Mémoire De Master
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Mémoire de Master Faculté de Droit et de Sciences économiques Master 2 Anthropologie juridique et conflictualité 2018/2019 Conquête coloniale et contexte des appropriations patrimoniales culturelles L’exemple du Dahomey Guilhem Monédiaire Mémoire soutenu publiquement le 27 juin 2019 Jury : Xavier Perrot, Professeur des Universités en Histoire du Droit, Université de Limoges (Directeur de recherche) ; Président Jacques Péricard, Professeur des Universités en Histoire du Droit, Université de Limoges Pascal Plas, Professeur, Directeur de la Chaire d'excellence Gestion du conflit et de l'après-conflit, Université de Limoges Guilhem Monédiaire, Master 2 Anthropologie juridique et conflictualité, 2018-2019. 1 Remerciements Mes remerciements sincères s’adressent à Mon directeur de mémoire, le Professeur Xavier Perrot ; L’ensemble des professeurs du Master d’Anthropologie juridique et conflictualité ; Madame Patricia Goursaud en raison de son rôle discret mais d’appui constant ; Le Professeur émérite de sciences de l'Éducation de l’Université Paris VIII Guy Berger ; Monsieur le Doyen Jérôme Fromageau ; Ira et Pierre Toaldo pour leurs envois périodiques de revues ; Et Christian Dufour pour sa relecture attentive. Guilhem Monédiaire, Master 2 Anthropologie juridique et conflictualité, 2018-2019. 2 « En fait de meubles, la possession vaut titre. » Article 2276, alinéa 1 du Code civil (ancien article 544). « Suum cuique tribuere. » « La fin du droit, c’est d’attribuer à chacun ce qui lui revient. » Ulpien, Digeste, D. 1, 1, 10, premier siècle EC, inspiré d’Aristote, Éthique à Nicomaque, IVe siècle AEC. « Spoliatus ante omnia restituendus. » « Celui qui a été spolié, dépouillé, doit, avant tout, être remis en possession. » Adage juridique issu du droit canonique, in Jean Hilaire, Adages et maximes du droit français, Éditions Dalloz, 2e édition, 2015. La faculté n’entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires, celles-ci doivent être considérées comme propres à leur auteur. Guilhem Monédiaire, Master 2 Anthropologie juridique et conflictualité, 2018-2019. 3 Sommaire Introduction générale ........................................................................................................................ 5 Partie 1 : L’appropriation du territoire : la saisie juridique des faits ............................. 27 Chapitre 1 : La conquête coloniale, le droit du butin et le droit de la propriété mobilière : controverses et complexités ......................................................................................... 28 Section 1 : Le droit de conquête et son dérivé, le droit du butin : une longue histoire, des principes et des critiques ................................................................................................................................................................................. 28 Section 2 : Le droit de propriété mobilière dans le contexte colonial ................................................................ 51 Chapitre 2 : Éléments d’histoire politique et culturelle du Bénin .......................................... 66 Section 1 : La mosaïque ethnique et les organisations politiques autonomes face aux intrusions étrangères ..................................................................................................................................................................................... 66 Section 2 : La stratégie juridique de prise de pouvoir par les puissances coloniales jusqu’à l’indépendance ........................................................................................................................................................................... 75 Partie 2 : L’appropriation des éléments matériels du patrimoine culturel .................. 96 Chapitre 1 : Les formes de l’appropriation du patrimoine dahoméen ................................. 96 Section 1 : Les éléments patrimoniaux saisis dans le cadre du système colonial ......................................... 96 Section 2 : Les collectes d’éléments patrimoniaux réalisées par divers acteurs ........................................ 114 Chapitre 2 : Le voyage juridique des objets ................................................................................ 150 Section 1 : Causes et risques du voyage des objets .................................................................................................. 150 Section 2 : Une double destination ................................................................................................................................. 164 Conclusion générale ...................................................................................................................... 185 Annexes ................................................................................................................................................... 197 Sources .................................................................................................................................................... 210 Bibliographie ......................................................................................................................................... 211 Guilhem Monédiaire, Master 2 Anthropologie juridique et conflictualité, 2018-2019. 4 Introduction générale « Que l’Europe favorise de tous ses moyens l’heureuse restitution qui s’opère chaque jour de tout ce que le temps, la barbarie et la guerre ont enfoui et dévoré : tel est le vœu des véritables amis des arts. » Par ce passage de la deuxième lettre adressée en 1796 au Général Miranda, homme d’État vénézuélien et général de la Révolution française, Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy1 (1755–1849) démontre, en critiquant vivement les transferts massifs d’œuvres d’art provenant d’Italie en France réalisés par Bonaparte, son caractère visionnaire à la fin du XVIIIe siècle alors qu’il souhaitait voir le patrimoine « italien » visitable et appréciable in situ, dans la mesure où il serait plus justement compris parmi les autres créations de ce foyer artistique majeur. De plus, il lui semblait important de préserver la diversité artistique italienne qui existait notamment au XVIe siècle quand les esthètes et les artistes occidentaux venaient se former à Rome et dans les autres cités de l’actuelle Italie. Il était donc déjà favorable à la restitution de ces œuvres d’art pour reconstituer le patrimoine italien au point d’écrire au général Miranda plusieurs lettres qui avaient pour objet de prévenir le pillage de l’Italie lors de l’invasion de la péninsule par les troupes napoléoniennes. Ces lettres ont d’ailleurs ensuite été mises à profit en 1816 afin d’essayer d’obtenir la restitution des œuvres d’art emportées comme butin de guerre par les forces napoléoniennes. Ses écrits ont donc eu concurremment un objectif de prévention et d’argumentation a posteriori. Si la contribution d’Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy a réellement joué un rôle précurseur, elle doit être mise brièvement en relation non seulement avec son contexte mais aussi avec ses apports pour les controverses contemporaines relatives à la restitution des œuvres d’art soustraites, dispersées ou démembrées. Les cas de restitutions antérieures sont rares, même s’il existe quelques demandes durant la Rome antique en relation avec le droit au butin, par exemple avec le procès fameux, dans lequel Cicéron tint le rôle d’accusateur, des spoliations commises par Verrès au détriment des Siciliens qui sera plus largement développé infra. Il est peut-être possible de voir dans les lettres d’Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy une reprise des célèbres discours de Cicéron, mais sous la forme épistolaire en faisant le « procès » a priori du général Bonaparte. Une fois que ce dernier eut souffert abdication, défaite et exil, il y eut en 1816 une large vague de restitution des œuvres les plus prestigieuses rassemblées comme butin de guerre ou comme tribut par les armes françaises entre 1796 et 1814. En plein XXe siècle, c’est bien sûr la restitution des œuvres et des archives spoliées par l’Allemagne nazie et, pour une part après coup, par l’URSS, qui constitue l’exemple majeur des transferts de patrimoines culturels avec la dimension très spécifique des « biens juifs2. » Ces problématiques sont relancées actuellement à propos des éléments du patrimoine culturel africain déplacés durant la colonisation (sans préjudice de la continuité du phénomène après les indépendances) vers les États européens colonisateurs mais aussi vers les États-Unis. Autonomes, spécifiques et propres à leur contexte, ces divers cas de restitution permettent difficilement de tirer des solutions ou même des marches à suivre mécaniquement applicables pour les situations actuelles et futures et notamment pour le retour des éléments de patrimoine africains. 1 Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy était un lettré complet : architecte, archéologue, philosophe, critique d’art et encore homme politique. Pendant et après la Révolution française, il s’est toujours positionné en faveur des royalistes et il a combattu les idées républicaines et les institutions qui avaient pu être créées. 2 Sur ces questions, lire la thèse de doctorat en Histoire du droit soutenue en 2005 à Limoges par M. le Professeur Xavier Perrot : De la restitution internationale des biens culturels aux XIXe et XXe siècles : vers une autonomie juridique, sous la direction de M. le Professeur Pascal Texier, Faculté de droit et des sciences économiques, Université de Limoges. Guilhem Monédiaire,