Le Moyen-Âge — La France Féodale
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LE MOYEN ÂGE LA FRANCE FÉODALE PAR FRANTZ FUNCK-BRENTANO OUVRAGE COURONNE PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE - PRIX GOBERT PARIS - HACHETTE - 1923. I. — SIÈCLES D'ANARCHIE. II . — LA FORMATION DE LA FRANCE FÉODALE. III . — LES ÉPOPÉES. IV . — LE IXe SIÈCLE. V. — LES CROISADES. VI . — UN JUSTICIER DE FER VÊTU : LOUIS LE GROS. VII . — LES COMMUNES VIII . — LE XIIe SIÈCLE. IX . — LES JONGLEURS. X. — L'UNIVERSITÉ. XI . — LES CATHÉDRALES. XII . — LOUIS VII. XIII . — PHILIPPE AUGUSTE. XIV . — UN JUSTICIER VÊTU D'HERMINE : SAINT LOUIS. XV . — LES MINIATURES. XVI . — CORPS DE VILLE ET CORPS DE MÉTIERS. XVII . — PHILIPPE LE BEL. XVIII . — LA FIN DE LA FRANCE FÉODALE. XIX . — LA GUERRE DE CENT ANS. XX . — UN ROI MODERNE : LOUIS XI. CHAPITRE PREMIER. — SIÈCLES D'ANARCHIE. IXe et Xe siècles. Les invasions barbares. Destruction des villes. Impuissance de l'autorité souveraine. Les luttes civiles. L'anarchie. Destruction de la civilisation romaine. La société n'est plus gouvernée. La nuit du IXe siècle... Que se passe-t-il ? A peine les documents permettent-ils d'entrevoir un peuple épars, sans direction. Les barbares ont rompu les digues. En flots successifs les invasions sarrasines se sont répandues sur le Midi. Les Hongrois foulent les provinces de l'Est. Ces étrangers , écrit Ficher, se livraient aux plus cruels sévices ; ils saccageaient villes et villages et ravageaient les champs ; ils brûlaient les églises ; puis ils repartaient avec une foule de captifs, sans être inquiétés . Le resne [royaume] ont ars [incendié] , gasté et escillié [dévasté] ; Assés enmainent de ces caitis [captifs] liés, Petis enfans et les frances moilliers [femmes] , Les gentis homes mainent batant, à pié. (Ogier le Danois , v. 401) Par les fleuves arrivent jusqu'au centre de la France les Normands, venus du Nord, nageans par l'Océan en manière de pyrates . Chartres, au cœur du pays, s'enorgueillissait de son nom la cité de pierre , urbs lapidum . Les Normands paraissent, Chartres est saccagé. De la ville d'Autun, Guillaume le Breton célèbre l'antiquité et les richesses ; mais ces richesses les barbares les ont dispersées, ce ne sont plus que halliers incultes, liserons et bruyères. La contrée est dévastée jusqu'à la Loire , dit la chronique d'Amboise, au point que, dans les lieux où s'élevaient des villes prospères, vaguent les animaux sauvages, la plaint, où mûrissaient les moissons, ne connaît plus que Le chardon et la ronce aux épines aiguës . (Virgile, Bucoliques , V, 39.) Et Paris ? Qu'en dirai-je , écrit Adrevald. Cette ville, naguère resplendissante de gloire et de richesse, célèbre par la fertilité de son territoire, n'est plus qu'un monceau de cendres . Dans le courant des te et Xe siècles, toutes les villes de France furent détruites. Imagine-t-on les égorgements et les déprédations qui se concentrent en un pareil fait ? Dans les villettes rustiques les masures tombent en poussière, les murs des églises se lézardent, les toitures en sont crevées, les lianes envahissent les tabernacles où le lierre s'agrippe aux chapiteaux ; la maison de Dieu se transforme en un repaire où les renards se terrent, où nichent les oiseaux de proie, où l'on voit briller les yeux sans paupières des hiboux immobiles entre les toiles d'araignée. Impuissants à leur résister, nombre d'hommes d'armes s'unissent aux envahisseurs. On pille de compagnie. Et, comme il n'existe plus d'autorité principale, les luttes privées, d'individu à individu, de famille à famille, de localité à localité naissent, se multiplient, s'éternisent : Et trois n'en rencontrent pas deux sans les mettre à mort . Les statuts des sacrés canons et les capitulaires de nos ancêtres sont annulés , écrit Carloman en son palais de Verneuil (mars 884) . Les guerres privées deviennent coutumières. En l'absence d'une autorité commune , dit Hariulf, les plus forts se répandaient en violences . Les hommes se déchirent les uns les autres comme les poissons de la mer . (Concile de Trosly.) Chevauchées, rescousses, prises et reprises, et dont on jugera par ce que Bicher dit de ce chef de guerre qui conduit son armée par le pays d'où l'ennemi tire ses vivres : il le ravage avec une telle furie qu'il n'y laisse pas même une cabane à une pauvre vieille tombée en enfance . Il n'y a plus de commerce. Terreur incessante. D'une main craintive on n'élève plus que des constructions en bois. Il n'y a plus d'architecture. Dès le temps de Charlemagne, sous sa grande autorité militaire, on aurait pu observer une société en dissolution ; et combien le désordre continuera de se brouiller par la suite. A la fin du Xe siècle, subsistait-il une parcelle, si petite fût- elle, des conditions sociales, politiques ou économiques, établies en Gaule par les Romains, ou bien introduites, après eux, par les barbares d'une façon grossière ? Tout est modifié. Le moine Paul, qui vivait au XIe siècle, parle d'une collection de chartes dont les plus anciennes dataient du IXe siècle : Quels changements ! Les rôles conservés dans l'armoire de notre abbaye montrent que les paysans de ce temps vivaient sous des coutumes que ne connaissent plus ceux d'aujourd'hui ; les mots mêmes dont ils se servaient ne sont plus ceux d'à présent . Et plus loin : J'ai trouvé les noms de lieux, de personnes, de choses, changés depuis lors à tel point que, non seulement ils sont abolis, mais qu'il n'est plus possible de les identifier : loin de les avoir conservés, les hommes les ignorent (Cartulaire de Saint-Père) . Le paysan a abandonné ses champs dévastés pour fuir la violence de l'anarchie, le peuple a été se blottir au fond des foras ou des landes inaccessibles ; il s'est réfugié sur les hautes montagnes. Les liens qui servaient à unir les habitants du pays ont été rompus ; les règles coutumières ou législatives ont été brisées ; la société n'est plus gouvernée par rien. SOURCES . Chron. de Nithard , éd. Pertz, SS. II, 642-72. — Chron. de Nantes , éd. R. Merlet, Paris. 1896. — Chron. des comtes d'Anjou , éd. Halphen et Poupardin, 1913. — Richeri historiarum libri IV , éd. Waitz, SS. rerum germanicarum in usum scholarum , 1877. — Adrevald, Miracles de S. Benoît , éd. Duchesne. Hist. Franc ., SS. III, 1661. — Chron. d'Hariulf , éd. Lot, 1894. — Garin le Loherain , trad. P. Paris, s. d. (1862). TRAVAUX DES HISTORIENS . Benj. Guérard, Prolégom. au polyplyque de l'abbé Irminon , 1845. — Fustel de Coulanges, Hist. des inst. pol. de l'anc. Fr. , 1879-97, 6 vol. — Jacq. Flach, Les Origines de l'anc. Fr ., 1886-1917, 4 vol. — L. Reynaud, Les Origines de l'influence franç. en Allemagne (950-1150), 1913. — Imbart de la Tour, Hist. de la nat. franç ., dir. par G. Hanotaux, t. III, Hist. pol. des origines à 1515 , s. d. (1921). CHAPITRE II. — LA FORMATION DE LA FRANCE FÉODALE. La famille . La vie commune se resserre à la famille. La motte de terre et de bois. Le chef de famille. La famille agrandie. La mesnie. — Le fief . La mesnie, en s'étendant, forme le fief. Le baron est un chef de famille. Devoirs réciproques du suzerain et du vassal. Sentiments de dévouement et d'affection qui les unissent. Les serfs. Les donjons de pierre. La hiérarchie féodale. La ville. Le château féodal est un atelier. Début du mouvement commercial. Le château se peuple de bourgeois. Coucy. La formation d'Ardres. Les châteaux elles villes à la fin du XIe siècle. Les seigneurs urbains. Les premières chartes communales. Meilhan en Bazadais. Les lignages. Les grandes villes du moyen âge se sont formées par une réunion de fiefs. L'assemblée communale. Le roi. Le trône de France dans la seconde moitié du Xe siècle. Compétition entre les descendants de Charlemagne et ceux de Robert le Fort. Election de Hugue Capet. Il représente sur le trône le baron féodal. Le roi est un chef de famille. La reine tient le ménage de la royauté. Autorité de la famille royale. Les grands officiers serviteurs personnels du monarque. La maison du roi. Les ressources de la couronne. Le roi justicier. La hiérarchie féodale dont la royauté est le couronnement. La monarchie de caractère ecclésiastique. La famille. C'est dans cette anarchie que s'accomplira le travail de reconstruction sociale, par la seule force organisée qui fût demeurée intacte, sous le seul abri que rien ne peut renverser, car il a ses fondements dans le cœur humain : la famille. Au milieu de la tourmente la famille résiste, se fortifie ; elle prend plus de cohésion. Obligée de suffire par elle-même à ses besoins, elle se crée les organes qui lui sont nécessaires pour le travail agricole et mécanique, pour la défense à main armée. L'État, n'existe plus, la famille en prend la place. La vie sociale se resserre autour du foyer ; aux limites de la maison et du finage , se borne la vie commune, elle se borne aux murs de la maison et à son pourpris. Petite société, voisine, mais isolée de petites sociétés semblables qui sont constituées sur le même modèle. L'aspect du pays de France est redevenu d'une sauvagerie primitive. Sur les terres en friche se sont étendues des forêts vierges. Espaces incultes, mais où, de place en place, sur les hauteurs de préférence, on peut découvrir d'humbles groupes d'habitations, dont chacun constitue le domaine de ce petit Etat, la famille, où les germes de la vie sociale se sont conservés. La famille vit dans son domaine clos d'une enceinte de palissades elle-même protégée par des fossés. La palissade est nommée le hériçon ; elle est formée de pieux effilés, plantés en terre, obliquement, la pointe agressive noircie au feu.