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24 images

Du rififi chez les business(wo)men . Philippe Gajan

Le cinéma par lui-même Number 112-113, Fall 2002

URI: https://id.erudit.org/iderudit/24557ac

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Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

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Cite this review Gajan, P. (2002). Review of [Du rififi chez les business(wo)men / Demonlover. Olivier Assayas]. 24 images, (112-113), 38–38.

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Du rififi chez les business(wo)men

PAR PHILIPPE GAJAN

DEMONLOVER m Olivier Assayas

emonlover est soit un film profondé­ phique. Las, après ces quelques secondes de images de demain. Les sentiments exacerbés D ment vain, soit un film profondé­ fausse représentation, la caméra se met à en lutte dans Demonlover font un peu pen­ ment raté. Qu'allait donc faire Assayas (et inspecter une cabine d'avion version pre­ ser à un soap américain qui ferait rimer tra­ nous par la même occasion) dans cette ga­ mière classe. Des écrans innombrables déver- hison avec ambition. L'iconographie, elle, fait lère? Car après tout Demonlover est traver­ senr sans un murmure dans cette ambiance plutôt dans le chic bon genre: du luxe-à-la- sé pat des thèmes qui, au mieux, ne brillent feuttée des images de violence qu'on dis­ française-que-le-monde-entier-leur-envie. pas par leur originalité, un peu sur l'air de: tingue mal. Le décor est planté: il s'agira Mais le plus remarquable reste la photo: «Tout n'est qu'apparence dans cette société d'un thriller, un film d'espionnage dans les léchée, froide, précise, elle est la plus belle de requins, et l'homme (la femme) ne laisse milieux d'affaires huppés dont l'enjeu est la réussite du film et donc sa perte. Car face à tombet le masque pour dé­ un tel désastre on serait en droit voiler sa véritable nature d'artendre de l'auteur du lunai­ (forcément vile) que dans l'in­ re et si beau , une timité». Au pire, le thème once de détachement, un signe principal, façonné avec la déli­ de connivence. Que nenni, catesse d'un gourdin, est empêtré dans son univers fac­ confondant de naïveté voire tice où tout n'est que signe jus­ réactionnaite et concerne le tement, Assayas se perd à ce pouvoir de l'image, véritable jeu de pistes. Hollywood ne démiurge dans le cas qui nous fabrique pas toujours des films (pré)occupe, présence omni­ aussi ambitieux, mais ils sont le potente et enjeu du 21e siècle, plus souvent soutenus par des qui, d'un côté traque jusqu'à scénarios en béton armé. De­ cette même intimité et, de monlover, non. Lui qui n'allait l'autre, régale nos instincts les à peu près nulle part dès le plus bas (les sites de porno­ début s'effondre à mi-parcours graphie dégradante et de tor­ L'image, «Big Brother» et démon tentateur. alors que la finprogrammé e — ture sur Inrernet). Le thème du l'héroïne qui enfin s'ouvre à la rôle de l'image dans nos socié­ tendre indifférence du monde tés contemporaines est certes passionnant mainmise sur le marché ô combien lucrarif se retrouve hors jeu dans la «vraie vie» er mais lorsqu'il est simplifié à l'extrême et des mangas pornographiques et de la diffu­ dans le jeu du virtuel dont la pièce maîtresse réduit à ses aspects les plus manichéens sion sur Internet. L'image est ici l'ennemi, est la chambre de torture livrée aux fan­ comme c'est le cas dans Demonlover, on cat elle est un mélange détonnant de «Big tasmes des internautes — se dérobe sans peut alors se poser la question de l'intérêt de Brother» et de démon tentateur. Elle est cesse en raison de rerournements de situa­ la démonstrarion. Sur un thème similaire aussi ce qu'on renvoie à l'autre. Alors côté tions tous plus inintéressants les uns que les mais en version mystique, Wenders, cinéaste paie zoologique, nous avons l'homme autres. Et comme rien ne nous sera épargné, mieux armé que le tendre Assayas, s'était d'affaires mâle type ambitieux et viril, macho nous aurons bien sûr droit à la séquence de cassé les dents avec Until the End of the bien sûr ( grossi pour l'occa­ l'ado (ado pas adolescent, c'est un film «bran­ World. Ici, plus qu'à un échec, c'est à une sion, ça c'est pour l'aspect qualité française ché» tout de même) qui fauche la carte de vétitable débandade que nous assistons. qui s'exporte), la femme d'affaires, beauté crédit de papa pout surfer sur ledit site de Qu'on en juge plutôt: un générique pro­ glaciale intelligente et implacable (Connie torture. Morale de l'histoire... Assayas s'est metteur (ça s'arrêtera là) distille une imagerie Nielsen en transfuge de Hollywood), la perdu au grand jeu de la globalisation des numérique tonifiée par la musique de Sonic secrétaire, diligente, efficace mais dévorée par marchés. • Youth; c'est déjà la fin, on pensait avoir bas­ un feu intérieur (Chloe Sevigny, égérie du culé dans l'ère numérique, le générique deve­ milieu underground américain) et bien sûr DEMONLOVER nant par là même le signe de ce passage l'autre mâle, le mâle suprême celui-là, chef 2002. Ré. et scé.: Olivier Assayas. Ph.: quasi initiatique; Assayas allait dès lors nous de meute racé et machiavélique l'ait de rien. Denis Lenoir. Mont.: Luc Barnier. Mus.: Sonic offrir le premier film numérique et sceller Ce joli monde s'éttipe joyeusement Youth. Int.: Connie Nielsen, Chloe Sevigny, le destin du deuxième siècle cinématogra­ pout le contrôle de la diffusion sur le net des Charles Berling, , Jean-Baptiste Malartre. 129 minutes. Couleur.

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