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La nation du fleuve majestueux à Jemseg Volume 2 : Résultats ar La nation du fleuve majestueux à Jemseg

Volume 2 : Résultats archéologiques

chéologiques Publié sous la direction de Susan Blair

Manuscrits sur l’archéologie du Nouveau-Brunswick 36F Archaeological Services Services d'archéologie Heritage Branch Direction du patrimoine Culture and Sport Secretariat Secrétariat à la Culture et au Sport Wolastoqiyik Ajemseg

La nation du fleuve majestueux à Jemseg

Publié sous la direction de Susan Blair

Volume 2 Résultats archéologiques Projet archéologique de Jemseg Crossing

La version finale de ce rapport a été compilée grâce à l’appui financier du Comité de gestion du projet Grand Lake Meadows.

Services d’archéologie Archaeological Services Direction du patrimoine Heritage Branch Secrétariat à la Culture et au Sport Culture and Sport Secretariat Cette série est préparée afin de faciliter la distribution des manuscrits ayant trait à l’archéologie du Nouveau-Brunswick. Elle a été publiée en quantité limitée et sera généralement disponible sur demande spéciale seulement.

© Susan Blair et province du Nouveau-Brunswick

Manuscrits sur l’archéologie du Nouveau Brunswick 36F, 2004

Rédactrice : Susan Blair

Publiée par Les Services d’archéologie, Direction du patrimoine Secrétariat à la Culture et au Sport C.P. 6000 Fredericton (N.-B.) E3B 5H1 Canada

ISBN 1-55396-162-5 Imprimé au Canada CNB 2483 La publication de ce document a été rendu possible grâce à la générosité du ministère des Transports et du Secrétariat des affaires autochtones du Nouveau-Brunswick.

Wolastoqiyik Ajemseg

Mawlukhotapun - Travailler ensemble Remerciements

Le projet archéologique de Jemseg Crossing n’est devenu réalité que grâce à l’application du principe « travailler ensemble ». Dans le monde des affaires, cette approche est souvent désignée sous le nom de « travail d’équipe ». Toutefois, le concept d’une « équipe » constitue une simplification de la façon dont le travail a effectivement été réalisé à Jemseg. Les « équipes » sont habituellement de véritables groupes de travail formels, créés dans une perspective de concurrence avec d’autres équipes. Notre façon de « travailler ensemble » était moins formelle. Nous étions unis par le désir de sauvegarder un site important avec tout le respect et le soin possible. Essentiellement, le projet n’a pu avancer que grâce au travail acharné et à la contribution de centaines de personnes. Nous vous remercions tous pour vos efforts, votre courage, votre temps, votre patience et votre intérêt. Ces contributions étaient souvent polyvalentes et nombreux sont ceux qui nous ont fait profiter librement de leur savoir-faire et de leurs talents cachés d’une façon qu’ils n’avaient même pas prévue lorsqu’ils se sont présentés sur le site. Bien des membres du projet, comme John Keenan et Bazil Nash, ont travaillé sans relâche pour fournir de l’information au sujet du projet à leur collectivité et ils ont également joué un rôle fondamental dans l’approche de groupe pour résoudre le problème de travail archéologique sur le terrain pendant la période de l’hiver. Le travail sur le terrain a été rendu possible grâce à un groupe de chefs d’équipe de nature archéologique, notamment Colin Varley, Chris Blair, Katherine Patton, Sam Gallagher, Bazil Nash, Pamela Dickinson, John Keenan, Darcy Dignam, Vincent Bourgeois,

i Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Joel Calabrese, Jason Jeandron, Michael Saunders, Shianne MacDonald, Phillip Atwin, Paul McEachan, Mike Nicholas et grâce aux membres des équipes travaillant sur le terrain, notamment Viktoria Kramer, Frank Lewey, Jennifer Butler, Barbara Oldford, Clifton Sacobie, Elvis Sacobie, Mike Smith, Nathan Atwin, Donald Paul, Joe Brooks, feu Gerry Pickles, Philippe McKay, Alexandra Francis-Steward, Ian Steward, Wesley Atwin, Terry Smith, Carol Smith, Fred Masters, Doug Solomon, Ryan Francis, Frank Atwin et Dale Nash. Les équipes de « fin de semaine » nous ont remplacés les samedis et dimanches, et elles se composaient notamment de Patricia Looman, Daniel MacKenzie, Larry Orechia, Starr Perley, Chkwabun Nicholas Sappier, Wade Perley, Lisa Maher, David Wilson, Chris Nason, Melanie Doerig, Sonja Harding, Brad Lamey, Cory Lavender, Randy MacBeth, Amanda White, Shelly Perley, Forest Boudreau, Alphonsus Bourgeois, Jeff Dobson, Jeremy Farris, Brent Francis, Ryan Francis, Jamie Gullison, Hazel Haneveld, Mark Hiscock, Wendy Hogan, Ben Hood, Greg Houston, Gary Jonah, Janice Keenan, Sherry Morin, Mona Nicholas, Mike Niski, Brad Paul, Karri-Lynn Paul, Richard Paul, Scott Paul, Leslie Perley, Marie Perley, Robert Perley, Danny Sabattis, Bert Sacobie, Joseph Sacobie, Paul Tomer, Janet Wainwright et Kathy Weeks. La conservation, le travail de laboratoire et l’analyse ont été facilités par une équipe dévouée d’analystes, de catalogueurs, de techniciens et un conservateur, notamment Frances Stewart, Alexandra Sumner, Brent Suttie, Valery Monahan, Paula Paul, Ramona Nicholas, Erica Bear, Tanya Bourgeois, Janice Keenan, Bonnie Atwin, Margaret Stennitt, Diane Paul, Wendy Hogan, David Black et Stephen Monckton. Les problèmes méthodologiques ont été surmontés grâce à beaucoup de travail de remue-méninges réalisé par Tim MacAfee, Bazil Nash, Phil Atwin, Frank Atwin, Dale Nash, Chris Blair, Peter Jardine et Patrick Polchies. Au fur et à mesure que la composante éducative du projet a évolué sous la direction de Karen Perley, les membres du projet nous ont fait profiter de leurs compétences et de leur intérêt pour transmettre l’information au sujet de notre travail et de la communauté wolastoqiyik du Nouveau-Brunswick au public et à un grand nombre de jeunes qui sont venus avec des groupes de leur école ou de la collectivité, comme Ramona Nicholas, Valery Monahan, Cynthia Adams, Teana Pickles, Shelly Perley, Tim MacAfee, Pamela Dickenson, Chris Blair, Alice Paul et Erica Bear. Le site a été originellement découvert grâce à la diligence de Colin MacKinnon, qui avait récupéré des artéfacts sur la plage dès le début des années 1990 et qui les a signalés aux Services d’archéologie. Les bénévoles sont venus sur le site et ont offert leur main-d’œuvre, notamment Stella Nicholas, Rodney Bear, Tasha Moulton, Doreen Francis, Perry Perley Jr., Mike Moulton, Carl Perley Jr., Storm Perley, Baquahason Sappier et Heather Smith. La sécurité du site et le transport ont été organisés par un certain nombre de personnes, y compris Daryl Paul de la Première nation d’Oromocto, Joe Paul, Donna Paul,

ii Wolastoqiyik Ajemseg les Gardiens de la paix, dont Tina Nicholas Bernard, Raymond Nicholas et Tina Nicholas Martin, et la GRC qui a assuré un soutien additionnel pour la réalisation de ces efforts. Des conseils juridiques ont été fournis par Ron Gaffney. Le projet a été coordonné par une équipe composée de Susan Blair, directrice sur le terrain, Karen Perley, coordonnatrice de l’éducation, Patrick Polchies, gestionnaire du projet, et Chris Turnbull, directeur des Services d’archéologie. De concert avec Patricia Allen, des Services d’archéologie, ce groupe a assuré la « liaison » entre le gouvernement provincial et les Autochtones. Pat Allen a également joué un rôle de soutien important sur le terrain et au bureau principal des Services d’archéologie. D’autres services d’administration de bureau ont été assurés par Amanda Howlett, Crystall Joscak et Ernest Merasty. Un projet de cette ampleur bénéficie de la contribution de nombreuses organisations et de nombreux bureaux gouvernementaux, et nous avons reçu beaucoup d’aide de la part du gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick, particulièrement de la part de Louise Gillis, Jennifer Pollock, Marsha Hello, Shirley Phillips, Mike Randall, Sharon Pond, Wayne Burley, Denis Lachappelle, Dan Horseman, Mike Phillips, Brian McEwing, Doug Johnson, Bernard Richard (ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones), Sheldon Lee (ministre des Transports) et Ann Breault (ministre des Municipalités, de la Culture et de l’Habitation), de même que de la part de Maritime Road Development Corporation, particulièrement Bob Burdette et Bob Hodgins. Les gouvernements des Premières nations ont grandement contribué à ce projet, notamment Karen Kierstead et Roger Nason (Première nation d’Oromocto) et Daryl Paul (Première nation de Kingsclear), et spécialement ceux qui étaient chefs à ce moment-là, soit le chef Robert Atwin, feu le chef Rufford Sacobie, le chef Edwin Bernard, le chef Patrick Francis, le chef Arthur Bear, le chef John Wallace, le vice-chef Len Tomah, le chef Tom Green et le chef Floyd Bernard. Ce soutien se poursuit avec les chefs actuels dans la nomination des membres au Comité consultatif des Malécites sur l’archéologie et ces chefs sont les suivants : le chef Jean-Guy Cimon, le chef Stewart Paul, le chef Jeff Tomah, le chef Robert Atwin, le chef Arthur Bear et le chef Roger Atwin. Le premier Comité consultatif des Malécites pour le projet de Jemseg Crossing a exigé beaucoup de temps et de soutien de la part d’un certain nombre de personnes, notamment Irvin Polchies, feu Charlie Paul, David Perley, Karen Perley, Ned Bear, Dick Paul, Robert Bernard, Chris Turnbull, David Keenlyside, Brian McEwing et Mike Phillips. Bien des personnes ont continué d’offrir leur temps et leur soutien par l’entremise du second Comité consultatif des Malécites sur l’archéologie, notamment Charles (Diamond) Nicholas, Vincent Nicholas, Patty Paul, Mae Perley, Linda Paul, Marjorie Paul, Rocky Paul, Sharon Paul, Tim Nicholas, Phil Atwin, Ned Bear, Robert Bernard, Dianne Pelletier, Barb Nicholas, Amanda Howlett, Karen Perley et Patricia Allen.

iii Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Bien des personnes se sont présentées elles-mêmes au site ou nous ont fait profiter de leur soutien, de leur intuition et de leurs connaissances, notamment Wayne Nicholas, Marlene Shumate, Shirley Bear, Gwen Bear, Darrel Paul, Alice Paul et feue Christina Nash. Nous tenons également à remercier les Anciens suivants qui ont participé au projet d’histoire orale : Tina Brooks, Pat Laporte et Josephine Paul (Sitansisk / Première nation de St. Mary’s), Richard Polchies Junior (Sitansisk / Première nation de St. Mary’s), feue Theresa Sacobie (Pilick / Première nation de Kingsclear), Ronald Paul (Sitansisk / Première nation de St. Mary’s), Charles Solomon Sr. (Pilick / Première nation de Kingsclear), Rose Atwin (Pilick / Première nation de Kingsclear), Gina (Jeanna) Polchies (Première nation de Woodstock), Bob Nash (Gagetown), Noel Francis Junior et Katherine Francis (Première nation malécite de Madawaska), Elizabeth Paul (Welmooktuk / Première nation d’Oromocto), Charlie Bear (Neqotkuk / Première nation de Tobique), Pat Sacobie (Welmooktuk / Première nation d’Oromocto), Pious et feue Harriet Perley (Neqotkuk / Première nation de Tobique), John Arnold Sacobie (Pilick / Kingsclear), feue Norman Sacobie et Jeanette Sacobie (Welmooktuk / Première nation d’Oromocto), Gloria Nash (Gagetown), Maurice Rita Perley (Neqotkuk / Première nation de Tobique), Charles Polchies (Première nation de Woodstock), Maurice Sacobie (Neqotkuk / Première nation de Tobique), Royden Sabattis (Pilick / Première nation de Kingsclear), Fred Tomah (Houlton, ). Beaver Nash et Shirley Nash de Gagetown, qui nous ont fait part de leurs témoignages, même si en raison de la mauvaise qualité de leur enregistrement nous avons été incapables de les transcrire. Des remerciements spéciaux aux personnes suivantes qui nous ont aidés pour la traduction du wolastoqiyik : feue Christina Saulis, Gwen Bear, Imelda Perley, Robert Leavitt et Barb Nicholas, et les autres personnes qui ont aidé à la transcription et à la correction initiale, Alice Paul, Amanda Howlett et Crystall Joscak. Des archéologues, des anthropologues et des géomorphologues professionnels sont également venus sur le site pour nous offrir leur soutien et de l’information, notamment David Sanger, Bruce Stewart, Alan Seaman, Jim Petersen, Robert Ferguson, Bruce Bourque, David Black, Steve Cox, Brent Murphy, Anna de Aguayo et particulièrement Chris Turnbull, David Keenlyside et Patricia Allen. Une fois le projet officiellement terminé, nous avons poursuivi l’analyse. Les Services d’archéologie ont trouvé de l’argent pour la recherche chaque fois que ce fut possible pour soutenir ce processus, mais beaucoup de temps et bien du travail ont été consacrés gratuitement à ce projet de la part de Jason Jeandron, Pam Dickinson, Cynthia Adams et Susan Blair qui ont poursuivi cette recherche de façon indépendante chaque fois qu’ils le pouvaient. Une partie de cette recherche a bénéficié du soutien des universités et des établissements d’enseignement, et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, et le programme de bourses du Nouveau-Brunswick pour les femmes qui poursuivent des études de doctorat a accordé une bourse d’étude à Susan Blair. De plus, un

iv Wolastoqiyik Ajemseg soutien personnel et professionnel a été assuré par l’université de Toronto, particulièrement par l’entremise de Ted Banning, Max Freisen et Michael Chazan. Des résidents locaux ont également accordé gratuitement de leur temps au projet en visitant le site et en partageant leurs réflexions et leurs souvenirs, notamment William Nash, Roy Dykeman, Sonny Thorne et Caroll Thorne, Cheryl Dykeman et Dawn Bremner. Victor Bear nous a prêté ses outils pour la confection de paniers et Traditional Maliseet Basket Limited nous a prêté des paniers finis pour le centre d’interprétation à Ajemseg. Nous tenons également à remercier un nombre incalculable de personnes qui sont venues sur le site pour nous parler du travail qui y était effectué. Enfin, le présent document a été rassemblé grâce au soutien financier du Comité de gestion du projet Grand Lake Meadows et nous avons reçu une aide spéciale de la part de Todd Byers et Kevin Craig, tous deux du ministère des Ressources naturelles et de l’Énergie. Nous sommes reconnaissants envers le personnel professionnel de Communications Nouveau-Brunswick qui nous a aidés à l’étape de la rédaction finale et du formatage du présent rapport. Nous tenons à remercier les organisations, communautés et personnes suivantes qui ont fourni les illustrations qui accompagnent ce document : les Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, les Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, le Musée du Nouveau-Brunswick, le Musée canadien de la civilisation, les Archives publiques du Canada, la University of Pennsylvania, la Bande de Malécites de Houlton, Charles Solomon Sr., Katherine Francis, Shirley Sacobie, Edith Paul, Patricia Allen et Karen Perley.

v Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

vi Wolastoqiyik Ajemseg

Table des matières

1. Tan psiw weskuhutahsik Introduction Susan Blair...... 3 2. Nkihtahkomikumon Le cadre environnemental Susan Blair...... 9 3. Elehtasikpon Ktahkomiq La formation de l’aire du site Susan Blair...... 29 4. Elluhkatomek I Méthodologie, première partie Susan Blair, et photographies de Viktoria Kramer ...... 43 5. Elluhkatomek II Méthodologie, deuxième partie : le laboratoire de terrain Valery Monahan ...... 61 6. Elluhkatomek III Méthodologie, troisième partie : la flottation Patty Barefoot ...... 69 7. Nutokehikemikwum La « Maison de l’enseignement » : le Centre d‘interprétation Karen Perley...... 73 8. Kansuhsuweyal Elipskasikil Les artéfacts mis au jour Susan Blair...... 81 9. Ponapsqey Les matériaux lithiques David Black ...... 91 10. ‘Tahtuwalotewa Naka’ Katkuhkewa La poterie de la période précédant le contact Vincent Bourgeois ...... 117

vii Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

11. Micuwakonuwa La nourriture et la subsistance : les matériaux végétaux Stephen G. Monckton ...... 123 12. Micuwakonuwa La nourriture et la subsistance : les matériaux zooarchéologiques Frances Stewart ...... 127 13. Aliwitahsik, Litahuswagon La terminologie et le cadre conceptuel Susan Blair...... 133 14. Wikuwamul Les structures Susan Blair...... 141 15. Wisoki Pihce La composante 1 : le paléoindien Pam Dickinson ...... 199 16. Pihce L’archaïque Susan Blair...... 207 17. Pihcesis Le sylvicole maritime Un bref regard sur le Meadowoow des provinces maritimes Paul McEachen ...... 245 18. Pihcesis Ajemseg Le sylvicole maritime à Jemseg Susan Blair...... 251 19. Cimaciw Wenuhcok Petapahsultitit Les artéfacts et les structures de la période postérieure au contact Susan Blair, Pam Dickinson et Christopher Blair ...... 277 20. Elikisimawipunomek Kehkitasuwakon Sommaire et conclusion Susan Blair...... 301

Bibliographie ...... 307

viii Wolastoqiyik Ajemseg

Préface du deuxième volume

Susan Blair

La recherche archéologique est surtout a soutenu les Wolastoqiyiks dans un monde motivée par la curiosité au sujet du passé et moderne de conflit et de résistance. Il m’a par la perception de son importance. J’ai incitée à réexaminer le sérieux de nous- toutefois constaté que le privilège mêmes, les universitaires, et de nos d’acquérir des connaissances sur le passé recherches. Karen et Patrick, et tous les crée des obligations et des responsabilités. membres wolastoqiyiks qui ont participé à Si on a de la chance comme moi, étudiante la gestion et à la mise en oeuvre du projet de premier cycle, on découvre ces choses d’archéologie du passage de Jemseg, ont grâce à des professeurs expérimentés et fourni l’information à leurs communautés prévenants comme Peter Ramsden et David et ils ont défendu leur droit d’explorer leur Black. C’est cependant dans des contextes propre passé au moyen de l’archéologie. Ils et des milieux particuliers que le privilège nous ont montré, à moi et à mes collègues et la responsabilité prennent vraiment leur archéologues, la pratique du courage. sens. Quelle chance que des personnes qui Pendant et après le projet, les aînés comprennent l’équilibre délicat entre wolastoqiyiks, mes collègues et les critiques prendre et donner m’aient prise sous leurs m’ont appris beaucoup au sujet de ailes et m’aient encadrée. Karen Perley a l’archéologie et du passé, dont quelques tempéré ma crainte mêlée d’admiration et principes de base : mon profond respect des choses que j’ai eu • Kci t’mitahoswagon, « respecter », l’honneur de trouver, par la sensibilisation à • Mawlukhotepun « travailler avec » et leur milieu dans une toile complexe du sens • Weci Apaciyawik, « afin qu’il du passé, du présent et de l’avenir. Elle m’a revienne ». aussi enseigné que ces objets créent envers Aucun de ces principes ne se trouve les communautés vivantes des obligations dans un code de conduite ou un règlement. dont je dois m’acquitter pendant ma Une telle codification peut encourager le carrière. Patrick Polchies m’a appris à contournement ou le manque de apprécier l’humour durable et profond qui profondeur. Il nous incombe, comme ix Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 archéologues, de saisir ces principes et interaction formelle et informelle qui faisait d’essayer de trouver de nouveaux moyens intervenir les Wolastoqiyiks dans tous les de relever les défis qu’ils représentent. aspects de mon travail - dans le contexte du Pour moi, Kci t’mitahoswagon ou travail sur le terrain, le travail en laboratoire « respecter » comporte une ouverture et l’analyse. Elle comprend aussi les d’esprit envers les gens et envers de moments de détente ensemble à l’extérieur nouvelles idées. J’ai trouvé difficile parfois du travail et l’occasion de philosopher sur d’assister à des réunions à laquelle le passé. Même si j’ai trouvé l’adoption de participaient des gens qui éprouvaient de la ce principe très positive, celui-ci peut colère mais je respecte cette colère, en susciter certaines préoccupations pour les reconnaissant qu’elle est fondée et qu’elle archéologues car il comporte la émane de plusieurs années de douleur avec renonciation au pouvoir et au contrôle. très peu de réparation. Je trouve plus facile Nous avons constaté que « travailler avec » d’être sensible à de nouvelles idées et ne signifie pas « travailler pour » et que la perspectives. Même si je peux facilement participation et la formation des me laisser entraîner dans les subtilités de la Wolastoqiyiks doivent se faire selon un théorie archéologique, j’essaie toujours de processus d’affranchissement. C’est dans me rappeler qu’il s’agit surtout d’un cet esprit que je suis heureuse d’avoir pu ensemble élaboré d’arguments étroitement participer, même de minimes façons, avec liés qui constitue une vision particulière du les chefs et les communautés des Premières passé. Je raconte mes récits du passé nations à l’établissement du Comité comme une archéologue. Ma version de consultatif malécite sur l’archéologie, une l’archéologie n’est toutefois pas la seule première étape importante dans manière de raconter les récits et elle ne se l’orientation de la cogestion des ressources traduit pas nécessairement par les récits les archéologiques et patrimoniales de plus exacts. J’ai développé un profond . respect pour les connaissances des Le dernier principe, Weci Apaciyawik, Wolastoqiyiks. Cette perspective m’a ou « afin qu’il revienne » est peut être un permis d’entrevoir des volets du passé que des plus importants mais il est aussi le plus je n’aurais autrement jamais vus avec mes difficile. Ce travail est un traité yeux d’archéologue. Dans ce monde, je suis professionnel et universitaire. La et je demeurerai une étrangère et une pertinence archéologique de la recherche apprentie junior qui peut, à l’occasion, avoir repose sur l’établissement d’arguments qui le privilège d’obtenir de petites révélations sont fondés sur des décennies de glanées auprès de vrais experts sur les philosophie et de théorie archéologiques. Wolastoqiyiks, leurs propres aînés. Certains aspects du travail sont écrits pour Mawlukhotepun ou « travailler avec » a un auditoire qui connaît cet ensemble de été une obligation que j’ai eu le plaisir documentation et le style de d’honorer. Il s’agissait, pour moi, d’une communication universitaire. Dans un

x Wolastoqiyik Ajemseg esprit de transparence, tout est conservé présentations. Je persisterai à tenter de dans la communauté wolastoqiyik. créer des documents accessibles aux enfants Toutefois, ce n’est pas suffisant. J’ai essayé d’âge scolaire et aux communautés. Je me d’apporter une perspective archéologique à joindrai à ceux qui demandent des espaces la communauté au moyen de projets publics pour l’histoire et le patrimoine des connexes comme un document intitulé Wolastoqiyiks. Il faudra toute une carrière « Wolastoq and its People », préparé pour le afin de « ramener » pour remercier les Comité consultatif malécite sur Wolastoqiyiks de m’avoir accordé le l’archéologie, le projet d’affiche « Wolastoq privilège de travailler avec eux dans Amsqahs Peciyat » et d’autres l’exploration de leur passé archéologique.

xi Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

xii Wolastoqiyik Ajemseg

Avant-propos : La route de Jemseg

Christopher J. Turnbull

La rivière Jemseg, située au coeur du Nouveau-Brunswick avant la construction Nouveau-Brunswick, assure la subsistance de la nouvelle route. Bien que les de la nation wolastoqiyik, tout comme elle a évaluations d’impact sur le patrimoine pour servi de voie de transport pour des les projets environnementaux réglementés générations de ses ancêtres. Il est ironique soient réalisées depuis comparativement de constater que c’est aujourd’hui la peu de temps au Nouveau-Brunswick, il nécessité d’une route à quatre voies s’agit de la première fois qu’elles menaient sécuritaire et efficace qui compromet un à l’atténuation des impacts sur un site ancien lieu situé le long de la même rivière. archéologique important. Le tracé de la Mais le processus d’évaluation de l’impact nouvelle route avait été déterminé au environnemental du Nouveau-Brunswick a moment de la construction antérieure de montré la nécessité d’apporter des mesures tronçons de route dans la région de Jemseg correctrices pour équilibrer le désir de notre et, par conséquent, la sauvegarde de société de se doter d’un système de l’information provenant du site offrait la transport moderne avec la nécessité de cette seule possibilité rentable d’éviter sa même société de respecter l’héritage des destruction totale. Wolastoqiyiks. C’est ainsi que nous avons Toutefois, les fouilles sur les sites entrepris des fouilles archéologiques en archéologiques autochtones affectent les 1996 et en 1997 à l’endroit où la route à dissensions continues entre le Canada (et le quatre voies proposée entre Fredericton et Nouveau-Brunswick) et les sociétés Moncton devait traverser la rivière Jemseg. indigènes. Dans le cas du site de Jemseg Le projet archéologique de Jemseg Crossing, les Wolastoqiyiks (mieux connus Crossing comportait de nombreux aspects sous le nom de « Malécites », d’origine différents. Il s’agissait certainement de Mi’kmaq) sont des descendants d’intérêt fouilles archéologiques pour sauvegarder spécial. Bien que l’archéologie ne joue de l’information au sujet du passé du habituellement pas un rôle important dans

xiii Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 ces luttes, les circonstances des fouilles ont alimentée par les médias. Toutefois, grâce à rapidement hissé ce site à ce niveau de des négociations, et avec l’appui total du réalité. responsable du projet de route entre La société canadienne contemporaine Fredericton et Moncton, le ministère des est divisée par l’histoire des relations entre Transports, un accord a été signé avec les la société indigène et la société non chefs de la majorité des communautés indigène. Ces relations sont teintées de wolastoqiyiks au Nouveau-Brunswick. préjudices et de bigoterie. Le Canada n’a Malgré quelques tentatives de consultation pas encore réussi à composer de façon avortées, cette entente appuyait la satisfaisante avec les résultats de poursuite des fouilles avec des dispositions l’immigration européenne. Dans les voulant que l’on mette fin à l’impact provinces maritimes, les biens-fonds n’ont environnemental si on trouvait des preuves pas encore été cédés par voie de traités, et de sépultures. Il était convenu dans cet aspect fondamental des relations l’entente que s’il s’agissait d’un site concernant les biens-fonds influe sur les funéraire, il faudrait refaire le tracé de la perspectives autochtones du Canada. Par route. conséquent, lorsqu’un site ancestral des L’essence même de l’archéologie est la Wolastoqiyiks est menacé par des découverte de l’inconnu. Le fait de trouver perturbations, ceci s’inscrit dans les des caractéristiques de nature funéraire au désaccords existants. milieu d’une ancienne colonie de Les personnes qui ont pratiqué peuplement était suffisant pour interrompre l’archéologie ne sont pas sans reproches. les fouilles et refaire le tracé de la route Nous sommes intervenus dans ces luttes pour éviter le site. Ce n’est qu’à ce moment- avec la vision étroite des universitaires. là qu’ont pu se nouer de nouvelles relations L’archéologue a été hésitant ou tout au entre la Première nation wolastoqiyik et la moins lent à reconnaître le rôle que les province du Nouveau-Brunswick. Il est Wolastoqiyiks d’aujourd’hui doivent jouer facile de faire une promesse, mais beaucoup dans les fouilles au sujet de leur propre plus difficile de l’honorer avec toutes les histoire. Plusieurs incidents au cours du conséquences que cela entraîne. À son quart de siècle précédent ont fait intervenir crédit, et ce, de façon durable, la province a une archéologie engagée dans une bataille respecté sa parole au printemps de 1997. Le plus générale entre les sociétés indigènes et coude qu’on a dû prévoir dans le pont de la le Canada, ce qui a rendu la situation encore route à quatre voies traversant la rivière plus complexe. Cette histoire récente est Jemseg a été un point tournant dans les devenue critique à Jemseg. relations entre la province et la Le tout a mené à une série de communauté wolastoqiyik, au moins en ce protestations et de démonstrations à qui a trait à l’archéologie. l’automne et à l’hiver de 1996 et 1997. Bien Le projet archéologique de Jemseg que créée par l’histoire, cette situation a été Crossing a apporté certains résultats

xiv Wolastoqiyik Ajemseg notoires. Les fouilles étaient les plus de rencontre et de discussion afin d’établir importantes jusqu’à ce jour sur tout site une meilleure compréhension grâce à la autochtone dans les Maritimes. Le site était mise en valeur culturelle. Le Comité a celui d’une colonie wolastoqiyik ancestrale préparé une importante exposition importante d’il y a 2000 à 3000 ans. On a itinérante à partir de photographies même trouvé des indices d’une présence historiques des Wolastoqiyiks, de plusieurs sur le site d’il y a plus de 6000 ans avec une affiches et a fait en sorte que Gabe Acquin, continuité jusqu’au XXIe siècle. Dans le un chef du XIXe siècle, soit reconnu comme cadre du projet, bien des témoignages personne importante sur le plan national importants et historiques provenant de la dans l’histoire canadienne. La communauté communauté wolastoqiyik ont été travaille actuellement à la préparation d’un enregistrés. site Web wolastoqiyik en tant que lieu Le projet a également donné le ton à permettant de rassembler et de divulguer des relations de plus en plus constructives de l’information au sujet de la culture des entre la province du Nouveau-Brunswick et Wolastoqiyiks, de façon à la sauvegarder la communauté wolastoqiyik. Pour éviter ce pour les générations futures et à s’assurer genre de situation, les deux groupes ont qu’elle devienne un actif tangible pour les accepté de se rencontrer régulièrement pour deux collectivités. collaborer à la gestion des ressources du Ces volumes sont riches d’histoires des patrimoine par l’entremise du Comité Wolastoqiyiks, tant récentes consultatif malécite sur l’archéologie. Les qu’archéologiques; ils témoignent du deux groupes ont décidé de travailler pouvoir de travailler ensemble afin de ensemble pour élargir la portée de ce trouver une meilleure façon de vivre comité historique au-delà d’un simple lieu ensemble dans le respect.

xv Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

xvi Première section INTRODUCTION

Wolastoqiyik Ajemseg

Tan psiw weskuhutahsik 1 : Introduction

Susan Blair

Le projet archéologique de Jemseg Le projet archéologique de Jemseg Crossing débuta à l’automne de 1996 et se Crossing a contribué grandement à poursuivit durant l’hiver jusqu’en avril l’archéologie des provinces maritimes pour 1997. Le but du projet était de sauver les les raisons suivantes. données d’un site archéologique majeur (1) Le projet a fait l’objet d’une situé sur le tracé projeté de la nouvelle gestion conjointe entre des autoroute transcanadienne. autochtones et des non- Le nature archéologique du lieu de autochtones et il a Jemseg a été confirmée durant un inventaire directement impliqué des archéologique requis par les règlements de Malécites dans tous les la construction de l’autoroute aspects de la démarche. transcanadienne. Le projet archéologique de (2) Des approches nouvelles et Jemseg Crossing1, ou PAJC, émane d’un inédites ont été développées effort conjoint entre les Wolastoqiyiks (les afin de s’ajuster avec la Malécites), le ministère des Transports du logistique d’une fouille Nouveau-Brunswick, le ministère des d’hiver. Municipalités, de la Culture et de (3) Les données archéologiques l’Habitation du Nouveau-Brunswick mises au jour durant ce (devenu aujourd’hui le Secrétariat à la projet nous éclairent sur des Culture et au Sport du Nouveau- périodes très peu connues Brunswick) et le ministère de l’Éducation dans notre région, du Nouveau-Brunswick. Il n’a cependant spécialement celles pu aller de l’avant que grâce à l’appui des précédant 5000 AA ainsi individus et des communautés qu’entre 3500 et 2500 AA. wolastoquiyiks.

1 [N.d.T.] Le terme "crossing" signifie ici passage ou traversée. Nous avons choisi de le conserver dans sa langue d’origine car il fait partie du toponyme.

3 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Le travail de terrain commença le 3 patrimoine des Wolastoquiyiks et d’assurer septembre 1996. À ce moment, un comité un sentiment d’ouverture pendant le consultatif de Malécites de Jemseg fut déroulement du projet. Au cours de ce formé dans le but de fournir une programme, des touristes, des gens contribution au projet et de renseigner la intéressés, des résidents locaux et de grands Première nation malécite. En septembre et groupes scolaires ont visité les lieux du au début d’octobre, la nature et l’âge du site projet. furent investiguées dans le but de produire Le projet archéologique a été bonifié une méthodologie de sauvetage appropriée d’un volet d’histoire orale auprès des aînés et efficace pour les témoins archéologiques wolastoquiyiks et des résidents de Jemseg. qui auraient pu autrement être détruits par Ceci a permis de fournir de l'informations la construction du pont de l’autoroute. Cet tout en apportant aux personnes impliquées inventaire archéologique a permis de dans le projet un précieux éclairage sur la constater que le site était beaucoup plus richesse de l’histoire vivante des complexe que l’on ne l’avait cru jusque-là. Wolastoquiyiks. Cette histoire complète les On a en effet découvert des accumulations interprétations archéologiques et va même de vestiges s’étalant sur cinq à six au-delà. millénaires, tels que des outils lithiques, de Les indices archéologiques mis au jour la poterie, des foyers servant à la cuisson, au cours du projet archéologique de Jemseg des planchers d’habitations et des débris de Crossing résultent autant d’activités diverses activités quotidiennes comme la antérieures que postérieures à la période du taille de pierre. Contact. Les plus anciens artéfacts du site Les mesures de sauvetage de grande de Jemseg, vieux de 6000 ans, laissent envergure de ce site coïncidaient dans le entendre que le lieu fut utilisé comme temps, d’une part, avec un souci campement pendant des milliers d’années. grandissant de la part des communautés C’était un endroit où les gens autochtones concernant la nature et l’allure fabriquaient des outils en pierre (comme du projet, et d’autre part, avec l’intérêt des couteaux, des pointes de javelot et de croissant des médias. Tous les partenaires plus gros outils servant au travail du bois), impliqués dans le projet considérèrent très pêchaient, chassaient et récoltaient des sérieusement les inquiétudes des végétaux pour l’alimentation et la autochtones et retardèrent au besoin pharmacopée. Ces mêmes personnes ont pu certains aspects du travail de terrain afin aussi y entreprendre d’autres activités d’assurer le dialogue avec les membres de techniques ou sociales, telles que la la communauté. vannerie, la fabrication de canots ou encore Un programme d’éducation publique des rassemblements qui renforcaient les fut mis sur pied de concert avec le travail de liens familiaux et sociaux. terrain. Le but de ce programme était de Durant la période qui va de 3500 à 1500 susciter l’appréciation et le respect du riche AA, il y a des indices de la présence de

4 Wolastoqiyik Ajemseg groupes plus nombreux qui restaient sur Les lieux de Jemseg ont continué à place pendant une plus grande portion du servir d’important site de campement dans cycle annuel. On y construisit alors des le cycle saisonnier des Wolastoqiyiks maisons, on y continua de fabriquer et jusque’à la période moderne. Toutefois, d’utiliser des outils en pierre (souvent à pour la plus grande période de temps située partir d’un chert extrait d’une source locale, entre 1500 et 500 AA, la principale le chert Washademoak), et on y conduisit concentration d’activités à Jemseg était des activités telles que la récolte de plantes, située plus près de la décharge de Grand la chasse, la pêche, la préparation et Lake. Le site a une fois de plus été utilisé l’entreposage d’aliments ainsi que des intensivement durant la période postérieure activités sociales et culturelles. Ces gens au Contact (après le début du XVIIe siècle). participaient également à de vastes réseaux En ce qui concerne cette époque, il devient d’interactions et d’échanges au sein difficile de discerner les activités des desquels des idées et des matières autochtones de celles des non-autochtones premières (comme les pierres servant à la qui cultivaient et entretenaient des taille des outils) circulaient. Cette période pâturages dans les parages. Néanmoins, est restée mal comprise dans la région (le comme l’indiquent les histoires orales du « Little Gap »2 de l’archéologie des volume 1, les Wolastoqiyiks ont continué de Maritimes, Turnbull 1990). Les données de camper en ces lieux, laisant derrière eux de Jemseg suggèrent que ce hiatus est en subtiles traces de leurs passages. réalité le résultat du peu de visibilité Les données récoltées durant le projet à archéologique durant cette période et d’un Jemseg nous permettent non seulement manque généralisé d’interventions d’aborder le passé dans une nouvelle archéologiques sur le terrain. Bien que le perspective, mais elles continueront de le site de Jemseg soit grand, il s’agit faire à mesure que l’information est traitée, probablement d’un des rares de la région en synergie avec l’histoire et la perspective qui soit d’une telle ampleur. Jusqu’à amérindienne, pour se développer vers de maintenant, on a simplement pas été en nouvelles narrations complémentaires sur mesure de trouver et d’investiguer un tel les anciens habitants de la Wolastoq. site.

2 [N.d.T.] Littérallement le « petit vide ».

5 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

6 Section deux NOTES DOCUMENTAIRES

Wolastoqiyik Ajemseg

Nkihtahkomikumon 2 : Le cadre environnemental

Susan Blair

Le site de Jemseg Crossing est situé au 1962, Ray 1983, Smith 1957, Speck 1915, cœur de la basse vallée de la rivière Saint- 1917 Speck et Dexter 1952, Speck et Jean (ci-après désignée BVRSJ), dans le Hadlock 1946, Stamp 1915), il s’agit d’un secteur néo-brunswickois de la Péninsule nom qui leur fut donné par les Mi’kmaqs, maritime du Nord-Est de l’Amérique du leurs voisins à l’est, et qui signifie « les Nord. La Péninsule maritime s’élance dans baragouineurs ». Au sein de leur propre le nord de l’océan Atlantique au sud de histoire orale et dans les documents l’estuaire du Saint-Laurent et se compose de ethnographiques et historiques, les l’extension septentrionale de la chaîne des Wolastoqiyiks sont fondamentalement les Appalaches (Hoffman 1955; Bourque 1992). habitants de la rivière (voir volume 1, Snow Le bassin hydrographique de la rivière 1980, Speck et Hadlock 1946). Ils ont Saint-Jean est le plus vaste de la Péninsule perfectionné la fabrication de canots maritime, en fait, le plus vaste entre celui d’écorce légers avec lesquels ils du Saint-Laurent et celui de la rivière parcouraient les innombrables ruisseaux, Susquehanna (Burke 2001, comm. pers.). lacs, étangs et marais du bassin Les êtres humains ont habité la vallée hydrographique de la Wolastoq (Butler et de la rivière Saint-Jean depuis des Hadoch 1957 : 22-23, Ganong 1983 : 22). millénaires. Le toponyme original de la En tant que patrie des Wolastoqiyiks, la rivière est Wolastoq, la « belle rivière ». Les Wolastoq (ou rivière Saint-Jean) est un Wolastoqiyik sont des locuteurs de la univers physique, social et idéologique famille linguistique algonquienne et des (voir Blair 2001). Les histoires membres du groupe culturel Wabanaki, traditionnelles racontent les origines de la avec les Mi’kmaqs, les Passamaquoddys et rivière Saint-Jean. les Penobscots (Snow 1980 : 27). Bien que Aglebe’m ... [une grenouille les Wolastoqiyiks solent souvent désignés monstrueuse] retenait toute l’eau du monde. Les rivières cessèrent de sous le terme Malécites dans les écrits couler, les lacs s’asséchèrent et les ethnographiques (Mechling 1913, McFeat gens de partout commencèrent à

9 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 2.1 : La Péninsule maritime et le bassin hydrographique de la rivière Saint-Jean (Wolastoq).

The1. Jemseg Maritime Peninsula 2. Basse1 Jemsegvallée de la rivière Saint-Jean 3. Haute2 Lowervallée de Saint la rivière John Saint-JeanRiver Valley 3 Upper Saint John River Valley 4. Baie4 de Bay Fundy of Fundy

3

1 2

4

300 kilometres

mourir de soif. En dernier recours, Le tronc de cet arbre devint la ils envoyèrent à Aglebe’m un rivière ... et les branches devinrent messager pour lui demander de les affluents ... alors que les feuilles donner de l’eau aux gens. Mais il devinrent les étangs à la tête de ces refusa et donna au messager affluents ... (Conte de l’origine de la seulement une gorgée de l’eau dans rivière Saint-Jean, raconté par Gabe laquelle il se lavait. Mais ce n’était Paul de Pilick, enregistré par Speck, même pas suffisant pour satisfaire la 1917 : 480-481). soif d’une seule personne. Enfin, un Leurs traditions orales sont remplies grand homme fut envoyé à d’histoires sur l’usage de leurs aires de Aglebe’m pour le supplier de relâcher l’eau pour les gens. chasse, de pêche et de cueillette, et le relief Aglebe’m refusa, disant qu’il en porte encore les traces de leur héros culturel avait besoin pour s’y étendre. Le ancestral, Gluskup (voir vol. 1, mais aussi messager abattit un arbre de fa on ç Blair 2001, Ganong 1896, Mechling 1914, qu’il tombe sur le monstre et le tue.

10 Wolastoqiyik Ajemseg

Speck 1917, Szabo 1985). La toponymie 1995 : 32, IWD 1974 : 2, McLeod et al. 1994). historique fournit les noms wolastoqiyiks Le climat de cette région est le plus chaud pour les ruisseaux, les rapides, les rochers, de la rivière Saint-Jean avec en moyenne les lieux de campements, les îlets, les lacs et 1700 à 1800 degrés/jours par années les étangs de tout le territoire du bassin (Dzikowski et al. 1984). Le système hydrographique de la rivière Saint-Jean. hydrographique de Grand Lake offrant près de 2200 hectares d’eaux libres agit comme LA STRUCTURE PHYSIQUE DE LA bassin calorifique en modérant les RIVIÈRE SAINT-JEAN conditions climatiques locales (DNRE 1998 : La rivière Saint-Jean est le plus vaste 12). Ce climat plus chaud, articulé avec de bassin hydrographique de la Péninsule larges plaines alluviales fertiles et de vastes maritime (Hustins 1974 : 1). Elle prend marais, crée un environnement végétal naissance à la frontière du Québec et du typique du sud de la Péninsule maritime, Maine, à une altitude de 480 m au-dessus où l’on trouve ostryers de Virginie, tilleuls du niveau moyen de la mer (ANMM). Elle d’Amérique, noyers cendrées, frênes blancs, coule en formant un arc de cercle vers l’est, frênes verts et érables argentés (DNRE puis tourne vers le sud, sur une distance 1998 : 13). totale de 675 km, avant de se jeter dans la Le dernier section de la rivière Saint- baie de Fundy (voir figure 2.1), tranchant la Jean passe à travers le bras méridional des Péninsule maritime en deux. Bien que cette montagnes du Nouveau-Brunswick: les mesure linéaire soit déjà relativement hautes terres de Caledonia. Tout comme les grande, la véritable ampleur de la rivière hautes terres de Miramichi, ces roches Saint-Jean se mesure par la superficie géologiquement complexes créent une qu’elle draine, soit environ 55 000 km2 on topographie plus marquée. Celles-ci carrés (Hustins 1974 :1). incluent des lits intercalés de felsites et de Le site de Jemseg Crossing est situé mafites, des zones de roches sédimentaires dans la portion inférieure de la rivière siliclastes composées de mudstones rouges, Saint-Jean. Dans le tronçon inférieur de son de grès rouges et de conglomérats, ainsi que parcours, la rivière s’élargit, ses berges sont de roches sédimentaires non calcaires en pente douce et elle présente de vastes (Colpetts et al. 1995 : 32, McLeod et al. plaines d’inondation. Les basses élévations 1994). À son embouchure, la rivière Saint- de cette région (rarement plus de 150 Jean est étranglée par la gorge des Chutes ANMM) dérivent d’un sous-sol de roches réversibles (Reversing Falls). Cette sédimentaires, calcaires ou non, d’âge particularité topographique unique paléozoïque supérieur. Ce sont des influence fortement la dernière section de la formations peu plissées et compactées de rivière. Ce fut jadis de véritables chutes. À grès, de shales et de conglomérats gris et la suite du relèvement isostatique, la côte feldspathiques, sédimentées en eaux méridionale du Nouveau-Brunswick a vu le continentales et saumâtres (Colpitte et al. niveau marin s’élever au cours de la plus

11 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 grande partie de l’holocène (Grant 1975). À rivière Saint-Jean peut accumuler un moment donné, vraisemblablement périodiquement un énorme volume d’eau durant la première moitié de l’holocène, le en période de crue. Annuellement, à la seuil de ces chutes fut dépassé par le niveau fonte des neiges au printemps, une des marées hautes de la baie de Fundy. Les inondation survient, connue localement amplitudes de marées de la baie de Fundy sous le terme « the Freshet ». Étant donné sont parmi les plus grandes au monde, que la baie de Fundy ne gèle pas durant principalement en raison de sa l’hiver, le climat régional a une forte morphologie. Quand le débit de la rivière influence maritime, ce qui résulte en des Saint-Jean passe à travers la gorge, à marée étés plus frais et des hivers plus doux, et ce basse, le seuil à sa sortie marque une légère ci produit souvent d’épais bancs de baisse d’altitude, ce qui produit des rapides. brouillard côtier. Cette région est située sur Au cours de la marée haute, les eaux la voie des orages du sud-est le long de la marines de la baie de Fundy dépassent cette côte atlantique, augmentant les taux de élévation et refoule dans la rivière avec précipitation. Le climat maritime frais presque autant de puissance. Récemment, favorise une forêt dominée par les ce phénomène est devenu une attraction conifères, constituée de parcelles touristique nommée les Chutes réversibles discontinues de forêt boréale et décidue (the Reversing Falls). Même si le marnage mixte (DNRE 1998 : 10-11). dans la rivière Saint-Jean est bien inférieur à La totalité de la rivière Saint-Jean fut celui de la baie de Fundy, l’influence de la englacée au cours de la dernière glaciation. pénétration d’eaux marines se fait sentir Une épaisse couverture de till glaciaire loin à l’intérieur avec des effets qui forme la plus grande partie des matériaux diminuent graduellement jusqu’à 140 km meubles, composés de sables limoneux et en amont. Dans la rivière Jemseg, devant le graveleux avec des galets et des blocs issus site de Jemseg Crossing, l’amplitude fait généralement du substrat rocheux. La moins d’un mètre. vallée de la rivière Saint-Jean présente La salinité de l’eau dans le cours partout des formes de relief résultant de la inférieur de la rivière augmente vers glaciation, soit des terrasses, des deltas, des l’embouchure, à partir d’une eau presque plaines d’épandage, des eskers et des complètement douce en amont de moraines. Une bonne partie de la vallée est Fredericton (environ 100 km de remplie de matériaux meubles dérivés du l’embouchure) à une stratification d’eaux pléistocène et, dans la plupart des endroits, saumâtres et salées à Grand Bay et dans la le cours actuel de la rivière ne les a que baie de Kennebecasis. La gorge des Chutes partiellement entamés. La vallée présentait, réversibles limite la décharge à un en certains endroits, des lacs glaciaires qui maximum de 60 cm de débit par semaine, ont déposé d’épaisses couches d’argile indépendamment des marées (SJRBB 1972). glacio-lacustres (Rampton et al. 1984, Il en résulte que le cours inférieur de la Jeandron et Dickinson 1999, Kite 1982).

12 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 2.2 : Le bassin hydrographique de la basse vallée de la rivière Saint-Jean. Les chiffres désignent les bassins hydrographiques des affluents et les lettres désignent des routes de portage connues vers d’autres rivières et régions.

I B A

J

C

1

7

H

2 D

SiteJemseg de CrossingJemseg site 6

5

3 G F

E 4

E

1:1. Grand bassin deLake/Salmon Grand Lake et River de la rivièresystem Salmon A: ToA. Cains vers la River rivière & Cains Miramichi et l’estuaire de la Miramichi 2:2 .Washdemoak bassin du lac Washdemoak Lake/Caanan et de River la rivière system Caanan B: ToB Richibucto. vers la rivière River Richibucto & Northumberland et le détroit de NorthumberlandStrait 3:3 .Kennebecasis bassin du lac et systemde la rivière Kennebecasis C: ToC Bouctouche. vers la rivière River Bouctouche & Northumberland et le détroit de NorthumberlandStrait N 4:4 .Coastal/Musquash bassin côtier et de la Riverrivière systemMusquash D: ToD Petitcodiac. vers la rivière River Peticodiac & Nova et la Scotia Nouvelle-Écosse 5:5 .Nerepis bassin de River la rivière system Nerepis E: AlongE. le coastlong de to la Nova côte de Scotia la Nouvelle-Écosse & et du golfe du Maine 6:6 .Oromocto bassin de la River rivière system Oromocto F: To FPeltoma. vers le lac Lake, Peltoma, Piskahegan la rivière RiverPiskahegan & Bay et la of baie Fundy de Fundy 7:7 .Nashawaak bassin de la rivière River Nashawaak system G: ToG Cranberry. vers le lac Lake,Cranberry, Lepreau la rivière River Lepreau & Bay et la of baie Fundy de Fundy H: Upriver to Middle Wolastoq & Tributaries 10 0 10 20 30 kilometreskilomètres H. vers l’amont de la rivière Wolastoq et ses affluents I: To NapudoganI. vers Napudogan, into leMiramichi lac et l’estuaire Lake de estuary la Miramichi J: To TaxisJ. vers laRiver rivière & Taxis to Miramichi et l’estuaire deestuary la Miramichi 13 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Certains ont pensé que les « Grand Lake L’exploitation peut se concentrer sur les Meadows », de vastes prairies humides et ressources non organiques comme fertiles au nord et à l’ouest du site de l’outillage lithique, les métaux natifs et les Jemseg Crossing, se sont formés sur de tels minéraux, comme l’ocre, et sur les dépôts d’argile (Choate 1973). ressources organiques comme les matériaux La BVRSJ se compose d’un petit d’origine végétale ou animale pour la nombre de zones écologiques, d’habitats et nourriture, l’outillage, l’habitation, les de formes de relief (voir la figure 2.2). Ce cordages et les médicaments. De façon secteur est formé de huit affluents majeurs, générale, nous caractérisons les activités un marais salant, onze grandes étendues d’extraction des ressources selon trois d’eau (surtout des lacs), trois systèmes ensembles : la cueillette, la pêche et la marécageux majeurs, des plaines boisées chasse. humides et fraîches et une périphérie élevée La cueillette boisée. Il diffère significativement de la Les activités de cueillette consistent en moyenne et haute vallée de la rivière Saint- la récolte de plantes pour l’alimentation, la Jean par trois attributs importants. pharmacopée et la fabrication d’outils (1) L’influx des eaux marines crée (cordages, récipients, habitations et canots). un estuaire qui pénètre À partir de relevés ethnographiques locaux profondément à l’intérieur des et régionaux (Adney 1944, Chandler et al. terres. 1979, Erichson Brown 1979, Mechling 1911, (2) L’étranglement de la rivière à Petersen 1977, Speck 1915, Speck et Dexter son embouchure crée une vaste 1952, Van Wart 1948) et de la disponibilité plaine d’inondation. au sein de basse vallée de la rivière Saint- (3) Sur la totalité du bassin Jean (Hinds 1986, 1999), j’ai accumulé des hydrographique de la rivière références sur plus de 165 plantes ayant une Saint-Jean, 90 % des grandes utilité alimentaire, 37 plantes à usage étendues d’eau se retrouvent médical connu et 28 plantes utilisées pour dans la basse vallée, ce qui fabriquer des outils. J’ai été informée que affecte le climat en captant et les aînés wolastoqiyiks conservent et entreposant la chaleur estivale. entretiennent précieusement les Ces trois phénomènes accroissent la connaissances sur plusieurs autres plantes productivité écologique de la BVRSJ. La ayant des propriétés médicinales et autres. combinaison de basses terres, de marais, de Certaines de celles-ci sont abordées dans le lacs ouverts, de rivières à écoulement libre volume 1 de ce rapport. Dans ce volume, je et d’une incursion marine crée un veux souligner le lien potentiel et réel environnement diversifié et hautement unissant les Wolastoqiyiks et leurs ancêtres productif pour les ressources organiques à une variété de ressources végétales (alimentation, matériaux, pharmacopée). hautement productives. Toutefois, je

14 Wolastoqiyik Ajemseg reconnais le souci des détenteurs de Si le potentiel n’équivaut pas à l’usage, connaissances traditionnelles de les archéologues qui utilisent la théorie de sauvegarder les connaissances et d’éviter l’exploitation optimale favorisent la l’exploitation de ces ressources par le public considération de ressources ayant un non autochtone. J’ai donc choisi de ne pas potentiel nutritionnel significatif dans leurs détailler les plantes potentiellement modèles de subsistance et d’acquisition des médicinales. Il faut cependant noter que les ressources (Winterhalder et Smith 1981). Wolastoqiyiks détiennent des connaissances Nonobstant les considérations de la théorie sur les vertus médicinales d’un large de l’exploitation optimale, nous devrions éventail de plantes (Mechling s.d., Perley faire attention avant de rejeter l’importance 2000 : comm. pers., Speck et Dexter 1952). des ressources végétales dans la diète des Les plantes ayant un potentiel groupes précédant le Contact sans prendre alimentaire incluent les arbres et arbustes à en considération le potentiel d’ensemble noix (4 espèces), les plantes annuelles à des environnements locaux. De plus, graines (10 espèces), les plantes aquatiques plusieurs de ces plantes ont des usages à tubercules, racines ou bulbes féculents (16 répertoriés dans les documents espèces), les plantes à petits fruits (42 ethnographiques et ethnohistoriques tout espèces), les plantes dont les germes, les en ayant été également trouvées dans des feuilles ou les tiges sont consommés comme contextes archéologiques de la région. Les légumes (30 espèces), les champignons (au plantes sauvages alimentaires des moins 4 espèces) et une variété d’autres Wolastoqiyiks habitant près de Woodstock plantes dont certaines parties peuvent comprenaient les têtes-de-violon, l’ail servir en tisanes ou aliments d’urgence. civette, les « artichauts sauvages » (sceau- Toutefois, ce n’est pas l’ensemble de ces de-Salomon ?), le bulbe de l’ail doux, le plantes qui a le potentiel de contribuer « navet sauvage » (apios d’Amérique), les significativement à la diète des cueilleurs de racines rouges de polypode de Virginie (une la période précédant le Contact. Elles fougère), les racines de nénuphar, l’atocas, peuvent être classées selon leur le gros atocas, le prunier Chickasaw, le thé productivité (la quantité de nourriture que des bois, le petit thé, la mûre, la fraise, le procure un seul plant), leur densité (la bleuet et la sève d’érable (Smith 1957 : 5). quantité de plants au sein d’une aire Les sites archéologiques de la Péninsule donnée), leur disponibilité (quantités maritime ont également documenté la communes dans la région et période au valeur des plantes dans la diète des cours de laquelle elles peuvent être populations avant le Contact. Parmi celles- récoltées) et la facilité de leur collecte et de ci, on trouve le noyer cendré (Monckon leur transformation. À l’aide de ces 1997), l’apios tubéreux (Leonard 1996), les paramètres, j’ai dressé une liste des pruniers sauvages (spécialement le prunier principales espèces de plantes possibles noir (Deal et al. 1991, Gorham 1943, Hinds (tableau 2.1). s.d., 1986, Leonard 1996), ainsi que

15 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Tableau 2.1 : Les ressources végétales de la basse vallée de la rivière Saint-Jean qui ont une valeur significative dans l’alimentation humaine (les noms wolastoqiyiks sont tirés de Hinds 1999).

Type Nom français Nom latin S* Nom wolastoq'kew Noix Noyer cendré (noix longue) Juglans cinerea A Pokanewimus Noisetier à long bec Corylus cornata A Malipokansimus Chêne à gros fruit Quercus macrocarpa A Wahcilomoss Chêne rouge Quercus rubra A Asahqahawimus, Olonikp Hêtre à grande feuille Fagus grandifolia A Mihihqimus Graines Amphicarpe bractéolé Amphicarpa bracteata A Riz sauvage Zizania palustris DA

Racines Belle-angélique Acorus calamus P Kiwohossuwasq aquatiques** Brassénie de Schreber Brassenia schreberi A Quenouille Typha spp. T segidebigakde’gil Nymphéa ororant Nymphaea odorata A ‘Samaqani pesqahsuwehsok Sagittaire gramidoïde Sagittaria graminea Sagittaire latifoliée Sagittaria latifolia A Amande de terre Cyperus esculentus A Sagittaire cunéaire Sagittaria cuneata A Grand nénuphar Nuphar luteum variegatum A Pskeht(iyil) Racines Apios tubéreux Apios americana T Ktahkitom terrestres** Sceau-de-Salomon Polygonatum pubescens T Berce Heracleum maximum A Paqolus Maianthème Maianthemum racemosum P Amuwiminik(ol) Sève Érables Acer spp. P Sonaw Fruits Prunier noir Prunus nigra A Mehqewicik Cerisier de Pennsylvanie Prunus pensylvanica A Masqesiminok Cerisier tardif Prunus serotina A Oluwininol Sureau blanc Sambucus canadensis É Saskibimos Gadelier américain Ribes americanum É Groseiller hérissé Ribes hirtellum É Katesiminaks Framboisiers Rubus spp. É Saqtemin, Minsoss, Sosoqimins(ok) Gros atoca Vaccinium macrocarpon FA Bleuet Vaccinium angustifolium A Petit atoca Vaccinium oxycoccus A Sun-un-ul Airelle vigne-d’Ida Vaccinium vitis-idaea A Sihkimin(ol) Bois d’orignal Viburbum lantanoides A Otuhkimus Pimbina Viburbum americanum A Ipimin(ol) Vigne des rivages Vitis riparia A Al-ag-wi-min-ul

Verdures Fougère-à-l’autruche Matteuccia struthiopteris P Mahsus (tête-de-violon) *Saison d’usage P=printemps, É=Été, DA=début d’automne, A=automne, FA=fin d’automne, T=toute l’année ** = inclut les tubercules, les rhizomes, les racines et les bulbes 16 Wolastoqiyik Ajemseg plusieurs baies et graines (Rubus sp., s’avérer la solution à la compréhension de Fragaria sp., Vaccinium sp., Ribes sp., l’importance des plantes dans les Sambucus sp., Mitchella repens [pain de économies régionales (Deal 1990, Deal et al., perdrix], Cornus canadensis [cornouiller du Deal et Silk 1988). Canada] et Polygonum sp. (Deal 1998 : 6). Dans une perspective saisonnière, l’une La conservation de ces restes dans les ou l’autre des ressources alimentaires sites archéologiques est cependant végétales de la basse vallée de la rivière fortement biaisée en faveur des éléments Saint-Jean est disponible durant l’année. Au carbonisés (soit accidentellement ou à cause début du printemps, souvent en mars, la de la préparation ou du rejet) ou encore en sève d’érable qui était entreposée dans les faveur des plantes qui présentent des racines en hiver commence à monter vers parties résistantes, comme les graines et les les branches et les bourgeons. Les écales de noix. La récupération par Leonard Wolastoqiyiks récoltaient cette sève à l’aide d’un vase contenant des fragments d’apios de chalumeaux de bois et de récipients tubéreux a été rendue possible par d’écorce, puis la transformaient en briques d’heureuses conditions de conservation et de sucre (Buttler et Hadlock 1957 : 18-19). par l’habileté dont a fait preuve Leonard Ensuite, alors que la neige fondait, on pour reconnaître sur le terrain les récoltait les pousses des premières verdures tubercules carbonisés. Il est difficile (spécialement celles de la fougère à d’imaginer comment on aurait pu récolter l’autruche, communément appelées les des indices d’autres ressources végétales têtes-de-violon, mais également de la importantes, comme par exemple la sève quenouille et d’autres) et les rhizomes (de d’érable, avec les techniques actuelles de belle-angélique et de maïanthème). Les terrain. Les travaux récents d’analyse des pousses et les verdures peuvent être aussi résidus par Deal et ses collègues pourrent récoltées durant l’été alors que les épis, les

Tableau 2.2 : Les matières végétales utilisées pour l’outillage (les noms wolastoqiyiks sont tirés de Hinds 1999). Nom français Nom Latin Nom Wolastoq’kew Thuya occidental Thuja occidentalis Kakskus Chanvre du Canada Apocynum cannabinum Scirpe vigoureux Schoenoplectus tabernaemontani* Jonc épars Juncus effusus Quenouille (typha à feuilles larges) Typha latifolia Pkuwahqiyasq Tilleul d’Amérique Tilia americana Olonikp Ammophile à ligule courte Ammophila breviligulata Frêne blanc Fraxinus americana Akomahq Frêne noir Fraxinus nigra Wikp Frêne rouge Fraxinus pennsylvanica Sonutamkiyey Bouleau à papier Betula papyrifera Masqemus *anciennement Scirpus lacustrus 17 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 tiges et le pollen des quenouilles etc. (Speck et Dexter 1952). Le frêne a complémentent les baies estivales (fraises, encore aujourd’hui un rôle important dans sureau, gadelles, groseilles et framboises). la vannerie des Wolastoqiyiks. Les plantes terrestres exploitées pour leurs Le matériau organique prééminent a racines, dont le sceau-de-Salomon et l’apios cependant vraisemblablement été l’écorce tubéreux, peuvent être récoltées à l’année de bouleau à papier. Comme on l’a vu mais elles sont plus faciles à cueillir dans la précédemment, ce matériau était à la base fraîcheur humide des sols d’été. Au début d’un système technologique de la période de l’automne, les grains de riz sauvage et du Contact qui mettait en scène, entre d’amphicarpe bractiolé mûrissent et les autres, la construction de canots et la racines des plantes aquatiques se fabrication de récipients, de vêtements, remplissent d’amidon, ce qui améliore leur d’ustensiles et de moyens d’entreposage valeur nutritive. Ces aliments peuvent être (Butler et Hadloch 1957, Amin 1979). récoltés durant l’automne et l’hiver et Enfin, nous avons déjà noté que les même au début du printemps en période de propriétés chimiques et pharmacologiques disette. D’autres fruits mûrissent à des plantes étaient bien connues des l’automne, dont les prunes, les cerises, les Wolastoqiyiks. Non seulement utilisai on bleuets, les raisins et les atocas. Plusieurs les plantes pour leurs qualités tinctoriales des plantes apparentées aux atocas ou tanniques, mais on exploitait aussi leurs retiennent leurs fruits durant l’hiver, intérêts médicinaux (Perley 2001, comm. fournissant alors un supplément pers., Chandler et al. 1979, Mechling 1911, alimentaire à la fin de l’automne (Petersen Speck et Dexter 1952, Stewart 1979, Van 1977 : 222). En octobre et novembre, les noix Wart 1948). Ces plantes exigeaient des et graines mûrissent et certaines d’entre- stratégies de récolte spécialisées. Les elles offrent de substantielles récoltes. objectifs d’une collecte de plantes Les activités de cueillette concernent médicinales peuvent être d’acquérir de aussi les plantes qui servent de matériaux petites quantités d’espèces réparties dans de fabrication et de construction (tableau une grande aire géographique où dans des 2.2). Harper (1956) et Whitehead (1987) ont endroits uniques. Contrairement à la trouvé des indices d’une industrie de cueillette de nourriture, la quantité n’est pas cordages et de fibres précédant le Contact et nécessairement l’objectif étant donné que qui utilisaient l’encorce de thuya, le chanvre les propriétés pharmacologiques des du Canada, les roseaux et les joncs, la plantes peuvent diminuer avec le temps. En quenouille, le tilleul et l’ammophile (Deal d’autres termes, elles ne se conservent pas 1998, voir aussi Petersen 1990). On utilisait toujours bien. De plus, un bon degré de une variété de bois francs et tendres comme précision est souvent requis en ce qui éléments structuraux d’habitations, concerne l’identification et les méthodes de d’engins de pêche et de canots, de collecte, ce qui nécessite de bonnes raquettes, manches d’outils, hampes, armes, connaissances et de l’expérience. Bien que

18 Wolastoqiyik Ajemseg la collecte des plantes médicinales ait pu des mammifères aquatiques, des oiseaux faire partie des activités de subsistance (spécialement la sauvagine) et des reptiles (selon le point de vue de Binford (1979) sur (voir tableau 2.3). Même si des mollusques l’acquisition des ressources lithiques), elle a d’eau douce sont disponibles (surtout les pu également être entreprise de façon moules et autres bivalves), ils privée ou personnelle par des spécialistes n’apparaissent pas dans les assemblages des herbes et de la médecine. fauniques des sites archéologiques et ils n’étaient pas considérés comme nourriture La chasse selon les documents ethnographiques Il y a de nombreuses proies animales (Speck et Dexter 1952 : 3). Tous les grands possibles au sein de la BVRSJ. Elles incluent mammifères terrestres servaient de de grands et petits mammifères terrestres,

Tableau 2.3 : Les oiseaux, mammifères et reptile de la basse vallée de la rivière Saint-Jean pouvant servir de nourriture (les noms wolastoqiyiks sont tirés de Chamberlain 1899 et Speck et Dexter 1952). Nom français Nom latin Nom wolastoq’kew MAMMIFÈRES Orignal Alces alces mus Caribou des bois Rangifer tarandus caribou muk-a’-lip Cerf de Virginie Odocoileus virginianus hût’-tok Ours noir Ursus americanus mu’-win, mu’-in Rat musqué Ondatra zibrithicus kai-u’-hûs Castor Castor canadensis. kwa-pit’ Porc-épic Erethizon dorsatum ma-tu-wês’ Lièvre d’Amérique Lepus americanus ma-tû-kwês’ Loutre de rivière Lutra canadensis ki-u-nik’ Martre d’Amérique Martes americana tchi-a-kës Pékan Martes pennanti pûk-ûmk’ Marmotte Marmota monax Raton laveur Procyon lotor ês’-pûnts OISEAUX Gélinotte huppée Bonasa umbellus Tétras du Canada Dendragapus canadensis Tourte Ectopistes migratorius Bécassine des marais Gallinago gallinago Bécasse d’Amérique Scolopax minor Canard noir Anas rubripes Canard branchu Aix sponsa Garrot à oeil d’or Bucephala clangula Morillon à collier Aythya collaris Bernache du Canada Branta canadensis REPTILE Chélydre serpentine Chelydra serpentina 19 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 nourriture aux Wolastoqiyiks, comme certaines formes d’origine glaciaire comme l’orignal, le caribou des bois, l’ours noir et les eskers et les moraines servent de la le cerf de Virginie. Les trois premiers étaient même manière. Ces animaux ont pu être vraisemblablement les plus importants plus facilement chassés durant cette période économiquement durant les temps anciens. de l’année, probablement à l’aide de canots. La population de cerfs de Virginie a Bien que leur valeur protéique était augmenté au cours de la période récente en sans doute une considération de base, les raison des méthodes modernes de coupe de animaux fournissaient aussi d’autres bois. C’est cette même raison qui explique ressources. On a mis au jour dans des la disparition du caribou de toute la partie contextes archéologiques de bonne méridionale et centrale de la Péninsule conservation organique, spécialement dans maritime. Certaines mentions les amas coquilliers côtiers, de l’outillage en ethnographiques semblent suggérer que le os tel que des harpons, des hameçons, des caribou fut le grand mammifère le plus incisives de castor fixés sur des manches en important pour les Wolastoqiyiks (Smith andouiller (en tant que couteaux croches), 1957 : 4). Contrairement à son cousin ainsi qu’une variété de poinçons et nordique, le caribou des bois s’assemble en d’aiguilles (Black 1992, Bourque 1995, petits troupeaux de 10 à 50 individus. Il est Sanger 1987). Speck et Dexter relatent tout de même plus grégaire que l’orignal l’usage des autres parties des animaux : comme le souligne Snow: « Si quelques « Le caribou des bois, l’orignal et le cerf de Virginie taient les chasseurs peuvent poursuivre un orignal é ongulés importants qui servaient de dans la neige profonde et le tuer quand nourriture et fournissaient les peaux l’animal s’épuise, les caribous peuvent être pour les vêtements et les abris. La capturés plusieurs à la fois, en embuscade peau d’orignal servait à la fabrication de canots, de mocassins le long des sentiers connus, par une bande et de vêtements. Des intestins, on de chasseurs » (1980 : 46). Ces cervidés tirait la babiche pour les raquettes hivernent dans les vieilles forêts denses où mais aussi, on les nettoyait, les ils se nourrissent de lichens. En été, ils se séchait et les entreposai comme aliment d’hiver. On faisait de la déplacent vers les environnements ouverts broderie sur les étuis et récipients en des plateaux et sommets (Miller 1992, CWS cuir à l’aide de poils d’orignal. Les 2001). Bien que Snow suggère une saison de peaux de ces grands animaux chasse hivernale, cela n’a peut-être pas été servaient à fabriquer des sacs et contenants de toutes sortes et le cas dans la basse vallée de la rivière parfois, la peau complète d’un Saint-Jean. L inondation printani re, le ’ è animal devenait une poche. L’ours « freshet », force fréquemment des orignaux noir était également l’objet d’usages et cerfs épuisés à trouver refuge sur les multiples, c’est-à-dire la chair comme nourriture, a peau et la légères élévations de la plaine d’inondation. fourrure comme vêtements et abris, De nous jours, cela correspond les intestins comme cordes d’arc, les généralement à l’autoroute locale, mais dents et griffes comme éléments de

20 Wolastoqiyik Ajemseg

collier et décoration, et les os repos dans leur migration vers le nord alors comme grattoirs » (1952 : 3). que d’autres, spécialement les canards noirs Parmi les petits mammifères, dont le rat et branchus, les garrots à œil d’or et les musqué, le castor, le porc-épic, le lièvre morillons à collier, viennent dans les marais d Am rique, la loutre de rivi re, la martre, ’ é è du centre de la BVRSJ pour se reproduire et le pékan, le raton laveur, la belette et les nicher. Autant les oiseaux que leurs œufs petits rongeurs tels que les écureuils, c’est le ont dû fournir de la nourriture à ce rat musqu qui s av rait le plus important é ’ é moment. Les oiseaux migrateurs se pour les Wolastoqiyiks. Non seulement rassemblent aussi dans la région à tient-il un rôle dans plusieurs de leurs l’automne. Bien que les grands mammifères contes, mais les Wolastoqiyiks étaient aient été préférablement chassés l’automne appelés les mangeurs de rats musqués par au moment où ils sont le plus gras, il est les Abénaquis (Mouskouaseaks, Speck et possible qu’on ait aussi capturé les Dexter 1952: 3) et les Mi kmaqs ’ individus pris par les innondations au (Kuuswekitchinuuk, Wallis et Wallis 1955 : printemps. Snow (1980) a suggéré que le 47, Burke 2000 : 19). Les Wolastoqiyiks caribou des bois était chassé dans ses chassaient aussi les oiseaux et récoltaient quartiers d’hiver, mais il nous paraît leurs œufs (Speck et Dexter 1952). Ils possible qu’on les ait chassés lors de leurs convergeaient souvent leurs efforts sur les déplacements saisonniers le long des oiseaux aquatiques migrateurs, mais sentiers, entre leurs quartiers d’hiver et les capturaient aussi gélinottes et tétras (Smith pâturages d’été, et aussi au printemps 1957 : 4), tourtes (esp ce aujourd hui è ’ durant la mise bas. Certains comportements éteinte), et bécasses et bécassines (Speck et de chasse rapportés ethnographiquement Dexter 1952 : 3). Enfin, Speck et Dexter ont pu être le résultat d’interactions rapportent que l’on exploitait aussi la économiques avec les Européens durant ou chélydre serpentine (tortue hargneuse) et après la période du Contact, surtout en ce ses œufs (1952 : 3). qui concerne les chasses d’hiver d’animaux Bien que certaines de ces espèces à fourrure. Comme plusieurs petits animales aient été omniprésentes dans leur mammifères se trouvent de façon répartition géographique et saisonnière, omniprésente dans l’espace et au cours plusieurs se regroupent au même endroit l’année, ils ont pu être l’objet de chasses ou sont disponibles à des périodes opportunistes à tous moments. particuli res durant l ann e. De telles è ’ é Traditionellement, les Wolastoqiyiks répartitions sont des indices pour de chassent le rat musqué pour la nourriture et possibles modèles d’exploitation la fourrure au printemps lorsqu’ils sont saisonnière. Au printemps, un grand évacués de force hors de leurs terriers par nombre d oiseaux migrateurs se ’ les innondations (K.Perley, comm. pers.). rassemblent dans la BVRSJ. Certains de ces oiseaux utilisent la région comme aire de

21 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

à juin

à juin

l’année à

Notes

au printemps

re St-Jean supérieur de la rivière

Pêche d’hiver

re Saint-Jean de la rivière

Grand Lake Grand

au printemps

.

A C C1 Frai de fin mai à juin, haut de l’estran

Type Valeur Disp

A I P Montaison de frai fin mai

D B P de Grand Lake Dans le système hydrogr.

A CM C Montaison de frai fin mai à juin

D B P en hiver Dans lacs peu profonds

D B Cruisseaux et lacs Partout,

D I R Commun seulement dans le cours

D B C Partout, lacs et ruisseaux

A B C Bonne population permanente dans

A B C Dans Grand Lake et H.E.**, montaison

C CM C Partout, D B C Saint-Jean et Grand Lake. Dans la rivière

D B POromocto Dans la rivière D B C Saint-Jean et Oromocto Dans les rivières D B C Partout

Grande lamproie marineGrande lamproie A I C Esturgeon à museau courtEsturgeon A C C Frai printanière Esturgeon noir Esturgeon Alose d’été Alose Gaspareau Alose savoureuse A C C Montaison de frai fin mai Corégone de lac D B C dans le GL*&Wash* Montaison en octobre Saumon atlantiqueSaumon A CM C1d’été et automne Montaison Omble de fontaine AD B C1 Montaison en octobre Touladie

Éperlan d’Amérique A B C Pêche d’hiver sur glace, montaison

Meunier rouge

Meunier noir Meunier

Méné de lac Barbotte brune

Poulamon atlantiquePoulamon A B C et janvier à l’embouchure décembre en Frai

Bar-perche

Bar rayé Bar

Crapet rouge

Anguille Lotte

Crapet-soleil

Chabot visqueux D I C Partout

Nom wolastoq’kewNom français Nom

pa’-si-kûs

si-kwûn-ûm-ekw’ ûm-sam’

pû-lam’ sko’-tûm

sû-mel’-sis

ki-kamkw’

pû-nâp-skwês’ mû-te-pes’

kat

po-ka’-kûn

mûk-ak’

at’-sak-wa’-lus Perchaude

Nom latin Nom Petromyzon marinus Petromyzon Acipenser brevirostrum Acipenser oxyrhynchus Alosa aestivalis Alosa pseudoharengus Alosa sapidissima Coregonus clupeaformis Coregonus Salmo salar Salvelinus fontinalis Salvelinus Salvelinus namaycush

Osmerus mordax Osmerus

Catostomus catostomus

Catostomus commersoni

Couesius plumbeus Ictalurus nebulosus Ictalurus

Anguilla rostrata

Microgadus tomcod Microgadus

Morone americanus Morone

Morone saxatilis Morone

Lepomis auritus Lepomis

Lota lota

Lepomis gibbosus Perca flavescens Perca

Tableau 2.4a : Les ressources halieutiques du cours inférieur de la rivière Saint-Jean (tiré de Gorham 1970, Meth 1971, Scott 1967, Scott et Saint-Jean (tiré de Gorham halieutiques du cours inférieur de la rivière 2.4a : Les ressources Tableau : A=anadrome, C=catadrome, D=d’eau douce, M=d’eau salée Type Valeur : I=inconnue/pauvre, B=bonne valeur, C=valeur commerciale historique connue, CM=valeur commerciale historique majeure historique connue, CM=valeur commerciale C=valeur commerciale B=bonne valeur, : I=inconnue/pauvre, Valeur Crossman 1973, Chamberlain 1899 et Speck et Dexter 1952). Crossman des barrages, P=peu commun, R=rare Disponibilité : C=commun, C1=commun avant la construction *GL&Wash=Grand Lake system et lac Washademoak *GL&Wash=Grand rieure de la marée (haut de l’estran) ** H.E.=partie supérieure

Cottus cognatus Cottus

22 Wolastoqiyik Ajemseg

La pêche Plusieurs mentions ethnographiques des Wolastoqikiks sur l’acquisition de la nourriture commencent avec la pêche (Speck et Dexter 1952 : 3) et il est clair que les poissons ont constitué une part significative du régime alimentaire des habitants de la BVRSJ. Smith souligne que tous les poissons du tronçon central de la rivière Saint-Jean étaient jadis consommés, dont le bar rayé, l’esturgeon, le saumon, le gaspareau, le corégone, l’anguille, l’éperlan et la truite (Smith 1957 : 6). À cette liste, Speck et Dexter (1952 : 3) ajoutent l’alose et le bar-perche. La variété des environnements aquatiques de la BVRSJ offre des habitats pour une grande diversité de poissons, incluant onze espèces

MIR anadromes, une espèce catadrome, douze espèces d’eau douce et une variété de ménés, naseux, fondules et épinoches qui ont pu servir soit d’appât ou de nourriture.

fossettesà M I P écureuil M B C De plus, les ressources halieutiques du bas estuaire ont une composante marine car les

épineuse M I P deux tiers supérieurs de l’estuaire sont

Aiguillat commun M I P

Raie Alose tyran Alose

Morue francheMorue M I P

ée Stromat Sébaste atlantique M I R Grosse poule de merGrosse M Ientièrement R d’eau douce alors que le tiers inférieur est de plus en plus salé vers l’aval, résultante directe de la pénétration des marées. Cette eau saumâtre forme une strate de surface, de profondeur variable (de 5 à 20 m), audessus des eaux profondes

p

û et plus salées du Long Reach et de la baie

sik-lat’ h

Nom wolastoq’kew Nom français Typ Val Dis Notes

pêl-kwakw’-sit atlantique Hareng M I R nûk-mekw’ kul-pa’-pe-ki’-kûn-ûs Merluche Kennebecasis (Meth 1971 : 2). Cette situation permet à certaines espèces marines de pénétrer régulièrement dans le bas estuaire où on peut les capturer (neuf espèces, ainsi que plusieurs autres espèces rares, voir tableau 4.4, Meth 1971, Trites 1960). Les poissons anadromes qui font de

Nom latin

VISITEURS MARINS Squalus acanthias Squalus Raja radiata

Tableau 2.4b : Ressources halientiques exploitables dans la rivière du Bas-Saint-John (de Gorham 1970, Meth 1971, Scott 1967, et Scott et du Bas-Saint-John (de Gorham halientiques exploitables dans la rivière 2.4b : Ressources Tableau Croxxman 1973, Chamberlain 1899 et Dexter 1952). Croxxman

Brevoortia tyrannus Brevoortia Clupea harengus Gadus morhus Urophycis chuss Urophycis Peprilus triacanthus Sebastes marinus Cyclopterus lumpus (Les abréviations utilisées au tableau 2.4b sont les mêmes que celles utilisées au tableau 2.4a)

23 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 grandes remontées saisonnières prévisibles harponnaient également les anguilles, mais (surtout le bar rayé, l’anguille, le saumon le plus souvent ils les attrapaient dans des atlantique, les esturgeons, le gaspareau et nasses ou des coffres (kadewi-galhi-gan) l’aloze) ont été importants dans l’histoire faits d’éclisses de bois (Speck et Dexter des habitants de la BVRSJ et ont été à la 1952 : 3). Les Wolastoqiyiks ont développé base de pêcheries commerciales jusqu’aux des méthodes spéciales pour attraper temps modernes (Meth 1971, voir tableau l’esturgeon noir. Bien que ce poisson ne se 4.4). Des archéologues ont suggéré que dans présente pas de façon aussi abondante que le nord-est, le saumon n’a jamais été la d’autres poissons de montaison, ils sont de ressource d’importance qu’il a été sur la grandes dimensions (jusqu’à 4 m de long) et côte ouest du continent en raison de un seul individu peut fournir des centaines différences biologiques entre le saumon de de livres de viande. C’est en utilisant une l’Atlantique et les espèces du Pacifique torche (pu’segwo-n) en canot la nuit qu’ils (Carlson 1988). Cela paraît vraisemblable, attiraient l’esturgeon à la surface où il était du moins dans le contexte de la rivière harponné et patiemment épuisé (Butler et Saint-Jean, étant donné que le saumon n’est Hadlock 1957 : 30-31). qu’une des nombreuses espèces anadromes Les Wolastoqiyiks capturaient les abondantes et prévisibles. Au lieu d’une poissons d’eau douce et de rivière à l’aide seule montaison saisonnière de grande d’autres techniques de pêche dont des ampleur, la basse vallée de la rivière Saint- épuisettes (azahi’gan), des filets (hap), des Jean est le théâtre de montaisons multiples, hameçons (pki’ekan ou ûm-ki’-kûn) et des d’ampleurs et de durées variables (voir plus lignes (ûm-ki-kû-nap’) (Chamberlain 1899, loin). Speck et Dexter 1952). Ils utilisaient aussi L’ethnographie et la tradition orale ont cette dernière technique pour la pêche sur permis d’enregistrer de nombreuses glace du poulamon atlantique, l’éperlan et méthodes de pêche et une bonne diversité la merluche écureuil qui se rassemblent d’engins de pêche spécialisés. Au cours des durant le frai hivernal dans le bas estuaire. montaisons saisonnières, les Wolastoqiyiks Bien que peu d’exemples d’engins de pêche pouvaient capturer ou harponner quelques de grandes dimensions aient été enregistrés espèces (surtout les bars rayés, les par les ethnographes, des recherches gaspareaux et aloses, les saumons et les archéologiques au lac Sebasticook, au anguilles) en grand nombre. Ils pêchaient le Maine, ont permis de mettre au jour des saumon avec des lances spéciales en érable vestiges de structures de fascines utilisées et à sucre (sapti hi’gan) (Barratt 1951, Speck et réparées sur de longues période à partir de Dexter 1952 : 3). Ils utilisaient des l’archaïque récent (Petersen et al. 1994). Ces techniques similaires de jet pour d’autres structures sont peu visibles poissons anadromes grégaires, dont les archéologiquement dans les régions où le harpons (si-gawan), les foënes (ni-gak), ou niveau des lacs ne fluctue pas beaucoup et d’autres lances à poissons (ni-ka’-kwûl). Ils il est possible que les pêcheurs d’avant le

24 Wolastoqiyik Ajemseg

Contact aient construit des structures marines (spécialement le merluche écureuil) similaires dans les embouchures de certains qui pénètrent dans le cours inférieur de la lacs de la BVRSJ. rivière en décembre et janvier. Dans une perspective saisonnière, les LES RESSOURCES NON ORGANIQUES poissons de la basse vallée de la rivière J’ai souligné dans la section précédente Saint-Jean offrent des disponibilités les ressources organiques qui fournissaient variables au cours de l’année. Une série de des matériaux pour les outils et les autres montaisons s’amorcent au début d’avril, aspects de la technologie. Or, certains avec l’éperlan qui part des eaux saumâtres matériaux non organiques étaient tout aussi de l’embouchure de l’estuaire (où ils se importants pour la technologie des rassemblent en hiver) vers les petits populations d’avant le Contact. La ruisseaux (Scott et Crossman 1973). Ensuite, production de l’outillage nécessitait des les montaisons abondantes des espèces de pierres à grain fin présentant des harengs d’eau douce (gaspareaux, aloses caractéristiques de cassure particulière, d’été et aloses savoureuses) qui arrivent de comme les pierres pour la taille. La géologie l’océan vers les affluents du cours inférieur variée de la basse vallée de la rivière Saint- de la rivière Saint-Jean. Les bars rayés et les Jean offre un accès potentiel à plusieurs esturgeons se déplacent au printemps vers pierres qui ont de telles caractéristiques, le haut des marées le long des rivières incluant une variété de roches ignées principales. Au début de l’été, le saumon felsiques et mafiques, des mudstones, des atlantique commence ses grandes quartzites, métaquartzites et autres roches remontées. Après les montaisons majeures métasédimentaires, des cherts et des du début de la saison chaude, la pêche minéraux tel le quartz. Les anciens changeait vraisemblablement d’échelle en habitants de la région bouchardaient et se concentrant sur les poissons résidents polissaient différentes pierres dures et des lacs et des ruisseaux (Burke 2000 : 22), lourdes, comme des siltstones, des roches comme l’anguille d’Amérique, l’omble de plutoniques et volcaniques et des ardoises fontaine, l’éperlan, les meuniers, le méné, le afin de produire d’autres outils. ouitouche, la barbotte, le bar-perche, les Ils ont pu extraire certaines de ces crapets, la perchaude et le chabot. En pierres à partir d’affleurements de la roche- octobre, la corégone de lac et l’omble de mère, mais ils ont probablement fabriqué la fontaine des lignées anadromes, amorcent plupart de leurs outils à partir des dépôts d’abondantes montaisons de frai et les meubles, comme les lits de galets fluviatiles saumons atlantiques font une seconde ou les formes d’origine glaciaire composée remontée. À mesure que l’eau des lacs se de galets. Bien que les groupes locaux aient rafraîchit, le touladi et la lotte remontent pu inclure l’approvisionnement lithique près de la surface. Une fois les lacs gelés, dans leurs déplacements saisonniers guidés tous ces poissons et d’autres peuvent être par l’acquisition de nourriture (Binford pêchés sur la glace, avec d’autres espèces

25 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

1979), certaines matières premières lithiques Contact. Toutefois, en réalité, la notion de provenaient de toute évidence de loin « période pré-Contact » n’a pas de sens en (Black 1992, Blair 1999, Bourque 1994, tant qu’unité paléoenvironnementale. Bien Bourque et Coz 1981, Burke 2000). Alors qu’on puisse supposer que l’environnement que la complexité géologique du substrat précédant immédiatement le Contact (il y a rocheux de la région combinée au environ 600 ans) était fortement comme remodelage et au bouleversement du celui de la période historique de la territoire par les glaciers a rendu très Péninsule maritime, il devient périlleux difficiles les études de provenance lithique, d’étendre plus loin dans le passé les l’élucidation des sources de matières conditions environnementales et les premières et l’information qu’elles associations fauniques et botaniques. Les procurent au chapitre des cycles chercheurs qui traitent de l’adaptation saisonniers, de l’intégration régionale et des humaine ont mis l’accent sur ce point de interactions interrégionales formeront un vue : thème majeur des prochains chapitres. La Nous ne pouvons insister trop souvent sur le fait que l’analyse seule source lithique bien étudiée dans la environnementale doit être abordée basse vall e de la rivi re Saint-Jean est celle é è du point de vue des systèmes du chert Washademoak, contenant des dynamiques. Bien que cela puisse cherts aux couleurs vives, à grain fin avec sembler banal à certains, une approche systématique et un éclat de cireux à vitreux (Black, ce classificatoire de l’environnement volume, Black et Wilson 1999). reste la norme en archéologie, même En plus des matières premières parmi les archéologues qui lithiques, les gens de certaines périodes prétendent utiliser l’approche écologique. Pour certains d’avant le Contact ont recherché le cuivre archéologues, une discussion du natif et l’argile afin de fabriquer des objets. contexte environnemental en termes Le cuivre natif ne semble pas avoir été d’une classification statique de disponible dans la vallée de la rivière Saint- zones micro-environnementales est consid r e suffisante, sans tenir Jean, mais il y a des sources dans la baie de é é compte de la périodicité, des Fundy vers le sud (Blair 1999, Deal 1998, changements à long terme, etc. Leonard 1996). D’autre part, la BVRSJ Nous serions bien avisés de tenir contient des lits d’argile utilisable, surtout compte de l’esprit de la définition originelle d’écosystème de Tansley autour de Grand Lake et à l’embouchure de (1935) en tant que sphère la rivi re (Allain 1984, Deal 1998). è d’interaction dynamique (Kirch 1980 : 136). LES PALÉOENVIRONNEMENTS Deux approches ont été utilisées pour la Dans la discussion précédente, j’ai fait recherche paléoenvironnementale dans la référence à des usages possibles des Péninsule maritime, soit le point de vue éléments environnementaux de la BVRSJ macroenvironnemental et le point de vue par les populations amérindiennes avant le micro-environnemental. La première fut

26 Wolastoqiyik Ajemseg l’approche traditionnelle dans la région. mixtes qui incluaient tous les conifères et la plupart des feuillus Elle consiste en l’élaboration de grandes de nos forêts actuelles. La histoires v g tales temporelles et spatiales é é proportion relative de ces espèces basée essentiellement sur l’analyse variaient en fonction de gradients pollinique et complétée par l’étude des climatiques et topographiques et selon la fréquence des feux, de la grandes tendances géomorphologiques compétition, le développement des comme l’abaissement de la croûte terrestre sols et les maladies des arbres (Mott et le rebondissement isostatique qui causent 1975, Ritchie 1987). Les les variations du niveau marin (Grant 1975). températures atteignirent un sommet dans les Maritimes entre Dans la BVRSJ, le gros de cette analyse a t é é 7000 et 5000 AA. avec environ 2° C bas sur les travaux de Mott et ses coll gues é è de plus qu’actuellement (Pielou (1975, Mott et al. 1986) à partir de sites près 1991, Jetté et Mott 1995) avant de de la côte de Fundy (lac Basswood Road, s’abaisser de façon continue jusqu’à aujourd hui. Au cours de l optimum maintenant Splan Pond, et lac Little, Miller ’ ’ climatique (l’hypsithermal), le pin et Cynwar 1991). Cette recherche sugg re è blanc, la pruche et le chêne ont que les environnements de l’holocène se atteint leur abondance maximale au sont développés à partir de contextes post- Nouveau-Brunswick, indiquée par des taux de pollen jusqu’à deux fois glaciaires de toundra à travers des vagues plus élevés que ceux d’aujourd’hui de flores et de faunes, caract ristiques de la é (Jetté et Mott 1995). La pruche a été plaine côtière, qui se déplaçaient vers le subséquemment décimée au nord-est (Clayden 1999 : 44). La grande Nouveau-Brunswick (Mott 1975, Warner et al. 1991) et à travers l’est partie de cette recherche détaillée de l’Amérique du Nord par des concernait les événements de la fin du facteurs inconnus, probablement, pléistocène et du début de l’holocène, entre autres, une ou plusieurs comme par exemple la formation de épidémies majeures d’insectes (Bkiry et Fillon 1996). Bien que la structures glaciaires tels les systèmes prucheait recouvré une certaine delta ques (Pronk et Seaman 2001), et ï présence, l’érable à sucre, le hêtre et l’impact du Dryas récent (Levesque et al. d’autres arbres typiques des forêts 1993). Il en résulte que les environnements actuelles de feuillus de la province l ont d pass e en importance. Le des p riodes d int r t pour la pr sente ’ é é é ’ é ê é document pollinique du dernier tude, soit ceux de l holoc ne moyen et é ’ è millénaire montre une récent, deviennent des éléments secondaires augmentation du nombre de la recherche. De grandes tendances se d’épinettes et une diminution de la pruche et des feuillus temp r s, dessinent n anmoins : é é é t moignant de l amorce de La r ponse v g tale au é ’ é é é conditions de plus en plus fra ches r chauffement du climat a t î é é é et humides (Mott 1975, Clayden rapide apr s 10 000 AA. Les for ts è ê 1999 :45). d’épinettes et de sapins ont été Ce r sum sugg re que les remplacées à l’intérieur de quelques é é è millénaires par des peuplements environnements modernes ont commencé à

27 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 se mettre en place il y a 5000 ans. De façon difficiles à effectuer et la causalité tient au générale, il est clair que plus la période mieux de l’inférence. L’influence locale des étudiée est récente, plus les associations événements visibles par ces données modernes et historiques reflètent demeure à ce jour non corrélée avec l’environnement passé. Toutefois, des d’autres types de données études paléoenvironnementales locales paléoenvironnementales. Avant qu’elles détaillées sur les épisodes récents de puissent être utilisées au meilleur de leurs l’holocène n’ont toujours pas été faites, et possibilités, ces données nécessitent un des cadres provisoires à grande échelle niveau de résolution plus fin autant dans le doivent suffire pour l’instant. Bien entendu, document archéologique que dans celui des à une échelle chronologique et conditions environnementales locales. géographique plus fine, ces données Cette analyse suggère que la BVRSJ causent problème et sont même parfois était différente des autres portions du incorrectes. En vertu de l’analyse bassin hydrographique de la rivière et des écologique, on doit donc accepter ces cadres autres régions intérieures de la Péninsule avec beaucoup de réserve. maritime. Elle est cependant aussi Les analyses micro-environnementales différente des régions côtières. De façon détiennent un potentiel pour déterminer générale, les ressources sont diverses et des schèmes environnementaux à une abondantes, et un nombre de ressources échelle plus fine. S’il est clair que les particulières offrent de grandes environnements sont dynamiques à de concentrations (spécialement les grandes échelles, ils peuvent subir des montaisons printanières de poissons changements périodiques (fluctuants) ou anadromes, l’hivernement des caribous, la singuliers (événementiels) qui peuvent être migration de la sauvagine et les récoltes sévères mais de courte durée (voir automnales de noix et graines), ce qui Anderson 2001, Fiedel 2001). Ce type de suggère de courtes périodes d’abondance recherche s’est développée avec les données dans de petites localités. Un tel théâtre de provenant des carottes de glace, de la richesses a créé des opportunités pour les dendrochronologie et des sédiments gens du site de Jemseg Crossing. Le site lacustres, afin de percevoir le changement à était localisé de façon idéale pour permettre une échelle annuelle. Bien que des aux gens qui y vivaient de se déplacer vers chercheurs aient isolé des événements les aires d’approvisionnement des particuliers à partir de ces données et qu’ils ressources, vers d’autres sites voisins et aient tenté de les associer avec des d’autres campements saisonniers, et de situations historiques ou archéologiques participer aux riches systèmes écologiques particulières, de tels liens causals restent de la basse vallée de la rivière Saint-Jean.

28 Wolastoqiyik Ajemseg

Elehtasikpon Ktahkomiq 3 : La formation de l’aire du site

Susan Blair

Le site de Jemseg Crossing est situé sur (3) une terrasse inférieure, la rive sud-est de la rivière Jemseg. L’aire de (4) une baissière, fouille a été déterminée par l’emprise du (5) un talus et pont. Tout au long du projet, la superficie (6) une terrasse supérieure. de l’emprise a été réduite le plus possible Cette topographie est à l’origine de avec la collaboration des ingénieurs du variations significatives dans la nature des ministère des Transports du Nouveau- dépôts archéologiques et elle a modifié Brunswick afin de minimiser l’impact sur le fortement les processus de formation du tissus archéologique du site. En se basant site. Ces éléments topographiques sont sur les collections privées et les récoltes indiqués en plan et en profil dans la figure d’objets sur la grève érodée, il est clair que 3.1. le site s’étend bien au-delà de l’aire de (1) Le lit de la rivière fouille. La seule portion de la grève et du La rivière Jemseg est une longue voie terrain qui a un potentiel archéologique de passage reliant le système négligeable est le secteur de la marina, au hydrographique de Grand Lake à la rivière sud de l’aire de fouille. Ce peu de potentiel Saint-Jean. Le bord oriental de la rivière où est la conséquence directe des travaux de se trouve le site est peu profond et silteux. construction de la marina ainsi que des Un chenal, qui a été dragué afin que les bouleversements antérieurs, dont deux barges puissent transporter du charbon à périodes différentes de construction du partir de Minto, passe de l’autre côté du pont et de la route adjacente à la marina (P. centre de la rivière. Nous avons trouvé des Allen 1997, comm. pers.). artéfacts lithiques dans les eaux peu L’emprise proposée pour l’autoroute profondes près de la rive (P. Polchies 1996 : traverse plusieurs éléments topographiques comm. pers.). La rive semble s’éroder à un dont : rythme régulier. Certains de ces objets ont (1) le lit de la rivière, pu être délogés de leurs contextes au cours (2) la grève,

29 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 de la débâcle printanière de Grand Lake, importantes qui influencent le lit de la car des portions de la rive devant le site rivière. Nous en avons conclu que tout semblent présenter du rognage périodique matériel archéologique qui a pu être déposé par les glaces (voir plus loin). devant le site a depuis longtemps été Nous étions initialement très inquiets emporté par la rivière. du potentiel archéologique de ce secteur de Le niveau de l’eau devant le site qui est l’emprise. Les limons fins et la large indiqué à la figure 3.1 est légèrement sous la plateforme peu profonde devant le site cote de 1 m. Cette lecture fut relevée par des suggéraient que les sédiments de la rivière arpenteurs le 5 septembre 1996. En raison Jemseg s’accumulaient à cet endroit. Les de l’incidence des marées dans le cours sites gorgés d’eau exhibent inférieur de la rivière Saint-Jean, le niveau occasionnellement des artéfacts organiques de l’eau varie considérablement à l’intérieur très délicats, comme des filets, de la d’une journée. Il fluctue également durant vannerie, des lignes à pêche ou encore des l’année et au cours de périodes de plusieurs embarcations (D. Keenlyside 1996, comm. années. Les graphiques de la figure 3.2 pers.). On récupère rarement ces objets dans expriment des lectures sur les dernières le Nord-Est, et il est très difficile de les trente années par une station mettre au jour et de les conserver d’Environnement Canada située sur adéquatement. Afin de déterminer l’ancien pont de Jemseg. Certaines de ces l’existence de tels témoins, nous avons variations sont liées au contrôle du niveau installé un grand rideau à limon pour des eaux et aux besoins énergétiques du contrôler les pertes de sédiments devant le barrage Mactaquac (B. Nash 1996, comm. site et nous avons ensuite tamisé à l’eau des pers.), alors que d’autres représentent les échantillons de ce sédiment. Cet exercice fluctuations saisonnières de la rivière. Ces n’a pas permis de mettre au jour des dernières sont plus intenses au printemps artéfacts identifiables précédant le Contact. quand l’inondation annuelle, le « freshet », Notre inquiétude s’est toutefois maintenue fait remonter le niveau des eaux du cours jusqu’à ce qu’un géomorphologue analyse inférieur de la rivière Saint-Jean jusqu’à 6 m les forages du ministère des Transports du ou plus. C’est cette force qui a permis la Nouveau-Brunswick (A. Searman, DNRE). déposition d’alluvions sur la plus grande Ces forages indiquaient que la couche de partie de la surface du site et, plus limon devant le site était en fait un mince particulièrement, sur la zone riveraine de revêtement au dessus d’un épais niveau 150 m de large parallèle à la rivière. d’argile glaciolacustre du pléistocène (2) La grève récent. On a pu inférer, à partir de Durant les périodes où le niveau des l’épaisseur de cette couche de limon, que le eaux est relativement bas, une étroite grève frottement de la glace ainsi que de limon, sable et gravier brun-rouge l’enlèvement et le remplacement des limons recouvrant une argile grise pâle émerge à par les courants sont des forces destructives

30 Wolastoqiyik Ajemseg

7,0 m/NM

7.0m/SL N

40 metres

e profil du site le long de la ligne

6a

5.0m/SL

5,0 m/NM

5

6b

4

5 Break-in-slope 6a Upper terrace: ploughed 6b Upper terrace: unploughed 7 1980s Fill

2.5m/SL

7 Remblai des années 1980

5 Talus

6b Terrasse supérieure non labourée 6b Terrasse

6a Terrasse supérieure labourée 6a Terrasse

3

2,5 m/NM

*m/SL = metres above sea *m/SLlevel above = metres sea

2

*m/SL = mètres au-dessus du niveau de la mer River Jemseg rivière Jemseg rivière

25.00 m

1

1 River bed 2 Beach 3 Levee or lower terrace 4 Low wet area

1.0m/SL*

1,0 m/NM*

FIGURE: the profile and plan of the proposed highway footprint, showing topographic zones. The upper figure is a profile of the site drawn along the proposed centre-line, represented by the dashed line

70,00 m 25,00 m

FIGURE : le profil et le plan de l’emprise proposée pour l’autoroute montrent les zones topographiques. La figure du haut est l centrale de l’emprise représentée par le trait discontinu. 1 Lit de la rivière 2 Grève 3 Terrasse inférieure 3 Terrasse 4 Baissière

70.00 m

Figure 3.1 : Profil (d’ouest en est) et plan des éléments topographiques de Jemseg. Figure

31 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 peu près partout devant le site. La grève sud de la bosse montre une forte elle-même n’est en fait que la partie exposée accumulation d’alluvions. La fouille de ces du lit de la rivière puisque seul le unités fut interrompue à une profondeur de recouvrement par de l’eau différencie ces 120 cm par la nappe phréatique, bien deux parties. La limite riveraine de la grève qu’elles fournissaient encore une se manifeste dans la plupart des endroits abondance de matériel culturel à ce niveau. par un léger relèvement topographique où Au nord, le dépôt alluvial est moins épais poussent aulnes, herbes, arbustes et, par tout en étant plus remanié. Un ancien endroits, de petits arbres. À quelques propriétaire m’a raconté qu’il avait bouté occasions, la végétation a été fortement des aulnes hors de la portion nord de la sapée par l’érosion, ce qui démontre le terrasse (à partir de 10 à 15 m au sud de la caractère détériorant du secteur de la ligne centrale de l’emprise vers le nord) afin terrasse inférieure et de la grève. Au cours de faire un pâturage pour le bétail. du ratissage préliminaire de la grève, et Quoiqu’intense, ce bouleversement semble dans les récoltes de surface suivantes avoir été limité dans l’espace, et le durant le projet, nous avons ramassé à cet remplacement des aulnes et des ronces par endroit beaucoup de pièces lithiques, de des herbes et des roseaux sur la moitié nord céramique postérieure au Contact, du métal de la terrasse inférieure en témoigne. et du verre. Ces trouvailles nous ont semblé (4) La terrasse plus foncée concentrées dans une zone adjacente à la Le relief derrière la terrasse inférieure limite sud de l’emprise de 70 m (désignée s’aplanit dans la moitié sud de l’emprise de éventuellement comme étant l’aire D) et 70 m pour former une zone humide basse dans une large portion de la grève au-delà ou baissière. Vers l’intérieur, la limite de de la limite nord de l’emprise de 70 m cette aire se situe à une altitude de 3 à 3,5 m (désignée éventuellement comme étant au dessus du niveau de la mer. Les sols à l’aire F). cet endroit sont des argiles sablonneuses, riches en matières végétales partiellement (3) La terrasse inférieure décomposées. Au nord, les sols sont plus La terrasse inférieure est constituée par sablonneux et mieux drainés. La végétation la légère remontée topographique adjacente de la baissière en est une ouverte avec à la grève. Durant le projet, des indices beaucoup d’herbes et d’autres plantes des importants d’activités de la période marais. Il fut très difficile de sonder le sol précédant le Contact on été mis au jour sur de la baissière en raison des nombreuses la terrasse inférieure. Dans la partie sud de eaux stagnantes, des masses denses l’emprise de 70 m, cette terrasse apparaît d’herbes imbibées dans les niveaux comme une légère bosse de 10 à 20 m de supérieurs et la nature collante des sols large qui diminue en hauteur mais qui argileux. Néanmoins, nous avons s’élargit vers le nord jusqu’à 25 à 30 m de positionné une série de sondages sur toute large. Des puits de sondage dans la partie l’étendue de cette zone (TD1, B68, E71 et

32

Wolastoqiyik Ajemseg

1994 1994

Average Maximum

5 sept. 1996 1993 moyenne 1993 maximum

Sept. 5/96

Sept. 5/96

Average

Maximum

1992 moyenne 1992 maximum

5 sept. 1996

1991 1991

1990 1990

1989

______1989

1988 1988

______

1987 1987

1986 1986

1985 1985

1984 1984

1983 1983

1982 1982

1981 1981

1980 1980

1979 1979

1978 1978

1977 1977

1976 1976

1975 1975

1974 1974

1973 1973

1972 1972

no data 1971 pas de données de pas 1971

1970 1970

1969 1969

no data

pas de données de pas

1968 1968

1967 1967

1966 FEBRUARY 1966

APRIL

FÉVRIER

AVRIL

0

0

3000

2000

1000

6000

5000

4000

3000

2000

1000

Average Maximum

moyenne maximum

Average

Maximum 1994 moyenne 1994 maximum

no data

Sept. 5/96

Sept. 5/96 1993 données de pas

5 sept. 1996

5 sept. 1996 1993

1992 1992

1991

1991

1990

______1990

Water atLevels Jemseg

______

1989 1989

Niveaux d’eau à Jemseg à d’eau Niveaux

1988

1988

1987

1987

1986

1986

1985

1985

1984

1984

1983 1983

1982

1982

1981 1981

1980

1980

1979 1979

1978

1978

1977 1977

1976 1976

1975 1975

1974 1974

1973 1973

1972 1972

no data

no data

1971

pas de données de pas 1971

pas de données de pas

1970 1970

1969

1969

1968 1968

1967

1967

1966 AUGUST 1966

DECEMBER

DÉCEMBRE

AOÛT

0

0

Figure 3.2 : Les niveaux d’eau mensuels de la région de Jemseg durant trois décennies. Seuls quatre mois sont présentés par ces graphiques, soit décennies. Seuls quatre 3.2 : Les niveaux d’eau mensuels de la région de Jemseg durant trois Figure août, décembre, février et avril, étant donné qu’il nous concernaient plus particulièrement pour le projet archéologique de Jemseg Crossing. Les de Jemseg Crossing. archéologique pour le projet février et avril, étant donné qu’il nous concernaient plus particulièrement août, décembre, niveaux d’une récents station sont affectés par le barrage Mactaquac qui a débuté ses opérations en 1971. Ces graphiques tirent leurs données d’Environnement Canada et elles nous furent généreusement fournies par P. Hilts d’Environnement Canada. Hilts d’Environnement fournies par P. généreusement Canada et elles nous furent d’Environnement

3000

2000

1000

4000

3000

2000

1000

33 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

TH1). La plupart d’entre eux ne révélèrent en détail dans les prochains chapitres, mais que quelques éclats. Le sondage TH1, à la le labourage du champ a pu mener au rejet limite nord de l’emprise, offrit un peu plus des gros objets et de pierres à sa périphérie. d’objets (10 éclats et 27 débris ferreux Il est également possible que le champ récents). Ceci peut s’expliquer par la nature labouré restreignait au talus les activités plus sablonneuse du sol, le degré de contemporaines du lieu (comme par bouleversement postérieur au Contact ou exemple des sites de campement). Enfin, la encore les deux. Il reste que, de façon limite du champ et le changement de générale, la baissière était une zone de topographie a pu mener à des épisodes faible productivité archéologique. périodiques de dépotoirs ou de Des discussions avec d’anciens remplissage. propriétaires nous ont appris que cette Bien que les sols dans cette zone ait baissière ainsi que la terrasse inférieure comporté une part d’argile, le drainage y auprès de l’eau étaient naguère utilisées était meilleur que dans la baissière. Les comme pâturages. Aucune des personnes alluvions y sont d’une bonne épaisseur et de la région à qui nous avons parlé dans le quelques sondages offraient encore du cadre de ce projet ne se rappelait de labours matériel archéologique à une profondeur de pour des usages agricoles sur ces bas 125 cm. Ces sondages n’ont pas pu être secteurs (Dignam 1997) et cela n’est guère terminés en raison d’une infiltration d’eau surprenant étant donné la saturation en eau en profondeur et d’un changement de la de ces sols. position de l’emprise qui fut déplacée à l’est du talus. (5) Le talus Le talus est le secteur entre les basses (6) La terrasse supérieure zones humides et la terrasse supérieure. Il La terrasse supérieure forme un glacis se manifeste par une montée de l’élévation qui descend doucement de la route de 3,5 m à 4,5 ou 5 m au-dessus du niveau moderne jusqu’au talus. Au cours des de la mer et ce sur une distance de 15 à 30 dernières années, une grande quantité de m. Bien que cette pente soit graduelle, elle remblais et de débris de toutes sortes (de demeure significative archéologiquement, grandes plaques d’asphalte, des blocs et des non seulement parce qu’elle limite le champ morceaux de roche-mère) y a été déposée labouré de la terrasse supérieure, mais aussi sur des épaisseurs de 2 à 8 m. Avant la parce qu’elle semble avoir été la scène construction des routes au XXe siècle (dont d’intenses usages et remaniements à la la vieille route aujourd’hui appelée Grand période postérieure au Contact. En effet, il y Lake Drive et les additions récentes à a probablement un lien entre la limite du l’autoroute 2) et avant les activités agricoles, champ labouré et la forte densité de cette terrasse en glacis se prolongeait sur matériel postérieur au Contact. Quelques- plusieurs centaines de mètres jusqu’à un unes des explications seront abordées plus second talus. Un unique sondage (TK1) a

34 Wolastoqiyik Ajemseg

été fait sur une surface dénudée du champ bonnes variations dans la profondeur des immédiatement adjacent à l’ancienne route alluvions et dans la paléotopographie du (Grand Lake Drive, à plus de 200 mètres de till de fond sous-jacent (voir plus loin). Bien la berge) et on y a mis au jour un ensemble que le till de fond apparaisse entre 30 et 50 d’artéfacts postérieurs au Contact. Cela cm sous la surface dans la plupart des suggère que l’aire d’activités intenses unités de fouille, dans certains cas il ne se d’avant le Contact était située plus près de montrait que sous plus d’un mètre la rivière, probablement à l’intérieur des d’alluvions. Par endroits, comme dans le premiers 150 à 175 m à partir de la berge. coin nord-est de l’aire A, la variation de Des secteurs de ce champ ont été labourés profondeur relative des alluvions était très pour l’agriculture au cours du XIXe et du localisée. XXe siècle. En se basant sur la configuration La terrasse supérieure contenait la présumée des secteurs labourés, nous avons plupart des structures et des artéfacts divisé la présentation de la prochaine zone d’avant le Contact. Le labourage du champ topographique en deux sections différentes a eu des effets variés sur le matériel : le champ labouré et le champ non labouré. archéologique. Toutes les structures dévoilées lors du projet se trouvaient sous (6a) Le champ labouré le niveau de labour. Il y a des cas où ces Les anciens propriétaires nous ont structures ont été tronquées par la charrue, signalé qu’au début du XXe siècle, les comme le suggère la dispersion des galets labours étaient limités à la moitié nord de la éclatés par le feu, des pierres de foyer et du terrasse supérieure (Roy Dukeman, comm. charbon de bois directement au-dessus de pers., Dignam 1997). Le document parties intactes de structures. Il semble que archéologique témoigne de ce fait par la les labours aient aussi endommagé ou distribution des fragments recollables détruit des pièces. Par exemple, presque (rapprochés dans la zone non labourée et toute la poterie d’avant le Contact provenait éparpillés dans la zone labourée) et un du niveau sous le labour. C’est cependant profil homogène dans la partie supérieure justement ces labours qui ont mené à la du sol (un limon sablonneux foncé de la découverte et à l’évaluation initiale du site. surface à environ 25 cm et un limon La concentration artéfactuelle dans le sablonneux brun-rouge avec de plus gros niveau de labour a incité quelques résidents fragments sous 25 cm) dans le champ locaux à faire des récoltes de surface dans labouré. Il est vraisemblable que l’étendue les champs. Dans notre collecte des labours récents a été guidée par le d’information sur le site, nous avons drainage et la topographie ou encore tout répertorié le plus de collections privées simplement par la limite des propriétés. possible provenant de ce site. L’une de ces Si les labours ont eu un effet de collections, la collection Dykeman, a été nivellement de la surface de la terrasse montée par deux frères qui visitaient le site supérieure, on a tout de même observé de de Jemseg après les labours bisannuels dans

35 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 le but de ramasser de nouveaux objets remblais ont une origine extérieure au site, ramenés à la surface. l’impact sur le tissus archéologique reste minimal car il le recouvre et donc le (6b) Le champ non labouré protège. Nous l’avons vérifié en décapant Au cours de la phase initiale de de petites aires de ce remblais (dans l’aire l’inventaire, en septembre et octobre, nous D), ce qui nous a permis de fouiller la avons placé plusieurs sondages à la limite surface originale du champ. Cette fouille a sud-est de l’emprise de 70 m. La démontré que les secteurs sous le distribution verticale des artéfacts, comme remplissage offrent une densité par exemple de denses concentrations de artéfactuelle autant sinon plus grande que céramique du XIXe siècle localisées à 5 cm les secteurs dégagés du champ cultivé. sous la surface, suggère que cette portion Mais avant que ne soient déposés les du champ n’a pas été aussi intensément remblais de la route, la partie arrière du labourée que celle au nord, un fait champ a subi l’impact de d’autres activités, corroboré par l’information que nous dont la construction d’une route (l’ancienne avaient fournie les anciens propriétaires (R. autoroute devenue Grand Lake Drive) et la Dykeman, comm. pers, Dignam 1997). construction d’une petite station d’essence Cependant, seulement quelques sondages et d’un restaurant au bord de l’ancienne ont pu être disposés dans ce secteur du route. À cette occasion, une portion du champ avant que l’emprise des travaux soit champ (à environ 60 m au nord de l’aire A) réduite à 25 m. Les trouvailles au sein de a été boutée et tassée vers le nord-est pour ces unités suggèrent que cette section du servir de socle à la station d’essence. Ces site était utilisée par les plus anciens travaux ont créé la grosse butte (d’environ 8 occupants du site (voir chapitre 16). Les m au dessus de la surface du champ) à côté alluvions de ces zones sont de l’ancienne route. La station d’essence et comparativement peu épaisses et le till de le restaurant ont plus tard été démolis et la fond apparaît à environ 35 cm sous la butte a servi pour le centre d’interprétation surface. durant le projet archéologique de Jemseg (7) Le remblai Crossing. Un éclat a été trouvé en surface Comme nous l’avons mentionné plus de cette butte, ce qui illustre le fait qu’elle a tôt, la partie intérieure de la terrasse été construite avec du sol provenant du supérieure est couverte d’une grande secteur du champ où il y avait du matériel quantité de remblais. Ce remplissage résulte archéologique. de deux épisodes de déposition. La plus Afin de déterminer l’étendue des grande part provient de la construction de dommages causés par ces travaux, nous l’autoroute au début des années 1980. Elle avons identifié l’aire du champ qui avait été contient des débris associés à la route excavée. Cette section a été subséquemment comme des plaques d’asphalte et des remplie dans les année 1980 par des débris fragments de roche-mère. Puisque ces d’autoroute. Après avoir délicatement

36 Wolastoqiyik Ajemseg décapé le remplissage, nous avons La prochaine couche consiste en une découvert que les couches originales du sol couverture d’alluvions qui s’est accumulée avaient été arrachées jusqu’à plus de 165 cm au cours de l’holocène (depuis 10 000 ans). de profondeur, au-delà duquel il a été Ces alluvions sont constituées d’un limon impossible de poursuivre l’examen des sols sablonneux rouge-brun avec des zones en raison des infiltrations d’eau. Cela d’argiles sablonneuses brunes ou grises. suggère qu’une partie de dimension Pour les besoins de l’analyse archéologique, indéterminée de la surface arrière de la les alluvions remaniées (le niveau labouré terrasse supérieure a été complètement de la terrasse supérieure) furent distinguées détruite. Bien que quelques artéfacts des alluvions non remaniées plus puissent toujours se trouver au sein de la généralisées, bien qu’au point de vue butte adjacente à la route, toutes les géomorphologique elles forment la même relations entre ceux-ci ou encore avec les unité. La plupart du temps, les alluvions structures comme les foyers, les planchers présentent un profil en forme de coin, avec et les fosses ont été anéanties. les plus grandes épaisseurs près de l’eau (estimation de 1,5 à 2 m) et s’amincissent LA STATIGRAPHIE avec l’altitude jusqu’à la terrasse supérieure Dans cette section, j’aborderai les où elles ont habituellement de 30 à 50 cm couches de sol naturels qui ont été d’épaisseur. Étant donné que les zones rencontrées de manière générale sur le site basses ont subi plus d’inondations, elles ont de Jemseg et les processus accumulé beaucoup plus de limons et de géomorphologiques qui les ont générées1. sables. Le commencement de ces processus En termes généraux, le site présente reste mal compris dans la région. Les cinq couches de sol : (1) le remblai, (2) les relations complexes entre l’affaissement de alluvions, (3) l’argile glacio-lacustre, (4) le la côte, la formation de l’estuaire de la till de fond et (5) la roche-mère (voir figure rivière Saint-Jean et le début du phénomène 3.3). Bien que le remblai ne soit pas un sol des crues restent à être étudiées (P. au sens technique traditionnel, nous le Dickinson, comm. pers.). considérons ici comme une couche Les alluvions se sont déposées sur une archéologique récente. Sa grande étendue et argile glacio-lacustre dans les zones basses son impact sur les profils du site sont assez du site (la terrasse inférieure et la baissière). significatifs pour qu’on l’inclut ici. Nous Cette argile gris pâle à blanche a pu être l’avons décrit précédemment. déposée quand un grand lac glaciaire s’est formé dans la région actuelle de Grand

1 Ces inférences ont été glanées directement de mon entretien à ce sujet avec Alan Seaman du ministère des Ressources naturelles et de l’Énergie du Nouveau-Brunswick. Toute erreur qui a pu s’insérer dans cette section du texte résulte de ma propre incompréhension des faits. 37

Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 10 mètres 10

E

7,0m/NM

7.0m/SL

30 METRES

30 mètres

D

mai 1996

Water level

Jemseg River

early May 1996

rivière Jemseg, début

Niveau des eaux de la

5.0m/SL

5,0m/NM

C

1. Remblais déposés sur la terrasse supérieure dans les années 1980 2. Alluvions remaniées (labours) remaniées Alluvions 2. 3. Alluvions non remaniées 4. Argile glacio-lacustre Argile 4. 5. Till de fond de Till 5. 6. Roche-mère non consolidée (profondeur estimée)

1. Fill deposited on upper terrace in the 1980s 2. Disturbed alluvium (ploughzone) 3. Undisturbed alluvium 4. Glacio-lacustrial clay 5. Basal till 6. Unconsolidated sedimentary bedrock (est.)

1

2 3

5

6

2 3

5

6

2.5m/SL

2,5m/NM

B

6

2

3

5

*m/NM = mètres au-dessus du niveau de la mer

*m/SL = metres above sea level

3

4

5

6

1.0m/SL*

1,0m/NM*

Water level

Sept. 5, 1996

Jemseg River

3

4

5

6

A

ABCDE

rivière Jemseg, le

5 septembre 1996

Niveau des eaux de la

Figure 3.3 : Coupe stratigraphique est-ouest du site (le long de la ligne centrale de l’emprise proposée pour l’autoroute transcanadienne) pour l’autoroute 3.3 : Coupe stratigraphique est-ouest du site (le long de la ligne centrale de l’emprise proposée Figure représentant la géomorphologie et la lithostratigraphie discutée avec A. Seaman (ministère des Ressources naturelles et de l’Énergie, Direction des Direction et de l’Énergie, naturelles des Ressources la géomorphologie et la lithostratigraphie discutée avec A. Seaman (ministère représentant minéraux). forages. Prendre Les dimensions verticales et horizontales des niveaux 4, 5 et 6 sont estimées à partir des tranchées profondes et des note que l’échelle verticale diffère de l’horizontale. note que l’échelle verticale diffère

38 Wolastoqiyik Ajemseg

Lake, à la suite de la fonte des glaciers peu après 12 700 AA. Cette argile glaciaire est largement distribuée dans une région au sud et à l’ouest de Grand Lake, et c’est ce même matériel qui forme la barrière hydrographique à l’origine des grandes terres humides connues sous le nom de Jemseg Flats et de Grand Lake Meadows (Choate 1973). Sous l’argile, il y a une épaisse couche de till de fond, un dépôt glaciaire de plus de 13 000 ans (A. Seaman, comm. pers.). L’argile glaciaire n’est pas présente sur la terrasse supérieure où les alluvions se trouvent directement sur le till de fond. Ce till est un sable graveleux avec environ 20 % d’argile. À partir des échantillons de forage du ministère des Transports du Nouveau- Brunswick, l’épaisseur du till a été estimée de 2 à 3 m. Sous le till glaciaire, il y a un till d’abrasion limoneux et de roche-mère non consolidée. Cette roche-mère sous le site est composée de sédiments à grains grossiers et à litages plats, tels que des conglomérats, des grès, des silstones et des shales (Black, ce volume, tiré de McLeod, Johnson et Ruitenberg 1994, Potter, Hamilton et Davies 1979).

39 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

40 Section trois MÉTHODOLOGIE

Wolastoqiyik Ajemseg

Elluhkatomek 4 : Méthodologie, première partie

Texte de Susan Blair Photographies de Viktoria Kramer

« Nous allons avoir besoin d’un plus gros bateau » (Patrick Polchies, citant Roy Scheider dans Jaws).

La visite initiale du site par les comme étant trop difficile à réaliser1. Afin membres de l’équipe archéologique et le de protéger les parties du site qui n’étaient Comité consultatif des Malécites de Jemseg pas à l’intérieur de la zone immédiate de eut lieu le 26 août 1996. À ce moment, les l’autoroute prévue, et afin de limiter la estimations standards d’une emprise de 120 surface de fouille nécessaire, il fut décidé m de large pour l’autoroute avaient été dans ce cas que l’emprise devrait être rejetées par le Ministère des Transports limitée le plus possible. Il en résulta une

1 Étant donné qu’un informateur avait signalé des artéfacts trouvés jusqu’à 200 m de la ligne de rivage, une telle emprise aurait nécessité une aire de sauvetage de 24 000 mètres carrés. 43 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 proposition d’emprise de seulement 70 m la proposition initiale de méthodologie en de large2. ce sens. Toutefois, compte tenu que ces Le travail de terrain débuta le 3 prémisses n’étaient pour l’instant que septembre 1996. À ce moment, nous étions théoriques et que des problèmes encore incertains de la nature du site. significatifs seraient inévitables si elles ne Topographiquement, l’aire du site se s’avéraient pas fondées, nous avons senti le divisait en six zones qui allaient toutes être besoin de rester prudents. Nos soucis traversées par l’autoroute proposée (voir durant les étapes préliminaires du projet chapitre 3, figure 3.3) : concernaient trois questions principales : a) la zone subaquatique 1) Quelle était la profondeur maximale b) la terrasse inférieure du matériel archéologique et quel était le c) la baissière taux de bouleversement du site? d) le talus 2) Quels étaient la distribution et l’âge e) la terrasse supérieure du matériel archéologique? Y avait-il des f) le remblai de la route de 1980. dispersions localisées d’éclats d’âge L’étude d’impact environnemental relativement récent? initiale nous avait suggéré que le site était 3) Quel était le potentiel de retrouver vraisemblablement peu profond et un site subaquatique devant la rive du site? bouleversé3. Il était également connu, chez À partir de ces éléments, il fut décidé les archéologues travaillant dans les que l’objectif premier du projet Maritimes, que les sites qui présentent cette archéologique serait de cerner la nature et structure ont tendance à être relativement l’intégrité du site ainsi que de produire un récents (c. à d. qui datent des derniers 2000 ensemble de données qui faciliterait la ans) et bien localisés en termes de planification ultérieure de l’ensemble du distribution artéfactuelle. Ces prémisses sauvetage. étaient à la base de nos considérations sur la Les sondages exploratoires possibilité d’appliquer des mesures de Quand l’emprise de 120 m de large fut sauvetage à grande échelle sur le site et de réduite à 70 m, nous avons commencé à

2 Ceci réduisit l’aire d’impact à 14 000 m2 (3 500 unités de 2 m x 2 m). En rétrospective, compte tenu de l’objectif de sauvetage de 100 % mis de l’avant par le Service d’archéologie, une telle emprise demeurait vaste. Nous espérions cependant que l’aire pouvait être réduite à nouveau en se concentrant sur les zones à haute densité artéfactuelle tout en éliminant d’autres zones qui seraient dépourvues de témoins archéologiques. 3 Le but premier de l’inventaire archéologique conduit au cours de l’étude d’impact environnemental a été d’indiquer la présence ou non de matériel archéologique. Bien que cet objectif fut rencontré, nous restions avec une image partielle de la nature du site et de ses paramètres. Toutefois, la percep- tion initiale du site, basée sur les résultats de l’étude d’impact, était qu’il était restreint au niveau de labour, donc peu profond et perturbé. Puisque nous assumions que la plus grande partie des données archéologiques de Jemseg étaient en contexte remanié, nous supposions qu’aucune structure (témoins archéologiques non mobiles tels que des foyers de cuisson ou des planchers d’occupation) ne serait découverte. 44 Wolastoqiyik Ajemseg aborder ces trois questions. Pendant que les sauver pouvait être diminuée par une arpenteurs du ministère des Transports réduction de l’emprise, les faits suggéraient marquaient l’emprise sur le sol et que l’axe est-ouest avait une longueur d’au cartographiaient l’espace du site, nous moins 200 m. En peu de temps, nous avions amorcions l’inventaire avec des sondages détruit toutes nos premières suppositions manuels de 1 m par 1 m sur le périmètre de sur la nature du site. Bien que cela l’emprise. Ces sondages ont tous produit du comportait de sérieuses implications sur matériel archéologique, mais de manière bien des aspects du projet, c’était très contraire à ce que nous avions prévu. Le excitant au point de vue archéologique car premier sondage (sondage TB1) a produit la qualité de l’information pouvant être un fragment de baguette de pierre datant récupérée de telles couches est supérieure à de 6000 à 8000 ans, ce qui est beaucoup plus celle provenant du niveau de labours. ancien que ce à quoi l’on s’attendait. Le Peu après, nous avons fait venir une second sondage (TF1) était culturellement pelle mécanique qui a procédé à stérile dans les premiers niveaux, mais à l’excavation de sondages de 1 m sur 4 m, à partir d’une profondeur de 70 m, il offrit la des intervalles de 20 m, le long de la ligne première d’une série de lentilles et de centrale (qui allait devenir la ligne « E ») du niveaux contenant des outils et des éclats site. Contrairement aux sondages effectués lithiques ainsi que des foyers. C’était bien en périphérie du site afin de déterminer son plus profond et moins perturbé qu’on extension horizontale, les sondages l’avait supposé. mécaniques servaient à connaître la Les sondages préliminaires et les profondeur des couches archéologiques. Le discussions avec les résidents locaux et sol de ces sondages fut retiré jusqu’au d’anciens propriétaires nous ont aussi niveau du substrat rocheux non consolidé indiqué que le matériel archéologique (entre 2,8 et 3,5 m sous la surface) et déposé continue de se trouver en relative grande en ordre stratigraphique sur des bâches. Il densité sur la plus grande partie de la haute fut ensuite tamisé à travers des mailles de terrasse. Bien que l’axe nord-sud de l’aire à 1/4 de pouce. On a alors constaté que les

Planche 4.1 : La pelle mécanique effectuant des sondages en profondeur le long de la ligne centrale.

45 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 sols graveleux brun foncé contenaient une à environ 1,5 m de profondeur, ce qui forte proportion d’argile, ce qui ralentissait correspond à la limite inférieure des le tamisage et compliquait l’identification alluvions (et à la profondeur maximale des artéfacts et des structures. Cependant, potentielle pour des niveaux culturels) et le sur la terrasse supérieure et le talus, les début de l’argile glacio-lacustre dans cette sondages en profondeur n’ont pas produit zone (voir chapitre 3) de matériel archéologique sous les premiers Le lit de la rivière Jemseg est peu 40 à 50 cm. Nous avons plus tard appris que profond et limoneux devant le site et l’un cette profondeur correspond à la surface du des premiers points soulevés par un till de fond (voir chapitre 3, A. Seaman 1997, comm. pers.). Avec cette information en main, on a pu confirmer que le champ sur la terrasse supérieure ne contenait pas de couches stratifiées anciennes et profondes. Les sondages en profondeur de la partie basse du site ont été plus problématiques. L’eau les remplissait plus rapidement qu’ils ne pouvaient être fouillés en raison du niveau de la nappe phréatique. L’analyse préliminaire de ces sondages a néanmoins montré des densités artéfactuelles plus faibles que sur la terrasse supérieure. De plus, une épaisse couche d’argile gris-blanc a été rencontrée Planches 4.2 et 4.3 : L’installation du rideau à limon devant le site.

46 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 4.5 : Le tamisage à l’eau devant le site. conseiller senior du projet (D. Keenlyside du Musée canadien des civilisations) était la possibilité d’y trouver un secteur subaquatique du site. Si c’était le cas, nous devions développer une méthodologie spécialisée et un cadre d’expertise approprié. En raison des particularités des sites en milieu humide, de telles composantes peuvent détenir une grande variété d’artefacts organiques extrêmement fragiles, comme des filets, des lignes à pêche, des paniers, des canots et des Planche 4.6 : La délimitation de l’emprise pagaies. Ces objets seraient formidablement de 25 m. significatifs au point de vue de l’interprétation culturelle4 et nécessiteraient des effectifs expérimentés en conservation. Afin de déterminer si une telle composante existait, nous avons érigé un long rideau à limon devant l’aire du site pour ensuite procéder à du tamisage à l’eau d’échantillons du lit de la rivière. Ce volet s’est effectué durant six semaines (du 2 septembre au 12 octobre). Bien que plusieurs fragments de matériel organique aient été récupérés (essentiellement du bois et de l’écorce), aucun n’a été identifié comme artéfact. Cet échantillonnage a été abandonné à la mi-octobre car peu productif et aussi en raison d’une météo de moins en moins favorable. Le tamisage à l’eau a toutefois procuré des données géomorphologiques. Après une corroboration à l’aide des données de forage obtenues par le ministère des

4 Bien que de tels sites aient été fouillés sur la côte ouest de l’Amérique du Nord et ailleurs, ils ont rarement été trouvés dans le nord-est. 47 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Transports lors d’évaluations préliminaires Les résultats des sondages du secteur, et à la suite à une discussion préliminaires, la preuve grandissante que le avec un géomorphologue provincial (A. site était plus vaste, plus significatif et Seaman, Direction des minéraux, ministère moins perturbé qu’on s’y attendait et le fait des Ressources naturelles et de l’Énergie), il qu’un épais recouvrement, tel que celui a été déterminé que la zone aquatique rencontré dans le sondage TF1 et celui de la devant le site était décapée annuellement zone de remblai, ayant probablement par les débâcles et que les alluvions protégé le matériel archéologique, sont tous (présentant le potentiel de détenir et des faits qui ont contribué à modifier la protéger du matériel archéologique) ne s’y donne initiale. Nous avons alors collaboré accumulaient pas. Sur la base de cette avec les ingénieurs du ministère des information, on a attribué un potentiel Transports dans le but de trouver des archéologique négligeable à ce secteur moyens de réduire l’aire de sauvetage. devant le site et l’échantillonnage cessa Étant donné que la raison même du projet pour de bon. était d’éviter la perte de données Le dernier secteur du site qui fut archéologiques par la destruction du site, échantillonné durant l’inventaire était la une certaine forme de protection du lieu partie sous le remblai (voir chapitre 3). Ce était nécessaire. Il fut proposé que les secteur a été échantillonné à l’aide d’une secteurs du site en dehors de la zone pelle mécanique pour enlever une partie du immédiate de destruction (par exemple, remblai et le ramener à la surface originale. ceux non situés directement sous les piliers) La surface ainsi dégagée fut sondée et l’on y pourraient être protégés des effets mit au jour de hautes densités de matériel dommageables de la machinerie lourde et lithique qui confirmai la présence du site des activités localisées en les recouvrant sous la zone de remblai. Ces densités d’un géotextile et d’épaisses couches de élevées de matériel archéologique semblent sable et gravier. Ces mesures formeraient suggérer que le remblai a protégé le site un recouvrement qui pourrait être enlevé jusque dans une certaine mesure. Nous après la complétion du pont. Vu avons cependant reporté au printemps le l’impossibilité de plus en plus évidente de sauvetage du secteur sous le remblai afin sauver dans les temps requis (ou même à d’améliorer l’efficacité du travail dans les l’intérieur d’une plus grande période) portions basses du site avant le gel et puis l’ensemble de l’aire de 70 m sur 200 m du la crue printanière. Comme le secteur sous site au sein de l’emprise, nous avons le remblai est bien au-delà du niveau des approuvé cette proposition. Avec cette crues, nous avons usé de prudence pour se stratégie, le ministère des Transports a été concentrer aux endroits qui risquaient en mesure de réduire l’emprise de 70 m à 25 d’être inondés. m. À ce moment, la position exacte des piliers n’était pas arrêtée. Ainsi l’emprise de 25 m qui demeurait était un long corridor

48 Wolastoqiyik Ajemseg

Planches 4.7 et 4.8 : Les tamis mécaniques; (haut) version 1, un tamis industriel modifié à agrégats; (bas) version 2, conçu et construit par T. MacAfee avec B. Nash et J. Keenan.

apparente faible productivité archéologique et ses sols argileux et gorgés d’eau. À mesure que l’hiver s’installait et que la baissière se transformait en énorme bloc de glace, nous avons décidé de reporter ce sauvetage au printemps quand il redeviendrait possible de déterminer avec plus de facilité sa productivité archéologique et quand les sols seraient plus faciles à travailler. La terrasse supérieure apparaissait au départ comme facile à régler. Les sondages préliminaires suggéraient que les témoins archéologiques de ce secteur se trouveraient dans les premiers 20 à 30 cm du sol. Nous en avions conclu que les labours du début du XXe où existaient toutes les options possibles de siècle avaient complètement mélangé le position des piliers dans l’alignement matériel archéologique. Ce genre de proposé. remaniement élimine normalement la Les sondages préliminaires ont aussi possibilité de trouver des structures et révélé que les différentes zones étend la distribution spatiale originale des topographiques (spécialement la terrasse artéfacts en raison de déplacements inférieure, la baissière et la terrasse horizontaux. À la lumière de ces faits, la supérieure) exigeaient chacune des méthodologie que nous avons développée stratégies particulières de sauvetage. Le en consultation avec les conseillers et secteur de la terrasse inférieure, avec sa l’archéologue de la province fut de stratigraphie profonde devait être fouillée quadriller le site en unités de 2 m sur 2 m manuellement. La baissière pour sa part de sol labouré qui furent extraits demandait plus de réflexion avec son mécaniquement (les premiers 25 cm). Des

49 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

équipes procédaient ensuite au tamisage et à la récolte des artéfacts. Nous avons nommé cette stratégie « l’approche mécanisée ». Bien que cette méthode n’eût jamais été conduite au Nouveau-Brunswick, il existe des précédents ailleurs (notamment en Ontario, ou la récolte de matériel archéologique de sites perturbés peu profonds est relativement commune). mécanique était difficile à contrôler et Au départ, nous avons utilisé cette pouvait endommager les artéfacts. La approche mécanisée. Elle mettait en œuvre rétrocaveuse, bien qu’opérée avec expertise, une rétrocaveuse qui décapait les niveaux restait imprécise selon les standards superficiels, un tamis mécanique aux archéologiques habituels, surtout en ce qui mailles de 1/4 de pouce, une équipe qui concerne la mise au jour de structure5. Ce opérait l’équipement, qui déplaçait les système était bruyant et l’équipement lourd volumes de sol et qui en répartissait les dangereux. La machinerie devançait le fractions grossières, et enfin un archéologue processus de déplacement et de répartition qui prenait les notes. Malgré ce système des sols, de sorte que le décapage et le théoriquement efficace, nous avons fait face tamisage devaient ralentir pour attendre à de nombreux problèmes. Le tamis l’équipe qui se dépêchait à séparer,

Planche 4.10 : Tessons de céramique pré- Planche 4.9 : Le raclage à la pelle. contacts extraits en bloc.

5 Avec ces méthodes, les structures ne pouvaient seulement être identifiées après avoir été extraites (en tant que tache dans le sol sous-jacent). Ceci empêche leur analyse et élimine les aspects positifs de leur identification en place.

50 Wolastoqiyik Ajemseg enregistrer et déplacer les volumes de sol. Durant la période d’interruption des Étant donné les coûts engendrés par cette travaux, l’équipe de terrain se prépara à la machinerie, le résultat était frustrant. De fouille à grande échelle du site. Avec la plus, à mesure qu’avançait l’automne et que nouvelle emprise de 25 m, nous avons été le sol gelait, il devenait clair qu’un tel en mesure d’établir un quadrillage système ne fonctionne bien que sur un sol alphanumérique et de s’organiser en dégelé. Enfin, après avoir effectué quelques groupes de travail. Nous avons aussi améliorations, l’équipe a observé la consacré du temps à des travaux présence d’une grande tache ovale de sol préparatoires et de recherche, comme un légèrement plus foncé à la base du labour, perfectionnement des procédés ce qui suggérait une structure d’habitation6. d’excavation mécaniques versus manuelles, L’existence possible de structures sous- la mise sur pied d’un centre d’interprétation jacentes au niveau de labour nous force à et l’examen des collections privées et des repenser l’approche mécanisée. Toutefois, ressources géologiques locales (voir avant qu’on ait pu arriver à une solution, Jeandron 1997, Perley, ce volume). certains Amérindiens avaient commencé à Quand nous sommes retournés sur le se faire du souci ouvertement sur le projet terrain cinq semaines plus tard, nous avons et bientôt l’inquiétude atteignait son abandonné le système mécanisé pour paroxysme dans la communauté adopter la méthode plus traditionnelle de amérindienne. Devant les inquiétudes et les fouilles manuelles impliquant une équipe appréhensions7 qu’exprimaient les chefs et les leaders dans une résolution de Planche 4.11 : Inondation et glace sur l’Aboriginal People Congres / la terrasse inférieure en décembre. Congrès des Peuples autochtones (APC), nous avons volontairement cessé les travaux le 10 octobre. Il s’ensuivit une intense séance de discussion avec les leaders autochtones et les organisations politiques au terme de laquelle il nous a été demandé de résoudre le problème avec les chefs malécites, ce que nous avons tenté de faire.

6 En raison de la technique d’excavation, la nature précise de cette structure reste difficile à déterminer, mais il aurait pu s’agir d’un plancher d’habitation précédant le Contact (chapitre 14), ou une quelconque aire d’activité postérieure au Contact (Varley et Howlett 1997). 7 Des inquiétudes avaient été mises de l’avant par des gens à qui il fut dit que nous étions en train de fouiller des sépultures, mais elles étaient aussi fondées sur des expériences précédentes avec les gouvernemnts non autochtone et les archéologues. 51 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 fortement élargie. La découverte effectuée mailles de 1/4 de pouce était effectué et les lors de la semaine précédant l’interruption structures sous-jacentes aux labours étaient des travaux nous incitait à tenir compte de fouillées à la truelle, échantillonnées ou traces subtiles de structures sous les encore prélevées en bloc. Quand des labours. Nous avons donc conservé le structures étaient mises au jour, elles étaient quadrillage aux 2 m2 tout en appliquant échantillonnées pour des flottations et dorénavant la méthode du raclage à la pelle fractionnements ultérieurs (voir plus bas). (shovel shinning) des niveaux de labour (les Bien que cette technique demandait plus de premiers 25 à 30 cm). Un tamisage aux travail, les dépenses nécessaires aux aspects mécaniques disparaissaient et la Planche 4.12 : Unités de fouille sur le talus, productivité était tout aussi bonne sinon inondées et gelées. meilleure. De plus, ce système permettait une plus grande implication des communautés des Premières nations et d’individus autochtones comme membres de l’équipe. Or, à l’approche de la fin novembre, un nouveau lot de problèmes commençait à se faire sentir. Le plus important de ceux-ci était l’arrivée de l’hiver. Aussi, le niveau des eaux a commencé à augmenter et le sol s’est imbibé, ce qui contrastait avec les conditions sèches de septembre alors que le niveau des eaux était relativement bas. L’équipe a dû négocier souvent avec l’infiltration d’eau à travers les parois dans Planche 4.13 : Tentative d’utilisation d’une les unités de fouille, ce qui témoignait d’un pompe à puisard pour drainer l’unité E16. écoulement des eaux souterraines

Planche 4.14 : Le sous-système électrique.

52 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 4.15 : Le montage d’un abri mobile comme élément du « système des trois abris ».

Planche 4.16 : Un cadre de dégel en cours d’utilisation sur une unité de fouille.

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Planche 4.17 : Le système des trois abris en cours d’utilisation, vu du haut du remblai, en février.

provenant de sources et des pluies en surface de niveaux plus argileux (A. Seaman 1997, comm. pers.). Afin de pallier les effets du climat hivernal, les mesures suivantes ont été adoptées. • L’emprise de 25 m a été recouverte de paille (12,5 tonnes métriques jusqu’à une épaisseur de 45 cm) • Des abris mobiles (modifiés avec des pare-vapeurs) ont été montés au-dessus des aires de travail. • Des cadres modulaires portatifs appelés « corral » (conçus par B. Nash et P. Dickinson, conjointement avec T. MacAfee) recouverts de polyéthylène ou d’isolant réfléchissant et portant des rangées de lampes calorifiques ont été construits de façon à recouvrir les 2 Planche 4.18 : Vue à l’intérieur d’un abri. unités de 2m et les dégeler. 54 Wolastoqiyik Ajemseg

Planches 4.19 et 4.20 : L’effet de la tempête de vent sur les abris.

Le système utilisé sur la terrasse supérieure mettait en scène dix équipes constituées d’un archéologue superviseur et de quatre techniciens. Ces équipes travaillaient en tandem au sein de cinq « systèmes d’abris ». Un système d’abri était constitué de trois abris, contenant chacun plusieurs cadres modulaires isolés et chauffés et un réseau de filage électrique. Les abris ont été montés bout à bout le long d’une ligne de quadrillage, créant de longs tunnels. Idéalement, le processus de fouille allait comme suit : deux cadres modulaires étaient installés dans le premier abri de façon à dégeler le sol au-dessus des unités à fouiller. À côté, dans le second abri, il y avait deux • Le site a été pourvu de filage électrique unités ouvertes en cours de fouille par les afin d’alimenter les lampes calorifiques, deux équipes (où un membre creusait et les ampoules et les chaufferettes. l’autre transportait les seaux). Le troisième • Des pompes à puisard ont été placées abri recouvrait des unités déjà fouillées, au dans les unités les plus basses de la sein desquels les deux autres membres des terrasse inférieure afin de faciliter le équipes tamisaient le sol. drainage des secteurs humides avant Une fois rodé, le système a atteint un que le gel ne s’installe définitivement. bon degré d’efficacité. Il a cependant été la • Les déplacements sur le site ont été proie de certains problèmes qui se sont contrôlés afin d’éviter d’enfoncer le gel clairement manifestés entre Noël et le jour dans le sol. de l’An, quand une tempête de vent

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Planche 4.21 : L’hiver

soudaine et anormalement sévère8 souffla des poches de sol plus profondes, sous la quelques abris de leurs amarres. Bien que la base du niveau de labour. Dans les zones plupart des abris aient pu être récupérés, basses (la terrasse inférieure, la baissière et d’autres furent complètement détruits et le talus), nous avons cependant eu à faire soufflés aussi loin qu’à 200 m vers le nord. face à beaucoup plus de problèmes. C’est en En considérant que ces abris avaient été décembre que l’inévitable a commencé à se ancrés avec des tiges d’acier d’une longueur manifester. Un été et un automne humides de 2 à 3 pieds, cette situation, qui résultait ont mené à de hauts niveaux d’eau durant d’une tempête de vent très fort, était l’hiver et les aires stratifiées auprès de la exceptionnelle. rive ont été inondées. Même plus haut sur Ce système fonctionnait très bien dans l’emprise, les substrats argileux gorgés la portion labourée du site. À mesure que la d’eau et le temps glacial ont affecté le fouille de cette aire progressait, il devint sauvetage. Depuis le début, la haute teneur apparent qu’un grand nombre de structures en argile et en eau avaient gêné la fouille et avaient survécues aux labours, ceci en le tamisage dans ce secteur. De manière raison de l’irrégularité de la profondeur des inverse, l’absence de perturbation et la alluvions sur la terrasse supérieure, créant présence de structures intactes exigeaient

8 Cette tempête de vent a causé des dégats aux toits et aux arbres à travers toute la province. Elle a également fait échouer le traversier de Île-du-Prince-Éduard.

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Planche 4.22 : Le Centre d’interprétation Ajemseg.

l’utilisation de techniques méticuleuses. Quand le niveau d’eau a monté puis gelé, le travail devint impossible. À la mi- Planche 4.23 : Un groupe scolaire effectuant une visite de laboratoire. décembre, les unités les plus proches de la rive (unités A-83 à A-88 et B-83 à B-88) étaient complètement inondées. La situation n’était guère mieux auprès du talus (unités A-59 et A-60, B-59 et B-60, C-59 et C-60). L’utilisation de pompes à puisard n’est pas venue à bout de l’infiltration d’eau. Quand le mercure a chuté à la fin de décembre, cette eau gela et rendit inutiles les pompes. Face à ces problèmes, nous avons déplacé les abris vers la terrasse supérieure où le travail pouvait continuer. Le fonctionnement dans ce secteur culmina en termes de dimension et d’efficacité au cours du mois de février 1997. Afin de faciliter encore plus la fouille, les ingénieurs du ministère des Transports ont procédé à une détermination encore plus précise de l’emprise de façon à restreindre l’impact de la construction de 57 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 l’autoroute. Au début de mars, à la suite des La fin de la phase de fouille efforts des responsables de la planification À l’emplacement du palier le plus à au ministère, les paramètres du design du l’ouest (éventuellement désigné comme pont ont été établis et la position exacte des l’aire A), l’équipe mit au jour les traces piliers a été placée sur le terrain. Ce d’une communauté du sylvicole inférieur positionnement des piliers résulte d’un des Maritimes (environ de 2000 à 3000 AA). compromis entre les coûts raisonnables On y dénombrait des fragments de poterie, pour la construction du pont et l’évitement des éclats de pierre provenant de la des portions du site trop coûteuses et fabrication d’outils, des outils brisés et difficiles à sauver efficacement (comme la réutilisés, des foyers et des planchers terrasse inférieure et la baissière). Les aires d’habitation. d’impact des piliers étaient de 25 m sur Le 12 avril, alors qu’il restait 15 % de 25 m, et l’espace extérieur à ces aires serait l’aire de ce pilier à fouiller, l’équipe dégagea recouvert et protégé par un géotextile et un dans la partie ouest une structure de fosse remblai. À trois mois de l’échéance, l’équipe en cuvette tapissée d’ocre rouge et les chefs, faisait face à un défi enfin réalisable et s’y les aînés, les politiciens et les responsables attaqua fermement. au ministère des Transports en furent Conjointement avec cette phase du avertis. Ce 12 avril allait être la dernière projet, un programme d’éducation publique journée de fouille à Jemseg. fut mis sur pied sous la conduite de Karen Dans le nord-est, l’ocre rouge est Perley. Les efforts mis de l’avant dans cet associée à des structures cérémonielles, aspect du projet visaient à encourager la fréquemment des sépultures. La fosse était visite du site (de manière à maintenir un petite, soit 30 cm sur 70 cm sur 25 cm de sentiment d’ouverture et de confiance) et à profondeur avec l’ocre rouge qui en utiliser les données récoltées lors du projet tapissait le fond. Aucun artefact ni pour favoriser l’appréciation de la culture et ossement n’y fut retrouvé. L’acidité élevée de l’histoire malécites dans le grand public. du sol aurait tout naturellement détruit La pierre angulaire de ce programme était toute matière osseuse avec le temps et le Centre d’interprétation Ajemseg l’absence d’ossement n’était donc pas (Ajemseg Interpretive Center) (voir Perley, inhabituelle. De plus, il existe des ce volume), par où s’effectuaient des visites sépultures de la période archaïque récente du site, des séances de contes traditionnels, qui correspondent à la forme et au contenu des démonstrations de taille lithique et de de cette structure (voir la discussion plus fabrication de paniers, ainsi que des visites loin). de laboratoire. Des invitations furent En tenant compte de ces considérations, lancées aux écoles de la province auxquelles l’équipe archéologique recommanda au plusieurs répondirent, tant proches que ministère des Transports de traiter cette distantes. structure comme une sépulture, qu’il soit possible ou non d’en faire la preuve. Les

58 Wolastoqiyik Ajemseg ministres des Transports, des Affaires • Les roulottes et autres équipements intergouvernementales et de furent enlevés du site à mesure qu’ils l’Environnement rencontrèrent les chefs n’étaient plus nécessaires. malécites, examinèrent des tracés de Le laboratoire de terrain, l’entrepôt rechange et, conséquemment, annoncèrent d’artéfacts et un petit centre le 24 avril 1997 un changement dans d’interprétation furent maintenus sur le l’approche de l’autoroute sur la rivière site durant les mois d’été. Durant les Jemseg qui permettait d’éviter mois de mai et juin, le projet reçut de complètement le site. très nombreuses visites de groupes À la fin de la fouille, nous avions creusé scolaires qui y faisaient la tournée du une superficie de 646 mètres carrés. La laboratoire et du centre d’interprétation fouille produisit plus de 40 000 artefacts et avec des démonstrations de taille de un témoignage significatif d’activités pierre et de vannerie traditionnelle humaines de longue durée dans la région malécite. Ces visites diminuèrent en de Jemseg sous la forme de matériel intensité à la fin de l’année scolaire, botanique, faunique, artéfactuel et mais on continua de recevoir la visite structurel. Ces témoins sont à la base de la de touristes et d’habitants locaux. compréhension du passé ancien de la Les analyses du matériel de Jemseg province du Nouveau-Brunswick et de Crossing ont englobé les activités l’approfondissement de nos connaissances suivantes : sur les gens de Jemseg. • l’archivage des collections, incluant le catalogue des artéfacts, des Après la fouille photographies, des notes de terrain, Durant les trois semaines suivant la fin ainsi que des plans de site, d’unité de de la fouille, l’équipe s’est affairée aux fouille et de structure; tâches suivantes reliées à la fermeture du • le nettoyage et la conservation de chantiers. certaines classes d’artéfacts qui • L’équipement de terrain, tels les abris, requéraient une stabilisation (comme le filage électrique et l’outillage de les perles de verre); fouille, furent retirés du site, nettoyés, • une identification plus approfondie des inventoriés et entreposés. classes de matériels à l’aide • Toutes les unités de fouille furent d’observations rapprochées ou de remblayées techniques spéciales (comme les types • Les surfaces exposées du site furent pétrographiques et l’identification des semées d’herbes et de plantes ossements et des graines); médicinales traditionnelles malécites, • la classification du matériel tels la belle-angélique, la coléolèvre et archéologique selon la matière, la l’hiérochloé (ou foin d’odeur) dans fonction, la chronologie et/ou les l’espoir de continuer l’usage techniques de fabrication; traditionnel des lieux. 59 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

• la récolte d’information supplémentaire à partir des échantillons et des artéfacts (comme la flottation [voir Barefoote, ce volume] des échantillons de structure, le traitement des échantillons de charbon pour le radiocarbone et la récolte de résidus sur les artéfacts); • l’intégration de tous les types d’information afin d’interpréter le passé.

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Elluhkatomek 5 : Méthodologie, deuxième partie : le laboratoire de terrain

VAPORISATEURS ET TUPPERWARE

Valery Monahan

« La fouille peut être considérée comme un désastre contrôlé » (Logan 1988:8)

Ce chapitre est une brève synthèse des l’équipe de laboratoire est répétitif et long, activités conduites au laboratoire de terrain pourtant il est essentiel dans le processus de Jemseg. Il décrit le système qui archéologique. permettait à une petite équipe (entre trois et Dans le laboratoire, les artéfacts sont dix individus) de traiter les résultats d’une identifiés, nettoyés, étiquetés, catalogués, fouille de grande ampleur. Le superviseur groupés et mis à l’abri. Les notes et les du laboratoire de terrain était également le plans sont organisés, leur provenance est conservateur du projet. Nous y faisons une clarifiée et ils sont enregistrés. Les artéfacts brève description des traitements et des fragiles sont identifiés et reçoivent une activités liées au traitement, et nous attention spéciale. Les gens de l’équipe de discutons de la contribution qu’un laboratoire sont les premiers à voir les conservateur en archéologie et une bonne objets nettoyés et organisés. Ils sont souvent équipe de laboratoire peuvent apporter au les premiers à identifier les trouvailles cours d’une fouille. importantes et à se rendre compte d’éléments pertinents dans la collection. Les Le laboratoire de terrain observations de l’équipe de laboratoire de Lors d’une fouille archéologique, le terrain peuvent améliorer les méthodes de laboratoire de terrain fait le pont entre les fouille et suggérer des avenues d’analyse. données brutes du site et son interprétation. La nature inhabituelle du projet Les procédés du laboratoire de terrain archéologique de Jemseg Crossing (PAJC) a combinent des aspects de la conservation et rendu particulièrement importante la de l’enregistrement des artéfacts et de la présence d’un laboratoire de terrain sur le gestion de la collection. Le travail de site. Ce laboratoire donnait aux

61 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 archéologues un accès continuel à la d’artéfacts alors que l’équipe de laboratoire collection grandissante d’artéfacts. Les les approvisionnait avec le matériel équipes de terrain dont plusieurs étaient à nécessaire à ce procédé. À la fin de chaque leurs premières armes en archéologie, journée, le superviseur de laboratoire visitaient régulièrement le laboratoire pour repassait toutes les trouvailles pour se tenir au courant des découvertes et se s’assurer d’une séparation adéquate des faire une bonne idée générale du travail artéfacts. accompli. Inversement, l’équipe de laboratoire pouvait prendre le temps Les artéfacts secs d’observer la fouille pour constater les Les artéfacts qui ne présentaient pas de aspects qui importaient le plus aux risque de détérioration à la suite de leur archéologues et s’assurer que l’information dégagement étaient ensachés comme tels nécessaire était bien enregistrée. Les dans des sacs réutilisables en polyéthylène visiteurs pouvaient voir comment les « Zip-loc ». Des marqueurs en feutre à encre artéfacts et l’information provenant d’une permanente servaient à marquer la fouille étaient traités. Tous les aspects d’une provenance directement sur les sacs. Les fouille archéologique, de la gestion des matériaux secs incluaient les objets lithiques collections, de l’analyse et de (la plus grande catégorie artéfactuelle), la l’interprétation leur étaient ainsi présentés. céramique historique et certains os et coquillages. Au laboratoire de terrain, les os Le traitement des artéfacts et les coquillages étaient brossés aux fibres Les artéfacts de Jemseg étaient divisés naturelles alors que les matériaux lithiques en trois catégories en vue du traitement : et céramiques étaient lavés à l’eau et séchés mouillés, secs et humides. Les artéfacts à l’air. archéologiques subissent une altération par Des discussions entre l’archéologue en leur contact avec le sol et l’eau et ils charge du projet (S. Blair), la responsable du atteignent un état d’équilibre et les artéfacts volet éducatif (K. Perley) et les aînés instables peuvent subir des changements malécites nous ont permis de savoir que le rapides qui causent la perte d’information marquage permanent des pièces était perçu importante et même la désintégration de comme choquant. Nous avons donc élaboré l’objet (Cronyn 1990 : 5). Si les artéfacts un système de catalogage de remplacement demeurent à un taux d’humidité similaire à avec des sacs de polyéthylène réutilisables celui de leur contexte archéologique, la et des étiquettes de papier sans acide. Après détérioration peut être réduite à un le traitement et le catalogage, tous les minimum jusqu’à ce que l’enregistrement artéfacts secs étaient ensachés avec une complet soit fait et/ou qu’un traitement de étiquette indiquant le n° de catalogue et stabilisation soit effectué (Mathias et d’autre information de provenance. Pour Foulkes 1996 : 102). À Jemseg, l’équipe de certains artéfacts, on en dessinait un croquis terrain a été enjointe de séparer les types schématique sur le revers de l’étiquette afin

62 Wolastoqiyik Ajemseg de les retracer plus facilement. Les objets garder les objets mouillés lors du très fragiles étaient placés dans de petites catalogage. boîtes en acrylique avec leurs étiquettes. La majorité des artéfacts mouillés provenait du niveau supérieur perturbé du Les artéfacts mouillés site. Puisqu’ils s’avéraient récents, et dans Les artéfacts métalliques et certains la plupart des cas hors contexte, aucun autres en textile et en cuir étaient maintenus traitement de stabilisation ne leur fut plongés dans l’eau du robinet entre le accordé. Après une analyse préliminaire, la moment de leur dégagement et celui de leur décision fut prise de sécher ces artéfacts à traitement. Des sacs de polyéthylène, des l’air libre. récipients « Tupperware » et des seaux métalliques servaient à transporter les Les artéfacts humides artéfacts mouillés du terrain au laboratoire. Les artéfacts qui étaient susceptibles de On inscrivait alors le numéro de catalogue se modifier au séchage, mais dont la nature sur des étiquettes en plastique « Dymo » et poreuse ou fragile rendait leur immersion l’information de terrain sur les sacs à l’aide sur place risquée, étaient maintenus de marqueurs à encre permanente. L’équipe humides après leur mise au jour. Cette de laboratoire utilisait des chiffons de coton catégorie incluait la céramique blanc, des feuilles de polyéthylène et des amérindienne précédant le Contact ainsi vaporisateurs avec de l’eau du robinet pour que les os et perles de verre détériorés.

Planche 5.1 : Tessons de céramique de la période précédant le Contact, soulevés en bloc pour une fouille en laboratoire.

63 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

L’humidité était maintenue à l’aide de L’expertise d’un conservateur est utile à vaporisateurs d’eau de robinet, de gaze de l’archéologue seulement s’il y a coton, de récipients « Tupperware » et de collaboration (Logan 1988 : 9). En travaillant sacs de polyéthylène réutilisables. Dans ensemble, le conservateur et l’archéologue certains cas, les artéfacts étaient emballés peuvent joindre leur expertise afin d’offrir avec le sol associé ou encore prélevé en et enregistrer l’information ainsi que de blocs pour une fouille en laboratoire. Au protéger les ressources archéologiques de laboratoire, les arteéfacts humides étaient façon à ce qu’elle soient utilisables dans le vaporisés avec une solution d’alcool futur. isopropyllique à 40 % dans l’eau afin de Le PAJC fournit plusieurs exemples de prévenir l’apparition de moisissures (Grant comment la conservation et l’archéologie 1993 : 6). En général, ces artéfacts fonctionnent bien ensemble. Le requéraient un traitement pour conservateur, les archéologues et les autres l’identification et l’entreposage, et c’était membres de l’équipe se consultaient donc le conservateur du projet qui régulièrement, résolvant en même temps complétait le travail. Après le traitement, ils une variété de problèmes. Parmi les étaient enregistrés suivant les mêmes exemples, on trouve le système de procédés utilisés pour les artéfacts secs. numérotage de Jemseg et l’utilisation d’un entreposage humide pour une partie du La conservation matériel. Aucune de ces méthodes n’ont été Les conservateurs peuvent jouer utilisées auparavant dans des projets plusieurs rôles dans le cadre d’une fouille archéologiques néo-brunswickois et elles archéologique. Ils sont formés en science fonctionnèrent très bien à Jemseg. La des matériaux et peuvent donc contribuer à présence d’un conservateur sur le site l’identification juste d’artéfacts et leur signifiait que les objets fragiles pouvaient interprétation (Lozan 1988 : 8). Leurs être prélevés en bloc et les archéologues expériences et talents manuels avec les avaient quelqu’un de disponible objets fragiles les rendent fort utiles lorsque immédiatement pour s’occuper du matériel des techniques de fouille spécialisées sont qui semblait exiger une attention urgente. requises pour le dégagement d’artefacts Des traitements ont été appliqués sur instables. La familiarité des conservateurs plusieurs artéfacts au cours de la fouille, avec la gestion des collections et des leur permettant une analyse rapide. techniques de mise en valeur en fait une Le PAJC a aussi fourni un exemple de la ressource utile pour l’archéologue. Ils nécessité d’objectifs à long terme si la peuvent aider l’archéologue à résoudre conservation se doit de solutionner des certains problèmes concernant problèmes d’entreposage et l’entreposage à long terme des collections et d’interprétation. Le projet avait comme leur interprétation dans les cadres de mandat de sauver les ressources l’éducation et de la recherche. archéologiques de la destruction causée par

64 Wolastoqiyik Ajemseg le développement. Au terme du projet, nous référence aux méthodes spécialisées de avions récolté une grande collection nettoyage et de stabilisation. Les d’artéfacts. Étant donné que le projet n’avait conservateurs sont tenus, par leur code pas au départ ciblé des objectifs précis de d’éthique, d’enregistrer tous les travaux recherche, il était difficile pour les qu’ils effectuent sur les artéfacts. Par archéologues et le conservateur de choisir le conséquent, tout traitement de conservation niveau de précaution à donner à des inclut des notes détaillées (II C-CG et artéfacts individuels. Dans certains cas, des l’Association canadienne des conservateurs décisions faites au départ sur le niveau de professionnels 1986). Tous les artéfacts de précaution et d’enregistrement ont dû être Jemseg qui exigeaient l’application de telles réexaminées vers la fin du terrain quand le techniques avant d’être manipulés et volume imposant de matériel et les analysés furent traités individuellement par contraintes financières rendirent impossible le conservateur du projet. Ce qui suit décrit la suite des travaux. Des efforts étaient mis de façon générale les traitements de de l’avant pour récolter des échantillons conservation. Toute personne intéressée à d’analyses pour stabiliser des artéfacts et en savoir plus est priée de consulter les pour conserver des aspects particuliers de notes du Projet de conservation Jemseg la collection. Mais sans continuité dans le entreposées aux Services d’archéologie, à cadre de recherche, ces efforts peuvent ne Fredericton, Nouveau-Brunswick. pas mener à un recouvrement supplémentaire d’information. Enfin, ce Les ossements et les coquillages problème se compliquait avec l’ambiguïté Des ossements d’animaux fort dégradés qui existait sur la destination finale des ont été mis au jour dans plusieurs unités de collections de Jemseg. Les fouille. Ils étaient stabilisés en les recommandations d’un conservateur à conservant en milieu humide jusqu’à ce propos du traitement, du niveau qu’ils puissent être consolidés par d’enregistrement et des stratégies immersion dans une solution d’eau de d’entreposage à long terme peuvent robinet et d’émulsion acrylique (Rhoplex seulement être formulées à la lumière de Ac-33), puis séchés doucement à l’air et l’utilisation éventuelle des artéfacts ensachés avec des étiquettes sans acide. Les (Logan 1988 : 9). petits artéfacts en os, tels que les boutons provenant d’une structure postérieure au Le traitement de conservation Contact et récente, étaient stables mais De façon générale, les diverses fragiles et sales. Ils étaient brossés et manipulations des artéfacts à la suite de essuyés à sec sous la loupe avant leur leur dégagement, même le lavage en vrac enregistrement et leur mise en sac. d’éléments lithiques, peuvent êtres Un gros artéfact en coquillage a été considérées comme du traitement. Mais le méticuleusement nettoyé à l’aide de brosse véritable traitement de conservation fait à fibres naturelles et de baguettes d’une

65 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 5.2 : Perles de verre mises au jour au site de Jemseg, après leur traitement.

bois épointées. Ce nettoyage a permis aux tessons ont été séchés à l’air libre après leur archéologues de confirmer une mise au jour. Les résidus de sol argileux qui identification et de rendre possible une les recouvraient s’y sont collés fermement, éventuelle analyse. gênant leur examen et leur identification. Subséquemment, les tessons nouvellement Les perles de verre dégagés étaient placés dans des boîtes Plusieurs centaines de perles de verre et acryliques sur le site même, avec une toile de fragments de perles ont été trouvés au de coton blanc humide à l’intérieur afin site de Jemseg. Ces minuscules artéfacts ont d’éviter l’assèchement. été nettoyés sous la loupe avec des solvants, La céramique amérindienne est souvent des aiguilles fines à seringue et de la ouate. friable au moment du dégagement. Cet état Les plus petites perles ne pouvaient être résulte d’une pâte grossière mal cuite qui a manipulées avec aucun des outils du été en contact continu avec le sol et l’eau. laboratoire. De petites boucles à cheveux de On peut s’attendre à ce que de tels tessons la conservatrice ont servi à doucement faire durcissent après un séchage (Cronyn 1990 : passer de la ouate humide à travers leurs 150). Toutefois, en raison de la nature trous afin de les nettoyer. Toutes perles argileuse des sols du site de Jemseg démontrant des fissures, de la décoloration Crossing, les tessons de céramique ou encore d’autres signes de détérioration amérindienne ne devaient pas être laissés à (Cronym 1990 : 130-135) étaient enduites de sécher avant un nettoyage. résine acrylique B-72. Les tessons étaient alors plongés dans de l’eau de robinet et la saleté était essuyée La céramique amérindienne délicatement. Le nettoyage se faisait sous la Environ 250 tessons de céramique loupe afin de permettre d’observer la précédant le Contact ont été trouvés lors de surface des tessons. Il n’a pas été possible la campagne de fouille. Les premiers

66 Wolastoqiyik Ajemseg d’enlever sans dommages toute la saleté témoignage permanent d’un site adhérant aux tranches, aux plages exfoliées archéologique fascinant et une collection et aux reliefs causés par la décoration ou le d’échantillons et d’artéfacts soigneusement traitement de surface. enregistrés pour la recherche future. Les tessons humides étaient nettoyés Le laboratoire de terrain a fait partie sous la loupe en posant des gouttelettes intégrale du PAJC en fournissant une d’eau sur leur surface. Ainsi toute la saleté organisation continue des artéfacts en qui se détachait dans l’eau était alors même temps que de l’information sur le site délicatement essuyée. Nous avons fait très et les trouvailles aux archéologues, à attention de ne pas détacher la l’équipe de terrain et au public. carbonisation qui adhérait aux parois. S’il y La présence d’un conservateur sur le avait des résidus, nous en prenions des site a permis la création d’un système de échantillons. Après l’enregistrement, une récolte d’artéfacts qui en minimisait la lame neuve et propre de scalpel servait à détérioration à partir du sol jusqu’à gratter délicatement l’échantillon de la l’entreposage final. En travaillant avec les surface. Ils étaient déposés dans de petits archéologues, le conservateur a pu traiter paquets de feuilles d’aluminium, eux- avec succès une variété d’objets qui va mêmes contenus dans de petites fioles permettre des recherches futures et fournir étiquetées en vue d’analyses futures. Après une contribution utile à notre traitement, les tessons étaient laissés à compréhension du site archéologique de sécher lentement dans des boîtes Jemseg Crossing. d’acrylique tapissées de papier-bulle. Quelques tessons provenant de la matrice riche en gravier étaient très friables et quelques essais nous ont montré qu’ils ne résisteraient même pas à un nettoyage des plus délicats. Nous avons alors décidé de laisser sécher à l’air tous les tessons de ce secteur.

Conclusion Le PAJC a apporté son lot de défis aux archéologues et aux équipes de fouille et de laboratoire. Avec génie, il a été possible de transformer des conditions climatiques mauvaises, des échéances de construction et le chaos que peut occasionner un vaste chantier de fouille sur un site productif en une occasion éducative unique, un

67 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

68 Wolastoqiyik Ajemseg

Elluhkatomek 6 : Méthodologie, troisième partie : la flottation

BUT, PROCÉDÉ ET APPAREIL1

Patricia Barefoot

La flottation est une méthode de déterminer des pratiques culturelles comme traitement des échantillons de sol qui l’agriculture ou encore la saisonnalité des consiste à les immerger dans l’eau afin de schèmes d’établissement en fonction de la séparer les éléments lourds des légers dans disponibilité des plantes. Le charbon sert à le but de récupérer des matériaux dater les sites, mais il peut aussi apporter botaniques, d’autres matériaux organiques de l’information sur le couvert forestier qui ou carbonisés et de petits artéfacts. Cette existait jadis sur place et sur les technique commode de triage permet combustibles utilisés par les occupants. d’éliminer les fines particules de sol, Les écofacts, tels les grains et le charbon laissant au personnel du laboratoire une de bois, peuvent provenir des structures quantité gérable de matériel. Elle isole comme les foyers de cuisson. D’autres également le matériel qui est d’intérêt pour éléments informateurs sont fréquemment les archéologues comme les graines et le présents dans les structures, comme les charbon, en le faisant flotter pour une ossements carbonisés d’animaux. récupération facile. L’identification de ces ossements sert à La paléoethnobotanique est l’étude du s’informer sur les espèces animales qui matériel botanique récolté dans les sites étaient consommées ainsi que la saison archéologiques dans le but d’établir les d’occupation du site. Il est aussi possible de relations entre l’être humain et les plantes déterminer les méthodes de préparation à (Pearsall 1989). La récolte et l’analyse de ce l’aide des marques de boucherie et de matériel peuvent fournir des indices sur des cassure sur les os. aspects peu connus comme l’alimentation et En plus des vestiges la médecine. Elle peut nous aider à paléoethnobotaniques, de petits artéfacts

1 Note de l’éditeur : l’appareil de flottation de Jemseg fut conçu par Phillip Atwin, Patty Barefoot, Christopher Blair et John Keenan, et opéré par John Keenan et Patty Barefoot. 69 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 sont souvent récupérés dans le processus de poignée faite d’une bande de nylon, qui flottation. Certains artéfacts, comme des servait à faire tourner l’appareil, et deux perles de verre et des micro-éclats sont autres poignées en corde de nylon qui souvent difficiles à voir dans le sol durant la servaient à installer et retirer l’appareil du fouille. réservoir (voir planches 6.1 et 6.2), La flottation peut devenir un aspect Le réservoir utilisé pour le procédé était important d’un projet archéologique du fait un baril cylindrique en polyéthylène de qu’il permet la récupération d’une plus haute densité (HDPE). Il avait une capacité grande gamme d’information sur les de 30 gallons et était muni d’un drain à la occupants d’un site. Ainsi de nombreux base. éléments liés à l’alimentation, la santé et l’environnement naturel du site peuvent se Le procédé perdre sans l’usage de la flottation. Le réservoir était rempli avec environ 100 litres d’eau de la rivière. L’échantillon L’appareil de sol, généralement d’un volume de 2,5 L’appareil de flottation utilisé lors du litres, était alors versé dans le tamis PAJC est constitué de quatre tamis supérieur de l’appareil qu’on plongeait géologiques à mailles décroissantes (6,30 dans le réservoir jusqu’à ce que l’eau mm, 3,35 mm, 1,70 mm et 0,425 mm). Ces atteigne le niveau médian du tamis tamis étaient attachés par un cadre de supérieur. On agitait ensuite l’appareil pour serrage constitué de deux anneaux de bois libérer les graines et les autres éléments (d’un diamètre externe de 44 cm) liés flottables. ensemble par des tiges filetées et des écrous La part flottante était récupérée à l’aide à ailettes. L’anneau supérieur portant une d’une petite passoire aux mailles d’environ

Planche 6.1 : L’assemblage des tamis et le réservoir, prêts pour la flottation.

70 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 6.2 : Le chargement de l’assemblage des tamis dans le réservoir. 0,5 mm, puis déposée dans un récipient de plastique. L’échantillon était brassé plusieurs fois jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de particules flottantes. L’appareil était alors retiré du réservoir et démonté. La part non flottante avait passé à travers les mailles des tamis, produisant une série de fractions lourdes. Ces fractions étaient transférées sur des plateaux métalliques. Le matériel pris dans les mailles était délogé à l’aide de petites chocs ou d’une brosse à dents. Les plateaux

Planche 6.3 : Le traitment de la fraction lourde.

71 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

étaient rapportés au laboratoire et des fioles à l’aide de petits pinceaux. Des entreposés sur des étagères pour le séchage. pincettes étaitent parfois utilisées, mais Aucun produit de papier n’a été utilisé seulement quand elles ne pouvaient pas durant le séchage afin d’éviter la endommager les spécimens fragiles. Les contamination d’éventuels échantillons de fragments d’écales de noix, les micro-éclats radiocarbone. L’eau du réservoir était et autres petits artéfacts étaient ensuite drainée et remplacée dès que généralement assez solides pour se faire changeait la provenance des échantillons manipuler avec des pincettes. Toutes les afin d’éviter des contaminations entre eux. fioles ont été étiquetées et rangées dans des Quand l’échantillon avait séché, il était mis sacs à leur tour étiquetés. Le sol résiduel, les en sacs et entreposé sur des étagères jusqu’à petits cailloux et les racines étaient jetés. Les ce qu’il puisse être trié. restes botaniques ont alors été remis à un Le triage s’effectuait en versant une paléoethnobotaniste pour fins petite quantité de l’échantillon sec sur des d’identification (voir Monckton, ce plateaux de plastique pour pouvoir séparer volume). Tous les autres artéfacts ont été manuellement les matériaux en catégories. catalogués et entreposés. Les particules fines étaient triées sous la loupe. Les graines étaient transférées dans

72 Wolastoqiyik Ajemseg

Nutokehikemikwum 7 : La « Maison de l’enseignement » : le Centre d’interprétation Ajemseg

Karen Perley

« Puisque les enseignements de nos ancêtres n’ont pas atteint toutes les Premières nations et les non-autochtones, il est de la responsabilité de ceux qui ont commencé le processus d’apprentissage de partager ce qui a été appris. Car la connaissance meurt si elle n’est pas partagée. » Shirley Bear, aînée traditionnelle, Negotkuk/Tobique

Le nom malécite de Jemseg est échangeaient et socialisaient. Elle se Acimsek. souvenait d’un flux constant de gens qui Beaucoup d’aînés ont partagé leurs arrivaient et partaient à différents moments récits de Jemseg et de sa place dans le (comm. pers. 1997). paysage culturel des Wolastoqiyiks, les gens La défunte Christina Nash de de la belle rivière. Le défunt Charles Paul Welmooltuk / Oromocto se rappelait de de Negotkuk / Tobique a dit que Jemseg visites où les gens ramassaient les têtes de était un endroit où l’on se rassemblait pour violon et trappaient le rat musqué. C’est ramasser le bois flottant (comm. pers. 1997). durant ces épisodes que deux naissances Il était aussi connu comme un lieu où l’on eurent lieu à Jemseg, celle du fils de sa sœur se rassemblait. La défunte Ruth Saulis, et celle de John Atwin (comm. pers. 1996). originalement de Welmooltuk / Oromocto Certain de ces comportements (et plus tard de Negotkuk / Tobique), se traditionnels ont perduré jusqu’à souvenait qu’elle visitait le site quand maintenant. Le défunt Charles Paul de elle était petite. Elle appelait l’endroit Welmooltuk / Oromocto nous a dit que « l’étape », où les gens qui voyageaient sur John Sacobie (Welmooltuk / Oromocto) a la rivière Saint-Jean campaient pour une continué de visiter Jemseg jusqu’à tout journée ou deux, parfois plus. En ce lieu, ils récemment pour récolter des plantes fabriquaient des paniers, ils pêchaient, médicinales et de l’apios tubéreux (Apios chassaient le canard, récoltaient les atocas, americana), et trapper le rat musqué. Il n’a

73 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 pas poursuivi cette tradition pour des des communautés des Premières nations, raisons de santé (comm. pers. 1997). des écoles et du public en général. Nous Bien que Jemseg soit un espace reconnu avons également fait distribuer de dans le paysage culturel de la rivière Saint- l’information sur le Centre par le biais du Jean, l’aspect archéologique du lieu n’a que Comité consultatif malécite et des récemment été compris. Le site Wolastoqiyiks employés par le projet. Ainsi, archéologique de Jemseg Crossing a été le bouche à oreille a assuré la divulgation découvert lors de l’inventaire requis pour de l’information sur le Centre et le projet au l’étude d’impact de la construction de sein des communautés des Premières l’autoroute transcanadienne. Le PAJC nations. résulte de l’effort combiné des LE CENTRE D’INTERPRÉTATION Wolastoqiyiks (les Malécites), le ministère AJEMSEG des Transports, le ministère des Malgré le fait que nous logions dans Municipalités, de la Culture et de une petite roulotte de chantier, nous avons l’Habitation (maintenant devenu Secrétariat été en mesure d’offrir une variété à la Culture et au Sport) et le ministère de d’expériences aux visiteurs du Centre. Pour l’Éducation. maximiser l’impact, le Centre accueillait ses L’intention du projet était de visiteurs avec les murs recouverts d’images fonctionner totalement en cogestion avec les et de photos des Wolastoqiyiks. Il s’agissait Wolastoqiyiks, en intégrant la perspective de photos d’archives prises au tournant du autochtone de la relation entre le site et les XIXe siècle, présentant des portraits, des données archéologiques. Le Centre scènes d’habitation, des modes de transport d’interprétation Ajemseg fut mis sur pied et des aspects technologiques. Les afin de rencontrer cet objectif. Dans ce photographies étaient montées sur du Centre, nous avons joint l’interprétation carton-mousse et posées sur des panneaux. culturelle wolastoqiyik et la perspective Il n’est pas étonnant que ce volet ait suscité archéologique sur l’existence ancienne, chez les visiteurs autochtones l’envie récente et actuelle des Wolastoqiyiks à cet d’exprimer au personnel du Centre leurs endroit. Cette approche a mis l’accent sur nombreux souvenirs et expériences associés les liens millénaires entre les Wolastoqiyiks à ces thèmes. De plus, plusieurs de ces et le site. visiteurs nous ont offert l’accès à leurs Nous avons fait circuler de propres albums photographiques de l’information à propos du Centre dans le famille. Par le biais de cette générosité, on a système des écoles publiques par été en mesure de bâtir un bottin informel de l’entremise de lettres, de dépliants, d’appels sources potentielles pour des photographies téléphoniques et d’affiches. Une bonne significatives. couverture médiatique du projet a généré En pénétrant dans la roulotte, on un intérêt additionnel du public, ce qui a présentait aux visiteurs les plantes et résulté en de nombreuses visites de la part racines traditionnelles typiques du site, tant 74 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 7.1 : Le Centre d’interprétation Ajemseg, avec de l’ouitillage de vannerie fournie par Victor Bear et des paniers fabriqués par Traditional Maliseet Basket Limited.

sous forme d’image que les vraies plantes tradition sacrée de brûler de la sauge et du elles-mêmes. Cette section donnait une foin d’odeur. occasion d’expérience tactile aux visiteurs. Le centre utilisait aussi des outils Des plantes médicinales telles que le pédagogiques traditionnels. Nous kiwhosuwasq, le pagolus et les patates racontions les mythes d’origine dans les sauvages étaient disponibles dans leur état deux langues (malécite et anglais). Ces naturel et les visiteurs étaient encouragés à contes contiennent les débuts, les utiliser tous leurs sens pour les examiner. enseignements, les vues et les valeurs des Nous présentions de l’information comme Malécites, tout en illustrant les approches la biologie des plantes, incluant leurs éducatives traditionnelles. De petits fagots habitats et caractéristiques de croissance, en de thuya et de foin d’odeur (les « petits mettant l’accent sur l’historique de leurs esprits joyeux ») étaient offerts à chaque usages et la transmission des connaissances visiteur du Centre afin d’encourager le flux des ancêtres wolastoqiyiks aux guérisseurs d’énergie positive qui circulait entre le actuels. Les plantes médicinales étaient Centre et le site. Nous transmettions les intégrées dans la thématique des enseignements avec ces petits fagots, en cérémonies, de la spiritualité et de la insistant sur le point de vue wolastoqiyik guérison en présentant l’image d’une hutte qui dit que les esprits sont nos grands- sacrée. Cette scène était rehaussée par la mères et grands-pères, et que nous devons

75 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 7.2 : Ramona Nicholas démontre la vannerie traditionelle à un groupe scolaire.

apprécier la nourriture, l’abri, l’eau, les intégrait les outils et la science animaux et les médicaments que nous archéologiques tout en se concentrant sur procure la Terre pour notre survie. Nous les gens, les Wolastoqiyiks. À travers une encouragions les visiteurs à transmettre à telle approche, nous pouvions dépeindre les leur tour ces enseignements afin de leur millénaires qui unissent les Wolastoqiyiks donner l’occasion de pratiquer la technique aux Ancêtres qui voyageaient le long de la de la transmission orale des connaissances. vallée de la Wolastoq. Nous avons placé des spécimens L’ÉDUCATION PUBLIQUE ET d’artéfacts dans une vitrine. Il s’agissait LES TOURNÉES d’outils lithiques précédant le Contact et Le Centre d’interprétation Ajemseg, au d’objets de traite postérieurs au Contact, départ installé sur le site, était logé dans représentant deux périodes distinctes une roulotte de chantier de 12 pieds sur 20 d’activités au site de Jemseg. Les objets en pieds. L’espace limité, les obstacles de pierre servaient non seulement de rappel de l’hiver et la distance de Fredericton n’ont la complexité, du talent, de la force et de la pas découragé environ 1100 visiteurs sur le précision physique requises pour fabriquer site sur une période d’une année. Ces ces outils, mais également d’ancrage visiteurs provenaient autant de la province matériel à l’existence des gens dans le que de l’extérieur et comptaient parmi leurs passé. Nous favorisions un point de vue qui rangs des gens des Premières nations, des

76 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 7.3 : Chris Blair explique la méthodologie archéologique à un groupe scolaire.

les écoles pour ceux qui ne pouvaient pas se étudiants universitaires, des élèves des déplacer. Nous encouragions toutefois des niveaux primaires et secondaires, des visites sur le site afin que les élèves puissent groupes d’intérêt culturels et du public en expérimenter l’énergie positive qui émanait général. de la vitalité du site. Au moment de la plus grande À la fin de la fouille, le contenu du affluence, le Centre a dû recevoir jusqu’à 80 Centre fut déménagé à la Direction des écoliers à la fois. Afin de contenir ce Services d’archéologie à Fredericton dans nombre, l’équipe a mis sur pied cinq l’une des salles de l’étage supérieur du stations de visite. Répartis dans ces stations, bâtiment. Nous avons continué de lancer des membres expérimentés de l’équipe des invitations à partir de ces locaux démontraient des techniques de vannerie et pendant une autre année, même si ce de taille lithique, racontaient des histoires, nouveau lieu ne pouvait accommoder exécutaient des cérémonies spirituelles et qu’une quinzaine de personnes à la fois. discutaient de méthodologie archéologique. L’intérêt public pour la culture De petits groupes atteignant jusqu’à seize wolastoqiyique qui a été généré par le enfants se déplaçaient à chacune des Centre d’interprétation, tant sur place que stations où ils prenaient connaissance des plus tard aux Services d’archéologie, a différentes présentations et activités. Nous démontré le besoin de poursuivre avons aussi organisé des présentations dans

77 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 7.4 : Autre vue du Centre d’interprétation Ajemseg, avec de l’outillage de vannerie fourni par Victor Bear, des paniers fabriqués par Traditional Maliseet Basket Limited et des vitrines d’artéfacts.

l’interprétation de la culture wolastoqiyik. Wolastoqiyiks des six communautés (tant Il y a urgence de préserver et enregistrer le dans les réserves qu’en dehors) était de savoir wolastoqiyik car le bassin de la quatre mille sept cent cinquante-huit au culture traditionnelle est composé d’un mois de décembre 19971. De ce nombre, nombre en déclin de locuteurs d’une seulement deux mille neuf cents personnes langue menacée. vivent dans les réserves. Les aînés de LES STATISTIQUES cinquante-cinq ans et plus sont au nombre 2 WOLASTOQIYIQUES d’environ trois cents . L’information statistique sur les De décembre 1997 à septembre 2002, 34 Wolastoqiyiks présentent un portrait aînés sont décédés à Tobique seulement. La inquiétant du déclin des locuteurs de perte de chaque aîné diminue le nombre de langue wolastoqiyique et des gardiens des locuteurs et ajoute au déclin de la culture. traditions, tant au sein qu’en dehors des communautés. La population totale des

1 Ministère des Affaires indiennes, préparé par B.A. Cleveland, Data & Systems Analyst. 2 Donnée fournie par les six communautés.

78 Wolastoqiyik Ajemseg

CONCLUSION institutions extérieures. Qu’elles soient sous Les gestionnaires du Projet forme de photographies, d’histoires orales, archéologique de Jemseg Crossing, les d’artéfacts ou de documents écrits, elles ont individus et les Premières nations besoin d’être rassemblées et conservées. Le wolastoqiyiques, de même que les agences besoin est d’autant plus urgent considérant et les ministères ont volontairement mis en la perte continuelle du savoir traditionnel et œuvre des politiques afin d’incorporer de la langue. De plus, notre expérience du l’archéologie dans les perceptions et le Centre d’interprétation témoigne du interprétations des Wolastoqiyiks sur le site. formidable intérêt du public pour la culture Le Centre d’interprétation Ajemseg ne fut wolastoqiyique. Tous ces éléments qu’une expression de cette volonté. Le renforcent l’idée, qu’il y a nécessité d’un Centre a réussi à ouvrir une page de lieu d’archivage où les information l’histoire malécite, mais il y a d’autres pages wolastoqiyiques pourra être rassemblée et qui restent à tourner. Ce fut au Centre, par entreposée. Il est crucial que les efforts le biais de conversations avec les visiteurs soient poursuivis entre les gouvernements wolastoqiyiks, que l’équipe a pris du Nouveau-Brunswick et des Malécites conscience de la grande quantité de afin de créer un lieu permanent où le données et de connaissances qui existent patrimoine wolastoqiyik sera conservé pour dans les communautés malécites et dans les les générations à venir.

79 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

80 Wolastoqiyik Ajemseg

Kansuhsuweyal Elipskasikil 8 : Les artéfacts mis au jour

Susan Blair

Les objets archéologiques ou les artéfacts forment le point de mire le plus témoins qui peuvent être retirés du tissu courant de la recherche archéologique. archéologique1 sont de trois ordres: les Toutefois, au cours des récentes années, artéfacts (les objets résultant d’actions d’autres catégories de matériel humaines déterminées), les spécimens archéologique ont également livré de bioarchéologiques (les objets organiques grandes quantités d’informations sur les non artéfactuels qui sont le sous-produit activités humaines passées. Cette d’activités humaines, comme les ossements information peut nous éclairer sur les d’animaux dépecés, les écales carbonisées schèmes de subsistance (la manière par de noix ou les coquilles de myes) et les laquelle les gens se sustentent), écofacts (le matériel organique qui se trouve d’établissement (comment ils utilisent et accidentellement dans le tissu fréquentent l’espace physique du paysage), archéologique, indépendamment des de saisonnalité (comment ils gèrent les actions humaines, comme le pollen, les ressources et la mobilité à travers les restes d’insectes et de petits rongeurs ou les saisons) et aussi nous faciliter la coquilles d’escargots) (Black 1992). Les reconstruction d’environnements passés et artéfacts peuvent être le produit d’un les processus de formation des sites. procédé (par exemple : les outils lithiques) Au cours du Projet archéologique de ou le sous-produit de ce même procédé (par Jemseg Crossing, nous avons récolté de exemple, les petits fragments coupants de nombreux artefacts, spécimens pierre qui résultent de la fabrication de bioarchéologiques et écofacts. Ensemble, ces l’outil, désignés par les termes éclat ou objets archéologiques forment l’assemblage débitage lithique). En tant que facette de la de Jemseg. Cet assemblage peut se culture matérielle humaine significative, les caractériser et se décrire de plusieurs façons

1 Par opposition aux structures archéologiques qui, par définition, ne peuvent être retirés de manière intacte du sol (voir chapitre 14). 81 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 8.1 : La distribution proportionnelle des matériaux de l’assemblage complet de Jemseg. BkDm14 UNK. Indéterminé PrecontactAvant le Contact Flakedlithique lithictaillé (42,2(42.2%) %) AvantPRE- le Otherlithique lithic autre (0.3%) (0,3 %) CONTACTContact Ceramiccéramique (0.6%) (0,6 %) PostcontactAprès le Contact Glassverre (15,4(15.4%) %) Ceramiccéramique (18.2%) (18,2 %) Metalmétal (14,1(14.1%) %) Organicorganique (2.5%) (2,5 %) Otherautres (4,0(4.0%) %) Après le POST- Indéterminé CONTACTContact Unknown Unknownindéterminé (2.7%) (2,7 %)

différentes. Puisque les objets qui le dans des matériaux tels que le métal, le constituent sont faits d’une grande variété verre, le plastique et la céramique. de matériaux et qu’ils résultent d’activités L’assemblage de Jemseg est constitué de conduites sur une grande période de temps, plus de 40 000 objets archéologiques, ce sont les variables « matériau » et « âge » desquels 38 003 se sont vu assigner une qui seront à la base des définitions. Les entrée au catalogue3. De ces derniers, 16 375 artéfacts des périodes précédant le Contact sont attribués à la période précédant le et postérieure au Contact diffèrent d’une Contact4 alors que 19 626 sont attribués à la manière qui transcende ces deux variables. période postérieure au Contact (voir plus Les artéfacts datant de la période précédant loin). Un nombre additionnel de 1042 objets le Contact sont principalement en pierre et ont été classés comme « indéterminés »; ce en céramique2 alors que les artefacts datant sont des matériaux ou des échantillons qui de la période postérieure au Contact sont peuvent dater autant des deux périodes

2 Notons que cette description s’adresse seulement aux matériaux qui ont été récoltés archéologiquement. Bien entendu, les gens de la période précédant le Contact utilisaient une gamme beaucoup plus variée d’outils et de matériaux, incluant les matériaux organiques comme le bois, les herbes, les racines, l’écorce de bouleau, les os d’animaux, les dents, les peaux, les fourrures et l’andouiller. Ils servaient à fabriquer une grande quantité d’outils et d’objets décoratifs et cérémoniels, dont des paniers, des textiles, des vêtements, des nattes, des filets, des habitations, des canots, des harpons, des instruments de musique et des ornements corporels. Ces matériaux sont beaucoup plus fragiles que la pierre et la poterie et sont généralement détruits par des phénomènes naturels (comme l’acidité des sols) et le passage du temps. 82 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 8.2 : Aires d’inventaire et de fouille du Projet archéologique de Jemseg Crossing.

RemblaisFill des (depositedannées in 1950 1950s &et 1980s) 1980

AREAAIRE A

AREAAIRE E E (test(sondages) unit)

AREAAIRE BB nordGrid du quadrillagenorth

AIRE C AIRE F AREA C AREA F AREAAIRE D D (Surface(collecte collection) de surface)

Rivière Jemseg Jemseg River 70emprise metre footprintde 70 m

25emprise metre defootprint 25 m

LesKEY aires TO d’intervention SITE AREAS sur le site BkDm-14, Jemseg BkDm-14 Jemseg

UnitésExcavated de fouille units LigneModern de clôture fence actuelle line SCALE: Aires d’érosion qui ont fait l’objet SCALE d’uneSurface récolte collected de surface erosional face PropositionsProposed d’emprise "footprint" de la nouvelle autoroute 50 METRES50 MÈTRES RemblaisFill (deposited datant des in 1950s & 1980s) for new TCH highway (1 cm = 10 m) années 1950 et 1980 transcanadienne SB98

3 Les objets qui n’ont pas reçu de numéro de catalogue sont de très petits objets récupérés dans les échantillons de flottation. Ce matériel a été classé par fraction et par échantillon, de sorte que tout ce qui provenait de la fraction grossière lourde porte un seul numéro (voir chapitre 6). 4 L’assignation aux périodes se basait sur des attributs tels que le matériau, la forme ou la source connue. Par exemple, les ossements de vache portant des marques de sciage sont de la période postérieure au Contact car ni les vaches ni les scies n’étaient présentes à la période précédant le Contact. 83 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Tableau 8.1 : Les proportions de matériaux par périodes selon les aires d’intervention.

Aire A Aire B Aire C Aire D Aire E Aire F Autres Total

Avant le Contact lithique taillé 12 068 1443 175 758 121 231 1227 16 023 lithique autre* 77 12 1 10 3 6 21 130 céramique 151 5 6 59 0 0 1 222 SOUS-TOTAL 12 296 1460 182 827 124 237 1249 16 375

Après le Contact verre 3613 1993 133 6511015852 céramique 5737 929 28 17 30 28 154 6923 métal 1642 3399 175 8 0 13 111 5348 organique 105 819 70006937 autres** 1232 243 16 100361528 TOTAL 12 329 7383 359 32 35 42 408 20588

Indéterminé*** 503 476 3 45 0 0 13 1040

TOTAL 25 128 9319 544 904 159 279 1670 38 003

* Les objets « lithiques autres » consistent en de la pierre polie et bouchardée, des meules et des percuteurs. ** Les objets « autres » consistent en une variété de matériaux, principalement les plastiques, le caoutchouc et le charbon minéral. *** La catégorie « indéterminée » inclut les échantillons des flottation, les fragments de coquillages, les graines et autres macro végétaux, et enfin les ossements et fragments d’ossements d’animaux.

(par ex. le charbon de bois non daté, les estimations préliminaires de l’emprise et de échantillons de sol, les fragments de la variabilité des sédiments et des coquilles de moule). Tous les objets, d’avant matériaux archéologiques dans cette et d’après le Contact, se répartissent au sein emprise, nous y avons distingué six aires d’une variété de classes de matériaux qui différentes. Ces aires, désignées par les sont présentés au tableau 8.1 et dans le lettres A à F, sont illustrées à la figure 8.2. La graphique de la figure 8.1. comparaison des principales classes de Durant le Projet archéologique de matériaux de chacune des aires montre une Jemseg Crossing, une superficie totale de forte variabilité de leurs proportions. Elle 735 m2 a été fouillée. Comme nous l’avons peut résulter de la topographie et des mentionné dans la section « Méthodologie », processus de formation du site (voir seules les portions du site qui devaient être chapitre 3), mais elle peut aussi témoigner directement touchées par la construction de d’une utilisation différentielle de l’espace l’autoroute furent fouillées. Néanmoins, en (voir tableau 8.1). Cette variabilité et raison de la grande superficie des certaines des conclusions qu’on peut en 84 Wolastoqiyik Ajemseg tirer seront l’objet de discussions dans les structures). Elle a aussi produit la majorité chapitres 15 et 16. Cette section portera des artéfacts (66 %) du site, dont 75 % des plutôt sur la distribution spatiale des artéfacts de la période précédant le Contact matériaux récoltés à Jemseg. et 60 % des artéfacts de la période Aire A postérieure au Contact. L’aire A est située sur la terrasse Toutefois, au sein de l’aire A, la supérieure, dans le champ labouré, à proportion des artéfacts de la période environ 70 m de la rive5. C’est la plus précédant le Contact par rapport à ceux de grande des aires d’intervention, avec la période qui le suit est d’environ 50 % - 576 m2, soit 78 % du total de la superficie 50 %, comme le démontre la figure 8.3. Cela fouillée. Malgré le labourage intense de suggère que bien qu’il y ait des structures cette aire durant la période récente, elle a intactes sous le niveau de labour, il y avait offert la plupart des structures identifiables tout de même un degré significatif (60, soit 75 % du nombre total de d’activités et ou de perturbations postérieures au Contact dans cette aire.

Figure 8.3 : La distribution proportionnelle des matériaux dans l’aire A. AreaAire AA U N IndéterminéK. PrecontactAvant le Contact Flakedlithique lithic taillé (48.0%)(48,0 %) Otherlithique lithic autre (0.3%) (0,3 %) Ceramiccéramique (0.6%) (0,6 %) PostcontactAprès le Contact Glassverre (14.4%)(14,4 %) Ceramiccéramique (22.8%) (22,8 %) POST- AvantPRE- le Après le métal (6,5 %) CONTACTContact CONTACTContact Metal (6.5%) Organicorganique (0.4%) (0,4 %) Otherautres (4.9%) (4,9 %)

UnknownIndéterminé Unknownindéterminé (2.0%) (2,0 %)

5 Cette mesure, tout comme les autres, de la distance à la rive se base sur le niveau d’eau du 5 septembre 1996, au moment où il existait une étroite plage et une petite berge relevée. Ces deux formes suggèrent que ce niveau d’eau est régulier et commun, même si, comme on l’a vu, il y a des périodes où l’eau est considérablement plus haute.

85 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

De manière intéressante, malgré la avant aujourd’hui) se concentre dans la distance à la rive, l’aire A semble avoir été le moitié orientale de l’aire alors que les lieu principal des activités durant presque témoins d’activités plus récentes (de la toutes les périodes. Cela est probablement période du sylvicole maritime, soit environ dû à la présence d’une large terrasse de 2700 à 1500 années non calibrées avant naturelle et bien drainée, mais cela va à aujourd’hui) se retrouvent dans la moitié l’encontre de ce que nous nous attendions ouest. Ce comportement n’est pas aussi net pour la période précédant le Contact. Les pour les matériaux de la période archéologues avaient tendance à assumer postérieure au Contact (voir la prochaine que les maisons et les communautés de section). Il semble que la division entre les cette période seraient localisées près de la occupations archaïque et sylvicole rive. Cette perception de la localisation des correspond grossièrement à l’isoligne sites a eu une incidence majeure sur la d’altitude de 6 m, avec la composante la façon dont étaient structurés les inventaires plus ancienne occupant la partie la plus archéologiques (Black et Blair 1993). élevée dans le secteur arrière de la terrasse. Les composantes culturelles de Ce fait laisse un peu perplexe, compte tenu différentes périodes sont discriminées du fait que le niveau de l’eau était plus bas spatialement dans l’aire A. Le matériel le à cette époque (voir plus haut, Seaman plus ancien (de la période archaïque, 1997, comm. pers). Il se peut que des environ 6000 à 2700 années non calibrées variables paléoenvironnementales, des

Figure 8.4 : La distribution proportionelle des matériaux dans l’aire B.

U AreaAire BB N K. Indéterminé AvantPRE- le PrecontactAvant le Contact CONTACT Contact Flakedlithique lithic taillé (15.5%)(15,5 %) Otherlithique lithic autre (0.1%) (0,1 %) Ceramiccéramique (0.1%) (0,1 %) PostcontactAprès le Contact Glassverre (21.4%)(21,4 %) Ceramiccéramique (10.0%) (10,0 %) Metalmétal (36.5%)(36,5 %) Organicorganique (8.8%) (8,8 %) Otherautres (2.6%) (2,6 %)

UnknownIndéterminé AprèsPOST- le Unknownindéterminé (5.1%) (5,1 %) CONTACTContact

86 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 8.5 : La distribution proportionelle des matériaux dans l’aire C.

AreaAire C PrecontactAvant le Contact Flakedlithique lithic taillé (32.2%)(32,2 %) lithique autre (0,2 %) AvantPRE- le Other lithic (0.2%) CONTACTContact Ceramiccéramique (1.1%) (1,1 %) PostcontactAprès le Contact Glassverre (24.4%)(24,4 %) Ceramiccéramique (5.1%) (5,1 %) Metalmétal (32.2%)(32,2 %) Organicorganique (1.3%) (1,3 %) Otherautres (2.9%)(2,9 %)

UnknownIndéterminé Unknownindéterminé (0.6%) (0,6 %) AprèsPOST- le CONTACTContact

préférences culturelles ou encore des (voir figure 8.4). La plus grande fréquence activités particulières sur le site aient d’artéfacts historiques récents pourrait ordonné les témoins archéologiques selon résulter du labourage du champ sur la des critères qui ne nous sont pas facilement terrasse supérieure durant lequel on aurait apparents. Nous aborderons ces problèmes rejeté les objets dans la pente, ou encore de plus loin. l’usage régulier de cette zone comme Aire B dépotoir. Il est cependant possible que L’aire B est constituée d’un groupe certains de ces objets témoins proviennent d’ouvertures non contiguës localisées sur le d’activités liées aux campements évoqués talus entre la baissière et la terrasse par les aînés dans leurs histoires orales. supérieure. La superficie totale de ces Malheureusement, les interprétations ouvertures est de 86 m2, soit 12 % de la concernant l’aire B sont gênées par le fait superficie du site. L’aire B a été le théâtre qu’il s’agit de l’une des parties les plus d’activités historiques intenses. Malgré sa perturbés du site. superficie relativement petite, elle a produit Aire C près de 36 % de tous les artéfacts de la L’aire C est la large zone sur la terrasse période historique du site. De petites inférieure adjacente à la rivière. Nous y quantités de matériaux de la période avons fouillé une superficie totale de 43 m2, précédant le Contact y ont aussi été trouvés soit 6 % de la superficie fouillée du site. 87 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 8.6 : La distribution proportionelle des matériaux dans l’aire D.

AreaAire D

AprèsPOST- le PrecontactAvant le Contact CONTACT UNK. Contact Indéterminé Flakedlithique lithic taillé (83.8%)(83,8 %) Otherlithique lithic autre (1.1%) (1,1 %) Ceramiccéramique (6.5%) (6,5 %) PostcontactAprès le Contact Glassverre (0.7%)(0,7 %) Ceramiccéramique (1.9%) (1,9 %) Metalmétal (0.9%)(0,9 %) Organicorganique (0) (0 %) Otherautres (0.1%)(0,1 %)

AvantPRE- le UnknownIndéterminé CONTACTContact Unknownindéterminé (5.0%) (5,0 %)

Relativement peu d’artéfacts y furent est située à l’extrémité sud de la terrasse trouvés, soit un peu plus de 1 % de inférieure où les alluvions sont composées l’assemblage total du site. Des discussions d’épaisses couches de limon. On y a trouvé avec les propriétaires nous ont appris que la plusieurs structures de la période précédant moitié nord de cette aire a été grandement le Contact et des densités d’artéfacts remaniée dans les années 1950 quand la relativement élevées (au-dessus de 3 % de végétation y fut arrachée pour faire des tous les artéfacts et 5 % des artéfacts de la pâturages. Les fouilles dans cette aire ont période précédant le Contact). La plupart été abandonnées avant qu’elles n’aient pu de ces artéfacts datent de la période se rendre loin en raison de la montée du précédant le Contact (voir figure 8.6). Les niveau de l’eau en décembre. Ce fait unités de fouille de cette aire forment pourrait également expliquer les densités l’extension de l’un des sondages initiaux relativement faibles d’artéfacts qui y ont été (TF2). Nous avons dû cesser la fouille dans mis au jour. l’aire D assez tôt durant le projet car on y a Aire D rencontré la nappe phréatique. Plus tard, un L’aire D consiste en un ensemble de changement de l’emprise a fait en sorte que petites ouvertures non contiguës qui ces unités se sont retrouvaies hors de la totalisent une superficie de 10 m2, soit 1 % zone de sauvetage. de ce qui a été fouillé sur le site). Cette aire

88 Wolastoqiyik Ajemseg

Aire E Aire F Avec une superficie de 5 m2, l’aire E est L’aire F est la seule aire d’intervention la plus petite des aires d’intervention du qui n’a pas fait l’objet de fouille. Elle site de Jemseg. Elle est constituée de l’un représente plutôt une zone de trouvailles de des sondages initiaux (TB-1) et d’une surface sur la plage, au nord de l’emprise. tranchée située sous la limite du remblai. L’équipe et les visiteurs récoltaient Nous avons différencié cette aire de l’aire A occasionnellement du matériel au nord car elle ne semblait pas présenter archéologique sur cette aire en proie à beaucoup de perturbations récentes (mis à l’érosion. Bien qu’il y eût plusieurs zones de part le remblai qui la recouvre). En se concentration d’artéfacts mis au jour par basant sur la stratigraphie et sur le faible l’érosion le long de la grève (un devant taux de dispersion des artéfacts, nous avons l’aire C et un autre devant l’aire D), l’aire F conclu que l’aire E se trouve au-delà de la correspond à un endroit devant une zone limite sud du champ labouré. Vu sa faible basse et marécageuse qui s’étend au nord superficie, elle n’a produit qu’une petite de l’emprise. De façon générale, l’aire F proportion de l’assemblage général (voir apparaît comme une bande linéaire tableau 8.1), duquel les éléments dataient d’environ 40 m de long, d’où apparaissent surtout de la période précédant le Contact des outils, des éclats et des pierres éclatées (voir figure 8.7). par le feu. En dépit du fait que la récolte de

Figure 8.7 : La distribution proportionelle des matériaux dans l’aire E.

AreaAire EE PrecontactAvant le Contact AprèsPOST- le ContactCONT. Flakedlithique lithic taillé (76.1%)(76,1 %) Otherlithique lithic autre (1.9%) (1,9 %) Ceramiccéramique (0) (0 %) PostcontactAprès le Contact Glassverre (3.1%)(3,1 %) Ceramiccéramique (18.9%) (18,9 %) Metalmétal (0)(0 %) Organicorganique (0) (0 %) Otherautres (0) (0 %)

UnknownIndéterminé Unknownindéterminé (0) (0 %) PRE-Avant le CONTACTContact

89 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 8.8 : La distribution proportionelle des matériaux dans l’aire F.

AreaAire FF

AprèsPOST- le PrecontactAvant le Contact CONTACTContact Flakedlithique lithic taillé (82.8%)(82,8 %) Otherlithique lithic autre (2.2%) (2,2 %) Ceramiccéramique (0) (0 %) PostcontactAprès le Contact Glassverre (0.4%)(0,4 %) Ceramiccéramique (10.0%) (10,0 %) Metalmétal (4.7%)(4,7 %) Organicorganique (0) (0 %) Otherautres (0) (0 %)

UnknownIndéterminé Unknownindéterminé (0) (0 %)

AvantPRE- le CONTACTContact

surface dans cette aire plus sélective que L’analyse des classes de matériaux dans les aires où il y a eu de la fouille (avec Nous venons de résumer les principales les gens qui sont plus portés à ramasser les classes de matériaux rencontrés durant le objets reconnaissables et à ignorer les PAJC. Or, certains de ces matériaux ont été spécimens bioarchéologiques et les analysés plus profondément, dont les écofacts), elle a tout de même produit une matériaux lithiques (les outils et le quantité non négligeable de matériaux des débitage), la céramique précédant le périodes précédant et postérieure au Contact, les restes végétaux et les ossements Contact (figure 8.8 et tableau 8.1). d’animaux. Ces analyses ont été produites Les autres secteurs du site par des individus qui détiennent une Un certain nombre de sondages qui ont expertise pertinente et leurs rapports été positionnés autour du périmètre de apparaissent dans les pages suivantes. l’emprise de 70 m n’ont pas été inclus dans ces aires d’intervention car ils étaient isolés et produisaient relativement peu de matériaux. Ces secteurs incluent l’échantillonnage des alluvions de la rivière Jemseg devant le site, et forment une superficie approximative de 15 m2.

90 Wolastoqiyik Ajemseg

Ponapsqey 9 : Les matériaux lithiques

LES SÉRIES PÉTROGRAPHIQUES DE JEMSEG CROSSING ET L’ÉVALUATION PRÉLIMINAIRE DES MATÉRIAUX LITHIQUES TAILLÉS. David W. Black

Nous avons examiné un échantillon de critères pour distinguer le chert local 2499 artéfacts lithiques taillés, tant outillage Washademoak du chert exotique Minas que débitage et provenant du site Jemseg Basin. (BkDm-14), afin de déterminer les sortes de Les différents types lithiques se pierres utilisée par ses occupants distribuent de façon complexe sur le site autochtones. Une série pétrographique de Jemseg. Les matériaux dominants sont des 55 types lithiques a été développée en cherts multicolores de haute qualité (agates, examinant les pièces à l’oeil nu et à la loupe jaspes, calcédoines, etc.) et une grande binoculaire. Pour des fins analytiques, les variété de pierres volcaniques rhyolitiques à 55 types furent refondus en 20 classes grains fins. La plupart de ces matériaux ont lithiques. probablement pu s’obtenir à moins d’une Le principal problème classificatoire journée de déplacement du site. De petites que nous avons rencontré fut de distinguer quantités de pierres provenant de sources les cherts multicolores des sources locales et au Maine, en Nouvelle-Écosse et au distantes. Nous avons mis sur pied des Labrador montrent cependant que les gens

Remerciements Je remercie Susan Blair pour l’occasion qu’elle m’a donné d’examiner une partie de l’assemblage de Jemseg. Je remercie toutes les personnes liées au Projet archéologique Jemseg Crossing pour leur aide et collaboration au moment de mon analyse. Je voudrais remercier plus particulièrement Ramona Nicholas, Pam Dickinson et Jason Jeandron pour leur aide dans l’organisation et la conduite de la recherche. Mes remerciements vont également aux Services d’archéologie du Nouveau-Brunswick qui m’ont laissé utiliser les spécimens provenant des carrières dans leur collection lithique. Certains échantillons des carrières ont été préparés en lames minces dans le cadre du projet Ecology and History of the Insular Quoddy Region, subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Je remercie Lucie Wilson (Sciences physiques, UNBSJ) pour ses descriptions et ses analyses des lames minces. Enfin, je remercie David Perie (Géologie, UNB) pour avoir fabriqué les lames minces et Douglas Hall (Microscopie électronique, UNB) pour avoir fait la spectrométrie aux rayons X sur certains spécimens de carrières. 91 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 de Jemseg avaient accès à des matériaux L’ORGANISATION DE lithiques exotiques qui viennent d’aussi loin L’INFORMATION que 1500 km. Ils obtenaient ces matériaux Le rapport présenté ici se compose par le biais de déplacements sur de longues d’une partie textuelle et d’une série de distances, de réseaux d’échange ou d’autres quatre annexes. Dans le texte, nous formes d’interactions sociales. soulignons les objectifs et les contraintes du INTRODUCTION SPJC, nous décrivons l’analyse de notre Ce chapitre décrit les résultats du projet échantillon et nous présentons les méthodes de Série pétrographique de Jemseg employées. Une brève description du Crossing (SPJC) qui est un contrat du Projet contexte géologique du site de Jemseg est archéologique de Jemseg Crossing (PAJC). incluse en guise de toile de fond. Les outils taillés et le débitage qui résultent Les résultats substantiels du projet sont de leur fabrication sont une source majeure résumés dans le texte, les tableaux et les d’information sur les occupations graphiques. Les annexes contiennent la amérindiennes à Jemseg. description détaillée des matériaux Le projet SPJC a entrepris d’identifier lithiques, la clé des acronymes et des les pierres qui ont servi à faire les outils abréviations utilisés et la description des taillés, et à en déterminer les sources dossiers informatisés produits pour le probables et potentielles. Le travail s’est projet. La présentation de l’information a déroulé entre le 16 juin et le 18 juillet 1997 été modelée le plus possible sur d’autres au laboratoire d’anthropologie du rapports d’assemblages lithiques du département d’anthropologie de Nouveau-Brunswick (voir par exemple l’Université du Nouveau-Brunswick. Ce Black 1992, 1996, Blair 1997, MacDonald projet a été dirigé par l’auteur et trois 1994). employés du PAJC : Ramona Nicholas, Pam Après la présentation des résultats se Dickinson et Jason Jeandron. Du fait que trouvent deux sections interprétatives. Elles d’autres analyses portant sur le site Jemseg sont bien sûr plutôt exploratoires que étaient en cours, nous n’avons pas tenté définitives. Les conclusions principales sont d’intégrer les résultats du projet SPJC dans ensuite résumées à la fin. le contexte élargi du PAJC. OBJECTIFS ET PARAMÈTRES La géologie et l’identification des roches Les objectifs du projet SPJC étaient les sont des sujets techniques qui comportent suivants : un vocabulaire spécialisé. Les lecteurs sont 1) Le développement d’une série priés de consulter Chesterman (1995) et pétrographique des types de matériaux Hamilton, Woolley et Bishop (1974) pour lithiques présents dans l’assemblage connaître la définition de termes lithique de Jemseg géologiques non familiers. 2) L’assignation des spécimens d’un échantillon lithique archéologique aux types définis

92 Wolastoqiyik Ajemseg

3) La sélection de spécimens types pour d’une fourchette d’âge géologique qui va illustrer les types définis du cambrien au mississippien. Elles sont 4) La quantification de base des types d’origine volcanique, sédimentaire et lithiques représentés dans l’assemblage métamorphique. En ce qui concerne les de Jemseg éléments pertinents en termes d’utilisation 5) L’apport d’information sur les sources potentielle par les autochtones pour potentielles et probables des types l’outillage taillé, il y a : lithiques représentés. 1) La source de chert du lac Le travail a été conduit dans le cadre Washademoak, associée à des des contraintes et des paramètres suivants : sédiments du pennsylvanien (distante 1) Le PAJC a fait la sélection de de 15 km). Cette source a été rapportée l’échantillon lithique à analyser en archéologie depuis la fin du XIXe 2) Le PAJC a fourni l’information de siècle (Matthew 1900). provenance des spécimens 2) Les coulées du Queenston, une série de échantillonnés coulées volcaniques mafiques du 3) L’analyse a été limitée au matériel pennsylvanien et des roches lithique taillé sédimentaires associées qui peuvent 4) Aucune méthode destructive n’a été être étroitement liées au chert de utilisée pour examiner les spécimens Washademoak (distants de 15 à 20 km). archéologiques du site de Jemseg 3) Une série de coulée de rhyolite, 5) La quantification s’est faite en termes d’andésite et de basalte du dévonien, de dénombrement de pièces. située à travers la rivière Saint-Jean et LE CONTEXTE GÉOLOGIQUE au sud du lac Washademoak (distante Le site Jemseg est situé sur un substrat de 25 km). rocheux de la partie supérieure des 4) Une série de roches volcaniques de formations du groupe de Cumberland l’ordovicien et du silurien (les forma- d’âge pennsylvanien. Malheureusement, tions de Long Reach, de QueenBrook et dans la région de Jemseg, le groupe de de Williams Lake), exposées sur le côté Cumberland n’a pas été divisé en est de la rivière Saint-Jean (distante de formations spécifiques. Il est toutefois 30 à 50 km). reconnu pour être constitué de sédiments Vers le sud et l’ouest de Jemseg, à partir terrestres, de conglomérats rouges et gris, d’une distance d’environ 25 km et au-delà de grès, de silstones et de schistes (McLeod, vers la région de Quoddy, il y a des roches Johnson et Ruitenberg 1994, Potter, volcaniques, sédimentaires et Hamilton et Davies 1979). métamorphiques du silurien, du dévonien En aval de Jemseg, entre le lac et du mississippien. On peut y noter des Washademoak et la baie de Fundy, il y a un roches volcaniques extrusives à grain fin, ensemble complexe d’affleurements des plutons dévoniens associés à des roches rocheux plus anciens. Ces roches datent métamorphiques de contact comme des

93 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 cornéennes et des conglomérats dévoniens de silt, de sable, de graviers et de petits dont on sait qu’ils renferment des clastes de blocs couvrent la roche-mère sur le côté quartzite de qualité taillable. Grand Lake du site En amont de Jemseg sur la rivière Saint- 2) De profonds sédiments d’alluvions Jean, les sédiments du pennsylvanien fines datant de l’holocène, provenant perdurent sur 50 km ou plus. Toutefois, au des systèmes hydrographiques de la nord et à l’ouest de Fredericton, des roches rivière Saint-Jean et de Grand Lake, et volcaniques du silurien, du dévonien et du qui s’accumulent sur le côté rivière mississippien sont à nouveau exposées. À Saint-Jean du site une distance de 120 km en amont au-delà, 3) Des dépôts marins et lacustres on trouve des calcaires et des roches indifférenciés datant toujours de argileuses sédimentaires de l’ordovicien, l’holocène mais plus anciens (profonds intercalées avec des roches volcaniques de 1 à 10 m) et constitués de sable, de associées (McLeod, Johnson et Ruitenberg silt, d’argile et de gravier. Ils se trouvent 1994). sous une partie du site Jemseg et sous la En termes de géologie de surface rive de la rivière Jemseg. (Rampton, Gautier, Thibault et Seaman La roche-mère dans le secteur immédiat 1984), le site de Jemseg est situé dans le du site est trop profondément enfouie pour bassin de Grand Lake des Basses Terres du être une source directe de pierre de taille Nouveau-Brunswick. La direction des eaux alors que les alluvions récentes sont trop dans le secteur coule dans un axe NE-SO fins pour en contenir des fragments. Les dans le système Grand Lake et dans un axe dépôts glaciaires proches peuvent contenir NO-SE dans la rivière Saint-Jean. Les des clastes utiles de pierre de bonne qualité directions du mouvement glaciaire au cours qui furent transportés de sources situées au du wisconsinien supérieur ont surtout été nord et au nord-ouest. Mais, les sources les axées N-S et NO-SE. La moraine de plus vraisemblables de matériaux lithiques Gagetown se situe directement au sud de la proches sont les affleurements de roches rivière Jemseg sur la rivière Saint-Jean. Les sédimentaires et volcaniques du bassin de matériaux déposés par les glaciers la rivière Saint-Jean au sud du site. proviendraient d’affleurements situés au Plusieurs de ces sources sont situées nord et au nord-ouest. facilement à une journée de canot. Le bassin de Grand Lake fut déglacé L’ÉCHANTILLON avant 12 700 av. auj. pour ensuite laisser L’échantillon est constitué de 2499 place à la mer de DeGeer et à la mer éléments analysables de matériaux intérieure Acadia. Ainsi, le site de Jemseg se lithiques. Au départ, environ 2700 éléments situe à la croisée de trois ensembles de furent examinés initialement durant le sédiments de surfaces. projet, mais la différence fut rejetée à 1) Des placages de till d’ablation et de l’analyse car c’était soit des fragments de fond (de 0,5 à 3,0 m d’épais), composé pierre polie, de pierre éclatée par le feu ou

94 Wolastoqiyik Ajemseg de pierre naturelle confondue avec du À la fin du projet, 55 types lithiques débitage lors de la fouille. Cet échantillon a avaient été définis. Les fiches de type ont été sélectionné à partir de l’assemblage été incluses dans le rapport technique lithique qui est constitué de plus de 15 000 préliminaire (les fiches de type avec des pièces. Il en représente donc environ 15 %. spécimens attachés ont été retournées au Les pièces de l’échantillon avaient un PAJC). poids qui variait de plus de 1 kg pour des Chaque fiche de type porte le numéro outils sur nucléus ou des nucléi à 0,10 g du type, son nom, son acronyme, la pour de petits éclats. Le gros de catégorie grossière originale dans laquelle il l’échantillon etait d’une dimension et d’un fut classé et le type de pierre du spécimen. poids relativement petit, de l’ordre de 0,5 à À la suite de cette information, l’on 2,0 g. Les artefacts incluaient des pointes de retrouve une brève description du type projectiles, des bifaces, des grattoirs, des lithique, incluant la texture, la couleur, la vastringues, des éclats utilisés etc. Les disposition de la couleur, le lustre, le type tailles bifaciale et bipolaire étaient de fracture, les caractéristiques de présentes. transmission de la lumière, les cristaux Le microdébitage qui a été récolté au visibles, les inclusions, les impuretés, le cours de la flottation d’échantillons n’a pas cortex, la patine, etc. Des similarités avec été retenu car ni le PAJC, ni le département des types définis dans d’autres séries d’anthropologie du Nouveau-Brunswick ne pétrographiques du Nouveau-Brunswick possède l’équipement microscopique ont été notées lorsque possible. adéquat pour de si petites pièces. Une liste de spécimens du type qui LES MÉTHODES peuvent illustrer les caractéristiques et la Les pièces échantillonnées ont été variabilité du matériau est ajoutée. Notre examinées par groupes à mesure qu’on les analyse n’a pas inclus la photographie des recevait au laboratoire. Au départ, les spécimens types. pièces étaient triées en groupe de 8 Au bas de chaque fiche, une évaluation catégories grossières, puis chacune de ces de la source du matériel était indiquée avec catégories était triée sous les grossissements des notes sur le raisonnement qui a conduit de 2x, 10x et 20x. Les types lithiques ont été à cette évaluation. définis à mesure qu’ils étaient rencontrés. Chaque spécimen, sa provenance et son Des fiches de types lithiques étaient type lithique furent compilés dans une base remplies et un spécimen du type y était de données informatiques. Une version attaché. À mesure que l’analyse progressait, imprimée de la base de données complète nous ajoutions de l’information aux fiches (les 2499 spécimens) a été incluse dans le et nous produisions de nouvelles fiches. À rapport technique préliminaire. chaque type fut assigné un numéro Pour des fins d’analyse et de séquentiel, un nom de type et un acronyme présentation graphique, les 55 types de quatre lettres. lithiques furent fondus en 20 classes

95 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 lithiques. Cette compression fut accomplie Les matériaux de sources locales en unissant les types lithiques très Ces classes groupent les matériaux qui similaires en une seule classe. Les types proviennent de sources situées à tout au lithiques évidents et ceux soupçonnés d’être plus une journée de déplacement. exotiques conservaient une classe 1) Pierres volcaniques et cherts individuelle unique. Des noms et des décolorés (BL VOL / CHT) acronymes1 furent attribués aux classes. La Cette classe lithique inclut 687 pièces de liste qui suit clarifie les relations entre les 5 types et compte pour 27,5 % de catégories grossières, les types et les classes l’échantillon. Elle rassemble tous les et illustre les acronymes et les numéros matériaux trop décolorés pour être attribués séquentiels attribués à chacun. avec certitude à d’autres types lithiques LA DESCRIPTION DES CLASSES DE identifiés. La plupart de ces pièces sont MATÉRIAUX LITHIQUES probablement des rhyolites décolorées, bien Dans cette section, nous décrivons les qu’il puisse s’y trouver des cherts et des matériaux lithiques utilisés à Jemseg selon cornéennes décolorés. Ces matériaux furent les classes. Ces classes sont regroupées par probablement obtenus des dépôts de grades croissants « d’exotisme ». Les classes surface et d’affleurements proches du site et leur groupement seront respectés dans de Jemseg. les graphiques présentés plus loin dans ce Les matériaux lithiques décolorés sont rapport. communs dans les sites archéologiques du Notre utilisation du terme exotique se sud du Nouveau-Brunswick. La rapporte à un transport humain de décoloration résulte d’une exposition aux matériaux jusqu’au site et non à des acides du sol et aux eaux souterraines et phénomènes naturels. Dans notre étude, les d’une exposition possible à la lumière du matériaux reconnus ou présumés provenir jour. de sources distantes de plus ou moins 50 2) Le quartz (QTZ) km sont considérés exotiques. De telles Cette classe lithique compte 152 pièces interprétations sont toujours basées sur les de 22 types, formant 6,2 % de l’échantillon. données géologiques disponibles, elles sont Elle rassemble le quartz translucide et le quelque peu subjectives et tiennent quartz opaque. Ces matériaux proviennent nécessairement du domaine des probablement de dépôts de surface et probabilités. Les incertitudes sont d’affleurements proches du site de Jemseg. exprimées dans le schème classificatoire qui Le quartz est beaucoup moins commun à suit. Jemseg que dans plusieurs autres sites archéologiques du Nouveau-Brunswick.

1 N. du T. : nous avons choisi de conserver les acronymes originaux de l’analyse, basés sur les termes anglais, afin de faciliter un éventuel retour sur ces données par le lecteur. 96 Wolastoqiyik Ajemseg

3) Le chert multicolore Washademoak surface locaux ou d’affleurements de (WAACC) conglomérats. Cette classe contient 718 pièces d’un 5) Les pierres volcaniques porphyriques type unique et compte pour 28,7 % de (PVOL) l’échantillon. Il s’agit du matériau lithique Cette classe lithique inclut 42 pièces de le plus utilisé au site Jemseg, probablement trois types, comptant pour 1,7 % de à cause de la proximité de la source. Les l’échantillon. Il s’agit de rhyolite et ou sites du Nouveau-Brunswick contiennent d’andésites porphyriques, à masse verte, plutôt rarement de si grandes proportions rouge brunet pourpre avec des de pierre siliceuse de bonne qualité. phénocristaux visibles. Ces matériaux ont Puisque Washademoak est en aval de probablement été obtenus de dépôts de Jemseg, ce matériau a dû être apporté sur surface locaux ou d’affleurements dans la place par les autochtones. ceinture volcanique côtière. La principale difficulté rencontrée dans 6) Les pierres volcaniques pâles à grains le projet SPJC fut de distinguer entre le fins (LVOL) chert local Washademoak et les cherts Cette classe lithique englobe 13 types multicolores de sources éloignées (comme qui totalisent 406 pièces comptant pour celui de la région du Bassin des Mines en 16,2 % de l’échantillon. Il s’agit d’une Nouvelle-Écosse). Nous présentons plus grande variété de rhyolites à grain fin dont loin les critères que nous avons développés la masse présente des teintes pâles de rose, pour distinguer le chert multicolore rouge, vert et gris. Leur texture va de Washademoak des autres cherts. vitreuse à pierreuse et elles sont souvent Les matériaux de sources probablement tachées, bariolées ou rayées, bien qu’on ne locales voit pas de phénocristaux. Des matériaux Ces classes incluent les matériaux qui lithiques similaires à plusieurs de ces types sont vraisemblablement situés à moins ont été trouvés dans les sites de la région de d’une journée de déplacement. Quoddy et plusieurs ressemblent aux 4) Le quartzite (QZITE) matériaux que Doyle classe dans les pierres Cette classe inclut 10 pièces de deux volcaniques de Washington County (1995 : types et compte pour 0,4 % de l’échantillon. 305). Il s’agit de quartzites brun pourpre Il est probable que la plupart de ces similaires à ceux trouvés dans les sites de matériaux proviennent d’affleurements de Grand Manan et de quartzites gris la ceinture volcanique côtière. Un de ces similaires à ceux trouvés dans les sites de la matériaux, la rhyolite grise à rayures région de Quoddy. Ces matériaux ont pour fluantes. [n.du trad. : Grey flow-bnaded origine probable les clastes libérés des Rhyolite] mérite une note spéciale; elle est conglomérats par l’érosion. Ils peuvent être identique au matériau identifié dans exotiques à Jemseg, mais il semble plus l’assemblage de Northeast Pointe (BgDq-7) probable qu’ils furent obtenus de dépôts de dans les îles Bliss (Black 1996).

97 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

7) Les pierres volcaniques foncées à La majorité est vraisemblablement du grains fins (DVOL) chert Washademoak qui ne présente pas les Cette classe lithique renferme 70 pièces caractères distinctifs de ce matériau. Ainsi, de neuf types, représentant 2,8 % de la plus grande portion de cette classe a une l’échantillon. Il s’agit d’une grande variété origine locale possible. de rhyolites, d’andésite et de basaltes à Les critères utilisés pour distinguer les grains fins, avec une masse foncée rouge, cherts sont décrits plus loin. Ces pourpre, brune ou noire, une texture qui va distinctions tiennent forcément de l’ordre de vitreuse à pierreuse, une apparence des probabilités et sont qualitatives. Tout tachée, bariolée ou rayée et une absence de assemblage archéologique le moindrement phénocristaux visibles. Il est probable que substantiel peut contenir du chert qui ne la plupart de ces matériaux furent obtenus peut être attribué avec confiance à des types de dépôts de surface locaux ou familiers ou des sources. d’affleurements dans la ceinture volcanique Les matériaux de sources exotiques. côtière. Ces classes incluent les matériaux 8) Les silstones et les mudstones (SILT/ provenant, ou soupçonnés provenir, de MUD) sources distantes, mais qui auraient pu Cette classe lithique compte seulement aboutir dans les dépôts de surface proches quatre pièces appartenant à deux types, de Jemseg par l’entremise de processus formant 0,2 % de l’échantillon. Il s’agit de géologiques. deux types de mudstones vert silicifié qui 10) Le quartzite translucide (TQZT) n’entrent pas dans les autres types de cherts Cette classe lithique inclut sept pièces et mudstones opaques, et ils sont d’un seul et unique type, comptant pour probablement d’âge ordovicien. Ils 0,3 % de l’échantillon. Il s’agit d’un proviennent peut-être de dépôts de surface quartzite à grain fin, translucide, de clair à proches de Jemseg ou d’affleurements de blanc. Ce quartzite tient probablement son mudstones dans la ceinture volcanique origine du Bouclier canadien. Il ressemble côtière. Ils auraient pu toutefois avoir été au quartzite de Mistassini du Québec et transportés à Jemseg par les Amérindiens à peut donc être exotique. Cependant, de tels partir de sources plus éloignées. quartzites pourraient se présenter sous 9) Les cherts douteux (QCHT) forme de clastes dans les conglomérats du Cette classe lithique inclut 41 pièces Nouveau-Brunswick. Une troisième d’un seul et unique type, ce qui représente possibilité serait que ce type représente des 1,6 % de l’échantillon. Elle rassemble toutes spécimens exceptionnellement clairs de les pièces identifiées comme étant du chert quartzite de Ramah du Labrador. mais non attribuables de façon certaine à un 11) Les pierres volcaniques pâles à type déjà défini. La plupart de ces pièces grains fins (LVOL) sont relativement petites et translucides, Cette classe inclut 120 pièces de deux certaines sont décolorées. types et compte pour 4,8 % de l’échantillon.

98 Wolastoqiyik Ajemseg

Il s’agit de deux rhyolites bien distinctes Nouveau-Brunswick, et d’autres ont été mais non familières qui auraient pu être rapportés dans la ceinture volcanique apportées à Jemseg à partir de sources côtière du nord du Maine et du sud du distantes. La première est une rhyolite gris Nouveau-Brunswick (Doyle 1995 : 305). Ces vert vitreuse parsemée de taches blanches. matériaux peuvent être trouvés dans les Elle a été utilisée régulièrement à Jemseg. dépôts de surface près de Jemseg à la suite La seconde consiste en une rhyolite rouge de transports fluviatiles ou glaciaires vif et vitreuse. Un spécimen de ce second provenant du nord. Mais d’autre part, ils type est parsemé de fragments argileux de peuvent être des matériaux exotiques verre clair, ce qui ressemble à la porphyre associés au chert rouge et vert de de Kineo-Traveller Mountain, sauf pour la Munsungun ou encore provenir d’autres couleur rouge de la masse. sources lointaines par l’entremise humaine. 12) La rhyolite de Tobique (TOBR) 14) Les cherts translucides (TRNS CHT) Cette classe lithique inclut trois pièces Cette classe lithique inclut seulement d’un seul type, ce qui compte pour 0,1 % de deux pièces de deux types différents, ce qui l’échantillon. La rhyolite de Tobique, ne représente que 0,1 % de l’échantillon. Ce patinée et bariolée rouge et noire, est un sont deux types distincts de chert matériau bien distinct qui affleure près de la translucide qui peuvent être assignés à des confluence des rivières Tobique et Saint- sources exotiques connues. L’un est une Jean. Elle peut avoir été transportée jusque calcédoine ou une agate de couleur vert- dans les dépôts de surface près de Jemseg gris bariolé de zones foncées opaques. Il par des processus fluviaux ou glaciaires, pourrait correspondre au chert rouge et vert mais il est plus vraisemblable qu’elle fut de Munsungun ou au chert multicolore du apportée à Jemseg par les autochtones. Elle Bassin des Mines. L’autre est une agate ou fut identifiée comme matière exotique dans un jaspe brun-pourpre moucheté de bleu- la région de Quoddy (MacDonald 1994). gris. Il pourrait correspondre au chert 13) Les cherts opaques (OPQ CHT) multicolore du Bassin des Mines. Cette classe lithique inclut 62 pièces de Les matériaux de sources probablement quatre types lithiques, comptant pour 2,5 % exotiques de l’échantillon. On y trouve des matériaux Ces classes incluent des matériaux à unicolores rouges, vert et gris et bariolés origine inconnue mais qui sont soupçonnés gris et noirs qui ressemblent à des cherts et de correspondre à des sources connues et mudstones de l’ordovicien qui affleurent qui n’ont vraisemblablement pas été dans les régions du lac Munsungun et de transportés par des processus géologiques Stone Mountain dans le nord du Maine au sein des dépôts de surface proches de ainsi que dans les régions du Témiscouata Jemseg. et de la Gaspésie au Québec. Des matériaux similaires peuvent être présents dans les affleurements ordoviciens du nord du

99 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

15) Le tuf rhyolitique porphyrique vert quartzite similaire provient de la région de (GPRT) Mistassini au Québec. Le quartzite de Cette classe lithique inclut deux pièces Mistassini est généralement plus blanc et d’un même type, ce qui représente 0,1 % de moins opaque que le quartzite de Ramah, l’échantillon. Le tuf rhyolitique possède des mais ce n’est pas clair si ces deux types caractéristiques en commun avec la peuvent toujours être discriminés. La porphyre de Kineo-Traveller Mountain possibilité qu’une partie de ce matériau (Doyle 1995 : 304) et pourrait avoir été provienne du Québec doit être considérée. apporté à Jemseg à partir de cette région du Ceci ne change toutefois pas l’identification Maine. de ce type comme matériau exotique pour 16) Les cherts translucides (TRNS CHT) le secteur de Jemseg et qu’il ait été apporté Cette classe lithique inclut 46 pièces de sur les lieux de mains d’homme. deux types, ce qui compte pour 1,8 % de 18) Le porphyre de Kineo-Traveller l’échantillon. Il s’agit de deux cherts Mountain (KTMP) translucides distincts qui pourraient Cette classe lithique inclut 19 pièces correspondre au chert multicolore du d’un seul type, ce qui compte pour 0,5 % de Bassin des Mines. L’un est une agate l’échantillon. Il s’agit d’une rhyolite bariolée brune et bleue. L’autre est un chert porphyrique verte à grains fins, aussi homogène rouge-brun qui présente un connue étant le felsite de Kineo ou la cortex de galet et il a pu être récolté près de rhyolite de Kineo-Traveller Mountain Jemseg. (Doyle 1995 : 304). Ce matériau contient des Exotiques perles de quartz clair qui reflètent la Ces classes incluent les matériaux couleur de la masse et des phénocristaux de connus provenant de sources éloignées de feldspaths détériorés y sont souvent Jemseg. présents. La plupart des pièces de 17) Le quartzite de Ramah (RQZT) l’échantillon de Jemseg sont fortement Cette classe lithique inclut 14 pièces décolorées et furent identifiées à partir des d’un seul et unique type, ce qui représente perles de quartz qui ne décolorent pas. Un 0,6 % de l’échantillon. Il s’agit du quartzite petit éclat retient toutefois la couleur bleu- de la baie de Ramah au nord du Labrador vert typique de la masse. Ce matériau est (connu aussi comme chert de Ramah). Ce fréquent dans les assemblages du Maine matériau à grain fin est un quartzite semi- (Doyle 1995) et fut identifié comme translucide à tourbillons de minéraux exotique au Nouveau-Brunswick opaques bleu-gris. Il se retrouve dans bien (MacDonald 1994, Black 1997). Il a des assemblages du nord-est, dont ceux de certainement été apporté à Jemseg de mains la côte et proches de la côte du Labrador humaines. jusqu’au Maine durant l’archaïque final et 19) Le chert rouge et vert de le sylvicole supérieur. Il a dû être apporté à Munsungun (MRGC) Jemseg par les autochtones. À noter qu’un Cette classe lithique inclut 13 pièces

100 Wolastoqiyik Ajemseg d’un seul type, représentant 0,5 % de cherts sont présentés plus loin. l’échantillon. Il s’agit d’un chert (ou LA CARACTÉRISATION mudstone silicifié) opaque à rayures rouges QUANTITATIVE DE L’ÉCHANTILLON et vertes qui affleure dans la région du lac Le tableau 9.1 montre le nombre de Munsungun dans le nord du Maine (Doyle pièces de chacun des 55 types lithiques et 1995 : 306, Pollock 1987). Nos spécimens leurs proportions relatives. La figure 9.1 sont surtout rouge vin opaques traversés de montre la distribution des 55 types par larges rayures vertes ou grises plus nombre de pièces. Les matériaux translucides. Ce matériau est fréquent dans représentés par plus de 100 pièces et les les assemblages archéologiques du Maine. Il matériaux exotiques sont annotés afin de est possible que des matériaux similaires clarifier la distribution. Le chert multicolore affleurent dans le nord du Nouveau- Washademoak est le plus commun de Brunswick. Les spécimens de Jemseg y ont l’assemblage, dépassant de plus du double été apportés par les autochtones. le second matériau le plus fréquent. À 20) Le chert multicolore du bassin des l’exception des pierres volcaniques Mines (MBMC) décolorées qui ne peuvent pas être Cette classe lithique inclut 77 pièces identifiées avec plus de détail, le second d’un seul type, ce qui représente 3,1 % de matériau le plus fréquent est la rhyolite l’échantillon. Il s’agit d’une variété d’agates, grise à rayures fluantes, lui-même une pièce de jaspes et de calcédoines multicolores qui volcanique décolorée. Deux autres types de proviennent, ou que l’on croit provenir, de rhyolites sont représentés par plus de 100 sources dans le secteur du Bassin des Mines pièces. en Nouvelle-Écosse. La plupart des pièces Parmi les matériaux exotiques, seul le de l’échantillon de Jemseg sont des jaspes chert multicolore du Bassin des Mines est opaques, similaires à de la porcelaïnite, qui représenté par un nombre substantiel de proviennent de cap Blomidon et de Moose pièces. Les autres matériaux exotiques sont Island (Doyle 1995 : 306-307). Le chert en très petit nombre. multicolore du Bassin des Mines est Le nombre de pièces par classes ainsi fréquent dans les assemblages archéologues que leurs proportions relatives ont été des Maritimes et du Maine et fut considéré résumés dans les pages précédentes. Ces exotique dans les sites de la région de données sont illustrées graphiquement à la Quoddy (MacDonald 1994). Ce matériau a figure 9.2 (le nombre de pièces) et à la figure été apporté à Jemseg par les autochtones. 9.3 (les proportions relatives). Les La plus grande difficulté analytique matériaux locaux ou présumés locaux rencontrée durant le projet SPJC fut de dominent l’échantillon de l’assemblage. distinguer le chert multicolore Tous les matériaux décolorés pris ensemble Washademoak du chert multicolore du représentent une plus petite portion de Bassin des Mines. Les critères que nous l’assemblage que le chert multicolore de avons développés pour distinguer ces deux Washademoak. Le quartz et le quartzite

101 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Tableau 9.1 : Nombre de pièces et proportion relatives pour chacun des types lithiques de la SPJC.

TYPE NOBMRE de PROPORTION TYPES NOMBRE de PROPORTION PIÈCES RELATIVE (%) PIÈCES RELATIVE (%)

JC1 8 0,30 JC29 19 0,80 JC2 36 1,40 JC30 77 3,10 JC3 2 0,10 JC31 3 0,10 JC4 5 0,20 JC32 45 1,80 JC5 8 0,30 JC33 2 0,10 JC6 5 0,20 JC34 6 0,20 JC7 185 7,40 JC35 1 0,05 JC8 1 0,05 JC36 5 0,20 JC9 17 0,70 JC37 10 0,40 JC10 104 4,20 JC38 15 0,60 JC11 718 28,70 JC39 11 0,40 JC12 107 4,30 JC40 1 0,05 JC13 58 2,30 JC41 5 0,20 JC14 13 0,50 JC42 300 12,00 JC15 50 2,00 JC43 138 5,50 JC16 4 0,20 JC44 1 0,05 JC17 1 0,05 JC45 122 4,90 JC18 15 0,60 JC46 112 4,50 JC19 104 4,20 JC47 16 0,60 JC20 3 0,10 JC48 1 0,05 JC21 49 2,00 JC49 2 0,10 JC22 7 0,30 JC50 2 0,10 JC23 14 0,60 JC51 1 0,05 JC24 3 0,10 JC52 1 0,05 JC25 7 0,30 JC53 41 1,60 JC26 19 0,80 JC54 1 0,05 JC27 2 0,10 JC55 1 0,05 JC28 15 0,60 TOTAUX : 2499 pièces 100%

102 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 9.1 : Les types lithiques de la SPJC selon le nombre de pièces.

Chert multicolore de Washademoak Chert multicolore

fortement

décolorés

Matériaux

Nombre de pièces (n=2499)

Rhyolite grise à rayures fluantes

Série pétrographique de Jemseg Crossing

Quartz

Rhyolite blanche vitreuse tachetée

Rhyolite opaque verte à grains fins

TYPES LITHIQUES DANS LES ACRONYMES

Chert multicolore du Bassin des Mines

Porphyre de Kineo-Traveller Mountain Porphyre de Kineo-Traveller

Chert rouge et vert de Munsungun

Quartzite de Ramah Types lithiques (55) lithiques Types

103 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 9.2 : Les classes lithiques de la SPJC selon le nombre de pièces.

Exotiques

exotiques

Probablement

Peut-être

exotiques

Classes lithiques (20)

locales

Série pétrographique de Jemseg Crossing

Probablement

Locales

CLASSES LITHIQUES SELON LE NOMBRE DE PIÈCES

ces è pi de Nombre

104 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 9.3 : Les classes lithiques de la SPJC selon les proportions relatives.

Exotiques

exotiques

Probablement

Peut-être

exotiques

Classes lithiques (20)

locales

Série peétrographique de Jemseg Crossing

Probablement

Locales

CLASSES LITHIQUES SELON LES PROPORTIONS RELATIVES CLASSES LITHIQUES SELON LES PROPORTIONS Proportions relatives (%) relatives Proportions

105 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 sont relativement peu communs, du moins Les figures 9.5 et 9.6 nous offrent une en comparant avec plusieurs assemblages comparaison de deux groupes de structures côtiers du Nouveau-Brunswick. Les pierres à Jemseg, en montant la distribution des volcaniques sont plus communes que les classes lithiques par nombre de pièces. Les cherts. Les matériaux exotiques et ceux qui structures 8, 9, 11 et 13 contiennent des sont soupçonnés de l’être représentent une quantités substantielles de chert multicolore petite proportion de l’assemblage, Washademoak et certaines de ces structures individuellement et en tant que groupe. contiennent des matériaux exotiques ou LA DISTRIBUTION DES MATÉRIAUX soupçonnés l’être. Les structures 20 à 25 ne LITHIQUES SUR LE SITE contiennent en grande partie que des Un examen détaillé de la distribution matériaux décolorés et des pierres spatiale des matériaux à Jemseg est hors de volcaniques à grains fins. Même la structure la portée du projet SPJC. Toutefois, une 21, qui contient le plus grand nombre de série de graphiques ont été produits afin de pièces associées à une même structure, montrer que ces différents matériaux dévie à peine de ce modèle. n’étaient pas distribués au hasard sur le Les figures 9.7 et 9.8 ont été produites site. pour déterminer si la distribution lithique Nous avons créé une base de données à au sein des structures reflète la distribution part avec les spécimens provenant des lithique autour de celles-ci. La figure 9.7 structures. La figure 9.4 montre la montre les classes lithiques des unités D43 distribution de classes lithiques selon les et D44, incluant la structure 8. Le proportions relatives pour les six structures comportement des deux unités est similaire, qui contiennent plus de 9 pièces lithiques. mais pris ensemble, ils contiennent une plus La plupart des structures présentent de grande variété de matériaux et plus de fortes proportions de matériaux décolorés, matériaux exotiques que la structure 8 mais là s’arrêtent les ressemblances seule. La figure 9.8 montre les distributions générales. Les structures 20, 21 et 32 ne dans les unités B41, C41, B42 et C42, contiennent pas de chert multicolore incluant les structures 10 à 12. Là encore, la Washademoak alors que les trois autres en distribution dans les unités reste similaire contiennent de bonnes proportions. Quatre entre elles malgré les variations de des structures ne contiennent pas de grandeur d’assemblages, et la variété des matériaux exotiques ou probablement types et le nombre de matériaux exotiques exotiques. Des deux structures qui en est plus grande que pour la structure 11 contiennent, les matériaux en présence sont seule. différents : la structure 8 contient du La figure 9.9 montre la distribution des porphyre Kineo-Traveller Mountain alors classes lithiques dans trois sous-aires du que la structure 11 contient du chert rouge site Jemseg : la sous-aire 1 qui inclut les et vert Munsungun et du chert multicolore structures 1 à 4, la sous-aire 2 qui inclut les du Bassin des Mines. structures 11 et 12 et la sous-aire 3 qui inclut

106 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 9.4 : Les classes lithiques des structures contenant plus de 9 pièces lithiques.

Exotiques

exotiques

Probablement

Peut-être

exotiques

locales

Probablement

Série pétrographique de Jemseg Crossing

Classes lithiques (20)

Locales

LES STRUCTURES AVEC PLUS DE 9 PIÈCES LITHIQUES LES STRUCTURES AVEC Proportions relatives (%) relatives Proportions

107 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 9.5 : Les classes lithiques dans les structures 8, 9, 11 et 13.

Exotiques

exotiques

Probablement

Peut-être

exotiques

Classes lithiques (20)

locales

Probablement

Série pétrographique de Jemseg Crossing

Locales

ÉS DES STRUCTURES F8, F9, F11 ET F13 ÉRIAUX TAILL MAT

ces è pi de Nombre

108 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 9.6 : Les classes lithiques dans les structures 20 à 25.

Exotiques

À 25

exotiques

Probablement

Peut-être

exotiques

locales

Probablement

Classes lithiques (20)

Série pétrographique de Jemseg Crossing

Locales

ÉS DES STRUCTURES 20 ÉRIAUX TAILL MAT Proportions relatives (%) relatives Proportions

109 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 9.7 : Les classes lithiques des unités de fouille D43 et D44 incluant la structure 8.

Exotiques

exotiques

Probablement

Peut-être

exotiques

Classes lithiques (20)

Série pétrographique de Jemseg Crossing

locales

Probablement

ÉS DES UNITÉS D43 ET D44 ÉRIAUX TAILL MAT

Locales Proportions relatives (%) relatives Proportions

110 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 9.8 : Les classes lithiques des unités de fouille B41, C41, B42 et C42, incluant les structures 10 à 12.

Exotiques

exotiques

Probablement

Peut-être

exotiques

Classes lithiques (20)

Série pétrographique de Jemseg Crossing

locales

Probablement

Locales

ÉS DES UNITÉS B41, C41, B42 ET C42 ÉRIAUX TAILL MAT Proportions relatives (%) relatives Proportions

111 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 9.9: Les classes lithiques de trois aires du site Jemseg (aire 1 : structures 1 à 4, aire 2 : structures 11 et 12, aire 3 : unités TF1 et TF2)

Exotiques

exotiques

Probablement

Peut-être

exotiques

Jemseg Crossing Petrographic Series

Série pétrographique de Jemseg Crossing

locales

Probablement

LA COMPARAISON DE 3 AIRES DU SITE LA COMPARAISON

COMPARING 3 SUBAREAS OF THE SITE COMPARING

Classes lithiques (20)

Locales

3

AIRE

2

AIRE

1

AIRE Proportions relatives (%) relatives Proportions

112 Wolastoqiyik Ajemseg les unités TF1 et TF2. Ces distributions nous de la source de ce matériau au lac révèlent clairement que certains matériaux Washademoak. Comme l’avait observé lithiques étaient utilisés plus fréquemment G. F. Matthew (1900) il y a un siècle, les dans certaines parties du site que d’autres. autochtones appréciaient beaucoup le chert Par exemple, dans la sous-aire 3 (près de la de cette source au point d’en transporter rivière Jemseg) le chert multicolore de sur des distances considérables le long de la Washademoak est commun et les matériaux rivière Saint-Jean. Il n’y a cependant pas, décolorés ne le sont pas en comparaison des jusqu’à ce jour, d’indices que ce chert fut autres aires. Les pierres volcaniques pâles transporté au-delà de la basse vallée de la que sont peut-être exotiques sont très rivière Saint-Jean. communes dans cette aire en comparaison LES INDICES D’ÉCHANGES, des autres. D’un autre côté, les matériaux D’INTERACTIONS ET DE exotiques et les soupçonnés l’être de MOUVEMENTS DE POPULATION d’autres types sont absents de la sous-aire 3. Les matériaux exotiques ont servi Cette discussion ne fait qu’effleurer la considérablement ces dernières années dans surface de la distribution différentielle des la région du Maine et des Maritimes comme matériaux à Jemseg. Ce phénomène indicateurs de l’économie, des schèmes demande à être mieux exploré en sociaux et des interactions entre les groupes conjonction avec l’information de la période précédant le Contact. À chronologique et fonctionnelle des Jemseg, les matériaux exotiques démontrent structures et des aires. que les occupants du site interagissaient ACQUISITION ET UTILISATION DES avec des groupes éloignés. Toutefois, la MATÉRIAUX LITHIQUES LOCAUX nature de ces interactions est difficile à La grande variété de matériaux établir. Les possibilités incluent l’effet lithiques dans l’assemblage de Jemseg cumulatif de petits réseaux d’échanges montre que les autochtones y ont essayé locaux, des réseaux d’échanges sur de une vaste gamme de matières premières longues distances, des déplacements et des pour confectionner leurs outils en pierre. contacts sur de longues distances et Or, en réalité, la plupart des pierres se l’acquisition de force pour n’en nommer groupent en seulement deux grandes que quelques-uns. La figure 9.10 montre les catégories : les rhyolites à grains fins distances approximatives entre Jemseg et (utilisées surtout pour la fabrication des les sources de matériaux exotiques connues. bifaces) et les cherts multicolores de Les distances vont de moins de 200 km à Washademoak (utilisés surtout pour plus de 1500 km à vol d’oiseau. Les fabriquer des grattoirs). L’assemblage de distances réelles de déplacement, à pied ou Jemseg est inhabituel parmi ceux du en embarcation, auraient été beaucoup plus Nouveau-Brunswick car il contient une grandes. Dans chacun des cas, ces routes forte proportion de chert de haute qualité. entre Jemseg et les sources traversent des Ceci est dû essentiellement à la proximité frontières ethniques et linguistiques

113 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 9.10 : Carte du nord-est de l’Amérique du Nord montrant la distance des sources de matériaux exotiques au site de Jemseg (modifiée de Doyle 1995 : 307).

Labrador Quartzite de Ramah 1500 km

Québec

Terre-Neuve Chert rouge et vert Munsungun 200 km

N.-B. Porphyre Kineo-Traveller

Mountain ME N.-É. 250 km

Chert multicolore170 km du Bassin des Mines

Océan Atlantique

Série pétrographique de Jemseg Crossing Sources de matériaux exotiques de Jemseg

114 Wolastoqiyik Ajemseg importantes, du moins dans la perspective RÉSUMÉ ET RECOMMANDATIONS de la situation à la période historique Résumé ancienne. 1) Les autochtones qui vivaient à Jemseg Si on assume que les cherts translucides utilisaient surtout des sources proches probablement exotiques sont surtout du de matériaux lithiques pour fabriquer chert multicolore du Bassin des Mines, que leurs outils. les cherts opaques exotiques sont surtout 2) La source la plus importante était le du chert rouge et vert Munsungun et que le secteur de l’anse Belyes sur le côté sud tuf rhyolitique porphyrique vert et du lac Washademoak, où l’on obtenait quelques autres pièces en pierre volcanique du chert / calcédoine / jaspe porphyriques sont des porphyres de Kineo- multicolore de haute qualité. Traveller Mountain (voir tableau 9.1 et 3) Une autre source importante était la figure 9.1), une relation claire entre le ceinture côtière d’affleurements de nombre de pièces et la distance aux sources pierres volcaniques, au sud de Jemseg à apparaît. Plus la source est distante, moins proximité de la rivière Saint-Jean. C’est le matériau est présent. Le chert multicolore dans cette région que les gens de du Bassin des Mines est le matériau Jemseg ont obtenu la majorité des exotique le plus commun, suivi du chert/ matériaux rhyolitiques, andésitiques et mudstone de Munsungun, des rhyolithes basaltiques qu’ils utilisaient. porphyritiques de Kineo et finalement du 4) Ces sources proches ont aussi quartzite de Ramah (la source la plus probablement fourni la plupart des distante). Une quantification de matériaux décolorés de l’assemblage de l’assemblage par poids plutôt que par Jemseg. nombre de pièces renforcerait cette relation. 5) Les gens de Jemseg avaient accès à de Malheureusement, en l’absence petites quantités de matériaux d’information comparable sur beaucoup provenant de sources éloignées. Il s’agit des sites intermédiaires dans l’espace, ce du quartzite de Ramah, du labrador; le modèle peut s’appliquer à toutes les chert / agate / jaspe / calcédoine de théories concernant l’acquisition des Nouvelle-Écosse; le porphyre Kineo- ressources lithiques. À la période précédant Traveller Mountain du Maine et le chert le Contact, les matériaux lithiques exotiques rouge et vert de Munsungun du Main. ont pu pénétrer et circuler dans la région du Ces matériaux étaient probablement Maine et des Maritimes par l’entremise de obtenus par le biais de systèmes plusieurs processus sociaux et ils ont pu d’échange, de voyages sur de longues être impliqués dans différentes formes distances et d’autres formes d’interactions sociales aux ramifications d’interactions sociales. parentales, économiques, politiques, 6) Les gens de Jemseg avaient aussi accès symboliques et spirituelles. à de petites quantités d’autres matériaux exotiques comme la rhyolite

115 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

de Tobique, les cherts / mudstones Recommandations opaques et des quartzites de haute 1) La distribution des matériaux lithiques qualité du nord du Nouveau-Bruns- au sein du site Jemseg reflète un wick et du Québec. Ces matériaux ont schéma complexe et devrai être étudié également pu être obtenus par le biais selon des paramètres fonctionnels et d’échanges, de commerce sur de chronologiques du site. longues distances ou d’autres formes 2) Il serait possible de classer tous les d’interactions sociales. Or, on ne peut éléments lithiques taillés de Jemseg en en être sûr car ils auraient pu être utilisant la SPJC. Cela procurerait une transportés par le biais de processus compréhension beaucoup plus glaciaires. complète de l’usage des matériaux 7) Il est possible de distinguer dans lithiques de Jemseg. plusieurs cas entre des spécimens de 3) La SPJC pourrait être étendue aux cherts multicolores Washademoak et matériaux polis et bouchardés et peut- ceux de cherts multicolores du Bassin être aussi aux matériaux des pierres des Mines. Nous avons développé des modifiées par le feu. Encore, la critères nous permettant de faire cette compréhension des matériaux lithiques distinction. Dans certains cas de Jemseg en serait améliorée. cependant, surtout quand les pièces 4) La proximité du site Jemseg à la source sont très petites, ou composées de silice de chert du lac Washademoak et la très pure et claire, ou encore très grande quantité de chert Washademoak décolorées, cette distinction ne peut pas au site Jemseg sont deux phénomènes être faite par des moyens qui doivent être considérés ensemble macroscopiques. dans l’interprétation du site. 5) Des efforts devraient être faits pour trouver des moyens techniques non destructifs pour distinguer différents types de matériaux lithiques et pour relier les spécimens archéologiques à leurs sources.

116 Wolastoqiyik Ajemseg

'Tahtuwalotewa Naka 'Katkuhkewa 10 : La poterie de la période précédant le Contact

RAPPORT SUR LA CÉRAMIQUE AUTOCHTONE DU SITE DE JEMSEG

Vincent Bourgeois

L’assemblage céramique autochtone de représenté par de la céramique à paroi la période pré-Contact du site de Jemseg mince, aux surfaces lissées ou frottées et comprends 132 tessons analysables. Nous décorée par impression, caractéristique de les avons attribués à un nombre minimal de la période céramique moyenne, ou CP 2 dix vases à partir de la provenance et de (env. 2150 à 1650 A.A. n.c.). Ce rapport fait l’analyse par attributs. En se basant sur les une brève synthèse de la séquence attributs diagnostiques, complétés par des céramique autochtone de l’aire d’étude et associations à des dates au radiocarbone, procède à une analyse descriptive de la l’assemblage céramique de Jemseg est céramique de Jemseg en l’articulant avec la représentatif de deux séries distinctes séquence régionale. représentant deux composantes culturelles. Synthèse de la séquence Le premier groupe (Série 1) forme la céramique régionale plus grosse part du nombre total de L’introduction de récipients en argile l’assemblage céramique. Il se compose de cuite dans la culture matérielle des tessons dont la paroi interne est non Amérindiens du nord-est est l’un des points décorée et dont la paroi externe est traitée marquants du début du sylvicole maritime de battoir cordé grossier ou fin1, (ou période céramique). Des associations diagnostique de la période céramique datées suggèrent que cette technologie ait ancienne, ou CP 1 (env. 3050 à 2150 A.A. été introduite dans le nord-est vers environ n.c.2). Le second groupe (Série 2) est 3000 A.A. n.c., alors qu’ailleurs vers le nord,

1 N du T: nous avons traduit le terme « fabric impressed » par battoir cordé fin, qui a été distingué dans cette analyse du « cord impressed », traduit par battoir cordé grossier. Nous avons vérifié auprès de l’auteur la nature exacte de ces deux traitements de surface et la différence se situe effectivement dans le degré de finesse des impressions cordées. Il n’y a aucune évidence de tissage comme pourrait le laisser sous-entendre le terme anglais « fabric ». 2 A.A. n.c. indique une datation en nombre d’années avant aujourd’hui, en valeur non calibrée. 117 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 les indices suggèrent une introduction plus 400 à 200 A.A. n.c.). En se basant sur ce tardive (Petersen et Sanger 1991). Dans tous modèle, l’examen préliminaire de la les cas, l’utilisation et la fabrication de céramique de Jemseg suggère qu’elle est récipients en céramique chez les associée aux périodes CP 1 et 2 (de 3050 à Amérindiens du nord-est se sont 1650 A.A. n.c.). poursuivies jusqu’au moment du Contact, L’assemblage céramique du site quand les biens de traite ont remplacé cette de Jemseg technologie. La plus grande part de l’assemblage En archéologie, la céramique est vue céramique de Jemseg, à l’exception de six comme un marqueur spatio-temporel tessons représentant deux vases (v.6 et v.8), sensible qui peut afficher des attributs a été mise au jour au sein d’une aire de 25 m caractéristiques de certaines populations de x 25 m sur la terrasse supérieure (aire A). certaines régions durant certaines périodes. Les vases 6 et 8 ont été découverts sur la Avant l’introduction des méthodes de terrasse inférieure, plus près de la rive. Tous datations absolues, plusieurs typologies et les tessons proviennent de contextes non chronologies régionales ont été développées perturbés en dessous ou hors des labours. dans le nord-est, faisant de la céramique un L’examen de la distribution céramique très bon élément de datation relative et un au sein de l’aire A nous révèle deux indice pour identifier des relations concentrations séparées qui se superposent interculturelles entre les régions. légèrement et qui pourraient représenter Un effort récent pour définir plus deux composantes culturelles différentes. clairement une séquence céramique de En se basant sur des comparaisons avec le l’extrême nord-est a été amorcé par modèle de Petersen et Sanger et d’autres Petersen et Sanger en 1990 et se poursuit études céramiques régionales, j’ai associé dans le nord-est en général. L’étude initiale ces deux composantes aux périodes de Petersen et Sanger (1991) s’est concentré céramique 1 (CP 1) et 2 (CP 2). sur l’élaboration d’une séquence céramique Le modèle analytique que j’ai choisi à sept divisions (CP, ou période céramique, pour examiner l’assemblage est une analyse 1 à 7) pour la région du Maine et des d’attributs sur les vases inférés. Cette Maritimes. Ce schéma remplace la technique procure une représentation plus traditionnelle division en trois parties adéquate de la fréquence des types de (périodes céramique ancienne, moyenne et vases, car un seul vase inféré peut être récente) et reflète avec plus de précision les représenté par un seul tesson ou bien variations régionales d’attributs à travers le plusieurs. Dans certains cas, plusieurs temps. La chronologie de Petersen et Sanger tessons autrement non analysables peuvent était basée sur 164 dates au radiocarbone se regrouper dans une unité de vase inféré qui couvraient toute la période céramique uniquement de leur provenance. Les (environ de 3050 à 400 A.A. n.c.) et une fragments isolés de céramique sont ignorés partie de la période de Contact (environ de dans cette analyse car ils ne portent pas 118 Wolastoqiyik Ajemseg d’attributs analysables et ne peuvent pas manifestent sur des tessons récoltés en être assignés à un vase. surface par un collectionneur local, mais Les attributs les plus notables et les plus étant donné que leur provenance reste significatifs chronologiquement de vague, nous ne les considérons pas dans l’assemblage céramique de Jemseg sont le cette analyse. traitement de surface (battoir cordé et Les deux vases décorés de Jemseg empreintes de tissus, lissage et frottage), montrent exhibent la technique l’unité décorative et le mode d’application d’application basculante par laquelle l’une (non décoré, dentelé sigillé et basculant, des extrémités de l’outil est imprimée dans empreintes ondulantes), l’épaisseur des la pâte, puis elle est basculée vers l’autre parois et le profil du rebord (forme du bord, extrémité. À ce moment, il est légèrement ouverture et forme de lèvre). pivoté et le geste est répété à l’inverse. Les Le traitement de surface est autres techniques qui n’apparaissent pas communément considéré comme la sur les vases de Jemseg mais qui sont méthode de préparation de surface avant communs dans la région incluent : l’application de la décoration. Il peut aussi l’impression linéaire, l’impression faire référence à l’absence de préparation. repoussée et l’incision sur pâte non cuite Dans ce cas, la surface de vase est laissée comme sur pâte cuite3. sans modification après la consolidation de Les mesures d’épaisseur des parois la pâte, laissant une texture rugueuse qui furent prises à trois endroits avec un pied à résulte du battoir cordé grossier ou fin pour coulisse : la lèvre, le rebord et la panse. aplatir et joindre les colombins ensemble. L’épaisseur de la lèvre a été mesurée à La distinction entre le battoir cordé grossier l’endroit de l’épaisseur maximale de sa et le battoir cordé fin a une signification surface. L’épaisseur du rebord a été prise à chronologique car nous soupçonnons le 1 cm sous la lèvre. L’épaisseur de la panse premier plus ancien que le second. représente la moyenne des épaisseurs de Les principaux outils décoratifs tous les tessons de panse du même vase. observés dans l’assemblage de Jemseg sont En raison de la nature descriptive de ce les outils dentelés et simples. Un outil rapport, l’analyse se concentre seulement dentelé est un objet mince avec une arête sur les attributs décoratifs et dentelée qui laisse dans l’argile une série morphologiques. Les aspects linéaire de petites impressions carrées ou technologiques et fonctionnels ont rectangulaires. L’outil simple laisse pour sa cependant aussi beaucoup d’intérêt et part une simple impression linéaire. Des devraient être considérés dans la poursuite indices de l’usage d’un outil ondulant se éventuelle de l’étude. D’après ce que nous

3 N. du T.: dans la version originale anglaise, l’incision dans la pâte non cuite (ce que nous désignons en français par le terne « incision ») est appelée « trailing » , alors que le terme incision est utilisé pour des gravures dans la pâte cuite, une technique rare pour laquelle les archéologues francophones n’ont pas accordé de terme spécifique. 119 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 10.1 : Tessons du vase 2 de la structure 13 dans l’aire A.

savons de l’usage de la céramique chez les lisse ou encore à main nue. La cassure au Amérindiens du nord-est, les vases étaient colombin représente une fracture linéaire surtout utilisés pour la cuisson et entre les boudins qui forment la paroi des l’entreposage des aliments. Les résidus vases complets. carbonisés qui se retrouvent parfois à On ne peut pas dire beaucoup à propos l’intérieur des tessons peuvent permettre de la morphologie, de la dimension et du des analyses qui visent à déterminer la sorte volume des vases de Jemseg en raison de la d’aliment qui était préparé. Dans le cas de nature fragmentaire des tessons. Le la céramique de Jemseg, l’analyse des recollage des tessons afin de remonter les résidus devrait éventuellement être prise en vases devrait éventuellement être considération car certains tessons portent considéré. Néanmoins, il y a suffisamment des croûtes carbonisées. d’attributs sur la majorité des tessons pour En ce qui concerne la fabrication des les besoins de l’analyse et de la datation vases, la plupart des tessons de Jemseg relative. montrent des cassures de colombins (tout La série céramique de Jemseg comme la plupart des cas dans le nord-est), Série 1 ce qui trahit cette méthode de montage. La céramique de la série 1 est Ceci était fait en joignant de longs boudins caractéristique de la période céramique d’argile dans la forme voulue, puis en les initiale, ou période céramique 1 (CP 1). aplatissant ensemble avec un instrument Cette série consiste en cinq vases (vases 1, 2,

120 Wolastoqiyik Ajemseg

4, 9 et 10, voir planche 10.1). Ils sont non entre 6 et 7 mm. Les fibres du battoir du décorés et portent des traitements de vase 2 sont aussi plus grossières que sur les surface cordés ou à tissu autant sur les autres vases de cette série. Cela appuie parois internes qu’externes. Les rebords ont l’idée que les vases CP-1 traités au battoir des parois parallèles et des ouvertures cordé grossier sont plus anciens que ceux droites à légèrement éversés avec des lèvres traités au battoir cordé fin (Spence, Pihl et rondes. Les rebords ont une épaisseur Murphy 1990)4. moyenne de 6,3 mm. Il a été suggéré que la Série 2 variation d’épaisseur des rebords et des La céramique de la série 2 possède les panses soit une variable chronologique au caractéristiques des périodes céramique 2 sein du CP 1. En général, les tessons du CP (CP 2) et 3 (CP 3), ou sylvicole maritime 1 à paroi plus mince (Spence, Pihl et moyen. Cette céramique à parois minces a Murphy 1990). Le vase 2 de Jemseg a une des surfaces intérieures et extérieures épaisseur entre 7 et 8 mm, alors que les lissées ou frottées. Certains vases ont des autres vases de cette série ont une épaisseur décorations sur la paroi externe du rebord.

Planche 10.2 : Un tesson du vase 6 de la structure 43 dans l’aire D, montrant la surface frottée caractéristique de ce type.

4 Note de l’éditeur : après la production du rapport de Jemseg Crossing, nous avons soumis des échantillons de charbon additionnels pour la datation au radiocarbone. Deux nouvelles dates furent obtenues de contextes associés à la poterie. Une date de 2460 ± 60 A.A. n.c. (TO-9618) est en associa- tion directe avec le vase 9 et une date de 2870 ± 70 A.A. n.c. (BETA 156019) est en association directe avec le vase 2. Ces dates s’ajoutent à celle de 2140 ± 60 A.A. n.c. (BETA 105892), en association directe avec le vase 1 et ensemble, elles procurent un appui additionnel aux idées présentées dans ce chapitre. Les deux dernières dates sont associées à des vases aux parois minces et traitées au battoir cordé fin (vases 1 et 9) alors que la première de ces dates est associée au vase 2 qui a une paroi épaisse et un traitement de surface cordé grossier (S. Blair). 121 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 10.3 : Serie 2 tessons de céramique décorés.

Cinq vases font partie de cette série (nos 3, Trois datations au radiocarbone sont 5, 6, 7 et 8, voir planche 10.2). associées à deux des vases de cette série. Le Deux des vases de la série 2 montrent vase 3, décoré de dentelé basculant, de la décoration. Le vase 3 porte du dentelé provient de la structure 21 qui a produit basculant alors que le vase 5 porte de une date de 1650 ± 40 A.A. n.c. Une date l’impression linéaire basculante. Le reste AMS a de plus été obtenue sur des des vases de la série 2 a été catégorisés par incrustations à l’extérieur du vase 3 : 1600 ± la base de leur épaisseur et leur traitement 60 A.A. n.c. Le vase 7 , représenté par un de surface. L’épaisseur varie de 6 à 7 mm. tesson non décoré à surface lisse, a été Quatre des cinq vases de la série 2 sont trouvé en association directe avec une date lissés autant sur les parois internes de 2230 ± 50 A.A. n.c. qu’externes et un est frotté (vase 6).

122 Wolastoqiyik Ajemseg

Micuwakonuwa 11 : La nourriture et la subsistance : les matériaux végétaux

RAPPORT PRÉLIMINAIRE

Stephen G. Monckton

Les matériaux végétaux de Jemseg Nouveau-Brunswick. Enfin, d’autres offrent une occasion unique d’examiner les matériaux non triés nous ont été soumis par schèmes de subsistance des groupes le Service d’archéologie afin de surveiller préhistoriques de cette région et de situer des biais potentiels dans le procédé de leur usage des plantes dans une perspective triage initial. Les identifications ont été à l’échelle du nord-est américain. Plus de faites à l’aide d’un microscope 200 échantillons ont été analysés, révélant stéréoscopique ST-300 sous des une vaste gamme de macrorestes végétaux grossissements allant de 7 à 40 x. La représentant de la nourriture, de possibles classification Martin et Barkley (1961) et comportements rituels et un assortiment de Montgomery (1977). Dans les cas combustibles. Nous présentons ici un bref d’identification incertaine, les spécimens rapport préliminaire de cette analyse. ont été apportés au Royal Ontario Museum Les méthodes d’analyse pour une vérification dans la collection de Le matériel nous est parvenu en fioles référence. Les données furent entrées sur et dans des sacs refermables. Nous feuille de calcul Microsoft Excel, à procédions ensuite au pesage, au l’ordinateur Macintosh Powebook 180c. classement et au comptage de chaque Les résultats élément du contenu. Dans certains cas, les Le matériel végétal le plus abondant est matériaux non triés étaient tamisés à travers le charbon de bois d’érable (Acer des mailles de 2 mm et 300 microns.Après saccharum), de hêtre (Fagus grandifolia), de l’identification et la quantification, le frêne (Fraximus sp.), d’ostryer de Virginie matériel carbonisé fut isolé et le matériel (Ostrya virginiana), de pin (Pinus strobus), non archéologique (radicelles, minéraux, et d’épinette (Picea sp.). La composition restes d’insectes) fut emballé séparément et relative des essences dans l’échantillon est retourné aux Services d’archéologie du approximativement conforme à celle

123 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 présente dans la forêt. Ce fait illustre que le sorbier (Sambucus sp.), en plus d’autres bois des foyers a été récolté de façon taxons chèvrefeuille (Diervilla lonicera), les aléatoire sur le sol de la forêt, par renouées (Polygonum sp.) et les potamots opposition à une récolte sélective (voir (Potamogeton sp.). Le dièreville produit Monckton 1992, 1994). une capsule sèche avec de multiples graines Parmi d’autres végétaux se trouvent et il est possible que cette partie, ou des fragments carbonisés d’écales de noix d’autres, aient été utilisées pour les usages de noyer cendré (Juglans cinerea). Cette médicinaux (Kuhnlein et Turner 1991). La essence semble avoir été une source renouée a pu être utilisée pour ses graines, importante de nourriture végétale à Jemseg, en tant que verdure et peut-être même et elle est typique des groupes qui comme condiment. Le potamot a pu être précèdent l’horticulture durant le sylvicole une inclusion accidentelle dans l’eau de et l’archaïque dans le nord-est. Les restes cuisson. très fragmentés de ces écales de « noix En plus de la récolte de plantes longues » ne témoignent pas seulement de sauvages, il y a aussi à Jemseg des indices la diète mais également de la méthode de d’horticulture. Des grains et des cupules de préparation. Il semble en effet que ces noix maïs (Zea mays) ont été mis au jour de étaient rôties afin de rendre leurs écales plusieurs structures et proviennent cassantes, puis roulées sur une pierre, ce clairement d’une période postérieure aux qui émiettait les écales. La chaire cuite contextes du sylvicole inférieur. Un unique devient ainsi caoutchouteuse et reste possible grain de tabac (Nicotiana rustica) a intacte. aussi été identifié. Ces spécimens ont pu Des fragments de faînes du hêtre être déposés n’importe quand au cours du (Fagus grandifolia) ont aussi été trouvés, dernier millénaire. Aucun vestige carbonisé bien que leur importance économique n’ait de cucurbitacée (la famille des courges) n’a probablement pas été très significative. En été trouvé. Plusieurs échantillons fait, la présence de charbon de bois de hêtre contenaient néanmoins des restes non nous porte à croire que ces fragments ont carbonisés de courge (Cucurbita pepo), été carbonisés accidentellement avec le bois, mais leur origine pourrait être historique. alors que les noix longues, pour leur part, Les restes non carbonisés de végétaux ne se ne sont pas accompagnées du bois du noyer conservent généralement pas sur de cendré. grandes périodes à moins de se trouver en Si la préparation de noix semble avoir contexte humide ou extrêmement sec. Un été la plus importante activité liée aux seul grain carbonisé d’orge (Hordeum sp.) végétaux à Jemseg, il n’en demeure pas est un témoin supplémentaire du Contact moins que l’on récoltait aussi beaucoup européen. d’autres espèces. Celles-ci incluent une Il y a un nombre d’objets non identifiés variété de fruits charnus comme la cerise qui semblent être des restes de tissu mou (Prunus serotina), la mûre (Rubus sp.) et le végétal, probablement des tubercules. Cela

124 Wolastoqiyik Ajemseg doit toutefois être investigué plus en détail. Les fragments de tubercule sont en soi difficiles à identifier en raison de leur tendance à se déformer sous l’action du feu. Notre rapport préliminaire donne (présente) les résultats principaux de 40 journées d’analyse en laboratoire. Les matériaux végétaux du site de Jemseg Crossing détiennent un potentiel intéressant pour une analyse supplémentaire. Cette recherche pourrait contribuer considérablement à notre compréhension de la distribution spatiale des restes végétaux, la quantité relative d’aliments végétaux et la reconstruction des paléoenvironnements et des schèmes d’établissement.

125 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

126 Wolastoqiyik Ajemseg

Micuwakonuwa 12 : La nourriture et la subsistance : les matériaux zooarchéologiques

RAPPORT PRÉLIMINAIRE

Frances L. Stewart

L’objectif principal de l’examen des très satisfaisant. C’était nuisible pour les restes zooarchéologiques du site de Jemseg spécimens de référence et, inévitablement, je Crossing (BkDm-14) était de déterminer, le me suis souvent rendu compte que je devais plus tôt possible, après leur mise au jour, si comparer les restes archéologiques aux des restes humains en faisaient partie. squelettes de référence qui étaient restés au Nous avons accompli cela en visitant laboratoire. Ainsi, seuls les ossements les régulièrement les fouilles et en demeurant plus caractéristiques pouvaient être sur appel pour des cas douteux. Si aucun identifiés spécifiquement et reste osseux humain n’a été trouvé, des anatomiquement de façon certaine. ossements d’animaux identifiables l’ont Plusieurs n’ont résulté qu’à une toutefois été. Ceci a mené à un intérêt identification « probable » ou possible » à secondaire, celui d’examiner les ossements l’espèce et bon nombre n’ont pu être afin de les identifier le plus précisément identifiés qu’à la classe. Un examen de possible. Comme dans la plupart des certaines des nombreuses petites pièces études zooarchéologiques, l’objectif était carbonisées a été fait à l’aide d’une loupe d’en apprendre sur le mode de subsistance binoculaire avec un grossissement de 40 x, des gens qui ont jeté des restes alimentaires ce qui a permis d’en classer la majorité et de en particulier et sur la ou les saisons rejeter le matériel non osseux qui a permis d’occupation du site. Étant donné qu’au d’en classer la majorité et de rejeter le moment de la fouille, les restes ne matériel non osseux qui avait d’abord été pouvaient pas quitter le site vers une catégorisé comme tel. Il résulte donc de ces collection de référence, j’ai transporté des méthodes contraignantes, des identifications échantillons de référence sur le site pour très conservatrices. Des résultats plus précis améliorer l’identification du matériel pourraient être obtenus si l’assemblage zooarchéologique. Ce procédé n’a pas été faunique était examiné dans un laboratoire

127 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 faunique. Enfin, la matrice de sol provenant Microtus) et un rat musqué (Ondatra de certaines structures, dont celle avec zibethicus), et probablement du tamia rayé l’ocre rouge (structure 7, voir chapitre 14) a (Tamias striatus), de l’écureuil rouge été flottée en utilisant une série de tamis à (Tamiasciurus pudsonicus) et du castor mailles décroissantes (voir Barefoot, (Castor canadensis). Il y avait aussi chapitre 6). Les échantillons qui en plusieurs spécimens de grands herbivores, résultaient furent de nouveau examinés dont certains sont peut-être de l’orignal pour en extraire les ossements à l’aide de la (Alces alces). Parmi les espèces loupe binoculaire. Ce procédé, bien qu’utile domestiquées, nous avons identifié avec pour les graines, a produit très peu de certitude de le vache (Bos taurus) et le spécimens fauniques. L’absence d’os était cheval (Equs caballus) et probablement le toutefois significative, particulièrement cochon (Sus scrofa). dans la fosse d’ocre rouge. Les restes non mammaliens Les résultats de l’examen du Les 25 os d’oiseau en incluent deux, matériel faunique peut-être trois, qui proviennent de la dinde, Les restes zooarchéologiques du site de vraisemblablement la dinde domestique Jemseg totalisaient approximativement 1750 (Meleagris gallopavo). Les quatre os de « spécimens. À l’exception de cinq fragments gros oiseaux » sont peut-être de l’oie et du de coquilles d’invertébrés et deux morceaux huard. Il y avait aussi trois os d’oiseaux d’os ou de coquille, tous les restes moyens à gros. Les reptiles sont représentés provenaient de vertébrés. Les mammifères par six vertèbres de serpent, articulées et dominent l’assemblage, suivis des oiseaux, blanchies au soleil. Étant donné qu’elles des poissons et de quelques reptiles. Le tenaient toujours ensemble par des tissus détail des identifications individuelles se séchés, elles ont dû être déposées trouve dans le rapport technique récemment sur le site. Des serpents ont été préliminaire du PAJC, volume 3 (Stewart in aperçus souvent lors de la fouille. Il y a Blair 1997). Les noms scientifiques des aussi un possible fragment de carapace de animaux représentés à Jemseg sont basés tortue. La plupart des dix spécimens de sur Peterson (1966) pour les mammifères et poisson étaient de petites vertèbres sur Godfrey (1986) pour les oiseaux. calcinées, mais il y avait aussi un carré (un Les restes mammaliens os cranien) très similaire à celui des barbues (Ictalurus). Les restes mammaliens dominaient l’assemblage avec un total de 1054 La provenance générale des éléments, en excluant un nombre estimé de spécimens fauniques 150 os postcrâniens articulés de raton Les spécimens fauniques peuvent être laveur (Procyon lotor) trouvés en surface. classés en quatre catégories selon leur En plus du raton laveur, les espèces provenance. Le plus petit groupe est sauvages incluent une souris (genre constitué des 84 éléments provenant des

128 Wolastoqiyik Ajemseg structures précédant le Contact. Celles qui d’animal domestique dans cet ensemble le suivent ont produit 815 éléments, en démontre que l’on ne peut pas assurer que excluant les os récents de raton-laveur tous les os trouvés à proximité des trouvés partiellement enfouis à la surface structures en proviennent. du site. Un nombre de 703 éléments Un nombre de 100 éléments trouvés proviennent du niveau perturbé de labour, dans des structures postérieures au Contact et de ceux-ci, il est possible d’en distinguer n’ont pas été déterminés à la classe, 16 sont 168 à proximité de structures précédant le soit de l’oiseau, soit du mammifère, et 527 Contact et 180 à proximité des structures spécimens mammaliens n’ont pas été postérieures au Contact. Nous avons pensé identifiés au-delà de la classe. Mais initialement que ces deux dernières plusieurs restes mammaliens ont quand catégories reflètent des ossements déplacés même été déterminés à l’espèce. En plus des structures par les labours. Les des restes articulés de raton laveur à la spécimens associés aux structures surface, une structure a révélé 118 os précédant le Contact sont moins communs, calcinés de rat musqué. Six autres en partie parce que le matériel osseux proviennent d’ailleurs, la plupart à déposé avant le Contact a eu le temps de se proximité de cette structure. Il semble que désintégrer dans les sols acides. Seuls ont deux rats musqués immatures ont été subsisté ceux qui étaient carbonisés. Ainsi, déposés dans une structure qui a aussi la majorité des éléments précédant le produit des vertèbres brûlées de poisson, Contact sont de petits fragments difficiles à des os de gros oiseau, de possibles os de identifier. Bien que 39 d’entre eux n’ont pu vache et plusieurs autres non identifiés à même être assignés à la classe, 37 ont été l’espèce. Donc, au moins une des structures reconnus comme mammaliens, quatre semble avoir servi de fosse à déchets comme un grand herbivore et un était animaux. Les autres structures postérieures probablement du castor. Les éléments au Contact contenaient de l’écureuil, de la d’herbivore sont probablement de l’orignal, vache, de grands herbivores (orignal, cheval compte tenu de leur provenance. Enfin, il y ou vache), de petits herbivores (cerf de avait un os de poisson. Virginie, mouton ou chèvre), probablement Quand on considère les os du niveau de du cochon, de gros oiseaux (dinde, oie ou labour qui ont été trouvés à proximité des huard) et du poisson. structures précédant le Contact, la variété Les ossements provenant des niveaux des espèces s’agrandit. Ceux non attribués à perturbés à proximité des structures une classe restent communs, dont neuf os postérieures au Contact n’ont pas permis additionnels qui pourraient autant être du l’identification d’espèces autres que celles mammifère que de l’oiseau. Il y avait aussi rencontrées dans ces structures. Nous avons 74 os de mammifères variés, incluant un noté plus d’éléments de rat musqué et écureuil rouge. Il y avait un spécimen de d’herbivore, 102 éléments de mammifère, vache dans ce groupe. La présence d’un os deux os de mammifère ou d’oiseau et 73

129 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 fragments non identifiés. Comme dans les humaines. Lorsqu’en avril une structure autres cas, presque tous ces os étaient avec de l’ocre fut mise au jour, sa matrice calcinés et plusieurs montraient des fut examinée, incluant des échantillons striations de sciage, ce qui témoigne de flottés, pour vérifier la présence d’os pratiques de boucherie moderne. humains. Aucun os humain ne fut trouvé C’est le niveau de labour qui a livré la sur ce site. plus grande variété d’espèces. Presque tout Par contre, les aspects secondaires le site a été labouré et de grandes portions zooarchéologiques de ce volet n’ont pas été des aires fouillées ne recelaient pas de aussi concluants. On a tout de même structures. De cette matrice provient un os déterminé que tant les animaux sauvages de souris, ce qui représente probablement que ceux qui sont domestiques étaient une intrusion naturelle. Les os de raton présents, ce qui confirme les usages laveur de ce niveau peuvent ordinaires de ce lieu à la période après tout vraisemblablement se relier au squelette comme avant le Contact. La vache, le presque complet de la surface. Des cheval, la dinde et les vestiges possibles de charognards ont dû disloquer les membres cochon, de mouton ou de chèvre antérieurs d’une carcasse qui s’est retrouvée témoignent d’activités fermières sur le site à la suite de causes naturelles ou postérieures au Contact. Les rats musqués humaines. Le seul os de rat musqué ont été exploités à la période après le provenant du niveau de labour pourrait Contact, tout comme les ratons laveurs. Il y être associé à ceux de la structure a des indices de pêche à une échelle postérieure au Contact de l’unité C55. Les modeste durant cette période. Les vestiges spécimens de vache et de cheval reflètent la fauniques qui précèdent le Contact vocation fermière des lieux, tout comme les indiquent que les gens exploitaient autres restes de grands herbivores l’orignal, et probablement le castor, les gros provenant des labours. Il en va de même oiseaux et le poisson. Les os de ces animaux pour les os de gros oiseaux dont deux ou étaient parfois brûlés. En raison des trois sont identifiés à la dinde. Il n’y avait méthodes d’identification et du petit pas d’os de poisson dans cet ensemble, mais échantillon, les proportions que on y trouve toutefois un fragment de représentent ces animaux dans la diète ne carapace de tortue et cinq fragments de peuvent pas être correctement estimées. Il coquilles d’invertébrés. en va de même avec la ou les saisons Conclusion d’occupation du site. Des identifications Les objectifs premiers de l’analyse des plus précises des restes fauniques dans un ossements du site de Jemseg ont été laboratoire approprié résulteraient rencontrés. C’est ainsi que durant la fouille, vraisemblablement dans l’ajout d’espèces nous maintenions une surveillance additionnelles à la liste déjà dressée et régulière sur les ossements dégagés afin de pourraient révéler la saisonnalité des déterminer s’il provenaient de sépultures activités de subsistance. 130 Section quatre L’ANALYSE

Wolastoqiyik Ajemseg

Aliwitahsik, Litahuswagon 13 : La terminologie et le cadre conceptuel

Susan Blair

L’un des objectifs premiers de l’analyse l’histoire culturelle. Elle est souvent archéologique est la description des complétée d’une approche processuelle à témoins d’une manière qui met en lumière fondement écologique pauvrement le passage du temps (la dimension intégrée. Bien que les synthèses de la chronologique) et leur distribution dans le théorie en archéologie placent ces deux paysage (la dimension spatiale). Une telle approches l’une à la suite de l’autre dans un entreprise sert à réduire en unités cadre historique, dans bien des cas, elles opérationnelles, l’énorme fourchette de coexistent de façon rivale. C’est temps au sein de laquelle les êtres humains particulièrement vrai dans la Péninsule ont occupé les Maritimes. De façon maritime. L’histoire culturelle et le traditionnelle, les archéologues ont utilisé processualisme peuvent être mis en les changements dans les témoins contraste non seulement en termes archéologiques (tels les artéfacts, les d’interprétations et de conclusions, mais structures, les spécimens aussi en tant que vision concurrente du bioarchéologiques) afin d’isoler des passé. Rafferty (1994) a décrit ces points de périodes de temps au sein desquelles on vue sous l’angle du traitement du reconnaît des patterns de similarités et de changement culturel à travers le temps. différences qui varient dans le temps et Selon Rafferty, la détermination d’unités l’espace. Dans les étapes préliminaires de spatiales et chronologiques par les tenants l’interprétation archéologique, ces patterns de l’histoire culturelle ne se limite pas à une sont souvent intégrés en séquences et en technique de description du matériel schèmes afin d’identifier des périodes de archéologique, mais elle est un principe changement et des interactions entre les structurant qui sert à saisir les moments du groupes humains. Cette approche a été changement (la frontière entre les unités) formellement désignée comme celle de qui ponctuent de grandes périodes de

133 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 stabilité (les unités historico-culturelles). Le furent. Cette division est utile car l’existence point de vue processualiste met l’accent sur du document écrit influence notre approche la détermination d’unités d’analyse du document archéologique de façon synchroniques représentant un groupe de fondamentale. Des éléments passagers ou personne cohérent au sein d’un paysage immatériels comme les émotions et les écologique particulier (Binford 1980), où le perspectives personnelles, la signification changement culturel est graduel, symbolique des objets culturels, et des occasionnant une transformation (Rafferty attitudes et biais sociaux et culturels des 1994 : 407). Les unités chronologiques et groupes et des communautés sont spatiales deviennent ainsi des moyens de accessibles dans les documents écrits. Or, le subdiviser le sujet en unités d’analyse plus document écrit est une arme à double que des manières de définir le passé. tranchant du fait qu’il représente En raison de ces tensions théoriques, il généralement un ensemble limité n’est pas surprenant qu’il y ait beaucoup de d’opinions qui peuvent exprimer beaucoup variation dans la manière que les de préjudice, et il peut donc offrir une archéologues choisissent de décrire et image faussée et biaisée de la réalité. délimiter le passage du temps. Bien que les En dépit de l’utilité du terme opinions rivales sur la signification des « préhistorique » dans une perspective unités spatiales et chronologiques et sur les archéologique, quelques archéologues et relations entre elles soient à la base de cette observateurs critiques ont suggéré que le tension, d’autres soucis plus prosaïques se terme a acquis une connotation péjorative manifestent aussi. Ceux-ci font intervenir en signifiant toutes choses grossières et des débats au sujet du type et de la qualité bestiales. L’une des définitions du d’information nécessaire pour déterminer dictionnaire lui donne comme synonyme précisément le moment du changement « très ancien, suranné, démodé ». Une entre les unités. Bien que les perspectives critique encore plus forte reproche au terme théoriques soient à la base de toutes les qu’il laisse entendre que les préhistoriques interprétations, dans les pages suivantes, je n’ont pas d’histoire, insinuant que leur vais aborder plus spécifiquement la passé ne vaut pas la peine d’être enregistré. terminologie que j’emploierai dans ce Ces connotations proviennent un peu de rapport et en examiner les implications. l’application du terme à l’Antiquité Histoire ou Contact? précédant l’humanité. Malheureusement, il De façon générale, les archéologues n’y a pas d’autres mots qui décrivent la distinguent la période préhistorique de la distinction entre les deux périodes (l’une 1 période historique. Cet usage avec et l’autre sans documents écrits) . Les terminologique international sert à substitutions utilisées ici sont les locutions différencier entre l’archéologie des gens qui « précédant le Contact » et « postérieur au 2 n’ont pas été décrits par l’écriture (que ce Contact » . Or, il est clair que ne n’est pas soit la leur ou celle des autres) et ceux qui le l’équivalent des termes préhistorique et 134 Wolastoqiyik Ajemseg historique. Le Contact, défini par le Perley, David Black et Chris Turnbull. Je me moment initial de l’interaction entre les suis rendu compte que la nature des autochtones de l’Amérique du Nord et les représentations et l’investigation des premiers explorateurs européens qui a pu histoires autochtones sont d’une survenir aussi tôt qu’en 1100 de notre ère importance fondamentale pour plusieurs (voir Whitehead 1991). La période personnes dans les communautés historique, pour laquelle il existe des autochtones et académiques. La plupart des documents écrits sur les gens de la région, archéologues, dont moi-même, ont depuis commence quelque part au XVIe siècle ou longtemps compris que la langue, telle que au début du XVIIIe siècle. Ces termes sont parlée et comprise par tous les locuteurs, a également inadéquats pour d’autres un formidable pouvoir, aux conséquences raisons. L’adoption d’une terminologie tant négatives que positives. C’est pour ces régionale peut occasionner une rupture raisons que la plupart des archéologues avec le reste de l’Amérique du Nord, voir le modernes ont mis de côté d’autres aspects reste du passé humain universel, suggérant biaisés de la terminologie, tel que le genre que les gens du nord-est étaient différents masculin généralisé, pour des choix des gens ailleurs. De plus, tout comme linguistiques plus neutres (par exemple « préhistorique », la locution « postérieur au humain pour homme)3. Contact » définit une très longue et À la lumière de ces considérations, et complexe période de temps selon un critère après mûres réflexions, j’ai décidé d’utiliser qui n’est pas inhérent à ce passé. Ainsi la des termes de substitution comme notion de contact sert à définir tous les gens désignations chronologiques, en de ce passé. On peut arguer que cette reconnaissant clairement que cela ne solution élève le contact avec les Européens signifie pas la même chose que au statut de moment déterminant à partir préhistorique et historique. Il faudrait duquel tous les accomplissements des gens toutefois que ces considérations de la région sont mesurés. terminologiques soient l’objet de Ces soucis ont été au cœur de bien des discussions entre les autochtones et les discussions constructives que j’ai archéologues, de façon à ce qu’un usage entretenues avec des gens comme Karen

1 N. du T. : Les archéologues francophones du Québec se trouvent également face à cette controverse à propos du terme « préhistorique ». Depuis quelques années, le terme « paléohistoire » fait timidement son apparition, un usage encouragé entre autres par Parcs Canada. Pour des raisons logiques, il ne fait pas non plus l’unanimité chez les chercheurs. 2 N. du T. : Dans la version originale anglaise du texte, on utilise comme substitution les termes « Pre-Contact » et « Post-Contact ». Bien qu’ils soient parfois utilisés en français, ces emprunts sont boiteux et ne s’adjectivent pas très bien. Au risque d’alourdir le texte de répétitions, nous avons choisi d’utiliser des locutions construites autour du terme « Contact ». 3 N. du T. : Cette tendance existe, bien entendu, dans la langue française, et le français québécois fait figure d’avant-garde à ce sujet dans la francophonie. Mais ceci s’applique aux personnes et ne peut avoir aucune incidence sur le genre des choses, pour lequel, contrairement à l’anglais, il n’y a pas de forme neutre. 135 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 terminologique approprié et mutuellement (Bourque 1992, 1995). Il fut aussi proposé satisfaisant soit mis de l’avant. que la période archaïque devienne le Le système tripartite « précéramique » (Sanger 1974). La plupart des archéologues dans le Dans les années qui ont suivi ces nord-est distinguent dans le document propositions, le terme de période céramique archéologique trois périodes majeures avant a été adopté par certain archéologues le Contact (voir la figure 13.1). Ces périodes, régionaux. De façon intéressante, l’usage du nommées le paléoindien (environ de 11000 terme archaïque s’est maintenu et peu sinon à 9000 ans AA), l’archaïque (environ de aucun chercheur, n’utilise encore le terme 9000 à 3000 ans AA) et le sylvicole (environ précéramique. Récemment, un certain de 3000 ans AA à la période du Contact), se nombre d’archéologues ont toutefois basent sur les travaux des archéologues de exprimé des réserves sur l’usage du terme de l’histoire culturelle, comme Ritchie (1932, période céramique dans une région où la 1951, 1955, 1969, 1980) et font écho aux céramique compose souvent une part systèmes tripartites européens (Trigger mineure des assemblages artéfactuels (Black 1989). Au milieu des années 1970 1992, 1995, comm. pers., Blair 1997, Leonard cependant, plusieurs archéologues de la 1995). Un exemple de cette irrégularité est le région ont commencé à ressentir une site de Foulton Island (Foulkes 1981). Ce site insatisfaction avec l’application de cette profondément stratifié et situé dans le terminologie dans la Péninsule maritime système hydrographique de Grand Lake de (Bourque 1995, Sanger 1974, 1979, Snow la basse vallée de la rivière Saint-Jean, couvre 1980). Plusieurs doutaient de la pertinence une fourchette de 3000 ans (la période d’appliquer le cadre historico-culturel habituellement considérée comme la période développé dans le centre et le nord-est des céramique). Néanmoins, Foulkes y a défini États-Unis à « l’extrême nord-est ». Un trois composantes chronologiques : une pré- transfert épistémologique vers une céramique (avant 2200 ans AA), une archéologie processuelle, basée sur céramique (entre 2200 et 1400 ans AA) et une l’écologie, a alimenté cette insatisfaction et a post-céramique (après 1400 ans AA). Bien conduit à reformuler le cadre spatio- que les archéologues aient acquis des temporel vers un autre qui met l’accent sur données qui suggèrent que la technologie la subsistance et l’économie. L’absence céramique fut en usage à petite échelle avant d’agriculture dans la Péninsule maritime a et après la période céramique de Foulkes été sentie comme un contraste majeur qui (Bourgeois 1999, Petersen et Sanger 1991), nécessitait un outillage analytique différent, son analyse perspicace souligne les reflété dans la terminologie. Il en résulta la problèmes de cette terminologie. proposition de remplacer le terme sylvicole De plus, certains archéologues ont par celui de période « céramique ». exprimé l’inquiétude que si l’on s’abstient L’apparition de la poterie dans cette région d’utiliser une terminologie largement en a lieu peu de temps après 3000 AA usage ailleurs (comme au Québec, en 136 Wolastoqiyik Ajemseg

"ICE AGE" Ontario, en Nouvelle-Angleterre, sur la côte 13000 L’âge glaciaire : Maritimesles Maritimes covered de l’Atlantique moyenne et dans le with glacier... sont couvertes Midwest américain) qui fut justement créée des glaciers dans l’intention d’être appliquée sur de 12000 vastes régions, nous augmentons notre propre marginalité régionale. La La période marginalité a été un élément fort répandue 11000 paléoindienne "Paleoindian" dans le discours régional (Robinson et WisokiPïhceperiod Petersen 1993), un discours qui a été aliment autant par la g opolitique 9000 é é moderne que par la recherche archéologique. L’emploi d’une terminologie r gionale propre peut aussi obscurcir 8000 é beaucoup de liens archéologiques visibles EarlyL’archaïque and Middle ancien"Archaic" et moyen entre la Péninsule maritime et le nord-est. period 7000 Wisoki C’est en considérant ces éléments que (!-> Pihce) David Keenlyside (1983) proposa le terme « Sylvicole maritime » afin de mettre en 6000 relief le caractère maritime des adaptations lateL’archaïque Middle or locales tout en reconnaissant les liens macro moyen final ou early Late r gionnaux entre la P ninsule maritime et le archaïque"Archaic" é é récent initial 5000 reste du nord-est. Beaucoup d’archéologues ont maintenant adopté ce terme (Black 1992,

ANNÉE AVANT AUJOURD’HUI (AA) ANNÉE AVANT YEARS BEFORE THE PRESENT DAY (BP) Blair 1997). Je crois qu’il s’agit d’un L’archaïqueLate 4000 "Archaic"récent compromis satisfaisant entre les questions period de l’expression locale et de l’intégration régionale, et c’est ce terme qui est utilisé 3000 dans ce rapport. Mais l’assemblage de Jemseg introduit un élément de complexité à cette utilisation. J’ai utilisé la terminologie Le"Maritime sylvicole 2000 générale du nord-est pour les maritimeWoodland" ou la or manifestations arch ologiques similaires période céramique é à "Ceramic" celles qui existent hors des Maritimes (par Wisokisisperiod -> 1000 !(Phicesis) ex. : la phase Meadowood du sylvicole inférieur) tout en utilisant notre terminologie quand il est question de leurs PériodeContact du period Contact 0 manifestations locales (par ex. : les artéfacts de style Meadowood de la composante du Figure 13.1 : Le cadre historico-culturel tripartite. sylvicole maritime inférieur de Jemseg).

137 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 13.2 : Les schémas d’histoire culturelle de la Péninsule maritime.

Années avantYears BlackBlack PetersenPetersen BourqueBourque Petersen & aujourd’huiBP 19921992 19951995 19921992 & SangerSanger 1991 6200 ArchaïqueMiddle ArchaïqueMiddle Archaicmoyen Archaicmoyen 6000 5800 5600 5400 LaurentianTradition 5200 laurentiennetradition 5000 4800 4600

4400 MooreheadTradition 4200 Moorehead/tradition/ MooreheadPhase NarrowNarrow Pt. Mooreheadphase 4000 tradition*point* 3800 3600 Susquehanna SusquehannaTradition 3400 Susquehannatradition 3200 3000

2800 CP 2600 SylvicoleEarly (CeramiCP1 c maritime Period) 2400 Maritime CéramiqueEarly Woodland 1 inférieur Ceramicancien 2200 2000 SylvicoleMiddle CP2CP2 1800 Maritimemaritime Woodlandmoyen CéramiqueMiddle 1600 Ceramic** moyen** CP3CP3 1400

1200 SylvicoleLate CP4CP4 maritime 1000 Maritime Woodlandsupérieur CéramiqueLate 800 CP5CP5 Ceramicrécent 600 CP6CP6 400 ProtohistoricProtohistorique CP7 Historique/Historic/ CP7 200 HistoriqueHistoric Contact*** 0

* Contemporains mais séparés ** Le céramique moyen est inféré dans Bourque 1992, en se basant sur le hiatus entre son céramique ancien et son céramique récent. *** Bourque (1992) situe la période du Contact spécifique entre 1580 et 1620 de notre ère.

138 Wolastoqiyik Ajemseg

Enfin, certains ont souligné culturelles et l’identification des l’anachronisme et l’imperfection du terme subdivisions qu’elles présentent « paléoindien » dans une région où les (généralement appelées complexes, phases autochtones ont généralement rejeté le ou traditions, d’après Mckern 1939, voir terme « Indien » pour se décrire eux- aussi Willey et Phillips 1958). Un bref mêmes, ainsi que les connotations examen des schémas d’histoire culturelle de péjoratives du terme « archaïque ». Dans cet la Péninsule maritime montre qu’il y existe ouvrage, nous avons employé des termes un grand degré de variabilité (figure 13.2). wolastoqiyiks pour les titres de chapitre, en Une partie de cette variabilité dérive de partie pour introduire des thèmes l’accentuation sur certaines données par wolastoqiyiks dans le texte et aussi pour rapport à d’autres. Petersen et Sanger (1991) souligner l’injustice linguistique que construisent leur schéma directement à subissent quotidiennement les partir du changement dans les styles de Wolastoqiyiks4. Ces traductions ont été poterie. Le schéma de Black (1992) effectuées par Karen Perley, lorsque je lui ai s’applique à la région de Quoddy du sud- demandé de traduire paléoindien, ouest du Nouveau-Brunswick et dérive de archaïque et sylvicole maritime. Elle changements structurels observés dans les proposa Wisaki Pihce (il y a très amas coquillers stratifiés. D’autres, comme longtemps), Pihce (il y a longtemps), et Bourque (1992, 1995) et Petersen (1995) Pihcesis (il n’y a pas si longtemps). Ce incorporent dans leurs schémas un grand schéma reflète de bien des manières nombre d’attributs archéologiques ainsi que l’intention originale des schémas tripartites des inférences sur l’adaptation, les modes tout en les déchargeant de leur poids de vie et les structures socioculturelles. Les théorique. Plusieurs ne verront pas là des deux premiers sont plus précis alors que les remplacements adéquats pour des termes deux autres sont plus englobants. Ils se macrorégionaux. Après tout, il deviendra basent tous sur notre compréhension tout aussi insensé d’imposer des termes actuelle des témoignages archéologiques à wolastoqiyiks à d’autres régions, comme travers une perspective particulière. Ils aux États-Unis. Toutefois, dans le contexte démontrent cependant que les unités de discussions en cours sur la terminologie, socioculturelles ont tendance à être ils présentaient des concepts intéressants interprétées de façon large, et sont donc pour nos besoins. susceptibles d’être interprétées de façon Les schémas d’histoire culturelle large, et sont donc susceptibles d’être Le dernier point terminologique révisées à l’échelle locale. concerne la datation des unités historico-

4 N. du T. : Afin d’en faciliter l’intégration, nous avons choisi de franciser l’usage du terme « Wolastqiyik » dans notre traduction. Ainsi, il s’accorde en genre et en nombre dans sa forme adjectivale, et un peu à la manière du mot micmac qui se féminise en micmaque, nous avons féminisé wolastoqiyik en wolastoqiyique. 139 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Les composantes chronologiques chronologiques ne sont pas des composantes stratigraphiques. Elles ont du site de Jemseg Crossing plutôt été reconnues à travers J’ai tenté d’isoler chronologiquement l’identification et l’analyse des structures des unités historico-culturelles datées au radiocarbone et de leur contenu. significatives au sein de l’assemblage de Il en résulte un ensemble de huit Jemseg et de les relier à des patterns composantes archéologiques, dont sept sont régionaux d’histoire culturelle. En raison de attribuables à la période précédant le la nature du site de Jemseg, le matériel Contact et la dernière à la période archéologique mis au jour au cours du PAJC subs quente au Contact (tableau 13.1). Dans ne provient que rarement de niveaux é le chapitre suivant, j’aborderai les stratifiés (entendre déposés fondements de l’analyse chronologique du séquentiellement les uns par-dessus les site de Jemseg, les structures dat es au autres). Au lieu, les structures ont tendance é radiocarbone et les structures pour à se répartir horizontalement sur le site. Il y lesquelles nous pouvons déduire un âge a parfois de subtiles différences dans la possible à partir des artéfacts, de la profondeur observée, mais elles sont non stratigraphie et d’autres témoins significatives par l’absence de corrélation archéologiques. Dans les chapitres suivants, entre les unités ainsi que par des taux de cette information est intégrée dans un cadre déposition alluviale différents selon la local et r gional pour avancer des micro-topographie du terrain. Il faut donc é interpr tations sur les gens qui ont v cu sur tenir compte du fait que ces composantes é é le site de Jemseg dans le passé. Tableau 13.1 : Les composantes archéologiques identifiées au cours du PAJC.

Composante Période de l’histoire culturelle Abréviation Dates approximatives

Composante 1 Paléoindien P1 11000 à 9000 AA* Composante 2 Archaïque moyen début de AMR 8000 à 5000 AA l’archaïque récent Composante 3 Archaïque récent AR 5000 à 3100 AA Composante 4 Archaïque terminal AT 3300 à 2800 AA Composante 5 Sylvicole maritime inférieur 1 SMI 1 2800 à 2400 AA Composante 6 Sylvicole maritime inférieur 2 SMI 2 2400 à 2000 AA Composante 7 Sylvicole maritime moyen SMM 1750 à 1500 AA Composante 8 Période post-Contact PC 1604 ap. J.-C. à aujourd’hui * Notre rapport utilise la convention archéologique AA pour signifier les années avant aujourd’hui. Les dates radiométriques peuvent être non calibrées ou calibrées (c’est-à-dire ajustée pour tenir compte des fluctuations temporelles de la dégradation du 14C en 13N). Les dates non calibrées sont présentées en tant que date avant aujourd’hui (AA), avec un simple écart type. Les dates calibrées sont indiquées en dates calendaires de la façon suivante : av. J.-C. cal. ou ap. J.-C. cal. 140 Wolastoqiyik Ajemseg

Wikuwamul 14 : Les structures

Texte de Susan Blair Photographies de Jason Jeandron

En plus des grandes quantités animaux fouisseurs et les racines, et de d’artéfacts, de spécimens bioarchéologiques manque d’association entre les artéfacts et et d’écofacts, plusieurs structures ont été le charbon. enregistrées au site de Jemseg Crossing. Néanmoins, 23 structures ont quand Une structure, en archéologie, est toute même fourni une intégrité contextuelle en trace d’activité humaine qui ne peut être association avec des artéfacts et du matériel retirée du sol sans compromettre son adéquat pour permettre une analyse intégrité physique. Les structures couvrent fonctionnelle et chronologique. Nous avons une grande variété d’activités humaines et pu également estimer l’âge ou la fonction peuvent être aussi petites qu’une trace de de 33 structures additionnelles, qui peuvent piquet de seulement quelques centimètres être considérées comme des hypothèses à de diamètre ou aussi vastes qu’une route tester au cours de recherches futures. reliant des villes. Les structures offrent des Certaines des structures de Jemseg sont aperçus d’activités qui ont eu cours sur un des foyers extérieurs, d’autres représentent site et permettent aux archéologues des amas complexes de petits foyers, de d’examiner la distribution de ces activités concentrations artéfactuelles et de planchers dans l’espace. Elles procurent également d’occupation. J’ai qualifié ces amas de des contextes pour les artéfacts et les « complexes structurels ». Ils semblent écofacts récoltés lors de la fouille. Le site de témoigner de petites maisons similaires au Jemseg a produit 80 structures wikuwam’l ou wigwams en écorce utilisés archéologiques. Plusieurs d’entre elles par les Wolastoqiyiks de la période présentaient toutefois des problèmes postérieure au Contact (planche 14.1). Un d’interprétation et d’analyse en raison de certain nombre de ces complexes structurels mélanges de matériaux des périodes sont conformes aux maisons semi- précédant le Contact et postérieures au souterraines décrites ailleurs (voir Sanger Contact, de perturbations causées par les 1987, 1996). Nous pensons que les 141 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 14.1 : Homme et femme devant une maison d’écorce, stéréographie par Climo, 101 Germain Street, Saint-John, N.B., août 1877 ou avant (photographie no 56034 du Smithsonian).

structures de Jemseg sont les premiers sein de contextes non remaniés et sur le exemples de telles habitations à l’intérieur même plan horizontal). Ces matériaux des terres dans les Maritimes. étaient alors considérés comme étant en La numérotation des structures association directe. individuelles qui composent ces complexes Or, dans quelques parties du site, variait en fonction de la capacité de spécialement dans l’aire A, nous avons reconnaître de telles associations observé des relations répétées entre des structurales lors de la fouille. Certains artéfacts de contextes perturbés (le niveau complexes structurels ne portent qu’un seul de labour) et des structures sous-jacentes. numéro de désignation alors que d’autres Ces associations sont hasardeuses puisqu’il ont vu leurs différentes constituantes est présumé que les artéfacts du niveau de numérotées indépendamment. labour ont pu se déplacer considérablement Dans les sections suivantes, je vais de leur position originale. Mais, nous avons décrire les structures et le matériel observé que le relevé spatial des artéfacts archéologique associé. Ces descriptions du labour montre une relation claire avec vont se concentrer sur le contenu des les structures sous-jacentes (figure 14.1). De structures et sur ce qui fut mis au jour grandes structures productives, comme les immédiatement autour de ces structures (au complexes structurels 1, 2 et 3, sont

142 Wolastoqiyik Ajemseg disposées directement sous des secteurs de entravée par une absence de dépôts haute densité artéfactuelle dans le labour. alluviaux dans plusieurs parties du site. Cet Ces relations ne sont pas absolues, mais effet s’est surtout fait sentir sur la terrasse dans les cas où il y avait peu d’autres supérieure, spécialement dans l’aire A indices qui pouvaient renseigner sur la (figure 14.2). Là, les structures se fonction ou l’âge d’une structure, je les ai rencontraient directement au-dessus du till utilisés pour proposer des hypothèses sur de fond, dans un sable limoneux alluvial. des affiliations culturelles. Dans presque toute l’aire A, ce sol avait La distribution des structures entre 30 et 100 cm d’épaisseur. Ce peu de Des structures archéologiques ont été profondeur suggère des dépôts faibles ou enregistrées dans la plupart des aires de irréguliers, ce qui se confirme par l’absence fouille du site. La capacité de discerner des de différences verticales entre les structures relations stratigraphiques entre elles était d’âges différents. Les structures de l’aire A se distribuaient plutôt horizontalement. Figure 14.1 : La densité des artéfacts de la période précédant le Contact (poterie et lithique) dans le niveau de labour, en relation avec les structures observées.

Feature Complexe Complex AREAAIRE A A structurel3 1

Feature ComplexeComplex structurel1 2 Nord Griddu quadrillage north

ComplexeFeature Complexstructurel Nombre d’artefacts de la période Number or pre-contact 23 précédant le Contact dans le niveauartifacts de labout in the (alluvions plough zone perturbiés)(disturbed alluvium)

00 toà 10 10

1111à to 25 25

2626 toà 50 50

5151 toà 75 75

7676 toà 100 100

101101 àto 150 150 greater than 151 Plus de 151

143 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 14.2 : Les structures enregistrées dans l’aire A du site de Jemseg Crossing (BkDm-14).

26

27 61

A 28

29 63 62 64 AREAAIRE AA 30

75 65 NordGrid du quadrillagenorth 31 67 66

32

33

72 30 76 31 34 59

66 6METRES mètres 35 68

29 39 33 36 73 26 27 ComplexeFeature structurelComplex 28 77 44 34 25 24 37 32 15

23 38 58 ComplexeFeature 14 structurel 21 79 Complex 22 3 20 39 13 16

19 78 18 40 80 17 Complexe 60 Feature structurelComplex 2 12 2 11 55 41 9

42 ComplexeFeature 10 3 structurelComplex 57 4 11 69 8 2 5 43 6 70 7 1 74 56 44

ABCDEFGHIJKLM 45

144 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 14.3 : Les structures enregistrées dans les aires B et D du site de Jemseg Crossing (BkDM-14).

AIRE B Area B 47 54

37 38 36 55 35 ABCDEFGHIJKLM

66 mètresMETRES

CB A 53 48 59

50 54 52 60 51 49

NordGrid du quadrillagenorth AIRE D Area D

TE3-4 TE7-8 46 44 43 Complexe Featurestructurel Complex6 45 6

TE5-6 TF1-2 41 ComplexeFeature structurelComplex 5 66 mètresMETRES 5 42

145 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Nous avons enregistré 62 structures dans avons rencontré des artéfacts du XXe siècle l’aire A. Elles furent toutes observées sous (dont un canard jouet) à des profondeurs de le niveau visible de perturbation créé par plus de 150 cm en-dessous de formes qui les labours du XXe siècle, un niveau de sable faisaient penser à des structures. Nous limoneux brun foncé homogène de moins avons déduit de ces faits que l’aire B a servi de 30 cm d’épaisseur. Bien que le niveau de de dépotoir au début du XXe siècle, ou labour ait fait l’objet d’un mélange intense, qu’elle a pu être remblayée de sol de les alluvions en-dessous ne semblent pas surface provenant d’autres secteurs du site. avoir été très bouleversées. Nous avons Si nous avons trouvé plus de 20 structures rarement observé l’intrusion d’artéfacts de dans l’aire B, elles présentaient toutes des la période postérieure au Contact qui remaniements significatifs. Quelques-unes étaient nombreux dans le niveau de labour. découlent sans doute d’activités de dépotoir Dans la zone A, le niveau de labour a et ont pu être analysées avec fiabilité (figure produit 11 312 artéfacts de la période 14.3). postérieure au Contact, mais seulement 61 L’aire D, située auprès de la rivière provenaient du sol immédiatement en- Jemseg, offre des indices de taux élevés de dessous. Un seul de ceux-ci (un fourneau de dépôts d’alluvions. Le matériel culturel, pipe blanche de l’unité I-41) fut trouvé à dont plusieurs complexes structurels, une profondeur de plus de 30 cm sous la commençait à être perçu à partir de surface. Dans cette unité, la stratigraphie profondeur de 40 à 90 cm sous la surface et témoignait de perturbations d’origine continuait à être présent sous la nappe biologique. phréatique, à 130 cm, alors que nous avons Au moins neuf des structures de l’aire été forces d’interrompre la fouille. Les épais A se sont avérées le résultat de processus dépôts d’alluvions ont recouvert et protégé naturels (comme des terriers ou des les structures de cette aire, les isolant phénomènes pédologiques). Les 53 autres physiquement entre elles et d’intrusions consistent en des foyers, des planchers ultérieures. Nous avons identifié sept d’occupation et des fosses d’entreposage ou structures datant d’avant le Contact dans à déchets (voir plus bas). l’aire D, attribuables à deux composantes Nous avons aussi découvert des chronologiques (figure 14.3). structures sur le talus (aire B) et sur la La datation des structures de terrasse inférieure (aire D). Le talus a connu Jemseg Crossing des taux variables de déposition et les Au cours de la fouille, nous avons dépôts de l’aire B variaient d’épaisseur trouvé du charbon de bois en association entre 180 et 30 cm. Bien que nous ayons avec des indices d’activités anciennes. Dans observé une stratification profonde et plusieurs cas, la matière organique complexe avec des structures intercalées, carbonisée provenait de feux ces structures montraient des perturbations soigneusement entretenus pour la cuisson significatives. À plusieurs occasions, nous et le chauffage. Ce charbon est constitué de

146 Wolastoqiyik Ajemseg

Tableau 14.1 : Les dates radiométriques du site de Jemseg Crossing.

Date non Tech.* No de labo Mat. Source Ratio Résultat calibré à simple calibrée ** 13C/12C écart-type (1 sigma)

1600±60 AA AMS Beta-105891 c.b. Str. 21 -32.9o/oo 410 à 550 ap. J.-C. cal. 1650±40 AA AMS Beta-106507 c.b. Str. 21 -25.8o/oo 390 à 435 ap. J.-C. cal. 1940±90 AA AMS To-9619 c.b. Str. 5 90 av. J.-C. à 70 ap. J.-C. cal. 2060±40 AA AMS Beta-105999 c.b. Str. 44 -30.5o/oo 100 à 5 av. J.-C. cal. 2140±60 AA AMS Beta-105892 c.b. Str. 11 -33.7o/oo 330 et 205 à 60 av. J.-C. cal. 2230±50 AA AMS Beta-105889 c.b. Str. 25 -28.3o/oo 375 à 195 av. J.-C. cal. 2460±60 AA AMS To-9618 c.b. Str. 56 760 à 570 av. J.-C. cal. 2520±70 AA RC Beta-101508 c.b. Str. 14 -25.8o.oo 795 à 515 av. J.-C. cal. 2870±70 AA RCx Beta-156019 c.b. Str. 13 -24.8o/oo 1270 à 850 av. J.-C. cal. 2880±60 AA AMS Beta-104906 c.b. Str. 7 -27.2o/oo 1130 à 940 av. J.-C. cal. 2960±130 AA RC Beta-104907 noix Str. 29 -22.9o/oo 1385 à 980 av. J.-C. cal. 3000±90 AA RC Beta-104908 c.b. Str. 41 -29.9o/oo 1385 à 106 av. J.-C. cal.

* AMS : Spectrométrie de masse par accélérateur RC : Radiométrique standard RCx : Radiométrique, à comptage étendu ** c.b. : charbon de bois noix : écales de noix de noyer cendré (Juglans cinerea), Monckton 1997. bois brûlé (souvent associé à des l’âge de la matière organique ancienne (il concentrations de cendres poudreuses exprime le moment de la mort d’un grises) et dans certains cas d’aliments organisme vivant, comme un arbre), mais carbonisés comme des os et des végétaux seule la recherche archéologique rigoureuse telles écales de noix longues et des graines peut nous assurer de l’association entre un (voir Monckton, ce volume). La matière morceau de bois et des indices organique carbonisée offre l’occasion archéologiques à proximité. Afin d’éviter d’appliquer des techniques de datation au des associations non valables, nous avons radiocarbone. rejeté les échantillons émanant de contextes Or, comme le charbon se trouvait à la qui trahissaient des bouleversements grandeur du site dans une variété de significatifs ultérieurs au dépôt, de contextes, la sélection d’échantillons pour la contextes où le charbon de bois n’était pas datation a été faite avec beaucoup de clairement lié à des activités passées précautions. Nous recherchions des (comme du charbon réparti sur une surface échantillons qui présentaient des sans lien avec une structure) et de contextes associations et des caractéristiques pauvres en artéfacts. particulières. La datation au radiocarbone Au cours du PAJC, nous avons récolté offre une date comparativement précise sur beaucoup d’échantillons répondant à nos

147 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 critères. De ceux-ci, nous en avons soumis pouvons calibrer les datations dix pour datations radiométriques, au radiocarbones par l’utilisation de correctifs laboratoire de Beta Analytic et deux au obtenus en comparant ces datations aux laboratoire de spectrométrie de masse par résultats de la datation précise par accélérateur de l’Université de Toronto. dendrochronologie. J’ai inclus l’âge Nous avons retenu des échantillons conventionnel et l’âge calibré dans le supplémentaires qui offrent un potentiel tableau 14.1. Les dates calibrées ont été pour la recherche future. obtenues en utilisant les bases de données Les résultats des datations sont Intcal 98 et Bcal (Stuiver et van der Plicht présentés dans le tableau 14.1, sous 1998, Stuiver et al. 1998, Talma et Vogel différentes formes selon les standards 1993). Suivant les standards, j’ai présenté les archéologiques. La date revient dates conventionnelles en années habituellement du laboratoire sous la forme radiocarbones AA (avant aujourd’hui) et les d’une année suivie d’un écart-type (par ex. dates calibrées de la façon suivante : av. J.-C. 3000 ± 90 AA). Beta Analytic Inc. donne la cal. et ap. J.-C. cal. description suivante avec leur analyse de Ces dates servent à encadrer datation : chronologiquement le site de Jemseg (figure Les dates sont données en 14.4). Quand les courbes de calibration sont années radiocarbones avant placées dans une séquence, elles révèlent aujourd’hui, aujourd’hui - 1950 ap. J.-C. Selon la convention des occupations entre 3180 AA et 1480 AA internationale, le standard de (basé sur un écart de 2 sigma sur les dates référence moderne était de 95 % du non calibrées), ou entre 1390 av. J.-C. cal. et contenu en 14C de l acide oxalique ’ 605 ap. J.-C. cal. (bas sur un cart de 2 du National Bureau of Standards et é é sigma sur les dates calibr es). Comme on le calculé en utilisant la demi-vie du é 14C de Libby (5568 ans). L’erreur verra au chapitre 15 et 16, ces dates ne représente 1 écart-type (68 % de reflètent pas l’âge maximal ou minimal probabilité) et elle se base sur des possible du site. D’après la typologie des mesures combinées de l’échantillon, du fond et des standards de artéfacts, nous soupçonnons que le site a été référence modernes (Beta, s.d.). occupé durant l’archaïque moyen et récent Ainsi, l’âge radiocarbone conventionnel (entre 8500 et 3500 AA), possiblement d’un échantillon est un énoncé statistique. durant l’épisode paléoindien (entre 10 500 Nous savons aussi maintenant qu’en raison et 10 000 AA) et aussi durant la période de fluctuation de la modulation postérieure au Contact (après 500 AA). La héliomagnétique des radiations cosmiques, séquence radiocarbone est toutefois de variations géomagnétiques, restreinte de plusieurs manières. La période d’événements d’incendies et des tests postérieure au Contact (décrite au chapitre nucléaires au XXe siècle, les années 18) est, en termes généraux, trop récente radiocarbones ne sont pas précisément pour des datations radiocarbones précises. conformes aux années calendaires. Nous En plus, le matériel de cette période à

148 Wolastoqiyik Ajemseg

12001200 1

1400

1600

1800

2000

2200

2400

CAL Years BP 2600

DATES CALIBRÉES DATES

CALIBRATED DATE

2800 Années CALIBRÉES BP

3000

3200

3400

3600

1600±60

1650±40

1940±90

2060±40

2140±60

2230±50

2460±60

2520±70

2870±70

2880±60

2960±130

3000±90

DATES NON CALIBRÉES DATES

UNCAL. DATE

Figure 14.4 : L’arrangement séquentiel des courbes de dates 14.4 calibrées : L’arrangement du site de JemsegFigure selon Crossing, les moyennes de dates non calibrées.

149 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Jemseg provient toujours de niveaux peu La séquence radiocarbone couvre profonds et ont donc été considérablement quatre période de l’histoire culturelle. Elles perturbés. L’absence de datation se reflètent dans la distribution des dates radiométrique plus ancienne est due dans la figure 14.4. J’ai nommé la plus vraisemblablement à l’intersection d’aires ancienne l’archaïque terminal. Au chapitre d’établissement avec des aires de 16, je la désigne comme la composante 4. perturbation et pourrait refléter la Bien que cette période montre une concentration de l’habitation à des endroits ambiguïté considérable dans la région particuliers du site au cours de certaines (Turnbull 1990, voir chapitre 16, ce volume), périodes. Il se peut aussi que des structures il y a de plus en plus d’indices d’une domestiques éphémères, comme les occupation entre 3400 et 2800 AA dans les planchers d’occupation, les traces de piquet Maritimes. Quatre des structures de Jemseg et les foyers ouverts soient graduellement ont été datées de cette période. L’archaïque affectés par des processus pédologiques terminal est suivi du sylvicole maritime comme l’éluviation et la pédogenèse. Enfin, inférieur (SMI). Étant donné l’étendue il est également possible que des chronologique du matériel de cette période, échantillons de charbon pris dans des j’ai distingué entre un SMI ancien structures non datées puissent un jour (composante 5), entre 2800 et 2400 AA, et révéler des dates de ces périodes. un SMI récent (composante 6), entre 2400 et Au cours de la période représentée par 1900 AA. Le site de Jemseg a aussi produit la séquence radiocarbone, les gens une composante réduite du sylvicole habitaient à des endroits qui furent maritime moyen (SMM) qui consiste en une éventuellement protégés par des dépôts structure datant d’entre 1700 et 1450 AA. alluviaux. Les habitations de la portion Les structures et complexes structurels ancienne de l’archaïque et du paléoindien de Jemseg seront abordés en détail dans le ont pu être situées sur des parties plus reste de ce chapitre. Cette analyse se élevées de la plaine d’inondation, peu concentre sur les structures qui contiennent susceptibles d’être recouvertes d’alluvions du matériel archéologique et qui fournit des et donc remaniées par les labours. Ceci informations chronologiques. Je vais pourrait expliquer la distribution du d’abord discuter des structures datées matériel ancien dans le niveau de labour et radiométriquement puis de celles datées du matériel plus récent dans des contextes par la datation relative ou la typologie1. non perturbés sous les labours.

1 Les structures datées radiométriquement ne le sont pas nécessairement avec plus de précision que celles qui sont datées autrement. Une datation radiométrique peut être erronée à cause de plusieurs facteurs, dont l’usage de bois flottant, les perturbations et les erreurs d’échantillonnage. Pour confirmer la date d’une structure et pour en contrôler son histoire d’utilisation (comme un usage répété), il devient important d’effectuer de multiples datations. Ceci est hors de la portée de cette étude. 150 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 14.5 : Le complexe structurel 5 en plan et de profil. ProfilNorth nord Profile 5 cm

F41 111 cm F42 N

171 cm LentilleAsh lens de cendre LentilleCharcoal de charbon lens de bois ÉclatFlake LoamBrown argileux clay-loam brun avec with gravier gravel OutilFormal lithique lithic tool ArgilePurple-grey limoneuse silty gris clay,violacé ash, avec charcoal cendres et charbon PierreFire-cracked fissurée par rock le feu ÉchantillonCharcoal desample, charbon, dated daté à3000±90 3000 ± 90 BPAA PierreUnmodified non modifiée rock

L’archaïque terminal (composante près de la rivière Jemseg. Il contenait un plancher d occupation plat et ovale 4) - Les structures à dates absolues ’ (structure 42) et une petite aire de foyer Nous avons obtenu des dates (structure 41) sur l’une de ses extrémités. Il radiométriques qui correspondent à fut trouvé dans une ouverture de 1 m par 2 l’archaïque terminal (composante 4) sur m (unit TF1/2) isol des autres unit s. Les quatre structures ou complexes structurels. é é é associations et la configuration sont donc Ce sont le complexe structurel 5 (contenant difficiles tablir. La portion observ e de les structures 41 et 42), la structure 29, la à é é cet ensemble a une dimension de 11 cm x structure 7 et la structure 13. Nous 171 cm par une profondeur de 5 cm. décrivons ici ces structures qui seront Le complexe structurel 5 a été recouvert intégrées au cadre chronologique et par environ 120 cm de limon et de sable. interprétatif au chapitre 16. Les deux structures au sein du complexe Le complexe structurel 5 (structures structurel 5 consistent en une mince lentille 41 et 42) de loam argileux brun avec gravier Le complexe structurel 5 a été mis au (structure 42) qui enfermait une petite jour dans l’aire D, sur la terrasse inférieure 151 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 dépression contenant de denses L’assemblage des matériaux lithiques concentrations de cendres et de charbon taillés est composé d’une variété de (structure 41, voir figure 14.5). Du charbon matières premières. Or, la plupart de types de bois et des écales de noix de cette lithiques sont représentés par moins de 5 concentration ont produit une date AMS de spécimens. La majorité des types 3000 ± 90 AA (Beta-104908). En plus de celle pétrographiques (constitué de 315 objets, ou de la structure 41, la structure 42 comportait 63 % du nombre d’éléments et pesant 317, 6 plusieurs petites concentrations de charbon, g, ou 74 % du poids total) était différentes de cendres, de fragments de noix sortes de pierres volcaniques : felsiques (215 carbonisées ainsi que des amas de galets et pièces pesant 221,3 g) mafiques (77pièces de pierres fissurées par le feu. La matrice de pesant 34,3 g) et porphyriques (23 pièces cette structure a donné la plus haute densité pesant 62,0 g). Le reste de l’assemblage de matériaux lithique du site. consiste en différents types de chert (183 La configuration de ce complexe, objets pour 36 % du décompte, 97, 5 g pour spécialement avec le possible foyer sur le 23 % du poids). Les quartz et mudstones plancher d’occupation, suggère une forment une part négligeable (2 artéfacts structure domestique à l’origine. La pesant 11,1 g en tout). présence de restes alimentaires renforce Quelques-uns des types trouvés dans le cette impression, mais la densité de complexe structurel 5 ne sont pas présents matériaux lithiques peut aussi suggérer un dans d’autres unités échantillonnées usage secondaire spécialisé de réduction provenant de la BVRSJ. Parmi ces types, il y lithique. a JC10, une pierre volcanique vitreuse grise Aucune poterie n’a été trouvée dans ce avec des taches blanches occasionnelles (112 complexe structurel, mais les artéfacts objets pour 138,8 g), JC17, un mudstone lithiques y étaient abondants. Ils incluent opaque mat gris vert pâle (1 grattoir de 9,9 deux percuteurs usés et 500 pièces taillées g), JC18, une cornéenne blanche opaque (1 qui totalisent un poids de 425,6 g. Une objet de 0,8 g) et JC 38, une pierre proportion relativement grande de ceux-ci volcanique mouchetée de pourpre à rose (13 (58 pièces) sont des outils, complets ou objets pour 16,7 g). D’autres types sont très fragmentaires. Ceux-ci sont représentés par rares dans d’autres échantillons. un biface aménagé d’encoches latérales Nous avons été en mesure de corréler étroites, cinq parties distales et un fragment un bon nombre d’artéfacts lithiques à des mésial de biface, deux gros grattoirs sources précises ou des secteurs de sources. unifaciaux sur éclat et un fragment de Ceux-ci sont dominés par le chert local de grattoir, quatre éclats retouchés et 44 éclats Washademoak, (84 objets pour 47,8 g), suivi utilisés (planche 14.2). De plus, le complexe de la rhyolite de Tobique (34 pièces pour structurel 5 a produit deux fragments de 65,7 g). Quelques éclats proviennent nucléus multidirectionnels et 443 éclats non d’autres sources, dont le chert du Bassin des modifiés. Mines (1 objet de 0,2 G), le chert Touladi (2

152 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 14.2 : Quelques artéfacts du complexe structurel 5; (a) Gros grattoir en mudstone; (b) Pointe de projectile à encoches latérales en pierre volcanique gris vert; (c) Fragment distal de biface en pierre volcanique gris-vert; (d) Fragment distal de grattoir gris foncé vert en mudstone.

a b

0 5 cm

cd

153 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 14.6 : Vue en plan et profil de la structure 29.

ProfilNorth nord Profile

19 cm DarkSable loameuxbrown brunloamy foncé sand, et charbon charcoal N Orange-redArgile sablonneuse sandy orange clay rouge GreyArgile sablonneusesandy-clay grise LentilleCharcoal de charbon lens Fire-crackedPierre fracturée rock par le feu UnmodifiedPierre non-modifiée rock Flake sectionLigne de Éclat 71 cm linela coupe CharcoalÉchantillon samplede charbon dated daté à2960±130 2960 ± 130 BPAA

106 cm objets pour 0,3 g) et le porphyre de Kineo- Un petit assemblage de pierre taillée y Traveller Mountain (1 objet de 0,4 g). Un fut récupéré, composé de 14 éléments pour fragment d’un gros grattoir unifacial bariolé un poids de 17,01 g. Ils sont répartis en 6 gris foncé de 9,9 g pourrait être en outils, dont un petit fragment proximal non mudstone de Munsungun. aménagé de biface, un fragment distal de La structure 29 grattoir, un éclat retouché et trois éclats La structure 29 se situe près du centre utilisés, ainsi qu’un fragment de nucléus et de l’aire A et consiste en un petit foyer ovale sept éclats. La plupart étaient en pierre d’une profondeur de 19 cm. Elle mesure 106 volcanique felsique ou mafique (11 pièces, cm x 71 cm et fut complètement fouillée. Ce formant 79 % du décompte pour 11,0 g, ou foyer était composé d’une dense couche de 65 % du poids). Le reste est constitué d’un charbon de bois et d’écales carbonisées de objet en pierre volcanique porphyrique (2.2 noix de noyer cendré avec des pierres g) et deux en chert (3,5 g). fracturée par le feu, dans une cuvette Nous avons été en mesure de suggérer contenant un sable loameux brun foncé et des sources ou des régions d’origine pour des fragments épars de charbon (figure une bonne partie de l’assemblage. Parmi 14.19). Les écales de noix de cette structure celles-ci, on reconnaît le porphyre de Kineo- ont été datées à l’AMS à 2960 ± 130 AA non Traveller Mountain sur un fragment de cal. (Beta- 104907). Cette structure ne biface, le chert Washademoak sur un petit renfermait pas de poterie ni d’outillage éclat et le chert de Tobique ou du Bassin des lourds comme des polissoirs, des objets Mines sur un fragment de nucléus rouge bouchardés ou polis et des percuteurs. homogène.

154 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 14.7 : La structure 7 en plan et de profil. La flottation et le tamisage de la fraction lourde de la matrice du foyer a produit de grandes quantités de micro-éclats, témoignant de l’utilisation et du réaffutage d’outils lithiques. La flottation a permis de N récupérer beaucoup d’indices alimentaires (tant végétaux qu’animaux), principalement composés de beaucoup de fragments de noix longues (plus de 1900 fragments pour un poids de 161,10 g). La structure 7 La structure 7 fut la dernière fouillée au 35 cm site de Jemseg. Il s’agissait d’une cuvette de 25 cm x 35 cm et de 7 cm de profondeur. Elle recelait une couche d’ocre rouge, une hématite vraisemblablement préparée et certainement déposée anthropiquement. La surface de la structure présentait quelques fragments de charbon de bois dont un, soumis pour datation à l’aide de la technique de spectrométrie de masse par 10 cm accélérateur (AMS), donna une date de 2880 ± 60 AA, n.c (de 1130 av. J.-C. à 940 av. J.-C., 25 cm cal.). Bien qu’aucun artéfact ou os n’ait été trouvé dans cette fosse, il s’agit clairement Western profile of Feature 7 Profil ouest d’une structure cérémonielle. L’ocre rouge est un matériau qui a une signification spéciale pour les autochtones de la 7 cm Péninsule maritime. Elle a été utilisée dans plusieurs activités sacrées comme la guérison et le traitement des morts (voir la section sur l’histoire orale). Bien que la structure était relativement petite, elle était Reddish-brownLoam argileux brun clayrouge loam, et gravier gravel similaire en forme et en configuration aux Orange-redArgile sablonneuse sandy orange clay rouge sépultures à ocre rouge enregistrées au DenseOcre rouge red dense ochre avec with loam silty limoneux loam début des années 1970 au site Cow Point, un Reddish-brownArgile limoneuse brun silty rouge, clay, charbon charcoal, et gravier gravel cimetière de l’archaïque récent situé à 5 km CharcoalÉchantillon samplede charbon dated daté 2880±60à 2880±60 BP au nord-ouest du site de Jemseg Crossing (Sanger 1973, 1991). Le cimetière de Cow

155 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Point a été en usage il y a environ 4000 ans, supporte leur origine dans les inondations soit presque 1000 ans avant la structure à (voir la structure 3, plus haut). ocre rouge de Jemseg. Nos interprétations initiales sur cette Cette structure diffère de façon structure l’attribuaient au sylvicole significative de toutes autres structures maritime inférieur en raison de la présence fouillées durant le PAJC. Si nous avions des de poterie diagnostique et de la proximité indices évidents d’activités liées aux de la structure 14, datée à cette période. Or, habitations dans d’autres secteurs du site, du charbon de bois de l’une des lentilles a nous avons tout de même observé une été daté à 2870 ± 70 AA (Beta-156019), ce qui continuité culturelle dans l’assemblage de suggère plutôt une attribution à l’archaïque Jemseg, allant de l’archaïque récent jusqu’à terminal. Les dates des structures 13 et 14 l’archaïque terminal, ce qui nous incitait à ne se recouvrent pas à deux écart-types, considérer la possibilité que cette structure Figure 14.8 : La structure 13 en plan et de soit une sépulture à ocre rouge de profil. l’archaïque récent. ProfilNorth nord Profile Cette découverte a eu pour résultat que nous avons arrêté la fouille du site. 30 cm Subséquemment, le ministre des Transports a déplacé l’emprise du pont afin d’éviter complètement le site. La structure 13 La structure 13 était située près de la limite sud de l’aire A et fut complètement fouillée. Il s’agissait d’une cuvette de 30 cm de profondeur d’une dimension de 72 cm 93 cm par 93 cm. Elle contenait du sable loameux brun foncé avec du charbon épais ou en petites lentilles ou poches, le tout recouvert d’une argile sablonneuse grise (figure 14.8). N Cette structure fait penser à une fosse à cuisson domestique ou encore à une fosse à 72 cm vidange de foyer. La couverture d’argile sablonneuse grise ne contenait pas GreyArgile sablonneusesandy-clay grise d’artefacts et pourrait être un dépôt DarkSable loameuxbrown brunloamy foncé sand, et charbon charcoal résultant d’une inondation. Nous avons Orange-redArgile sablonneuse sandy orange clay rouge observ d autres recouvrements similaires é ’ LentillesCharcoal de lenscharbon d’argile stérile sur des structures de fosse PotteryPoterie dans d’autres secteurs de la terrasse FlakeÉclat supérieure (aire A), une régularité qui ÉchantillonCharcoal desample, charbon dated daté à 2870±70 2870±70 AA BP 156 Wolastoqiyik Ajemseg tant dans leurs versions calibrées que leurs depuis longtemps pour les feux, et la versions non calibrées. En d’autres termes, présence à Jemseg de composantes qui font cela signifie que la date non calibrée de la le pont entre l’archaïque terminal et le structure 13 a 95 % de chances d’être plus sylvicole maritime inférieur. La seule raison vieilles que 2730 AA n.c. (ou, en termes qui fait que l’on peut considérer cette date calibrés, 95 % de chances d’être plus vieille comme anormalement vieille est son que 2800 AA, ou 850 av. J.-C.) alors que la association avec un type de poterie date non calibrée de la structure 14 a 95 % ancienne. Nous ne détenons cependant pas de chances d’être plus récente que 2600 AA une compréhension suffisante de la poterie n.c. (ou, en termes calibrés, 95 % de chances la plus ancienne dans la région pour rejeter d’être plus récente que 2765 AA, ou 815 av. cette date sur la base d’un tel argument. Les J.-C.). Malgré le non recouvrement entre ces implications de cette date seront discutées dates, il demeure possible qu’elles ne soient dans le chapitre 16. séparées que par un petit intervalle. Aussi, Nous avons mis au jour un grand nous devons considérer « l’effet du vieux tesson de poterie CP1 (de style Vinette 1) bois », c’est-à-dire l’usage de bois mort dans le remplissage de la structure 13, ainsi

Planche 14.3 : Tessons de céramique (CP1) trouvés au sein et en proximité de la structure 13.

0 5 cm

157 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 que quatre tessons similaires dans les radiométrique du site, celle de la structure alluvions non perturbées à proximité 14. Or, à mesure que progressait le projet, il immédiate de la structure (planche 14.3). devenait évident que peu de structures Ces tessons ont été attribués au vase 2 intactes contenaient des artéfacts de cette (Bourgeois 1999 et ce volume). Nous époque. Malgré nos nombreux essais, seules n’avons pas trouvé de pierre polie, de deux structures ont fourni des dates SMI 1 : polissoirs ou de percuteurs dans cette les structures 14 et 56. Les implications de structure, mais 35 objets lithiques taillés y ce pattern seront discutées au chapitre 16, ont été trouvés. Trois sont des outils, soit alors que les deux structures sont décrites deux sections mésiales de biface et un éclat ici. utilisé. Le reste est constitué d’un nucléus La structure 14 multidirectionnel et de 312 éclats non La structure 14 se trouvait à moins de 2 modifiés. mètres de la structure 13, près de la limite Les matériaux lithiques de la structure Figure 14.9 : La structure 14 en plan et de 13 sont dominés par des pierres volcaniques profil. ProfilNorth nord Profile felsiques et mafiques. Elles comptent 29 pièces, pour 83 % du décompte et pèsent 26 cm 15,1 g, pour 55 % du poids. Le reste se compose de 6 pièces de chert et quartz avec un poids de 12,5 g. Deux éclats sont possiblement du chert du Bassin des Mines et le nucléus est en chert Washademoak. Les objets provenant du niveau de labour au-dessus de la structure étaient peu informatifs et incluaient des éclats (certains 80 cm utilisés ou endommagés) et un biface non aménagé de dimension moyenne, en pierre volcanique décolorée. N Le sylvicole maritime inférieur 1 (composante 5) - Les structures à 118 cm dates absolues GreyArgile sandy-claysablonneuse grise Notre vision initiale du site était qu’il DarkSable loameuxbrown brunloamy foncé sand, et charbon charcoal recelait une bonne composante datant du Orange-redArgile sablonneuse sandy orange clay rouge sylvicole maritime inférieur, en particulier Charcoal lens de la phase Meadowood. Cette impression Lentilles charbonneuses Unmodified rock était basée sur la présence d’artéfacts Pierres non modifiées évoquant le Meadowood dans le niveau de FlakeÉclats labour, et sur notre première date CharcoalÉchantillon desample, charbon dated daté à 2520±70 2520±70±AA BP 158 Wolastoqiyik Ajemseg sud de l’aire A. Sa fouille, complète, a 14, le niveau de labour au-dessus a produit montré une cuvette de voyer de 26 cm de plusieurs outils, dont la base d’un biface profondeur d’une dimension de 80 cm sur non aménagé en pierre volcanique 118 cm. Le foyer contenait beaucoup de décolorée, un grattoir bifacial en mudstone galets et de pierres fracturées par le feu, (ou pierre volcanique) rouge opaque, et dans un sable loameux brun foncé avec des quatre éclats retouchés ou utilisés. Il n’est particules et de petites concentrations pas clair si ces artéfacts sont liés éparses de charbon (figure 14.9). Sous le fonctionnellement ou temporellement à la sable loameux, il y avait une couche d’argile structure 14. sablonneuse orange. La surface supérieure La structure 56 de la structure 14 montrait des signes de La structure 56 a été trouvée dans le perturbations liées aux labours, dont un coin sud-ouest de l’aire A. Il s’agissait d’une éparpillement de galets, de pierres petite fosse ovale contenant un sable fracturées par le feu et d’argile sablonneuse loameux brun foncé parsemé de charbon grise qui s’étendait à l’est de la structure. épars et aussi de plusieurs taches de Dans le charbon, nous avons trouvé des os charbon. Elle n’a été que partiellement calcinés et un peu de matériel végétal dont fouillée car elle se prolonge vers l’ouest des fragments de noix. Une poche de hors de l’aire A, mais elle fait 100 cm de charbon situé près du fond du sable large sur 25 cm de profondeur. En se basant loameux brun foncé a produit une date sur sa dimension estimée et sur son AMS de 2520 ± 70 n.c. (Béta-101508). contenu, il peut s’agir d’un foyer en cuvette La structure 14 n’a pas révélé de poterie ou d’une fosse à déchets. L’une des poches ni d’outils polis, de polissoirs ou de de charbon a donné une date AMS de 2460 percuteurs. Elle contenait par contre 13 ± 60 AA n.c. (TO-9618). artéfacts en pierre taillée pesant au total Cette structure contenait 86 tessons CP1 18,9 g. Un seul outil en fait partie, soit un à battoir cordé fin représentant au moins gros éclat très utilisé. Le reste consistait en deux vases (désignés comme les vases 1 et un nucléus bifacial et 11 éclats. 10, Bourgeois 1999 et ce volume). La plupart des pièces sont en pierre L’assemblage lithique consiste en 46 pièces volcanique felsique ou mafique (un nombre taillées pesant 158,8 g. Sept de celles-ci sont de 11, pour 85 % du décompte, pesant 17,3 des outils parmi lesquels il y a un couteau g, pour 92 % du poids). Le reste inclut un bifacial non aménagé portant de la retouche éclat de chert rose semi-translucide de et un poli marginal près de l’apex, un source inconnue et un éclat de quartz blanc. fragment mésial de biface, un grattoir Tous ces matériaux peuvent provenir de bifacial, deux grattoirs unifaciaux, un galets locaux et aucun n’a pu être retracé nucléus utilisé ou retouché et un éclat jusqu’à la source ou la région d’origine. utilisé (planche 14.4). Un très gros et épais En dépit de l’absence de matériel nucléus bifacial et 38 éclats complètent analysable au sein et autour de la structure l’assemblage.

159 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Les matériaux lithiques de la structure 0,1 g), au chert du Bassin des Mines (1 56 englobent une variété de cherts (24 pièce, 0,2 g) et au porphyre de Kineo- pièces pour 52 % du décompte, pesant 140 g Traveller Mountain (1 pièce, 0,1 g). pour 88 % du poids) et de pierres En combinaison avec la poterie CP1, volcaniques (22 pièces pour 48 % du l’outillage fait penser à un assemblage décompte, pesant 18,5 g pour 12 % du Meadowood de la rivière Saint-Jean. Mais poids). Les quartz, quartzite, mudstone et l’ensemble particulier de matières grès étaient absents. Le matériel le plus premières dans l’assemblage de la structure commun pouvant être attribué à une source 56, avec son orientation vers des cherts est le chert local Washademoak (19 pièces locaux colorés et translucides à semi- pesant 130, 2 g). Le fragment mésial de translucides, est différent des assemblages biface est en agate ou chert bleu-gris Meadowood ailleurs. hétérogène qui peut venir du Bassin des Le niveau de labour au-dessus de la Mines (0,7 g). Quelques petits éclats ont pu structure 56 a produit plusieurs éclats, un être attribués au chert Touladi (1 pièce,

Planche 14.4 : Quelques artéfacts associés à la structure 56; (a) grattoir bifacial en chert Washademoak; (b) biface non aménagé en chert Washademoak avec de fines retouches et un poli sur une marge latérale; (c) grattoir bifacial en quartz.

a bc

0 5 cm

160 Wolastoqiyik Ajemseg grattoir unifacial en chert Washademoak, Le sylvicole maritime inférieur 2 un grattoir ovale bifacial en quartz (planche (Composante 6) - Les structures à 14.4a) et un petit biface en pierre volcanique dates absolues décolorée. Ce dernier artéfact a une Il y a une augmentation significative de morphologie similaire aux grattoirs l’information disponible à propos du bifaciaux rencontrés ailleurs sur le site, mais sylvicole maritime inf rieur (SMI-2 ou ne porte pas de front abrupt. Il pourrait é composante 6) par rapport à la période s’agir d’une préforme de grattoir bifacial. pr c dente, tant dans le nombre de La contribution de cette structure dans é é structures que dans leur grandeur, leur l’interprétation de la composante du complexité et leur contenu. Nous avons sylvicole maritime inférieur de Jemseg sera enregistré quatre complexes structurels abordée au chapitre 18. attribuables à cette période, soit le complexe structurel 4 (structure 25), le complexe

Figure 14.10 : Le complexe structurel 4 en plan (à 30 cm sous la surface) et de profil. NorthProfil profile nord NorthProfil facing nord profile

27 cm

46 cm N

Ligne de Sectioncoupe line

85 cm 104 cm 97 cm

111 cm 85 cm

216 cm ArgilePurple-grey limoneuse silty gris pourpreclay with avec ash, cendre charcoal et charbon PoteriePottery ArgileOrange-red sablonneuse sandy orange clay rouge ÉclatFlake ArgileGrey sablonneusesandy-clay grise OutilFormal lithique lithic tool LentilleCharcoal de charbon lens PierreFire-cracked fracturée parrock le feu ÉchantillonCharcoal desample charbon dated daté à2230±50 2230±50 AA BP PierreUnmodified non modifiée rock 161 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 structurel 2 (structure 11), le complexe décompte, pesant 41,1 g pour 79 % du structurel 6 (structures 43, 44, 45 et 46) et le poids) et de chert (les deux autres pièces). complexe structurel 1 (structures 1, 2, 3, 4 Aucun de ces artéfacts n’a pu être relié avec et 5). certitude à une source ou une région de Le complexe structurel 4 (structure 25) source connue, quoi que le grattoir bifacial Le complexe structurel 4 est une cuvette est fabriqué dans un chert vitreux noir qui bilobée de dimension moyenne, désignée peut avoir son origine dans le bassin par l’unique numéro de structure 25. Il est hydrographique de la rivière Tobique, dans situé à proximité du complexe structurel 3, le cours moyen de la rivière Saint-Jean près de la limite nord de l’aire A (figure (Keenlyside 2001, comm. pers.). 14.10). Il fut complètement fouillé et ses Le complexe structurel 2 (structure 11) dimensions maximales sont de 104 cm sur Le complexe structurel 2 était situé 216 cm, avec une profondeur de 46 cm. Le dans la portion sud-ouest de l’aire A. Le complexe est constitué de portions numéro de structure 11 lui a été attribué distinctes. À l’ouest, il est composé d’une lors de l’analyse préliminaire, sans argile limoneuse gris pourpre avec de la désignations pour ses composantes cendre, de taches de charbon et de quelques internes. Il a été complètement fouillé et ses pierres fracturées par le feu au-dessus d’un dimensions maximales sont de 207 cm par épais niveau d’argile sablonneuse orange, 332 cm avec une profondeur de 51 cm. Il alors qu’à l’est, on trouve une argile s’agit d’une profonde cuvette avec des aires sablonneuse orange, entourant des de foyer comportant des lentilles multiples concentrations de charbon et de pierre de sol organique foncé et de charbon (figure modifiée thermiquement. Des portions du 14.11). Nous avons interprété ce complexe complexe structurel 4 ont été recouvertes comme le plancher d’une maison semi- d’une argile sablonneuse grise similaire à souterraine (Sanger 1987, 1996b). La cuvette celle recouvrant le complexe structurel 3. pourrait circonscrire le périmètre de Des fragments de noix longues ont été l’habitation (dans lequel cas il s’agirait d’un trouvés au sein du charbon et une petit wigwam) ou encore représenter une concentration de charbon du lobe ouest a aire domestique commune flanquée de produit une date AMS de 2230 ± 50 AA n.c. couchettes élevées dans une structure (Beta-105889). d’habitation plus grande. Ce complexe culturel ne contenait pas La stratification au sein de la cuvette de poterie, mais on y a trouvé neuf artéfacts peut indiquer que la structure fut occupée à lithiques pesant au total de 51,8 g. Ces plusieurs reprises et abandonnée pièces incluaient un grattoir bifacial, un périodiquement. Trois foyers distincts gros éclat retouché, un éclat utilisé et six furent mis au jour, consistant en dépôts petits éclats non modifiés. Cet assemblage denses de charbon et de cendres avec des lithique est composé de pierre volcanique pierres fracturées par le feu. Une de ces felsique et mafique (7 pièces pour 78 % du concentrations, provenant de la moitié

162 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 14.11 : Le complexe structurel 2 (str.11), en plan et de profil.

StructureFeature 11 11

N

166 cm

99 cm 50 cm

152 cm 169 cm 266 cm

16 cm

35 cm

North Profile along 51 cm mid-point of feature extrapolated from profiles and plan maps

SableDark et brown limon loameux loamy brunsilt &foncé sand, et charbon charcoal PoteriePottery LoamDark linomeux brown brunto black foncé silty à noir, loam, sable etsand gravier & gravel PierreFire-cracked fracturée parrock le feu LentilleCharcoal de charbon lens ÉclatFlake LoamBlack limoneux silty loam noir OutilFormal lithique lithic tool ArgileOrange-red sablonneuse sandy orange clay rouge PierreUnmodified non modifiée rock ArgileGrey sablonneuse sandy-clay grise ÉchantillonCharcoal de sample, charbon dated daté à 21402140±60±60 AA BP

163 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 supérieure de la structure, a produit une modifiés et des pierres fracturées par le feu. date radiométrique de 2140 ± 60 AA n.c. Quelques-uns des artéfacts lithiques (Beta-105892). D’après la position de pourraient être anormalement vieux, l’échantillon dans le complexe structurel, la spécialement un grattoir à éperons date représente un usage tardif de celui-ci. (Dickinson 2000, ce volume). Si l’attribution Le complexe structurel 2 contient une de ces artéfacts à de plus anciennes quantité abondante d’artéfacts lithiques périodes est incertaine, les anciens artéfacts ainsi que de la poterie, des galets non pourraient témoigner de déplacements

Planche 14.5 : Quelques outils du complexe structurel 2 (structure 11); (a) un grattoir unifacial en chert bariolé bleu-gris portant des éperons à graver et une retouche marginale extensive; (b) un petit grattoir unifacial à éperons, en chert Washademoak; (c) un gros grattoir unifacial en pierre volcanique décolorée et (d) un grattoir unifacial en chert bariolé (probablement du Bassin des Mines), à front manquant.

a b

c d

0 5 cm

164 Wolastoqiyik Ajemseg durant la construction de la structure, ou (toiture), matelas ou encore dégraissant encore que les parties profondes de la végétal pour la poterie. structure ne sont pas reliées aux Les outils lithiques non taillés supérieures. comprennent une pierre abrasive et un Le complexe structurel 2 contenait au percuteur L’assemblage lithique taillé, lui, moins deux vases représentés par 80 consiste en 101 pièces, le tout pesant 342 g. tessons. Les deux sont traités au battoir Cet assemblage inclut 15 outils et fragments cordé fin conformément au CP1 (Petersen et d’outils, pesant 116,5 g et 86 éclats et Sanger 1991, voir Bourgeois 1999 et ce nucléus, pesant 226,1 g. Les outils sont peu volume) et sont similaires au type Vinette 1 stylisés. Bien que cinq fragments de biface que l’on trouve ailleurs dans le nord-est. Ce aient été trouvés, tous avaient été complexe structurel a aussi produit des os relativement peu amincis, avec une calcinés et un assemblage assez important emphase fonctionnelle sur la retouche de végétaux carbonisés. Ceux-ci incluaient bifaciale marginale. Le seul grattoir était des graines de sorbier, de dièreville relativement gros et produit dans un chèvrefeuille, de renouées, une graine de matériau fortement décoloré. Le reste des plante aquatique, 90 fragments de noix outils consistait en un nucléus retouché, un longues (31,16 g), une possible graine de éclat retouché, deux outils retouchés ou nicotiana (tabac) et des aiguilles carbonisées utilisés sur nucléus et cinq éclats utilisés. de pruche et d’épinette. L’assemblage lithique taillé a été Bien que les autochtones du nord-est produit dans une vaste gamme de cultivaient le tabac depuis longtemps, notre matériaux. Ceux qui dominent sont les cas est très ancien pour les Maritimes. pierres volcaniques felsiques ou mafiques Malheureusement, en raison de la nature (73 pièces, ou 72 % du décompte, pour 218,1 fragmentée du spécimen et de la présence g ou 64 % du poids) et les cherts (23 pièces d’intrusions artéfactuelles de la période ou 23 % du décompte, pour 91,9 g ou 27 % suivant le Contact ainsi que celle de graines du poids). Le quartz et les mudstones modernes dans la structure, toute forment le reste (4 pièces ou 4 % du hypothèse d’un usage ancien du tabac (qu’il décompte, pour 32,2 g ou 9 % du poids). soit échangé ou cultivé) dépendra d’une Peu de matières premières dans le éventuelle date AMS de l’échantillon lui- complexe structurel 2 peuvent être même. assignées à des sources ou des régions Monckton (comm. pers.) a suggéré que d’origine. De celles qui sont connues, le les aiguilles de pruche et d’épinette étaient chert Washademoak compte 13 pièces peut-être des brindilles d’allumage ou des (66,1 g), probablement le chert du Bassin éléments rattachés au bois de chauffage des Mines compte 2 pièces (4,7 g), le bien que ces matériaux aient pu aussi avoir mudstone de Munsungun, une pièce été utilisés de nombreuses autres façons, (30,1 g), le chert Touladi, deux pièces (1,2 g) incluant médicaments, éléments structurels et le chert de Tobique, une pièce (0,9 g).

165 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

La zone de labour au-dessus du Les relations entre ces structures furent complexe structurel 2 a aussi produit déduites sur la base de recollage d’artéfacts beaucoup d’artéfacts lithiques, dont 288 (spécialement la poterie), et par la éclats, 110 grattoirs unifaciaux, un biface proximité, les stratigraphies et leurs limites non aménagé de stade quaternaire, un physiques. Ces structures apparaissent grattoir bifacial et 11 éclats retouchés. Des comme des taches de limon sablonneux éléments de cet assemblage perturbé orange et de limon loameux brun foncé peuvent être anormaux, spécialement un avec des lentilles de cendres et de charbon, grattoir à éperon en chert Munsungun (voir des fragments d’os calcinés et de noix Dickinson, ce volume). calcinées, et des artéfacts. Le complexe structurel 6 (structures 43, 44, Nous n’avons pas pu déterminer de 45, 46) dimension maximale pour ce complexe Le complexe structurel 6 se trouve aussi structurel en raison de la nature éclatée des dans l’aire D, sur la terrasse inférieure près unités de fouille, On a toutefois pu observer de la rivière Jemseg. Il ne fut que qu’elle avait, au minimum, 3 m sur 4,8 m. partiellement fouillé à travers des unités de L’hétérogénéité de sa configuration interne 1 m par 2 m, ce qui fait obstacle à une et sa très grande dimension évoque les analyse adéquate de son extension et son grands complexes structurels de Fulton contexte. Nous avons néanmoins été en Island (Foulkes 1981). Ils peuvent mesure d’identifier quatre structures représenter de petites occupations répétées, interreliées, numérotées 43, 44, 45 et 46. ou un unique campement composé de

Planche 14.6 : Pierre à cupule du complexe structurel 6.

0 10 cm

166 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 14.7 : Quelques artéfacts du complexe structurel 6; (a) racloir unifacial à éperon, en pierre volcanique décolorée; (b) grattoir unifacial sur nucléus bipolaire en quartz.

ab

0 5 cm

petits wigwams, ou une seule grande modifiés en outils, à l’exception de trois structure d’habitation. Une des structures grattoirs ou racloirs unifaciaux de (n°43) a fourni du charbon de bois pour une dimension moyenne et six éclats utilisés et datation AMS avec comme résultat une date retouchés. Si aucun nucléus ne fût trouvé, de 2060 ± 40 AA n.c. (Beta-105999). les éclats sont au nombre de 167. Le complexe structurel 6 recelait 50 Malgré la dimension moyenne de cet tessons provenant de deux vases (vases n°6 assemblage par rapport aux autres de la et n°11). Le vase n°6 a été trouvé dans les collection lithique, il présente une vaste structures 43 et 45 et le vase n°11 a été gamme de matières premières. On y trouvé dans les structures 43, 44 et 46. Il retrouve surtout quartzite, de la pierre recelait également un lot d’artéfacts volcanique mafique, du quartz et du chert, lithiques incluant une pierre abrasive, ou et en minorité de la pierre volcanique meule et une collection de 177 pièces felsique, du porphyre et des mudstones. Les taillées, pesant 198,7 g. Peu de ces artéfacts quantités et proportions de matériaux ont été modifiés en outils, à l’exception de lithiques trouvés dans le complexe trois grattoirs ou racloirs unifaciaux structurel 6 sont présentées dans le tableau

167 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Tableau 14.2 : Les classes de matières premières du complexe structurel 6 au site de Jemseg Crossing.

Classe lithique Nombre % du Poids % du de pièces décompte poids

Quartzite 51 29 % 50,6 25 % Pierres volcaniques mafiques 51 29 % 42,2 21 % Quartz 41 23 % 76,0 38 % Chert 18 10 % 20,5 10 % Pierres volcaniques felsiques 4 2 % 1,2 1 % Porphyres 3 2 % 0,7 0 % Mudstones 3 2 % 1,3 1 %

14.2. Le pattern qu’on y observe va à Le complexe structurel 1 l’inverse de la tendance générale du site de (structures 1, 2, 3, 4, 5) Jemseg, où les pierres volcaniques sont Le complexe structurel 1 a été trouvé communes et le quartz et quarzites sont dans le coin nord-ouest de l’aire A, et il est généralement rares. constitué des structures 1, 2, 3, 4, et 5. Il ne Nous avons pu associer plusieurs fut que partiellement fouillé car il se artéfacts du complexe structurel 6 avec des poursuivait dans les parois nord et ouest de sources et des régions d’origine connues. l’aire A. Malgré ces contraintes spatiales, ce Aucun type particulier ne domine cet complexe structurel mesure minimalement ensemble identifié, qui se distribue entre le 200 cm par 350 cm. Les numéros de porphyre de Kineo-Traveller Mountain (3 structures désignent différentes parties du pièces, 0,7 g), le chert du Bassin des Mines complexe. La structure 1 est une lentille en (6 pièces, 0,7 g), le mudstone de cuvette de sable argileux gris avec charbon Munsungun (1 pièce, 0,5 g), le chert épars, pierres modifiées par le feu, Onondaga (2 pièces, 7,5 g), le metaquartzite beaucoup d’artéfacts lithiques et qui a une de Ramah (2 pièces, 0,8 g), le chert touladi épaisseur de 35 cm. La structure 2 est et le chert Washademoak (4 pièces, 5,1 g). adjacente à la structure 1 et consiste en une La composition de cet ensemble identifié est étendue ovale de galets plats et de pierres aussi peu commune, tant dans la fourchette étalées en une seule couche horizontale, des types présents que dans le fait que les suggérant un pavage. La structure 3 est une types locaux et régionaux y sont peu mis en petite cuvette d’une profondeur de 9 cm évidence, comme le chert Washademoak et constituée de sable loameux taché de la rhyolite de Tobique. charbon contenant des pierres, dont certaines fracturées par le feu, et une quantité abondante d’éclats. La structure 4

168 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 14.12 : Vue en plan du niveau 3 (environ de 40 à 65 cm sous la surface) du complexe structurel 1 au site de Jemseg Crossing. Ce complexe se compose des structures 1 à 5 indiqué par l’aire hachurée. Cette aire n’a pas été complètement fouillée, comme l’indique la limite abrupte vers l’ouest. 281 cm

F 1 F 3

F 2

F 4

UNITunité M44 M44 UNITunité M43 M43 159 cm

F 5 N

UNITunité L44 L44 UNITunité L43 L43

est une fosse, d’une profondeur de 39 cm, Du charbon de bois de la structure 3 a contenant des éclats des os calcinés et des produit une date AMS de 1940 ± 40 AA n.c. brous carbonisés de noix longues. Les 10 cm (TO-9619). Ceci place le complexe structurel supérieurs de la structure 4 sont une argile 1 dans la portion tardive du sylvicole sablonneuse grise avec charbon, alors que maritime inférieur (SMI 2). Compte tenu de les niveaux inférieurs étaient une argile notre présomption de contemporanéité, le sablonneuse orange rouge avec charbon et complexe structurel 1 montre un degré des taches de cendre. La structure 5 est une significatif de complexité de différenciation même lentille d’argile sablonneuse grise, interne. Ces différentes parties pourraient parsemée de charbon entourant une petite présenter des aires d’activités au sein d’une tache d’argile grise indurée avec du gravier. structure domestique (un grand wikuwam’l Elle a produit des fragments d’os calcinés. ou wigwam) ou d’un campement composé Les fouilleurs ont noté une compaction de d’un nombre de petites tentes ou wigwams. sol et une distribution des artéfacts et du Le complexe structurel 1 n’a pas charbon écrasé entre les structures du produit de poterie ou d’outillage lithique complexe structurel 1, ce qui laissait non taillé. Par contre, il a révélé beaucoup suggérer un certain degré de d’objets lithiques taillés, soit 420 artéfacts, contemporanéité. pesant 932,7 g. Cet assemblage comportait 48 outils et fragments d’outils (382,9 g) ainsi

169 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 14.13 : La structure 4 du complexe Figure 14.14 : La structure 5 du complexe structurel 1, qui consistait en une couche structurel 1, constituée d’une argile sablonneuse supérieure épaisse de 10 cm d’argile sablonneuse grise parsemée de charbon, au centre de laquelle grise avec du charbon et de couches inférieures se trouvait une lentille d’argile grise indurée d’argile sablonneuse orange rouge avec du avec gravier. Des fragments d’os calcinés et des charbon et des taches de cendre. Elle contenait éclats y sont directement associés. des éclats, des os et des noix longues calcinées.

NorthProfil NorthProfil Profilenord Profilenord

63 cm

95 cm

N F 4 49 cm N

65 cm que 372 éclats et nucléus (549,8 g). Parmi les de pièces peuvent être attribuées à des outils, il y avait trois bifaces et fragments sources lointaines (à l’exception d’une proximaux de bifaces, sept fragments petite pièce en rhyolite de Tobique). Il y distaux et mésiaux de bifaces, un grattoir avait aussi beaucoup de chert, spécialement unifacial, 10 éclats retouchés, 23 éclats le chert local Washademoak, semi- utilisés ou retouchés et 4 nucléus utilisés ou translucide et vivement coloré (72 pièces, retouchés. Le complexe structurel 1 a aussi ou 17 % du décompte, pour 520,2 g, ou 56 % produit 6 fragments de nucléus avec peu de du poids). D’autres variétés de chert traces de modification ou d’utilisation. (incluant cinq pièces probablement du Les artéfacts lithiques du complexe Bassin des Mines et quatre probablement structurel 1 ont été fabriqués de diverses Touladi) ajoutent 22 pièces pour 31,5 g. matières premières, dominées par différents Plusieurs des pièces en chert Washademoak types de pierre volcanique felsique et étaient de gros fragments éclatés de blocs mafique (soit 313 pièces, ou 75 % du résultant des stades initiaux de la réduction, décompte, pour 365,8 g, ou 39 % du poids). et des fragments de nucléus, ce qui explique La plupart de celles-ci semblent être la grande proportion du poids de ce d’origine locale, disponibles sous forme matériau dans l’assemblage. Le reste d’affleurements (sources primaires) ou de consistait en quantités négligeables de lits de galets (sources secondaires). Très peu pierres volcaniques porphyriques (incluant

170 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 14.15 : La structure 1 du complexe NorthProfil Profile nord structurel 1. Il s’agit d’une large cuvette irrégulière d’argile sablonneuse grise ? (min 49 cm) contenant beaucoup d’éclats, de pierres fracturées par le feu et de particules charbonneuses.

? (min 22 cm) N

? (min 131 cm)

NorthProfil ? (min 49 cm) Profilenord

Figure 14.16 : La structure 2 du complexe structurel 1. Il s’agit d’une tache ovale de galets plats et de pierres, gisant en une couche simple et horizontale, au sein d’une lentille d’argile sablonneuse grise avec beaucoup de gravier et de 56 cm petites pierres. Quelques éclats et une tache irrégulière de sol parsemée de charbon y étaient N associés. La zone empierrée gisait directement au-dessus d’une couche de schiste et d’argile brun gris graveleuse stérile.

43 cm Figure 14.17 : La structure 3 du complexe 63 cm structurel 1 est constituée de sable loameux brun taché de charbon et contenant des Structure 3 pierres, parfois fracturées par le feu, et Feature 3 beaucoup d’éclats. ProfilNorth nord Profile Grey sandy-clay Argile sablonneuse grise ? (min 9 cm) ArgileGrey sablonneusesandy-clay grise with avec gravel gravier FouilleIncomplete incomplète excavation SableDark loameux brown brun loamy foncé sand avec with charbon charcoal ArgileOrange-red sablonneuse sandy orange clay rouge LentilleAsh lens de cendre ? (min 26 cm) F 3 Charcoal lens Lentille de charbon ? (min 43 cm) N LoamBrown argileux clay-loam brun avec with gravier gravel 59 cm PierreFire-cracked fracturée rockpar le feu 104 cm ÉclatFlake OutilFormal lithique lithic tool PierreUnmodified non modifiée rock ÉchantillonCharcoal desample, charbon dated daté à 1940±901940±90 AA 171 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 14.8 : Quelques artéfacts du complexe structurel 1; (a) grattoir unifacial; (b) fragment de grattoir unifacial; (c) petit biface en foret. Toutes ces pièces sont en chert Washademoak.

a

b

c

0 5 cm

notamment 4 petites pièces en porphyre de comprennent cinq grattoirs unifaciaux, Kineo-Traveller Mountain) ainsi que de quatre éclats retouchés, une partie distale quartz et mudstone (7 pièces, ou 2 % du de biface, un fragment latéral de biface, un décompte, pour 6,1 g, ou 1 % du poids). biface de stade tertiaire non aménagé, un Le niveau de labour au-dessus du fragment distal de grattoir bifacial, un complexe structurel 1 a aussi fourni percuteur et 673 éclats. beaucoup d’artéfacts lithiques. Ils 172 Wolastoqiyik Ajemseg

Le sylvicole maritime moyen pourrait représenter un dépôt postérieur à l occupation, peut- tre une inondation. (composante 7) - Les structures avec ’ ê L’argile limoneuse gris pourpre contenait la dates absolues plus grande partie du matériel culturel, Nous avons t en mesure d assigner é é ’ dont trois petites poches denses AA n.c. seulement une structure, le complexe (Beta-106507). Le complexe structurel 3 a structurel 3 (structure 21) l aide de la à ’ offert 14 tessons de poterie CP2 (la plupart datation radiométrique au sylvicole assignés au vase n° 3, Bourgeois 1999 et ce maritime moyen. Un échantillon de volume). Pour contrevérifier la date des charbon provenant d’une lentille dans le éléments stylistiques de la poterie, la croûte remplissage de la structure et d’un second carbonisée de l’intérieur de l’un des tessons échantillon pris dans la croûte carbonisée fut soumise à une datation AMS et donna sur la paroi ext rieure d un tesson trouv é ’ é une date de 1600 ± 60 AA n.c. (Beta-105891). dans la structure ont t soumis pour é é Ces deux dates confirment notre datation. Les dates obtenues repr sentent é assignation de la structure au sylvicole vraisemblablement des v nements é é maritime moyen. Ce complexe structurel 3 contemporains ou qui ont eu lieu dans une est la seule structure qui a pu être même courte période de temps. fermement reliée à cette période. Le complexe structurel 3 (structure 21) Un unique morceau tabulaire et mince Le complexe structurel 3 (portant le de schiste avec une arête bouchardée a été numéro de structure 21) était situé au trouvé dans ce complexe structurel. On n’y milieu de la moitié nord de l’aire A. Il a a pas récupéré de matériel faunique ou presque totalement t fouill , sauf pour é é é botanique. une petite portion qui s’étend sous la paroi On y a toutefois trouvé 91 artéfacts vers l’ouest. La dimension maximale de la taillés, pesant 212 g. De ceux-ci, il y avait partie excav e du complexe structurel est é dix outils, soit un fragment de pointe de de 155 cm par 238 cm, avec une profondeur projectile pentagonale ou à pédoncule de 57 cm. Le complexe consistait en une convergeant vers la base, un fragment grande cuvette contenant du sable loameux mésial de biface, un fragment de nucléus parsemé de charbon, avec des couches retouché et neuf éclats retouchés ou utilisés. d’argile limoneuse gris pourpre et de la Il y avait aussi 80 éclats et un galet fendu cendre et des poches de charbon (figure qui a pu être un nucléus rejeté. 14.18). Ce complexe semble correspondre à Si les matériaux dominants de une maison semi-souterraine, comme le l’assemblage du complexe structurel 3 complexe structurel 2 (voir plus haut). La étaient des pierres volcaniques felsiques et surface du complexe montrait une couche mafiques (soit 64 pièces ou 70 % du de sable limoneux rouge-brun recouverte décompte, pour un poids de 175,3 g ou d une mince lentille d argile limoneuse ’ ’ 83 % du poids), il y avait une bonne grise stérile archéologiquement et qui fréquence de mudstone, représenté par

173 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 deux types différents (une variante rouge surtout provenir de sources locales, et un brique pierreuse et une variante cireuse, seul petit éclat, probablement en chert bariolée vert, gris, et noir. Il y a 22 pièces en Touladi et pesant 0,1 g, pourrait être mudstone, soit 24 % du décompte, pour un exotique. total de 31,3 g, ou 15 % du poids. De petites La zone de labour au-dessus de la quantités de chert, de quartz et de pierre structure recelait un fragment de biface volcanique porphyrique décolorée bipointe ou pentagonal, un petit grattoir complètent cet assemblage (5 pièces pour unifacial, un biface non aménagé, plusieurs 5,4 g). Ces matières premières semblent éclats retouchés et 89 éclats.

Figure 14. 18 : Le complexe structurel 3 (structure 21) vu en plan et de profil. ProfilNorth nord Profile

57 cm

Profile LigneSection de Linecoupe

155 cm

N

259 cm

238 cm ArgileGrey sablonneusesandy-clay grise LentilleCharcoal de charbon lens RedSable brown limoneux silty-sand, brun-rouge, gravel gravier ArgileOrange-red sablonneuse sandy orange clay rouge PotteryPoterie ArgilePurple-grey limoneuse silty gris pourpre,clay, ash, cendre, charcoal charbon FlakeÉclat SableDark limoneux brown brunloamy foncé, sand, sable, charcoal charbon FormalOutil lithic tool

174 Wolastoqiyik Ajemseg

Les structures datées par des même des matériaux ou des relations physiques qui donnaient des indices sur méthodes relatives et par la leurs âges possibles. Parmi les matériaux, il typologie y a des artéfacts présentant des attributs Bien que la datation au radiocarbone stylistique, morphologiques ou fournisse des probabilit s sur l ge des é ’â technologiques qui sont chronologiquement structures, ce ne sont pas toutes ces sensibles, des patterns significatifs dans des dernières qui ont été datées de cette ensembles d’artéfacts, des attributs de manière. Certaines qui ne le furent pas (ou structures ainsi que d’autres catégories de qui ne pouvaient l’être), recelaient tout de Planche 14.9 : Quelques artéfacts trouvés au sein et autour du complexe structurel 3; (a) éclat retouché de grattoir en mudstone bariolé gris-vert, provenant de la structure; (b) biface non aménagé trouvé à proximité de la structure.

a

b

0 5 cm

175 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 témoins archéologiques. Dans certains cas, La structure 32 a été trouvée dans les nous avons aussi été en mesure d’utiliser unités L38 et K38, près de la limite nord de des relations stratigraphiques et des l’aire A. Au contraire de bien d’autres contextes archéologiques dans le but de structures de l’aire A, la structure 32 est suggérer un âge relatif entre les structures. apparue sous la limite inférieure du niveau Par le biais de ces méthodes, il est possible de labour (à 32 cm sous la surface), de proposer des âges pour plusieurs complètement incluse dans les alluvions structures, comme nous le verrons ici. non perturbées. Elle consiste en une cuvette peu profonde (15 cm) d’environ 85 cm de Les possibles structures de diamètre. Bien que le contenu de la l’archaïque récent (composante 3) structure présentait des particules de La structure 32 charbon, celui-ci ne se présentait pas en

Planche 14.10 : Quelques artéfacts d’autour et au-dessus de la structure 32; (a) pointe de projectile à encoches latérales en chert gris bariolé et (b) mèche de foret en pierre volcanique décolorée.

a b

0 5 cm

176 Wolastoqiyik Ajemseg concentrations significatives. Ces éléments tradition de l’archaïque laurentien). Bien nous font dire qu’elle est une aire d’activités qu’il soit difficile, en l’absence de datation domestiques, soit une petite fosse radiométrique, de déterminer une date d’entreposage ou un foyer-fosse. Nous y précise pour cette structure, les données avons trouvé un biface et 58 éclats. La disponibles suggèrent une attribution à la plupart de ces pièces (89) sont des variantes composante 2, à une manifestation reliée de pierre volcanique décolorée alors que le au Susquehanna ou au Morehead de la reste est en pierre volcanique mafique composante 3, ou au sylvicole maritime locale. De manière générale, l’assemblage inférieur (composante 5). semble plus décoloré que les autres Bien que nous ayons pris pour acquis assemblages lithiques du site. La que cette structure se trouve sous la décoloration des artéfacts lithiques est très perturbation des labours, ceux-ci ont commune dans la région, et on l’attribue produit un poids de filet, un fragment habituellement à une altération postérieure bouchardé de schiste et trois grattoirs à la déposition et aux dommages causés par relativement gros directement au-dessus. les acides présents normalement dans le sol. Ces artéfacts suggéreraient une Bien que le pH soit uniformément bas (très attribution archaïque de plus de 3800 ans acide) dans les Maritimes, il varie AA (soit de composante 2 ou 3). Mais ces considérablement au sein des sols, alluvions perturbées contenaient aussi dépendamment des micro-facteurs locaux une pointe classique de type comme la profondeur et la perméabilité. Meadowood, similaire à d’autres du Certains types lithiques peuvent être plus sylvicole maritime inférieur (composante susceptibles aux effets de l’acidité des sols 5). Il n’est pas clair si certains de ces et aux altérations. En ce sens, le degré de artéfacts provenaient de la structure 32 décoloration n’est pas nécessairement sous-jacente qui, comme on le croit, corrélé avec la durée d’exposition aux semble intacte. acides, donc à l’âge. Les structures 61, 62, 63, 64 et 65 La profondeur de la structure et la À l’extrémité orientale de l’aire A, les nature de l’assemblage artéfactuel alluvions sous le niveau de labour étaient (spécialement le fragment de foret et plus éparses qu’ailleurs dans l’aire A, et l’absence de poterie) suggèrent un âge parfois atteignaient localement une relativement ancien pour la structure 32. profondeur de plus de 100 cm. Ce Des forets ont été trouvés dans des sites comportement laisse entrevoir la apparentés à la tradition Meadowood (voir possibilité que la marge ouest de l’aire A, Deal 1985, Clermont et Chapdelaine 1984) près du talus, ait été jadis une petite crête et d’autres à la tradition susquehanna, mais surélevée. Le terrain a pu avoir une ils se trouvent aussi dans d’autres contexte élévation légèrement plus basse à l’ouest de l’archaïque récent (comme la phase de cette crête (du côté éloigné de la Moorehead ainsi que certains aspects de la rivière) et, en effet, de petites aires

177 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 14.19 : L’extrémité est de l’aire A, été lessivés. Il y a aussi des similarités dans montrant la distribution des structures 61, 62, le contenu de ces structures, puisqu’elles 63, 64 et 65. recèlent des assemblages dominés par des artéfacts en pierre volcanique fortement décolorée, et la poterie y est absente (voir toutefois plus loin la description de la 61 structure 65). La structure 32 partage ces attributs avec les structures 61 à 65. En se basant sur ces ponts communs et sur la présence d’attributs particuliers des 63 artéfacts, nous déduisons que ces structures 62 64 datent collectivement de la période archaïque. AreaAire A, A FeaturesStructures 61 61 to à 65 65 La structure 61 La structure 61, dans l’unité I27, est la structure la plus à l’est rencontrée durant le PAJC. Elle n’a pas été complètement 3 METRES3 mètres fouillée puisqu’elle se prolongeait sous la paroi sud de l’unité. Les portions visibles de humides avec des quenouilles autour du la structure consistaient en une grande remblai persistent. Durant les crues, cette tache d’argile grise qui faisait 130 cm de large dans le profil sud et s tendait de 100 crête a pu agir comme piège à sédiment, et ’é cm dans l unit I27. La structure 61 après une période de temps, l’aire basse a ’ é apparaissait 30 cm sous la surface et se été remplie d’alluvions. Dans ces secteurs à poursuivait jusqu 56 cm. Elle contenait d’alluvions épaisses, nous avons rencontré ’à plusieurs structures. Elles apparaissaient des particules de charbon mais aucune initialement entre 30 et 50 cm sous la concentration ou lentille. On y a trouvé un gros clat retouch ou utilis ainsi que 25 surface actuelle, et continuaient jusqu’à é é é presque 70 cm sous la surface. Ces éclats non modifiés. L’absence de concentration charbonneuse et de pierres structures étaient différentes en plusieurs fractur es par le feu pr vient d y voir un points des autres structures de l’aire A, à é é ’ foyer, mais cela pourrait repr senter un l’exception de la structure 32. Elles é apparaissent toutes bien en-dessous de la plancher d’occupation ou encore une aire d activit comme une aire de taille. base des labours et se présentent toutes ’ é comme des couches d’argile contenant des Les structures 62, 63 et 64 Les structures 62, 63 et 64 ont t fragments épars et des petites lentilles de é é charbon. Les sols organiques noirs, observées dans les unités I29 et I30. La structure 62 est une grande aire ovale caractéristiques de bien d’autres structures d argile sablonneuse, d une dimension de de l’aire A, y sont absents et ont pu avoir ’ ’ 178 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 14.11 : Quelques artéfacts de l’extrémité est de l’aire A : (a) fragment proximal de pointe de projectile à larges encoches latérales provenant d’au-dessus et près des structures 62 et 64; (b) biface à base manquante en quartzite de Ramah provenant de la structure 63; (c) grande pointe de projectile fragmentée provenant de la structure 64; et (d) petite pointe de projectile étroite d’au- dessus et près des structures 62 et 64. Toutes sont en pierre volcanique décolorée, sauf (b).

a

d

bc

0 5 cm

179 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

110 cm sur 190 cm. Elle contenait beaucoup d’une petite tache de charbon et de pierres de charbon et de pierres fracturées par le fracturées par le feu d’un diamètre de 25 feu. Elle a été rencontrée à 30 cm sous la cm. Elle s’étend verticalement de 50 à 67 cm surface et se poursuivait jusqu’à 57 cm sous sous la surface. Sa forme et son contenu surface. La structure 64 était contiguë à la suggèrent une petite aire de foyer. Un biface structure 62 à la structure 62 et consistait en éclaté à lame large et à petites encoches une petite tache circulaire de charbon d’un latérales (planche 14.11c) était diamètre approximatif de 35 cm. La immédiatement adjacent à structure à une structure 63, distincte des structures 62 et 64 profondeur de 53 cm, tout comme quatre était une tache circulaire de charbon à éclats. environ 30 cm à l’est de la structure 62. Elle Plusieurs artéfacts proviennent des s’approfondissait jusqu’à 62 cm sous la niveaux au-dessus de la structure surface, soit un peu plus que les structures (particulièrement entre 20 et 40 cm sous la 62 et 64. On y a mis au jour un biface à base surface), dont un nucléus usé et décoloré manquante et à lame mince et finement sur éclat, une pierre à cupule et deux petits taillée (planche 14.11 b). Cet outil pourrait tessons non analysables de céramique. Ces être une pointe à pédoncule convergent ou objets sont verticalement séparés des autres encore bipointe. Il est fabriqué dans un adjacents à la structure 65. quartzite fin gris fumé, similaire au Les témoins des structures 61 à 65 metaquartzite de la baie de Ramah au semblent représenter des activités de la Labrador. Un seul éclat, en pierre période archaïque. Les trois bifaces qui y volcanique, a été trouvé dans la structure sont associés portent des attributs qui les 63, alors que 21 éclats proviennent des rattachent à cette période, dont l’usage du structures 62 et 64. Les alluvions au-dessus quartzite de Ramah (Bourque 1994) et le de ces structures ont aussi produit une style d’aménagement des deux pointes en variété d’artéfacts, dont un fragment d’éclat pierre volcanique. La pointe large et mince et plat portant une retouche fragmentaire (spécimen 18020) est marginale abrupte, un biface de taille réminescente de la tradition Susquehanna moyenne à lame étroite et à larges encoches de l’archaïque terminal. La pointe de latérales et environ 160 éclats. Ces objets ont l’archaïque récent du sud et du centre du subi l’impact du labour et pourraient être Maine (Bourque 1995, Sanger 1996, comm. plus récents que ceux des structures ou pers.). Ces éléments suggèrent une série situés immédiatement autour. Ces d’occupations sur le rebord oriental de la structures semblent représenter plusieurs terrasse supérieure entre 4500 AA aires distinctes de foyer ou un ensemble de (l’archaïque récent) et 3600 AA (l’archaïque plancher d’occupation avec foyer. terminal). Cette hypothèse est appuyée par La structure 65 une distribution d’artéfacts de style La structure 65 est située dans la archaïque dans la zone de labour près de la portion sud-ouest de l’unité I30. Il s’agit limite est de l’aire A (voir chapitre 16). Cette

180 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 14.20 : La structure 8 en plan et de Planche 14.12 : Quelques artéfacts provenant de profil. l’intérieur et d’autour de la structure 8; (a) West Profile Profil ouest grattoir unifacial à éperon trouvé dans la structure; (b) petit biface foret, adjacent à la 24 cm structure; et (c) petite pointe de projectile/foret avec de larges encoches latérales, trouvée dans la structure. N

178 cm ab

120 cm

CharcoalLentille de charbonlens c BrownLoam argileux clay-loam, brun gravel FlakeÉclat 0 5 cm FormalOutil lithique lithic tool Fire-crackedPierre fracturée rock par le feu UnmodifiedPierre non modifiée rock hypothèse pourrait être testée Les possibles structures de éventuellement puisque nous avons l’épisode initial du sylvicole conserv des chantillons de charbon de ces é é maritime inférieur (composante 5). structures pour des datations La structure 8 radiométriques. La structure 8, située près de la limite ouest de l’aire A, a été complètement fouillée. Il s’agissait d’une cuvette de forme ovale de 120 cm par 178 cm avec une

181 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 profondeur de 24 cm. Une mince couche de Planche 14.13 : Biface non aménagé provenant sol organique noir mélangée de charbon d’au-dessus de la structure 9. tapissait le fond de la fosse. Le remplissage, avec son fort contenu en matière organique, était plus foncé que le sol autour. Il y avait des poches de charbon et de pierre en contact avec le mince niveau de fond. Le remplissage de la structure contenait beaucoup d’os calcinés d’oiseaux. D’après les artéfacts (une petite pointe de projectile et un grattoir bifacial), nous attribuons ce gros foyer en fosse au sylvicole maritime inférieur (d’environ 2800 à 2400 AA). Aucune poterie n’y fut trouvée, ni autour, mais plusieurs artéfacts lithiques en proviennent. Ceux-ci incluent une pierre 0 5 cm abrasive (ou meule à main) et 96 pièces lithiques taillées, pesant 250,9 g. On y compte 15 outils, pesant 77,3 g et 81 éclats et nucl us. Parmi les outils, il y a une pointe é 48,8 g) et d’autres cherts (9 pièces, pesant de projectile à encoches larges, similaire aux 33,4 g). forets Meadowood rencontr s au Qu bec et é é Mis à part le chert Washademoak, dans l tat de New York (Clermont et ’É seulement quelques pièces ont pu être Chapdelaine 1982 : 64, Granger 1978, assignées à des sources ou des régions Ritchie 1980). Quatre fragments distaux et d’origine. Ce sont six pièces de porphyre de mésiaux de biface, un grattoir bifacial, un Kineo-Traveller Mountain (3.2 g), un petit grattoir unifacial, six clats retouch s et é é éclat de chert du Bassin des Mines (0,3 g) et deux clats utilis s (planche 14.12). é é un éclat de chert Touladi (1.8g). L assemblage lithique de la structure 9 ’ La structure 9 est dominé par le chert Washademoak (39 La structure 9, de forme ovale, est dans pi ces, ou 40 % du d compte, pour 167,9, è é le secteur sud-est de l’aire A. Dans sa partie ou 67 % du poids). La plupart de ces supérieure, elle fait 75 cm par 68 cm. La derni res sont de la variante translucide è surface supérieure a été tronquée par le grise et jaun tre, celles de la variante rouge â niveau de labour à 24 cm de profondeur, et (désignée RM 11.1) est plutôt rare (6 pièces la structure se poursuit sur encore 21 cm pour 29,8 g). Le reste de l assemblage ’ jusqu’à une profondeur de 45 cm sous la consiste principalement en diff rentes é surface. Elle avait un profil irrégulier, en sortes de pierres volcaniques felsiques, cuvette. Son remplissage était fortement mafiques et porphyriques (46 pi ces pesant è teinté de charbon, avec de denses 182 Wolastoqiyik Ajemseg concentrations d’éclat et de microdébitage. épais en pierre volcanique décolorée, deux Elles dénombraient 132 éclats plus grands bifaces minces et non aménagés, et 231 que 5 mm et 1190 éclats plus petits éclats. Malheureusement, ces témoins sont (considérés ici comme du microdébitage). de pauvres marqueurs chronologiques. Les seuls outils étaient une pierre à cupule Nous avons par contre trouvé de base de et un possible éclat utilisé. biface dans les labours à moins d’un mètre La structure 9 a aussi produit une de la structure 0 qui se recolle avec un collection de matériaux végétaux carbonisés fragment distal de la structure 9, à environ 4 dont trois graines de ronce acaule, 39 m de distance. Bien que ce soit délicat graines de renouée, 36 fragments d’écale de d’assurer que la partie proximale soit noix longues (14,92 g), un fragment de associée à la structure 9, il est possible de faîne, un grain de maïs carbonisé. Cinq suggérer une relation fonctionnelle entre les aiguilles de pruche, neuf aiguilles deux structures, et si notre pressentiment d’épinette et 15 graines non identifiées. Elle sur la structure 9 est correct, la structure 0 a cependant aussi produit un noyau de daterait aussi du sylvicole maritime cerise et du chénopode non carbonisés, inférieur. Cette attribution chronologique laissant entrevoir la possibilité que certains s’accorde assez bien avec les artéfacts de ces éléments puissent être intrusifs, trouvés au sein et autour de la structure 9. comme d’ailleurs un fragment de La structure 16 céramique de l’époque historique. La La structure 16 est située au milieu de la structure est située à la limite de l’une de moitié sud de l’aire A. Elle a une forme nos profondes tranchées initiales, et en circulaire en plan, avec un diamètre de 90 raison de ces perturbations, nous avons cm et de profil, se présente en une cuvette jugé que le charbon s’y trouvant n’était pas de 21 cm de profondeur. Le remplissage assez fiable. était un sol foncé avec du charbon et des Ces perturbations réduisent l’utilité inclusions d’argile grise (Varley et Howlett analytique du contenu de la structure. Or, à 1997). Elle apparaissait à 37 cm sous la la lumière des débats sur la présence de surface, légèrement sous la base du niveau l’agriculture du maïs dans les Maritimes de labour. L’analyse de son contenu suggère (Leonard 1995, 1996), d’éventuelles dates qu’il s’agit probablement d’une aire de AMS sur le grain de maïs auraient le mérite foyer. En plus des nombreux fragments de de déterminer l’association réelle avec la charbon, elle contenait 10 fragments d’os structure. Si elle est de la période précédant calciné d’animaux, 30 éclats ainsi qu’un le Contact, ce serait une première dans la grattoir unifacial ovale en pierre volcanique région. verte décolorée. Ces témoins se Le niveau de labour au-dessus de la concentraient dans le remplissage, alors que structure 9 contenait beaucoup d’artéfacts, les alluvions non remaniées adjacentes à la dont un petit grattoir unguiforme en structure n’ont produit qu’un seul éclat. métaquartzite de Ramah, un petit biface

183 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 14.14 : Quelques bifaces provenant de ou d’autour de la structure 16; (a) biface non aménagé; (b) et (c) pointes de projectile à encoches latérales en chert bariolé opaque; d) fragment de biface en quartz, avec une petite encoche peu profonde, peut-être accidentelle; et (e) biface ou foret en chert gris bariolé.

b d

a c e

0 5 cm

unifaciaux, trois bifaces non am nag s un Aucun artéfact diagnostique n’a été é é fragment de nucl us bifacial, un fragment retrouvé dans la structure 16, mais nous é m sial de biface et 167 clats. Cet avons tout de même récolté plusieurs outils é é assemblage est similaire celui de la et débris du niveau de labour au-dessus à structure 56, dat e entre 2800 et 2400 AA d’elle. Ils incluaient un petit fragment de é (composante 5). Si elle n a pas produit de pierre bouchardée, deux pointes de ’ c ramique, le pattern correspond tout de projectile à petites encoches latérales, trois é grattoirs bifaciaux, deux grattoirs même à l’autre structure datée de la composante 5, soit la structure 13.

184 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 14.15 : Quelques grattoirs de ou d’autour de la structure 16; (a) grattoir unifacial en chert Washademoak, (b) grattoir bifacial en chert décoloré ou brûlé; (c) grattoir bifacial en chert gris foncé bariolé; (d) grattoir unifacial en chert ou en pierre volcanique rouge opaque; (e) grattoir bifacial en quartz et (f) grattoir bifacial en chert foncé bariolé.

a b c

d e f

0 5 cm

La structure 47 céramique ont été trouvés à proximité de la La structure 47 est située au centre de structure, ce qui est indicatif du taux de l’aire B, sur le bord du talus entre les perturbation de ce secteur. On ne peut pas terrasses inférieures et supérieures. Le talus assurer que ce qui provient de l’aire A ne a été une zone d’activités historiques dont soit pas perturbé, peu importe sa certaines plus récentes qui sont liées à un profondeur. Il a donc été difficile d’isoler usage de dépotoir. Plus de 150 objets de la des structures qui pouvaient dater d’avant période postérieure au Contact, comme de le Contact. Néanmoins, des lentilles de la ferraille, des clous, du verre et de la charbon de formes irrégulières et des

185 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 14.16 : Fragment proximal de pointe à par la typologie), mais des collections encoches latérales de la structure 47. privées récoltées à quelques kilomètres au nord du site renferment de la poterie et des pointes de projectile du sylvicole maritime supérieur, ce qui suggère qu’il y a eu un déplacement du schème d’établissement à travers le temps.

Les possibles structures de l’épisode final du sylvicole maritime inférieur (composante 6) La structure 10 0 5 cm La structure 10 est une fosse ovale dans la portion sud-ouest de l’aire A. Elle fait 28 sur 24 cm et a une profondeur de 16 cm. Le pierres fractur es par le feu ont t é é é remplissage est un sol sablonneux brun enregistrées à une profondeur entre 28 et 36 rougeâtre avec beaucoup de pierres cm sous la surface. Elles furent fracturées par le feu et de charbon. Vu qu’il subséquemment désignées comme étant la n’y avait pas de traces de rubéfaction en- structure 47 (Varley et Howlett 1997). Nous dessous et autour de la structure, nous avons mis au jour, dans ces lentilles, l’avons interprété comme une fosse à plusieurs artéfacts datant d’avant le déchets. Malgré la présence de charbon Contact, comme la partie proximale d’une éparpillé dans le remplissage, nous n’en pointe encoches lat rales faite en pierre à é avons pas soumis pour des datations volcanique ou en mudstone rouge opaque radiométriques car il y avait présence (JC 15), et 15 éclats. Attenant à la structure, intrusive d’artéfacts postérieurs au Contact nous avons trouvé trois éclats et un épais (un tesson de céramique du XIXe siècle et nucléus en pierre volcanique verte un morceau de fer) à une profondeur de 30 d color e. Malgr l intensit du é é é ’ é cm, donc sous le niveau de labour. Ces bouleversement dans le secteur, les pierres intrusions témoignent d’un certain degré de fracturées par le feu et le charbon suggèrent perturbation qui compromet l’intégrité une fonction de foyer pour la structure. La contextuelle de la structure. pointe à encoches latérales indique un lien En se basant sur les données du avec le sylvicole maritime inférieur catalogue préliminaire, le remplissage (composante 5, entre 2800 et 2400 AA) ou le contenait 25 éclats et deux éclats utilisés. Il sylvicole maritime supérieur (entre 1400 et ne contenait pas de poterie ou d’outils 500 AA). Il y a peu d’indices de cette diagnostiques. Les alluvions adjacentes à la dernière période au site de Jemseg Crossing structure ont révélé un fragment latéral de (tant par les datations radiométriques que biface non aménagé, épais, en chert de

186 Wolastoqiyik Ajemseg

Washademoak (JC11) ainsi que 50 éclats. Le Planche 14.17 : Grattoir bifacial à éperon en chert brun. niveau de labour immédiatement au-dessus de la structure 10 a livré 111 artéfacts, incluant un épais grattoir bifacial en chert, une préforme bifaciale, quelques éclats, qui ont pu être retouchés et 106 éclats non modifiés. En raison de la proximité avec le complexe structurel (structurel 11), nous inférons une affiliation avec la partie finale du sylvicole maritime inférieur (entre 2400 et 1950 AA) pour la structure 10, bien qu’un grattoir bifacial du niveau perturbé de labour pourrait suggérer une période légèrement plus ancienne. La structure 12 La structure 12, qui avait une forme allongée et bilobée, était située dans la partie sud-ouest de l’aire A. Ses dimensions 0 5 cm étaient de 125 cm sur 75 cm. La matrice consistait en une argile tachetée grise contenant un biface non aménagé, un (structure 11). Nous avons préféré rester grattoir unifacial en agate bleu-gris prudents et n’avons donc pas soumis de (possiblement du Basin des Mines en charbon à une datation radiométrique. En Nouvelle-Écosse, un front de grattoir en supposant que la structure représente bel et rhyolite grise, un tesson non analysable et bien un dépôt culturel, nous pouvons sept éclats. Dans les alluvions adjacentes à déduire une utilisation durant le sylvicole la structure, nous avons récupéré cinq maritime à partir de la présence de poterie. éclats, un éclat retouché ou utilisé et Il est possible que la structure 12 soit reliée quelques fragments carbonisés de noix fonctionnellement et chronologiquement au longues. Il y avait des indices de complexe structurel 2 (structure 11), ce qui perturbations par des animaux fouisseurs la placerait au sein de la moitié récente du dans la structure. Au cours de la fouille, sylvicole maritime inférieur (SMI-2 ou nous avons tout de même conclut que la composante 6). Le niveau de labour au- structure résultait d’activités culturelles, dessus de la structure a produit une soit un dépôt de déchets ou des éléments quantité considérable d’artéfacts dont une structuraux liés au complexe structurel 2 pierre abrasive, cinq grattoirs unifaciaux, un fragment distal de biface, trois éclats

187 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 14.18 : Quelques grattoirs de et d’autour de la structure 12; (a) grattoir unifacial en quartz; (b) grattoir unifacial en chert Washademoak; (c) grattoir unifacial en chert multicolore (probablement de l’agate du Bassin des Mines); (d) grattoir unifacial en quartz blanc. Seul (c) vient de la structure même.

ab

cd

0 5 cm

retouchés et 150 éclats. Certains de ces Les possibles structures du objets du labour ont pu provenir de la sylvicole maritime moyen perturbation de la surface du complexe (composante 7) structurel 2 qui se trouve à moins de 1,5 m Les structures 20, 22 et 23 au nord de la structure 12. Ces trois structures étaient localisées Malheureusement, aucun de ces témoins près du centre de l’aire A et se ressemblent n’ajoute d’indices sur l’âge de la structure en dimensions et en configuration. Cette 12. similarité et leur proximité insinuent qu’elles peuvent être reliées fonctionnellement et chronologiquement

188 Wolastoqiyik Ajemseg entre elles et avec le complexe structurel 3. Leur contenu est relativement peu Elles sont toutes proches l’une de l’autre, informatif. D’après leur proximité, elles (structures 20 et 22 sont distantes de 1 m peuvent témoigner d’activités alors que str 23 est à moins de 2 m de la str contemporaines ou successives, reliées au 22). Les trois sont apparus à la base du complexe structurel 3. Il en découlerait une labour (à environ 25 cm sous la surface) et utilisation durant le sylvicole maritime contenaient une argile loameuse grise avec moyen (composante 7, entre 1750 et 1500 du charbon. AA). Mais le grattoir bifacial suggère une La structure 20 est une fosse ovale de 72 affiliation avec le sylvicole maritime cm sur 80 cm et profonde de 21 cm. Seuls 33 inférieur (composante 5, entre 2899 et 2400 éclats y furent retrouvés. La structure 22 est AA). Enfin, il faut prendre en considération plus petite et plus profonde. Elle faisait 68 que ces trois structures ne sont pas cm sur 46 cm mais avec une profondeur de contemporaines entre elles, avec le 32 cm. En plus du charbon, elle contenait complexe structurel 3 ou aux objets trouvés des os calcinés (plusieurs non identifiés, dans le niveau de labour mais aussi des fragments de dents de gros La structure 24 herbivores, soit de la vache ou de l’orignal, La structure 24 se trouve proche de la Stewart, ce volume) et 65 éclats. La limite nord de l’aire A, stratigraphiquement structure 23 faisait 100 cm par 75 cm et 41 au-dessus du complexe structurel 4. Elle a cm de profondeur, soit un peu plus été complètement fouillée et consistait en volumineuse que les deux précédentes. une cuvette de 128 cm sur 108 cm avec une Pourtant, elle a fourni moins d’artéfacts, profondeur de 22 cm. Elle contenait une avec seulement sept éclats. Ces structures argile sablonneuse orange avec une dense semblent représenter des foyers ou des lentille de charbon et des pierres fracturées fosses à vidange de foyer. Elles sont à moins par le feu. Le tout recouvert d’une argile de deux mètres du complexe structurel 3 sablonneuse grise stérile avec gravier (structure 21). (figure 14.21). Bien que cette structure ne Le niveau de labour au-dessus de ces soit pas datée, elle est plus récente que le structures recelait 77 éclats et un outil complexe structurel 4, qui lui a été daté à classique du sylvicole maritime inférieur, 2230 ± 50 AA n.c. (Beta-105889). soit un fragment proximal de pointe de La structure 24 contenait deux tessons projectile à encoches latérales, retravaillée CP2a (vase 7, voir Bourgeois, ce volume). en grattoir. Ces objets appuient le fait que cette

189 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 14.21 : La structure 24 en plan et de profil.

Profil nordNorth (tel que Profile relevé (as dansrecorded l’unité in J38) J38

22 cm GreyArgile sandy-claysablonneuse grisewith avec gravel gravier N Orange-redArgile sablonneuse sandy orange clay rouge CharcoalLentille de charbonlens FlakeÉclat FormalOutil lithique lithic tool Fire-crackedPierre fracturée rock par le feu 128 cm 93 cm

108 cm

Planche 14.19 : Grattoir à éperon en quartz blanc, trouvé à côté de la structure 24. structure est postérieure au complexe structurel 4 et suggèrent une affiliation au sylvicole maritime moyen. On y a aussi trouvé un fragment calciné d’os de mammifère et 33 fragments de noix longues, pesant 37,09 g). Les matériaux lithiques se limitent à huit éclats, pesant 6,3 g, en pierre volcanique felsique et mafiques qu’on a pu se procurer localement dans des dépôts secondaires. La structure 40 La structure 40 a été mise au jour dans 0 5 cm un sondage au nord-est de l’aire A. Il s’agit

190 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 14.20 : Grattoir unguiforme unifacial éclat fortement retouché, plusieurs tessons en quartzite grossier gris, provenant de la non analysables et 76 éclats. De plus, le structure 40. niveau de labour a fourni 30 éclats. Nous avons décidé de ne pas faire dater cette structure par le radiocarbone en raison de sa proximité avec le niveau de labour, mais la céramique et le grattoir unguiforme suggèrent une date du sylvicole maritime, probablement entre 2200 et 1400 AA. La structure 48 La structure 48 est située dans l’aire C, entre le talus et la baissière. Il s’agit d’une aire dense en artéfacts, avec des galets et du sable loameux brun. Contrairement à la plupart des autres structures du site de Jemseg Crossing, il y avait peu de charbon et de pierre modifiée thermiquement. Si la haute densité de témoins lithiques 0 5 cm suggère que la structure 48 puisse représenter une aire de réduction lithique, la grande proportion d’éclats utilisés et d’une grande cuvette ovale contenant des retouchés suggère que cette réduction était artéfacts lithiques dans une matrice de loam orient e vers une activit de manufacture limoneux gris-brun avec de petites pierres é é ou de préparation, comme le travail du bois et du charbon. Elle apparaissait près de la ou la boucherie. Un tel mod le laisse base du niveau de labour, vers 25 cm sous è entendre que des structures domestiques la surface et se poursuivait sur 7 cm jusqu’à reli es restent tre fouill es dans des 32 cm sous la surface. Sa forme et son é à ê é secteurs adjacents. Un petit tesson de contenu suggèrent qu’elle reflète soit un poterie provient de la structure et sa plancher d’occupation, soit une présence, articulée avec la composition de accumulation de témoins reliés à l’assemblage lithique, suggère une l’habitation dans un petit abri. Elle a livré attribution au sylvicole maritime moyen et 73 éclats dans le remplissage, mais plus un lien avec le complexe structurel 3 (plus d’objets à sa surface. Ceux-ci comptaient un haut), quoi que cette association soit grattoir unguiforme en quartzite grossier hasardeuse. Une tude approfondie du gris (planche 14.20), un fragment distal de é remontage lithique pourrait offrir un biface en pierre volcanique décolorée, un

191 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

éclairage sur les liens chronologiques entre chert Washademoak était celui du complexe la structure 48 et d’autres secteurs du site. structurel 3. L’assemblage lithique rassemblait 437 Si le matériau RM62 est la seule variété pièces taillées, le tout pesant 45,8 g. De de mudstone dans l’assemblage de la celles-ci, 64 (117,1 g) ont été modifiées en structure 48, il s’y trouve une gamme de outils, répartis comme suit : une ébauche pierres volcaniques felsiques, mafiques et bifaciale, amincie mais non retouchée, deux porphyriques (60 pièces pour 110,2 g) ainsi fragments mésiaux de bifaces partiellement que des cherts et quartzite (3 pièces pour terminés et 61 éclats retouchés ou utilisés. 2,1 g). Les autres objets lithiques sont deux Seulement trois artéfacts de cette fragments de nucléus (un bifacial épais et structure ont pu être reliés à des sources ou un petit unidirectionnel) et 371 éclats. des régions d’origine connues. Il s’agit d’un Cet assemblage est très fortement éclat en porphyre de Kineo-Traveller dominé par un type particulier de matériau, Mountain, un éclat qui pourrait être en un mudstone bariolé vert, gris, et noir, chert Onondaga et un gros éclat qui initialement désigné par le code JC7, mais pourrait être en rhyolite de Tobique. qui a subséquemment été sous le code Les possibles structures de la RM62. On a trouvé 364 pièces de ce matériau dans la structure 48 (83 % du période postérieure au Contact décompte, pour 341,7 g) ou 74 % du poids). Aire B, unité A54, A55, B55, C54, C55 et Cette matière première est D55 comparativement rare dans la basse vallée La limite sud de l’aire B sur le talus a de la rivière Saint-Jean, et sur le site produit d’abondants indices d’activités de seulement 16 autres pièces, pesant 30,3 g, la période historique, et aussi de trouvées hors de cette structure en sont. De perturbations et d’intrusions historiques. manière intéressante, plus de la moitié de Cette zone englobe six unités de fouille de 2 ces dernières ont été trouvées dans le m par 2 m : A54, A55, B55, C54, C55, et D55, complexe structurel 3 (9 pièces, 20, 5 g). Ce ce qui représente seulement 3 % de l’aire qui est également étonnant est la complète fouillée durant le PAJC. Malgré cette petite absence de chert local Washademoak. Bien superficie, ces six unités ont fourni 29 % de que ce chert soit absent de certains petits tous les artéfacts classés comme historiques assemblages, au site de Jemseg, le seul autre ou indéterminés (voir Blair, chapitre 9, ce gros assemblage de structure (c’est-à-dire volume) et 16 % du total de tous les de plus de 20 pièces) qui n’a pas produit de artefacts trouvés dans le site.

192 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 14.22 : L’aire B avec la distribution des structures. L’ovale montre la portion sud de cette aire où se trouvaient les concentrations artéfactuelles de la période postérieure le Contact.

54

55

F E D C B A

Bien que nous ayons observé plusieurs Les structures non datées structures superposées et intersectées, il En plus des structures avec des dates restait difficile de discerner si elles absolues et relatives, un nombre de résultaient d’activités primaires ou de structures enregistrées n’ont pas pu être décharges et de labours. On a néanmoins datées avec les moyens actuels, si ce n’est reconnu des patterns réguliers dans les de pouvoir déterminer s’ils sont le produit classes d’artéfacts, dont des concentrations d’activités précédant le Contact ou suivant de petites perles, de verre travaillé et d’os le Contact. En l’absence de date, nous ne de rats musqués, témoignant d’activités pouvons les situer dans un cadre assez précises durant la période historique. e chronologique, ni ne pouvons intégrer les Ces données suggèrent qu’au XIX ou au e informations qu’elles recèlent au sein de début du XX siècle, il y avait un wikwam’l modèle d’établissement, de saisonnalité et Wolastoqiyik dans ce secteur. L’analyse de de subsistance. ce matériel est décrite par Blair, Dickinson Nous conservons n anmoins du et Blair, au chapitre 19. é matériel qui pourrait servir à des datations radiométriques quand cela sera possible. De plus, des avancements techniques dans le domaine de la datation en archéologie sont vraisemblables et ils pourraient être

193 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 appliqués aux structures non datables boutage d’une partie de la terrasse actuellement. Ces structures sont résumées inférieure afin d’en faire un pâturage et le dans le tableau 14.3. décapage d’une partie du site afin de le Il est également probable que rendre à niveau près de l’ancienne route. l’ensemble complet des structures Les structures archéologiques (spécialement observées au site Jemseg Crossing et celles de l’époque précédant le Contact) présentées dans ce chapitre ne soient qu’un sont très susceptibles d’être détruites par de petit échantillon des structures qui y telles activités. existaient avant les remaniements de la première moitié du XXe siècle. Ces remaniements incluent les labours, le

Tableau 14.3 : Les structures qui ne peuvent pas être datées par des techniques chronométriques ou par association.

Structure Aire Description Longueur Largeur Profondeur Profondeur d’apparition finale

6 A Une grande lentille argileuse, 200 90 25 51 vraisemblablement non culturelle.

15 A Un ovale d’argile compacte 80 40 30 (35) parsemé de charbon et entouré d’une argile sablonneuse orange. Pas d’artéfacts associés. 17 A Aire ovale de sol rouge avec 90 75 28 48 lentilles de charbon et de cendre; 6 éclats, microdébitage et os calciné. 18 A Une grande fosse; 1 éclat. (105) (50) 48 64 19 A Petite structure circulaire, (60) (32) 33 48 probablement culturelle mais dépourvue d’artéfact. 26 A Petite fosse circulaire remplie 36 36 (25) 38 d’une argile loameuse grise, probablement culturelle mais dépourvue d’artéfact. 27 A Structure ovale remplie d’une 52 46 (25) 36 argile loameuse grise, probablement culturelle mais dépourvue d’artéfact.

194 Wolastoqiyik Ajemseg

Structure Aire Description Longueur Largeur Profondeur Profondeur d’apparition finale

28 A Structure ovale en cuvette, 52 32 (25) 40 remplie d’une argile loameuse rouge foncé, probablement culturelle mais dépourvue d’artéfact. 31 A Grande lentille irrégulière (200) 50 (25) (55) riche en charbon; 17 éclats, plancher d’occupation 33 A Forme irrégulière remplie 90 90 (25) - d’argile sablonneuse grise et de gravier. Dépourvue d’artéfact, peut-être non culturelle.

34 A Forme irrégulière remplie de 170 110 (25) - sable rouge foncé avec lentilles d’argile grise et de charbon. Éclats et verre. 35 B Petite fosse ovale, remplissage 16 28 43 50 brun parsemé de charbon, probablement culturelle mais dépourvue d’artéfact. 36 B Fosse irrégulière, remplissage 60 (6) 42 47 brun parsemé de charbon, un éclat. 37 B Fosse irrégulière en forme de 38 30 45 68 sablier allongé, remplissage brun parsemé de charbon. 38 B Fosse en cuvette avec argile 55 30 27 43 grasse gris-brun et lentilles de charbon éclats, pipes en kaolinite et clous. 39 A Petite structure circulaire, 65 65 (25) 30 sans artéfact de la période pré-Contact, mais matériel historique abondant dans l’unité de fouille. 49 C Structure de sol loameux (90) (90) - - brun foncé, partiellement fouillé, éclats.

195 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Structure Aire Description Longueur Largeur Profondeur Profondeur d’apparition finale

50 C Possible trace de piquet (petite) 5 5 - - tache circulaire) probablement culturelle mais dépourvue d’artéfact.

51 C Structure de sol loameux brun (25) (25) - 57 foncé, partiellement fouillée, éclats et artéfacts historiques.

52 C Concentration de galets de 100 75 - - grosseurs moyennes au centre d’une fosse. Métal en surface.

53 C Structure de galets, (100) (75) - - partiellement fouillée, artefacts des période pré et post-Contact.

54 C Petite concentration lithique, 150 30 - - pas de changement de sol.

55 A Amas de pierres. 40 30 - - Pas d’artéfact ou de charbon. Lié aux labours

57 A Possible trace de piquet (petite 12 12 - 33 tache circulaire de charbon) probablement culturelle mais dépourvue d’artéfact.

58 A Plaque d’argile grise avec 120 100 35 - pierres fracturées par le feu et éclats.

59 A Plaque d’argile grise avec 30 30 24 36 beaucoup de pierres fracturées par le feu et du charbon. Pas d’artéfact.

60 A Plaque de charbon, interprétée 30 35 38 - comme racines brûlées.

66 A Pierres fracturées par le feu et 40 50 - - charbon, pas d’artéfact.

196 Wolastoqiyik Ajemseg

Structure Aire Description Longueur Largeur Profondeur Profondeur d’apparition finale

67 A Foyer, concentration de sol 30 40 40 59 foncé charbonneux et de pierres fracturées par le feu.

68 A Plaque d’argile grise sous les 110 95 25 32 labours, pas d’artéfact ni de charbon, probablement pas culturel.

69 A Plaque d’argile grise sous les (100) (10) - - labours, pas d’artéfact ni de charbon, probablement pas culturel, pourrait être un nid de fourmis.

70 A Plaque d’argile grise sous les 105 5 - - labours, pas d’artéfact ni de charbon, non culturelle.

72 A Possible terrier de rongeur, 105 100 - - associé à des pierres fracturées par le feu, 2 artéfacts de la période pré-Contact, charbon.

73 A Lentille de charbon sous les 105 30 27 35 labours, pierres fractionnées par le feu, éclats et percuteur.

74 A Plaque d’argile ovale avec (60) 15 65 - cendre, pierres fracturées par le feu, probablement culturel mais dépourvue d’artéfact.

75 A Longue bande étroite d’argile, 200 55 - - 1 éclat à 38 cm, peut-être non culturelle.

76 A Structure d’argile grise, pas 80 60 25 35 de charbon ou d’artéfact, peut-être non culturelle.

77 A Possible foyer, pierres 55 55 - - fracturées par le feu, 9 éclats, pas de charbon.

197 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Structure Aire Description Longueur Largeur Profondeur Profondeur d’apparition finale

78 A Possible souche brûlée, (110) (100) 30 60 1 éclat, os calciné, 1 piquet de fer.

79 A Plaque d’argile, artéfacts, 120 95 25 - association possible avec pierres fracturées par le feu.

80 A Mince plaque d’argile grise, 20 20 18 30 6 éclats, pas de charbon ni de pierres fracturées par le feu, peut-être culturelle.

198 Wolastoqiyik Ajemseg

Wisoki Pihce 15 : La composante 1 : le paléoindien

Pam Dickinson

La période culturelle du paléoindien est qui présentent un potentiel de composante mal représentée dans la séquence paléoindienne. Deux de ceux-ci sont les chronologique des provinces Maritimes. sites de Jemseg Crossing et de Bentley Toutefois, notre compréhension des Street (figure 15.1). Bien qu’il soit possible traditions culturelles paléoindiennes s’est que le site de Jemseg Crossing ait été améliorée significativement au cours des habitable au cours de la période récentes années, largement à cause de la paléoindienne, aucune pointe à cannelure fouille de sites tels que Debert en Nouvelle- n’y a été trouvée. Écosse. Le site Debert a été la première Un des problèmes majeurs qui marque manifestation bien située du paléoindien la recherche paléoindienne implique la dans la région des Maritimes (Macdonald reconnaissance d’un site paléoindien en 1968). l’absence de pointe à cannelure. J’ai donc Il y a eu sept trouvailles isolées de fait de la recherche sur un autre outil faisant pointes paléoindiennes au Nouveau- régulièrement partie de la boîte à outils Brunswick. Malheureusement, toutes ces paléoindienne, le grattoir unifacial à éperon pointes de projectiles ont été trouvées en (voir figure 15.2). Dans cette recherche, j’ai surface et nous n’avons pas été en mesure défini le grattoir unifacial à éperon comme de les associer à des dépôts culturels intacts. étant un outil multifonctionnel fabriqué à Il y a eu aussi plusieurs sites à composantes l’aide d’une retouche unidirectionnelle et multiples fouillés au Nouveau-Brunswick unifaciale le long des arêtes d’un éclat afin

1 Note de l’éditrice. Nous reconnaissons qu’il reste à prouver qu’il y a eu ou non une occupation paléoindienne à Jemseg, mais nous avons utilisé la typologie comme outil pour définir d’autres composantes chronologiques (spécialement durant l’archaïque moyen et récent). Nous avons donc choisi de considérer les artéfacts abordés dans ce chapitre comme faisant partie de la composante 1. Ceci est également une déclaration de foi et d’optimisme, et rendra plus facile l’intégration éventuelle dans l’assemblage de Jemseg d’éléments paléoindiens. 199 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

ÎLE DU

PRINCE-

EDOUARD

3

SITE

SITE SHUBENACADIE 5

SITE SHUBENACADIE

BELMONT II

HALIFAX

CHARLOTTETOWN

SITE

DEBERT

ÉCOSSE

NOUVELLE-

SITE

JEMSEG

SITE

BENTLEY STREET

NOUVEAU-

BRUNSWICK

FREDERICTON

BANGOR

QUÉBEC

MAINE

Figure 15.1 : Sites paléoindiens des Maritimes. Figure

200 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 15.2 : La différence morphologique entre un grattoir ordinaire et un grattoir à éperon.

ÉPERON

GRATTOIR À ÉPERON

GRATTOIR

201 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 de former un front muni d’une projection maritime moyen et supérieur, soit le choix pointue, ou éperon. Les outils unifaciaux de matériaux lithiques et le type de support tels que les grattoirs1 sont souvent finis avec utilisé. Cependant, les patterns de taille sur un minimum de modifications. Il en résulte l’éperon lui-même sont différents entre les que les attributs qui marquent le procédé périodes. La présence d’un micro- technologique de fabrication de l’outil sont enlèvement longitudinal au centre de souvent encore présents sur le produit fini. l’éperon pourrait indiquer une fabrication L’analyse débuta par une approche paléoindienne (figure 15.3), tout comme multivariée du grattoir à éperon. J’ai tenté une retouche plus soignée sur les arêtes de de reconnaître la continuité et la variabilité l’éperon. À part un spécimen trouvé dans au sein de l’échantillon de deux sites chacun des deux sites du sylvicole paléoindiens de Nouvelle-Écosse : les sites maritime, les grattoirs à éperon de cette Debert et Belmont II. Afin de déterminer si époque sont seulement retouchés sur les les grattoirs à éperon sont diagnostiques de arêtes de l’éperon. la période paléoindienne, j’ai aussi analysé Nous avons donc déterminé que ce sont deux échantillons provenant de sites du les attributs technologiques de l’éperon qui sylvicole maritime de la Nouvelle-Écosse : offrent le plus grand potentiel diagnostique les sites Shubenacadie 3 et Shubenacadie 5. sur le grattoir à éperon paléoindien. Nous Après avoir déterminé que la présence avons alors vérifié cette hypothèse auprès d’éperons sur les grattoirs n’est pas des deux sites néo-brunswickois de Jemseg seulement un trait paléoindien, j’ai analysé et de Bentley Street. Les résultats ne sont les aspects technologiques de la production pas définitifs, mais ils indiquent tout de d’éperons. même que nous devrions considérer la Cette analyse a permis de voir qu’il possibilité qu’il y ait des composantes n’était pas possible de distinguer les paléoindiennes dans ces deux sites. groupes culturels à partir seulement de la Cependant, notre recherche indique qu’on morphologie des grattoirs à éperon. Tous ne peut pas déterminer si un site a une les outils étudiés lors de notre recherche composante paléoindienne uniquement à avaient une morphologie similaire et étaient partir de la présence de grattoirs à éperon. fabriqués dans des matériaux similaires. Or la fourchette chronologique de la Toutefois, au terme de notre analyse, il a été variation technologique des grattoirs à possible de déterminer que les aspects éperon est petite. Le type de taille peut technologiques pourraient différencier des servir à indiquer une présence groupes culturels. paléoindienne conjointement avec d’autres À partir de l’échantillon de grattoirs à indicateurs trouvés sur le site. éperon paléoindiens et sylvicoles À la fin du PAJC, un total de 746 mètres maritimes, nous avons déterminé que deux carrés avaient été fouillés. Ces fouilles ont attributs rendent similaires ceux du mis au jour des témoins d’habitation de paléoindien ancien et ceux du sylvicole l’archaïque moyen et récent et ceux d’un

202 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 15.3 : La différence de type de taille de l’éperon entre les cas du sylvicole maritime supérieur et les cas du paléoindien.

ÉPERON

GRATTOIR À ÉPERON

ÉPERON DU SYLVICOLE ÉPERON MARITIME SUPÉRIEUR PALÉOINDIEN

203 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 d’un campement du sylvicole maritime Tous les spécimens de Jemseg sont inférieur (Blair 1997 et chapitre 16, ce produits à partir de cherts. Toutefois ils volume). De façon générale, les montrent une variation dans le type de composantes deviennent plus anciennes à support. Dans notre échantillon de contrôle mesure que l’on s’éloigne de la rivière paléoindien et sylvicole, les attributs tels Jemseg. Puisque les plus hautes élévations que l’angle et le type de talon nous ont du site portaient des composantes de permis de déterminer le type de support. l’archaïque moyen, récent, terminal, ainsi Six des grattoirs à éperon de Jemseg ne qu’une portion de la composante du présentaient pas de talon. Des huit sylvicole maritime inférieur, il est probable spécimens qui avaient un talon, cinq que l’échantillon des grattoirs soit mélangé. provenaient d’un nucléus bifacial et trois J’ai sélectionné 14 grattoirs sur un total autres d’un nucléus tabulaire. Cette de 203. Cette sélection n’a pas tenu compte différence de support pourrait être liée à la de la provenance, mais seulement manière dont se présente les matériaux d’attributs morphologiques dont, plus disponibles. spécialement, la présence d’un éperon. Or, il La technique de taille de l’éperon a pu s’avère que tous ces objets, sauf un, être déterminée sur 11 des 14 spécimens de proviennent de la terrasse supérieure du Jemseg. De ceux-ci, trois étaient conformes site. Au sein de cet échantillon, trois au pattern paléoindien, soit de la retouche spécimens présentaient du débitage latéral latérale et un enlèvement longitudinal au sur l’éperon et un micro-enlèvement centre de l’éperon. Ces attributs, couplés longitudinal au centre de l’éperon. Ils avec la distribution des artéfacts sur le site, provenaient tous d’un même secteur sur la suggèrent que ces grattoirs à éperon sont terrasse supérieure. Malheureusement, la potentiellement d’âge paléoindien. Une partie arrière de cette terrasse a été étude plus approfondie est ici requise. recouverte par quatre à cinq mètres de Les artéfacts les plus évidents, comme remblais depuis les années 1980, et la les pointes de projectiles, ne sont souvent présence de certains des plus anciens pas présents sur les petits sites. Les témoins archéologiques du site semble se paléoindiens ont certainement produit des poursuivre sous ces remblais. petits sites, et donc d’autres indices doivent À partir de notre analyse, il y a deux être considérés pour les identifier. Les attributs qui ont été considérés similaires grattoirs sont parmi les artéfacts les plus entre les grattoirs à éperon du paléoindien fréquents dans les sites paléoindiens. Ainsi, et ceux du sylvicole maritime, soit le choix dans cette étude, nous avons suggéré que du matériau lithique et le type de support. les grattoirs pourraient être perçus comme Un autre attribut, la technique de taille de des marqueurs culturels diagnostiques. l’éperon, marque plutôt la différence entre Puisque le site de Jemseg semble détenir un ces deux ensembles chronologiques. potentiel paléoindien, des fouilles

204 Wolastoqiyik Ajemseg supplémentaires pourraient y produire des pointes à cannelure diagnostiques. On peut cependant poursuivre cette analyse sans d’autres fouilles, en analysant l’assemblage lithique entier afin d’y retrouver d’autres outils qui auraient pu faire partie de l’usage des paléoindiens. Le site de Jemseg Crossing a produit environ 16 000 artéfacts lithiques et une analyse technologique complète n’y a toujours pas été effectuée. L’analyse préliminaire y a quand même identifié des denticulés (aussi appelés des « multiple gravers » [burins multiples] par MacDonald, 1968) et des nucléus bipolaires. Ces deux types d’outils ont aussi été identifiés sur plusieurs sites paléoindiens du Maine et au site Debert en Nouvelle-Écosse (MacDonald 1968). Leurs présence à d’autre périodes reste toutefois inconnue. Cette analyse est de nature préliminaire et a pour intention de servir de cadre de référence à la recherche à venir.

205 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

206 Wolastoqiyik Ajemseg

Pihce 16 : L’archaïque

Susan Blair

Dans la Péninsule maritime, la période 8000 ans, ce qui a mené à la définition de la archaïque s’étend d’environ 9000 AA à 3000 perdurable tradition de l’archaïque AA. Avec une étendue de 6000 ans, il s’agit maritime (Tuck 1975, 1985, 1991). de la plus longue unité historico-culturelle, Plus récemment, notre compréhension et pourtant elle demeure l’une des plus a été grandement améliorée par la fouille énigmatiques. D’une manière pratique, les d’une série de sites au Maine (95.20 [Cox], archéologues ont distingué entre Morrill Point [Robinson 1992], Brigham et l’archaïque ancien, moyen et récent, mais il Sharrow [Petersen 1991, Petersen et Putnam y a peu de consensus sur les fondements de 1992], Gilmour Falls [Sanger 1996a], voir ces divisions. Avant les années 1980, la aussi Robinson et Petersen 1993 et Robinson période entre 9000 et 50 000 AA était si mal 1996, 2001). L’analyse de ces sites a permis connue que beaucoup de chercheurs aux chercheurs non seulement de mieux considéraient la possibilité qu’aucun site de comprendre l’apparence et la nature des cette époque n’avait été conservé ou même sites et artéfacts de l’archaïque, ancien et que la Péninsule maritime n’eut pas été moyen, mais aussi de réanalyser les habitée à ce moment (Filting 1968, 1970; collections des sites déjà fouillés auparavant Sanger 1979, Tuck 1984, 1991). Toutefois, et de générer des synthèses régionales durant les années 1970 et 1980, la fouille de (Robinson 1996; voir aussi Petersen 1995). sites stratifiés de l’archaïque ancien et Le développement de la recherche à moyen du sud de la Nouvelle-Angleterre a long terme sur l’archaïque dans les régions permis aux archéologues d’identifier des adjacentes (au Maine d’une part, à Terre- types de sites et d’artéfacts qui peuvent être Neuve et au Labrador d’autre part) a eu attendus (Dincauze 1976). Au même comme effet de produire deux schémas moment, les chercheurs au Labrador et à rivaux d’histoire culturelle. Il est évident Terre-Neuve ont commencé à examiner des que Jemseg est en position d’être en rapport composantes archaïque aussi ancienne que avec ces deux régions et il semble 207 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 impossible que l’ensemble du document de de pointes de projectile bifaciales (Robinson la période précédant le Contact de la 1996 : 104). Et justement, cette absence de grande région de l’Atlantique du nord-est pointes de projectile des sites de l’archaïque ne puisse pas être intégré dans un ensemble ancien et moyen a été le facteur principal cohérent. Un tel exercise est toutefois hors qui a entravé leur identification (Sanger de la portée de notre recherche. La plupart 1996a). des assemblages archaïques locaux (par À la suite de l’archaïque du golfe du exemple le site de Cow Point) ont été Maine, il y a des indices, dans les intégrés dans le cadre culturel du Maine. De assemblages (principalement une double plus, l’assemblage archaïque de Jemseg tendance à la standardisation et à la Crossing (composantes 2 et 3) montre de diversification des types) et dans les fortes affinités avec les sites au nord et au schèmes d’établissement (tel que la centre du Maine, et il s’agit donc de ces localisation et la dimension des sites), d’une points communs dont il sera question dans augmentation et d’un rassemblement des ce chapitre. L’intégration de nos données à populations et, conséquemment, d’une la séquence de l’archaïque maritime de intensification de la subsistance et d’une Terre-Neuve et du Labrador est un projet augmentation de la complexité sociale d’importance qu’il faudrait éventuellement (Robinson 1996 : 140). Selon la méthode entreprendre. de l’histoire culturelle, cette diversité régionale des types d’artéfacts a servi à Les interprétations régionales reconnaître des phases, des complexes et Les synthèses régionales du Maine des traditions (au sens de McKern 1938). indiquent que les périodes de l’Archaïque Ceux-ci incluent : ancien et moyen ont été caractérisées par (i) La phase Vergennes de l’archaïque une stabilité culturelle de longue durée au laurentien, de 5000 à 5200 AA, sein d’une population divisée en petites s’étendant dans les portions nord de la unités sociales dispersées et mobiles Péninsule maritime (Cox 1991, Funk (Robinson 1996 : 140). En se basant sur des 1988, Robinson 1996, Tuck 1991). indices de continuité culturelle, Robinson (ii) La tradition « Small Stemmed Point »1, (1992) a défini la tradition archaïque du de 4200 à 5200 AA, et restreinte aux golfe du Maine (de 10 000 AA à 6000 AA). portions sud de la Péninsule maritime Cette tradition se caractérise par des (Bourque 1995, Petersen 1995, Robinson nucléus et unifaces sur éclat, des choppers 1996, Tuck 1991). tabulaires, des gouges à cannelure (iii) La phase Moorehead, de 3800 à 4400 complète, des herminettes, des barres en AA, présente partout sur la Péninsule pierre polies et plus tard, des pointes polies maritime (Bourque 1995, Sanger 1973, en ardoise de même qu’une quasi-absence

1 N. du T. : Ou « Narrow Point Tradition ». Au Québec, les chercheurs désignent cette période comme l’épisode Lamokoïde de l’archaïque post laurentien. 208 Wolastoqiyik Ajemseg

1991, Robinson 1992, Tuck 1991). Les collections privées de la région de (iv) La tradition susquehanna (désignée Grand Lake renferment des témoins parfois comme la phase atlantique), de abondants de la période archaïque. En effet, 3500 à 3800 AA, concentrée surtout les artéfacts en pierre polie et bouchardée dans la portion sud de la Péninsule dépassent en nombre les artéfacts en pierre maritime (Bourque 1995, Robinson taillée dans certaines collections. Par contre, 1996, Tuck 1991) plusieurs de ces collections furent montées La signification de ces différents taxons suite à des récoltes de surface dans des est à la source de certains débats (Bourque champs labourés. La pierre polie et 1995, Petersen 1995 et Robinson 1996). bouchardée a pu être plus facilement Reflètent-ils la distribution de groupes remarquée, ce qui peut expliquer leur culturels ou sont-ils le résultat de variables prédominance dans ces collections. fonctionnelles? Est-ce que les changements La collection privée la plus reliée au site de comportement dans les assemblages Jemseg Crossing est celle des frères représentent des mouvements de Dykeman, qui fut montée au début du XXe population ou la diffusion d’un type artéfactuel? Puisque la grande part de ces Figure 16.1 : Une pointe de projectile de type débats s’articule autour des données du Otter Creek en mudstone rouge, « près du Maine (où, durant certaines périodes, les Fredericton » au milieu du XIXe siècle données sont peu nombreuses), l’ajout Collections du Smithsonian Institution éventuel de nouveaux éléments comme (longueur : 98 mm). ceux du site de Jemseg Crossing, va sans doute réorienter des aspects de ces débats.

Les manifestations locales Les indices de la période archaïque dans le secteur de Jemseg proviennent surtout de trois sources : (1) Les artéfacts amassés par les collectionneurs privés de la grande région de Jemseg au cours des dernières 150 années. (2) Les sites archéologiques déjà fouillés (spécialement le site de Cow Point, Sanger 1973 et 1991). (3) Le matériel archéologique mis au jour au cours du PAJC.

209 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 16.1 : Quelques artéfacts de collections privées logées au Services d’archéologie du Nouveau-Brunswick et trouvés dans le secteur de Jemseg. Rangée du haut : à gauche et au centre, des fragments de couteaux semi-circulaires en ardoise; à droite, une gouge à bords divergents. Rangée du bas : à gauche, une hache; au centre gauche et droit, deux gouges à cannelure partielle; à droite; un fragment de gouge à cannelure complète.

siècle par des collectes de surface dans le projectiles de l’archaïque (les types Otter secteur du site (R. Dykeman 1996, comm. Creek et Bradley, voir figure 16.1 et planche pers., Dignam 1997). En plus de la 16.1). collection des frères Dykeman, plusieurs En dépit de la rareté des sites collections du XIXe siècle (notamment celles d’habitation de la période archaïque au de W. McIntosh, A. Loring et A. Bailey) Nouveau-Brunswick, la présence d’artéfacts contiennent des artéfacts de la région de de l’archaïque récent dans ce secteur n’a Jemseg. Ces collections de la fin du XIXe rien de surprenant étant donné la proximité siècle et du début du XXe siècle contiennent de Jemseg (5 km), avec l’important des gouges à cannelure complète tant à cimetière de l’archaïque récent au site Cow bords parallèles que divergents, des barres Point (BlDn-2) (Sanger 1973, 1991). polies, des couteaux semi-circulaires en Cependant, la quantité d’artéfacts de ardoise, des gouges à cannelure partielle et l’archaïque ancien et moyen (tout comme un assortiment de types de pointes de leur implication dans l’interprétation de la

210 Wolastoqiyik Ajemseg distribution régionale des sites archaïques comme source majeure de déposition de sol de cette période) dans les collections locales sur la partie basse du site. Ce facteur a seulement récemment été évaluée (voir diminue avec l’éloignement de la rivière. Murphy 1999). Avant le PAJC, aucune Les portions plus élevées du site ont reçu composante de l’archaïque ancien et moyen moins de limon et de sable lors des crues, n’avait été fouillée professionnellement un effet qui, schématiquement, crée un dans les Maritimes. Les collections privées profil en coin. Auprès de l’eau, les alluvions nous suggèrent de manière générale que sont très épais ses (plus de 2 m), alors que l’absence de site d’habitation de l’archaïque sur la terrasse supérieure, elles sont peu dans le secteur résulte plutôt du manque de épais ses (aussi peu que 30 ou 40 cm, voir recherche archéologique que d’une figure 3.3). Le peu d’alluvions déposées sur véritable absence de sites. L’assemblage la terrasse supérieure, où se trouve la archéologique du site de Jemseg confirme majorité du matériel archaïque, fait en sorte cette observation. que ces témoins anciens se retrouvent dans Si le matériel archéologique attribuable le niveau labouré, d’où ils peuvent être à l’archaïque était moins dense que celui déplacés en direction de la rivière, au- des autres périodes au site de Jemseg dessus de matériel plus récent. Cela suggère Crossing, il était néanmoins distribué que le gros du matériel archaïque pourrait régulièrement, particulièrement sur la avoir son origine à l’est de l’aire A, peut- terrasse supérieure. Ces témoins de être même sous le remblai, et qu’il a été l’archaïque incluaient autant de la pierre distribué vers l’ouest par les labours. La taillée que polie. Malheureusement, la vaste distribution du matériel potentiellement majorité des artéfacts diagnostiques de cette archaïque est présentée à la figure 16.2. On période ont été trouvés dans des contextes y voit que la plupart des objets se médiocres, principalement dans les labours concentrent sur une bande nord-sud, dans de la terrasse supérieure et, la partie est de l’aire A, une distribution qui occasionnellement, au bord de la rivière. À est conforme à notre hypothèse. prime abord, ce phénomène semble La structuration spatiale du site et les contraire à la logique archéologique. Les aspects technologiques généraux. De plus, témoins anciens devraient être enterrés plus la nature perturbée de la composante profondément, et donc moins bouleversés archaïque offre peu d’occasions d’une que le matériel récent. Alors, si ces artéfacts analyse détaillée et pour l’interprétation semblent être les plus anciens du site de puisque seulement les artéfacts les plus Jemseg, pourquoi se concentrent-ils dans les diagnostiques peuvent faire l’objet de niveaux supérieurs du sol? discussions. Ces critères excluent beaucoup La réponse se trouve peut-être dans les de classes d’artéfacts qui sont normalement processus de formation du site. Près de la très éclairantes, comme le débitage et les rivière, les forces pédogénétiques sont nucléus, les éclats utilisés et retouchés, et les d’origine alluviale, avec la crue printanière omniprésents grattoirs, choppers, haches et

211 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Figure 16.2 : La distribution des artéfacts diagnostiques de l’Archaïque, montrant la zone de concentration dans la partie est de l’aire A. La carte en cartouche montre les aires fouillées du site.

AREAAIRE AA remblaifill

AREAAIRE E

AREAAIRE A A AREAAIRE B

N AREAAIRE C C

AREAAIRE D D JemsegRivière JemsegRiver

KEYLÉGENDE TO SYMBOLS DES SYMBOLES fragmentground slated’ardoise fragment polie outilscraping de grattage tool pointeprojectile de projectile point autresother tooltypes types d’outils

212 Wolastoqiyik Ajemseg bifaces non aménagés. Je vais donc limiter instruments de grattage (particulièrement ma discussion à des sous-ensembles des variantes « bossues » de même que des particuliers de l’assemblage, et aux grattoirs et racloirs de grosses et moyennes corrélations qu’il est possible de dresser dimensions fabriqués sur des galets de entre elles et avec d’autres assemblages quartz), des cailloux encochés et, plus similaires et perturbés de la Péninsule rarement, des bifaces. Les barres en pierre maritime. polie forment une classe artéfactuelle quelque peu énigmatique dont la valeur La composante 2 : l’archaïque moyen et le diagnostique pour l’archaïque moyen n’a début de l’archaïque récent que récemment été reconnue. Bien qu’elles À titre d’essai, j’ai fait correspondre la aient été trouvées dans une variété de composante 2 à soit l’archaïque moyen, soit contextes, l’une des explication les plus le début de l’archaïque récent (entre environ acceptées au point de vue fonctionnel est 9000 AA et 5000 AA). Puisque ces périodes que ce sont des outils d’abrasion, des sortes sont si peu connues du côté canadien de la de meules servant à affûter les gouges à Péninsule maritime, les variations locales cannelure complète. L’association fréquente n’ont pas été traitées. En effet, presque des barres avec les gouges dans les toutes nos connaissances sur la période composantes de l’archaïque moyen archaïque proviennent des sites du Maine. supporte cette hypothèse (Petersen 1995 : Nous assumons ici que le matériel du 216, Robinson 1996). Maine peut servir à reconnaître les composantes contemporaines dans les Les artéfacts de la composante 2 Maritimes, mais par prudence, nous Le site de Jemseg Crossing a produit servons la mise en garde à l’effet que cette plusieurs artéfacts. Les seuls artefacts de la assomption pourrait s’avérer trop simpliste composante 2 trouvés in situ sont un avec les recherches futures. Pour fragment de barre polie trouvé à côté d’un compliquer encore plus la situation, il faut biface non aménagé (planche 16.2) et 24 souligner que l’archaïque ancien et moyen éclats en pierre volcanique décolorée. Ils ont ont seulement récemment été définis été trouvés dans l’unité TB-1, l’un des clairement au Maine (Robinson 1996 : 95). premiers sondages effectués lors du PAJC, à Ces analyses nous apprennent que certains une profondeur de 30 cm, à quelques traits de l’archaïque moyen (datant d’aussi centimètres du till de fond (voir chapitre 3, tôt que 8500 AA) peuvent persister jusqu’à la section sur la stratigraphie du site). Ils l’archaïque récent (3700 AA, Robinson 1996, n’étaient pas associés à des structures voir aussi Petersen 1995). visibles ou à du matériel datable. En De manière générale, les artéfacts supposant que ces objets n’ont été que diagnostiques de l’archaïque moyen minimalement perturbés, leur position peuvent inclure des barres de pierre polie, appuie l’inférence d’un développement des gouges à cannelure complète, de gros minimal du sol sur la terrasse supérieure au

213 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 16.2 : Quelques artéfacts du site de Jemseg possiblement de l’archaïque moyen à récent; en haut à gauche : base de pointe à encoches latérales; en bas à gauche : biface asymétrique; colonne du centre : barres polies; colonne de droite : grattoirs en quartz.

Planche 16.3 : Minces fragments d’ardoise polie; à noter sur la pièce de gauche les bords adoucis et les rayures parrallèles au bord inférieur, et sur la pièce de droit, le bord inférieur biseauté.

214 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 16.4 : Fragments d’ardoise polie du site L’intégrité contextuelle de ces artéfacts de Jemseg Crossing. est suggérée par les indices stratigraphiques et l’histoire du site. Une assiette éclatée du XIXe siècle en terre cuite fine blanche a été trouvée sous la tourbe de cette unité. La majorité des 19 tessons gisaient sur le même plan horizontal à moins de 20 cm les uns des autres. Cette distribution suggère l’absence de perturbation qui résulte d’activités agricoles comme le labour. Tous les objets de la période postérieure au Contact étaient concentrés dans les début de l’holocène. L’unité TB-1 est située premiers 5 cm de TB-1 et étaient isolés des à l’extrême sud-est de l’emprise (figure 8.2) artéfacts de la période précédant le Contact et correspond bien à la partie mince dans le par une épaisseur d’au moins 25 cm de sol. schéma stratigraphique théorique des Aussi, un résident du secteur qui connaît dépôts alluviaux. l’usage du site depuis les dernières 70 à 80 Planche 16.5 : Classes d’artéfacts du site de Jemseg Crossing typiques des composantes archaïques. À gauche : préforme bouchardée de hache ou herminette; centre haut : galet encoché; centre bas : chopper sur gros éclat; droite : pierre à cupule.

215 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 années nous a indiqué que cette section dans des contextes perturbés. Ceci fait était située au-delà d’une limite de obstacle à l’analyse et à la datation plus propriété, et n’avait jamais été labourée (R. précise de ces objets, un problème qui ne Dykeman, comm. pers., Dignam 1997). peut être résolu qu’avec d’autres fouilles Si la barre et le biface se trouvaient dans des dépôts intacts. Les classes d’artéfact un contexte relativement peu perturbé, (tant présentes qu’absentes), la nature nous pouvons imaginer qu’ils partagent un utilitaire des spécimens et l’absence de usage et un âge. Bien que les bifaces soient structures à ocre rouge de la période inhabituels dans les contextes de archaïque font penser à des activités l’archaïque moyen, des fouilles récentes au domestiques d’un site d’habitation. Maine ont produit des bifaces asymétriques L’assemblage de la composante 2 offre similaires en association avec des artéfacts des pistes de recherche, mais pose aussi plus classiques de l’archaïque moyen, plusieurs problèmes d’interprétation. comme les barres en pierre polie (Cox 1991, Visiblement, il y a des éléments de cet voir aussi la discussion plus loin). ensemble qui portent des caractéristiques L’assemblage artéfactuel de Jemseg distinctes de l’archaïque moyen, tel manquait de certaines classes particulières à qu’entendu actuellement en fonction des l’archaïque. Ainsi, nous n’avons pas mis au données du Maine. Les artéfacts des jour de gouges, de poids de filet complets collections privées corroborent cette ou de pointes polies en ardoise. interprétation. Or, il demeure difficile de préciser la nature de cet assemblage. Les Discussion phases et les complexes identifiés au Maine Ces trouvailles confirment qu’il y a eu pourraient servir à identifier et à dater dans le secteur, des activités durant les l’assemblage de Jemseg, mais la recherche périodes de l’archaïque moyen et du début au Maine en est toujours à un stade de l’archaïque récent. Malheureusement, préliminaire et elle se base fortement sur presque tous les artéfacts qui ont pu être l’analyse des sites mortuaires. Les sites attribués à cette période ont été découverts d’habitation de l’archaïque moyen, comme Planche 16.6 : Poids de filets de Jemseg Crossing. celui dont témoigne la composante 2 de Jemseg, demeurent très peu connus. De façon générale, nous pouvons offrir deux scénarios pour dater la composante 2. (1) Selon les informations actuelles disponibles des composantes de l’archaïque ancien et moyen au Maine, les artéfacts archaïques de Jemseg (en particulier les barres en pierre polie et certaines des classes de grattoirs expédients et de couteaux) pourraient dater du début de

216 Wolastoqiyik Ajemseg l’archaïque moyen (peut-être aussi vieux scène une utilisation peu intense à long que 8500 AA). Dans un tel scénario, cette terme, ce qui résulte en une déposition en période d’activité a été suivie par une série palimpseste. Le second met en scène une d’activités mineures à l’archaïque moyen et utilisation plus intense mais restreinte dans récent (dont témoignent possiblement les le temps. Dans l’un ou l’autre des cas, le fragments d’ardoise polie et certaines point de mire de l’occupation étai classes d’artéfacts identifiés dans les vraisemblablement situé juste à l’extérieur collections privées). Ainsi, le niveau de de l’emprise, au sud et à l’est de l’aire A. labour contiendrait les restes de 3000 à 5000 C’est le groupe d’artéfacts de l’archaïque de années d’activités (de 8500 AA à 3500 AA) la moitié est de la terrasse supérieure qui qui ont été inextricablement mélangés par fait à dire cela. Nous pensons que ces les activités agricoles récentes. témoins ont été dispersés depuis leur (2) Le second scénario attribue tout ce position d’origine par le labour. Ces matériel de la composante 2 à une période questions ne pourront être résolues que par située vers environ 5000 AA, de façon d’autres recherches à l’échelle locale et similaire à l’interprétation du site 95.20 par régionale. Cox (1991). Ceci suggère une affiliation à Il est donc impossible de déterminer l’archaïque laurentien. Par le biais de ce des schèmes de saisonnalité, de mobilité, de scénario, nous pouvons intégrer les classes subsistance et d’établissement à partir de d’artéfacts peu communes au sein d’une ces objets en raison du manque unique occupation du site (spécialement les d’association avec des structures. La fragments d’ardoise polie, les barres polies relation entre les populations archaïques de et le biface). Mais, il ne s’agit pas d’une la basse vallée de la rivière Saint-Jean et les interprétation plus adéquate que la groupes de la côte ou de plus loin à première vu la distribution des artefacts et l’intérieur reste aussi mal comprise. l’absence d’information contextuelle. Aussi, Dans la région, les chercheurs plusieurs archéologues restent prudents à considèrent que les groupes étaient petits, propos de l’adoption de taxons macro- mobiles et chasseurs-cueilleurs durant régionaux de l’histoire culturelle, par l’archaïque moyen et le début de exemple l’archaïque laurentien (voir Cox l’archaïque récent. En supposant que ce 1991 : 151, Sanger 1976, Wright 1999). modèle tienne, il est possible de proposer Certains ont suggéré que ce taxon ait été quelques idées sur la nature de mal appliqué et abusé dans la Péninsule l’établissement de Jemseg. Le secteur de maritime, spécialement en tant que façon Jemseg a pu être le lieu de plusieurs arrêts d’identifier typologiquement les outils d’un cycle saisonnier, où les gens venaient taillés (Tuck 1991 : 51). s’installer pendant une courte période pour Malheureusement, ces deux scénarios exploiter des ressources spécifiques. Or, la suggèrent aussi différents niveaux position du site dans le réseau des voies d’activités régionales. Le premier met en d’eau intérieures semble souligner son

217 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 importance dans les activités archaïques. En semble aussi que nos connaissances de tenant compte des hypothèses de Robinson l’archaïque récent sont suffisamment (1996) sur l’importance de ces systèmes bonnes pour pouvoir le distinguer des hydrographiques intérieurs dans périodes précédentes, probablement à cause l’expression de la territorialité et des du degré avec lequel cette période a été interactions régionales, le site de Jemseg a étudiée. Enfin, étant donné la proximité du pu être un endroit où les groupes se cimetière de Cow Point (à environ 5 km), la rassemblaient pour socialiser, faire des présence d’indices de site d’habitation à cérémonies, commercer et échanger des Jemseg peut fournir des éléments sur des biens, des histoires et des idées, ainsi pour aspects peu explorés des activités locales à renforcer les liens familiaux et sociaux. l’archaïque récent. Mais, les composantes 2 et 3 sont ici La composante 3 : l’archaïque récent. identifiées sur des bases typologiques car L’archaïque récent s’étend, de façon elles ne peuvent pas l’être sur des bases générale, d’environ 5000 à 6000 AA jusqu’à stratigraphiques ou comportementales. environ 3800 AA. Dans cette recherche, j’ai Nous pourrions donc considérer ces deux incorporé le matériel du début de composantes comme un continuum l’archaïque récent (attribué par Cox, 1991, à d’activités où se manifeste une lente la phase vergennes de la tradition progression des types d’artéfacts et des laurentienne) dans la composante 2. Donc, développements culturels locaux. Elles sont je le distingue du matériel plus récent, peut-être aussi représentatives d’activités comme celui de la phase Moorehead ou de différentes à différents moments, ce qui est la phase Cow Point (Robinson 1996). mal perçu à cause du manque de division Cependant, dans le contexte du site de stratigraphique et de l’analyse grossière qui Jemseg Crossing, cette distinction est en résulte. complètement superficielle. J’ai fait la distinction entre l’archaïque moyen et Les manifestations régionales de récent initial (environ de 8000 AA à 4500 l’archaïque récent AA) et l’archaïque récent (environ de 4500 à Comme nous l’avons déjà mentionné, 3800 AA) pour plusieurs raisons. Avant la plusieurs phases et complexes suivent la fouille de Jemseg, l’archaïque de la tradition de l’archaïque laurentien. Il s’agit composante 2 n’avait pas encore été exploré de la phase Moorehead, la tradition Small localement, ce qui contraste avec les Stemmed Point et la tradition nombreux indices de l’Archaïque récent Susquehanna. De celles-ci, la phase dans le bassin hydrographique de la rivière Moorehead a été la première à avoir été Saint-Jean (principalement des sites comme analysée dans la région, essentiellement à Cow Point [Sanger 1973, 1991] et Portland travers une série de sites au Maine Point [Harper 1957, Jeandron 1996]). Il nous (Willoughby 1922) et le cimetière de l’archaïque récent au site Cow Point.

218 Wolastoqiyik Ajemseg

Le cimetière de Cow Point (BlDn-2) est polis ainsi que plusieurs classes de situé dans le système hydrographique de matériaux taillés (Tuck 1991, Sanger 1973, Grand Lake, à environ 5 km au nord-ouest 1975, 1991). De manière plus informelle, les du site de Jemseg Crossing. Il a été fouillé gros choppers et les gros outils à gratter dans les années 1970 par la Commission sont également associés à la phase archéologique du Canada (Sanger 1973, Moorehead. Ces points communs font qu’il 1991). Cette fouille avait mis au jour des est difficile de distinguer le matériel de la structures à ocre rouge contenant des phase Moorehead de celui qui précède ou sépultures et des offrandes funéraires dont qui suit. Des matériaux comme le quartzite des objets en pierre polie, tout spécialement de Ramah du nord du Labrador et la les baïonnettes en ardoise, délicatement morphologie de certains outils, comme les gravées de motifs complexes (Sanger 1991). pointes à pédoncule, suggèrent des liens sur Deux datations radiométriques initiales, de longues distances avec les régions au provenant de deux contextes différents, nord, particulièrement Terre-Neuve et le avait suggéré un usage du cimetière entre Labrador. Ces attributs ont fait dire à Tuck 4000 et 3700 AA (Sanger 1991 : 87). D’autres que la variation de l’archaïque récent datations ultérieures, sur le matériel de la pourrait s’intégrer au seing de l’archaïque collection, a permis d’améliorer la précision maritime (Tuck 1994 : 51). En effet, et d’indiquer que les sépultures datent de la plusieurs considèrent que la phase (ou le portion ancienne de cette fourchette de complexe) Moorehead se limite au Maine et temps (Robinson 2001). Il est clair qu’un tel aux régions vers le nord-est de celui-ci cimetière témoigne de l’existence d’une (Petersen 1995). population résidant localement. Très peu de La tradition Small Stemmed Point est la sites d’habitation de cette période ont plus fugace des manifestations de néanmoins été documentés dans les l’archaïque récent et se définit largement à Maritimes. Des artéfacts diagnostiques des partir de la typologie des pointes de collections privées, récoltés en surface, projectile (Bourque 1995 : 38, Tuck 1984 : confirment la présence d’une population 19). Elle se caractérise, de façon générale, significative de l’archaïque récent (Sanger par de petites pointes à lames étroites avec 1975). Les archéologues ont régulièrement des aménagements mal définis. Il s’agit fait face à des artéfacts de cette période sans d’une manifestation d’origine méridionale à association à des structures trouvées sous peu près contemporaine avec la phase des composantes du sylvicole maritime Moorehead (Petersen 1995). Il n’y a pas (Black 1992, Tuck 1991). d’indices de cette tradition à Jemseg. Plusieurs des traits classiques associés La dernière manifestation significative au matériel de la phase Moorehead ont des de l’archaïque récent dans la Péninsule antécédents dans les périodes précédentes, maritime est la tradition Susquehanna, qui comme les outils fins en ardoise polie, les apparaît entre 4000 et 3000 AA (Allen 1998, poids de filets, les gros outils bouchardés et Black 2000, Bourque 1995, Davies 1982, Deal

219 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

1984). La question de l’origine et de la pointes ont pu être corrélées à des contextes nature des pratiques de subsistance de la régionaux de la fin de l’archaïque. Mais tradition Susquehanna n’est pas résolue d’autres types ont été utilisés durant de (Bourque 1995, Petersen 1995, Robinson longues periods qui dépassent cet épisode, 1996, Tuck 1991) mais il demeure clair qu’il alors que d’autres encore connaissent des s’agit d’une manifestation différente des variantes similaires qui vont réapparaître autres de l’archaïque récent. Parmi les beaucoup plus tard. Pour les besoins de la caractéristiques de sa culture matérielle, il y discussion, ces types de pointes ont été a l’usage de récipients en stéatite (souvent groupés selon des attributs superficiels ou considérés comme les antécédents stylistiques (comme la dimension, le degré technologiques de la poterie), les pointes à de divergence ou convergence du lames larges, des matériaux lithiques pédoncule, la présence et la nature distincts et des haches à gorge. d’encoches, le matériau lithique) en six Comme la composante 2 précédente, types grossiers. En tout, 12 pointes peuvent l’archaïque récent est surtout confiné à la être assignées à la composante 3 et nous en terrasse supérieure de Jemseg. Or, comme discutons selon notre modèle de nous l’avons vu au chapitre 14, plusieurs classification. structures intactes qui pourraient dater de (1) Les pointes de format moyen à lames l’archaïque récent ou de l’Archaïque étroites et à pédoncule droit ou légèrement terminal ont été observées et enregistrées divergent sous les labours au cours du PAJC, alors que beaucoup d’autres, qui ne recelaient (2) Les pointes de format moyen à lame pas d’artéfacts diagnostiques et qui restent étroite avec de larges encoches latérales et donc non datées, pourraient éventuellement à rétrécissement (col) bien défini être rattachées à ces périodes. Nous Nous avons trouvé deux pointes de discuterons ici des structures (et leur format moyen à pédoncule long et contenu) qui se rattachent à la composante légèrement divergent et à lame triangulaire, 3 ainsi que des artéfacts diagnostiques de en pierre volcanique décolorée (JC42). La l’archaïque récent qui ont été trouvés dans base des pédoncules n’est pas modifiée et le contexte perturbé des labours. conserve le plan de frappe de l’éclat original (planche 16.7). Quatre autres Les artéfacts de l’archaïque récent et de pointes similaires mais avec la base l’archaïque terminal modifiée et de larges encoches latérales Plusieurs artéfacts ont pu être attribués (planche 16.7) ont aussi été trouvées. Dans à l’archaïque récent ou à l’archaïque plupart de ces cas, les encoches larges terminal. Ils se répartissent en deux délimitent un rétrécissement droit et bien catégories : les instruments lourds liés au défini. Cet attribut contraste avec les autres travail du bois, au tranchage et au grattage, variantes d’encoches latérales. Les lames de et les pointes de projectile. La plupart de ces ces deux types vont de très longues, étroites

220 Wolastoqiyik Ajemseg et foliacées à plus courtes et triangulaires. l’archaïque terminal (environ 3500 AA). Ces pointes sont aussi fabriquées dans des Bourque, qui au départ a attribué les pierres volcaniques pâles ou décolorées pointes à pédoncule droit et à lame étroite à (JC33, JC42 et JC43), à l’exception d’une l’archaïque récent (Bourque 1975 : 37), en a pointe en chert gris qui pourrait être du reclassé certaines dans la période sylvicole chert Munsungun (JC51). Les bases non céramique (Bourque 1995 : 181). modifiées sur les pointes à pédoncule droit D’autres associations ont été aussi sont considérées comme un attribut documentées ailleurs. D’après les données diagnostique des pointes de l’archaïque du New Hampshire, Dincauze (1976 : 36) récent, dont celles de la phase Moorehead suggère que ces pointes sont généralement (Bourque 1971 : 262, et Sanger 1997, comm. associées à l’archaïque récent, pers.). Des pointes à pédoncule droit très conformément aux données du Labrador similaires au type (1) de Jemseg ont été (Tuck et McGhee 1975 : 85, 87). Une mises au jour dans le secteur du site de association à l’archaïque récent est appuyée Cow Point (Sanger 1973 : 208). Les types (1) par des pointes de la région de Montréal et (2) de Jemseg peuvent être regroupés, (Clermont et Chapdelaine 1982 : 32). Et avec un certain jeu, sous la définition de dans certaines parties du sud de la pointes de type « Bradley », telles que Nouvelle-Angleterre et de l’État de New décrites par Bourque et basées sur les York, des pointes similaires ont été trouvées données de la côte centrale du Maine. « Ces dans des composantes du sylvicole pointes sont grandes et assez minces, avec inférieur (Granger 1978 : 387, 394, Funk un épaulement bien défini et, soit un 1988). pédoncule droit à élargissement basal, soit En raison de l’association ferme au un pédoncule divergent se rapprochant des niveau régional entre ce type de pointe et la encoches latérales. Le pédoncule est phase Moorehead de l’archaïque récent, les rarement complètement droit. Des plans de types (1) et (2) de Jemseg suggèrent un lien frappe sont parfois évidents sur la base de avec les populations locales d’entre 3700 et ces pointes » (Bourque 1971 : 262). 4500 AA. Malheureusement, toutes ces Le type Bradley est généralement pointes proviennent de contextes perturbés, considéré daté de la période entre 3700 et soit trois dans l’aire A, une dans l’aire D et 4500 AA. Cependant, il y a de nombreux cas deux de la grève dans l’aire F. de pointes similaires avec des associations (3) Les pointes à encoches latérales à plus diverses autant au Maine qu’ailleurs base élargie dans le nord-est. Au Maine, Cox (1991 : Ce type de pointe, représenté par deux figure 5 : F, G) rapporte deux exemples spécimens, se distingue du type 2 par un similaires d’une composante rétrécissement mal défini et une lame plus vraisemblablement de la phase vergennes courte et plus large à bords convexes (environ 5000 AA), alors que Petersen (1995 (planche 16.8). L’une de ces pointes, : 221) a attribué des spécimens similaires à

221 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 fabriquée dans une rhyolite rouge à rayures (Black 1992, 2000). Généralement, les fluantes, est très usée, apparemment par pointes Orient sont associées à la phase l’action de l’eau, et elle est donc difficile à Orient de la tradition Susquehanna, une classer. L’autre, en pierre volcanique verte manifestation méridionale de l’archaïque décolorée (JC43), ressemble au style de terminal (Petersen 1995). Des pointes pointe Orient qui est commun durant similaires ont été trouvées dans le centre du l’archaïque récent (Ritchie 1971), mais qui Maine dans des contextes du sylvicole persiste aussi durant l’archaïque terminal inférieur (Rutherford 1989 : 3). D’autres

Planche 16.7 : Les pointes de projectile de type (1) et (2) de Jemseg; spécimens a, b et c : type 2, spécimen d et 3 : type 1.

b a

c d e

0 5 cm

222 Wolastoqiyik Ajemseg spécimens sont reliés à des contextes de pointe émoussée (n° 44] a été trouvée sur la l’archaïque laurentien en tant que variantes grève alors que l’autre provient des du type Otter Creek (Tuck 1991 : 54). Nos alluvions perturbées de l’aire A. deux spécimens présentent un certain (4) Les pointes épaisses de format moyen à émoussage sur les faces et les arêtes, un pédoncule convergent attribut des pointes Otter Creek de Ces deux pointes sont de format moyen l’archaïque laurentien, mais cette avec une lame courte triangulaire et très modification pourrait être due à une usure épaisse et un long pédoncule convergent naturelle dans le sol ou l’eau. Néanmoins, (planche 16.9). L’une est en porphyre Kineo- ils sont trop petits pour entrer facilement Traveller Mountain (JC29), un matériau dans la catégorie Otter Creek. dont la source est au centre du Maine. En dépit de ces associations tout Ces deux pointes ne montrent presque azimut, l’opinion la plus courante est que pas d’amincissement ou de finition. L’une les pointes à encoches latérales larges, provient de la grève et l’autre des labours comme celles du type 3 de Jemseg, sont de l’aire A. Ce style de pointe est typiques de la phase Orient de l’archaïque caractéristique de plusieurs périodes et il terminal (après 3500 AA, Black 2000), et apparaît d’une manière indépendante de la donc peuvent témoigner d’une présence continuité culturelle. De telles pointes ont apparentée à la tradition Susquehanna. La été trouvées dans des contextes de Planche 16.8 : Pointes de projectiles du type 3, l’archaïque (Bourque 1995 : 45, Ritchie avec de larges encoches latérales et une base 1971 : 46), et aussi, plus près de nous, dans élargie. des contextes du sylvicole inférieur et moyen (Allen 1980 : 113, Foulkes 1981 : 94, Buchanan 1999, comm. pers.). Les spécimens du sylvicole semblent être des variantes de bipointes ou de bifaces losangiques. Les cas de Jemseg portent des épaules bien définies qui séparent une courte lame triangulaire d’un long pédoncule convergent. Elles présentent peu de taille par pression et d’amincissement, ce qui est évident sur certaines pièces de la période du sylvicole. Aucune des deux ne fut trouvée près de la composante du sylvicole, elles étaient plutôt rapprochées a b des autres artéfacts potentiellement archaïques. Une partie de la variation, 0 5 cm comme la lame écourtée, pourrait résulter

223 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 de l’usage et de l’affûtage plutôt que de Amérique du Nord comme le type Benton choix stylistiques. (Dragoo 1991 : 17), les variantes du type Snook Hill (Ritchie 1971 : 47), le type Stark (5) Les pointes à lame large et à petit (Dinkause 1976 : 28, Tuck 1991 : 39), dont pédoncule aucune n’a encore été trouvée dans les Une seule pointe large à petit Maritimes. Malgré l’état fragmentaire du pédoncule fut trouvée dans l’aire A, à une pédoncule, il est possible de la considérer profondeur de 53 cm, ce qui est bien en comme une variante d’Otter Creek dont la dessous du niveau perturbé (de 0 à 30 cm base est manquante. Ceci rattacherait l’objet sous la surface). Le spécimen, en tuff à la composante 2 (archaïque moyen et rhyolithique très patiné (JC37), est brisé en début de l’archaïque récent). sept fragments (planche 16.10). Le type de Enfin, et ce qui est vraisemblablement cassure suggère une puissante force le cas, cette pointe pourrait être apparentée verticale (tel qui pourrait survenir par aux pointes à lames larges Susquehanna piétinement) ou encore par l’action du gel (Bourque 1995 : 110). La lame n’est pas si et de la détérioration. Elle est longue, avec triangulaire et la base n’est pas si bien une lame large et irrégulière, et elle porte définie que les pointes de lances larges un petit pédoncule incomplet qui laisse typiques. Ceci peut être dû à la fâcheuse envisager la possibilité d’une présence tendance des archéologues à illustrer d’encoches latérales ou en coin. Cette pointe seulement les plus beaux exemples des est similaire aux pointes à lame large de classes artéfactuelle. Selon un analyste des l’archaïque moyen identifiées ailleurs en Planche 16.9 : Pointes de projectile du type 4, épaisse et à pédoncule convergent.

a b

0 5 cm

224 Wolastoqiyik Ajemseg collections archaïques, cette pointe reste pédoncule droit, à lame triangulaire courte, similaire, malgré son pauvre état, aux en chert translucide (JC53, planche 16.11). pointes Susquehanna (Murphy 1998, comm. Comme pour les types discutés auparavant, pers.). Bien entendu, la profondeur de la celui-ci a aussi été trouvé dans plusieurs pointe suggère une appartenance ancienne contextes. Bourque (1995 : 109), Tuck (1991 : bien que, comme nous l’avons vu ailleurs, 63), Deal (1986 : 64), Sanger et Davis (1991 : cette inférence est problématique. 78) ont attribué localement des cas similaires à la période Susquehanna. Sanger (6) Les petites pointes à pédoncule droit et (1971) en a rattaché au complexe Tobique, à lame triangulaire une manifestation définie nébuleusement Nous avons trouvé une petite pointe à

Planche 16.10 : Pointe de projectile de type 5, à lame large et à petit pédoncule. Vu des deux faces.

0 5 cm

225 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 comme une extension orientale de composantes. Cependant, de façon l’archaïque du Bouclier, parallèle mais générale, les témoins de l’archaïque moyen distincte de l’archaïque laurentien. Turnbull et du début du récent semblent se (1990 : 5), en reconsidérant plus tard le concentrer au sud et à l’est de l’aire A, alors complexe Tobique, a suggéré que ce type que ceux de l’archaïque récent et terminal date du sylvicole inférieur. Enfin, des types semblent se concentrer au nord-est de similaires ont été assignés à l’archaïque l’aire A. moyen, comme les pointes Neville du New L’un des problèmes avec cette Hampshire (Dincauze 1976 : 28). composante de l’archaïque récent est qu’il y a peu d’artéfacts que l’on peut identifier D’autres artéfacts possibles de comme diagnostique. À l’exception de nos l’archaïque récent types 1 et 2, qui semblent bien reliés à la Il y a, dans la collection de Jemseg, une phase Moorehead, présente au Maine, tous gamme d’artéfacts datant les autres types sont plutôt occasionnels, ne vraisemblablement de l’archaïque, mais qui faisant l’objet que de quelques lignes dans ne sont pas des pointes. Ceux-ci incluent les rapports, ou encore les pointes sont trois poids de filets grossièrement mis en carrément non typiques. Quelques forme, quatre herminettes, quatre haches, interprétations peuvent en découler. 50 fragments d’outils en ardoise polie, Avec de substantielles composantes de quatre pierres à cupule, 16 fragments l’archaïque terminal et du Sylvicole d’outils non identifiables en pierre bouchardée et polie, 20 pierres abrasives ou Planche 16.11 : Pointe de projectile du type 6, meules, 23 percuteurs, 12 forets et une petite avec un pédoncule droit. variété d’outils à trancher et à gratter. Toutefois, certains de ces objets pourraient également être reliés aux composantes archaïques précédentes ou encore aux composantes sylvicoles suivantes.

Discussion De toute évidence, il y a au site de Jemseg Crossing une présence de l’archaïque récent qui reste irrégulière et quelque peu intangible. À l’instar de l’occupation de l’archaïque plus ancien, le gros des aires d’activité et d’habitation de l’archaïque récent était adjacent mais non correspondant à l’emprise du pont de 0 5 cm l’autoroute. Ce pattern répété n’améliore en rien notre perception de ces deux

226 Wolastoqiyik Ajemseg inférieur maritime au sein de l’emprise, il période unique peuvent résulter de ces semble raisonnable que certaines, sinon la facteurs. plupart de ces pointes vaguement De façon différente, il se pourrait que archaïques soient simplement des variantes certains de ces types aient été en usage de pointes du sylvicole inférieur qui sont durant de longues périodes de temps. Ceci mal définies dans la documentation pourrait signifier qu’il y a une forte régionale. Les archéologues ont tendance à continuité entre les nombreux complexes et se concentrer sur les éléments phases qui ont été isolés diagnostiques, au détriment des variations archéologiquement, ou encore que ces subtiles qui sont soit ignorées ou effleurées. pointes ont une origine en dehors de la On pourrait donc suggérer que le Sylvicole région chez un groupe avec lequel les gens maritime inférieur soit en continuité avec de Jemseg ont interagi pendant une très les manifestations précédentes de grande période de temps. l’archaïque récent ou que ces pointes du Si nous acceptons que certains de ces sylvicole inférieur ont été attribuées par artéfacts représentent la période de erreur à l’archaïque. Mais, étant donné la l’archaïque récent (comme je le crois), à quel variété des contextes dans lesquels elles aspect de cette période sont-elles apparaissent dans le Nord-Est et la nature si apparentées? La plupart des liens évidents diverse des éléments archaïques qui ne sont le sont avec la phase Moorehead du Maine, pas des pointes, il nous semble peu ce qui rattache notre assemblage aux probable que cette explication s’applique à activités quotidiennes des gens qui tous ces artéfacts. entretenaient le cimetière de Cow Point. À l’inverse, il se peut que ce soient tous Cette hypothèse est logiquement des types de l’archaïque qui sont mal satisfaisante car il est évident que la reconnus et qui se retrouvent fréquemment présence d’un site funéraire comme Cow mélangés avec du matériel du sylvicole. Point implique la présence de gens qui Après tout, les structures datant des habitent le secteur. Malheureusement, avec composantes 5 et 6 impliquent souvent des un assemblage si fragmentaire et dispersé, creusements de fosses comme planchers sans association à des structures qui offrent d’habitation semi-souterraine ou comme des indices de subsistance et d’utilisation de lieu de rejet des déchets. La construction de l’espace, on ne peut en tirer beaucoup plus. telles structures va régulièrement traverser S’il y a peu dans l’assemblage de des niveaux plus anciens (Granger 1978). Il Jemseg Crossing qui peut être corrélé avec est connu que les gens de la période la tradition Small Stemmed Point de précédant le Contact récoltaient et Bourque, il y a toutefois quelques pointes utilisaient occasionnellement des objets qui pourraient être reliées à la tradition plus anciens (Varley 1997, comm. pers). Susquehanna (par exemples les pointes des Certaines difficultés rencontrées dans la types 5 et 6). Aucun autre artéfact de cette tentative d’assigner des pointes à une tradition n’a été trouvé, comme les haches à

227 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 gorge, les pointes larges à coins coupés, les proviennent de contextes perturbés. Nous forets diagnostiques ou encore des artéfacts avons tenté de prendre en considération fabriqués en rhyolite rayée de Vinalhaven. toutes les possibilités d’attribution La présence de quelques types de pointes culturelle car si peu de composantes de l’épisode Susquehanna peut indiquer d’habitations de l’archaïque récent ont été soit une interaction avec les groupes fouillées dans les Maritimes. Susquehanna au sud durant l’archaïque La composante 4 : l’archaïque terminal terminal, soit une présence sporadique Bien qu’il existe beaucoup de débats sur locale de ces groupes. Ces éléments font la nature de la terminaison de l’archaïque, partie d’un débat qui a lieu à l’échelle la plupart des archéologues de la Péninsule régionale sur la nature de la manifestation maritime reconnaissent des différences Susquehanna (s’il s’agit ou non d’un significatives entre l’épisode récent de Cow mouvement de population dans la région) Point et l’épisode Susquehanna qui lui et sur la nature de la relation entre les succède (Bourque 1995, Dincauze 1972, groupes utilisant la culture matérielle 1975, Petersen 1995, Robinson 1996 : 137, Susquehanna et ceux utilisant celle de la Snow 1980 : 244). La tradition Susquehanna phase Moorehead (Robinson 1996). La se compose de plusieurs phases, qui sont la présence des deux manifestation dans notre phase atlantique (la plus ancienne), la phase secteur est pertinente à ce débat. Or, Watertown et la dernière dans la Péninsule puisque ces discussions dépendent de la maritime, la phase Orient (Black 2000 : 90, détermination de contemporanéité entre le Petersen 1995 : 221). Susquehanna et le Moorehead, il devient La plus ancienne phase de la tradition évident que des recherches supplémentaires Susquehanna est mieux connue d’après la sont nécessaires pour résoudre ces recherche conduite au site de Turner Farm questions. En effet, en l’absence d’un sur la côte centrale du Maine (Bourque assemblage plus substantiel et de structure 1981, 1995). D’après Dincauze (1972, 1975), identifiables avec des datations la phase atlantique se manifeste par de gros radiométriques, il reste difficile d’ajouter bifaces et pointes de projectile à lame large des éléments supplémentaires à nos (« les instruments à lame Atlantique »), des interprétations sur le mode de vie des gens grattoirs, des forets et des pierres à briquet. de Jemseg durant l’archaïque moyen et La phase Watertown est similaire, mais se récent. distingue de la précédente par un passage Notre discussion a été fortement des lames atlantiques aux pointes Mansion orientée sur la typologie. Idéalement, nous Inn, à lames larges et aux coins coupés. devrions élargir la discussion aux aspects Beaucoup de sites de ces deux premières de la technologie, des modes de vie, des phases se trouvent dans le sud et le centre pratiques de subsistance et des schèmes du Maine (Borstel 1982, Bourque 1992, Cox d’établissement. Malheureusement, comme et Kopec 1988, Holmes 1994, Mitchell 1992, on l’a vu, la plupart de ces artéfacts

228 Wolastoqiyik Ajemseg

Spiess 1997, Spiess et Heden 2000, Spiess et (harper 1957, Jeandron 1996, Jeandron et al. Cranmar 2000, Spiess et al. 1988, Trautman 2000, Murphy 1998). 1996, Trautman et Spiess 1992). Plusieurs Au site de Jemseg Crossing, nous avons ont soutenu qu’il n’y avait peu ou pas de trouvé une série de petites structures près gros sites Susquehanna dans la partie nord de la limite orientale de l’aire A (les de la Péninsule maritime (Tuck 1984 : 21), structures 61 à 65, voir chapitre 14). d’autres sont en désaccord avec ce point de Quelques artéfacts ont été trouvés en vue (Deal 1985, 1986). Cette absence est association directe avec des structures dont souvent citée comme preuve appuyant une pointe à lame large et à coins coupés l’hypothèse que la tradition Susquehanna (planche 16.9) et un biface à base représente une intrusion dans le Maine de manquante, en quartzite gris enfumé, groupes venant du sud il y a environ 4000 à possiblement de Ramah2. Alors que l’usage 3700 AA (Sanger 1973, 1975 : 69, Bourque de ce matériau n’est pas typique du 1995 : 252-253, Robinson 1996, Snow 1980 : Susquehanna, il pourrait représenter ici des 247). liens avec les régions nordiques que l’on ne Or, certaines collections privées dont rencontre pas dans les composantes de cette plusieurs qui proviennent du sud du période situées plus au sud. Il se peut aussi Nouveau-Brunswick (par contre souvent que ces structures soient apparentées à une sans provenance précise) contiennent des échelle chronologique de décennie ou de artéfacts Susquehanna comme des haches à siècle, un intervalle significatif en termes de gorge complète, des récipients en stéatite et relation entre la phase Moorehead et la des pointes larges à pédoncule et à tradition Susquehanna. Parmi les artéfacts encoches (Murphy 1998). En fait, qui ont été trouvés dans les labours au- l’échantillon de vases en stéatite de la basse dessus et près de ces structures, il y avait vallée de la rivière Saint-Jean, qui consiste deux pointes larges à encoches latérales qui en un récipient complet trouvé par Moses par leur position stratigraphique au-dessus Perley dans le secteur de French Lake des structures pourraient être plus récentes. (Turnbull 2002, comm. pers.) et de plusieurs Je reviendrai sur les conséquences de cette fragments provenant d’autres sites et lieux, séparation plus loin. Nous sommes est plus grand que les assemblages de actuellement à la recherche de fonds pour stéatite de la plus grande partie du Maine dater ces structures à l’aide de la méthode (Bourque 2000). Le site de Portland Point, AMS. En l’absence de dates, la présence et dans la ville de Saint-Jean au Nouveau- la nature d’une composante Susquehanna Brunswick, a produit une gamme ancienne à Jemseg reste peu comprise. d’artéfacts possiblement associables au Il reste toujours à identifier des dépôts Susquehanna, dont des pointes à lame large intacts et non équivoques témoignant de

2 Le métaquartzite de Ramah est une matière première du nord du Labrador. Des artéfacts de ce matériau ont été trouvé sur les sites des Maritimes. Bien qu’il soit considéré comme distinct à l’œil nu, et par conséquent relativement facile à identifier, certains archéologues ont suggéré que des variétés locales peuvent présenter une apparence macroscopiquement similaire. 229 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 composantes Susquehanna anciennes en 167, 253-254, 2000), ce qui correspond au densité équivalente à ce qui est trouvé au hiatus connu sous le nom de « Little Gap ». sud et au centre du Maine. Des outils de Les partisans de ce point de vue ont tradition Susquehanna ont été observés suggéré que les pointes de projectile larges dans les collections des Maritimes peuvent à encoches latérales (la pointe diagnostique être différents de ceux du sud. Je n’ai donc Orient Fishtail) sont associées de façon pas été en mesure d’examiner la relation ambiguë aux dépôts archéologiques, et que entre le site de Cow Pointe et les autres les fragments de vase en stéatite, une manifestations de l’archaïque récent dans la caractéristique fondamentale du basse vallée de la rivière Saint-Jean. Cette Susquehanna récent dans d’autres régions situation est plutôt fâcheuse car le site de du Nord-Est, sont très rares ou même Cow Point apparaît régulièrement dans absents des collections régionales (Bourque les interprétations régionales sur 2000). Ils signalent aussi qu’il n’y a pas de l’archaïque (Petersen 1995, Robinson 1996, site et de structure datées de la période Sanger 1973 : 136). En ce sens, il reste encore entre 3600 et 2700 AA (Bourque 1995 : 167, un hiatus significatif dans le document 2000). D’autres ont réfuté ces faits en archéologique, entre Cow Point et les soulignant l’existence de composantes dans manifestations subséquentes, bien que ce ne des contextes stratifiés au Maine (Petersen soit pas le même hiatus dont il est question 1991, Spiess et Petersen 2000), la présence ailleurs pour la fin de l’archaïque3. de récipients en stéatite dans le sud du Beaucoup d’entre nous qui travaillons dans Nouveau-Brunswick et, plus spécialement, la région soupçonnons qu’il est prématuré la mise au jour d’une variété d’artéfacts de considérer l’absence de sites diagnostiques dans la basse vallée de la Susquehanna au Nouveau-Brunswick rivière Saint-Jean. En se basant sur un site comme une indication de leur absence, car d’estran de la région de Quoddy dans le les prospections régionales sont peu sud-ouest du Nouveau-Brunswick, Bourque substantielles (voir aussi Turnbull et Allen (2000) a suggéré qu’il y ait persistance des 1988). pointes Susquehanna ancienne en plus des récentes comme la pointe Orient Fishtail, et Les approches régionales sur que la technologie des macrolames a l’archaïque terminal continué. Petersen (1995) a aussi suggéré La plus récente phase du Susquehanna qu’il y a pu avoir persistance des systèmes dans la Péninsule maritime est la phase technologiques de la tradition Susquehanna Orient (Snow 1980 : 239). Certains tout au long de l’archaïque terminal jusque archéologues ont avancé que la région dans le sylvicole maritime inférieur, s’était dépeuplée après les phases spécialement en ce qui concerne le support atlantique et Watertown (Bourque 1995 :

3 Le « Little Gap » (Turnbull 1992) fait d’habitude référence au hiatus entre la tradition Susquehanna et le début des traditions du sylvicole maritime inférieur, et non à celui entre la phase Moorehead de l’archaïque récent et les sites subséquents. 230 Wolastoqiyik Ajemseg sur la préforme bifaciale pour la sépulture à l’ocre rouge sur la rivière préparation d’une gamme d’outils variés. Miramichi qui était très similaire dans la Les indices d’activités de la fin de forme et le contenu à celui de Quarryville. l’archaïque terminal dans la portion nord Un fragment de charbon récolté dans un de la Péninsule maritime diffèrent de ceux échantillon d’ocre a donné une date AMS plus au sud. Plusieurs sites ont produit des de 2890 60 AA (Beta-80069, Keenlyside dates radiométriques entre 3600 et 2700 Aa, 1998, comm. pers.). Malgré l’occurrence de dont un petit camp avec une aire de fosses crématoires à ocre rouge dans la réduction lithique dans la moyenne vallée tradition Susquehanna, et malgré la de la rivière Miramichi. Le site Boulder correspondance de sa date à l’épisode tardif Camp, situé à l’embouchure de la rivière du Susquehanna, le site de Quarryville se Tobique, était un site d’habitation qui distingue par des artéfacts différents de recelait les restes d’un petit abri auprès ceux de la phase Orient. Ils sont très grands d’un gros bloc erratique (Keenlyside, s.d.). et minces, fabriqués en chert peu commun Bien que le site ait produit une quantité ou exotique, à grain fin (Allen 1988, abondante de débitage, il ne contenait pas Turnbull 2002, comm. pers.) et ne d’outils formels. Du charbon de bois ressemblent pas aux artéfacts de la tradition prélevé dans un petit foyer a donné une Susquehanna, tant dans la forme, que dans date de 2840 370 Aa n.c. Malheureusement, la technique de taille et la matière première. l’écart-type énorme de cette date ne permet Le site de Jemseg Crossing, à cheval entre pas d’être précis sur l’âge (le site a 95 % des ces deux comportements, a produit un gros chances de dater d’entre 3580 et 2100 AA). assemblage que nous avons daté Le site de Boulder Camp contraste avec les radiométriquement à cette période sites funéraires de l’archaïque terminal sur ambiguë. les bords de la rivière Miramichi, soit le site L’assemblage de la composante 4 Quarryville (Allen 1988) et le site Gaugenn L’archaïque terminal de Jemseg (Keenlyside et Turnbull 1999, comm. pers). Crossing est représenté par des structures Le site Quarryville, trouvé et partiellement datées associées à des artéfacts. Ces détruit par la pose de poteaux de ligne structures incluent un petit complexe électrique, a produit une petite fosse avec structurel sur la terrasse inférieure de l’ocre rouge. Elle contenait quatre très (complexe structurel 5 dans l’aire D) grands et minces bifaces non aménagés comprenant les structures 41 et 42, deux comme aucun de l’archaïque terminal du petits foyers au centre de la terrasse sud de la Péninsule maritime (figure 16.3). supérieure (str. 20 et 13 dans l’aire A) et une L’ocre contenait aussi du charbon épars et structure à ocre rouge (str. 8). Les dates des fragments d’os humains calcinés qui radiométriques de ces structures sont furent éventuellement rapatriés et présentées dans le tableau 16.1 réinhumés. Un collectionneur privé a récemment découvert un autre site de

231 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Ces structures variaient en dimensions, poterie. D’autres tessons du même vase en forme et en contenu. Le complexe proviennent des alluvions perturbées structurel 5 était une surface d’occupation immédiatement adjacents à la structure de grandeur moyenne, ovale et avec un (chapitre 14, planche 14.3). petit foyer décentré. Il contenait des écales La variété des structures pourrait de noix longues, du charbon, des cendres et refléter des patterns de saisonnalité. Si la 502 artéfacts lithiques dont 59 outils et densité de débitage du complexe structurel fragments d’outils, deux nucléus et 443 5 fait penser à une aire de fabrication éclats. En comparaison, les deux petits d’outil, le mélange des classes d’outils et foyers de l’aire A n’étaient pas associés à leurs schèmes d’usure, de cassure et de des planches d’occupation et ils ont produit recyclage suggèrent d’autres activités. Sa de plus petits assemblages d’artefacts. La configuration avec un foyer sur un plancher structure 29 était un foyer fosse renfermant d’occupation, sa configuration avec un une dense concentration d’écales de noix foyer sur un plancher d’occupation et sa longues (161,1 g) et des os calcinés position dans la plaine d’inondation sur la éparpillés. Dans et autour de la structure 29, terrasse inférieure pourraient témoigner nous avons découvert un fragment d’une habitation d’automne ou d’hiver. En d’ardoise polie et 14 artéfacts en pierre ce sens, la grande densité d’éléments taillée (six outils, un nucléus et sept éclats). lithiques peut faire penser à des activités La flottation et le tamisage de la fraction intérieures typiques des temps morts de lourde de la matrice du foyer a fourni une l’hiver. Les foyers sur la terrasse supérieure, grande quantité de microdébitage, au-delà de la plaine d’inondation peuvent, suggérant des activités d’affûtage de pour leur part, représenter des structures l’outillage lithique. La structure 13 était une extérieures printanières ou estivales. fosse profonde de 30 cm contenant du Toutefois, l’abondance de noix dans la charbon, quelques fragments de noix et de structure 29 signale soit une occupation sable, et elle pourrait résulter du dépôt d’automne tardif, soit l’entreposage de noix. primaire ou secondaire d’un foyer. On y a Il est fâcheux que l’absence de matériel également trouvé trois fragments d’outil, un organique comme des restes alimentaires ne nucléus, 31 éclats et un gros tesson de permît pas de faire des inférences sur la

Table 16.1 : Dates radiométriques de l’archaïque terminal au site de Jemseg.

o Structure Date AA N de labo Date calibrée Dimensions en cm (non cal.) (2 sigmas)

Comp. str. 5 3000±90 AA Beta-104908 1430-940 av. J.-C. 171 x 111 x 5 Str. 29 2960±130 AA Beta-104907 1450-825 av. J.-C. 106 x 71 x 19 Str. 7 2880±60 AA Beta-104906 1250-900 av. J.-C. 35 x 25 x 7 Str. 13 2870±70 AA Beta-156019 1270 à 850 av. J.-C. cal. 93 x 72 x 30

232 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 16.3 : Un biface du site de Quarryville. Dessin de Alexandra Sumner.

233 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 saisonnalité et la subsistance. Il y a peu fragments distaux (5) et mésiaux (2) de d’information sur la relation entre la bifaces ont aussi été trouvés. Certains structure d’habitation et la structure à ocre résultent de bris de fabrication, mais au rouge dont la nature est nettement moins un spécimen montre les signes d’un cérémonielle. Il se pourrait que ces bris causé par une force appliquée sur la structures soient consécutives dans le pointe d’un outil emmanché, donc durant temps, sans relations entre elles mais elles l’utilisation (spécimen 3515, du complexe pourraient aussi être concomitantes et structurel 5). Si la plupart de ces fragments représenteraient l’intégration d’activités sont bien mis en forme et amincis, l’un cérémonielles dans la vie quotidienne d’un d’eux, le spécimen 2684 du complexe groupe familial. structurel 5 montre une retouche marginale sans amincissement. Les outils bifaciaux La technologie lithique de la sont fabriqués dans une gamme de composante 4 matériaux dominés par les pierres L’assemblage de la composante 4 est volcaniques mafiques, felsiques et varié. Le complexe structurel 5 a produit un porphyriques (tableau 16.3). Un de ceux-ci assemblage lithique substantiel alors que semble être du secteur de Kineo-Traveller les structures 29 et 13 n’ont que de petits Mountain au Maine. assemblages artéfactuels, et la structure 7 En plus des outils bifaciaux, la n’a produit aucun objet lithique (tableau composante 4 présentait quatre gros 16.2). grattoirs unifaciaux. Deux sont des L’assemblage de la composante 4 est fragments de front (un en chert rouge de assez équilibré entre la production et Washademoak, pesant 0,7 g, et l’autre en l’utilisation de bifaces et l’utilisation de pierre volcanique mafique homogène à classes d’outils plus informelles comme des grain moyen, pesant 0,4 g). Les deux autres éclats retouchés et utilisés. Les bifaces sont étaient assez complets pour être analysés. minces et généralement petits. La seule Le spécimen 827 est grand, épais et dans un pointe aménagée provient du complexe mudstone pierreux gris vert pâle (JC 17, structurel 5. Elle est mince, de format figure 16.4). Il pèse 24,9 g et mesure 51,7 moyen, avec d’étroites encoches structurel mm en longueur, 34,3 mm en largeur et 12,5 les 5. Elle est mince, de format moyen, avec mm en épaisseur. Il a été fait sur un gros d’étroites encoches latérales asymétriques. éclat épais avec un plan de frappe Elle mesure 58,8 mm en longueur et sa perpendiculaire à l’axe de l’outil fini. Le largeur maximale est de 23,8 mm. La talon a ensuite été soigneusement enlevé largeur des rétrécissements fait 14,5 mm et durant la fabrication de l’objet, celle de la base 20,5 mm. Un biface non vraisemblablement, ce grattoir n’a pas été aménagé a été trouvé dans la structure 29. produit sur un éclat issu d’un nucléus Ce spécimen très patiné est mince et bifacial, mais probablement plutôt d’un relativement étroit, et il pèse 2.2 g. Des nucléus spécialement préparé à cet effet. Le

234 Wolastoqiyik Ajemseg

Tableau 16.2 : Les artefacts des structures de la composante 4.

Outil comp.str. 5 srt. 29 srt. 7 srt. 13 Total

Bifaces aménagés10001 Bifaces non aménagés01001 Grattoirs bifaciaux 0 0 0 0 0 Fragments de biface 6 0 0 2 8 Grattoire unifaciaux 3 1 0 0 4 Éclats retouchés 41005 Éclats utilisés* 44 3 0 1 48 Outils sur nucléus00000 Éclats 440 7 0 31 478 Nucléus21014 Percuteurs 2 0 0 0 2 Poterie 0 0 0 5 5 Pierre polie 0 1 0 0 1

Total 502 15 0 40 557

* J’ai fait une identification à l’oeil nu et avec un grossissement de 5x pour identifier les traces d’usure. Cette analyse s’est concentrée sur les pièces présentant des indices d’usure intense et présentant les attributs suivants : une usure localisée, unidirectionnelle, un poli d’arête et de petites esquilles. Des recherches récentes soulignent que le piétinement ou encore les dommages postérieurs à l’occupation peuvent ressembler à des traces d’usure (Bamforth 1988, Lévi-Sala 1986, Newcomer et al. 1986). Pour tenter de contrôler ce phénomène, j’ai laissé tomber l’usure possible sur les pièces minces ou fragiles (surtout les petites pièces d’un diamètre de moins de 10 mm), les pièces fracturées qui témoignent d’écrasement (comme l’indiquent les fractures en demi-lune) et les pièces avec des patterns d’usure distribués de façon aléatoire sur la surface. J’ai eu plus de succès à identifier l’usure sur matériaux à grain fin comme les cherts homogènes et les pierres volcaniques vitreuses que sur les matériaux à grains grossiers comme les quartz et les quartzites, et notre échantillon reflète ce biais.

Ce mod le de production de grattoir spécimen 794 montre un procédé è diff re des autres trouv s sur le site, et technologique similaire. Il a été fait dans un è é m me, diff re de fa on significative des chert brun semi-translucide moucheté de ê è ç grattoirs bifaciaux et unifaciaux du calcédoine (JC 53.3). Ce spécimen, brisé au sylvicole maritime inf rieur et des grattoirs centre, semble légèrement plus petit que le é unifaciaux et unguiformes du sylvicole spécimen 827. Il pèse 9,1 g et ses dimensions maximales sont 28,2 mm en maritime moyen et supérieur. longueur, 30,6 mm en largeur et 9.8 mm en J’ai aussi analysé les éclats de la composante 4. Cet assemblage montre une épaisseur. La cassure passe au centre des emphase sur la production et l utilisation de arêtes latérales, mais on y reconnaît tout de ’ bifaces. J ai distingu huit types d clats. même les indices d’un talon ’ é ’é Comme c est souvent le cas avec la perpendiculaire qui, à l’instar de la pièce ’ typologie du d bitage, j ai tent de précédente, a été soigneusement enlevé lors é ’ é de la fabrication. structurer mon classement afin de refléter 235 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Tableau 16.3 : Les matières premières des bifaces de la composante 4. Spécimen Intégrité Structure Type de Description du matériau matériau 2561 Fr. distal 42 11 Chert Washademoak (variante gris-brun foncé) 7894 Fr. mésial 13 12 Quartz blanc 18914 Complet, 29 29 Pierre volcanique décolorée gris-vert non aménagé avec cristaux de quartz (Mt. Kineo) 2684 Fr. mésial 42 38 Pierre volcanique mouchetée pourpre à rose 3515 Fr. distal 41 7 Pierre volcanique verte à veines dendritiques noires

3516 Pointe 42 7 Pierre volcanique verte à veines complète dendritiques noires 2681 Fr. distal 42 19 Pierre volcanique mafique homogène à grains moyens 2740 Fr. distal 42 19 Pierre volcanique mafique homogène à grains moyens 8026 Fr. mésial 13 43 Pierre volcanique verte décolorée les procédés technologiques (Shott 1994, décortication et les éclats de réduction de Andrefsky 2000). Nous pensons qu’un nucléus. Ceux-ci ont souvent de gros talons tailleur avait une approche similaire à celle plats, sans facettes et peuvent conserver du d’un sculpteur sur bois. Les stades initiaux cortex (comme l’écorce d’un arbre). Ils impliquent la transformation du tronc brut peuvent être gros, avec de gros bulbes de en pièces de départ. Le projet passe alors à percussion. Les stades initiaux peuvent la production d’une préforme. Puis, à aussi faire intervenir la réduction bipolaire, mesure que cette forme se précise et se où la pièce est placée sur une enclume détaille, les enlèvements deviennent de plus avant d’être frappée. Cette technique peut en plus petits, contrôlés et délicats. produire un objet avec deux talons visible Contrairement au bois, la pierre peut être (celui du percuteur et celui de l’enclume). Il retravaillée après une période de temps, en peut aussi y avoir de l’écrasement et des poursuivant l’enlèvement de matière et ondes de compression sur les pôles opposés donc, en modifiant de nouveau la forme. de la pièce. Mon schéma classificatoire reflète ces Si l’intention est de produire un biface, étapes générales. La transformation initiale le tailleur pourra utiliser un percuteur d’un galet, d’une dalle ou d’un bloc de tendre et orienter son exercice vers la matière première produira des éclats de production d’un objet taillé en forme de

236 Wolastoqiyik Ajemseg

Figure 16.4 : Grattoir unifacial, vue dorsale et ventrale. Dimension réelle, dessin de A. Summer.

disque, la préforme. Les premiers stades de petits éclats d’affûtage. Ceux-ci sont petits, mise en forme produiront des éclats de courts avec des talons relativement gros. Le production bifaciale avec des talons à angle, talon et les surfaces adjacentes peuvent être sans facettes. Souvent les enlèvements usés, écrasés ou polis avec l’usage. Enfin, seront orientés de façon à produire une les outils peuvent être retravaillés en de crête centrale le long des faces de la pièce. À nouvelles formes, pour différentes raisons mesure que se poursuit le travail, le tailleur comme le besoin ou le recyclage après un passe de la mise en forme à bris (Granger 1978, Nelson 1991). l’amincissement. Ces enlèvements La séquence de production des outils produiront de longs, courbés et minces unifaciaux est différente. Bien qu’ils éclats d’amincissement bifacial avec des puissent être soigneusement mis en forme, talons relativement petits, à angle et nous considérons généralement que leur facettés. séquence de production est beaucoup plus Le stade final peut impliquer la taille courte. J’ai inféré que la décortication et la par pression. L’identification des éclats de réduction initiale d’un nucléus peuvent pression est plus difficile, mais de manière aussi avoir été orientées vers la préparation générale, ils sont très petits, étroits et de nucléus pour de gros éclats souvent proportionnellement longs. Ils ont soigneusement débités afin de produire des de très petits talons qui peuvent être à angle supports pour taille des grattoirs. Cette et facettés. Ils peuvent aussi montrer une préparation de nucléus aurait produit un torsion sur la longueur. Tout ce processus débitage similaire aux premiers stades de la complète une étape du cyle de production. production bifaciale, et donc difficile à Mais les outils s’émoussent avec distinguer. Mais, à la suite de ce stade, le l’utilisation, et l’entretien va produire de tailleur aurait produit de petits éclats à

237 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 angle et sans facettes lors de la mise en produits en tant qu’outils. En tout, 48 éclats forme du front et lors de l’enlèvement du montraient des indices d’une utilisation talon. Bien que j’aie ouvert l’œil pour de tels intense. Certains étaient brisés et ne éclats, je n’en ai pas identifié. portaient pas de talon. Des 32 éclats utilisés Cette typologie est nettement orientée qui restaient, quatre ont été classés comme vers les caractères clés du talon. Plusieurs indéterminés et sept étaient des éclats des éclats étaient fragmentaires et n’avaient phases initiales de la réduction (2 de donc pas de talon. Au total, la composante 4 décortication, 4 de réduction de nucléus et 1 comptait 257 pièces qui conservaient une de réduction bipolaire). Mais 21 éclats partie de leur talon. Or, plusieurs portaient utilisés étaient des éclats de production un talon endommagé ou écrasé, que j’ai bifaciale et de mise en forme (6) et des classé comme éclats indéterminés. Les 198 éclats d’amincissement bifacial. Ceci éclats analysables qui restaient représentent suggère que les bifaces ont pu être utilisés tous les stades du processus de fabrication comme nucléus pour la fabrication de des bifaces (voir tableau 16.4). La certains types d’éclats. production d’unifaces a vraisemblablement Ces éclats de réduction bifaciale utilisés aussi eu lieu, mais les éclats qui en résultent sont généralement très gros, minces et avec sont moins visibles, ce qui est dû, en partie, de petits talons comparativement aux éclats a un plus petit nombre d’éclats durant la d’amincissement des autres assemblages. réduction unifaciale. La longueur moyenne des 22 éclats de Si la réduction bifaciale impliquait réduction bifaciale utilisés est 31,4 mm et le plusieurs stades, le but recherché n’était pas poids moyen est 4,0 g. J’ai mesuré les éclats nécessairement la production d’un biface d’autres composantes de Jemseg et la comme outil fini. Le grand nombre d’outils longueur moyenne pour le site en entier est informels (éclats utilisés et retouchés) 18,5 mm et le poids 1,9 g. Malgré leurs suggère que des éclats étaient aussi grandes dimensions, les éclats de réduction

Tableau 16.4 : L’analyse technologique des éclats de la composante 4.

Stade Type Nombre de pièces

Initial Décortication 9 Réduction de nucléus 49 Réduction bipolaire 2 Moyen Production et mise en forme bifaciale 24 Amincissement bifacial 102 Final Pression 9 Secondaire Affutage bifacial 3 Autre Indéterminé 59

238 Wolastoqiyik Ajemseg bifaciale utilisés ont de petits talons4, avec L’approvisionnement lithique de la une largeur moyenne de 8,5 mm et une composante 4 épaisseur moyenne de 2,3 mm. Les données Nous avons identifié les matières correspondantes pour le site en entier sont premières de la composante 4, à 21 types une largeur moyenne de 8,2 mm et une différents. Au cours de notre recherche, j’ai épaisseur moyenne de 2,5 mm. Nous analysé des pièces additionnelles me voyons alors que le nucléus bifacial préféré permettant ainsi de subdiviser certains de était très large et très mince, peut-être d’un ces types en variantes et sous-types. Mais format similaire aux bifaces de Quarryville. dans cet ouvrage, je m’en suis tenu à ceux En effet, les cicatrices d’enlèvement sur le de Black (chapitre 9), sauf pour une biface de Quarryville illustré à la figure 16.3 exception, JC 53, qui servait de catégorie sont de taille similaire aux éclats utilisés du fourre-tout, avec une grande variation. Les site de Jemseg Crossing. subdivisions suivantes prennent en Le site de Jemseg a produit un grand considération les nouvelles pièces et les biface mince, provenant des labours dans la investigations en cours sur la variabilité du partie est de l’aire A (figure 16.12). Il a été chert de Washademoak (Black et Wilson très aminci, d’une manière qui a laissé des 1999, Black et al. 2003) arêtes ondulantes et une forme irrégulière. L’assemblage lithique taillé de la Il est possible qu’il s’agisse d’un nucléus composante 4 est dominé par plusieurs bifacial épuisé de la composante 4. types, de pierres volcaniques et de cherts. Certains, comme JC 10, JC 17 et JC 38 sont seulement trouvés dans le complexe

Figure 16.5 : Éclats utilisés de la composante 4 : (a) de la structure 29; (b) et (c) du complexe structurel 5. Dimension réelle, dessin de A. Summer.

ab c

4 J’ai fait les mesures selon les critères d’Andrefsky (2000). 239 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 structurel 5, et étaient donc absents des composante 4 semblent surtout avoir autres structures et des autres composantes. sélectionné des cherts et pierres volcaniques Ceci pourrait refléter différents aux couleurs de brun, noir et gris foncé. phénomènes, parmi lesquels : (1) une Afin de vérifier cette hypothèse, j’ai acquisition orientée vers des régions de distingué, parmi les artéfacts en chert sources aux matériaux très variables mais Washademoak, ceux qui étaient rouge vif, peu abondants (tels que des lits de galets), ceux de translucides à jaune, ceux de brun (2) un pattern d’un épisode unique de foncé à noir et ceux de bleu clair à gris. réduction jusqu’à l’épuisement du nucléus, J’ai ensuite classé tout le matériel ou (3), un changement à travers le temps de provenant des structures datées selon ces schèmes d’acquisition avec un accès réduit critères. Si toutes les couleurs étaient à des régions de sources auparavant disponibles dans le passé (comme elles le utilisées. sont aujourd’hui), la préférence pour Des chercheurs ont remarqué qu’il y certaines couleurs peut être une façon avait une préférence pour certaines d’expliquer la variabilité au sein des matières premières selon les périodes. Par assemblages. Dans l’assemblage total de exemple, au Sylvicole maritime supérieur, Jemseg, la variante rouge compose 39 % du on favorisait les cherts, quartz et mudstones décompte et 70 % du poids, alors que la aux couleurs vives. Les tailleurs de la variante de brun à noir compose 11 % du Planche 16.12 : Nucléus bifacial du labour de l’aire A.

0 5 cm

240 Wolastoqiyik Ajemseg décompte et 5 % du poids. Dans la préférences de couleur soient un composante 4, la variante rouge fait épiphénomène sans véritable explication, seulement 35 % du décompte et 555 du mais cela reste néanmoins un poids alors que la variante de brun à noir comportement qui demande plus fait 44 % du décompte et 31 % du poids. Les d’examen. raisons de la préférence pour une couleur Enfin, il est possible que les matières ne sont pas claires, mais des recherches premières dans la composante 4 offrent un futures pourraient montrer des différences lien supplémentaire avec les bifaces de dans la taille, la disponibilité des matériaux Quarryville. La calcédoine brune bariolé ou encore dans certains aspects sociaux ou (JC 53.2) est cireuse à vitreuse et a des symboliques. Il se peut également que les taches grises et noires. Elle se présente en

Tableau 16.5 : Les classes de matières premières de la composante 4. Type N. de pièces Poids Description

Pierres volcaniques felsiques pâles 6 18 19. 7 g felsite homogène 7 62 51.8 g gris vert veiné 10 112 138.8 blanc tacheté vitreux 38 13 16.7 g pourpre moucheté 42 20 7.0 g rouge décoloré Pierres volcaniques mafiques foncées 9 7 8.0 g homogène bleu noir 13 7 5.7 g vert foncé granuleux 19 33 11.4 g brun foncé-vert 20 3 3.6 g gris foncé veiné 43 7 1.9 g vert décoloré 50 36 21.2 g foncé grossier Pierres volcaniques porphyriques 2 39 71.9 andésite ou porphyre brun hétérogène 29 2 2.6 g porphyre Kineo-Traveller Mountain Chert 11 84 55.7 g Washademoak 30 4 6.3 g Bassin des Mines 53.1 2 0.3 g gris opaque bariolé 53.2 41 15.4 g calcédoine brun bariolé 53.3 55 18.8 g brun semi-translucide Quartz 12 4 1.8 g quartz Mudstone 17 1 24.7 g gris-vert Autres misc 3 1.4 g 241 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 zones de matériel cryptocristallin dans la Péninsule maritime et dans le Nord- translucide et en zones de matériel plus Est. Il est toutefois possible que cette date pierreux. Lors de l’examen de l’acquisition ne témoigne pas bien de l’âge de la poterie. des matières premières, j’ai comparé ces Bien que nous ayons tenté de sélectionner éclats aux collections du Service du bois « jeune » (de noyer cendré) de bien d’archéologie, dont les bifaces de en-dessous du labour et des perturbations Quarryville. Un de ces bifaces est visibles comme les objets intrusifs et les macroscopiquement similaire au chapitre terriers de rongeurs, cela ne signifie pas du matériau. Au moment où je faisais cette nécessairement qu’il y a association entre la analyse, Pat Dickinson poursuivait sa poterie et la date. De plus, si la date a 95 % recherche de maîtrise (Dickinson 2001) sur des chances de se situer entre 3010 AA et l’assemblage paléoindien de Debert. On a 2730 AA, il y a une petite probabilité qu’elle donc pu observer que le type lithique JC soit plus jeune que 2730 AA. Or, la 53.2 de Jemseg et le biface de Quarryville calibration réduit l’étendue de la date et sont aussi presque identiques, donc la vieillit un peu (tableau 16,1). La macroscopiquement, au chert-brèche* résolution de ce problème se trouve dans présent dans l’assemblage de Debert. des datations additionnelles de la structure. Certains chercheurs avaient considéré que Les datations radiométriques multiples de ce chert n’était présent que dans les structures ont déjà résolu des problèmes assemblages paléoindiens (MacDonald similaires au Maine (Robinson 2001). 1968). Des recherches supplémentaires sur Discussion sur la composante 4 les sources et la distribution de ce chert Le site de Jemseg Crossing est une seraient bénéfiques aux études sur le fenêtre ouverte sur la période toujours paléoindien et l’archaïque terminal. ambiguë de l’archaïque terminal. Toutefois, La technologie céramique si les témoins de la composante 4 règlent Les artéfacts des structures de la certaines questions, ils en soulèvent composante 4 incluent un petit ensemble de d’autres. poterie CP-1 (Vinette 1). Cette structure et le L’outillage est peu déterminé au point reste de son contenu sont neutres au point de vue typologique. Il y a très peu d’outils de vue chronologique, et il est donc difficile formels bien stylisés (comme des pointes de de confirmer ou d’infirmer l’association projectile) en association directe avec des entre la poterie et la date de 2870 ± 70 AA structures datées de la composante 4. Les sans plus d’indices. Si cette date est exceptions sont la pointe à encoches correcte, il s’agit des plus anciens tessons de latérales et la céramique CP 1. Malgré notre poterie de la région, ce qui soulève la mauvaise compréhension de l’archaïque question du développement et de la terminal et du sylvicole maritime inférieur, distribution de la technologie céramique nous attribuons ces éléments à une période

* N. du T. : traduction libre de « brecchiated » chert 242 Wolastoqiyik Ajemseg après 2800 AA. Bien que la présence exclusive au sylvicole maritime inférieur. d’encoches latérales étroites soit souvent Nous avons aussi mis au jour cette poterie perçue comme un trait du sylvicole en association avec des dates aussi récentes maritime inférieur ou du sylvicole maritime que 2160 ± 40 AA (voir chapitres 10 et 14), supérieur, cet artéfact n’est pas lié dans des contextes qui n’ont pas produit typologiquement à l’une ou l’autre de ces d’artéfacts typiques du sylvicole maritime périodes. D’un autre côté, elle n’a pas inférieur. Ce malaise avec la date de deux d’antécédents ou d’analogues artéfacts « clés » naît de l’articulation du contemporains dans les inventaires cadre historico-culturel et des fossiles régionaux. Bien qu’elle soit possiblement directeurs (Wright 1999). Le lien entre la liée au Meadowood, elle est plus ancienne poterie ancienne et les pointes typique du que les objets apparentés au Meadowood sylvicole inférieur est faible dans bien des d’ailleurs sur le site de Jemseg, dans la sites du Nord-Est (Heckenberger et al. Péninsule maritime ou même dans le bassin 1990a, 1990b, Hoffman 1998, Loring 1985). des Grands Lacs (Blair 2002). La date de la J’ai suggéré dans cette analyse qu’il structure qui a produit cette pointe, soit pourrait y avoir des procédés 3000 ± 90 AA (Beta 104908), est appuyée par technologiques et des habitudes un contexte stratigraphique (elle est à 70 cm d’acquisition et d’échange de matières en-dessous du proche complexe structurel 6 premières qui font le lien entre notre du sylvicole maritime moyen) et par composante 4 et les manifestations de l’association d’artéfacts. l’archaïque terminal de la rivière Miramichi Comme nous l’avons abordé plus haut, et du nord. Les faibles densités de la céramique pose des problèmes similaires. matériaux exotiques, comme le chert du Nos interprétations initiales du site Bassin des Mines et le porphyre de Kineo- plaçaient ces structures dans le sylvicole Traveller Mountain laissent croire a une maritime inférieur en se basant faible participation des gens de Jemseg principalement sur ces deux artéfacts (Blair dans les réseaux d’interactions régionales. Il 1997, 2002). J’ai reconsidéré cette hypothèse y a un contraste significatif entre la à la lumière d’un cumul de dates plus distribution du matériel de la phase Orient, anciennes que 2800 AA, de même qu’en caractérisé par les pointes à lame large de l’absence d’autres éléments diagnostiques dimensions moyennes, les pointes à base en du Meadowood ou d’autres manifestations queue de poisson (ou « fishtail »), les forets du sylvicole inférieur dans la composante 4, et la technologie des lames larges (Black comme les grattoirs bifaciaux et les forets. 2000) et le matériel de Quarryville, Les grattoirs bifaciaux du site sont associés caractérisé par de très grands bifaces à la poterie CP 1 et datent d’une période minces dans des contextes d’ocre rouge. Ce après 2600 AA. Il y a des indices qui fait suggère qu’il y eût une limite ou suggèrent que la poterie traitée au battoir frontière culturelle entre le nord et le sud de cordé grossier et fin (CP 1) n’est pas la Péninsule maritime au cours de

243 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 l’archaïque terminal. Le site de Jemseg a produit plusieurs pointes de projectile avec de larges encoches latérales (la plupart de contextes perturbés) ainsi que des artéfacts et des attributs technologiques similaires à ceux apparaissant dans le matériel de Quarryville. Il se peut que les gens de Jemseg participaient d’une manière ou d’une autre à l’établissement de cette frontière, ou encore que la frontière est le produit d’une mauvaise résolution du document archéologique.

244 Wolastoqiyik Ajemseg

Pihcesis 17 : Le sylvicole maritime

UN BREF REGARD SUR LE MEADOWOOD DES PROVINCES MARITIMES

Paul McEachen

L’objectif de ce texte est de procurer un du sylvicole inférieur reste peu comprise contexte promettant d’interpréter la dans les provinces maritimes. Ceci composante Meadowood du site de Jemseg s’explique de nombreuses façons qui ont été Crossing. Une couverture complète de cette traitées dans les synthèses générales de collection se trouve dans McEachen (1996), l’archéologie des Maritimes (Deal et Blair alors que des synthèses générales du 1991, Shimabuka 1980), mais deux sylvicole (période céramique) ont été écrites tendances méritent d’être mentionnées. par Davies (1991a), Rutherford (1991) et D’abord, la plupart des sites des Maritimes Tuck (1984). ont des composantes marquées du sylvicole L’interface archaïque récent - sylvicole moyen et supérieur, avec celles du sylvicole inférieur, ou l’archaïque terminal ou inférieur moins bien représentées (par ex. transitionnel, est l’une des périodes les plus les sites Melanson, St. Croix, Eel Weir VI, confuses de la préhistoire des Maritimes en Rafter Lake, Partridge Island). Ensuite, la raison de l’absence de tradition culturelle prépondérance des sites cérémoniaux et distincte entre environ 3500 et 3000 AA l’absence de sites d’habitation intacts (Davies 1991a, Rutherford 1990a, Spiess et rendent difficile la reconstruction des al. 1983, Tuck 1991). Plusieurs scénarios ont modes de vie du sylvicole inférieur, dont les été mis de l’avant sur la tradition qui est à aspects des modes d’établissement et de l’origine des populations sylvicoles, que ce subsistance, les stratégies de mobilité et de soit l’archaïque maritime (Rutherford la technologie lithique. 1990a), le Susquehanna (Petersen 1995), les Alors que ces problèmes continuent de traditions de l’archaïque du Bouclier (Tuck hanter la recherche sur le sylvicole inférieur 1984 : 40, Turnbull 1990), ou encore une des Maritimes, nous pouvons néanmoins combinaison de celles-ci, mais ce problème rester optimistes. Les interventions est loin d’être résolu. De même, la période archéologiques ont augmenté en nombre à

245 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 cause de la construction proposée du Les manifestations Meadowood des Maritimes gazoduc de la Maritime & Northeast Jusqu’à récemment, peu d’archéologues Managment Ltd pour le projet énergétique en dehors de la région savaient que du extracôtier de l’île de Sable (Sable Offshore matériel Meadowood existait à l’est de la Energy Project) et à cause des extensions de Nouvelle-Angleterre (Wright 1987). Au l’autoroute transcanadienne. Les cours des dernières vingt années, des inventaires de gestion des ressources fouilles au Nouveau-Brunswick et en patrimoniales permettent aux archéologues Nouvelle-Écosse ont permis la mise au jour d’identifier des sites dans des endroits qui de plusieurs sites ou composantes ne seraient pas autrement explorés. Le site Meadowood. Actuellement, les sites de Jemseg Crossing est l’un de ces cas. C’est Meadowood s’étendent à l’État de New un site occupé sur plusieurs millénaires et York, à l’Ontario, au Québec et de l’État du qui contient une composante d’habitation Michigan à la côte atlantique, où l’on en du sylvicole inférieur, une rareté dans les trouve dans les Maritimes, au Maine Maritimes. (Belcher 1989, Kopec 1985) et au New Jersey La période du sylvicole inférieur (Kraft 1989). Aucun site Meadowood n’a été (3000 AA- 2000 AA) trouvé à Île-du-Prince-Édouard. Un fait troublant dans l’archéologie des Le premier site Meadowood a été Maritimes est l’apparition de deux trouvé dans les Maritimes quand deux manifestations originaires de la région des structures funéraires furent fouillées au Grands Lacs au cours de la période du Nouveau-Brunswick en 1928 (Wintemberg sylvicole inférieur (Rutherford 1990 b, 1937). La découverte de pointes de 1991) : le Meadowood et le Middlesex (ou projectile Meadowood et d’autres artéfacts Adena). Il est présumé que le Meadowood des sites Tozer, Wilson, Howe et Hogan/ est légèrement plus ancien que le Middlesex Mullin suggèrent un foyer d’activités du (Ritchie 1969, Spence et al. 1990) mais de sylvicole inférieur dans le cours moyen de nouvelles datations au radiocarbone et la la rivière Miramichi (Allen 1982). Des présence d’art/facts de style Middlesex sur interventions à Mud Lake Stream, sur la des sites Meadowood (comme au site de frontière du Maine et du Nouveau- Jemseg Crossing) suggère une relation plus Brunswick ont permis la découverte de complexe. Des sites funéraires et structures Meadowood intactes et de domestiques Meadowood ont été trouvés témoins de l’archaïque récent et du dans les Maritimes, mais les sites Middlesex sylvicole subséquent (Deal 1985, 1986a, identifiés à ce jour sont de nature mortuaire 1986b). Des artéfacts Meadowood ont aussi (Davis 1991b; Sanger 1987, Turnbull 1976, été identifiés dans les assemblages de la 1986). En plus, une population locale baie Tabusintac, de la ville de Saint-Jean, de différente a pu être présente durant le la rivière Tobique et de Tracadie (A. sylvicole inférieur (Allen 1981, Bishop et Ferguson 1988, Harper 1957, D. Keenlyside Black 1988).

246 Wolastoqiyik Ajemseg comm. pers. 1994, Turnbull 1990) et dans funéraires sont distribués à l’intérieur et sur des collections comme celle récoltée par R.P. la côte. Gorham dans le secteur de Red Bank La culture matérielle Meadowood (McEachen 1996). Deux pierres aviformes La culture matérielle ou la technologie trouvées dans le sud du Nouveau- Meadowood du sylvicole inférieur consiste Brunswick à des endroits inconnus en des outils taillés et polis similaires à ceux (Turnbull et Allen 1988) et des pointes de trouvés dans les sites Meadowood de la type Meadowood du lac Moquapit, de région des Grands Lacs. Parmi les outils en Grand Lake et de la rivière Saint-Jean sont pierre taillée, il y a les pointes de projectile à d’autres témoins de la région. D’autres encoches latérales étroites et à base objets Meadowood ont aussi été trouvés rectangulaire (en anglais : « boxed base »), dans le Témiscouata au Québec (Chalifoux les lames de cache, de grandeurs variées, de et Burke 1995). nombreux grattoirs unifaciaux et bifaciaux, Les sites Meadowood de la Nouvelle- dont des grattoirs unguiformes et doubles, Écosse sont surtout situés dans le coin sud- des forets encochés, nucléus bipolaires et ouest de la province, à l’ouest de la rivière des bifaces denticulés qui auraient pu servir Shubenacadie. Ils incluent les sites St. Croix, de couteaux. Un trait Meadowood Rafter Lake, Eel Weir VI et BaDd-4. Des important est le recyclage d’outils épuisés trouvailles de surface Meadowood dans la vers de nouvelles formes. Par exemple, une région proviennent de la rivière Bear, pointe brisée pouvait être retravaillée en d’Enfield, du lac Gaspereau, du lac grattoir à encoches (en anglais « bunt ») ou Rossignol, de la rivière Mersey et de Port- en foret (Granger 1978 : 18). Des outils sur Joli (McEacken 1996). éclats sont présents au site DaDb-4 Les sites Meadowood des Maritimes (McEachen 2000). La présence d’outils sont généralement des sites domestiques et formels, comme les bifaces et les grattoirs cérémoniels. Les sites domestiques sont bifaciaux, et d’outils sur éclats suggère principalement situés à l’intérieur de terres, l’usage à la fois d’une technologie sur les plaines d’inondation, à flanc de d’entretien* (l’industrie bifaciale) et d’une colline et sur des terrasses. Ils se trouvent technologie expédiente (l’industrie sur dans le cours moyen des fleuves à marées, à nucléus et sur éclat) durant le sylvicole la confluence des ruisseaux et de chaînes de inférieur (Parry 1989). lacs. À St. Croix, une position à la tête des Les outils taillés Meadowood semblent marées suggère une occupation de être principalement fabriqués dans des printemps ou d’automne axée sur matériaux locaux (McEachen et al 1998). Les l’acquisition des poissons durant la période exceptions sont une pointe de projectile en de frai (Deal et Butt 1991, Deal et al. 1994). quartzite de Mistassini au site St. Croix (M. Les sites Meadowood cérémoniels ou Deal, 1996, comm. pers.) et une pointe de

* N. du T. : Traduction libre de « curated technology ». 247 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 projectile en ce qui pourrait être du chert les gens du sylvicole inférieur aient peut- Onondaga au site BaDd-4. Cela distingue être déjà expérimenté plusieurs effets les sites Meadowood des Maritimes de ceux décoratifs simultanément (Allen 1981, du reste du Nord-Est où le chert Onondaga Godfrey-Smith et al. 1997, voir Petersen et est la norme (Ritchie 1969, Spence et al 1990, Sanger 1991). mais voir Loring 1985). Les schèmes d’établissement Meadowood La pierre non taillée inclut des haches dans le nord-est bouchardées et polies sans gorge, des À ce jour, le seul modèle saisonnier pierres aviformes aux yeux exorbités, des proposé pour le Meadowood est celui gorgerins trapézoïdaux à une ou deux développé par Joseph Granger (1978) pour perforations, des meules et de possibles la rivière Niagara du nord-ouest de l’État de pilons. Quelques objets en cuivre, comme New York. Son schème d’établissement des poinçons, sont représentés aux sites consiste en un nombre de types BaDd-4 et Tozer. Des pièces plates en cuivre d’établissements étalés dans un cycle à fonction inconnue ont été trouvées au site saisonnier. Ces types incluent un camp de BaDd-4. Le seul artéfact en os connu du base, des camps d’acquisition, un site de répertoire Meadowood est une pointe ressource de chert et un site mortuaire barbelée calcinée de Mud Lake Stream. (Granger 1978 : 20). Granger avance que les La poterie Meadowood du camps de base Meadowood étaient occupés sylvicole inférieur par des bandes locales d’environ 150 La toute première poterie produite dans individus en automne et en hiver, et le Nord-Est, connue sous l’appellation qu’elles se dispersaient en microbandes Vinette 1, est associée à la période durant le printemps et l’été dans les lieux céramique 1 (CP1) de la séquence de pêche et d’acquisition d’autres céramique du Maine et des Maritimes ressources. Au printemps, les groupes (Petersen et Sanger 1991). Cette poterie régionaux Meadowood (un total d’environ épaisse, très fragile, traitée au battoir cordé 500 individus) se rassemblaient dans les grossier ou fin n’est pas présente en grande sites mortuaires pour enterrer les morts et quantité dans les Maritimes. On en a trouvé renouveler les relations sociales et à Mud Lake Stream et à six Mile Brook au économiques. Nouveau-Brunswick ainsi qu’aux sites St. Le cycle saisonnier Meadowood était Croix, Rafter Lake, Gaspereau Lake et crucial pour la distribution des lames de Melanson en Nouvelle-Écosse (Allen 1996, cache en chert Onondaga. Ces lames étaient Krestmansion et Deal 1993). La poterie échangées aux groupes périphériques en Vinette 1 est fréquemment associée à des Ontario, au Québec et en Nouvelle- composantes Meadowood dans les Angleterre qui les transformaient en outils Maritimes. Toutefois, des dates anciennes finis comme des pointes, des forets, des associées à de la poterie décorée de dentelé grattoirs et des couteaux (Fox et Williamson et d’impressions ondulantes suggèrent que 1989, Granger 1981). Certains des items qui

248 Wolastoqiyik Ajemseg auraient pu être obtenus en échange par les généralisé à toutes les composantes groupes Meadowood de l’État de New York Meadowood. Comme l’a récemment incluent des perles en coquillages marins, proposé Verraggi (1999 : 55) : « (...) on ne de la stéatite, du cuivre natif, de l’ardoise, peut s’attendre à ce qu’un modèle puisse du chert de l’Indiana (la variété Indiana correspondre à toutes les situations, hornstone), des calcédoines et jaspes spécialement si ces modèles sont exotiques, et des femmes (Granger 1978 : développés à des échelles régionales puis 283-284). Si les groupes du sylvicole extrapolées à d’autres régions ». inférieur des Maritimes étaient impliqués Un problème associé est la distribution jusqu’à un certain degré dans ce réseau éparpillée et inégale des composantes d’échange, il semble que ce soit plus la Meadowood, ce qui empêche l’intégration technologie Meadowood que ses artéfacts de données des sites contemporains situés à qui aient atteint la côte atlantique (Black et proximité. Ces difficultés pourraient être Wilson 1999, Chrétien 1995, McEachen et al potentiellement résolues par « (...) une 1998). approche archéologique régionale sur de Malgré l’hypothèse à l’effet que le multiples sites » (Sanger 1996 : 512). Dans schème d’établissement Meadowood une telle approche, des secteurs précis, consistait en des mouvements entre des comme des bassins hydrographiques avec camps de base et des camps spécialisés des composantes Meadowood sont d’acquisition (Granger 1978), ces camps de intensivement inventoriés dans le but base restent difficiles à trouver dans le d’identifier et d’échantillonner plusieurs Nord-Est (Lewis 1986). Par exemple en sites représentant une grande palette de Ontario, le Meadowood est représenté par types de sites au sein de contextes tous les types d’établissements sauf le camp écologiques et topographiques variés (voir de base (Ferris et Spence 1995, Spence et al Granger 1978). Plusieurs modèles de 1990), et seulement deux sites du sylvicole schèmes d’établissement existent dont le « inférieur de l’État de New York sont modèle des habitats contigus » (Davis considérés comme des camps de base 1991a), le « modèle de la place centrale » (Granger 1978). L’élaboration de schèmes (Nash et al 1991) et des modèles dérivés de d’établissement et de subsistance pour les la recherche conduite dans la baie de sites Meadowood est un problème durable Passamaquoddy (Bishop et Black 1988, dans la préhistoire du Nord-Est. La Rutherford 1991, Sanger 1987) et les travaux mauvaise conservation des matériaux de Patricia Allen (1981) dans le bassin organiques, parmi d’autres faits, a souvent hydrographique de la rivière Miramichi. été citée comme facteur empêchant la L’applicabilité de ces modèles aux collecte de données sur les établissements composantes Meadowood requiert des (Davis 1991a, Rutherford 1991 : 101). Une années additionnelles avant qu’elles ne autre difficulté réside dans la tentative de puissent être adéquatement testées. construire un schème d’établissement Néanmoins, les données limités disponibles

249 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 suggèrent que les groupes du sylvicole in situ entre les populations de l’Archaïque inférieur utilisaient un schème récent et celles du Sylvicole inférieur? d’établissement riverain et lacustre Les fouilles et l’analyse de Jemseg généralisé avec une orientation vers les Crossing nous offre une opportunité ressources halieutiques abondantes au d’évaluer les idées courantes à propos de la printemps et à l’automne, et l’acquisition chronologie, de l’histoire culturelle, de la d’animaux terrestres et de végétaux technologie céramique et lithique, des sauvages comme les petits fruits et les noix. schèmes d’établissement et de subsistance, En se basant sur la distribution des sites, il de l’acquisition des matières premières et semble que les groupes Meadowood de la mobilité résidentielle. Ces nouvelles participaient à un cycle saisonnier qui inclut données deviennent à la fois du matériel de des sites intérieurs et côtiers (McEachen comparaison pour la recherche future sur le 1996). sylvicole inférieur, et des indices Sommaire archéologiques qui vont sans doute La présence d’artéfacts et de sites améliorer notre aperçu de la préhistoire du Meadowood dans les Maritimes soulève Nouveau-Brunswick et des Maritimes. plusieurs questions. Pourquoi les groupes Remerciements de cette région faisaient des outils de la Cette recherche a été subventionnée par même façon que les groupes des Grands- le Institute of Social and Economic Research Lacs? Est-ce que le Meadowood représente (ISER) à l’Université Memorial. Je voudrais l’arrivée d’un nouveau groupe dans les remercier Micheal Deal pour m’avoir Maritimes, ou plutôt des réseaux appuyé et fourni des données non publiées. d’échanges et d’interactions sur de vastes Une première version de ce texte a été lue territoires? Quelle est la relation entre les par James Bay, Matthew Betts et Christine résidents locaux du sylvicole inférieur et les Grant. Toutes erreurs demeurent la groupes Meadowood? Existe-t-il des indices responsabilité de l’auteur. tangibles pour appuyer un développement

250 Wolastoqiyik Ajemseg

Pihcesis Ajemseg 18 : Le sylvicole maritime à Jemseg

Susan Blair

L’archaïque récent est perçu dans la socioéconomiques (Bourque 1994, Sanger plupart des synthèses régionales comme 1987, Petersen 1995 : 221). Ce point de vue l’aboutissement des développements de transparaît dans l’usage commun du terme très longue durée de l’archaïque (Robinson archaïque terminal pour décrire la tradition 1996), qui se termine par l’introduction Susquehanna qui termine le pattern d’une période d’incertitude et de variation archaïque. Essentiellement, un très long (Sanger 1991, Snow 1980 : 188). Si certains pattern homogène (l’archaïque) se fait chercheurs ont souligné la continuité dans remplacer par un autre (le sylvicole le document archéologique (Petersen 1995 : maritime) (Eredel 2001, Snow 1980 : 208- 221, Rutherford 1989, 1991 : 112, Sanger 209). La période entre l’archaïque et le 1974 : 129), d’autres ont suggéré que le sylvicole maritime inférieur reste mal sylvicole maritime représente un comprise. Ce manque de connaissances crée changement significatif par rapport au de la discontinuité dans le document pattern archaïque (Tuck 1991 : 65). Ce archéologique. Certains ont considéré la changement met en scène l’abandon de période entre 3500 AA (la fin du l’importance des gros outils en pierre Susquehanna initial) et 2800 AA (le début bouchardée et polie (Wright 1999 : 574), de des phases Meadowood et Adena/ nouveaux outils bifaciaux et de pointes de Middlesex) comme un hiatus culturel projectiles (Petersen 1995 : 221), de (Keenlyside 1984 : 2) ou le « Little Gap » nouveaux grattoirs et le développement (Turnbull 1990 : 15). Tuck résume ainsi : d’une technologie céramique (Bourque Les siècles autour de 3500 AA causent beaucoup de 1971, Sanger 1974, 1979). Ces changements problèmes aux préhistoriens. sont souvent considérés comme Les points marquants de trois concomitants avec d’autres dans les (ou quatre) traditions schèmes d’établissement et les systèmes disparaissent à ce moment.

251 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

L’influence de la tradition de inférieur, voir McEachen 1996). Ailleurs l’archaïque laurentien sur les dans le Nord-Est de l’Amérique du Nord, le cultures plus récentes semble avoir été négligeable. Bien qu’il sylvicole inférieur a été le point de mire de soit difficile de voir comment beaucoup d’attention en raison de son les gens de, soit l’archaïque association avec un accroissement de la maritime, soit le Susquehanna complexité culturelle, des interactions (les deux qui semblent avoir été bien présents dans les interrégionales et, dans la partie sud du Maritimes) aient pu disparaître Nord-Est, le développement de complètement, l’archéologie l’agriculture. suggère que leurs complexes De manière générale, au moins trois technologiques et mortuaires aient cessé d’exister après 3500 manifestations du sylvicole maritime AA (Tuck 1991 : 65). inférieur ont été identifiées dans la Turnbull présente un point de vue. Péninsule maritime, dont deux qui Selon lui, il y a un problème majeur correspondent à des développements qui dans la définition de la séquence culturelle ont lieu dans le Nord-Est en général : (1) entre la fin du Susquehanna et le début de Meadowood, (2) Adena/Middlesex, et (3) la période céramique (entre 2500 AA à 3000 une tradition locale (Allen 1980, Belcher AA) [...] Le problème de base semble 1989, Black 1992). Il existe une bonne part résider dans l’anonymat des traditions de confusion sur la nature et les relations culturelles locales après le Susquehanna et entre ces manifestations. avant que l’on reconnaisse la séquence Au début du XXe siècle, les continue qui va mener jusqu’aux groupes archéologues expliquaient la vaste historiques de la région, tel qu’illustré dans distribution de Meadowood et de les sites stratifiés comme Oxbow et Fulton Middlesex/Adena à travers la notion de Island (Turnbull 1990 : 6). centre d’aire culturelle (la vallée de la Comme on l’a vu plus haut, les rivière Ohio) d’où les traits culturels se sont périodes de l’archaïque ancien, moyen et diffusés vers la périphérie. Plus tard, les récent deviennent de plus en plus connues interprétations ont fait intervenir les alors que le débat sur le sylvicole maritime migrations et les interactions centre - moyen et supérieur aborde certains aspects périphérie. Encore plus récemment, les très fins de l’interprétation archéologique. explications sur l’étendue des Le sylvicole maritime inférieur, cependant, manifestations du sylvicole inférieur ont n’a été entrevu que dans quelques sites de puisé dans les domaines économiques, cimetières (Turnbull 1976, McEachen et al. idéologiques et démographiques. Granger 1998) et de sporadiques artéfacts (1978) s’est concentré sur le comportement domestiques controversés (comme des économique. Il rejette la notion d’un culte pointes à encoches latérales et des grattoirs répandu, et a construit une argumentation bifaciaux. Pour une revue complète de la élaborée pour expliquer que les recherche sur le sylvicole maritime mouvements d’idées et d’objets servent à

252 Wolastoqiyik Ajemseg maintenir des frontières tout en assurant régions, mais exprimés localement l’accès à d’importants biens. Granger réagit (Heckenberger et al 1990a). Les adeptes de à la notion de centre idéologique. ce point de vue ont exprimé le besoin de Néanmoins, l’hypothèse d’une idéologie, dégager les formes stylistiques du sylvicole d’une symbolique ou d’une religion inférieur (en tant qu’expression d’idées et commune et répandue formant une communication) du concept de population plateforme sur laquelle les interactions et précise. En d’autres termes, ils rejettent les échanges pouvaient prendre place l’approche normative au style et proposent continue de trouver des appuis (Turnbull que les gens ont pu adopter des formes 1998, comm. pers.). particulières d’artéfacts de temps à autre Les explications démographiques ou pour des raisons particulières. En ce sens, il migratoires ont souvent été évoquées au n’y a pas de population Meadowood, mais XXe siècle. Elles sont récemment plutôt des populations qui peuvent adopter réapparues, conjuguées dans un cadre et produire du matériel de style conceptuel écologique qui suggère qu’une Meadowood en intensité variable. Ils citent pression démographique à l’échelle du comme indice les problèmes liés à la continent nord-américain après le début de datation des traits caractéristiques l’holocène a causé le déplacement de la Meadowood et Adena, et leur occurrence capacité de support du territoire. Ceci simultanée sur une bonne partie du Nord- aurait eu pour conséquence le réajustement Est (Heckenberger et al. 1990 a, 1990b, régulier de la population et une incitation à Loring 1985). se déplacer rapidement vers des secteurs Une bonne partie de cette recherche est peu peuplés (Snow 1992). Ce scénario entravée par le fait que la relation entre les suggère qu’il ait pu y avoir une baisse dates au radiocarbone et l’âge réel varie régionale de la population dans le Nord-Est dans le temps selon des variables physiques après 3000 AA (Fiedel 2001), simultanément globales. La correspondance entre les a un accroissement démographique dans la années radiocarbones et les années du région des Grands Lacs. Un mouvement de calendrier produit une courbe ondulante. À population généralisé s’est alors enclenché certains moments, les années radiocarbones vers le nord et l’est, emportant avec lui offre une bonne correspondance avec l’âge l’outillage typique de la région d’origine, réel, mais à d’autres moments, une certaine tout en incorporant ou même remplaçant étendue de dates au radiocarbone peut les populations locales (Fiedel 1997, 2001, correspondre à peu d’années calendaires, McEachen 1996). produisant une pente raide sur la courbe, Enfin, d’autres ont suggéré que la ou encore seulement quelques années au culture est un médium de transmission des radiocarbone peuvent correspondre à un matériaux et des idées. Ce médium se plus grand épisode calendaire produisant manifeste souvent par des éléments un plateau dans la courbe. stylistiques répandus sur de grandes

253 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Malheureusement pour les chercheurs du complexe Meadowood, renforce la nature sylvicole maritime inférieur, il y a un douteuse d’une telle attribution culturelle à plateau de la courbe de calibration certains éléments du Nouveau-Brunswick » radiométrique entre 2800 AA et 2400 AA (Wright 1999 : 583). (voir la différence entre les dates non Le sylvicole maritime à Jemseg calibrées et les dates calibrées au tableau 8.1). Une portion significative du matériel Certains chercheurs ont questionné la datant d’avant le Contact trouvé lors du notion de Meadowood sur des bases PAJC peut être attribué au sylvicole méthodologiques. Ce qui est remis en cause maritime inférieur. Ceci ne signifie pas est l’importation d’une terminologie macro- nécessairement que le secteur de Jemseg a régionale et la manière qu’elle est appliquée été utilisé plus intensément durant cette au matériel des Maritimes (Wright 1999 : période, mais plutôt que l’emprise de 576). Par exemple, ce que les archéologues l’autoroute était située là où le secteur fut régionaux appellent Meadowood sont les utilisé durant cette période. Il nous paraît pointes de type « box based » (un type à vraisemblable, d’après l’examen des lame étroite à petites encoches latérales collections privées, la richesse des situées à une bonne distance de la base) environnements locaux et la présence de (McEachen 1996). Ailleurs le terme matériel plus ancien et plus récent en faible Meadowood est également utilisé pour des densité dans la plupart des aires fouillées, pointes à encoches latérales qui n’ont pas que des témoins d’autres périodes soient nécessairement la morphologie des « box présents à la grandeur du secteur de based » (Ritchie 1971). Cette pratique est Jemseg. d’autant plus douteuse qu’il n’y a que peu Au cours des dernières décennies, il y a ou pas de datation radiométriques associées eu peu de consensus à propos de aux pointes « box based ». D’autres ont l’apparition des traits du sylvicole maritime décrié l’habitude de classer les sites sur la inférieur ou encore à propos du base de quelques artéfacts ou fossiles développement de l’archaïque terminal directeurs : « La quasi-absence de poterie jusqu’au sylvicole maritime moyen. Par Vinette 1 dans les Maritimes, typique du convention archéologique, l’archaïque

1 La cuisson dans des récipients organiques mettait en scène des contenants en écorce, en bois, en peaux ou en textiles, et s’accomplissait par l’utilisation de pierres à bouillir. Ces pierres, généralement des galets ronds de format moyen, sont chauffées puis délicatement déposées dans un contenant avec la nourriture. Occasionnellement, ces pierres éclatent à la chauffe ou à la déposition dans le contenant en raison d’un choc thermique. Le pattern de fracture est parfois reconnaissable, ce qui nous permet de les identifier archéologiquement. La présence de pierres à bouillir sur des sites où il y a de la poterie peut signifier leur usage avec les récipients en céramique et aussi, que les récipients organiques ont pu être présents en même temps que la poterie. Les talents formidables que les Wolastoqiyiks et les autres locuteurs de langues algonquiennes ont utilisés pour le travail de l’écorce a permis à certains chercheur de parler de l’ « ancienne culture de l’écorce de bouleau et de la chasse » (Butler et Hadlock 1957 : 11).

254 Wolastoqiyik Ajemseg terminal et le sylvicole inférieur ont été La fin du sylvicole maritime inférieur différenciés par le développement de la est aussi problématique. Certains ont poterie comme technique supplémentaire souligné le changement du traitement de aux récipients organiques pour la cuisson surface du battoir cordé vers l’apparition des aliments1. Bien que le développement et d’une gamme de décoration de surface la propagation de la technologie céramique (Petersen et Sanger 1991, Bourgeois 1999). ait été au cœur de bien des recherches, la D’autres ont cherché des comportements notion de fabrication de poterie comme dans le matériel lithique ou dans les activité importante reste discutable en ce schèmes d’établissement. À la lumière qui concerne les autochtones d’avant le d’une continuité dans la poterie et dans Contact dans les provinces maritimes. En d’autres témoins du site de Jemseg Crossing effet, la céramique n’a été utilisée entre 2800 AA et 1900 AA, et comme il y a intensivement que durant le sylvicole une légère brisure dans la séquence après maritime moyen (Foulkes 1981). Il est 1900 AA, j’ai placé la fin du sylvicole problématique de mettre l’accent sur maritime inférieur à cette date. Cette limite l’apparition de la poterie si les gens ne est également arbitraire, et il se peut que l’adoptent que marginalement et des recherches futures mènent à irrégulièrement. J’ai placé ma séparation l’incorporation du sylvicole maritime entre l’archaïque et le sylvicole à environ inférieur au sein du sylvicole maritime 2800 AA, car les artéfacts de plus de 2800 moyen. ans sont associés aux comportements de Sur la base de trois regroupements au l’archaïque terminal et ceux de moins de sein de l’ensemble de huit dates 2800 ans aux comportements du sylvicole radiométriques de la période du sylvicole maritime inférieur. Or, comme on l’a vu au maritime (tableau 18.1), et de subtiles chapitre 16, ces comportements ne sont pas différences de l’assemblage qui viennent universels, et dans le contexte de Jemseg appuyer ces regroupements, j’ai divisé le cette limite est complètement arbitraire. sylvicole maritime de Jemseg en trois

Tableau 18.1 : Les datations radiocarbones et les composantes chronologiques du sylvicole maritime.

o Composante Structure Date N de labo Date calibrée (2 sigmas)

5 Str. 14 2520±70 B-101508 815 av. J.-C. à 405 av. J.C. 5 Str. 56 2460±60 T-9618 790 av. J.-C. à 460 av. J.C. 6 Str. 25 2230±50 B-105889 390 av. J.-C. à 165 av. J.C. 6 Str. 11 2140±60 B-105892 330 av. J.-C. à 20 av. J.C. 6 Compl. Str. 6 2060±40 B-105999 175 av. J.-C. à 45 ap. J.C. 6 Compl. Str. 1 1940±90 T-9619 170 av. J.-C. à 150 ap. J.C. 7 Str. 21 1650±40 B-106507 340 ap. J.-C. à 530 ap. J.C. 7 Str. 21 1600±60 B-105891 350 ap. J.-C. à 605 ap. J.C.

255 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 composantes : la composante 5 (sylvicole la phase Meadowood (Granger 1978). Cette maritime inférieur 1, ou SMI-1) de 2800 AA phase a d’abord été identifiée dans une à 2400 AA, la composante 6 (sylvicole série de sites de l’État de New York (Ritchie maritime inférieur 2 ou SMI-2) de 2400 AA 1980), puis a été décrite dans le sud de à 1900 AA et la composante 7 (sylvicole l’Ontario (Spence et Fox 1982, Spence, Pihl maritime moyen, ou SMM), de 1750 AA à et Murphy 1990, Williamson 1978, 1997), en 1450 AA. Nouvelle-Angleterre (Heckenberger et al. J’ai souligné quelques-uns des 1990, Loring 1985), au Québec (Clermont et changements subtils de l’assemblage de Chapdelaine 1982) et dans les Maritimes Jemseg Crossing en partie parce que je crois (McEachen et al. 1998, McEachen 1996). Les qu’il est suffisamment grand et diversifié attributs matériels associés au Meadowood pour en déceler certains. Mais il est incluent une technologie bifaciale orientée important de noter que les continuités au vers la manufacture de bifaces quaternaires sein du sylvicole maritime sont plus minces et habilement taillés qui servaient significatives que ces changements. Il faut de support pour de petites à moyennes aussi prendre note que nos composantes pointes de projectile avec d’étroites sont basées sur les dates radiométriques et encoches latérales soignées, des grattoirs, la présomption que ces dates sont des couteaux et des forets (Granger 1978), et adéquates au sein de leurs étendues à deux l’usage de la poterie, spécialement la plus écarts types. Il y a plusieurs sources ancienne des Maritimes, la poterie Vinette 1 possibles de contamination ou de biais dans ou CP1 (Petersen et Sanger 1991, Bourgeois les datations radiométriques, comme 1999). En termes plus généraux, le l’usage, dans les foyers, de bois mort depuis Meadowood est aussi lié à des expressions longtemps. En raison d’une dépendance sur idéologiques et symboliques élaborées, de telles subtilités dans les dates, ces dont l’usage de l’ocre rouge et la facteurs doivent toujours être considérés, manufacture d’objets « rituel » (souvent avec l’espoir que l’ajout de données ou les définis comme des artéfacts sans utilité perfectionnements techniques puissent fonctionnelle évidente) comme les identifier les erreurs avant qu’elles fassent gorgerins et les pierres aviformes en partie intégrante des interprétations ardoise. régionales. Le site de Jemseg Crossing a produit un La composante 5 : le début du sylvicole ensemble d’artéfacts datant possiblement du sylvicole maritime inférieur. Ce sont huit maritime inférieur (SMI-1) pointes à encoches latérales, 38 bifaces Le début du sylvicole maritime minces et non aménagés, 68 grattoirs inférieur (SMI-1) suit directement bifaciaux, deux autres produits sur des l’archaïque terminal, et va de 2800 AA pointes recyclées, 120 tessons de poterie jusqu’à 2400. Les témoins de cette Vinette 1 ou CP1, un gorgerin et une pipe composante exhibent plusieurs attributs de tubulaire (planche 18.1). La plupart de ces

256 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 18.1 : Les bifaces de la composante 5; (a,b) fragments proximaux; (c,d) pointes en forme de foret à encoches latérales larges; (e, f, g, i) pointes à encoches latérales; (h, j, k, l) bifaces non aménagés.

a

b c de

f g h

i jlk

0 5 cm

257 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 artéfacts proviennent du niveau de labour Quelques-uns des grattoirs bifaciaux de de la terrasse supérieure et de la grève près Jemseg Crossing sont conformes à cet idéal de la ligne centrale de l’emprise. En se (planche 18.2), mais la plupart diffèrent basant sur ces trouvailles et sur les résultats significativement du pattern décrit par des premières datations radiométriques, Granger. La plupart montrent des degrés nous avons cru qu’il pouvait y avoir une variables de modification sur la face composante Meadowood significative à ventrale, qui va de plus de 90 % de la Jemseg (Blair 1997). Cependant, les surface couverte à moins de cinq recherches subséquentes et de nouvelles enlèvements d’amincissement (je n’ai pas datations ont changé notre perception des compté les spécimens avec trois manifestations locales du sylvicole enlèvements ventraux ou moins, au cas où maritime inférieur. ils seraient accidentels). Plusieurs des Dans sa définition du système grattoirs bifaciaux de Jemseg ont une technologique Meadowood de l’État de section asymétrique et peu sont amincis New York, Granger décrit les pointes, dans la partie proximale. Ils sont faits d’une grattoirs bifaciaux, forets et bifaces non variété de matières premières qui va du aménagés comme étant les produits finaux chert semi-translucide local de d’une séquence de réduction qui passe par Washademoak, aux quartz, pierres de très minces et uniformes lames bifaciales volcaniques et une variété de cherts quaternaires, les lames de cache (Granger opaques et translucides aux couleurs 1978 : 17-18). Selon la séquence de Granger, foncées à pâles. un tel système aboutit à de petits grattoirs Ces différences m’ont conduite à bifaciaux minces à section lenticulaires et à vérifier différentes hypothèses sur la amincissement bifacial presque complet. relation entre les grattoirs bifaciaux et les Les attributs fonctionnels d’outils précis, assemblages du sylvicole maritime que ce soit les grattoirs, les pointes, les inférieur. J’ai examiné la possibilité que mes forets etc., sont établis hors du procédé de critères de distinction entre le grattoir fabrication bifacial et n’influencent en rien bifacial et l’unifacial soient trop stricts. Si les plans et la technique du tailleur. Granger des grattoirs d’ailleurs et d’autres périodes souligne que les considérations qui ont été décrits comme grattoirs fonctionnelles entrent en jeu seulement unifaciaux montraient ne serait-ce que de après que les lames sont complétées. En fait, mineures modifications ventrales, alors les éléments fonctionnels comme le front ou l’ensemble des grattoirs bifaciaux de Jemseg les encoches peuvent être ajoutés bien après pourrait être considéré distinct seulement la fabrication du biface, et ce par un autre en termes de degré de modification ventrale tailleur. Granger suggère une préférence et non en termes de définition catégorique. répandue (du moins dans le bassin des Afin de tester cette notion, j’ai comparé Grands Lacs) pour le chert Onondaga. ceux de Jemseg avec les grattoirs unifaciaux d’ailleurs, dont un site à composante

258 Wolastoqiyik Ajemseg unique du sylvicole maritime supérieur, le quelques enlèvements seulement), et site Northeast Point (Blair et Black 1991) et inexistantes sur les 32 grattoirs de le site paléoindien de Debert (Dickinson Northeast Point. 2001, MacDonald 1968). Les modifications Ce fait suggère que les grattoirs ventrales étaient très rares sur les grattoirs bifaciaux forment en effet un groupe de Debert (lorsque présentes, limitées à cohérent qui a pu être en usage pendant

Planche 18.2 : Grattoirs bifaciaux : (rangée du haut) grattoirs bifaciaux de style Meadowood, (deux rangées du bas) grattoirs variés atypiques, dont certains avec peu de modification ventrale (f, h, i, j, k).

a b cd

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hij k

0 5 cm

259 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 une période limitée (le sylvicole maritime qu’ils soient similaires comme produits inférieur). J’ai ensuite considéré la finaux, les deux assemblages ont été possibilité que le schème de réduction produits selon des séquences de réduction, Meadowood de Granger soit trop simple et les approches technologiques et des que les grattoirs bifaciaux n’étaient pas le systèmes d’acquisition différents. produit final d’une séquence de réduction En plus de la divergence dans la bifaciale. Si cela était le cas, les grattoirs de séquence de réduction, les grattoirs Jemseg pourraient cadrer plus facilement bifaciaux à modification ventrale partielle dans la notion de grattoirs bifaciaux sont différents des grattoirs bifaciaux de Meadowood. Pour vérifier cette possibilité, style Meadowood sur plusieurs plans. Des j’ai examiné un assemblage considéré 68 grattoirs classés comme bifaciaux, 10 comme Meadowood, celui de la Pointe-du- sont de style Meadowood, et les autres sont Buisson, au Québec (Clermont et variés morphologiquement et Chapdelaine 1982, voir aussi Chrétien technologiquement. Cinq d’entre eux ne 1995). Cet ensemble est remarquablement portent qu’entre 5 et 8 enlèvements similaire à ceux décrits par Granger. À peu ventraux alors que treize portent des angles près tous les grattoirs bifaciaux de Pointe- aigus, de petites projections ou des éperons du-Buisson étaient en fait fabriqués à partir sur un ou deux côtés du front. Ceci est de bifaces de stades finaux. En plus, ils souvent produit par un enlèvement ventral étaient en grande partie fabriqués dans du contrôlé à partir d’un coin du front, créant chert Onondaga. Ceci m’a permis de une arête sur un côté du front (figure 18.1). conclure que les grattoirs bifaciaux de Cette modification semble fonctionnelle et Jemseg étaient significativement différents pourrait en partie expliquer la préférence des grattoirs bifaciaux Meadowood. Bien pour les grattoirs bifaciaux aux dépens des grattoirs unifaciaux. Figure 18.1 : Grattoir bifacial non Meadowood en trois vues. À noter sur la vue latérale un enlèvement près du bord du front, créant une arête, indiquée par une flèche. Dimensions réelles, dessin par A. Sumner.

260 Wolastoqiyik Ajemseg

Mes réserves à propos du Meadowood sylvicole maritime inférieur : 2460 ± 60 AA, et de la nature du sylvicole maritime de la structure 56. inférieur ont été renforcées lors de l’analyse Les structures de la composante 5 des autres classes artéfactuelles. À cause de nos présomptions initiales, nous avions Bien que seulement deux structures prévu qu’au moins quelquesunes des datent de la période entre 2800 AA et 2400 datations radiométriques appuieraient nos AA (structures 14 et 56), j’en ai identifié idées sur la chronologie du site. En effet, d’autres qui pourraient être reliées à cette notre premier résultat de 2520 ± 70 AA n.c. composante, dont les structures 8, 9, 16 et (Beta-101508), obtenu sur du charbon d’un 47. Mais en raison du degré d’incertitude de petit foyer rempli de pierres fracturées par leur attribution à la composante 5, j’ai limité le feu (structure 14), était confortablement mon analyse détaillée à ce qui provient des situé dans l’épisode Meadowood qui a été deux premières. confirmé ailleurs dans le Nord-Est à La structure 14 est un foyer en cuvette l’intervalle entre 2800 AA 2400 AA (Fiedel qui contenait beaucoup de galets et de 2001, Granger 1978, McEachen 1996). Or, pierres fracturées par le feu. Elle mesurait des datations supplémentaires sur 118 cm par 80 cm, sur 26 cm de profondeur. échantillons provenant de 10 structures ont Elle n’a produit que peu d’artéfacts, soit un révélé une fourchette de dates pour le site fragment de nucléus bifacial, un gros éclat qui s’étend de l’archaïque terminal au utilisé et onze éclats. La structure 56 était sylvicole maritime moyen. Une seule une petite fosse ovale contenant un sable nouvelle date se place dans l’intervalle du limoneux foncé parsemé de charbon. Elle se

Figure 18.2 : Artéfacts de la structure 56 : (a) couteau bifacial avec polissage et retouche le long de la marge supérieure d’une arête latérale; (b) trois vues d’un grattoir bifacial. Les deux pièces sont en chert Washademoak. Dimensions réelles, dessin de A. Sumner.

ab

261 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 poursuivait sous la paroi ouest de l’aire A et Seulement 18 éclats de ces deux donc ne fut que partiellement fouillée. La structures conservaient leurs talons et donc partie visible mesurait 100 cm de largeur permettant une analyse (voir chapitre 16). sur 25 cm de profondeur. Sa forme et son Cet échantillon est dominé par des éclats contenu en font un foyer-fosse ou une fosse typiques de la réduction bifaciale, dont à déchets. Elle contenait un gros lot de quatre éclats de production et de mise en céramique CP1 traitée au battoir cordé fin, forme, huit éclats d’amincissement et un soit 80 tessons représentant un minimum de éclat d’affûtage. Un éclat avait un talon plat deux vases (vases n°1 et n°10) (Bourgeois et uni, caractéristique des stades initiaux du 1999 et ce volume). L’assemblage lithique façonnage, et quatre autres avec des talons consiste en 46 pièces taillées dont sept endommagés ont été classés comme outils. Parmi ceux-ci, il y avait un couteau indéterminés. De façon générale, les éclats bifacial portant de la retouche et du des structures 14 et 56 sont petits, avec une polissage sur la partie distale d’une arête longueur moyenne de 13,9 mm et leurs latérale, un fragment mésial de biface, un talons ont en moyenne une largeur de 7,6 grattoir bifacial, deux grattoirs unifaciaux mm et une épaisseur de 2,3 mm. Ces de grosseur moyenne, un nucléus utilisé ou caractéristiques générales reflètent les retouché et un éclat utilisé (figure 18.2). Elle stades finaux de la séquence de réduction a également produit un très gros et épais bifaciale et peuvent signaler une emphase nucléus bifacial et 38 éclats. sur la production finale et l’utilisation. La

Tableau 18.2 : Les matières premières des structures 14 et 56.

o Matière N de Poids Description première pièces

Pierres volcaniques felsiques pâles 6 6 10.1 Felsite homogène 42 14 12.5 Décolorée rougeâtre Pierres volcaniques mafiques foncées 13 2 1.0 Vert foncé granuleuse 19 5 10.2 Vert-brun foncé 43 5 2.0 Vert décoloré Pierres volcaniques porphyriques 29 1 0.1 Kineo-Traveller Mountain Cherts 11 19 130.2 Chert Washademoak 30 2 0.9 Chert du Bassin des Mines 45 2 9.0 Chert décoloré ou brûlé 53.1 1 0.1 Chert moucheté gris opaque 53.4 1 0.9 Chert translucide blanc à rose opaque Quartz 12 1 0.7 Quartz 262 Wolastoqiyik Ajemseg présence d’un unique éclat utilisé ou dominée par le chert Washademoak et les retouché implique une préférence pour les pierres volcaniques. Elle a également outils stylisés formels qui y sont présents. produit de faibles quantités de porphyre de Nous avons identifié un ensemble de Kineo-Traveller Mountain (6 pièces) et de matières premières dans ces structures, chert du Bassin des Mines (1 pièce). La dont principalement des variétés de pierres pointe à larges encoches latérales (spécimen volcaniques felsiques et mafiques (tableau 24049, figure 18.3) ressemble aux forets du 18.2). Le chert Washademoak est fortement sylvicole maritime inférieur du Québec représenté par les variantes rouges, (Clermont et Chapdelaine 1982 : 64) et de translucides et jaunes (74 % du décompte et l’État de New York (Granger 1978, Ritchie 87 % du poids). Plusieurs autres cherts (les 1980), mais elle ressemble aussi aux pointes types JC45, JC53.1 et JC53.4) peuvent être « Orient fishtail » (Black 2000). L’association des variantes de cherts du Bassin des Mines d’un grattoir bifacial en chert et de Washademoak. Le quartz et les Washademoak (spécimen 32250) offre quartzites en sont à peu près absents. un appui supplémentaire avec la Les structures non datées qui peuvent composante 5. appartenir à la composante 5 partagent La structure 9 était indirectement reliée quelques-uns de ces aspects. La structure 8 à la structure 8 par le recollage d’un biface. était un foyer en cuvette de 178 cm sur Il s’agit d’un petit foyer (75 cm x 68 cm x 21 120 cm et profond de 24 cm. Il contenait une cm) qui contenait 132 éclats plus grands que variété d’artéfacts, dont une meule, une 5 mm et 1190 éclats plus petits. Les seuls pointe à larges encoches latérales, un outils étaient une pierre à cupule et un grattoir bifacial, quatre extrémités distales possible éclat utilisé. et mésiales de biface, un grattoir unifacial, La structure 16 était une cuvette six éclats retouchés et deux éclats utilisés. circulaire d’un diamètre de 90 cm sur une Comme la structure datée, celle-ci était profondeur de 21 cm, contenant 30 éclats et un grattoir unifacial en pierre volcanique Figure 18.3 : Pointe à larges encoches latérales verte décolorée. Le niveau de labour au- de la structure 8. Dimensions réelles, dessin de dessus de la structure a produit plusieurs A. Sumner. artéfacts, certains arborant des caractéristiques Meadowood, dont deux petites pointes de projectile avec de petites encoches latérales, trois grattoirs bifaciaux, deux grattoirs unifaciaux, trois bifaces non aménagés, un fragment de nucléus bifacial, un fragment mésial de biface et 167 éclats. La structure 47, de forme irrégulière, était une série de lentilles de charbon et de pierres fracturées par le feu qui contenait la

263 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 base d’une pointe à encoches latérales faites changements dans la stratégie de mobilité en pierre volcanique rouge ou en mudstone et la préférence pour de petits outils (JC15), et 15 éclats. À côté de la structure, on transportables. Il se pourrait que la a trouvé trois éclats et un nucléus bifacial en modification du front des grattoirs pierre volcanique verte décolorée. bifaciaux soit une intégration d’aspects fonctionnels autrefois réalisés par les éclats Discussion sur la composante 5 utilisés. Il est également possible que cette Les structures de la composante 5 sont variation technologique soit le reflet de en général très similaires, consistant en de changements chronologiques. Les grattoirs petits foyers associés à des témoins de de style Meadowood pourraient représenter production et d’utilisation de bifaces. Ce une forme de base à partir de laquelle une schème suggère une succession de petits technologie différente fut développée, peut- campements résidentiels et une faible être par adaptation au chert à haute teneur intensité d’utilisation du lieu sur plusieurs en silice de Washademoak. Selon ce point siècles. La présence de quelques exemples de vue, les grattoirs bifaciaux non- de pierres exotiques témoigne de Meadowood pourraient représenter une l’intégration à des réseaux d’interaction transition vers les grattoirs unifaciaux, de la régionaux qui ressemblent à ceux de composante 6. l’archaïque terminal dont nous avons Enfin, il est évident qu’il y a une part discuté au chapitre 16. Meadowood significative dans l’assemblage Nos impressions premières à l’effet que de la composante 5, autant au point de vue le site de Jemseg puisse représenter un du style de certains outils que de la camp de base (selon la distribution des présence de d’autres éléments artéfacts dans les labours) et que les caractéristiques, comme la poterie traitée au maisons semi-souterraines peuvent être battoir cordé. L’assemblage de la reliées à la composante 5 ne semblent pas composante 5 tire ses origines dans fondées. Il y a une forte continuité entre les l’archaïque terminal et montre des liens composantes 5 et 6 aux chapitres de synchrones avec les comportements ailleurs l’acquisition et de la réduction des dans le Nord-Est. matériaux lithiques, du schème Nous voyons dans la partie initiale du d’établissement et de la structure des sylvicole maritime inférieur, une interactions régionales. Mais il y a aussi de continuation des réseaux d’interaction subtiles différences. Les résidents de Jemseg régionale, ce qui suggère l’existence d’une de la composante 5 ont ajouté une population bien établie et occupant technologie de grattoirs bifaciaux à leur pleinement la région. La composante 5 ne répertoire d’outils, et ont réorienté leur montre donc pas d’indices de séquence de réduction des gros bifaces et remplacement de population durant cette outils sur éclats vers un outillage plus période comme le propose Fiedel (2001). De formel et stylisé. Ceci peut refléter des plus, la technologie de la composante 5 est

264 Wolastoqiyik Ajemseg

Tableau 18.3 : Dates radiométriques des structures et complexes structurels de la composante 6.

Structure No de labo Date calibrée (2 sigmas)

2230±50 AA Béta-105889 Complexe structurel 4 (structure 25) 2140±60 AA Béta-105892 Complexe structurel 2 (structure 11) 2060±40 AA Béta-105999 Complexe structurel 6 (structure 44) 1940±90 AA To-9619 Complexe structurel 1 (structure 5) différente de celles des systèmes Les complexes structurels de la Meadowood macrorégionaux, et suggère composante 6 que notre attribution de la composante à la Nous avons été en mesure d’obtenir des « culture Meadowood » n’a pas de sens. datations sur quatre complexes structurels Pour l’assemblage de Jemseg de cette de la composante 6. Ce sont, en ordre période, il est probablement mieux d’y chronologique de la date obtenue, les appliquer des modèles qui examinent la complexes structurels 4, 2, 6 et 1 (tableau participation de groupes locaux dans les 18.3) vastes réseaux d’échange d’idées et de biens Le complexe structurel 4 est une cuvette au cours du sylvicole maritime inférieur, bilobée de dimension moyenne initialement comme le proposent Lorin (1985) et désignée par le numéro de structure 25. Heckenberger et al. (1990a, 1990b). Avec une date de 2230 ± 50 AA, il est le plus ancien complexe structurel de la La composante 6 : la fin du sylvicole composante 6. Il se compose de deux aires maritime inférieur de foyer, situées sur la terrasse supérieure À la suite de la composante 5, on (aire A). Il faisait 216 cm de longueur sur constate des indices de continuité et 104 cm de largeur, et avait 46 cm de d’intensification de l’établissement au site profondeur. Il se différenciait des autres de Jemseg Crossing. Ces indices reposent complexes par sa faible densité d’artéfacts. principalement sur un ensemble de Nous y avons trouvé un grattoir bifacial complexes structurels de moyenne à grande non-Meadowood, deux éclats utilisés et six dimension. La présence de complexes éclats. Les matériaux sont principalement structurels dans la composante 6 témoigne en pierre volcanique, mais le grattoir est en d’une augmentation de la complexité de chert vitreux noir. Aucune poterie ne fut l’utilisation de l’espace et d’une trouvée dans le complexe structurel 4. augmentation de la dimension des Le complexe structurel 2, un profond constructions domestiques. plancher de maison semi-souterraine, était aussi localisé dans l’aire A. Il mesurait 332 cm sur 207 cm avec une profondeur de 51 cm, et présentait plusieurs aires de foyer. La

265 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 présence de multiples lentilles de sol noir, également trouvé neuf outils et 166 éclats et charbonneux et organique témoigne nucléus. d’occupations successives intercalées de Le complexe structurel 1, initialement périodes d’abandon. Une date de 2140 ± 60 désigné par les numéros de structure 1 à 5, AA a été obtenue sur le charbon de l’une était situé sur la terrasse supérieure et des lentilles supérieures, indiquant que continuait hors de l’aire de fouille. Sa partie l’utilisation de cette structure a eu lieu visible mesurait 350 cm sur 200 cm. Sa surtout avant cette date. configuration interne présentait un épais Le complexe structurel 2 a produit un plancher d’habitation, une concentration grand nombre d’artéfacts lithiques dont 15 d’éclats, une petite aire de foyer et un outils, 85 éclats et nucléus et 80 tessons de inhabituel pavage de galet. Bien que ce poterie traitée au battoir cordé représentant complexe structurel ne recelait pas de un minimum de deux vases. Cette poterie poterie, il a produit 48 outils et 369 éclats et est attribuée au CP1 (Petersen et Sanger nucléus. 1991, Bourgeois 1999, ce volume). Ces La technologie lithique tessons indiquent la durée stylistique des poteries traitées au battoir cordé. Les quatre complexes attribués à la Le complexe structurel 6 se situe sur la composante 6 ont produit un total de 75 terrasse inférieure, le seul de ce complexe outils et 626 éclats et nucléus. L’outillage est qui n’est pas sur la terrasse supérieure. Il dominé par des classes informelles comme n’a été que partiellement fouillé, à travers des éclats utilisés et retouchés ainsi que de des fenêtres de 1 m sur 2 m qui gros éclats non amincis et retouchés constituaient les unités de ce secteur, et bifacialement (tableau 18.4). À l’exception avait une dimension minimale de 3 m sur d’un seul grattoir bifacial du complexe 4,8 m. Il contenait des aires de foyer et des structurel 4, les outils formels sont rares. planchers d’occupation similaires à ceux Les quelques grattoirs y sont larges et de enregistrés au site de Fulton Island, un site format moyen (figure 18.4). Les outils d’habitation du sylvicole maritime situé à informels exhibent une grande variété de l’opposé du système hydrographique de formes et de formats et incluent de gros Grand Lake (Foulkes 1981). Cet ensemble éclats et nucléus modifiés (figure 18.4 et de structure peut représenter des 18.5). occupations répétées à petite échelle, un Du total des éclats de la composante 6, seul campement de plusieurs wigwams ou un nombre de 342 ont conservé un talon. une grande structure d’habitation unique. Cet échantillon montre que les étapes de la On y a trouvé 50 tessons appartenant à production et de l’amincissement bifacial deux vases (n° 6 et n° 11). Bien que très ainsi que de la retouche par pression sont fragmentaires, certains exhibent un frottage bien représentées (tableau 18.5) en dépit de des parois internes et externes, les la rareté des bifaces minces dans attribuant à la période CP2a. On y a l’assemblage de la composante. Cela

266 Wolastoqiyik Ajemseg

Tableau 18.4 : Classes d’outils de la Tableau 18.5 : Types d’éclats de la composante 6. composante 6. o o Bifaces aménagés 0 Type d’éclat N de N Gros éclats retouchés pièces d’outils* bifacialement 9 Bifaces non aménagés 3 Décortication 24 1 Fragments de bifaces 3 Réduction de nucléus 67 12 Grattoirs bifaciaux 1 Réduction bipolaire 3 1 Grattoirs unifaciaux 5 Production bifaciale 23 2 Éclats retouchés 16 Aminicissement bifacial 133 7 Nucléus retouchés 1 Éclats utilisés 31 Affûtage 4 - Nucléus utilisés 6 Pression 20 - Éclats 616 Indéterminé 67 5 Nucléus 10

Total 341 28

* Grattoirs, éclats retouchés et utilisés suggère que des bifaces étaient produits sur felsiques et mafiques, des mudstones ainsi le site mais ils n’étaient pas utilisés dans des que des quartz, des quartzites et des cherts contextes domestiques. aux couleurs vives. Ces dernières classes de On observe une autre tendance dans les matériel étaient sous-représentées dans les éclats servant d’outils. Durant l’épisode de composantes précédentes. Certains de ces la composante 4, il y avait une orientation matériaux (spécialement les quartzites technologique vers l’usage d’éclats de colorés) sont fortement concentrés dans les réduction bifaciale. Durant la composante 6, complexes structurels (comme le complexe l’emphase était portée sur les éclats de structural 6), suggérant un pattern de façonnage initial des nucléus, et cela laisse réduction continu in situ ou encore que entrevoir la possibilité que ces supports complexes structuraux ne sont pas n’étaient pas unifaciaux (tableau 18.5). La contemporains. composante 6 a produit dix nucléus. Ceux- Il y a aussi un transfert vers les ci sont très variables, incluant des bipolaires variantes aux couleurs vives du chert (2), des multidirectionnels (2), des Washademoak. Les variantes rouge et jaune tabulaires (3) et un bifacial. Cette variabilité forment 86 % du décompte et 91 % du peut refléter en partie les caractéristiques poids, dépassant de loin les variantes bleu- des matières premières. gris et noir-brun. Sur dix nucléus, neuf sont en chert Washademoak. L’acquisition des matières premières L’assemblage lithique de la composante La technologie céramique 6 était diversifié au chapitre des matériaux. S’il y a des indices d’usage de poterie On y retrouve des pierres volcaniques cuite à température peu élevée dans la

267 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 composante 6, les tessons sont cela pourrait signifier que la poterie avait irrégulièrement distribués parmi les une fonction limitée ou spécialisée à ce complexes structurels. Alors que les moment, et cela appuie l’idée d’un usage complexes structurels 2 et 6 ont produit de peu important de cette technologie parmi la céramique, cela ne fut pas le cas pour les les gens de Jemseg. Malgré sa petite taille, complexes structurels 1 et 4. Ce n’est l’assemblage de poterie de la composante 6 probablement pas dû à une tendance marque la transition entre une longue chronologique car les complexes 1 et 4 tradition de céramique traitée au battoir représentent les deux extrêmes de la cordé vers une céramique décorée avec datation de cette composante. Par contre, présence de parois frottées.

Figure 18.4 : Grattoir unifacial à gauche et éclat retrouché à droite. Ces deux pièces en pierre volcanique sont de la composante 6. Dimensions réelles, dessin de A. Sumner.

Figure 18.5 : Un nucléus utilisé en chert Washademoak, du complexe structurel 2, composante 6. Dimensions réelles, dessin de A. Sumner.

268 Wolastoqiyik Ajemseg

Tableau 18.6 : La composition pétrographique de la pierre taillée de la composante 6.

o Type de N de Poids Description matière première pièces

Pierres volcaniques pâls (felsiques) 6 53 114.9 Felsite homogène 7 22 21.7 Gris-vert veiné 26 8 6.8 Brun pâle à taches blanches 39 12 11.8 Grise à taches 42 99 78.9 Rouge décolorée Pierres volcaniques foncées (mafiques) 9 20 19.3 Bleu-noir homogène 13 40 21.5 Vert foncé granuleuse 19 106 147.1 Brun-vert foncé 34 7 28.1 Rouge pourpre tacheté 43 57 68.9 Vert décoloré 44 2 10.4 Vert décoloré à trous 50 21 49.5 Grossier foncé Pierres volcaniques porphyriques 2 1 0.3 Andésite ou porphyre brun hétérogène 29 6 3.6 Kinéo-Traveller Mountain 40 1 1.2 Gris-rose Quartzite 1 2 13.2 Gris à brun, grains moyens 3 2 0.2 Gris translucide 23 2 0.8 Gris enfumé semi-translucide (Ramah) 58 31 30.8 Jaune, grains moyens 59 9 2.5 Blanc à translucide, grains moyens 60 5 3.1 Brun translucide Chert 11 88 591.4 Washademoak 30 13 11.6 Bassin des Mines 31 1 0.9 Noir vitreux 32.4 2 7.5 Noir et brun cireux 45 9 27.2 Brun décoloré ou brûlé 53.1 10 10.0 Gris opaque bariolé 53.2 3 1.0 Calcédoine brune bariolée 53.3 3 2.7 Brun semi-translucide 53.4 3 10.5 Blanc à rose semi-translucide 53.5 3 3.9 Ambré semi-translucide Quartz 12,23 47 78.7 Quartz Mudstone 15 3 3.7 Rouge 24 1 30.1 Vert foncé opaque Autres divers misc 7 4.3

269 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Discussion composante 5 et leurs indices d’un système Il y a eu d’importants changements technologique bifacial, et les dans le schème d’établissement et la comportements présents dans les structures technologie pour les gens de Jemseg durant subséquentes. La grande diversité de l’épisode de la composante 6. Les petits matières premières dans la composante 6 foyers et campements éphémères font place peut indiquer une plus grande période à de grandes habitations plus élaborées et d’occupation, ou peut simplement refléter complexes. Elles étaient occupées un échantillon plus substantiel. Comme longtemps ou réutilisées souvent comme avec les composantes précédentes, il y a l’indiquent les éléments stratigraphiques et peu d’indices de subsistance et de la grande densité de matériel lithique. Ces saisonnalité. Le contenu des structures tendances peuvent aussi suggérer une montre que les noix longues continuent baisse de la mobilité résidentielle ou un d’être exploitées (chapitre 14), avec une changement de la mobilité résidentielle (le variété d’autres plantes. L’assemblage d’os déplacement du groupe sur différents sites calcinés reste sous-analysé et conserve son d’habitation) vers une mobilité logistique potentiel pour une étude éventuelle de (l’utilisation d’un camp de base à partir l’économie de cette période. duquel le groupe fait des excursions La composante 7 : le sylvicole maritime d’acquisition [Binford 1980]). Ce moyen (SMM) comportement se reconnaît aussi dans la La dernière composante de Jemseg qui technologie lithique où l’on semble précède le Contact date du sylvicole abandonner une boîte à outils très maritime moyen. Selon le matériel trouvé transportable orientée à partir de bifaces lors de la fouille, seulement une brève (comme c’est le cas dans la composante 4) portion du SMM pouvait être définie, soit au profit d’un système technologique moins de 1750 AA à 1500 AA, car la composante transportable qui incorpore la poterie et qui n’est pas très substantielle et elle manque ajoute aux bifaces les outils sur éclats. Cette de structures datées au radiocarbone et idée de la relation entre la mobilité et la d’artéfacts diagnostiques. Il est par ailleurs technologie lithique puise dans une reconnu qu’il y avait plusieurs documentation nord américaine abondante communautés autochtones dans la basse sur l’organisation technologique (Andrefky vallée de rivière Saint-Jean à ce moment 1991, 2000, Bamforth 1986, Bleed 1986, (Foulkes 1981, Varley 1998, WGA 2000). Il Boyster 1991, Carr 1994, Cowan 1999, est vraisemblable que le secteur de Jemseg Johnson et Morrow 1987, Icelly 1988, Kuhn ait continué d’être utilisé après cette 1994, Nelson 1991, Odell 1998, Shott 1986, période, mais nous n’avons rien trouvé qui 1994). indique des activités ultérieures au sein de Le complexe structurel 6 représente un l’emprise de l’autoroute. Des discussions assemblage transitionnel, entre les avec les habitants locaux et l’examen des structures plus éphémères de la 270 Wolastoqiyik Ajemseg collections privées nous permettent fonctionnellement reliées, et donc toutefois de confirmer des occupations contemporaines, au complexe structurel 3 significatives durant le sylvicole maritime en raison de leur proximité et de leur nature moyen et supérieur dans le secteur. complémentaire avec ce dernier. Plusieurs structures, dont le complexe Deux dates radiométriques ont été structurel 3 (structure 21), les structures 20, obtenues du complexe structurel 3. La 22, 23, 24 et 48 ont été attribuées à la première a été obtenue d’une lentille de composante 7. La plupart se concentrent charbon de bois dans l’argile sablonneuse dans les portions centrales et nord de gris pourpre (à approximativement 45 cm l’aire A, et pourraient être reliées sous la surface) et donna une date de 1600 ± fonctionnellement entre elles. 60 AA. La seconde vient de la croûte carbonisée adhérant à la paroi externe d’un Les structures de la composante 7 tesson du vase n°3 trouvé dans le complexe Le complexe structurel 3 fut l’une des structurel 3 sont minces (± 6 mm) et dernières structures fouillées avant la fin contiennent du dégraissant minéral fin des travaux. C’est une grande structure qui (Bourgeois 1999, ce volume). Ce vase a ses consiste en une longue cuvette de 259 cm parois intérieures et extérieures lissées et il sur 155 cm et une profondeur de 57 cm. Elle a été décoré avec un instrument dentelé contenait des couches compactes d’argile appliqué avec une technique basculante. Le sablonneuse gris-pourpre et de limon motif décoratif le distingue des autres vases sablonneux rouge-brun. Ces couches sont (peu décorés et traités au battoir cordé) de recouvertes d’alluvions non perturbées et Jemseg. Parmi les autres artéfacts provenant d’une lentille d’argile limoneuse grise qui de ce complexe structurel, se trouvent deux peuvent avoir été mises en place par des petits fragments mésiaux de biface, deux inondations (Varley et Howlett 1997). éclats retouchés, cinq éclats utilisés et un L’argile sablonneuse et le limon sablonneux nucléus utilisé. Un fragment d’ardoise polie du fond de la structure, qui avaient de 20 à y a aussi été trouvé. Nous n’avons pas 40 cm d’épaisseur, contenaient tout le associé ce matériel aux industries lithiques matériel culturel. du sylvicole maritime moyen et supérieur, Ce complexe structurel est mais il est vraisemblable que le fragment probablement un wikwam et pourrait avoir d’ardoise provient d’une occupation été produit sur une longue période de antérieure et qu’il ait été récolté par les temps. Le profil en cuvette est similaire aux occupants du complexe structurel 3. structures de la composante 6 et trahit une Une quantité considérable de témoins a dépense d’énergie assez grande lors de la été trouvé dans le niveau de labour au- construction. Si les structures 20, 22 et 23 dessus du complexe structurel. Ceux-ci n’ont pas été datées radiométriquement ou incluaient un bipointe ou une pointe par association d’artéfacts diagnostiques, pentagonale à base manquante, en pierre nous avons conclu qu’elles étaient volcanique verte décolorée (JC43), un

271 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 fragment mésial en même matière, un autre structures similaires, adjacentes aux fragment d’ardoise polie, un fragment non complexes structurels 6, ont pu également identifiable d’outil poli, quatre éclats être des structures d’entreposage qui leur utilisés et 85 éclats. Certains de ces objets, sont reliés. Elles sont toutes décrites au dont le fragment de bipointe en particulier, chapitre 14 du présent ouvrage. sont probablement reliés au complexe D’autres structures, ailleurs sur le site, structurel 3. Des bipointes similaires ont été sont également peut-être reliées à des mises au jour dans des contextes du SMM activités qui ont eu lieu au cours du du secteur de Grand Lake (Foulkes 1981 : sylvicole maritime moyen. La structure 24, 88-89) et ailleurs dans les provinces par exemple, est non datée, mais elle se maritimes (Allen 1980 : 136). Les pointes trouve stratigraphiquement au-dessus de la pentagonales montrent un comportement structure 25 qui, elle, a été datée à 2230 ± 50 semblable dans le reste du Nord-Est AA. La structure 24 est une petite aire ovale (Ritchie 1971 : 28). Dans la région, les en cuvette contenant une argile limoneuse pointes à pédoncule convergent grise parsemée de charbon. On y a trouvé 8 apparaissent avant la composante 7 mais éclats de pierres volcaniques décolorées. La elles ont pu persister durant le SMM structures 48 pourrait aussi être reliée au (Foulkes 1981 : 94-95). complexe structurel 3, et donc à la Plusieurs autres structures pourraient composante 7. C’est une aire ovale à la base être associées au sylvicole maritime moyen, du talus dans l’aire B qui contenait et en particulier au complexe structurel 3. beaucoup d’éclats ainsi qu’un tesson. Les Celles-ci incluent les structures 20, 22, 23 et 437 pièces lithiques sont en majorité du 48. Les structures 20, 22 et 23 forment un mudstone gris-vert bariolé (JC 62). Ce regroupement de petites fosses directement matériau n’a été trouvé qu’à cet endroit et au sud et à l’est du complexe structurel 3. dans le complexe structurel 3, ce qui fait Toutes les trois contenaient des restes croire qu’il pourrait s’agir d’une aire de d’aliments et des éclats. Bien qu’il soit débitage qui lui est reliée. tentant de les interpréter comme étant des La technologie lithique et l’acquisition des fosses d’entreposage reliées au complexe structurel 3, il manque des indices de matières premières de la composante 7 contemporanéité et de fonction pour en être J’ai concentré mon analyse lithique sur certain. Les indices pourraient se trouver le seul élément bien daté de la composante dans les matières premières, dans le 7 : le complexe structurel 3. La technologie recollage des pièces et dans la bifaciale, telle que manifeste dans multiplication des datations l’outillage et dans le débitage (tableau 18.7), radiométriques. Une analyse préliminaire continue d’être à l’honneur durant la des matériaux lithiques nous a permis de composante 7. L’utilisation de nucléus pour noter l’absence de chert Washademoak dans la fabrication d’outils sur éclats est moins ces structures (Black, ce volume). Des présente, mais il est possible que ce soit

272 Wolastoqiyik Ajemseg l’effet de la petitesse de l’échantillon. Les les 455 pièces lithiques des structures 24 et grattoirs, tant unifaciaux que bifaciaux, sont 48. Il n’y a pas non plus d’unifaces mais moins utilisés qu’avant. l’usage des outils sur éclats est présent dans Au chapitre de l’acquisition des la structure 48 où 20 éclats retouchés et 41 matières premières, on peut observer des éclats utilisés ont été trouvés. Ces outils ont changements (tableau 18.8). Ainsi, il n’y a été fabriqués à partir de plusieurs types pas d’indices d’utilisation du chert d’éclats dont des éclats de production et Washademoak dans la composante 7, ce qui d’amincissement bifacial (16) et de jusqu’alors était courant durant toutes les décortication et réduction de nucléus (10). périodes précédentes. En fait, il n’y a pas de De tels comportements tranchent avec cherts colorés d’aucune sorte. L’emphase est ceux des autres composantes du site de plutôt portée sur les pierres volcaniques Jemseg. Pourquoi est-ce que la source de locales, à l’exception d’un petit éclat en chert Washademoak n’est plus utilisée? Est- porphyre très décoloré qui pourrait ce que cela correspond à une baisse provenir de la région de Kineo-Traveller généralisée de l’utilisation des cherts, ou Mountain au Maine. Le mudstone rouge est est-ce particulier au chert de Washademoak, une variante pierreuse qui n’est pas par rapport à sa qualité fonctionnelle ou sa macroscopiquement similaire à celles plus disponibilité? cireuses du nord du Maine. Discussion Ce schème est aussi présent dans les structures non datées que j’ai associées à la Les patterns de la composante 7 composante 7. Ainsi, il n’y a pas de chert montrent une certaine continuité avec les Washademoak du Bassin des Mines parmi composantes du sylvicole maritime

Tableau 18.7 : Les types d’éclats du complexe structurel 3.

Type d’éclat Nombre de pièces

Décortication 4 Réduction de nucléus 5 Bipolaire 1 Production bifaciale 3 Amincissement bifacial 26 Affûtage bifacial - Pression - Indéterminé 8

Total 47

273 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 inférieur de Jemseg. Le style d’habitation exotiques comme le quartzite de Ramah et semi-souterraine impliquant une dépense le porphyre de Kineo-Traveller Mountain d’énergie assez importante est le même que sont également rares ou absents. Cela celui présent dans la composante 6. suggère que les degrés d’interaction qui ont Mais, contrairement aux périodes lieu durant le sylvicole maritime inférieur précédentes, il semble y avoir eu un avaient disparu au sylvicole maritime abandon de l’utilisation des matériaux moyen. lithiques colorés et translucides au profit On observe un comportement similaire des matériaux locaux opaques. Les seuls sur d’autres sites du Nord-Est où il y a matériaux exotiques présents dans la transition du sylvicole inférieur au moyen composante du SMM sont des mudstones (Heckenberger et al. 1990 a, Loring 1985). ou des cherts rouges similaires à ceux de Cela est en partie dû aux importants Munsungun, mais qui pourraient être changements sociaux généralisés qui ont disponibles plus près (Black, ce volume). cours à ce moment dans l’ensemble du Les variantes des cherts Washademoak, du Nord-Est, dont le développement de Bassin des Mines et autres cherts l’agriculture dans sa partie méridionale. translucides, sont complètement absentes « Ce processus (d’un repli régional) des contextes SMM. D’autres types semble marquer la transition de systèmes

Tableau 18.8 : Matières premières identifiées dans le complexe structurel 3.

o Matière première N de pièces Poids Description

Pierres volcaniques pâles (felsiques) 6 9 107.9 Felsite homogène 28 2 7.5 Gris veiné 42 36 36.7 Rougeâtre décoloré Pierres volcaniques foncées (mafiques) 13 1 0.2 Vert foncé granuleux 19 12 19.6 Vert-brun foncé 43 2 1.0 Vert décoloré 44 1 0.8 Vert décoloré à trous 50 1 1.6 Grossier foncé Pierres volcaniques porphyriques 29.3 1 1.5 Décoloré Cherts 45 1 0.3 Blanc décoloré et brûlé 53.1 1 0.1 Gris opaque bariolé Quartz 12 2 3.5 Quartz Mudstone 15 13 10.8 Rouge 62 9 20.5 Gris-vert bariolé

274 Wolastoqiyik Ajemseg sociaux égalitaire de chasseurs-cueilleurs accrue. Les gens ont alors pu obtenir tous aux sociétés hiérarchisées naissantes, alors les matériaux lithiques nécessaires durant que la flexibilité territoriale fut remplacée des rondes saisonnières et ils se rétractaient par des villages centralisés et des frontières donc des réseaux régionaux. Si cette tribales » (Loring 1985 : 106). tendance a continué, il y aurait eu des La tendance vers la fabrication d’outils changements substantiels dans les schèmes sur éclats qui a débuté dans la composante d’établissement après la composante 7. Des 6 semble se continue à la composante 7. Il y arrêts écourtés par rapport à ceux du SMM a même moins de types d’outils formels, et et d’avant dans le secteur de Jemseg en il est évident que ces derniers se font auraient été le résultat. D’autres lieux du remplacer par des outils sur éclat, comme secteur auraient pu être plus intéressants les éclats retouchés et utilisés. J’ai suggéré, pour de petits campements spécialisés et de dans ma discussion de la composante 6, que courte durée. En effet, l’utilisation de ce comportement pouvait refléter un wikwam’l (ou maison semi-souterraines) ne changement de stratégie de mobilité. Mais semble pas avoir perduré durant le ça pourrait aussi indiquer une diminution sylvicole maritime supérieur au niveau générale de l’importance de la technologie régional. Et la tendance vers un lithique au profit d’autres matériaux approvisionnement local des matériaux comme l’os et l’andouiller. La poterie, qui lithiques s’observe aussi dans d’autres continue d’être fabriquée durant le SMM, assemblages du sylvicole maritime moyen n’est pas si abondante que dans la de la Péninsule maritime (Black 1992, Blair composante 6, ce qui peut aussi suggérer 1997, Bourque 1992, Bourque et Cox 1981, que d’autres techniques de préparation et Cox 1987, Leonard 1996). Cela peut aussi de cuisson des aliments s’y greffent, comme correspondre à une identité régionale et une des récipients en matériaux organiques et organisation sociopolitique qui s’accroissent les pierres à bouillir. (Burke 2001). Après 1500 AA, il y a des indices évidents d’un réajustement des Après la composante 7 relations interrégionales entre les groupes Bien qu’il n’y ait que très peu d’indices de la Péninsule maritime, ce qui a renouvelé des périodes subséquentes dans le matériel les réseaux d’échange vers la situation mis au jour au site de Jemseg Crossing, de existant à la période du Contact (Bourque et tels témoins se retrouvent Whitehead 1987). vraisemblablement dans le secteur. Il est possible toutefois que les subtiles tendances observées au SMM, c’est-à-dire un éloignement des technologies non transportables et une concentration sur un approvisionnement local de matériaux lithiques, soient le reflet d’une mobilité

275 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

276 Wolastoqiyik Ajemseg

Cimaciw Wenuhcok Petapahsultitit 19 : Les artéfacts et les structures de la période postérieure au Contact

Susan Blair, Pam Dickinson et Christopher Blair

La période postérieure au Contact en Toutefois, la plus grande partie du Amérique du Nord correspond à l’épisode travail archéologique de cette période, s’est suivant les premiers contacts entre les concentrée sur les établissements européens autochtones de l’Amérique du Nord et les des Français et des Anglais au cours des 300 explorateurs, missionnaires et colons de années depuis leur arrivée. l’Eurasie. Au Canada, ces événements ont Comparativement, peu de recherches débuté dans la région des provinces de archéologiques ont été effectuées sur les l’Atlantique. Bien qu’il y ait eu une série autochtones du Nouveau-Brunswick. d’expéditions et d’établissements au XVIe Nous espérions que le site de Jemseg siècle, la colonisation permanente au ouvrirait une fenêtre sur les acteurs Nouveau-Brunswick a commencé au début wolastoqiyiks dans ce secteur durant la du XVIIe siècle. Il existe de l’information période postérieure au Contact. À travers écrite pour à peu près tous les Européens les histoires orales et les discussions qui ont peuplé la région depuis ce temps. informelles, nous avons appris sur la La période suivant le Contact européen est richesse de la relation entre les donc désignée comme étant la période Wolastoqiyiks récents et le secteur de historique. En ce sens, « historique » fait Jemseg, le système hydrographique de référence aux documents écrits (voir Grand Lake et de la basse vallée de la chapitre 13). Le secteur de Jemseg a été le rivière Saint-Jean. Cette information cœur d’importantes activités régionales au démontre que de telles composantes cours de toute la période postérieure au existent dans le secteur de Jemseg, contact et nous nous attentions à trouver indépendamment de la recherche des indices de cette occupation sous forme archéologique. de témoins archéologiques. Malheureusement, la grande partie des zones utilisées durant la période

277 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 postérieure au Contact a été fortement Le contexte historique perturbée, surtout par les activités agricoles. De plusieurs façons, l’utilisation du Ce type de perturbation limite sérieusement secteur de Jemseg à la période suivant le la capacité des archéologues à interpréter le Contact se poursuit dans l’élan des patterns passé. Nous avons tout de même identifié de la période précédente. Cette région une gamme d’artéfacts historiques s’articule dans les modes de vie du Nord- provenant du site. Ces témoins procurent Est par le biais de réseaux extensifs de un cadre chronologique pour les activités circulation. Ces réseaux empruntent les wolastoqiyiques et non-autochtones à rivières qui pénètrent à l’intérieur du Nord- Jemseg qui peuvent nous guider dans nos Est et sont reliés par de courts portages à interprétations générales. leurs têtes (Ganong 1899). Les Dans le chapitre suivant, nous Wolastoqiyiks étaient des constructeurs de discuterons de la documentation relative à canots d’écorce, le moyen de transport par ce secteur et explorerons des sources excellence d’un tel réseau. additionnelles d’information, spécialement Bien qu’elle soit le théâtre d’une les connaissances locales et les traditions présence continuelle des Wolastoqiyiks, la orales autochtones. En raison de la riche période qui suit le Contact peut elle-même histoire des activités wolastoqiyiques et se subdiviser en séries d’incursions, de non-autochtones dans le secteur de Jemseg, peuplement et de revendications notre traitement n’est pas complet, mais il territoriales basées sur la géopolitique vise à offrir un cadre historique général. Les régionale et ses liens avec les enjeux lecteurs sont invités à consulter les majeurs entre les puissances coloniales excellents exemples d’éruditions locales d’Amérique. La basse vallée de la rivière orientées sur la période historique du Saint-Jean et le secteur de Jemseg ont Nouveau-Brunswick et de la basse ballée de souvent figuré dans ces conflits durant la la rivière Saint-Jean pour une analyse plus période acadienne ou française (1604 à complète de cette période. Après ce 1760). La région devient ensuite un centre synopsis, nous examinerons les classes de peuplement non-autochtone durant la d’artefacts et leur distribution sur le site de période des Planters (1760 à 1784) et, manière à mettre en valeur le potentiel de suivant l’arrivée des Loyalistes à la fin du l’assemblage historique du site Jemseg XVIIe siècle, entre dans une phase générale Crossing. Cet assemblage reste toutefois d’expansion économique et de partiellement étudié et la recherche future développement. fournira certainement une meilleure Au cours du XVIIe siècle, les Français perception de l’histoire récente du site de ont commencé à établir une série de postes Jemseg Crossing. de traite dans la basse vallée de la rivière Saint-Jean, établissant des relations avec les Wolastoqiyiks. Or, si le XVIIe siècle est considéré comme faisant partie de la

278 Wolastoqiyik Ajemseg période acadienne (1604-1760), la basse garçon puritain qui fut acheté comme vallée de la rivière Saint-Jean a été l’objet esclave par Damours après une période de répété de prises par les puissances captivité chez les Wolastoqiyiks (Gyles coloniales. En 1659, durant un épisode de 1851). contrôle britannique, Thomas Temple L’attention de l’administration française construisit le fort Jemseg et un poste de se transféra du côté de l’actuelle Nouvelle- traite à l’embouchure de la rivière Jemseg, à Écosse après le début du XVIIe siècle environ 10 km en aval du site de Jemseg (Lockerby 2000). Ganong (1899 : 271) note la Crossing (Lockerby 2000 : 6 : Raymond 1943 présence d’un village français de trente ou : 44). quarante maisons juste en aval de En 1667, le traité de Breda redonna la l’embouchure de la rivière Jemseg. En 1733, région aux Français et Pierre de Joybert, au moins vingt Acadiens étaient établis sieur de Soulanges et de Marson reprit le dans des fermes de la seigneurie (Soucoup contrôle du fort en 1670 (Lockerby 2000). En 1997 : 38). Au cours de cette période, les 1674, un corsaire hollandais du nom de terres seigneuriales du secteur de la rivière Jurriaen Aermoutsz s’empara du fort Jemseg changent souvent de propriétaires (Ganong 1899 : 312, Lockerby 2000, (Ganong 1899, Soucoup 1997 : 23-36). Raymond 1943 : 45046, Soucoup 1997 : 31- À l’automne 1758, les Anglais se 32). Un an après que les Hollandais aient saisissent de la basse vallée de la rivière pillé le fort, les Français le rétablissaient Saint-Jean et brûlent les établissements comme élément du système défense acadiens dont ceux de Jemseg (Lockerby français et comme quartier général de 2000, Raymond 1943). À la suite de l’Acadie jusqu’en 1692 (Raymond 1943 : 46- l’expulsion des Acadiens des Maritimes, les 47). Durant cette période, quelques colons Britanniques établirent des colons à français établirent des fermes dans le Maugerville, au nord de l’embouchure de la secteur rivière Jemseg (Raymond 1943). Avec le En 1686, un Canadien, Louis temps, ces colonies changèrent, grandirent Damours de Chauffours s’est fait puis furent augmentées par l’immigration offrir la seigneurie de Jemseg détenue auparavant par Pierre de croissante dans le secteur des Loyalistes, Joybert. Damours y emménagea d’Irlandais, d’Écossais et d’Anglais. avec sa femme, puis cultiva sa terre, traita avec les Malécites Les activités locales (Wolastoqiyiks) et ouvrit un Le peuplement et l’exploitation de la magasin. Il fut l’un des premiers Wolastoq (la rivière Saint-Jean) à la période fermiers de la rivière Saint-Jean. postérieurs au Contact reflètent la Le recensement de 1695 indique que continuité de l’importance de la circulation Damours avait 65 acres de culture, une et du transport. Cela inclut des grange, une étable, 22 bêtes à cornes, 50 développements industriels comme la cochons et 150 têtes de volaille. La propriété coupe de bois et les mines de charbon. de Damours fut décrite par John Gyles, un

279 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Des documents écrits aussi anciens que pâturages. En 1961, la portion orientale du 1642 et relevés par Clark Wright (1966 : 115) terrain (vers l’intérieur) a été boutée durant et Soucoup (1997 : 27) suggèrent que le la construction de l’autoroute. secteur de Grand Lake a vu les premières Les histoires orales révèlent que mines de charbon de l’Amérique du Nord. pendant qu’avaient lieu toutes ces activités, Un document datant du 27 août 1670 fait les Wolastoqiyiks circulaient le long de la mention de la possession du fort de Jemseg rivière Jemseg et dans le secteur de Grand au nom du roi de France par le sieur Joybert Lake. Si les historiens n’ont pas pris la peine de Soulanges. Il cite le potentiel d’écrire ces faits, les aînés les ont, par économique de dépôts de charbon locaux. contre, bien conservés en mémoire. Comme « ...ou il s’en trouvé environ un le résume Perley (repris du chapitre 7) : tonneau de charbon du pays; à Beaucoup d’aînés ont partagé environ six pas du meme côté, il y a leurs récits de Jemseg et de sa place une cave où il peut tenir deux dans le paysage culturel des tonneaux. » (Procès verbal de Wolastoqiyiks, les gens de la belle possession, et de létat du fort de rivière. Le défunt Charles Paul de Gemisick, par le sieur Joibert de Negotkuk / Tobique a dit que Soulages, au nom du Roi de France, Jemseg était un endroit où l’on se du 27 août 167) rassemblait pour ramasser le bois Depuis cette époque, la rivière Jemseg a flottant (comm. pers. 1997). Il était continué d’être utilisée pour une variété aussi connu comme un lieu où l’on se rassemblait. La défunte Ruth d’activités économiques. Clark Wright Saulis, originellement de (1966 : 116) relève l’usage de la rivière pour Welmooltuk / Oromocto (et plus le transport du bois flotté vers la ville de tard de Negotkuk / Tobique), se Saint-Jean. La pêche commerciale a souvenait qu’elle visitait le site e quand elle était petite. Elle appelait continué dans Grand Lake au cours du XX l’endroit « l’étape », où les gens qui siècle (Meth 1971). voyageaient sur la rivière Saint-Jean Quelques-unes de ces activités se sont campaient pour une journée ou concentrées dans le secteur de Jemseg. deux, parfois plus. En ce lieu, ils fabriquaient des paniers, ils Dignam (1977) a récolté des informations pêchaient, chassaient le canard, sur l’utilisation des terres lors d’entrevues récoltaient les atocas, échangeaient avec de nombreux résidents de Jemseg. Il a et socialisaient. Elle se souvenait noté des données sur plusieurs activités d’un flux constant de gens qui arrivaient et partaient à différents industrielles le long de la rivière Jemseg, moments (comm. pers. 1997). dont un chantier maritime (1820-1890), un La défunte Christina Nash de moulin à scie (1920-1929), une manufacture Welmooltuk / Oromocto se de boîtes (1930-1947) et une marina (1980- rappelait de visites où les gens ramassaient les têtes de violons et 1997). Il a également relevé que le site lui- e trappaient le rat musqué. C’est même avait été utilisé au début du XX durant ces épisodes que deux siècle pour des activités agricoles, ce qui a naissances eurent lieu à Jemseg, mis en scène du labourage, des brûlis et des celle du fils de sa sœur et celle de 280 Wolastoqiyik Ajemseg

John Atwin (comm. pers. 1996). fourneaux de pipe en argile et une clochette Certain de ces comportements de cuivre (Turnbull 1975). On a suggéré que traditionnels ont perduré jusqu’à e maintenant. Le défunt Charles Paul ces pipes datent du milieu du XVII siècle, de Welmooltuk / Oromocto nous a donc contemporaines de l’occupation du dit que John Sacobie (Welmooltuk / fort de Jemseg, et qu’elles auraient pu être Oromocto) a continué de visiter échangées à ce fort (Turnbull et al. 1995- Jemseg jusqu’à tout récemment pour récolter des plantes 1996). De récentes tentatives pour retrouver médicinales et de l’apios tubéreux le fort recèlent un potentiel pour améliorer (Apios americana), et trapper le rat notre compréhension de l’épisode suivant le musqué. Il n’a pas poursuivi cette Contact dans le secteur de Jemseg. tradition pour des raisons de santé (comm. pers. 1997). Le peu de matériel archéologique du secteur augmente l’importance de Les indices archéologiques l’assemblage du site de Jemseg Crossing. Il Peu de sites témoignant du contact a produit 19 626 artéfacts attribuables à la entre les Autochtones et les premiers période suivant le Contact. Ils sont dominés Européens dans la région ont été identifiés. par une variété en poterie européenne, des Le site Fulton Island contenait deux bouteilles et contenants en verre, des objets

Tableau 19.1 : Les artéfacts de la période postérieure au Contact du site de Jemseg Crossing, selon les classes générales d’artéfacts et de matériel.

Classe d’artéfacts No de pièces

Terre cuite fine blanche (creamware, pearlware, céramiques vitrifiées...) 980 Terre cuite grossière rouge (brique et poteries) 122 Grès (poteries diverses) 242 Porcelaine (pièces de poupées, vaisselle et vaisselle jouet, figurines) 124 Autres céramiques non analysables 5161 Pipes en argile (fourneaux et tuyaux) 303 Verre plat 497 Verre à bouteille 5062 Perles de verre 288 Os modifié (surtout des perles et des boutons) 20 Clous et tiges de fer 2719 Autres objets en fer 2199 Autres métaux 315 Crayons d’ardoise 5 Scories et laitier 40 Charbon minéral 262 Autres matériaux et artéfacts 106 Plastique, caoutchouc, styromousse, etc... 1181

Total 19 626

281 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 en fer, spécialement des clous et des tiges. Les structures et les aires d’activités Ils couvrent toute l’étendue de la période Comme nous l’avons vu au chapitre 14, postérieure au Contact, du début du XVIIe nous avons identifié une concentration siècle à la fin du XXe siècle. Bien que nous d’artéfacts de la période postérieure au n’ayons pas identifié de structures non Contact dans la portion sud de l’aire B, dont équivoques de cette période, nous avons les unités A54, A55, B55, C54, C55 et D55. Ils observé une structuration de la distribution étaient associés à plusieurs lentilles de sol de certaines classes d’artéfacts. fortement perturbées et à plusieurs Cet assemblage demeure largement non planches pourries. analysé quoique nous ayons conduit des En tout, nous avons mis au jour 5150 analyses préliminaires de plusieurs classes artéfacts de la période historique dans cette d’artéfacts. Dickinson a fait une étude sur aire, en plus de 1097 os calcinés d’animaux les pipes en argile. C. Blair a intégré le (généralement assignée à la période matériel postérieur au Contact dans un chronologique indéterminée, voir chapitre cadre interprétatif et, avec l’aide de Darcy 8), totalisant 6247 témoins archéologiques. Dignam et Cynthia Adams, il a fait les Plusieurs des artéfacts représentent une identifications préliminaires des objets. étendue de plusieurs siècles (de la fin du Enfin, S. Blair a intégré le matériel dans un XVIIIe siècle à la fin du XXe siècle) mais il y cadre spatial et chronologique. Cette a peut-être aussi des éléments plus anciens. analyse a éclairé des aspects particuliers de Le détail est décrit au tableau 19.2. cette composante, dont possiblement une Un bon nombre de ces classes habitation wolastoqiyique. Le travail a d’artéfacts se distribuent également entre grandement profité d’un enregistrement toutes les unités. Un tel comportement peut détaillé et annoté, de même que d’un travail indiquer des activités régulières de rejet, à de conservation sur les perles de verre par petite échelle, créant un pattern aléatoire. Val Monaham, qui a soigneusement Ces classes sont les différentes sortes de examiné les attributs technologiques et vaisselle de table (terres cuites fines à corps morphologiques (voir Monaham 1997). blanc et gris, grès à pâte chamois et La section suivante décrit la seule porcelaine), le verre à récipients, le structure ou aire d’activité postérieure au plastique et le caoutchouc. contact identifié sur le site, suivie d’une D’autres classes d’artéfacts étaient brève discussion de deux classes d’artéfacts distribuées inégalement. Dans certains cas, diagnostiques, les pipes en argile et la elles peuvent témoigner du bris consécutif céramique, à partir desquelles on peut au rejet d’une grosse pièce. Cela a pu être le entrevoir un cadre chronologique pour cette cas de la classe « autres objets en fer », car période. l’unité B55 a produit une grande quantité de fragments de fonte qui ont pu provenir d’une grosse pièce d’équipement ou d’un poêle. D’autres distributions pourraient

282 Wolastoqiyik Ajemseg refléter des aires d’activités de rejet. Ce peut activités. Un gros échantillon de 1097 os être le cas de la distribution des perles de carbonisés et calcinés d’animaux a été verre et des fragments de pipe en argile récupéré de l’unité C55. Bien que l’analyse dans A54 et A55, ou des os d’animaux faunique détaillée de cet échantillon n’ait calcinés et des fragments de grès à pâte pas été effectuée, les analyses préliminaires chamois en C55. de Stewart (voir chapitre 12) ont permis Ces distributions et la rareté de certains d’identifier plusieurs os calcinés de rats de ces matériaux ailleurs sur le site musqués (139 éléments), de grands (spécialement les perles de verre) nous font mammifères (21 éléments), de possibles soupçonner la présence d’une habitation de oiseaux (121 éléments) et de poissons (10 la fin du XIXe siècle. Cette idée trouve écho éléments). Certains de ceux-ci portent des dans les traditions orales (voir le volume 1). marques de boucherie. La diversité et la Elles nous apprennent que les composition de l’assemblage suggèrent des Wolastoqiyiks ont campé dans le secteur de activités primaires de subsistance avec une Jemseg tout en y pratiquant des activités de orientation vers la faune sauvage, en subsistance comme la chasse, le trappage particulier le rat musqué pour sa viande et du rat musqué et autres activités. Un piège sa fourrure. Cette combinaison d’attributs en fer forgé de l’unité A54 ainsi que appuie fortement la présence des plusieurs petits plombs en A55 reflètent ces Wolastoqiyiks sur le site.

Tableau 19.2 : Les classes de matériaux de la partie sud de l’aire B, selon les unités de fouille.

Matériau A54 A55 B55 C54 C55 D55 Total

Terre cuite fine blanche 60 57 28 47 50 69 311 Terre cuite grossière rouge 1 0 2 55821 Grès 1 2 35 40 79 18 175 Porcelaine 11 22 23 31969 Pipes en argile 17 1 1 04629 Verre plat 88 43 164 6 95 6 402 Verre à bouteille 291 91 232 144 125 63 946 Perles de verre 193 66 19 140283 Clous et tiges de fer 489 220 121 96 193 127 1246 Fer autre 110 199 808 0 93 89 1300 Autres métaux 22 34 34 2 17 19 128 Os modifié 7 1 9 00017 Os non modifié 27 26 5 0 684 355 1097 Plastique et caoutchouc 18 10 59 1 6 11 105 Autres matériaux 9 4 20 21137

Total 1393 782 1586 347 1357 781 6247

283 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Tableau 19.3 : Les types de perles de verre du site de Jemseg Crossing (d’après Monahan 1997).

Type Description Aire B Autre aire type 1 moulée ou coupée, polie, moyenne, rouge opaque, 0 1 section pentagonale

type 2 étirée, moyenne, blanc luisant, ronde 0 1

type 3 étirée, moyenne, blanc luisant, en baril 0 1

type 4 enroulée, grosse, bleu pâle, plusieurs endommagées 27 0 ou brûlées

type 5 étirée, moyenne, claire luisante, cylindrique, 3 0 certaines endommagées

type 6 étirée, petite, irrégulière, hexagonale, noire 6 0

type 7 étirée, composite, petite, rouge et blanc, cupulée 8 0 et fissurée

type 8 étirée, petite, rouge luisant 10 0

type 9 étirée, petite, incolore, luisante 3 0

type 10 étirée, petite, luisante, rose 134 0

type 11 étirée, petite, blanc luisant 50 1

type 12 étirée, petite, bleu pâle, luisante 25 0

type 13 étirée, petite, jaune fragmentaire et fissurée 1 0

type 14 étirée, moyenne, bleu luisant 0 1

type 15 grosse, brûlée et fragmentaire 4 0

type 16 enroulée, moyenne, bleu foncé 1 0

type 17 moulée, avec ligne de moule, moyenne, incolore, 5 0 légèrement iridescente 284 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 19.1 : Un échantillon de perles de verre de la portion sud de l’aire B après traitement par V. Monahan.

Les traditions orales nous permettent pourries, possiblement un plancher aussi d’identifier des classes d’artéfacts qui d’habitation. Les perles ont été classées par peuvent être spécifiques aux pratiques le responsable du laboratoire qui les a culturelles des Wolastoqiyiks. Par exemple, numérotées selon la dimension, la forme, la de grosses pièces de verre étaient utilisées couleur et la technique de fabrication pour lever des éclisses de frêne utilisées (Monaham 1997). Un examen approfondi pour la vannerie (voir Volume 1). Nous de cette collection par un spécialiste des avons trouvé, dans l’unité C55, un gros perles serait nécessaire et pourrait fournir morceau de verre clair à récipient qui une date plus précise pour ces contextes. portait de petites fractures et des traces Une datation du XIXe siècle est inférée d’enlèvements sur un rebord, et dans l’unité pour cet assemblage à partir de A54, un plus petit fragment de verre blanc l’articulation de la tradition orale, de l’âge présentant un pattern de modification suggéré des pipes en argile et de l’âge localisé similaire au précédent. Ceux-ci suggéré des perles. L’analyse des artéfacts pourraient être deux exemples de historiques de Jemseg Crossing reste « rabots », ou grattoirs, en verre que nous toutefois préliminaire, et une étude ont décrits les aînés wolastoqiyiks. éventuelle pourrait raffiner ou réfuter notre Enfin, la concentration de perles de hypothèse d’une habitation wolastoqiyique verre en A54 et A55, doublée d’une plus du XIXe siècle dans l’aire B. petite concentration de pipes en argile, Les pipes en argile pourrait également témoigner d’activités De la même manière que la forme d’une wolastoqiyiques. Nous avons trouvé en tout pointe de projectile peut nous aider à dater 283 petites perles de verre (la plupart avec des occupations précédant le Contact, les un diamètre de moins de 2mm) dans la pipes en argile peuvent en faire de même partie sud de l’aire B, dont 92 % pour la période suivant le Contact. La proviennent des unités A54 et A55. Elles morphologie des pipes a changé dans le étaient associées aux planches de bois temps et il en résulte que la forme du 285 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 fourneau ou les décorations et les marques fragments de tuyau (Binford 1978). La sur le fourneau et le tuyau peuvent servir formule d’Harington/Binford est de marqueur chronologique (Noel Hume Y = 1931, 85 -(38,26 X), 1970, Oswald 1975). où X égale le diamètre moyen des trous Les 303 fragments de pipe du site de en 1/64' de pouce et Y égale l’âge moyen Jemseg sont donc utiles en ce sens. Tous ces des pipes trouvées sur un site. fragments proviennent de pipes qui ont été La formule Harrington/Binford est fabriquées en Europe et apportées en largement en usage afin d’estimer les Amérique du Nord en tant qu’items de périodes d’activité d’un site. Binford faisait traite, effets personnels ou marchandise toutefois la mise en garde que la formule est générale de vente et consommation. Les précise seulement dans une fourchette pipes complètes sont très rares dans la allant de 1620 à 1780. Les probabilités plupart des sites archéologiques, et le site d’erreur augmentent en dehors de cette de Jemseg, qui n’en a pas produit de période (1978 : 66). D’autres (A. Faulkner, complètes, ne fait pas exception sur ce comm. pers. 2000) suggèrent que la formule point. Nous devons donc utiliser des est probablement plus fiable au sein de la techniques particulières pour estimer l’âge fourchette 1640 à 1750. De plus, Harrington de certains de ces fragments, comme (1978 : 64-65) soulève le fait que la date l’analyse statistique du diamètre des trous résultante peut être biaisée par une série de de tuyau ou l’analyse des décorations et des facteurs technologiques. Durant le procédé marques sur les tuyaux et les fourneaux. de fabrication, le trou peut être élargi vers l’embout quant la broche est retirée avant le Le diamètre des trous de tuyau séchage. Il peut aussi y avoir des variations L’une des méthodes les plus communes locales entre les fabricants. Enfin, le trou et acceptées pour dater les pipes en argile peut aussi s’élargir à l’endroit où il pénètre fut découverte par J.C. Harrington en 1954 le fourneau (A. Faulkner 2000, comm. quand il nota que le diamètre des trous de pers.). tuyau diminuait dans le temps (Harrington Il y avait un total de 126 fragments de 1978 : 63-65). En utilisant des unités de tige de pipe en argile dans la collection. Le mesure de 1/64' de pouce, il publia un diamètre de leurs trous fut mesuré avec une graphique qui montrait les distributions de jauge graduée au 1/64' de pouce. La pourcentage de diamètre des trous de distribution des diamètres du site produit tuyaux de cinq périodes successives une courbe bimodale qui suggère deux couvrant la fourchette de temps allant de périodes d’activités (figure 19.1). Binford 1620 à 1800 (Harrington 1978 : 64). En 1961, met en garde que l’accumulation croissante L. Binford raffina la méthode d’Harrington de tuyaux d’une période sur la précédente en produisant une formule de régression peut biaiser l’échantillon total en faveur de qui permettait de générer une date cette première période (Binford 1978 : 66). moyenne pour tout assemblage de La distribution bimodale de la figure 19.1

286 Wolastoqiyik Ajemseg suggère que nous devrions considérer ce les tuyaux du mode ancien de la courbe car facteur pour le site de Jemseg. Puisqu’il y a le nombre de pipes de cette période est trop eu deux périodes distinctes représentées sur petit. le site, la formule Harrington/Binford n’a L’analyse des diamètres des trous de pas été appliquée sur toute la collection de tuyau suggère deux périodes d’occupation tuyaux. Il faut également considérer le séparée. Deux pics anciens sont observables problème de la grosseur de l’échantillon à 8/64e et à 7/64e de pouce représentant la (Faulkner 1980 : 24). En définitive, nous période entre 1620 et 1680. Mais les n’avons pas pu obtenir une date fiable pour fourneaux courts et bulbeux ne semblent

Figure 19.1 : Les diamètres des trous de tuyau des pipes de Jemseg. 50

45

40

35

30

25

NOMBRE DE SPÉCIMENS NO. SPECIMENS

NO. SPECIMENTS NO. 20

15

10

5

3/64eeeth 4/64th 5/64th 6/64eth 7/64eth 8/64eth DIAMÈTREBORE DIAMETER DU TROU EN IN POUCE INCHES 287 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 pas présents dans la collection. Cela complet (planche 19.2) ainsi que sur quatre suggère que la plupart de ces pipes datent fragments de tuyau. Cette marque plutôt d’entre 1650 et 1680. En effet, un seul particulière a été décrite par Oswald (1975 : fragment de tuyau avait un diamètre de 152) puis Miller (1983 : 76). Le « LE » tient 3/64e de pouce et un autre avait un pour Llewellin Evans, un manufacturier de diamètre de 6/64e de pouce. pipe de Bristol qui a exporté ses pipes en La distribution bimodale semble aussi Amérique du Nord de 1661 jusqu’à sa mort montrer un hiatus soit dans l’occupation du en 1688 (Oswald 1975 : 128, 152). Sa femme site, soit dans l’usage des pipes en argile sur continua l’exportation pendant quelque le site entre 1680 et 1710. temps, ainsi les pipes « LE » apparaissent La plupart des tuyaux avaient des encore dans les contextes des années 1690 diamètres de tuyau mesurant 5/64e de (A. Faulkner, comm. pers. 2000). Des pipes pouce. Ce pic peut refléter la régulière de la famille Evans ont été trouvées au absence de talon sur les pipes du site, et Maine, au site de Pemaquid, au site de correspond aux pipes d’exportation sans Clarke and Lake Company et au fort talon de 1710 à 1750. La dernière Pentagoet (Faulkner 1987 : 175). Ces concentration de diamètres de trou est celle marques apparaissent en tant que lettres de 4/64e de pouce. Elle suggère une imprimées sur le dos des bols ou sur les occupation au XIXe siècle et est appuyée par talons, et en tant que décors à molette sur les marques étampées sur les tuyaux et un les tiges. embout glacé. À Jemseg, quatre fragments portaient la marque « LE » avec un décors à la molette, Les décorations et les marques de ce qui est consistant avec le modèle fabricants des pipes en argile Llewellin Evans observé ailleurs, qui inclut Les marques de fabricants tout comme « (...) une rangée de diamants avec un point les aspects stylistiques peuvent aussi être au centre, encadrée de part et d’autre d’une utiles pour dater les pipes en argile. Or, ligne pointillés double » (Miller 1983 : 76). nous n’avons récolté que 29 spécimens Si toutes les pipes Llewellin Evans de décorés ou marqués. La collection ne Jemseg présentaient ce motif, il était absent présentait qu’un seul fourneau complet de la partie supérieure du fourneau avec une partie du tuyau, mais 12 complet. La rangée de diamants sur le fragments de fourneau portaient des tuyau était interrompue par la présence des éléments potentiellement diagnostiques. De lettres « LE ». Il y avait deux autres cet ensemble, trois n’étaient plus fragments qui montraient ce décor à la identifiables en raison de l’usure et sept molette mais qui ne présentaient pas le autres en raison de leur état partiel. « LE » à cause de bris. Comme l’avait noté Les pipes Llewellin Evans Miller (1983 : 76), les pipes Llewellin Evans La seule marque de fabriquant avec ont généralement un diamètre de trou de décoration est « LE », sur le fourneau tuyau de 7/64e et 8/64e de pouce. Les six

288 Wolastoqiyik Ajemseg

Planche 19.2 : Pipes Llewellin Evans, fourneau et fragment de tuyau, trouvés dans l’unité E61, Aire B.

spécimens de Jemseg portant les Les pipes Duncan McDougall caractéristiques des pipes Llewellin Evans Un autre fragment de pipe datable avaient toutes un diamètre de 7/64e de porte les lettres « Mc (...) » sur un côté du pouce. fourneau et « (...) LAND » de l’autre côté. C’est une marque de la firme Duncan Les pipes William White McDougall de Glasgow, qui opérait entre L’autre pipe à éléments diagnostiques 1846 et 1968. Les fabricants McDougall portait les marques « 78 » et « W.W (...) » s’affichaient comme « les plus grands sur un côté du tuyau. Sur le côté opposé du manufacturiers d’exportation au monde » tuyau apparaissait « (...)GOW ». Comme le (Walker 1977 : 240-244). Notre spécimen suggère Alexander (1983 : 221), l’inscription date vraisemblablement d’après 1890. En complète est « 78 » (le numéro de catalogue effet, le McKinley Tariff Act de 1891, de la forme), « W.White » (William White, exigeait des manufacturiers d’indiquer le 1805-1855), et de l’autre côté, « Glasgow ». pays d’origine sur toutes les pipes Un autre tuyau avec « 78 » fut trouvé. importées. Donc, les pipes Mcdougall Alexander (1983 : 221) suggère que ces d’avant 1890 portaient l’inscription fragments de pipe datent du XXe siècle. « McDOUGALL / GLASGOW », alors

289 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 19.3 : Fragments de pipe avec talon.

qu’après l’acte de 1891, cette inscription fut débutant avec « MI (...) », par exemple changée pour « McDOUGALL / Ezkiel Millar, John Mills, William Mills, SCOTLAND ». James Millson I, James Millson II, Joseph Les fabricants de pipe de Glasgow ont Millson et Richard Millson (Walker 1977 : pris la relève de ceux de Bristol en tant que 1212-1215). Un fragment additionnel portait fournisseur majeur des pipes en argile pour l’inscription partielle « (...) TE (...) » sur la le Nouveau-Monde à partir du milieu du tige. Il y avait aussi trois fragments de tige XVIIIe siècle, et continuèrent de dominer ce qui portaient des inscriptions non commerce tout au long du siècle suivant identifiables. (Faulkner 1980 : 33). Les années les plus Les décorations du talon prospères des fabricants de Glasgow étaient Trois fragments portaient des talons entre 1870 et 1885 (Walker 1977 : 340). intacts (planche 19.3). Les talons sont petits Autres tuyaux marqués et décorés et probablement de la fin du XVIIIe siècle. Nous avons identifié un petit fragment Un des talons se trouve sur la pipe de tuyau avec la marque « MI (...) » sur le Llewellin Evans avec le bol complet. La côté. Il y a eu plusieurs fabricants de pipe positon de cette forme dans la série de Bristol au XVIIIe et au XIXe siècles qui chronologique d’Oswald (1975 : 39), auraient pu avoir utilisé une inscription articulée avec la forme et la longueur du

290 Wolastoqiyik Ajemseg talon, indique que notre spécimen date de cohérent avec les exemples du XIXe siècle. la fin du XVIIe siècle et serait donc un Quatre fourneaux portaient des motifs en exemple tardif de pipe Llewellin Evans. Le relief dont un montrant la partie inférieure second talon ressemble à celui de la pipe d’un personnage qui pourrait être le type Llewellin Evans. Il y avait enfin un autre hollandais « croisé et chasseresse » du XVIIe talon sur une portion arrière de fourneau siècle. Deux fragments de fourneau avec une partie de la tige. Le fragment portaient des lettres imprimées dans la pâte malheureusement endommagé n’a pas pu (planche 19.5). L’un porte les lettres être identifié. « (...)EN » entourées d’un cercle, et l’autre porte les lettres « DE (...) » encadrées, dont Les décorations et marques de fourneaux la troisième lettre partielle pourrait être soit Les décorations et marques sur les un « R », un « F » ou un « P ». fourneaux incluent plusieurs motifs en En raison de la nature fragile des relief (planche 19.4). Il y avait trois fourneaux de pipes en argile et le degré de fragments portant un motif d’épis de blé dommage postérieur à l’usage et à la sur l’arête centrale du fourneau, ce qui est

Planche 19.4 : Fragments variés de fourneaux décorés.

291 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Planche 19.5 : Fragments de fourneaux avec inscriptions partielles.

déposition, il y avait peu de ces derniers qui la distribution. Les concentrations laissaient entrevoir une forme complète spécifiques qui pourraient refléter des avec un certain degré de certitude. Des comportements spatiaux précis étaient non fragments de fourneaux trouvés, aucun ne détectables. Mais à une résolution à semblait montrer une forme en bulbe, ce l’échelle de 2 mw, une image commençait à qui suggère qu’elles datent d’après 1660 se dessiner. Les fragments se concentraient (Oswald 1975 : 37-39). Deux fragments dans le nord et dans le sud de l’Aire A sur d’embout glaçuré qui se recollent datent de la terrasse supérieure alors qu’ils étaient la fin du XIXe siècle ou du début du XXe peu nombreux au centre. Les pipes de la fin siècle. du XVIIe siècle et du début du XIXe siècle étaient distribuées sur une bande parallèle à La distribution spatiale la rivière vers le centre du site. Cela peut La plupart des fragments de pipe ont correspondre aux habitudes de fumer des été trouvés sur la terrasse supérieure du fermiers lors des travaux agricoles puisque site. Cette portion a été labourée, mais il a cette distribution correspond au champ été possible de voir des agencements dans 292 Wolastoqiyik Ajemseg labouré. L’absence de pipes de cette époque contemporain d’une période où se bâtit une plus près de la rivière, sur la plaine alliance entre les Français et les d’inondation, pourrait appuyer cette Wolastoqiyiks (Raymond 1943). Bien qu’il y hypothèse. Les pipes plus anciennes, de la ait eu une présence continue des Français fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe dans le secteur entre 1680 et 1710, c’est siècle, se distribuaient sur l’ensemble du également une période d’incertitude site sans pattern visible. politique pour les Français, avec des incursions à répétition, des traité et des La chronologie changements de sort du fort de Jemseg Notre analyse suggère qu’il y ait eu (Ganong 1899, Lockerby 2000, Soucoup deux périodes distinctes d’utilisation du 1997 : 23-36). Cette incertitude a pu site après le Contact. La représentation perturber les relations locales, diminuant le graphique de la fréquence des diamètres commerce et les schèmes d’interaction des tuyaux de pipe a montré une courbe locale. Sous cette perspective, toutes les bimodale qui trahit une première période pipes du XVIIe siècle peuvent refléter un entre 1620 et 1680 puis une autre entre 1710 usage wolastoqiyik du secteur et une et 1800. En comparant ces dates à d’autres présence française locale. Cela a pu attributs de l’assemblage des pipes, nous continuer durant le XVIIIe siècle, bien qu’il avons été capables de réduire ces dates à ne soit pas clair quand l’augmentation de la des pics d’usage entre 1650 et 1680, et après colonisation eurocanadienne a commencé à 1710. Il y a donc un hiatus d’environ 30 produire des schèmes d’usage et de rejet années entre les deux périodes, mais il n’est eurocanadiens de la pipe en argile. Les pas possible de dire s’il s’agit d’un hiatus deux schèmes, tant wolastoqiyik dans l’utilisation du lieu ou un dans qu’eurocanadien ont vraisemblablement l’utilisation des pipes sur le site. Le second perduré jusqu’au XXe siècle. pic de la courbe bimodale représente probablement un usage généralisé du site à L’analyse de la céramique la fin du XIXe siècle. Les attributs comme la L’histoire de la vaisselle céramique est forme du fourneau, la présence ou l’absence marquée par d’intenses compétitions entre de talon, le diamètre des trous de tuyau et les manufacturiers qui recherchaient des les décors et les marques renforcent notre innovations techniques, décoratives et proposition à l’effet que les pipes du site de morphologiques. Cette compétition est en Jemseg Crossing datent de la fin du XVIIe partie due au désir des potiers européens siècle jusqu’au XXe siècle. d’imiter les dispendieuses et populaires Le comportement chronologique des poteries chinoises (Noel Hume 1970, pipes en argile pourrait refléter des Collard 1963). Il en résulte des changements changements dans les relations entre les de techniques et de styles qui nous procure Wolastoqiyiks et les puissances coloniales à des indices sur l’âge de la vaisselle et des la confluence des rivières Jemseg et Saint- composantes historiques associées. Jean. Le premier pic, entre 1650 et 1680, est 293 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

Le site de Jemseg Crossing a produit pourrait représenter une incursion une vaste gamme de céramiques grandissante d’Eurocanadiens dans la postérieures au Contact, dont des grès avec région. Ce modèle appuie notre idée selon différents corps et glaçures, des terres cuites laquelle les pipes en argile plus anciennes grossières rouges, des terres cuites beiges à que 1760 témoignent d’activités glaçure, des terres cuites grossières rouges, wolastoqiyiques et non d’une habitation des terres cuites beiges à glaçure à l’étain, française sur le site. des terres cuites fines blanches vitrifiées et En raison du volume de vaisselle plus des porcelaines (voir tableau 19.1). En se tardive et d’indices stratigraphiques, il est basant sur les changements de glaçures, de aussi probable qu’une partie de la poterie techniques décoratives, de styles, et de du XIXe et du XXe siècles représente des pâtes, nous avons été capables d’isoler des épisodes de dépotoir ou du remblai. types particuliers qui recèlent un Nous décrivons brièvement les classes arrangement chronologique. de céramiques dans les sections suivantes, Notre analyse nous a permis mais notre analyse demeure incomplète, et d’identifier des céramiques datant à partir plusieurs types n’ont obtenu que des de 1760, des périodes des Planters, des identifications sommaires. Loyalistes, et des XIXe et XXe siècles La période des Planters d’expansion coloniale. Par contre, nous Cette période est celle où les n’avons pas identifié de céramiques datant Britanniques tentent de conserver le d’avant 1760, malgré les indices d’activités contrôle des Maritimes et de prévenir le de cette période comme le suggéraient les retour des Acadiens expulsés. Cela a été pipes en argile. La céramique de la fin du partiellement accompli par XVIIIe siècle peut refléter une présence l’encouragement à l’immigration de gens de accrue des Eurocanadiens dans le secteur la Nouvelle-Angleterre après la Déportation du site. Puisque nous avons fouillé encore si des Acadiens de 1755. Ces efforts ont peu de sites autochtones postérieurs au continué jusqu’à la révolution américaine et Contact, on comprend mal le comportement le début de la période des Loyalistes en des biens européens qui y apparaissent à 1784. Le terme « Planter » vient de l’anglais travers le temps, mais de façon générale, il « planting » qui à cette époque signifiait se pourrait que la céramique, comme aussi coloniser. technologie peu transportable et à contenu Nous avons attribué trois types de stylistique ancré dans les traditions céramiques à la période des Planters. Ce culturelles européennes, ne soit pas bien sont le grès fin à corps blanc glaçuré au sel, représentée dans la culture matérielle la terre cuite grossière à corps chamois et la amérindienne d’avant le XXe siècle. En faïence. Les trois groupes sont représentés adoptant un tel comportement, l’apparition par de petits ensembles (21 pièces au total) de la vaisselle en céramique en grande dans l’aire A et un éparpillement dans l’aire quantité après la moitié du XVIIIe siècle

294 Wolastoqiyik Ajemseg

C. Dans l’aire A, ces tessons se loyalistes datant de la période entre 1784 et concentraient dans une bande qui s’étendait 1830, la période loyaliste se fond du centre au coin nord-est de l’aire A. Ces imperceptiblement, au chapitre de la artéfacts domestiques, comme la céramique, culture matérielle, dans la culture locale ont tendance à indiquer des habitations, et eurocanadienne de la fin du XIXe siècle et malgré le manque de documentation écrite, du XXe siècle. il est possible qu’un abri de courte durée ait Un nombre significatif d’objets en été bâti dans cette aire durant cette période. céramique de la période loyaliste a été La communauté Planter de Maugerville trouvé sur le site. Ils se caractérisent par des était établie à seulement quelques terres cuites fine blanche, spécialement le kilomètres en amont du secteur de Jemseg type pearlware. Presque tous furent trouvés sur la rivière Saint-Jean. Il est également dans l’aire A, mais s’y concentraient dans la possible, quoique moins vraisemblable, que moitié sud-ouest, et provenaient du niveau ces artéfacts représentent un dépôt de labour. secondaire, ayant été transporté sur le site La présence d’un nombre significatif dans un remblais. d’artéfacts domestiques loyalistes dans une zone localisée pourrait indiquer une sorte La période loyaliste d’habitation malgré le manque de La période loyaliste est marquée par documentation écrite à ce sujet. Il est l’arrivée de milliers de personnes de la possible que les structures d’habitation Nouvelle-Angleterre à la suite de la guerre soient situées en dehors de l’aire fouillée ou d’Indépendance américaine. Le terme même sous l’épais remblai à l’est du site. Il « Loyalistes » fut utilisé pour ceux qui est également possible que certains de ces appuyaient les efforts britanniques pour objets aient été utilisés par les maintenir leur autorité en Amérique au Wolastoqiyiks dans leurs campements cours des révoltes des années 1760 et 1770. moins permanents. Enfin, nous devons Après la victoire militaire de ceux qui considérer la possibilité qu’une partie ou voulaient créer une république, un très tous ces objets résultent de dépôts de rejet. grand nombre de personnes ont choisi ou ont été forcées de quitter la Nouvelle- La période coloniale Angleterre. Plusieurs partirent pour les La période coloniale se définit par Maritimes et des terres leur furent l’affaiblissement de la domination des octroyées. En raison de leur nombre et de familles loyalistes dans les Maritimes avec leur influence politique, les Loyalistes ont l’arrivée de nouveaux colons européens, laissé des traces significatives dans la particulièrement des îles britanniques. Les société et les établissements locaux, et ils années 1830 sont aussi marquées par recréèrent les modes de vie qu’ils avaient l’homogénéisation des creamware et abandonnés en Nouvelle-Angleterre. Bien pearlware, indicateurs de la période que nous ayons identifié des artéfacts loyaliste. À partir de ce moment, des

295 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 techniques de fabrication améliorées ont Ces artéfacts facilitent la datation et font de éliminé la coloration différente de ces deux 1891 un moment charnière bien commode. types de céramiques, les rendant à peu près Il s’agit aussi vraisemblablement de la indistincts. En raison de cette période de défrichage et du début des homogénéisation, la datation de sites de labours sur le site. Ceci a eu la fâcheuse cette période fonctionne souvent par conséquence d’effacer la plupart des l’élimination de la présence de types de témoins structurels qui auraient été le céramiques plus anciens ou plus récents. résultat de l’utilisation wolastoqiyique du On peut en dire autant des contenants en lieu. Nous sommes très reconnaissants verre et leurs techniques de fabrication. La envers les aînés wolastoqiyiks qui nous ont plupart des styles et des types de verre partagé leurs souvenirs et leur histoire, produits durant le dernier quart du XIXe nous permettant d’apprendre sur cette siècle continuèrent dans le XXe siècle. période autrement impossible à découvrir Bien que plusieurs types de céramiques par l’archéologie. trouvés sur le site datent de cette période, À des moments plus proches très peu ne datent que de cette période. La d’aujourd’hui, les sources historiques sur poterie diagnostique comme la terre cuite un secteur donné deviennent abondantes et fine vitrifiée décorée de motif à épis et fiables. Ainsi, l’absence de données d’autres au motif « flow blue » a continué concernant la construction d’habitations d’être produite jusqu’à la fin du XIXe siècle dans le secteur immédiat du site au début et après. Cette continuité se retrouve aussi du XXe siècle indique que les artéfacts dans les types de verres trouvés sur le site. modernes récoltés lors de la fouille y ont été La petite quantité de céramiques suggère rejetés ou encore transportés dans des que ce ne soit pas le résultat d’activités remblais. eurocanadiennes, mais plutôt des apports Selon les informations orales et sporadiques par les Wolastoqiyiks dans la l’analyse artéfactuelle, nous avons relevé seconde moitié du XIXe siècle. une habitation wolastoqiyique à la fin du XIXe siècle sur le site. Connaissant les L’ère moderne activités qui ont eu lieu sur le site au cours Pour des raisons analytiques, nous du dernier siècle, il n’est pas surprenant avons considéré que l’ère moderne débute que l’aire B ait été préférée comme lieu de en 1891. Cela est dû au McKinley Tariff Act campement par rapport à l’aire A. L’aire B des États-Unis qui exigeait que tous les marque la fin de la zone labourée et semble biens importés devaient porter la marque signaler la limite de la zone des crues. Tout de leur pays d’origine. Plusieurs artéfacts campement wolastoqiyik aurait évité un du site, dont les pipes en argile et beaucoup champ labouré et les zones marécageuses d’élément de vaisselle ont une marque de plus basses. fabriquant qui indique leur pays d’origine.

296 Wolastoqiyik Ajemseg

Les « grattoirs » en verre l’hypothèse de petites concentrations de L’une des catégories artéfactuelles les verre à vitre dans certaines zones (comme plus intéressantes que nous ayons identifiée dans l’aire C). Ces concentrations de verre, durant le projet était le « grattoir » de verre. lorsqu’elles sont situées sans lien avec des Bien que difficiles à identifier avec aménagements (comme des structures ou certitude, au moins cinq possibles grattoirs des concentrations de d’autre matériel, de verre ont été identifiés dans la collection. comme des clous en fer), pourraient Dans les unités C54 et C55, onze couvercles signaler des réserves d’outils pour les de verre ont été trouvés. Ils avaient un Wolastoqiyiks qui travaillaient le bois. diamètre approximatif de deux pouces et Conclusion présentaient différents stades de finition. La Le site de Jemseg Crossing est situé plupart semblaient précéder la Première dans un secteur d’activités continues et Guerre mondiale. Au moins deux de ces soutenues durant la période postérieure au pièces semblaient avoir des bords Contact. Il a été un lieu important pour les retouchés, indiquant qu’ils avaient pu être Wolastoqiyiks à travers les époques de part utilisés pour travailler le bois. Lors de et d’autres du Contact. Il a cependant aussi visites sur le site et lors de leurs récits, les été témoin de plusieurs épisodes aînés wolastoqiyiks nous ont dit que le d’incursions et d’activités eurocanadiennes verre était utilisé pour travailler le frêne, au cours des derniers siècles. particulièrement pour adoucir les manches Les indices archéologiques ont bénéficié de hache et pour soulever des languettes des informations riches et détaillée des pour la vannerie. Certains se souvenaient traditions orales (voir Volume 1), tout en les que ces activités avaient lieu dans le secteur complétant. Nous avons des témoins de Jemseg. D’autres discussions avec les d’activités locales aux XVIIe, XVIIIe, XIXe et aînés à propos des grattoirs en verre nous XXe siècles. Les artéfacts des XVIIe siècle et ont relevé des aspects intéressants. La du début du XVIIIe siècle sont caractérisés plupart se souvenaient avoir utilisé du par des objets de traite (surtout des pipes) verre à vitre pour ces tâches alors que et l’absence de matériel domestique certains soulignaient que le cristal européen (comme la vaisselle), et donc produisait une meilleure arête et pouvait représentent vraisemblablement des être modifié afin d’accomplir des tâches activités wolastoqiyiques. spécifiques. Les indices archéologiques Bien que les artéfacts de la fin du XVIIIe suggèrent que le verre épais à récipients, et du XIXe siècles démontrent une présence comme celui des couvercles en verre de accrue des colons eurocanadiens dans le pots de conserve, ait peut-être aussi été secteur de Jemseg, il y a des indices clairs, utilisé. Seulement un rebord de pot tant dans la tradition orale que dans le correspondant aux couvercles a été trouvé, matériel archéologique, d’une relation suggérant que ces couvercles n’étaient pas soutenue entre les Wolastoqiyiks et le site. associés aux pots. Cela peut appuyer

297 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2

En dépit du bouleversement substantiel de la plupart des niveaux supérieurs du site, où la plupart des indices de l’utilisation du lieu à la période postérieure au Contact seraient contenus, nous avons fait le lien entre les artéfacts et les enseignements fournis par les récits oraux afin d’apporter un éclairage sur la période postérieure au Contact du site de Jemseg Crossing.

298 Section cinq SOMMAIRE

Wolastoqiyik Ajemseg

Elikisimawipunomek Kehkitasuwakon 20 : Sommaire et conclusion

Susan Blair

Le site Jemseg présente une histoire Jemseg solutionnaient des problèmes d’une riche et diversifiée. Au moins huit façon qui transformait les traces de leur composantes culturelles, représentant culture matérielle. différentes périodes d’utilisation, peuvent Le document archéologique de Jemseg être reconnues dans le matériel mis au jour montre une grande profondeur de temps. au cours du PAJC. Il est clair, autant à partir Nous avons des indices d’une présence du document archéologique que des dans le secteur du site qui peuvent être plus connaissances traditionnelles des anciennes que 10 000 AA comme l’indique Wolastoqiyiks, que ces phases sont l’analyse de Dickinson au chapitre 15. Ces uniquement de petites fenêtres sur de traces ténues continuent durant la période beaucoup plus grandes périodes de temps entre 8500 AA et 5000 AA (chapitre 16) durant lesquelles les autochtones devenant de plus en plus claires à travers le prospérèrent dans le secteur. En effet, cette temps. Durant cet épisode, les gens de impression est confirmée par les traditions Jemseg s’adonnaient à des activités orales dans le volume 1, et par les domestiques sur la terrasse supérieure collections locales examinées durant le comme la transformation des aliments et la PAJC, qui révèlent une étendue beaucoup fabrication d’outils. À ce moment la, il se plus grande d’activité et de durée pouvait que déjà, les gens se rassemblent d’occupation des Wolastoqiyik à Jemseg. périodiquement sur le site pour ensuite se Les traditions orales autant que le matériel disperser sur le territoire pour chasser, archéologique indiquent que ces relations pêcher et récolter des plantes le long des ont continué jusqu’à nos jours. plans d’eau. Les relations entre ces gens et Ces composantes procurent des indices ceux du golfe du Maine vers le sud restent de longues traditions locales, mais aussi des nébuleuses. Toutefois, ils partageaient périodes de variabilité lorsque les gens de certains de leurs modes de vie et leur

301 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 culture matérielle avec des gens des régions populations apparentées au Meadowood adjacentes, comme ceux habitant le réseau vers le Sud-Ouest. Cette interaction a pu hydrographique de la rivière Sainte-Croix être orientée vers le Nord, vers l’amont de ou sur la côte atlantique. Ces la Wolastoq (rivière Saint-Jean), à travers comportements partagés peuvent suggérer d’anciennes routes de portage vers le Saint- un réseau régulier d’interactions et de Laurent, comme le suggère une série de communications de faible intensité au sein sites Meadowood le long du Saint-Laurent de la région. et du côté nord des Grands Lacs (Chrétien Durant la période suivante, l’archaïque 1995, Clermont et Chapdelaine 1984, Ferris récent et terminal (5000 AA à 3500 AA), les et Spence 1995, Jackson 1986, Williamson gens ont vraisemblablement conservé les 1980, Wright 1999). Ces schèmes sont mêmes comportements et plusieurs ont devenus plus prononcés après 2800 AA et graduellement augmenté le degré avec étaient de moindre importance avant cette lequel ils interagissaient avec les gens du époque. Il semble que les gens de Jemseg Maine et de la côte atlantique. Le matériel négociaient plusieurs frontières importantes archéologique de cette période a été entre le golfe du Maine et la région de la significativement perturbé par des activités rivière Miramichi. Ceci se manifeste dans plus récentes (durant les périodes l’assemblage de Jemseg par des artéfacts antérieures et postérieures au Contact) qui font le lien avec le matériel de rendant difficile la détermination des Quarryville (rivière Miramichi) et celui de patterns d’activité ou de changement. Il est la phase Orient du golfe du Maine et du cependant plausible que ce soit les mêmes sud de la Nouvelle-Angleterre. personnes qui ont utilisé le cimetière à Cow Il y a des indices locaux de récolte et de Point, cinq kilomètres plus loin. Les indices transformation des noix. Il semble y avoir régionaux suggèrent que durant cette de subtiles différences dans les schèmes période, la population s’accroissait de façon d’établissement entre la terrasse supérieure constante et que l’on se concentrait de plus et la terrasse inférieure, ce qui pourrait en plus sur l’exploitation de ressources suggérer des usages saisonniers distincts ou spécifiques, comme les pêches côtières, la un type d’établissement élargi comportant chasse aux mammifères marins ou encore la des aires d’activité très dispersées. Le récolte de plantes locales. système de fabrication de l’outillage des Ces ont pu culminer dans la période habitants de l’archaïque terminal était entre 3300 AA et 2800 AA. Principalement orienté vers une boîte à outils relativement en raison de facteurs de conservation et de diversifiée qui incluait de gros nucleus schèmes de perturbation, nous observons bifaciaux servant à produire des outils sur pour cette période une augmentation de la éclat, de petits bifaces minces (nucleus quantité et de la qualité des indices épuisés?), ainsi que de gros grattoirs archéologiques. Nous voyons également unifaciaux produit sur l’arête latérale d’un des indices d’interaction avec des éclat. Il y a peu d’indices des gros outils

302 Wolastoqiyik Ajemseg lourds et élaborés en pierre bouchardée et il y a des signes évidents de changements polie qui dominaient les assemblages de dans les schèmes d’établissement et dans la l’archaïque et ceci, articulé avec la possible mobilité. Les campements éphémères de la présence ancienne de poterie, démontre un période précédente sont graduellement caractère sylvicole maritime général. remplacés par des structures d’habitation Après 2800 AA, ces comportements plus complexes, dont plusieurs sont montés deviennent plus prononcés. La poterie, qui au-dessus de planchers creusés. Certaines apparaît sous la forme de petits vases de ces structures semblent montrer traités au battoir cordé, est très similaire aux beaucoup de variabilité interne et il est types en usage dans plusieurs régions du possible qu’elles aient pu contenir des Nord-Est. La technologie lithique montre éléments d’entreposage. Ces schèmes également de grandes affinités avec les démontrent une baisse de la mobilité et systèmes technologiques des Grands Lacs, peuvent indiquer un changement de la spécialement le complexe Meadowood. Ce mobilité résidentielle vers la mobilité système est fortement orienté sur la logistique (au sens de Binford 1980). production de petits bifaces minces. Or, La boîte à outils de la partie récente du nous avons noté des façons de faire dans la sylvicole maritime inférieur reflète ce fabrication des bifaces de Jemseg qui, bien changement du schème d’établissement. qu’offrant un produit final similaire aux Bien que les bifaces continuent d’être artéfacts Meadowood, utilisent un procédé présents dans le système technologique, différent. Il pourrait s’agir d’un changement nous percevons une emphase grandissante dans le temps, ou encore, que le système sur les nucléus pour la fabrication d’outils utilisé à Jemseg soit une interprétation sur éclat. Notre analyse des schèmes locale du Meadowood. d’établissement et de subsistance fut Durant cette période (entre 2800 et 2400 entravée par une mauvaise conservation AA, le sylvicole maritime inférieur) des matériaux organiques et par l’absence l’occupation était surtout restreinte à la d’une analyse détaillée. Néanmoins, les terrasse supérieure. Elle consistait en une quelques indices du site laissent croire que série de petits camps où de petits foyers la période entre l’archaïque terminal et le étaient probablement associés à des sylvicole maritime inférieur (entre environ constructions éphémères. Ce schème 3300 AA et 1900 AA) est caractérisée par suggère une mobilité résidentielle élevée et une orientation vers la récolte des noix, il est consistant avec la nature transportable vraisemblablement complétée par la pêche, de la boîte à outils. l’exploitation des riches environnements Bien que les comportements liés à la aquatiques de Grand Lake Meadow et la production d’outils, à l’acquisition des chasse au caribou, à l’ours et à l’orignal. matières premières, à la transformation des Plusieurs tendances sont perceptibles à noix et aux interactions régionales travers les trois composantes, dont la baisse continuent dans la période après 2400 AA, de la mobilité (telle qu’indiquée par l’usage

303 Projet archéologique de Jemseg Crossing, volume 2 accru de moyen d’entreposage et un résultant dans leur retrait des réseaux investissement plus intense de temps et de d’échange. Pour les gens de la Péninsule labeur dans les structures domestiques) et maritime qui pratiquaient la chasse et la un accroissement de l’interaction cueillette et qui maintenaient un certain interrégionale. degré de sédentarité, les réseaux facilitaient Durant cet épisode, il y a des indices l’accès à des ressources non disponibles d’un pattern régulier d’interactions de localement et irrégulièrement distribuées. faible intensité avec l’amont de la rivière Ils permettaient également de maintenir des Saint-Jean et avec le Saint-Laurent, via les alliances nécessaires durant des périodes de routes de portage. Cette interaction a difficultés. culminé durant la composante ancienne du Cependant, au cours de la dernière sylvicole maritime inférieur (2800 à 2400 composante de la période précédant le AA). J’ai suggéré que la participation à Contact au site de Jemseg, le sylvicole l’interaction interrégionale se percevait maritime moyen (1750 à 1500 AA), les gens dans les techniques de fabrication des outils de Jemseg s’étaient retirés de ces et de la poterie (tel qu’on peut le voir dans interactions régionales et se concentraient la forte tendance à fabriquer des bifaces sur des matériaux disponibles localement. similaires à ceux du Meadowood). Bien qu’ils aient pu encore demeurer sur le L’apparition des matières premières site pendant des périodes relativement exotiques, tel le porphyre Kineo-Traveller longues (telles qu’indiquées par la Mountain, renforce la notion de liens vers persistance des habitations semi- l’Ouest et vers le Nord. À la fin du sylvicole souterraines), les indices régionaux maritime inférieur, le centre d’attention des suggèrent une tendance à une mobilité interactions s’élargit de façon à inclure des accrue après cette période (Black 1992). matières premières lithiques (et Black a également proposé que la faible probablement d’autres items périssables) visibilité puisse témoigner de l’agrégation provenant de partenaires au sud. Ceci peut de la population sur des sites villageois à ce représenter une tentative de développer des jour non identifiés. Ce scénario peut réseaux locaux à la suite de la réduction ou également expliquer la plus faible densité de la disparition des réseaux d’interactions de matériel du sylvicole maritime moyen et avec le Saint-Laurent et les Grands Lacs. supérieur dans l’assemblage de Jemseg. Certains ont avancé qu’un effondrement Alors qu’il y a peu d’indices des systèmes d’échange étendus du archéologiques provenant de l’aire fouillée sylvicole inférieur a été engendré par le datant d’après le sylvicole maritime moyen, développement de l’agriculture dans la cette période est représentée par des objets portion sud du Nord-Est. Ce changement dans des collections privées locales, qui fondamental de la subsistance a permettent de croire que des activités profondément modifié la manière avec conduites à cette époque se concentraient à laquelle les gens se procuraient des biens l’extérieur de l’emprise de l’autoroute, tout

304 Wolastoqiyik Ajemseg en étant proche de l’aire d’étude. lieu fut utilisé comme dépotoir. Il est L’accroissement de la mobilité a pu difficile de déterminer si ces matériaux modifier la position et la nature du site. représentent aussi des activités Tel que l’indiquent les traditions orales wolastoqiyiques mais il est clair que les et les documents archéologiques, les Wolastoqiyiks maintenaient des relations autochtones ont continué de vaquer à leurs étroites avec le territoire local durant tout ce occupations régulières (pêche, trappage du temps. rat musqué, récolte des plantes pour L’occupation finale du site, qui s’étend l’alimentation et la médecine) dans le de la fin du XIXe siècle (après 1891) jusqu’à secteur de Jemseg après la période de aujourd’hui, peut également refléter des Contact. Comme pour les périodes activités similaires. D’intenses activités précédentes, ces activités ont dû être agricoles dans le secteur, ainsi que certaines constantes dans le secteur mais activités industrielles comme le sciage et le irrégulièrement représentées dans le transport de charbon sur des barges, ont matériel de Jemseg. toutefois sévèrement entravé leur visibilité Les plus anciens indices de la période archéologique. postérieure au Contact datent du XVIIe Le Projet archéologique Jemseg siècle. Un petit nombre de pipes en argile et Crossing fut d’abord proposé et quelques perles de verre témoignent subventionné afin de sauver le matériel d’interaction ou de commerce avec les archéologique avant la construction d’un Français qui ont occupé la basse vallée de la pont pour la nouvelle autoroute rivière Saint-Jean. Mais nous n’avons pas transcanadienne. La collection qui en d’indices directs d’activités françaises au résulte s’avère l’un des assemblages site même et nous avons donc inféré archéologiques les plus significatifs trouvés qu’avant le début du XVIIIe siècle, le site dans les provinces Maritimes. Lorsque mise avait été utilisé presque exclusivement par en valeur par la perspective des les Wolastoqiyiks. Wolastoqiyiks, et lorsque enrichie par les De 1750 à 1785, il y a un accroissement traditions vivantes rendues possibles par du peuplement européen dans le secteur de l’histoire orale et la cogestion, le passé Jemseg. Le volume de matériel de cette ancien des Wolastoqiyiks à Jemseg devient période s’accroît fortement durant et après visible à travers la nuit des temps. En l’épisode loyaliste (1785 à 1830), avec bâtissant des ponts dans le présent, nous d’abondants indices comme des fragments avons aidé à fortifier les ponts vers le passé. de poterie, de verre et de fer. Certains de ces matériaux peuvent témoigner des premiers colons du secteur, des Loyalistes et plus tard des marchands et fermiers britanniques, mais ils peuvent aussi témoigner de périodes ultérieures quand le

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330 La nation du fleuve majestueux à Jemseg Volume 2 : Résultats ar La nation du fleuve majestueux à Jemseg

Volume 2 : Résultats archéologiques

chéologiques Publié sous la direction de Susan Blair

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