamoto Sadamé 「「「, Tôwa­chô­shi 「「「「「「, Tôkyô, Kinki Nippon tsurisuto kabushikigaisha 「「「「「「「「「「「「 Nihon kankô bunka kenkyû­sho 「「「「「「「「「, Shôwa LII (1982), 933+34 p. 18 SANO Shin’ichi 「「「「 , Miyamoto Tsuneichi no manazashi 「「「「「「「「「「「 (Le regard de Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2003, 207 p., chap. I p. 19. 19「「「「「「「「「「「「「(« Les populations paysannes aimaient la paix. ») In MinZokugaku he no michi, chap. 1, p. 75. 20 Selon Edwin O. Reischauer, Japan, the Story of a Nation (1re éd. Japan, Past and Present (1946)), New York, Alfred A. Knopf, traduction française (Histoire du Japon et des Japonais) et mise à jour de Richard Dubreuil, Paris, Seuil, Points Histoire, 2 vol., 1973, rééd. et mise à jour 1997, 255 et 320 p., t. I p.110. 21 Tôwa­chô­shi, p. 73 et s.. 22 Un exemple local de leur travail peut être vu au temple de Shitata, le Shitata Hachiman­gû 「「「「「, avec son fronton en bois évidé et peint. nombreux habitants partent émigrer à Hawai23, en Corée ou à Taiwan, et beaucoup reviennent déçus. Avec l’industrialisation de Meiji, l’exode rural commence et se poursuit aujourd’hui. Aussi, une grande partie des terres autrefois cultivées sur les pentes des collines est­elle redevenue sauvage et couverte de forêt, les routes qui mènent en haut de celles­ci ne sont plus toutes entretenues, certains ports de pêche sont à l’abandon, pollués par des décharges à ciel ouvert. En 1995, la population comptait 28 750 habitants24 et si l’on n’observe que les chiffres concernant le district de Tôwa, où vivait la famille MIYAMOTO, on constate que sa population était de 17 000 habitants en 1955, 8 000 en 1980 et 5 200 en 200725. L’île reste majoritairement peuplée d’agriculteurs, malgré des tentatives d’en faire un lieu de villégiature (c’est un échec) et un pôle local de culture (on y trouve de nombreux musées, des centres de recherches en Histoire locale et une université populaire créée par MIYAMOTO et perpétuant son œuvre26)27.

Ci dessus, la vue en direction de l’ouest depuis la colline située au centre de l’île de Suô

Et ci­dessous, la vue en direction du sud.

23 Un musée leur est d’ailleurs consacré à Suô. 24 SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. I, p. 19. 25 NIIYAMA Norio, « Kyôdo daigaku funsen­ki »「「「「「「「「「「 (« Chroniques du courageux combat de l’Université du terroir »), in Miyamoto Tsuneichi no messêji, annexe, p. 105. 26 Suô Ooshima kyôdo daigaku 「「「「「「「「 (Université du terroir de Suô Ooshima). Cf. Première partie, chapitre I, et annexe. 27 Pour plus de détails sur Suô Ooshima, on se reportera à SANO Shin’ichi, Dai­ôjô no shima「「「「「「「 (Une île en fin de vie), Tôkyô, Bunshun bunko 「「「「, Bungei shunjû, mai 2006, 291 p. MIYAMOTO, né dans une maison sans eau courante ni électricité, dans une famille portant le costume traditionnel, aura eu le temps de voir la modernisation technologique de son pays (jusqu’aux premiers ordinateurs). La frugalité du mode de vie de sa famille et, plus généralement de son milieu, ne semble pas lui avoir pesé, bien au contraire. Toujours il en fera l’éloge car elle seule permet de connaître la vraie valeur des choses et de respecter le travail de chacun. L’éducation traditionnelle que lui prodigue son grand père, fondée sur l’exemple et l’explication des choses avec bienveillance plutôt que sur l’apprentissage par cœur, vient compléter celle de l’école primaire et compenser les rapports un peu plus distants qu’il semble avoir eu avec son père, ancien ouvrier agricole de retour des îles Fidji après une expérience désastreuse28.

La famille MIYAMOTO n’est pas riche, mais elle est connue pour son hospitalité : on appelle leur maison un zenkon yado 住住住 (une auberge du bon vouloir), c’est à dire un refuge pour les voyageurs de passage29.

MIYAMOTO fait donc partie de cette génération qui, née sous Meiji, ayant grandi sous Taishô et s’éteignant sous Shôwa, comptait les derniers représentant d’une éducation « à la Meiji » qui, selon

28 Cet épisode douloureux sera relaté à plusieurs reprises, notamment dans Kakyô no oshie (1947). 29 FUJIMOTO Kiyohiko, « Bukkyô to iryô : " Miyamoto Tsuneichi no ikikata to kotoba " ni manabu » 「「「「「「「「「「「「"「「「「「「「"「「「「(« Bouddhisme et traitement médical : étudier "la manière de vivre et les mots" de Miyamoto Tsunéichi »), in Miyamoto Tsuneichi no messêji, chap. II, p. 26. TAKEDA Atsushi 住 住 住 住 30, était marquée par l’unité et assumait les contradictions (mujun 住 住 ), les interruptions (kireme 住住住) et les contrastes (Est­Ouest, nouveau­ancien, occidental­japonais)31 qu’elle faisait fusionner, produisant de l’intelligence (chisei 住住), une puissance d’observation (kansatsu­ryoku 住住住) et de lecture (dokusho­ryoku 住住住) qui fera défaut aux générations suivantes32.

Il s’intéresse un temps à la composition de poèmes mais s’arrête assez vite. Il lit beaucoup. Après des études secondaires assez brillantes, il fait l’Ecole des postes et communications à Osaka. Il étudie trop intensément, se nourrit mal et contracte le béribéri. Toute sa vie, il tombera malade et frôlera le pire (1930, 1939, 1942, 1949). Il fait ensuite le cursus de l’Ecole normale en une année et trouve assez rapidement un poste d’instituteur. Dès lors, il passera d’un poste à un autre sans se fixer très longtemps. Dans ses cours, il introduit des séances en plein air, lui permettant d’initier les enfants au patrimoine naturel et aux objets du passé.

Il fonde la revue Kôshô bungaku 住住住住住住(Littérature orale) où YANAGITA Kunio publiera des articles. Dès 1932, il se consacre à l’étude de terrain dans les villages qu’il rejoint toujours à pied. Deux années plus tard, il est l’initiateur de réunions de recherches et de rencontres ayant pour thème le terroir. Il intègre plus ou moins le milieu officiel des chercheurs. Lors d’une de ces rencontres, en 1935, il fait la connaissance de SHIBUZAWA Keizô 住 住 住 住 * (1896­1963), petit fils de SHIBUSAWA Eiichi 住 住 住 住 (1840­1931) qui s’était illustré comme homme d’affaires ainsi que comme ministre des Finances pendant la Restauration. Keizô deviendra son maître à penser, presque un gourou. Il l’invite à intégrer l’Achikku myûzeamu 住住住住住住住住住住住* (Le musée des greniers) qu’il a fondé. La même année MIYAMOTO épouse TAMADA Asako 住住住住住. Il poursuit ses recherches de terrain, s’entretenant avec des vieillards souvent truculents (SAKON Kumata 住住住住). Deux ans plus tard, naît son fils aîné Chiharu 住住. En 1939, il renonce à l’opportunité de partir travailler en Mandchourie à cause de l’opposition de SHIBUSAWA. La même année, il quitte sa famille pour s’installer à Tôkyô, mais c’est pour mieux reprendre ses études de terrain. Dès 1940, il commence à photographier les gens et les lieux qu’il visite. Il s’intéresse à l’étude, à la classification et à la conservation des mingu 住 住 * (objets populaires traditionnels). Il multiplie les publications (articles, livres, participations à des ouvrages collectifs de référence). En 1943, naissance de sa fille Keiko 住住.

Pendant la guerre, on ne sait presque rien de ses activités. On sait par exemple que sa maison est incendiée en 1945 lors d’un bombardement. Il perd sa bibliothèque et ses manuscrits irremplaçables. L’année suivante, il retourne à la terre tout en étudiant les autres agriculteurs, puis il inaugure une

30 Professeur de philosophie française à l’Université Meiji (Meiji daigaku 「「「「) et essayiste (né en 1934). 31 TAKEDA reprend en partie les mots du biologiste IIJIMA Mamoru 「「「. 32 Meijijin no kyôyô 「「「「「「「「 (L’instruction des Hommes de Meiji), Tôkyô, Bunshun shinsho, Heisei XIV (2002), 198 p.. Cf. en particulier les chapitres I et II p. 1 à 22. A noter que le second (p. 18) évoque brièvement une anecdote concernant YANAGITA Kunio dont nous reparlerons plus loin. série de conférences d’agronomie auprès des exploitants, dans la mouvance du Shin­seikatsu undô 住住住住 住 (Mouvement pour une nouvelle vie quotidienne), ce qui lui permet de financer ses voyages d’étude. Sa femme donne naissance à un second fils qui meurt nourrisson.

Il poursuit ses études de terrain, certaines pour le compte d’organismes publics (Ministère de l’agriculture notamment). En 1952 naît son troisième fils, Hikaru 住. Il continue de participer à des groupes d’études et est membre d’un grand nombre de sociétés savantes.

En 1959, on lui diagnostique un ulcère du duodénum. La même année, il entreprend la rédaction d’une thèse de doctorat, Seto naikai tôsho no kaihatsu to sono shakai keisei 住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le développement des îles de la mer intérieure de Séto et la formation de leur société), qui deviendra Seto naikai no kenkyû 住住住住住住住住住 (Recherches sur la Mer intérieure de Séto). En même temps, il fait d’autres publications.

A partir de 1960, son œuvre reçoit des prix (Prix du Club des essayistes (Esseisuto kurabu­shô 住住住住住住住住 住住) ; Prix du Chûgoku pour la culture (Chûgoku bunka­shô 住住住住住)). En 1961, il obtient son doctorat (Université Tôyô 住住住住 ) et quitte la résidence de SHIBUSAWA. Il travaille ensuite brièvement à la Faculté d’études halieutiques de l’Université de la mer de Tôkyô (Tôkyô suisan daigaku 住住住住住住) et fait venir sa famille auprès de lui. En 1962 et 63, décèdent son maître YANAGITA et son mentor SHIBUSAWA. En 1964, il trouve un poste d’enseignant à l’Université des Beaux­Arts de Musashino (Musashino bijutsu daigaku 住住住住住住住). L’année suivante, il commence à travailler à la réalisation de documentaires télévisés en tant que consultant. En 1967, il enseigne à l’Université Waseda 住住住住住.

En 1975, à 67 ans, il fait sa première étude de terrain à l’étranger, au Kenya et en Tanzanie. Deux ans plus tard, il effectuera un deuxième voyage à l’étranger, cette fois à Chéju­dô 「「「 [住住住]33 (Corée). En 1979, il partira pour Taiwan et l’année suivante son dernier voyage à l’étranger sera en Chine, où il part accompagné de sa femme pour la première fois.

Sa dernière grande œuvre sera la fondation de l’Université du terroir de l’arrondissement de Tôwa (Tôwa­chô kyôdo daigaku 住住住住住住住).

A la fin de 1980, sa santé se dégrade. Il fait plusieurs séjours à l’hôpital où il décède le 30 janvier 1981, à l’âge de 73 ans. Il laisse une œuvre (publiée et posthume) titanesque (plus de deux­cents livres34 ou trois mille textes si l’on ajoute les articles35) couvrant les sujets les plus divers.

33 Cheju­do : lu en japonais indifféremment Saishû­tô 「「「「「「「 ou Cheju­do 「「「「「. 34 Selon notre recension personnelle. 35 D’après SANADA Yukitaka 「「「 「「「「, in Miyamoto Tsuneichi no densetsu 「「「「「「「「「(La légende de MIYAMOTO Tsunéichi), Kyôto, A’un­sha 「「「, août 2002, 330 p., préface p. ii. B/ Explication des termes employés et présentation de la méthode retenue

Avant toute chose, il nous semble nécessaire de donner au lecteur le sens de termes que nous allons employer au cours de cette étude, afin d’éviter l’ambiguïté et prévenir tout malentendu.

1) Ethnographie, ethnologie et anthropologie Avant de parler des mots japonais (b), prenons le temps de définir les notions françaises (a).

- a. Notions françaises :

Selon le Trésor de la langue française informatisé (TLFI)36 du CNRS,

Le même dictionnaire définit ainsi logiquement l’ethnographie :

De l’ethnologie à l’anthropologie, la distance se creuse avec l’ethnographie.

36 Consultable en ligne gratuitement à l’adresse suivante : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv4/showps.exe?p=combi.htm;java=no; Sa description est disponible à cette adresse : http://www.tlfi.fr/ On notera la différence extrême entre l’« anthropologie culturelle » (de l’anglais cultural anthropology), terme mondialisé au sens proche de celui d’ethnologie ou d’anthropologie (I A 1) et l’anthropologie physique (sens I A 2) (physical anthopology) proche de l’anthropométrie et de l’expertise légale.

Un peu à part, la sociologie explique sa position davantage par son Histoire et la personnalité de son fondateur (Auguste COMTE (1798­1857)) que par un objet qui serait fermé à l’ethnologie. Le TLFI explique que la sociologie est la : Pour résumer, ethnographie, ethnologie et anthropologie sont à la fois trois phases successives, trois métiers cumulables et trois branches de l’anthropologie au sens général37, elle­même une des sciences humaines. Même si historiquement l’ethnologie et l’ethnographie institutionnalisées furent créées avec pour vocation l’étude des populations primitives et/ou « exotiques », le critère géographique n’est aujourd’hui plus valable, l’ethnologie et l’ethnographie de son propre pays étant chose courante, et majoritaire dans certains pays, par exemple en Suisse. Ainsi ce qui aurait pu être et rester une science de l’altérité géographique et absolue devient une science de l’altérité relative des populations (compatriotes ou non) étrangères au milieu des chercheurs en ethnologie (c’est le seul critère exclusif aujourd’hui). Ce qui ne nous empêche pas de distinguer, de fait, les deux tendances de l’ethnographie et de l’ethnologie : l’ethnologie de soi (de son propre pays, de sa région, voire de sa ville ou de son quartier), et l’ethnologie de l’autre (de pays étrangers), l’un n’empêchant pas nécessairement l’autre. En allemand on distingue d’ailleurs entre deux termes : Volkskunde ­ « étude de son propre peuple » ­ et Völkerkunde ­ « description des peuples étrangers ». Ces deux tendances remontent à l’Antiquité, avec d’un côté Pausanias (grec, Lydie 115 ­ Rome 180) et la description de ses compatriotes et de leurs us et coutumes, et de l’autre Hérodote (­484 ou ­482 à ­425) qui décrivit la guerre entre cités grecques et empire perse en ­490, les coutumes des peuples et fournit de nombreuses anecdotes et

37 Marc AUGE synthétise ainsi l’anthropologie, y incluant plusieurs phases : la « combinaison d’une triple exigence : le choix d’un terrain, l’application d’une méthode et la construction d’un objet ». Marc Augé, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Aubier 1994, rééd. Champs Flammarion, 1997, 2003, chap. I, p. 9. analyses concernant les mœurs, religions etc. Thucydide (­471 à ­400) appartient à la nouvelle génération. Il se préoccupe peu d’anecdotes et cherche les raisons des choses. Il enquête auprès des intéressés. Il aimerait fournir des éléments d’interprétation pour les générations futures. Face à la guerre (entre Athènes et Spartes), il applique des catégories d’analyses proches de celles des médecins.

Quant à la sociologie, traitant historiquement des phénomènes urbains des sociétés d’où était issu le sociologue, elle a trois objets principaux : 1/ les rapports individu­société (les références sociales internes) ; 2/ la différenciation sociale (la stratification sociale) ; 3/ le changement social (l’évolution, les conflits sociaux).

La différence entre ethnographe et ethnologue­anthropologue recouvre souvent celle entre le chercheur de terrain et l’intellectuel de cabinet38. L’ethnographie seule concerne le terrain, ethnologie et anthropologie étant des phases et des disciplines d’intérieur. Mais ces deux disciplines sont elles­ mêmes à distinguer l’une de l’autre. Il s’agit d’abord d’une différence d’échelle, mais aussi d’une différence de point de vue. L’ethnologie est encore assez concrète, mais l’anthropologie, par l’analyse des mythes et une réflexion souvent philosophique, peut s’élever haut dans l’abstraction. Gilbert DURAND en est un bel exemple. MIYAMOTO, pour sa part, ne prétend pas être un anthropologue, encore moins un penseur. Il ne propose pas un paradigme, un système explicatif. Il se définit simplement (et agit) comme un minZokugakusha (nous expliquerons ce terme un peu plus loin), un chercheur de terrain. Il a tenté de rassembler des informations et de les présenter, tout en recensant les questions qui se posaient à lui au cours de son travail.

La différence entre sociologie et ethnologie tient avant tout à leur Histoire (ce qui inclut la personnalité de leurs fondateurs respectifs), laquelle entraîna une différence de sensibilité, d’approche. La sociologie s’intéresse ainsi à la société urbaine du pays du chercheur alors que l’ethnologie n’a plus de terrain de prédilection (que ce soit dans le pays du chercheur ou non, la seule condition étant l’extériorité au milieu des chercheurs en ethnologie).

Bien sûr, le travail du sociologue peut être précédé d’une recherche sur le terrain comparable à celle de l’ethnographie, et certains jeunes chercheurs revendiquent les deux appellations (voire les trois) : d’ethnologue et de sociologue voire d’ethnographe39.

Peut enfin se poser, à titre théorique, la différence entre sociologie et journalisme ou entre ethnographie et journalisme. Sans revenir sur les différences entre ethnographie et sociologie, on pourra s’en tenir aux trois remarques suivantes :

38 Ainsi par exemple au XVIIIème siècle le navigateur Bougainville réalisant un travail ethnographique repris et analysé chez eux par Voltaire, Rousseau ou Diderot. En revanche, le voyage du jeune Voltaire en Angleterre (1726) comporte quelques éléments ethnographiques. 39 Comme par exemple Nicolas RENAHY (Les gars du coin : Enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La Découverte, 2005, 288 p.). 1° le journalisme recherche généralement l’événement : une situation qui se répète quotidiennement l’intéresse moins qu’un bouleversement ;

2° le journalisme travaille plutôt sur le court terme, à la différence des sciences humaines ;

3° le journalisme s’intéresse essentiellement au présent (mais paradoxalement il devient de ce fait rapidement du passé, donc une source pour l’Histoire), alors que les sciences humaines citées concernent aussi bien le passé, le présent que l’avenir.

- b. Notions japonaises :

A l’occasion d’une mise au point40 épistémologique contre une certaine tendance de la sinologie française, incarnée par François JULLIEN, à exagérer « l’altérité [absolue] de la Chine »41, Jean­ François BILLETER, cite l’exemple de la traduction française du mot chinois dào 「 :

« le traducteur a toujours plusieurs possibilités. Dans le cas présent, le choix qu’il doit faire en premier lieu est de conserver dans sa traduction le mot « Tao » ou « Voie », pour signaler la présence d’une notion qu’il estime importante, quitte à proposer à son lecteur une phrase difficilement intelligible, ou bien de chercher à traduire d’abord la phrase où ce mot apparaît et à la rendre par une phrase française aussi simple et claire que la phrase chinoise. Le second procédé me paraît préférable. (…)42

»La langue chinoise n’est-elle pas caractérisée par une extraordinaire43 polysémie ? Point du tout. Le passage inverse, du français au chinois, pose les mêmes problèmes. (…)44 La polysémie est la règle et non l’exception, dans quelque langue que ce soit45. Un mot n’a de sens que dans une phrase, et ce sens se détermine négativement, par élimination des significations qu’il ne peut avoir dans le contexte donné. En matière de traduction, la difficulté vient de ce que les mots que l’on met en rapport, d’une langue à l’autre, ont des champs de signification qui ont des extensions différentes et qui ne se

40 Jean François Billeter, Contre François Jullien, Paris, Allia, 2006, 122 p.. 41 Serait­ce là une accusation d’« orientalisme » tel que le définit et présente Edward Said, à savoir une généralisation pseudo­savante, condescendante, visant à dominer tous les pays non occidentaux ? (Orientalism, London, Penguin Books, 1978, paru en français sous le titre : L’Orientalisme, Catherine Malamoud (trad.), Paris, Seuil, La couleur des idées, 1980, rééd. 2003, 2005, 426 p.). 42 Le texte continue ainsi : « Trop de sinologues continuent à poser a priori que la pensée chinoise est différente de la nôtre, puisqu’elle est fondée sur des notions telles que le Tao, et à traduire en conséquence, prouvant par leurs traductions ce qu’ils ont posé au départ. Mais le mot tao ne possède­t­ il pas une richesse de sens particulière ? » 43 Nous soulignons. 44 Jean François Billeter cite ensuite l’exemple du mot « grâce » en français, rendu différemment en chinois selon le contexte. 45 Nous soulignons. recouvrent qu’en partie. C’est pourquoi l’on fait violence aux textes en traduisant toujours un mot chinois de la même façon en français, sans égard pour le contexte (…)46.

»En vertu de la croyance naïve que chaque mot renvoie à une chose, nous partons à la recherche de la chose à laquelle ils correspondent. C’est de ce genre d’interrogation que naît la philosophie, selon Paul Valéry : “Presque toute la philosophie, note-t-il, consiste dans la recherche du sens absolu isolé des mots”47. »48 Pour résumer, il en résulte qu’« un choix de traduction suffit à créer le mirage d’un univers intellectuel entièrement séparé du nôtre »49.

C’est conscient de ces difficultés que nous avons essayé de définir et de traduire les notions suivantes en les distinguant le cas échéant.

Le terme (bunka) jinruigaku (宮宮)宮宮宮, tout d’abord, ne pose pas de problème. Il fut créé pour traduire l’anglais anthropology. Le bunka (culturelle) fut ajouté plus tard, suivant en cela la tendance du monde anglophone distinguant entre physical anthropology (anthropologie physique, morpho­ anthropologie) et cultural anthropology (anthropologie culturelle), plus proche de la conception européenne de l’anthropologie, bien que moins abstraite que cette dernière.

Les termes minZokugaku 宮宮宮 et minzokugaku 宮宮宮, en revanche, appellent davantage de remarques. Le premier minZokugaku 住住 住 (du chinois mínsúxué), que par convention, nous transcrirons avec un Z majuscule en son milieu – pour le distinguer du second minzokugaku 住 住 住 (du chinois mínzúxué),

46 Jean François Billeter prévoit la riposte : « Mais, m’objectera­t­on, n’y a­t­il pas tout de même, en chinois, comme dans nos langues, certaines notions philosophiques que le traducteur ne peut pas escamoter ? Si – mais, sur ce point aussi, faisons preuve d’esprit critique. On rencontre dans toutes les langues des mots désignant un tout que l’on serait bien en peine de définir, qu’on se représente de manière vague et dont on a cependant besoin pour s’exprimer – tels la “nature”, le “monde”, la “réalité”, le “réel”, l’“existence”, la “vie”, l’“esprit”, la “matière”, l’“espace”, le “temps”. Ces mots n’ont de sens défini que dans telle ou telle phrase, en liaison avec d’autres mots. Parfois cependant, pris d’un soudain vertige, nous nous demandons quel est leur sens propre. » Contre François Jullien, p. 54. 47 Paul Valéry, Cahiers I. Bibliothèque de la Pléiade, 1973, p. 649. Référence fournie par Jean­ François Billeter. 48 Jean François Billeter ajoute que : « Wittgenstein remarque, lui aussi, que les problèmes philosophiques apparaissent quand, au lieu de nous servir du langage, nous [nous] mettons à raisonner à partir de lui. (voir «“Philosophie”, extrait du Big Typescript publié dans Revue internationale de philosophie n° 169, Bruxelles, 1989, p. 197 ; référence de Jean François Billeter). Ils paraissent profonds, observe­t­il, parce que “les problèmes qui naissent de notre incompréhension des formes de notre langage nous donnent le sentiment de notre profondeur” (Recherches philosophiques, I, § 111, référence Jean François Billeter). Selon lui, la tâche unique du philosophe est de dissiper au contraire “l’ensorcellement de notre esprit par les moyens propres à notre langue” (Ibid., I, §109, référence de Jean François Billeter) ». Contre François Jullien, p. 55. 49 Contre François Jullien, p. 57. exactement homophone (住住住住 住 住 住 /minzokùgaku/)50 – désigne l’étude du folklore, des arts et traditions populaires et leur ethnographie, alors que le second désigne l’ethnologie, l’étude des ethnies. Le Seisen minZokugaku jiten 住住住住住住住住住51 donne du mot minZoku la définition suivante :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「52 (« En général, est employé dans le sens de coutumes (narawashi) des gens ordinaires (minshû) ou mœurs (fûzoku) et usages (shûkan) du peuple (minkan). Comme mots de la même famille, on trouve les mots d’origine chinoise dozoku [tŭsú] (coutumes du terroir), shûzoku [xísú] (us), fûzoku [fēngsú] (mœurs), kanshû [guànxí] (coutumes) et shûkan [xíguàn] (habitude), et les mots d’origine japonaise fûshû (usages du temps), kankô (pratiques), kanrei (précédents) etc.. Dans chacune de ces acceptions il y a de subtiles nuances, mais elles ont un point commun : la coutume (narawashi). Le mot minZoku fut importé [de Chine] dans l’Antiquité, mais sa diffusion n’a été observée que récemment (…) Jusque là, plutôt que le mot minZoku, on employait les termes techniques minkan denshô (transmissions populaires) ou encore fôkuroa (folklore) et à une époque, sous Meiji [1868­1912] et Taishô [1912­ 1926], il y avait aussi des chercheurs qui proposèrent dozoku (terroir) et dozokugaku (étude du terroir) et on trouvait même des partisans qui considéraient dozoku (terroir) et minZoku comme un même concept. »)

L’article continue avec de nombreuses précisions et distinctions53, mais nous nous en tiendrons là pour le moment. Quant à la minZokugaku – l’étude de la minZoku – elle est définie de la façon suivante par le même ouvrage54 :

50 Les mots, homophones en japonais, se prononcent de façon différente en chinois, ce que montre leur transcription en pīnyīn. Cf. Kinda’ichi Haruhiko 「「「「「 (dir.), Shinmeikai Nihongo akusento jiten 「「「「「「「 「「「「「(Nouveau dictionnaire Meikai des intonations du japonais), Tôkyô, Sanseidô, 2002, 931+110 p., p. 822, II. 51 FUKUDA Ajio 「「「「「, KANDA Yoriko 「「「「「, SHINTANI Takanori 「「「「, NAKAGOMI Mutsuko 「「「「, YUKAWA Yôji 「「「「 et WATANABE Yoshio 「「「「 (dir.), Seisen Nippon minZoku jiten 「「「「「「「「 (Dictionnaire raisonné d’ethnographie du folklore du Japon), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan, 2006, 692 p. 52 Article de HIRAYAMA Kazuhiko 「「「「. 53 On comparera cette définition avec celle du Daijisen 「「「「「 (Tôkyô, Shôgakukan), dictionnaire généraliste : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Mœurs (fûzoku) et usages (shûkan) transmis depuis longtemps dans le peuple (minkan) »). 54 Définition du Daijisen : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Science qui, par une étude des transmissions populaires (minkan denshô), étudie principalement l’Histoire du développement de la vie quotidienne et des cultures des gens ordinaires. Apparue en Angleterre, elle fut systématisée au Japon par des gens comme YANAGITA Kunio ou ORIKUCHI Shinobu. Folklore »). 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 folklore「「「「「「 Volkskunde 「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「55 (« Discipline qui, à partir des phénomènes collectifs humains transmis de génération en génération, met en lumière le déroulement historique des cultures de la vie quotidienne et, par ce faire, étudie les cultures de la vie quotidienne contemporaine. Terme qui correspond aux mots anglais folklore et allemand Volkskunde. A la base, la minZokugaku est une méthode qui vise à comprendre le monde dans sa dimension historique (rekishi­teki sekai) [et qui y parvient, d’une part], en enquêtant et en analysant « les phénomènes selon lesquels (dans une unité ou un groupe­échantillon d’étude déterminé), les gens d’aujourd’hui observent des pratiques, détiennent des connaissances transmises par les générations précédentes et les conservent comme concepts » ­ ce qui correspond proprement à la minZoku – et [d’autre part], en mettant en lumière les cultures de la vie quotidienne passées d’une génération à une autre, ainsi que leurs processus de changement. »)

Là encore, l’article continue en établissant des distinctions et en précisant des points de détails.

MIYAMOTO Tsunéichi, toute sa vie, se définit comme un minZokugakusha 住住住住, et non comme un shakaigakusha 住住住住 (sociologue) ni comme un rekishigakusha 住住住住 (historien), alors que certaines de ses œuvres comportent des aspects historiques. Dans ces cas­là, il se désignera comme un minZokugakusha faisant une digression historique en se basant sur le travail des historiens.

MIYAMOTO, selon nous, plutôt qu’un « ethnographe du folklore », est davantage un « folklographe » – qu’on nous pardonne ce néologisme – bien que le mot français « folklore » inclut un champ d’investigation plus limité que le japonais minZoku 住住.

Pour synthétiser, nous pourrions donner la définition suivante de la minZokugaku. C’est l’étude systématique, à partir d’un recensement d’information recueillies sur le terrain, des informations géographiques, historiques et humaines ayant trait à la vie des gens ordinaires, essentiellement à la campagne, et portant notamment sur les arts et traditions populaires, les coutumes (y compris les pratiques religieuses) et les métiers traditionnels.

2) Le folklore et l’identité

- a. Le folklore :

La définition du Trésor de la langue française informatisé rend parfaitement compte de la polysémie et du changement radical de nuance du sens premier aux sens dérivés :

55 Article de FUKUDA Ajio 「「「「「. On constate ici que la minZokugaku, si elle englobe totalement la définition du folklore (A) et est elle­ même un folklore (sens B), ne s’y limite pas puisque, comme nous l’avons dit plus haut, elle englobe les éléments historique, géographique et économique.

– b. L’identité :

Pour l’identité, nous reprenons la définition de LABURTHE­TOLRA et WARNIER (1993) qui voient dans l’identité un « principe de cohésion intériorisé par une personne ou un groupe. Elle consiste en un ensemble de caractéristiques partagées par les membres du groupe, qui les identifie au sein du groupe, et les différencie des membres des autres groupes.

C’est un processus inscrit dans le temps, de sorte qu’il serait préférable de parler d’identifications (variables) plutôt que d’identité (donnée une fois pour tous) »56. Cette définition a le mérite de se prêter particulièrement bien au contexte de la description miyamotienne, qui insiste justement sur les caractères de cohésion au sein du groupe, de différence avec les autres groupes, de variabilité (hensen 住住, transition, évolution) et de temporalité (car MIYAMOTO fait œuvre d’historien pour chaque objet ou pratique qu’il présente). Car l’identité est, sinon une illusion, du moins une construction, et susceptible à ce titre d’évolutions à l’échelle même d’un simple individu.

56 Philippe Laburthe­Tolra & Jean­Pierre Warnier, Ethnologie / Anthropologie, Paris, puf, Quadrige, 1ère éd. 1993, rééd. 2003, 428 p., p. 366. II Approche matérielle de cette étude

Pas plus que notre sujet – et modèle – nous ne tenons à négliger l’évocation, pour brève qu’elle soit, de l’aspect concret de cette recherche.

Nous avons procédé au recensement des œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi, nous aidant des bibliographies déjà un peu anciennes, de TAMURA Zenjirô57. Sont venus ensuite différents entretiens avec des personnalités au premier rang desquelles il convient de citer le professeur KOJIMA Takao 住住住 住 de Tôkyô, l’un des derniers disciples de MIYAMOTO. Nous avons aussi interrogé M. HIMEDA Tadayoshi 住住住住, réalisateur de documentaires ethnographiques, notamment sur les Aïnous, et directeur du Minzoku bunka eizô kenkyûsho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Centre de recherche sur la documentation visuelle ethnographique), qui travailla avec MIYAMOTO lui­même, ainsi qu’avec de nombreux chercheurs en minZokugaku (MIYAMOTO Kesao 住住 住住 住 58) comme dans d’autres domaines (par ex. NAKAHIRA Ryûjirô 住住住住住 , chercheur en Histoire des toponymes). Les autres entretiens, plus informels, se sont déroulés sur les lieux de notre étude de terrain, à savoir d’une part l’ouest de Honshû, et plus particulièrement Suô Ooshima, et le Tôhoku d’autre part, où nous sommes partis, sur les traces de MIYAMOTO, à la recherche des matagi 住住住 [住住]*, les chasseurs d’autrefois. Nous avons visité des centres de recherches (dont les deux consacrés à MIYAMOTO Tsunéichi) et des musées de mingu 住住* (objets traditionnels populaires) dont nous avons établi le catalogue photographique des collections. Rencontrer la famille MIYAMOTO, à Shitata (sur Suô Ooshima) fut une expérience des plus enrichissantes. Connaître cette famille nous permit en effet d’avoir accès à des documents privés, comme des photos personnelles et des textes inédits (dont le Byôkan­roku 住住住住住(« Notes de maladie ») que nous reproduisons en annexe)59.

Notre corpus, dont le lecteur trouvera la liste complète en annexe, se compose donc non seulement des œuvres de MIYAMOTO, publiées et inédites, mais aussi évidemment des ouvrages publiés sur lui depuis quelques années, en faible mais constante augmentation, de l’ordre d’une dizaine d’ouvrages par an. Pour ce qui est des œuvres de MIYAMOTO, on remarque deux choses : leur publication n’a jamais cessé et a toujours trouvé son public. Les rééditions sont donc fréquentes, en particulier depuis les cinq dernières années, et l’on voit apparaître, en particulier chez l’éditeur Iwanami 住 住 dans la collection Iwanami gendai bunko 住 住 住 住 住 住 60, des recueils posthumes d’articles tirés de revues

57 Notamment celle figurant à la fin d’Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsu­shi (1981, 2003), p. 232. 58 Le professeur MIYAMOTO Kesao n’est pas de la famille de MIYAMOTO Tsunéichi. 59 Avec l’accord de la famille Miyamoto. 60 Collection que l’on reconnaît à sa bande verte, qui la différencie de la collection Iwanami bunko 「「「「 (tout court) à tranche saumon (et bande de couleur selon le pays de l’auteur et le genre de l’ouvrage) dans laquelle sont publiés les « livres » tels que les avait conçus leur auteur. scientifiques ou de livres non encore réédités, et organisés autour d’un thème, ou d’une approche particulière. Ainsi par exemple les quatre voyages de MIYAMOTO à l’étranger, dans Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住61 (Miyamoto Tsunéichi va marcher en Afrique et en Asie)62.

De toutes les œuvres de MIYAMOTO, y compris sa monumentale thèse de doctorat (Seto­naikai no kenkyû 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Recherches sur la Mer intérieure de Seto)63, 720 pages, plus les cartes), c’est certainement son journal64 qui constitue la masse la plus dense65.

Ces points étant précisés, il nous semble alors adéquat d’annoncer la question centrale qui parcourt notre réflexion, à savoir celle de l’identité rurale telle qu’étudiée par une discipline en train de se constituer et l’inscription active de celle­ci dans l’Histoire, avec les limites qu’une telle entreprise suppose. En effet, qu’est­ce que la minZokugaku miyamotienne et comment en est­il arrivé à l’élaborer ? La présente thèse n’étant pas une étude ethnologique, ce à quoi nous n’avons jamais prétendu, notre approche sera à la fois biographique, épistémologique et « japonologique ».

Cela nous amènera à organiser cette étude selon une structure binaire par laquelle nous présenterons la formation et la méthode de MIYAMOTO (première partie), avant de nous demander comment l’Histoire et la notion de patrimoine constituent un renouveau dans les études sur la japonité (Nihonjin­ron 住住住住) (seconde partie).

On aura compris les raisons qui nous poussèrent à choisir MIYAMOTO Tsunéichi comme sujet de thèse. Sans compter la réserve quasi­inépuisable d’informations (dont de nombreux témoignages aujourd’hui irremplaçables) et d’objets recueillis qu’il présenta dans son œuvre (comportant quelques chefs­d’œuvre66) et qui fera longtemps le bonheur des chercheurs tant japonais qu’étrangers, il fut un de ceux qui, selon nous, sut le mieux questionner l’identité de son peuple (comme nous tenterons de le montrer), ne prenant rien pour acquis qu’il ne l’ait expérimenté par lui­même. Il le fit avec une simplicité de cœur tout autant que d’expression. Son approche, pourrait­on dire, inscrit (en la sauvegardant par écrit) la tradition au sein de la Modernité, voire de l’« hyper­modernité ».

61 Tôkyô, Iwanami gendai bunko, 1ère éd. 2001, rééd. 2003, 346 p.. 62 On pourrait encore citer Sora kara no minZokugaku 「「「「「「「「「 (L’ethnographie du folklore vue du ciel) (2001) ou Onna no minZoku­shi 「「「「「「「(Articles sur le folklore des femmes) (2001), tous deux chez le même éditeur. 63 Tôkyô, Miraisha, 1ère éd. 1965, rééd. 2001, 32 000 Y(HT). 64 Shashin.nikki shûsei 「「「「「「「「「(Recueil des photographies et du journal), Tôkyô, Asahi shimbun­sha, 2005. 65 … et la plus chère (60 000 Y(TTC)), notamment en raison de son format (trois volumes A4 de 230, 480 et 500 pages avec textes sur quatre colonnes), du luxe de sa présentation (papier glacé, pages en couleur abondamment illustrées de toutes les photographies professionnelles de l’auteur, coffrets cartonnés dans un grand coffret de carton). 66 Qu’il nous suffise de citer Wasurerareta Nihonjin, Shio no michi, Minkan­reki… dont nous reparlerons plus loin. Sa notoriété parmi les spécialistes, de son vivant, et l’admiration de ses disciples ne le rendirent pas plus orgueilleux. Au contraire, il ne se montra que plus exigeant avec lui­même, sans doute au détriment de sa santé.

Notons enfin que cette étude se veut aussi un hommage à l’occasion du centième anniversaire de cet auteur.

Note : Exemples d’auteurs citant MIYAMOTO Tsunéichi I Auteurs français et occidentaux citant MIYAMOTO :

MIYAMOTO Tsunéichi n’a pas fait jusqu’à présent l’objet d’une étude particulière. Toutefois, on trouve son nom parfois cité dans des travaux de japonologie et/ou de minZokugaku occidentaux. Ainsi avons­nous pu trouver mention de son nom :

­ Dans des travaux universitaires sur l’ethnographie japonaise :

En français : Jean­Michel BUTEL67 (traduit actuellement Wasurerareta Nihonjin), qui travaille avec l’Université de Toulouse­Le Mirail et son pôle « ethnologie du Japon » fondé par Anne Bouchy ;

­ Dans des livres et des articles, mais en bibliographie :

En français : Yves BOUGON68, Nathalie KOUAME69, Jacqueline PIGEOT70,

En anglais : Jeffrey IRISH71

­ Dans des travaux universitaires :

Ex. : mémoire de master de David C. MORETON (University of British Columbia)72

67 Son site : http://cf.geocities.com/jmbutel3/ Son projet de recherche où il évoque MIYAMOTO : http://inalco­front1.heb.fr.colt.net/IMG/doc/butel_recherche.doc. 68 Yves Bougon, « Réapprendre la Chine », Critique internationale, n°1, automne 1998, Paris, Presses de Sciences Po, 8 p.. 69 Nathalie Kouamé, Pèlerinage et société dans le Japon des Tokugawa : Le pèlerinage de Shikoku entre 1598 et 1868, Monographie 188, Paris, Ecole française d’Extrême­Orient, 2001, 317 p.. 70 Jacqueline Pigeot, Michiyuki­bun : Politique de l’itinéraire dans la poétique du Japon ancien, Paris, Editions G. P. Maisonneuve et Larose, 1982, 400 p.. 71 Jeffrey Irish (trad.), « Chasing Folksongs – Miyamoto Tsuneichi » (« A la chasse aux chants folkloriques »), Kyoto journal : Perspectives from Asia, KJ 63, New York, 2006. 72 David C. Moreton, The History of Charitable Giving Along the Shikoku Pilgrimage Route (L’Histoire de la charité sur la route du pèlerinage à Shikoku), A Thesis Submitted in Partial II Exemples d’auteurs japonais :

Dans cette catégorie, les auteurs sont considérablement plus nombreux, et les citer tous ici ferait double emploi avec la bibliographie finale. Voici seulement quelques exemples :

Dans des conférences : par ex. : ­ OOSHIMA Hideki 住 住 住 住 73 (maître de conférence à l’Université de Risshô 住住住住)74 qui parle de « topophilie » (topophilia) de MIYAMOTO.

­ TANIGAWA Ken’ichi 住住住住 (ethnographe des traditions) s’entretient avec SANO Shin’ichi 住住住住, grand spécialiste de MIYAMOTO (avec TAMURA Zenjirô 住住住住住)75.

On peut trouver à l’heure actuelle (2007) quatre types d’ouvrages concernant spécifiquement MIYAMOTO Tsunéichi :

1. les récits de disciples qui s’attachent à l’aspect biographique (les auteurs du Miyamoto Tsuneichi tsuitô bunshû/ Dô­jidai no shôgen 住住住住住住住住住住住住住住住 (Témoignages d’une époque : Recueil de textes en hommage à Miyamoto Tsunéichi)) ;

2. les récits de voyageurs sur les traces du grand marcheur (KIMURA Tetsuya 住住住住, MÔRI Jimpachi 住住 住住 etc.) ;

3. les études sur la vie et l’œuvre (deux partisans : SANO Shin’ichi 住住住住, NAGAHAMA Isao 住住住, et un adversaire : SANADA Yukitaka 住住住 住住住住).

4. les recueils d’articles de journaux (SATAO Shinsaku 住住住住住, l’équipe du Yomiuri shimbun etc.)

Il est à espérer que des chercheurs étrangers produiront à l’avenir une analyse poussée et objective de cette œuvre que la présente étude entend présenter.

Fulfillment of the Requirement ofr the Degree of Master of Arts in the Faculty of Graduate Studies, The University of British Columbia, mai 2001. Miyamoto y est cité p. 99, de même que Nathalie Kouamé. 73 (1er nove. 2006) http://shinri.rissho.jp/teacher/t_020.html. 74 « Seeking 'Topophilia' – Learning through walking, watching and hearing » (« A la recherche de la “topophilie” : Apprendre en marchant, observant et écoutant »), intervention à l’International Congress on Environmental Ethics and Environmental Education in Thailand: Environmental Enducation for Environmental Ethics (Congrès international sur l’Ethique environnementale et l’éducation à l’environnement en Thaïlande : Education à l’environnement et éthique environnementale), 3rd Congress of the International Association of Earth Environment and Global Citizen, 20 août 2000. http://www.nk.rim.or.jp/~fumiaki/eng/thai/thaienglish.html 75 Sano Shin’ichi (sekinin henshû 「「「「 (sous la responsabilité de「)), Miyamoto Tsuneichi tabi suru minzokugakusha 「「「「「「「「「「「 (Miyamoto Tsunéichi, ethnographe folkloriste qui voyageait), Kawade Michi no techô KAWADE 「「「「, Kawade shobô shinsha 「「「「「「, Tôkyô, avril 2005, rééd. juin 2005, 200 p. (en deux ou trois colonnes) Première partie. Une méthode à la recherche de l’identité

La présentation matérielle des livres de MIYAMOTO Tsunéichi :

Parler de la forme matérielle des livres eux­mêmes peut paraître anecdotique au premier abord, toutefois c’est un des éléments qui permettent d’avoir une idée du public auquel l’éditeur, et parfois l’auteur lui­même, les destinent.

La première chose qui frappe, c’est le contraste absolu entre ses livres publiés individuellement, et l’édition des Oeuvres (Mirai­sha). Les livres sont publiés chez différents éditeurs, le plus souvent des éditeurs spécialisés dans les sciences humaines comme Mirai­sha 「「「, ou Kawade shobô 「「「「 – lequel soigne particulièrement la présentation matérielle de ses publications miyamotiennes, avec des couvertures cartonnées sous jaquette, des illustrations adéquatement choisies et du beau papier – mais aussi chez de grands éditeurs « polyvalents » comme Iwanami, Kôdansha et Heibonsha. Chez ces derniers, les livres bénéficient généralement d’une couverture illustrée, et les photographies, cartes et dessins des éditions originales sont reproduits, sauf exception76, non sans jouer parfois sur la vague de la nostalgie de Shôwa, assez porteuse, compte tenu du vieillissement à la fois de la population et du type de lecteurs susceptibles de s’intéresser aux ouvrages traitant des coutumes d’autrefois.

Souvent l’orthographe a été modernisée pour suivre les règles en vigueur depuis l’après­guerre : passage de l’ancienne orthographe syllabique (kyû­kanadzukai 「「「「「)77 à la nouvelle (shin­kanadzukai 「 「「「「「 [ 「「「「「 ]), diminution du nombre de kanji utilisés pour écrire les articles, adverbes etc., normalisation des terminaisons en kana (okurigana 「「 「「 ) des mots dont la racine est écrite en sinogramme etc. Mais nous n’avons trouvé aucun cas de censure ou de modification du texte lui­ même. L’éditeur Iwanami, dans un souci tout américain de correction politique, insère cependant à la fin de chacun des livres de MIYAMOTO Tsunéichi qu’il publie la phrase suivante : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Dans ces textes, il y a des expressions discriminatoires etc., mais,

76 Les photographies sont généralement de MIYAMOTO Tsunéichi lui même, mais il arrive qu’elles aient été prises pas ses collaborateurs ou des photographes professionnels, dans ce cas, leur nom est bien sûr mentionné quand il a été retrouvé (ex. : Sora kara no minZokugaku, 2001 avec des photos notamment de SUTÔ Isao 「「「). 77 Le kyû­kanadzukai est surtout présent dans les œuvres de jeunesse, MIYAMOTO Tsunéichi n’étant pas contrariant et adaptant son orthographe assez facilement à la mode du temps. considérant l’époque du texte et le fait que [leur] auteur est [aujourd’hui] décédé, nous les avons laissés tels quels »). Voir de la discrimination dans les textes de MIYAMOTO Tsunéichi ne peut être dû qu’à une méconnaissance du sens des mots dans le contexte de l’époque. En effet, cet avertissement doit probablement viser des termes comme :

– « Shina 「「 [「「] » ([le royaume des] QÍNG [「] déformé avec l’accent japonais, et par extension « la Chine ») qui n’a rien de péjoratif pour un francophone à cause de la ressemblance phonétique avec le mot français mais qui aujourd’hui a pris une connotation si négative en japonais qu’on a renoncé à l’employer, au profit du seul Chûgoku 「「 (la Chine, le « pays du milieu »).

– « Nisshi jihen 「「「「 » (« l’incident nippo­chinois ») pour évoquer la guerre sino­japonaise Nisshin sensô 「「「「 (« la guerre nippo­QĪNG »).

– « buraku 「「 » (village, localité, ghetto) utilisé aussi bien pour désigner un village qu’un ghetto de « burakumin 「「「 », les hors classes du Japon, les paria. Ce terme, neutre en soi, évoque des situations de discriminations dont le Japon a aujourd’hui encore peine à parler, malgré les tentatives timides de certaines municipalités78 de faire appliquer l’égalité protégée par la loi depuis Meiji. MIYAMOTO, par l’entreprise révolutionnaire de Nihon zankoku monogatari 「 「 「 「 「 「 「 「 (Contes cruels du Japon) (1960), entrera clairement dans la lutte visant à faire la lumière, objectivement et scientifiquement79, sur ce tabou du Japon, afin de mettre fin à cette situation. Cet ouvrage collectif dont il assura la direction fit d’ailleurs date en lançant (involontairement) la mode des études, mais aussi des fictions80, sur la cruauté.

Une lecture attentive des textes de MIYAMOTO nous montre sans ambiguïté le respect, voire l’affection, que portait MIYAMOTO Tsunéichi à ses sujets d’étude et son respect de l’humain en général.

Quant à l’édition des Œuvres, comme nous l’annoncions, l’aspect matériel est tout autre. Dans un souci de respectabilité, afin sans doute de lever les derniers doutes qui demeureraient sur le sérieux du travail de MIYAMOTO Tsunéichi, l’éditeur Mirai­sha81 a opté pour une présentation à l’ancienne, avec des volumes à couverture non illustrée sous cartonnage beige peu attrayants. D’ailleurs MM. SANO Shin’ichi 「「「「 (biographe et spécialiste de MIYAMOTO Tsunéichi) et TANIGAWA Ken’ichi 「

78 Par exemple celle de Nara, (ville où la ségrégation est la plus vivace et la plus violente), avec des affichages à proximité des universités notamment. 79 Rappelons que cet ouvrage est paru en 1960. Avec les critères d’aujourd’hui, on le jugerait plus sévèrement. Les textes qui sont comparés sont par exemple d’époques différentes et mis sur un même pied de comparaison. (remarque de l’ethnologue spécialiste en cultures comparées UMESAO Tadao 「「 「「 cité par SANADA Yukitaka 「「「「「「「 in Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 11, p. 261. 80 Au nombre desquelles le film éponyme d’OOSHIMA Nagisa 「「「 : Seishun zankoku monogatari 「「「「「 「「「 (Contes cruels de la jeunesse) 81 Bien que l’édition eût débuté du vivant de MIYAMOTO Tsunéichi, on peut déduire de ce qui suit que ce choix fut celui de l’éditeur seul. 「「「 (anthropologue et essayiste)82 déplorent cette présentation trop austère et inaccessible à un large public. MIYAMOTO semble être du même avis, au moins pour ce qui est de la réédition, dans ses Œuvres, en 1968, d’un de ses ouvrages destinés à la jeunesse83. Il parle d’une reliure un peu prétentieuse dans son austérité (« shikatsume­rashii 「「「「「「「 »). On peut enfin remarquer à leur propos l’absence de notes explicatives et la présence non systématique d’une simple postface, le plus souvent due à TAMURA Zenjirô 「「「「「, bien seul pour réaliser une tâche aussi monumentale.

Comme nous l’évoquions dans l’introduction, si la tendance est à la republication d’ouvrages de MIYAMOTO Tsunéichi indisponibles depuis des décennies, on a vu quelques exemples d’ouvrages thématiques conçus après la mort de MIYAMOTO Tsunéichi à partir d’articles divers et de textes de conférence : ainsi Sora kara no minZokugaku (2001), Josei no miZoku­shi (2001) et Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku (2001) chez Iwanami gendai bunko (collection verte), et Nihon bunka no keisei (2005), chez Kôdansha gakujutsu bunko84. Le cas de ce dernier livre récent est assez particulier. Il reprend en effet le titre d’un ouvrage en trois volumes aujourd’hui épuisé85 (dont nous traiterons dans la seconde partie) et le contenu complet de son troisième volume, lequel est un texte posthume retrouvé à l’état manuscrit (ikô 「「 ). Il faut donc rester prudent avant de parler de choix posthume ou de recueil conçu par l’auteur. Dans ce dernier cas une analyse, même brève, de la structure du livre peut être faite, alors qu’elle n’a pas autant lieu d’être concernant un ouvrage thématique réalisé par d’autres à titre posthume, pour excellent que soit le choix en question (jusqu’à présent ce fut toujours le cas), c’est à dire reprenant le texte intégral de chacun des articles ou interventions en tâchant d’être le plus complet possible (voire exhaustif, dans le cas de Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku).

On voit également paraître, toujours chez les mêmes éditeurs, des recueils d’entretiens, le plus souvent des rééditions d’entretiens parus dans des revues aujourd’hui non disponibles pour les non

82 Dans « Tabi suru minzokugakusha / Ima naze Miyamoto Tsuneichi na noka » 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Un ethnographe folkloriste qui voyage – Pourquoi MIYAMOTO Tsunéichi aujourd’hui ? »), entretien inédit dans SANO (2005), p. 56 à 71, en particulier p. 70. 83 OM7, 300. Postface à la réédition (Shimpan kôki 「「「「) de Nihon no mura (1948) dans le cadre d’OM (p. 297­300). 84 Chacun de ces trois ouvrage porte la phrase suivante en fin de volume : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Le présent ouvrage a été compilé sous une forme nouvelle pour Gendai Iwanami bunko »). 85 Publié dans la collection Chikuma gakugei bunko 「「「「「「「 chez Chikuma shobô 「「「「, 1994. chercheurs. C’est le cas par exemple de Nihonjin wo kangaeru 「「「「「「「「「86 (Penser les Japonais) (2006) et de Tabi no minZokugaku 住住住住住住住87 (Ethnographie du voyage) (2006).

Afin d’étudier la méthode de MIYAMOTO Tsunéichi, il convient de s’interroger sur la formation intellectuelle de cet auteur (I), ce qui nous amènera ensuite à présenter concrètement sa manière de travailler (II).

I (Chapitre I) : La formation de MIYAMOTO Tsunéichi

MIYAMOTO Tsunéichi eut une formation atypique : il fut successivement élève de l’école des postes (Teishin gakkô 「「「「), puis de l’école normale de Tennôji (Tennôji shihan gakkô 「「「「「「「), et reçut enfin l’enseignement de maîtres, à l’ancienne, YANGITA Kunio au premier plan.

A/ La formation intellectuelle de MIYAMOTO Tsunéichi

MIYAMOTO, dès son enfance, à défaut de beaux habits, disposa chez lui de livres et put continuer de s’en procurer jusqu’à ce qu’il quittât le domicile parental, situation assez rare à Suô Ooshima88.

Par la suite, enseignant dans le primaire, il continua d’acquérir des livres. Son professeur MORI Shinzô, venu lui rendre visite chez lui, s’étonne :

86 Tôkyô, Kawade shobô shinsha, 1ère éd. mars 2006, 237p.. On y trouve sept entretiens avec : MUKA’I Junkichi 「「「「 (1901­1995) (ethnologue du Japon), OOYA Sôichi 「「「「 (1900­1970) (essayiste), URAYAMA Kirio 「「「「 (1930­1985) (réalisateur), KUSAYANAGI Daizô 「「「「 (1924­2002) (critique) & USU’I Yoshimi 「「「「 (1905­1987) (écrivain et critique littéraire), HAYAMI Akira 「「「 (1929­) (historien de l’économie et de la démographie), NOMA Hiroshi 「「「 (1915­1991) (écrivain) & YASUOKA Shôtarô 「「「「「 (1920­) (écrivain) et avec AOKI Hajimé 「「「 (1911­2003) (pédagogiste). 87 Tôkyô, Kawade shobô shinsha, 1ère éd. août 2006, 211 p.. Onze entretiens avec : TSUKUBA Hisaharu 「「「「 (1930­) (historien de l’agriculture, des sciences et technique), AKIMOTO Matsuyo 「「「「 (1911­2001) (dramaturge), MARUYA Saiichi 「「「「 (1925­) (écrivain) & KINO Kazuyoshi 「「「「 (1922­) (spécialiste du bouddhisme), EGAMI Namio 「「「「 (1906­2002) (archéologue) & KOKUBU Nao’ichi 「「 「「 (1908­2005) (archéologue), MIZUKAMI Tsutomu 「「「 (1919­2004) (écrivain), MATSUTANI Miyoko 「「「「「 (1926­) (écrivain(e)) & Matsunaga Go’ichi 「「「「 (1930­) (poète), SUGIMOTO Sonoko 「「「 「 (1925­) (écrivain(e)), NAKANISHI Chikashi 「「「 (1929­) (spécialiste des transports), KÔNO Michihiro 「「「「 (1919­) (spécialiste de géographie humaine), YAMAZAKI Tomoko 「「「「 (1932­) (essayiste, chercheuse en études féminines) & MOZAI Torao 「「「「 (1914­) (archéologue de la mer) et avec ARAGAKI Hidéo 「「「「 (1903­1989) (critique social). 88 YONEYASU Akira 「「「 , « Miyamoto sensei to nôgyô » 「「「「「「「「「 (« Le professeur Miyamoto et l’agriculture »), in Miyamoto Tsuneichi / Dô­jidai no shôgen 「「「「「「「「「「「「「(MIYAMOYO Tsunéichi, témoignages contemporains), Nihon kankô bunka kenkyûsho , Tôkyô, 1981, rééd. augm. Heisei 16 (2004). 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「89 (« Je me demande si c’était peut­être son cabinet de travail ou son salon de réception des visiteurs, mais, introduit dans cette pièce, je fus étonné. Je m’explique : c’est parce que la collection de livres et de documents qu’il stockait, tout en faisant le professeur des écoles à cette époque­là, était ce qu’on devrait appeler une grande et vraiment dense bibliothèque (raiburarî) ».)

Cela est d’autant plus admirable qu’à cette époque, le salaire des instituteurs était minime et que MIYAMOTO ne mangeait pas à sa faim tous les jours. Les nourritures de l’esprit lui étaient donc aussi nécessaires que celles du corps.

Malheureusement, cette bibliothèque devait disparaître avec sa maison lors d’un bombardement aérien. La bibliothèque de MIYAMOTO, telle qu’elle nous est parvenue est donc sa deuxième bibliothèque. Elle comptait quelques ouvrages en langue anglaise90, langue que MIYAMOTO ne parlait pas (il le dit explicitement dans plusieurs de ses textes, notamment celui sur son voyage en Afrique91) mais dont il avait dû acquérir des rudiments à l’école normale, rudiments suffisants en tout cas pour permettre la lecture d’ouvrages littéraires. Ce qui frappe lorsqu’on établit la liste des ouvrages composant la bibliothèque personnelle de MIYAMOTO Tsunéichi telle qu’elle nous est parvenue92, c’est, parmi les traductions d’ouvrages étrangers, non pas la présence de Jean Henry FABRE93 (1823­ 1915) (plus connu au Japon que dans sa propre patrie) ou d’auteurs ayant vécu au Japon comme Lafcadio HEARN (1850­1904), le japonologue Basil Hall CHAMBERLAIN (1850­1935), le zoologue et archéologue Edward Sylvester MORSE (1838­1925) ou le diplomate Ernest SATOW (1843­1929) (Un diplomate au Japon), mais la présence d’ouvrages de penseurs européens d’extrême gauche (Pyotr KROPOTKINE, Max STIRNER (1806­1856), August BEBEL (1840­1913)). Ce genre de livres était effectivement jusqu’au début des années 1970 l’objet d’une intense activité de traduction, et il était à la mode parmi les jeunes intellectuels japonais du début du XXème siècle de (prétendre) s’en

89 MORI Shinzô, « Oshieta hito futari – MinZokugakusha Miyamoto Tsuneichi­shi »「「「「「「「「――「「「「「「「 「「「(« Deux personnes à qui j’ai enseigné – Miyamoto Tsunéichi »), in Zenshû「「「「(Œuvres complètes), tome XXIII, cité par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 5, p. 110. 90 De STEINBECK par exemple. On sait aussi que MIYAMOTO aidait le professeur MORI (dont nous reparlerons plus bas) à traduire en japonais un ouvrage de critique littéraire en langue anglaise, Recherches modernes sur la littérature, d’un certain MORTON. SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 49. 91 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, Tôkyô, Iwanami gendai bunko, p. 3 :「「「「「「「「「「「「(« je ne parle pas suffisamment les langues étrangères »). 92 La grande majorité de ces ouvrages est stockée au Suô Ooshima bunka kôryû sentâ 「「「「「「「「「「「「 (Centre des relations culturelles de Suô Ooshima) (cf. annexe) dans un 「 / 「 (silo de forme traditionnelle) dont l’accès est réservé aux chercheurs. Une petite partie restante est détenue par son fils cadet Hikaru. 93 Auteur cité par exemple dans : MinZokugaku no tabi, chap. 6, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 65. inspirer. Le concept de lutte des classes devait probablement être très stimulant pour l’imagination des intellectuels japonais.

MIYAMOTO possédait également dans sa première bibliothèque une traduction d’un essai historique d’André MAUROIS exposant les causes de la défaite française.

De Pyotr Alexevitch KROPOTKINE (1842­1921), il parle avec admiration, même si la connaissance de son œuvre fut indirecte et masquée par l’ombre de son génial traducteur OOSUGI Sakaé (1885­1923) :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「94 (« J’ai pensé que j’avais tout oublié des circonstances dans lesquelles je le lus pour la première fois, mais je découvris que la suggestion [que je reçus] selon laquelle, afin de survivre, tous les animaux forment des groupes (mure) ; tous, au sein de ce groupe, en collaborant et en s’entraidant, forment une coopération (kyôdô­tai) (le texte original utilise le terme communauté (kyôsan)), [cette suggestion, dis­je,] ne s’était pas effacée le moins du monde de ma tête. Depuis que j’avais lu ce livre, pendant les quarante et une années et les mois jusqu’aujourd’hui, j’ai en fait vu les choses exclusivement avec une attitude du genre de celle de cet auteur et j’ai poursuivi la vérité des faits, pourrais­je même dire. »)

Mais voici ce qu’en dit MIYAMOTO en 1964 (à l’âge de 57 ans) :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「……「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「……「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「95 (« La première fois que j’ai lu la Théorie de l’entraide, je n’avais pas encore atteint vingt ans… J’en éprouvai une profonde émotion ; c’était comme si je lisais une grandiose épopée… Elle resta gravée dans mon for intérieur. Et bien que l’auteur de ce livre devait être KROPOTKINE, en moi c’était comme OOSUGI Sakaé et dans ma tête, je ne faisais pas la distinction. Depuis ce moment, je lus plusieurs volumes d’OOSUGI et je connus KROPOTKINE par l’intermédiaire d’OOSUGI Sakaé, mais par la suite, je pris bientôt mes distances avec ce genre de livres »)

Et les distances, comme nous l’allons voir un peu plus bas, furent prises assez vite.

94 Cité dans SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 9, p. 195. 95 « Oosugi Sakae­yaku Sôgo fujo­ron wo yonde »「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« En lisant Théorie de l’entraide dans la traduction d’OOSUGI Sakaé »), in Tosho shimbun 「「「「「「, 1er sept. Shôwa XXXIX (1964), cité par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 57. C’est par l’intermédiaire de son ami HIGAKI Tsukimi 桧桧桧桧 que MIYAMOTO découvrit Théorie de l’entraide, mais aussi des œuvres d’Alexandre POUCHKINE (1799­1837) et de Sergeï ESENINE (1895­1925)96. HIGAKI était un idéaliste romantique dans son socialisme révolutionnaire, allant parfois jusqu’à l’intransigeance, notamment à l’égard de SHIMAZAKI Tôson 「「「「 (1872­1943) et de KURIYAGAWA Hakuson 「「「「 (1880­1923) dont MIYAMOTO appréciait la lecture97.

Toujours est­il que l’allégeance inconditionnelle de MIYAMOTO à SHIBUSAWA Keizô, homme d’affaires et magnat de la banque, petit­fils du chevalier d’industrie et homme politique SHIBUSAWA Eiichi 「「「「 (1840­1931) a de quoi étonner par son évidente contradiction avec les lectures sus­citées98. Une nuance est à apporter : les SHIBUSAWA, bien que shishaku 住住 (sortes de vicomte) depuis Meiji, étaient à l’origine de riches paysans propriétaires (gônô 住住), mais des paysans tout de même, comme la famille MIYAMOTO. Rappelons que jusqu’à l’ère Meiji existait une stricte hiérarchie des classes sociales héritée du néo­confucianisme, avec au sommet la noblesse de Cour (les kuge 住住) et la noblesse d’épée (les bushi 住住, l’aristocratie de fait), puis, curieusement, la paysannerie, ensuite les artisans, puis les commerçants, enfin les comédiens, les prostituées, et en dernier les parias (eta 住住[住住]99 ou hinin 住住, non­humains). Les religieux, absents de la classification confucéenne, étaient rangés dans la catégorie de leur famille d’origine, un peu comme en France où, à la veille de la Révolution, l’origine sociale des membres du Clergé comptait peut­être davantage que l’appartenance à celui­ci. La riche paysannerie jouissait donc d’une assez haute considération, bien plus, « en principe », que les riches commerçants qui à la fin de l’époque d’Edo possédaient finalement l’essentiel du pouvoir économique. YANAGITA Kunio, lui, était en revanche d’une authentique famille noble. SHIBUSAWA joua­t­il de ses origines paysannes pour attendrir MIYAMOTO Tsunéichi et créer avec lui une ébauche de complicité ou n’en eut­il pas besoin ? Charisme ou persuasion ? Sympathie réciproque ? Profita­t­il de la trop grande gentillesse de MIYAMOTO Tsunéichi pour se l’accaparer et en faire son envoyé dans les provinces, son junken­shi, son dénicheur d’objets (mingu) ? SANADA

96 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 56. 97 Ainsi reprochait­il par exemple à SHIMAZAKI ses « dissimulations » (tôkai 「「 ) et ses « tromperies » (gomakashi 「「「「) et à KURIYAGAWA son sentimentalisme « mielleux » (amattarui 「「「 「「), et défendait­il le double suicide amoureux d’ARISHIMA Takéo 「「「「 (1878­1923) parce que c’était selon lui la seule façon d’aimer vraiment. Les débats des deux amis, originaires de la même région, étaient souvent vifs et passionnés. SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 58. 98 USU’I Takumi (professeur à la Hiroshima bunkyô joshi daigaku 「「「「「「「「) cite SANO Shin’ichi qui avait écrit que MIYAMOTO était considéré comme étant de droite par les gens de gauche, comme un anarchiste de gauche par ceux de droite et qu’il ne donne pas prise. USU’I ajoute : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「 (« Mais « vivre », c’est un champ qu’on ne saurait diviser entre « c’est de droite » et « c’est de gauche ». ») Interview de SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, 5ème interview, p. 100. 99 Ces caractères sont des ateji 「「「, des caractères rajoutés après coup d’abord pour leur son, ensuite pour leur sens. Ils signifient « plein de souillure ». Yukitaka100 avance une hypothèse assez extrême selon laquelle MIYAMOTO opéra un véritable revirement à droite, par le biais de réseaux très développés avant­guerre. Nous reviendrons sur cette question de « controverse » lorsque nous évoquerons le rôle joué par les professeurs de MIYAMOTO.

S’il est indéniable que la lecture des auteurs européens d’extrême gauche semble avoir eu une petite influence théorique sur MIYAMOTO, on peut se demander si cette influence n’a pas été possible parce que le jeune homme était avant tout un idéaliste, plutôt que par imprégnation du contexte intellectuel de l’époque. MIYAMOTO, comme nous le verrons dans la deuxième partie, n’a jamais séparé l’action de la théorie ni de la science en général, et n’a d’ailleurs pas ménagé ses efforts pour tenter de sauver ou de faire vivre, voire revivre, ce qu’il estimait devoir l’être. La façon dont ses disciples (et tous ceux qui ont reçu son influence, même posthume) parlent de lui est toujours affectueuse et rend compte de la place que tenait le cœur (kokoro 「) dans la vie et les recherches de MIYAMOYO101.

Une autre influence, et pas des moindres, fut celle qu’exerça la littérature classique. A l’époque du volume à un yen (embon 「「 ), se procurer les classiques en collection économique était chose réalisable. C’est ainsi que MIYAMOTO acquit les Nippon bungaku zenshû 「「「「「「 (Collection complète de littérature japonaise), Meiji Taishô bungaku zenshû 住住住住住住住住 (Collection complète de littérature de Meiji et Taishô), Sekai bungaku zenshû 「「「「「「 (Collection complète des littératures du monde), Sekai gikyoku zenshû 「「「「「「 (Collection complète des théâtres du monde), Kindai geki zenshû 「「「「「 (Collection complète de théâtre moderne), Sekai shisô zenshû 「「「「「「 (Œuvres complètes de la pensée du monde) etc.102 dont il lut paraît­il chaque volume.

MIYAMOTO, comme tous les Japonais, avait étudié les classiques à l’école, des classiques de Cour de l’époque Heian : Genji monogatari 「「「「「「 (Le dit du Genji) de Murasaki Shikibu 住住住, Makura no sôshi 「「「「「 (Notes de chevet) de SEI Shônagon 住住住住 etc. aux gestes guerrières comme le Heike monogatari 「「「「「「 (Le dit des Heike) ou l’Ookagami 「「「「 (Le grand miroir [des évènements]) en passant par les antiques fudoki* 「 「 「 (sortes de chroniques de géographie et d’Histoire matinée de mythologie et de topographie). On raconte103 qu’il pouvait citer de mémoire des passages entiers du

100 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 4, p. 64­88. 101 C’est d’ailleurs dans un paradoxal parallèle avec l’aide apportée par les habitants de Tsushima aux soldats russes pendant la guerre russo­japonaise (qui avait donné lieu au livre Tsushima no kokoro 「「「「 (Le(s) cœur(s) de Tsushima) qu’un chercheur (KOMATSU Tsuyoshi 「「「「「) écrivant sur les recherches de MIYAMOTO sur Tsushima intitula la collection dans laquelle s’insère son ouvrage Tsushima no kokoro II 「「「「「「「 II「(Le(s) cœur(s) de Tsushima II). 102 Liste confirmée par le « Miyamoto Tsuneichi nempu » 「「「「「「「「 (« Chronologie de Miyamoto Tsuneichi ») figurant en annexe de Nihon bunka no keisei (version courte), Kôdansha, 2005, 2007, p. 196. 103 WATANABE Takeshi 「「「, professeur à l’Université Tôkai (de la Mer orientale) 「「「「, dans son commentaire à Nihon bunka no keisei, éd. Kôdansha, p. 245 : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« A propos du Recueil des dix­mille feuilles, ne nous le citait­il pas de mémoire presque dans sa Man’yô­shû 「「「「「 (Recueil de dix­mille feuilles/générations)104, ce dont bien peu de spécialistes de la littérature sont capables.

Si MIYAMOTO parle peu de ses lectures non ethnographiques ou historiques dans ses livres, les ouvrages de littérature classique, ou plus précisément en langue classique, qu’ils soient littéraires ou non (et ce point n’est peut­être pas sans importance), sont en bonne place. Dans ses travaux sur les rouleaux peints, notamment, il dit justement que ce qui l’intéresse n’est pas de faire une étude littéraire mais de chercher ce qui dans les œuvres du passé, même les plus mineures, peut l’aider dans la connaissance de la façon de vivre concrète des gens. Sans nier la valeur des chefs d’œuvre du passé, MIYAMOTO se met à les comparer avec des opuscules anecdotiques mais tout aussi riches, sinon plus, en détails sur cette vie concrète des petites gens, et les illustrations l’intéressent tout autant, sinon plus, que le texte, qu’il lit sans la moindre difficulté. L’aspect historique est par ailleurs très poussé dans l’œuvre miyamotienne, et MIYAMOTO recourt souvent à des archives (vieux documents (komonjo 「「「, cf. illustration), inscriptions dans la pierre, épîtres tracées au pinceau sur des planchettes (mokkan 「「 ), pierres gravées (ishibumi 「 ) etc.) rédigées en japonais ancien ou en kambun* deux langues qu’il maîtrise parfaitement.

Lorsque MIYAMOTO choisit de faire son doctorat, la minZokugaku n’étant pas encore entrée dans les universités, il ne le présenta pas comme un doctorat d’Histoire ou de géographie, mais comme un doctorat es lettres (bungaku hakushi 「「「「), même si le contenu de sa thèse105 n’a rien de littéraire. Au totalité ? »). 104 Le Man’yô­shû est la plus ancienne anthologie de poèmes en langue japonaise transcrite entièrement en sinogrammes, certains pris pour leur sens (idéogrammes), d’autres pour leur son (phonogrammes), écrits dans un deuxième temps légèrement plus petits, ancêtres des caractères syllabiques transcrivant des mores (kana 「「 ). L’ensemble est très difficile à déchiffrer et les spécialistes ne sont pas tous d’accord sur la prononciation de certains passages. Cette langue écrite hybride sera appelée par la suite man’yôgana 「「「「 (caractères (chinois) syllabiques « Man’yô »). 105 Seto naikai no kenkyû ichi「「「「「「「「「「 (Recherches sur la mer intérieure de Seto I), republiée ensuite sans ce numéro I qui ne vit pas de suite. contraire, il s’agit d’une sérieuse étude de terrain, abondant en tableaux présentant des chiffres et en cartes établies par MIYAMOTO lui même et comportant un solide socle historique. Cela pourrait sembler anecdotique, mais nous verrons qu’il n’en est rien.

La littérature japonaise moderne et contemporaine est certes peu évoquée dans l’œuvre ethnographique de MIYAMOTO Tsunéichi, mais elle n’en fut pas moins importante par l’influence intellectuelle qu’elle exerça sur lui, ce qu’il reconnaît dans ses textes partiellement106 ou totalement autobiographiques107. L’année de ses dix­neuf ans fut fondamentale à ce titre. C’est celle où il entra à l’école normale Tennô­ji d’Osaka. Là, il connut des maîtres charismatiques qui l’initièrent aux disciplines de base de la minZokugaku (cf. plus bas). C’est l’année où il commence une activité de lecteur acharné et qui durera trois ans. Il se fixe 10 000 pages par mois, et pour cela réduit son temps de sommeil au minimum biologique. Parmi les auteurs qui eurent sa préférence, on notera particulièrement ARISHIMA Takéo108, ISHIKAWA Takuboku109, KUNIKIDA Doppo110 et SHIMAZAKI Tôson111. C’est aussi l’année où il fréquente les cinémathèques, presque aussi boulimique de cinéma, notamment américain, que de lecture. Cette suractivité pédagogique ne lui

106 Notamment MinZokugaku he no michi, OM 1. 107 Principalement MinZokugaku no tabi, Bungei shunjû­sha 「「「「「, Shôwa 53 (1978), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko n°1104 (édition annotée et non illustrée), Tôkyô, 1ère éd. 1993, réimpr. 2004, rééd. Nihon tosho sentâ 「「「「「「「「 (Centre japonais du livre) (édition non annotée mais illustrée), Tôkyô, 1ère éd. 2000. 108 ARISHIMA Takéo 「「「「 (1878­1923) : romancier né à Tôkyô. Son frère Ikuma 「「 (1882­1974) était peintre et romancier. Takéo est connu pour avoir notamment participé avec son frère à la fondation de la revue littéraire Shirakaba「「「「(Le bouleau) (1910­1923) aux côtés de MUSHANOKÔJI Sanéatsu 「「「「 「「 (1885­1976), SHIGA Naoya 「「「「 (1883­1971), SATOMI Ton 「「「 (1888­1983) et NAGAYO Yoshirô 「「「「 (1888­1961). Les œuvres qui y étaient publiées décrivaient souvent des conflits de personnalités fortes. Parmi les œuvres d’ARISHIMA, on peut citer sa confession, Sengen hitotsu 「「「「「「 (Une déclaration), écrite peu avant son suicide avec sa compagne, ou ses romans Aru onna 「「「「「 (Une femme), Umareidzuru nayami「「「「「「「「「(Les tourments qui apparaissent), Kain no matsuei「「「「「「「「(Le descendant de Caïn) ou encore Oshimi naku ai ha ubafu「「「「「「「「「「(L’amour sans regret vous enlève). 109 ISHIKAWA Takuboku 「「「「 (1886­1912) : écrivain mort jeune, élève du poète réputé YOSANO Tekkan 「「「「「 (1873­1935), il est resté célèbre pour son Romazi nikki (Journal en alphabet latin), première œuvre japonaise écrite, comme son titre l’indique, directement en alphabet latin, essentiellement selon le kunrei­siki romazi 「「「「「「「 (système officiel de transcription en alphabet latin) qui est une convention de linguistes japonais qui sera officialisée en 1937 ne tenant pas compte de la prononciation des lettres dans leur pays d’origine (ex. : le « s » lu « sh » devant un « i », le « z » prononcé « dj » ; 「「 [∫ o:gun] (généralissime, shogoun) sera donc transcrit syougun et non shôgun), tout comme le pīnyīn 「「 chinois. Par la suite, ISHIKAWA se laisse par moments pénétrer par le système Hepburn, respectueux de la prononciation d’origine de notre alphabet. ISHIKAWA est également l’auteur de poèmes, notamment en trois lignes et en langue parlée (au lieu d’une seule en langue classique selon les règles classiques) (recueil Ichi­aku no suna「「「「「「(Une poignée de sable)), d’un essai (Jidai heisoku no genjô「「「「「「「「「(Etat présent de la fermeture de notre époque)), de romans (Kumo ha tensai dearu「「「「「「「「「(Un nuage, c’est génial)). 110 KUNIKIDA Doppo 「「「「「 (1871­1908) : poète et romancier né à Chiba. Prônant une poésie de forme nouvelle, il fut un des pionniers du naturalisme au Japon. Ouvrages célèbres : Musashino 「「「「「 (Musashino) ; Mimamoto oji「「「「「(L’oncle Minamoto) ; Gyûniku to barei­sho「「「「「「「「(Viande de bœuf et patates) ; Ummei­ron­sha「「「「「「(Le théoricien du Destin). permet cependant pas de réussir l’examen de professeur des lycées (ou l’en empêche, selon qu’on prend ou non en compte la santé, le manque de sommeil, ou même la trop grande profondeur de vue de ce candidat pour des épreuves certainement assez scolaires et qui ne recherchaient pas l’originalité ni les références trop exotiques ou trop subversives).

Parmi les auteurs que nous venons de citer, il nous paraît intéressant de développer quelques exemples.

Durant la convalescence de MIYAMOTO après la maladie qui l’affecta durant l’année 1930, trois œuvres ont joué un rôle prépondérant de soutien moral et psychologique : le Man’yô­shû, les Souvenirs entomologiques de Jean­Henri FABRE (1923­1915) et les journaux poétiques de voyage de MATSUO Bashô (1644­1694), en particulier Oku no hosomichi 住住住住住住(La sente étroite des provinces de l’Est) (1694). Il consacra d’ailleurs à ce dernier auteur un court essai, « Bashô oboe­sho » 住住住住住住住 (« Souvenirs concernant Bashô »), qu’il fait suivre d’un choix de poèmes de son cru (des haikai et des poèmes de forme moderne en prose)112.

A propos du Man’yô­shû, tout d’abord, il écrit :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「113 (« Ce qui, en lisant le Recueil des dix­mille feuilles (/générations) m’avait profondément touché, plutôt que les poèmes des Dix­mille feuilles, c’était plutôt l’image sérieuse des Antiques. »)

Et nous n’en saurons pas plus, MIYAMOTO n’ayant pas jugé nécessaire de s’étendre davantage.

FABRE a droit a un peu plus de détails :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「114 (« Les Souvenirs entomologiques, je les lus par paquets de cent pages par jour, petit à petit. C’est de cette façon qu’ils me touchèrent. Toutefois, ce qui toucha mon cœur, ce ne fut pas la vie des insectes, que je considère comme un prodige. Ce fut la silhouette de FABRE observant lesdits insectes. »)

111 SHIMAZAKI Tôson 「「「「 (1872­1943) : poète et romancier né à Nagano. Participe à la création de Bungaku­kai「「「「「, revue du poète et critique KITAMURA Tôkoku 「「「「 (1868­1894). Il commence comme poète romanesque (rômanshugi shijin 「「「「「「 ) et obtient la reconnaissance avec son roman Hakai 「「「「 (Transgression des ordres) et s’oriente vers le naturalisme. Parmi ses œuvres, citons son recueil de poèmes Rakubai­shû「「「「「(Recueil des prunes tombées) et ses romans Haru「「「(Printemps), Ie「「「(Maison), Shinsei「「「「(Nouvelle vie) et Yoake mae「「「「「「(Avant l’aube). 112 L’ensemble, Nitsubo 「「 (Le vase rouge), figure dans le recueil de textes de jeunesse intitulé Inochi no yurameki 「「「「「「「「「(Le brasillement de la vie) (1981). 113 Inochi no yurameki, p. 99. 114 Inochi no yurameki, p. 99. On voit déjà se dessiner une des préoccupations de MIYAMOTO : chercher l’Homme le plus vrai possible, où qu’il soit. Et FABRE, s’il n’est pas l’Homme à lui tout seul, représente bien le premier modèle de chercheur de terrain que MIYAMOTO s’appliquera à devenir.

Bashô, pour sa part, constitue un modèle plus ambigu : à la fois un modèle de voyageur et d’observateur, de poète aussi évidemment, mais également un double mythifié, un alter ego du passé qui aurait pu comprendre les pensées du jeune MIYAMOTO Tsunéichi en souffrance psychologique et affaibli par la maladie :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「

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De plus – et [là] s’agit­il de compassion pour une personne atteinte de la même maladie que moi, ou de mon cœur à la recherche d’un ami ? – moi qui souffrais, je me mis à avoir de l’attachement pour Bashô qui souffrait [lui aussi]. A cela [s’ajoute] le [fait suivant] : c’était aussi parce que Bashô allait m’indiquer la voie que doit suivre – à pieds – une personne souffrante. Par conséquent, je cherchai à découvrir, dans la prose de Bashô, sa poésie ou bien encore dans ses traces de pas, des choses qui me fussent proches.

Voilà le genre de cœur [qui bat] en [tout] malade. Ou alors peut­être est­ce moi qui suis particulièrement fort. […] [Là, MIYAMOTO évoque des poètes que la maladie a rendus plus sympathiques à ses yeux] Parmi ces hommes, je me mis à vouloir retrouver ma propre image. Bashô aussi, en fait, était l’un d’eux. Et pourtant, ce fut celui qui me toucha le plus (au cœur).

Donc, dans le fait que, pour épancher mon cœur, je faisais parfois appel à Bashô, et que je dissertais sur lui, il était fréquent, à certains moments, que c’était mon propre moi [que je cherchais]. Je crois que ce simple texte, tout en cherchant finalement à raconter Bashô, finit par mettre à jour ma vraie nature (propre). »)

On comprendra, dès lors, l’annonce initiale de l’essai : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「115 (« Le Bashô que je cherche à présent à traiter est un Bashô “pour moi”. C’est à dire que le Bashô dont je parle est un Bashô pour moi. Ce qui veut dire que le Bashô dont je parle a peut­être pris mon apparence.

Il ne s’agit pas pour moi de chercher à faire une étude de Bashô. »)

Quant à ses lectures ethnographiques et ethnologiques, nous en reparlerons tout au long de cette étude, mais l’on peut déjà supposer que son maître YANAGITA lui avait fait connaître ses auteurs de prédilection (découverts pendant son séjour en Suisse)116, à savoir : les anthropologues anglais Edward Burnett TYLOR (1832­1917), James George FRAZER117 (1854­1941), les folkloristes européens plus tardifs Kaarle KROHN (1863­1933), George Laurence GOMME (1853­1916), Charlotte Sophia BURNE (1850­1923), les ethnologues diffusionnistes Wilhelm SCHIMDT (1868­1954), William Halse RIVERS (1864­1922), les anthropologues fonctionnalistes de l’Ecole britannique : Bronislaw MALINOWSKI (1884­1942) et Alfred Reginald RADCLIFFE­BROWN118 (1881­1955), la sociologie française et son approche anthropologique avec Emile DURKHEIM (1858­1917) et Marcel MAUSS (1872­1950), enfin l’anthropologie américaine avec Franz BOAS119 (1858­1942) (allemand).

Du côté des auteurs japonais, l’influence de HIRATA Atsutané 住住住住 (1776­1843) et de NITOBE Inazô 住住住住住 (1862­1933) avait été déterminante pour YANAGITA. Pour MIYAMOTO, on ajoutera les ouvrages de ses maîtres, ainsi que ceux du précurseur MINAKATA Kumagusu 「「「「 (1867­1941) (sur lequel nous reviendrons un peu plus loin), ainsi que ceux des écrivains voyageurs à qui MIYAMOTO consacrera des études : NODA Senkôin 住住住住住, FURUKAWA Koshôken 「「「「「 (1726­1807) et SUGAE Masumi 「「「「 (1754­1829).

115 Inochi no yurameki, p. 97. 116 KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shi­teki kenkyû,「「「「「「「「「「「「「(Recherches historiques sur la pensée de Yanagita Kunio), 1992, traduit en anglais par Toshiko KISHIDA­ELLIS sous le titre The Origin of Ethnography in Japan : Yanagita Kunio and his Times, Kegan Paul International, 1993, 185 p. Cf. en l’occurrence le chap. 5, p. 109. 117 Ces deux « intellectuels de cabinet », fort admirés de leur vivant, travaillaient à partir de sources hétérogènes d’époques différentes et n’avaient jamais mis les pieds dans les pays sur lesquels ils écrivaient. YANAGITA prendra par la suite une grande distance par rapport à ces auteurs et ira même jusqu’à faire l’auto­critique de ses propres œuvres de jeunesse, écrites selon la même méthode. KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shi­teki kenkyû, chap. 5, p. 114­115. 118 Pour RADCLIFFE­BROWN, ce n’est qu’une supposition de KAWADA Minoru, YANAGITA n’ayant jamais fait aucune mention de cet auteur dont aucun livre ne figurait dans sa bibliothèque. KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shi­teki kenkyû, chap. 5, p. 119. 119 YANAGITA connaissait BOAS personnellement. KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shi­teki kenkyû, chap. 5, p. 119. Parler des lectures ne saurait nous faire oublier les maîtres qui lui fournirent conseils et orientations de recherche. MIYAMOTO Tsunéichi, s’il fut un chercheur indépendant, n’en fut pas pour autant un homme seul.

B/ MIYAMOTO Tsunéichi, ses maîtres et ses confrères

MIYAMOTO fut l’élève de plusieurs institutions et connut toutes les différentes sortes d’enseignement que peut offrir le Japon (1). Par ailleurs, sa coopération avec d’autres chercheurs (2) ne saurait être négligée, tant il est vrai que la carrière de MIYAMOTO alterne les phases de recherche et rédaction solitaires et celles de collaborations.

1) ses maîtres MIYAMOTO connut deux périodes de formation : avant (a) et après (b) l’entrée dans la minZokugaku.

-a. Les non minZokugakusha :

Comme nous venons de le dire, l’année de ses 19 ans passée à l’école normale de Tennôji fut essentielle dans le formation de MIYAMOTO Tsunéichi. Cinq professeurs semblent avoir eu une influence particulière : KANEKO Sanéhidé 住住住住, YAMAGIWA Jirô 住住住住, SATÔ Tasuku 住住住, MORI Shinzô 住住住 et ASHIDA Enosuké 住住住住住. Il évoquera leur apport dans plusieurs textes120, essentiellement autobiographiques, de la maturité.

α. KANEKO Sanéhidé

Diplômé de l’Université de Kyôto, ce fut lui qui initia MIYAMOTO à la pensée moderne.

KANEKO eut une influence non seulement directe, mais aussi indirecte, sur MIYAMOTO puisqu’il lui présenta son ami le critique et essayiste OOYA Sôichi 住住住住 (1900­1970). Cette rencontre suscita, semble­t­il, chez le jeune homme, une intense stimulation intellectuelle.

β. YAMAGIWA Jirô

YAMAGIWA se chargea, lui, d’enseigner les rapports entre la nature et la culture. On n’en sait guère plus, mais si MIYAMOTO a cru bon de le citer, c’est que son enseignement lui a forcément apporté quelque chose.

120 Inochi no yurameki (Le brasillement de la vie), p. 11 : recueil de textes de jeunesse. γ. SATÔ Yoshi

Il enseigna à MIYAMOTO l’Histoire de l’architecture. Sans lui, il n’aurait peut­être jamais pensé à écrire Nihonjin no sumai121 (L’habitat des Japonais), aujourd'hui réédité, ouvrage de référence synthétique abondamment illustré.

δ. MORI Shinzô

Sorti de l’Université de Kyôto tout comme KANEKO, MORI fut un disciple du philosophe NISHIDA Kitarô 住住住住住. MIYAMOTO en parle ainsi :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「122 (« Avoir pu suivre le cours magistral de philosophie du professeur MORI Shinzô fut une grande chance. […] Il avait l’air d’un philosophe, c’était quelqu’un dont on pouvait dire qu’il avait l’élocution solennelle, il avait une espèce de difficulté d’accès, mais il avait [aussi] un charme qui attirait et nombreux étaient les étudiants qui, bien qu’ils peinassent devant la difficulté de la philosophie, suivaient son cours. J’en faisais partie moi aussi. »)

C’est lui qui présenta la pensée de Max STIRNER123 à ses étudiants dans le cadre de son cours sans manuel124, une originalité à l’époque qui dut marquer favorablement MIYAMOTO qui fit de même lorsqu’il enseigna à l’université.

C’est encore lui qui le premier évoqua la possibilité pour son ancien élève de partir le rejoindre à sa nouvelle affectation, l’Université de Mandchourie pour l’édification du pays (Mănzhōu jiànguó dàxué 住住住住住住) lors d’une visite au chevet de MIYAMOTO, malade.

L’honnêteté nous oblige à mentionner le fait suivant qu’il faut se garder de régler par un jugement hâtif. Le professeur MORI avait à Osaka une activité de direction de recherche qui se déroulait lors des Shidô­kai 住住住 (Réunions de cette voie)125. Il publiait aussi des articles dans la revue du professeur

121 Nihonjin no sumai 「「「「「「「「「, s.l., Nôbunkyô 「「「, 2007, 170 p.. 122 MinZokugaku no tabi, éd. Kôdansha gakujustu bunko, chap. 7, p. 73. 123 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 49. 124 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 53. 125 Shidô, « cette voie », fait référence à l’origine à la voie du confucianisme et des sages de cette école. On sait qu’au Japon, le néo­confucianisme fut, du XVIIème siècle jusqu’à 1945, très prisé par les intellectuels d’extrême­droite qui voyaient là une base philosophique qui, avec des aménagements, pouvait justifier la stratification sociale et la docilité du peuple. L’impérialisme (le dogme de l’infaillibilité impériale), la sous­éducation politique de la jeunesse et l’absence de cours où l’on apprend à construire un raisonnement, la société d’hyper­consommation et la démocratie manipulée avec l’aide des média, phénomènes qu’on les observe aujourd’hui sont en un sens les conséquences engendrées, non pas par la philosophie de l’antique maître chinois (­552 à ­479), mais bien par la logique du néo­confucianisme japonais poussé jusqu’au bout. MIYAMOTO explique cette étymologie de la manière suivante : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Ce que l’on appelle ASHIDA, Dôshi dôkô (cf. plus bas) des articles où il exaltait la psychologie japonaise et la mission du Japon, unique au monde, consistant à ramener la paix en Asie – ce qui assurerait par là la stabilité mondiale – par l’intervention militaire, en chassant du sol asiatique les Européens et les Américains selon lui responsables uniques de la situation. Il va de soi que du côté des Asiatiques, ni les Chinois, ni les Coréens, ni les Taiwanais ne souhaitaient une intervention militaire du Japon sur leur sol.

On sait que MIYAMOTO invita les professeurs NISHIO Minoru 宮宮宮 (1889­1979) et KANEHARA Shôgo 宮宮宮宮 (1888­1935) à venir faire à Osaka une conférence sur la didactique du japonais, conférence à laquelle le professeur ASHIDA fut également convié à assister. La conférence ne concernait que la didactique126, discipline qui intéressait alors l’instituteur qu’était MIYAMOTO, mais tant NISHIO que KANEHARA étaient membres du groupe de réflexion du professeur ASHIDA127.

Et c’est ce quatrième enseignant qui devait avoir, non pas la plus grande influence, mais la plus grande incidence sur la vie de MIYAMOTO.

ε. ASHIDA Enosuké

(1873­1951) De tous les noms cités, il est le seul à figurer dans le dictionnaire128. Il fut un « didacticien » réputé, spécialiste de l’enseignement de la langue nationale. Il s’intéressa notamment à la question de la lecture et de l’orthographe. Contemporain de YANAGITA, il fut aussi et surtout le professeur de SHIBUSAWA Keizô, avant d’être celui de MIYAMOTO. Celui­ce le considérait comme un père spirituel auquel il n’hésitait pas à se confier. Le vieux professeur prenait toujours le parti de son jeune élève maladif mais à l’esprit prometteur. Il n’hésita pas à faire valoir l’opportunité que représentait le poste en Mandchourie auprès de SHIBUSAWA lequel, à la surprise générale, refusa (et fut d’ailleurs obéi).

Ce qu’on ignore aujourd’hui, et qui ne figure pas dans le dictionnaire, c’est qu’ASHIDA était officiellement chargé de diriger l’élaboration des manuels scolaires de japonais destinés aux peuples colonisés. Cela ne signifierait pas nécessairement un cautionnement du colonialisme si ASHIDA n’avait été le membre d’un puissant groupe de réflexion savante dont les membres ne faisaient pas mystère de leurs opinions d’extrême droite : le Seikatsu tsudzurikata undô 住住住住住住住 (Mouvement pour l’orthographe de la vie quotidienne), qui organisait les Keiu­kai 住 住 住 129 (Réunions de la pluie

« Shidô » fait référence à « Cette Voie » telle qu’elle figure dans les rescrits impériaux sur l’éducation, et elle signifie « la Voie du peuple japonais » ».) In « Mori Shinzô­sensei no yokogao (ichi) »「「「「「「「「「 「「「「(« Le profil du professeur MORI Shinzô (I) »), Dôshi dôkô, 8ème numéro du 8ème vol., nov. Shôwa XIV (1939). 126 Et aucun dérapage idéologique ne s’y produisit, il faut le souligner à la décharge de MIYAMOTO. 127 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chapitre 5, p. 91. 128 Daijisen 「「「「「, Tôkyô, Shôgakukan, éd. 2007. 129 Keiu­kai signifie aussi « Réunions de Keiu », Keiu étant le pseudonyme d’ASHIDA. bienfaisante / de la pluie en pleine sécheresse) auxquelles assistaient des personnalités aujourd’hui complètement oubliées au Japon, mais aussi SHIBUSAWA Keizô et l’écrivain WATSUJI Tetsurô 住住住住 (1889­1960)… Les noms des personnes ayant assisté à ces réunions sont mentionnés dans les rapports que rédigeait le professeur MORI Shinzô. Celui de MIYAMOTO y figure. Le mouvement éditait depuis 1930 une revue, Dôshi dôkô住住住住住住130 (Volonté commune, route commune), qui servit de surnom au mouvement lui­même. Il semble que les thèmes traités lors de ces réunions n’étaient pas politiques, ce qui ne veut pas forcément dire qu’ils étaient dénués de toute signification politique. Mais les discussions ouvertement politiques se déroulaient en coulisse, et tout porte à penser que MIYAMOTO n’en était pas. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que YANAGITA était un sympathisant en connaissance de cause et qu’il se fit le relais de ces hommes de l’ombre pour agir auprès de MIYAMOTO afin de le « rectifier » idéologiquement. Nous reviendrons sur ce sujet un peu plus bas lorsque nous traiterons de YANAGITA. Parmi ces hommes de l’ombre, nous trouvons un certain YASUOKA Masahiro 宮 宮 宮 宮 (1898­1983). Diplômé de l’Université impériale de Tôkyô, il était spécialiste de néo­confucianisme131. S’il n’assista jamais aux Keiu­kai, il était en revanche actif comme idéologue anti­marxiste et membre du Gakusei shisô mondai iinkai 住住住住住住住住住 (Comité pour les problèmes idéologiques des élèves) mis en place par le Ministère de l’éducation, alors impérialiste et physiocrate132. Son opposition à toute action terroriste alors pratiquée par certains groupes d’extrême­ droite et son action idéologique au sein de cette instance lui valaient d’être soutenu par des hommes riches et/ou puissants du monde de l’entreprise, de la finance, de la politique, de la haute Administration et de l’armée133… Son nom était cité avec admiration lors des Keiu­kai. Et c’était une des relations (un ami ?) de YANAGITA.

Ce que l’on peut dire aujourd’hui, compte tenu des informations à notre disposition, c’est qu’il y a de fortes chances pour que le jeune MIYAMOTO ait été abusé et qu’on ait profité de sa naïveté.

Mais refermons la parenthèse.

130 L’expression même Dôshi dôkô semble venir du Dôhô dôkô「「「「「「(Une même route avec des amis) de Shinran 「「 (1173­1262), le fondateur du Jôdo shinshû (l’Ecole véritable de la Terre pure). 131 Plus précisément de Yômeigaku 「「「 (« Yángmíng­ologie » : la discipline japonaise analysant la pensée du philosophe chinois WÁNG Yángmíng 「「「 (1472­1528). 132 La physiocratie, au Japon, évoque d’autres images que la physiocratie française créée au XVIIIème siècle par l’économiste François QUESNAY (1694­1774), prônant la primauté du secteur primaire, seul créateur de richesses indéfiniment multipliables, par opposition aux secteurs secondaire et tertiaire, « stériles » car fondés sur l’utilisation de matériaux préexistants, et sur les services. Malgré l’envie, sous l’Etat français de Vichy, de renvoyer les Français à la terre, cette doctrine resta chez nous plus liée au pré­libéralisme (la formule « laisser faire, laisser aller » est de QUESNAY) qu’à l’extrême­droite nationaliste. Au Japon, elle fut l’argument quasi­constamment utilisé par les impérialistes pour conserver de fait le système des classes (shi­nô­kô­shô 「「「「) supprimé officiellement sous Meiji (en 1872), et maintenir le peuple dans une frugalité utile à l’ordre public autant qu’à l’autarcie. 133 On sait aussi que MISHIMA Yukio fut un de ses sympathisants. Après ce solide bagage en culture générale, littérature, Histoire et géographie japonaises, MIYAMOTO reçut une formation d’un type nouveau, l’enseignement d’une discipline en train de se former, la minZokugaku, et passa ainsi progressivement du statut d’étudiant passif à celui de chercheur actif, de plus en plus indépendant.

- b. Les minZokugakusha :

α. YANAGITA Kunio 「「「「 (1875­1962)

MIYAMOTO a autant travaillé seul que dans des groupes, pourtant il ne s’est fixé dans aucun, et le nombre incroyable de ses affiliations à des sociétés savantes ou de recherche nous amènerait plutôt à penser que son implication en leur sein fut brève, ou tout du moins épisodique. Même sa participation aux réunions du grand maître YANAGITA Kunio pour qui il fit toujours montre d’un grand respect, n’eut qu’un temps, et la brouille discrète qui en marqua la fin n’eut peut­être pas pour seule cause celle que MIYAMOTO veut bien donner.

Avant d’en détailler les circonstances, revenons sur l’origine de sa relation avec YANAGITA.

MIYAMOTO Tsunéichi avait découvert l’œuvre de YANAGITA et participé à l’appel lancé par le maître dans sa revue Tabi to densetsu 住住住住住住 (Voyage et légendes) visant à recueillir le maximum de témoignages ethnographiques sur les contes populaires des campagnes. Il envoya à cette occasion quelques extraits des témoignages qu’il avait recueillis pour son propre compte auprès de personnes âgées au cours de ses promenades champêtres et, à sa grande surprise, le maître lui répondit par une lettre très bienveillante. Il avait su discerner chez son correspondant l’étoffe d’un disciple prometteur. Mais il faudra attendre trois ans avant que MIYAMOTO rencontre YANAGITA en personne, en octobre 1934. L’été de cette année­là, celui­ci l’avait invité à venir le voir à Kyôto et MIYAMOTO s’y était rendu seul134. Puis il avait été convié à participer aux réunions du chercheur qui se tenaient à son domicile pour plus de commodité. YANAGITA avait ensuite apporté quelques contributions à une revue lancée par MIYAMOTO Tsunéichi avec des moyens de fortune, Kôshô bungaku 住 住 住 住 住 住 (Littérature orale).

Si l’influence intellectuelle fut incontestable, que ce soit notamment dans le domaine de l’étude des contes populaires ou de celui de l’étymologie des toponymes, on ne peut pas dire que YANAGITA ait cherché à entraîner MIYAMOTO Tsunéichi dans une direction précise en termes de folklore. Il lui conseilla seulement d’écrire un livre par département, proposition que MIYAMOTO accepta135 l’incitant, semble­t­il, à y consacrer sa vie136.

MIYAMOTO Tsunéichi se retrouvait dans un groupe de disciples réunis autour du maître, à l’ancienne mode, quasiment « féodale »137, (et l’on peut d’ailleurs noter de manière anecdotique que les réunions se faisaient toujours dans une pièce japonaise à et que YANAGITA était vêtu d’un kimono). SANADA Yukitaka y note138 une forte ressemblance avec le cercle d’études nationales de HIRATA Atsutané 住 住 住 住 (1776­1843), à la fin du Bakufu. Ce genre d’enseignement, extrêmement enrichissant et formateur pour un étudiant ou un jeune chercheur, peut s’avérer au contraire être un frein à une carrière individuelle passée la trentaine et cela, MIYAMOTO Tsunéichi l’a forcément senti. Qui sait s’il n’a pas éprouvé de la lassitude à faire partie d’une Cour (dont le centre était un authentique aristocrate)… lui si libre et si proche des petites gens dont il appréciait la simplicité et le naturel.

SANADA Yukitaka (2002), dans son essai violemment anti­miyamottien139, présente un YANAGITA idéologiquement engagé à l’extrême­droite (bien que politiquement, il ne soutint jamais aucun parti), et insiste sur sa sympathie pour le nazisme et les publications des scientifiques nazis. Alors que,

134 MinZokugaku no tabi, chap. 8, p. 84. 135 MinZokugaku no tabi, chap. 9, p. 102. 136 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 4, p. 84 :「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「(« Il semble que MIYAMOTO ait reçu de YANGITA Kunio l’encouragement suivant : « Consacre [à la MinZokugaku] toute ta vie ! »). 137 Pour reprendre le mot de SANADA Yukitaka à la suite de MASUDA Katsumi (directrice de la réédition de Meiji Taishô­shi Sesô­ron「「「「「「「「「「「(Histoire de Meiji et Taishô / Théorie des mœurs) de YANAGITA, dans son « Kaisetsu »「「「「(« Commentaire »)) qui parle de « système féodal » (hôken seido 「「「「) in Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 124­125. 138 Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 124. 139 Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 7. paradoxalement, YANAGITA n’adhéra pas du tout à l’idéologie mussolinienne qu’il dénonça explicitement140.

Pour résumer « objectivement » la pensée idéologique de YANAGITA, nous pourrions dire que, pour lui :

1/ la minZokugaku doit être nationale (« nashiyonaru »住住住住住住住)141 et doit se distinguer complètement de l’ethnographie de l’étranger142, science de l’altérité. Par conséquent, l’ethnographe ne saurait être d’une autre nationalité que celle du pays qu’il étudie.

2/ elle doit donc rejeter tout système interprétatif venu de l’étranger (comme le marxisme notamment) ;

3/ la minZokugaku doit se défier de l’écrit, car elle se distingue de la science officielle qui l’a précédée, l’Histoire (des puissants), contre laquelle elle s’est constituée ;

4/ afin de cerner au mieux l’âme, la psychologie et le cœur japonais, il faut se pencher sur les traditions immuables143, rejetant l’idée que l’évolution permanente de la société va nécessairement dans le bon sens.

YANAGITA, très critique envers les partis politiques de son époque, appelait de ses vœux la création d’un parti réellement populaire (et non corrompu) amené au pouvoir par le suffrage universel

140 Ainsi écrit­il qu’« « il est douteux qu’il y ait quoi que ce soit à apprendre de l’Italie » et, de façon plus emphatique, « j’affirme avec force qu’il n’y a rien à apprendre de l’Italie. » Il dénonce le fascisme, l’appelant le produit d’esprits « étroits », et dit que « ceux qui aiment leur pays ne devraient pas être étroits d’esprit. » Pour Yanagita, le fascisme était entièrement hors de la portée des mesures admissibles et était donc hors du champ de son intérêt ». KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shi­teki kenkyû, 1993, chap. 4, p. 86. 141「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (On notera la terminaison en –te yaru qui indique qu'on parle d'agir à l'égard d'une personne que l'on estime inférieure) 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Comme un de mes buts, je réfléchis à ce que l'on appelle le pays et les races. Dans quelque pays que ce soit, la minZokugaku est nationale, elle cherche en profondeur et avec rationalité (tôkyû shi) principalement la culture de ses propres compatriotes et [plus] rarement elle interroge la vie quotidienne du passé des races sous­développées. A l'inverse, la chose que j'appelle l'ethnologie de son propre et seul pays, il n'y a eu jusqu'à présent personne pour la proposer. Aussi, pour peu que l'on parle de minZokugaku du Japon, point n'est besoin de se préoccuper de faire répéter la question : « Avec quel caractère écrit­on Zoku ? » ».) 142「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Dans le monde scientifique japonais, il y a actuellement deux choses qu’on nomme minzokugaku. Quel qu’en soit le pourquoi, nous sommes proches de la nécessité de devoir mettre la différence entre les deux. »), in Nihon minZokugaku kenkyû「「「「「「「「「 (Recherches en minZokugaku japonaise), repris par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 118. 143「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« On ignore pourquoi, mais depuis les temps anciens, jusqu’à récemment, la génération de mon grand père ou de mes parents, on trouve des manières de vivre qui continuent sans interruption depuis plusieurs centaines d’années ou davantage, et c’est ce sur quoi nous aimerions réfléchir. ») Repris dans Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 119. masculin. Il s’agissait de réformer en profondeur sur le long terme la structure de la société japonaise en privilégiant l’équilibre entre les trois secteurs d’activité et en instaurant concomitamment un sentiment d’appartenance à la fois micro­local, régional et national, seul capable de mobiliser la population en faveur d’un projet de développement qui permettrait au pays de résister à l’hégémonie des Européens et des Américains. Pour cela, le ciment est le shintô des campagnes que décrit la minZokugaku. Nous reviendrons sur ce projet dans la deuxième partie.

OOMACHI Atsuzô 住住住住住, disciple de YANAGITA, n’est pas dupe et qualifie ainsi la minZokugaku du maître :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「144 (« Même si cette discipline est subjectivement une minZokugaku (un folklore) du Japon, objectivement c’est une minzokugaku (ethnologie) ».)

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「145 (« Le mot « minZoku » évoque le folklore (fôkuroa), mais la discipline de YANAGITA n’est nullement l’étude du simple folklore ; elle est plutôt proche en substance de la Volskunde. »)

Toutefois, le projet longuement mûri par YANAGITA allait encore plus loin : il s’agissait de former des ethnologues japonais pour ensuite les envoyer en Asie afin de créer une constellation de « minZokugaku de la sphère de la Grande Asie orientale » (Dai­tô­A­ken minZokugaku 住住住住住住住), sous le contrôle idéologique des sociétés savantes sises au Japon, donc sous celui de YANAGITA lui­même. Ce projet commença d’être mis à exécution avec la création de la Société d’ethnologie de Mandchourie (Manshû minzokugakkai 住住住住住住) en 1942. Au même moment était créée au Japon une société savante qui unifiait la minZokugaku : le Centre de recherche en ethnologie (Minzoku kenyûsho 住住住住住). Il faut cependant ajouter que YANAGITA désapprouvait les actions armées du Japon en Asie et la façon ouvertement arrogante qu’avait son pays de traiter la Chine : tout cela était contre productif et n’était dans l’intérêt de personne146.

YANAGITA, sympathisant assez actif des groupes de réflexion d’extrême droite, notamment ceux dont nous avons parlé plus haut, semble avoir remarqué assez tôt les lectures d’extrême gauche de son disciple. Il entreprit donc de rééduquer idéologiquement le naïf campagnard. Peut­être est­ce la cause du « par la suite, je pris bientôt mes distances avec ce genre de livres » que nous avons déjà cité. YANAGITA était un esprit brillant possédant un charisme lui permettant de persuader assez facilement les gens de faire ce qu’il voulait, point sur lequel nous reviendrons un peu plus bas. A une époque où tout le monde s’enflammait d’amour pour l’empereur et où l’impérialisme était la seule

144 Cité par SANADA Yukitaka, in Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 7, p. 139. 145 Idem, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 7, p. 139. 146 KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shi­teki kenkyû, chap. 4, p. 84. voie pour réussir dans l’école, l’université, ou l’administration en général, (que l’adhésion fut pleine et consciente, ou le fruit d’un malentendu, voire d’une manipulation, ou bien tout simplement forcée), il n’est pas étonnant que MIYAMOTO se soit retrouvé mêlé à des réunions où était chanté l’hymne impérial et où les discours sur la grandeur du pays faisaient vibrer l’idéalisme de chacun. Les aspects sombres du régime militaire étaient inconnus du jeune MIYAMOTO, ou du moins en minimisait­il de bonne foi l’importance. YANAGITA dut probablement lui expliquer que la voie nationaliste était plus à même de profiter au petit peuple (qui importait avant tout à MIYAMOTO) que le socialisme147, car celui­ci était fait de ruptures, et que les ruptures détruisaient l’harmonie dont le maintien par la tradition assurait la stabilité du pays et son « art de vivre ». Selon nous, ce sont les élans altruistes de MIYAMOTO, canalisés par YANAGITA, qui l’orientèrent vers un conservatisme nationaliste, du moins dans un premier temps. Tous les minZokugakusha de l’époque étaient issus du même moule idéologique et personne n’aurait un instant songé à le remettre en question. Peut­être les idéologues d’extrême­droite japonais tentaient­ils de relier l’ethnographie à une certaine anthropologie, mais les (jeunes) chercheurs de terrain se détachaient complètement de cette théorisation qui n’était souvent là que comme un prétexte à faire des discours (et autres politesses avant un bon repas bien arrosé), sans compter qu’à l’époque le peuple japonais (y compris la plupart des intellectuels) était complètement sous­informé voire désinformé par la propagande quant à ce qui se passait à l’étranger, et notamment du côté de son allié allemand148. Pour l’essentiel, les oppositions étaient donc davantage portées contre l’idéologie du régime que contre des (ex)actions qui n’étaient pas encore connues.

Quand MIYAMOTO évoque ses maîtres, son admiration se porte soit sur leur comportement en tant que personnes à son égard, soit en tant qu’enseignants ou érudits, jamais sur leur action politique. Alors une phrase telle que : « YANAGITA Kunio et YASUOKA Masahiro sont des digues contre le marxisme »149 attribuée à MIYAMOTO, nous amène à dire deux choses : soit elle est authentique, et elle est le fruit de cette manipulation exercée par YANAGITA, soit c’est une mystification destinée à jeter le doute sur les opinions de MIYAMOTO150. De toute façon, l’importance de YANAGITA dans

147 Pour un aperçu récent sur la question, voir : OOTSUKA Eiji 「「「「, Gishi toshite no miZokugaku : Yangita Kunio to itan no shisô「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「(La minZokugaku en tant qu’Histoire mensongère : YANAGITA Kunio et les pensées hétérodoxes), Tôkyô, Kwai 「 BOOKS, Kadokawa shoten, 2007, 270 p.. 148 A titre d’exception, on trouve un article de l’essayiste et critique MUROFUSE Kôshin 「「「「 (1892­ 1970), « Nachizumu ha doko he »「「「「「「「「「「(« Où va le nazisme ? »), revue Serupan「「「「「「(Serpent), sept. Shôwa XIV (1939). 149「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「, in SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 4, p. 87. 150 Et SANADA Yukitaka 「「「 「「「「 (sans doute un pseudonyme – et la graphie en hiragana irait en ce sens), malgré son apparente objectivité, son travail de recherche prodigieux et sa réelle érudition, est un bon exemple de parti pris. Tout est orienté chez lui de façon à ce que chaque citation de MIYAMOTO, sortie de son contexte, lui soit défavorable. Il faut donc chez SANADA faire le tri entre les informations brutes et leur interprétation qui ne laisse de nous porter à croire qu’une telle étude de longue haleine n’a pu être réalisée sans une forte motivation, et cette motivation est malveillante cet anti­marxisme est probablement exagérée. Toute la vie et l’œuvre de MIYAMOTO démontreront que ni sa pensée ni son action n’ont partie liée avec l’impérialisme, le militarisme ou le colonialisme. Il fut un peu conservateur dans sa façon de penser en général, mais en même temps il déploya une grande activité dans les campagnes pour changer les conditions de vie des populations. Politiquement, nous affirmons, et nous tenterons de montrer, qu’il était, avant tout, un humaniste (au delà de toute appartenance politique précise).

Les ouvrages de MIYAMOTO ne suivront pas le cahier des charges rigide voulu par YANAGITA :

1/ certes, sa minZokugaku sera nationale, mais elle n’aura rien de nationaliste ; d’autre part, une fois son dernier maître (SHIBUSAWA) disparu, MIYAMOTO entreprendra des voyages à l’étranger afin de nourrir sa réflexion et sa dernière œuvre, Nihon bunka no keisei 住住住住住住住住住 (La formation de la culture japonaise), dont nous reparlerons plus tard, sera une véritable étude des mouvements internationaux de biens et de personnes ;

2/ la pensée d’extrême­gauche rejetée sous l’influence de YANAGITA et des autres sera réintégrée en partie et l’importance des œuvres ethnologiques étrangères ne sera jamais remise en question ;

3/ la minZokugaku miyamotienne étudiera les deux sources, l’orale et l’écrite, à égalité. Elles sont complémentaires et se passer de l’une serait considérablement réducteur ;

4/ même si c’est douloureux pour notre auteur, il est le premier à reconnaître que les faits et les objets qu’il étudie sont en voie de disparition rapide. Il ne s’agit plus tant de savoir pourquoi les choses ont duré jusqu’à présent, que de les décrire avant qu’elles ne sombrent tout à fait dans l’oubli : choses oubliées, mais aussi Japonais oubliés…

Les différences étaient trop nombreuses, certes, pour que le disciple restât éternellement dans le cercle rapproché du maître.

La brouille est évoquée très elliptiquement dans MinZokugaku no tabi 住 住 住 住 住 住 住 (Le voyage de la minZokugaku))151. Voici comment il relate l’incident :

Au départ, la coexistence était tout ce qu’il y a de pacifique :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「152

(« faire tomber la statue » dirait­on). Nous pensons effectivement qu’il y a de fortes probabilités que SANADA connût personnellement MAYAMOTO et que celui­ci eût pu le contrarier ou le traiter de haut, d’où une rancœur tenace. Le ton en apparence détaché de SANADA masque mal, sur la longueur, une ironie mordante. 151 Minzokugaku no tabi, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, 1993, 2004, p. 105 et 183. 152 Op. cit., p. 105. (« A cette époque, il n’y avait pas de relations entre les gens de l’Institut de recherches sur la vie du terroir (Kyôdo seikatsu kenkyû­sho) dont le centre était le professeur YANAGITA, et le Musée des greniers (Achikku myûzeamu) ») que dirigeait le professeur SHIBUSAWA. Tant M. SAKURATA employé au Musée des greniers que M. HAYAKAWA qui recevait l’aide du professeur SHIBUSAWA étaient des gens qui avaient reçu l’enseignement du professeur YANAGITA, mais depuis qu’ils avaient noué des relations avec le Musée, il s’étaient mis à ne quasiment plus se présenter chez le professeur YANAGITA. Il y avait quelque chose de différent dans l’air qui y flottait et cela enrayait les relations153. Cependant, pour moi, les deux professeurs étaient importants, aussi avais­je même décidé de rendre visite au professeur chez lui quand je rentrais de voyage, mais au début, mes impressions étaient mêlées. Me disant que cela ne devait pas être, qu’il fallait qu’il y eût d’étroites relations entre les deux, il m’arriva de me rendre chez le professeur YANAGITA accompagné de M. IWAKURA Ichirô qui était entré au Musée des greniers avant moi »).

MIYAMOTO Tsunéichi ajoute ensuite qu’il faisait l’intermédiaire entre les deux cercles et qu’il ramenait certains des chercheurs auprès du vieux maître le temps d’une visite comme le montre l’exemple ci­dessus.

Mais un jour :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「 154 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「155 (« J’eus beau entendre que le professeur YANAGITA lui aussi s’était réjoui du fond du cœur de ce que j’avais eu mon doctorat, je n’allai pas lui faire mes civilités. Ayant entendu dire qu’un de mes amis atteint d’une maladie de poitrine s’était vu pour cette raison interdire l’entrée [chez lui], je finis par m’abstenir moi aussi [d’y aller].

Il se trouva quelques personnes pour me dire : « M. MIYAMOTO, c’est parce que dans votre cas, c’est différent », mais moi tout seul, je ne pouvais devenir le petit enfant sage [qu’on attendait]. De nouveau, lorsque mon aîné était entré à la faculté d’anthropologie sociale de l’Université de la Communauté urbaine de Tôkyô (Tôkyô­toritsu daigaku), le professeur YANAGITA avait dit qu’il s’en réjouissait comme si c’était lui. Là, comme il y avait quelqu’un qui m’avait conseillé d’aller avec

153 Nous soulignons. 154 Nous soulignons. 155 MinZokugaku no tabi, p.183. mon fils lui faire mes salutations, je lui avais dit : « Et si nous y allions, hein ? » et lui de faire : « [Dis], vieux, moi j’ai rien à voir avec le professeur YANAGITA ! ». Peut­être était­ce par timidité, toujours est­il que moi non plus je n’allai pas le voir. Lorsque j’avais eu mon doctorat aussi, je pensais aller lui faire mes remerciements, mais, je ne sais pourquoi, les jambes me pesaient. C’est qu’[en fait] le fait que mon ami s’était vu refuser l’entrée m’était resté en travers de la gorge. Aussi, je ne revis plus le professeur jusqu’à la célébration de son quatre­vingt­huitième anniversaire (beiju) ».)

L’exclusion de ce jeune chercheur est étrange parce qu’en comparaison, MIYAMOTO Tsunéichi, plusieurs fois très malade, ne fut jamais mis à l’écart.

C’est là que nous émettons une hypothèse156 selon laquelle il y aurait une seconde cause, qui viendrait non pas remplacer celle alléguée dans MinZokugaku no tabi, mais s’y ajouter : c’est la désapprobation tacite de MIYAMOTO Tsunéichi à l’égard des méthodes de travail de YANAGITA.

KANZAKI Noritaké 住住住住, dans sa Postface à MinZokugaku no tabi, s’exprime de la façon suivante :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「―「「 、、 「「「「「「「「「「「「「「 (« Il était à la fois sceptique et critique devant des recherches ethnographiques qui s’éloignaient de « l’expérience et la pratique » qu’il avait pour principe et où prévalait l’idéalisme (kannen). Même avec YANAGITA Kunio qu’il regardait d’en bas comme un mentor, conscient de cette différence dans la nature de la science, il y eut un moment où il posa une distance. Voilà à l’heure actuelle un point qu’on peut envisager. »)157

INNAMI Toshihidé 158, ancien disciple de MIYAMOTO, va dans le même sens, et ce sans émettre le moindre doute :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「159 (« Ce que YANAGITA avait pris comme sujet d’étude de terrain, c’était les villages en tant que matrice de transmission, et son intérêt ne se portait pas vers les individus. Même s’il écoutait ce qui avait trait aux villages, il n’écoutait pas ce qui avait rapport au locuteur.

156 Le cartographe et géographe NAKAHIRA Ryûjirô, chercheur en Histoire des toponymes et fils du dernier disciple de YANAGITA qu’il rencontra même à quelques reprises en personne, est du même avis. 157 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, Kaisetsu (Postface explicative), p. 242. 158 INNAMI Toshihidé 「「「「 (né en 1952) : ethnographe et professeur à l’Université d’Aichi 「「「「. 159 Dans un entretien avec SATAO Shinsaku repris dans Miyamoto Tsuneichi to iu sekai (Un monde nommé Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, 2004, 319 p., 6ème interview, p. 130. Seulement voilà, si l’on ne sait pas ce qui a trait au locuteur, j’ignore ce que l’on peut entendre des « villages ». En fait, il devait écouter, mais comme cela s’éloignait de son point d’étude de terrain (chôsa kômoku), il n’a pas écrit là­dessus.

Cependant, dans les œuvres du professeur MIYAMOTO, très tôt est mentionné ce qui concerne le narrateur. »)

Et INNAMI cite l’exemple de la série d’entretiens avec le vieux SAKON Kumata 住 住 住 住 réalisés successivement par YANAGITA et MIYAMOTO. Il aboutit à la conclusion suivante :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「160 (« L’étude sur SAKON Kumata, le professeur [MIYAMOTO] y participe aussi au sein du cadre ethnographique de YANAGITA. Toutefois, concernant la posture que l’on peut observer dans les notes de terrain, on y voit l’influence de SHIBUSAWA Keizô qui fixait son regard sur les modes de vie des gens qui ne se posent pas trop de questions (nanige nai hito). Le professeur avait des doutes concernant les études de terrain « rubriquistes » (kômoku­shugi­teki na)161 de l’ethnographie de YANAGITA. »)

Pour notre part, nous allons plus loin : contrairement à MIYAMOTO Tsunéichi qui a toujours réalisé ses propres enquêtes de terrain et ne s’est jamais basé sur un texte qu’il n’en citât l’auteur, il est de notoriété publique aujourd’hui que YANAGITA Kunio a réalisé ses études de terrain dans sa jeunesse, dans l’appareil que l’on sait et qu’il se sédentarisa assez tôt, prenant l’habitude d’envoyer ses disciples réaliser des études de terrain à sa place, et d’oublier de citer leur nom dans ses ouvrages… Ceci est confirmé par l’historien KITAYAMA Shigéo 住住住住, qui souligne même le rôle coercitif des réseaux de sociétés savantes – la Minkan denshô no kai de YANAGITA était la société savante qui comptait le plus de membres de tout le Japon162 – pilotées à leur sommet par un YANAGITA tout puissant, ses amis et ses protégés :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「163

160 Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 130­131. 161 Il n’existe pas de terme français propre à rendre le sens de ce mot (kômoku 「「 : article, rubrique, point ; shugi­teki na 「「「「 : ­ique). L’auteur veut dire que YANAGITA a des rubriques, des points à étudier en tête, préalablement à l’étude de terrain, en somme des présupposés de détail. Il s’attache trop au sujet qu’il a défini au départ sans s’en écarter, au risque de négliger des tenants et aboutissants et de perdre une partie du sens des phénomènes qu’il observe (ou qui se déroulent devant lui et qu’il néglige de relever). 162 La Minkan denshô no kai 「「「「「「 (Réunion sur les transmissions populaires) comptait 937 membres en 1937. Source : KURIYAMA Kazuo cité par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 123. 163 Cité par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 123. Le texte de KURIYAMA figure dans MinZokugaku「「「「「d’AKAMATSU Keisuké 「「「「). (« « La mise en ordre et le contrôle des institutions de recherche de province » se poursuivent, les membres de province « sont utilisés, comme aspirés pour recueillir leurs documents », « sont renversés par de simples rassembleurs de documents » et on peut parler de « sujétion inévitable aux chercheurs du centre ». »)

SANADA Yukitaka est explicite :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「164 (« [Ces documents] deve[naient] ceux du professeur ».)

MIYAMOTO, exempt de toute malveillance, n’a jamais voulu dire quoi que ce soit qui pût causer du tort à celui qu’il considéra toute sa vie comme le grand maître de la discipline et préféra se taire et évoquer un autre motif, tout aussi vrai et légitime selon nous, à sa prise de distance définitive.

Pour schématiser, si l’on s’en tient à l’aspect épistémologique, YANAGITA représente l’école de la fin du XIXe siècle privilégiant la compilation et l’analyse au fatigant et salissant travail de terrain, autrement dit l’« intellectuel de cabinet », l’ethnologue compilateur, alors que MIYAMOTO, l’ethnographe collecteur d’information, s’inscrit à la fois dans la modernité des sciences humaines expérimentales et dans une tradition plus ancienne qui remonte au Moyen­Age et se poursuit jusqu’à la fin de la période d’Edo, avec les écrivains voyageurs et les junken­shi 住住住 (envoyés du shôgun dans les provinces) dont le plus illustre est FURUKAWA Koshôken 住 住 住 住 住 * (1726­1807), à qui MIYAMOTO Tsunéichi consacra un livre et des chapitres dans d’autres publication. Grande fut aussi l’influence de l’œuvre de SUGAE Masumi 住 住 住 住 (1754­1829) (cf. image), écrivain voyageur et minZokugakusha avant la lettre qui revient régulièrement dans l’œuvre miyamotienne.

164 Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 124. Enfin, le dessein idéologique explicite de YANAGITA ne doit pas être écarté non plus des hypothèses tentant d’expliquer la prise de distance de MIYAMOTO.

Pourtant, force est d’admettre pragmatiquement que si MIYAMOTO n’avait pas été officiellement adoubé par le vieux mandarin, il n’aurait probablement jamais réussi à percer dans ce milieu. Sa « compromission », toutefois, ne se fit pas au prix d’un revirement dans son œuvre qui sut s’en tenir à son sujet, suscitant peut­être par là l’estime du vieil intellectuel.

Il est temps à présent d’évoquer la figure la plus importante dans la vie et l’œuvre de MIYAMOTO, son véritable maître, SHIBUSAWA Keizô.

β. SHIBUSAWA Keizô 、、、、 (1896­1963)

Nul être n’eut une influence aussi grande que SHIBUSAWA Keizô sur la vie professionnelle et la pensée de MIYAMOTO Tsunéichi qui écrivit sur lui le plus long de ses ouvrages consacrés à l’étude d’une personne (485 pages)165, devant SUGAE Masumi et NODA Senkôin. Petit fils de SHIBUSAWA Eiichi 住住住住(1840­1931) (le fondateur du capitalisme moderne au Japon), directeur de banque 166, homme d’affaire, un temps Ministre des finances du gouvernement de SHIDEHARA Kijûrô 住住住住住 (1872­1951) dans l’immédiat après­guerre, chercheur occasionnel et fondateur de l’Achikku myûzeamu (Le musée des greniers), SHIBUSAWA Keizô connut aussi la gêne sur ses derniers jours, après son licenciement

165 Shibusawa Keizô, Tôkyô, Kôdansha, Nihon minZoku bunka taikei 3, juin 1978, rééd. Dans OM L à paraître. 166 Les Dai­chi ginkô 「「「「, Tôkyô chochiku ginkô 「「「「 et Shibusawa sôko 「「「「. de la fonction publique. Dans l’opulence, il utilisait son argent pour aider ses amis 167 et procurer du travail à de jeunes chercheurs qu’il employait dans son musée. Les avis sont unanimes qui saluent sa prodigalité et son train de vie assez simple et nullement ostentatoire.

Pour MIYAMOTO, SHIBUSAWA fut tout à la fois un sempai 住 住 (aîné travaillant dans la même branche), un sensei 住住 (professeur), un oyabun 住住 (homme ayant l’âge de votre père et se chargeant de vous former et de vous conseiller) et un patoron 住 住 住 住 (patron paternaliste), voire une sorte de « gourou » personnel. Depuis leur rencontre jusqu’à la mort de SHIBUSAWA, celui­ci ne cessa, non seulement de former et de conseiller MIYAMOTO Tsunéichi, mais aussi de le diriger, lui donnant des missions et des « devoirs »168 et de le financer, de le loger, le traitant à la fois comme un disciple, un enfant et un employé, n’hésitant pas à le morigéner, non sans humour si l’on considère la scène d’un point de vue extérieur, bien que ce dut être douloureux pour le chercheur. Dans MinZokugaku no tabi (Le voyage ethnographique), MIYAMOTO Tsunéichi évoque la grande colère du maître et donne des exemples de son caractère à la fois bienveillant et un peu autoritaire.

En 1953, après être sorti de maladie (la tuberculose), MIYAMOTO se voit proposer par le Ministère au plan économique une place au Zenkoku ritô shinkô taisaku shingi iinkai 住住住住住住住住住住住 (Comité délibératif pour des mesures de développement économique des îles éloignées.

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「169 (« Sans refuser complètement, par précaution je réservai ma réponse et lorsque je demandai conseil au professeur, « Ta santé ne t’est donc pas précieuse ?! » fit­il, pris de fureur. Que ce soit avant ou par la suite, ce fut la seule fois où je me vis admonesté en criant. Puis, je m’entendis dire : « Je t’assigne à résidence. Je t’interdis de voyager sans mon autorisation, et t’interdis d’accepter un travail de l’extérieur ». »)

Les autres chercheurs se moquèrent gentiment de lui, le qualifiant de hako­iri musuko 住住住住住170 (fils bien gardé, comme dans une boite).

167 Certains se montrèrent même ingrats, notamment son ami l’économiste OOUCHI Hyôe 「「「「 (1888­ 1980) pour qui il avait créé un poste après qu’OOUCHI s’était retrouvé impliqué dans un scandale. SHIBUSAWA ne s’en plaignit jamais. NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. II, 5, p. 62. 168 Comme le rapporte le libraire ISHIODORI Kazunori 「「「「, ancien disciple de MIYAMOTO dans une interview avec SATAO Shinsaku 「「「「「 publiée dans Miyamoto Tsuneichi to iu sekai 「「「「「「「「「「「(Un monde appelé Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2004, Interview 4 du chapitre II, p. 92 : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Il m’a dit aussi, je crois, qu’il avait des sortes de devoirs que lui donnait SHIBUSAWA Keizô et qu’il devait faire des recherches dans l’immédiat »). 169 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 101. 170 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 101. MIYAMOTO relève même ensuite la leçon que son maître lui donnait dans ses fréquents emportements ou pour se moquer de lui.

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「171 (« « Je serai ta digue172. Toi, si tu n’avais pas de digue, tu te briserais tout de suite », voilà ce que je me fis dire jusqu’à sa mort ».)

SHIBUSAWA, pour sa défense, ne fut pas le seul à donner des surnoms à son protégé. D’autres avant lui l’avaient habitué à cet usage : un professeur de littérature qui l’appelait l’« homme sans freins » (burêki no nai otoko 住住住住住住住住), un autre le « tonneau non cerclé » (taga no shimaranai oke 住住住住住住住住住) et un professeur de philosophie qui allait jusqu’à le surnommer « l’homme­caramel » (kyarameru no yô na otoko 住住住住住住住住住住).

Tous ceux qui ont connu MIYAMOTO Tsunéichi évoquent sa volubilité passionnée. Il pouvait passer une journée et la nuit entière à parler. A ce propos, il évoque comment son maître manifesta un jour son agacement à cet égard :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「173 (« Je rentrai de mon premier voyage, et après en avoir fait rapport pendant trois nuits d’affilée, « Tu as enfin fini ? », me dit le professeur ; je fus alors à la fois déçu, et je me dis que j’avais beaucoup causé. Cependant, c’était parce qu’il ne m’avait pas interrompu, m’écoutant tout en opinant du chef comme un marteau. Et je pensai que je devrais parler avec un peu plus de concision ».)

Ce fut SHIBUSAWA qui, en 1935 vraisemblablement, enjoignit MIYAMOTO Tsunéichi de partir étudier les villages :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「174 (« A l’Achikku, nombreux sont ceux qui font des recherches sur l’Histoire de la pêche, mais concrètement ce qu’on appelle les villages de pêcheurs, quel genre de chose est­ce ? Quel genre de structures ont­ils ? Quel genre de vie y mène­t­on ? Ceux qui connaissent concrètement ces choses

171 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 101. 172 « Revanche de l’Histoire », si l’on veut, l’un des disciples de MIYAMOTO, TAKAMATSU Yoshikichi 「「「「 (professeur à la Sagami joshi daigaku 「「「「「「 (Université pour filles de Sagami) et Directeur du Nihon kankô bukna kenkyûjo) verra en son maître une « digue » des cultures des îles menacées par l’exode rural et l’homogénéisation consumériste. « Bôhatei »「「「「「, Shima「「「「(Ile(s)), n°106, recueilli dans Miyamoto Tsuneichi / Dô­jidai no shôgen 「「「「「「「「「「「「「「 (Miyamoto Tsunéichi : Témoignages d’époque), Miyamoto Tsuneichi tsuitô bunshû (coll.), 2ème tome (zoku 「), p. 18. 173 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 101­102. 174 MinZokugaku no tabi, chap. 8, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 92. sont rares. Vu que tu as grandi au bord de la mer, ne m’écrirais­tu pas une étude sur la vie quotidienne concrète des villages de pêcheurs ? »)

Il faut préciser que SHIBUSAWA, avant de s’intéresser à la vie des campagnes, se destinait à la zoologie, particulièrement aux poissons, d’où son surnom de « Saigyodô 住住住 » (Grotte des poissons de la fête). Il n’abandonnera pas tout à fait l’étude des poissons puisque, comme nous y reviendrons, il en étudia les noms (gyomei 住住, ichtyonymes, noms de poissons).

MIYAMOTO suivit le conseil et rentra dans son village pour l’étudier, ainsi que les autres localités de Suô Ooshima et des îles environnantes. Une fois son travail de terrain accompli, il s’attela à la rédaction de ce qui allait être son premier livre, publié par l’Achikku myûzeamu, Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsu­shi住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Passage en revue de la vie quotidienne à la mer autour de Suô Ooshima).

L’instant où SHIBUSAWA prononça les paroles sus­citées fut donc capital : il décida de la suite de la carrière de MIYAMOTO. Ce fut ainsi qu’il commença d’établir des bases sur lesquelles le jeune homme allait bâtir une carrière de chercheur.

Dans son article consacré à MIYAMOTO et insolemment intitulé « Mon parasite est le premier du Japon » (« Waga shokkaku ha Nippon­ichi » 住住住住住住住住住住)175, SHIBUSAWA place MIYAMOTO parmi ses trois meilleurs élèves aux côtés de SAKURADA Katsutoku 住住住住 et d’IWAKURA Ichirô 住住住住.

Mais ce fut aussi lui qui lui interdit d’accepter un poste de professeur dans une université de Mandchourie, empêchant son protégé d’étendre ses investigations à l’étranger176. Il voulait premièrement que MIYAMOTO finisse préalablement l’étude du Japon avant d’étendre son champ d’investigation à l’étranger (et ainsi prévenir toute dispersion dans le travail de son disciple à l’étendue déjà extrêmement large), mais aussi, deuxièmement, éviter à son naïf élève d’être mis en présence d’une institution coloniale comme l’Université pour la construction du pays en Mandchourie et de fréquenter des personnes peu recommandables, ce qui aurait pu lui être reproché par la suite177. Car SHIBUSAWA, considérant froidement la situation, prévoyait la défaite178 et avait réussi à convaincre MIYAMOTO179 qui n’hésitait pas à évoquer en classe cette perspective ainsi que la période de

175 Republié in SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi Tabi suru minZokugakusha, p. 78. 176 MinZokugaku no tabi, chap. 9, Kôdansha gakujutsu bunko, p. 96. Episode également évoqué dans son Shibusawa Keizô. 177 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 3, p. 86. 178 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 3, p. 87. 179 « Shomin no negai »「「「「「「「(« La requête du petit peuple »), 1955, OM 21, cité par NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 5, p. 97. reconstruction, insistant sur la dignité dans la défaite et l’attitude constructive à avoir, sans ressentiment180.

Si l’on fait le bilan de la relation entre les deux hommes, elle est très positive. Le grand organisateur a su tirer du jeune chercheur le maximum, non dans son intérêt ni celui de l’Achikku, mais dans celui du savoir, d’une façon désintéressée. Un même amour de la science et une relation amicale proche de la relation père­fils les lia jusqu’à la fin.

MIYAMOTO Tsunéichi, jusqu’au bout d’une obéissance et d’une loyauté qui pourraient laisser perplexe si l’on ne connaissait pas la vie des deux hommes, n’entreprit rien à l’étranger du vivant de son maître et ce ne fut qu’en 1975, à l’âge de 67 ans, et sur sollicitation des jeunes chercheurs de l’Ecole d’expédition Amukasu181 qu’il accomplit le premier de ses quatre voyages hors du Japon, en l’occurrence au Kenya et en Tanzanie.

De SHIBUSAWA en tant que chercheur il nous reste cinq épais volumes d’œuvres complètes et surtout une activité de créateur et d’« organisateur », qui faisait l’admiration de MIYAMOTO. Ainsi résume­t­il l’œuvre de son maître à l’occasion d’un bilan, rendu possible par sa disparition, ainsi que celles de YANAGITA, et d’ORIKUCHI Shinobu :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「182 (« Le professeur SHIBUSAWA instaura plutôt, en tant qu’organisateur, des conditions qui permettaient la recherche à de nombreux étudiants­chercheurs. Pourtant, tout en occupant ses jours en tant qu’homme d’affaires183, il utilisait son temps libre et versait toute son énergie dans des recherches sur les objets traditionnels du peuple (les mingu), le nom des poissons ainsi que sur les rouleaux peints (emakimono). En particulier, grande était la ferveur qu’il dépensait pour l’épanouissement de la science voisine de la minZokugaku qu’était l’ethnologie. En tant que président de la Société japonaise d’ethnologie, il se consacra à la coopération au sein des Rencontres des neuf disciplines (Kyû gakkai), conseilla pour les travaux de groupe et s’employa à la formation d’étudiants dont la vision était aussi large que le cœur. »)

180 « Shomin no negai », cité par NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 3, p. 88 et le témoignage d’un ancien élève, IWAI Hiroshi 「「「, p. 90. 181 Amukasu : anagramme japonais (A.M.K.A.S.) d’« Aruku Miru Kiku Amêba Shûdan » (Groupe amiboïde d’Aruku miru kiku (Marcher, regarder, écouter)). 182 MinZokugaku he no michi, p. 135. 183 Chaque matin, SHIBUSAWA lisait et faisait ses recherches deux heures avant de partir au travail. Il rentrait tard le soir. Il passait ensuite au musée pour y travailler et ne retournait dans ses quartiers que vers les 2 ou 3 heures du matin. SHIBUSAWA Masahidé 「「「「, Chichi Shibusawa Keizô「「「「「「「「(Mon père Shibusawa Keizô), Jitsugyô no Nipponsha, Shôwa XLI (1966). Que ce soit à la lecture de témoignages le concernant ou de l’œuvre même de SHIBUSAWA, on s’aperçoit que sa conception de la minZokugaku s’opposait à celle de YANAGITA plus qu’elle ne la complétait. On peut résumer ces minZokugaku en trois points :

Premièrement, YANAGITA a fait la minZokugaku du cœur (kokoro no minZokugaku 住 住 住 住 住 ) et SHIBUSAWA celle des choses (mono no minZokugaku 住住住住住). Le vieil intellectuel identitaire partait de postulats (la mission du Japon, l’âme japonaise supérieure) et orientait ses recherches en tentant non de le vérifier, mais de le confirmer, alors que SHIBUSAWA l’homme d’affaires pragmatique partait des objets matériels qu’on lui rapportait et s’interrogeait sur leur raison d’être et ce qu’ils révélaient de la vie quotidienne sans laisser ses opinions politiques interférer.

Deuxièmement, SHIBUSAWA a été un pionnier de l’interdisciplinarité, favorisant le dialogue scientifique avec les disciplines voisines que sont l’ethnologie de l’extérieur, l’anthropologie, l’archéologie, la linguistique, l’étude des religions etc.184 alors que YANAGITA a maintenu sa minZokugaku dans un dédaigneux isolationnisme scientifique.

Troisièmement, SHIBUSAWA aspirait à une minZokugaku internationale, comprenant à la fois l’étude du Japon et l’étude de l’étranger185 dont s’occupait déjà l’ethnologie. Mais à toutes fins pédagogiques, et non idéologiques, l’étude du Japon devait précéder l’étude des autres pays.

SHIBUSAWA rencontra YANAGITA pour la première fois dans un train, et ce de manière fortuite. YANAGITA (40 ans) était déjà assez célèbre et le jeune SHIBUSAWA (17 ans) lui fit ses salutations émerveillées186. Par la suite, lorsque l’Achikku commença a faire parler dans le monde de la minZokugaku, YANAGITA ne cacha pas son léger mépris pour cette structure qu’il taxait implicitement d’amateurisme.

MIYAMOTO jouait un peu le rôle de « pont », de « relais » (hashiwatashi 住 住 住 187) entre les deux hommes et leurs institutions respectives. Il était en effet le seul à être membre des deux sans chercher à attiser les tensions, mais bien plutôt à les concilier. Malgré ses efforts, ils n’y parvint pas et il lui fallut faire son choix. Comme on le devine, ce fut SHIBUSAWA. Le pragmatisme l’emportait sur l’idéologie.

A propos de SHIBUSAWA, se pose la question du financement des recherches de MIYAMOTO.

Le financement des recherches de MIYAMOTO Tsunéichi

184 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 9, p. 190­191. 185 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 4, p. 95. 186 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. II, 5, p. 61. 187 Expression de YAMADA Takao 「「「「, membre de la Kinki minZoku gakkai 「「「「「「 (Société des études en minZokugaku du Kinki), in « Shidô ichinyo »「「「「「「(« L’identique dans la voie la loyauté ») et « An’etsu junro »「「「「「「(« Sincérité sans artifices d’une joie paisible »). Même si la minZokugaku est loin d’être la science la plus onéreuse, elle requiert comme toute recherche de terrain des fonds pour le transport, l’hébergement et la nourriture, l’acquisition et le transport de matériel et d’objets, sans compter le salaire des chercheurs bien entendu. Or MIYAMOTO, s’il fut loin d’avoir bénéficié des crédits suffisants pour ses recherches, réussit cependant à les mener bon an mal an. Pour cela il sut varier les financements et surtout prendre sur lui pour faire « avec les moyens du bord », faisant notamment appel à la générosité des populations locales. C’est ainsi qu’il fut hébergé par de nombreuses familles qu’il rencontrait lors de ses études de terrain. Les frais de logement étaient économisés, car sauf climat particulièrement rude, et à défaut d’un futon chez l’habitant, il savait se contenter du bivouac à la belle étoile. Quid de sa famille ? MIYAMOTO la laissa à plusieurs reprises à Osaka, puis à Suô, et à cette deuxième époque, elle s’occupa d’activités agricoles qui assurèrent son autonomie alimentaire. Même dans le pire des cas, les MIYAMOTO ne mourraient pas de faim. On sait aussi que l’essentiel des revenus de MIYAMOTO étaient assurés par ses livres. Il écrivait donc poussé à la fois par le désir de diffuser son savoir et par la nécessité économique. Il ne jugeait pas tous ses ouvrages de la même valeur, mais nous ignorons le détail de ceux qui trouvaient ou non grâce à ses yeux. L’anecdote est parfois racontée selon laquelle lors de la remise du « Prix Kon Wajirô » en 1977, MIYAMOTO reprocha inexplicablement à ceux qui le décoraient d’accorder trop d’importance à ses œuvres alimentaires, « du caca » selon lui188, sans préciser lesquelles. En outre la collecte et le transport des objets destinés à constituer un fond d’objets ethnographiques (sur lesquels nous reviendrons dans la seconde partie) furent assurés bénévolement avec le concours des habitants (de Kuka notamment).

Du côté des financements extérieurs, le premier à citer est celui de son mentor SHIBUSAWA. Disposant d’une importante fortune personnelle, il donnait ses directives et une enveloppe à son protégé qu’il envoyait faire son terrain pour le compte de l’Achikku myûzeamu. Par la suite, MIYAMOTO fut membre de sociétés savantes publiques. Elles financèrent certaines de ses recherches. Enfin, des sociétés privées firent appel à ses talents pour des missions ponctuelles rémunérées. (ex. :

188「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Dans son allocution lors de la réception du Prix Kon Wajirô, MIYAMOTO Tsunéichi eut les mots suivants : que s’il avait écrit beaucoup de phrases, c’était pour manger, et que celles­ci étaient quelque chose comme sa crotte ».) « Miyamoto Tsuneichi chosaku mokuroku »「「「「「「「「「「, (Nihon kankô bunka kenkyûjo 「「「「「「「「「, 1988), cité dans SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 13, p. 309. Citation originale :「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Moi, pour bouffer, j’ai écrit des livres. C’est comme si vous, Mesdames et Messieurs, vous étiez en train de lécher la crotte qui s’est accumulée dans mon ventre. Dans la mesure du possible, j’aimerais que vous ne lisiez pas ce genre de choses »). Postface de KADZUKI Yôichirô 「「「「「 à Sora kara no minZokugaku de MIYAMOTO Tsunéichi, 2001, p. 233. participation comme consultant à une série de documentaires pour la télévision sus­citée). Au final, il semble que MIYAMOTO ait essentiellement vécu de ses livres, les financements qu’il recevait servant surtout à équilibrer les comptes à l’occasion de ses études de terrain.

2) les confrères et les groupes de recherches MIYAMOTO, revenu de ses voyages le plus souvent solitaires, au moins jusqu’à la cinquantaine, fréquentait de nombreux collègues et participait à un nombre surprenant de sociétés savantes.

- a. Les confrères :

Dans MinZokugaku he no michi (La voie vers la minZokugaku), qui fait un peu office de grande introduction à son œuvre189, MIYAMOTO consacre un sous­chapitre aux prédécesseurs et confrères : « Kenkyûsha to sono shuyô chosho » 「「「「「「「「「「「「 (« Les chercheurs et leurs principales publications »)190. Il y distingue trente­deux personnes191, dont il se contente de citer les œuvres principales en listes brèves. Seul YANAGITA Kunio a droit à un traitement de faveur et au lieu des deux ou trois lignes allouées à ses confrères, voit ses œuvres citées sur trois pages.

189 Ce n’est pas un hasard si cette œuvre fut choisie pour figurer dans le premier tome des Œuvres de MIYAMOTO aux éditions Miraisha (cf. Bibliographie en fin de volume). 190 MinZokugaku he no michi, IIIe partie, chapitre I (« Nihon minZokugaku kankei ichiran »「「「「「「「「「「「 (« Aperçu en rapport avec la minZokugaku »)) éd. Miraisha p. 143. 191 Pour mémoire, voici la liste dans l(e dés)ordre de MIYAMOTO. Nous faisons figurer en gras les noms qui nous apparaissent comme importants : 1. ARUGAKI Saémon 「「「「「「 ; 2. INAMI Fuyû 「「「「 ; 3. Iwakura Ichirô 「「「「 ; 4. ORIKUCHI Shinobu 桧桧桧桧 ; 5. KODERA ?Yûkichi ? 「「「「 ; 6. OOMACHI Atsuzô 「「「「「 ; 7. GOTÔ Kôkichi 「「「「 ; 8. KON Wajirô 桧桧桧桧 ; 9. SAKURADA Katsutoku 「「「「 ; 10. SASAKI Kizen 「「「「「 ; 11. SAWADA Shirôsaku 「「「「「 ; 12. SEKI Keigo 桧桧桧 ; 13. SEGAWA Kiyoko 「「 「「 ; 14. TAKAGI Toshio 「「「「 ; 15. TAKAHASHI Buntarô 「「「「「 ; 16. TAKEUCHI Toshimi 「「「「 ; 17. DEGUCHI Yonékichi 「「「「 ; 18. NAKAYAMA Tarô 「「「「 ; 19. NISHITSUNO’I Masayoshi 「「「「「 ; 20. NODA Tayoko 「「「「「 ; 21. HASHIRUA Yasuo 「「「「 ; 22. HAYAKAWA Kôtarô 桧桧桧桧桧 ; 23. HORI Ichirô 「「「 ; 24. MINAKATA Kumagusu 桧桧桧桧 ; 25. MIYANAGA Masamori 「「「「 ; 26. MIYAMOTO Seisuké 「「「「 ; 27. MATSUMURA Takéo 「「「「 ; 28. MOTOYAMA Keisen 「「「「 ; 29. YAMAMOTO Shô 「「「 ; 30. YAMAGUCHI Asatarô 「「「「「 ; 31. YANAGITA Kunio 桧桧桧桧 ; 32. WAKAMORI Tarô 「「「「「. Dans les sous­chapitres suivants, MIYAMOTO fera la liste des revues et des publications collectives. Le nom de MINAKATA Kumagusu 宮 宮 宮 宮 (1867­1941)192 est heureusement cité. On attribue à YANAGITA la création de la minZokugaku à partir des kokugaku 住 住 (études nationales) et des ethnologies occidentales. Mais on oublie le rôle de précurseur que joua MINAKATA de huit ans son aîné. MINAKATA avait commencé par étudier la biologie et avait fait des études en Angleterre et aux Etats­Unis. Puis il avait étudié l’allemand, la botanique et la zoologie. Employé au British Museum, il rédige de nombreux essais en anglais et en japonais. De retour au Japon, il étudie en même temps les myxomycètes (sortes de moisissures) et ce qui allait devenir la minZokugaku193. Ses œuvres (par exemple Jûni­shi kô「「「「「「(Pensées sur les douze signes chinois), Minakata kanwa「「「「「「Conversations familières de Minakata) furent assez lues de son vivant et marquèrent YANAGITA tout comme SHIBUSAWA qui créa même en 1947 la Minakata sosaeti 「「「「「「「「「「 (Société Minakata) dont il fut le président et qui organisa en 1951 la première exposition consacrée à MINAKATA.

En l’état actuel des recherches, on ignore si MIYAMOTO l’a rencontré, et toujours est­il que son influence est tangible, bien que probablement livresque, ne serait­ce que grâce à SHIBUSAWA. Rencontre manquée, qui sait ? Et c’est dommage, car que de points communs entre le jeune chercheur et le vieux défricheur, plus qu’avec le pontifiant YANAGITA et l’autoritaire SHIBUSAWA. Trop semblables peut­être… Qui sait si MIYAMOTO en aurait été aussi stimulé qu’il le fut par les deux personnalités sus­citées, probablement plus fortes. Peut­être avait­il justement besoin de ces hommes forts pour lui fournir un cadre, des règles, quitte à les transgresser dans la maturité (interdiction du voyage à l’étranger notamment).

α. ORIKUCHI Shinobu 、、、、194 :

(1887­1953) Cet auteur, qui lui non plus n’a guère fait l’objet d’études en langue française, s’est intéressé à l’étude des contes tout autant qu’à celle de la langue elle­même et de la littérature classique, dans le droit fil des kokugakusha 「「「 (spécialistes des études nationales).

MIYAMOTO divise son œuvre en six parties :

1/ les transmissions périodiques (shûki denshô 住住住住 ) : évènements saisonniers cérémoniels (nenchû gyôji 住住住住) ;

192 Pour plus de précisions, nous renvoyons à TSURUMI Kazuko 「「「「, Minakata Kumagusu, Chikyû shikô no hikaku­gaku「「「「「「「「「「「「「「「 (Minakata Kumagusu : Comparatisme des tendances du globe), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 1981, rééd. 2004, 318 p.. 193 Il noua même de cordiales relations avec SUN Yatsen 「「「 (vrai nom : SŪN Wén 「「) (1866­1925) alors en exil au Japon. Ils correspondaient en anglais. NAKASE Hisaharu 「「「「 & HASEGAWA Kôzô 「「「「「, Minakata Kumagusu arubamu「「「「「「「「「「(Album Minakata Kumagusu), Tôkyô, Yasaka shobô, 2004, 200 p.. Voir en particulier les p. 68­69. 194 Qu’on veillera à ne pas confondre avec HORIGUCHI Daigaku 「「「「 (1892­1981) (poète, spécialiste de littérature française et traducteur), comme l’avait fait un jour une interprète à cause de la ressemblance phonétique des deux noms de famille. 2/ les transmissions d’évènements cérémoniels de la vie (gyôji denshô 住住住住) : cérémonie de majorité, mariage et funérailles (kan­kon­sô­sai 住住住住) ;

3/ les transmissions de mots (gengo denshô 住住住住) : chants (kayô 住住), incantations (tonaegoto 住住住住), récits (katarimono 住住住) ;

4/ les transmissions de comportement (kôdô denshô 住住住住 ) : actes dus au hasard, comportements de réaction (gûzen­teki.handô­teki kôi 住住住住住住住住住) ;

5/ les transmissions plastiques (zôkei denshô 住 住 住 住 ) : qui concernent l’architecture et les objets subordonnées (teshita mono 住住住) etc. ;

6/ les transmissions artistiques (geijutsu denshô 住住住住) : musique, danse (buyô 住住).195

MIYAMOTO ne manque jamais de le citer parmi les auteurs qu’il estime importants, pourtant, il est un de ceux qu’il commente le moins. Peut­être n’a­t­il simplement rien à rajouter aux recherches sur la foi populaire et les contes dans lesquelles son contemporain s’est illustré, domaines et approche plus abstraits que ceux que traitait MIYAMOTO, davantage liés à la vie matérielle et sociale. Lorsqu’il arrivait à MIYAMOTO de parler de religion196, ce n’était jamais pour se livrer à des analyses anthropologiques, mais davantage pour décrire le phénomène dans sa matérialité (Histoire du culte, manifestations matérielles, objets du culte, étymologie des termes utilisés etc.).

Les recherches d’ORIKUCHI sur la mythologie197 sont aujourd’hui encore estimées par des ethnologues et anthropologues de renom comme TANIGAWA Ken’ichi qui étudia aussi l’œuvre de YANAGITA, notamment dans le cadre de ses recherches sur l’Autre monde198.

Quant à son œuvre de poète, elle fascine toujours au point qu’un poète contemporain, YOSHIMASU Gôzô 住住住住 (né en 1939), organisa même une série de conférences199 pour présenter sa pensée.

β. HIMEDA Tadayoshi 、、、、 :

(Né en 1928) La collaboration avec le jeune documentariste nécessite une réflexion particulière. Nous en parlerons donc dans la partie consacrée à MIYAMOTO Tsunéichi et l’image.

γ. AMINO Yoshihiko 、、、、 :

195 MinZokugaku he no michi, p. 57. 196 Et, à l’échelle de l’œuvre de MIYAMOTO, un thème secondaire représente tout de même plusieurs centaines de pages. 197 Par exemple dans Kodai kenkyû 「「「「「「 (Recherches sur l’Antiquité). 198 TANIGAWA Ken’ichi 「「「「 , Tokoyo­ron 「「「「「 (De l’Autre monde), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 1ère éd. 1989, 286 p.. 199 YOSHIMASU Gôzô fit d’ailleurs deux interventions à l’Université Jean Moulin Lyon III. (1928­2004) Encore inédit en français, l’historien ayant réalisé et porté presque seul la rénovation de l’Histoire était une personnalité de premier plan qui comprit très vite que MIYAMOTO Tsunéichi n’était pas un folkloriste comme les autres et que son parcours non académique n’entravait en rien sa crédibilité de chercheur. Il fut particulièrement sensible à sa manière sincère de présenter ses recherches, à la transparence avec laquelle elles étaient conduites et à ses illuminations scientifiques tardives sur l’origine des Japonais, telles qu’elles figurent dans son œuvre inachevée : Nihon bunka no keisei et qui seront présentées en détail dans la deuxième partie de cette étude.

Mais reprenons depuis le début. AMINO Yoshihiko part d’un constat : les historiens ne font l’Histoire que des forts, c’est à dire les guerriers, les nobles de Cour et les dignitaires religieux. La masse restante des Japonais n’a jamais fait l’objet d’études historiques spécifiques. Devant l’énormité de la tâche, car c’est avec lui que tout commence, il décide de cibler son domaine de recherches : ce sera la ville.

Les deux hommes se rencontrèrent au Nihon jômin bunka kenkyûsho (Centre de recherches sur les cultures populaires du Japon)200 après­guerre, mais leurs échanges n’avaient rien à voir avec le contenu de leurs recherches et AMINO, de vingt­et­un ans le cadet de MIYAMOTO, ne chercha pas à s’y intéresser à ce moment­là, malgré les bons échos qu’il en avait par des collègues communs201. Sa découverte de l’univers intellectuel miyamotien fut donc entièrement livresque, comme il l’écrit lui même, non sans regret202. Mais une fois entré dans cette œuvre, AMINO n’en ressortira plus. Il fut particulièrement influencé par l’importance que MIYAMOTO accordait aux mingu (objets ethnographiques populaires traditionnels)203 sur lesquels nous reviendrons plus en détail dans la seconde partie et intégra l’étude des mingu à son Histoire, confirmant ainsi l’existence d’un pont entre les deux disciplines.

MIYAMOTO, de son côté, lisait les publications de l’historien et le cita à quelques reprises dans ses oeuvres avec un grand respect.

200 Nihon jômin bunka kenkyûsho 「「「「「「「「「 : ancien Achikku myûzeamu 「「「「「「「「「「「 (Musée des greniers) fondé par SHIBUSAWA Keizô. 201 AMINO Yoshihiko, « Shitadzumi no sekai ni sosogareta me »「「「「「「「「「「「「「「(« Un regard jeté sur un monde subalterne »), in Asahi shimbun, Tôkyô, 3 février 1981, éd. du soir, repris dans Miyamoto Tsuneichi – Dô­jidai no shôgen, mai 1981, rééd. Matsuno shoten, jan. 2004 et dans SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi : Tabi suru minZokugakusha, Tôkyô, 2005, p. 28. 202 AMINO Yoshihiko, « Shitadzumi no sekai ni sosogareta me », p. 28. 203「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« TANI GAWA : SHIBUSAWA, MIYAMOTO et AMINO dont je parle estimaient les mingu (objets ethnographiques populaires) et ce genre d’« objets » et les étudiaient par ailleurs, mais YANAGITA et ORIKUCHI, sans se préoccuper d’une quelconque façon des mingu, traitaient alors de l’anima, de l’âme etc., de ce que l’œil ne peut voir et des mots. ») TANIGAWA Ken’ichi s’entretenant avec SANO Shin’ichi, in SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi / Tabi suru minZokugakusha, p. 69. Ce ne sera pas sans satisfaction qu’AMINO verra MIYAMOTO s’intéresser à la campagne et la traiter en partie en historien. A elles deux, leurs œuvres se complètent admirablement et offrent un panorama quasiment exhaustif de l’Histoire japonaise, qui plus est presque contemporain.

Survivant vingt­ans à MIYAMOTO, AMINO aura le temps d’écrire un livre204 consacré au chef d’œuvre de MIYAMOTO, Wasurerareta Nihonjin205 (dont le chapitre sur le « Tosa Genji » 住住住住住住(« Le Genji206 de Tosa ») lui avait fait une forte impression). Il lui avait déjà consacré un chapitre de son ouvrage Chûsei saikô207 (Repenser le Moyen­Age) résumant sans ambiguïté la place essentielle que l’œuvre de MIYAMOTO occupa dans son choix de carrière :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「208 (« Concernant mes théories méthodologiques en Histoire, si je n’avais pas rencontré M. MIYAMOTO, je n’aurais absolument pas pu les bâtir. »)

- b. Les groupes de recherche et de réflexion et autres sociétés savantes.

Il est difficile de faire le compte de toutes les sociétés savantes dont MIYAMOTO fut membre209. Leur grand nombre laisse penser qu’il ne pouvait nécessairement pas assister à toutes leurs réunions. Certaines semblent cependant se dégager des autres : celles où MIYAMOTO se signala, voire s’illustra, lorsqu’il ne fut pas carrément leur fondateur. Nous y reviendrons par la suite, mais la carrière de MIYAMOTO peut être divisée en trois activités : le terrain, la rédaction, et la participation à des sociétés ayant pour but de faire avancer les choses. C’est en effet ce qui peut gêner ou enthousiasmer chez lui : sa participation, en tant qu’enquêteur sur place (observation participante) ou en tant que membre d’une société savante, à des activités ayant une incidence volontaire sur le milieu étudié. Lui même l’écrit ainsi :

204 AMINO Yoshihiko, « Wasurerareta Nihonjin » wo yomu 「「「「「「「「「「「「「 (Lire Les Japonais oubliés), Iwanami shobô 「「「「, Tôkyô, 2003, 229 p.. 205 Ouvrage sur lequel nous reviendrons en détail plus loin. 206 Genji fait bien sûr référence au héros éponyme de Murasaki­Shikibu dans son roman Genji monogatari 「「「「「「 (Le dit du Genji), publié aux puf dans la traduction de René SIEFFERT. Dans ce contexte, ce surnom signie « séducteur », « Don juan ». 207 Chûsei saikô 「「「「「「 (Repenser le Moyen­Age), Tôkyô, 1ère éd. en volume, Kôdansha gakujutsu bunko, 2000, rééd. 2004. MIYAMOTO est traité au quatrième et dernier chapitre, p. 224­259. 208 Cité par SANO Shin’ichi dans un entretien avec TANIGAWA Ken’ichi, in SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi / Tabi suru minZokugakusha, p. 69. 209 Nous en citons la plupart au fur et à mesure dans notre chronologie bibliographique en fin de volume dans les annexes.. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「210 (« Si l’on marche parmi les paysans, qu’on vit avec eux, on en vient à utiliser des méthodes différentes de celles des études de terrain que réalisent les savants. Et, on ne laisse, d’une part, de se dire qu’on va être leur porte­parole et, d’autre part, qu’on va prêter l’oreille à leurs propos. »)

Nous reviendrons précisément sur cette question dans le chapitre suivant.

Il serait fastidieux et de peu d’intérêt de traiter en détail de chacune des sociétés211. Aussi avons­nous choisi quelques exemples qui nous ont paru manifestement plus importants.

­ α Les associations fondées par MIYAMOTO :

La Kôshô bungaku no kai 桧桧桧桧桧桧 (Société de littérature orale) que fonde MIYAMOTO rencontre un petit succès local. MIYAMOTO y publie presque seul et avec des moyens de fortunes sa revue Kôshô bungaku (Littérature orale), expression qui sera reprise par YANAGITA et ensuite par toute la minZokugaku.

On citera aussi le Deku no bô kurabu 宮宮宮宮宮宮宮宮 (Club des poupées de bois et, par extension, des nigauds) (1963), la Société de découverte du Japon (Nihon hakken no kai 宮宮宮宮宮宮) (même année) et la Société d’étude des objets populaires traditionnels du Japon (Nihon mingu gakkai 宮宮宮宮宮宮) (1975).

Par ailleurs, rappelons qu'avec l’« Association des montreurs de singes de Suô » (Suô saru­mawashi no kai 住住住住住住住住) et l’Ondeko­za 宮宮宮宮 [宮宮宮] 宮, toujours actif de nos jours, il redonne vie à deux activités, l’une disparue (les montreurs de singes) et l’autre sur le point de l’être (les concerts de tambours traditionnels).

Avec l’aide de deux autres chercheurs (ASANO­YAMASHINA Yoshimasa 住住住住住住 et TAKEDA Akira 住住住 de la Tôsho shakai kenkyûkai 住住住住住住住 (Société de recherches sur la société des îles grandes et petites)), il fonde enfin la Zenkoku ritô shinkô kyôgi­kai 宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Commission de concertation pour le développement des îles éloignées dans tout le pays) dont il est le chef de bureau bénévole (bien qu’on lui ait proposé un salaire)212.

Enfin, nous ne saurions passer sous silence la création en 1980, sur la base du bénévolat, de la Tôwa­ chô kyôdo daigaku 宮宮宮宮宮宮宮 (Université du terroir du district de Tôwa) destinée à l’édification du grand public de province, et ce à Suô Ooshima, l’île natale de MIYAMOTO. Celui­ci résume ainsi les buts de cet établissement :

210 MinZokugaku no tabi, chap. 12, p. 154. 211 Pour trouver une mention presque exhaustive de ces sociétés, nous renvoyons à la chronologie biographique figurant en annexe. 212 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 12, p. 298. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「[「「「「]「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「[「「「「]「213 (« [L’Université du terroir était] l’occasion et l’établissement où, en vivant dans le terroir (kyôdo), en apprenant du terroir, et en étudiant là en même temps, on aurait des idées profondes et un champ de vision élargi, et l’on étudierait comment devrait être à l’avenir le terroir, ce que nous devrions faire, [et c’était] quelque chose dont le but était de rechercher les formes que devrait avoir le terroir de demain, et de tenter de les réaliser ».)

Fermée un an après la mort de son créateur, elle rouvrira ses portes en 2003 (cf. annexes) et continue son activité de nos jours (en 2007).

­ β Les groupements des maîtres :

La Minkan denshô no kai 桧 桧 桧 桧 桧 桧 de YANAGITA Kunio à ses débuts ne comptait que quatorze membres (dont notamment OKA Masao, HASHIURA Yasuo et SAKURADA Katsutoku), mais elle grandit très vite pour prendre des proportions et une influence importantes. Très active, elle organise cours et conférences. Son organe est Minkan denshô, qui sert de tremplin à de nombreux disciples de YANAGITA pour faire connaître leurs travaux, mais aussi de tribune idéologique patriotique pour YANAGITA lui­même, où il peut affirmer sous une pluie d’éloges que le peuple japonais est ethniquement homogène et est investi d’une mission unique etc.. D’abord de format journal, la revue passe en 1943 à un format plus petit, de type magazine qui en permet la conservation et revoit sa politique pour plus de sérieux.

213 SANO Shin’ichi, FUJIMOTO Kiyohiko 「「「「 , USU’I Takumi 「「「 , KO’IZUMI Bon 「「「 et TATEMATSU Wahei 「「「「, Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi­roku「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(Le message de Miyamoto Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p., texte de NIIYAMA Norio 「「「「 en annexe « Kyôdo daigaku funsen­ki »「「「「「「「「「(« Chronique du courageux combat de l’Université du terroir ») , p. 104, et plus particulièrement p. 105. L’Achikku myûzeamu 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮214 (Musée des greniers) renommé pendant la guerre le Nihon jômin bunka kenkyû­sho 住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures populaires du Japon) à cause de pressions de l’administration et des militaires pour supprimer ce nom d’origine anglaise (Attic Museum) : fondé par SHIBUSAWA en 1921 dans une aile de sa maison et pour son seul plaisir, il commença réellement à servir de lieu d’étude à partir de 1925 avec un projet de recherches sur les vieux jouets. Il continua d’être un lieu d’études où le riche homme d’affaires et sponsor accueillait et guidait de jeunes chercheurs (FUJIKI Yoshihisamaro 住住住住住 ; HAYAKAWA Kôtarô 住住住住住), le plus jeune n’ayant que dix­huit ans, chercheurs de tous horizons (puisqu’on trouvait même parmi eux un jeune Aïnou, CHIRI Mashiho 住住住住住 (1909­1961) qui devait plus tard faire parler de lui par l’excellence de son travail sur la langue de ses ancêtres) (cf. photo suivante. MIYAMOTO est au premier rang, au centre). Les recherches qui suivirent furent consacrées aux villages de pêcheurs, d’où le conseil de SHIBUSAWA lorsqu’il proposa à MIYAMOTO de travailler pour lui. MIYAMOTO intégra le musée en octobre 1939 et en resta membre jusqu’à la fin 1943.

Les objets recueillis au cours des études de terrain étaient stockés, classés, ainsi que les documents écrits recueillis ou rédigés par les ethnographes. Enfin, le musée faisait aussi office de petite maison 214 Dans les tous premiers temps, le musée s’appelait « Atikku myûzeamu sosaeti » 「「「「「「「「「「「「「「「「 (Société du Musée des greniers). SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 9, p. 184. d’édition qui publiait au fur et à mesure brochures et livres, fruits de ses activités. C’est par ce biais que furent publiés les cinq premiers livres215 de MIYAMOTO tirés à 300 exemplaires et qui ne se vendirent quasiment pas216. Quelques uns furent distribués à d’autres chercheurs (SEKI Keigo par exemple), le reste stocké. MIYAMOTO reconnaît volontiers que tous les textes publiés par le musée n’étaient pas tous de la même valeur217, que certains n’étaient pas achevés, mais c’était cette activité sans contrainte qui permettait une recherche plus libre qu’ailleurs. Du reste, il donne ensuite une liste des ouvrages les plus réussis.

A partir de 1932, le musée édite ses revues, Dorumen 住住住住住住 (Dolmen) et Shima 住住住住 (Iles). C’était trois ans avant que ne soit lancée la revue des disciples de YANAGITA, Minkan denshô 住住住住住住, à l’occasion du soixantième anniversaire du maître, revue qui connaîtra une longue carrière. Dorumen n’aura pas cette chance et ne durera pas plus de quatre ans.

Ces associations des deux maîtres de MIYAMOTO ne sauraient faire oublier la multitude de sociétés savantes qui sont créées avant, pendant et après la guerre, prenant les formes et les dimensions les plus diverses.

­ γ Les sociétés associatives de recherche :

Ces sociétés de recherche, sans doute les plus nombreuses, peuvent s’inscrire soit dans un programme officiel, soit dans le cadre d’un projet local universitaire ou simplement associatif. Dans certains cas, la frontière est floue entre association locale de chercheurs et amateurisme bien intentionné (ethnographes dilettantes).

Parmi elles, citons par exemple le Comité du Ministère de l’agriculture et des forêts pour la sauvegarde des documents sur l’eau (Nôrin­shô suisan shiryô hozon iinkai 住住住住住住住住住住住住), le Groupe de recherches synthétiques sur les relations humaines (Ningen kankei sôgô kenkyû­dan 住住住住住住住住住 ) de l’Université de Nagoya 住住住住住, la Commission d’études de terrain du Comité pour la conservation des biens culturels (Bunka­zai hogo iin­kai Chôsa iin 住住住住住住住住住住住…

Mais de toutes les sociétés, la plus puissante était sans conteste la Tokunô kyôkai 住住住住 (Association d’agronomie) (1933­1945) de YASUOKA Masahiro*. Forte en membres et en argent, c’était un important réseau de solidarité et surtout un vecteur d’informations qui répertoriait tous les propriétaires terriens pour les faire participer à l’effort de guerre avec le maximum de productivité. Dissoute en 1945, elle est remplacée par la Shin­jichi kyôkai 「「「「「 (Association pour une nouvelle autonomie) qui œuvre à la reconstruction des campagnes (où elle organise des conférences 215 Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no minZoku­shi (1936), Kawachi­koku Takihata Sakon Kumata okina kyûjidan (1937), Izumo Yataba­gun Kataku­ura minZoku bunsho (1942), Yoshino Nishi­oku minZoku saihô­roku (1942) et Yakushima minZoku­shi (1943). 216 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tuneichi no densetsu, chap. 1, p. 12­13. 217 MinZokugaku he no michi, [chap. II], 4, p. 109. d’agronomie patriotiques) et à l’approvisionnement des villes en denrées alimentaires de base. Ces deux sociétés ont fourni à MIYAMOTO les noms et coordonnées de nombreux propriétaires terriens et chefs de village qui sont devenus ses informateurs privilégiés et les relais nécessaires pour annoncer et concourir à l’organisation de ses conférences d’agronomie dans l’immédiat après guerre.

­ δ Les sociétés savantes concourant aussi à un but commercial :

Sous cette appellation barbare, nous réunissons tous les groupes, associations ou sociétés commerciales pratiquant la recherche afin de servir les intérêts financiers de groupes ou d’administrations, qu’ils en en dépendent ou qu’ils les aient comme clients. Ce rôle, qui peut alors se rapprocher de l’expertise privée (et l’on peut supposer que le fait d’en être membre supposait une petite rémunération218), n’est pas nécessairement incompatible avec l’exigence scientifique. Parmi eux, citons par exemple le Laboratoire de recherches sur les villages agraires (Nôson kenkyû­shitsu 住住住住住), la Société d’études de terrain du crédit de la sylviculture (Ringyô kin’yû chôsa­kai 住住住住住住住), ou encore la Société d’études de terrain du crédit sylvain (Ringyô kin’yû chôsa­kai 住住住住住住住).

­ ε Bilan : les rapports des sociétés savantes entre elles :

C’est un petit monde où, même si l’on ne s’est pas rencontré, on se connaît. Les savants forment grâce à elles des réseaux qui s’entrecroisent et s’échangent informations, publications et chercheurs. Très politisées dans les années 1933 à 1946, au point qu’aucune ne peut survivre sans faire la preuve (par le verbe tout au moins) de son dévouement au régime, ces sociétés ne sont guère différentes dans leur fonctionnement concret de celles d’aujourd’hui, l’informatique en moins, bien sûr. Le mandarinat s’y pratique le plus souvent, avec un maître fondateur qui dicte la ligne idéologique, méthodologique et épistémologique, des administrateurs et des chercheurs, organisés en un modèle pyramidal aussi hiérarchisé qu’une entreprise ou que l’armée. En dehors des structures dépendant des universités, les diplômes n’y sont pas exigés, même s’ils jouent un rôle dans la hiérarchie et la crédibilité de la société savante face aux autres sociétés. C’est aussi ce qui fait que de nombreux minZokugakusha de cette époque sont, encore aujourd’hui, méprisés par les chercheurs universitaires.

Bref, c’est dans cette période d’effervescence intellectuelle, où une science nouvelle se formait et s’affirmait, que MIYAMOTO va évoluer, tour à tour homme de terrain exhaustif et auteur prolifique, mais exigeant.

218 A l’inverse de l’association qui comporte peu d’employés rémunérés, voire aucun, et demande plutôt à ses membres une cotisation, même modique. II (Chapitre II) : Le travail de MIYAMOTO

Tout travail ethnologique suppose plusieurs phases, comme nous l’avons annoncé dans l’introduction : une phase ethnographique de travail de terrain, de prise de notes, et de rédaction, et éventuellement une phase ethnologique d’analyse plus poussée et conceptuelle. Après avoir présenté la méthode et les principes qui la guidaient (A), nous tenterons de cerner les intentions de fond de MIYAMOTO (B) en rapport avec son sujet d’études, lequel fera l’objet de la deuxième partie de ce travail.

A/ Le travail de terrain et le travail de rédaction

La vie de MIYAMOTO fut toute entière consacrée au travail de terrain (1) ainsi qu’à la rédaction de ses articles et de ses livres. A la différence de ses maîtres YANAGITA et SHIBUSAWA qui ne firent ce travail de terrain que dans leur jeunesse, MIYAMOTO y consacra sa vie entière, observant par lui même les changements rapides que connut le Japon après la guerre. La rédaction (2) fut quasiment concomitante à cette activité ethnographique de base.

1) le travail de terrain (firudo.wâku) Le travail de terrain suppose un certain « attirail » (a) et se fonde sur des principes et une méthode (b).

– a. La tenue et le matériel

Afin de mieux comprendre l’apport de MIYAMOTO au travail de terrain, nous allons tenter une comparaison de sa tenue avec celle de son prédécesseur YANAGITA (α). Dans un deuxième temps nous parlerons de l’œuvre photographique de MIYAMOTO (β).

α. La tenue de MIYAMOTO Tsunéichi comparée à celle de YANAGITA Kunio

En 1978, MIYAMOTO se décrit ainsi à 28 ans (1935) :

、、、、、、、、「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「219

219 MinZokugaku no tabi, chap. 9, p. 104 de l’éd. Kôdansha gakujutsu bunko. (« Avec mon blouson noir, je portais des rangers, un chapeau sportif bleu marine à bord tout autour et un sac à dos. A mon sac était ficelé un parapluie à l’occidentale. Cette allure évoquait celle des apothicaires ambulants de Toyama, aussi s’y méprenait­on. »)

En 1960, il donnait une définition plus précise de lui en 1940 (33 ans). La encore, son interlocuteur le prend pour un apothicaire de Toyama. Voici comment il décrit sa « bimbô­kusai shitaku »住住住住住住住住住 (tenue qui sentait la pauvreté) :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「220 (« Je portais mon blouson en synthétique, un pantalon en velours côtelé, avec des jambières, des espadrilles, un chapeau de feutre noir et un sac à dos sale, aux lanières duquel j’avais suspendu un parapluie à l’occidentale. Assurément, c’était une mise d’apothicaire, mais pour un apothicaire, mes vêtements étaient un peu trop fatigués. Si je continuais à marcher encore deux mois environ, mes espadrilles allaient se déchirer. C’est dans ce genre de tenue qui empestait la pauvreté que j’étais à mon aise »).

En 1978, il décrit le jeune (33 ans) YANAGITA Kunio de 1908 :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「221 (« Le maître portait un (jupe­culotte traditionnelle) Sendai­hira222 à blason et, dans cet équipage, avec ses socquettes (tabi) blanches, il passa le col de Nakayama et entra dans Shiiba. Le maire NAKASE qui était allé l’accueillir jusqu’au sommet du col s’étonna de cette tenue du maître, alors qu’il était courant que, comme tenue de voyage, un fonctionnaire portât des guêtres sur un habit occidental. »)

L’année suivante, il évoque à nouveau le jeune YANAGITA en citant cette fois textuellement les paroles de NAKASE :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「223

220 Wasurerareta Nihonjin, chap. [13] (« Moji wo motsu denshôsha (ni) » 「「「「「「「「「 「 「 「 「 (« Les transmetteurs de traditions (II) »)), p. 284 de l’éd. Iwanami bunko. 221 Minzokugaku no tabi, chap. 10, p. 111­112. 222 Type de hakama haut de gamme. 223 « Yanagita Kunio no tabi » 「「「「「「「「 (« Les voyages de YANAGITA Kunio »), essai extrait de l’ouvrage collectif sous la direction de BOKUDA Shigeru 「「「 : Hyôden Yanagita Kunio 「「「「「「「「 (Yanagita Kunio, un biographie critique), Nihon shoseki 「「「「, juill. 1979, repris dans l’ouvrage de SANO Shin’ichi Miyamoto Tsuneichi Tabi suru minzokugakusha (cf. bibliographie), 2005, p. 93. (« A cette époque, il n’y avait presque pas de bureaucrate du centre à venir visiter la montagne. Mais, ayant reçu de la préfecture un télégramme nous annonçant la venue d’un conseiller du Bureau de législation, les gens du village s’étonnèrent. Jusque là, lorsqu’un petit fonctionnaire du département arrivait, il était fréquent qu’il portât des jambières sur un habit occidental et des sandales de paille. Dans quel genre de tenue le conseiller viendrait­il ? : la question se posa, mais quoi qu’il en fût, il fut décidé qu’on couperait les herbes qui bordaient le chemin et que des employés subalternes et toute personne intéressée iraient à sa rencontre jusqu’en haut du col de Nakayama à l’entrée du village, en haori (vêtement traditionnel de dessus « habillé ») et hakama.

Lorsqu’ils virent la personne qui, parti d’en bas, venait de gravir le col et attendait là, c’était un jeune homme de qualité (kikôshi), qui pourtant portait un hakama Sendai­hira à blason, avec des socquettes blanches : ce n’était pas une tenue de voyage. Nous en étions complètement stupéfaits. »)

Puis MIYAMOTO ajoute, en ses propres termes, mais toujours d’après témoignage :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「224 (« Généralement, il était flanqué de porteur(s) de bagages et une ou deux personnes l’accompagnaient : ce n’était pas un voyageur ordinaire ».)

224 SANO (2005), p. 94. On voit bien à quel point MIYAMOTO Tsunéichi se distingue de son prédécesseur par la modestie de sa mise (due en partie à sa pauvreté réelle)225, ce qui ne l’empêchait pas, bien sûr, de porter le costume une fois rentré de voyage, lorsqu’il pratiquait son métier d’enseignant ou de conférencier. SANO Shin’ichi résume la comparaison en parlant de voyage en « socquettes blanches » (shiro­tabi 住住住) pour YANAGITA et en « espadrilles de chantier » (jika­tabi 住住住住) pour MIYAMOTO226.

Plus important est le matériel photographique, ce qui nous amènera par voie de conséquence à évoquer les relations de MIYAMOTO avec la vidéo.

β. Le matériel – MIYAMOTO Tsunéichi et la photographie – MIYAMOTO Tsunéichi et la vidéo

MIYAMOTO fut, pour les besoins de ses études de terrain, photographe occasionnel (au sens de non professionnel) mais, s’il entretint des relations professionnelles avec le réalisateur HIMEDA Tadayoshi, il ne fut pas lui même réalisateur.

L’appareil photo, les carnets. Le matériel de MIYAMOTO Tsunéichi est visible au Bunka kôryû sentâ qui se charge de conserver les documents relatifs à son œuvre.

225 SANO Shin’inchi a pu consulter ses livrets de dépôt et confirme la pauvreté de celui qui disait ne pas avoir eu (suffisamment) à manger avant cinquante ans. (SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi「「「「「「「「「「「(Le regard de Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2003, 207 p., chap. I, 4, p. 38.) 226 SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. II, 4, p. 85. C’est avec un appareil Olympus, modèle Pen S half size, et avec un reflex Canon à objectif monoculaire (cf. photo) que MIYAMOTO Tsunéichi prit toutes ses photographies, que le même centre conserve et met en grande partie à disposition sur Internet grâce à son site des plus complets 227. La plupart de ces photographies ont servi a illustrer la monumentale édition du Journal de MIYAMOTO Tsunéichi (2005). Elles couvrent sans interruption une période qui s’étend de 1945 à 1981 (année de la mort de l’ethnographe). De plus,elles représentent un témoignage historique irremplaçable sur tous les thèmes qui ont occupé MIYAMOTO Tsunéichi (habitat, métiers, objets, transports, jeux, foi populaire, paysage agricole etc.), et si de son vivant elles furent loin d’être toutes publiées, leur auteur ne doutait pas qu’elles deviendraient un jour de précieuses archives.

Du point de vue esthétique, aucune recherche ne semble avoir guidé l’ethnographe, ni pour ce qui est de l’angle ou du cadrage, ni pour ce qui est de l’éclairage ou de la recherche de l’émotion ou du pittoresque. MIYAMOTO Tsunéichi prenait autant de clichés que lui permettait son budget, tout au long de ses études de terrain, sans faire poser ses « modèles », les photographiant souvent à leur insu pendant leurs occupation du moment228. Cette attitude contraste fortement avec une certaine tendance du photo­journalisme (de l’époque tout du moins) recherchant justement le côté « photogénique » des scènes, ce à quoi MIYAMOTO Tsunéichi était plutôt indifférent, voire réticent. Dans son travail de terrain, il ne se voyait pas comme un créateur, encore moins comme un artiste, et ne se serait pas permis de rechercher un « point de vue » : c’eût été par trop s’impliquer et courir le risque d’une une vision trop subjective. En fait, il chercha simplement et uniquement à rendre compte de ce qu’il avait immédiatement sous les yeux. Ainsi écrit­il :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「229 (« Je n’ai fait que prendre ce qu’on ne doit pas oublier. Mais si elle prend trente mille clichés, on devrait comprendre ce qu’une personne a vu de la nature et de la culture, et ce qu’elle a cherché à ressentir. »)

Si de la beauté se dégage de ces photos, elle vient de leur sujet brut, et donc certainement pas d’une quelconque intention de leur auteur de mettre quoi que ce soit en valeur. La minZokugaku n’a aucune finalité esthétique, ce qui ne l’empêche pas d’étudier l’évolution des conceptions esthétiques elles­ mêmes, ou d’utiliser des objets d’Art à des fins ethnologiques, comme les rouleaux peints (emakimono 住住住) pour y dénicher les éléments populaires qu’ils recèlent (Emakimono ni miru minZokugaku).

227 « Miyamoto Tsuneichi dêtabêsu » 「「「「「「「「「「「「(« Banque de données MIYAMOTO Tsunéichi »), cf. Annexes. 228 SANO Shin’ichi parle de « photos datées » (hidzuke ga aru shashin 「「「「「「「 ) non pas au sens péjoratif, mais pour dire qu’elles représentent un moment historique précis de la vie des gens. SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. II, (3), p. 78­79. 229 D’après une postface citée par SATAO Shinsaku, op. cit., p. 200. ITÔ Kôji, photographe qui participa au voyage en Afrique aux cotés de MIYAMOTO, et qui fut employé à classer les nombreuses photos prises par MIYAMOTO, dispose d’un recul qui lui permet à la fois de les inventorier, de les situer dans le temps et de décrire les conditions dans lesquelles elles ont été prises. Ainsi remarque­t­il une tendance à prendre les photos d’assez loin et à photographier les gens de dos230 de même qu’il observe une importante différence entre les clichés pris avant la guerre, et ceux pris après. Ceux d’avant­guerre sont plus souvent lisibles. Ils représentent les vieillards, les villages etc. alors qu’après la guerre apparaissent des clichés souvent pris à bord d’un train en marche et de ce fait flous et inexploitables231. Les premiers, ainsi que ceux pris après­guerre, mais de la même manière, étaient réalisés en sachant qu’ils pouvaient éventuellement être publiés, alors que les seconds ne devaient servir que d’aide mémoire, de document de travail et n’étaient pas destinés du tout à la publication.

MIYAMOTO ne nous a laissé qu’un seul texte (et très court qui plus est) présentant ses réflexions sur sa manière de faire de la photographie ethnographique. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’il figure dans une de ses œuvres majeures – son ouvrage introductif (MinZokugaku he no michi), sa biographie (MinZokugaku no tabi) ou son essai théorique (Mingugaku ne teishô) – c’est dans la postface du premier tome de Watashi no Nihon chizu, Tenryû­gawa ni sotte232, qu’il le fait. Si à première vue ce choix peut sembler étrange, il est en réalité tout à fait explicable : en effet, la série

230 ITÔ Kôji, interviewé par SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, chap. 5, p. 207. 231 SANO Shin’ichi remarque d’ailleurs une augmentation croissante de la vitesse des moyens de transports desquels étaient prises les photographies : d’abord bateau dans les années 1945­54, puis train (1955­64), voiture (1965­74), enfin avion (1975­81). SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. II, (3), p. 79. 232 Tôkyô, Dôyû­kan 「「「, 1967. L’ouvrage est à l’heure actuelle indisponible, en attente d’une réédition dans les Œuvres. Watashi no Nihon chizu (cf. photo) est à l’époque une entreprise unique dans la minZokugaku et qui aujourd’hui encore n’a pas été répétée avec autant de brio. Après l’établissement de sa propre carte, il s’agissait de combiner à chaque page le texte et la photographie dans des ouvrages de format maniable et ne visant pas nécessairement la facilité ni le pittoresque. MIYAMOTO dit s’être inspiré des rouleaux peints (emakimono) où le texte côtoyait l’image sans qu’ils soient toujours synchrones233.

SANO Shin’ichi remarque d’ailleurs que, de façon générale, MIYAMOTO prenait beaucoup moins de clichés d’évènements traditionnellement photographiés par les ethnographes de son temps, à savoir les matsuri 住住 (fêtes populaires religieuses) ou les danses en costume, mais préférait au contraire saisir des instants fugaces de la vie quotidienne, les « petits riens » qui nous apparaissent aujourd’hui si pittoresques234. Conscient ou non de la portée de son travail photographique, il faisait simplement entrer la photographie du quotidien de plain­pied dans le domaine des sciences humaines japonaises et élargissait le champ d’investigation de l’ethnologie de soi.

Dans cette entreprise éditoriale, MIYAMOTO travaillait en collaboration avec de jeunes photographes (comme par exemple SUTÔ Isawo 住 住 住 ) et lui aussi prenait des photographies. Les photographies étaient prises avant la rédaction du texte et sans références à lui. MIYAMOTO triait le tout à son retour et choisissait souverainement, cherchant des correspondances avec le texte en train d’être rédigé.

Tout autre fut la façon de procéder pour les textes aujourd'hui réunis sous le titre Sora kara no minZokugaku (L’ethnographie depuis le ciel). MIYAMOTO part d’une photo prise par lui ou par un autre et en fait le commentaire. L’explication du contexte déborde bien souvent et ce qui n’est pas montré prend autant d’importance que ce qui nous est donné à voir. L’ouvrage comporte un certain nombre de photographies aériennes. La minZokugaku, science du minime, du détail, prend ici de la distance et montre une ampleur nouvelle, à mi­chemin de la géographie et de l’économie.

Les clichés publiés, ne serait­ce que dans les deux œuvres que nous venons de citer constituent aujourd’hui un fond conséquent de documents historiques sur les régions rurales du Japon. L’entreprise de Watashi no Nihon chizu devait au départ couvrir un grand nombre de zones géographiques japonaises235, mais elle prit fin avec le tome 15236 consacré à Iki et Tsushima, île « éloignée » proche de la Corée.

Pour conclure, d’après SANO Shin’ichi, il ne fait aucun doute que :

233 Watashi no Nihon chizu, t. I : Tenryûgawa ni sotte, Tôkyô, Dôyûkan, 1967, 245 p., Postface, p. 242. 234 SANO Shin’ichi 「「「「, Miyamoto Tsuneichi no manazashi「「「「「「「「「「「(Le regard de MIYAMOTO Tsunéichi), Kôbe, Mizunowa shuppan, 2003, 207 p., chap. I, 8, p. 51. 235 Voir la bibliographie finale pour le détail du contenu de chaque tome. 236 L’obi (bandeau promotionnel) du quinzième et dernier volume précisait encore que les volumes 1 à 15 constituaient la « première période » (dai­ikki 「「「), une seconde étant donc à venir. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「237「「「「 (« les photos de MIYAMOTO Tsunéichi [représentent] un patrimoine intellectuel national qui permet de comprendre comment le Japon a changé de visage en passant par la période de haute croissance ».)

MIYAMOTO, conscient à la fois de l’importance de la révolution qui s’opère avec le cinéma et la télévision, et de l’urgence de préserver ses objets d’études de la disparition, accueillit très tôt avec enthousiasme les travaux des documentaristes, bien qu’il ne le fût jamais lui­même.

MIYAMOTO Tsunéichi et la vidéo : Au cours d’une étude de terrain de la Kyû gakkai rengô, MIYAMOTO rencontre celui qui allait devenir son disciple vidéaste, HIMEDA Tadayoshi 桧桧桧桧 (né en 1928) ou plutôt est­ce celui­ci qui se présente à lui après avoir été enthousiasmé par la lecture d’un article de MIYAMOTO consacré aux pirates de la mer intérieure de Séto. C’est alors son premier travail en tant que cameraman, il a vingt­ six ans. Ils se retrouveront lorsque MIYAMOTO contribuera comme directeur (kanshû) à une série de documentaires sur le Japon, « Nihon no shijô » 「「「「「「「 238 (« La poésie du Japon »). Après sa collaboration auprès de MIYAMOTO, qui n’hésitait pas à critiquer durement son travail bien qu’il n’ait jamais manié de caméra, HIMEDA, qui se désigne lui­même comme « le plus vieux et le plus négligent des disciples de MIYAMOTO Tsunéichi »239, continuera son œuvre de son côté, tentant de préserver lui aussi de l’oubli, dans l’urgence, et par la vidéo, des coutumes ou des métiers anciens en train de disparaître. Parfois même, la vidéo est l’occasion pour les anciens de renouer une dernière fois avec une activité qu’ils avaient abandonnée pour prendre leur retraite (c’est le cas, par exemple, de la fabrication des vêtements à partir d’écorce de tilleul240). Parfois, elle permet à un groupe de faire revivre au delà du projet de vidéo une activité perdue (comme la fabrication du charbon de bois selon les méthodes traditionnelles241). Au total, cent­cinquante vidéos ethnographiques seront tournées, d’une durée moyenne d’une demi­heure, puis diffusées régulièrement et vendues aux bibliothèques par

237 SANO Shin’ichi, lors d’une conférence en 2002, à Tôwa­chô, cité par SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 44. 238 Documentaire hebdomadaire dont il n’avait probablement pas choisi le titre. En revanche, la citation en exergue au début de chaque numéro est bien de lui : 「「「「「「「 (« La nature est triste,「「「「「「「「「「「 「「「(Mais si l’homme y met la main) 「「「「「「「「「 (Elle se réchauffe.) 「「「「「「「「「「「「「「「(A la recherche de cette chaleur,) 「「「「「「「「「(Je pars voir à pieds. ») 239「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「, in SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, chap. 4, p. 159. 240 HIMEDA Tadayoshi, Moniwa no shinada­ori 「「「「「「「「「(Le tissage du tilleul à Moniwa), vidéo n°85, 1991, 31 min., Minzoku bunka eizô kenkyûjo. Shinada 「「「 est un mot dialectal qui signifie shinanoki 「 「「「 [「「「], tilia cordata, un tilleul à feuilles cordiformes. 241 HIMEDA Tadayoshi, Moniwa no sumi­yaki 「「「「「「「「(La fabrication du charbon à Moniwa), vidéo n°69, 1989, 32 min., Minzoku bunka eizô kenkyûjo. le Minzoku bunka eizô kenkyûjo 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Centre de recherches sur la documentation visuelle ethnographico­culturelle)* fondé en 1961 par HIMEDA et sis actuellement à Kawasaki242.

Ces remarques matérielles préliminaires étant faites, il est temps à présent de s’interroger sur la méthode mise en œuvre sur le terrain.

– b. La méthode d’investigation

MIYAMOTO a consacré à la présentation de la discipline deux livres majeurs évoquant par endroits la question du travail de terrain : MinZokugaku he no michi (1955, version complète : 1968) et Mingugaku no teishô (1979). Le premier est un ouvrage global qui contient même un historique de la discipline alors que le second est consacré comme son nom l’indique aux mingu 「「 (objets populaires faits main) sur lesquels nous reviendrons dans la deuxième partie, et où les exemples concrets abondent (ex. : matériel d’élevage des vers à soie, outils agricoles).

Dans le premier, MIYAMOTO va très loin et affirme que :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「243 (« Plutôt que de dire que la formation de la minZokugaku est dans l’objet traité, 住 ’ ai le sentiment profond qu’elle réside au sein même de la façon de le traiter. »)

Cette affirmation peut sembler étrange s’agissant d’une discipline qui se définit d’ordinaire davantage par ses thèmes que par sa méthode, mais il n’est pas interdit d’y voir ici une autre particularité de la minZokugaku miyamotienne. En effet, les thèmes traités par MIYAMOTO ressortissent autant du folklore tel que nous le connaissons notamment en France (coutumes, fêtes populaires etc.) que de l’Histoire, Histoire économique, Histoire des techniques, de la géographie, de la sociologie des groupes, de la psychologie ou encore de l’architecture. Le lien est donc aussi bien dans la forme que dans le fond (l’étude en général des gens ordinaires).

Avant de présenter en détail la méthode en question, il importe d’évoquer deux moments clefs dans l’apprentissage de MIYAMOTO : les dernières recommandations de son père, Zenjûrô, avant le départ de son fils de la maison en 1923, et les préceptes de SHIBUSAWA.

Les derniers conseils paternels :

242 Le centre a même réalisé un documentaire sur l’œuvre de son fondateur : Haruka naru kirokusha he no michi – Himeda Tadayoshi to Eizô minZokugaku 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (La route vers un documentariste éloigné : HIMEDA Tadayoshi et l’ethnographie du folklore en images), Tôkyô, Kinokuniya shoten, 2007, DVD, 3150 ¥. 243 MinZokugaku he no michi, p. 118. MIYAMOTO évoque à plusieurs reprises cette scène qui eut une influence déterminante selon lui sur sa méthode, mais c’est essentiellement à travers deux textes qu’il le fait avec le plus de précisions : en 1943 (il à 36 ans) dans Kakyô no oshie, un ouvrage en grande partie autobiographique consacré aux particularités de l’éducation rurale, et en 1978 (trois ans avant sa mort, il a 71 ans) dans son autobiographie MinZokugaku no tabi. Bien qu’il s’agisse de conseils de bon sens d’un père inquiet à son fils, il nous paraît nécessaire de les citer, ne serait qu’en raison de l’importance que celui­ci leur accorda. (Pour plus de commodité, nous avons souligné les conseils dont le fond ne diffère pas d’une version à l’autre).

Dans le premier de ces textes, il énumère les cinq préceptes suivants244 :

(« I Je n’ai pas moi­même assez d’argent, alors je ne peux pas te faire étudier comme je l’aurais pensé. Aussi je te laisse faire selon ta volonté jusqu’à trente ans. Moi aussi je suis d’humeur de te chasser de la maison. Toutefois, quand tu auras atteint trente ans, songe que tu as des parents. De plus, en cas d’embarras, en cas de maladie, tu pourras toujours rentrer chez eux. Nous t’attendrons toujours.

II L’alcool et le tabac, n’y touche pas avant trente ans. Passé trente ans, fais à ta guise !

III L’argent, en gagner, c’est facile. C’est l’utiliser qui est difficile.

IV Ménage ta santé, et en même temps ménage les autres.

V Fais ce que tu estimes être juste. »)

Dans MinZokugaku no tabi, voici quels sont alors les préceptes. La liste est plus longue, les phrases plus fournies245 :

(« 1. Lorsque tu prendras le train, regarde par la fenêtre : les rizières et les champs sont­ils plantés ? La croissance est­elle bonne ? mauvaise ? Les maisons du village sont­elles grandes ou petites ? Leur toiture de tuiles ou de chaume ? Il s’agit de bien observer ce genre de choses. Quand tu arrives dans une gare, fais attention aux montées et descentes des gens, et porte ton attention sur le genre de vêtements qu’ils portent. De plus, là où on pose les bagages à la gare, regarde bien quels genres de

244 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「Kakyô no oshie, chap. 8, éd. Iwanami bunko, p. 117­118. 245 Le texte original étant un peu long, nous le faisons figurer ci­dessous. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 MinZokugaku no tabi, chap. 3, éd. Kôdansha gakujutsu bunko p. 36­38. bagages y sont posés. De cette façon, tu sauras bien si cette région est riche ou pauvre et si l’on y travaille bien ou pas.

2. Que ce soit un village, une ville, un endroit que tu visites pour la première fois, ne manque pas de monter au sommet d’un lieu élevé et tu en sauras l’orientation géographique ; vois [alors] ce qui attire ton regard. S’il t’arrive, depuis un sommet, d’observer un village en contrebas, regarde d’abord le bois du temple, le bâtiment lui­même et ce qui frappe le regard, regarde comment sont les maisons, les rizières et les champs, regarde préalablement les montagnes environnantes et ensuite, s’il y a sur la montagne des choses remarquables, il faut absolument y aller voir de plus près. Si tu regardes d’un lieu élevé, il ne t’arrivera quasiment pas de perdre ton chemin.

3. Si tu as de l’argent, il est bon de goûter aux spécialités et à la cuisine locale. C’est [ainsi] que tu connaîtras le niveau de vie de cette région.

4. Si tu as du temps devant toi, il s’agira, dans la mesure du possible, d’essayer de marcher. Tu en apprendras diverses choses.

5. Il n’est pas si difficile de gagner ce qu’on appelle de l’argent. Cependant, c’est l’utiliser qui est difficile. Cela seulement, fais en sorte de ne pas l’oublier.

6. Je ne peux te faire étudier comme je l’aurais pensé. Aussi, je ne te donne pas de consigne. Fais à ta guise. Toutefois, prends soin de ta santé. Jusqu’à trente ans, j’ai l’intention de [toujours] t’expulser de la maison. Cependant, passé trente ans, rappelle­toi que tu as des parents.

7. Mais si tu tombes malade, ou s’il a quelque chose que tu ne peux pas résoudre par toi­même, rentre au village : tes parents t’attendrons toujours.

8. Désormais et à l’avenir, ce ne sera plus une époque où l’enfant prend soin de ses parents. Ce sera un temps où ce seront les parents qui exerceront leur piété parentale envers l’enfant. Si l’on ne fait pas ainsi, le monde ne donnera rien de bon.

9. Fais ce que tu estimes être bien, et tes parents ne te puniront pas en disant que tu as échoué.

10. Fais en sorte de voir ce que les autres n’ont pas su voir. Parmi ces choses, il doit toujours y en avoir d’importantes. Rien ne disparaît. Il s’agit de suivre son chemin avec fermeté, la voie qu’on s’est soi­même choisie. »)

Les conseils 1, 2, 3, 4, 8 et 10 sont nouveaux et on remarque que le conseil concernant la sobriété a disparu. Les conseils de bon sens prennent moins d’importance (en terme de lignes et de numéro) que ce qui apparaît comme des conseils d’étude de terrain ethnographique. C’est à se demander, comme l’insinue SANADA Yukitaka246, si MIYAMOTO n’a pas rédigé les nouveaux conseils lui­même. Cependant ce serait faire trop bon marché de l’honnêteté foncière de MIYAMOTO : peut­être s’est­il

246 SANADA Yukitaka 「「「 「「「「 , Miyamoto Tsuneichi no densetsu 「「「「「「「「「 (La légende de MIYAMOTO Tsunéichi), Kyôto, Aunsha, chap. 1, p. 10. borné ici à une re­formulation ? Quoi qu’il en soit, ces mots sonnent de bien insolite façon dans la bouche de ce père distant et colérique.

Les conseils de SHIBUSAWA (dont on peut penser avec quasi certitude qu’ils sont bien sortis de la bouche de SHIBUSAWA) ne sont pas à négliger non plus.

Les conseils de SHIBUSAWA

En 1935, lorsque SHIBUSAWA refuse de laisser partir son protégé en Mandchourie, il assortit son refus d’une petite explication dépassant le simple énoncé des motifs du refus.

En effet, d’après ce que rapporte MIYAMOTO, SHIBUSAWA s’exprima ainsi :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「――「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「247 (« Comme tu n’es allé qu’à l’école normale, même si tu allais en Mandchourie, les conditions ne seraient pas bonnes. Jusqu’à ce que tu ailles à l’université là­bas, je t’ai fait monter à la capitale parce que si tu arpentes à pieds et observe le Japon dans son ensemble, je me demande s’il y n’aura pas des résultats et si en plus ça ne te servira pas personnellement. Seulement, je ne veux pas que tu deviennes un savant. Des savants, il y en a énormément. Mais pour que de vrais savants émergent, il faut de bons matériaux (shiryô) scientifiques. Ces documents – en particulier en minZokugaku – sont rares. Je veux que toi, tu deviennes ce déterreur. Ce genre d’activité est pénible à souhait et peu gratifiant. Toutefois, toi, tu es celui qui pourra le supporter. »)

Ce texte comporte deux points essentiels : la marche comme moyen de déplacement, indissociable de l’observation, et la recherche inlassable de matériaux, de documents ethnographiques (shiryô). SHIBUSAWA les dit rares, pauvres (toboshii). Il entend ici que rares sont les matériaux qui permettent d’établir les faits passés avec exactitude. En d’autres termes, les documents datables, essentiellement écrits, sont peu nombreux. MIYAMOTO élargira la notion de documents ethnographiques, reprenant là une intuition de SHIBUSAWA lui­même. En effet, ce dernier n’avait­il pas créé l’Achikku qui regorgeait de matériaux non écrits et ne s’intéressait­il pas notamment aux outils de pêche, ou aux demi­sandales248, étude dont le sérieux et la profondeur enthousiasmèrent MIYAMOTO249 ?

Mais étudier la méthode de MIYAMOTO, c’est aussi se demander en quoi cette méthode lui est spécifique.

247 MinZokugaku no tabi, chap. 9, p. 97. 248 Les demi­sandales (ashinaka 「「), n’allaient pas jusqu’au talon, afin de faciliter, paraît­il, la course. 249 MinZokugaku no tabi, chap. 8, p. 86. - Description de la méthode.

Avant guerre, MIYAMOTO laissait sa fantaisie le guider dans le choix de ses destinations 250, mais après­guerre il effectua des enquêtes à la demande des nombreuses institutions dont il était membre. Lorsqu’il était enseignant, ce furent les localités de la proche région qui pour des raisons pratiques eurent sa préférence, mais plus il avançait en âge, et plus il allait loin. A chaque fois, la marche était son principal moyen de locomotion. Pour financer une partie de ses frais, il donnait des conférences et le lieu de conférence était comme un centre, un point de chute à partir duquel il partait, à pied, visiter les localités suivantes251.

On a calculé que MIYAMOTO avait parcouru à pied, à raison de 40 km. par jour en moyenne252, 160 000 km., soit quatre fois la circonférence de la terre253, ce qui en fait le plus grand marcheur connu de l’Histoire du Japon254, et peut­être même du monde. Son mérite est d’autant plus grand qu’il n’était pas spécialement sportif, avait des problèmes de poumons et fut à plusieurs reprises extrêmement malade. Arrivé à pieds ou en train local, MIYAMOTO effectuait un séjour bref (de un jour à une semaine par village)255 et reprenait sa route, toujours à pieds, visitant ainsi dans le détail des zones culturelles complètes de façon quasi­exhaustive. SHIBUSAWA commente ainsi l’activité de son disciple :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「256 (« Les voyages de MIYAMOTO-kun n’étaient pas communs, ni par leur étendue, ni par leur programme, ni par leur tracé. Pour les trois mille et quelques villages qu’il [a visité], il utilisa aussi le train, mais comme la plupart du temps il les parcourut à pieds, j’ai l’impression, pour

250 Watashi no Nihon chizu, t. I : Tenryûgawa ni sotte, Tôkyô, Dôyûkan, 1967, 245 p., Postface, p. 241. 251 Watashi no Nihon chizu, t. I : Tenryûgawa ni sotte, p. 241. 252 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. IV, 1, p. 105. 253 SANO Shin’ichi, Tabi suru kyojin / Miyamoto Tsuneichi to Shibusawa Keizô, chap. 1, p. 8. 254 MIYAMOTO est parfois comparé au grand moine voyageur Ippen Shônin 「「「「 (Le Vénérable Ippen) (1239­1289), moine de formation Jôdo­shû 「「「 (l’Ecole de la Terre pure), fondateur de l’Ecole Ji­shû 「「 et grand voyageur. Ou à MATSUO Bashô 「「「「 (1644­1694), le poète voyageur. Cf. par exemple NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. IV, 2, p. 107 et 109. 255 Les séjours brefs pouvaient aussi s’enchaîner et les absences de MIYAMOTO du domicile familial se prolonger. Dans Kakyô no oshie (1943), chap. 8, éd. Iwanami p. 101., il raconte comment il retrouve un fils qui a grandi et qui ne le reconnaît pas. 256 « Waga shokkaku ha Nippon ichi »「「「「「「「「「「(« Mon pique­assiette est le premier du Japon »), rééd. intégrale in SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi tabi suru minZokugakusha, 2005, p. 78, cf. p. 80. parler de façon un peu exagérée, qu’il arpenta tout le Japon à pied, aimanté au sol (betabeta) ».)

Cette façon de se déplacer à vitesse humaine lui vient non seulement des conseils paternels cités plus haut et de ceux de SHIBUSAWA Keizô257, mais aussi et surtout d’un désir rationalisé de ne rien perdre de ce que le voyage peut offrir. Il n’est donc pas étonnant que l’œuvre miyamotienne fasse la part belle aux routes et aux déplacements (donc aux cartes), au lieu d’avoir une vision fragmentée de lieux mis successivement en lumière. Qui dit routes, dit déplacements de personnes et de biens, de marchandises et de matières premières, mais aussi mouvements de populations : migrations économiques, politiques, fuite d’une catastrophe (guerre, infertilité de la terre etc.).

MIYAMOTO choisissait la marche de préférence à tout autre moyen de transport, mais cela ne veut pas dire qu’il les répudiait. Il prenait aussi souvent le train, local de préférence, plus lent et s’arrêtant plus fréquemment, rendant possible la prise de photographies et de notes. Il prit même quelques fois l’avion, ce qui donna lieu à des articles sur la minZokugaku pratiquée du ciel258, en liens avec la cartographie et les flux de matières premières, les voies d’eaux, les routes etc.. Durant son séjour en Afrique, il monta même comme passager sur une vieille moto Kawasaki 90 cm³ qu’il surnommait pikipiki 住 住 住 住 , pilotée par ITÔ Kôji259. MIYAMOTO ne critiquait pas les moyens de transports modernes, plus rapides, seulement il les trouvait souvent inappropriés à son travail de terrain, et fort coûteux (rappelons que malgré l’aide de SHIBUSAWA, ses recherches étaient financées pour un montant fort peu élevé). Il lui arriva même d’écrire que :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「260 (Dans le cas où l’on fait une étude de terrain sur le même lieu durant plusieurs jours, je ne veux pas qu’on utilise uniquement la voiture. Il s’agit de marcher et d’observer. »)

Pressentait­il qu’avec leur généralisation, ce sont d’autres rapports au temps, à l’espace, au voyage et aux « gens » qui sont induits ? (Tendance partagée dans la plupart des pays du monde). MIYAMOTO fut aussi le pionnier des recherches sur le tourisme et le voyage. Ses recherches sur l’évolution historique des manières de voyager, de la durée des séjours et des motifs du voyage donnèrent lieu à de multiples ouvrages, dont sa série « Tabi no minZoku to rekishi » (« Ethnographie et Histoire des

257「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Vu que ton corps n’est pas robuste, il serait bon que tu rentres au bout d’une vingtaine de jours [que nous prendrions] comme unité, tu te reposerais un mois et ensuite, tu te remettrais en marche ».) Cité par NAGAHAMA Isao, in Hôkô no manazashi, chap. IV, 1, p. 103. 258 Articles réunis dans Sora kara no minZokugaku, éd. Iwanami gendai bunko. 259 ITÔ Kôji 「「「「, « Miyamoto­sensei to aruita yonjûyokkakan »「「「「「「「「「「「「「「「(« Quarante­quatre jours à marcher avec le professeur Miyamoto »), in Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, p. 58­59. 260 Mingugaku no teishô, 1979, 1999, chap. V, p. 249 éd. Miraisha. voyages ») avec des volumes notamment sur les auberges261 ou encore la spécificité des voyages des gens du peuple262.

L’originalité de MIYAMOTO Tsunéichi par rapport aux autres ethnographes japonais de son temps, tient aussi à son rapport aux cartes. Se déplaçant essentiellement à pieds, il était forcé d’emporter avec lui des cartes des régions qu’il traversait. Mais il ne s’en tenait pas là : il vérifiait l’exactitude des cartes en question et établissait les siennes propres, ces cartes qui figurent par exemple et notamment dans sa série en 15 volumes Watashi no Nihon chizu dont nous avons parlé plus haut à propos de la riche et irremplaçable documentation iconographique qu’elle procure. L’établissement de ces cartes allait parfois de pair avec une recherche sur l’étymologie, ou du moins la présence des toponymes dans les rares sources écrites qui pouvaient lui être présentées. Mais, comme l’écrit NAKAHIRA Ryûjirô263, les toponymes ne sont­ils pas les plus vieux mots de la langue japonaise qui nous soient parvenus, les plus vieilles archives ?

S’il était le seul de son temps à travailler ainsi avec des cartes de façon aussi systématique, il s’inscrivait en revanche dans le droit fil des écrivains voyageurs et des géographes du passé, à commencer par FURUKAWA Koshôken (1726­1807) et SUGAE Masumi (1754­1829) (du auxquels il consacra, rappelons­le, deux ouvrages).

Le séjour chez l’habitant.

Au cours de ses voyages, au budget modique – il les appelle ses « voyages de mendiant » (kojiki ryokô 「「「「)264 – MIYAMOTO réussit à trouver l’hospitalité auprès de mille familles265. Bien que ce fût dans une minorité de cas, lui arrivait à de séjourner chez des notables locaux (propriétaires terriens (jinushi 「「), chefs de village (shôya 「「))266. Chacun y gagnait : le notable en prestige local, et l’ethnographe en informations. En effet, cet informateur privilégié (que SATAO Shinsaku appelle la personne­clé (kîpâson 「「「「「「)267) disposait souvent d’archives familiales, écrites bien entendu, base non négligeable pour des récits assez détaillés et constituait une bonne « antenne » (antena 「「「「)268 pour des excursions

261 Nihon no yado, 1er tome de Tabi no minZoku to rekishi, 1965, rééd. Tôkyô, Yasaka shobô, 1987, 2006. 262 Shomin no tabi, 4ème tome de Tabi no minZoku to rekishi, 1970, rééd. Tôkyô, Yasaka shobô, 1987, 2006. 263 « Shin.chizu to chimei (I) – Chimei ha kuni no rirekicho » 「「「「「「「「 「I 「「 「「「「「「「「「 (« Nouveaux toponymes et cartes (I) – Les toponymes sont le curriculum vitae du Japon »), in Chizu Journal 「「「「「「「 「「(Journal des cartes), 1995, n°107, p. 4. 264 On trouvera un exemple de budget dans MinZokugaku he no michi, OM 1, Avant­propos, p. 2­3. 265 SANO Shin’ichi, Tabi suru kyojin / Miyamoto Tsuneichi to Shibusawa Keizô, chap. 1, p. 8. 266 Source : USU’I Takumi, s’entretenant avec SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 96. 267 In Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 57. 268 In Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 57. dans les environs. Bien que dans la plupart des cas MIYAMOTO trouvât ces interlocuteurs privilégiés au cours de ses enquêtes sur le terrain, il semble qu’à une certaine époque (à partir de 1945 et pendant quelques années) il en ait obtenu les noms avant même de partir, grâce à l’aide de tierces personnes. Un collègue de la Section agriculture auprès de la Communauté urbaine d’Osaka (Oosaka­fu nômu­ka 「「「「「「), ANDÔ Senzô 「「「「, ancien directeur de l’école Matsumoto d’agronomie du département de Nagano 「「「「「「「「 qui était membre de la puissante Tokunô kyôkai 「「「「* (Association d’agronomie), organisation implantée sur tout le territoire, aurait fourni à MIYAMOTO des noms d’agronomes et agriculteurs modèles locaux sur toute la région (d’Osaka), qui le recevaient le dimanche lors de ses déplacements sur le terrain269.

Bien sûr, malgré l’hospitalité, il arrivait à l’ethnographe de coucher à la belle étoile. Et il devait faire face à une méfiance croissante à mesure que les études ethnographiques intérieures se multipliaient, non sans certains abus parfois que dénonce d’ailleurs MIYAMOTO. Ainsi par exemple à Iriomotejima 「「「, dans le département d’Okinawa :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「270 (« Quoi ? Une étude ? Des docteurs à la noix (qui ne sont pas docteurs), il nous en arrive chaque année des dizaines. »)

Et MIYAMOTO commente ainsi en 1972 :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「271 (« Concernant les « études de terrain », il est fréquent qu’elles agissent non pas dans l’intérêt des populations locales, mais au contraire qu’elles renforcent un peu le pouvoir de la métropole, et de surcroît ceux qui utilisent la bonne volonté des autochtones pour les piller sont étonnamment nombreux. »)

Il déplore ainsi le comportement de confrères qui par leur attitude méprisante et l’envie d’aller vite, nuisent à l’image de la profession et à la déontologie qui s’impose.

Mais pour de nombreux confrères et collègues, MIYAMOTO était par son activité plus qu’un simple ethnographe folkloriste.

MIYAMOTO Tsunéichi, archétype du sekenshi

Dans sa postface explicative272 à Shio no michi, TAMURA Zenjirô explique comment son maître MIYAMOTO Tsunéichi représente pour lui, de même que pour certains vieillards rencontrés au cours 269 MinZokugaku no tabi, chap. 11, p. 125. 270 Cité par SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 155. 271 « Chôsa­chi higai » 「「「「「「「(« Des dommages sur le terrain d’étude »), 1972, in Tabi ni manabu 「「「「「 「「(Etudier le voyage), OM 31. 272 « Kaisetsu » 「「「「, éd. Kôdansha, 1985, rééd. 2004, p. 206 à 220. d’un des voyages du maître273, l’archétype du seken­shi et, à cette occasion, définit ce terme de la façon suivante :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「274 (« “Seken­shi” est un mot qu’on entend souvent dans l’Ouest du Japon, en particulier dans les environs du pays du maître, qui se trouve dans le département de Yamaguchi. On l’emploie avec une nuance du genre : personne qui, ayant largement voyagé, non seulement possède une grande expérience, et connaît bien les choses du monde, mais a aussi de la perspicacité, constitue en cas de besoin un bon interlocuteur à qui demander conseil, et rend service aux personnes de son entourage ».)

Pour dire les choses autrement, le seken­shi possède, selon cette définition, cinq attributs essentiels :

1° le goût du travail de terrain (voyage) ;

2° la connaissance (expérience) des choses et des hommes ;

3° la clairvoyance (perspicacité) pour orienter son observation et ensuite sa réflexion vers des axes pertinents ;

4° la sagesse (conseil) qui fait de lui un transmetteur (denshôsha), un maître ;

5° l’altruisme (service).

Ces qualités ne sont pas sans rappeler l’image traditionnelle du philosophe voyageur présente dans de nombreuses civilisations, des aristotéliciens aux confucianistes.

Ce qui fait aussi un bon seken­shi, et à plus forte raison un bon ethnographe, c’est la façon de conduire un entretien, le but étant d’obtenir le maximum d’informations sincères. Là encore, MIYAMOTO possède la juste manière, en sachant mettre les gens à l’aise :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「……「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「275 (« Le professeur MIYAMOTO était un travailleur de terrain exceptionnel. [Ce qui suit] concerne, dit­ on, la fois où il était allé faire une étude de terrain à Tobi­shima qui est située au large de Sakata, dans

273 Anecdote rapportée par MURASAKI Shûji 「「「「 dans Miyamoto Tsuneichi – Dô­jidai no kigen, 1981, tome I, p. 450­452 : « Shônen no yume wo wasureruna » 「「「「「「「「「「「 (« N’oublie pas tes rêves de jeune homme »). 274 Op. cit. p. 207­208. 275 Op. cit. p. 212­213. le département de Yamagata. Lorsqu’il repartait, ayant effectué un séjour de plusieurs jours et réalisé son étude de terrain, il paraît que la personne de cette île qui le raccompagnait au port lui dit : « Professeur, alors que vous aviez dit que vous veniez pour une étude de terrain, vous n’avez pas réalisé la plus petite étude ; est­ce ça ira tout de même ?

– Moi, les choses à voir, je les ai vues, les choses à entendre, je les ai entendues et je suis content de rentrer [après] avoir pu faire une bonne étude de terrain, ça faisait longtemps… », fit­il en souriant, mais il semble qu’il s’agissait d’une étude du genre à ne pas être ressentie comme telle par ses interlocuteurs.

A cette époque, ce devait être le cas, mais du matin jusqu’à tard dans la soirée, faisant en sorte d’y accorder toute l’importance requise, même pendant les repas, il écoutait, prenait des notes très précises et, d’ailleurs, comme il ne donnait pas l’impression à ses interlocuteurs de les examiner ou de pouvoir le faire, c’était quelque chose qui confinait justement au prodige surnaturel. Il m’arriva plusieurs fois d’avoir l’honneur qu’il me prît avec lui pour ses voyages d’études, me laissant écouter à ses côtés les histoires [des personnes qu’il faisait parler], mais si, au départ, elles duraient bien trente minutes, ils finissaient par parler extrêmement naturellement, sans qu’on pût dire que l’interlocuteur parlait ou répondait parce qu’il était questionné, et les histoires se poursuivaient sans temps mort, juste ponctuées de hochements de tête ».)

L’entretien est une des étapes essentielles de l’étude de terrain qui sans cela se résumerait à la simple observation. Or, contrairement à l’historien et à l’archéologue, l’ethnographe travaille au contact de personnes vivantes, tout comme le journaliste. Il convient donc de s’interroger sur la question de l’entretien.

Le type d’entretien :

Dans leur ouvrage consacré à ce problème, Alain BLANCHET et Anne GOTMAN (1992)276 soulignent l’importance de l’enquête par entretiens de la façon suivante :

« L’enquête par entretiens est (…) particulièrement pertinente lorsque l’on veut analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques, aux événements dont ils ont pu être les témoins actifs ; lorsque l’on veut mettre en évidence les systèmes de valeur et les repères normatifs à partir desquels ils s’orientent et se déterminent. Elle aura pour spécificité de rapporter les idées à l’expérience du sujet. Elle donne accès à des idées incarnées, et non pas préfabriquées, à ce qui constitue les idées en croyance et qui, pour cette raison, sera doté d’une certaine stabilité »277.

276 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan Université, 1992, rééd. 2001 coll. 128 sociologie n°19, 125 p.. 277 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 1er, p. 27. Ils dressent également une typologie des entretiens et des méthodes d’analyse qu suivent le travail de terrain. Tous les entretiens découlent d’une démarche plus ou moins participative, certains ayant même lieu au sein de l’observation participante.

A cet égard, si MIYAMOTO ne participait pas forcément aux travaux des champs aux côtés des personnes qu’il interrogeait, le fait qu’il était lui­même descendant de paysans l’aidait non seulement à comprendre de quoi ils parlaient, et à se faire comprendre d’eux, utilisant le même langage, voire le même dialecte, mais aussi à les mettre en confiance, suscitant la confidence. Il ne chercha jamais à se faire passer pour ce qu’il n’était pas, à se faire plus ou moins influent qu’il n’était, n’ayant du reste pas de raison de mentir pour attirer la confiance des personnes qu’il interrogeait278.

On remarquera que les questions soulevées par la réflexion sur l’entretien se posent tout aussi bien à l’ethnographe qu’au journaliste. La principale différence entre les deux types d’entretiens tient à la différence entre les deux disciplines elles mêmes, soit, comme nous l’avons dit dans notre introduction, à la durée de l’enquête et à l’absence ou non d’« événement »279.

Pour résumer, BLANCHET et GOTMAN distinguent trois types d’enquêtes : l’enquête sur les représentations, l’enquête sur les pratiques, et l’enquête sur les représentations et les pratiques. L’enquête peut être couplée avec un questionnaire, que l’ethnographe suivra plus ou moins fidèlement. On sait que MIYAMOTO n’avait pas recours au questionnaire. Il préférait les longues conversations.

Il faut ensuite définir l’échantillon représentatif de l’enquête280, et décider si l’on recourra ou non à un informateur privilégié281. MIYAMOTO, comme on l’a vu, travaillait plus particulièrement avec les vieillards282, dépositaires des traditions et du savoir rural, ce qui ne l’empêchait pas de s’entretenir avec toute personne intéressée bien évidemment, et, ainsi que nous l’avons dit plus haut, particulièrement les notables dépositaires de notes écrites, voire d’archives professionnelles (komonjo 住住住). Les auteurs sus­cités accordent une importance particulière au lieu de l’entretien283 (un bureau, celui de l’ethnographe, un café, le domicile de l’interviewé, son lieu de travail etc.), à la présence ou non d’autres personnes (parents, collègues, voisins, badauds etc.) qui ont une influence certaine presque quantifiable sur l’attitude de l’interviewé et la véracité de ses réponses : ainsi un interviewé

278 Contrairement par exemple à Jeanne FAVRET­SAADA qui se fit passer pour une ensorceleuse pour qu’on la laissât assister à des séances de sorcellerie et de désenvoûtement. 279 Sur la question de l’événement appréhendé par les sciences sociales, cf. : A. BENSA et E. FASSIN, « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, 38, 2002. 280 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 2, p. 53. 281 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 2, p. 58. 282 MIYAMOTO n’avait d’ailleurs rien contre la jeunesse, à qui il destina trois de ses livres et à qui il consacra notamment Mura no wakamonotachi「「「「「「「「(Les jeunes des villages), Tôkyô, Ie no hikari kyôkai, 2004, 225 p.. 283 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 3, p. 69. patron recevant l’enquêteur dans son bureau aura­t­il plus d’assurance, voire de condescendance, qu’un ouvrier répondant dans la cour de l’usine qui l’emploie ou qu’un employé « convoqué » au centre de recherche de l’ethnographe pour y participer à une expérience. De même, un père de famille n’aura­t­il pas la même attitude et ne fera­t­il pas les mêmes réponses s’il est interrogé seul chez lui ou en présence de sa famille. La présence de tierces personnes peut à la fois pousser l’interviewé à travestir la vérité afin de se valoriser, et à la fois permettre qu’une des tierces personnes rectifie une information de bonne foi, ou pour taquiner l’interviewé.

La croyance en de réels ou supposés pouvoirs de l’ethnographe peut aussi jouer: est­il indépendant comme il le prétend, ou la structure publique qui l’emploie n’a­t­elle pas son mot à dire et dans ce cas il n’est pas loin de l’espion qui vient s’enquérir de qui a été un bon citoyen et de qui ne l’a pas été ? Au contraire, ce lien à une institution peut aussi être une garantie de qualité, d’objectivité. Et peut­être l’enquêteur, en expliquant auprès des autorités centrales ce qui ne va pas dans les campagnes, aidera­t­ il à ce que les revendications locales soient davantage prises en compte : en gros permettra­t­il de faire bouger les choses ? Ainsi la neutralité absolue de l’ethnographe peut­elle ne pas être souhaitée. Une étude savante qui ne donnerait lieu qu’à des publications dans des revues savantes ne changerait rien à la situation, or certains interviewés veulent justement que les choses changent. Pour savoir s’il peut faire confiance et répondre à l’enquêteur, l’interviewé a donc besoin de garanties préalables. (Garantie que l’enquêteur interviendra, n’interviendra pas, sera seul, sera accompagné, qu’il respectera l’anonymat ou qu’il citera nommément son informateur…), la réponse à l’une de ces questions, ou, de façon encore plus incertaine, la façon qu’aura l’ethnographe de se présenter auprès des interviewés potentiels, sera déterminante ! D’autant qu’un rien peut tout gâcher et priver l’ethnographe de précieuses informations. Ainsi pour la personne­même de l’ethnographe : ses vêtements (baroudeur « terreux », « crotté » ou monsieur de la ville en costume aux chaussures cirées ?), sa façon de parler (qui en impose, ou est « sans façons ») son appartenance ethnique ou religieuse affichée ou supposée, son sexe (importance des interdits religieux, du jeu implicite de séduction/répulsion, identification : « vous êtes mère, vous me comprenez »), son âge (celui d’un père de famille, d’un jeune homme inexpérimenté, donc attachant (effet « prise sous l’aile » de l’informateur) ou agaçant selon l’informateur (syndrome du « blanc bec »), celui d’un vieux (trop vieux) savant à qui il est impossible, par exemple, de pénétrer un groupe de jeunes gens, mais qui peut facilement se faire admettre dans un groupe de personnes âgées, son équipe (et les questions précédentes s’appliquent alors à chacun des membres de l’équipe, sans compter les interrogations sur la hiérarchie, les relations personnelles – qui est avec qui – et le budget d’une telle « mission expéditionnaire chez nous »), son matériel (un outillage perfectionné peut impressionner, effrayer, susciter la convoitise)… Bref : tout peut influer sur la réussite de ce type d’enquête. Un ethnographe considéré comme du même groupe géographique, ethnique ou religieux sera parfois traité, tantôt avec une confiance particulière (« Tu nous comprends, tu es un gars du coin284 »), tantôt avec une méfiance particulière (« Il est vendu au pouvoir central, il a trahi la cause du village »). Dans le cas d’un ethnographe considéré comme totalement extérieur, c’est le même genre d’attitude qui survient : il est étranger, donc neutre, voire bienveillant (« effet Casques bleus­Médecins sans frontières ») ou au contraire, « il est étranger, donc forcément différent de nous ; il ne peut nous comprendre et au final, son activité nous dépossèdera de nos traditions, de nos biens, de nos terres ; il insufflera des idées subversives »…

Une fois l’entretien décidé, comment se déroulera­t­il ? L’enquêteur lira­t­il ses questions ? Si oui, dans quel style seront­elles rédigées ? Un jargon scientifique mal ou pas compris du tout engendrera des malentendus, voire un malaise ne débouchant que sur du silence ou des réponses évasives, voire absurdes. L’enquêteur improvisera­t­il toutes ses questions ? Prendra­t­il des notes pendant l’entretien ou après ? Si c’est pendant, laissera­t­il un assistant le faire pour lui afin d’être plus libre dans la conduite de l’entretien ? La présence de l’assistant peut encore compliquer les choses : l’interviewé pourra se sentir mal à l’aise devant ce personnage le plus souvent plus jeune, voire d’un autre sexe.

Jusqu’en 1955, MIYAMOTO voyagea presque toujours seul et effectua seul ses enquêtes285. Il semble que lorsque par la suite il travailla en équipe, il se chargeait des entretiens seul le plus souvent (prenant lui­même ses notes – cf. image) et laissait les jeunes chercheurs qui l’accompagnaient s’occuper des mesures (arpentage etc.), de la prise de photographies, de vidéos etc. Il ne relate à notre connaissance aucun incident concernant un assistant.

284 Certains en ont joué, tel par exemple Nicolas RENAHY, parti enquêter dans un village de sa région natale sur les équipes de football non professionnelles. Les gars du coin, enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La découverte, 2005, 285 p.. 285 Watashi no Nihon chizu, t. I : Tenryûgawa ni sotte, Tôkyô, Dôyûkan, 1967, 245 p., p. 241. Qui mène le jeu lors de l’entretien ? Un enquêteur qui à tout moment remet son informateur sur les rails pour éviter de perdre son temps en discours hors sujet ou l’interviewé qui s’adresse à son enquêteur tout ouï, ce dernier se contentant d’opiner de temps en temps ?

Si l’enquêteur intervient, il dispose de trois techniques :

« – la contradiction, qui est une intervention s’opposant au point de vue développé précédemment par l’interviewé ;

– la consigne ou question externe, qui est une intervention directrice introduisant un thème nouveau ;

– la relance, sorte de paraphrase plus ou moins déductive et plus ou moins fidèle, qui est une question subordonnées, s’inscrivant dans la thématique développée par l’interviewé »286.

En outre, l’intervention de l’enquêteur, quelle qu’elle soit, peut aussi bien relancer le dialogue, l’animer joyeusement, que perturber l’interviewé (lui faisant « perdre le fil » de ce qu’il disait), ou même l’offenser, volontairement ou non (le plus souvent involontairement bien sûr), que ce soit à cause d’un malentendu attaché au vocabulaire ou d’une insistance sur un détail qui peut être gênant pour l’interviewé, et sur lequel celui­ci aurait préféré ne pas s’appesantir, cette insistance étant vécue comme une indélicatesse, voire une provocation.

MIYAMOTO ne signale aucun incident de cette nature survenu durant un entretien.

Nous supposons que dans la mesure où ses interlocuteurs se laissaient interroger, ils étaient plutôt en confiance et de bonne composition, d’autant plus que MIYAMOTO ne cherchait probablement jamais à mettre qui ce fût mal à l’aise. Il était conscient d’avoir à faire à des personnes souvent taciturnes.

286 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 3, p. 80. Certes, comme l’explique NAGAHAMA Isao287, les Japonais se ménagent particulièrement dans un dialogue (aun no kokyû 住住住住住), et ne cherchent pas forcément à résoudre les problèmes d’impossibilité à s’exprimer qui pourraient se poser. MIYAMOTO explique le côté taciturne de certains paysans de la manière suivante :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« A l’origine, ceux qui avaient beaucoup de mots pour raconter et transmettre n’étaient pas rares dans les villages. Les personnes du genre à parler pendant deux jours, pendant trois jours, sans tarir d’histoires n’étaient pas rares au sein des villages, mais tous les autres habitants n’étaient pas comme ça. Globalement, comparé au débordement (hanran) actuel de mots, je pense qu’on peut dire que ce n’était pas à cause du nombre de choses. Mais alors, pourquoi les mots étaient­ils si peu nombreux ? Ce à quoi on peut tout de suite penser, c’est au fait qu’au Japon, le système productif basé principalement sur l’agriculture et la pêche a longtemps perduré. Si l’on fait de la Nature son interlocuteur, entre les deux, il n’y a pratiquement pas lieu d’utiliser des mots. [Alors que] pour les activités de commerce et de services qui font des hommes leurs interlocuteurs, c’est tout à fait différent. Mais il y avait là un monde où dès lors qu’on estimait qu’on n’allait pas faire usage de sa bouche, alors ça allait [effectivement] même si on n’ouvrait pas la bouche. Et il n’arrivait pas qu’on refusât de reconnaître l’existence à quelqu’un au prétexte qu’il était taciturne. L’important, c’était d’agir, aussi, du moment que votre conduite était admirable, même si vous vous taisiez, les gens vous reconnaissaient et estimaient par là votre valeur. »)

En outre, les conditions de l’entretien dépendent de plusieurs facteurs qui ne sont pas toujours tous prévisibles : météo qui fait qu’une fête en plein air est annulée au dernier moment, une dispute qui survient pendant l’entretien qui doit être déplacé, reporté voire annulé, protestations de l’entourage, pressions professionnelles pour répondre dans un certain sens aux questions, voire refus de l’interviewé lui­même de répondre aux questions pour telle ou telle raison (malentendu, peur des représailles, absence d’intérêt, de temps etc.), antipathie unilatérale ou réciproque d’un ou des participants à l’entretien, manque de confiance, décès, hospitalisation, déménagement ou simple absence de l’interviewé avant ou pendant l’étude de terrain etc.

MIYAMOTO évoque relativement peu ce genre de questions, toutefois on trouve quelques questions de principe dans MinZokugaku he no michi (1955) qui fait un peu office d’introduction à son œuvre et

287 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. IV, 3, p. 115. dans MinZokugaku no tabi (1978), ouvrages qui fourmillent de définitions et d’exemples. Il raconte par exemple dans ce dernier288 que les personnes ayant connu l’éducation d’avant Meiji ont une façon différente de s’exprimer, davantage marquée par le contenu émotionnel et les inflexions de la voix, et s’expriment généralement en dialecte, différents éléments rendant assez difficiles le travail de réécriture de l’ethnographe. Les gens d’après Meiji, en revanche, et en grande partie influencés par la langue standard écrite, ont un vocabulaire différent, moins émotionnel et surtout plus « explicatif » et « prosaïque », et moins on est âgé, plus cette façon de parler s’affirme.

MIYAMOTO pratiquait l’entretien sur place (et non dans son bureau), c’est à dire sur le lieu de travail de l’intéressé, puis, une fois l’interviewé en confiance, l’entretien se poursuivait chez ce dernier jusqu’à une heure indue. MIYAMOTO, très loquace, savait aussi écouter et fournissait une oreille attentive, ce à quoi les interviewés n’étaient pas toujours habitués.

Le cadre géographique des recherches de MIYAMOTO Tsunéichi

Nous venons d’évoquer la technique de l’entretien, mais il reste à délimiter son cadre. Quel fut le domaine géographique étudié par MIYAMOTO ?

A part les essais consacrés à ses quatre voyages à l’étranger (et celui sur son voyage en Afrique est plus un reportage qu’un essai), la minZokugaku de MIYAMOTO Tsunéichi a pour cadre le Japon. Cela paraît évident, mais de quel Japon parle­t­on ? Celui du diplomate japonais ? si oui, à quelle époque ? car on sait que le Japon a connu un temps où sa domination impérialiste s’exerçait sur d’assez vastes espaces (Mandchourie etc.) ? S’agit­il du Japon reconnu par les grandes puissances étrangères ? du Japon tel que se le figure le paysan moyen de Suô Ooshima ? MIYAMOTO Tsunéichi s’exprime clairement sur ce point chaque fois que l’occasion se présente.

Il s’agit du Japon tel qu’il est officiellement reconnu aujourd’hui, mais auquel s’ajoutent certains des territoires annexés par son voisin la Russie (les territoires du Nord). Cela ne veut pas dire qu’il prétend que toutes les parties du Japon ont toujours été japonaises et ethniquement uniformes, loin de là.

Qu’il traite par exemple d’une île (autre que les grandes îles Honshû, Kyûshû ou Shikoku), il en raconte l’Histoire, même si celle­ci peut heurter le discours officiel, énonce les particularités qui la distinguent des grandes îles principales sus­citées et propose sa conclusion. Ainsi pour l’archipel des Ryûkyû, MIYAMOTO Tsunéichi n’hésite pas à écrire qu’il s’agissait d’un royaume à part de l’empire japonais, ayant fait double allégeance, à la fois à l’empire chinois et au Japon. Il reconnaît ses particularités (langue, culture etc.) et le rôle actif des autorités japonaises dans sa japonisation forcée.

288 MinZokugaku no tabi, chap. 10, p. 108­109 éd. Kôdansha gakujutsu bunko. Ce genre de démarche est encore plus développé s’agissant de Tsushima 住住, île tampon entre la Corée et le Japon, où il réalisa plusieurs voyages d’études et sur laquelle il fit de nombreux travaux289.

A cet égard, l’ouvrage290 (1979) qu’il consacra à l’analyse du journal épistolaire de voyage d’Isabella Lucy BIRD*291 porte une remarque intéressante concernant l’importance des toponymes et leur reconnaissance par les puissances étrangères, en l’occurrence les Etats­Unis. Il part de la constatation suivante : BIRD utilise des noms anglais pour désigner des îles japonaises : Perry Island, Webster Island etc. Cela évoque à l’auteur la mention d’Ogasawara­shima 住住住住 par le Commodore PERRY (1794­1858) sous le nom de « Bunan Island ». Or « Bunan » est une déformation du nom originel de l’île, Bunin­tô 住住住 (aujourd’hui lu « Mujin­tô »), « l’Ile peu (ou pas) peuplée292 », qui fut abandonné pour le patronyme de son découvreur, le général OGASAWARA Sadayori 住住住住住 (dates inconnues, XVIème s.). Et MIYAMOTO Tsunéichi d’émettre l’hypothèse selon laquelle si PERRY n’avait pas noté ainsi le nom de l’île dans son journal de bord, peut­être la communauté internationale aurait­elle eu plus de mal à reconnaître qu’elle était sous souveraineté japonaise293.

Enfin, il évoque de façon brève la question des deux territoires du nord, les îles Kunashiri(­tô) 住住住 et Etorofu(­tô) 住住住, affirmant qu’elles sont toutes deux aïnoues (donc japonaises294) et que leur nom, écrit en sinogrammes, a été reconnu par tous les pays. « Il ne s’agit pas, dit­il, d’un nom donné par les Russes » (住住住住住住住住住住住住住住住住住住)295. S’il ne fait guère de doutes que Kunashiri vient de l’aïnou, pour Etorofu, on n’en est pas absolument sûr. MIYAMOTO Tsunéichi finit par conclure que : « lorsqu’on décide de dire que c’est un nom qu’ont donné les Aïnous de Hokkaidô, on évolue vers le problème du droit de propriété territoriale, et on finira par dire clairement qu’il s’agit d’une terre japonaise (Nihon

289 Comme par exemple Tsushima gyogyô­shi 「「「「「「「(Histoire de la pêche professionnelle à Tsushima), 1983, OM18, 383 p.. 290 Le recueil des ses conférences prononcées de 1974 à 1979 au Nihon kankô bunka kenkyû­sho 「「「「「「「 「「 (Institut de recherches sur la culture du tourisme japonais) qu’il dirigeait, sur « L’Histoire des voyageurs » (Tabibitotachi no rekishi 「「「「「「「), publié en trois tomes : 1. NODA Senkôin 「「「「「「「 ; 2. SUGAE Masumi 「「「「「「 ; 3. FURUKAWA Koshôken / Isabella BIRD 「「「「「「「「「「「「「「「「, publiés à Tôkyô chez Miraisha 「「「 en 1984. La deuxième partie du dernier tome a fait l’objet d’une republication posthume en un volume sous le titre Isabera Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu 「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「 (Lire Unbeaten Tracks in Japan d’Isabella Bird), Tôkyô, Heibonsha, 1re éd. 2002, rééd. 2004, 285 p.. Nos références renvoient à cette dernière édition. 291 Isabella Lucy Bird, Unbeaten Tracks in Japan (1880), San Francisco, Traveller’s Classics, 2000, 349 p.. (inédit en français). 292 La lecture ancienne (« bunin ») suggère, selon le Kôjien 「「「「「 (dictionnaire unilingue japonais), le sens de « peu peuplé », alors que la lecture actuelle (« mujin ») signifie « non peuplé ». 293 Isabera Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu, p. 20. 294 Tant les Aïnous (Áynu / 「「「), ethnie autochtone du Japon, que les Wajin 「「 / 「「 (ethnie majoritaire de l’archipel ayant produit les « Japonais » que l’on connaît) se définissent comme japonais, puisqu’habitants de l’archipel depuis la préhistoire. 295 Isabera Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu, p. 21. no mono) » (住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 )296. A coup sûr, jamais BIRD ne se serait doutée que son récit d’aventures donnerait lieu à un début de réflexion sur les « territoires du nord ».

On aura donc compris que le Japon de MIYAMOTO est un territoire à la fois complexe et explicitement délimité (dans l’espace, mais aussi à chaque fois, dans le temps).

Il est tentant d’essayer d’imaginer ce qu’aurait pu être l’œuvre de MIYAMOTO si SHIBUSAWA l’avait laissé partir en Mandchourie, et s’il avait pu faire plus tôt des séjours à l’étranger. Peut­être aurait­il été un ethnographe de l’Afrique et de l’Asie mais, en se dispersant ainsi, n’aurait­il pas perdu en qualité ? Pour le Japon, il avait déjà beaucoup à découvrir et à transmettre. Cela ne nous empêchera pas de revenir dans notre seconde partie sur le séjour en Afrique, événement unique dans la vie de MIYAMOTO.

La tentation du japonologue français

La tentation du japonologue non ethnologue serait de croire, impressionné par l’ampleur de l’œuvre miyamotienne, à une supériorité numérique et qualitative de la minZokugaku interne au Japon sur l’ethnographie de son propre pays réalisée par les Français. Or une petite recherche permet de dissiper tout sentiment d’infériorité, les Français ayant été dès le dix­huitième siècle jusqu’à aujourd’hui des férus d’observation et de classification des arts, coutumes et traditions populaires297. La principale différence, selon nous, tient plutôt à la diffusion des publications. En France, elles restent très peu longtemps en magasin, pour celles qui peuvent intéresser le grand public, les autres étant cantonnées à un réseau de diffusion par souscription, dans les universités, leurs bibliothèques et les centres de recherche. En France, un rayon ethnographie de la taille de ceux que l’on trouve dans les librairies japonaises, avec des ouvrages savants en grand nombre, est chose impensable de nos jours. On imagine mal le rayon ethnologie française afficher une pancarte portant le nom, voire la photographie d’Arnold Van GENNEP en grand, comme c’est le cas pour MIYAMOTO ou YANAGITA298, et encore moins son Folklore français en livre de poche ; il le mériterait pourtant, et ne serait pas le seul.

On pourrait donc tenter des parallèles entre MIYAMOTO et nos auteurs nationaux. Considérant le strict point de vue quantitatif et la diversité des thèmes d’étude, pour un MIYAMOTO (ou un 296 Isabera Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu, p. 21. 297 Il n’est que de lire le manuel de Michel VALIERE (2002) pour s’en convaincre. Michel VALIERE, Ethnographie de la France, Paris, Armand Colin Cursus, 2002, 214 p.. Cet ouvrage fait donc œuvre utile en ce qu’il permet de renverser une idée préconçue, un malentendu profond à propos de l’ethnographie et du folklore français, terme ambivalent s’il en est dans la langue d’aujourd’hui. (Nous renvoyons à l’introduction pour un rappel des définitions de ces deux termes.) 298 La découverte d’une discipline comme l’ethnologie au hasard d’une déambulation dans une librairie est chose possible au Japon. Les couvertures des livres de MIYAMOTO, notamment celles des éditions Kawade shobô et Yasaka shobô, jouent aussi un rôle pour faire connaître MIYAMOTO auprès du grand public. YANAGITA, un MINAKATA), il faudrait plusieurs auteurs français. Ainsi pourrait­on avancer pêle­ mêle, toutes époques confondues, et à titre d’exemples, les noms d’Arnold Van GENNEP (son œuvre fut une des plus complètes), Théodore HERSART de LA VILLEMARQUE (1815­1895)299 (chants populaires), Hippolyte FORTOUL300 (poésies populaires), mais aussi de Jeanne FAVRET­SAADA301 (sorcellerie dans les campagnes), Nicolas RENAHY302 (vie des ouvriers de la campagne), Marie­ Louise TENEZE303 (littérature orale et conteurs), E. SOUFFRIN (peuplement et historique d’une île lointaine)… Et nous pourrions citer encore de nombreux noms, un pour chaque domaine auquel s’est intéressé MIYAMOTO.

Une fois réunis les matériaux ethnographiques, il ne reste plus qu’à passer au travail de rédaction.

2) le travail de rédaction MIYAMOTO a beaucoup écrit. Comme nous l’avons dit, il est difficile d’évaluer le nombre de livres qu’il a écrit, mais on peut les estimer à deux­cents. Les Œuvres (actuellement 50 volumes), dont la publication commença du vivant­mème de MIYAMOTO, prévoient environ cent volumes. On pourrait croire que cette prolixité avait pour conséquence un certain relâchement dans l’écriture. Il n’en est rien. MIYAMOTO, s’il écrivait vite et longtemps, revoyait fréquemment sa copie et d’une édition de ses livres à l’autre, d’importants changements pouvaient être effectués.

-a. Le style de MIYAMOTO Tsunéichi :

Ce qui impressionne à la première lecture du style de MIYAMOTO Tsunéichi, c’est sa clarté et sa simplicité. Il ne cherche jamais à en imposer par un jargon savant, et lorsqu’il utilise des termes qui sortent du vocabulaire courant, il les définit toujours au début, généralement à la deuxième phrase. Pourquoi la deuxième phrase ? Sans doute, d’après nous, pour susciter notre réflexion dans le contexte (car MIYAMOTO Tsunéichi fait toujours confiance à l’intelligence du lecteur). La première phrase interroge, et la seconde permet de vérifier si l’on avait estimé juste.

Comme souvent dans la langue japonaise, les entretiens rapportés sont un mélange de style direct et de style semi­direct (sans guillemets). Les interventions, les questions de MIYAMOTO Tsunéichi sont peu retranscrites, et le tout donne l’impression d’un long monologue, étalé parfois jusqu’à former un

299 Théodore HERSART de LA VILLEMARQUE, Barzaz­Breiz, Paris, 1939. 300 Hippolyte FORTOUL, Recueil général de poésies populaires de la France. 301 Jeanne FAVRET­SAADA, Les mots, la mort, les sorts, Gallimard Folio/Essais, Paris, 1994. 302 Nicolas RENAHY, Les gars du coin, enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La découverte, 2005, 285 p.. 303 Marie­Louise TENEZE, Nanette Lévesque, conteuse et chanteuse du pays des sources de la Loire : la collecte de Victor Smith 1871­1876, Paris, Gallimard, 2000. chapitre entier à la première ou à la troisième personne du singulier. Le plus célèbre exemple en est Wasurerareta Nihonjin (1960) avec le récit du vieux KAJITA Tomigorô 「「「「「304 qui commence par un long tiret : « – » après une courte conversation avec MIYAMOTO Tsunéichi.

On sait que MIYAMOTO Tsunéichi prenait des notes pendant et juste après ses entretiens, pour conserver « à chaud » le style et les informations de ses interlocuteurs. Les tournures dialectales sont donc légions, et il est parfois difficile de les décrypter, même pour un lecteur japonais, MIYAMOTO Tsunéichi ne fournissant pas de traduction pour des formes grammaticales qui étaient parfaitement compréhensibles à l’époque. En revanche, pour les noms communs, il fournit très souvent une traduction en japonais, ce qui donne lieu à une explication étymologique et ethnographico­ historique305.

Si une version électronique de l’œuvre miyamotienne existait, il serait intéressant de faire une analyse hypertextuelle de son vocabulaire. Sans avoir de chiffres, il nous apparaît que certains termes spécifiques reviennent plus que d’autres dans sa prose.

Ainsi parmi les termes récurrents trouve­t­on wakaru 「「「 (comprendre, savoir [mot japonais]) et non rikai suru 「「「「 (comprendre [mot d’origine chinoise]) ; hensen 「「 (mutation, transformation).

Dans son commentaire de Nihon no mura et d’Umi wo hiraita hitobito306, MATSUYAMA Iwao 「「「 insiste sur trois termes : tôtoi 「「「「 [「「] (respectable), shitashimu 「「「「 [「「「] (se familiariser avec) et yûki 「 「 (bravoure) qui apparaissent de façon notable dans ces deux essais et permettent de voir où MIYAMOTO Tsunéichi a porté son attention. Que les trois termes aient à voir avec l’humain, que ce soit un jugement moral (tôtoi), un acte (shitashimu) ou un trait de caractère (yûki) n’est pas sans signification. MIYAMOTO comme nous le verrons tout au long de cette étude, attachait en effet une importance particulière à la fois à une certaine morale (assez confucéenne) et aux émotions. De même, il s’attacha autant à la description de phénomènes sociaux de groupe (les yoriai 「「「「 , réunions solennelles de village, les cérémonies agraires comme le taue 「「「 (repiquage) etc.) qu’aux parcours individuels les plus atypiques (le Genji de Tosa, FURUKAWA Koshôken ou SUGAE Masumi).

Mais ce foisonnement d’informations au sein de l’œuvre ne fut pas incompatible avec la reprise d’informations d’une œuvre à l’autre.

304 Wasurerareta Nihonjin, éd. Iwanami bunko, p ? 171 : « Kajita Tomigorô okina » 「「「「「「「「 (« Le vieux KAJITA Tomigorô »). 305 Un exemple parmi des milliers : la différence entre kugai 「「「 [「「「「「] (relation de couple officielle) et shingai 「「「「 [「「「「「] (1/ relation de couple secrète ; 「ko 「 [du Hokuriku 「「 au Yamakage 「「] 2/enfant naturel) et la présentation des différents noms pour désigner un enfant naturel, ex. hotta 「「「 [「「 ?] en Akita, Aomori, Shizuoka et Aichi, matsuborigo 「「「「「 [「「「「 ?] en Okayama, dans l’Ouest, à Kyûshû et Shikoku etc. (Onna no minzoku­shi, « Onna no sôzoku » 「「「「「「 (« La succession des femmes ») (1969), éd. Iwanami gendai bunko, 2004, p. 173). 306 Ed. Chikuma bunko, 2005, p. 274 et s. - b. La réutilisation d’informations :

MIYAMOTO ne fut jamais paresseux. Il écrivit des centaines de textes, et cela ne le dérangeait pas, semble­t­il, de revenir, pour les besoins d’un texte nouveau, sur quelque chose dont il avait déjà traité dans un texte précédent. La réutilisation de thèmes et d’informations par MIYAMOTO Tsunéichi est donc fréquente avec une variété de reformulations et, au besoin, une tonalité différente, car MIYAMOTO Tsunéichi ne se contentait pas de recopier ce qu’il avait déjà écrit mais réécrivait en respectant la tonalité générale de son texte. Le même fait n’était donc pas traité de la même manière selon que le texte devait être publié en volume ou s’il s’agissait d’un article isolé. La quantité de détails donnés, la tonalité du texte (qui peut être détachée ou au contraire d’une subjectivité assumée) et le vocabulaire diffèrent. Citons trois exemples :

Ex. :

1. Les denshôsha :

a. SAKON Kumata okina 「「「「「, dans Kawachi no kuni Takihata SAKON Kumata okina kyûji­ dan 「「「「「「「「「「「「「「「1937, qui réapparaît dans Wasurerareta Nihonjin307, etc.308.

b. TANAKA Umesada 「「「「 dans Wasurerareta Nihonjin309 et Sonri wo iku (Aller dans les villages)310.

2. L’éducation de sa mère : qui apparaît notamment dans « Haha no omoide » 「「「「「「「 et « Haha no ki » 「「「「「 (les deux repris dans Onna no minZoku­shi311) et Kakyô no oshie (L’enseignement du village natal)312. Il y parle du journal de sa mère, écrit quasi­entièrement en hiragana313 et détruit dans un incendie avant transcription.

307 Wasurerareta Nihonjin, chap. XI (Sekenshi (ni) 「「「「「「), p. 238 & s. éd. Iwanami bunko. 308 On trouve de simples références à SAKON Kumata dans Minzokugaku he no michi, chap. IV, 20, p. 260, OM 1 et dans Minzokugaku no tabi, chap. 8, p. 92 éd. Kôdansha gakujutsu bunko. 309 Wasurerareta Nihonjin, chap. XII (Moji wo motsu denshôsha (ichi) 「「「「「「「「「「「), p. 261 & s. éd. Iwanami bunko. 310 Sonri wo iku, chap. V, (9), p. 175­178, OM 25. 311 Onna no minZoku­shi, p. 300 et 305. 312 Kakyô no oshie, chap. 7 p. 81. 313 Les kana 「「 sont les caractères phonétiques japonais correspondant à des mores (intermédiaire entre le phonème et la syllabe). La langue japonaise est écrite dans un mélange de kanji (idéogrammes d’origine chinoise) et de kana (qui comprennent les hiragana 「「「「 [ 「「「 ], de forme ronde et les katakana 「「「「 [ 「「「 ], plus anguleux, employés dans des cas différents). La mère de MIYAMOTO n’ayant pas eu l’occasion d’aller à l’école, se contenta de suivre de l’extérieur (par la fenêtre) les cours d’école maternelle et primaire des enfants qu’elle gardait pour gagner sa vie. Son fils n’apprit qu’elle savait lire et écrire (les kana) que tardivement. Ils échangèrent quelques lettres et c’est lui qui l’incita à écrire son journal. Dans le premier cas, nous passons d’un ouvrage de description d’entretiens à usage professionnel à un livre destiné à un public plus vaste sans pour autant renier l’objectivité ethnographique. Seulement SAKON n’est plus le sujet unique de livre mais un cas parmi d’autres, et son récit de vie à la première personne voisine avec des descriptions d’institutions (Ière partie, cf. encadré) et la description de rencontres avec des personnages locaux de transmetteurs (denshôsha 「「「). Dans le second exemple, le cas de TANAKA est traité en détail (vingt­et­une pages et demi) dans Wasurerareta Nihonjin (1960) avec des anecdotes et remarques qui viennent apporter des digressions au récit, mais très brièvement (deux pages et quelques lignes) dans Sonri wo iku (éd. défin. 1977). Le troisième exemple remplit une fonction différente selon l’œuvre dans laquelle il a été inséré : illustrer le système de la garde des enfants ; souligner le problème de l’illettrisme des jeunes filles de la campagne avant­guerre ; donner, enfin, un exemple d’amour maternel avec le récit de leur échange de lettres. Et dans chaque cas l’évocation de la destruction du journal vient conclure l’histoire en montrant la fragilité des documents ethnographiques et l’impérieuse nécessité de les dupliquer pour en assurer la transmission.

MIYAMOTO avait conscience que son lectorat était émietté et que tous ses lecteurs n’avaient pas accès à l’ensemble de ses textes. Nombre de ceux­ci étaient en effet publiés dans des revues à tirage parfois confidentiel ou à circuit de diffusion quasi­limité à des professionnels. La parution en volume ne touchait pas le même public selon l’éditeur et selon la collection. Ainsi par exemple dans sa trilogie destinée à la jeunesse : Nihon no mura (1948), Furusato no seikatsu (1950) et Umi wo hiraita hitobito (1955), il recourt au style « poli » (réservé normalement à l’oral ou la correspondance) et limite le nombre d’idéogrammes qu’il utilise afin d’être mieux compris. Toutefois il semble bien vite oublier à qui il s’adresse et peu de changements sont à noter au niveau de son style même. On sait que les trois livres eurent un petit succès de librairie, mais on peut se demander qui les acheta : les enfants, ou les parents ? Qu’on nous permette de retenir la seconde hypothèse. Ces ouvrages sont passionnants pour un lectorat adulte, mais ne sont­ils pas d’un profond ennui pour des enfants en quête d’aventure ou des adolescents peu intéressés par les descriptions des objets du passé qui doivent leur paraître bien arides ?

Cependant, il reste vrai que MIYAMOTO vise des publics différents dans ses ouvrages et au cours de ses activités : conférences auprès d’agriculteurs, essais spécialisés, livres de grande diffusion, ouvrages de vulgarisation destinés à la jeunesse. C’est le fond qui va déterminer la forme, que nous détaillerons dans la partie qui va suivre.

Enfin, qu’on nous permette une dernière hypothèse, plus psychologique et littéraire : la réutilisation d’informations par MIYAMOTO pourrait très bien être un moyen parmi d’autres d’insister sur des points qu’il estime importants en marquant la mémoire du lecteur. Il poserait ainsi des jalons qui seraient, pour certains, des informations clés et pour d’autres des « épisodes » incontournables de sa biographie, ou mieux, de sa propre légende qu’il aurait ainsi cherché à créer de son vivant, un peu à la manière des contes bouddhiques repris sous différentes formes, avec des variantes…

La présentation et l’ordre des chapitre :

Les ouvrages de MIYAMOTO Tsunéichi ne sont certes pas construits selon un plan « à la française », élaboré préalablement à la rédaction, et en deux ou trois parties, pourtant, ils ne sont pas qu’une simple succession de chapitres sans liens les uns avec les autres. MIYAMOTO Tsunéichi procède à un classement par thèmes et sous thèmes (Wasurerareta Nihonjin), ou département (Toshi no matsuri to minzoku (OM27)). Les nombres qui reviennent le plus, statistiquement, sont le sept (chapitres) et le deux (parties). On peut émettre l’hypothèse que MIYAMOTO Tsunéichi eut peut­être été intéressé par l’habitude des juristes français à raisonner selon une logique binaire et à produire une arborescence binaire symétrique dans la structure de leurs textes. On trouve aussi beaucoup de livres sans grandes parties, constitués d’une douzaine de chapitres indépendants (ex. : Kakyô no oshié ou Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsu­shi, 13 chapitres).

Par ailleurs, dans un ouvrage comme Wasurerareta Nihonjin, sorte de florilège de la science miyamotienne, on trouve des chapitres narratifs, d’autres qui présentent un entretien. L’image illustre le texte, accompagnée par une carte élaborée par MIYAMOTO lui­même. Les chapitres narratifs ne sont pas tous consacrés au même genre de sujet : certains sont plus folkloriques, d’autres historiques, certains sont autobiographiques et laissent la place au « je », les autres pas et leur ton est plus détaché.

Un exemple de plan de livre : La structure de Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住住住 (Les Japonais oubliés)314 :

Aucune introduction, 13 chapitres et une conclusion : [Ière Partie : Organisations du groupe] [1] Tsushima nite 住住住住 (A Tsushima) [2] Mura no yoriai 住住住住住住 (Les assemblées de village) [3] Nagura dangi 住住住住 (Leçons de Nagura) [5] Onna no sekai 住住住住 (Le monde des femmes)

[IIème Partie Chapitres autobiographiques] [4] Kodomo wo sagasu 住住住住住住 (A la recherche de l’enfant) [9] Watashi no sofu 住住住住 (Mon grand père)

[IIIème Partie : Entretiens divers] 314 La numérotation est de nous et vise à révéler la structure implicite de l’œuvre. [6] Tosa Genji 住住住住 (Le Genji315 de Tosa) : personnage qui réapparaît dans d’autres ouvrages [7] Tosaderagawa yawa 住住住住住住 (Histoires nocturnes de la rivière Tosadera) [8] Kajita Tomigorô okina 住住住住住住 (Le vieux KAJITA Tomigorô) [10] Seken­shi (ichi) 住住住 (住) (Les maîtres du monde (I)) : 6 sous­parties [11] Seken­shi (ni) 住住住 (住) (Les maîtres du monde (II)) : en particulier SAKON Kumata 住住住住, p. 238 & s., personnage qui réapparaît dans Kawachi no kuni Takihata Sakon Kumata okina kyûji­dan (OM37).

[IVème Partie : Les transmetteurs de traditions lettrés] [12] Moji wo motsu denshôsha (ichi) 住住住住住住住住 (住) (Les transmetteurs de traditions qui savent lire et écrire (I)) : en particulier TANAKA Umesada ( ?) 住住住住 qui réapparaît dans Sonri wo aruku (OM25). [13] Moji wo motsu denshôsha (ni) 住住住住住住住住 (住) (Les transmetteurs de traditions qui savent lire et écrire (II)) : en particulier TAKAKI Seiichi 住住住住

Conclusion (Atogaki 住住住住)

On remarquera que : 1° cette œuvre est structurée. Les chapitres ne sont pas mis à la suite les uns des autres sans logique ; 2° la structure de cette œuvre est caractéristique de la façon qu’ont les Japonais de classer les thèmes de réflexion. En effet, MIYAMOTO part de la description de phénomènes de groupe et d’instances collectives avant de nous parler d’individus isolés : de lui d’abord, puis des transmetteurs. Le livre aurait donc pu être divisé en deux parties apparentes : le groupe ; l’individu. Les travaux de MIYAMOTO, pour rigoureux et honnêtes qu’ils soient, n’en suscitèrent pas moins des critiques dans le monde des sciences humaines japonaises.

La critique du manque de théorisation :

Les détracteurs de MIYAMOTO relèvent toujours le même point : le manque de théorisation. Or, cette critique ne saurait être qu’hors sujet, dans la mesure MIYAMOTO ne s’est jamais considéré comme un anthropologue, mais plutôt comme l’ethnographe de la ruralité, réunissant des matériaux que les autres après lui seront libres d’analyser comme bon leur semble. A cet égard, USU’I Takumi fait la réflexion suivante :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(「「) 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「

315 Ce surnom de « Genji » renvoie ici au héros du Genji monogatari 「「「「「「 (Le dit du Genji), célèbre roman de Murasaki Shikibu 「「「 (milieu de l’époque de Heian), personnage de (prince) séducteur et sentimental. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「316 (« La science est un travail qui consiste à recueillir des objets concrets (gushô), pour ensuite théoriser et en faire quelque chose d’abstrait, ou bien à revérifier des hypothèses rendues abstraites. Dans le cas de M. MIYAMOTO, il a reçu des critiques selon lesquelles sa théorisation était insuffisante. Mais moi, je pense que c’est différent. Que ce sont les recherches en minZoku qui semblent hâter la théorisation, non ? D’abord, on se consacre entièrement à la prise de notes en entretien. Les chercheurs universitaires aussi, ces dix dernières années317, introduisent pas mal de procédés d’études de terrain ethnographique sous la forme de « travail de terrain ». […] Utiliser des mots comme abstraction ou théorisation comme des atouts déterminants est mesquin (kyôryô). Critiquer une personne qui travaille dans une situation où les moyens sont différents est un peu erroné, non ? Certes, les résultats du travail de terrain énorme de M. MIYAMOTO au sein du [Comité pour le] Développement des îles éloignées sont aussi liés à la politisation sous certains aspects, mais si l’on dit que c’est à cause de cela, et qu’on demande s’il a eu ou non des résultats, n’est­ce pas parce qu’on utilise des critères différents ? »)

L’accusation étant hors sujet, elle n’est pas de nature à entamer, selon nous, les mérites de l’œuvre miyamotienne.

Maintenant, avant d’en venir à la présentation du fond de l’œuvre, on peut se demander quel a été le but de MIYAMOTO, car on ne saurait, selon nous, tout réduire à sa formation et ses influences, pour importantes qu’elles furent.

B/ Les raisons de fond qui guidèrent MIYAMOTO

Chaque œuvre de MIYAMOTO semble répondre à une motivation intellectuelle particulière. Toutefois, cela ne nous empêche pas de rechercher, à travers des exemples concrets, quelques constantes qu’il s’agit de présenter ici, avant d’en venir véritablement au fond.

Le « vœu prédictif » de SHIBUSAWA » : En pleine guerre, MIYAMOTO passe mettre de l’ordre dans les collections du musée avant d’aller rejoindre femme et enfants à Osaka. Il va donc faire ses adieux à son patron qui s’exprime en substance (ainsi MIYAMOTO résume) :

316 Interrogé par SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, 5ème entretien, p. 100. 317 L’entretien fut réalisé en 2002. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「318 (« Tu marches et tu vois la situation des populations rurales. Cela aussi, tu le prends sous l’angle de la minZokugaku, tu connais même bien les publications qui ont trait au folklore et tu es celui qui a la meilleure compréhension des objets traditionnels populaires (mingu). Ce que j’estime qu’il te faut faire est ceci : quoi qu’il advienne par la suite, préserve ta vie ; je veux que tu vives jusqu’après la fin de la guerre. Avec la défaite, de grands désordres risquent certainement de se produire. A ce moment, j’ignore ce que deviendront les cultures et l’ordre qui avaient été conservés jusqu’à aujourd’hui. Mais si tu es en forme [à ce moment­là] tu pourras devenir un « canal » (paipu) reliant l’après­guerre à ce que tu as vu et entendu avant­guerre ».)

Dès lors, tout prend sens dans les grandes lignes : MIYAMOTO sera un passeur, voire même le sauveur d’un monde en voie de disparition, un historien de l’urgence.

MIYAMOTO ajoute :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「319 (« Je sus [ainsi] (pour la première fois) que c’était cela que le professeur attendait de moi depuis ces quatre dernières années. Traiter de la vie quotidienne des gens qui vivent dans la vraie vie, et pas dans les livres, et savoir concrètement ce que sont les Japonais jouera nécessairement un rôle dans l’orientation du Japon d’après­guerre, enfin c’est un devoir urgent que de former ce genre de personne, ne serait­ce qu’une seul, pensait­il. Pourtant, il le réclamait de nous avec une froideur extrême. »)

A la lecture de ces lignes, on voit bien le lien entre le passé et la formation de la génération suivante. A aucun moment, la minZokugaku ne s’est vue comme une science pure sans incidence sur le monde. Il s’agit pour SHIBUSAWA et MIYAMOTO d’accompagner un changement inévitable et d’essayer de transmettre ce qui aura pu être sauvegardé en urgence.

Dans Minshu no chie wo tazunete (En interrogeant la sagesse populaire) (1962)320, MIYAMOTO écrit :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Mes voyages ne sont pas quelque chose que j’ai réalisé uniquement pour me faire plaisir. A mesure que le monde avance et que les vieillards vont vers la mort, ce sont les anciennes traditions qui vont

318 MinZokugaku no tabi, chap. 10, p. 121. 319 MinZokugaku no tabi, chap. 10, p. 121. 320 OM 26. disparaître. Une fois qu’elles auront disparu, on dira : « Qu’est­ce que ça peut bien être, ça ? » et on aura beau scruter, il sera déjà trop tard. Il y a lieu alors de procéder dans la mesure du possible à de nombreux entretiens avec les anciens : voilà ce que je me suis vu conseiller par les professeurs YANAGITA Kunio et SHIBUSAWA Keizô et tels étaient les voyages que j’entrepris. »)

Et réapparaît alors la question de l’identité des Japonais…

Déjà YANAGITA liait la formation de la minZokugaku à la politique (cf. plus haut) et en faisait l’indispensable accessoire de l’éducation future des consciences à la solidarité locale, puis nationale, et cherchait l’amélioration des conditions économiques d’existence des classes pauvres321.

Mais MIYAMOTO a des motifs supplémentaires d’accomplir la tâche titanesque qu’il s’est fixé, comme nous le verrons dans la seconde partie (chapitre IV)

1) Extrait de la postface de MIYAMOTO Tsunéichi à son Furusato no seikatsu Cette postface contient quelques éléments qui résument assez bien la démarche de MIYAMOTO et sa vision de la discipline en train de se constituer.

322(« J’aimerais, dans la mesure du possible, essayer de mettre en lumière de quoi sont composés les villages où nous vivons (et/) ou nos villages d’origine. Mais, des choses d’autrefois (de ces villages), il ne nous reste pas grand chose par écrit, aussi ne pouvons­nous rien savoir à l’aide de ces seules traces écrites. De plus, si l’on se contente de déterrer des villages abandonnés, comme le fait l’archéologie, aucune résolution du problème ne pointe non plus à l’horizon. En fin de compte, vu qu’aujourd’hui il reste effectivement, assurément, des vieilles choses parmi ce qui nous a été transmis oralement et parmi les usages actuels des villages, il nous faut bien examiner celui où nous vivons, observer aussi ceux des environs et les comparer.

321 « Une discipline académique est requise, qui nous fournira davantage de réponses utiles à des questions concrètes telles que : comment les gens d’une certaine région peuvent­ils s’unir d’une manière plus harmonieuse, ou comment pouvons­nous minimiser le nombre de gens qui sont malheureux ou dont le comportement est indésirable pour la société ? » YANAGITA Kunio, Teihon, Bekkan 3, « Kokyô nanajû­nen » 「「「「「「「 (« Soixante­dix ans de village natal »), p. 333, cité par KAWADA Minoru, op. cit., chap. 5, p. 111. 322 Texte original : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 En même temps, il faut lire les écrits qui se rapportent à cela. Toutefois, ce qui est plus important, c’est de marcher et de regarder. Si l’on ne marche pas et qu’on ne regarde pas, aucune sensation réelle n’est à attendre. Les sensations réelles (jikkan) jouent un grand rôle dans l’examen des choses. Ce genre de science qui examine l’Histoire de la vie quotidienne des populations ordinaires (ippan heimin) s’appelle la « minZokugaku du Japon », mais tant celui qui fonda cette discipline, le professeur YANAGITA Kunio, que celui qui reçut son enseignement et travaille actuellement sur la littérature nationale, le docteur323 ORIKUCHI Shinobu, sont en même temps de grands voyageurs. En outre, de nombreuses personnes qui participent à des recherches de ce genre ont toutes étudié les voyages [de jadis], ou encore les manifestations de la vraie vie dans les villages et approfondi ces recherches et ces réflexions. Là survient la comparaison grâce aux sensations réelles.

De plus, sur ce genre d’enquêtes et de recherches, beaucoup de livres sortent, mais c’est quelque chose sur quoi j’aimerais encore écrire, à l’occasion.

Comme la minZokugaku – contrairement à [cette attitude] qui, comme l’Histoire ordinaire, se base pour ses investigations sur les traces écrites – cherche à observer les choses anciennes qui existent au sein de la vie de tous les jours, même si l’on fait assez attention, les omissions sont, de fait, assez nombreuses. De surcroît, il est assez difficile de fixer la frontière entre ce qui est récent et ce qui est ancien. Cependant, nous désirons connaître l’Histoire exacte de la vie quotidienne de nos ancêtres.

J’aimerais que de nombreuses personnes – au moins une – prennent part à cette science.

Bref, ce livre fut écrit grâce aux bons soins de personnes assez nombreuses : c’est moi qui ai pris le stylo pour écrire ces phrases, mais au cours de mon voyage, j’ai fait l’objet d’attentions, et ceux qui ont bien voulu m’apprendre par ailleurs les choses les plus diverses sont en vérité fort nombreux. Même si ça fait peu, ils dépassent les mille. J’ai également appris grâce à de nombreuses lectures. (…) »)

Ce texte expose quelques uns des axes de recherche de MIYAMOTO. Il cherche ainsi à étudier la structure (« de quoi [ils] sont composés ») des villages actuels tout autant que celle des villages du passé (« villages d’origine »). Ensuite, par l’étude des éléments légués par le passé (les matériaux – shiryô – que nous évoquions plus haut) et l’observation directe et participante, il s’agit de parvenir à une compréhension permettant le comparatisme. Cette compréhension ne peut venir que si l’on fait appel aux « sensations réelles ». Elles sont l’atout de l’ethnographe, par rapport à l’archéologue ou à l’historien. Cette empathie est donc nécessaire et ne saurait se limiter à la subjectivité personnelle du travailleur de terrain. Histoire et empirisme vont donc de pair, afin de saisir ce triple but de la minZokugaku : qui étaient nos pères ? Que nous ont­ils légué ? Et qui sommes­nous ?

Mais un autre exemple peut être fourni avec Kakyô no oshie.

323 Docteur en lettres. 2) Les deux buts de Kakyô no oshie Kakyô no oshie, comme l’indique son titre, traite de l’éducation de l’enfant au sein de la famille rurale, et ce à partir de la propre expérience de MIYAMOTO. Le rôle de l’expérience vécue, à une époque où le futur ethnographe ne se savait pas observateur, est assez particulier et rare, sans être tout à fait unique (qu’on songe par exemple à Pascal DIBIE ou Nicolas RENAHY).

Parmi les buts revendiqués par MIYAMOTO, on lit ceci :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「324 (« Pour ce qui est du premier, j’ai cherché à éclaircir ceci : comment les traditions (denshô) de vieille date nous ont­elles été léguées, et de quelle façon les choses nouvelles (/ innovations / nouveautés) sont­elles introduites ? J’ai par ailleurs aussi cherché à mettre en lumière les relations de la position [sociale] – considérant [la question de] l’éducation et de la discipline domestiques par rapport aux grands parents, aux parents, leurs femmes et enfants – avec les co­villageois. Ensuite, j’ai aussi cherché à voir avec quels genre de buts et de quelle manière la vie quotidienne dans les villages avait été organiquement constituée. »)

MIYAMOTO énonce ici, outre le sujet de son livre (les questions de l’éducation et de la discipline domestiques), les axes qui l’ont guidés (et qui ne sont pas propres, selon nous, au seul Kakyô no oshie) : la question de la transmission (denshô) des traditions, celle de la naissance (sui generis ou importée) de nouvelles pratiques coutumières, en d’autres termes les mutations (hensen) que nous évoquions plus haut, enfin la question de l’organisation institutionnelle de la société rurale, organisation au cœur de ces constants processus de mutation.

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「 (« Quant à l’autre [but], j’ai cherché à voir, en dehors de l’instruction à l’école populaire, et alors même qu’on insistait [alors] sur ce qui relève des recherches sur le terroir (kyôdo) ou de l’éducation rurale (kyôdo kyôiku) (rares étant [en ces matières] les retours sur le passé jusqu’à maintenant), quelle place et quelle superficie occupait, dans la vie quotidienne des villages, l’éducation pour devenir de bons membres de la famille et de bons villageois. »)

Le dernier objectif peut sembler anecdotique (et peut­être l’est­il vraiment), mais il est représentatif d’une époque où la morale était encore présente au sein des sciences humaines au même titre que l’idéologie : il s’agit de comprendre comment l’éducation peut concourir à la vertu et à l’harmonie (le wa 住 si important pour les Japonais325), pour ensuite l’encourager (même si ce n’est pas dit

324 Introduction, p. 11 éd. Iwanami explicitement dans ces lignes). En MIYAMOTO, il faut le reconnaître, se cache aussi un moraliste qui s’ignore.

Suit une petite explication :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「326 (« Je me disais en substance que ce qui avait un sens c’était plutôt, dans la mesure du possible, de traiter en détail et exhaustivement d’un seul village. Les choses ici rapportées sont manifestement toutes différentes les unes des autres, en fonction des régions, ou de ce qui diffère de mon cas personnel, mais je me demande [aussi] si les idées et les aspirations de mon grand père concernant les femmes et les enfants [ne] sont [pas] communes [à tous]. Ce sont [précisément] ces choses communes qui viennent nous montrer les différences d’expression suivant l’environnement ou les traditions. »

Ce court extrait montre de manière peut­être un peu confuse la dichotomie au fond de la minZokugaku miyamotienne et, peut­être même par extension, au sein même de la pensée japonaise, entre le différent et le même. MIYAMOTO veut étudier un seul village, le sien, car il lui semble particulier, unique. Il est conscient des différences entre les régions, et, à plus forte raison, entre l’Ouest et l’Est, vieille différence culturelle que MIYAMOTO ne cessera de traiter dans ses livres comme pour l’exorciser.

Dans un deuxième temps, MIYAMOTO prend conscience des similitudes entre les valeurs morales de son grand­père et celles des gens des autres régions. Le Japon, divisé par les faits culturels, se trouve unifié par les valeurs morales des gens de la campagne. Et les Nihonjinron (études sur la japonité) devraient montrer qu’à la base, la structure de la pensée des Japonais par rapport au reste du monde est inversée, tout comme l’est la structure grammaticale de la langue, avec le verbe à la fin. En Occident (tout du moins), nous partons du général pour aller au particulier, alors que les Japonais font l’inverse. D’où le petit nombre de mots de la langue française, langue exceptionnellement universaliste et universelle, avec laquelle la combinaison de noms génériques et d’adjectifs permet de tout dire avec une liberté rare. En Japonais, chaque changement infime dans la forme ou l’usage d’un objet ou d’un fait oblige à trouver un nouveau nom pour le désigner, de préférence à un nom plus générique qualifié par un adjectif.327. Ce ne sont donc pas des synonymes, car le propre du synonyme 325 L’ethnie aujourd’hui majoritaire au Japon est l’ethnie des Wajin 「「, que ces derniers écrivent avec l’idéogramme signifiant « harmonie », délaissant le caractère utilisé par les Chinois de l’Antiquité, Wō 「, un peu péjoratif (il signifiait : « petits hommes au dos rond ») (Kanjigen). 326 op. cit. p11­12. 327 Ainsi n’existe pas de mot pour dire par exemple « eau », « riz », « temps », « frère » ou « couteau », mais une multitude de mots à l’usage strictement défini Ainsi la mizu 「 (eau froide) se transforme en o­yu 「「 (eau chaude) à partir d’une température indéterminée et devient uôtâ 「「「「「 dès lors qu’elle est minérale. Nul ne peut dire avec certitude ce que devient la uôtâ portée à ébullition, sans doute de l’o­ yu. De même, le riz sur pied est l’ine 「, récolté et sec, du (o­)kome (「­)「 ; cuit, blanc et dans un bol, du est de pouvoir remplacer un autre terme, ce qui ne veut pourtant pas dire que les synonymes n’existent pas dans la langue japonaise. Ce fait de langue rend ainsi difficile la réflexion philosophique, chaque concept étant renvoyé à sa langue d’origine comme intraduisible et propre à la culture d’origine, malgré des tentatives de traduction qui ont tendance à s’effacer derrière le phénomène actuel de transcription phonétique du terme conceptuel étranger328.

C’est selon nous cette tendance à tout voir comme différent sans percevoir l’universalité du genre humain qui en grande partie a conduit le Japon au racisme à l’époque du jeune MIYAMOTO. L’irréductible différence entre « les Japonais » et les autres – les Japonais se trouvant du coup paradoxalement unifiés – a été le leitmotiv de YANAGITA dans sa justification du rôle central du Japon en Asie, avec la minZokugaku comme fondement scientifique. Heureusement, MIYAMOTO est venu apporter un peu de mesure et de bon sens en remettant la minZokugaku à sa place, qui est celle d’une science, et non d’une idéologie, sans se sentir obligé de répondre à toutes les questions qu’en intellectuel, il était amené à se poser.

La dichotomie entre nous et autrui, ressemblance et différence est universelle et l’ethnographie comme l’ethnologie sont des sciences d’une totale honnêteté, puisqu’elles assument parfaitement ce passage constant du différent au semblable, et réciproquement.

En France, l’ethnologie était censé être, au départ, la science de l’altérité par excellence, pourtant elle trouve aujourd’hui ses plus fertiles terrains d’étude dans le pays même de l’ethnographe. Peur de faire du colonialisme malgré soi ? D’être taxé de raciste en classant ? De chercher à maintenir les populations étudiées dans un état artificiel de « sauvagerie » exotique ? Manque de moyens ou passion pour son pays (même si le mot « patriotisme » est devenu rare, voire « tabou » ces dernières années) ? On ne saura jamais. Inversement, au Japon, la minZokugaku a précédé (de très peu) les grandes réalisations ethnologiques à l’étranger, assez en retard sur l’Europe, les pays arabes, et la Chine (mais en avance institutionnelle sur cette dernière), peuples qui ont vu fleurir les récits et les analyses d’écrivains voyageurs. Il semble bien qu’à chaque fois dans le monde l’ethnologie de l’autre soit allée de pair avec les facilités matérielles qu’offrait pour le ressortissant ethnographe d’un pays colonisateur go­han 「「 , enfin blanc mais sur assiette, et éventuellement recouvert de sauce, du raisu 「「「 . Le problème se pose des grains de riz cuit sur assiette tombés par terre ou tombés d’un bol, vers une assiette (et réciproquement) : deviennent­ils du go­han (ennoblis au passage par le go­ 「 ­ [ 「 ­] honorifique) – dans le premier cas, fiction toute juridique dans l’esprit qui suppose qu’ils soient tombés d’un bol imaginaire – ou restent­ils du raisu ? Personne n’est d’accord et les débats sont plus vifs depuis l’apparition du raisu. Dernier exemple, le temps sera toki 「 lorsque conceptualisé, jikan 「「 lorsqu’exprimant la durée et taimu 「「「 (par ailleurs le même mot que pour exprimer le « thym ») lorsque complet (furu 「「) ou partiel (pâto 「「「), ou le mi­temps (hâfu 「「「). 328 Cela n’est pas dû à l’usage de l’écriture idéographique, puisque le chinois est (avec l’anglais) une des langues où les traductions de termes étrangers sont les plus nombreuses et les plus inventives (il n’est qu’à voir le vocabulaire de l’informatique, alors qu’en japonais 80 % du vocabulaire informatique est constitué de transcriptions phonétiques de mots anglais). l’état du pays colonisé. Le Japon n’échappe pas à la règle et ce n’est pas YANAGITA qui viendrait nous contredire.

MIYAMOTO a prouvé dans son œuvre qu’il n’avait aucune sympathie particulière pour la colonisation en général329 par ses choix de voyages à l’étranger. Il choisit ainsi le Kenya et la Tanzanie, parce qu’il voulait visiter des pays libres et en paix330.

On pourrait enfin citer d’autres intentions qui guidèrent MIYAMOTO, notamment celle longtemps affichée de faire l’Histoire et la description des populations japonaises sans écriture.

Et l’on terminera cette première partie sur cette définition programme de la minZokugaku.

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「――「「「「「――「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« On peut dire que la « minZokugaku » est ce qui cherche à étudier les traces (kiroku) des répétitions – la vie quotidienne coutumière – des mots et des actes qui étaient les moyens de transmission (denshô) de la culture utilisés au sein de sociétés populaires qui autrefois n’avaient pas d’écriture ; et, se basant la­dessus, les sources des prototypes culturels, les types de cultures et le(ur)s fonctions (kinô), mais, vu que les sociétés [japonaises] sans écriture sont aujourd’hui déjà disparues, c’est une science qui étudie les cultures conservées par l’usage au sein de sociétés possédant des traditions de société sans écriture ».)

Pour synthétiser, la minZokugaku s’intéresse à la recherche ethnographique (parfois même archéologique) des traces (ou enregistrements) (recherche matérielle), aux origines historiques des prototypes culturels (recherche d’Histoire ethnologique) et à la classification des cultures par types (typologie ethnographique) et fonctions (typologie fonctionnelle ethnologique), mais elle peut également partir de la fin et étudier les sociétés actuelles, héritières d’une société jadis sans écriture (ethnographie et ethnologie du folklore contemporain).

Cette définition­programme de 1955 n’est pas fausse, mais MIYAMOTO ira beaucoup plus loin. Il sera le premier à le faire et aujourd’hui encore semble n’avoir pas trouvé de successeur à sa mesure.

329 Au contraire, il adhère même à la proposition du critique et essayiste OOYA Sôichi 「「「「 (1900­ 1970) consistant à autoriser l’immigration de populations latino­américaines dans les îles en voie de dépeuplement (du fait du déficit des naissances et du dépeuplement). Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 22. 330「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「(« Ce qui m’attira le plus, sentimentalement, vers l’Afrique orientale, serait­ce le fait qu’il n’y avait pas eu là de si grande guerre que cela, qu’il y avait eu relativement peu de domination exercée ou subie par la force armée ou la puissance économique ; [aussi] quelles pouvaient êtres, dans ce genre de société, le type de relations humaines, et celles entre les humains et la terre ? » « Higashi Afurika wo aruku » 「「「「「「「「「「 (« Marcher à travers l’Afrique orientale »), in Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, p. 3. Deuxième partie. Voyage au cœur de l’œuvre miyamotienne : d’une réflexion sur le folklore, l’histoire et le patrimoine à la naissance d’une nouvelle nihonjin­ron

L’œuvre de MIYAMOTO n’étant pas théorique ni doctrinale, il peut paraître relativement difficile d’en fournir un résumé ou d’en exprimer l’esprit. Elle semble n’avoir pas de centre, et ne manque cependant pas de cohérence. Essentiellement descriptive, elle cherche à apporter une explication rationnelle aux phénomènes qu’elle décrit sans renier l’aspect émotionnel inhérent à la rencontre de l’ethnographe avec ses sujets d’étude. En fait, il s’agit davantage d’une expérience humaine globale, complète, que d’un simple recensement mécanique d’informations. L’ethnographe, en cherchant la raison d’être des faits et des choses, va aussi interroger le cœur des hommes qu’il étudie. Le voyage fait sens à plusieurs niveaux : il est d’abord le passage obligé d’un travail de terrain mené scientifiquement, ou tout du moins rigoureusement. Il est ensuite un voyage initiatique : en allant toujours plus loin dans le Japon profond ou, pour reprendre un mot de MIYAMOTO, dans les îles éloignées (ritô), l’ethnographe avance en profondeur dans sa connaissance du peuple en question, en l’occurrence le sien, et dans sa connaissance de lui­même. Cela n’est pas nouveau : dès Pausanias il en est question et il n’est qu’à lire le Journal d’ethnographe de Bronislaw MALINOWSKI pour avoir un exemple plus proche de nous. Seulement, chez MIYAMOTO, l’aspect personnel s’inscrit dans l’œuvre même et sert à l’illustrer. Dans Wasurerareta Nihonjin (Les Japonais oubliés) qui fait un peu office de vitrine ou d’échantillon de l’œuvre miyamotienne avec ses chapitres représentatifs des diverses facettes du travail de leur auteur, deux chapitres (sur treize) concernent sa vie personnelle : l’un évoquant la fugue de son fils cadet, et l’autre la figure de son grand père, modèle à suivre pour toute éducation traditionnelle. Ce rapport de 2/13 pourrait être étendu sans trop d’erreur à l’ensemble de l’œuvre, avec des ouvrages comme Kakyô no oshie (L’enseignement du foyer) qui découlent entièrement de l’expérience de vie personnelle de MIYAMOTO.

De là, partent de grands axes de recherche, des thèmes et quelques concepts.

Parmi les axes de recherche, citons les mouvements de populations, l’Histoire des activités économiques et des voies de communication, l’étude de la chaîne alimentaire de la graine au plat, l’Histoire des voyages, l’éducation, l’origine des Japonais et de leur culture… Pour les sujets d’étude, ils sont innombrables. Donnons quelques exemples : Oshira­sama cité plus haut, la fabrication des jarres, des sandales, des maisons, des vêtements, les différents bateaux et filets de pêche, les paroles de chansons folkloriques, les loisirs populaires (artistes ambulants), l’étude de tel ou tel groupe social etc.

Enfin, pour ce qui est des concepts, ils ne sont pas toujours explicitement formulés, mais nous pourrions parler de ceux de patrimoine, d’Histoire, de peuple, de petit peuple, de seken­shi*, de transmission…

Il nous apparaît que la voie tracée par l’œuvre miyamotienne semble chronologiquement se diriger vers son aboutissement théorique. A partir d’une réflexion sur la ruralité, le folklore et l’identité (I), MIYAMOTO en arrive à poser, notamment (mais pas seulement) par le recours à l’Histoire, les bases d’un renouveau de l’étude de la japonité (Nihonjin­ron) : d’où viennent donc les Japonais et leur(s) culture(s) ? (II)

I (Chapitre III) : Ruralité, folklore et identité

L’œuvre de MIYAMOTO, comme nous l’avons dit, couvre tous les domaines possibles et imaginables au sein de la minZokugaku, de la vie quotidienne dans les campagnes, leurs coutumes et leur « folklore » (au sens courant d’aujourd’hui), en passant par les techniques agricoles, l’économie des villages, l’Histoire du commerce du sel, de la pêche, l’archéologie, jusqu’aux Nihonjin­ron. Seule la ville n’a pas été traitée, sauf dans Toshi no matsuri to minzoku 「「「「「「「 (Fêtes traditionnelles et folklore urbains), qui demeure une exception, et dans quelques courts articles331.

Deux axes, selon nous, parcourent la plus grande partie de l’œuvre miyamotienne : ruralité (A) et patrimoine (B). C’est le lien entre ces axes qui constitue la problématique d’une œuvre tout entière consacrée à une recherche constante de l’identité japonaise. MIYAMOTO en effet, s’il ne prétendit pas avoir compris ou défini l’identité japonaise, reconnut cependant s’être toujours efforcé de rechercher des traits particuliers au sein des cultures pouvant s’observer sur l’archipel du Japon. Il est intéressant à cet égard de souligner qu’il n’existe pas en japonais de mot pour traduire le français « identité »332, les termes dokujisei 住住住, kosei 住住, jibun­rashisa 住住住住住 ne recouvrant qu’une partie du champ sémantique du mot français, et sans sa force émotionnelle. On trouve bien le mot aidentitî 住住住住住 住住住住 venu de l’anglais, mais il tend à prendre une connotation « identitaire », entachée d’extrémisme politique, aussi n’est­il n’est pas accepté par la majorité des Japonais. SANO Shin’ichi l’emploie 331 Dont certains par exemple figurent dans Sora kara no minZokugaku (L’ethnographie du folklore vue du ciel), recueil posthume rappelons­le. 332 Pour le sens précis que nous donnons à ce mot, nous renvoyons à l’introduction. cependant dans le sens où nous l’entendons en français en émettant l’hypothèse que l’intérêt actuel pour l’œuvre de MIYAMOTO s’inscrit dans une tentative visant à redonner le sens de l’identité à la jeune génération en danger de se perdre à cause du nouveau système de valeurs utra­consumériste :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「333 (« (…) dans l’avalanche de ces circonstances, une tendance à chercher à retrouver d’une certaine façon une identité –pour dire les choses avec un mot difficile – est enfin apparue chez certaines personnes de cœur, me semble­t­il. C’était cela, je pense, la plus grande raison qui a fait qu’on a porté le regard sur un certain MIYAMOTO Tsunéichi. »)

MIYAMOTO ne nomme cependant pas la chose en ces termes trop récents mais parle plutôt par périphrases et par questions : Qu’est­ce qu’être Japonais ? Qu’est­ce qui fait la particularité des Japonais ? Quand se sont­ils sentis Japonais ? etc.

A/ La ruralité remise à sa juste place et son importance

La première question qu’on est en droit de se poser est, tout simplement : Pourquoi la ruralité ? Il n’est pas besoin de revenir en détail sur les origines rurales de MIYAMOTO (par contraste avec les origines aristocratiques de YANAGITA) ni sur la direction scientifique de ses travaux par SHIBUSAWA. Supposons plutôt que MIYAMOTO avait choisi librement et souverainement ses thèmes de recherches. Pour lui, la ruralité n’est pas un choix restrictif, elle est l’ouverture sur une globalité : le Japon des petites gens, qui constituait de son temps l’essentiel de la population, malgré la mutation accélérée, du vivant­même de MIYAMOTO, de la structure de la société japonaise. Dans le contexte d’avant la Seconde guerre mondiale, le Japon était un pays essentiellement rural et c’est la ville qui était l’exception, tout comme les guerriers (bushi) étaient l’exception (numérique) au plan social avant Meiji. En effet, MIYAMOTO dénombre, au Bakumatsu 「「 (la fin du shôgunat), sur une population de 33 millions d’habitants au Japon, 30 millions de paysans (91%), 1,5 millions de bushi (4,5%), 1,2 millions de citadins (3,6%), 300 000 pêcheurs et autres (0,9%)334. Dans MinZokugaku he no michi, il écrit :

333 SANO Shin’ichi 「「「「 , Miyamoto Tsuneichi no manazashi 「「「「「「「「「「「 (Le regard de Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 207 p., Chapitre I, 1, p. 27­28. 334 Nihonjin wo kangaeru, troisième entretien, p. 42. Voir aussi notre Introduction, I, A/, p. 14. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「335 (« La culture japonaise est apparue sur la base d’une accumulation de transmissions folkloriques de l’ethnie (ou des ethnies) du Japon, et il ne s’agit pas de quelque chose réalisé simplement par le développement de la culture des classes supérieures. A Nara, Kyôto ou encore Edo, il y eut une floraison culturelle remarquable grâce aux temples shintô et bouddhiques, à la noblesse de Cour et aux guerriers. Cependant le Japon dans son ensemble ne menait pas cette vie­là : ça n’était qu’une façon tout à fait minoritaire de vivre. »)

Aujourd’hui encore ce sont les bushi qui sont les plus médiatisés, le « samouraï »336 étant le personnage principal du cinéma en costume, des documentaires avec reconstitutions, des bandes dessinées et des romans populaires, le paysan étant réduit au rôle de figurant ou de personnage mineur.

Une autre raison pour étudier les populations de la campagne est le rôle indispensable que les paysans jouent en tant que « nourriciers » du peuple, et ce quelle que soit l’époque. Même pauvres et exploités, ils assurent ainsi une fonction symbolique qui, aujourd’hui encore, permet la valorisation de la profession d’agriculteur, au Japon tout comme en France337. Cette importance de la survie s’exprime aussi dans les rites agraires et dans la religion populaire, d’où une interconnection des thèmes de recherches338.

YANAGITA déjà, et ce dans la première période de son œuvre, traitant en particulier de politique agricole, soulignait le rôle essentiel de l’agriculture dans la structure passée, présente et, sinon à venir, du moins à souhaiter, de l’économie. Pour qu’un pays montagneux à faible superficie cultivable comme le Japon puisse survivre face aux nations occidentales en limitant autant que faire se peut sa dépendance alimentaire, il faut assurer les bases d’une agriculture prospère, c’est à dire à haute productivité (technologie et formation des agriculteurs) et viable pour le cultivateur (ce qui suppose l’émancipation des fermiers du joug féodal des propriétaires terriens). Agriculture à grande échelle et petites exploitations (qu’il faut aider à s’organiser en coopératives et syndicats, que ce soit au niveau local, départemental – encore à créer à cette époque – ou national), doivent se compléter, à l’image des

335 MinZokugaku he no michi, Ière partie, chap. VIII, p. 50 éd. Miraisha, OM 1. 336 Notons qu’en japonais contemporain, le terme de 「「「「 , écrit en katakana, tend, sous l’influence de l’anglais, à être utilisé dans les media de masse parallèlement à bushi 「「, comme un synonyme, renvoyant plus à un idéal chevaleresque (voire à l’image d’un cowboy solitaire) qu’à son sens d’origine (guerrier serviteur en bas de l’échelle hiérarchique de la classe des guerriers) venant du verbe saburafu 「「「「 [「「], « servir », qui a donné samurau 「「「「 [「「] et sa nominalisation samurai 「「「「 [「]. 337 Surtout depuis ces cinq dernières années avec la fin de la surproduction agricole et des prix trop bas payés aux producteurs. Sur le rôle nourricier comme élément valorisant de la profession, cf. DIBIE Pascal, Le village retrouvé : Essai d’ethnologie de l’intérieur, sl., Editions de l’Aube, 1979, 1995, rééd. 2005, 257p.. 338 MinZokugaku he no michi, Ière partie, chap. XII, p. 71, OM 1. trois secteurs d’activité (primaire, secondaire et tertiaire). Contrairement aux physiocrates, YANAGITA ne préconise pas la primauté du secteur primaire sur les autres, et face aux conservateurs339, il proclame la nécessité de dé­féodaliser l’agriculture et d’en limiter les effectifs surabondants (nous sommes dans les années 1900­1910) par un exode agricole limité dans le temps, favorisé par la création d’une économie locale ou départementale (secteur secondaire de transformation des matières premières agricoles et tertiaire pour écouler la production locale sur place), évitant au maximum les intermédiaires qui réalisaient au passage un fort bénéfice. Enfin, face aux tenants de l’industrialisation et du commerce comme seule voie340, il rappelle, à défaut d’être autosuffisant, la nécessité de limiter la dépendance alimentaire du pays. Mais l’économie n’était pas le seul horizon du fondateur de la minZokugaku. Il souligne aussi l’aspect psychologique, ethnologique et symbolique de l’agriculture en ces termes :

« Une nation consiste en une terre et son peuple. (…) Afin de créer un lien entre la terre et le peuple, il est nécessaire pour le peuple de rester sur sa terre. Vivre de façon permanente sur la terre est un facteur [essentiel] pour faire une nation (…) Et c’est l’agriculture qui fait que le peuple reste sur sa terre (…) c’est l’agriculture qui lie la terre à son peuple. La proportion de population flottante augmentera conformément au déclin de l’agriculture. L’agriculture est l’ancre d’une nation »341. MIYAMOTO reçut donc cet enseignement dont il admirait la cohérence et la rationalité, mais avec lequel il devait cependant prendre ses distances sur certains points (les relations avec le monde politique notamment).

Dans le sillage de YANAGITA, l’œuvre de MIYAMOTO dépasse la ruralité et s’intéresse au petit peuple dans son ensemble (petits métiers, petits employés (ex. employés d’auberges)), et utilise sa méthode d’« hyper proximité culturelle » (MIYAMOTO mettant à profit son capital social de fils d’agriculteurs) pour le décrire avec une acuité et une précision encore jamais vues. Dire que MIYAMOTO s’intéresse à la ruralité ne veut donc pas dire qu’il n’étudie que les paysans (hyakushô 住 住) car il traite de toutes les classes de la société rurale : artisans, commerçants, guerriers, religieux, et même les « hors castes » : comédiens, prostituées, Aïnous et parias (hinin 住住 et eta 住住) et il insiste sur le fait qu’il n’existe pas « une haute classe et uns basse classe » (jôsô 住住 et kasô 住住), mais « une haute classe et une classe de base », kisô 住住, cette dernière étant majoritaire (95% de la population face à 5%

339 On trouve parmi eux, au premier plan, YOKO’I Tokiyoshi 「「「「 (1860­1927), professeur au Département d’agriculture de l’Université impériale de Tôkyô, et SAKÔ Tsuneaki 「「「「 (1861­1909), haut fonctionnaire au Ministère de l’agriculture et du commerce. 340 C’est le cas notamment d’ITÔ Hirobumi 「「「「 (1841­1909), homme politique de premier plan sous Meiji, de KANEKO Kentarô 「「「「「 (1853­1942), ancien ministre de l’agriculture et du commerce, de SAKATANI Yoshirô 「「「「 (1863­1941), haut fonctionnaire au Ministère des Finances et de KANA’I Noburu 「「「 (1875­1933), professeur de Droit à l’Université impériale de Tôkyô. 341 Teihon, vol. 28, « Nôgyô seisakugaku »「「「「「「「, p. 302, cité par KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shi­teki kenkyû「「「「「「「「「「「「, chap. 1, p. 38 de l’éd. Kegan Paul. de guerriers et de nobles) et ses sous­catégories n’étant pas imperméables, au contraire, chacun pouvant monter ou descendre dans la hiérarchie sociale au cours de sa vie dans la « classe de base »342.

SANO Shin’ichi parle343 à ce propos de « mots en minuscules » (komoji kotoba 住住住住住) pour distinguer le discours de MIYAMOTO de celui de la plupart des autres chercheurs et des hommes politiques, fort avides quant à eux de « mots en majuscules » (oomoji kotoba 住住住住住 ). Lorsqu’on parle de « petites gens » (et cela sans intention de les minorer), les mots doivent eux aussi rester modestes.

Quels sont, du reste, exactement les mots de MIYMOTO ? NAGAHAMA Isao relève344 que curieusement, MIYAMOTO n’utilise presque pas le terme « jômin 宮宮 » (peuple ordinaire) inventé par son maître SHIBUSAWA Keizô (MIYAMOTO l’attribue par erreur à YANAGITA dans « Son­ kyôdôtai »345). Il apparaît seulement dans le titre de trois de ses livres (ce qui est infime au regard de sa production) et à l’intérieur, on en relève uniquement dix occurrences. Plus tard, dans Minkan­reki (1942), on en trouve encore quatre occurrences : c’est le nombre le plus élevé dans l’œuvre en volumes de MIYAMOTO. Les mots jimmin 住住 (le peuple ; le peuple dominé), shomin 住住 (le petit peuple, les gens ordinaires) et taishû 住住 (le peuple, les gens ordinaires, la foule) sont également utilisés de temps en temps. Mais les termes les plus employés sont hitobito 住住 (les gens) et minshû 住住 (1/ le peuple, la nation ; 2/ le petit peuple, les masses). L’anthropologue TANIGAWA Ken’ichi explique cette faible utilisation du mot jômin par le côté « abstrait » (nous dirions « conceptuel ») qu’il véhicule346. Shomin, pour SHIBUSAWA, est un terme condescendant347, et c’est pour cela qu’il a inventé jômin, exempt d’une telle connotation à cette époque. Ce terme suscita ensuite une controverse qui dura un peu trop longtemps au goût de MIYAMOTO, ce qui expliquerait, d’après NAGAHAMA, son manque d’empressement à l’utiliser d’autant plus qu’il était allergique à toutes les formes de modes. Mais, plus encore, semble­t­il, c’est son peu d’intérêt pour la réflexion théorique sur les mots qui explique que cet homme de terrain préféra employer un terme plus ancien et moins abstrait, laissant ces controverses et le soin de leur conclusion, aux « intellectuels de cabinet ».

A propos de ruralité, il pourrait être intéressant de tenter, sinon un véritable parallèle avec la Chine, du moins une comparaison. En effet, la Chine moderne est partie elle aussi de la ruralité.

342 Nihonjin wo kangaeru, troisième entretien, p. 41. 343 Dans sa leçon inaugurale à l’occasion de la réouverture de la Suô Ooshima kyôdo daigaku (Université du terroir de Suô Ooshima) le 30 janvier 2003. Le texte a été publié dans Miyamoto Tsuneichi no messêji – Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi­roku「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(Le message de MIYAMOTO Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p., chap. I, p. 12. 344 Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon, chap. 6, II, p. 161. 345 « Son­kyôdôtai » 「「「「「「(« Communauté villageoise »), 1950 in OM 13. 346 Cité dans Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon, chap. 6, II, p. 159. 347 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon, chap. 6, II, p. 164. Dès l’Antiquité, la situation et le statut de la paysannerie japonaise étaient en effet très différents de ceux de la paysannerie chinoise. Les royaumes chinois, qui pratiquaient la mobilisation générale et envoyaient à la guerre leurs populations paysannes « esclaves » (car attachées à leur terre348), rendaient de ce fait impossible la culture des terres, donc l’approvisionnement en nourriture des troupes et du reste du pays qui connaissait de ravageuses famines, et ce jusqu’à l’empire des Míng 住 (1368­1644). MIYAMOTO note qu’avant de tomber (en 220), le royaume des Hàn postérieurs 住 住 comptait 50 millions de sujets. A la scission du royaume entre Wèi 住 (220­265) (futur Jìn 住), Wú 住 (222­280) et Shŭ 住 (221­263), il ne comptait plus que 7 millions d’habitants, et sous les Wèi, elle tombe à 4 400 000 349. Comme le dit MIYAMOTO, « c’est impensable au Japon ».

Au Japon, à l’origine, les seigneurs ne possédaient pas de terre. Par la suite, ils en vinrent à posséder des terres – mais pas les serfs qui y vivaient – terres sur lesquelles ils prélevaient un impôt en céréales. Aussi les paysans (sauf exception) ne faisaient­ils pas la guerre. Le pays ne connut donc pas de famines spécifiquement liées à la guerre350, à quoi s’ajoute un système de stockage en greniers (kura 住 / 住) très efficace. Le rôle nourricier des paysans au Japon était donc dès l’Antiquité (voire Avant) jugé suffisamment important pour qu’on estimât qu’il ne devait pas être entravé par la guerre. Cette division fonctionnelle des classes sociales devait perdurer jusqu’à Meiji, époque où fut instaurée la conscription sur le modèle occidental. Notons en outre que, d’une part, certains paysans possédaient leur propre terre et que l’on vit même dans la plupart des villages des familles de propriétaires terriens aisés de la classe de paysans, les gônô 住住, qui fournissaient le plus souvent des chefs de villages et que, d’autre part, il était possible d’acquérir, dès l’Antiquité, des terres par défrichage volontaire des terres

「 「「 「「「「 「 sans maître. C’est ce que l’on appelle les shiden 住住, ou watakushida 住 住 en langue ancienne (champs appropriés ou champs privatifs)351. Pour MIYAMOTO, cet élément historique est fondamental pour comprendre la psychologie des kaitakusha 住住住 (les défricheurs)352, au sens figuré. Par ailleurs, notons aussi que les guerriers ayant déserté après la déroute de leur chef lors d’une des guerres civiles qui ensanglantèrent le pays jusqu’à l’époque d’Edo, le plus souvent des samurai (serviteurs guerriers, ou guerriers en bas de la hiérarchie), et qu’on appelait les ochiudo 住住, ou ochûdo, pouvaient choisir de

348 Phénomène du 「「 fēngjiàn (fuko en japonais). Les seigneurs chinois, hóu 「, possédaient des terres avec les familles qui s’y trouvaient et pouvaient en disposer, c’est à dire les emmener à la guerre ou non selon leur bon plaisir. Nihon bunka no keisei, chap. X (conférence du 3 juillet 1980), p. 202 éd. Chikuma gakugei bunko. 349 Nihon bunka no keisei, chap. X (conférence du 3 juillet 1980), p. 203 éd. Chikuma gakugei bunko. 350 Nihon bunka no keisei, chap. X (conférence du 3 juillet 1980), p. 202 éd. Chikuma gakugei bunko. 351 Nihon bunka no keisei, chap. XI (conférence du 4 septembre 1980), p. 222­223 éd. Chikuma gakugei bunko. 352 Parmi les nombreux textes consacrés par MIYAMOTO à la question des kaitakusha, citons son livre : Minami no shima wo kaitaku shita hitobito (Ceux qui défrichèrent les îles du Sud), s.d., rééd. Kawade shobô shinsha, 2006. quitter leur état et de devenir paysans, renonçant à leur privilèges353 mais sûrs de rester en vie et d’échapper à la misère354. D’après les investigations de MIYAMOTO à Suô, de nombreuses familles de l’île étaient en partie d’ascendance ochiudo (à l’époque de Muromachi 住1336­1573住)355. Le fait que ces guerriers n’aient pas été poursuivis parce qu’il intégraient la classe des paysans, la seconde dans la hiérarchie des classes selon le néo­confucianisme japonais, est, nous dit MIYAMOTO, unique au monde. La fonction nourricière de cette classe était donc déjà jugée presque comme l’égale de la fonction guerrière.

Revenons à notre comparaison. En Chine, aujourd’hui, la ruralité n’est pas encore un archaïsme. Ce pays reste très agricole et était presque autosuffisant en matière alimentaire jusqu’à une date récente. Toutefois la situation change avec l’augmentation massive de la consommation de viande depuis quelques années. Le Japon, de son côté, fait chaque année un pas de plus dans la direction d’une dépendance alimentaire majeure, abandonnant ses terres cultivées à la ville, au secteur tertiaire et à la forêt, avec des régions qui redeviennent sauvages, comme les collines de Suô Ooshima (cf. introduction). Si la Chine, surtout depuis la Révolution culturelle, a développé toute une imagerie représentant la paysannerie réelle, supposée ou idéale, au Japon la représentation de la ruralité est beaucoup moins présente. Aujourd’hui, l’image qu’en montrent les documentaires est celle de vieillards sans continuateurs, d’activités sur le point de disparaître dans l’indifférence des pouvoirs publics centraux (malgré les initiatives de certaines municipalités : exemptions des impôts locaux pendant un an pour les nouveaux exploitants par exemple) et le désintérêt du grand public en général, assez mal informé (croyance fataliste que rien n’est possible à cause du « manque de place »).

Par rapport à la Chine, la paysannerie japonaise reste un minuscule groupe humain, qui, sans être riche, vit néanmoins hors de la misère, faute de concurrence : son petit nombre permet une meilleure répartition des richesses. Dans la Chine d’aujourd’hui, la misère des campagnes et l’exode rural pour causes strictement économiques et alimentaires sont des faits établis. La tendance actuelle à importer toujours plus de produits alimentaires à cause d’une agriculture en déclin et insuffisante pour nourrir la population se heurte à la sensible question de la sécurité alimentaire aux répercutions aussi bien sanitaires que politiques et symboliques. En effet, outre la multiplication des scandales impliquant des produits importés de Chine et impropres à la consommation, se dessine l’image d’un pays incapable

353 Parmi les privilèges de guerriers, outre celui du port d’armes et de certains vêtements (et certaines coiffures), et l’usage de certains objets (tatami, grand futon etc.), il y avait le droit de tuer tout membre des classes inférieures pour un point d’honneur. Certains samurai aimaient assez tester le tranchant de leur sabre sur d’innocents passants (pratique appelée « tsujigiri 「「「 »). Cela fut interdit au début de l’époque d’Edo [1603­1867]. 354 Nihon bunka no keisei, chap. XI (conférence du 4 septembre 1980), p. 247 éd. Chikuma gakugei bunko. 355 Nihon bunka no keisei, chap. XI (conférence du 4 septembre 1980), p. 248 éd. Chikuma gakugei bunko. d’opérer la fonction la plus fondamentale qui soit : nourrir sa population avec les produits de son sol. MIYAMOTO l’avait pressenti et cherchait déjà à mobiliser les agriculteurs afin qu’ils trouvent un compromis entre un revenu décent, une production suffisante et leur mission nécessaire au pays, afin d’éviter à tout pris qu’ils quittent la terre, ce qui n’a hélas pas manqué de se produire. Nous y reviendrons dans le chapitre suivant.

L’une de nos études de terrains nous a entraîné à la lisière356 de deux localités, Yuda­machi 住住住 et Sawauchi­mura 住住住357 à la recherche des descendants des matagi 住住住 [住住], les chasseurs pêcheurs des montagnes décrits par MIYAMOTO notamment dans Yama ni ikiru hitobito (1964). La première est un village d’onsen 住住 (sources thermales) dont toute l’économie tourne autour de cette activité. En l’absence de touristes, la fréquentation des habitants du village voisin suffit à la survie de Yuda­machi. Les agriculteurs de Sawauchi­mura ne fréquentent pas nécessairement les bains par seul plaisir balnéaire, n’étant en général pas équipés de salles de bains chez eux. Ils l’ont promis aux habitants de Yuda­machi qui, en échange, pratiquent des tarifs extrêmement bas et achètent les produits de leurs voisins de Sawauchi­mura. Si jamais les prix des thermes de Yuda­machi venaient à augmenter de façon déraisonnable, les habitants de Sawauchi­mura cesseraient d’aller s’y baigner et s’équiperaient en salles de bain. De même, si ceux de Yuda­machi cessaient immédiatement de leur acheter leurs fruits et légumes, ceux de Sawauchi­mura pourraient toujours vivre en autarcie avec leurs cultures vivrières jusqu’à ce qu’ils aient trouvé de nouveaux débouchés, ce qui n’est pas si difficile dans un pays en sous­production permanente. Nous avons là un exemple de société où l’harmonie entre deux communautés, nécessaire à la survie de l’une et au confort de l’autre, ne peut exister que si les deux s’abstiennent de se nuire par égoïsme. C’est le genre d’exemple que MIYAMOTO aurait pu fournir afin de montrer la cohérence des organisations traditionnelles, mais aussi leur fragile équilibre dépendant de plusieurs facteurs, au nombre desquels, et au premier plan, la baisse de la natalité, l’exode rural et la perte du sens d’appartenance locale.

Harmonie ? Complémentarité ? Qu’est­ce qui fonde l’identité et serait au cœur de l’œuvre de MIYAMOTO ? L’identité japonaise telle que la dégage MIYAMOTO repose selon nous sur deux axes que la ruralité exprime pleinement, tout autant sinon davantage que les classes urbaines (élites, marchands et artisans), à savoir un « axe moteur » d’évolution (les mutations, hensen) et un « axe ralentisseur », facteur de cohésion identitaire (les traditions, shûkan), aussi importants l’un que l’autre et dont l’équilibre est requis par leur complémentarité. Les axes peuvent par ailleurs s’incarner dans des personnes : l’axe moteur dans les kaitakusha 住住住 (défricheurs) ou les sekenshi (maîtres de l’espace)

356 Au sens propre, puisque nous logions au Sasow­kan 「「「「, une ancienne école primaire transformée en camp de vacances, et située à équidistance des deux localités et fréquentée par des familles des deux communautés. 357 Pour un aperçu ethnographique vu de l’intérieur, cf. TAKAHASHI Kihei, Sawauchi­mura monogatari「「「「「「「(Récits de Sawauchi­mura), Morioka, Iwate nippô­sha, 1998, 107 p.. et l’axe ralentisseur dans les denshôsha (transmetteurs) ou les religieux. Les premiers expérimentent et cherchent l’efficacité, les seconds conservent et transmettent le sens.

Dans cette perspective, le cœur de la pensée de MIYAMOTO pourrait être résumé comme étant l’articulation entre le folklore et l’identité. Toute identité suppose un terroir358 (kyôdo) dans lequel s’inscrivent les transmetteurs et les défricheurs. Le terroir peut être habité ou intériorisé. L’exil et l’errance peuvent tout à fait nourrir une représentation mentale du terroir, du village natal (le furusato 住住住住 [住住] ou kokyô 住住 si cher à la sensibilité de MIYAMOTO et de nombreux Japonais). Ce terroir fournit Histoire, patrimoine (notamment les « produits du cru »359) et valeurs (qui, dans un sens, intègrent une forme de patrimoine immatériel, notion que nous préciserons un peu plus loin). Il peut être tentant, lorsqu’on quitte le terroir, de l’idéaliser. S’opère alors ce que nous appellerions une cristallisation identitaire autour du lieu d’origine. L’exemple concret des émigrés de Suô partis à Hawai mais revenus assez vite, et auxquels l’île a consacré un musée, peut être avancé, de même que le cas individuel du propre père de MIYAMOTO.

Tout dans l’œuvre miyamotienne entre dans ce schéma binaire. Ainsi, par exemple, son étude du commerce du sel (Shio no michi (1979­1981)) montre­t­elle à la fois les mouvements incessants des marchands et transporteurs à travers le pays, et avec eux ceux des biens et des connaissances, mais également, compte tenu de la longue durée sur laquelle s’étale ce commerce, l’établissement de routes durables ainsi que les coutumes de voyage et modes d’alimentation qu’il entraîne, sans compter la sédentarisation des producteurs de sel, qui, à l’origine, étaient des pêcheurs. En effet, MIYAMOTO a montré que la fabrication du sel est une activité hautement sédentarisante360, à l’inverse de la pêche, qui contraint à de fréquents déménagements, ou à des voyages toujours plus lointains361.

Cette pensée est donc tout à fait à la base d’un « folklore » au sens savant du terme, à savoir une étude de faits présents étayée par une connaissance du passé dans son aspect dynamique, et non pas un

358 L’UNESCO définit ainsi le terroir (2005) : « Un terroir est un espace géographique délimité, défini à partir d’une communauté humaine qui a construit au cours de son Histoire un ensemble de traits culturels distinctifs, de savoirs, et de pratiques fondés sur un système d’interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains. Les savoir­faire mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et permettent une reconnaissance pour les produits ou services originaires de cet espace, donc pour les hommes qui y vivent. Les terroirs sont des espaces vivants et innovants qui ne peuvent être assimilés à la seule tradition. » 359 Sur la question particulière des « terroirs du saké », voir la thèse de doctorat de Nicolas BAUMERT (Paris IV, Université Waseda) qui souligne par ailleurs la polysémie du substantif français rendu selon le contexte par trois termes japonais : kyôdo 「「 (aspect identitaire), nôsan­chi 「「「 (aspect productif), et chihô 「「 (aspect géographique). Pour traduire le mot dans toute sa polysémie, la langue japonaise utilise aujourd’hui le mot teroâru 「「「「「 (transcription phonétique « à la japonaise » du mot français). Nous rappelons que nous travaillons ici d’abord à partir du concept japonais de kyôdo, et ensuite en considérant le terme français « terroir ». 360 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 272 éd. Chikuma gakugei bunko. 361 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 262 éd. Chikuma gakugei bunko. « folklore » dans le sens moderne courant, à savoir une compilation des coutumes et vêtements du XIXème siècle muséïfiés, ou pire, « fossilisés », dans ce qui nous apparaît comme une survivance désuète sur laquelle nous portons un regard attendri mais condescendant.

L’identité suppose ensuite la conscience d’être unique, donc différent des autres. Il n’y a pas d’identités nationales exactement semblables, et au sein de chaque identité nationale (dans la mesure où celle­ci existe), chaque individu a sa propre construction identitaire. Pour MIYAMOTO, sans autonomie, donc sans identité, il n’y a pas de minZokugaku. Dans un entretien avec ses disciples362 (HIMEDA et al.), il s’exprime ainsi :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「363 (« Lorsque les gens des sociétés locales auront perdu leur autonomie (jishusei), [la minZoku] ne constituera plus l’objet de nos recherches. »)

MIYAMOTO n’était pas encore parvenu à une mise en forme complète de la question de l’identité, pourtant ce sont des phrases comme celle­ci qui montrent, selon nous le rôle de précurseur de MIYAMOTO dans l’étude anthropologique de l’identité, que problématiseront et développeront ensuite de nombreux chercheurs dans tous les pays (Claude LEVY­STRAUSS, ou CHŎNG Yŏnghai364 par exemple).

Comme nous l’avons dit plus haut, AMINO Yoshihiko entreprendra la révision de l’Histoire d’avant Meiji365, qui était bien nécessaire, en redonnant aux petites gens (des villes essentiellement) la place importante qu’elles méritent, trop longtemps éclipsées par la seule noblesse de Cour et d’épée. Et ce fut un conseil de MIYAMOTO qui s’avéra décisif :

「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Que se passerait­il si l’on observait le Japon depuis les îles éloignées ? »)

En effet, pour commencer à étudier un autre objet, il faut d’abord commencer par adopter physiquement et intellectuellement un autre point de vue.

Cette évolution de l’Histoire n’est pas sans rappeler celle opérée en France par l’Ecole des Annales avec des auteurs comme Georges DUBY et plus tard Jacques LE GOFF, Pierre NORA, Philippe ARIES ou Michel VOVELLE. MIYAMOTO ne prétendait sûrement pas être historien, mais il

362 Toyomatsu saiji­ki 「「「「「「「(Etude des fêtes religieuses de Toyomatsu), 1974. 363 Cité par SATAO Shinsaku dans une interview de HIMEDA Tadayoshi publiée dans son ouvrage suscité Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 162. 364 Collectif, CHŎNG Yŏnghai (JUNG Yeong­hae) 「 「「 [「「「] et UENO Chidzuko 「「「「「, Datsu aidentitî 「「「「「「「「「「「 (L’Identité mise à nu), Tôkyô, Keisô shobô 「「「「, 2005, 334 p. ; 365 Ce qui donnera le titre de son plus célèbre ouvrage : Nihon no rekishi wo yominaosu「「「「「「「「「「「「「 (Relecture de l’Histoire du Japon), Tôkyô ; Chikuma bungei bunko, 1995, rééd. 2005, 2007. recourait cependant à l’Histoire dans la plupart de ses travaux, non systématiquement mais avec un sérieux qui n’avait rien à envier aux spécialistes, ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant.

Nous venons de voir que pour établir une identité, il faut au moins trois éléments : une population ayant un sentiment d’appartenance, des transmetteurs et un terroir (un territoire). Dernier élément indispensable : un patrimoine, que pourront tenter de créer ou modifier les défricheurs.

B/ La naissance de la notion de patrimoine au Japon

Ce que nous entendons ici par « patrimoine » revêt plusieurs sens. On distingue d’une part le patrimoine individuel, qui, selon sa définition juridique, est l’ensemble des biens que possède une personne (de son vêtement au plus minime de ses ustensiles). Ce qui fait que tout homme a un patrimoine, même le plus pauvre. D’autre part, on doit considérer aussi la notion plus récente de patrimoine collectif, soit l’ensemble des biens d’une collectivité. Lorsque certains de ces biens ont une valeur marchande, esthétique, symbolique et/ou culturelle, on aura à faire à un patrimoine historique. Et si ce patrimoine est en partie lié à l’Histoire et s’il est en même temps investi d’une charge émotionnelle et symbolique particulière, identitaire voire communautaire, il peut alors dans certains cas prétendre au titre de « lieu de mémoire366 ». Le Dôme de la paix d’Hiroshima en est le meilleur exemple. Ces qualifications peuvent venir de l’appareil étatique ou administratif (les « monuments historiques » à la française depuis MERIMEE au XIXème siècle) ou n’être qu’une qualification spontanée et changeante de la part de la population locale. De plus, le patrimoine ne se limite pas aux biens matériels. Il peut être aussi constitué par des biens immatériels comme la musique, la danse ou la langue, par exemple.

Il semble que la notion de patrimoine (isan 住住) soit apparue un peu plus tard au Japon qu’en Europe, et que ce soit sous l’influence de cette même Europe que les Japonais purent prendre pleinement conscience de son importance. Il n’est pas impossible, en effet, que ceux­ci, mus par un « désir mimétique » (tel qu’il fut théorisé en son temps par René GIRARD367), aient considéré d’un œil neuf, moins blasé et plus fier, leur art, notamment leurs estampes, à mesure que les collectionneurs européens les acquéraient : car rien n’est plus désirable que ce qui est désiré par un autre.

Jusqu’à l’époque de Meiji, il n’y avait pas de musée au Japon. Les objets d’art et d’artisanat étaient conservés dans des collections privées, dont celle de la famille impériale. Seuls les invités des

366 Pour une revue complète de la question en France, on se reportera à l’ouvrage de référence : Pierre NORA, Les lieux de mémoire, Paris, Quarto, Gallimard, 1997, 3 tomes, 4751 p. au total. 367 René GIRARD, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset,1961 ; La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972. collectionneurs étaient autorisés à voir les pièces en question. Par ailleurs, cette portion du patrimoine du collectionneur (patrimoine culturel et matériel), n’était composé que d’objets d’Art ou d’artisanat de haute qualité et de prix élevé.

MIYAMOTO estime que la culture (bunka), et par conséquent le patrimoine (car l’un ne va pas sans l’autre), doivent être dotés de significations élargies (comme c’est le cas en français, où le terme « culture » est extrêmement polysémique, à la différence de l’allemand où Kultur désigne la haute culture, les Arts et Lettres). Face à une culture (des pratiques et des objets) en voie de disparition sous les yeux de l’ethnographe, il faut certes tenter de la décrire, d’en faire l’inventaire et de la conserver, mais il s’agit aussi d’en « patrimonialiser la représentation », et pour cela prendre conscience que le patrimoine populaire a sa place, sinon dans les musées des Beaux­Arts, du moins dans les musées historiques et les musées ethnographiques, à l’instar des objets exotiques venant de l’étranger. Il ne s’agit pas pour autant de rendre « artistique » ce qui ne l’est pas et n’a jamais prétendu l’être, mais de faire accéder à la dignité de « sujet d’étude » tout ce qui a concerné de près la vie de la population, afin de mieux la comprendre. En un mot, il faut donner droit de cité aux pratiques et aux objets courants.

MIYAMOYO, élève de SHIBUSAWA, avait reçu de lui la méthode permettant d’étudier les objets ethnographiques, et de YANAGITA l’esprit de synthèse pour réfléchir sur la culture. De ces deux pôles, le matériel et l’immatériel, il saura tirer la notion de patrimoine et en présenter des fleurons auxquels, à l’époque, les Japonais n’auraient jamais songé.

Cela débouchera sur la création à la fois d’une classification et de la terminologie qui s’y rapporte. Distinguons donc pour commencer le patrimoine immatériel (1) et le patrimoine matériel (2).

1) Patrimoine immatériel)

- La distinction de YANAGITA :

Dans son ouvrage théorique de base Kyôdo­seikatsu no kenkyû­hô, YANAGITA Kunio divisait le champ d’investigation de l’ethnographie en trois domaines :

« 1. La culture matérielle (yûkei bunka 住住住住), ce qui se voit à l’œil nu (me ni mieru mono 住住住住住住住) ;

2. les arts du langage (gengo geijutsu 住住住住), ce qui est transmis de la bouche à l’oreille (kuchi kara mimi he tsutaerareru mono 住住住住住住住住住住住住) ;

3. les phénomènes psycho­émotionnels (shin’i genshô 住住住住), ce qui fait qu’on peut se comprendre « de cœur à cœur » (ishin denshin no sekai 住住住住住住住) » 368

368 Mingugaku no teishô, p 78, d’après YANAGITA Kunio, Kyôdo seikatsu no kenkyû­hô「「「「「「「「「「 (Méthodes de recherches sur la vie quotidienne du terroir), 1935. Ces trois domaines constituent en fait deux « champs » au sens de MIYAMOTO : le premier est celui de la « culture matérielle » seule et le second celui de la « culture immatérielle » comprenant les deux autres domaines, à savoir les « arts du langage » et les « phénomènes psycho­émotionnels ». Les « arts du langage » se divisent en huit catégories : la fabrication des mots nouveaux, les nouvelles expressions, les proverbes, les « mystères » (notion non explicitée, peut­être la façon de concevoir l’indicible), les prières, le langage des enfants, les paroles des chansons et les traditions orales, contes et légendes anciens, alors que les « phénomènes psycho­émotionnels » ne comprennent que trois catégories : la connaissance (ce à quoi on peut faire référence sous le nom de sagesse, par exemple la distinction du bien et du mal, la compréhension des causes et des effets de phénomènes variés), les aptitudes de la vie quotidienne (« comment mener sa vie », une « façon de vivre en utilisant sa connaissance en parallèle avec un but implicitement reconnu ») et le sens de la vie (« les réponses à la question : « pour quoi vit un être humain ? », le « but ultime de la vie »)369.

Une culture ne saurait se perpétuer naturellement puisque par définition la culture est le contraire de la nature. Elle a besoin de ce que MIYAMOTO appelle des denshôsha 「「「 (transmetteurs, passeurs).

– Transmetteurs lettrés et transmetteurs analphabètes :

Dans Wasurerareta Nihonjin, MIYAMOTO distingue (selon le plan que nous avons présenté dans la première partie) les transmetteurs lettrés et les transmetteurs analphabètes. Les deux sont les garants du patrimoine immatériel du village. Les premiers peuvent laisser une trace presque inaltérable, alors que les seconds pourront dans le meilleur des cas transmettre une partie de leur savoir de bouche à oreille avec les risques de déperdition et de transformation inhérents à l’oralité.

L’intérêt d’étudier les transmetteurs lettrés, comme le font les historiens, est d’accéder à une information fixe, mais qui a pu aussi être vecteur de transmission et non simple constatation de transmission après coup. C’est l’écriture qui permet la plus grande transmission possible avec la plus petite déperdition d’information, car il est toujours possible de recourir au texte, et ce beaucoup plus simplement qu’avec n’importe quel autre mode de transmission. De plus, transmettre par écrit ne se limite pas à la transmission interne. Ces érudits de village servaient aussi de vecteurs pour introduire des bribes de cultures extérieures au village, voire au Japon­même.

Comme exemple de transmetteur lettré, MIYAMOTO présente TANAKA Uméharu 住 住住 住 370 (1867­ 1940), ancien camarade des poètes MASAOKA Shiki 住住住住 (1867­1902) et NAITÔ Meisetsu 住住住住 369 YANAGITA Kunio, Kyôdo seikatsu no kenkyû­hô, cité par KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shi­teki kenkyû, chap. 5, p. 123. 370 Wasurerareta Nihonjin, chap. 12 « Moji wo motu denshôsha » 「「「「「「「「「「 (« Les transmetteurs lettrés »), éd. Iwanami p. 260 à 281. (1847­1926) à la revue Hotogisu 住住住住住住住 (Le coucou), et auteur d’un lexique aujourd’hui introuvable de termes agricoles employés dans le district d’Ôchi du département de Shimané : le Ryûryû shinku 住住住住住住 (Mille et un maux), et de contribution à des revues de recherches locales. Autre exemple cité par MIYAMOTO : TAKAGI Seiichi 住住住住 371 (1887­1955), auteur notamment d’un posthume Iwaki Kita­ Kabeya no hanashi 住住住住住住住住住 (Histoires de Kita­Kabéya (la Vallée aux esprits) en Iwaki). Bien sûr, transmettre par l’écrit n’empêche nullement d’être par ailleurs un authentique conteur : on sait que TANAKA pouvait passer des nuits entières à raconter des histoires à ses covillageois372.

Quant aux transmetteurs illettrés, ou plus largement ayant choisi de ne pas consigner leur savoir par écrit (pensant peut­être que personne ne pourrait s’intéresser à des « anecdotes »), il est certes plus difficile de les (re)trouver. En outre, recueillir leurs histoires prend plus de temps, l’ethnographe ne pouvant se reporter à aucun document écrit qui lui servirait de base de travail ou d’aide­mémoire. Certains de ceux que MIYAMOTO a identifié comme des transmetteurs de tout premier plan, comme le « Tosa Genji » par exemple, n’ont jamais été ni des conteurs, ni des enseignants, ni des sortes de griots. C’est au fil des entretiens avec les habitants d’un territoire étudié qu’ils se sont distingués des autres par la richesse de leur discours et leur personnalité sortant de l’ordinaire.

Pour MIYAMOTO, il s’agit de sauvegarder ce patrimoine oral avant qu’il ne disparaisse irrémédiablement. En conséquence, il faut que l’ethnographe en personne se rende sur les lieux, de préférence ceux justement où il pense que la transmission ne peut être assurée, ou qu’elle est limitée à un trop petit nombre de personnes. Il ne faut pas laisser moisir les archives, les papiers de famille dans des greniers, d’où la collecte (en parallèle des récits oraux) des komonjo (archives privées) écrits. On a vu plus haut que c’est par là que MIYAMOTO avait d’ailleurs commencé, répondant à l’appel lancé par YANAGITA.

- La présentation des étymologies et des dialectes ( hôgen 「「 ) : la sauvegarde du patrimoine oral suppose aussi concomitamment celle du patrimoine dialectal, qu’il repose ou non sur l’écrit. Il ne s’agit pas seulement de faire le lexique des expressions dialectales de telle ou telle zone géographique concernant telle ou telle pratique (l’agriculture et la pêche notamment), mais aussi de transcrire l’oralité dialectale dans ses phrases et ses discours. C’est là qu’interviennent à la fois le récit de vie (raifu hisutorî 「「「「「「「「「 ) et la transcription des chants populaires (min’yô 「「 ), futurs matériaux pour l’ethnologue (ORIKUCHI Shinobu en est un bon exemple) ou le linguiste (voire l’ethnolinguiste).

371 Wasurerareta Nihonjin, chap. 12 « Moji wo motu denshôsha », éd. Iwanami p. 282 à 303. 372 Wasurerareta Nihonjin, chap. 12 « Moji wo motu denshôsha », éd. Iwanami p. 266. Dans son ouvrage introductif MinZokugaku he no michi, une réflexion sur les dialectes amène MIYAMOTO à poser la question de l’ancien et du nouveau dans la ruralité :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「373 (« Selon la théorie des aires dialectales, lorsque des mots nouveaux apparaissent dans la métropole [litt. au centre], ils se répandent comme des rides sur l’eau en effaçant les mots anciens, et si des choses nouvelles apparaissent, elles se répandent en effaçant les choses d’avant. Par conséquent, on dit qu’on observe des choses anciennes aux marges du pays. Que ce genre de phénomène ait lieu est un fait, toutefois il peut arriver aussi que par la culture, prenant comme matrice ce qui était fait autrefois, des pratiques (gyôji) nouvelles s’agrègent en composé, progressivement. Et les cas ne sont pas rares de choses anciennes qui demeurent dans des endroits proches du centre. »)

Le folklore, ou en tout cas le champ d’investigation de la minZokugaku, n’est donc pas un simple reflet du passé, mais le résultat de mutations (hensen) et de confrontations culturelles permanentes et variées selon les régions. MIYAMOTO ne croit pas à une immuabilité des coutumes, au contraire. C’est parce qu’elles sont muables qu’elles sont aussi mortelles. Et, selon MIYAMOTO, toutes ne méritent pas de mourir.

Le récit de vie est peut­être un des genres les plus appréciés du travail de MIYAMOTO, bien que dans Wasurerareta Nihonjin, qui en représente la quintessence sous une forme quasiment littéraire, il n’occupe pas la totalité de l’ouvrage. L’exemple le plus célèbre est le récit du Tosa Genji (le Genji de Tosa) (cité dans notre première partie) qui fut adapté en monologue théâtral374 (cf. photo) dont le succès fut immédiat et s’avéra constant. Ce « personnage » (à tous les sens du terme) intéressait à la fois pour ce qu’il nous apprenait de son cadre de vie, des époques qu’il avait traversées et aussi pour lui­même (l’histoire de sa vie privée étant racontée avec franchise et sans voiles, mais toujours avec une grande modestie).

373 MinZokugaku he no michi, OM 1, chap. I, 11, p. 64. 374 Il est interprété par l’acteur SAKAMOTO Nagatoshi 「「「「. On pourra toujours s’interroger sur la représentativité de tel ou tel individu interrogé et étudié. Mais on citera ici Nicolas RENAHY (à propos de son étude portant sur les jeunes ouvriers et chômeurs d’un village de Bourgogne) :

« Bien sûr, ce type d’enquête se verra toujours reprocher sa faible « représentativité » par les tenants d’une sociologie purement quantitative. Or nous considérons que c’est parce que l’auteur entre à fond dans la singularité de la trajectoire de ses copains, qu’il « fouille » scrupuleusement cette singularité, qu’il peut arriver à des conclusions très générales, parfaitement valides sur le plan scientifique. »375 MIYAMOTO, passa beaucoup de temps avec les anciens, c’est un fait. Longues étaient leurs histoires, libre leur parole, et riche leur expérience. Aussi MIYAMOTO ne cachait­il pas l’intérêt et le grand respect qu’il portait aux personnes âgées. L’ethnologue, de façon générale, doit cependant éviter de se laisser aller à la nostalgie ou à l’idéalisation d’une période ou d’une catégorie d’individus. On pourrait citer Pascal DIBIE parlant ici de la campagne française :

« L’ethnologue a la manie de vouloir découvrir par qui et comment se transmet le « savoir ». Il dit qu’aujourd’hui, tout est fini, que ce n’est plus comme jadis où chaque fonction, chaque personne avaient une place et un sens, dans un univers donné, etc. Bref, il assure qu’il n’y a plus de traditions et il se déguise en historien pour montrer ce qui existait avant la civilisation, la culture et je ne sais quoi encore. (…) L’ethnologue veut toujours s’en rapporter aux vieux mais il oublie que toute vieillesse sécrète par nature un sentiment de décadence du temps, de corruption du monde, de dérèglement des saisons. Et cela, d’autant plus qu’aujourd’hui le prestige de l’ancêtre régresse. Celui-ci n’est plus comme dans l’ancien temps obéi, écouté, vénéré comme un patriarche. Et voilà que subitement, au seuil des années quatre-vingt, alors qu’il n’est plus perçu ni considéré par ses enfants et ses petits- enfants comme un puits de sagesse et d’expérience, les ethnologues le redécouvrent, boivent ce qu’il dit comme paroles d’Evangile et le font devenir Livre. Je ne nie pas que ses propos, ses discussions, ses blagues, sa malice sont des trésors de philosophie sauvage, mais ce que je constate, c’est que l’ethnologue, lorsqu’il fait la monographie d’un village, parle toujours du village d’autrefois avec une facilité déconcertante. Ce qui m’amène à me demander si celui qui a pour tâche de raconter, de témoigner n’oublie pas parfois de vivre dans son temps. »376 Heureusement, MIYAMOTO saura toujours se ressaisir (n’en déplaise à ses détracteurs de mauvaise foi) et son étude de la jeunesse rurale (cf. plus bas Chap. IV, B/) apportera dès 1963 le contrepoint nécessaire qui pouvait partiellement faire défaut à son œuvre jusque là.

375 Nicolas RENAHY, Les gars du coin : enquête sur une jeunesse rurale, Paris, Edition La Découverte, Textes à l’appui, 2005, rééd. 2007, préface p. 11. 376 Pascal DIBIE, Le village retrouvé : Essai d’ethnologie de l’intérieur, sl., Editions de l’Aube, 1995, rééd. 2005, 257 p., « Les voyous de la terre », p. 30. ­ Sauvegarder l’oralité ne se limite pas aux récits individuels. Il peut aussi s’agir de récits destinés à tous, même si d’inévitables variantes viennent révéler la personnalité du conteur ou certains traits propres à la communauté à laquelle il appartient. L’Analyse des contes populaires, leur transcription et la recension des variantes révèlent ainsi les points de divergence et de convergence des cultures villageoises. Là encore, les noms de YANAGITA Kunio, ORIKUCHI Shinobu (ici en photo avec YANAGITA) et SEKI Keigo 住住住 viennent les premiers. Leur approche, légèrement différente, peut être grossièrement résumée ainsi : YANAGITA s’est intéressé à l’aspect national du conte, recherchant les points communs « japonais » aux contes des différentes régions, alors qu’ORIKUCHI a mis l’accent sur leur potentialité littéraire brute, inspiratrice des écrivains classiques, tandis que SEKI en faisait une analyse plus anthropologique, mythologique, attentive aux symboles. MIYAMOTO peu intéressé par les symboles ou le monde de l’imaginaire, aborde quant à lui l’analyse des contes sous l’angle historico­ethnographique et cherche à y voir des manières de vivres anciennes, ou à y déceler des influences extérieures et des filiations de thèmes, tentant ainsi d’établir une sorte de « traçabilité thématique ». Dans ses conférences, il renvoie le plus souvent, pour l’analyse mythologique, aux travaux d’OOBAYASHI Taryô 住 住 住 住 , par exemple pour son analyse des représentations de dragon377.

­ Les modes de vie : MIYAMOTO, très attentif aux différents modes de vie et cultures des groupes de l’archipel, y consacra une série d’ouvrages thématiques fort instructifs : Nihon minshû­shi (Histoire du peuple au Japon), comportant sept volumes sur : le défrichage des terres, les populations de la montagne, celles du bord de mer (ama et pêcheurs), la formation des villages, celle des villes, l’Histoire les métiers et celle… de la patate douce (kansho 住住). Il faut ici souligner la différence entre pratique et usage (us). La pratique est « ce qui est fait par une ou plusieurs personnes », alors que l’usage est « ce qui se fait suffisamment généralement ou systématiquement pour présenter un caractère de norme sociale ». Lorsqu’une pratique est unique et présente un avantage, comparé aux usages existants, elle peut être appelée à être reproduite par imitation spontanée ou réclamée et devenir

377 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. IX (conférence du 5 juin 1980), questions, p. 178 éd. Chikuma gakugei bunko. un nouvel usage. Son premier auteur sera lors considéré comme un « défricheur » (kaitakusha). Et si l’usage antérieur en vient à péricliter, voire à disparaître, nous serons en présence d’un phénomène de hensen.

Les us et coutumes (shûkan 桧桧, kanshû 桧桧, narawashi 桧桧桧桧 [桧桧桧], shikitari 桧桧桧桧 [桧桧桧]), qui s’inscrivent dans les modes de vie, sont présents dans chaque ouvrage de MIYAMOTO, et notamment dans Minkan­reki et Furusato no seikatsu. Cette omniprésence ne doit cependant pas nous amener à croire qu’il s’agirait du thème unique traité dans l’œuvre. Au contraire, les coutumes ne sont pas vraiment un thème, mais une sorte de moyen « horizontal » permettant d’appréhender l’un des aspects du thème spécifiquement étudié. Ainsi par exemple les coutumes agraires, que nous pourrions diviser en usages agraires (semailles, récoltes etc.) et usages agro­rituels (chants et prières à l’occasion du taue 「 「「 , le repiquage ritualisé du riz), méritent d’être décrites davantage pour ce qu’elles révèlent de l’organisation sociale et culturelle – hiérarchie sociale (propriétaire, parents et voisins, ouvrier(e)s agricoles, travailleurs saisonniers, apprenti(e)s), hiérarchie des ages, rôles différents selon les genres (sexes), appartenance ou non au groupe « village » de longue date ou non, reconnaissance de ce statut etc. – plutôt que par simple souci du détail visuel. Le laconisme conceptuel de MIYAMOTO à ce moment­là ne doit pas nous faire penser qu’il s’en tiendrait à une simple description pittoresque de l’aspect des choses. A nous de lire entre les lignes et de comprendre tout le sens qui demeure dans le texte et que révèlent sa structure et les rapprochements et explications qui y figurent. Et là encore nous rappelons la méthode miyamotienne consistant à décrire, préciser l’origine du mot représentant le phénomène, son histoire (pour autant qu’on puisse la reconstituer), ses origines probables, et enfin les comparaisons avec des phénomènes similaires pouvant être observés ou ayant été observés dans le passé et dans un autre espace géographique.

Afin de maintenir ces pratiques et ces usages, les transmetteurs (individus isolés) sont nécessaires, mais pas suffisants. C’est là qu’interviennent les institutions.

­ Les institutions rurales : MIYAMOTO est la premier à reconnaître dans toute société humaine, notamment celle qu’il étudie (la sienne en l’occurrence), une tendance, sans doute même un besoin, et parfois une fatalité, consistant à se rassembler et s’organiser de façon plus ou moins institutionnalisée. Ainsi étudie­t­il les associations de prévoyance et d’entraide (tanomoshi­kô 住住住住住 [住住住住]), les réunions et conseils de village (yoriai 住住住住), les groupes de jeunes institutionnalisés (wakamonogumi 住住住住)…

Au premier chapitre de Wasurerareta Nihonjin qui commence par un récit à la première personne, MIYAMOTO décrit ses efforts pour se faire admettre dans un de ces yoriai de village. Il en décrit la durée – plusieurs jours – jusqu’à ce qu’on parvienne à l’unanimité, et la façon de participer des villageois. Cette instance délibérative, sorte de démocratie directe à la japonaise, présente les caractéristiques que nous avons pu observer à de nombreuses reprises lors des innombrables réunions (souvent nocturnes) que produit la vie en société au Japon : à savoir que le consensus requis pour maintenir l’harmonie s’obtient davantage par l’« usure », c’est à dire la fatigue, l’exténuation, voire le sommeil des participants (ou plutôt des « personnes présentes »), plutôt qu’en les convainquant par une argumentation rationnelle, une rhétorique huilée ou un charisme mobilisateur. Lors d’un yoriai, on n’est pas à l’agora, on est assis tous ensemble autour du feu et on partage au besoin une collation. Il fait nuit, certains rentrent du travail, fourbus… Il faut être présent. Vous pouvez dormir, vous contenter de grommeler « je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit » quand vient votre tour de parole et vous (r)endormir. Au final et dans les faits, si tout le monde peut être amené à prendre la parole, ce sont toujours les mêmes qui font les questions et les réponses nécessaires à l’avancement d’un projet qui a tout l’air d’être décidé d’avance par les mêmes personnes entreprenantes (souvent les plus riches ou les plus engagées), projet qu’il s’agit de faire avaliser par les autres villageois en leur faisant prendre part, ne serait­ce que pour la forme, au processus d’entérinement.

L’une des nombreuses fonctions des yoriai est l’organisation d’évènements annuels, les nenchû gyôji 住 住住住*, que MIYAMOTO décrit dans la plupart de ses livres. Parmi ce vaste ensemble, on pourra se reporter à Minkan­reki (Les calendriers populaires) qui offre un large répertoire des fêtes religieuses et agraires.

­ La foi populaire revient dans plusieurs des ouvrages de MIYAMOTO, le plus souvent parmi d’autres thèmes, mais il arrive qu’à l’occasion d’articles, il en fasse son sujet principal. C’est le cas notamment de son étude (faisant suite à celle effectuée par YANAGITA378) des différentes formes prises dans le Nord­Est du pays par le culte d’Oshira­sama 住住住住 (le Seigneur Oshira), divinité (shintô) de l’agriculture et de l’élevage des vers à soie, aussi connue sous le nom d’Oshimme­sama 住住住住住 ou encore d’Oshirabotoke 住住住住 (bouddha Oshira) lorsque le bouddhisme tenta de se le réapproprier. Ce thème de recherche réapparaîtra dans plusieurs œuvres379 sous la forme d’exemple. Notons toutefois que MIYAMOTO ne s’intéresse guère au contenu religieux ou dogmatique, mais préfère porter son regard sur l’aspect visuel du phénomène (motifs représentés, forme des hokora 住 (petites chapelles­ autels), des statuettes représentant le kami etc.). Les pèlerinages, tout comme les fêtes de village (matsuri) l’ont intéressé comme phénomène de groupe, mais aussi et surtout par ce qu’elles révélaient à côté : aspects économiques, liens avec les pratiques agraires etc.

378 Après qu’il eut achevé terminé Toono monogatari 「「「「「「. Ce thème d’études mobilise à l’époque presque une dizaine de chercheurs dans des zones géographiques différentes que MIYAMOTO citera dans MinZokugaku he no michi, chap. IV, 12, p. 216, OM 1 . 379 MinZokugaku he no michi, chap. IV, 12, p. 216, OM 1. Dans Mingugaku no teishô (1979), il ne sert que d’illustration à un passage concernant les tissus : chap. I, p. 42. ­ Les métiers ; les techniques agricoles ont aussi occupé MIYAMOTO. Dans la mesure du possible, il tâcha de les étudier au plus près, et en maniant lui­même les outils qu’il prenait soin de répertorier de façon exhaustive (cf. gravure), avant de les récupérer pour son musée, lorsque dans la deuxième moitié de sa vie il reprit en l’élargissant, le projet de SHIBUSAWA. L’idée du Musée des greniers donna ainsi naissance au musée ethnographique du terroir de Kuka. Là encore, les recherches s’attachaient à retracer l’Histoire économique de la pratique en question et s’étendaient à toute la région, voire davantage. Ainsi son étude des forges l’entraîna­t­elle à faire l’historique des métaux au Japon et de leur approvisionnement380.

­ Cet intérêt constant porté aux routes et aux mouvements de biens et de personnes ne pouvait qu’amener MIYAMOTO à l’étude des voyages. MIYAMOTO, on l’ignore même au Japon, est le fondateur de l’étude ethnologique des voyages touristiques et, à ce titre, le fondateur du Nihon kankô bunka kenkyûjo 住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures du tourisme). Plus généralement, il s’intéresse à tout type de déplacement, individuel ou collectif, sur le court terme ou le long terme, pour motifs économiques, politiques, alimentaires, de sécurité, religieux ou d’agrément, d’où son étude des routes (ce sur quoi nous allons encore revenir un peu plus loin) et son recours systématique à la cartographie (cf. 1ère partie). L’étude du voyage est triple : c’est celle des conditions de voyage, celle du type de lieux parcourus et enfin du voyageur dans sa subjectivité (ce que celui­ci a pensé, ressenti, et comment le voyage l’a transformé). Là, les figures des écrivains voyageurs auxquels s’est intéressé MIYAMOTO, NODA Senkôin et FURUKAWA Kôshôken (1726­1807) annoncent les précurseurs SUGAE Masumi (1792­1829) et MINAKATA Kumagusu (1867­1941). Ce sont les sources historiques essentielles de MIYAMOTO dans ce champ d’investigation. On peut y ajouter l’essayiste anglaise et aventurière Isabella Lucy BIRD (1831­1904) à laquelle il consacra pour moitié un livre,

380 Nihon bunka no keisei, t. II, VIème conférence (25 janvier 1980), « Nôgu toshite no tetsu »「「「「「「「「「 (« Le fer comme outil agricole »), p. 20 à 39 éd. Chikuma gakugei bunko. ainsi que, dans une certaine mesure, le zoologue américain Edward Sylvester MORSE (1838­1925), tous deux ayant voyagé ou séjourné au Japon.

A côté de ces « monographies » personnelles de voyageurs (nous n’y incluons pas son essai biographique sur SHIBUSAWA Keizô qui tient une place particulière dans son œuvre) figurent des essais sur les voyageurs anonymes, certains illettrés, qui effectuaient des voyages que l’on peut ranger dans deux grandes catégories : les voyages d’agrément et les voyages à motifs économiques. Soulignons déjà que l’un autant que l’autre pouvait faire du voyageur un seken­shi* (un maître de l’espace).

1. Les voyages d’agrément sont étudiés notamment dans la série Tabi no minZoku to rekishi (Ethnographie du folklore et Histoire du voyage), particulièrement dans les tomes 1 Nihon no yado (Les auberges du Japon) et 4 Shomin no tabi (Les voyages du petit peuple). Il faut noter qu’avant MIYAMOTO, on étudiait la vie des voyageurs ou les temples auxquels menaient les routes de pèlerinage, ou les vêtements des voyageurs de l’époque d’Edo, mais pas le phénomène du voyage d’agrément dans sa globalité et dans une perspective synthétique.

2. Les dekasegi (déplacement à finalité économique) et hôkô (apprentissage) sont traités notamment dans Kakyô no oshie381 et Onna no minZoku­shi382. La présentation des rôles différents attribués aux hommes et aux femmes préfigure en un sens les études de genres (gender studies américaines) (cf. chapitre IV, B).

Enfin, on citera le cas particulier de sa découverte d’un chemin des lépreux (kattai michi 住住住住[住住]住) et sa rencontre avec l’un d’eux, mentionnée dans Yama ni ikiru hitobito383 (1964), exemple rarissime de chemin établi pour des raisons sanitaires.

Parmi les voyages de MIYAMOTO, on ne saurait passer sous silence les quatre voyages qu’il effectua à l’étranger, non parce qu’ils lui donnèrent l’occasion de réunir des matériaux exceptionnels lui permettant d’écrire des œuvres majeures, mais pour l’importance subjective qu’ils eurent :

1. 1975 (18 juillet­30 août : 44 jours) : voyage en Afrique orientale (Tanzanie et Kenya)384 ;

2. 1977 (13­20 septembre : 8 jours) : voyage à Cheju­do 「「「 [住住住]385 (Corée)386 ;

381 Kakyô no oshie, chap. 2 « Jochû hôkô »「「「「「「(« L’apprentissage des bonnes »), p. 22 et s.. 382 Onna no minYoku­shi, « Iede »「「「「(« Quitter la maison »), p. 178. 383 Yama ni ikiru hitobito (Les gens qui vivent dans la montagne), chap. II, 17 éd. en volume séparé Miraisha­kan. 384 « Higashi Afurika wo aruku » 「「「「「「「「「「 (« Marcher en Afrique orientale »), in Aruku miru kiku 「「「「「 「「「「, numéro de janvier Shôwa LI (1976), s.l., Nihon kankô bunka kenkyû­sho­kan 「「「「「「「「「「. 385 Cheju­do : lu en japonais Saishû­tô 「「「「「「「 ou Cheju­do 「「「「「. 386 « Shimpan Kaijin monogatari » 「「「「「「「「「「「「 (« Nouvelle version d’Histoires des gens de la mer »), in Ama : Nakamura Yoshinobu shashin­shû 「「「「「「「「「「「「 (Plongeuses­pêcheuses de perles : recueil de photographies de Nakamura Yoshinobu), s.l., Marin keikaku­kan 「「「「「「, décembre Shôwa LIII (1978). 3. 1979 (10­20 septembre : 11 jours) : voyage à Taiwan387 ;

4. 1980 (14­24 septembre : 11 jours) : voyage en Chine populaire388

Trois voyages en Asie, et un en Afrique. On peut s’étonner que MIYAMOTO n’ait pas été tenté d’aller visiter la Russie, l’Europe ou le continent américain. Peut­être choisit­il d’aller à la rencontre de sociétés plus proches de la ruralité traditionnelle, ce qui s’inscrit dans la logique de ses recherches.

MIYAMOTO choisit d’abord le Kenya car il souhaitait visiter un pays d’Afrique en paix et qui avait subi moins d’occupation coloniale que les autres. Là, il découvrit une société vivant plus simplement que la société japonaise de son temps, mais lui rappelant celle de son enfance. Le Kenya et la Tanzanie lui apparurent moralement idéalisés, sortes d’image renversée du Japon moderne et censée lui faire honte de ce qu’il était devenu en perdant ses valeurs traditionnelles et le goût des choses simples. L’article racontant son périple appartient au domaine du journalisme plus qu’à celui de l’ethnographie. Le problème de la langue peut avoir joué, MIYAMOTO ne parlant pas l’anglais.

Le voyage à Cheju­dô visait, quant à lui, un point bien précis : l’origine des ama (pêcheuses plongeuses) tout comme celui effectué en Chine populaire avait pour thème les bateaux.

Celui qu’il réalisa à Taiwan fut peut­être le plus intéressant et le plus productif. En effet, MIYAMOTO, échappant à ses guides officiels, parcourut la campagne et les villages de pêcheurs à la recherche des ethnies minoritaires et en dressa l’inventaire et l’état. Il fut ainsi un des premiers ethnographes japonais à le faire à cette époque, même si l’on sait par ailleurs que l’ethnographie taiwanaise trouve son origine et son inspiration dans le travail des ethnographes japonais. MIYAMOTO lui­même nous révèle que :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「389 (« Ce sont des personnes inattendues qui émergent des endroits inattendus. Par exemple, c’est un savant comme INÔ Yoshinori qui apparut à Toono dans le département d’Iwaté. Cet homme se rendit à Taiwan dans son adolescence et il fut le premier Japonais à y effectuer une étude de terrain sur les

387 « Taiwan kikô » 「「「「「「 (« Journal de voyage à Taiwan »), in Aruku miru kiku, numéro de juin Shôwa LV (1980). « Taiwan no Takasago­zoku » 「「「「「「「「 (« Les Ethnies des hauteurs ensablées (Gāoshā­zú) de Taiwan »), 1ère éd. in Getsurei kôkai kenkyû­kai 「「「「「「「「「(Mensuel de l’ouverture des réunions de recherches), s.l., Nihon kankô bunka kenkyû­sho 「「「「「「「「「, 17 novembre Shôwa LIV (1979) republié in Nihon kankô bunka kenkyû­sho Kenkyû kiyô 「「「「「「「「「「「「「「「「(Annales de recherches de l’Institut de recherches sur les cultures du tourisme japonais), n°6 (décembre Shôwa LX (1985)), s.l.. Ce texte est le texte d’une communication (approuvé par Miyamoto), plutôt qu’un article à proprement parler. 388 « Chûgoku no fune » 「「「「「「 (« Les bateaux chinois »), in Aruku miru kiku : Miyamoto Tsuneichi tsuitô­gô (Numéro de commémoration de Miyamoto Tsuneichi), s.l., août Shôwa LVI (1981). Ce texte est la transcription, d’après enregistrement, d’une communication de Miyamoto. 389 Izabera.Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu (Lire Unbeaten tracks in Japan d’Isabella Bird), 1977, p. 200. aborigènes. Il nous en reste [seulement] une « Taiwan bunka­shi (Histoire des cultures de Taiwan) », mais c’est un livre absolument excellent ».)

Comme nous l’écrivions ci­dessus, l’étude du voyage et des mouvements de personnes occupe une place majeure dans l’œuvre de MIYAMOTO. Mais l’étude des routes dont nous parlions plus haut et l’utilisation nécessaire des cartes qui s’y rapportent, ne suffisent pas à fournir une analyse complète du monde rural. Pour cela, il faut étudier également la topographie dans son ensemble, c’est à dire non seulement les routes, mais aussi les rizières et les champs, les bois, les zones habitées et les ouvrages d’art390. L’étude des éléments séparés les uns des autres ne saurait donc dispenser d’une étude plus large, en contexte, qui seule permet de comprendre le comment et le pourquoi de la présence de telle culture, telle route, ou telle forme de rizière. Ainsi en est­il des quelques pages consacrées aux « Champs de Kumejima391 défrichés à la gâche »392, admirable exemple à la fois concis393 et complet, touchant tous les aspects du problème, des cultures à la forme des champs, en passant par les outils dont un dessin est d’ailleurs reproduit.

MIYAMOTO, nous venons de le voir, a donc une approche tout autant macroscopique que microscopique, s’intéressant à la fois aux territoires à l’échelle départementale, nationale et internationale, et à l’études des gens à l’échelon local du village, de la famille, et enfin de l’individu.

Il pourrait être intéressant, pour terminer cette présentation des thèmes de recherche du patrimoine immatériel, d’évoquer un de ceux généralement considérés comme « mineurs » : les loisirs et les spectacles. L’étude des pauses ludiques est en effet pour MIYAMOTO aussi importante que celle des pauses religieuses ou rituelles dans la vie quotidienne et révèle le Japonais rural sous un autre angle. Sans doute avait­il l’intention de montrer que la vie à la campagne, pour pénible qu’elle soit, comporte aussi ses petites joies et ses moments de détente. Cette étude se trouve donc dans le prolongement de celle des voyages de loisir.

Il est surprenant mais significatif de voir à quel point l’ethnographe s’est engagé afin de faire revivre dans le département de Yamaguchi une activité disparue : le dressage de singes de spectacles394. Les spectacles de singes parfois diffusés à la télévision aujourd’hui sont, dans une large mesure, visibles grâce aux efforts de MIYAMOTO. Il entra en effet en contact avec les derniers dresseurs de singes

390 Cf. notamment Sora kara no minZokugaku. 391 Kumejima est une île de l’archipel des Ryûkyû, département d’Okinawa, et qui fut pendant des siècles une plaque tournante des échanges commerciaux et culturels avec la Chine. 392 « Hera de hiraita Kumejima no taha »「「「「「「「「「「「「「「, in Sora kara no minZokugaku, p. 3. 393 C’était aussi semble­t­il une des contraintes de la revue dans laquelle l’article fut d’abord publié, Tsubasa no ôkoku「「「「「「(Le royaume ailé), revu d’une compagnie aérienne. 394 Pour plus de détails, voir par exemple SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, chap. 6, « Kirimusubu otokotachi – Saru­mawashi fukkatsu he moetsukiru » 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Des hommes en lutte – qui brûlent de faire revivre le dressage de singes »), p. 270­274 et interview 13 p286 et s.. (pour la plupart des burakumins comme les MURAZAKI 住住 dont certains engagés dans la lutte contre les discriminations395) et leurs descendants puis parvint à convaincre ces derniers ainsi que certains jeunes intéressés à se lancer dans cette activité à la fois technique et de spectacle. Parallèlement, MIYAMOTO observait les processus de transmission mais aussi de récupération du savoir. Au cours de son étude, il fut même un moment tenté par l’éthologie. Après avoir remarqué que les singes étaient la première espèce animale à avoir été domestiquée au Japon396, il arrive à la conclusion suivante :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Jusqu’à présent, on pensait que la « culture » (bunka) n’existait que chez l’Homme. Cependant, il existe une culture dans la société des singes. »)

En effet, ajoute­t­il, on a pu apprendre aux singes à courir à la manière des humains, ce qui jusqu’ici leur était impossible.

住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「397 (« Ca n’est alors pas quelque chose d’inné, n’est­ce pas ? C’est ce qui est acquis qui constitue la culture.

Ensuite, ce qu’on appelle la culture (bunka), serait quelque chose née dans le fait de posséder une conscience commune (kyôtsû ishiki), posséder la même conscience que l’autre. En découvrant cela, et en pratiquant des séances d’entrainement, on en arrive à leur faire mener une vie davantage semblable à celle des humains. A ce propos, voyez­vous, il y a une admirable « culture » dans la « société des singes ». C’est juste qu’ils n’ont ni langue (ou mots : kotoba), ni écriture, d’accord. Il paraît qu’on commence à le comprendre. Et en leur faisant faire ce genre de choses [=les entrainements], ne va­t­on pas leur permettre de développer (litt. « se voir donner » ataerareru) ce que j’appelle la culture sous une quelconque forme ? »)

Bref, MIYAMOTO voit là un bel exemple d’évolutionnisme, qui plus est suscité et accéléré par l’Homme. Il préconise ensuite l’enseignement du langage humain le plus simple, espérant que les singes finiront par l’utiliser verbalement. Nul doute qu’il eut été enchanté d’apprendre qu’on parvient aujourd’hui à enseigner la langue des signes aux singes qui l’utilisent entre eux, même sans qu’un humain soit présent.

395 SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, interview 13, p. 288. 396 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, questions, p. 137 éd. Chikuma gakugei bunko. 397 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, questions, p. 138 éd. Chikuma gakugei bunko. Tout comme pour les singes et leur dressage, les tambours de Kodô 住住 et d’Ondekoza 住住住住 (fondé à Sado­ga­shima 住住住), ensembles toujours en activité dont les membres se renouvellent régulièrement par cooptation, occupèrent une partie du temps de MIYAMOTO. Le concert de tambour n’est pas qu’un spectacle au Japon. Il est aussi le produit d’une tradition religieuse dont certaines des dernières manifestations peuvent être observées aujourd’hui lors du On­matsuri 住住住 (Auguste fête religieuse) de Nara, une fête shinto­bouddhique se déroulant le 17 décembre sur deux jours en continu, avec notamment des tambours monumentaux montés sur estrade. Par ailleurs, des tambours accompagnent généralement les palanquins shinto­bouddhiques (omi­koshi 住住住[住住住住住住住] ou shin’yo 住住) lors des fêtes religieuses.

Quel sens peut­on attribuer à cette étude des coutumes ? YANAGITA Kunio, comme nous l’avons vu plus haut, partait d’un projet politique que la minZokugaku devait étayer. L’ethnographe, de l’extérieur, réunissait des matériaux pour illustrer une construction intellectuelle de type ethnologique mais à visées politiques. Pour MIYAMOTO, contrairement à YANAGITA, le projet ethnographique, partant de la base et réalisé par un fils du peuple, n’a pas pour finalité de gérer par le haut, mais de décrire les structures par le bas, même si les deux auteurs valorisent l’un et l’autre la connaissance. Il s’agit de décrire et comprendre le sens des coutumes et des pratiques, ainsi que leur permanence, leur disparition ou leur réintroduction (réactivation) s’il y a lieu. Jusqu’où la coutume doit­elle être conservée, si tant est qu’elle doive l’être ? Rappelons incidemment que le Droit français définit la coutume comme une règle de Droit non écrite acceptée comme telle par les membres de la communauté ou elle s’applique. En cela, elle se distingue de l’habitude qui n’a pas le caractère de généralité, ni celui de règle de Droit. La coutume, à ce titre, peut être modifiée, sinon par vote démocratique, du moins par consensus populaire. Sa finalité est le plus souvent concrète, rarement idéologique, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne puisse pas s’appliquer à des choses qui relèvent du domaine de la religion ou des rites. Dès lors que la coutume cesse d’être utile ou même de faire sens (perte de la « raison d’être ») pour telle ou telle raison, on peut en proposer la modification ou la suppression (il peut aussi s’agir d’un changement tacite de pratiques à l’échelon individuel ou collectif), à moins tout simplement qu’elle ne tombe en désuétude : c’est le phénomène de la caducité. Or toute chose caduque que l’on cherche à conserver « à toute force » est soit un archaïsme (si on l’utilise), soit un objet de musée (si on ne l’utilise plus). La minZokugaku court donc à tout moment le risque de la « muséification », et l’étude historique qu’elle réclame participe dans une certaine mesure de ce risque tendant à devenir elle­même de l’Histoire.

Elle devrait donc, comme le faisait MIYAMOTO, à l’esprit universellement ouvert et curieux, s’inspirer de la sociologie ou même du journalisme qui nous donnent à voir et à comprendre avec peu de temps de retard l’impermanence des modes de vie, de production et de consommation, en particulier depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale, avec principalement d’une part le passage de la production­consommation à la simple consommation (et à l’ultra­consommation depuis les années 1980), et d’autre part, la tertiairisation du travail (d’où l’abandon de l’agriculture au Japon).

Toute la difficulté consiste à concilier les deux forces opposées, la force de conservation, et la force de changement.

Et l’étude des pratiques ne pouvant en minZokugaku se passer de celle du patrimoine matériel des populations étudiées, il convient à présent de circonscrire plus précisément ce domaine.

2) Patrimoine matériel La distinction qu’opère le Droit français entre biens immeubles (tous les biens attachés au sol) et biens meubles (tous les autres biens)398 pourrait ici être reprise. Nous nous limiterons dans notre étude à un certain type de bien meuble restrictivement défini par MIYAMOTO, les mingu (a), puis nous évoquerons les biens immeubles (b).

- a. Les mingu

On ne saurait comprendre l’œuvre, la pensée et l’action de MIYAMOTO sans passer par une présentation de son travail sur les mingu.

MIYAMOTO a consacré un ouvrage entier, de grande importance selon nous, à la question des mingu : Mingugaku no teishô 住住住住住住住住399 (Propositions pour l’étude des objets populaires courants). Il y définit les mingu et en énumère les critères. Enfin, il évoque la question de leur prélèvement et de leur stockage.

Définition et critères

Les mingu 「「 s’inscrivent dans ce que les minZokugakusha appellent la « culture matérielle populaire » yûkei minzoku bunka 「「「「「「 et font partie des yûkei minZoku shiryô 「「「「「「 (documents ethnographiques concernant le peuple), par opposition à la culture immatérielle, en l’occurrence la transmission orale, les us et coutumes (shûkan 「「, fûshû 「「), les contes (minwa 「「) et chants populaires (min’yô 「「). Notons que les termes yûkei minZoku shiryô et yûkei minZoku bunka ont été consacrés dans l’usage officiel sur décision du Ministère de la culture (Bunka­chô 「「「)400.

398 Les biens immeubles sont toutes les choses attachées au sol, comme les bâtiments, les puits, les ponts, mais aussi les arbres et les carrières. Les biens meubles, à l’inverse, sont donc tous les autres biens (y compris les animaux, toujours pour le Droit, mais avec bien sûr quelques conditions particulières qui trouvent leur origine dans l’éthique). 399 Mingugaku no teishô, Tôkyô, Miraisha, 1ère éd. 1979, rééd. 1999, 255 p.. 400 Mingugaku no teishô, p. 64. Déjà nous avons vu plus haut que YANAGITA divisait les champs de recherche en yûkei minZoku shiryô en trois grands groupes :

1. La culture matérielle ;

2. les arts du langage ;

3. les phénomènes psycho­émotionnels

La culture matérielle, qui nous intéresse ici, était divisée en dix­neuf catégories : l’habitat, l’habillement, la nourriture, la méthode de collecte des données de la vie quotidienne, les transports, le travail, le village, les associations (groupes du village), la famille et la parenté, le mariage, la naissance, la malchance, les funérailles, les évènements annuels, les fêtes religieuses, la divination et la sorcellerie, les danses, les concours et les jeux et jouets des enfants401.

Et MIYAMOTO de préciser que le terme de yûkei minZoku shiryô ( document 402 ethnographique matériel) a été remplacé dans la Loi sur la protection des biens culturels par l’expression yûkei minZoku bunka­zai 住 住 住 住 住 住 住 (matériau culturel403 ethnographique populaire). Ce changement terminologique n’est pas anodin. On peut en effet émettre l’idée qu’il s’inscrit dans un processus plus vaste dont MIYAMOTO a été en grande partie à l’origine : la construction et la reconnaissance de la notion de patrimoine au Japon, sur lesquelles quoi nous reviendrons plus loin. Mais avant cela, examinons ce que MIYAMOTO entend exactement par mingu.

Le terroir et les mingu : définition et critères

Dans Mingugaku no teishô, MIYAMOTO reprend une définition de YANAGITA qui figure dans Kokushi to minZokugaku 「「「「「「「「 (Histoire du pays et ethnologie du folklore). Synthétisant deux pages de son maître sans rien perdre de l’essentiel, en y ajoutant de surcroît une grande clarté, il la résule admirablement ainsi :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「404 (« En d’autres termes, il [YANAGITA] nous dit que la « recherche sur le terroir » (kyôdo kenkyû) ne consiste pas à faire simplement des recherches sur le terroir, mais que c’est faire des recherches sur certaines choses qui sont le terroir qui constitue la recherche sur le terroir. Je me demande si ces mots ne pourraient pas s’appliquer tels quels aux recherches sur les mingu. Autrement dit, je me demande si

401 YANAGITA Kunio, Kyôdo seikatsu no kenkyû­hô「「「「「「「「「「(Méthodes de recherches sur la vie quotidienne du terroir), 1935, cité par KAWADA Minoru, Yangita Kunio no shisô shi­teki kenkyû, chap. 5, p. 122. 402 Nous soulignons. 403 Nous soulignons. 404 Mingugaku no teishô, I, p. 10. la recherche sur les mingu ne consiste pas non seulement à faire des recherches sur les mingu, mais plutôt à faire des recherches sur des choses (mono) par l’intermédiaire (wo tooshite) des mingu. Il s’agit pour ces « choses » de mettre en lumière tantôt la culture, tantôt les techniques, et on peut dire que connaître les mingu individuellement est un moyen. »)

Ces « choses » peuvent donc être des notions qui dépassent les mingu eux­mêmes. Après cette définition, il précise ainsi sa pensée :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「405 « Bref, je pense que les questions fondamentales des recherches sur les mingu ne s’arrêtent pas à des recherches sur la forme des mingu, et qu’il y a du sens à poursuivre jusqu’à des recherches non seulement sur les biens et les techniques de la vie quotidienne, mais aussi sur la vie des mingu (mingu no seitai­teki na kenkyû). Ces recherches ont en même temps de profonds liens avec les recherches sur les modes de vie humains. »)

Et il fait part des principaux doutes qui se sont élevés dans le monde savant :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「406 (« Ces derniers temps, je me vois souvent demander par des personnes de mon entourage dans quel but je fais des recherches sur les mingu. « Il ne s’agit pas de revendiquer [la reconnaissance d’]une quelconque valeur artistique des mingu, seulement, on aura beau essayer de recenser les matériaux, la forme, les modes d’utilisation des mingu etc., ce ne sera qu’accumulation de connaissances sur ce point et les mingu continueront à devenir [peu à peu] des objets du passé. Si on les maniait en tant qu’outils, on trouverait même encore de nos jours des choses en rapport (tsunagari), mais quand on chercherait à observer les mingu au sein du concept délimité de « mingu », cela n’aurait pas tant de valeur que ça, non ? ». Ou encore : « Y a­t­il une telle nécessité à séparer [ainsi] la recherche sur les mingu du reste de la minZokugaku ? Cette recherche peut­elle s’établir comme une science à part entière ? ». Voilà le genre de voix que j’entends aussi. Ces doutes, tels quels, sont, je pense, quelque chose qui possède un contenu important qui mérite qu’on s’y arrête. »)

Et MIYAMOTO conclut donc logiquement que la mingugaku 住住住, la science des mingu, fait partie intégrante de la minZokugaku et doit aussi faire l’objet d’études et de publications, ce qui est encore (à son époque) chose rare407.

405 Mingugaku no teishô, I, p. 11. 406 Mingugaku no teishô, I, p. 11. 407 Mingugaku no teishô, I, p. 11. Mais pour cela, il est nécessaire d’avoir une méthode, laquelle ne saurait être exactement la même que celle de l’archéologie408, science qui se rapproche pourtant le plus de la mingugaku, ne serait­ce que parce que les mingu peuvent tout à fait être contemporains et ne sont pas nécessairement enterrés. Le comparatisme des documents (écrits ou dessinés), entre autres peut aussi nous aider à déterminer des dates et des changements409.

Voyons à présent comment MIYAMOTO définit un mingu.

­ a. Définition : d’après MIYAMOTO (mais il est difficile de le vérifier), le mot mingu fut créé par SHIBUSAWA Keizô* en 1934 ou 1935410. Il s’agissait de l’abréviation de « minshû no nichijô seikatsu­yôgu 住 住 住 住 住 住 住 住 住 » (ustensiles pour la vie pratique quotidienne du peuple). Ce terme a pratiquement remplacé minzoku­hin 住住住 (objet populaire) et dozoku­hin 住住住 (produit du terroir). On pourrait le définir dans un premier temps comme un objet (populaire) courant, un objet de la vie de tous les jours. Cette définition pourrait sembler trop vaste si elle n’était complétée de conditions qui ont varié au fur et à mesure que la recherche et la réflexion de MIYAMOTO et de ses contemporains s’affinaient.

­ b. Critères : Suivant l’enseignement de SHIBUSAWA, MIYAMOTO en recense d’abord trois411 :

1/ une fabrication à la main ;

2/ la non utilisation par la noblesse ;

3/ un objet mobilier déplaçable par une personne.

De ces premiers critères, il découle donc que les objets immeubles (maisons, greniers à grains, puits, appareils divers attachés au sol etc.) ne sont pas des mingu ; qu’un mingu, dès lors qu’il est utilisé par la noblesse, perd sa qualification de mingu. Enfin, un objet mobilier non déplaçable par une personne (ex. : les cuves à sauce de soja du musée de Kuka) ne serait donc pas un mingu.

Ces critères seront redéfinis p. 76 de Mingugaku no teishô, reprenant ce que MIYAMOTO avait écrit dans Mingu shiron ichi 住住住住住住住 (Essais sur les objets populaires traditionnels, I). Les critères sont désormais au nombre de sept :

1. Les mingu représentent une partie des yûkei minZoku shiryô (documents ethnographiques concernant le peuple) ;

2. Les mingu sont fabriqués à la main ;

408 Mingugaku no teishô, I, p. 13. 409 Mingugaku no teishô, I, p. 14. 410 Source : Miyamoto Tsuneichi, Mingugaku no teishô, p.44. Le mot fait sa première apparition dans le premier numéro de juillet Shôwa X (1935) d’Achikku mansurî 「「「「「「「「「「「 (Greniers, le mensuel). 411 Mingugaku no teishô, p. 75. 3. Seuls les objets utilisés par le peuple sont des mingu (les objets utilisés par la noblesse sont donc exclus) ;

4. Ces objets ne sont pas fabriqués par des maîtres artisans mais par les travailleurs en fonction de leur besoin ;

5. Les mingu sont actionnés par la main de l’homme ;

6. Les mingu sont fabriqués avec des matériaux simples (bois, animaux, pierre, minéraux) et non avec des produits chimiques ;

7. Dans le cas d’un façonnage complexe, ceux qui assurent la finition doivent être des amateurs (shirôto 住住) ou des semi­professionnels (han­kurôto 住住住).

Il faut aussi faire la différence entre les mingu et les kottô­hin 住住住 (curiosités, vieilleries) qui au départ ont une prétention esthétique et un « pedigree » d’ancienneté, entre mingu et kôgei­hin 住住住 (objet de maître) et bijutsu­hin 住 住 住 (objet esthétique, objet d’Art) qui tous deux supposent une maîtrise particulière qui n’est pas à la portée du travailleur et ne supposent pas nécessairement d’usage pratique, contrairement au mingu qui n’est conçu que dans une fonction utilitaire.

Ainsi, cette définition exclut aussi, par exemple, tous les objets de fabrication industrielle, même si leur utilisation suit une tradition (décorations shintô du Nouvel An en plastique, par exemple) ou même s’ils sont majoritairement utilisés par le peuple (le seau en plastique, le rasoir jetable etc.). Ceci implique donc qu’avec la raréfaction et, à terme, la disparition de l’artisanat traditionnel et populaire, les mingu sont voués à disparaître par voie de conséquence, ou en tout cas à suivre le chemin de la muséification dans une certaine idée d’un « folklore » à jamais figé. Si MIYAMOTO était vivant aujourd’hui, poserait­il des conditions aussi strictes à la qualification de mingu ? Quand bien même ce serait le cas, rien n’interdit de penser qu’il pourrait aussi s’intéresser à tous ces objets de fabrication industrielle et d’usage de masse qui nous sont devenus indispensables. Il aurait peut­être trouvé de l’intérêt aux travaux de Jean­Claude KAUFMANN et des sociologues du quotidien (sur l’usage de la machine à laver, par exemple) ou aux descriptions que fait Nigel BARLEY de l’usage des véhicules en Afrique et en Indonésie.

Sans aller jusqu’à la reconnaissance des objets industriels comme mingu, qu’en est­il des objets dont la fabrication a demandé un ou plusieurs éléments produits industriellement ? Ainsi quid par exemple de l’artisan qui croit fabriquer des objets dans le respect de la tradition, s’il emploie un pinceau fabriqué en série ou une peinture achetée dans un magasin de bricolage ? Et quid des objets fabriqués par des artisans professionnels, désormais seuls à disposer de l’outillage et de la connaissance des techniques, même simples, nécessaires à la fabrication des mingu ? Et qu’en serait­il des poteries de style populaire traditionnel faites au tour électrique ? En étant plus critique, on pourrait se demander si pour fabriquer des mingu, il ne faut pas alors se vêtir à l’ancienne, à la façon des paysans de jadis et s’il n’est pas interdit de fabriquer un mingu d’une autre région, ou de le fabriquer en ville (même dans le respect des techniques traditionnelles). Même reproduits à l’identique et par des moyens soit modernes, soit d’époque, les objets reconstitués par des équipes de chercheurs, à seule fin pédagogique ou de recherche, ne seraient donc pas des mingu.

On l’aura compris, les critères choisis par MIYAMOTO sont extrêmement limitatifs et condamnent la qualification de mingu ainsi définie à disparaître comme son auteur dans les années 80 pour finir par n’être qu’un terme historique.

Les mingu étant définis, qu’en faire ? N’étant plus utilisés ni produits, faut­il les laisser moisir dans les greniers ou aux mains des seuls brocanteurs dans le meilleur des cas ? SHIBUSAWA avait choisi de les recueillir pour les classer, les décrire, les analyser, les conserver et les montrer, avec la création de l’Achikku myûzeamu (le Musée des greniers) (cf. photo).

MIYAMOTO s’y associera et ira plus loin, élargissant le choix de mingu qu’avait réalisé son maître et en créant lui aussi un musée sur son île, Suô Ooshima, à Kuka 住住, le Kuka rekishi minzoku shiryô­kan 住 住住住住住住住住 (Conservatoire de l’Histoire et du folklore de Kuka), avec l’aide active des habitants de la ville. En effet, ce musée est un des rares au monde à posséder une collection de plus de vingt cuves (oo­oke 住住) en bois servant à la fabrication de la sauce de soja412 en parfait état de conservation. Ces cuves furent toutes transportées par les habitants de Kuka, souvent avec des moyens de fortune. Le Centre, fondé en 1976, voué à l’étude et à la conservation des mingu et des outils, réunit 15 000 objets

412 La production de sauce de soja fut longtemps une des spécialités de l’île et la sauce de Suô était réputée dans la proche région. rassemblés par MIYAMOTO à partir de 1972. Il se situe en outre en face d’un ishiburo 住住住 (bain de pierre) datant de 1186 (le plus vieux de la région), dans le Hachiman shôgai gakushû no mura 住住住住住住住住住 (Village de la formation continue de Hachiman) qui fut construit derrière, dans le cadre d’un projet municipal récent de sensibilisation de la jeunesse au patrimoine local.

Ce musée existe toujours et, probablement selon la volonté de son créateur, ni sa personne, ni son œuvre n’y sont mis en vedette. Seuls une petite photo à l’entrée et un bref texte d’accompagnement témoignent de son rôle dans la création du musée, sans en donner aucunement l’exacte mesure.

Voici une « carte de document ethnographique » telle que MIYAMOTO en remplissait pour chaque objet qu’il recueillait. On remarque parmi les rubriques à remplir les « périodes de fabrication et de vente », qui montrent que MIYAMOTO accordait une attention particulière aux saisons agricoles s’inscrivant dans un calendrier, donc, par voie de conséquence, à certains des objets produits pour cette occasion. Est aussi à noter la distinction entre le lieu de production, le lieu de réception et le lieu de découverte de l’objet en question. A ce propos, MIYAMOTO fut l’un des premiers, à présenter les routes commerciales intérieures au Japon, et notamment « les routes du sel » (shio no michi 住住住), qui donneront matière à des essais et des conférences, textes réunis dans l’ouvrage de ce nom. Le commerce du sel suivait en effet ses propres voies, pas toujours les plus aménagées (cf. photo ci­ contre prise par MIYAMOTO), et permettait au passage les échanges commerciaux, culturels, humains et linguistiques les plus divers : c’était, en somme, une sorte de « route(s) de la soie » en miniature.

Après la définition et la description physique des mingu, il reste à en déterminer le classement afin d’une part de faciliter leur étude (notamment leur comparaison) et leur stockage, et d’autre part de retrouver facilement ce que l’on cherche. 住住住住住住住 Carte de document ethnographique413

住 住 住 住 住住住住住住住 Carte de document ethnographique414 1818 住住住住 Numéro Numéro de n°302 de réception classement 住住住 Nom de 住 Perrache 住 住 la région district 住 住 France 住 de… quartier 住 住 住 住 département Lyon 住 de… Appellation Lieu… de… (/Pays) ville 住 ­ de de… village découverte de… ­ d’enquête 住住 Usage, emploi 住 住 住 département district quartier 住 住 住 de… de… de… Lieu de 住 住 réception ville village de… de…

住住住住住住住 Périodes de 住住住住住住住住住住住住住住 住 住 住 住 Type fabrication et de Collecte ; excavation ; don ; échange ; d’acquisition vente fabriqué exprès 住住住住住 Configuration ; particularités 住 住 住 住 Date 住住 1971 住 3 住 6 住 d’acquisition Année Mois Jour 住 住 住 住 住 住 住 N° Jour de la Pellicule n° prise de vue 住 住 Qualité des matériaux 住住住住住住 Accessoires ; étui

413 D’après Mingugaku no teishô, 1979, p. 234. 414 D’après Mingugaku no teishô, 1979, p. 234. 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 Remarques (état de conservation etc.) [dessin de l’objet selon plusieurs types de vue : vue de dessus, de face, de côté…] Musashino bijutsu daigaku 「「「「「「「 (Université des Beaux­Arts de Musashino)

La classification des mingu au regard des rouleaux peints (emakimono 、、、).

MIYAMOTO est le premier à reconnaître la difficulté qu’il y a à fournir un classement des mingu et, de façon plus large, des objets que la minZokugaku se fixera d’étudier. Il s’attache tout d’abord à observer les classifications existantes proposées par ses contemporains, concernant les objets qui apparaissent dans les anciens rouleaux peints, l’idéal étant de parvenir par la suite à des concepts unifiés415.

Il commence donc par présenter la classification du peintre TAMURA Deigyû 住住住住 établie en Shôwa XXXI (1956). Elle compte quinze catégories :

1. l’habitat (jûkyo 住住) ;

2. l’habillement (ifuku 住住) ;

3. l’alimentation (shokuji 住住) ;

4. les meubles, installations et techniques (chôdo 住住, shisetsu 住住, gijutsu 住住) ;

5. l’acquisition de matériaux (sic), les professions (shiryô shutoku 住住住住, seigyô 住住) ;

6. les transports de personnes et de biens (kôtsû 住住, umpan 住住) ;

7. le commerce et les bien commercialisés (kôeki 住住, kôeki­hin 住住住) ;

8. les silhouettes, les mouvements (les gestes) et les travaux (yôshi 住住, dôsa 住住 (shigusa 住住住 [住住]), rôdô 住 住) ;

9. la vie, le rang et la maladie (jinsei, 住住, mibun, 住住, yamai 住) ;

10. la mort et les enterrements (shi 住, maisô 住住) ;

11. la vie quotidienne des enfants (jidô seikatsu 住住住住) ;

12. les loisirs, les jeux et les relations [amoureuses et sexuelles] (goraku 住住, yûgi 住住, kôsai 住住) ;

13. les évènements périodiques du calendrier lunaire (nenchû gyôji 住住住住) ;

14. les esprits et les bouddhas, les fêtes religieuses et la foi (shimbutsu 住住, matsuri 住住, shinkô 住住) ;

15. les animaux, les végétaux et la nature (dôbutsu 住住, shokubutu 住住, shizen 住住)416.

415 Mingugaku no teishô, p. 160. 416 Mingugaku no teishô, p. 162. Ce qui saute immédiatement aux yeux du lecteur de cette liste hétéroclite, c’est son apparente absence de « rigueur scientifique », du moins au regard des critères qui la définissent habituellement en Europe et, peut­être, plus particulièrement en France. Autre trait marquant : le manque de hiérarchisation de l’information. Les Japonais sont, en effet, de façon générale peu enclins à hiérarchiser l’information et ont tendance à faire de longues listes quasi exhaustives qui noient quelque fois le lecteur sous les informations inutiles (dans l’immédiat) et le troublent plus qu’elles ne l’éclairent. Etrange aussi que dans cet inventaire à la Prévert les objets (par ex. : les meubles) soient mélangés avec des actes (les techniques), la vie (terme flou s’il en est – mais au sens plutôt philosophique au regard des sinogrammes avec lesquels on écrit le mot) avec le rang (notion sociologique et historique) et la maladie (notion médicale autant qu’ethnologique et anthropologique), les animaux et végétaux (deux notions définissables avec exactitude) avec la nature (notion plus vague) et que les enfants soient mis à part (pourquoi pas les vieillards, ou les moines, ou les femmes ?).

A titre de comparaison, et sans autre prétention que celle de mettre en relief les différences structurelles des deux approches, qu’on nous permette de présenter à notre tour ce que pourrait être un essai de classification des sujets ethnographiques (parmi lesquels les mingu). (On pourra aussi se reporter à la classification du folkloriste français Paul SEBILLOT (1843 –1918), dont on trouvera en annexe un exemple détaillé) :

I Sujets et objets

A/ Etres vivants

1) humains

­ a. Une catégorie d’âge ou de genre particulièrement représentée

­ b. Les autres catégories (moins représentées)

2) non­humains

­ a. Animaux et végétaux

­ b. Minéraux

B/ Objets

1) biens immeubles

­ a. Bâtiments profanes

­ b. Bâtiments religieux ou à fonction temporairement religieuse

2) biens meubles : les mingu

II Evènements

A/ Vie profane

1) les métiers 2) la vie quotidienne publique et privée

­ a. Evènements qui se répètent dans l’année

­ b. Evènements uniques dans l’année

B/ Vie religieuse

1) fêtes religieuses

2) activités liturgiques

Ici, on le voit bien, l’information est hiérarchisée en catégories et sous catégories, à la manière des poupées gigognes. Ce qui peut apparaître comme le legs d’une longue tradition scolastique et juridique nationale (on se rappelle en effet que la distinction entre biens meubles et biens immeubles nous vient directement du Droit).

MIYAMOTO, très conscient des problèmes que posait sa classification initiale (sans toutefois le formuler explicitement) eut bientôt recours à une seconde liste, figurant dans le MinZoku shiryô chôsa shûshû no tebiki 住住住住住住住住住住住住住住 (Guide pour la collecte de matériaux ethnographiques lors d’une étude de terrain) du Comité de rédaction du Ministère de la culture (Bunka­chô 住住住) (s.d.) ; et comportant cette fois onze catégories. La voici :

I. Les vêtements, la nourriture et l’habitat (i 住, shoku 住, jû 住)

1. Les vêtements ;

2. La nourriture ;

3. L’habitat ;

II. La production et les métiers (seisan 住住, seigyô 住住)

1. L’agriculture (nôkô 住住) ;

2. Les bucherons (yama­kikori 住住) ;

3. La pêche (gyorô 住住) ;

4. La chasse (shuryô 住住) ;

5. L’élevage des vers à soie (yôsan 住住) ;

6. L’élevage (chikusan 住住) ;

7. La teinturerie et le tissage (senshoku 住住) ;

8. Les arts et métiers manuels (shukô 住住) ;

9. Les autres métiers (shoshoku 住住) ;

III. Les transports de personnes et de biens et les communications (kôtsû 住住, un’yu 住住, tsûshin 住住)

IV. Le commerce (kôeki 住住) V. La vie quotidienne en société (shakai seikatsu 住住住住)

VI. La foi (shinkô 住住)

VII. Les connaissances populaires (minZoku chishiki 住住住住)

VIII. Les arts populaires du spectacle, les loisirs et les jeux (minZoku geinô 住住住住, goraku 住住, yûgi 住住)

IX. La vie humaine (hito no isshô 住住住住)

X. Les évènements périodiques du calendrier lunaire (nenchû gyôji 住住住住) ;

XI. La transmission orale (kôtô denshô 住住住住)417.

Comme on le voit, les catégories et les sous­catégories sont plus cohérentes et l’on pourrait encore les réunir en groupes plus vastes : les objets ; les métiers ; l’immatériel (la foi, la transmission orale etc.).

Pas encore totalement satisfait, MIYAMOTO fournit alors sa classification des mingu (et non plus des thèmes ethnographiques qui apparaissent dans les rouleaux peints) qui comporte maintenant vingt catégories, à la japonaise :

1. Les outils de la pêche et de la chasse (gyoryô yôgu 住住住住) ;

2. Les outils de l’élevage (chikusan yôgu 住住住住) ;

3. Les outils de l’élevage des vers à soie (yôsan yôgu 住住住住) ;

4. Les outils de l’agriculture (nôkô yôgu 住住住住) ;

5. Les outils de la transformation des céréales et du traitement des aliments (dakkoku chôsei 住住住住 , shokuryô kakô yôgu 住住住住住住) ;

6. Les ustensiles de cuisson (ni­yaki­mushi yôgu 住住住住住) ;

7. Les ustensiles de la préparation et de la présentation des aliments (shokuryô chôri 住住住住, shoku­yôgu 住 住住) ;

8. Les récipients et emballages (yôki 住住, hôsô yôgu 住住住住) ;

9. Les transports et les outils de communication (umpan 住住, kôtsû yôgu 住住住住) ;

10. Les éléments mobiles de la maison (jû­yôgu 住住住) ;

11. Les ustensiles pour s’éclairer et se chauffer (tomoshibi 住住, dambô yôgu 住住住住) ;

12. L’habillement (chaku­yôgu 住住住) ;

13. Les produits de beauté (yôshi yôgu 住住住住) ;

14. Les outils du filage et du tissage (bôshoku­hen­yôgu 住住住住住) ;

15. Les outils pour couper et trancher (kiritatsu yôgu 住住住住) ;

16. Les outils pour fabriquer (kakô yôgu 住住住住) ;

417 Mingugaku no teishô, p. 163­164. 17. Les outils de mesure (keisoku yôgu 住住住住) ;

18. Les instruments de transmission de la volonté [=les inscriptions écrites ou dessinées aussi bien que les tambours ou les signaux de fumée] (ishi dentatsu yôgu 住住住住住住) ;

19. Les jouets, les jeux et les ustensiles de divertissement (omocha 住住, yûgi 住住, goraku yôgu 住住住住) ;

20. Les ustensiles de la foi et de la magie (shinkô 住住, jujutsu yôgu 住住住住)418.

Dans cette liste, on pourrait distinguer trois grands groupes selon les étapes du processus économique :

1. Les outils de la production ;

2. Les outils du traitement et les transports ;

3. Les outils de la consommation (les produits finis).

Avec en annexe la question des étranges « instruments de transmission de la volonté ». Il convient de ne pas confondre ce concept avec celui de la « volonté des objets », qui semble être propre à MIYAMOTO. Les « instruments de transmission de la volonté » se rapprochent le plus souvent de la simple transmission d’un message au moyen d’un texte écrit ou dessiné : simple dessin ou narration dessinée à la manière d’une bande dessinée (c’est le cas des rouleaux peints). Le signal auditif (tambour, cor de chasse) ou visuel (signaux de fumée, voire messages de fumée des Indiens d’Amérique), est toutefois également pris en compte.

Dans un autre ouvrage, postérieur, Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsu­shi (La vie quotidienne passée en revue d’après ce que l’on observe dans les rouleaux peints) (1981)419, MIYAMOTO donne dans sa table des matières treize catégories pour classer les motifs qui ornent les rouleaux peints :

1. Les joyeux Japonais (yôki na Nihonjin 住住住住住住) ;

2. La vie (jinsei 住住) ;

3. L’agriculture (nôkô 住住) ;

4. Les humains et les animaux (ningen to dôbutsu 住住住住住) ;

5. La vie au bord de la mer (umi no seikatsu 住住住住) ;

6. Les maîtres artisans et leurs outils (kôshô to mingu 住住住住住) ;

7. Le voyage et le commerce (tabi to kôeki 住住住住) ;

8. La vie quotidienne des guerriers (bushi no seikatsu 住住住住住) ;

9. L’habitat (jûkyo 住住) ;

10. Le feu et la vie quotidienne (hi to seikatsu 住住住住) ;

418 Mingugaku no teishô, p. 168 et s.. 419 Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsu­shi 「「「「「「「「「「「「「「「, Tôkyô, Chûô kôron shinsha, 1ère éd. 1981, rééd. 2003 ; 225 p.. 11. L’habillement (i­seikatsu 住住住) ;

12. L’alimentation et la vie quotidienne (inshoku to seikatsu 住住住住住) ;

13. La foi et la vie quotidienne (shinkô to seikatsu 住住住住住).

Aucun ordre particulier ne semble régir cette liste. Peut­être s’agissait­il au contraire de mélanger les thèmes le plus possible pour permettre une lecture distrayante, à moins que les catégories n’aient été que les titres des chapitres et non une proposition de classification.

La question de la datation et de l’Histoire des mingu

Si la minZokugaku est parfois appelée par certains une « Histoire sans périodes » (« nendai no nai rekishigaku » 「「「「「「「「「「 420), cela n’empêche pas les mingu d’avoir une Histoire globalement reconstituable. MIYAMOTO écrit :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「421 (« Les mingu sont nombreux dont on peut mettre en lumière les périodes. Même si l’origine n’est pas claire, il est fréquent que l’époque de leur diffusion et les chemins qu’elle a empruntés soient établis. »)

Les mingu, en retrouvant une Histoire, retrouvent aussi une raison d’être et gagnent une certaine légitimité à être étudiés, alors que les savants japonais les avaient plutôt dédaignés jusque là (nous reviendrons plus loin sur le rôle de l’Histoire dans l’œuvre miyamotienne).

Le patrimoine populaire étant loin de se limiter aux seuls mingu, abordons maintenant la question des biens « immeubles » et de l’architecture.

- b. Les biens immeubles et l’architecture

En 1968, MIYAMOTO rédige la première des deux parties de Nihonjin no sumai (L’habitat des Japonais) (posth., 2007). Il souhaitait faire de cet ouvrage inachevé422 un volume de Nihon minshû­shi (Histoire du peuple du Japon)423, très justement sous­titré « Ikiru ba no katachi to sono hensen 「「「「「「「「「 「「「「「「 (« Formes des lieux de vie et leurs mutations ») qui s’est arrêté au septième volume. C’est dire l’importance qu’il accordait à l’architecture comme partie du patrimoine et révélateur des modes de vie de ses concepteurs, bâtisseurs et utilisateurs (ainsi que de leurs transformations).

420 Mingugaku no teishô, p. 96. 421 Mingugaku no teishô, p. 96. 422 On soulignera le soin avec lequel TAMURA Zenjirô s’est chargé de cette première édition complète, richement illustrée de dessins de MIYAMOTO et de photographies en majeure partie de YUEKAWAJIMA Chûji 「「「「「. Nihonjin no sumai, Tôkyô, Nôbun­kyô 「「「, 2007, 162 p.. 423 Cf. la bibliographie pour le détail des volumes de cette œuvre. Cet ouvrage (orné de nombreuses photographies d’archives), est aujourd’hui encore un des seuls à recenser des styles architecturaux populaires à présent presque entièrement disparus et témoigne d’une diversité régionale elle aussi en voie d’extinction dans l’indifférence générale. Pour MIYAMOTO, l’étude de l’habitat, là encore, ne consiste pas seulement à recenser et à décrire : il cherche aussi à comprendre la raison d’être des choses, donc l’utilisation qui était faite des habitations, ainsi que les méthodes de transmission des techniques pratiquées par les artisans à l’origine des constructions étudiées.

Parmi les nombreuses questions qu’il soulève, on pourrait citer celle de la différence entre les immeubles laïcs et les immeubles à fonction religieuse (temples, hokora 住), ainsi que celle des habitats destinés à telle ou telle population (grandes fermes à plusieurs bâtiments ou habitat provisoire des populations nomades Sanka). Par suite, il est conduit à s’intéresser aux différences architecturales en fonction de la région, de l’origine ou de la classe sociale présente.

Prenons l’exemple des tate­ana jûkyo 宮 宮 宮 宮 (habitations à fondations souterraines) des populations appelées Tsuchigumo 住住住住 [住住住] (cf. plus bas chap. IV, A/, 2), b.). MIYAMOTO a retrouvé de vieux rouleaux illustrés (cf. gravure et photo424) ainsi que des textes décrivant ces maisons dont le toit très pentu partait du sol alors que le fond était creusé dans la terre, les fenêtres donnant au niveau du sol, le tout sans pilier. Bien que rectangulaire, ce type de construction ne pouvait donc posséder que deux

424 Il s’agit d’une reconstitution à partir des ruines de Toro 「「「「 dans le département de Shizuoka. (Photo Shizuoka kyôiku iinkai). façades, triangulaires de surcroît sur lesquelles étaient peints des motifs semblables à des cibles de tir à l’arc, et dont on ignore la fonction : simple décoration, repère visuel afin de rendre l’habitation visible de loin, ou rôle de talisman ? Bref, à voir la maison et son habitant hirsute représentés sur la gravure, on comprend pourquoi ces populations ont été surnommées « tsuchigumo » (araignées de terres) et leur habitation « tateana jûkyo » (littéralement « habitations en trou vertical »), surtout quand on sait que la moitié des gens qui les surnommaient ainsi habitaient au contraire des maisons au plancher surélevé par rapport au sol, dites yukazumai 住 住 住 住 (habitation à plancher), particularité héritée des maisons des îles du sud asiatique (Indonésie notamment, cf. 1ère photo) et présente également au Vietnam (cf. 2ème photo).

Plus encore que l’opposition que l’on peut faire entre tateana jûkyo (peu répandue et disparue depuis plusieurs siècles à l’époque de MIYAMOTO) et yukazumai, c’est celle entre yukazumai et domazumai 住住住住住 (habitation au sol en terre battue) qui intéresse MIYAMOTO comme préambule indispensable à son étude de l’habitat japonais traditionnel. Il part d’une remarque : les temples et les demeures de la famille impériale (miya 住 [住住]*) tout comme celles de la noblesse sont tous de construction yukazumai. Serait­ce parce que l’on considère que ce type de construction doit être réservé aux personnes d’un rang supérieur ? Non, répond­il, car on ne peut ignorer que de prestigieux temples comme le Hôryû­ji 住住住 (Temple de la tradition de la Loi [bouddhique]) (construit en 607), le Yakushi­ji 住住住 (Temple du guérisseur) (construit en 730), le Tô­daiji 住住住 (Grand temple oriental) (fondé en 745) et le Tô­shôdai­ji 住住住住 (Temple du dortoir de moines des Táng) (bâti en 759) sont de type domazumai. Les statues du bouddha y figurent sur une estrade (shumi­dan 住住住) posée sur le sol. Les deux types de construction ont coexisté à égalité pendant des siècles et la tendance distinctive semble être plus géographique qu’autre chose. Dans le sud c’est le yukazumai qui domine (comme c’est le cas dans les pays chauds et humides dont il est originaire), alors que dans le nord, c’est le domazumai. Il existait même autrefois dans la région de l’actuel département de Kumamoto 住住住 des maisons d’un type mixte qui mélangeait les deux styles et dont MIYAMOTO put voir un exemplaire en 1946425. Cette demeure était celle d’un gôshi 住住, ou guerrier paysan (proche de nos chevaliers paysans que le Lac de Paladru a rendus célèbres),

425 Nihonjin no sumai, Ière partie, chap. I, p. 12­13. personnage de rang intermédiaire entre le paysan (住住 hyakushô) et le guerrier (住住 bushi). On trouve effectivement des maisons possédant deux ailes, l’une réservée à l’habitation (pièce avec des nattes, le zashiki 住住), le plus souvent surélevée et appelée moya 住住 [住住] (maison mère) et une réservée aux travaux domestique (cuisine et atelier) appelée kamaya 住住住 [住住] (maison au four). Le domazumai étant plus pratique pour l’artisanat et les travaux divers de la ferme, il est normal que les demeures des nobles de Cour en soient souvent dépourvues. MIYAMOTO rappelle aussi que le mot niwa 住 住 , qui signifie aujourd’hui « jardin » [ 住 ] désignait aussi autrefois l’espace du doma utilisé effectivement pour un travail manuel. Ainsi les maisons des nobles étaient­elles dépourvues de « niwa », bien qu’elles fussent agrémentées de jardins. Bref, la distinction entre domazumai et yukazumai ne trouve donc pas sa source dans l’idéologie, mais dans la façon concrète d’utiliser les pièces, d’où très vite le mélange des deux styles, avec domination (en termes de superficie) du yukazumai. Aujourd’hui, le domazumai tel qu’il était autrefois n’existe plus, cependant ne pourrait­on pas en trouver une survivance symbolique dans le genkan 住住 (l’entrée), si petit soit­il, des maisons et appartements contemporains ? En effet, il est surbaissé par rapport au niveau du sol du reste de l’habitat) et on a souvent fait remarquer qu’il marque l’entre­deux qui sépare symboliquement le monde de l’intérieur (uchi 住住 [住]), propre et confortable (où l’on se déchausse) et l’extérieur (soto 住住 [住]), salissant, où l’on conserve ses chaussures. Il ne faut pas oublier non plus que de nombreuses fermes ne possédaient pas d’écurie et que le cheval demeurait dans la maison aux côtés des humains dans une pièce semi­ouverte de type domazumai. En règle générale, la maison wajin, par opposition à la maison tsuchigumo (donc la tate­ ana jûkyo) ou aïnou (sol en terre, vaste genkan qui sert de sas thermique, murs épais et petites fenêtres), est une maison très ouverte sur l’extérieur, « ouverte aux quatre vents » ou le toit est soutenu par des piliers et des poutres sans que les murs jouent un grand rôle. Ils peuvent d’ailleurs être de superficie fort réduite, laissant de grandes surfaces aux cloisons mobiles.

MIYAMOTO remarque que l’habitat est ce qui change le plus lentement dans une culture 426, et force est de lui donner raison. En effet, bien que les matériaux nouveaux succèdent aux anciens (pour des raisons autant pratiques – rapidité, résistance – qu’économiques) et que la technologie permette des aménagements de confort, ils mettent incontestablement plus de temps à être adoptés que la majeure partie des autres changements (alimentaires, musicaux et vestimentaires par exemple). De plus, certains éléments demeurent, alors même que leur raison d’être a disparu, ainsi du genkan surbaissé ou des grandes fenêtres coulissantes n’assurant aucune isolation thermique. MIYAMOTO, de son vivant, a assisté à la transformation architecturale majeure au Japon depuis l’introduction du yukazumai : le passage d’une maison ouverte (kaihô­teki 住住住) laissant passer les courants d’air, à une maison fermée (heisa­teki 住住住) dont la température est régulée par la climatisation (l’électricité). Et cette fermeture se traduit aussi par la disparition de l’espace de sociabilité intermédiaire entre l’intérieur et l’extérieur :

426 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (3), p. 189 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979). l’engawa 住住 (sorte de véranda ou de plate­forme en coursive qui suit un mur long donnant sur le jardin. Cf. photo de MIYAMOTO). L’ethnographe raconte que grâce à cet espace transitoire, il a pu entrer en contact avec de nombreuses personnes en s’immisçant dans les conversations qui s’y tenaient427.

La disparition progressive des tatami 住 (dont la généralisation au peuple est tardive (Meiji)428) n’est, à notre sens, peut­être pas d’une importance aussi grande429 : les Japonais continuent de s’asseoir par terre, que ce soit sur des tatami, des nattes mobiles (komo 住, mi 住 ou mushiro 住) ou un tapis (en fibre végétales, go­za 住住 [住住] ou à l’occidentale, jûtan 住住, kâpetto 住住住住住), et c’est bien là, pour MIYAMOTO, la donnée essentielle concernant le rapport des Japonais à l’habitat430. Ce qui demeure aussi et surtout, c’est le rapport à la température : le chaud est combattu par tous les moyens (moyen ancien : les courants d’air et l’ombre ; moyens modernes : la climatisation) alors que le froid, dont on valorise ceux qui le supportent stoïquement, n’est pas traité de manière globale (le chauffage au sol existe depuis l’Antiquité en Chine et il commence tout juste à être adopté par la bourgeoisie japonaise). Par ailleurs, les escaliers et les paliers des immeubles, systématiquement extérieurs, montrent la conception japonaise de l’intérieur et de l’extérieur. En France, ce qui compte, c’est la résolution d’un problème (le froid), et tous les moyens sont bons. Le pallier est donc intérieur à la maison, ce qui permet d’isoler du froid et du chaud extérieurs et des intempéries. Au Japon, seul l’appartement est « l’intérieur », et le pallier comme l’escalier sont des éléments certes indispensables, mais qui, bien qu’il s’agisse de parties communes, constituent « l’extérieur », aussi ne se soucie­t­on guère d’en

427 Nihonjin no sumai, Ière partie, (9) « Kieteyuku engawa » 「「「「「「「「「 (« L’engawa en train de disparaître »), p. 32. 428 Auparavant, les tatami, tout comme les tuiles (kawara 「), étaient réservés à la noblesse, le peuple devant de contenter des mi, mushiro et komo. L’empereur Meiji, rappelons­le, abolit les privilèges et décréta l’égalité entre tous les sujets de l’Empire. Nihonjin no sumai, Ière partie, (4) « Kawara yane no shutsugen »「「「「「「「「(« Apparition des toitures en tuiles »), p. 21 et (7) « Suwaru shûkan to tatami »「「「「「 「「「「(« Façons coutumières de s’asseoir et tatami »), p. 28. 429 Pour MIYAMOTO, avec la disparition de l’irori 「「「 [「「「] (foyer central du salon), disparaissaient des formes de sociabilités intergénérationnelles : assis autour du feu, tous âges confondus, on écoutait les histoires des plus âgés. La télévision, sans avoir pris la place géographique de l’irori, a attiré à elle l’attention des membres de la famille et les conversations ont moins de suivi. 430 Nihonjin no sumai, Ière partie, (7) « Suwaru shûkan to tatami », p. 27. soigner l’aspect (cages d’escalier en béton ou en fer rajoutées au bâti), le confort, parfois même la sécurité. C’est ainsi que les portes des appartements, en métal, laissent passer l’air froid qui bat les balcons japonais et que les murs sont toujours aussi fins et non isolés.

Sans même avoir accédé au confort occidental, les Japonais ont d’eux­mêmes renoncé à un certain « confort social », voire à une certaine chaleur humaine, que MIYAMOTO résume ainsi :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« L’habitat­même est fermé et il n’y a pas [plus] cette ouverture du genre de celle des maisons d’agriculteurs [d’autrefois]. De plus, cela commence à fermer le cœur de ceux qui y grandissent ».)

MIYAMOTO va plus loin et émet l’hypothèse que le phénomène des enfants inadaptés dans les écoles, qui se retirent dans leurs pensées (hikkomi shian no kodomo 住住住住住住住住住), serait dû à deux causes : d’une part le déracinement régional de leurs parents (le père salaryman ayant quitté sa campagne pour travailler dans le tertiaire dans la grande ville), d’où leur manque de repères et un déficit d’autochtonie et d’autre part le fait d’habiter dans des HLM (danchi 住住431) (cf. photo de MIYAMOTO) qui cumulent les handicaps (surconcentration humaine, absence des éléments traditionnels de la maison favorisant la sociabilié : engawa, irori ; absence de confort dans un espace réduit)432. Même s’il s’efforce de ne pas être trop pessimiste, MIYAMOTO ne peut s’empêcher de considérer que ces « villes dortoirs » (beddotaun 住住住住住住) que constituent les banlieues japonaises en train de se construire à toute allure dans les années soixante433 n’augurent pas grand chose de bon, et notamment que la proximité de toutes ces familles ne crée par forcément de cohésion sociale, ni de « désir de vivre ensemble ».

431 Notons que les danchi japonais bénéficient d’un confort bien moindre que celui de nos HLM français pour les raison que nous avons cité plus haut, les pire inconvénients étant les paliers extérieurs, l’absence d’isolation thermique, de volets et de chauffage. 432 Nihonjin no sumai, Ière partie, (11) « Sengo shakai to danchi »「「「「「「「「「(« La société d’après­guerre et les HLM »), p. 38. 433 Rappelons que ce texte, écrit en 1968, est étonnamment visionnaire. Peut­être MIYAMOTO est­il le seul auteur à ne pas participer à la ferveur collective pour les nouveaux habitats d’après­guerre pour des raisons sociologiques (et non pas nationalistes). En bref, le patrimoine matériel qui nous renvoie à la culture (donc à l’Histoire), ne saurait par conséquent être absent des éléments constitutifs de la construction identitaire.

II (Chapitre IV) : La naissance d’une nouvelle Nihonjin­ron : celle de la contextualisation

Dans le premier chapitre de MinZokugaku he no michi (dont nous avons dit qu’il servait, en quelque sorte, d’introduction à toute son œuvre), MIYAMOTO propose une nouvelle définition, particulièrement éclairante quant à sa démarche, de la minZokugaku434 :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「435 (« La « minZokugaku » est [I, 1°] l’enregistrement de la répétition des paroles et des actes (la vie quotidienne coutumière) qui étaient les moyens de transmission de cultures produites au sein de sociétés autrefois sans écriture et [2°], se basant là­dessus, [elle est également] ce qui cherche à étudier les sources des formes primitives, les types de cultures et les fonctions ; cependant, les sociétés sans écritures étant à présent en train de disparaître, on peut dire que c’est [II aussi] la science qui étudie les cultures qui ont été conservées jusqu’à maintenant par les coutumes (shûkan) au sein de sociétés ayant des traditions (dentô) de sociétés sans écritures ».)

Cette définition est intéressante à plus d’un titre. D’abord, elle est double, ensuite, elle se dédouble dans son premier objet. Une définition « à la française » dans sa présentation pourrait se formuler ainsi en synthétisant celle de MIYAMOTO : c’est une ethnographie (« enregistrement ») et une ethnologie historique des origines avec analyse des types et fonctions et, dans un deuxième temps chronologique tout autant qu’épistémologique, une recherche sur les cultures présentes en tant qu’elles reprennent ces éléments passés des sociétés sans écriture.

On peut voir dans cette définition un reliquat évolutionniste (de la non écriture à l’écriture) propre à l’ethnologie traditionnelle quoique dénué du moindre aspect péjoratif ou de sentiment de supériorité. Tout au contraire pourrait­on noter parfois chez MIYAMOTO une tendance à surestimer (voire idéaliser) la culture antérieure (celle des sociétés sans écriture).

L’Histoire est donc présente au sein même de la minZokugaku, comme composante essentielle, et il n’est pas une œuvre où MIYAMOTO n’en fasse plus ou moins usage (A), jusqu’à ce qu’elle soit enfin

434 Pour plus de clarté, nous introduisons une numérotation. 435 MinZokugaku he no michi, chap. I « Nihon minZokugaku no mokuteki to hôhô »「「「「「「「「「「「「「(« Buts et méthodes de la minZokugaku japonaise »), OM 1, p. 15. portée à son point de plus optimale utilisation dans son livre ultime (à tous les sens du terme) : Nihon bunka no keisei (La Formation des cultures du Japon). De cet ouvrage naîtra un renouveau dans les Nihonjin­ron 住 住 住 住 (études sur la « japonité ») de plus en plus reconnu dans le milieu des minZokugakusha autant que dans celui des Nihonjin­ron, et qui témoigne aussi de l’intérêt de MIYAMOTO pour les groupes humains divers qui composent la société japonaise (B).

A/ Les origines du peuple japonais et l’Histoire au sein de la minZokugaku

1) l’Histoire, une composante à part entière de la minZokugaku ­ Rôle de l’Histoire comme lien décisif pour donner de la cohérence à l’ensemble ; L’Histoire fait partie intégrante de la minZokugaku et en constitue même la colonne vertébrale. En effet, c’est l’Histoire qui permet la recherche des points de départ des phénomènes que l’ethnographe observe, même si elle n’y parvient pas toujours. C’est elle qui est en mesure de dire si le discours explicatif que peuvent être amenés à produire les sujets étudiés (le cas échéant sur sollicitation de l’ethnographe) reflète la réalité ou n’est qu’une reconstruction volontairement mensongère ou involontairement erronée, faute de support de transmission ou suite à un malentendu voire à un manque d’information.

Souvent, le minZokugakusha se trouve être de fait le substitut sans rival de l’historien, plus occupé par les champs « traditionnels » de sa discipline, à l’exception bien sûr de l’Ecole d’AMINO. Ainsi l’Histoire du sel, celle de la patate douce ou celle des montreurs de singe est­elle le fait du seul MIYAMOTO. Ses continuateurs ont poursuivi son travail avec l’étude de l’Histoire dans ses « marges », toujours pour appuyer leurs recherches sur des phénomènes bien présents.

On est en droit de voir un grand progrès dans cette contextualisation historico­géographique des identités japonaises (car elles sont diverses et mouvantes). MIYAMOTO avait lui aussi lu The Chrysanthemum and the Sword (Le Chrysanthème et le sabre) de Ruth BENEDICT et en admirait certains points, toutefois il sentait bien les limites de l’ouvrage, dues en partie au contexte de sa réalisation (ouvrage de commande en période de guerre auprès d’une anthropologue ne connaissant pas le japonais et dans l’impossibilité de se rendre sur place). Cet ouvrage a en effet tendance à parler de Japonais homogènes et atemporels, au caractère immuable et à la solidarité indéfectible. Comme le souligne l’anthropologue Jennifer ROBERTSON :

« In most recent years, the Japanese social critic and philisopher Tamotsu Aoki (1990) has suggested that The Crysanthemum and the Sword “helped invent a new tradition for postwar Japan” (see also Doak 1996). Benedict’s homogenizing and timeless portrait of “the Japanese” added momentum to the growing interest in “ethnic nationalism” in Japan, evident in the hundreds of ethnocentric nihonjinron – treatises on Japaneseness – published since the postwar period. »436 (« Ces dernières années, le critique social et philosophe japonais AOKI Tamotsu (1990) suggéra que Le Chrysanthème et le sabre « avait aidé à inventer une nouvelle tradition pour le Japon d’après­ guerre » (cf. aussi Doak 1996). Le portrait homogène et atemporel que fait BENEDICT « des Japonais » apporta un élan à l’intérêt grandissant au Japon pour le « nationalisme ethnique », manifeste dans les centaines de Nihonjin­ron – traités de la japonité – ethnocentriques publiés depuis la période de l’après­guerre »)437

Rappelons que MIYAMOTO, mort en 1981, avait pu voir depuis les années 1970 la naissance d’une Nihonjin­ron qui « relevait la tête », encouragée par la réussite économique internationale des groupes industriels japonais. C’est l’époque où les néo­nationalistes commençaient à parler d’un « Japon qui peut dire nom » (ISHIHARA Shintarô).

ROBERTSON poursuit :

« despite criticisms of Benedict’s failure to discriminate among historical developments and “differing institutionel contexts of data” (Benedict and Nagai 1953:408), Japanese culture critics were especially interested in her attempt to portray the whole or total structure (zentai kôzô) of Japanese – a goal which, Benett and Nagai note, had been “common enough in certain branches of Japanese humanitistic studies” (1953:406). In short, Benedict’s bricolage – her totalizing ensemble of fragments – reinforced and was reinforced by similar efforts on the part of her Japanese counterparts, for whom the widest and thickest line of difference has been drawn between a unique Japan and the rest of the world (basically, “the West”) as if both entitie were internally coherent ».438 (« malgré les critiques de l’échec de BENEDICT à discerner entre les développements historiques et « différents contextes institutionnels de données » (Benedict et Nagai 1953 : 408), les critiques de la culture japonaise étaient particulièrement intéressés par sa tentative de portraiturer la structure complète ou totale (zentai kôzô) des Japonais – un but qui, ainsi que le notent BENETT et NAGA’I,

436 Le texte continue ainsi : "As I have argued elsezhere (Robertson 1997, 1998), the obsession today in Japan with cultural distinction mirrors a similar obsession with internationalization; in fact, the two obsessions can be understood as enantiomorphic: that is, the same impulse the other way around”. (op. cit., p. 7) (« Ainsi que nous l’avons soulevé ailleurs (Robertson 1997, 1998), l’obsession aujourd’hui au Japon de la distinction culturelle reflète une obsession similaire de l’internationalisation : en fait, ces deux obsessions peuvent être entendues comme énantiomorphiques, c’est à dire relevant d’une même impulsion des deux côtés ».) 437 ROBERTSON Jennifer (dir.), A Companion to the Anthropology of Japan, Oxford, Blackzell Publishing, 2005, 501 p., “Putting and Keeping Japan in Anthropology” (« Mettre et garder le Japon dans l’anthropologie »), p. 7. 438 ROBERTSON Jennifer (dir.), A Companion to the Anthropology of Japan, p. 7. avait été suffisamment commun dans certaines branches des études japonaises en sciences humaines (1953 : 406). En bref, le bricolage de BENEDICT – son ensemble totalisant de fragments – renforça et fut renforcé par des efforts similaires de la part de ses homologues japonais, pour qui la ligne de différence la plus large et épaisse a été tracée entre un Japon unique et le reste du monde (en gros, « l’Occident ») comme si les deux entités étaient intrinsèquement cohérentes ».)

Cet extrait montre bien que la généralisation visant « les Japonais » intemporels s’est poursuivie après BENEDICT aussi bien à l’étranger qu’au Japon, au sein de « certaines branches des études japonaises en sciences humaines ». Pour MIYAMOTO, pas plus le Japon (et surtout pas les Japonais) que le reste du monde ne sont uniformes, ni dans l’espace, ni dans le temps. Plutôt que de raisonner en termes de pays et de nations, il préfère les unités plus petites, souvent mobiles, et s’intéresse aux populations qui les composent, où qu’elles soient, même si elles trouvent leur origine à l’étranger comme nous le verrons plus loin. Pour lui, un des meilleurs moyens de connaître ces mouvements et ces transformations géographiques humaines est d’étudier l’Histoire des toponymes.

­ L’Histoire des toponymes et leur étymologie. Comme nous le disions plus haut (1ère partie, chap. 1er), MIYAMOTO reçut de YANAGITA un enseignement touchant l’étymologie des toponymes439. Après MIYAMOTO, des auteurs comme son continuateur TANIGAWA Ken’ichi440 ou le cartographe et topographe NAKAHIRA Ryûjirô reprendront ses recherches sur les toponymes et leur étymologie et confirmeront nombre des hypothèses avancées par MIYAMOTO, notamment la primauté du phonétique sur l’idéographique dans l’étymologie du toponyme, les ateji* étant les plus nombreux. Ceux­ci masquent en effet, et souvent à dessein, une étymologie coréenne « dérangeante », notamment lorsqu’elle concerne des lieux proches de la Cour impériale441. Or quel meilleur moyen de supprimer ces mots que de les écrire en ateji, dont le sens fait oublier l’origine ? A moins, tout simplement, de les supprimer par des fusions (gappei 住住) de communes, comme c’est le cas actuellement.

Les étymologies de noms d’objets ou d’évènement sont aussi l’occasion de soins systématiques dès la première occurrence du nom en question, qu’il s’agisse d’un objet tangible, d’une pratique, d’un art ou d’un concept. Voici quelques exemples d’étymologies présentées par MIYAMOTO. Prenons pour commencer le cas du mot « hata 住住 » : MIYAMOTO le distingue tout d’abord de hatake 住, les deux kanji étant considérés à tort comme interchangeables et de même lecture dans le langage courant à cause de leur sens aujourd’hui identique. C’est un mot très ancien dont la présence est attestés dans 439 L’ouvrage de YANAGITA, Chimei no kenkyû 「「「「「「「 (Recherches toponymiques) (Shôwa X (1935)), fait figure de classique, avec des textes dont le plus ancien date de 1926. 440 Notamment dans son recueil d’essais MinZoku.chimei soshite Nihon 「「「「「「「「「「「「 (Folklore, toponymes et Japon), Tôkyô, Dôseisha, 1989, rééd. 1999, 254 p.. 441 Une théorie, à notre sens plus que vraisemblable, explique que Nara 「「 (l’ancienne capitale du Japon) est écrit avec des ateji (un nom de plante, na (du chinois nài) et « bien », ra (du chinois liáng)) et vient en réalité du coréen nara 「「 (pays), ce qui fait davantage sens, Nara étant une ville d’importance symbolique majeure. plusieurs écrits de l’Antiquité. Comme aujourd’hui, le mot désigne des champs (住) qui ne sont pas des rizières (ta 住 ou suiden 住住), mais distincts des hatake en cela qu’ils étaient compatibles avec la culture sur brûlis (yakibata 住住), car moins fertiles. Ils deviendront ensuite des champs fixes, jôbata 住住 [住住], alors que les yakibata continueront de ne pas l’être. Au départ, hata coexistait avec des termes comme sashi 住住 et sasu 住住 dans l’est et koba 住住 dans l’ouest442. Il fut ensuite donné comme nom à une famille (un clan) coréenne venue du continent, les QÍN 住, d’origine chinoise, qui succédaient aux Zhōu 住. Le roi QÍN Yungthong 住住住[住住住], surnommé Yudzuki no Kimi 住住住 (Sire du croissant de lune), fut le premier à s’établir en Corée et à faire le voyage au Japon pour rencontrer l’empereur Ôjin 住住 住住 (première moitié du Vème siècle). Ses descendants qui vinrent s’installer au Japon furent renommés « HATA », (outre parce que la prononciation de leur nom d’origine est difficile à reproduire par une bouche japonaise), parce qu’il amenaient avec eux des techniques agricoles performantes et modernes. C’étaient bien des shidôsha 住住住 (des guides formateurs). On suppose que la culture des vers à dont ils furent les initiateurs au Japon, ainsi que de précieux vêtements dont ils firent cadeau à l’empereur – ce qui fut de leur part fort inspiré car l’empereur se montra des plus généreux en retour443 – furent à l’origine du fait qu’on appela le métier à tisser « hata » 住 444. Par la suite, les HATA, très féconds, fournirent de nombreux notables au Japon et on ne compte plus les toponymes qui comportent la racine « hata »445.

Comme on peut le constater, même si les idéogrammes chinois sont différents pour écrire 1/ le champ, 2/ un nom de famille et 3/ le métier à tisser, il s’agit bien d’une même racine. Et l’étude d’un simple mot nous aura fait voyager de la Cour impériale aux champs brûlés en passant par la Chine pour finir par étudier l’Histoire de l’élevage des vers à soie.

Parallèlement à ces traces involontaires, les transmetteurs lettrés, notamment les écrivains voyageurs que nous évoquions plus haut, ont laissé des écrits et parfois même des dessins qui fournissent de précieux renseignements à l’ethnographe­historien. Lorsque les écrits émanent des religieux, il peuvent évoquer non seulement les cérémonies et événements qui rythment la vie quotidienne, mais aussi les instruments du culte ou encore les comportement du peuple qu’il s’agit d’instruire (façon de s’asseoir, processions etc.). L’étude des rouleaux peints (emakimono 住住住)446 en est un bon exemple. (cf. gravure représentant des moines et des laïcs devant des hashira taimatsu 住住住 (flambeaux en colonne)). Le minZokugakusha, s’il n’est pas (uniquement) historien, n’hésite cependant pas à consulter ce genre de documents.

442 Nihon bunka no keisei, tome I, IV (conférence du 2 novembre 1979), (2), p. 234. 443 Et ordonna qu’on répande cette activité dans son pays. Nihon bunka no keisei, tome I, IV (conférence du 2 novembre 1979), (2), p. 232 éd. Soshiete. 444 Nihon bunka no keisei, tome I, IV (conférence du 2 novembre 1979), (2), p. 233 éd. Soshiete. 445 Nihon bunka no keisei, tome I, IV (conférence du 2 novembre 1979), (2), p. 242 éd. Soshiete. 446 Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsu­shi, 1980. Enfin, il est un point à noter dans la méthodologie historique de MIYAMOTO, c’est la prudence et la défiance envers les théories reçues :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「447 (« Les ‘théories reçues’ sont des superstitions, et non de réelles théories scientifiques. Si elle se laisse ficeler avec des théories admises, la science va stagner ».)

La participation à des colloques ou symposiums était d’ailleurs pour lui un bon moyen de confronter rationnellement théorie et recherche de la plus grande probabilité, voire de la vérité.

Ces considérations sur l’Histoire nous amènent à présent, et tout naturellement à nous interroger sur les choix de MIYAMOTO en la matière. En effet, plutôt que de prétendre fournir une Histoire de la Nation japonaise (si tant est que ce concept soit la réalité), MIYAMOTO s’attache à chercher quels processus historiques sont à l’œuvre dans l’apparition, la transformation et la disparition des différents groupes humains qui composent la société japonaise, et plus principalement ceux n’appartenant pas à la noblesse urbaine ou à la noblesse de Cour.

2) l’Histoire du peuple japonais et des groupes qui le constituent) : Comme nous l’avons dit précédemment, Nihon bunka no keisei (La formation des cultures du Japon) constitue le pivot de la réflexion historique de MIYAMOTO. Avant de se pencher sur le fond de cette étude qui tient, pour des raisons biographiques, une place à part dans son œuvre, revenons d’abord sur sa genèse. En 1979 et 1980, MIYAMOTO prononça au Nihon kankô bunka kenkyûjo 「「「「「「「「「 (Institut de recherches sur les cultures du tourisme au Japon) une série de conférences déterminantes qui représentent à la fois un tournant dans sa pensée et une innovation majeure apportée à la discipline. Reprenant le contenu de ces conférences, il prépare alors un monumental essai prévu en vingt volumes (à raison d’un volume par an448), essai qu’il veut offrir au monde comme son grand œuvre449, et le point culminant de ses recherches. Il s’agit ni plus ni moins que de plonger au sources du peuple 447 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. IX (conférence du 5 juin 1980), questions, p. 186 éd. Chikuma gakugei bunko. japonais, à la recherche tout autant de son identité que de ses racines. Malheureusement, la maladie vient frapper MIYAMOTO une dernière fois. Sans se décourager, il emporte son manuscrit avec lui à l’hôpital. La mort le surprend alors qu’il vient de terminer une ébauche du livre. Devant l’importance du texte, l’éditeur Soshiete (maison d’édition éphémère) demande à YONEYAMA Yoshinao 「「「「 (1930­2006), un disciple spécialiste d’anthropologie culturelle, de se charger de le mettre en forme pour le publier, TAMURA Zenjirô assurant la postface. YONEYAMA se borne à terminer les phrases incomplètes mais ne touche pas à la structure ni ne coupe ou rajoute quoi que ce soit au texte. Celui­ci fait donc suite aux conférences avec lesquelles il forme une sorte de tout foisonnant mais étonnamment cohérent, la transcription des conférences d’après enregistrement fournissant la matière des deux premiers volumes et l’essai constituant le troisième dit ikô 「 「 (brouillon posthume). La dernière conférence, que MIYAMOTO n’aura pas eu le temps de donner au Nihon kankô bunka kenkyûjo, devait porter sur les travailleurs de la mer, pêcheurs et autres ama. YONEYAMA Yoshinao retrouve alors les enregistrement d’une conférence donnée par MIYAMOTO en 1977 à l’université d’Ehimé ayant justement pour thème le monde de la mer, et plus précisément « Seto naikai bunka no keifu » 「「「「「「「「「「「 (« Les filiations de la culture de la Mer intérieure de Seto »). YONEYAMA la transcrit donc, et lorsque MIYAMOTO évoque un point qui mérite développement, la question des ama (ou kaijin), YONEYAMA retrouve un passage d’un texte de MIYAMOTO, « Ama monogatari » 「「「「「「「「「450 (« Récits des gens de la mer ») qui vient préciser les choses. Le livre est publié assez vite, en 1981, l’année même de la mort de MIYAMOTO. En 1984, Chikuma shobô sort dans sa collection de poche Bungei bunko une édition revue et corrigée du livre par TAMURA Zenjirô et KADZUKI Yôichirô. C’est aujourd’hui encore l’édition de référence pour les conférences (tomes 1 et 2). Quant à l’essai, il a été réédité à part dans une version presque identique à la précédente, avec de légères précisions, chez Kôdansha gakujutsu bunko (référence actuelle pour le tome 3). Malheureusement, les éditions Soshiete ont fait faillite très vite et l’édition Chikuma de Nihon bunka no keisei, épuisée, n’a pas été rééditée.451

448 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 27. L’enquête de terrain aurait porté sur cent lieux, explorés chacun en cinq jours, soit au total 2000 jours de travail terrain. 449「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 ……「 (« Et quand j’aurai fini, devenant comme une mue de cigale, je mourrai… ») Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 27. 450 Ce texte aujourd’hui introuvable figura d’abord dans un ouvrage de photographies de NAKAMURA Yoshinobu 「「「「, Nihon no ama「「「「「「「(Les pêcheuses plongeuses du Japon), puis fut republié en volume séparé sous le titre d’Ama「「「「(Marin kikaku hakkô 「「「「「「「, 1978). 451 Les deux éditions étant quasiment impossibles à trouver, même chez les meilleurs bouquinistes de la capitale (aucun exemplaire dans tout Kanda 「「 en 2007), il faut se tourner soit vers les sites de ventes sur Internet, soit vers les bibliothèques pour en obtenir un exemplaire. Seul le tome 3 est donc aujourd’hui disponible à la vente. Toutefois, nous supposons qu’il n’est pas impossible que Miraisha, l’éditeur des Œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi, en rachète les droits pour publier l’ouvrage dans lesdites Œuvres, ce qui sauverait les conférences de l’oubli et les porterait à la connaissance du public d’aujourd’hui. Le propos de Nihon bunka no keisei est le suivant : il s’agit, à partir d’une rénovation de la minZokugaku par l’incorporation des travaux des disciplines connexes que sont l’archéologie, l’Histoire, l’ethnologie extérieure et l’Histoire de la langue, de remonter aux sources du peuple japonais pour mieux en comprendre la psychologie et les cultures, car on doit en parler au pluriel en français, même si la langue japonaise ignore presque le nombre. Outre le contenu du livre, c’est d’ailleurs l’ancien titre du projet qui nous donne une clé pour aller dans le sens du pluriel que nous proposons : Higashi to nishi no kataru Nihon no rekishi 住住住住住住住住住住住住住 (L’Histoire du Japon racontée par l’Est et l’Ouest)452.

Quant à la structure même de l’ouvrage, malgré l’inachèvement du projet initial, elle n’en est pas moins fort révélatrice de la pensée de MIYAMOTO dans la dernière partie de sa vie. L’essai comprend trois chapitres. Ils évoquent : « les gens qui habitaient l’archipel du Japon » (Nihon rettô ni sunda hitobito 住住住住住住住住住住住), « le caractère océanique qui s’observe dans les cultures du Japon » (Nihon bunka ni miru kaiyô­teki seikaku 住住住住住住住住住住住住) et « les origines et le développement du travail des champs au Japon » (Nihon ni okeru hata­saku no kigen to hatten 住住住住住住住住住住住住住住 ). Ces trois chapitres révèlent toute la diversité de l’approche de la minZokugaku selon MIYAMOTO : géo­historique dans le premier, historico­psychologique de groupe dans le second et agro­historique dans le troisième. Les trois sont intimement liés et pourraient être présentés dans n’importe quel ordre sans grand changement pour le propos.

Nous parlerons tout d’abord de l’Histoire des céréales (a), qui fait le lien avec ce que nous évoquions dans le chapitre précédent (l’Histoire et l’identité), puis nous évoquerons le volet humain de sa présentation (b).

- a. Les origines des céréales et des autres aliments

Avant tout, rappelons que YANAGITA considérait que la naissance la culture japonaise suivait de près l’introduction de la riziculture sur l’archipel. Il était suivi en cela par l’anthropologue culturel ISHIDA Eiichirô 「「「「「 (1903­1968) qui datait de l’époque de Yayoi 「「「「 (v. ­2300 ou –2400 à –1700) la naissance de la culture japonaise453.

MIYAMOTO choisit dans son essai de partir à la recherche des céréales préhistoriques et antiques, à l’aides des découvertes les plus récentes de l’archéologie et de l’archéo­agronomie de son temps dont

452 Nihon bunka no keisei, éd. Soshiete, t. III, Postface de TAMURA Zenjirô, p. 207. 453 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (1), p. 46 éd. Chikuma gakugei bunko. il opère la synthèse, entreprise inédite à cette époque454. En effet, si des traces de céréales, voire des graines entières peuvent se retrouver en assez grande quantité dans des vestiges de ce qui pouvait être des silos à grains ou des greniers, on en constate aussi la présence dans les ruines de maisons elle­ mêmes, dans les murs en torchis (shikkui 住住) lequel est constitué de paille et de terre, et dans le chaume des toits. Ce dernier peut en effet être de paille (warabuki 住住住) ou de pâturin (kayabuki 住住住). De même, le riz servait aussi parfois à colmater les fissures dans les briques des murs455.

La datation au carbone 14 des fragments en question permet de retracer la route des personnes qui les ont cultivés et d’esquisser, grâce aux céréales, une Histoire des déplacements humains.

MIYAMOTO rejoint sur un point son prédécesseurs YANGITA et son contemporain ISHIDA : les céréales, sont liées non seulement aux déplacements, mais aussi à la culture sous tous ses aspects. Etudier la nourriture, c’est une clé pour étudier l’homme. Ainsi explique­t­il que la plupart Japonais ont la « mémoire courte » : Ils ne savent plus ce que mangeaient leurs ancêtres et croient que, de tout temps, on a mangé du riz. Or les recherches de MIYAMOTO montrent clairement que si la riziculture a été accompagnée d’une nouvelle culture (=civilisation), cela ne veut pas dire que toute la population s’est mise à manger du riz à tous les repas. Longtemps, le riz fut réservé aux plus riches, ou tout au moins aux membres d’une classe privilégiée. Le peuple consommait, à titre d’aliment de base, d’autres céréales comme l’awa 住住 [住] (qui permettait deux récoltes par an) ou le hie 住住 [住] (toutes deux des sortes de millet), des tubercules (patate douce de type yama­imo 住住住住 [住住], naga­imo 住住住住 [住住] etc., du konnyaku 住住住住住 [住住] sous forme de gélatine), des aubergines (nasu 住住 [住住]) etc.… ou même du blé (komugi 住住住 [住住]), sous forme de nouilles. MIYAMOTO fournit quelques chiffres456 : au Japon, en 1903, on cultivait 240 000 ha d’awa sur 2 500 000 à 3 000 000 d’ha de terres cultivées au plus, soit près de 10 %, ce qui est un assez gros chiffre. Pendant la guerre, le gouvernement encourage autoritairement la production de Satsuma imo 住住住住住 [住住住] (sorte de patate douce), et malgré les efforts des agriculteurs, on n’atteint que les 170 000 ha pour finir en 1946 par 120 000 ha. En 1978, le hie représente 100 000 ha. Ces chiffres montrent la baisse constante de la surface occupée par les céréales autres que le riz ou le blé et la rapidité avec laquelle des siècles de traditions agricoles peuvent être effacés pour des raisons d’opportunité.

Ainsi, aux chercheurs qui s’étonnaient de l’introduction de telle plante à tel endroit, par exemple l’ito­ bashô 住住住住住住 [住住住] (le bananier à fils) d’Okinawa à Takarajima, MIYAMOTO, allant dans le sens de

454 Notamment les recherches de SASAKI Takaaki 「「「「「 (sur les champs), d’ Takeo 「「「「 (sur l’origine de l’agriculture), de YAMAGUCHI Sadao 「「「「 et SASAKI Gen’ichirô 「「「「「「 (sur la géograhie) ou encore YAMAGUCHI ’ichirô 「「「「「 (sur les cultures sur brûlis dans le nord­est) ; cf. Nihon bunka no keisei, t. 3, chap. III, 1, p. 108. 455 Nihon bunka no keisei, t. I, conférence du 6 juillet 1979, (2) p. 37 éd. Soshiete. 456 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (1) « Konsai shokubutsu to zakkoku to Nihon bunka » 「「「「「「「「「「「「「「 (« Tubercules et céréales autres que le riz et le blé, et culture japonaise »), p. 60. NAKAO Sasuke 住住住住 et de sa théorie des « cultures (住 civilisations) des forêts de grands arbres à feuillage persistant » (shôyô jurin bunka 住住住住住住), explique ce que l’adage juridique résume avec une admirable concision457 : « l’accessoire suit le principal ». Ce qui signifie que la production de biens nécessaires à la riziculture (ou la facilitant) suit généralement cette dernière lorsqu’elle est introduite ailleurs. Dans notre exemple, l’ito­bashô, avec ses fibres extrêmement résistantes, permet la fabrication de vêtements de travail que l’on peut porter longtemps sans craindre de les abîmer. Le fait d’amener l’accessoire concomitamment avec le principal est ce que MIYAMOTO appelle un setto 住住 住458 (un ensemble, un tout en un) ou une kombi 住住住459 (une combinaison indivisible). Les personnes qui apportent (les introducteurs) la technique de base (le principal) ne sauraient se passer de ce qui l’accompagne (l’accessoire) d’une part parce qu’ils y sont « culturellement » habitués, d’autre part parce que la pratique accessoire a sa « raison d’être ». D’autres exemples pourraient être donnés, notamment les techniques de fabrications d’alcools accompagnant l’arrivée de certaines variétés de céréales. Ainsi en est­il du tambachan (orthographe incertaine) venu d’Inde (Sikkim) avec le kôji 住住住 [住] (riz malté) et donnant, avec très peu de modifications, le tsubuzake 住住 (« alcool de grains ») puis, par suite, le kayuzake 住住 (« alcool en gruau ») qui se fabrique avec du Shikokubie (cf. plus haut), du blé et/ou du soja460.

Parallèlement à l’apport volontaire des accessoires par l’homme, MIYAMOTO tient aussi à attirer l’attention sur les plantes plus ou moins parasites qui vivent nécessairement à proximité des céréales. Il les désigne sous le terme de zassô 住住 (qui dans le langage courant désigne une « mauvaise herbe » mais prend ici un sens plus restreint) et il les distingue justement des « vraies » mauvaises herbes, yasô 住住, qui poussent qu’il y ait des céréales ou non, de préférence dans une plaine (d’où leur nom, « herbes de plaine »). C’est ainsi, par exemple, le cas du hakobe 住住住 [住住] (plante de la famille des œillets) qui ne pousse que dans les champs de céréales461.

Cette culture alimentaire a donné à certaines régions des identités très fortes qui se sont beaucoup estompées depuis la fin de la seconde Guerre mondiale avec l’uniformisation des pratiques alimentaires, due en partie à la multiplication des chaînes de distribution proposant les mêmes produits et la hausse du niveau de vie, permettant de remplacer l’aliment de base par du riz, meilleur au goût. Au départ, un écart était même fortement marqué entre la konsai nôgyô 住住住住 (agriculture des tubercules

457 Certes dans un autre contexte, mais la concordance ici est totale ! 458 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2) « Nôkô no okeru minami to kita ‘bunka no fukugô’ » 「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Le ‘complexe (/composé) culturel’ sud­nord dans l’agriculture »), p. 109. 459 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 113. 460 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 110­111. 461 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 116. et des bananes) au Sud et la shushi nôgyô 住 住 住 住 (agriculture des grain(e)s) à l’Ouest462. D’après MIYAMOTO, et contrairement cette fois­ci à NAKAO Sasuke, la culture des grains ne serait pas venue par la route de la soie, mais par le nord, la Sibérie, avec l’introduction du seigle en Mandchourie, puis au nord de la péninsule coréenne (à Puyŏ 「「 [住住], capitale du Paikch’é)463. Il en serait allé de même, à peu de choses près, pour le blé464 et le chanvre465.

Il est intéressant de noter qu’il existe en japonais un terme regroupant toutes les céréales, à l’exception des deux ingrédients principaux de la cuisine en Asie orientale et au Japon en particulier : le riz et le blé (avec lequel on fabrique les nouilles) : zakkoku 住住, qui signifie « céréales diverses Notons que le mot date de l’époque pré­moderne (kinsei 住住, soit Azuchi­Momoyama [1568­1600])466.

MIYAMOTO en profite pour battre en brèche un préjugé fermement ancré, celui la prétendue infériorité culturelle des Aïnous dans la préhistoire. On les croit essentiellement chasseurs. C’est faux : ils étaient chasseurs, certes, mais essentiellement agriculteurs et cultivaient l’awa, le hie et même le sarrasin (ce dernier dès l’époque de la culture Satsumon467). L’awa était révéré comme un dieu et le hie comme une déesse. Par ailleurs, des fouilles contemporaines de l’ethnographe ont mis à jour du Morokoshi kibi 住住住住住住 [住住] (sorte de sorgho ou de millet) à Nemuro 住住, Hokkaidô, dans des ruines de l’époque Jômon468. La thèse selon laquelle toutes les céréales seraient venues du sud uniquement ne tient donc plus. Il y a bien sûr aussi une introduction d’awa par le sud selon deux origines : 1/ par Taiwan et le royaume des Ryûkyû, 2/ par la Corée, depuis la Chine469. Mais il faut désormais ajouter la route du nord.

MIYAMOTO note qu’en arrivant à Hokkaidô pour y faire une conférence, il observe chez les habitants une sorte de complexe, du fait de leur résidence dans un territoire depuis longtemps

462 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 113 et s.. 463 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 114. 464 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 116. 465 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 117. MIYAMOTO estime que le chanvre a commencé à être cultivé au Japon dès l’époque Jômon* alors que le blé est arrivé plus tardivement. 466 Seisen Nihon minZoku jiten 「「「「「「「「「「「 (Dictionnaire raisonné du folklore du Japon), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan, 2006, 692 p., article « Zakkoku », p. 225. 467 La culture Satsumon (Satsumon bunka 「「「「) : culture qui se développa à Hokkaidô chez les Aïnous après Jômon parallèlement à la culture wajin des époques de Nara et Heian et qui précède la culture aïnoue prémoderne (kinsei ainu bunka 「「「「「「「). Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, (2), p. 125 éd. Chikuma gakujutsu bunko. 468 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (2) « Kita no bunka beruto »「「「「「「「「「 (« Ceinture culturelle du Nord »), p. 70. 469 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (1) « Konsai shokubutsu to zakkoku to Nihon bunka », p. 65. considéré comme « en retard » sur le reste du pays. Il les détrompe par l’explication ci­dessus, et constate avec joie que le complexe disparaît. La honte s’est changée en fierté470.

L’ethnographe est loin de ne s’intéresser qu’au Japon, à la Chine et la Corée. Son voyage au Kenya et en Tanzanie, qui n’avait pas donné lieu, à l’époque, à un écrit d’érudition mais à un simple « reportage », lui permet dans ses conférences de faire la remarque suivante : on cultive le Shikokubie 住住住住住 [住住住] (le hie de Shikoku) sur le Mont Appo près d’Arroucha en Tanzanie. Le lieu d’origine du Shikokubie est bien l’Afrique et c’est une des céréales les plus transplantées et répandues du monde471. Se pose donc la question de la route empruntée pour en permettre l’implantation au Japon. Le Shikokubie (ou en tout cas le millet) part d’Afrique orientale. De là, il est introduit en Inde 2000 ans avant J.C. Le début de l’agriculture des céréales en Afrique remonte encore plus loin.

Toujours à la recherche de l’origine des choses, MIYAMOTO va même enfin jusqu’à s’interroger sur l’origine du mot awa. L’hypothèse d’une racine commune avec le mot indonésien dawa avait de quoi séduire, mais elle est réfutée par OOBAYASHI Taryô 住住住住. En effet, autrefois, awa s’écrivait aha 住住 et se prononçait « apa 住 住 ». Plus rien de commun alors avec dawa. MIYAMOTO ne trouvera hélas jamais la réponse à cette question.

Etudier cette culture alimentaire et ses origines amène, comme on le voit, à s’interroger tout naturellement sur ceux qui sont à l’origine de son introduction et de sa production.

- b L’aspect humain

Par une multitude de faisceaux d’exemples, MIYAMOTO trace peu à peu un portrait des Japonais, ou plus précisément des habitants de ce qui est l’actuel archipel du Japon, en remontant progressivement dans le temps, qu’il s’agisse des ancêtres des Japonais de façon générale ou de catégories de populations spécifiques comme les sanka ou les ama, par exemple.

­ L’Histoire des peuples et les mouvements de population. Parler de Japonais est déjà ambigu. Qu’entend­on en effet par là ? Les habitants actuels de l’archipel ? Doit­on y inclure ceux qui l’ont quitté, les expatriés ? Par le passé, les choses se compliquent encore : tous les habitants de l’archipel du Japon tel qu’il est officiellement reconnu par l’ONU peuvent­ils être considérés comme véritablement Japonais ? Les Ainous du XIXème siècle, par exemple, étaient­ils Japonais ? Oui et non. Oui, d’après eux, sans être Wajin 住住472, l’ethnie dominante de l’archipel. Non, pour les Wajin pour qui

470 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), questions, p. 136 éd. Chikuma gakugei bunko. 471 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (1) « Konsai shokubutsu to zakkoku to Nihon bunka », p. 58. 472 Rappelons que Wajin signifie par les caractères chinois « gens harmonieux », Wa, l’harmonie, désignant le premier royaume­Etat du Japon, nommé Yamato (écrit avec les caractères de « grande l’ethnie wajin est la seule à mériter le nom de Japonais. Reste à déterminer les conditions de l’appartenance à l’ethnie wajin… Car celle­ci telle qu’elle est constituée aujourd’hui est déjà le fruit de métissages dont l’origine n’est pas encore complètement établie scientifiquement. YANAGITA tenait ferme à l’idée selon laquelle les Japonais viendraient du Nord. MIYAMOTO pensait qu’ils venaient du nord et du sud. Aujourd’hui, les recherches les plus récentes tendent à montrer une multitude de flux venant de tous côtés et étalées sur plusieurs périodes. Sans rentrer dans des questions morphologiques ou physiologiques que nous ne saurions traiter avec la compétence requise473, nous nous bornerons à relever par exemple que certains traits culturels des Japonais se retrouvent dans la culture inuit (la valorisation de la résistance physique au froid, réputé « bon pour la santé », l’habitude de « la moquerie » (à l’égard des personnes présentes) voire de l’ijime 住住住 [住住] (persécution d’un bouc émissaire). Certains mots étrangement similaires comme o­kayu 住住住 [住住] (gruau de riz) et kayok etc.), alors que d’autres (l’habitat notamment) rappellent les peuples du sud (mélano­polynésiens pour ce qui est de l’habitat474). Les recherches menées actuellement par Fabienne MIZOKUCHI 住 住 de l’Université de Rikkyô soulèvent toutes ces questions475.

­ Les Tsuchigumo, les Ezo, Emishi… Le premier mot à ouvrir l’essai posthume de MIYAMOTO est Ebisu 住住住 [住], mot polysémique qui désigne de façon péjorative différents peuples ayant la principale harmonie » 「「 mais mot d’origine japonaise signifiant d’après le Daigenkai 「「「「「 d’OOTSUKI Fumihiko « porte de la montagne » yama 「「 [「] to 「 [「]). MIYAMOTO interprète le –to 「 de Yamato comme relié à tokoro 「「「 [「] (lieu) (Nihon bunka no keisei, t. I, chap. I, (3) « Seifuku ôchô to saishi ôchô »「「「「「「「「「「「(Cour conquérante et Cour officiante »), p. 55 éd. Soshiete (conférence du 6 juillet 1979). 「Parallèlement, le nom des habitants, Wajin, vient du mot homophone 「「 Wajin, du chinois Wōrén ou Wēirén (gens de Wō ou de Wēi), pays dont le nom signifie « petits hommes au dos courbe ». L’emplacement du Yamato est encore discuté aujourd’hui. Une école le situe autour de Nara dans le Kansai ou Kinki, une autre au Nord de Kyûshû (des fouilles récentes y ont fait apparaître de nombreux vestiges de bâtiments assez évolués d’influence continentale), une troisième en Corée. Certains chercheurs l’assimilent au Yamatai­koku 「「「「, d’autres non qui voient dans ce dernier un autre pays. 473 Ainsi par exemple MIYAMOTO relevait­il un étrange point commun entre les actuels Japonais et「 「 les Péruviens : la présence très fréquente de tâches bleues aux fesses (o­shiri no aoi aza 「「「「「「「). Cf. Nihon bunka no keisei, t. I, chap. I, (1), p. 30 éd. Soshiete (conférence du 6 juillet 1979). 474 Le Japon est un des rares pays du monde à avoir un habitat a priori inadapté à son climat et aux contraintes environnementales : fenêtres trop grandes très rarement pourvues de volets dans un pays aux étés chauds, absence de chauffage central dans un pays aux hivers rigoureux (à de rares exceptions près à Hokkaidô et dans le Tôhoku), fenêtres à flanc de mur non protégées des traînées de pluie, murs fins, escaliers extérieurs et absence d’isolation thermique, ce qu’aggrave l’utilisation de fenêtres coulissantes qui ne sont pas du tout isolantes. Ainsi, la consommation d’électricité allouée à la régulation de la température (climatiseur l’été, chauffage électrique l’hiver) est­elle la plus élevée du monde. La maison traditionnelle japonaise, venue du sud, était adaptée à l’été, mais pas du tout à l’hiver. L’habitat actuel (apâto (appartement économique), manshon (appartement de standing) et maison individuelle) semble n’être adapté ni à l’un, ni à l’autre. Cf. aussi le chapitre précédent, B/ 2). 475 Pour l’aspect comparatif des langues, on se repportera avec profit aux ouvrages d’OONO Susumu 「 「「 comme Nihongo no keitô「「「「「「「「(La filiation du japonais) ou Nihongo no kigen「「「「「「「「(Les origines du japonais), Tôkyô, Iwanami shinsho, Shôwa XXXII (1957), rééd. Shôwa XLIX (1974) caractéristique commune d’avoir résidé dans le Nord de l’archipel en zone rurale. Il relie le nom d’Ebisu à Ezo 住住 [住住 ] et Emishi 住住住 [住住 ], qui s’écrivent de façon identique en sinogrammes mais différemment en caractères japonais. Dès cet incipit, MIYAMOTO fait un intéressant rapprochement : Emishi fut aussi le nom personnel476 d’un certain SOGA no Emishi 住住住住 :

、、、、、 、、、、、、、、、、 、、、、、、、、、 「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« SOGA no Emishi, chef du clan des SOGA à Asuka dans le Yamato, possédait une grande puissance ; en l’an 645 de notre ère, il fut attaqué par le Prince de NAKANOOE et NAKATOMI no Katamari et se suicida dans sa résidence, mais jusque là il possédait la plus grande puissance du Yamato. Pourquoi diable cet homme était il prénommé Emishi ? »)

MIYAMOTO fait ensuite une seconde découverte tout aussi troublante :

、、、、、、、 、、、、、、、、、 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Dans la famille des SOGA, il y a une autre personne nommée Emishi. C’est SOGA Toyura no Emishi et chez lui, Emishi s’écrit « 住 住 » (Homme poilu). Parmi ceux qui écrivent leur nom avec « Homme poilu », on trouve SAEKI no Ima­Emishi. Cet homme accomplit des prouesses à l’occasion de la construction de la capitale de Heian477 On trouve également ONO no Emishi parmi ceux qui laissèrent une épitaphe. Tous étaient des gens à position élevée et le fait de s’appeler Emishi (écrit Ezo ou Homme poilu) n’était nullement une appellation méprisante. Je me demande si au début ce n’était pas plutôt des gens qui étaient regardés avec un sentiment de crainte révérencielle. N’était­ce pas qu’à l’origine les habitants de ce territoire étaient très poilus ? Et n’était­ce pas non plus que les personnes du genre à avoir une épaisse pilosité étaient vigoureux, forts, craints et respectés par un grand nombre de gens, et jouissaient de leur confiance ? »)

476 Le « prénom » des Japonais, en fait un « post­nom ». 477 La Capitale de Heian (Heian­kyô) désigne Kyôto. Elle succède à Heijô­kyô (la Capitale de la cité paisible), Nara. Ces Emishi sont donc à distinguer des peuples venus ensuite sur l’archipel, par l’Ouest, depuis la Corée. MIYAMOTO s’interroge sur ceux que l’on appellera les Wajin 住住 (cf. plus haut et note). Avec les précautions d’usage, il formule l’hypothèse, bien étayée par la recherche archéologique, que les Wajin (cf. gravure478), future ethnie dominante de l’archipel du Japon, descendraient d’habitants du pays de Yuè 住 (dans la Chine actuelle) – dont un frère jumeau, au Sud comme son nom l’indique, Yuè­ nán 住 住 , allait devenir le Viet­nam479 – ayant fui la guerre avec le royaume de Wú 住 480. Toutefois, MIYAMOTO tient à préciser que les Wajin d’il y a deux­mille ans ne sont pas les Wajin de son temps, ni même ceux de l’époque d’Edo. MIYAMOTO montre très bien d’ailleurs les incessants flux de personnes, et même les diasporas qui ont traversé le Japon, y sont arrivés ou en sont partis.

C’est dans le Sud de la péninsule coréenne, cependant, que les Wajin ont développé leurs caractéristiques culturelles : poterie raffinée, tatouages élaborés etc.. Avec ces Wajin, c’est rien de moins que la riziculture, et tout ce qu’elle véhicule de techniques, de modes de travail et donc de vie, qui pénétrai(en)t dans l’archipel. Au départ, le « pays » (« kuni 住 ») wajin comprenait le Sud de l’actuelle Corée, mais très vite il s’étendit au Nord de l’île de Kyûshû. C’était une sorte de colonie de

478 La gravure représente un serviteur Wajin. 479 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. I, (2), p. 39 éd. Soshiete (conférence du 6 juillet 1979). 480 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. II, (5), p. 118 éd. Soshiete (conférence du 7 septembre 1979). peuplement dans une zone vraisemblablement plus (pas ?) ou peu peuplée. L’ensemble, dont le détroit de Corée coupait à la fois ce « pays » en deux et en formait le centre symbolique, était culturellement et linguistiquement homogène481. Les déplacements d’une moitié à l’autre et vers les îles de Tsushima 住住 et Cheju­dô 住住住 s’effectuaient sur des sortes de radeaux évolués (ikadabune 住住) dont quelques rares exemplaires y ont été retrouvés, ce qui est d’autant plus surprenant que les radeaux, par nature, ne laissent pas de traces une fois que les cordes qui les liaient ont été détruites. En outre, les radeaux, faciles à construire et entièrement recyclables (matériaux de construction ou le plus souvent bois pour se chauffer), permettaient de transporter des bêtes, car ils étaient souvent assez larges482. Le voyage d’étude de MIYAMOTO à Cheju­dô et surtout en Chine lui donnera l’occasion d’observer des formes contemporaines de ces radeaux.

Lorsqu’on étudie la question des Wajin, on ne peut faire l’impasse sur celle du Yamato et du Yamatai. Pour Miyamoto, il semble très probable que le Yamato et le Yamatai aient constitué le même royaume483. Les sinogrammes utilisés pour écrire Yamatai 住住住 sont des ateji (des caractères utilisés pour transcrire phonétiquement un mot) et ceux utilisés pour écrire Yamato sont l’idéogramme de Wa 住 pour l’ancienne orthographe et deux idéogrammes pour la nouvelle 住住 signifiant comme nous l’avons dit plus haut « Grande harmonie ». Lorsqu’on écrit le mot en alphabet latin ou en caractères japonais (kana), la ressemblance est évidente : Yamatai 住住住住 semble être une déformation purement phonétique de Yamato 住住住. Les opinions des spécialistes sont encore divisées aujourd’hui sur ces questions. Si Yamato et Yamatai semblent être la même chose, les pays de Wa et de Yamato étaient bien deux entités distinctes484. Plus précisément, leurs racines sont les mêmes, mais les Wajin seraient à l’origine des Yuèrén (gens de Yuè) de petite taille, d’où leur sobriquet « Wēirén 住住 » (« petits hommes au dos courbe »)485.

Au cours de son exposé, MIYAMOTO en vient aussi à traiter la question des kiba minzoku 住 住 住 住 (ethnies cavalières)486 encore discutée aujourd’hui487. Contrairement à ce qu’en disent certains auteurs, ils sont bien venus au Japon (à l’époque de l’empereur Sujin 住 住 住 住 – milieu du IVème siècle488),

481 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. I, (2), p. 42 éd. Soshiete (conférence du 6 juillet 1979). 482 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe : « Seto naikai bunka no keifu »「「「「「「「「「「「(« La lignée de la culture de la Mer intérieure de Seto »), p. 262­263 éd. Chikuma gakugei bunko. 483 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. II, (5), p. 126 éd. Soshiete (conférence du 7 septembre 1979). 484 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. II, (5), p. 129 éd. Soshiete (conférence du 7 septembre 1979). 485 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (1), p. 154­155 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979). 486 Pour un aperçu synthétique de la question, cf. EGAMI Namio 「「「「, Kiba minzoku kokka : Nihon kodai­shi he no apurôchi「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (L’Etat des ethnies cavalières : Approche tendant à une Histoire antique du Japon), Tôkyô, Chûkô shinsho, n°147, Shôwa XLII (1967), plusieurs fois rééd.. 487 En France, Philippe PELLETIER (Japon – Crise d’une autre modernité, Paris, Belin, Coll. Asie plurielle, 2003, 208 p., p. 13 et s.) y souscrit sans toutefois en exagérer l’importance, tout comme MIYAMOTO. 488 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (3), p. 189 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979). seulement leur nombre était très faible : entre un millier489 et une dizaine de milliers d’hommes490. Cela expliquerait la faible présence du cheval dans la culture japonaise et la quasi­absence de chevaux de grande taille jusqu’aux échanges avec les Européens. Apparus au Nord de la Chine à l’époque des Qín 住, époque où l’on commence à bâtir la Grande muraille, ils gagnent rapidement en puissance. Wŭ­dì 住住 (­141, ­156 ~ ­87) (empereur de l’époque des Hàn antérieurs) décide d’envoyer à leur poursuite des « alliés » des Chinois non­Hàn, les Xiōngnú 住住 (Funnu ou Kyôdo en japonais), préalablement soumis. Ces Xiōngnú seraient selon MIYAMOTO les ancêtres des Finlandais491. Ce qui fera la différence entre les cavaliers et leurs poursuivants, ce sont les chevaux, des purs­sans arabes, que ne possèdent pas encore les peuples du nord comme les Xiōngnú, les Qīang 住 ou les Dĭ 住.

Quelles qu’aient été leurs intentions (la fuite ou la conquête) vis­à­vis de l’archipel, ils étaient obligés de faire appel aux Wajin pour franchir la mer, ne possédant pas d’embarcations suffisamment grandes et solides pour leur expédition ni une grande expertise des voyages en mer. Peu nombreux mais bien équipés (armes et armures), ils se déplacèrent vers le Nord. MIYAMOTO compare d’ailleurs leur efficacité à celle de PIZARRO (v. 1475­1541) parvenu à écraser l’empire inca avec très peu d’hommes en comparaison, grâce en grande partie à son armement et à l’usage de leurs chevaux, plus grands et résistants que ceux de leurs adversaires. C’est ainsi que ces cavaliers arrivés par la Corée écrasent violemment les populations de Honshû de type Jômon­jin (Aïnous, Hayatos, Tsuchigumos), permettant de fait de faciliter, sinon une unification dans l’archipel, du moins l’homogénéisation culturelle. Alors que ces populations autochtones avaient un habitat de type tate­ana jûkyo* (habitation à fondations surbaissées), les hommes du continent habitaient des maisons construites de plain­pied (domazumai*)492. Ils apportent avec eux de nouveaux objets et pratiques du continent, mais c’est surtout après leur installation que d’autres immigrés viendront s’installer sur l’archipel, mais cette fois­ce, ce seront des artisans et des commerçants.

Revenons à présent aux Aïnous dont nous parlions plus haut : MIYAMOTO remet leur culture agricole à la place qu’elle devrait occuper et leur suppose des origines qui expliqueraient leur avance dans ce domaine à cette époque ancienne. S’appuyant sur le Wèi­zhì 住住住住 (Notes sur les Wèi) (IIIème s.) de CHÉN Shòu 住住 (233­297)493, chapitre sur les peuples du Nord, et sur le Jiù­Táng­shū 住住住住住 (Ancien livre des Táng ou Livre des anciens Táng) (945) de LIÚ Xū 住住 (887­946), il découvre un « pays », ou plutôt une ethnie, de culture élaborée, les Sùshèn 住住, située à l’est de la Mandchourie. 489 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (3), p. 189 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979). 490 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (3), p. 187 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979). 491 MIYAMOTO émet l’hypothèse que le Fun­ de Funnu aurait donné Fin­ (Fin­landais), celui­ci ayant une racine altaïque. Nihon bunka no keisei, t. II, IX, (2), p. 154 éd. Chikuma gakugei bunko (conférence du 5 juin 1980). 492 Cf. chap. 3, B/, 2), b. 493 Ce livre revient fréquemment, cité comme source majeure, dans les livres de MIYAMOTO, et en particulier dans Nihon bunka no keisei. 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住494

(« On dit qu’à l’est également on trouvait un pays possédant le même genre de culture. J’ai beau y réfléchir, je ne peux que penser à Karafuto (=Sakhaline)495 et Hokkaidô. Ainsi, n’est­il pas [vraisemblable] qu’apparaissait déjà à cette époque, celle des cours du Sud et du Nord des Wèijìn (Wèijìn nánbĕi­zhāo) [220­589] suivant l’époque des Hàn [­202 à 220], au Sud­Est de la Sibérie (Enkai­shû), ce qu’on appellerait une immense zone culturelle à l’agriculture stabilisée (antei nôkô bunka chitai) ».)

Quelle est la raison d’un tel phénomène ? Elle tient à la présence d’animaux que l’on peut pêcher et chasser (notamment des rennes, d’où toute la culture (ou le folklore) qui s’y rapporte). De plus, la situation géographique rendait les échanges plus pratiques en hiver grâce aux déplacements en traîneau. Pour résumer, on peut dire que MIYAMOTO relie ainsi la culture aïnoue à celle du continent et lui donne un prestige qu’elle n’avait jamais eue jusqu’alors au Japon. Il est conscient qu’une telle prise de position n’ira pas sans poser de nouvelles questions496 et qu’elle suppose aussi, par conséquent, une nouvelle réflexion sur toute la période Jômon497. De la même façon, avec son étude de l’origine des céréales, il avait mis en lumière la route du Nord partant de Sibérie, par laquelle céréales, pratiques et populations avaient pu pénétrer dans l’archipel.

Le mythe du peuple unique écorné. Nous pourrions encore fournir de nombreux exemples, mais on perçoit déjà que par cette étude, MIYAMOTO écorne ainsi le mythe officiel d’une origine unique du peuple japonais, qu’elle vienne du Nord ou du Sud. En réalité, les afflux de populations proviendraient donc de multiples points, parfois au même moment, parfois à des époques différentes. Et MIYAMOTO le dit aussi :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「498 (« Ces gens n’ont pas constitué des mouvement de foule pour ensuite traverser la mer ; je pense qu’il faudrait considérer qu’ils sont arrivés petit à petit, à des occasions renouvelées ».)

Et MIYAMOTO de conclure que sans ces immigrés, le pays serait resté dans un état de sous­ développement fermé (« mikai no katachi 住住住住住住 »).

494 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VII, (2) « Kita no bunka beruto », p. 73 éd. Chikuma gakugei bunko (conférence du 7 mars 1980). 495 Un des territoires du Nord annexés par la Russie pendant la Seconde Guerre mondiale. Karafuto est le nom japonais de Sakhaline. 496 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, (2), p. 123 éd. Chikuma gakujutsu bunko (conférence du 3 avril 1980). 497 L’ethnologie miyamotienne rejoint ici la façon de procéder d’André LEROI­GOURHAN, considérant comme nécessaire l’étude couplée de la préhistoire et de l’ethnologie. 498 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. V, (1), p. 261 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979). Lorsqu’on sait que les manuels scolaires officiels d’aujourd’hui commencent en guise d’introduction par une longue présentation des mythes shintô de création figurant dans le Kojiki (Chronique des faits anciens) (une chronique historico­mythologique « officielle » destinée à légitimer la lignée impériale par une ascendance « kamique »), on comprend que le positionnement de MIYAMOTO garde aujourd’hui encore toute sa force et son originalité.

Cette Histoire du Japon et de ses populations disparues ne pouvait que révéler des correspondances avec des groupes humains du Japon contemporain, (même si ces groupes étaient sur le point de disparaître, en tant que groupes, lorsque MIYAMOTO les étudia) ; c’est donc à eux qu’il convient maintenant de s’intéresser.

B/ L’étude des groupes au présent

L’étude de l’Histoire des groupes était le préalable nécessaire à l’étude de ces mêmes groupes au présent. Ce fut d’ailleurs un des plus beaux pans du travail de sauvetage ethnographique réalisé par MIYAMOTO : les matagi 「「「 (cf. gravure), les sanka 「「「, les voyageurs, les Aïnous, les burakumin 「「「 etc. ont ainsi trouvé un fervent défenseur de leur culture, et, ce qui est encore plus remarquable, il ont été traités avec une parfaite égalité par l’ethnographe.

Nul avant MIYAMOTO, à notre connaissance, n’avait fourni une étude spécifique et globale des matagi et des sanka fondée sur un travail de terrain systématique. Aujourd’hui, les efforts de MIYAMOTO paraissent couronnés de succès, car à présent plusieurs chercheurs reprennent cette étude et les descendants de ces populations utilisent parfois même ses ouvrages pour retrouver une information perdue. L’étude des matagi, ces populations de chasseurs (kariudo 「「 ) pêcheurs (en rivière) du nord de Honshû (région du Tôhoku, en particulier dans l’actuel département d’Iwate) et de Hokkaidô, permet de soulever plusieurs questions, à commencer par celle de l’origine de leur nom. MIYAMOTO retient l’hypothèse selon laquelle matagi désignerait au tout début la « fourche d’un arbre » [「「] utilisée dans plusieurs objets servant à la chasse499 par ces populations, aussi à l’aise dans la plaine que dans la montagne et / ou la forêt. Il pourrait être intéressant de relever ici quelques autres exemples d’étymologie de noms de groupes humains ou de « pays » découvertes, soutenues ou confirmées par MIYAMOTO (on se souvient qu’il interprétait le –to de Yamato comme apparenté à tokoro (lieu)). On s’interrogera ensuite sur leurs origines et les processus qui ont entraîné, sinon la disparition de leur culture, du moins son affaiblissement500, en les comparant au groupe humain suivant.

Dans Yama ni ikiru hitobito (1964), MIYAMOTO nous présente une deuxième communauté liée à la précédente, les sanka, aujourd’hui disparus en tant que groupe (mais qui n’en ont pas moins eu une descendance). Au départ subdivision des matagi dont ils se séparèrent pour se consacrer aux travaux d’artisanat (fabrication d’outils et d’ustensiles), les sanka, vivaient et travaillaient dans la montagne « à l’écart de la civilisation », alors que les matagi tendaient à s’établir dans les plaines (ce que nous avons personnellement pu constater lors de notre étude de terrain en Iwaté). De ce fait, ils sont bientôt considérés comme des hinin 「「 (non­humains), ce qui en fait les camarades d’infortune des burakumin 「「「 (populations des hameaux), c’est à dire la classe sociale la plus basse, sorte de classe « paria » ou

499 Yama ni ikiru hitobito, chap. IV, p. 46. 500 Pour une étude ré「「「「cente sur les Matagi, voir notamment : NOZOE Kenji 「「「「, Matagi wo nariwai ni shita hitotachi 「「「「「「「「「「「「「「, Tôkyô, Shakai hyôron­sha 「「「「「, 2006, 246 p.. « hors classe ». Avec l’introduction de l’industrie, ils perdent le monopole de fait de la fabrication de certains objets et, de fait, leur « raison d’être » autant que leur prestige d’artisan. Aussi c’est pourquoi ils descendent alors de leur montagne pour chercher du travail en ville où le préjugé populaire les précède. En 1926, lors d’une de ses études de terrain portant sur les sanka, MIYAMOTO en trouve une communauté à Osaka dans de grands quartiers ou ghettos (shûraku 「「) miséreux (ils se lavent dans le fleuve sans avoir forcément de savon, certains mendient). En 1935, il retourne dans un autre quartier sanka, toujours en bordure d’un fleuve (le Yamatogawa 「「「 ), et y constate une amélioration des conditions d’hygiène et d’habillement : plus rien ne distingue visuellement ces populations du reste de la population de la région.

La culture des sanka, liée d’abord à l’artisanat de montagne, est ensuite une culture de chasseurs (restes de leurs souvenirs d’anciens matagi). Là encore, l’étymologie du nom n’est pas absolument certaine. Au regard des sinogrammes, Sanka 住住 signifie « demeure en trou dans la montagne ». Or cela ne rappelle­t­il pas étrangement les tateana jûkyo (habitations en trou vertical ou habitation à sol creusé dans la terre) vues plus haut ? MIYAMOTO émet une hypothèse alternative, d’une origine plus simple : Sanka s’écrirait avec les idéogrammes signifiant maison –ka 住 de la montagne san­ 住 . « Sanka » est­il donc un mot réalisé à partir de caractères chinois idéographiques, ou au contraire un mot purement indigène sur lequel on aurait plaqué ces caractères en en altérant de fait le sens original (et dans ce cas, quel serait­il) ? Malheureusement, rien ne permet encore de trancher cette question.

Aujourd’hui501 (en 2008), personne ne prétend plus être « sanka » (alors qu’on peut encore trouver des gens évoquant avec simplicité leurs ancêtres matagi et leur pratique de la chasse « moderne »), aussi le terme est­il tombé en désuétude. Est­ce à dire que les Sanka sont tous morts ? Qu’on nous permette de nuancer une telle hypothèse. Certes, il n’existe plus de villages de montagne exclusivement composés d’artisans fabriquant des ustensiles et les grands regroupements de sans abris ont été disloqués et leurs membres disséminés502. Quelques uns de leurs descendants ont pu intégrer la société et entrer dans le monde du travail, certains constituant un prolétariat plus ou moins qualifié, d’autres une main d’œuvre pour les marchands des villes. Mais le flou persiste dans l’ensemble, personne n’osant aujourd’hui avouer des origines sanka, ce serait assimilé par l’homme de la rue aux burakumin (pourtant pratiquant à l’origine des métiers différents) et deviendrait source potentielle de discriminations professionnelles. Aucun chiffre fiable ne saurait donc être avancé. Cet exemple présenté par MIYAMOTO montre à la fois un cas de déplacement de population pour cause économique, une

501 Pour une étude actuelle de la situation des Sanka, voir notamment : YAGIRI Tomeo 「「「「, Sanka minZokugaku「「「「「「「「(Ethnographie des Sanka), Tôkyô, Sakuhinsha 「「「, 2003, 302 p.. 502 Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des regroupements de sans logis dans les parcs publics de Tôkyô ou le centre ville de Nagoya, notamment. Toutefois, on ne doit pas confondre tous ces individus avec les sanka. La plupart des sans­logis sont des individus isolés (le plus souvent des chômeurs victimes de restructurations et abandonnés par leur famille) réunis (géographiquement) de fait, et non une communauté préexistante (cas des sanka). ethno­nécrologie (le récit de la mort de la culture d’une ethnie), enfin une mutation (hensen) qui ramène à un équilibre permettant à la communauté de survivre.

Conscient des conditions difficiles dans lesquelles vivent les populations en grande précarité, MIYAMOTO commence à accumuler des matériaux sur cette question, et il se trouve fin prêt pour répondre à l’offre qu’un éditeur vient un jour lui proposer.

­ Le Nihon zankoku monogatari (Contes cruels du Japon) est une entreprise éditoriale sans précédent à laquelle MIYAMOTO participe de 1959 à 1961 : la direction de la rédaction collective d’un ouvrage historique sur la cruauté au Japon. Difficile de dire si l’éditeur avait en tête de réaliser un « coup » éditorial, toujours est­il que l’ouvrage, malgré son épaisseur (cinq gros volumes), connaît un succès durable et lance (malgré ses auteurs semble­t­il, ou en tout cas malgré MIYAMOTO, c’est certain) la mode des œuvres ou la cruauté est le thème central. Les titres de livres et de films contenant le mot « zankoku 「「 » (cruauté) se multiplient en effet dès cette époque, OOSHIMA Nagisa 「「「 (né en 1932) reprenant pratiquement le titre de l’ouvrage de MIYAMOTO pour son film.

Le livre est extrêmement critiqué aujourd’hui pour son manque de rigueur scientifique : très peu de références sont en effet données et on ne sait pas qui a écrit quoi parmi les rédacteurs. Les raccourcis historiques sont nombreux et la mise en contexte insuffisante. D’une part, il faut bien reconnaître qu’on ignore les conditions dans lesquellles s’est déroulée la rédaction de l’ouvrage et la part prise par chacun ainsi, par conséquent, que le rôle exact de MIYAMOTO ; d’autre part, il demeure que cet ouvrage collectif continue d’exercer un certain attrait, peut­être dû d’abord à son titre qui accroche le regard, évoquant un recueil de nouvelles à la manière du Konjaku monogatari­shû 住住住住住住住 (Recueil d’histoires qui sont maintenant du passé) ou de l’Uji shûi monogatari 住住住住住住住住 (Supplément aux contes d’Uji) pour citer les deux plus célèbres (qui d’ailleurs se font suite). L’ambition de MIYAMOTO était néanmoins à l’opposé d’une description complaisante du sadisme. Il s’agissait au contraire et, avant tout, de présenter des exemples de groupes sociaux « oubliés » par l’Histoire, notamment les burakumins503 (cf. plus haut).

Enfin, malgré ses faiblesses indéniables, cet ouvrage continue d’être le seul consacré à la question d’une manière globale.

Parmi les types de personnages étudiés dans le Nihon zankoku monogatari, les femmes sont assez représentées : prostituées, bien évidemment, mais aussi ouvrières du textile, des mines, employées ou tout simplement jeunes épouses.

­ L’étude des femmes. A la suite de YANAGITA (Imo no chikara 住住住住住 (Le pouvoir de la sœur), Mainichi no kotoba 住 住 住 住 住 住 住 (Les mots de tous les jours), Kon’in no hanashi 住 住 住 住 住 住 (Histoires

503 Pour une étude récente des Burakumin, voir : KITA Sadakichi 「「「「, Hi­sabetsu buraku toha nani ka ?「「「「「「「「「「「(Qu’est­ce que les « Hameaux discriminés » ?), Tôkyô, Kawade shobô shinsha, 2008, 262 p.. conjugales) etc.), MIYAMOTO apparaît aujourd’hui, sinon comme un pionnier, du moins comme un précurseur des études féministes. NAGAHAMA Isao lui reproche de ne pas leur avoir consacré suffisamment de pages504. MIYAMOTO lui­même le regrette505. Cependant, si au regard de l’œuvre prise dans sa globalité les essais réunis à titre posthume dans Onna no minZoku­shi (2001) peuvent paraître marginaux, ils sont néanmoins de la plus haute importance historique, sociologique et ethnographique. MIYAMOTO y évoque la place sociale de la femme dans le village et la famille, les manifestations féminines de la foi populaire, la question de la mobilité économique (dekasegi 住住住) et de l’apprentissage (hôkô 住住), le mariage, bien sûr, les rapports belle­fille­belle­mère et la question de la maltraitance non seulement des brus, mais aussi des belles­mères. Enfin, il donne des exemples de trajectoires individuelles (notamment un cas d’ostracisme d’une jeune femme chassée du village pour manque d’hygiène dans son restaurant familial) et finit par l’évocation de sa propre mère.

Dans ses textes sur les femmes, MIYAMOTO pratique tantôt la classification thématique (les servantes d’auberges, les apprenties), tantôt la classification régionale (dans l’Est, dans l’Ouest, dans les Ryûkyû etc.) et pour chaque cas, la classification qui n’a pas été retenue sert alors de sous classification. Lorsqu’il s’agit de définir des tendances régionales, MIYAMOTO détermine des ensembles régionaux culturellement cohérents (dont il n’est pas l’inventeur, mais dont il questionne et vérifie la pertinence) : essentiellement le Kantô, le Kansai, les Ryûkyû, Tsushima, la zone particulière de la mer intérieure de Seto, Hokkaidô. La plus grande division en ensembles qu’il reprend est traditionnelle : d’un côté l’ouest, marqué par une plus grande égalité hommes­femmes, avec même des éléments matriarcaux, et de l’autre l’est, plus machiste, marqué par la culture des guerriers. Dans l’ouest, la femme disposait de son autonomie patrimoniale et gérait même souvent l’argent du foyer alors que dans l’est, le mari était le mandataire imposé de ses biens (d’où le phénomène des économies cachées de la femme, hesokuri(gane) 住住住住(住住) [住住住(住)]). Dans l’ouest, il était fréquent que le mari allât vivre dans la famille de sa femme (phénomène du muko­iri 住住住) alors que dans l’est c’était l’inverse (yome­iri 住 住 住 ). De même, dans l’ouest, la société paysanne autorisait des licences en matière de relations amoureuses impensables dans le Kantô (à l’Est) où les relations sexuelles n’étaient véritablement concevables que dans le cas du mariage ou de la prostitution. Ainsi, par exemple, la Fête d’Atago (Atago­sai ou Atago matsuri 住住住506) (près de Kyôto), sorte de fête des amours (libres) (rankô jiyû no hi 住住住住住住) où toutes les relations amoureuses étaient permises entre jeunes gens célibataires sans que la population y trouvât à redire507. Citons encore ce club de jeunes de Himejima 住住 dont le local

504 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi / Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon, chap. VI, 7, p. 184­188. 505 Shomin no hakken (1960), « Hajime ni »「「「「「「(Avant propos), p. 3 éd. Kôdansha gakujutsu bunko. 506 On notera que les sinogrammes utilisés pour transcrire ce toponyme (qui probablement à l’origine avait une autre étymplogie) signifient en japonais : « l’amour (ai 「) à sa guise (hoshii mama 「) » ! 507 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 28. possédait un futon géant (de 12 jô (nattes) de surface) dans lequel les membres dormaient tous ensemble, garçons et filles, également nus…

Enfin, nous ne saurions clore cette présentation du travail de MIYAMOTO sur les femmes sans présenter un exemple un peu plus détaillé.

­ Les deux souches des ama 桧桧. Parmi les femmes, il est une catégorie socioprofessionnelle qui a retenu tout particulièrement l’attention de notre auteur. Il s’agit des ama, les pêcheuses plongeuses. Au

ama départ, le mot japonais ama 「「 est unisexe et s’écrit avec les idéogrammes des gens de la mer, kaijin 「「

ama ou parfois, mais bien plus rarement dans certains textes anciens, avec le caractère chinois dàn 「 qui désignait une population du littoral des provinces du Fújiàn 「「「 et du Guăngdōng 「「「, habitant des bateaux et pratiquant la pêche, victime de discrimination jusqu’à son installation à terre. En outre, on

ama ama distingue entre les ama hommes que l’on écrit kaishi 「「 (hommes de la mer) et les ama femmes, 「「 (femmes de la mer). On n’est pas sûr de l’origine du mot, mais MIYAMOTO, avec raison nous semble­t­il, lui donne comme sens original « la mer » 「 qui se dit aujourd’hui umi 「「. Par la suite, vers la fin du Moyen Age, le mot prend le sens de « pêcheur », puis de pêcheurs plongeurs des deux sexes. Aujourd’hui, les ama sont exclusivement des femmes. Certains Japonais savent qu’autrefois, jusqu’avant la Seconde guerre mondiale, les ama, hommes comme femmes, plongeaient vêtus d’un simple 「「「「 [「] (sorte de pagne en tissu) appelé spécifiquement heko 「「, d’où l’apparition de toute une imagerie érotique pseudo­ethnographique ou pseudo­artistique, représentant ces femmes dénudées en Vénus des mers chasseresses… A l’époque où MIYAMOTO les observe, les temps ont déjà changé et les ama portent des combinaisons de plongée avec masque et tuba. Notons enfin que MIYAMOTO se demande si le mot « ama » n’a pas constitué la racine de toponymes en ama, comme Amakusa 「「 (écrit « herbes (kusa) du ciel (ama, aujourd’hui ame) »). Difficile d’avancer que le ciel et la mer ont la même racine, mais le rapprochement méritait d’être fait. Le Wamyô ruiju­shô 「「「「「「「 (Compendium des noms Wa selon leur famille) (934), un des premiers, sinon le premier dictionnaire japonais de mots écrits en sinogrammes, relève de nombreux toponymes comprenant « ama »508, essentiellement dans la partie ouest du pays, exactement là où étaient pêchés les ormeaux (awabi 「「「 [「]), par exemple : Ama­gô 「「 (dans le département de Hiroshima), Ama­gô 「「「 sur Awaji (Hyôgo), Ama­gô 「「「 (en Chiba, Fukuoka, Oki, Kyôto­fu), Amata­gô 「「「 (à Tôkyô), Ooshiama­gô 「「「 (en Kyôto­ fu), Amambe­gô 「「「 (Fukui) etc..

Les ama, hommes comme femmes, ne jouaient pas qu’un rôle culinaire. Certes, les produits qu’ils ou elles rapportaient étaient nombreux et appréciés pour leur goût : algues diverses, poissons, mollusques

508 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, « Chejudo wo aruku : Shimpan Ama monogatari »「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Marcher à Chejudo : Histoires d’ama, nouvelle édition »), p. 132. et crustacés (voire même baleines). Ils tiraient aussi une importance supplémentaire du fait que certains de ces produits pouvaient servir d’intermédiaire dans les échanges, ce qui arrivait encore jusqu’au dix­neuvième siècle, la monnaie n’ayant pas toujours été frappée en quantité suffisante pour permettre tous les types de transactions en usage à la campagne. Ces intermédiaires étaient appelés tawaramono 住住住住住 [住住] (« choses du sac »).

Ainsi, l’ormeau séché (hoshi­awabi 住住住住住 [住住住]), le concombre de mer (vidé, bouilli et séché) (iriko 住住住 [ 住 住 / 住 住 住 ]509 ou l’aileron de requin (fuka no hire 住 住 住 住 住 [ 住 住 住 ]), essentiellement, furent­ils des intermédiaires fongibles des échanges commerciaux remplaçant l’argent, non fongible. Pour « pêcher » le concombre de mer (namako 住住住 [住住]) et les autres produits de la mer, il faut soulever les rochers du fond marin avant de harponner. Seuls les professionnels comme les ama avaient la connaissance et la technique nécessaires à ce travail dangereux (nécessité de retenir sa respiration longtemps et de remonter vers la surface avec les bras chargés).

Le Livre des Wèi (Dans L’Histoire des Trois royaumes) (IIIème siècle) mentionne la présence d’ama à Tsushima et à Iki 住住 et le Hòu­Hàn­shū 住住住住住 (Livre des Hàn postérieurs) de FÀN Yè 住住 (398­445) va lui aussi dans ce sens, situant les ama parmi les Wajin510. Enfin, on en trouvait encore sur l’île coréenne de Cheju­do où MIYAMOTO, nous l’avons dit, réalisa une étude de terrain sur ce thème. Par ses recherches, MIYAMOTO découvre deux souches d’ama. Une souche ancienne, nomade et mixte (les hommes et les femmes vivent ensemble sur le bateau, y travaillent et plongent. Et une souche plus récente, d’origine continentale (asiatique), introduisant la riziculture et pratiquant la division sexuelle du travail : les hommes à la pêche et les femmes aux champs (dan­gyo jo­kô 住住住住)511.

Partout où les ama, à l’origine nomades, vivant sur des bateaux (ebune 住住) pour passer plus rapidement d’une zone de bonne pêche à une autre, s’installent à terre, ils conservent à leurs maisons certaines caractéristiques de leurs bateaux d’origine : notamment une forme rectangulaire et non carrée ainsi que des volets s’ouvrant à la verticale (shitomido 住住) et non pas volets coulissants à l’horizontale (hikido 住住 住)512. Ces caractéristiques ont perduré sur plusieurs générations et il reste encore aujourd’hui quelques maisons de ce type dans les départements de Hiroshima et Yamaguchi notamment, même si à partir de l’époque d’Edo, de nombreuses familles d’origine ama sont passé à un habitat de type paysan. Ces reliquats d’une origine alliés à des changements inévitables dus au climat, à la sédentarisation et aux évolutions technologiques et de mode sont, nous apprend MIYAMOTO un trait caractéristique de la culture propre à la Mer intérieure de Séto513. iriko 509 MIYAMOTO orthographie le mot avec les sinogrammes suivants : 「「「, peut­être de façon fautive. 510 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, « Chejudo wo aruku : Shimpan Ama monogatari », p. 137. 511 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 266 éd. Chikuma gakugei bunko. 512 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 273­274 éd. Chikuma gakugei bunko. 513 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 274 éd. Chikuma gakugei bunko. MIYAMOTO constate aussi, de son temps, l’apparition d’un tourisme du pittoresque littoral notamment à Tôjimbô 住住住 (département de Fukui) et Onjuku 住住 (département de Chiba) présentant les rares ama restantes au Japon comme d’exotiques survivances du passé. Ces ama devenaient donc, qu’elles le veuillent ou non, des kankô ama 住住住住 (ama touristiques)514. Il observe le même phénomène à Cheju­do515. Ainsi découvre­t­on comment on passe d’une classe sociale aventureuse et porteuse d’innovation (ce que permettaient notamment ses fréquents déplacements à finalité économique) à une profession se fixant à une tradition, qui finit par perdre sa « raison d’être » (à cause de la concurrence de la pêche industrielle, intensive et massive) pour devenir un archaïsme « muséifié », quasiment l’attraction d’un parc à thème.

En bref, pour MIYAMOTO, le rôle économique, alimentaire et historique joué par les ama est bien plus important que ce que les sciences humaines de l’époque ont bien voulu admettre et mériterait sans doute que lui soit consacré un volume. Ce volume, MIYAMOTO n’aura pas le temps de l’écrire, mais la réunion de tous ses articles sur le sujet pourrait en tenir aisément lieu. De plus, travailler sur le monde des ama, et sur le monde des « travailleurs de la mer » plus généralement, aura permis à MIYAMOTO, parallèlement à ses études concernant les populations des montagnes, donc des populations culturellement les plus « à la marge » de « la culture japonaise », de s’apercevoir de leur rôle historique :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「516 (« Jusqu’à présent, on considérait l’Histoire du strict point de vue du continent 517. Cependant, l’influence de la mer étant extrêmement grande, ne devrions­nous pas nous y intéresser davantage et revoir l’Histoire du Japon depuis la mer ? En outre, si l’on prétend observer la Mer intérieure de Séto, je pense qu’on devrait tourner son regard vers la haute mer. »)

Ce changement de point de vue épistémologique tant en Histoire qu’en ethnologie constitue pour nous, mais aussi pour des auteurs japonais (notamment SASAKI Takaaki518) un des apports majeurs de MIYAMOTO à sa discipline, la minZokugaku, ainsi qu’à l’ensemble des sciences humaines de manière générale. L’étude de la mer ne saurait se passer d’une étude des relations d’échanges avec l’étranger, ce qui, dans le cas de la minZokugaku traditionnelle depuis YANAGITA, n’avait pas été

514 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, « Chejudo wo aruku : Shimpan Ama monogatari », p. 190. 515 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, « Chejudo wo aruku : Shimpan Ama monogatari », p. 191. 516 Nihon bunka no keisei, annexe, p. 274­275 éd. Chikuma gakugei bunko. 517 Le « continent » désigne aussi bien le continent eurasiatique (Chine et Corée surtout) que l’île de Honshû, la plus grande du Japon. 518 Nihon bunka no keisei, postface, p. 278 & s. éd. Chikuma gakugei bunko. appuyé. C’est là précisément ce que fit MIYAMOTO dans la dernière partie de sa vie de chercheur, consacrée presqu’entièrement à cette question de flux internationaux (d’où les voyages à l’étranger, enfin entrepris après un longue période de manque de confiance en lui à ce niveau, due à l’influence de SHIBUSAWA).

Pour conclure, nous aimerions revenir à la question des femmes et à celle de la transmission (qui avait, elle, mobilisé l’énergie du jeune MIYAMOTO) en relevant que dans Nihon wo omou, MIYAMOTO insiste sur le fait que, statistiquement, les denshôsha sont le plus souvent des femmes, et là encore NAGAHAMA Isao déplore que MIYAMOTO n’ait justement pas présenté de denshôsha* féminin. Un exemple de « transmetteuse », il faut le reconnaître, eut certainement fait bonne figure dans la dernière partie de Wasurerareta Nihonjin.

Ceci étant, tout transmetteur suppose nécessairement un interlocuteur qui reçoit la transmission, et parmi ces récipiendaires, ce sont les jeunes qui en ont le plus besoin, même s’ils ne sont pas forcément investis du devoir de la recevoir.

La jeunesse apparaît donc logiquement elle aussi au sein des œuvres les plus diverses, et MIYAMOTO lui a également consacré un ouvrage spécifique, longtemps introuvable (on parlait même d’« ouvrage mythique ») : Mura no wakamonotachi (Les jeunes du village) (1963). Dans ce livre, il évoque aussi bien la situation de baisse de moral chronique de la jeunesse rurale (un constat similaire que fait aujourd’hui Nicolas RENAHY en France à propos des jeunes ouvriers et chômeurs de la campagne) ou encore la place des femmes. Parti étudier la jeunesse avec enthousiasme, MIYAMOTO prend vite conscience de la réalité préoccupante de l’exode rural brutal et du déficit des naissances entamé dans les années soixante. Ainsi le nombre de jeunes ruraux ayant fait des études secondaires avant de devenir agriculteurs passe­t­il de 450 000 en 1952 à 130 000 en 1961519. La jeunesse de la campagne, de retour de la guerre avec des projets pleins la tête déchante très vite devant la difficulté de la tâche, les dures conditions de travail et le faible niveau de vie comparés à ceux de la ville ou tout paraît plus facile et plus attrayant. Comme dirait Nicolas RENAHY520, il assiste à « un mouvement de dévalorisation du « capital d’autochtonie »521 » chez les jeunes agriculteurs, c’est à dire à une perte progressive de leur patrimoine rural comme moyen de vivre sa vie et composante identitaire. Selon l’analyse renahyste, que nous transposons à la situation qui nous intéresse, en restant au pays, les jeunes agriculteurs seraient paradoxalement « déracinés » chez eux (terminologie de Pierre

519 Mura no wakamonotachi, chap. I, 7 p. 40 et postface, p. 221. 520 Nicolas RENAHY, Les gars du coin : enquête sur une jeunesse rurale, Paris, Edition La Découverte, Textes à l’appui, 2005, rééd. 2007, II, p. 108. 521 « Notion introduite par M. BOZON et J.­C. CHAMBOREDON à partir de l’étude la chasse populaire : « L’organisation sociale de la chasse en France et la signification de la pratique », Ethnologie française, X­I, p. 65­88, 1980 » (Note de N. RENAHY). BOURDIEU et Abdelmalek SAYAD)522, du fait même qu’ils ne se sentent plus « chez eux », justement, mais déplacés.

MIYAMOTO aura beau multiplier les conférence d’agronomie et prodiguer tous ses conseils aux jeunes exploitants et ouvriers agricoles, il ne parviendra pas à les retenir sur leurs terres. Ce sera pour lui l’occasion d’observer les limites de son métier et de son rôle. Dès lors, ne pouvant enrayer un phénomène qui s’inscrit plus généralement dans une tendance mondiale, il devra se contenter de l’observer, de le décrire et tenter de l’analyser. YANAGITA en son temps l’avait prédit et s’était efforcé d’y apporter des solutions (cf. plus haut chap. III, A/), mais sans succès lui aussi, faute de représentant politique partageant ses idées.

Mura no wakamonotachi est, avec Mura no hôkai523 (L’effondrement des villages) (1966­1971), l’ouvrage que se doivent de lire tous ceux qui accusent MIYAMOTO d’avoir une image idéalisée de la vie traditionnelle à la campagne. En 219 pages y sont concentrées toutes les souffrances de la jeunesse, qui n’ont rien à envier à celles du Nihon zankoku monogatari. Des témoignages de jeunes y sont fournis et commentés avec finesse, précision et compassion.

Que ce soit le désespoir du fils aîné d’une famille nombreuse obligé de reprendre la direction de l’exploitation familiale alors que ses frères et sœurs ont librement pu choisir leur orientation professionnelle et quitter le village pour la ville524, ou le désarroi d’une jeune fille brimée elle aussi dans ses aspirations pour les mêmes raisons, c’est le même constat qui est fait : le jeune n’accepte plus les règles traditionnelles, excessivement contraignantes, qui restreignent sa liberté de choix, et ne se sent pas lié au village au point qu’il doive nécessairement y travailler et y résider. L’intégration dans le lieu d’origine n’étant plus assortie d’avantages jugés valorisants (argent, reconnaissance sociale de ses pairs), le jeune rural, peut­être aussi sous l’influence des images qui lui parviennent de l’extérieur, cherche à redéfinir son autochtonie en passant d’une autochtonie d’origine, subie, à une autochtonie de résidence et professionnelle, choisie. Son identité est assumée comme une construction à laquelle il participe consciemment et non comme un simple héritage qu’on ne peut refuser sans se couper à la fois de l’histoire et du patrimoine symbolique de la famille.

Il cite aussi le cas d’un jeune homme menaçant de quitter le village si ses parents ne lui achetaient pas de moto525. S’engage alors tout un débat qui ne tarde par à dépasser le cadre familial et prend une dimension communale. La question se situe plus au niveau de la relation de la moto au village que de la conduite du jeune homme en tant que pilote. La moto renvoie une image différente aux villageois et

522 Nicolas RENAHY, Les gars du coin : enquête sur une jeunesse rurale, Paris, Edition La Découverte, Textes à l’appui, 2005, rééd. 2007, introduction p. 23. 523 Mura no hôkai, OM 12, 1972, 2002. 524 Mura no wakamonotachi, chap. I, 6, p. 34­36. 525 Mura no hôkai, chap. I, 5, p. 49, OM 12. au jeune homme. Pour le jeune homme, c’est un loisir de détente véhiculant une image sportive et moderne, mais aussi un moyen de s’évader temporairement du village, géographiquement et symboliquement, d’oublier pour un temps que le village n’a « pas d’avenir ». Ou plutôt, c’est la seule « soupape » lui permettant de décompresser et d’ainsi supporter une vie qu’il n’a pas choisie. Pour les villageois, au contraire, dont un certain nombre n’a jamais vu « en vrai » une telle machine (mais seulement en photo ou à la télévision) la moto représente une source potentielle de nuisance sonore, et plus encore ce qui est vécu comme la possibilité de transgresser l’une des valeurs traditionnelles du métier de paysan : l’assiduité au travail. L’héritier ne risque­t­il pas en effet de passer plus de temps sur sa moto que de raison ? Par ailleurs, dans des cas similaires, pour la sécurité de tous (des habitants, des pilotes et des conducteurs), il faut souvent réaménager la route, qui n’est pas faite pour des engins rapides, et la majorité s’oppose fermement à ce genre de dépense, sans en voir les retombées positives à long terme (faciliter l’accès et le transit de camions de transport de marchandises, permettant ainsi un développement du commerce). Face à cette réticence (qui n’est pas sans raisons) à se moderniser, comment s’étonner que « personne ne vienne » évaluer la situation du village ?

OOYA Sôichi évoque, lors d’un entretien avec MIYAMOTO526, un mouvement populaire de jeunes qui avait pour slogan « Yobai wo yamete ôtobai 住住住住住住住住住住住住 » (« On arrête d’aller retrouver les filles la nuit en cachette, en échange d’une moto »). Derrière le côté comique et euphonique (rime en « ­bai »), ce sont plusieurs problèmes qui sont sous­jacents. La moto n’est pas souhaitée seulement pour elle­ même. Elle est à la fois instrument de libération (nous l’avons dit plus haut), objet d’échange (« nous arrêtons d’aller voir nos copines la nuit en échange d’une moto ») et indemnité compensatoire (du préjudice consistant à ne plus avoir de plaisir amoureux). Pour comprendre cela, revenons un instant sur la notion de « yobai 住住住 » (aller retrouver sa copine en secret, la nuit). En effet, (en dehors de la société des guerriers, beaucoup plus stricte sur ces choses­là en dehors des relations « licites ou tolérées » : mariage, prostitution et amours homosexuelles entre gens de la classe des guerriers) il était de coutume de fermer les yeux sur les visites nocturnes et secrètes des jeunes gens à leur dulcinée dans la mesure où ils respectaient en retour certaines précautions de discrétion. L’absence d’éclairage électrique (qui faisait qu’on se couchait plus tôt) et de sécurité dans les maison explique qu’en déployant un certain savoir faire, on arrivait bien souvent à ses fins. Ainsi, notamment – qu’on nous pardonne ce détail trivial – le jeune homme urinait­il sur la rainure de la cloison mobile (shôji 住住) pour la lubrifier afin d’éviter un crissement intempestif, ou encore déroulait­il sa ceinture (kaku­obi 住住) et s’en servait dans le couloir comme d’un tapis amortissant les éventuels grincements527 qui n’eussent pas manqué de réveiller le père. Les jeunes filles qui expérimentaient des relations successives distinguaient parfois leurs prétendants par la couleur des chaussettes qu’elles leur offraient. Le galant

526 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 28. 527 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 28. aux chaussettes azur (kon no kabi 住 住 住 住 ) était sûr d’être jalousé… Bref, le yobai permettait d’expérimenter en secret des relations amoureuses avant le mariage, et évitait ainsi les unions manquées. Cela explique que la plupart des personnes de la génération âgée à l’époque de MIYAMOTO avaient fait des mariages d’amour (ren’ai kekkon 住 住 住 住 ) (avec une personne qu’elles connaissaient déjà avant et avec laquelle elles avaient des affinités)528 plutôt que des mariages arrangés (miai kekkon 住住住住住) ou un mariage librement choisi, mais avec une personne qu’elles ne connaissaient pas suffisamment bien. Comme nous l’avons dit, avec l’électricité et le renforcement de la sécurité des maisons, ce genre d’expéditions nocturnes disparut, et avec lui une forme de moment privilégié de la sociabilité amoureuse pré­conjugale.

Par ailleurs, tout comme aujourd’hui en France, les femmes furent statistiquement plus nombreuses à quitter leur village que les hommes d’où une masculinisation de la profession d’agriculteur et un célibat prolongé, voire permanent, et non désiré, dès les années 1970, ce qui venait encore accroître le désarroi d’une jeunesse rurale désormais bien solitaire529.

Mais la ville n’est pas toujours le monde à la vie facile rêvé par ces jeunes gens, et en particulier les jeunes filles, dont bon nombre échouent dans le milieu du divertissement, hôtesses ou serveuses de bar pour celles ayant le plus de chance. MIYAMOTO put ainsi observer de son vivant un retour dans la région d’origine de ces déçus de l’exode rural. Nous disons bien « dans la région », et non « au village » :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「530 (« Toutefois, ils ne rentrent pas directement dans le quartier de leur village natal. Ils vont dans une ville ou un quartier des environs. Chose intéressante, tous les six mois, un an, ils se rapprochent un peu plus de leur village natal. Malgré cela, ils ne rentrent pas au village­même. Quand est­ce que cela a commencé ? Si l’on parle du village natal, y a­t­il eu nostalgie ? besoin de se rassurer ? C’est dans cet état d’esprit qu’ils ont involontairement engagé leur marche [du retour], mais ce disant, une fois partis, ils ne devaient pas revenir facilement. »)

Comment expliquer ce retour graduel vers le centre d’où ils sont partis ? MIYAMOTO nous dit pourquoi, selon lui, ils reviennent, mais il n’explique pas pourquoi ce retour n’est pas direct. Le retour s’explique par la « mélancolie du pays natal », kyôshû 住住, ou la « nostalgie du pays natal », kaikyô 住住531,

528 Exemple d’Arikawa 「「, dans l’Ouest, archipel des Cinq îles (Gotô rettô 「「「「). Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 29. 529 Il arriva même à MIYAMOTO, une fois entré dans une relation de confiance avec de jeunes agriculteurs d’une île éloignée, de se voir demander s’il ne connaîtrait pas des jeunes filles disponibles, étant un homme de la ville. 530 Nihonjin wo kangaeru, troisième entretien, p. 47­48. 531 Plus prosaïquement, on pourrait parler de « mal du pays » (hômushikku 「「「「「「). deux notions voisines particulièrement évoquées en littérature et dans les Nihonjin­ron. Mais quant à cette réticence à un retour direct au lieu d’origine, on peut s’interroger. Ne s’agirait­il pas d’une lutte de ces jeunes avec eux­mêmes, tiraillés entre d’une part le besoin de revoir leur village et leur famille (à cause de leur mélancolie), de se « ressourcer », et d’autre part la honte d’avoir « échoué » (ou en tout cas d’avoir vécu leur expérience comme un échec) tout en devant subir le regard de ceux qui sont restés ainsi que les réflexions culpabilisantes des parents : « Je te l’avais dit, mais tu n’as pas voulu m’écouter. Il faut toujours que tu en fasses à ta tête » ?

Quoi qu’il en soit, MIYAMOTO voit dans la souffrance des jeunes ruraux de son époque un phénomène collectif qui dépasse les trajectoires individuelles :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「532 (« Les jeunes ont une fixation [dans l’espace local] faible, pourtant ils sont d’une sensibilité des plus extrêmes aux mouvements des temps, et l’on peut dire que la souffrance angoissée (kumon) des jeunes est en même temps celle du village. »)

L’ethnographe comprend et soutient ces jeunes prêts à quitter leur village natal à la recherche d’un « mieux vivre » ailleurs, où ils seraient davantage « à leur place ». Il estime qu’il faut parfois savoir leur accorder une certaine marge de manœuvre – un « quant à soi », comme dirait Nicolas RENAHY – et tolérer certaines pratiques festives qui pourraient un peu embarrasser les adultes 533. C’est le prix à payer pour les retenir. Et peut­être les générations de leurs grands­parents et les précédentes en ont­ elles bénéficié davantage, grâce aux coutumes que leurs petits enfants n’ont pas connu, et qui accordait aux jeunes de cette époque une marge de liberté tolérée car inscrite dans un schéma précis, accepté de tous, délimité et encadré (fêtes traditionnelles, groupes formalisés et officiels de jeunes, yobai etc.).

Mura no wakamonotachi, bien qu’il commence par un message d’espoir qui a tout l’air d’un vœu pieux, est le livre du doute. L’ethnographe en vient à se demander si l’ordre rural si longtemps en vigueur au Japon, une fois menacé de l’extérieur par la ville dévorante et attirante en même temps, ne s’avérera pas, au final, incapable de résister et n’aura, de ce fait, plus lieu d’être. MIYAMOTO ne peut se résoudre à l’accepter et clôt l’ouvrage en renouvelant son espoir de voir les choses s’améliorer grâce à l’énergie de la jeunesse. Il est trop tard, pourtant, dans l’esprit du lecteur attentif. L’équilibre a été rompu et le hensen l’a temporairement emporté jusqu’à la création de nouvelles coutumes de vie. L’interprétation miyamotienne, et japonaise en général, est que toute rupture d’un équilibre entraîne une souffrance (probable résurgence du bouddhisme). La logique de la « table rase » est tout à fait à l’opposé de ce que MIYAMOTO considère comme le bien, le bon et le juste.

532 Mura no wakamonotachi, chap. I, 7, p. 42. 533 Mura no hôkai, chap. I, 5, p. 50, OM 12. Pour finir, il reprendra la question de l’échec des politiques économiques agricoles et de l’exode rural dans les articles formant Mura no hôkai qui s’adressent avant tout aux jeunes agriculteurs qu’il interpelle et appelle « shokun 住住 (Messieurs, jeunes gens) ». Et la conclusion du livre ne feindra plus l’optimisme :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「534 (« Quoi qu’il en soit, l’agriculture et les villages ruraux dont je rêvais ne sont pas nés. (…) Au final, on peut prévoir que n’ayant pu sortir d’une agriculture assujettie, les villages ruraux eux­mêmes devraient perdre complètement leur fonction (de corps) communautaire (kyôdô­tai) ».)

Mais les villages ne perdent pas seulement « leur fonction de corps communautaire », ils perdent aussi, comme on l’a vu, leur population, ce qui est très préoccupant dans les petites îles dont certaines se retrouvent peuplées d’une poignée de personnes âgées voire complètement inhabitées (ainsi à Okikamurojima 住住住住 – ville voisine de Suô Ooshima – où il n’y a qu’un seul jeune, de 35 ans, et où la moyenne d’âge de la population est de 70 ans). MIYAMOTO envisage plusieurs expérimentations à tenter, certaines avec le soutien de l’Etat. Il souscrit par exemple à la proposition de l’essayiste OOYA Sôichi 住住住住 (1900­1970) consistant à donner leur indépendance à ces îles, qui deviendraient alors des micro­Etats, sur le modèle européen (Monaco, San Marino, Lichtenstein etc.)535 et pourraient attirer des migrants par une gestion originale de leurs ressources ou leur fiscalité. Mais cette proposition suscite le rejet des populations autochtones, craignant alors une invasion (armée) japonaise536. Pourtant, OOYA et MIYAMOTO estiment au contraire que cela contribuerait durablement à instaurer la paix dans la région, surtout si la Corée faisait de même avec Cheju­do537. Peut­être les deux auteurs oubliaient­ils l’aspect géo­politique fondamental que représente la possession d’eaux territoriales, que les îles qu’elles entourent soient peuplées ou non : simples zones de pêche exclusives, mais aussi forages pétroliers, voire installation de batteries de missiles pointées vers la Corée du Nord…

La capacité d’anticipation de MIYAMOTO, que les événements n’ont pas démentie, lui vient de la qualité de ses observations et d’une logique pleine de bon sens. Toutefois, cette objectivité, souvent pessimiste, entre en contradiction avec ses aspirations profondes et son désir d’empêcher un plus grand mal, désir qui trouve nécessairement son point d’application dans l’enseignement et à travers la grande question de l’éducation.

C’est dès l’enfance que l’éducation doit se faire. MIYAMOTO émet de sérieuses réserves concernant l’éducation laxiste qu’il voit se mettre en place après la guerre dans un pays en adoration

534 Mura no hôkai, Atogaki 「「「「 (Postface), OM 12, p. 333. 535 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien (« "Yobai" koso saikô no kekkon kyôiku » 「「「「「「「「「「≪ ≫ 「「「「「), p. 24. 536 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 25. 537 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 26. devant ses enfants, moins nombreux et plus gâtés qu’autrefois. Rappelons qu’il connut l’éducation traditionnelle (à laquelle il consacra Kakyô no oshie (1943)) que lui prodiguèrent un grand­père affectueux et savant qu’il respectait profondément (détenteur d’un capital de connaissances professionnelles, mais aussi folkloriques et d’une compétence en kendô, ce qui en faisait une sorte de membre de l’« élite paysanne ») et un père qu’il respectait tout autant mais craignait (possédant, lui, une expérience de voyageur et d’expatrié tout aussi valorisante, bien que n’ayant pas rapporté l’argent escompté et ayant été vécue par l’intéressé comme un échec). Ce qu’il faut, c’est certes transmettre aux enfants des informations, mais c’est aussi leur expliquer le pourquoi de la façon de fonctionner de la société, tout en leur inculquant par la discipline538 le respect des aînés sans pour autant éliminer les affrontements (tôsô 住住) et les luttes (tatakai 住住住住 [住住]) intra­familiaux. Il ne s’agit pas de laisser les enfants vitupérer contre leurs parents qui essaieraient de crier plus fort, mais de permettre un échange d’idées auxquelles on ne renoncerait pas par simple faiblesse. Le culte de l’enfant roi, gâté dès son plus jeune âge, est pour MIYAMOTO une catastrophe autant morale qu’intellectuelle, car elle dispense l’enfant d’avoir à former un raisonnement argumenté pour obtenir ce qu’il veut. Il n’a qu’à exiger, et sa mère le satisfera ou tentera de l’apaiser en l’amadouant, le père (rarement présent au foyer) ayant le plus souvent renoncé à son rôle d’autorité de référence au profit d’une fonction purement économique, du moins dans les villes.

Pour MIYAMOTO, la famille est la clé de tout. Elle est même la clef de voûte de l’organisation économique du pays. Cette théorie de MIYAMOTO, unique, explique que le fait pour les grandes entreprises de recourir pour des commandes ponctuelles à la sous­traitance auprès de PME prend sa source directement dans l’organisation des exploitations agricoles autour d’une famille539, avant d’être un groupement d’étrangers. Le Japon, du fait de sa géographie et de son Histoire (les surfaces cultivables sont étroites et morcelées) a vu apparaître peu de grandes exploitations agricoles. Rien de comparable avec ce qui se voit aux Etats­Unis ou en Europe. Cette structure familiale des petites exploitations agricoles fut ensuite naturellement adaptée aux secteurs secondaire et tertiaire des marchands. C’est un cas unique parmi les pays développés, remarque MIYAMOTO540, et cela constitue un trait important de l’identité professionnelle des Japonais. Parmi ses caractéristiques, notons que cette forme d’organisation permet de juguler tout mouvement de grève efficace et d’empêcher un syndicalisme puissant, car il suffit à l’entreprise cliente de taille supérieure de menacer son sous­traitant de ne plus faire appel à lui pour exercer une pression suffisante lui permettant d’obtenir des tarifs plus bas. MIYAMOTO n’aura pas eu le temps de voir le problème grave posé à la

538 MIYAMOTO indique qu’il n’a jamais été frappé au visage, mais qu’il a reçu quelques fessées qui lui ont été profitables. Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, questions, p. 140 éd. Chikuma gakugei bunko (conférence du 3 avril 1980). 539 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 245 éd. Chikuma gakugei bunko. 540 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 244 éd. Chikuma gakugei bunko. sécurité de l’emploi des travailleurs aussi bien au Japon qu’en France : les délocalisations industrielles et agricoles…

­ Nous parlions de l’éducation des enfants mais nous ne saurions terminer cette étude sans évoquer la question, qui nous semble liée, de la morale de la minZokugaku (ou en tout cas de la morale que tente de fournir la minZokugaku) : Comme MIYAMOTO vient de l’avouer dans les phrases qui précèdent, il a(vait) un rêve, et c’est cet idéal qui le poussait à pratiquer une science active et impliquée dans la vie de la société rurale. SANO Shin’ichi dit bien que les dernières années de MYAMOTO furent consacrées à son activité de pédagogue social (shakai kyôikusha 住 住 住 住 住 )541. MIYAMOTO va donc aussi loin que le pragmatique YANAGITA qui avait compris que pour que le peuple soit psychologiquement stable542, respecte la loi et soit productif, il lui faut une morale que seul le shintô du lieu d’origine cautionne543. La peur de mal faire lorsqu’on est épié par l’ujigami (la divinité tutélaire) qui nous connaît nous et toute notre famille depuis la nuit des temps est plus efficace que la morale des causes et des effets du bouddhisme, plus intellectuelle et renvoyant à la responsabilité de chacun dans son karma544. La différence à ce niveau entre MIYAMOTO et son maître est le champ d’action choisi par chacun pour œuvrer : les essais d’agro­politique pour YANAGITA (qui finit par abandonner ce domaine) et la formation des populations rurales pour MIYAMOTO. Et sans aller jusqu’à dire que la fin justifie les moyens, on peut tout de même remarquer la passion avec laquelle MIYAMOTO instruisait ses auditeurs, allant parfois jusqu’à les bousculer (verbalement) sans doute pour les pousser à (ré)agir545, car l’heure était à l’action urgente (et l’est toujours, d’autant plus que la situation semble s’être aggravée, économiquement et démographiquement) :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Si c’est comme ça, ce village va finir par s’effondrer ! ») disait­il parfois dans ses emportements contre les villageois défaitistes qu’il rencontrait lors de ses conférences ou de ses études et qui le sollicitaient comme un dernier espoir pour les sauver de la pente qui les menait tout droit à la faillite et à la reconversion dans un autre secteur d’activité. Il ne supporte pas le fatalisme de ceux qui se plaignent sans avoir tout tenté pour changer les choses :

541 SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. I, 4, p. 39. 542 Et évite ainsi d’attenter à ses jours par simple « mal être », problème qui n’a jamais été aussi grave qu’actuellement. 543 KAWADA Minoru 「「「, Yanagita Kunio no shisô­teki kenkyû, Tôkyô, 1997. 544 C’est d’ailleurs parce que cette dernière était d’ailleurs tellement angoissante pour les Japonais qu’une doctrine comme celle du Jôdo­shû 「「「 et plus encore du Jôdo­shinshû 「「「「, l’amidisme, a pu se développer, d’après laquelle il suffit de s’en remettre au bodhisattva Amitabha par la récitation d’une phrase transcrite du sanscrit (nembutsu 「「), pour être sauvé et aller au « paradis de l’Ouest ». 545 SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. I, 9, p. 55. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「546 (« Savoir se résoudre [à la fatalité] en début d’année est également important, mais élaborer un projet d’entreprise, se préparer en début d’année à ce projet pour l’année civile et faire son examen rétrospectif d’année en année et se jurer de surmonter les difficultés du projet ne devient­il pas plus important ? »)

Il faut aussi savoir demander de l’aide aux bonnes personnes :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「547 (« Dans le cas où ce projet ne concerne pas seulement son propre groupe, ne peuvent­ils pas demander la participation et l’assistance de camarades de l’extérieur et faire circuler les informations dans les deux sens ? »)

Il s’agit donc de réhabiliter ou de créer, le cas échéant, une solidarité, une entraide (sôgo fujo 住住住住) seule à même de venir à bout des difficultés qui paraissent insurmontable. Les groupes voisins sont donc à privilégier dans ce mouvement que nous pourrions appeler un « élargissement d’autochtonie ». Et il donne un exemple de réussite avec les îles au large d’Onomichi 住住 dont les groupes sont parvenus à s’entendre pour créer ensemble un projet agricole intégrant plusieurs communes et tournant autour de l’exploitation de la mandarine548.

Pour parvenir à réactiver l’autochtonie, on peut avec profit s’appuyer sur des structures et institutions existantes ou disparues mais à réhabiliter, ou bien en créer de toute pièce. A titre d’exemple, les anciennes maisons des jeunes (wakamono yado 住 住 住 ) qui peuvent servir à renforcer des solidarités générationnelles et organiser les rites de passage autour de réunions à la fois ritualisées et festives. En cas de problème quelconque, la maison en question peut aussi servir de refuge à un jeune membre du groupe ou d’un groupe ami549.

L’idéal d’édification auquel doit aboutir la discipline – et auquel concourt l’activité d’enseignant et de conférencier de MIYAMOTO, notamment avec la Kyôdo daigaku (Université du terroir) – semble résider dans un dépassement de la rationalité qui, archétypique de la « pensée japonaise » (catégorie culturellement construite, nous en sommes conscient), chercherait les fondements d’une psychologie collective (émotionnelle) reposant sur des codes culturels hérités d’une Histoire commune. Et là encore, le but est moral.

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「550

546 Mura no hôkai, chap. I, (2,1), p. 24, OM 12. 547 Mura no hôkai, chap. I, (2,1), p. 25, OM 12. 548 Mura no hôkai, chap. I, (2,2), p. 26, OM 12. 549 Mura no hôkai, chap. I, (2), p. 28, OM 12. (« Nous aimerions découvrir une psychologie commune de ce genre qui nous convienne et, suivant cette psychologie, essayer de construire un « lieu de vie (yo no naka) » qui irait de l’avant, voilà ce que je pense ».)

Car c’est la compréhension de ces mécanismes psychologiques sociaux qui, pour MIYAMOTO, permettrait d’accompagner une recherche plus générale du sens des choses qui nous entourent, dans une quête d’amélioration morale collective. Ainsi, nous dit MIYAMOTO :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「551 (« L’excellence des Japonais est notre excellence. Il faut que mon excellence soit celle de la psychologie de la vie quotidienne qui nous entoure. Si l’on observe notre entourage à partir de cette prise de conscience, il n’y a rien d’anodin dans une maison, un vêtement ou même, à plus forte raison, une pâture (esa ichi­wan). Fournir une objectivité à ces choses et chercher à mettre en lumière la vie psychologique passée du petit peuple japonais, voilà ce qu’est la minZokugaku du Japon. »)

Ce texte a le mérite de parler à la fois « des Japonais » (aspect identitaire et représentation de soi), de leur « excellence » (aspect moral et idéal), de leur « vie quotidienne » (aspect ethnographique), et de leur environnement matériel (les mingu), mais aussi d’énoncer deux des disciplines mises à disposition de l’ethnologue dans sa démarche explicative : l’Histoire et la psychologie sociale. Cela rejoint complètement les Nihonjin­ron, la contextualisation poussée en plus (cf. plus haut).

Connaître les choses et les hommes, ce qui nous concerne, mais aussi les autres. Connaître son village, mais aussi connaître le village voisin, la ville voisine, la région voisine, etc., jusqu’au pays lointain, voilà qui permet à la fois de se respecter, et de respecter les autres :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「552 (« Pour nous, la chose la plus importante réside d’abord dans la nécessité de connaître l’Homme. Si l’Homme ignore l’Homme, le « respect humain » disparaît. Plus important encore, en comprenant l’autre, on doit [pouvoir] se connaître « soi­même ». Lorsqu’on comprend ce que l’on appelle « soi­

550 « Sado no seinen ni nozomu »「「「「「「「「「「(« Espérer dans les jeunes gens de Sado »), in « Seikatsu wo yoku suru tame no doryoku »「「「「「「「「「「「「「「(« Efforts afin d’améliorer la vie quotidienne), in Mura no Hôkai, OM 12, p. 16. 551 « Nihon minZokugaku no hanashi »「「「「「「「「「, in Dôshi dôkô 「「「「「「, 8ème vol., n°4, Shôwa XIV (1939), cité dans Minyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 9, p. 216. Attention toutefois à ne pas surévaluer l’importance de ce court texte de 1939 que MIYAMOTO a jugé bon de ne pas republier. Mais derrière son lyrisme patriotique peut­être un peu « daté » se révèle la sensibilité de l’homme de lettre tout autant que du moraliste. 552 « Sado no seinen ni nozomu », in « Seikatsu wo yoku suru tame no doryoku », in Mura no Hôkai, OM 12, p. 14. même », se fait jour un sentiment d’amour propre (jibun wo daiji ni suru). Quant au « respect humain », il faut qu’il s’agisse en même temps d’un respect de soi ».)

C’est sur ces mots que nous clôturerons cette présentation de l’œuvre de MIYAMOTO Tsunéichi, qui rappellent que l’ethnographie du folklore, à l’origine étude du microcosme, est aussi, sinon une philosophie, du moins une sagesse en quête permanente de sens et à la recherche d’une morale, premier pas vers une conscience humaniste de l’universel. Conclusion : « Un monde nommé MIYAMOTO Tsunéichi »553

On l’aura compris, de la nation de YANAGITA au peuple de MIYAMOTO (pour reprendre l’expression de KOMINO Shunsuké 住住住住 554), c’est un regard nouveau qui pénètre dans l’univers des sciences humaines au Japon (I). Il sera suivi peu de temps après par AMINO qui opèrera une révolution comparable en Histoire. SANO Shin’ichi avait raison de qualifier MIYOMOTO de « géant »555, car ce qu’il a réalisé était proprement surhumain, à la fois en termes de travail de terrain (les longues marches…) et de rédaction (les deux­cents volumes). Ses continuateurs font vivre aujourd’hui la science qu’il contribua à élargir (II).

I De l’étude du folklore à l’appel pour un réveil des consciences

MIYAMOTO était parti, rappelons­le, recueillir des témoignages de personnes âgées dans les villages ruraux de son île. Il en est venu rapidement à questionner le « folklore » et, à partir de cette étude, à rayonner géographiquement et épistémologiquement afin de trouver un point de vue globalisant, un « système », mais assez peu conceptuel, historique autant qu’ethnographique, permettant de poser les questions les plus à même de cerner ce que d’autres après lui appelleront « l’identité japonaise ».

Nous avons par ailleurs essayé de montrer que les intentions qui le guidaient plus ou moins consciemment dans son œuvre n’étaient pas dépourvues de visées morales, voire édifiantes. Peut­on alors aller jusqu’à dire que MIYAMOTO était aussi un moraliste ? La lecture des écrits tardifs, par exemple de ses journaux de voyage, peut laisser entrevoir (mais entrevoir seulement) un tournant dans son approche, plus marquée ici par l’aspect international et le comparatisme. Pourtant le passage des

553 Nous reprenons ici le titre du l’ouvrage de SATAO Shinsaku 「「「「「, 2004. 554 Cité par NAGAHAMA Isao 「「「, Hôkô no manazashi – Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「(Regard d’errance – Les yoyages et la science de Miyamoto Tsunéichi), Tôkyô, Akashi shobô, 1995, 249 p., préface p. 14. 555 Dans ses deux ouvrages : Tabi suru kyojin : Miyamoto Tsuneichi to Shibusawa Keizô「「「「「「「「「「「「 「「「「「(Des géants qui voyageaient : Miyamoto Tsunéichi et Shibusawa Keizô), Tôkyô, NHK shuppan, 2001, rééd. 2002 ; et Tabi suru kyojin Miyamoto Tsuneichi : Nippon no kioku「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (Miyamoto Tsunéichi, le géant qui voyageait : souvenirs du Japon), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2006, 265 p.. frontières (ekkyô 「「) n’a pas effacé les frontières. L’autre reste autre, mais cet autre est plus proche qu’avant. L’œuvre miyamotienne nous apprend que les frontières sont mobiles, qu’elles suivent les peuples qui les créent, les déplacent et les suppriment au fil de l’Histoire et des évolutions géophysiques tout autant que culturelles. Les constructions identitaires et les discours qu’elles produisent sont autant éclairés de l’intérieur (par leurs concepteurs) que de l’extérieur (par leurs commentateurs). On peut noter que ce comparatisme n’est pas sans provoquer des chocs, voire un certain désenchantement (passager dans le cas de MIYAMOTO). Sans sombrer le moins du monde dans l’amertume et la raillerie quelquefois perceptible chez l’auteur de Tristes tropiques, MIYAMOTO prend néanmoins conscience que quelque chose s’est passé dans son pays depuis la fin de la guerre, un processus qui était en marche auparavant, mais que la guerre et la reconstruction ont hâté : le passage d’une société d’auto­producteurs à une société d’économie tertiaire fondée sur l’hyper­consommation de masse. Avec la perte de la terre, les Japonais perdaient leurs coutumes et une grande part de leur système de valeurs qui donnait sens au shintô, lequel cautionnait la morale (MIYAMOTO est d’accord avec YANAGITA sur ce point). En d’autres termes, les Japonais sont dans un processus d’« amoralisation » matérialiste. Il est trop tard pour MIYAMOTO : il n’aura pas le temps de formuler ce qu’il n’aura fait que pressentir de façon encore floue. Ses découvertes et l’embryon de synthèse entrepris par son dernier essai (Nihon bunka no keisei) devront attendre d’hypothétiques continuateurs. Conscient de l’immensité de la tâche qu’il s’était fixée, et – c’est peut­ être plus admirable encore – conscient du fait qu’elle ne pourrait pas être menée à bien par lui seul, MIYAMOTO s’était, dès la seconde moitié de sa vie, attaché à former des « continuateurs » plutôt que des disciples. Des esprits libres à qui il apprenait à privilégier l’expérimentation et l’expérience directe, dans la mesure du possible bien entendu, plutôt que les livres des autres. Cette formation se fit d’abord dans un cadre non institutionnel au cours des recherches de terrain menées en équipe, puis à l’Université des beaux arts de Musashino dans le cadre de son cours d’ethnologie. La fondation de l’Université du terroir (Kyôdo daigaku 「「「「) sera le pont jeté vers l’avenir par MIYAMOTO puisqu’il décèdera après seulement huit séances de cours magistraux.

Nous avons aussi vu que les pseudo­polémiques touchant à l’aspect méthodologique de son œuvre ou à son prétendu engagement politique du côté des impérialistes relevaient soit d’attaques personnelles, soit de critiques qui étaient disqualifiées puisqu’elles mettaient en cause MIYAMOTO en tant qu’anthropologue, ce qu’il n’était ni ne prétendait être. La seule critique qui puisse être retenue, encore qu’elle dépende de la conception que chacun se fait d’un savant de façon générale, concerne l’engagement de MIYAMOTO en faveur des populations rurales qu’il étudiait. L’engagement suppose­t­il nécessairement un manque de neutralité, voire un aveuglement quant aux réalités à observer ? Pas nécessairement selon nous. MIYAMOTO n’a jamais cherché à traverstir les faits, et les a présentés avec la même sincérité que ses impressions ou ses souhaits. Du reste, malgré son activitée engagée, il était lui­même bien conscient des limites de son action en tant qu’individu.

Par ses activités de conférencier (et de formateur en agronomie et en entreprenariat rural) tout autant que d’auteur (pour des revues spécialisées ou pour des articles touchant le grand public), le message qu’il cherchait à transmettre était clair et simple : observer les choses et les gens avec attention, du plus proche au plus éloigné, chercher à les comprendre et se faire son opinion par soi­ même, afin d’agir dans son intérêt, mais aussi celui de la communauté, en connaissant et respectant les prédécesseurs.

MIYAMOTO était ainsi un précurseur de la lutte contre la désertification, mais il était aussi un pionnier de la conscience écologique, connaissant parfaitement les écosystèmes et cherchant à les préserver. Aujourd’hui, de nombreux scientifiques, procédant des « sciences dures » autant que des sciences humaines n’hésitent pas à s’engager pour des causes auxquelles leurs recherches les ont sensibilisés ou leur ont donné les informations nécessaires pour faire des choix plus éclairés dans le domaine de la vie sociale et politique. Dans le cas de MIYAMOTO, c’est ce que Pascal DIBIE appelle l’« ethnologie d’intervention »556, discipline qu’il pratique d’ailleurs lui­même.

II La relève et la postérité A/ MIYAMOTO et la relève

1) MIYAMOTO pédagogue MIYAMOTO, tout comme les philosophes grecs, enseignait par le dialogue. Un de ses disciples, le minZokugakusha et poète KANDA Mikio 「「「「「 raconte que :

「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「557 (« Ce professeur n’avait pas du tout une attitude du genre : « Je vais enseigner, je vais vous apprendre » ; c’était une personne qui nous instruisait tout en nous faisant une sorte de conversation ordinaire ».)

D’ailleurs, il appelait ses disciples les « jeunes camarades » (wakai nakamatachi 住住住住住住)558.

556 Pascal DIBIE, « Le retour à soi », Postface à la réédition de Le village retrouvé (Paris, Bernard Grasset, 1979) en poche chez L’aube, s.l., 1995 (réimp. 2005), p. 252. 557 In SATO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, 3ème entretien, p. 86­87. 558 Propos de MORIMOTO Takashi 「「「, professeur à la Suisan daigakkô 「「「「「 (Université des produits halieutiques), in SATAO Shinsaku, op. cit., p. 30­31. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「559 (« « Ecris d’abord ce que tu as vu et entendu ! », disait­il souvent ».)

C’était en effet son mot d’ordre. Il défendait aussi à ses disciples les solutions de facilité comme les expressions toutes faites empruntées à la « littérature grise »560 ou à leurs professeurs. Enfin, en toute circonstance il leur recommandait d’écrire avec leurs mots561 et la plus grande honnêteté (toujours nommer son informateur562, sauf refus de sa part), quitte à avouer leur incompréhension des phénomènes et objets observés.

Nombreux sont aujourd’hui les minZokugakusha à assumer cet héritage. Citons les auteurs qui nous apparaissent comme les plus marquants.

2) Les continuateurs de MIYAMOTO

S’il ne fut pas son élève, TANIGAWA Ken’ichi 宮宮宮宮 (né en 1921) n’en reçut pas moins la forte influence de MIYAMOTO avec qui il eut même la chance de s’entretenir. Son œuvre, certes moins monumentale, comporte cependant de nombreux et forts volumes qui n’ont rien à envier à ceux de SUGAE Masumi ou SHIBUSAWA Keizô. Comme ORIKUCHI Shinobu dont il peut évoquer plus ou moins la manière, cet auteur est autant essayiste qu’ethnologue – voire anthropologue, et s’intéresse davantage à l’abstraction que son maître. Il est connu pour avoir offert la première étude globale sur la notion traditionnelle d’« autre monde » (tokoyo 住住)563 au Japon. Ses sujets d’études sont notamment la mythologie et les femmes. En simplifiant à l’excès, on pourrait dire qu’il s’agit d’un mélange moderne de MIYAMOTO et d’ORIKUCHI.

559 In SATO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, 3ème entretien, p. 87. 560 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« N’utilise pas les mots des gens que tu as entendu dire bureaucratiquement : « On dit ceci et cela » ! »), cité par SUZUKI Yûji 「「「「 (Chef de la section de recherche du Nihon ritô sentâ 「「「「「「「「 (Centre des Iles éloignées), in SATAO Shinsaku, op cit., 10ème entretien, p. 236. 561 「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Parlez avec vos propres mots ! »), cité par SUZUKI Yûji in SATAO, Miyamoto Tsuniechi to iu sekai, p. 236. 562 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Le professeur, lorsqu’il voyait qu’on avait écrit « l’informateur » (washa) se mettait en colère : « Qu’est­ce que c’est que ça ?! C’est irrespectueux ! » »), cité par SUTÔ Mamoru in SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 230. 563 Tokoyo­ron – Nihonjin no tamashii no yukue 「「「「「「「「「「「「「「「「「 (De l’autre monde – Là où vont les âmes des Japonais), Tôkyô, Heibonsha, 1983, rééd. Kôdansha gakujutsu bunko, 1989, 286 p.. Plus proches des thèmes de MIYAMOTO mais moins « hommes de terrain » que lui, FUKUDA Ajio 宮宮宮宮宮 (né en 1941) (image de gauche) et MIYATA Noboru 宮宮宮564 (1936­2000) (image de droite) dominent la minZokugaku actuelle par un nombre impressionnant de publications rédigées ou dirigées et couvrant tous les aspects de la discipline, dans l’esprit universaliste de MIYAMOTO. Le premier a notamment participé à la rédaction d’un dictionnaire de minZokugaku de référence565.

KOJIMA Takao 宮 宮 宮 宮 (né en 1955), moins connu, faisait pourtant partie d’une des dernières promotions de MIYAMOTO à l’Université des Beaux­Arts de Musashino et fut membre du Nihon kankô bunka kenkyûjô* où il cotoya le maître. Il travaille actuellement sur le monde des villages de pêcheurs et notamment sur les formes populaires de vénération du kami­tortue (représenté par des statues ou des peintures) ou sur la pratique de la pêche à la baleine.

Difficile d’innover après MIYAMOTO. Pourtant, si l’on reste fidèle à son esprit, plutôt qu’à sa lettre, le message est clair : c’est à partir des phénomènes observables ici et maintenant qu’il faut travailler. Une fois le phénomène choisi, on l’observe et on pourra ensuite le décrire, l’analyser et en faire l’historique. La minZokugaku miyamotienne, en ce sens, est, comme toute science, source inépuisable de sujets d’étude.

564 Le spécialiste français de YANAGITA Kunio, Frédéric LESIGNE, fut lui­même élève de MIYATA Noboru. 565 FUKUDA Ajio 「「「「「, KANDA Yoriko 「「「「「, SHINTANI Takanori 「「「「, NAKAGOMI Mutsuko 「「「「, YUKAWA Yôji 「「「「 et WATANABE Yoshio 「「「「 (dir.), Seisen Nippon minZoku jiten 「「「「「「「「 (Dictionnaire raisonné d’ethnographie du folklore du Japon), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan, 2006, 692 p. B/ L’avenir de la « miyamotologie »

Pour terminer, la question qui se pose ici est de savoir si la minZokugaku miyamotienne et la « miyamotologie » (miyamotogaku 住 住 住 ) sont la même chose. En fait, même si elles se recoupent nécessairement, elles ne coïncident cependant pas exactement. Au sens strict, la miyamotologie est l’étude exclusive de la vie et de l’œuvre de MIYAMOTO. Il y a donc des études miyamotiennes comme il y a des études « yanagitiennes » ou « orikuchiques ».

Les études sur ou d’après MIYAMOTO (la miyamotologie donc) connaissent actuellement un véritable « boom ». Quel intérêt trouve­t­on à étudier cet auteur aujourd’hui ? La difficile frontière entre identité et nationalisme pourrait éventuellement se poser un jour, avec, qui sait ?, le problème d’une éventuelle récupération par des nationalistes en quête d’éléments fédérateurs nationaux, susceptibles de privilégier seulement ce qui les arrange. Pourtant, MIYAMOTO fut la preuve vivante que l’on peut être un « conservateur » modéré sans pour autant être ni fasciste, ni rétrograde, et s’en tenir aux faits dans ses livres.

Par ailleurs, si de telles études permettent de remettre les œuvres dans leur contexte, ce qui est toujours nécessaire, elles courent aussi le risque du fétichisme, ou tout au moins celui de tomber assez rapidement en désuétude. Comme nous le faisait remarquer un employé du Kôryû bunka sentâ de Suô Ooshima alors que nous nous sentions obligé de prendre une mine recueillie devant le bureau pieusement conservé par le centre comme une relique : « au lieu de regarder MIYAMOTO, vous feriez mieux d’essayer de comprendre ce qu’il a cherché à nous dire ».

Bref, il y a désormais un avant et un après MIYAMOTO Tsunéichi. Grace à lui, les sciences humaines japonaises ont pu faire un pas de plus dans la modernité. Non seulement il a fait entrer l’ethnographie du folklore parmi les sciences au sein des institutions en poursuivant l’œuvre de son maître YANAGITA, mais il a également ouvert la voie à une nouvelle génération de chercheurs, peut­ être moins innovante (encore que l’avenir puisse nous apporter une heureuse contradiction), mais profitant de l’expérience des deux maîtres et de leur méthode.

MIYAMOTO avait vu juste dans ses pronostics sur la disparition accélérée des coutumes rurales et des institutions traditionnelles, sur l’industrialisation etc.. Malgré son pessimisme, il restait profondément humaniste, modeste et généreux et il aurait pu faire sienne cette phrase de Pascal DIBIE : « n'oubliez jamais que nous sommes tous des êtres futurs du folklore et que notre tâche primordiale est de témoigner de notre époque »566.

Les études sur MIYAMOTO (« Miyamoto­gaku 住住住 ») qui fleurissent aujourd’hui témoignent d’un champ de recherche en expansion, et ceux qui se réclament de lui sont de plus en plus nombreux. Nous

566 « Le retour à soi », Postface à la réédition de Le village retrouvé en poche, 1995, p. 252. espérons que l’étude de son œuvre contribuera sinon à une meilleure connaissance de l’identité japonaise passée, présente et à venir, du moins à un questionnement renouvelé, cette identité étant protéiforme et évolutive comme toutes les identités. Ainsi sont donc posées à la fois l’ambition et les limites de nos propres recherches ; ainsi est défini le « cadre » que nous leur avons voulu donner. Bibliographie

I Sources primaires

Section I Liste des œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi

La liste suivante reprend l’édition Miraisha 住住住 (Tôkyô, 1968 – en cours), en 52 tomes, Miyamoto Tsuneichi Chosaku­shû 住住住住住住住 , édition qui est loin d’être complète (il manque encore plus d’une trentaine de volumes) et qui ne dispose d’aucun appareil critique, pas même d’une simple préface. Les ouvrages y ont été publiés sans souci d’ordre ni chronologique, ni thématique. La « première période » fait référence aux ouvrages publiés dans ce cadre du vivant de MIYAMOTO, et la deuxième, par conséquent, aux œuvres publiées après sa mort.

L’astérisque après un numéro indique que ce numéro a été rajouté par nous à des ouvrages publiés par Miraisha ou par d’autres éditeurs, pour la clarté de la numérotation.

Pour établir cette bibliographie, nous avons eu recours notamment à celle qui figure à la fin d’Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsu­shi 住住住住住住住住住住住住住住住 (édition de NAKAMURA Jin 住住住), établie par TAMURA Zenjirô 住住住住住.

Légende :

Der. vol. = dernier volume

Hen. = henshû 住住 : rédaction

Hencho = 住住 : rédaction, compilation

Kan. = kanshû 住住 : direction

Publ. ach. = publication achevée

Publ. inter. = publication interrompue Shôwa = ère567 Shôwa 住住 : 1926­1989

O.I = figure dans le tome I des Œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi, édition Miraisha.

I Œuvres individuelles (CHOSAKU­SHÛ 住住住)

A/ Œuvres en plusieurs volumes (Shirîzu.sô-shorui 「「「「「「「「)

1/ Miyamoto Tsuneichi Chosaku­shû (Les Œuvres de Miyamoto Tsunéichi) (édition Miraisha) 5 68

Œuvres, 1 èr e période (Saku­shû (dai­ikki) 住住住住住住住)

I Minzokugaku he no michi 住住住住住住 (Le Chemin vers les études folkloriques)

II Nihon no chûô to chihô 住住住住住住住住 (Le Centre et la campagne au Japon)

III Fûdo to bunka 住住住住住 (Climat, culture et civilisation)

IV Nihon no ritô dai 1 shû 住住住住住住住住 (Les Iles japonaises lointaines 1)

V Nihon no ritô dai 2 shû 住住住住住住住住 (Les Iles japonaises lointaines 2)

567 Rappelons qu’au Japon, toutes les ères commencent par un an un : comme par conséquent il n’existe pas d’an zéro, pour calculer l’année grégorienne, il faut additionner l’an de départ de l’ère et le numéro de l’année à l’intérieur de cette ère, et soustraire un. 568 Au départ, l’édition Miraisha des Œuvres devait comprendre 53 tomes dont la liste figurait dans certains des volumes parus, comme les tomes 25 et 26. Jusqu’au volume 33, aucun changement ; en revanche, les volumes 34 et 36 à 44 divergent. Des volumes 45 à 50 étaient annoncés, ainsi qu’un troisième volume d’œuvres en annexe. Les volumes annoncés 44, 45, 46, 47 et 48 se sont retrouvés finalement publiés respectivement sous les numéros 38, 34, 34 (deux tomes réunis en un seul), 37 et 36. La séparation entre première et deuxième période se situait après le 25ème tome. Voici, pour mémoire, la liste des volumes présentant des différences avec la liste définitive, d’après celle qui figue au volume 26 : XXXIV Mingugaku­ron­shû 「「「「「 (Recueil de théories sur les objets courants) XXXV [pas de changement] XXXVI Ritô­ron­shû 「「「「 (Recueil de théories sur les îles lointaines) XXXVII Umi to Nihonjin 「「「「「 (Les Japonais et la mer) XXXVIII Mura no wakamonotachi 「「「「「「 (Les jeunes des villages) XXXIX Sanson shakai keizai­shi I 「「「「「「「 I (Revue de l’économie des sociétés villageoises I) XL Sanson shakai keizai­shi II 「「「「「「「 (Revue de l’économie des sociétés villageoises II) XLI Nihon no yado 「「「「 (Les auberges japonaises) XLII Michi no bunka 「「「「 (Cultures de la route) XLIII Shibusawa Keizô 「「「「 (Shibusawa Keizô) XLIV Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsu­shi [actuel tome 38] XLV Yoshino Nishi­oku minzoku saihô­roku I [actuel tome 34] XLVI Yoshino Nishi­oku minzoku saihô­roku II [actuel tome 34] XLVII Kawachi no kuni – Takihata Sakon Kumata okina kyû­jidan [actuel tome 37] XLVIII Echizen Itoshiro minzoku­shi [actuel tome 36] XLIX Izumo Yakka­gun Kataku­ura minzoku kikigaki 「「「「「「「「「「「「 (Choses entendues dans la baie de Kataku, arrondissement de Yataba, Izumo) L Minzokugaku no tabi 「「「「「 (Voyages d’ethnographie du folklore) (Besshû) 1 [pas de changement] 2 [pas de changement] 3 Tedzukuri no chiiki bunka 「「「「「「「「 (Cultures locales du fait­main). VI Kakyô no oshie . Aijô ha kodomo to tomo ni 住住住住住住住住住住住住住 (L’Enseignement dans le village / L’Affection et les enfants)

VII Furusato no seikatsu . Nihon no mura 住住住住住住住住住住住住 (La Vie quotidienne dans les villages / Les Villages japonais)

VIII Nihon no kodomotachi . Umi wo hiraita hitobito 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Les Enfants au Japon / Les Gens qui élargirent l’océan)

IX Minkan­reki 住住住 (Le Calendrier populaire)

X Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住 (Les Japonais oubliés)

XI Chûsei shakai no zanson 住住住住住住住 (Les Restes de la société médiévale)

XII Mura no hôkai 住住住住 (La Désertification des villages)

XIII Minshû no bunka 住住住住住 (Culture(s) populaire(s))

XIV Sanson to kokuyû­rin 住住住住住住 (Villages de montagne et forêts domaniales)

XV Nihon wo omou 住住住住住 (Penser le Japon)

XVI Yaku­shima minzoku­shi 住住住住住住 (Notes sur le peuple de l’île de Yaku)

XVII Takarajima minzoku­shi . Mishima no gyoson 住住住住住住住住住住住 (Notes sur le folklore de l’Ile au trésor / Le Village de pêcheurs de Mishima)

XVIII Tabi to kankô 住住住住 (Voyage et tourisme)

XIX Nôgyô gijutsu to keiei no shiteki sokumen 住住住住住住住住住住住住 (Aspect historique des techniques agricoles et d’exploitation)

XX Umi no tami 住住住 (Les peuples de la mer)

XXI Shomin no hakken 住住住住住 (A la découverte des petites gens)

XXII Sangyô­shi sampen 住住住住住 (Trois essais sur l’Histoire de l’industrie)

XXIII Chûgoku sanchi minzoku saihô­roku 住住住住住住住住住住 (Chûgoku : Notes de voyage d’étude chez le peuple montagnard)

XXIV Shoku­seikatsu zakkô 住住住住住 (Diverses réflexions sur la vie alimentaire)

XXV Murazato wo iku 住住住住住 (Aller dans les villages)

Œuvres, 2 ème période (Sakushû (dai­ni­ki) 住住住住住住住)

XXVI Minshû no chié wo tazunete 住住住住住住住住住 (Rendant visite à la sagesse populaire)

XXVII Toshi no matsuri to minzoku 住住住住住住住 (Fêtes traditionnelles urbaines et folklore)

XXVIII Tsushima gyogyô­shi 住住住住住 (Histoire de la pêche à Tsushima) XXIX Chûgoku fudoki 住住住住住 (Les Chroniques des terres du Chûgoku)

XXX Minzoku no furusato 住住住住住住住 (Le village d’origine : un folklore)

XXXI Tabi ni manabu 住住住住住 (Apprendre en voyage)

XXXII Mura no kyûka to sonraku soshiki 1 住住住住住住住住住住 (Les vieilles familles et les institutions villageoises 1)

XXXIII Mura no kyûka to sonraku soshiki 2 住住住住住住住住住住 (Les vieilles familles et les institutions villageoises 2)

XXXIV Yoshino Nishi­Oku minzoku saihô­roku 住住住住住住住住住 (Notes de voyage d’étude du folklore dans l’Ouest profond, à Yoshino)

XXXV Ritô no tabi 住住住住 (Voyage aux îles lointaines)

XXXVI Echizen Itoshiro minzoku­shi . sono ta 住住住住住住住住住住住住 (Notes sur le folklore d’Itoshiro à Echizen et autres oeuvres)

XXXVII Kawachi koku Takihata Sakon Kumata­ô kyûji­dan 住住住住住住住住住住住住住 (Entretiens sur les faits du passé avec le vieux SAKON Kumata de Takihata dans la province de Kawachi)

XXXVIII Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsu­shi 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Notes sur la vie quotidienne au bord de la mer de la grande île de Suô)

XXXIX Oosumi­hantô minzoku saihô­roku Izumo Yatsuka­gun Kataku­ura minzoku monjo 住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Ecrits de voyage d’études folkloriques sur la péninsule d’Oosumi / Ecrits sur le folklore d’Izumo, du district de Yatsuka et de labaie de Kataku)

XL Suô Ooshima minzoku­shi 住住住住住住住 (Ecrits sur le folklore de la grande île de Suô)

XLI Kyôdo no rekishi 住住住住住 (Histoire du terroir)

XLII Fubo no ki / jiden shô 住住住住 / 住住住 (Chronique de mes parents / Notes autobiographiques)

XLIII Shizen to Nihonjin 住住住住住住 (Les Japonais et la Nature)

XLIV Minshû bunka to zôkei 住住住住住住住 (La culture populaire et la plastique)

XLV Mingugaku shiron 住住住住住 (Essai sur la science des objets courants), août 2005

XLVI Shin­nôson he no teigen I 住住住住住住住住 (Propositions pour de nouveaux villages agraires I), mai 2006

XLVII Shin­nôson he no teigen II 住住住住住住住住 (Propositions pour de nouveaux villages agraires II), juillet 2006

XLVIII Rindô to sanson shakai 住 住 住 住 住 住 住 (Chemins de forêts et société des villages de montagne), nov. 2006 XLIX Shio no minZoku to seikatsu 住住住住住住住 (Etude ethnographique du sel et vie quotidienne), 2007

L Shibusawa Keizô 住住住住 (SHIBUSAWA Keizô), à paraître en 2008

Œuvres (œuvres en annexe) (Sakushû (besshû) 住住住住住住)

LI* 1 Toroshi Oosaka­fu Semboku­gun Tori­ishi mura seikatsu­shi 住住住住住住住住住住住住住住住 (Toroshi, revue de la vie quotidienne dans le village de Toriishi, canton de Semboku, disctrict d’Osaka)

LII* 2 Minwa to kotowaza 住住住住住住住 (Contes populaires et dictons)

2/ Autres œuvres (Sono ta 宮宮宮)

Miyamoto Tsuneichi shashin . nikki shûsei 住住住住住住住住住住住 (Recueil des photos et du journal intime de Miyamoto Tsunéichi), 3 vol. sous coffret, Mainichi shimbun­kan 住 住 住 住 住 , 2005 : ouvrage monumental coûteux, richement illustré (60 000 Y569) ;

Nihon minshû­shi 住住住住住 (Histoire du peuple japonais), Miraisha

1 Kaitaku no rekishi 住住住住住 (Histoire du défrichage)

2 Yama ni ikiru hitobito 住住住住住住住住 (Les Gens qui vivent dans la montagne)

3 Umi ni ikiru hitobito 住住住住住住住住 (Les Gens qui vivent au bord de la mer)

4 Mura no naritachi 住住住住住住 (La Formation des villages)

5 Machi no naritachi 住住住住住住 (La Formation des villes)

6 Seigyô no rekishi 住住住住住 (Histoire des métiers)

7 Kansho no rekishi 住住住住住 (Histoire de la patate douce)

[Nihonjin no sumai 住住住住住住住 (L’Habitat des Japonais), posthume]

Tabi no minzoku to rekishi 住住住住住住住 (Folklore et Histoire du voyage) (anciennement570 : Tabi no rekishi kenkyû shirîzu 住住住住住住住住住住 (Série : « Recherches sur l’Histoire du voyage)) (éd. Yasaka shobô 住住住住)

1 Nihon no yado 住住住住 (Les Auberges du Japon), 1987, rééd. 2006 ;

2 Daimyô no tabi – Honjin wo tazunete (hencho) 住住住住住住住住住住住 (Les Voyages des daimyôs – Interroger les résidences de fonctionnaires)

3 Tabi no hakken – Nihon bunka wo kangaeru (hencho) 住住住住住住住住住住住住住 (La Découverte du voyage – Penser la civilisation japonaise)

569 Soit un peu moins de 600 €. 570 Tel que figurant dans la liste établie par TAMURA Zenjirô. 4 Shomin no tabi (hencho) 住住住住 (Les Voyages du petit peuple), 1987, rééd. 2006 ;

5 Ise sangû (hencho) 住住住住 (Le Pèlerinage à Isé), 1971, rééd. 1987, 1991 :

6 Tabi no minzoku – Hakimono to norimono (hencho) 住住住住住住住住住住住住住住 (Folklore du voyage – Choses chaussées et portées)

7 Umi to Nihonjin (hencho) 住住住住住 (Les Japonais et la mer)

8 Yama no michi (hencho) 住住住 (Les Chemins de montagne), rééd. 2006 ;

9 Kawa no michi (hencho) 住住住 (Les Voies fluviales)

10 Umi no michi 住住住 (Les Voies maritimes)

Tabibito no rekishi 住住住住住 (Histoire de voyageurs), Miraisha571

1 Noda Senkôin 住住住住住 (Noda Senkôin)

2 Sugae Masumi 住住住住 (Sugaé Masumi), 1980, rééd. 2005 ;

3 Furukawa Koshôken . Isabera Bâdo 住住住住住住住住住住住住住住 (Furukawa Koshôken / Isabella Bird), 2ème partie rééditée sous le titre : Isabera Bâdo no « Nihon ichi kikô » wo yomu 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Lire Unbeaten Tracks in Japan d’Isabella Bird), Heibonsha 住住住, 1984 ;

Watashi no Nihon chizu 住住住住住住 (Mes cartes du Japon), Dôyûkan 住住住, Shôwa XLII (1967) – LI (1976)

1 Tenryû­gawa ni sotte 住住住住住住住 (Au bord du Tenryû) ;

2 Kami­Kôchi fukin 住住住住住 (Les environs de Kami­Kôchi) ;

3 Shimokita hantô 住住住住 (La presqu’île de Shimokita) ;

4 Seto­naikai I Hiroshima­wan fukin 住住住住 I 住住住住住 (La mer intérieure de Séto I Les environs de la bais de Hiroshima) ;

5 Gotô rettô 住住住住 (L’archipel des Cinq Iles) ;

6 Seto naikai II Geiko no umi 住住住住 II 住住住住 (La Mer intérieure de Séto II La Mer des artistes / de Geiko) ;

7 Sado 住住 (Sado) ;

8 Okinawa 住住 (Okinawa) ;

9 Seto naikai III Suô Ooshima 住住住住 III 住住住住 (La mer intérieure de Séto III / La grande île de Suô), rééd. Miraisha, 2008 ;

571 * Ancienne édition : Tabibitotachi no rekishi 1­10 「「「「「「「「「「「 (Histoire de voyageurs 1­10), [Amukasu tabi no memo shirîzu] 「「「「「「「「「「「「「「 ([Série de carnets de voyage Amukasu]), Kambunken Amukasu jimukyoku 「「「「「「「「「「, Shôwa 48 – 55 (1973­1980) ; 10 Musashino . Ôme 住住住住住住 (Musashino / Ômé) , rééd. Miraisha 2008

11 Aso . Kuma 住住住住住 (Aso / Kuma) ;

12 Seto naikai IV Bisan no Seto fukin 住住住住 IV 住住住住住住住(La Mer intérieure de Séto IV Les Environs de Séto en Bisan) ;

13 Hagi fukin 住住住 (Les Environs de Hagi) ;

14 Kyôto 住住 (Kyôto) ;

15 Iki . Tsushima 住住住住住 (Iki / Tsushima), rééd. Miraisha 2008

B / Œuvres en un volume

* Aijô ha kodomo to tomo ni 住住住住住住住住 (L’Affection et les enfants), Baba shoten 住住住住, Shôwa 23 (1948) (O.VI) ;

* Akita­ken Kami­Koani­mura 住住住住住 (Le Village de Kami­Koani, département d’Akita), [Sanson keizai jittai chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur la situation économique réelle des villages de montagne]), Rin’ya­chô chôsa­ka 住住住住住住 (Section d’enquête de la Direction générale des Eaux et Forêts), Shôwa 31 (1956) ;

* Chikuma Nihon bungaku zenshû 53 Miyamoto Tsuneichi 住住住住住住住住住 53 住住住住 (Œuvres complètes Chikuma de la littérature japonaise, t. 53 : Miyamoto Tsunéichi), Chikuma shobô 住住住住, Tôkyô, mai 1993 : recueil d’inédits ;

* Chûgoku fudoki 住住住住住 (Les chroniques des terres du Chûgoku), Hiroshima nôson jimbun kyôkai 住住住住住住住住 (Association humaniste des villages ruraux de Hiroshima), Shôwa 33 (1958) (O.XXIX) ;

* Echizen Itoshiro minzoku­shi 住住住住住住住住 (Notes sur le folklore d’Itoshiro à Echizen), [Zenkoku minzoku­shi sôsho 2] 住 住 住 住 住 住 住 住 住 ([Collection des revues du folklore à l’échelle nationale]), Sanseidô 住住住, Shôwa 24 (1949) (O.XXXVI) ;

* Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsu­shi 住住住住住住住住住住住住住 (Images de la vie populaire japonaise telle qu’on l’observe dans les rouleaux illustrés), Chûkô shinsho 住住住住 n°605, 1ère éd. 1981, rééd. 2003 ;

* Furusato no seikatsu 住住住住住住住 (La vie quotidienne dans les villages), Asahi shimbun­sha 住住住住住, Shôwa 25 (1950), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko n°761, 1986, réimpr. 2002 (O.VII) : un des trois ouvrages (avec Nihon no mura et Umi wo hiraita hitobito) destinés à la jeunesse et résumant l’œuvre de MIYAMOTO ; * Hiroshima­ken Ooasa­chô 住住住住住住 (Quartier d’Ooasa, département de Hiroshima), [Ringyô kin’yû kiso chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur les bases financières de la sylviculture]), Ringyô kin’yû chôsa­kai 住 住 住 住 住 住 住 (Société d’enquêtes sur les finances de l’industrie du bois), Shôwa 30 (1955) ;

*Inochi no yurameki 住住住住住住住 (L’ondoiement de la vie), recueil de poèmes (kashû 住住), Gensô shinsho 住住住住, rééd. Gendai sôzô­sha 住住住住住, 2, jan. Shôwa 56 (1981) ;

* Izumisano ni okeru sangyô no hatten katei no gaiyô 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Aperçu du processus de développement de l’industrie à Izumisano), Oosaka­fu Izumisano­shi 住 住 住 住 住 住 住 (Ville d’Izumisano, Communauté urbaine d’Osaka), Shôwa 26 (1951) ;

* Izumo Yakka­gun Kataku­ura minzoku kikigaki 住住住住住住住住住住住住 (Choses entendues dans la baie de Kataku, arrondissement de Yataba, Izumo), [Achikku myûzeamu ihô 22 住住住住住住住住住住住住住 22 (Exposé 22 du Musée des greniers)], Shôwa 12 (1937) ;

* Jinbunkagaku he no michi 住 住 住 住 住 住 住 (Le chemin vers les sciences humaines), Miraisha henshû­bu 住住住住住住, Miraisha, mai 1972, épuisé ;

* Juin 住住 (Ombres d’arbres), 住住住住住 Kô­han shikaban, Shôwa 8 (1933) : recueil de poèmes ;

* Kakyô no oshie 住住住住 (L’enseignement dans le village), [Josei sôsho] 住住住住住住([Bibliothèque des femmes]), Sansgoku shobô 住住住住, Shôwa 18 (1943), rééd. Iwanami bunko, n°164­2, 1984, réimpr. 2004 (O.VI) ;

* Kankô jichi to kyôiku 住住住住住住住 (Autonomie des coutumes et éducation), Oosaka­fu Semboku­ gun Toriishi shôgakkô 住住住住住住住住住住住 (Ecole primaire Toriishi ), Shôwa 11 (1936) ;

* Kawachi koku Takihata Sakon Kumata­ô kyûji­dan 住住住住住住住住住住住住住 (Entretiens sur les faits du passé avec le vieux SAKON Kumata de Takihata dans la province de Kawachi), [Achikku myûzeamu ihô 23] 住住住住住住住住住住住住住住 23 住 ([Exposé 23 du Musée des greniers]), Achikku myûzeamu, Shôwa 12 (1937) (O.XXXVII) ;

* Maruki­sensei no ta­shûkaku ikubyô­hô 住住住住住住住住住住住, [Shin­nôson sôsho 5] 住住住住住住住住 ([Nouvelle collection des villages agricoles 5]), Shiin­jichi kyôkai 住住住住住 (Association pour une nouvelle autnomie), Shôwa 23 (1947) ;

* Matsuura bunka keizai­shi 住住住住住住住 (Histoire économique de la culture de Matsuura), Taipu shika­han 住住住住住住, Shôwa 36 (1961) ;

* Minami no shima wo kaitaku shita hitobito 住住住住住住住住住住 (Ceux qui exploitèrent les îles du Sud), Sarae shobô 住住住住住, fév. 1968, épuisé ; * Mingugaku no teishô 住住住住住住 (Propositions pour l’étude des objets courants), Miraisha, 1ère éd. Shôwa 55 (1979), rééd. 1999 ;

* Minkan­reki 住住住 (Le calendrier populaire), [Minzoku sensho] 住住住住住住([Choix de livres sur le folklore]), Rokuninsha 住住住, Shôwa 17 (1942), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko n°715, 1985, réimpr. 2003 (O.IX) ;

* Minshû no chié wo tazunete 住住住住住住住住住 (Rendant visite à la sagesse populaire), Miraisha, Shôwa 38 (1963), (O.XXVI) ;

* Minzokugaku he no michi 住住住住住住 (Le chemin vers les études folkloriques), Iwasaki shoten 住住住 住, Shôwa 30 (1955) (O.I) ;

* Minzoku no furusato 住住住住住住住 (Le village d’origine : un folklore), [Nihon no minzoku 1] 住住住住住住住住 ([Folklore japonais 1]), Kawade shobô 住住住住, Shôwa 39 (1964) (O.XXX) ;

* Minzokugaku no tabi 住住住住住 (Le voyage de l’ethnographie du folklore), Bungei shunjû­sha 住住住住 住 , Shôwa 53 (1978), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko n°1104 (édition annotée et non illustrée), Tôkyô, 1ère éd. 1993, réimpr. 2004, rééd. Nihon tosho sentâ 住 住 住 住 住 住 住 住 (Centre japonais du livre) (édition non annotée mais illustrée), Tôkyô, 1ère éd. 2000 ;

* Miyagi­ken Kurikoma­mura 住住住住住住, [Sanson keizai jittai chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur la situation économique réelle des villages de montagne]), Rin’ya­chô chôsa­ ka 住住住住住住 (Section d’enquête de la Direction générale des Eaux et Forêts), Shôwa 31 (1956) ;

* Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Miyamoto Tsunéichi, marcher en Afrique et en Asie), Iwanami gendai bunko, Iwanami shoten, Tôkyô, 1ère éd. 2001, rééd. 2003 ;

* Mura no seikatsu to komyunitisukûru 住住住住住住住住住住住住住住住 (Vie quotidienne et écoles communautaires dans les villages), Oosaka­fu Naka­Kawachi­gun Nagayoshi­mura shôgakkô PTA 住住住住住住住住住住住住 PTA (Groupe scolaire élémentaire PTA, village de Nagayoshi, district de Naka­Kawachi, communauté urbaine d’Osaka), Sôwa 25 (1950) ;

* Mura no shakai­ka 住住住住住 (Sociologie des villages), Shôwa shoin 住住住住, Shôwa 24 (1949), réédité chez Katanaé shoin 住住住住, Shôwa 26 (1951) ;

* Mura no wakamonotachi 住住住住住住 (Les jeunes des villages), [Reinbô.bukkusu] 住住住住住住住住住住 (Livres arc­en­ciel), Ie no hikari kyôkai 住住住住住 (Association « Lumière des maisons »), Tôkyô, Shôwa 38 (1963), rééd. 2004 ;

* Murazato wo iku 住 住 住 住 住 (Aller dans les villages), [Josei sôsho] 住 住 住 住 住 住 ([Bibliothèque des femmes]), Sangoku shobô 住住住住, Shôwa 18 (1943) (O.XXV) ; * Nihon bunka no keisei 住 住 住 住 住 住 住 (Formation de la culture japonaise), 3 tomes, Chikuma gakugei bunko 住 住 住 住 住 住 住 , Chikuma shobô 住 住 住 住 , Tôkyô, fév.­ avril 1994 (épuisé), rééd. du troisième tome (uniquement), juillet 2005, Kôdansha gakujutsu bunko 住住住住住住住 , Tôkyô, 924 YTTC : recueil de transcriptions d’enregistrements de conférences données par Miyamoto (tomes I et II) et impression d’un texte inachevé (tome III) ;

* Nihon no kodomotachi 住住住住住住 (Les enfants au Japon), [Nihonjin no seikatsu zenshû] 住住住住住住住住住 住住 ([Œuvres complètes sur la vie quotidienne des Japonais]), Iwasaki shoten 住住住住, Shôwa 32 (1957) (O.VIII) ;

* Nihon no mura . Umi wo hiraita hitobito 住住住住住住住住住住住住住 (Villages du Japon / Les gens qui ouvrirent la mer), Chikuma shobô 住住住[住住]住住, 1ère éd. [Chûgakusei zenshû] 住住住住住住住 ([Œuvres complètes pour les collégiens]), Shôwa 28 (1953) pour Nihon no mura, rééd. Chikuma bunko n°17­1, 1995, réimpr. 2004 (O.VII et O.VIII) : deux des trois ouvrages (avec Furusato no seikatsu) destinés à la jeunesse et résumant l’œuvre de MIYAMOTO ;

* Nihon no mura wo kangaeru 住住住住住住住住住 (Penser le village japonais), Hoshô jitsumu kôshû­kai tekisuto 住住住住住住住住住住住 (Textes des Conférences sur les pratiques d’indemnisation), Shôwa 47 (1972) ;

* Nihon no ritô dai­1­shû 住住住住住住住住 (Les îles japonaises lointaines, 1), Miraisha, Shôwa 35 (1960) (O.IV) ;

* Nihon no ritô dai­2­shû 住住住住住住住住 (Les îles japonaises lointaines, 2), Miraisha, Shôwa 41 (1966) (O.V) ;

* Nihonjin no keisei 住住住住住住 (La formation des Japonais), 3 tomes, Chikuma gakujutsu bunko 住住住 住住住住, Tôkyô (non réédité) ;

* Okayama­ken Enjô­mura 住住住住住住 (Le village d’Enjô, département d’Okayama), [Kokuyû­rin jimoto riyô jôkyô jittai chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住住住住住住([Rapport d’enquête sur les conditions réelles de l’usage local des forêts domaniales]), Rin’ya­chô chôsa­ka 住住住住住住 (Département d’enquêtes de la Direction générale des Eaux et Forêts), Shôwa 28 (1953) ;

* Onna no minzoku­shi 住住住住住 (Passage en revue du folklore féminin), rééd. Iawanami shoten, 2001 ;

* Ookuni­tama jinja taiko chôsa hôkokusho 住住住住住住住住住住住住 (Rapport d’enquête sur les tambours du temple shintô Ookuni­tama (Ame du grand pays)), Fuchû­shi kyôiku iinkai 住 住 住 住 住 住 住 住 (Commission pour l’éducation de la ville de Fuchû), Shôwa 49 (1974) ; * Oosaka no Mukashibanashi : Yume no shirase 住住住住住住住住住住住 (Contes d’autrefois d’Osaka : Annonces de rêves), Gensô shinsho 住住住住, 1, 1981 ;

* Oosumi­hantô minzoku saihô­roku 住住住住住住住住住 (Ecrits de voyage d’études folkloriques sur la péninsule d’Oosumi), [Jômin bunka sôsho 1] 住住住住住住住住 ([Collection « Cultures populaires », 1]), Keiyûsha 住住住, Shôwa 43 (1968) (O.XXXIX) ;

* Rindô 住住 (Chemins forestiers), [Ringyô kin’yû kiso chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur les bases financières de la sylviculture]), Ringyô kin’yû chôsa­kai 住 住 住 住 住 住 住 (Société d’enquêtes sur les finances de l’industrie du bois), Shôwa 32 (1957) ;

* Ritô hekichi shin­seikatsu undô no kompon mondai 住住住住住住住住住住住住住住 (Problèmes de base du Mouvement pour une nouvelle vie dans les îles éloignées et les localités reculées), Shin­ seikatsu undô kyôkai 住住住住住住住 (Association « Mouvement pour une nouvelle vie »), Shôwa 36 (1961) ;

* Ritô no tabi 住住住住 (Voyage aux îles lointaines), Jimbutsu ôrai­sha 住住住住住, Shôwa 39 (1964) (O.XXXV) ;

* Ritô shinkô jittai chôsa hôkoku­sho – Ehime . Hiroshima . Yamaguchi – 住住住住住住住住住住住―住住住住住住住住 ― (Rapport d’enquête sur les conditions réelles de développement des îles éloignées : Ehimé, Hiroshima, Yamaguchi), Zenkoku ritô shinkô kyôgi­kai 住住住住住住住住住 (Conseil consultatif sur le développement des îles éloignées à l’échelle nationale), Shôwa 35 (1960) ;

* Seigyô no suii 住住住住住 (Evolution des métiers), [Nihon no minzoku 3] 「住住住住住住「([Folklore japonais 3]), Kawade shobô 住住住住, Shôwa 40 (1965) ;

* Seimei no yurameki : cf. Inochi no yurameki ;

* Seto­naikai no kenkyû 住住住住住住住 (Recherches sur la mer intérieure de Séto), Miraisha, 1ère éd. Shôwa 40 (1965), rééd. 2001 : la thèse de MIYAMOTO revue et augmentée pour la publication en volume ;

* Shibusawa Keizô 住 住 住 住 (Shibusawa Keizô), [Nihon minzoku bunka taikei 3] 住住住住住住住住住住住 ([Bibliothèque « Cultures folkloriques du Japon »]), Kôdansha, juin Shôwa 53 (1978) ;

* Shimane­ken Nichihara­mura 住住住住住住 (Le village de Nichihara, département de Shimané), [Ringyô kin’yû kiso chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur les bases financières de la sylviculture]), Ringyô kin’yû chôsa­kai 住住住住住住住 (Société d’enquêtes sur les finances de l’industrie du bois), Shôwa 30 (1955) ;

* Shio no michi 住住住 (Les routes du sel), Kôdansha gakujutsu bunko n°677, Tôkyô, 1ère éd. 1985, rééd. 2004 ; * Shohô Aoki­ichizoku . Age­ura yawa 住住住住住住住住住住住住 (Une famille ici et là : les Aoki / Histoires du soir de la baie d’Agé), Ooshima mimpô­sha 住住住住住 (Société de la Gazette d’Ooshima), Shôwa 30 (1955) ;

* Shoku seikatsu no kôzô 住 住 住 住 住 住 (Structures de la vie alimentaire) : Shibata shobô 住 住 住 住 , 2100Y ;

* Shomin no hakken 住住住住住 (A la découverte des petites gens), Miraisha, Shôwa 36 (1961), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko 住住住住住住住 n°810, Tôkyô, 1987, réimpr. 2004 (O.XXI) ;

* Shomin no sekai 住 住 住 住 住 (Le monde du petit peuple), [Nihon bunka kenkyû 3] 住 住 住 住 住 住 住 住 住 ([Recherches sur les cultures du Japon, 3]), Shinchôsha 住住住, Shôwa 34 (1959) ;

* Sora kara no minzokugaku 住住住住住住住 (L’ethnographie du folklore vue du ciel) (rééd. Iwanami gendai bunko, Iwanami shoten, Tôkyô, 2001, 2003)

* Suô Ooshima mukashibanashi­shû 住住住住住住住 (Recueil de contes d’autrefois de Suô ooshima), Ooshima bunka kenkyû remmei 住住住住住住住住 (Union pour la recherche sur la culture d’Ooshima), Shôwa 31 (1956) ;

* Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsu­shi 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Notes sur la vie quotidienne au bord de la mer de la grande île de Suô), [Achikku myûzeamu ihô 11] 住住住住住住住住住住 住 住 住 住 11 住 ([Exposé 11 du Musée des greniers]), Achikku myûzeamu, Shôwa 11, 1936 (O.XXXVIII) ;

* Tabi no minzoku 住住住住 (Folklore du voyage), Shakai shisô­sha 住住住住住, jan. 1972, épuisé ;

* Toshi no matsuri to minzoku 住住住住住住住 (Fêtes traditionnelles urbaines et folklore), Keiyûsha 住住住, Shôwa 36 (1961) (O.XXVII) ;

* Umi wo hiraita hitobito 住住住住住住住住住 (Les gens qui défrichèrent l’océan), [Shôgakusei zenshû] 住住住 住住住住 ([Œuvres complètes pour les écoliers]), Chikuma shobô 住住住住, Shôwa 30 (1955) (O.VIII) ;

* Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住 (Les Japonais oubliés), Miraisha, Shôwa 35 (1960), rééd. Iwanami bunko, n°164­1, 1984 (O.X) ;

* Yaku­shima minzoku­shi 住住住住住住 (Notes sur le peuple de l’île de Yaku), [Nihon jômin bunka kenkyûsho nôto 26] 住住住住住住住住住住住住住住住住 ([Note 26 de l’Institut de recherche sur les cultures populaires]), Nihon jômin bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住 (Institut de recherche sur les cultures populaires), Shôwa 18 (1943) (O.XVI) ;

* Yoshino Nishi­Oku minzoku saihô­roku 住住住住住住住住住 (Notes de voyage d’étude du folklore dans l’Ouest profond, à Yoshino), [Nihon jômin bunka kenkyûsho nôto 20] 住住住住住住住住住住住住住住住住([Note 20 de l’Institut de recherche sur les cultures populaires]), Nihon jômin bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住 (Institut de recherche sur les cultures populaires), Shôwa 17 (1942) (O.XXXIV) ;

II Œuvres ecrites en collaboration, participation à des œuvres collectives et œuvres dirigées ou supervisées

A/ Œuvres écrites en collaboration et participation à des œuvres collectives (kyô.hencho-rui 「「「「「)

* Aichi­ken Nagura­mura [Ringyô kin’yû kiso chôsa hôkoku] 住住住住住住 <住住住住住住住住住住> (Le village de Nagura, département d’Aichi [Rapport d’enquête sur les bases financières de l’industrie du bois]), Ringyô kin’yû chôsa­kai 住 住 住 住 住 住 住 (Association pour l’enquête sur le financement de l’industrie du bois), Shôwa 32 (1957) ;

* Chôsa sareru to iu meiwaku 住住住住住住住住住住 (La nuisance d’être enquêté), (avec ANKEI Yûji 住住住住), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2008, 118 p. ;

* Emakimono ni yoru Nihon jômin seikatsu e­in 住住住住住住住住住住住住住住 (Index des documents iconographiques sur rouleaux concernant la vie quotidienne du petit peuple Japonais) (5 vol.), Kadokawa shoten, Shôwa 40­43 (1965­1968) ;

* Hekichi no tabi 住住住住 (Voyage en terres éloignées), Shûdôsha 住住住, Shôwa 35 (1960) ;

* Henkyô wo aruita hitobito [Saera denki raiburarî 14] 住住住住住住住住住 <住住住住住住住住住住住住住 > (Ceux qui arpentèrent les frontières reculées [Biographies Saéra n°14]), Saera shobô 住住住住住, Shôwa 41 (1966), rééd. Kawade shobô­sha 住住住住住住, déc. 2005, 1 890 Y, ISBN4­309­22438­5

* Higashi Nippon to Nishi Nippon 住住住住住住住 (Japons de l’Est et de l’Ouest) (en collaboration avec OONO Susumu 住住住), Nippon editâsukûru shuppambu 住住住住住住住住住住住住住住 (Section éditoriale de l’Ecole des éditeurs du Japon), Tôkyô, 1981 (non réédité) ;

* Himejima keizai jittai chôsa hôkoku 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Rapport d’enquête sur les conditions économiques réelles à Himéjima), Keizai kikaku­chô 住住 住住 住 (Bureau du Plan économique), Shôwa 42 (1967) ;

* Jiden­shô IX (Ni­no­hashi kaiwai) 住住住 IX住住住住住住住 (Notes autobiographiques IX (Quartier de Ni­ no­hashi)), Yomiuri shimbunsha 住住住住住, Shôwa 55 (1980) ; * Keizai jittai chôsa hôkoku [Sado . Akadomari­mura] 住住住住住住住住 <住住住住住住> (Rapport d’enquête sur les conditions économiques réelles [Akadomari, Sado]), Niigata­ken Akadomari­mura 住住住住住 (Village d’Akadomari, Département de Niigata), Shôwa 39 (1964) ;

* Kokuyû­rin jimoto riyô jôkyô chôsa no sôkatsu bunseki 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Analyse globale des enquêtes sur les conditions d’utilisation locale des forêts domaniales), Rin’ya­chô (Direction générale des eaux et forêts), Shôwa 30 (1955) ;

* Kuka no min’yô 住住住住住 (Les chants populaires de Kuka), avec la collaboration du Kuka­chô minzoku shiryô hozon­kai 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (hen.) (Société de conservation des documents d’ethnographie du folklore de la commune de Kuka), Kuka, 1979 ;

* Michi no bunka (Shio no michi) 住住住住住住住住住(Culture de la route (Les routes du sel)), Kôdansha, Shôwa 54 (1979) ;

* Mikkyô 住住 (Le bouddhisme ésotérique), Yûki shobô 住住住住, Shôwa 36 (1961) ;

* Mingu to seikatsu [Seikatsugaku­ron­shû I] 住 住 住 住 住 < 住 住 住 住 住 I> (Les objets usuels et la vie quotidienne [Recueil de théories sur la vie quotidienne]) (Mingu­ron 住住住 (« Théorie des objets usuels »)), Domesu shuppan 住住住住住, Shôwa 51 (1976) ;

* Minami no shima wo kaitaku shita hitobito [Saera­denki raiburarî 28] 住住住住住住住住住住住 (Ceux qui défrichèrent les îles méridionales [Biographies Saéra n°28]), Saera shobô, Shôwa 43 (1968), rééd. Kawade shobô shinsha, Tôkyô, jan. 2006, 1 890 YTTC, ISBN4­309­22445­8 ;

* Minshû no seikatsu to bunka 住住住住住住住住 (Vie quotidienne et culture du peuple) (en collaboration avec YONEYAMA Toshinao 住住住住 ; TAMURA Zenjirô 住住住住住 ; MIYATA Noboru 住住住), Miraisha ;

* Minzokugaku no susume [Nihon no minzoku 11] 住住住住住住住 <住住住住住住住> (Conseils en ethnographie du folklore [Folklore japonais 11]), Kawade shobô, Shôwa 40 (1965) ;

* Mura no rekishi to kurashi 1­5 住住住住住住住住住­住 (Histoire et vie dans les villages 1­55), Nôsangyo­ ke seikatsu kaizen kenkyû­kai 住住住住住住住住住住住 (Groupe de recherche sur l’amélioration de la vie dans les familles d’agriculteurs, de montagnards et de pêcheurs), Shôwa 50 (1975), 55­nen kanketsu 住住住住住 achevé en Shôwa 55 (1980) ;

* Nihon no ama 住住住住住 (Les pêcheuses de perles japonaises) (Recueil de photographies de NAKAMURA Yoshinobu 住住住住 < shashin­shû 住住住>), Tôkyô Chû­Nichi shimbun­sha 住住住住住住住 , Shôwa 37 (1962), rééd. revue, corrigée et augmentée, Marin 住住住, Shôwa 53 (1978) ;

* Nihon no kaiyô­min 住住住住住住 (Le Japon, peuple de l’océan) (en collaboration avec KAWAZOE Noboru 住住住), Miraisha, 1ère éd. Shôwa 49 (1974), rééd. 1989 ; * Nihon no mingu 2 Nôson 住住住住住住住住住 (Objets courants japonais 2 / Villages ruraux), Keiyûsha 住住 住, Shôwa 40 (1965) ;

* Nihon no minzoku 住住住住住 (Folklore japonais) (articles « Ie » 住住住 (Maison) et « Mura » 住住住住 (Village)), Asahi shimbunsha, Shôwa 49 (1974) ;

* Nihon no minzoku 35 Yamaguchi 住住住住住住住住住住 (Folklore du Japon 35 / Yamaguchi), Dai­ippô­ki 住住住住, Shôwa 49 (1974) ;

* Nihon no rekishi . bekkan 2 (Minshû seikatsu yôshiki no hensen) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Histoire du Japon / Volume annexe 2 (Evolution des formes d’activités du peuple)), Iwanami shobô, Shôwa 39 (1964) ;

* Nihon zankoku monogatari 住住住住住住 (Contes cruels du Japon), 5 vol., Heibonsha raiburarî 住住住住住 住住住住, Tôkyô, avril ­ août 1995 ;

* Oshira­sama zuroku 住 住 住 住 住 住 住 (Recueil de documents iconographiques sur le Seigneur Oshira), Jômin bunka kenkyû­sho 住 住 住 住 住 住 住 (Institut de recherche sur la culture populaire), Shôwa 18 (1943) ;

* Seto­nai no hitobito 住住住住住住住 (Les gens de Séto) (Recueil de photographies de NAKAMURA Yoshinobu 住住住住 < shashin­shû 住住住>), Shakai shisô­sha 住住住住住, Shôwa 40 (1965) ;

* Shima 住 (Iles), Yûki shobô, Shôwa 36 (1961) ;

* Shin­Nihon fudoki 住住住住住住 (Nouvelles descriptions des provinces du Japon), Kokudosha 住住住, 20 vol., jan. 1977, épuisé.

* Shoku no bunka (Nihonjin to tabemono) 住住住住住住住住住住住住住(Culture de l’aliment (Les nourritures des Japonais)), Kôdansha, Shôwa 55 (1980) ;

* Shoku seikatsu no kôzô [Shoku­bunka hakken shirîzu 3] 住住住住住住 <住住住住住住住住住住> (Structures de la vie alimentaire [Série : Découverte de la culture alimentaire, 3]), Shibata shoten 住住住住, Shôwa 52 (1977) ;

* keizai jittai chôsa hôkoku 住住住住住住住住住住住 (Rapport d’enquête sur les conditions économiques réelles de Tanégashima), Keizai kikaku­chô, Shôwa 42 (1967) ;

* Tô­A ni okeru i to shoku 住住住住住住住住住 (Vêtement et alimentation en Asie orientale), (henshû), Tôhô gakujutsu kyôkai hen 住住住住住住住 (Association scientifique orientale), Zenkoku shobô 住住住住, Oosaka, Shôwa 21 (1946) ;

* Tôwa­chô­shi 住 住 住 住 (Revues de l’arrondissement de Tôwa), (en collaboration avec OKAMOTO Sadamu 住住住 et avec le concours de Kinki Nippon tsûrisuto kabushikigaisha 住住住住住住住 住住住住住住 (Kinki Japon Touriste, S.A.) et du Nippon kankô bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住 (Institut de recherche sur les cultures du tourisme japonais)), Yamaguchi­ken Ooshima­gun Tôwa­chô 住住 住住住住住住住 (Département de Yamaguchi, District d’Ooshima, Arrondissement de Tôwa), 1982 ;

* Tekiô­ryoku – Atarashii Nihonjin no jôken 住住住住住住住住住住住住住 (Force d’adaptation – La condition des nouveaux Japonais), du Nihon bunka kaigi 住住住住住住 (hen.), (un texte), Sanshûsha ;

* Yume no shirase 住住住住住 (Le récit de rêves), Gendai sôzô­sha 住住住住住, jan. 1981, épuisé ;

B/ Œuvres dirigées ou supervisées (henshû . kanshû-rui 「 「「「「「)

(kan.) Aruku . miru . kiku 住住住住住住住住住 (Marcher, voir, entendre) (publication mensuelle), Nihon kankô bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住 (Institut japonais de recherche sur la culture du tourisme), Shôwa 39 (1964) ;

(kan.) Fuchû­shi­shi 住住住住 (Histoire de la ville de Fuchû) (ge 住 der. vol. : Minzoku­hen 住住住 (vol. « folklore »)), Tôkyô­to fuchû­shi 住 住住 住住 住 (Ville de Fuchû, Communauté urbaine de Tôkyô), mars Shôwa 49 (1974) ;

(hen.) Fudoki Nihon 住 住 住 住 住 (Description des provinces du Japon) (7 vol.), publ. ach. déc. Shôwa 33 (1958), Heibonsha, mai Shôwa 32 (1957) ;

(hen.) Hayakawa Kôtarô zenshû 住住住住住住住 (Œuvres complètes de HAYAKAWA Kôtarô) (10 vol. & 1 vol. d’annexes), Miraisha, sept. Shôwa 46 (1971), rééd. juil. 2003 en 12 vol. ;

(kan.) Hiroshima­ken­shi / Minzoku­hen 住住住住住住住住 (Histoire du département de Hiroshima / Volume « Folklore »), Hiroshima­ken 住住住 (Département de Hiroshima), jan. Shôwa 53 (1978) ;

(hen.) Jômin seikatsu shiryô sôsho 住住住住住住住住 (Corpus de documents sur la vie quotidienne du petit peuple) (24 vol.) publ. ach. oct. Shôwa 48, San’ichi shobô, sept. Shôwa 47 (1972) ;

(kan.) Kôshô bungaku / Kôhan 住 住 住 住 住 住 住 (Littératures orales / Imprimerie), publ. inter. jan. Shôwa 11 (1936), 12 vol., sept. Shôwa 8 (1933) ;

(kan.) Mihara­shi­shi / Minzoku­hen 住 住 住 住 住 住 住 住 (Histoire de la ville de Mihara / Volume « Folklore »), Mihara­shi 住住住 (Ville de Mihara), sept. Shôwa 54 (1979) ;

(kan.) Minami Sado no gyorô shûzoku 住住住住住住住住 (Coutumes de pêche de Minami­Sado (Sado du sud)), Sado­gun Kôgi­chô 住住住住住住 (Quartier de Kôgi, arrondissement de Sado), mai Shôwa 50 (1975) ;

(kan.) Minzoku bunka sôsho 住住住住住住 (Collection « Culture folklorique ») (4 vol.) : supervision ; une préface ; (hen.) Nihon engyô taikei / Tokuron / minzoku 住住住住住住住住住住住住 (Corpus de l’industrie japonaise du sel / Théories spéciales / Folklore), Nihon sembai kôsha 住住住住住住 (Régie du monopole japonais), juillet Shôwa 52 (1977) ;

(hen.) Nihon minzoku bunka taikei 住住住住住住住住 (住住住住) (Corpus sur la cluture folklorique du Japon) (12 vol.)), publ. ach. jan. Shôwa 54 (1979), Kôdansha, fév. Shôwa 52 (1977)

(kan.) Nihon ni ikiru 住 住 住 住 住 住 (Vivre au Japon) (20 vol.), publ. ach. avril Shôwa 52 (1977), Kokudosha, nov. Shôwa 49­52 (1974­77) (en particulier les vol. 7 & 8 de YAMAZAKI Zen’yû 住 住住住), Kôtoku­sha 住住住 ;

(kan.) Nihon no meisan jiten 住 住 住 住 住 住 住 (Dictionnaire des spécialités du Japon), Tôyô keizai shimpôsha 住住住住住住住 (Société de presse économique d’Orient), oct. Shôwa 52 (1977) ;

(hen.) Nihon no mingu 住住住住住 (Les objets courants du Japon) (4 vol.) [Shibusawa Keizô sensei tsuitô kinen shuppan 住住住住住住住住住住住住 (Publications commémoratives du souvenir du professeur Shibusawa)] publ. ach. déc. Shôwa 42 (1967), Keiyûsha, nov. Shôwa 39 (1964) ;

(hen.) Nihon no minzoku 住住住住住 (Le folklore japonais) (11 vol.) publ. ach. juin Shôwa 40 (1965), Kawade shobô, juillet Shôwa 39 (1964) ;

(hen.) Nihon sairei chizu 4 Fuyu . Shinshû­hen 住住住住住住住住住住住住住 (Atlas des fêtes religieuses du Japon 4 / Vol. « L’hiver – le commencement de l’année »), Kokudo chiri kyôkai 住 住 住 住 住 住 (Association de géographie du territoire), mars Shôwa 52 (1977) ;

(hen.) Nihon sairei fudoki 住住住住住住住 (Description des fêtes populaires religieuses du Japon) (3 vol.) publ. ach. fév. Shôwa 38, Keiyûsha, oct. Shôwa 37 (1962) ;

(hen.) Nihon shomin seikatsu­shiryô shûsei 住住住住住住住住住住 (20 vol.), publ. ach. nov. Shôwa 52 (1977), San’ichi shobô 住住住住, juill. Shôwa 43 (1968) ;

(kan.) Nihon zankoku monogatari 住住住住住住 (Contes cruels japonais) (5 vol.), publ. ach. juillet Shôwa 35, Heibonsha, nov. Shôwa 34 (1959) ;

(kan.) Nihon zankoku monogatari (gendai­hen ni kan)住住住住住住住住住住住住住(Contes cruels japonais (Volume contemporain, 2 vol.)) publ. ach. jan. Shôwa 36, Heibonsha, nov. Shôwa 35 (1960) ;

(hen.) Sakurada Katsutoku chosakushû 住住住住住住住 (Œuvres de SAKURADA Katsutoku) (7 vol.), Meicho shuppan 住住住住, mars Shôwa 55 (1980)

(kan.) Sanson no chiiki bunka hozon ni tsuite I 住住住住住住住住住住住住住 I (De la préservation de la culture locale des villages de montagne I), Sanson shinkô chôsa­kai 住住住住住住住 (Société d’études de terrain sur le développement des villages de montagne), Shôwa 50 (1975) ; (kan.) Sanson no chiiki bunka hozon ni tsuite II 住住住住住住住住住住住住住 II 住De la préservation de la culture locale des villages de montagne II住, Zenkoku nôgyô kaizen kyôkai 住住住住住住住住 (Association pour l’amélioration de l’agriculture à l’échelle nationale), Shôwa 51 (1976) ;

(kan.) Sanson shakai keizai­shi sôsho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Collection de revues d’économie des sociétés villageoises de montagne) (20 vol., publ. inter.), Kokudosha 住 住 住 , déc. Shôwa 48 (1973) ;

(kan.) Senjafuda 住住住 (Etiquettes votives), Tankôsha 住住住, fév. Shôwa 50 (1975) ;

(hen.) Sugae Masumi yûran­ki 住住住住住住住 (Les Notes de pérégrination de SUGAE Masumi) (5 vol.) [Tôyô bunko], Heibonsha, nov. Shôwa 40 (1965) ;

(hen.) Sugae Masumi zenshû 住住住住住住 (Œuvres complètes de SUGAE Masumi) (12 vol. & 2 vol. d’annexes), Miraisha, mars Shôwa 46 (1971) ;

(hen.) Suô Ooshima Tempô nendo nôgyô mondô / Kaei­do nenchû gyôji 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Les questionnaires agricoles des années Tempô (1830­1844) / Les évènements annuels de l’époque Kaei (1848­1954)), Nihon jômin bunka kenkyûjo 住住住住住住住住住 (Institut de recherche sur la culture populaire japonaise), juin Shôwa 30, 1955) ;

(hen.) Yamaguchi­ken Kuka­chô­shi 住住住住住住住 (Revue de Kuka­chô, en Yamaguchi), Ooshima­ gun Kuka­chô 住住住住住住 (Arrondissement de Kuka, Canton d’Ooshima), mars Shôwa 29 (1954).

Enfin, trois volumes composés exclusivement d’entretiens jusque là introuvables sont parus séparément aux éditions Kawade shobô, Tôkyô :

Nihonjin wo kangaeru / Rekishi.minZoku.bunka 住住住住住住住住住住住住住住 (Penser les Japonais : Histoire, folklore et cultures), mars 2006, 2100 Y, ISBN4­309­22449­0 ;

Tabi no minZokugaku 住住住住住 (Ethnographie du voyage), août 2006 ;

Natsukashii hanashi / Rekishi to fûdo no minZokugaku 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Histoires du bon vieux temps : Ethnographie du milieu et Histoire), septembre 2007.

Section II Bibliographie d’ouvrages sur MIYAMOTO Tsunéichi 「「「「「「「「「「

I Ouvrages traitant principalement de MIYAMOTO Tsunéichi 住住住住住住住住住住住住住 AMINO Yoshihiko 住住住住, « Wasurerareta Nihonjin » wo yomu 住住住住住住住住住住住住住 (Lire Les Japonais oubliés), Iwanami shobô 住住住住, Tôkyô, 2003, 229 p. ;

Fuchû Bunka shinkô zaidan 住住住住住住住住, Fuchû­shi Kyôdo no mori hakubutsukan bukkuretto 9 : Miyamoto Tsuneichi no mita Fuchû 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Livrets du Musée du bois du terroir de la ville de Fuchû : Fuchû vu par Miyamoto Tsunéichi), Fuchû, Fuchû­shi Kyôdo no mori hakubutsukan, 127 p. ;

HAMAMURA Atsushi 住住住, « The Retrospective Gaze & the Basis of Nostalgic Feelings » (« Le Regard rétrospectif et les bases du sentiment de nostalgie »), in Yoseba Annual No.14, SPECIAL FEATURE: GLOBALIZATION / GENDER / ETHNICITY, Tôkyô, Gendai shokan, 2001 ;

IRISH Jeffrey (trad.), « Chasing Folksongs – Miyamoto Tsuneichi » (« A la chasse aux chants folkloriques »), Kyoto journal : Perspectives from Asia, KJ 63, New York, 2006 ;

KIMURA Tetsuya 住住住住, Wasurerareta Nihonjin no butai wo tabi suru 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Voyager sur la scène des Japonais oubliés), Kawade shobô shinsha 住住住住住, Tôkyô, 1ère éd. fév. 2006, 1890 Y, ISBN4­309­22444­X ;

Kinokuniya shoten 住住住住住住, Miyamoto Tsuneichi 住住住住 (Miyamoto Tsunéichi), Kinokuniya shoten­ han, Tôkyô, juin 1999, 26 250 YTTC ;

KOTANI Hômei 住 住 住 住 , « Miyamoto Tsuneichi­sensei nempyô » 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Chronologie du professeur Miyamoto Tsunéichi), in revue Kinki minZoku 住 住 住 住 住 住 (Ethnographie des arts et traditions populaires du Kinki), n°88 et éd. privée Kotani­jô kyôdo­kan­kan 住住住住住住住 ;

Miyamoto Tsuneichi Tsuitô bunshû henshû iinkai 住住住住住住住住住住住住住 (Comité rédacteur de Mélanges commémoratifs pour le professeur Miyamoto Tsunéichi, Miyamoto Tsuneichi / Dô­jidai no shôgen 住住住住住住住住住住住 (Témoignages d’une époque aux côtés de Miyamoto Tsunéichi), tome I (voir à TAMURA pour le tome II), Nihon kankô bunka kenkyûsho , Tôkyô, 1981, rééd. augm. Heisei 16 (2004) ;

MÔRI Jimpachi 住 住 住 住 , Miyamoto Tsuneichi wo aruku 住 住 住 住 住 住 住 (Marcher avec Miyamoto Tsunéichi), 2 vol., Shôgakkan, Tôkyô, 1998

NAGAHAMA Isao 住住住 : Hôkô no manazashi / Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon 住住住住住住住住住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Regard d’errance : Les voyages et la science de Miyamoto Tsunéichi), Akashi shoten 住住住住, Tôkyô, 1995 ; NAGAHAMA Isao, Nihon minshû no bunka to jitsuzô / Miyamoto Tsuneichi no sekai 住住住住住住住住住住 住 住 住 住 住 住 住 (Culture et image réelle du peuple japonais : le monde de Miyamoto Tsunéichi), Meiseki shoten, déc. 1995, 2 548 YTTC, ISBN 4­7503­0766­1 ;

SANADA Yukitaka 住住住 住住住住, Miyamoto Tsuneichi no densetsu 住住住住住住住 (La légende de Miyamoto Tsunéichi), Aunsha 住住住, Kyôto, 2002 ;

SANO Shin’ichi 住住住住, Miyamoto Tsuneichi ga mita Nihon 住住住住住住住住住 (Le Japon que vit Miyamoto Tsunéichi), (fascicule broché), NHK Ningen kôza 住住住住住住住, NHK Shuppan 住住住住住, Tôkyô, jan. ­ mars 2000 ;

SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi ga mita Nihon 住住住住住住住住住 (Le Japon que vit Miyamoto Tsunéichi), (ouvrage en volume cartonné), NHK Shuppan 住住住住住, Tôkyô, 1ère éd. 2001, 4ème éd. 2002 ;

SANO Shin’ichi : Miyamoto Tsuneichi no manazashi 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Le regard de Miyamoto Tsunéichi), Mizunowa shuppan 住住住住住住, Kôbé, 2003 ;

SANO Shin’ichi, FUJIMOTO Kiyohiko 住住住住, USU’I Takumi 住住住, KOIZUMI Bon 住住住, TATEMATSU Wahei 住住住住 : Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi­roku 住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住 (Le message de MIYAMOTO Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p., 15OO YHT. ;

SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no shashin ni yomu ushinawareta Shôwa 住住住住住住住住住住住住住住住住 (L’ère Shôwa disparue lue dans les photos de Miyamoto Tsunéichi), Heibonsha 住住住, Tôkyô 2004.

SANO Shin’ichi (sekinin henshû 住住住住 (sous la responsabilité de住)), Miyamoto Tsuneichi tabi suru minzokugakusha 住住住住住住住住住住住 (Miyamoto Tsunéichi, ethnographe folkloriste qui voyageait), Kawade Michi ne techô KAWADE 住住住住, Kawade shobô shinsha 住住住住住住, Tôkyô, avril 2005, rééd. juin 2005, 200 p. (en deux ou trois colonnes) ;

SANO Shin’ichi, Tabi suru kyojin / Miyamoto Tsuneichi to Shibusawa Keizô 住住住住住住住住住住住住住住住 (Des géants qui voyageaient : Miyamoto Tsunéichi et Shibusawa Keizô), Bungei shunjû­kan 住住住住住, Tôkyô, 1996 ;

SATAO Shinsaku 住住住住住 : Kaze no hito : Miyamoto Tsuneichi 住住住住住住住住 (L’homme du vent : MIYAMOTO Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2008, 196 p. ;

SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi / tabi no genkei 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Miyamoto Tsunéichi / Paysages d’origine de ses voyages), photos de TANAKA Shinji 住住住住 et ARAKI Hajime 住住住, Mizunowa shuppan 住住住住住住, Kôbé, juillet 2005, 94p. ; SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai 住住住住住住住住住 (Un monde nommé Miyamoto Tsunéichi), Mizunowa shuppan, Kôbé, 2004 ;

Suô Ooshima Kyôdo daigaku 住 住 住 住 住 住 住 住 (Université du monde rural de Suô Ooshima), Miyamoto Tsuneichi nooto Suô Ooshima Kyôdo daigaku kôgi­roku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Notes de cours de l’Université du monde rural de Suô Ooshima sur Miyamoto Tsunéichi) (titre provisoire), Mizunowa shuppan 住住住住住住, Kôbé, à paraître ;

SUTÔ Isawo, Shashin de tsudzuru Miyamoto Tsuneichi 住住住住住住住住住住 (Miyamoto Tsunéichi en photos), Miraisha, Tôkyô, 2004 ;

TAMURA Zenjirô 住住住住住 (sous la direction de), Miyamoto Tsuneichi tsuitô bunshû/ Dô­jidai no shôgen 住住住住住住住住住住住住住住住 (Témoignages d’une époque : Recueil de textes en hommage à Miyamoto Tsunéichi), tome II (zoku 住 ) (tome I par le Miyamoto Tsuneichi­sensei tsuitô bunshû henshû iinkai 住住住住住住住住住住住住住住住 (Comité pour le recueil commémoratif de textes sur le professeur Miyamoto Tsunéichi)), Matsuno shoten 住住住住住, Shûnan 住住, Heisei 16 (2004) ;

Tôhoku geijutsu kôka daigaku Tôhoku bunka sentâ 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Centre culturel du Tôhoku de l’Université d’Art et technologie du Tôhoku), Kikan Tôhoku­gaku dai­yon­gô : Miyamoto Tsuneichi : Eizô to minZoku no hazama 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Numéro 4, trimestriel, de la revue Etudes sur le Tôhoku : Miyamoto Tsunéichi, entre image et folklore), Yamagata, Kashiwa shobô 住住住, août 2005, 250 p. ;

II Ouvrages traitant incidemment de MIYAMOTO Tsunéichi 住住住住住住住住住住住住住住住

La revue Mirai 住住住住(Futur), publiée par l’éditeur Miraisha, où l’on trouve parfois des articles sur MIYAMOTO.

AMINO Yoshihiko 住住住住, Chûsei saikô / Rettô no chiiki to shakai 住住住住住住住住住住住住住 (Repenser le Moyen Age : Régions et sociétés de l’archipel), Kôdansha gakujutsu bunko, Tôkyô, 1ère éd. 2000, rééd. 2004 ;

Collectif (MORIMOTO Takashi 住住住 & SUDÔ Mamoru 住住住 (dir.), NIIYAMA Shizuo 住住住住 & Suô Ooshima kyôdo daigaku 住住住住住住住住), Oki­kamuro Seto­naikai no chôgyo no shima 住住住住住住住住住住住住住住住, rééd. Du n°195 d’Aruku miru kiku 住住住住住住住住住(Marcher, regarder, écouter) de mai 1983, Kôbe, Mizunowa shuppan, août 2006, 102 p. ; FUJITA Shôzô 住住住住, Tenkô 住住 (Revirements), Tôkyô, Heibonsha, 1960, 2ème tome (chû 住), Chapitre « Hoshu shugi­teki yokusan riron – Hasegawa Nyozekan . Miyamoto Tsuneichi »住住住住 住住住住住住―住住住住住住住住住住住住 (« Théories du soutien au conservatisme – HASEGAWA Jozekan / MIYAMOTO Tsunéichi ») ;

HIMEDA Tadayoshi 住住住住, Wasurerareta Nihon no bunka 住住住住住住住住住住 (Les cultures du Japon oublié), Tôkyô, DVD, Iwanami shoten, Iwanami bukkuretto 住住住住住住住住 n°193, 1ère éd. avril 1991, rééd. Juin 2006, 63 p. ;

KASORI Takashi 住住住住, 50 cc baiku de shima no onsen Nihon isshû 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le tour du Japon par les sources chaudes des îles en 50 cm³), Shôgakkan bunko 住住住住住, Shôgakkan­han 住住住 住, août 2005, 650 YHT, ISBN4­09­411102­6,

KOMATSU Tsuyoshi 住住住住住, Miyamoto Tsuneichi no ashiato Tsushima . Iki wo meguru 住住住住住住住住住 住住住住住住住 (Sur les traces de Miyamoto Tsunéichi : Autour de Tsushima et Iki), s.l., Komatsu Tsuyoshi insatsu, Tsushima no kokoro II 住住住住住住 II, mai Heisei XIX (2007), 112 p. ;

SANO Shin’ichi 住住住住, Dai­ôjô no shima 住住住住住 (L’île de la grande réincarnation), Bungei shunjû, Tôkyô, mai 2006, 650 YHT ;

SANO Shin’ichi, Watashi no taiken­teki nonfikushon­jutsu 「「「「「「「「「「「「「「 (Mes techniques pour le récit de faits vécus), Shûeisha, nov. 2001, 714 YTTC, ISBN 4­08­720117­1

SUTÔ Isao 住住住, Yamakoshi mura 住住住住 (Le village de Yamakoshi), Nôsangyoson bunka kyôkai 住住住住住住住住 (Association culturelle des villages agraires, montagnards et de pêcheurs), oct. 2005, ISBN4­540­05252­7, 158 p. : ouvrage illustré de photographies

Yamakoshi­mura shashin­shû seisaku iinkai 住住住住住住住住住住住住 (Comité de réalisation d’un recueil de photographies du village de Yamakoshi), Furusato Yamakoshi ni ikiru – Mura no zaisan wo ikasu Miyamoto Tsuneichi no teian 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Vivre dans notre bon vieux village de Yamakoshi ­ Propositions de Miyamoto Tsunéichi pour faire vivre les biens du village), Tôkyô, Nôbunkyô 住住住, 2007, 160 p. illustrées.

A noter la publication d’un recueil de calligraphies de MIYAMOTO Junko 住住住住 d’après des citations de MIYAMOTO Tsunéichi :

NAGAOKA Hidétoshi 住住住住 (dir.), Shisaku suru tabibito Miyamoto Tsuneichi : Meigen shigen gengo­roku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Un voyageur qui pense : Recueil de phrases célèbres, bon mots et mots choisis de Miyamoto Tsunéichi), Fukuoka, Nagaoka Hidetoshi, 1ère éd. mars 2007, 32 p.. II Sources secondaires et ternaires

I Sources secondaires

A/ Bibliographie sur l’ethnographie du folklore (minzokugaku 住住住) japonais 住住住住住住住住住

1) Ouvrages de et sur les minzokugaku dans leurs divers aspects : a. Auteurs japonais

AERA Mook (Asahi Shimbun Extra Report & Analysis Special Number 32, 1997) / Minzokugaku ga wakaru 住住住住住住住 (AERA Mook (Rapport extraordinaire et analyse spéciale de l’Asahi shimbun, n°33, 1997) Comprendre l’ethnographie du folklore), Tôkyô, Asahi shimbun­sha 住住住住住, 1997, rééd. 2003 ;

Collectif (AKIYAMA Takashi 住住住住, KITAMI Toshio 住住住住, MAEMURA Matsuo 住住住住, WAKAO Shumpei 住住住住, MIYAMOTO Kesao 住住住住住 et WADA Masakuni 住住住住), Zuroku nômin seikatsu­shi jiten 住住住住住住住住住住 (Encyclopédie illustrée d’Histoire de la vie quotidienne des populations rurales), Tôkyô, Kashiwa shobô 住住住, 1991, 278 p. ;

Collectif, MinZoku tambô jiten 住住住住住住, Tôkyô, Yamakawa shuppansha 住住住住住, 1983, rééd. 2002, 465 p. ;

EGAMI Namio, ­ Kiba minzoku kokka 住 住 住 住 住 住 (L’Etat des ethnies cavalières), Tôkyô, Chûô kôron­sha, Shôwa XLII (1967), rééd. Shôwa XLV (1970) ;

­ (dir.), Kiba minzoku to ha nani ka ? 住住住住住住住住 (Qu’est­ce que les ethnies cavalières ?), Tôkyô, Shôwa L (1975), Mainichi shimbun­sha, 242 p. ;

FUKUDA Ajio 住住住住住, KANDA Yoriko 住住住住住, SHINTANI Takanori 住住住住, NAKAGOMI Mutsuko 住住住住, YUKAWA Yôji 住住住住 et WATANABE Yoshio 住住住住 (dir.), Seisen Nippon minZoku jiten 住住住住住住住住 (Dictionnaire raisonné d’ethnographie du folklore du Japon), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan, 2006, 692 p. ; HIMEDA Tadayoshi 住住住住 (dir.), Haruka naru kirokusha he no michi – Himeda Tadayoshi to Eizô minZokugaku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (La route vers un documentariste éloigné : HIMEDA Tadayoshi et l’ethnographie du folklore en images), Tôkyô, Kinokuniya shoten, 2007, DVD, 3150 ¥

KITA Sadakichi 住住住住, Hi­sabetsu buraku toha nani ka ? 住住住住住住住住住 (Qu’est­ce que les « Hameaux discriminés » ?), Tôkyô, Kawade shobô shinsha, 2008, 262 p. ;

KOMATSU Kazuhiko 住住住住 & SEKI Kazutoshi 住住住, Atarashii minZokugaku he : No no gakumon no tame no ressun 26 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Vers un nouveau folklore : Leçon 26 pour l’étude de la science de la campagne), Tôkyô, Serika shobô 住住住住住, 2002, 334 p. ;

MINAKATA Kumagusu 住住住住, Zenshû 住住 (Œuvres complètes), Tôkyô, Heibonsha, 12 vol. + un vol. d’essais tranduits de l’anglais + la correspondance + le journal, 1975 ;

NAKAGAWA Roppei 住住住住, « Aruku gakumon » no tatsujin 住住住住住住住 (Les experts de « la de la marche »), Tôkyô, Shôbunsha 住住住, 2000, 235 p. ;

「「「「 NOZOE Kenji 住住住住, Matagi wo nariwai ni shita hitotachi 住住住住住住住住住住住住, Tôkyô, Shakai hyôron­sha 住住住住住, 2006, 246 p. ;

ORIKUCHI Shinobu 住住住住, Zenshû 住住 (Œuvres complètes), Tôkyô, Chûô kôron shinsha, 1995­ 2002 ;

OTO Tokihiko, Folklore in Japanese Life and Customs (Le Folklore dans la vie et les coutumes japonaises), Tôkyô, Kokusai bunka shinkokai (The Society for International Cultural Relations), Series on Japanese Life and Culture, Vol. VI, 1963, 140 p. ;

SAKUARA’I Tokutarô 住 住 住 住 住 , Kisetsu no minzoku 住 住 住 住 住 (Arts et traditions populaires des saisons), Tôkyô, Shûei shuppan 住住住住, 1ère éd. Nov. Shôwa 44 (1969), 266 p. ;

SHIBUSAWA Keizô 住住住住, Chosaku­shû 住住住 (Œuvres), éd. établie par AMINO Yoshihiko 住住住住, 5 tomes, Tôkyô, Heibonsha 住住住, 1992­1993 ;

SHINTANI Takanori 住住住住, NAMIHIRA Emiko 住住住住住 & YUKAWA Yôji 住住住住, Kurashi no naka no minzokugaku 住住住住住住住住住 (Ethnographie des arts et traditions populaires au cœur de la vie), t. 1 : Ichi­nichi 住住 (La journée), 258 p. ; t. 2 : Ichi­nen 住住 (L’année), 240 p. ; t. 3 : Isshô 住住 (La vie), 252 p., Yoshikawa kôbunkan 住住住住住, Tôkyô, mai 2003 ;

SUGAE Masumi 住住住住, Minzoku go’i 住住住住 (Vocabulaire du folklore), éd. établie par INE Yûji 住住住, Tôkyô, Iwata shoin 住住住住, 1ère éd. 1995, rééd. 2002 ;

TAKAHASHI Kihei 住 住 住 住 住 , Sawauchi­mura monogatari 住 住 住 住 住 住 住 (Récits de Sawauchi­mura), Morioka, Iwate nippô­sha, 1998, 107 p. ; TANIGAWA Ken’ichi 住 住 住 住 , Zenshû 住 住 (Œuvres complètes), 24 vol., Tôkyô, Fuzanbô International 住住住住住住住住住住住住, 2006 ;

MinZoku.chimei soshite Nippon 住住住住住住住住住住 (Folklore, toponymes et Japon), Tôkyô, Dohsei­sha­ kan 住住住住, 1989, rééd. 1999, 254 p.;

Tokoyo­ron 住住住 (De l’autre monde), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 1ère éd. 1989, 286 p. ;

YAGIRI Tomeo 住 住 住 住 , Sanka minZokugaku 住 住 住 住 住 住 (Ethnographie des Sanka), Tôkyô, Sakuhinsha 住住住, 2003, 302 p. ;

YANAGITA Kunio 住 住 住 住 , Yanagita Kunio Zenshû 住 住 住 住 住 住 (Œuvres complètes), 32 volumes, Tôkyô, Chikuma bunko 住住住住住, Chikuma shobô 住住住住, 1989­1991 ;

Contes du Japon d’autrefois, traduit du japonais par Geneviève SIEFFERT, Paris, Littérature d’étranges pays, POF, 1983, 183 p. ;

Les yeux précieux du serpent, trad. Geneviève SIEFFERT, Le Serpent à plumes, Paris, 1999, 193 p. ;

Chimei no kenkyû 住 住 住 住 住 (Recherches sur les toponymes), Tôkyô, Kadokawa bunko, Kadokawa shoten, Shôwa XLIII (1968), rééd. Shôwa XLIX (1974), 316 p. ;

Tôno monogatari 住住住住(Contes de Tôno) ; traduction anglaise : The Legends of Tôno, traduit et présenté par Ronald A. MORSE, Tôkyô, The Japan Foundation, 1975, 90 p. ;

« Le Rappel du soleil », dans Cahiers d'études et de documents sur les religions du Japon

IV, Paris Centre d'Etudes sur les Religions et Traditions du Japon, Ecole Pratique des Hautes Etudes ;

« Le Pouvoir de la sœur (Imō no chikara) », dans Cent ans de pensée au Japon, ALLIOUX Yves­Marie (dir.), tome II, Arles, Philippe Picquier, 1996 ; b. Auteurs occidentaux

BERTHIER­CAILLET L., Fêtes et rites des quatre saisons au Japon, Cergy, POF, 1981 ;

BOUCHY Anne, Shashin gyôja Jitsukaga no shugendô (Le shugendô de Jitsukaga, ascète de l'abandon du corps), Tôkyô, Kadokawa shoten, 1977, 80 p. ;

Tokuhon ascète du nenbutsu ­ Dans le cadre d'une étude sur les religieux errants de l'époque d'Edo, Cahiers d'Etudes et de Documents sur les Religions du Japon 5, Paris, Centre d'Etudes sur les Religions et Traditions du Japon, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Ve Section, 1983, 216 p. ; Les oracles de Shirataka, ou la sibylle d'Ôsaka. Vie d'une femme spécialiste de la possession dans le Japon du XXe siècle, Arles, Editions Philippe Picquier, 283 p., 8 plans et cartes, 23 illustrations, 31 photographies. Prix Alexandra David­Neel, 1ère éd. 1992, rééd. 1993, nouvelle éd. 2005, texte augmenté, 60 photos et illustrations, 7plans et cartes ; ;

CHAMBERLAIN Basil Hall, Mœurs et coutumes du Japon, Paris, Payot, 1931 ;

COURQUET C., Le chat dans le folklore du Japon, Alfort, Th. Méd. Vét., 1986, 152 p. ;

COYAUD Maurice, De fête en fête (folklore du Japon, haïku, proverbes, itako, sumo, namazue), Paris, PAF, 2000 ;

EMBREE John, Suye Mura: A Japanese Village, Chicago, University of Chicago Press, 1939 ;

HAGUENAUER Charles, Origines de la civilisation japonaise / Introduction à l’étude de la Préhistoire du Japon, t. 1, Lille, Imprimerie nationale, Librairie Klingsieck, 1956, 640 p. ;

LEROI­GOURHAN André, Pages oubliées sur le Japon, Paris, éd. Jérôme Millon, 2004, 500 p. ;

ROBERTSON Jennifer (dir.), A Companion to the Anthropology of Japan, Oxford, Blackzell Publishing, 2005, 501 p. ;

ROTERMUND Hartmunt O. (sous la direction de), Religions, croyances et traditions populaires du Japon, Paris, Maisonneuve et Larose, 1988, 2000, 540 p. ;

2) Sur MINAKATA Kumagusu :

TSURUMI Kazuko 住住住住, Minakata Kumagusu 住住住住, Tôkyô, Kôdansha, Kôdansha gakujutsu bunko, 1ère éd. janvier 1981, rééd. décembre 2004, 318 p..

3) Sur YANAGITA Kunio 572 :

BOKUDA Shigeru 住 住 住 , Hyôden Yanagita Kunio 住 住 住 住 住 住 (Yanagita Kunio, une biographie critique), Tôkyô, Nihon shoseki 住住住住, juill. 1979 ;

KAWADA Minoru 住 住 住 , Yanagita Kunio no shisô­teki kenkyû 住住住住住住住住住住 (Les recherches idéologiques de Yanagita Kunio), Yoshikawa kôbunkan 住 住 住 住 住 , Tôkyô, 1997 ; traduction anglaise, The Origin of Ethnography in Japan : Yanagita Kunio and his Time (Les origines de

572 Pour les ouvrages de YANAGITA Kunio, cf. plus haut. l’ethnographie au Japon : Yanagita Kunio et son temps), traduit par Toshiko Kishida­Ellis, London & New York, Kegan Paul International, 1993 ;

MATSUMOTO Mikio 住住住住住, Yanagita Kunio to minZoku no tabi 住住住住住住住住住 (Yanagita Kunio et le voyage ethnographique), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan 住住住住住, Heisei IV (1992), 254 p. ;

MATSUMOTO Mikio, Yanagita « minZokugaku » he no teiryû 住住住住住住住住住住住 (Le courant de fond vers la « minZokugaku » de Yanagita), Tôkyô, Seikyûsha 住住住, 1994, 212 p. ;

NAKAMURA Akira 住住住 , Yanagita Kunio no shisô 住住住住住住住 (La pensée de Yanagita Kunio), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, Shôwa LII (1977), 2 vol., 174 et 205 p. ;

OOTSUKA Eiji 住住住住, Gishi toshite no miZokugaku : Yangita Kunio to itan no shisô 住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住 (La minZokugaku en tant qu’Histoire mensongère : YANAGITA Kunio et les pensées hétérodoxes), Tôkyô, Kwai 住 BOOKS, Kadokawa shoten, 2007, 270 p.

4) Ethnographie et ethnologie de la Chine et de l’Asie rurales : a. En langue chinoise

FÈI Xiàotōng 住 住 住 (1910­2005), (anthropologie historique et sociologie), Wèn­jí 住 住 住 住 住 住 住 (Œuvres), Bĕijīng, Qúnyán chūbănshè 住住住住住, 1999 ; (par ex. : Peasant Life in China住1939住住住住住住 住住住住 ; 住住住住住住住1943住 ; Earthbound China 1945) ; 住住住住住1945住 ; 住住住住住住住1946住 ; 住住住住住住住1947住 ; 住住住住住住 住1948 住 ; 住住住住住住住 1948 住 ; Toward a Peoples Anthropology 住1981住 ; Chinese Village Close­ up住1983住 ; 住住住住住住住住住住住1983住 ; 住住住住住住住住1985住 ; 住住住住住住住住住住住住1985住 ; 住住住住住住住住住住住1985住 ; Small Towns in China住1986住 ; 住住住住住住住住住住1986住 ; 住住住住住住住住住住住住1987住 ; 住住住住住住住住住住住住1988住 ; 住住住住住住住住1989住) ; b. En langues occidentales

MYRDAL Jan, Un village de la Chine populaire, trad. de C.G. BJURNSTRÖM et André MATTHIEU, Paris, L’Espèce humaine, nrf, Gallimard, éd. orig. 1963, trad. 1964, 419 p. ;

THIREAU Isabelle et WANG Hansheng (dir.), Disputes au village chinois : Formes du juste et recompositions locales des espaces normatifs, Paris, Editions de la Maison des sciences des l’homme, 2001, 342 p. ;

B/ Bibliographie d’ouvrages sur l’ethnographie, l’ethnologie et l’anthropologie 住住住住住住住住住住住住住住住 La présente bibliographie se veut simplement indicative. Pour plus de référence, le lecteur voudra bien se reporter aux ouvrages spécialisés, et notamment à la bibliographie figurant dans Introduction à l’ethnologie et à l’anthropologie, de Jean COPANS.

1) Divers ethnographie / ethnologie / anthropologie en général :

AOKI Eriko 住住住住住 : Sei wo orinasu poetikkusu / Indoneshia.Furôresu­tô ni okeru shi­teki katari no jinruigaku 住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Une poétique qui tisse la vie / Anthropologie culturelle des récits poétiques de l’île de Flores, Indonésie), Kyôto, Sekai shisô­sha kyôgakusha 住住住住住住住住, avril 2005, 556 p., 4,410 Y.TTC, ISBN 4­7907­1115­3 ;

Tedzukuri zakkaten CLOUDY 住住住住住住住住住住住住 (CLOUDY, un grand magasin de produits fait­main), Tôkyô, Ondori­sha 住住住, octobre 2005, 103 p., 住住, 1 365 Y TTC, ISBN 4­277­43063­5 ; AUGE Marc : Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Aubier ; 1994, rééd. Champs Flammarion, 1997, 2003 ;

BENSA A. et FASSIN E., « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, 38, 2002 ;

BERGER Laurent, Les nouvelles ethnologies, Enjeux et perspectives, Paris, Sociologie 128 n°298, Nathan Université 2004, 127 p. ;

BLANCHET Alain et GOTMAN Anne, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan Université, 1992, rééd. 2001 coll. 128 sociologie n°19, 125 p.. BONTE Pierre & IZARD Michel, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF/Quadrige, 1ère éd. 1991, rééd. 2002, 842 p. ; BOZON M. et CHAMBOREDON Jean-Claude, « L’organisation sociale de la chasse en France et la signification de la pratique », Ethnologie française, X-1, 1980, p. 65-88 ; CAROLL Raymonde : Evidences invisibles – Américains et Français au quotidien, Paris, Seuil, 1987 ; CHALMIN Pierre (dir.), Terre Humaine, une anthologie, Paris, Pocket, Plon, 2005, 538 p. ;

CLIFFORD James, Malaise dans la culture: L’ethnographie, la litérature et l’Art au Xxe siècle, (Titre original : The Predicament of Culture : Twentieth Century Ethnography, Literature and Art), Paris, 1998, 388p. ; COPANS Jean, Introduction à l’ethnologie et à l’anthropologie, Paris, L’enquête et ses mthodes, Sciences sociales 128 n°124, Nathan 1996, 2è éd. refondue Armand Colin, 2005, 127 p. ;

L’enquête ethnographique de terrain, Paris, L’enquête et ses mthodes, Sciences sociales 128 n°210, Nathan 1999, rééd. Armand Colin, 2005, 126 p. ;

FRAZER James George, The Golden Bough, 13 vol., Hongkong, 1980, trad. française : Le rameau d’or, Bouquins, Robert Laffond ;

GIRARD René, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset,1961 ;

La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972 ;

KILANI Mondher, Introduction à l’anthropologie, Lausannes, Sciences humaines Payot, 1992, réimp. 1996, 337 p. + annexes et index ;

LABURTE­TOLRA Philippe & WARNIER Jean­Philippe, Etnologie, Anthropologie, Paris, Quadrige manuels, puf, 1ère éd. 1993, rééd. 2003, 399 p. + biblio. + index ;

LAPLANTINE François, La description ethnographique, Paris, Sciences sociales 128 n°119, Nathan, 1996, rééd. Arman Colin 2005, 128 p. ;

LEVI­STRAUSS Claude, Tristes Tropiques, Paris, Terre Humaine Pocket, Plon, 1955, rééd. 2004, 504 p. ;

LEVI­STRAUSS Claude (dir.), L’identité (séminaire), Paris, Quadrige, puf, 1971, rééd. 1983, 2000, 340 p.

MAGET, M., « Remarques sur le village comme cadre de recherches anthropologiques », Cahiers d’économie et de sociologie rurales, 11, 1989 ;

MAUSS Marcel, Manuel d’ethnographie, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1967, rééd. 2002, 360 p. ;

— Sociologie et anthropologie, Paris, Quadrige, puf, 1ère éd. 1950, rééd. 2003, 475 p. + annexes et table ;

MERCIER P., Histoire de l’anthropologie, Paris, 1966 ;

MONTANDON George, Traité d’ethnologie culturelle, Paris, Payot, 1934 ;

Pausanias, Description de la Grêce ;

PITT­RIVERS Julian : « Un rite de passage dans la société moderne : le voyage aérien », in Les Rites de passage aujourd’hui, Actes du colloque de Neufchâtel, 1981, sous la dir. De P. CENTLIVRES et J. HAINARD, Lausanne, L’Age d’Homme, 1986 ; POIRIER Jean, Ethnologie générale, Paris, Encyclopédie de La Pléiade, Gallimard, 1968 ; SEGALEN Martine (dir.), Ethnologie : Concepts et aires culturelles, Paris, Armand Colin, 2001, 320 p. ; SERVIER Jean, L’ethnologie, Paris, Que sais-je, puf, 1986, rééd. 1997, 128 p. ; VALIERE Michel, Ethnographie de la France, Paris, Armand Colin Cursus, 2002, 214 p. ; VAN GENNEP Arnold, Les rites de passage, Paris, A. et J. Picard, 2000, 288 p. ;

WEBER Florence, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003.

2) Sur le folklore :

FORTOUL Hippolyte, Recueil général de poésies populaires de la France ;

GIRAUD (J.), PAMART (P.), RIVERAIN (J.), « Mots dans le vent », Vie Lang. 1970, p. 50, QUEM. DDL t. 2. ;

HERSART de LA VILLEMARQUE Théodore, Barzaz­Breiz, Paris, 1939 ;

SEBILLOT Paul, Le folklore de France, Paris, Librairie Orientale et Américaine, 1940, 4 vol. ;

TENEZE Marie­Louis, Nanette Lévesque, conteuse et chanteuse du pays des sources de la Loire : la collecte de Victor Smith 1871­1876, Paris, Gallimard, 2000 ;

VAN GENNEP Arnold, Manuel de folklore français contemporain, Paris, 1939, rééd. Le folklore français, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 1998­1999, 4 volumes (trois tomes de 1200, 1140 et 810 p. et un tome bibliographique de 1110 p.) ;

3) Divers

Ruralité en français

CHAMPAGNE Patrick, L'héritage refusé. La crise de la reproduction sociale de la paysannerie française 1950­2000, Paris, Seuil, 2002 ;

DIBIE Pascal, Le village retrouvé : Essai d’ethnologie de l’intérieur, s.l., Editions de l’Aube, 1979, 1995, rééd. 2005, 257p. ;

DIBIE Pascal, Le village métamorphosé : révolution dans la France profonde, Paris, Plon, mars 2006, 405 p. ;

DUBY Georges, L’Économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval. Essai de synthèse, perspectives de recherches, 2 vol, Paris, Aubier, 1962, 285 et 368 p. ; DUBY Georges, Histoire De La France Rurale ­ Tome 1, des Origines à 1340, Paris, Seuil, Point Histoire, 1997, 714 p. ; Tome 2, L'âge Classique des Paysans de 1340 à 1789, 1997, 658 p. ; Tome 3, De 1789 À 1914, Apogée et Crise de la civilisation paysanne, 1997, 560 p. ; Tome 4, La Fin de la France paysanne, de 1914 à nos jours, 1997, 667 p. ;

FAVRET­SAADA Jeanne, Les mots, la mort, les sorts, Gallimard Folio/Essais, Paris, 1994 ;

RENAHY Nicolas, Les gars du coin : enquête sur une jeunesse rurale, Paris, Editions La Découverte, Textes à l’appui, 2005, rééd. 2007, 285 p. ;

II Sources ternaires

A/ Ouvrages sur le Japon

- a. Auteurs japonais (et coréens)

Divers

AMINO Yoshihiko 「「「「, Chûsei saikô 「「「「「「 (Repenser le Moyen­Age), Tôkyô, 1ère éd. en volume, Kôdansha gakujutsu bunko, 2000, rééd. 2004 ;

Collectif, CHŎNG Yŏnghai (JUNG Yeong­hae) 「 「「 [ 住 住住 ] et UENO Chidzuko 住住 住住 住 , Datsu aidentitî 住住住住住住住住住 (L’Identité mise à nu), Tôkyô, Keisô shobô 住住住住, 2005, 334 p. ;

Collectif, Daijisen 住住住, Tôkyô, Shôgakukan, 1998, 2864 p. ;

KINDA’ICHI Haruhiko 住住住住住 (dir.), Shinmeikai Nihongo akusento jiten 住住住住住住住住住住住住(Nouveau dictionnaire Meikai des intonations du japonais), Tôkyô, Sanseidô, 2002, 931+110 p. ;

KOUAME Nathalie, Pèlerinage et société dans le Japon des Tokugawa : Le pèlerinage de Shikoku entre 1598 et 1868, Monographie 188, Paris, Ecole française d’Extrême­Orient, 2001, 317 p. ;

NAKAHIRA Ryûjirô 住 住住 住住 , Honto ni aruku Ooyama kaidô 住住住住住住住住住住 (La route d’Ooyama réellement empruntée à pieds), Tôkyô, Fûjin­sha 住住住, 2007, 221 p. ;

NISHIMURA Tooru, Shirarezaru Genji monogatari 住住住住住住住住住 (Le Dit du Genji qu’on ne connaît pas), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 2005, 324 p. ;

OONO Susumu 住住住, Nihongo no kigen 住住住住住住 (Les origines du japonais), Tôkyô, Iwanami shinsho, Shôwa XXXII (1957), rééd. Shôwa XLIX (1974) ; SAKURADA Katsutoku 住住住住 (1903­1979), Sakurada Katsutoku chosakushû 住住住住住住住 (Œuvres de SAKURADA Katsutoku) (7 vol.), Tôkyô, Meicho shuppan 住住住住, mars Shôwa 55 (1980) ;

TOYODA Takeshi, A History of Pre­Meiji Commerce in Japan (Une Histoire du commerce au Japon d’avant Meiji), Kokusai bunka shinkokai (Japan Cultural Society), Japanese Life and Culture Series, Tôkyô, 1969, 130 p. ;

Nihonjin­ron (études sur la japonité) 57 3 :

KARATANI Kôjin 住住住住, Nihon seishin bunseki 住住住住住住 (Analyse psychologique du Japon), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 2007, 291 p. ;

KAWAMOTO Yoshikazu 住住住住 : Wajin­bunka­ron : Sono kijiku no hakken 住住住住住住住住住住住住住 (Théorie de la culture des Wajin : La découverte de cet axe), Tôkyô, Ochanomizu shobô 住住住住住住, 1ère éd. 2005, 306 p..

- b. Auteurs non japonais

BERTHIER François, Genèse de la sculpture japonaise, POF, s.l., 1979 ;

Collectif (édité par FUKUI Fumimasa et FUSSMAN, Gérard) : Bouddhisme et cultures locales / Actes du colloque franco­japonais de septembre 1991, Ecole française d’Extrême­ Orient, Paris, 1994, 305 p. ;

GIRARD Frédéric, HORIUCHI Annick, MACE Mieko (dir.) : Repenser l’ordre, repenser l’héritage : Paysage intellectuel du Japon (XVIIè XIX 7è siècles), Paris, Ecole pratique des Hautes études, Sciences historiques et philologiques II, Hautes études orientales 336, Extrême Orient 2, Genève, DROZ, 2002, XXIV, 528 p. ;

LABRUNE Laurence, « Fiche de grammaire / Transcrire le japonais », Daruma, numéro 6/7 du printemps 2000, Editions Philippe Piquier, Arles, 2000, p.339­356 ;

MACE François, La mort et les funérailles dans le Japon ancien, Paris, Publications orientalistes de France, 1986 ;

MORETON David C., The History of Charitable Giving Along the Shikoku Pilgrimage Route (L’Histoire de la charité sur la route du pèlerinage à Shikoku), A Thesis Submitted in Partial Fulfillment of the Requirement ofr the Degree of Master of Arts in the Faculty of Graduate Studies, The University of British Columbia, mai 2001 ;

573 Pour des références supplémentaires, voir notre mémoire de DEA­Master « De quelques influences de l’étranger sur l’identité japonaise », Lyon, Unviversité Jean Moulin Lyon III, 2004. NELSON Andrew Nathaniel, The New Nelson, éd. révisée et mise à jour par John H. HAIG, Tôkyô, Tuttle, 1997 ;

ORIGAS Jean­Jacques (dir.), Dictionnaire de littérature japonaise, Paris, PUF/Quadrige, 1ère éd. 1994, rééd. 2000, 366 p. ;

PARVULESCO Marguerite­Marie, Ecriture, lecture et poésie, Paris, P.O.F., 1991, 288 p. ;

PELLETIER Philippe, Géographie historique de la suinsularité au Japon, Paris, Espaces et milieux, Ed. CNRS, 1998, 391 p. ;

— Japon – Crise d’une autre modernité, Paris, Belin, Coll. Asie plurielle, 2003, 208 p. ;

PERRONY Claude, Les Plantes du Man.yô­shû, Paris, Collège de France, Université Paris 7, Maisonneuve et Larose, 1993, 250 p. ;

PIGEOT Jacqueline, Michiyuki­bun : Politique de l’itinéraire dans la poétique du Japon ancien, Paris, Editions G. P. Maisonneuve et Larose, 1982, 400 p. ;

PLANISEK Joëlle, Techniques et société au Japon / Histoire sociale de l’enseignement technique 1945­1985, I.N.R.P. L’Harmattan, Paris, 1989, 188 p. ;

REISCHAUER Edwin O., Japan, the Story of a Nation (1re éd. Japan, Past and Present (1946)), New York, Alfred A. Knopf, traduction française (Histoire du Japon et des Japonais) et mise à jour de Richard Dubreuil, Paris, Seuil, Points Histoire, 2 vol., 1973, rééd. et mise à jour 1997, 255 et 320 p. ;

RICHIE Donald, The Honorable Visitors (Les Honorables visiteurs), ICG Muse, Inc., Tuttle, Tôkyô, 1994, rééd. 2001, 207 p. ;

RIEUX Alain Marc, Savoir et pouvoir dans la modernisation du Japon, Paris, P.U.F., 2001, 336 p.

ROCHER Alain, « La fonction heuristique de l'histoire des religions japonaises », Actes du colloque de Tokyo 2001"La France et l'Asie de l'est". Pub. 2003 ;

ROCHER Alain, Mythe et souveraineté au Japon, P.U.F., Paris, 1997.

SIGANOS André, VIERNE Simon, Montagnes imaginées, montagnes représentées : Nouveaux discours sur la montagne de l’Europe au Japon, Grenoble, Ellug, Atelier de l’Imaginaire, juin 2000, 435 p. ; Documents plus anciens (antérieurs à 1950) :

­ Les trois auteurs étudiés par MIYAMOTO :

BIRD Isabella Lucy (1831­1904), ­ Unbeaten tracks in Japan (Le Japon hors des sentiers battus), 1ère éd. G.P. Putnam’s Sons, New York, 1880, rééd. Travellers’Tales Classics, San Francisco, 2000, 349 p. ;

­ Collected Travel Writings (Ecrits de voyages rassemblés), With a new Introduction by Olive Checkland, Fellow (Overseas), Fukuzawa Memorial Centre, Keio University, Tokyo, Ganesha Publishing Ltd., 1998 ;

­ Sur Isabella Bird, on pourra lire la biographie qu’a rédigé Evelyn KAYE, Amazing Traveler Isabella Bird (Une étonnante voyageuse : Isabella Bird), Blue Panda Publications; 2ème éd. sept. 1999, 250 p., ISBN: 0962623148. La même essayiste est elle aussi partie sur les traces de son sujet d’études, et ce au Japon, et en a tiré le sujet d’Adventures in Japan (Aventures au Japon), Blue Panda Publications, août 2000, 250 p. ISBN: 1929315007 ;

­ Plus ancien, l’ouvrage de Pat BARR, A Curious Life for a Lady : The story is Isabella Bird, Traveller Extraordinary (Une drôle de vie pour une dame : L’histoire d’Isabella Bird, extraordinaire voyageuse), John Murray, Londres, 1970 ;

FURUKAWA Koshôken, Tô­yû zakki 住住住住 (Notes éparses de pérégrinations dans l’Est), 住住住住住住住 住住, Tôkyô, Tôyô bunko 27 住住住住住住住, 1964, 305 p. ;

SUGAE Masumi 住住住住 (1754­1829), Sugae Masumi yûran­ki 住住住住住住住 (Notes de pérégrination) (5 vol.), Tôkyô, [Tôyô bunko], Heibonsha, nov. Shôwa 40 (1965) ;

­ Autres auteurs :

MORSE Edward Sylvester, Japan Day by Day, Boston and New York: Houghton Mifflin Company, 1917, 450 p. ;

SATOW Ernest, sir, Un diplomate au Japon, New York & Tôkyô, IGC Muse, 2000, rééd. 2003 (éd. orig. Londres, Seeeley, Service et co., 1921), 424 p. ;

B/ Divers

BILLETER, Jean­François, Contre François Jullien, Paris, Allia, 2006, 122 p ; BRAUDEL Fernand, (dir.) La Méditerranée. L’espace et les hommes, Paris, Arts et métiers graphiques, 1977.

— (dir.) La Méditerranée. Les hommes et l’héritage, Paris, Arts et métiers graphiques, 1978

— L’identité de la France, Paris, Arthaud, 3 volumes, 1986 ;

DURAND Gilbert, Structures / Eranos I, Paris, La Table ronde, Contretemps, 2003, « Dualismes et dramatisation » ;

ERISMANN Guy, Janáček ou la passion de la vérité, Paris, éditions du Seuil, 1979, rééd. 2007, 350 p ;

GAUCHET Marcel, Le désenchantement du monde : une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985 ;

LYOTARD Jean­François, La condition post­moderne, Paris, Editions de Minuit, 1979 ;

LYOTARD Jean­François, Le différend, Paris, Editions de Minuit, 1983 ;

NORA Pierre, Les lieux de mémoire, Paris, Quarto, Gallimard, 1997, 3 tomes, 4751 p. au total ;

RIEUX Alain Marc, Les visiteurs et leurs musées, Paris, La documentation française, 1988, 225 p.

SAID Edward W. : L’orientalisme : L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, La couleur des idées, 2005, 422 p..

VALERY Paul, Cahiers I. , Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1973.

Prononciation du chinois :

On citera par exemple les ouvrages suivants, destinés aux débutants :

BELLASSEN Joël, Méthode d'initiation à la langue et écriture chinoise (tome 1), Paris, La Compagnie, 1990 ;

— Perfectionnement à la langue et à l'écriture chinoise (tome 2), Paris, La Compagnie, 1991 ;

HOA Monique, C'est du Chinois, 2 vol., Paris, Librairie You Feng, 2001 ;

DESIRAT Michel, Parlez chinois en 40 leçons, Paris, Les Langues pour tous, 2003 ;

MEUWESE Catherine : Ping et Pang Chinois pour débutants, Paris, ellipses, 2001. Annexes

Annexe I : Textes originaux inédits et traduction

I Textes de MIYAMOTO Tsunéichi : « Byôkan­ roku » (« Carnet de maladie »)

1) Texte original

住 住 住 住住住住574

「「「「 「「 5.14.住(1) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住(2) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「 「「 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住(3) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「 「「 「 住(4) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住住住住住住住住住住住住住住

「「「「 「 「 住(5) [住]住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

5.15.住(6) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

574 1930. 住(7) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住(8) 住住住住住住住住住住住住住住

「「 住(9) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「「 住(10) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「 「 「「 「「 「 「 「「 「「「「 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住(11) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「 住(12) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「 住 (13) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「 「「「 「「「 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

5.16. 住(14) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「 住住住住住住住住住住住住住住住住住

住(15) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住住住住住住住住住住住住住住住

「「 住(16) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「「 住(17) 住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「 「「 「「 「 5.17.住(18) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住(19) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「 住(20) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

住(21) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 「「 「 住(22) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「 「「 「「「「 住(23) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

5.18. 住(24) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

「「「「 住住住住住住住住住住住住住

2) Traduction française

Carnet de maladie

Shôwa V (1930)

14 mai

1. Ayant toujours conscience de ma propre maladie et cherchant à la vaincre, (mais comment ?), croyant par ailleurs que je ne peux que guérir d’une façon ou d’une autre, pour la première fois je parviendrai à atteindre ce but.

2. C’est à se demander si mon inquiétude va finir à ma mort.

Vraiment, je ne comprends toujours pas que l’on dise que les hommes sont des êtres qui doivent [tous] mourir. Pourquoi ? Eh bien parce que je n’ai pas encore fait l’expérience de la mort.

3. Les illusions (gen’ei) des malades sont généralement morbides. Un esprit sain réside dans un corps sain.

4. Cela fait même déjà cinquante jours que je suis rentré à la maison. Lorsque je réfléchis [au temps passé] depuis que je suis tombé malade, cela représente en fait cent trente jours. La semaine de l’équinoxe n’étant pourtant plus qu’à un pas, elle est encore hors de ma portée.

Au regard de sa santé, l’Homme est faible.

5. Les trois frères X…naka sont morts d’une maladie pulmonaire. Il semble qu’ils pensaient qu’ils mourraient de maladie. Chacun en était arrivé à ce sentiment. Mais, on avait l’impression que quelle que soit la maladie la confiance dans le traitement la guérirait.

15 mai

6. Hier, ma température est montée jusqu’à 37°. Il aura fallu à peu près une heure pour cela, mais décidément ça m’a fait battre le cœur.

Je ne laisse d’être étonné par la force de l’attachement à la vie.

Il faut que je terrasse cette maladie à tout prix. 7. La première chose qui compte c’est de se soigner avec courage. Etre mesuré est une grande force qui affaiblit la maladie.

Quoi que l’on rencontre, la maladie sera vaincue à la fois par le courage de la supporter patiemment et par les soins.

8. Je vais lire le Manuel d’Epictète.

9. La témérité [ne sert à rien], elle n’aggrave ni n’allège la maladie. Mais jusqu’à un certain point, il est nécessaire de faire le brave.

10. Il ne faut pas que j’éprouve de la répugnance pour cette maladie. Je dois la regarder en face patiemment.

Il me faut être celui qui, sans chercher ni à tromper son sentiment de souffrance, ni à se sauver, endure avec patience. Ainsi pourrai­je reconstruire un nouvel état d’esprit. Ensuite, il me faudra grâce à cela quitter ce sentiment de solitude et cette affliction (hammon). En d’autres termes, même si je ne puis quitter l’affliction même, l’affliction étant ce qu’elle est, il me faudra avoir en moi un monde plus élevé.

11. Si je cherchais à me sauver de cette affliction, au contraire je me tracasserais. Quel que soit le monde dans lequel je me trouve, il faut que je le supporte. Je devrais, à l’égard de la souffrance de mon corps, répandre des larmes, et, toujours pour la même raison, me tourmenter. Mais même si je souffre, il me faut désormais avoir le courage de m’en sortir.

Il s’agit de demeurer patiemment dans l’affliction.

12. Maladie venue du ciel. Jusqu’à ce qu’elle sorte de moi, je l’endurerai patiemment.

13. Dans le passé que j’ai arpenté à pieds de toutes mes forces, les choses que j’ai faites, elles me sont trop pitoyables.

Cependant, il ne faut pas que je prenne cela pour un malheur. Ce fut la voie qui m’était échue, aussi j’ai eu beau batailler, je l’ai attrapée. Il ne faut pas non plus que j’en conçoive du ressentiment, ni que cette maladie me répugne. Même si je me dis que cette maladie était la [seule] rétribution de tous mes efforts, il faut que je la reçoive.

Ce que je me suis vu octroyé est à moi.

16 mai

14. J’ai un léger accès de fièvre. Il y a des gens qui vont jusqu’à nier ce genre de choses.

Il est des personnes qui, comme moi, s’effraient d’une simple fièvre.

Si l’on songeait à toutes ces bagatelles avant d’arriver aux choses vraiment importantes (subete daiji ni itaru mae no saji to omoeba)… 15. Le fait de dire qu’on se divertit est plus difficile que de dire qu’on travaille tant soit peu. Parce qu’au milieu du divertissement, on ne doit pas oublier le soin de sa santé ni la discipline, disait mon père.

Et « si l’on se divertit habilement, on se guérit ».

16. Pour les choses du corps, on a beau s’interroger, on ne peut même rien faire tout seul par soi­ même. Il faut que je ne compte que sur mon moral (seishin).

17. En toute angoisse et en toute affliction, je me vois cherchant patiemment à (re)trouver une lueur. Ce Moi (onore) est faible. Mais je ne peux nier qu’il s’agit de moi. Je ne peux fuir de ce moi (watashi). Le nier reviendrait à me nier moi­même. Quoi que je fasse, il me faudra vivre sous cette forme.

17 mai

18. Ce mois­ci, mes camarades doivent se réunir à la Société des chemins de fer. Les thèmes que j’avais soumis sont bien passés et la revue a pu se faire. A quel point SHIGETA a­t­il travaillé à cela ?

19. Ce sont les billets successifs des professeurs MORI et KANEKO, les lettres de mes maîtres, qui me revigorent le plus.

20. Il m’arrive par moment d’être d’extrêmement bonne humeur. D’autres fois, il m’arrive sans doute d’être mélancolique. Pourtant, c’est pour moi quelque chose qui ne changera pas (dô ni mo naranai).

21. Je lis la thèse du docteur NISHI, où on trouve : « L’impossible ne passe pas » (« Muri ha tooranainodearu »).

22. La guerre continue. Mais dans mon combat, il n’y aura de mon vivant aucun chant de la victoire.

23. Il s’est mis subitement à faire bon. Les jours radieux vont se succéder. Mais je sens mon corps lourd. Echapper à cette lourdeur, plutôt que de rechercher l’ombre des arbres (ju­in)575, c’est s’habituer à rester immobile dans cette chaleur.

18 mai

24. J’ai promis de donner au temple syncrétique (jingûji) une lecture sur le Recueil des dix­mille feuilles/générations (Man’yô­shû). La question est : jusqu’à quel point y parviendrai­je effectivement ?

Je m’interromps à cause de l’apparition d’une catarrhe pulmonaire.

575 Juin 「「「「 (Ombrages d’arbres) est le titre d’un recueil de poèmes de jeunesse de MIYAMOTO de style assez maladroit. On le trouve dans Inochi no yurameki 「「「「「「「「「 (Le brasillement de la vie), recueil de textes de jeunesse comprenant aussi l’ébauche d’un essai sur Bashô assez intéressant. Osaka, Gendai sôzô­sha 「「「「「, Shôwa LVI (1981), 231 p., p.7. II Jugement de YANAGITA Kunio (1875­1962) sur MIYAMOTO Tsunéichi (mars Shôwa XXV (1950) : MIYAMOTO avait 43 ans) 576 :

住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住

(« Le dénommé MIYAMOTO Tsunéichi était le voyageur qui, longtemps, et jusqu’à maintenant, a le plus parcouru le Japon, en tous sens et dans ses moindres recoins, justement dans des terres du genre où personne n’allait. Peu sont ceux qui, à ce point, ont réfléchi avec attention aux histoires qu’il serait intéressant pour nous d’écouter, ou que nous voudrions écouter et que, par ailleurs, nous retenons. Il est difficile de discerner et de classer les sujets (kotogara) que nous voudrions que le peuple japonais porteur des temps futurs connaisse en priorité, mais pour cela aussi, M. MIYAMOTO, qui est un grand lecteur, ne s’y est pas trompé et n’a pas fait fausse route. Et s’il a peut­être avec trop d’ardeur et un peu vite aligné les mots, ceux qui n’ont pas l’habitude de lire vite, au contraire, y trouveront de nombreuses choses auxquelles réfléchir et ce devrait même être un plaisir. Quant aux passages qui vous font vous dire : « Mais oui, ça a du sens ! », pliez le coin de la page, et lorsque vous les relirez, ce dont vous pourrez vous souvenir plus tard sera assez conséquent. Si vous possédez une bonne carte géographique, emportez­le [=ce livre] avec et, lorsque vous comparerez [ce que vous lisez] avec ce que vous voyez, la compréhension en sera aisée, et s’accompagnera d’un intérêt toujours [renouvelé]. ») III Classification des thèmes ethnographiques du folklore français par Paul SEBILLOT

Paul SEBILLOT (1843­1918), folkloriste traditionaliste de premier plan et fondateur des premiers musées cantonaux consacrés à l’ethnographie de la France, proposait la classification suivante en onze catégories577 :

I Le ciel : les astres, les météores ;

II La nuit et les esprits de l’air

576 Préface à l’édition Kôdansha gakujutsu bunko de Furusato no seikatsu, 1986, rééd. 2002, p. 10­11. 577 Cité par Michel VALERE (Ethnographie de la France, Paris, Armand Colin, 2002, 214 p., chap. III, p. 55). La numérotation est de nous. A/ La nuit,

B/ Les chasses aériennes

C/ Les bruits de l’air ;

III La terre

A/ La terre

B/ Les montagnes

C/ Les forêts

D/ Les rochers et les pierres

E/ Les empreintes merveilleuses

IV Le monde souterrain

A/ Les dessous de la terre

B/ Les grottes

V La mer

A/ La surface et le fond de la mer

B/ Les envahissements de la mer

C/ Les îles et les rochers de la mer

D/ La ceinture du rivage

E/ Les grottes marines

F/ Le bord de l’eau

G/ Les navires légendaires

H/ Observances et vestiges de culte

VI Les eaux douces

A/ Les fontaines, la puissance des fontaines

B/ Les puits

C/ Les rivières

D/ Les eaux dormantes

VII La faune

A/ Les mammifères sauvages

B/ Les mammifères domestiques

C/ Les oiseaux sauvages

D/ Les oiseaux domestiques E/ Les reptiles

F/ Les insectes

G/ Les poissons

VIII La flore

A/ Les arbres

B/ Les plantes

IX La préhistoire

A/ Les dolmens

B./ Les tumuli

C/ Pierres diverses

D/ Cultes et observances mégalithiques

X Les monuments

A/ Les rites de construction

B/ les monuments antiques

C/ Les églises

D/ Les châteaux

E/ Les villes

XI Le peuple et l’Histoire

A/ Les gens d’Eglise, la noblesse et le Tiers­état

B/ Les guerres

C/ L’Histoire de France dans la tradition populaire

Annexe II : Eléments biographiques (d’après TAMURA Zenjirô578) :

Meiji 宮宮 XL (1907), 1er août : naissance au n°1962, Ooaza Nishigata 住住住住, commune d’Oki­Kamuro Nishigata 住住住住住住, district d’Ooshima 住住住, département de Yamaguchi 住住住, de MIYAMOTO Tsunéichi, fils aîné de MIYAMOTO Zenjûrô 住住住住住 et de sa femme Machi 住住.

578 MIYAMOTO Tsuneichi database 「「「「「「「「「「 : http://www.towatown.jp/database/, rubrique Chosha jôhô 「「「「, Nempu 「「 (page vérifiée au 31 août 2006). Meiji XLV (1912) (4­5 ans), 31 août : naissance de TAMADA Asako 住 住 住 住 住 , la future femme de MIYAMOTO Tsunéichi, à Hebiana (/Saragi) 住住, commune d’Akitsu 住住住, district de Minami Katsuragi 住住住住, département de Nara 住住住.

Taishô 宮宮 III (1914) (6­7 ans), avril : entre à l’Ecole élémentaire supérieure ordinaire de Nishigata 住住住住 住住住住住. Il n’apprécie par beaucoup la lecture, mais en 5ème année, sous l’influence d’un enseignant il se met à l’aimer.

Taishô V (1916) (8­9 ans) : attrape une otite moyenne et perd presque l’usage de son oreille gauche. A partir de cette époque, il part en mer à l’automne pécher la sardine à la seine (un filet de grayage). Tout en attendant le bateau à la belle étoile, il aime à écouter autour d’une feu de plage le récit des adultes. On lui raconte beaucoup d’histoires de monstres et fantômes (yôkai 住住) marins, d’âmes, des légendes etc.

Taishô X (1921) (13­14 ans), avril : il commence à utiliser des manuels du collège populaire. Avec ses capacités aiguës de lecture, il lit divers ouvrages, mais ce qui est dommage, c’est qu’il n’avait à sa disposition aucun bon livre de littérature.

Juin : change de professeur (professeur M. KANEDA 住住). Ne s’entendant pas avec celui­ci, il gravit en octobre (c’est l’automne)579 le Mont Shiro 住住 situé en face de l’école, faisant l’école buissonnière. Le professeur, pour cette raison, donne sa démission. A partir de novembre, il n’y a plus de professeur responsable : c’est alors MIYAMOTO qui enseigne et note la classe.

Taishô XI (1922) (14­15 ans), 20 mars580 : il termine ses études à l’Ecole élémentaire supérieure ordinaire de Nishigata. De ses condisciples, il est le seul à rester dans le village. Il participe aux travaux agricoles dans sa famille.

Août : il assiste à une conférence pour la jeunesse active du district, donnée à Age­no­shô 住住住住 et lors d’un concours d’éloquence, sa prestation lui attire les applaudissement du public. Il est le plus jeune participant.

Automne : il cesse de suivre des conférences. A cette époque, il commence à composer des waka581, qu’il envoie notamment à la revue Shin­kokumin 住住住住住 (Nouveau peuple).

Taishô XII (1923) (15­16 ans), février : il est élu secrétaire de L’association des jeunes. Un secrétaire de 17 ans était quelque chose d’inédit, même dans un village.

27 mars : mort de sa grand­mère d’une hémorragie cérébrale.

Avril : à l’occasion de l’admission de sa sœur aînée dans une école de filles, MIYAMOTO annonce à son père sa décision de monter à Osaka, et obtient l’autorisation paternelle. Il quitte le village un jour 579 C’est alors la saison la plus favorable de l’année. 580 L’année scolaire japonaise suit globalement le rythme des saisons : elle commence au printemps. 581 Waka 「「 : poème japonais de type classique en 5­7­5­7­7 mores. de pluie printanière, accompagné par son père jusqu’à la gare d’Oobatake582. A Osaka, il est aidé par son oncle MIYAMOTO /Otogorô Negorô ( ?) 住住住住住.

Fin mai : entre à l’Ecole des Postes et communications (Teishin kôshû­sho 住住住住住)

Taishô XIII (1924) (16­17 ans), mai : il sort diplômé de l’Ecole des Postes et communications et trouve du travail au bureau de Poste de Kôraibashi 住住住.

Juillet : il quitte la maison de son grand père et prend une chambre à Sakuramiya 住住.

Août : déménage à Tsurigané 住住. Son salaire journalier est d’un yen, et son loyer de 10 yen, ses frais d’éclairage électrique de 50 sen, ses frais de petit déjeuner de 15 sen, de déjeuner de 20 sen et de dîner de 20 sen. Il lit pendant deux des trois repas, étudie pendant sept heures et dort cinq heures par nuit. Afin d’économiser sur son budget loyer, il emménage en colocation avec un ami.

Taishô XIV (1925) (17­18 ans), été : à vouloir en faire trop, il attrape le béribéri. En novembre, il rentre une dizaine de jours dans son village pour se reposer.

Taishô XV (1926) (18­19 ans), février : il réussit l’examen d’entrée à l’Ecole normale de Tennô­ji (Tennô­ji shihan gakkô 住住住住住住住) où il fait sa rentrée le neuf avril.

Normalement, les étudiants, ayant réussies leurs études au collège (ou équivalent), font leur études à l’école normale en deux ans, mais à l’époque de MIYAMOTO, le cursus n’était que d’une année.

Août : il lit le Kinkai waka­shû 住 住 住 住 住 住 住 (Recueil de poèmes japonais du ministre de Kama583) de MINAMOTO no Sanétomo (1192­1219) et brûle de composer lui aussi des tanka 住住 (poèmes courts de forme classique). Il rédige l’essai « Minamoto no Sanetomo no uta » 住 住 住 住 住 住 住 (« Les poèmes de MINAMOTO no Sanétomo ») et est reconnu par le professeur KANEKO Sanéhidé 住住住住 et commence à vouloir devenir écrivain.

23 décembre : il monte à la capitale pour tenter de passer l’examen de professeur des lycées de Tôkyô (Tôkyô kôshi juken 住住住住住住), y passe le réveillon et rentre à Osaka le 19 janvier.

Shôwa 宮宮 II (1926) (19­20 ans) : il échoue à l’examen de professeur des lycées, mais pendant qu’il est dans la capitale, il rend visite à l’ami de son mentor KANEKO, le critique OOYA Sôichi 住住住住 (1900­ 1970) chez Shinchô­sha584 et, plein de respect pour son esprit aiguisé, en ressent une forte stimulation et il forme le projet de lire 10 000 pages par mois, ce qu’il réalise en trois ans. C’est à cette époque qu’il s’intéresse aux films occidentaux et essaie de voir tous les classiques.

582 Oobatake 「「 : petite ville côtière située sur Honshû, en face de Suô Ooshima, aujourd’hui reliée à cette dernière par un pont. 583 « Kin 「 » est l’abréviation de Kamakura 「「, la ville du Bakufu (gouvernement militaire du pays). 584 Shinchô­sha 「「「 est un des grands éditeurs du pays. 24 mars : il termine ses études à l’Ecole normale de Tennô­ji et trouve un poste d’instituteur à l’Ecole primaire Shûsai d’Arimaka, district de Sennan, communauté urbaine d’Osaka (Oosaka­fu Sennan­gun Arimaka­son Shûsai jinjô shôgakkô 住住住住住住住住住住住住住住住住住).

Août : il fait son service militaire dans le huitième régiment d’infanterie d’Osaka. Là, il se lie avec un ancien élève, ARIMATSU Sa’ichirô 住住住住住, qui lui fait connaître l’œuvre de Jean Henri FABRE (1823­ 1915) et le nom de YANAGITA Kunio 住住住住* (1875­1962).

Septembre : décès de son grand père Ichigorô.

12 septembre : libéré de ses obligations militaires, il reprend son poste à l’Ecole primaire de Shûsai. Il enseigne aux élèves de 5e année. Un jour sur deux, il leur fait cours en plein air, et le dimanche, il part généralement en excursion. Les élèves le prennent en affection.

Shôwa III (1928) (20­21 ans) : janvier : il fonde la revue Tabi to densetsu 住住住住住住 (Voyage et légendes) et à partir du huitième numéro, YANAGITA Kunio y publie « Mokushi sekigo » 住住住住住住(« Pensée de bois, paroles d’airain ») en plusieurs fois. Fortement attiré par ces thèmes, il entre progressivement dans la recherche en légendes populaires.

Avril : grâce à l’aide de son ami SHIGETA Ken’ichi 住住住住, il passe l’examen d’entrée dans la section spécialisée de l’Ecole normale de Tennô­ji, et réussit. Il se spécialise en géographie. Il suit pourtant particulièrement les cours de philosophie de MORI Shinzô 住 住 住 . Il dévore sans frein les classiques japonais de l’Antiquité et du Moyen­Age.

Juillet : invité, il se rend à la réunion du cercle de tanka « Yakô­no­tama » (« Perle de lumière nocturne ») (« Yakô­no­tama » tanka­kai 住住住住住住住住) et y présente des tanka et de petites études.

Shôwa IV (1929) (21­22 ans) : 24 mars : il sort diplômé de l’école.

31 mars : il trouve un poste de titulaire à l’Ecole primaire de Tajiri, dans le district de Sennan (Sennan­gun Tajiri jinjô shôgakkô 住住住住住住住住住住) ; il a en charge les 5e année.

Shôwa V (1930) (22­23 ans) : 1er janvier : il rend visite à Tokushima 住住 à un professeur qu’il apprécie particulièrement, MATSUMOTO Han’ichirô 住 住 住 住 住 et le 3, rentre à Osaka. Le 4, il est pris d’une violente fièvre (40°) : atteint de pleurésie, il est au plus mal.

Mars : il quitte enfin le lit.

Avril : face au refus du directeur de l’école de le voir réintégrer ses fonctions, il démissionne et retourne chez ses parents.

Mai : reprise des accès de fièvre, catarrhe pulmonaire.

Octobre : jusqu’à l’automne, il est dans un état léthargique. Pendant sa maladie, il compose à nouveau des poèmes et rédige le « Byôkan­roku » 住住住住住 (« Notes de maladie »)585 Les jours où il est d’humeur, il lit une centaine de pages. Une fois remis sur pieds, il fréquente la bibliothèque du temple et commence à en effectuer le rangement. Il lui faut un mois pour ranger cinq mille rouleaux d’œuvres bouddhiques.

« Suô Ooshima (ichi) » 住住住住住住住住住(« Suô Ooshima (I) ») est publié dans le numéro de janvier Shôwa V de Tabi to densetsu. Puis, jusqu’au numéro de janvier Shôwa XI (1936), il fait paraître tous les deux mois des articles sur les contes et légendes populaires de Suô Ooshima.

Suite à la postface de YANAGITA Kunio du numéro d’avril Shôwa V (1930) de Tabi to densetsu, qui appelle tout intéressé à lui fournir des contes d’autrefois (avant la fin de novembre), MIYAMOTO interroge sa grand­mère, sa mère et les gens des environs, met en ordre ces souvenirs et rédige deux cahiers (de format B5586). Il les envoie, mais avec du retard, et ils ne sont pas publiés. Toutefois, il reçoit une lettre courtoise de YANAGITA, accompagnée de Kita­Akumo­gun kyôdo­shi­kô ichi­nen­ chû gyôji­hen住住住住住住住住住住住住住住住住(Recueil des fêtes de l’année selon les relations historiques du terroir du district de Kita Akumo), Minkan­reki shôkô 住住住住住住住(Petites réflexions sur le calendrier populaire) et de la revue Kyôdo kenkyû 住住住住住住(Recherches sur le terroir). A partir de là, il se met à recueillir activement les témoignages des personnes âgées et part faire ses collectes aussi dans les villages environnants

Shôwa VI (1931) (23­24 ans) : 24 mars : Il démissionne et se repose dans son village.

Shôwa VII (1932) (24­25 ans) : 7 mars : recommandé par son ancien professeur M. YONE’I 住住, il va à Osaka où il se fait engager comme remplaçant dans l’Ecole primaire de Kita­Ikeda, district de Semboku (Semboku­gun Kita­Ikeda jinjô shôgakkô 住住住住住住住住住住住 ) (en janvier de l’année suivante, il deviendra enseignant titulaire). Son salaire est de 60 yen.

Juin : il déménage au Myôô­in 住住住 de Kita­Ikeda (monastère) où il loue une chambre. Au premier étage de ce pavillon tranquille, il peut mener une vie paisible. Quand son contrat arrive à expiration, il se consacre essentiellement à la marche dans les villages d’Ikeda­tani 住住住. Il visite notamment Shinoda­ yama 住住住 en trois jours. Par ailleurs, il commence à cette époque le pèlerinage dans les anciens temples de Nara 住住 et Kyôto 住住 dont il rêvait depuis quelques temps.

Shôwa VIII (1933) (25­26 ans) : 11 août, 4h du matin : décès de son père.

25 septembre : il fonde la revue (polycopiée) Kôshô bungaku 住住住住住住(Littérature orale) et publie son premier numéro. Elle durera jusqu’au numéro 12 de mars 1936. De la polycopie à l’impression et à la distribution, il fera presque tout tout seul.

Décembre : il parcourt les routes de Kyûshû 住住 à pied et au retour, rend visite au professeur MISONÔ Ôho 住住住住住 à Yamaguchi.

585 Cf. en annexe. 586 B5 : format japonais : 257mm×182mm. Shôwa IX (1934) (26­27 ans) : 31 mars : il est engagé comme instituteur à l’Ecole primaire supérieure de Yôtoku ? , district d’Izumikita (Izumikita­gun Yôtoku jinjô shôgakkô 住住住住住住住住住住住住).

Mai : avec KOTANI Hômei, 住住住住 et SUGIURA Hisago 住住住 il inaugure les Entretiens du terroir d’Izumi (Izumi kyôdo danwa­kai 住住住住住住住).

21 septembre : l’Ecole primaire de Yôtoku est détruite par un typhon.

Septembre : ORIDO Kenzô 住住住住, YAMAGUCHI Yasuo 住住住住, SUGIURA Hisago 住住住, SUZUKI Tôichi 住 住住住 et MIYAMOTO Tsunéichi fondent à cinq les Réunions du jeudi de Sakai (Sakai mokuyô­kai 住住住住). Ils font de Kôshô bungaku leur moyen d’expression.

21 octobre : chez KOTANI Hômei, il fait la connaissance SAWADA Shirosaku 住住住住住 (1889­1971)587.

28 octobre : invité par YANAGITA Kunio à venir assister à un cours magistral à l’Université de Kyôto, il le rencontre au ryokan Ishida de Shimogamo 住 住 et SAWADA Shirosaku, SAKURADA Katsunori 住住住住 (1903­1979)588, IWAKURA Ichirô 住住住住 (1904­1943)589 MIZUKI Naoya ( ?) 住住住住 etc. lui apprennent beaucoup.

14 novembre : de concert avec SUGIURA Hisago, KOTANI Hômei etc., il inaugure les premières Rencontres d’Osaka des Arts, techniques et traditions populaires (Oosaka minZoku danwa­kai 住住住住住住住) à Hamadera­kai 住住住 dans la ville de Sakai. MIYAMOTO est désigné comme secrétaire et publie les « Danwa­kai tsûchi » 住 住住 住住 住住 (« Nouvelles des Rencontres ») et le « Danwa­kai hôkoku » 住 住住 住住 住住 (« Rapport des Rencontres »), distribués en polycopiés. De ce jour, ils décident de fusionner les Entretiens du terroir d’Izumi et les Rencontres d’Osaka.

Shôwa X (1935) (27­28 ans) : 11 février : l’école de Yôtoku étant détruite, il change pour celle de Toriishi dans le district d’Izumi­kita (Izumi­kita­gun Toriishi shôgakkô 住住住住住住住住).

14 avril : SHIBUSAWA Keizô 住 住 住 住 * (1896­1963) vient à Osaka pour participer aux Huitièmes rencontres d’Osaka. Il y rencontre MIYAMOTO. Cette année­là, SAKURADA et IWAKURA se rendent à Tôkyô où ils intègrent l’Achikku myûzeamu 住住住住住住住住住住住 (Le musée des greniers)*.

31 juillet au 6 août : participe au « Stage de minZokugaku du Japon en l’honneur du Soixantième anniversaire de YANAGITA Kunio » (« Yanagita Kunio kanreki kinen Nihon minZoku­gaku kôshû­ kai » 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住). Le dernier jour, on propose de faire une « Société des traditions populaires » (« Minkan denshô no kai »住住住住住住住住) ; la décision est entérinée. Il séjourne à l’Achikku myûzeamu où SHIBUSAWA lui conseille de travailler à un volume synthétique sur les villages de pêcheurs.

Septembre : publication de Minkan denshô 住住住住住住(Traditions populaires), la revue organe de la Société des traditions populaires.

587 Historien, pédiatre et folkloriste, disciple de YANAGITA Kunio. 588 Folkloriste, disciple de YANAGITA. 589 Folkloriste, spécialiste des contes et membres de l’Achikku myûzeamu. 28 octobre : ouverture des « Conférences en l’honneur du Soixantième anniversaire de YANAGITA Kunio » (« Yanagita Kunio kanreki kinen kôen­kai »住住住住住住住住住住住住住).

20 décembre : il épouse TAMADA Asako 住住住住住.

Shôwa XI (1936) (28­29 ans) : 1er février : fondation de la revue Kinki minZoku 住 住 住 住 住 住 (Arts et techniques populaires et traditions du Kinki).

Cette année­là, il profite de ses week­ends pour se rendre à Kawachi Takihata où il écoute les histoires du vieux SAKON Kumata 住住住住.

En juin, aoûte et octobre, il réalise des études de terrain dans des villages de montagne de Yoashino Nishi­Okuchi 住住住住住.

Juillet : publication à l’Achikku myûzeamu de Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsu­shi 住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Notes sur la vie marine autour de Suô Ooshima).

14 août : mort de sa grand­mère.

19 septembre au 20 mars XII (1937) : à vingt­cinq reprises il anime au Kaitoku­dô 住住住 d’Osaka les Réunions périodiques d’études en minZokugaku (Renzoku minZokugaku kôshû­kai 住住住住住住住) organisées par la Société des études folkloriques du Kinki (Kinki minZoku­kai shusai 住住住住住住住).

Shôwa XII (1937) (29­30 ans) : mars : Etude de terrain dans le village d’Itoshiro 住住住, en Echizen 住住.

Mai : il se joint à l’équipe de l’Achikku myûzeamu pour une croisière d’étude des îles de la mer intérieure de Seto.

Décembre : naissance de son fils aîné Chiharu 住住.

Shôwa XIII (1938) (30­31 ans) : il parcourt à pied les villages du Kohoku 住住 dans le département de Shiga 住住住.

Shôwa XIV (1939) (31­32 ans) : février : il fait un crise de stomatite qui l’oblige à garder le lit. MORI Shinzô, son professeur du temps de l’Ecole normale de Tennô­ji, lui conseille de partir en Mandchourie à l’Université de Mandchourie pour la construction du pays (Manshû kenkoku daigaku 住住 住住住住) en qualité d’assistant. Il envoie à son ami intime IWAKURA Ichirô – qui se trouve alors à Tôkyô – une lettre pour lui demander conseil.

Avril : il reçoit un télégramme de SHIBUSAWA Keizô lui demandant de venir à Tôkyô sans tarder. Une fois auprès de son mentor, celui­ci l’enjoint de parcourir à pied tout le pays et d’observer, et le persuade d’arrêter immédiatement l’enseignement. Il renonce à ses projets et rentre à Osaka.

30 septembre : il reçoit encore un long télégramme de SHIBUSAWA Keizô qui lui demande d’arrêter l’enseignement et de monter à la capitale. MIYAMOTO se résigne, démissionne et déménage à Tôkyô. 24 octobre : il entre à l’Achikku myûzeamu, mais laisse femme et enfants à Osaka.

17 novembre au 4 décembre : étude de terrain dans les monts de la région Chûgoku.

Shôwa XV (1940) (32­33 ans) : 23 janvier à fin février : étude de terrain au sud de Kyûshû.

Avril : réalise une étude de terrain avec SAKURADA Katsunori sur la côte ouest d’Izu 住住.

Mai : étude de terrain avec le même SAKURADA à Takarajima 住住.

Septembre : il sillonne à pied Izumo 住住 et Yamaguchi 住住 avec SHIBUSAWA.

Novembre : à pied, il visite le nord du mont Budô 住住住 dans le département de Niigata 住住住, puis passe Ootori 住 住 (département de Yamagata 住 住 住 ) et visite Yamagata, Akita 住 住 , Aomori 住 住 , Iwate 住 住 et Fukushima 住住. Il étudie principalement Oshira­sama 住住住住住 [住住住住] (le Seigneur Oshira)590. A partir de cette époque, il commence à prendre des photos (6 × 9 cm).

Shôwa XVI (1941) (33­34 ans) : janvier : étude de terrain dans son village sur les outils agricoles.

Février : fait de la marche à Ehimé 住住, Kôchi 住住 et Tokushima 住住

Avril : étude de terrain à Numatori 住住 sur l’île d’Awaji 住住住.

Juillet : études de terrain à Kawakura 住住 en Tsugaru 住住 et Kodomari 住住. Ses recherches portent toujours principalement sur Oshira­sama.

Août : il arpente les montages de Mino 住住 et Ômi 住住.

Septembre : enquête de terrain sur les noms de poissons de la mer intérieure de Séto.

Octobre : études de terrain à Ooshirakawa 住住住 (Echigo 住住), Itoshiro (Echizen), Oono 住住 et Ashida 住住.

Décembre : études de terrain à Tosaderagawa 住住住住, Oosugi 住住, Iya­yama 住住住. A Oosugi, il étudie la pêche au cormoran.

Shôwa XVII (1942) (34­35 ans) : il prend le lit suite à un ulcère gastrique.

Juin : rentré au village, il travaille pendant deux mois environ comme paysan et fait une étude de terrain sur les parcelles à Hashirajima 住住.

Septembre : étude de terrain sur les ateliers de soierie à Yura 住住, sur l’île d’Awaji. Avec SHIBUSAWA Keizô, il réalise des études de terrain à Takino­chô 住住住 (Katô­gun 住住住, département de Hyôgo 住住住) et dans le village de Naka­Tôjô 住 住住 sur les hameçons, le fil synthétique ou encore la fabrication des coupes à saké (uki 住住 [住]). Il réalise une autre étude de terrain à Okubu­machi 住住住(Nishi­ku 住住 d’Osaka) sur les grossistes en fil de soie.

Octobre : études de terrain dans le département de Hyôgo à Miki 住住, Shimo­Tôjô­machi 住住住住, Komeda­ mura 住住住 et Hiéshô­mura 住住住住 (Taka­gun 住住住) (hameçons etc.).

590 Seigneur Oshira : divinité du Nord­est du Japon. L’Achikku myûzeamu change de nom – en raison des désagréments que lui attire sa consonance anglaise (« Attic museum ») en pleine guerre mondiale – et devient le « Nihon jômin bunka kenkyû­ sho » 住住住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures populaires du Japon).

Shôwa XVIII (1943) (35­36 ans) : février : naissance de sa fille Keiko 住 住 . SHIBUSAWA lui dit d’arrêter ses études de terrain à cause de l’intensification de la guerre. Avec MIYAMOTO Keitarô 住住住住 住 et YOSHIDA Saburô 住 住 住 住 , il range les collections d’objets populaires (mingu 住 住 ) du musée d’ethnologie de Hôya (Hôya minzoku hakubutsukan 住住住住住住住) (environ entre 8 000 et 12 000 pièces).

1er avril : chef du Nihon jômin bunka kenkyû­sho. A la demande de l’Institut d’études impériales (Teikokugakuin 住住住住), il aide à la rédaction d’une Histoire des sciences de la mer au Japon (Nihon suisan kagaku­shi 住住住住住住住).

31 décembre : il rentre à Osaka où grâce à son ami IWATA Sadao 住住住住 il devient professeur attaché (kyôju shokutaku 住住住住) au collège Yama 住住住住 (Taté­gun 住住, département de Nara 住住住) où il enseignera l’Histoire jusqu’en avril Shôwa XX (1945).

Publication de Kakyô no oshie 住住住住住住(L’enseignement du village natal).

Shôwa XIX (1944) (36­37 ans) : à peine rentré à Osaka, il inaugure, à l’initiative de TAOKA Yoshimasa 住住 住 住 une réunion de bienvenue dans les locaux du Nishinomiya jinja 住 住住 住 . Il fait tout d’abord la connaissance du responsable du temple, YOSHII Yoshihidé 住住住住, puis, outre celle d’autres personnes cultivées de Nishinomiya, celle de UOZUMI Sôgorô 住住住住住 , de MIZUNO Sei’ichi 住住住住, KOBAYASHI Yukio 住住住住 etc. et, par leur intermédiaire, il peut rencontrer des chercheurs en sciences humaines de l’Université de Tôkyô (Tôkyô daigaku 住住住住) tels qu’IMANISHI Kinji 住住住住 (1902­1992)591, MORI Shikazô 住住住, HIBINO Takéo 住住住住住 ou encore YOSHIDA Mitsukuni 住住住住 (1921­1991).

Shôwa XX (1945) (37­38 ans) : 23 avril : employé par le district d’Osaka (Oosaka­fu 住住住) et dont il parcourt à pied les villages à la recherche de mesures à prendre concernant l’offre en légumes frais.

27 décembre : il démissionne.

10 juillet : sa maison à Ootori 住 prend feu suite a bombardement aérien de Sakai 住. Ses meubles, sa bibliothèque, ses matériaux d’étude, tout est détruit.

15 août : le rescrit impérial proclame la fin de la guerre.

11 septembre : sa femme Asako rentre à Ooshima.

20 octobre au 9 novembre : il emmène avec lui à Hokkaidô des gens revenus à l’agriculture à cause de pertes dues à la guerre.

591 Anthropologue, spécialiste des modes de vie. Shôwa XXI (1946) (38­39 ans) : janvier : rentre à Ooshima et décide de devenir agriculteur, et entre les phases d’activité agricole, il voyage, sur demande du Ministère de l’agriculture, des eaux et forêts, dans les grandes exploitations agricoles pour y étudier les propriétaires terriens.

15 mars : nommé administrateur central de l’Association pour une nouvelle autonomie des sociétés civiles (Shadan hôjin shin­jichi kyôkai 住住住住住住住住住).

Avril : entrée en fonction. En tant que chef du Laboratoire de recherches sur les villages agraires (Nôson kenkyû­shitsu 住住住住住), il parcourt tout le pays à pied, donnant des conférences et prodiguant des conseils aux exploitants agricoles.

25 août : naissance de son deuxième fils, Michio 住住住, qui meurt le 14 octobre.

Shôwa XXII (1947) (39­40 ans) : il profite des périodes de repos entre les travaux agricoles pour aller marcher dans toutes les régions, principalement le Tôhoku 住住. Pour payer ses frais de voyage, il fait des conférences sur les techniques et la gestion agricoles. Il fréquente les cultivateurs modèles (tokunôka 住住住).

Juillet : il se retire de la Shin­jichi kyôkai.

Shôwa XXIII (1948) (40­41 ans) : 29 octobre : sollicité par le directeur du Département agriculture du district d’Osaka (Oosaka­fu nôchi­bu 住住住住住住), HIRANO Katsuji 住住住住, il intègre la Section des sociétés coopératives du Département agriculture (Nôchi­bu nôgyô kyôdô kumiai­ka 住住住住住住住住住住) et s’attache à l’émancipation agricole (nôchi kaihô 住住住住), au conseil en matière d’agriculture après défrichement et à la formation des coopératives agricoles. Toutefois, il est tenu de rentrer périodiquement à Osaka.

Shôwa XXIV (1949) (41­42 ans) : juin : à cause d’un abcès des glandes lymphatiques, il tombe dans un état critique. La pénicilline l’aide à se rétablir.

Octobre : Réintègre le Nihon jômin bunka kenkyû­sho.

23 octobre : intégré comme membre chercheur de terrain (chôsa­in 住住住) du Comité du Ministère de l’agriculture et des forêts pour la sauvegarde des documents sur l’eau (Nôrin­shô suisan shiryô hozon iinkai 住住住住住住住住住住住住 ), il s’attache à faire des études de terrain dans les villages de pêcheurs de la Mer intérieure de Séto et à recueillir des documents historiques.

Shôwa XXV (1950) (42­43 ans) : il réalise activement ses études de terrain centrées sur la Mer intérieure et ses recueils de documents historiques.

Juin : inauguration des Tôshô shakai kenkyû­kai (Réunions d’études sociales des îles 住 住 住 住 住 住 住 ). Représentant : TSUJI Muratarô 住住住住 ; secrétaires : YAMASHINA Yoshimasa 住住住住, SONOIKE Tomoki 住住住住, OOMURA Hajimé 住住住, TAKEDA Akira 住住住, FUTAGAMI Hiroshi 住住住. MIYAMOTO est membre dès les débuts. Juillet : il participe à l’étude de terrain à Tsushima 住住 menée par la Hachi gakkai rengô 住住住住住 (Union des huit congrès) dans l’« équipe des ethnies » (minzoku­han 住住住) et réalise une étude de terrain portant principalement sur l’activité halieutique. Tout en recevant grâce à cette étude commune avec des personnes spécialisées dans d’autres domaines une grande stimulation, il approfondit sa confiance en lui quant à ses méthodes de terrain et de recherche.

Shôwa XXVI (1951) (43­44 ans) : juillet : Etude de terrain à Tsushima da la Kyû gakkai rengô 住住住住住 (Union des neuf congrès).

Août : étude synthétique de terrain (sôgô chôsa 住住住住) sur les matériaux culturels (bunka­zai 住住住) dans le département de Nara 住住住 et étude de terrain dans le secteur de Tsugeno 住住住.

Automne : étude de terrain auprès de la famille Tokikuni 住住 de Noto 住住.

Shôwa XXVII (1952) (44­45 ans) : mars : naissance de son troisième fils, Hikaru 住.

21 mai au 24 juin : étude de terrain sur les techniques de l’archipel des cinq îles (Go­tô rettô 住住住住)592 du département de Nagasaki 住住住. Il dirige la partie consacrée à l’Histoire économique.

Août : étude de terrain de la Kyû gakkai rengô à Noto. Il est dans l’équipe « sociologie ».

Shôwa XXVIII (1953) (45­46 ans) : mai : il a une nouvelle crise de tuberculose et est hospitalisé à l’hôpital Akasaka Maeda 住住住住住住. Il est soigné à la streptomycine.

25 juin : Ouverture de l’Assemblée de protestation nationale des représentants des populations des îles éloignées (Zenkoku ritô daihyô kekki taikai 住住住住住住住住住住住) à laquelle il assiste. Il décide de créer une Assemblée délibérative nationale pour le développement des îles éloignées (Zenkoku ritô shinkô kyôgi­kai 住住住住住住住住住).

22 juillet : adoption de la loi sur le développement des îles éloignées.

3 août : MIYAMOTO est secrétaire général de l’Assemblée délibérative nationale pour le développement des îles éloignées.

10 décembre : parution de Shima 住住住住(Îles), l’organe de l’Assemblée délibérative nationale pour le développement des îles éloignées.

Shôwa XXIX (1954) (46­47 ans) : mai : nommé secrétaire général de l’Assemblée délibérative pour le développement des îles éloignées.

Décembre : création de la Société d’études de terrain du crédit de la sylviculture (Ringyô kin’yû chôsa­kai 住住住住住住住). MIYAMOTO s’y associe comme administrateur et dirige des recherches sur les études de terrain tout en réalisant pour lui­même des études de terrain sur l’état économique des villages de montagne. La Société sera dissoute en mars Shôwa XLIII (1968).

Dès cette année, et jusqu’en Shôwa XXXIV (1959), SHIBUSAWA Keizô lui fait arrêter ses voyages. 592 Les cinq îles en question sont : Fukué 「「, Naru 「「, Wakamatsu 「「, Nakadoori 「「 et Uku 「「 / Hisaka 「「. Shôwa XXX (1955) (47­48 ans) : décembre : ouverture de la Société de recherche sur les « images de la vie quotidienne populaire apparaissant dans les rouleaux peints (emakimono 住 住 住 ) ».Elle se tient jusque vers août XLI (1966), et donne lieu à la publication de cinq volumes chez Kadokawa shoten 住住住 住. MIYAMOTO rédige la plus grande partie du brouillon de plan détaillé.

Publication de Umi wo hiraita hitobito 住住住住住住住住住住 (Ceux qui ouvrirent la mer) et de Minzokugaku he no michi 住住住住住住住住 (Le chemin vers la minZokugaku), un essai qui mélange autobiographie et Histoire de la minZokugaku.

Shôwa XXXI (1956) (48­49 ans) : juillet : il participe en tant que collaborateur spécial à l’équipe « anthropologie culturelle et minZokugaku » du Groupe de recherches synthétiques sur les relations humaines (Ningen kankei sôgô kenkyû­dan 住住住住住住住住住) de l’Université de Nagoya 住住住住住 et réalise des études de terrain à Nagura 住住 dans le département d’Aichi 住住住 et à Sakushima 住住住.

Shôwa XXXII (1957) (49­50 ans) : 31 mai : il quitte ses fonctions de secrétaire général de l’Assemblée délibérative nationale pour le développement des îles éloignées et devient simple secrétaire organisateur.

Mai : Début de la publication de Fudoki Nihon 住 住 住 住 住 住 住 (Le Japon des Chroniques antiques) (éd. Heibonsha). Bien que cet ouvrage soit signé OOTÔ Tokihiko 住住住住593, KAMATA Hisako 住住住住 (née en 1939) et MIYAMOTO Tsunéichi, ce dernier s’associa dès le début à l’élaboration du plan de ce projet et s’investit activement dans sa rédaction.

Novembre : nommé membre de la Commission d’études de terrain du Comité pour la conservation des biens culturels (Bunka­zai hogo iin­kai Chôsa iin 住住住住住住住住住住住) et y œuvre jusqu’en mars Shôwa XXXIII (1958).

Shôwa XXXIII (1958) (50­51 ans) : mars : il est engagé comme consultant auprès de l’Assemblée délibérative nationale pour le développement des îles éloignées.

Juin : engagé comme membre du Comité spécialisé dans les biens culturels du département de Hiroshima (Hiroshima­ken bunka­zai senmon iinkai 住住住住住住住住住住住) dont il démissionnera en juillet XLVII (1972).

Octobre : fondation de la revue Minwa 住住住住 (Contes folkloriques). Il y participe comme rédacteur en publiant tous les deux mois jusqu’à l’arrêt de la revue au vingt­quatrième numéro en XXXIX (1964) une série d’articles : « Toshiyoritachi » 住住住住住住住 (« Les personnes âgées »).

Shôwa XXXIV (1959) (51­52 ans) : juillet : il participe à l’étude de terrain à Sado 住住 de la Kyû gakkai rengô en s’occupant du Congrès d’ethnologie (Minzoku gakkai 住住住住).

593 Disciple préféré de YANAGITA Kunio. Atteint d’un ulcère du duodénum, il se voit prescrire un traitement de longue durée par les docteurs TAZAKI 住住 et MIDORIKAWA 住住 du CHU de cancérologie.

De septembre à la fin de l’année : sous traitement et interdit de sortie, il commence à rédiger une thèse provisoirement intitulée Seto naikai tôsho no kaihatsu to sono shakai keisei 住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le développement des îles de la mer intérieure de Séto et la formation de leur société).

Novembre : la publication de Nihon zankoku monogatari 住住住住住住 (Contes cruels du Japon) débute, sous la direction de MIYAMOTO, YAMAMOTO Shûgorô 住住住住住 (1903­1967)594, YAMASHIRO Tomoé 住住住 (née en 1912) et KAJINISHI Kôsoku 住住 住住, toutefois l’enthousiasme avec lequel MIYAMOTO s’y investit ne le cède en rien à Fudoki Nihon.

Shôwa XXXV (1960) (52­53 ans) : publication de Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住住住(Les Japonais oubliés), considéré comme son chef d’œuvre.

Shôwa XXXVI (1961) (53­54 ans) : 5 juin : il reçoit le Prix du Club des essayistes (Esseisuto kurabu­ shô 住住住住住住住住住住) pour Nihon no ritô 住住住住住住住(Les îles japonaises éloignées) (septembre Shôwa XXXV (1960)).

3 novembre : il reçoit le Prix du Chûgoku pour la culture (Chûgoku bunka­shô 住住住住住) (de la Chûgoku shimbun­sha) pour ses succès dans le développement culturel et industriel autour de la mer intérieure de Séto.

Décembre : il obtient son doctorat auprès de l’Université Tôyô 住住住住 pour sa thèse intitulée Seto naikai tôsho no kaihatsu to sono shakai keisei – Kaijin no teijû wo chûshin ni 住住住住住住住住住住住住住住住住住―住住住住住住住住住住 (Le développement des îles de la mer intérieure de Séto et la formation de leur société – Autour de l’implantation des gens de la mer).

Cette année­là, il acquiert une maison au 3­9­12 Shin­machi 住住 dans la ville de Fuchû 住住 et quitte la résidence SHIBUSAWA*.

Shôwa XXXVII (1962) (54­55 ans) : janvier : il est nommé maître de cours à la Faculté d’études halieutiques de l’Université de la mer de Tôkyô (Tôkyô suisan daigaku 住住住住住住) ; il y restera jusqu’en mars.

Mars : décès de sa mère Machi 住住 à Ooshima.

Avril : il décide de faire venir sa famille à Tôkyô et de vivre avec elle.

8 août : décès de YANAGITA Kunio* à l’âge de 88 ans.

Shôwa XXXVIII (1963) (55­56 ans) : juin : lancement de la revue Deku no bô 住住住住住住住 595 (Poupée de bois). Avec des jeunes qui se réunissent à la Société d’études de terrain du crédit sylvain (Ringyô

594 Ecrivain, auteur de littérature populaire de qualité. 595 Deku no bô : étymologie : [「「「]. kin’yû chôsa­kai 住住住住住住住), il fonde le Deku no bô kurabu 住住住住住住住住 (Club des poupées de bois) et publie Deku no bô mensuellement, tapé à la machine.

Juillet : lancement de la revue Nihon hakken 住 住 住 住 住 住 (Découverte du Japon). De concert avec HASEGAWA Tatsuo 住住住住住 et TAKEUCHI Minoru 住住住, il fonde la Société de découverte du Japon (Nihon hakken no kai 住住住住住住) et la revue Nihon hakken mais celle­ci s’arrête au cinquième numéro. MIYAMOTO commence la publication d’une série d’articles sur « Les tenants et les aboutissants de la Restauration » (« Go­isshin no atosaki »住住住住住住住住住住) mais elle est interrompue.

Juillet : il est nommé président de la Société d’études sur l’industrie japonaise du sel (Nihon engyô kenkyû­kai 住住住住住住住).

Août : Il participe à l’étude de terrain sur la presqu’île de Shimokita (Shimokita­hantô 住住住住) de la Kyû gakkai rengô au sein de la conférence de minZokugaku.

25 octobre : décès de SHIBUSAWA Keizô, à l’âge de 67 ans.

Shôwa XXXIX (1964) (56­57 ans) : avril : il est embauché comme chargé de cours vacataire à l’Université des Beaux­Arts de Musashino (Musashino bijutsu daigaku 住住住住住住住).

Août : Nouvelle étude de terrain à Shimokita hantô pour la Kyû gakkai rengô.

Shôwa XL (1965) (57­58 ans) : avril : nommé professeur des universités à l’Université des Beaux­ Arts de Musashino, il y enseigne la minZokugaku, l’Histoire de la vie quotidienne etc.. Puisque nombreux sont les étudiants (de cette université comme de l’extérieur) qui viennent le consulter à son bureau entre ses cours, il crée en avril XLI (1966) les Réunions de recherches sur la culture quotidienne (Seikatsu bunka kenkyû­kai 住住住住住住住) et ils conviennent d’un jour pour se réunir chaque semaine. C’est à cette époque qu’il aborde sérieusement la « culture matérielle » (yûkei bunka 住住住住), principalement les objets courants traditionnels (mingu).

30 août : publication de Nippon no yado 住住住住住住住住住(Les auberges du Japon). Par ailleurs, il commence à cette époque la direction de documentaires télévisés, « Nihon no shijô » 住 住 住 住 住 住 住 (« La poésie du Japon ») (pour Nikkei eiga­sha 住住住住住). C’est en même temps une réalisation à l’occasion du dixième anniversaire du Kinki Nihon tsûrisuto . dô­kyôtei ryokan remmei 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Union du tourisme du Kinki en convention avec la fédération de l’hôtellerie traditionnelle).

Shôwa XLI (1966) (58­59 ans) : janvier : fondation du Nihon kankô bunka kenkyû­sho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Institut japonais des cultures du tourisme). Jusqu’à sa mort en janvier Shôwa LVI (1981), il s’emploiera en tant que directeur à former ses futurs successeurs. Son fils Chiharu prend sa fonction de secrétaire général très au sérieux. Shôwa XLII (1967) (59­60 ans) : janvier : président de la Commission spécialisée en biens culturels de la ville de Fuchû, Communauté urbaine de Tôkyô (Tôkyô­to Fuchû­shi Bunka­zai semmon iinkai 住住 住住住住住住住住住住住住) jusqu’en Shôwa LIV (1979).

Mars : lancement de la revue Aruku miru kiku 住住住住住住住住住 (Marcher, regarder, écouter).

Avril : maître de cours à la Faculté des sciences de l’Université de Waseda 住住住住住 . Jusqu’en XLVI (1974), il y enseigne la minZokugaku.

Shôwa XLIII (1968) (60­61 ans) : décembre : membre du Conseil­fondation pour la conservation des ressources touristiques (Kankô shigen hogo zaidan hyôgi 住住住住住住住住住住).

Shôwa XLV (1970) (62­63 ans) : août : collabore à la fondation de l’Ondeko­za 住住住住 [住住住] 住596 (groupe de tambours traditionnels) de Tasuki 住住.

Septembre : il est intronisé membre de l’Assemblée délibérative pour le développement des îles éloignées (Ritô shinkô shingi 住住住住住住). Il y restera jusqu’en juin LIV (1979).

Shôwa XLVI (1971) (63­64 ans) : 29 juin : administrateur de la Société d’études de terrain pour le développement des villages de montagne (Sanson shinkô chôsa­kai 住住住住住住住). Il le restera jusqu’au 28 juin Shôwa XLVIII (1973). Cette Société fut créée en Shôwa XL (1965) mais on ignore si MIYAMOTO en fut l’administrateur dès les débuts.

Octobre : membre du Comité spécialisé dans les biens culturels du département de Yamaguchi (Yamaguchi­ken bunka­zai semmon iinkai 住住住住住住住住住住住).

Shôwa XLVII (1972) (64­65 ans) : avril : maître de cours à la Faculté de Droit et Lettres de l’Université d’Okayama 住住住住.

Septembre : administrateur du Nihon seikatsu gakkai 住住住住住住 (Congrès sur la vie quotidienne japonaise).

Shôwa XLVIII (1973) (65­66 ans) : avril : membre de la Commission du Ministère de l’agriculture et des forêts pour la réunion de documents permettant l’amélioration de la vie quotidienne (Nôrin­shô seikatsu kaizen shiryô shûshû iinkai 住住住住住住住住住住住住住住). Membre du Comité consultatif de la bibliothèque de biens culturels de la radiodiffusion (Hôsô bunka­zai raiburarî shimon iinkai 住住住住住住住住住住住住住住住住).

Mai : Directeur du Nihon bunka kenkyû­sho 住住住住住住住 (Institut des cultures japonaises).

Juin : il donne un cours magistral en tant que directeur du Nihon kankô bunka kenkyû­sho en plusieurs cessions : « Tabibitotachi no rekishi » 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (« Histoire des voyageurs »). Conformément au règlement, il fait son cours une fois par mois.

596 En 1993, le groupe Ondeko­za 「「「「 est rené de ses cendres avec de nouveaux membres. Ses disques sont édités au Japon, chez Victor Entertainment 「「「「「「「「「「「「「「, Tôkyô. Pour plus d’informations, voir la discographie sur le site de la compagnie de disques : http://www.jvcmusic.co.jp/­/Discographylist/A000541.html Shôwa XLIX (1974) (66­67 ans) : octobre : lancement de la première « Communication sur les recherches sur les objets traditionnels populaires » (« Mingu kenkyû kôza » 住住住住住住住住) organisée Nihon jômin bunka kenkyû­sho. C’est MIYAMOTO qui propose la création d’une Société d’étude des objets populaires traditionnels japonais (Nihon mingu­gakkai 住住住住住住), proposition adoptée à l’unanimité. Il devient l’ordonnateur de la Commission préparatoire à la création de la Société d’étude des objets populaires traditionnels (Mingu­gakkai setsuritsu jumbi iinkai 住住住住住住住住住住住).

Shôwa L (1975) (67­68 ans) : juillet : il participe à l’« Ecole d’expédition AMKAS (Aruku miru kiku amêba shûdan) du Nihon kankô bunka kenkyû­sho » (« Nihon kankô bunka kenkyû­sho Amukasu tanken gakkô »住住住住住住住住住住住住住住住住住住住) et réalise une étude de terrain sur les cultures des ethnies du Kenya et de Tanzanie. C’est sa première étude de terrain à l’étranger, et il en retire une grande stimulation.

Novembre : Fondation de la Nihon mingu gakkai dont il est nommé ordonnateur (directeur).

Shôwa LII (1977) (69­70 ans) : mars : démissionne de l’Université des Beaux­Arts de Musashino.

Avril : ­ il écoute le témoignage du montreur de singes MURASAKI Shûji 住住住住 de la ville de Hikari 住住 dans le département de Yamaguchi et lui conseille de faire revivre cette activité. L’« Association des montreurs de singes de Suô » (« Suô saru­mawashi no kai » 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 )597 est fondée, autour de MURASAKI Yoshimasa 住 住 住 住 (1933­1990), pour contribuer activement à la renaissance de cette activité.

­ il devient chercheur membre collaborateur de l’Institut des langues et civilisations d’Asie et d’Afrique de l’Université des langues de Tôkyô (Tôkyô gaikokugo daigaku Ajia . Afurika gengo bunka kenkyû­sho 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住) pour des « Recherches de terrain sur l’islamisation et la modernisation en Asie et en Afrique » (« Ajia . Afurika ni okeru Isuramu­ka to kindai­ka ni kan suru chôsa kenkyû » 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 ) (représentant : MIKI Wataru 住住住 (né en 1925)) (et ce jusqu’en Shôwa LV (1980)).

Mai : il reçoit le titre de « professeur honoraire » (meiyo kyôju 住住住住) de l’Université des Beaux­Arts de Musashino.

Septembre : étude de terrain à Chéju­dô 「「「 [住住住]598 (Corée). Il y recherche une possible origine des ama 住住 (pêcheuses plongeuses) japonaises.

Décembre : Il reçoit le Prix KON Wajirô 住住住住 (1881­1973) (Congrès des études sur la vie quotidienne). Publication du 25ème tome des Œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi (Chosaku­shû 住住住).

Publication de Minzokugaku no tabi 住 住 住 住 住 住 住 (Le voyage de la minZokugaku), son autobiographie professionnelle.

597 Site : http://www.suo.co.jp/ 598 Cheju­do : lu en japonais indifféremment Saishû­tô 「「「「「「「 ou Cheju­do 「「「「「. Shôwa LIV (1979) (71­72 ans) : mars à mai : alors qu’il participe à une étude de terrain du Nihon kankô bunka kenkyû­sho sur la remise en valeur des sources chaudes d’Iizaka 住住住住, il dépérit à vue d’œil.

1er avril : il est chargé d’une collaboration de recherche avec le Kokuritsu minzoku hakubutsukan 住住住住住住 住 (Musée national d’ethnologie). Elle durera jusqu’au 31 mars LVII (1982). Du 28 au 31 janvier Shôwa LV (1980), il participe pendant quatre jours au premier Symposium sur la culture agraire (Shimpojiumu.nôkô bunka 住住住住住住住住住住住) « Recherches comparées sur les origines des cultures ethniques du Japon » (« Nihon minzoku bunka no genryû no hikaku kenkyû » 住住住住住住住住住住住住住住住住) et en retire une grande stimulation.

Juin : devient membre et président suppléant du Comité spécial pour des mesures de développement des îles éloignées de l’Assemblée délibérante territoriale (Kokudo shingi­kai Ritô shinkô taisaku tokubetsu iinkai 住住住住住住住住住住住住住住住住).

6 juillet­… : après l’« Histoire des voyageurs » qu’il exposait lors de son cours magistral en tant que directeur du kankô bunka kenkyû­sho, il passe à l’« Histoire de la formation des cultures du Japon » (« Nihon bunka keisei­shi »住住住住住住住住住).

Septembre : étude de terrain à Taiwan.

Publication de Mingugaku no teishô 住住住住住住住住(Propositions pour l’étude des objets populaires courants), essai majeur sur les mingu.

Shôwa LV (1980) (72­73 ans) : 25 mars : fondation de l’Université du terroir de l’arrondissement de Tôwa (Tôwa­chô kyôdo daigaku 住住住住住住住). Elle a pour vocation d’organiser des réunions d’études à destination des jeunes de Tôwa­chô, d’où son nom. Le cours inaugural et le premier cours magistral ont lieu ce jour­là. Il s’agissait à la fois pour MIYAMOTO de donner un cours sur l’« Histoire du terroir » (« Kyôdo no rekishi »住住住住住住住) et de recueillir les témoignages et les voix de nombreux amis et connaissances. L’Histoire du terroir s’arrêta au bout de huit séances.

Octobre : à l’invitation du Kinki Nihon tsûrisuto, il effectue un voyage en Chine qui l’épuise.

22 novembre : Rapport provisoire d’étude de terrain d’urgence en zone destinée à être inondée pour la construction du barrage de Yashiro 住住 (district d’Ootori 住住住, département de Yamaguchi 住住住). Cette étude de terrain d’urgence durera de Shôwa LV (1980) à LVI (1981). MIYAMOTO menait les recherches en tant que chef, mais il s’arrêta après avoir présenté le rapport provisoire et passé encore une journée sur le terrain.

23 décembre : hospitalisé à l’Hôpital métropolitain de Fuchû (Toritsu Fuchû byôin 住住住住住住). Voulant passer le nouvel An chez lui, il rentre pour le réveillon.

Shôwa LVI (1981) (73 ans) : 4 janvier : il est réhospitalisé à l’Hôpital métropolitain de Fuchû. 30 janvier : il décède tôt dans la matinée d’un cancer de l’estomac.

Annexe III : L’Université du terroir de Suô Ooshima

En 1980, un an avant sa mort, MIYAMOTO fonda la Tôwa­chô Kyôdo daigaku 住住住住住住住 (l’Université du terroir du District de Tôwa), qui dispensait des cours magistraux à tous pour un prix modique. Ce genre d’institution fait un peu penser aux « universités populaires » ou à « l’Université tous âge » au sein de l’Université Lyon III.

Le public est majoritairement composé d’habitants de l’île, majoritairement des actifs et des retraités, non du fait du manque d’intérêt de la jeunesse de Suô, mais plutôt à cause de la dénatalité et de l’exode rural qui frappent très durement cette île. Les inscrits sont une centaine. Les cours ont lieu en soirée, de 19 à 21 heures, sauf le dimanche où ils sont donnés dans l’après­midi. L’inscription coûte 6000 ¥ par an ou 500 ¥ par cours pour les non inscrits.

En 1980 et 1981 sont donnés vingt­quatre séances ordinaires et cinq cours magistraux (dont huit par MIYAMOTO lui­même), puis l’université ferme ses portes en novembre. Grâce aux efforts de la population locale et des chercheurs, l’université est réouverte en 2003 sous le nom de Suô Ooshima Kyôdo daigaku 住住住住住住住住 (Université du terroir de Suô Ooshima). Les tarifs sont à peine modifiés : 4000 ¥ l’inscription annuelle et 1000 ¥ le cours pour les non inscrits. En juin 2007, elle avait déjà dispensé 38 cours magistraux. Les cours donnés par MIYAMOTO figurent retranscrits dans le tome 41 de ses Œuvres sous le titre Kyôdo no rekishi住住住住住住住(Histoire du terroir) et cinq des cours donnés à la réouverture de l’université (par SANO Shin’ichi 住住住住, FUJIMOTO Kiyohiko 住住住住, USU’I Takumi 住住住, KO’IZUMI Bon 住住住 et TATEMATSU Wahei 住住住住) ont été publiés sous le titre, Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi-roku住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le message de Miyamoto Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima)599, ouvrage qui nous a servi à établir la liste suivante.

I Cours600 donnés du vivant de MIYAMOTO

599 Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p.. Nous indiquons les cours en question par une astérisque. 600 SANO Shin’ichi, FUJIMOTO Kiyohiko 「「「「 , USU’I Takumi 「「「 , KOIZUMI Bon 「「「 , TATEMATSU Wahei 「「「「 : Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi­roku 「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (Le message de MIYAMOTO Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p., documents annexes, p. 110. Année601 1980

1. 25 mars : Tôwa­chô kyôdo­shi 住住住住住住 (Histoire du terroir du District de Tôwa) (1), par MIYAMOTO Tsunéichi (Président de l’Université) ;

2. 25 mars : Tôwa­chô kyôdo­shi (2), par MIYAMOTO Tsunéichi ;

3. 27 mars : Tôwa­chô kyôdo­shi (3), par MIYAMOTO Tsunéichi ;

4. 7 avril : Nôgyô ni tsuite 住住住住住住 (De l’activité agricole) (1), par YONEYASU Akira 住住住 (Professeur à la Tôkyô nôgyô daigaku 住住住住住住 (Université d’agronomie de Tôkyô)) ;

5. 8 avril : Nôgyô ni tsuite (2), par YONEYASU Akira ;

6. 27 juin : Tôwa­chô kyôdo­shi (4), par MIYAMOTO Tsunéichi ;

7. 28 juin : Tôwa­chô kyôdo­shi (5), par MIYAMOTO Tsunéichi ;

8. 6 juillet : Sesô dangi 住住住住 (Explication sur les mœurs), par EI Rokusuke 住住住 (Ecrivain de radio­ télédiffusion) ;

9. 29 juillet : Tôwa­chô kyôdo­shi (6), par MIYAMOTO Tsunéichi ;

Chônai shisatsu shimpojiumu 住住住住住住住住住住 (Symposium d’inspection infra­district). 17 août : avec la participation de MIYAMOTO Tsunéichi, DO’I Yatarô 住住住住住 (professeur honoraire à l’Université de Yamaguchi 住住住住), YONEYASU Akira, MASUSHIGE Shôichi 住住住住 (maître de conférence à la Tôkyô nôgyô daigaku) et WADA Norihisa 住住住住 (membre du Nihon kankô bunka kenkyûjo 住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures du tourisme japonais) ;

10. 18 août : Nôgyô ni tsuite (3), par YONEYASU Akira ;

11. 19 août : Eiyô no hanashi 住住住住住住 (Histoires de nutrition), par MASUSHIGE Shôichi ;

12. 18 septembre : Ijô kishô 住住住住 (Anormalités climatiques), par DO’I Yatarô ;

13. 15 octobre : Saru­mawashi no kiroku 住住住住住住住 (Notes sur les dresseurs de singes), par MURASAKI Shûji 住住住住 (chercheur associé au Kyôto daigaku Reichôrui kenkyûjo 住住住住住住住住住住 (Institut de recherche en primatologie de l’Université de Kyôto)) ;

14. 24 octobre : Gesshô shônin to Meiji ishin 住住住住住住住住住 (Le vénérable Gesshô et la Restauration de Meiji), par KODAMA Satoshi 住住住 (professeur à l’Université Ryûkoku 住住住住) ;

Première fête de l’université : 23 décembre : avec la participation de la Suô Ooshima Saru­mawashi no kai 住住住住住住住住住住 (Société des montreurs de singes de Suô Ooshima) et le groupe de tambours Ondekoza 住住 住住 ;

15. 1er novembre : Nôgyô ni tsuite (4), par YONEYASU Akira ;

16. 25 novembre : Tôwa­chô kyôdo­shi (7), par MIYAMOTO Tsunéichi ;

601 Rappelons qu’au Japon, l’année scolaire commence en mars ou en avril selon les établissements. 17. 26 novembre : Tôwa­chô kyôdo­shi (8), par MIYAMOTO Tsunéichi ;

18. 30 novembre : Eiyô no hanashi (2), par MASUSHIGE Shôichi ;

19. 19 février : Tôwa­chô no yakimono no hanashi 住住住住住住住住住 (Histoires de poteries du district de Tôwa) (1), par KANZAKI Noritaké 住住住住 (membre du Nihon kankô bunka kenkyûjo) ;

20. 20 février : Tôwa­chô no yakimono no hanashi (2), par KANZAKI Noritaké ;

21. 22 février : Sekiyu jijô to shokuryô mondai – Shomin no tachiba kara 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Situation du pétrole et problème des vivres – du point de vue du petit peuple), par YAMAMOTO Jirô 住住住住 (Chef de l’édition du Yamaguchi du journal du Chûgoku 住住住住住住住住住住) ;

22. 11 mars : Yakibata nôgyô to seikatsu 住住住住住住住住 (L’agriculture sur brûlis et la vie quotidienne), par HIMEDA Tadayoshi 住住住住 (Directeur du Minzoku eizô kenkyûjo 住住住住住住住 (Institut de recherches en images ethnographiques)) ;

23. 15 mars : Cours anniversaire de la fondation de la Kyôdo daigaku, par TAKAMATSU住Yoshikichi 住住住住 (professeur à la Sagami joshi daigaku 住住住住住住 (Université pour filles de Sagami)) et MASUSHIGE Shôichi ;

24. 21 mars : Nôgyô ni tsuite (5), par YONEYASU Akira ;

II Cours donnés après la mort de MIYAMOTO (4 janvier 1981)

Année 1981

1. 4 mai : Daigaku un’ei ni tsuite 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Sur la gestion des universités), par TAKAMATSU Yoshikichi et et MASUSHIGE Shôichi ;

2. 10 mai : Nôgyô ni tsuite (6), par YONEYASU Akira ;

3. 13 juillet : Nôgyô ni tsuite (7), par YONEYASU Akira ;

4. 28 avril : Tôwa­chô no yakimono no hanashi (3), par KANZAKI Noritaké ;

Nihon seikatsu gakkai samâ seminâr 住住住住住住住住住住住住住 (Séminaire d’été de la société d’études sur le la vie quotidienne japonaise), organisé par la Nihon seikatsu gakkai et avec le concours de la Tôwa­chô Kyôdo daigaku :

Genchi kôza 住住住住 (cours sur place) : 29 août

Genchi kôza.kôen 住住住住住住住 (cours et conférence sur place) : 30 août : Seikatsu­gaku toha nani ka ? 住 住 住 住 住 住 住 (Qu’est­ce que « l’étude de la vie quotidienne » ?), par KAWAZOE Noboru 住住住 (critique d’architecture) ;

Shakaigaku no me kara Miyamoto­sensei no kokyô wo miru 住住住住住住住住住住住住住住住住住 , par MATSUDAIRA Makoto 住住住 (professeur à l’Université Rikkyô 住住住住) ;

Nôgyô to tochi mondai 住住住住住住住, par TAKAMATSU Yoshikichi ;

Genchi kôza.kagai kôza 住住住住住住住住住 (cours sur place et cours hors programme (kagai 住住)) ;

5. 31 août : Chiiki shakai no shoku­seikatsu to sangyô 住住住住住住住住住住住 (Vie alimentaire dans les sociétés locales et inductrie), par MORI Masao 住 住 住 (professeur au Shokuryô gakuin 住 住 住 住 (Académie des vivres)) ;

Donné en parallèle avec les cours hors programme du Nihon seikatsu gakkai samâ seminâ ;

Deuxième fête de l’université. 1er novembre : sur le thème « Tomo ni katarô kyôdo no yume wo / Tomo ni kizukô kyôdo no mirai wo »住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住(« Racontons ensemble le rêve [de l’Université ( ?)] du terroir / Construisons ensemble le futur [de l’Université ( ?)] du terroir »), avec la participation de SAKAMOTO Nagatoshi 住 住 住 住 (compagnie théâtrale Hikari shiba’i 住 住 住 住 住 ), et les membres de l’Ondeko­za devenu « Kodô 住住 » (groupe de tambours japonais).

[Fermeture de l’Université jusqu’en 2003.]

Année 2003

*Cours magistral spécial. 30 janvier : Miyamoto Tsuneichi no messêji 住住住住住住住住住住 (Le message de MIYAMOTO Tsunéichi), par SANO Shin’ichi (essayiste)602 ;

1. 31 mai : Seimei no kyôzon to chiiki I 住住住住住住住住 I (Coexistence des vies, et régions I), (avec projection de Suô saru mawashi no kiroku 住住住住住住住住住 (Garder trace des montreurs de singe de Suô)), par HIMEDA Tadayoshi ;

2. 21 juin : Seimei no kyôzon to chiiki II, (avec projection de Neyako – Umikara umareta kazoku 住住住住住住 住住住住住住住 (Neyako : Une famille née de la mer)), par HIMEDA Tadayoshi ;

3. 26 juillet : Miyamoto minZokugaku to ha nani ka ? 住住住住住住住住住 (Qu’est­ce que l’« ethnographie du folklore » de MIYAMOTO ?), par TAMURA Zenjirô 住住住住住 (professeur à l’Université des Beaux­Arts de Musashino 住住住住住住住) ;

4. 23 août : Kaigyô no susume 住住住住住住 (Conseils pour l’industrie de la mer), par YONEMURA Yôichi 住住 住住 (Administrateur représentant de projet au Chiiki kôryû sentâ 住住住住住住住住 (Centre pour les échanges régionaux)) ;

602 Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi­roku, chap. I, p. 8. *5. 6 septembre : Bukkyô to iryô – Ikikata ni manabô 住住住住住住住住住住住住 (Bouddhisme et traîtement médical : Apprenons des manières de vivre)603, par FUJIMOTO Kiyohiko (Professeur à la Bukkyô daigaku 住住住住 (Université du bouddhisme et Moine responsable du Sairenji 住住住 (Temple du Lotus occidental) (de l’Ecole de la Terre pure)) ;

6. 25 octobre : Genki rôjin no yûtopia 住住住住住住住住住住 (L’utopie des vieillards en bonne santé), par ENAMI Etsuko 住住住住 (photographe) ;

7. 22 novembre : Monokaki kara mita Suô Ooshima 住住住住住住住住住住住住 (Suô Ooshima vue dans les textes), par MORIFUKU Miyako 住住住 (écrivain) ;

8. 13 décembre : Gyoson wo « Aruku miru kiku » 住住住住住住住住住住住住 (« Arpenter, regarder et écouter » les villages de pêcheurs), par MORIMOTO Takashi 住住住 (ancien rédacteur en chef de la revue Aruku miru kiku住住住住住住住住住) ;

9. 30 janvier : Première réouverture du forum : Ima ni ikasu Miyamoto­gaku – Suô Ooshima bunka kôryû sentâ no yakuwari wo kangaeru 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Faire vivre maintenant la miyamotologie : Penser le rôle du Centre pour les échanges culturels de Suô Ooshima), avec la participation de :

MASUSHIGE Shôichi (cours introductif), SANO Shin’ichi, MAJIMA Shun’ichi 住住住住 (directeur de l’Institut de recherche TEM), MORIMOTO Takashi, YANA’I Shungaku 住住住住 (député du département du Yamaguchi et maire de l’ancien district de Tôwa) et NIIYAMA Shizuo 住住住住 (Chef de la section projet de l’Université du terroir et assurant ici la coordination) ;

10. 28 février : San’ya wo ikasu – Soma no kai 23­nen no katsudô wo tooshite 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Faire vivre les montagnes et les plaines : A travers 23 ans d’activité de l’Association des bucherons), par IMAKITA Tetsuya 住住住住 (exploitant forestier) ;

Année 2004

11. 10 avril : Sora kara mita mura no ayumi – Nishi Seto naikai no shimajima wo jirei ni 住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住 (L’évolution des villages vue du ciel – Le cas des îles de l’ouest de la Mer intérieure de Seto), par KADZUKI Yôichirô 住住住住住 (professeur à l’Université de Kanagawa 住住住住住).

*12. 12 juin : « Seto naikai » « Chûgoku sanchi » shuzai to Miyamoto Tsuneichi 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (MIYAMOTO Tsunéichi et la collecte d’informations sur « La mer intérieure de Seto » et « Les zones montagneuses du Chûgoku »)604, par USU’I Takumi (professeur à la Hiroshima bunkyô joshi daigaku 住 住住住住住住住 (Université pour filles pour l’enseignement des lettres de Hiroshima) et ancien journaliste au Chûgoku shimbun 住住住住住住(Journal du Chûgoku)) ;

603 Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi­roku, chap. II, p. 22. 604 Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi­roku, chap. III, p. 40. 13. 31 juillet : Mori kara mita 21 seiki – Yama no kurashi wo tsunagu to iu koto 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le XXIème siècle vu du ciel – Relier les vies montagnardes), par SHIBUSAWA Shûichi / Hisakazu 住住住 住 (Directeur administratif de la NPO Hôjin Jumoku . kankyô nettowâku kyôkai NPO 住住住住住住住住住住住住住住住 (l’Association NPO des réseaux du boir et de l’environnement)) ;

14. 28 août : Shokubutsu kara mita Suô Ooshima 住住住住住住住住住住 (Suô Ooshima vue par les plantes), par MINAMI Atsushi 住住 (Président de la Yamaguchi­ken shokubutsu gakkai (Société départementale du Yamaguchi de botanique)) ;

15. 11 septembre : Ushinawareta Shôwa – Miyamoto Tsuneichi no shashin wo yomu 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (L’ère Shôwa perdue – Une lecture des photographies de MIYAMOTO Tsunéichi), par SANO Shin’ichi ;

16. 25 septembre : Ikiru chikara wo hagukumu tame ni – MinZokugaku de sodaterareta watashi no bijutsu kyôiku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Pour développer une force de vivre – Mon éducation artistique, à moi qui fus élevé à la minZokugaku), par HAYAMA Noboru 住住住 (Directeur du Shikisai zôkei kenkyûjo 住住住住住住住 (Institut de recherche sur la plastique des couleurs)) ;

17. 23 octobre : Suô Ooshima to Tsushima – Mô hitotsu no Hawai 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Suô Ooshima et Tsushima – Un autre Hawaï), par MIHARA Yoshinori 住 住 住 住 (professeur à l’Ooshima shôsen kôtô senmon gakkô 住住住住住住住住住住 (Ecole supérieure spécialisée des navires de commerce d’Ooshima) ;

18. 27 novembre : Uta ha umi wo wataru – Kataritsugitai furusato no minyô 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Les chants traversent la mer – Chants populaires du village natal qu’on voudrait transmettre), par EBISUTANI Kazunobu 住住住住 (Directeur de l’Ecole primaire de Morino du district de Suô Ooshima 住住住住 住住住住住住住) ;

19. 18 décembre : Miyamoto Tsuneichi to « Nihon bunka no keisei » 住住住住住住住住住住住住住住(MIYAMOTO Tsunéichi et Nihon bunka no keisei (La formation de la culture japonaise)), par SUTÔ Mamoru 住住住 (professeur à l’Université Ryûkoku 住住住住) ;

20. 30 janvier : Tanada to « MinZoku gijutsu » – MIYAMOTO Tsunéichi to aruita Suô Ooshima Kuka 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Rizières en terrasses et « techniques traditionnelles » – Kuka, sur Suô Ooshima, arpenté avec MIYAMOTO Tsunéichi), par INNAMI Toshihidé 住 住 住 住 (professeur à l’Université d’Aichi 住住住住) ;

Année 2005

21. 2 avril : Miyamoto Tsuneichi no jû­man­mai no shashin wo yomu 住住住住住住住住住住住住住住 (Lire les cent mille photographie des Miyamoto Ysunéichi), par ITÔ Kôji 住住住住 (dir. de l’édition critique du Shashin nikki shûsei 住住住住住住住住住 (Journal et photographies) de MIYAMOTO) ; 22. 28 mai : Chûgoku sanchi to Miymoto Tsuneichi 住住住住住住住住住 (Les zones montagneuses du Chûgoku et Miyamoto Tsunéichi), par KANDA Mikio 住住住住住 (poète et minZokugakusha) ;

*23. 16 juillet : Koizumi Yakumo to Miyamoto Tsuneichi – Tabibito ga nokoshita mono 住住住住住住住住住住住住住住住住 住 住 (Koizumi Yakumo (Lafcadio Hearn) et Miyamoto Tsunéichi – Ce que nous ont laissé ces voyageurs), par KOIZUMI Bon (maître de conférence à la Shimane­ken joshi tanki daigaku 住住住住住住住住住 (Ecole supérieure pour fille du département de Shimané) et conseiller du Koizumi Yakumo kinenkan 住 住住住住住住 (Memorial de Lafcadio Hearn)) ;

24. 1er octobre : Shashin no satogaeri shien – Têma­ten « Miyamoto Tsuneichi no mita Fuchû » no jitsugen kara 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Aide au retour au village natal par la réalisation d’une exposition de photographies sur le thème « Fuchû vu par Miyamoto Tsunéichi »), par SATÔ Tomotaka 住住住住 (conservateur du Kyôdo no mori hakubutsukan 住住住住住住住 (Musée du bois du terroir) de la ville de Fuchû, communauté urbaine de Tôkyô) ;

25. 29 octobre : Tokara rettô kara mita Miyamoto Tsuneichi – Soshite watashi no ritô kurashi 住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住 (Miyamoto Tsunéichi vu de l’archipel Tokara et ma vie sur une île éloignée), par INAGAKI Naotomo 住住住住 (Artisan sur bambou et écrivain) ;

26. 3 décembre : Nagisa no kioku – Miyamoto Tsuneichi Tabi no genkei 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Souvenirs du rivage – Voyages et archétypes miyamotiens), par SATAO Shinsaku (Journaliste au Chûgoku shimbun 住住住住) ;

27. 28 janvier : Hyaku­man­nin no furusato kaiki 住住住住住住住住住住住住 (Retour au village pour un million de personnes), par TAKAHASHI Hiroshi 住住住 (chef du bureau du NPO hôjin Furusato kaiki shien sentâ NPO 住住住住住住住住住住住住住住 (Centre d’aide au retour au village, ONG)) ;

28. 11 mars : Shikoku henro to Miyamoto Tsuneichi ga sodatta Suô Ooshima no henro 住住住住住住住住住住住住住住住住住 住 住 住 住 (Le pèlerinage de Shikoku et celui suscité par Miyamoto Tsunéichi à Suô Ooshima), par NAKANO Ichi 住住住 (administrateur de la Suô Ooshima Kyôdo daigaku) ;

Année 2006

29. Yorimono no hanashi 住住住住住住住 (Histoires sur ce qui nous arrive), par ISHII Tadashi/Atsushi 住住住 (Directeur du Rekishi shiryô­kan 住 住 住 住 住 (Musée historique) de la ville de Koga, département de Fukuoka et chercheur en objets échoués (hyôchakubutsu 住住住) sur les côtes) ;

30. 13 mai : Miyamoto Tsuneichi to kujira 住 住 住 住 住 住 住 住 (Miyamoto Tsunéichi et les baleines), par KOMATSU Masayuki 住 住 住 住 (administrateur du Suisan sôgô kenkyû sentâ 住住住住住住住住住住 (Centre de recherches synthétiques sur les produits de la mer)) ;

31. 24 juin : E­no­gawa monogatari – Kawa ryôshi kikigaki 住住住住住住住住住住住 (Histoire de l’E­no­gawa – Verbatim des pêcheurs en rivière), par KURODA Akinori 住住住住 (Président de l’E­no­gawa suikei gyorô bunka kenkyû­kai 住住住住住住住住住住住住 (Société de recherches culturelles sur la pêche en rivière dans l’E­no­ gawa)) ;

*32. 5 août : Waga kokoro no tabi 住 住 住 住 住 住 住 (Le voyage de mon cœur), par TATEMATSU Wahei (écrivain et Administrateur général du NPO hôjin Furusato kaiki shien sentâ) ;

Organisation conjointe avec l’Oki­Kamuro kaitô 400­nen kinen jigyô jikkô iinkai 住住住 住住住住住住住住住住住住住住住 (Comité pour la réalisation d’évènements commémoratifs du quatre­centième anniversaire de l’ouverture de l’île) ;

33. 19 août : Shokuhin no anzen to anshin 住住住住住住住住 (Confiance et sécurité alimentaire), par HOMMA Seiichi 住 住住 住 (professeur à la Tôkyô nôgyô daigaku 住 住住 住住 住 (Université d’agronomie de Tôkyô) et membre du Naikaku­fu shokuhin anzen iinkai 住住住住住住住住住住 (Comité ministériel pour la sécurité alimentaire)) ;

34. 30 septembre : Kisô wo mitsumeru manazashi – Min’ei­ken no keiken kara 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le regard pour observer les couches profondes – A partir de l’expérience du Min’ei­ken (L’institut de recherche sur la documentation culturelle visuelle ethnologique)), par AOHARA Satoshi 住 住 住 住 住 (réalisateur de documentaires et ancien membre du personnel du Minzoku bunka eizô kenkyûjo 住住住住住住住 住住 (dit « Min’ei­ken »)) ;

35. 25 novembre : Shôwa wo ikinuita nikkitachi 住住住住住住住住住住住住 (Les journaux qui ont survécu à Shôwa), par SHIMA Rieko 住住住住 (écrivain, représentante de la Josei no nikki kara manabu kai 住住住住住住住住住住 (Société d’étude des journaux intimes féminins) ;

Projet spécial. 30 janvier : Seitan 100­nen kinen fôramu / Miyamoto Tsuneichi wo manabu 住住住住住住住住住住住住住 (Forum de commémoration du centenaire de la naissance de Miyamoto : Etudier Miyamoto Tsunéichi), avec la participation de :

KOMATSU Masayuki (administrateur du Suisan sôgô kenkyû sentâ)) ;

SUZUKI Yûji 住住住住 (professeur à la Nagasaki Uesureyan daigaku 住住住住住住住住住住 (Université wesleyenne de Nagasaki) ;

NAGAOKA Shûsei 住住住住 (représentant actif de la Miyamoto Tsuneichi wo kataru kai 住住 住住住住住住 (Association pour raconter Miyamoto Tsunéichi)) ;

YANA’I Shûngaku 住住住住 (conseiller du Miyamoto Tsuneichi seitan 100­nen kinen jigyô jikkô iinkai 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Comité pour la rélisation de l’entreprise de la commémoration du centième anniversaire de MIYAMOTO Tsuneichi)) ;

NIIYAMA Shizuo (administrateur de la NPO Hôjin Suô Ooshima kyôdo daigaku) qui assurait la coordination. Organisé en collaboration avec le Miyamoto Tsuneichi seitan 100­nen kinen jigyô jikkô iinkai ;

36. 24 février : Wataobi hashi­kakekae – Shô no kokoro wo tsutaeru 住住住住住住住住住住住住住住住 (Le remplacement du pont de Wataobi – Transmettre le cœur des artisans), par EBISAKI Kumehide / Kumetsugu 住住住住住 (ancien chef administrateur du Syndicat du bâtiment traditionnel d’Iwakuni 住住住住住住住住住住) ;

Année 2007

37. 12 mai : Chiiki no ashita no tame ni ase wo nagasu – Supein Nabara­shû to Yamaguchi­ken no gurîn tsûrizumu kôkan kara 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Suer pour l’avenir des régions, à partir d’un échange avec la région de la Navarre en Espagne), par ANKEI Yûji 住住住住 (professeur à la Yamaguchi­kenritsu daigaku 住住住住住住 (Université départementale du Yamaguchi)) ;

38. 9 juin : Hiroshima­ken Toyomatsu­mura to Miyamoto Tsuneichi 住住住住住住住住住住住 (Le village de Toyomatsu dans le département de Hiroshima et Miyamoto Tsunéichi), par YAMAZAKI Masaru 住住住 (ancien directeur de diffusion dans le Chûgoku) et MORIOKA Mie 住 住 住 住 (ancien présentateur d’information du Chûgoku) ;

39. 8 septembre : Hawai ni watatta kaizokutachi – Suô Ooshima no imin­shi 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Les pirates partis pour Hawai, une Histoire de l’émigration de Suô Ooshima), par HORI Masaaki 住 住 住 (ancien chercheur en pharmaceutique, écrivain et chercheur en Histoire de l’émigration) ;

40. [Malgré nos recherches, le titre du cours demeure introuvable] ;

41. 1er décembre : Shibusawa : sono eikyô to keishô 住住住住住住住住住住住住 (Shibusawa Keizô : influence et postérité), par AMINO Satoru 住住住 (chercheur en ethnographie).

Année 2008

42. 16 février : Seto naikai tôsho­bu wo motomerareru jin­teki shigen no katsuyô 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (L’exploitation de ressources humaines réclamées par les îles de la Mer intérieure de Séto), parYAMADA Toshiko 住住住住 住maître de conférence à l’Université Hiji 住住住住住住住住住

Annexe IV : Tableau comparatif des poids et mesures occidentaux et japonais standards anciens (shakkan­hô 宮宮宮)

I Longueur (nagasa 「「) SYSTEME SYSTEME JAPONAIS TRADITIONNEL METRIQUE mètre Shaku605 住 ken 住 ri 住 1 3.3 0.55 0.00025 0.30303 1 0.16667 0.00008 1.81818 6 1 0.00046 3 927.27 12 960 2 160 1 Note :

1 chô 住606 (/住)= 60 ken = 109 mètres

1 sun 住 = 0.1 shaku = 3.03 centimètres

II Masse (omosa 「「 / shitsuryô 「「)

SYSTEME METRIQUE SYSTEME JAPONAIS TRADITIONNEL kilogramme Gramme kan 住 momme 住 kin 住 1 1 000 0.26667 266.667 1.66666 0.001 1 0.00027 0.26667 0.00167 3.75 3 750 1 1 000 6.25 0.00375 3.75 0.001 1 0.00625 0.6 600 0.016 160 1 Note :

1 momme = 10 bu607 住 = 3.75 grammes

1 bu = 10 ri 住 = 0.375 grammes

III Volume / capacité (taiseki 「「 / yôseki 「「)

SYSTEME METRIQUE SYSTEME JAPONAIS TRADITIONNEL SYSTEME JAPONAIS MODERNE litre mètre cube gô 住 shô 住 koku 住 shaku cube 住住住

605 Ne pas confondre shakù 「 [mesure de longueur] et shàku 「 [mesure de capacité] : l’intonation est différente. 606 Il existe deux chô 「 strictement homophones et homographes : le premier est une unité de longueur et peut également s’écrire 「 ; le second une unité de superficie et n’a pas d’autre orthographe. 607 Ne pas confondre bu 「 [unité de masse] et bu 「 [unité de superficie], strictement homophones. 1 0.001 5.54352 0.55435 0.00554 0.03594 1 000 1 5 543.52 554.352 5.54352 35.937 0.18039 0.00018 1 0.1 0.001 0.00648 1.80386 0.0018 10 1 0.01 0.06483 180.386 0.18039 1 000 100 1 6.48251 27.8265 0.02783 154.261 15.4261 0.15426 1 Note :

1 gô = 10 shaku608 住 = 180.39 centimètres cube

1 to 住 = 10 shô = 18.039 litres

IV Superficie (menseki 「「)

SYSTEME METRIQUE SYSTEME JAPONAIS TRADITIONNEL mètre carré are hectare tsubo 住 / bu 住609 tan 住 (/住) chô 住610 1 0.01 0.0001 0.3025 0.00101 0.0001 100 1 0.01 30.25 0.10083 0.01008 10 000 100 1 3 025 10.0833 1.00833 3.30579 0.03306 0.00033 1 0.00333 0.00033 991.736 9.91736 0.09917 300 1 0.1 9 917.36 99.1736 0.99174 3 000 10 1 Note :

1 tsubo = 10 gô = 36 shaku carré 住住住 = 3.30579 mètres carré

1 se 住 = 30 tsubo = 0.992 ares

1 tan = 10 se = 991.736 mètres carré.

Annexe V : Index des noms de personnes

AMINO Yoshihiko 「「「「 (1928­2004) : historien médiéviste de la ville et ancien collègue de MIYAMOTO.

608 Voir note 10. 609 Voir note 12. 610 Voir note 11. ASHIDA Enosuke 住 住 住 住 住 (1873­1951) : « didacticien », spécialiste de l’enseignement de la langue nationale, il s’intéressa notamment à la question de la lecture et de l’orthographe. Contemporain de YANAGITA, il fut aussi le professeur de SHIBUSAWA Keizô, avant d’être celui de MIYAMOTO.

BIRD, Isabella Lucy (1831­1904) : exploratrice, femme de lettres et féministe anglaise, auteur de nombreux récits de voyage en Australie, à Hawai, au Colorado, en Chine, au Vietnam, à Singapour et au Japon (1878) où elle voyage seule. Ses souvenirs épistolaires (Unbeaten Tracks in Japan) (1880) constituent un des documents historiques favoris de MIYAMOTO, permettant de voir des aspects de la vie japonaise, disparus depuis, et que les auteurs Japonais de l’époque n’avaient pas cru bon de signaler (maladies, hygiène, traitement des animaux, éducation des enfants… ).

FURUKAWA Koshôken 住住住住住(1726­1807) (vrai prénom : Tatsu 住) : au départ médecin spécialisé en médecine occidentale (ran’i 住住), il est engagé par le Bakufu comme envoyé (junken­shi 住住住) dans les provinces où il doit observer et consigner la situation économique, sociale, démographique…

HIMEDA Tadayoshi 住 住 住 住 (né en 1928 à Kôbé) : réalisateur de documentaires ethnographiques au Japon, portant sur les coutumes des Wajin et des Ainous (Iyómante 住 住 住 住 住 住 住 611(« La cérémonie sacrificielle de l’ours »)). En 1954, il fait la connaissance de MIYAMOTO dont il devient le disciple. Il réalise, sous son influence, de nombreux documentaires. Son travail est reconnu au Japon et en France, où le Collège de France l’a invité à intervenir à plusieurs reprises.612

MINAKATA Kumagusu 住 住 住 住 (1867­1941) : précurseur principal de la minZokugaku*. Après des études en Amérique, il part pour l’Angleterre (1892) où il trouve une place au British Museum. Il étudie les micro­organismes, les langues étrangères, les coutumes, l’archéologie. Son œuvre est monumentale.

MIYAMOTO Ichigorô 住住住住住 : grand­père de Tsunéichi, qui lui enseigna la morale des paysans et ses premiers contes.

MIYAMOTO Otogorô (/ou Négorô ?) 住住住住住 : oncle paternel de MIYAMOTO Tsunéichi, résidant à Osaka.

MIYAMOTO Zenjûrô 住住住住住 : père de MIYAMOTO Tsunéichi.

MORI Shinzô 住 住 住 : ancien professeur de MIYAMOTO et de SHIBUSAWA Keizô, spécialiste de philosophie de l’éducation ;

MORSE, Edward Sylvester (1838­1925) : zoologiste américain venu au Japon en 1877 pour enseigner, il découvre des kaidzuka (amas de coquillages) à Oomori. Il est le premier à avoir introduit l’évolutionnisme au Japon. Il a aussi contribué à l’archéologie et à l’anthropologie de ce pays ;

611 Page officielle du film : http://www31.ocn.ne.jp/~minneiken/library/library.html 612 Source : Le site du Minzoku bunka eizô kenkyû­sho 「「「「「「「「「 (Minneiken 「「「) http://www31.ocn.ne.jp/~minneiken/outline/himeda.html ORIKUCHI Shinobu 住 住 住 住 (1887­1953) : spécialiste de littérature japonaise et poète (surtout tanka (poème court) et chôka (poème long)), il fut aussi un pionnier de la minZokugaku, s’intéressant particulièrement aux liens entre les contes populaires et la littérature classique. Il définit son champ d’études comme les « Nouvelles études nationales » (Shin­kokugaku 住住住).

SANO Shin’ichi 住 住 住 住 (né en 1947) : essayiste et spécialiste de MIYAMOTO Tsunéichi et de SHIBUSAWA Keizô* ;

SHIBUSAWA Keizô 住住住住 (1896­1963) : petit fils de SHIBUSAWA Eiichi, entrepreneur, un temps gouverneur de la Banque du Japon, fondateur de l’Achikku myûzeamu* de la science des mingu* et à la fois « sempai » (aîné) et « sensei » (maître) de MIYAMOTO Tsunéichi qu’il hébergea chez lui plusieurs années ;

SUGAE Masumi 住 住 住 住 (1754­1829) (vrai nom : SHIRA’I Hideo 住 住 住 住 ) : écrivain voyageur et cosmographe (spécialiste de géographie humaine) de la fin de l’époque d’Edo. Auteur d’une œuvre fournie, notamment d’un Masumi yûran­ki 住住住住住住住 (Notes d’excursion de Masumi) dont MT a assuré l’édition de référence.

TAMADA Asako 住住住住住 (née en 1912) : épouse de MIYAMOTO Tsunéichi.

YANAGI Munéyoshi 住住住 (1889住1961) : spécialiste de philosophie religieuse, des mingu* et fondateur du Nihon mingei­kan*.

YANAGITA Kunio 住住住住 (1875­1962) : d’abord poète avant­gardiste de « style nouveau » (shintai­shi 住 住住), puis haut fonctionnaire au Ministère de l’agriculture et du commerce, il devient le fondateur de l’ethnologie japonaise, avec la Minkan denshô no kai 住住住住住住 (Société des transmissions populaires) (1932), spécialiste des contes et légendes populaires (« l’art littéraire oral », kôshô bungei 住住住住). Sa période d’études sur le terrain fut brève, mais son œuvre est colossale. Elle cherche à mettre le petit peuple (jômin 住住) à la place importante qui est la sienne.

YASUOKA Masahiro 住住住住 (1898­1983) : penseur, Diplômé de l’Université impériale de Tôkyô, il était spécialiste de néo­confucianisme613. Il était actif comme idéologue anti­marxiste et membre du Gakusei shisô mondai iinkai 住住住住住住住住住 (Comité pour les problèmes idéologiques des élèves) mis en place par le Ministère de l’éducation, alors impérialiste et physiocrate et fut à l’origine de la création de la Tokunô kyôkai* (Association d’agronomie). Son opposition à toute action terroriste alors pratiquée par certains groupes d’extrême­droite et son action idéologique au sein de cette instance lui valaient d’être soutenu par des hommes riches et/ou puissants du monde de l’entreprise, de la finance, de la politique, de la haute Administration et de l’armée614… Et c’était une des relations (un ami ?) de YANAGITA 613 Plus précisément de Yômeigaku 「「「 (« Yángmíng­ologie » : la discipline japonaise analysant la pensée du philosophe chinois WÁNG Yángmíng 「「「 (1472­1528). 614 On sait aussi que MISHIMA Yukio fut un de ses sympathisants. Annexe VI :Index des toponymes

Bôchô 住住 : abréviation de Suô 住住 et Nagato 住住 ;

Cheju­dô 「「「 [住住住] (lu en japonais Saishû­tô 住住住住住住住 ou Cheju­do 住住住住住) : île coréenne située entre la Corée et le Japon et célèbre pour ses ama* ;

Ooaza Nishigata 住住住住, commune d’Oki­Kamuro Nishigata 住住住住住住, district d’Ooshima 住住住, département de Yamaguchi 住住住 : lieu de naissance de MIYAMOTO Tsunéichi.

Oobatake 住住 : petite ville côtière de Honshû, située en face de Suô Ooshima, et reliée à cette dernière par un pont.

Shitata 住住 (et non « Shimoda ») : village de Suô Ooshima* où réside la famille MIYAMOTO depuis trois générations au moins ;

Suô Ooshima 住住住住 : île du département de Yamaguchi dont MIYAMOTO était originaire ;

Tsushima 住住 : île du département de Nagasaki située entre le Japon (Kyûshû) et la Corée. Longtemps elle a dispos » d’un statut de relative autonomie et a été un lieu décisif des échanges commerciaux avec la Corée et la Chine ;

Annexe VII : Lexique des mots japonais

Les indications entre crochets suivant le mot japonais sont d’ordre étymologique.

Achikku.fôramu 住住住住住住住住住住 (de l’anglais Attic Forum, « Forum des greniers ») : cf. Minzoku bunka eizô kenkyûjo*

Achikku.myûzeamu 住住住住住住住住住住住 (de l’anglais Attic Museum, « Musée des greniers ») (devenu le Nihon jômin bunka kenkyû­sho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Institut de recherches sur les cultures populaires du Japon)615 appartenant à l’Université de Kanagawa 住住住住住) : musée et institut créé par SHIBUSAWA Keizô* et s’intéressant à l’étude des mingu* ; akishi 住住 [住住 dans l’orthographe de MIYAMOTO] : [mot employé dans l’Ouest] ouvrier saisonnier employé à la moisson du riz ; ama 住住 : cf. kaijin* ; ama 住住 : plongeuse pêcheuse de fruits de mer, d’awabi (ormeau) en particulier ;

Amukasu tanken gakkô 住 住 住 住 住 住 住 住 : [Forme japonaise de l’anagramme « A.M.K.A.S. »] Ecole d’expédition de l’AMKAS (Aruku Miru Kiku Amêba Shûdan 住住住住住住住住住住住住住 : Groupe amiboïde d’Aruku

615 Sur ce changement de nom, voir Miyamoto Tsuneichi, Mingugaku no teishô, Tôkyô, Miraisha, 1ère éd. 1979, rééd. 1999, p. 243. miru kiku (Marcher, regarder et écouter)) : société japonaise de recherche ethnographique à l’échelle nationale et internationale, organisatrice du premier voyage à l’étranger de MIYAMOTO Tsunéichi. arashiko 住住住住 [住住] : employé (agricole) (du bas de l’échelle) ; ateji 住住住 : caractères chinois (kanji) utilisés pour transcrire phonétiquement (phonogrammes) des mots japonais (wago) et non pas pris pour leur sens (idéogrammes). (Ex. : le caractère byô 住 (māo en chinois) signifiant « chat », lu « neko » et utilisé pour transcrire le mot antique nekoya 住住住 [住住住] (riche demeure « enracinée » sur les pentes d’une colline) dans les toponymes). bunka jinruigaku 住住住住住 : anthropologie culturelle ; chôsa 住住 : étude de terrain, enquête ethnographique ; 住ryokô 住住 : voyage d’étude (ethnographique) ; denshôsha 住住住 : transmetteurs de patrimoine écrit ou non écrit (oral ou de savoir­faire). dozoku­hin 住住住 : produit du terroir

Ebisu 住住住 [住] : 1/ plus ancienne population connue de la préhistoire du sud ouest616 de Honshû, faisant partie des Jômonjin*. 2/ Au sens large, désigne les Jômonjin* en général.

Emishi 住住住 [住住] : 1/ plus ancienne population connue de la préhistoire du nord617 de Honshû et de Hokkaidô, faisant partie des Jômonjin*. 2/ Au sens large, désigne les Jômonjin* en général ;

Syn. : Ezo 住住 [住住] ;

Ezo 住住 [住住] : cf. Emishi* ; firudo.nôto 住住住住住住住住 (de l’anglais field notes) : notes de terrain ; firudo.wâkâ 住住住住住住住住住 (de l’anglais field worker, « travailleur de terrain ») : homme de terrain firudo.wâku 住住住住住住住住 (de l’anglais field work) : travail de terrain ; cf. chôsa* ; gyôji 住住 : cf. nenchû gyôji* ; hata 住住 : 1/ [ 住] champ sec (permettant la culture sur brûlis, yakibata*) ; 2/ [ 住] nom japonais de la famille QÍN ; 3/ [「] métier à tisser ;

Hayato 住住 : population antique faisant partie des Tsuchigumo* et située à Shikoku et dans sa proche région ; hensen 住住 : mutation, transformation, passage d’un usage ancien à un usage nouveau ou d’une situation ancienne à une situation nouvelle ; hôgen 住住 : dialecte, patois ; irori 住住住 [住住住] : foyer central de la maison où l’on faisait bouillir l’eau et où l’on faisait un feu pour se réchauffer, haut lieu de socialisation inter­générationnelle ; 616 Commentaire de MIYAMOTO Chiharu 「「「「 dans Nihon bunka no keisei, t. I, I (conférence du 6 juillet 1979), séance de question, p. 64 éd. Soshiete, 1981. 617 Commentaire de MIYAMOTO Chiharu, op. cit., p. 64 éd. Soshiete, 1981. ishiburo 住住住 : bain de pierre ; jinruigaku 住住住 : anthropologie. Voir bunka jinruigaku*; jôbata 住住 [住住] : champ fixe suffisamment fertile pour se passer de la culture sur brûlis ; cf. hata* ;

Jômon jidai 住住住住 : (« époque des motifs cordés », du nom de motifs réalisés en creu avec des cordes sur des poteries) période de la préhistoire japonaise s’étalant de 12000 ou 13000 avt. J.C. à 2300 ou 2400 avt.J.C. ;

Jômonjin 住住住 : habitants du Japon à l’époque préhistorique de Jômon* ; kaijin 住住 (lecture de MIYAMOTO, lu autrement ama 住住) : pêcheurs­plongeurs des deux sexes, vivant dans des villages dits « nôji* » ; kaikyô 住住 : nostalgie (mélancolique) du village natal ; cf. kyôshû* ; kaitakusha 住住住 : 1/ défricheur (au sens propre : personne qui défriche une terre) : 2/ défricheur (au sens figuré), inventeur, précurseur, entrepreneur, personne industrieuse ; kajiya 住住住 : forge ; forgeron ; réparateur d’outils ; kambun 住 住 : langue de synthèse inventée au Japon dans l’Antiquité. Il s’agit à l’écrit de chinois classique matiné d’expressions japonaises traduites littéralement en chinois, sur lequel ont été rajoutés de petits signes diacritiques destinés à la lecture en japonais ancien, c’est à dire les mots mis dans un autre ordre, celui du japonais, avec restitution des particules et des terminaisons. C’est la seule langue au monde dans laquelle on ne lit pas les mots dans l’ordre où ils figurent dans la phrase, mais selon une reconstitution mentale. Cette langue était celle des hommes lettrés, et elle était utilisée aussi bien dans l’Administration que pour les textes religieux. kijiya 住住住 : fabricants d’objets en bois au tour ; syn. : kijishi 住住住, rokuroshi 住住住 ; kura 住 (/住/住) : silo, remise, entrepôt traditionnel où sont stockés par exemple des objets de valeur ; kyôdo 住住 : terroir (sens identitaire) ; kyôshû 住住 : mélancolie nostalgique du village natal ; cf. kaikyô* ; matagi 住住住 [住住住, étymologie proposée par MIYAMOTO : 住住 (arbre fourchu)] : chasseurs [selon les méthodes traditionnelles] ; syn. : matogi 住住住, yamadachi 住住, kariudo 住住 ; mingu 住住 [étym. : mot créé par SHIBUSAWA Keizô* en 1934 ou 1935618, abréviation de « minshû no nichijô seikatsu­yôgu 住住住住住住住住住 » (ustensiles pour la vie pratique quotidienne du peuple). Ce terme a pratiquement remplacé minzoku­hin 住住住 (objet populaire) et dozoku­hin 住住住 (produit du terroir)] : objets (populaires) courants, objets de la vie de tous les jours ; [les mingu font partie de l’ensemble plus vaste des yûkei minZoku shiryô*]

618 Source : Miyamoto Tsuneichi, Mingugaku no teishô, p.44. Le mot fait sa première apparition dans le premier numéro de juillet Shôwa X (1935) d’Achikku mansurî 「「「「「「「「「「「 (Greniers, le mensuel). mingugaku 住住住 : étude des mingu*. min’yô 住住 : chants populaires, folkloriques ;

Minzoku bunka eizô kenkyûjo 住住住住住住住住住 (Centre de recherches sur la documentation visuelle culturo­ ethnographique) : centre fondé par HIMEDA Tadayoshi* en 1961 (et situé actuellement à Kawasaki), visant à la réalisation, la projection, la diffusion et l’étude de documentaires ethnographiques concernant majoritairement le Japon rural. minZokugaku 住住住 : étude du folklore ; ethnographie du folklore, des arts et techniques traditionnels et des coutumes populaires ; minzokugaku 住住住 : ethnologie ; étude des ethnies ; miya 住 (étymologiquement mi­ya [「「], « auguste demeure ») : 1/ temple shintô (jinja) ou bouddhique (o­tera) ; 2/ demeure appartenant à la famille impériale ; nenchû gyôji 住住住住 : ensemble des pratiques coutumières présentant des aspects cérémoniels auquelles on procède annuellement, au rythme des saisons et du calendrier agricole et/ou religieux ;

Nihon jômin bunka kenkyû­sho 住住住住住住住住住 : cf. Achikku myûzeamu*

Nihon jankô bunka kenkyûjo 住住住住住住住住住 : Institut de recherches sur les cultures du tourisme, institut fondé en 1965 par MIYAMOTO Tsunéichi ;

Nihonjin­ron 住住住住 : étude de la japonité, de l’identité culturelle japonaise ; nôji 住住 : 1/ village ou hameau de kaijin* et d’ama* ; 2/ pêcheur ; ochiudo 住住 : guerriers ayant fui à la défaite de leur armée pendant les guerres civiles ; ochûdo : cf. ochiudo*. raifu hisutorî 住住住住住住住住 (de l’anglais life history) : récit de vie. ritô 住住 : île(s) éloignée(s) ; sanka 住住住 [住住] : populations nomades des montagnes ; seken­shi 住住住 : (littéralement, « maître du monde profane ») voyageur expérimenté et curieux à l’esprit ouvert shikkui 住住 : torchis qui remplit les murs des maisons traditionnelles à structure en bois ; so 住 [住] [ancien et dialectal] : chanvre ; lin sobutsu 住住住 [住住] : offrande à la future mariée avec des vœux de bonheur [sur Suô, souvent préparée par les amies de la jeune femme] ; soma 住 : 1/ montagne boisée exploitée ; 2/ bûcheron ; tanomoshi(­kô) 住住住住(住) [住住住(住)] [de ta no mu 住住住 (fruits des champs)] : association locale d’entraide financière ; tate­ana jûkyo 住 住 住 住 (« habitation en trou vertical ») : habitations des Tsuchigumo* construites en dessous du niveau du sol ; tawaramono 住住住住住 [住住] : étymologiquement « chose du sac », désigne tout objet parallèle à la monnaie et servant d’intermédiaire dans les échanges économiques. Il s’agissait à l’origine de concombre de mer grillé (iri­namako ou iriko 住住住住住 / 住住住 [住住住]) et d’ormeau séché (hoshi­awabi 住住住住住 [住住]), puis vint s’y ajouter l’aileron de requin (fuka­no­hire 住住住住住 [住住]). Très répandu jusqu’à la fin de l’époque d’Edo dans les villages des kaijin* et d’ama*.

Teishin kôshû­sho 住住住住住 : Ecole des Postes et communications ;

Tokunô kyôkai 「 「 「 「 (Association d’agronomie) : fondée en 1933619 sous l’impulsion du penseur YASUOKA Masahiro*, puissante association physiocratique et impérialiste active avant guerre et dissoute en 1945, remplacée par la Shin­jichi kyôkai 「「「「「 (Association pour une nouvelle autonomie).

Tsuchigmo 「「「 (« araignée de terre ») : ancien peuple de l’Antiquité japonaise surnommé ainsi pour vivre dans des habitations creusées dans le sol (tate­ana jûkyo*). Assimilés aux Wajin* au même titre que les habitants du Yamato*. Les Hayato* font partie des Tsuchigumo ; tsujigiri 「「「 : pratique des guerriers consistant à éprouver leur force, leur dextérité, ou simplement le tranchant de leur arme, en tuant un passant d’une classe inférieure. Officiellement, seul le point d’honneur autorisait à tuer en dehors des ordres ; yakibata 「(「)「 : champ (pas nécessairement fixe) cultivé selon la technique du brûlis ; cf. hata*. yôkai 住住 : monstres et fantômes ; yobai 住住住 : visite nocturne secrète à sa belle ; yo­nige 住住住 : fuite nocturne [pratique consistant à tout abandonner et à prendre la fuite, de nuit, pour échapper à ses créanciers et/ou à la police] yûkei minZoku shiryô 住住住住住住 : « matériaux ethnographiques concrets », bien mobiliers et immobiliers faisant objet de documentation non écrite nécessaire à la minZokugaku*, et, en son sein, à la mingugaku* (pour les objets mobiliers). Ce terme, plus vaste que mingu*, l’englobe620.

Annexe VIII : Les centres de recherches, bibliothèques, musées et cercles d’étude japonais

619 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 10n p. 227. 620 Cf. Miyamoto Tsuneichi, Mingugaku no teishô, Tôkyô, Miraisha, 1ère éd. 1979, rééd. 1999, 255 p., p. 64. Section I : Les centres de recherche, bibliothèques et musées

Tous les sites ont été vérifiés au 1er septembre 2008.

I Les institutions directement liées au sujet :

I-A/ Les deux centres consacrés à l’œuvre de MIYAMOTO :

Suô Ooshima bunka kôkyû sentâ 住住住住住住住住住住住住 (Centre des relations culturelles de Suô Ooshima) : Centre voué à l’étude et à la conservation des documents écrits de et concernant MIYAMOTO Tsunéichi, avec un kura* contenant sa bibliothèque personnelle (accessible aux chercheurs) ;

Adresse : 住742­2512 住住住住住住住住住住住住住 417­11

Tel. : (0820) 78­2514

Adresse Internet : [email protected]­oshima.lg.jp

Site Internet : http://www.towatown.jp/koryu­center/koryu.html

Tarifs : de 120 à 300 Y.

Kuka rekishi minzoku shiryô­kan 住住住住住住住住住 (Conservatoire de l’Histoire et du folklore de Kuka) : Centre (fondé en 1976) voué à l’étude et à la conservation des mingu, réunissant 15 000 objets rassemblés par MIYAMOTO à partir de 1972. Il se situe en outre en face d’un ishiburo 住住住 (bain de pierre) datant de 1186, dans le Hachiman shôgai gakushû no mura 住住住住住住住住住 (Village de la formation continue de Hachiman), commune de Kuka.

Adresse : 住住住住住住住住住住住住住

Tel. : 0820­72­1875

Fax : 0820­72­2655

Page Internet :

http://www.town.kuka.yamaguchi.jp/shougaigakushuu/shougaigakushuu.asp

Tarifs : 200 à 400Y. I-B/ Les universités où est étudiée la minzokugaku

Suô Ooshima kyôdo daigaku 住住住住住住住住 (Université du terroir de Suô Ooshima), spécialisée dans les études miyamotiennes :

Adresse Internet : [email protected]

Site Internet :

http://www.h3.dion.ne.jp/~kamuro/miyamoto.htm

Nihon bunka kenkyûsho (ou kenkyûjo) 住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures populaires du Japon), département de minzokugaku de l’Université de Kanagawa 住住住住住 (ancien Achikku myûzeamu 住住 住住住住住住住住住) spécialisé dans l’études des mingu et l’œuvre de SHIBUSAWA Keizô :

Adresse : 住221­8686 住住住住住住住住住住 3­27­1 住住住住住

Tel. : 045­481­5661 (ligne intérieure 4358住

Fax : 045­413­4151

Site Internet : http://jominken.kanagawa­u.ac.jp/

II Autres institutions

II-A/ Institutions situées à Suô Ooshima

Ooshima rekishi minzoku shiryô­kan 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Conservatoire de l’Histoire et du folklore d’Ooshima) : institution fondée en 1983 et réunissant des pièces ayant trait aux quatre domaines suivants : le monde marin ; l’éducation ; la production du sel ; les mingu.

Adresse : 住住住住住住住住住住住住住住住 1648

Tel. : 0820­74­2200

Adresse Internet :

Site :

Tarifs : de 30 à 100Y.

Nihon Hawai imin shiryô­kan 住住住住住住住住住住 (Musée de l’émigration japonaise à Hawai) :

Adresse : 住742­2103 住住住住住住住住住住住住住住住住 2144 住住

Tel. : 0820­74­4082

Adresse Internet :

Site : http://www.town.oshima.yamaguchi.jp/hawaii/ Tarifs : 160 à 400Y.

II-B/ Institutions situées en dehors de Suô Ooshima

Shima minZoku shiryô­kan 住住住住住住住 (Conservatoire de documentation ethnographique de Shima), fondé par MIYAMOTO en 1980 avec l’aide du Nihon kankô bunka lenkyûjo*.

Adresse : 住517­0501 住住住住住住住住住住住 4058­1

Tel. : 0599­43­1711

Kokuritsu minzokugaku hakubutsukan 住 住 住 住 住 住 住 住 (Musée national d’ethnologie) (abrégé en « Mimpaku 住住住住 ») à Osaka : musée qui réunit des objets « ethniques » du monde entier. Le Japon occupe environ un cinquième des collections.

Adresse : 住565­8511 住住住住住住住住住住住住 10­1

Tel. : 06­6876­2151

Adresse Internet :

Site : http://www.minpaku.ac.jp/

Tarifs : 90 à 420 Y.

Minzoku bunka eizô kenkyû­sho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Institut de recherches sur les images de la culture ethnologique) : institut fondé en 1961 et dirigé par HIMEDA Tadayoshi 住 住 住 住 *, disciple de MIYAMOTO, et qui a permis la réalisation de 150 films ethnographiques sur le Japon. Il organise également des conférences, dont l’Achikku fôramu 住住住住住住住住住 (Forum des greniers)621.

Adresse : 住215­0027住住住住住住住住住住住住住 85住1住住住住住住住住 1住103

Tel. : 044­986­6461

Fax : 044­986­6462

Adresse Internet : [email protected]

Site : http://www31.ocn.ne.jp/~minneiken/index.html

Miyajima (chôritsu) rekishi minZoku shiryô­kan 住 住 ( 住 住 ) 住 住 住 住 住 住 住 (Conservatoire (municipal) de l’Histoire et du folklore de Miyajima) : musée fondé en 1974, situé dans une ancienne riche demeure de marchands de l’époque d’Edo et réunissant une importante collection de mingu.

Adresse : 住739­0533 住住住住住住住住住 57

Tel. : (0829) 44­2019

Fax: (0829) 44­0631

621 Par référence à l’Achikku myûzeamu 「「「「「「「「「「「 (Musée des greniers), fondé par SHIBUSAWA Keizô*, et dont MIYAMOTO Tsunéichi était membre. Adresse Internet:

Site :

(en japonais : )

http://www.hiroshima­cdas.or.jp/miyajima/kanko_to/minzoku/minzoku1.htm

(en anglais :)

http://www.hiroshima­cdas.or.jp/miyajima/english/kanko_to/minzoku/minzoku1.htm

Nihon mingei­kan 住住住住住 / Japan Folk Crafts Museum (Musée des arts populaires du Japon) : situé à Tôkyô, ce musée fondé par YANAGI Munéyoshi 住住住* (1889住1961) et ouvert en 1936 compte plus de 17 000 pièces.

Adresse : 住153­0041 住住住住住住 住住 4 住住 3 住 33 住

Tel : 03­3467­4527

Fax : 03­3467­4537

Adresse Internet : ­

Site (en japonais et en anglais) :

http://www.mingeikan.or.jp/

Tarifs : de 150 à 1000 Y.

Section II : Les cercles d’études 「「「「

« Miyamoto Tsuneichi sensei no hon wo yomu kai »宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮(« Société de lecture des livres du professeur Miyamoto Tsunéichi »), président : TAKADA Yoshitarô 住住住住住.

Adresse : 住742­2921 住住住住住住住住住住住住住住 1971­1

Tel. / fax : 0820 78 0358

« Miyamoto Tsuneichi.Aruku miru kiku no kai »宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (« Société Miyamoto Tsunéichi d’Aruku miru kiku (Marcher, regarder, écouter) »), représentant : FUJIKAWA Masahiro 住住住住.

Adresse : 住731­0135 住住住住住住住住住 3­38­2

Tel. : 082 239 1819 ; fax : 082 239 2142

« MinZokugakusha Miyamoto Tsuneichi no ashiato wo meguru kai » 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮(« Société qui marche sur les traces de l’ethnographe Miyamoto Tsunéichi »), représentant : KOMATSU Tsuyoshi 住住住住住.

Adresse : 住817­0032 住住住住住住住住住住住 528­14 Tel. / fax : 0920 52 5383

« Miyamoto Tsuneichi wo kataru kai » 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (« Société pour raconter Miyamoto Tsunéichi »), représentant et responsable : NAGAOKA Hidetoshi 住住住住.

Adresse : 住819­1642 住住住住住住住住住住住 1409

Tel. / fax : 092­326­5336

Annexe IX : Sites Internet plus ou moins en rapport avec MIYAMOTO Tsunéichi et/ou les minZokugaku

Ces sites ont été vérifiés au 1er septembre 2008.

I Sur MIYAMOTO Tsunéichi et Suô Ooshima

Miyamoto Tsuneichi dêtabêsu 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Banque de données Miyamoto Tsunéichi) : le site de référence contenant la grande majorité des photographies prises par MIYAMOTO Tsunéichi, deux biographies, des cartes et un bibliographie sélective : http://www.towatown.jp/database/ Suô Ooshima-chô kôshiki hômupêji 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Site officiel des communes de Suô Ooshima) : http://www.town.suo-oshima.lg.jp/ Suô Ooshima-chô kankô kyôkai 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 (Association de tourisme des communes de Suô Ooshima) : http://www.suo-oshima-kanko.net/

II Sur l’ethnographie

A/ En japonais

1) sites généralistes

Nihon minzoku gakkai 宮宮宮宮宮宮 / The Folklore Society of Japan (la Société du folklore japonais) : http://wwwsoc.nii.ac.jp/fsj/index.html

et notamment sa page de liens : http://wwwsoc.nii.ac.jp/fsj/index.html Nihon mingu gakkai 宮宮宮宮宮宮 / The Society of MINGU of Japan (La société d’étude des objets courants traditionnels) : http://wwwsoc.nii.ac.jp/nmg/ « Bunka jinruigaku » « Minzokugaku kenkyû » dêtabêsu 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Banque de données d’« Anthropologie culturelle » et de « Recherches ethnologiques ») de la Nihon bunka jinruigakkai 「「「「「「「「 (Société d’anthropologie culturelle du Japon) : http://www.jasca.org/database/jjca/index.html

2) sites consacrés à une personne en particulier

- a. Sur YANAGITA Kunio* :

YANAGITA Kunio Matsuoka-ke kenshô-kai (fondation) 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Société en l’honneur de YANAGITA Kunio et de la Maison MATSUOKA) : Adresse : 「「「「「「「「「「「 TEL 0790-22-1000 http://www.town.fukusaki.hyogo.jp/sight-seeing/04/index.html Yanagita Kunio no kai 宮宮宮宮宮宮 (Société YANAGITA Kunio) : http://homepage1.nifty.com/yanagita/ Yanagita Kunio no tabi 宮宮宮宮宮宮 (Les voyages de YANAGITA Kunio) : http://www.bungaku.pref.hyogo.jp/kikaku/yanagida/index2.html - b. Sur SHIBUSAWA Keizô* et sa famille :

Sur le site de Hokkaidô daigaku sôgô hakubutsukan 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 / The Hokkaido University Museum (Musée général de l’Université de Hokkaidô)622, un article de KARITA Tamotsu 住 住 住 (Yokohama­shi rekishi hakubutsukan 住 住 住 住 住 住 住 住 623) sur SHIBUSAWA Keizô* et le fond SUZUKI, « Shibusawa keizô to Hoku-dai Suzuki Jun korekushon »「「「「「「「「「「 「「「「「「「「(« SHIBUSAWA Keizô et la collection SUZUKI Jun de Hoku-dai (l’Université de Hokkaidô) ») : http://www.museum.hokudai.ac.jp/newsletter/07/news07-02.html Shibusawa Eiichi kinen zaidan 宮宮宮宮宮宮宮宮 / Shibusawa Ei’ichi Memorial Foundation (Fondation à la mémoire de SHIBUSAWA Eiichi) : fondation consacrée au grand père de SHIBUSAWA Keizô*, SHIBUSAWA Eiichi (1840-1931), entrepreneur et homme politique. http://www.shibusawa.or.jp/

622 Site officiel : http://www.museum.hokudai.ac.jp/ 623 Cf. plus bas. La page de Tokyo Cinema on the web consacrée à SHIBUSAWA Keizô* : « Shibusawa firumu » 「「「「「「「「(« Les films de SHIBUSAWA ») : http://tokyocinema.net/shibusawa-film.htm L’exposition consacrée à l’Achikku myûzeamu par le Yokohama-shi rekishi hakubutsukan 「「「「「「 「「 (Musée d’Histoire de la ville de Yokohama)624 : « Kurashi wo atsumeru / Kurashi wo saguru / Attic Museum Yane-ura no hakubutsukan / Jitsugyôka Shibusawa Keizô ga sodateta tami no gakumon » 「住住

「「 住住住住住住住住住住住住 / Attic Museum住住住住住住住住 / 住住住住住住住住住住住住住住住住(« Réunir la vie / Chercher la vie : Le Musée des greniers / La science du peuple qu’a formée SHIBUSAWA Keizô ») :

http://www.rekihaku.city.yokohama.jp/special/special50.html Une intervention en anglais (KUSUMOTO Wakako) : http://www.shibusawa.or.jp/english/center/pdf/Keizo.pdf - c. Sur MINAKATA Kumagusu :

Le Minakata Kumagusu hakubutsukan 宮宮宮宮宮宮宮 (Musée MINAKATA Kumagusu) : http://www.minakatakumagusu-kinenkan.jp/ Une page bien documentée sur MINAKATA : http://kajipon.sakura.ne.jp/kt/haka-topic32.html MINAKATA Kumagusu Archives 宮宮宮宮宮宮宮 Adresse : 「646-0035 「「「「「「「「「「「 36 「「

Tel. : 0739-26-9909「Fax : 0739-26-9913 http://kajipon.sakura.ne.jp/kt/haka-topic32.html MINAKATA Kumagusu shiryô kenkyû-kai 宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Société de recherches sur les documents de MINAKATA Kumagusu) : http://www.aikis.or.jp/~kumagusu/ - d. Sur ORIKUCHI Shinobu :

Oeuvres d'ORIKUCHI en ligne : http://www.aozora.gr.jp/index_pages/person933.html Un site sur lui : http://uraaozora.jpn.org/orikuchi.html

B/ En langue occidentale

624 Site officiel : http://www.rekihaku.city.yokohama.jp/ Le Folklore japonais ; Nihon no tomodachi : nihon.fr.st. Tout sur le Japon : http://spip5.free.fr/pages/folklore/folklore.htm Etnographiques (revue en ligne de sciences humaines et sociales) : http://www.ethnographiques.org/ et en particulier ses pages de liens commentés (auxquelles nous renvoyons) : http://www.ethnographiques.org/Liens.html http://www.ethnographiques.org/Enseignement-Recherche.html Encyclopedia Mythhica’s Japanese Section : http://www.pantheon.org/areas/mythology/asia/japanese/articles.html

La faune du Japon : http://japanfan.free.fr/faune.html