Gemma Bovery, Une Emma Bovary Contemporaine ? Gustave Flaubert, Revu Et Corrigé Par L’Anglaise Posy Simmonds
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Gemma Bovery, une Emma Bovary contemporaine ? Gustave Flaubert, revu et corrigé par l’Anglaise Posy Simmonds Florie Steyaert Université catholique de Louvain [email protected] Rebut: 25 octubre 2010 Acceptat: 10 gener 2011 Resum Gemma Bovery, una Emma Bovary contemporània? Gustave Flaubert, revisitat i corregit per l’anglesa Posy Simmonds A Gemma Bovery Posy Simmonds presenta de forma subtil i humorística, les emocions i les angoixes d’una Emma Bovary moderna, víctima de les temptacions i decepcions de la societat de consum. Però Posy Simmonds va més Enya: a més d’allunyar-se dels camins trillats del còmic tradicional, Gemma Bovery es revela tota una reescriptura, personal i inspirada en el mite literari de Madame Bovary. A les pàgines següents analitzarem aquesta “novel·la gràfica” no tant segons l’òptica enganyosa de la fidelitat de l’adaptació literària respecte a l’obra font (o hipotext) sinó des del punt de vista de com Posy Simmonds s’apropia de l’obra de Flaubert i utilitza els recurs propis del llenguatge visual per a donar naixement a una obra ben distinta, que cobra una autonomia pròpia i que, lluny de trair el text original l’enriqueix. Mots clau Intertextualitat, hipertextualitat, transmedialitat, adaptació literària en imatges, paraliteratura, novel·la gràfica, còmic, mite literari. Femme et littérature populaire (2012): 121-139. ISSN: 1138-4573 121 L'Ull Crític 15_16.indd 121 29/01/2013 8:40:49 Florie Steyaert Résumé Gemma Bovery, une Emma Bovary contemporaine ? Gustave Flaubert, revu et corrigé par l’Anglaise Posy Simmonds Dans Gemma Bovery, Posy Simmonds nous dépeint, avec subtilité et humour, les affres et les émois d’une Emma Bovary moderne, livrée aux tentations et aux déceptions de la société de consommation. Mais Posy Simmonds ne s’arrête pas là : en plus de s’écarter fondamentalement — tant au niveau de la forme qu’à celui du fond — des sentiers battus de la bande dessinée traditionnelle, Gemma Bovery s’avère être une véritable réécriture, personnelle et éclairée, du mythe littéraire de Madame Bovary. Dans les pages qui suivront, nous analyserons ce roman graphique particulier non pas dans l’optique ( trompeuse ) de jauger la “ fidélité ” de cette adaptation littéraire en images vis-à-vis de sa source ( ou hypotexte ), mais bien dans la perspective de déceler comment Posy Simmonds s’approprie l’œuvre de Flaubert et utilise les ressources propres au langage visuel pour donner naissance à une œuvre radicalement autre, jouissant d’une autonomie propre, qui ne “ trahit ” le texte source pas plus qu’elle ne l’ “ appauvrit ”. Mots clé Intertextualité, hypertextualité, transmédialité, adaptation littéraire en images, paralittérature, roman graphique, bande dessinée, mythe littéraire. Resumen Gemma Bovery, ¿una Emma Bovary contemporánea? Gustave Flaubert, revisitado y corregido por la inglesa Posy Simmonds En Gemma Bovery, Posy Simmonds nos cuenta, con sutileza y humor, las angustias y los trastornos de una Emma Bovary moderna, sometida a las tentaciones y a las decepciones de la sociedad de consumo. Pero Posy Simmonds va más allá: además de alejarse fundamentalmente —tanto en la forma como en el contenido— de los caminos trillados trazados y todavía practicados por los cómics tradicionales, Gemma Bovery se revela ser una verdadera reescritura personal e inspirada en el mito literario de Madame Bovary. En las páginas siguientes analizaremos esta novela gráfica particular, no con el propósito (engañoso) de juzgar la “fidelidad” de esta adaptación literaria en imágenes con respecto a su fuente de inspiración, sino desde la perspectiva de percibir cómo Posy Simmonds se apropia de la obra de Flaubert y utiliza los recursos del lenguaje visual a fin de dar la luz a una obra radicalmente distinta, que goza de autonomía propia, que no “traiciona” —ni tampoco empobrece— el texto en que se inspira. 122 Femme et littérature populaire (2012): 121-139. ISSN: 1138-4573 L'Ull Crític 15_16.indd 122 29/01/2013 9:15:28 GEMMA BOVERY, une Emma Bovary contemporaine ? Palabras clave Intertextualidad, hypertextualidad, transmedialidad, adaptación literaria en imágenes, paraliteratura, novela gráfica, cómic, mito literario. Abstract Gemma Bovery, a contemporary Emma Bovary? Gustave Flaubert, reviewed and examined by the English writer Posy Simmonds In Gemma Bovery, Posy Simmonds paints for us, with subtlety and humour, the torments and emotions of a modern Emma Bovary, faced with the temptations and the deceptions of the consumer society. But Posy Simmonds doesn’t stop there : in addition to fundamentally leave-as well regarding the form or the content-the beaten track of the traditional comic strip, Gemma Bovery turns out to be a veritable rewrite, personally and clearly, of the literary myth of Madame Bovary. In the following pages, we’ll analyse this particular graphic novel not with a mind (deceitful) to gauging the “faithfulness” of this literary adaptation in pictures in relation to its source (or hypotext), but instead inside the perspective of investigating how Posy Simmonds appropriates the work of Flaubert and uses the suitable resources of the visual language for giving birth to a radically other work, enjoying a proper autonomy, which neither “betrays” the original text, nor detracts from it. Keywords Intertextuality, hypertextuality, transmediality, pictures literary adaptation, paraliterature, graphic novel, comic strip, literary myth. Introduction L’illustration est antilittéraire... Vous voulez que le premier imbécile venu dessine ce que je me suis tué à ne pas dire ? (Gustave Flaubert) 1 Si on en croit ces propos pour le moins explicites, Gustave Flaubert semblait s’opposer radicalement à l’idée de voir un jour son texte illustré. Pourtant, moins d’un siècle et demi plus tard, Emma a un visage : voici Madame Bovary projeté sur les écrans de cinéma et imprimé en bande dessinée. Ces mises en images auraient-elles été désapprouvées par Flaubert ? 1 Cité dans Gustave FLAUBERT, Madame Bovary. Mœurs de province, par Gérard GENGEMBRE, Paris, Magnard, 1990, p. 5 (coll. “ Texte et contextes ”). Femme et littérature populaire (2012): 121-139. ISSN: 1138-4573 123 L'Ull Crític 15_16.indd 123 29/01/2013 9:15:29 Florie Steyaert Signifient-t-elles inévitablement un appauvrissement du patrimoine littéraire- français et mondial ? Le succès public et critique d’un produit culturel tel que Gemma Bovery atteste à tout le moins la faisabilité et la viabilité de ladite démarche de mise en images (ou d’“ iconisation ”). Dans un contexte de “ crise du canon littéraire ”2, alors que le Livre tend à devenir un “ objet de consommation ” parmi d’autres, serait-ce là le sort destiné aux grands mythes littéraires ? La Littérature sera-t-elle contrainte de “ s’adapter ” pour conquérir un ( nouveau ) lectorat ? Certes, nous ne prétendons pas apporter, en l’espace de quelques pages, toutes les réponses à ces interrogations ( à supposer déjà qu’il en existe ), mais, au cours de notre analyse de l’une de ces “ adaptations en images ” du Madame Bovary flaubertien, nous tâcherons toutefois de soulever l’un ou l’autre élément qui nous permettra — nous l’espérons — de nous construire déjà un avis plus clair sur la question. Ce faisant, nous nous intéresserons donc à certains des phénomènes littéraires et, plus largement, culturels, dont l’émergence témoigne de l’existence effective d’une certaine porosité entre le domaine de la Littérature et celui de la “ paralittérature ” ( ou “ littérature de masse/de grande diffusion ” ). De la classification générique deGemma Bovery3 Posy Simmonds trouve l’argument de son roman graphique dans l’un des textes phares de la littérature française et européenne : le Madame Bovary de Gustave Flaubert. De ce classique littéraire du XIXe siècle, elle conserve les lignes de force ( le cadre spatial, les grandes thématiques, les personnages principaux, etc. ) mais remodèle globalement le récit de Flaubert en le transposant en plein cœur de notre époque contemporaine. Pour faire ( très ) court, nous pouvons résumer le canevas de Gemma Bovery, en disant que Posy Simmonds nous raconte l’histoire d’une jeune femme “ mal mariée ”, désabusée et insatisfaite, perpétuellement à la recherche [ de l’idée qu’elle se fait de ] l’amour-passion, qui s’endette et finit par succomber à une mort 2 “ Selon la définition courante, un canon [ littéraire ] est “une liste d’œuvres ou d’auteurs proposés comme norme, comme modèle”. Toute culture écrite en a compté un ou plusieurs, considérés comme valides soit dans l’absolu soit dans des milieux particuliers (religieux, littéraires, etc. ). ” in G. CAVALLO, R. CHARTIER ( dir. ), Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris, Seuil, 1997, pp. 405-406 ( coll. “ L’univers historique ” ). 3 Posy SIMMONDS, Gemma Bovery, Paris, Denoël Graphic, 2000 ( version française ) ; abréviation GB dans l’article. 124 Femme et littérature populaire (2012): 121-139. ISSN: 1138-4573 L'Ull Crític 15_16.indd 124 29/01/2013 9:15:29 GEMMA BOVERY, une Emma Bovary contemporaine ? violente. Précisons que la narration de ce récit ( amené au départ comme un “ fait divers ” ) nous est d’emblée présentée comme étant assurée par Raymond Joubert, le boulanger de la petite ville de Normandie dans laquelle est venu s’installer le couple Bovery quelques mois avant la mort de Gemma. Si le contenu narratif de l’œuvre de Posy Simmonds semble, a priori, plutôt simple à décrire, il n’en va pas de même pour l’aspect formel de Gemma Bovery, puisqu’il s’avère particulièrement ardu de rassembler des informations (ou “ critères ”) qui permettraient de déterminer “ ce qu’est Gemma Bovery ” et de classer cette œuvre dans l’une ou l’autre “ catégorie générique ” ( para- ) littéraire contemporaine. En effet, si, au premier abord, la présence de cases et de bulles nous incitait à ranger Gemma Bovery sous l’étiquette “ bande dessinée4 ”, en y regardant de plus près, on constate rapidement que plusieurs éléments viennent mettre à mal cette catégorisation, le plus prépondérant étant que, contrairement aux bandes dessinées classiques, la case n’est pas ici l’unité de base de la structure de l’œuvre.