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Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem

8 | 2001 Varia

Electronic version URL: http://journals.openedition.org/bcrfj/1842 ISSN: 2075-5287

Publisher Centre de recherche français à Jérusalem

Printed version Date of publication: 30 March 2001

Electronic reference Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, 8 | 2001 [Online], Online since 15 October 2007, connection on 03 March 2020. URL : http://journals.openedition.org/bcrfj/1842

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© Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem 1

TABLE OF CONTENTS

Éditorial (français) Dominique Bourel

Editorial (english) Dominique Bourel

État de la recherche

« Re »-tour à Czernowitz Florence Heymann

Vie du laboratoire

La préhistoire de Melka Kunturé (Éthiopie) Marcello Piperno

Des comportements techniques variés chez les groupes humains peuplant le Proche-Orient et l’Europe dès le stade isotopique 8 Marie-Hélène Moncel

Mayse-Bukh et Métamorphose Astrid Starck-Adler

Vie quotidienne d’un propagandiste au bureau de du Fonds national juif (KKL) (1926-1936) Catherine Poujol

L’Aliya-d’ex-URSS Repères démo-géographiques sur une décennie d’immigration William Berthomière

English translations

Czernowitz revisited Florence Heymann

The prehistory of Melka Kunture (Ethiopia) Marcello Piperno

Varied Technological Behavior in Human Groups Populating the Near East and Europe from Isotope 8 Marie-Hélène Moncel

Mayse-Bukh and Metamorphosis Astrid Starck-Adler

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The Daily Life of a Propagandist at the Paris Bureau of the Jewish National Fund (K.K.L.) (1926- 1936) Catherine Poujol

Aliya from the Former Soviet Union Demographic Landmarks Over a Decade of Immigration William Berthomière

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Éditorial (français)

Dominique Bourel

1 Les articles de ce Bulletin reflètent fidèlement les activités des chercheurs et des ITA du Centre. Florence Heyman, dont on attend Le Crépuscule des lieux 1 nous livre quelques secrets de son enquête sur les juifs de Cernowitz. Trois collègues ayant bénéficié de « mois chercheurs » nous communiquent chacun un aspect de leurs recherches : le professeur Marcello Piperno (Université de Turin) sur le site de Meika Kunture en Éthiopie, Marie-Hélène Moncel (Institut de Paléontologie Humaine) sur les comportements techniques des groupes humains du Proche Orient ; Catherine Poujol achève un doctorat (Université de Paris I) sur la fascinante figure d'Aimé Paillère et nous offre une petite partie de sa moisson dans les archives. Poursuivant son investigation sur le Mayse-Bukh (Bâle 1602) dont elle prépare une édition et une traduction, Astrid Stark (Université de Mulhouse) partage avec le lecteur ce monde de l'imagination yiddish du début des temps modernes. William Berthomière, ancien boursier « Lavoisier » du Centre ayant rejoint l'équipe de Migrinter, revient sur les résultats de sa thèse2 sur les Juifs d'ex-URSS.

2 Le Colloque qu'il avait préparé avec Lisa Anteby sur « 2000 ans de Diaspora » a dû être annulé en raison des événements politiques. Nous espérons le tenir durant le mois d’octobre 2001. L’institut Harry Truman pour la Paix de l'université hébraïque de Jérusalem organise avec le CRFJ un colloque sur « La France et le Proche-Orient. Passé, présent et futur », les 29 et 30 avril 2000. On en lira un compte rendu dans le prochain Bulletin. 3 Le 7 juin 2001 aura lieu au centre une table ronde sur « Les usages du passé en monde juif et à Jérusalem » en collaboration avec l'université d'Aix-en-Provence. 4 Nous sommes heureux que la Délégation aux célébrations nationales du Ministère de la culture et de la communication ait retenu notre colloque de mois de juin 2002, fêtant le cinquantenaire des fouilles de Jean Perrot – donc la lointaine naissance du CRFJ – dont la préparation se poursuit sous la codirection de Silvana Condémi et Élisabeth Warschawski. Le comité scientifique a été établi et les appels à communication distribués.

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5 Je tiens à remercier Eva Telkes de la conception et de la réalisation de ce Bulletin et le service culturel de l'ambassade de France en Israël, dirigé par Serge Sobczynski, pour son aide amicale.

NOTES

1. L'identité des Juifs de Cemowitz, à paraître en 2001. 2. Israël et l'immigration. Les Juifs d'ex-URSS, acteurs des enjeux territoriaux et identitaires. Université de Poitiers, 1999. Rappelons l'ouvrage de Danielle Storper Perez, L'intelligentsia russe en Israël. Rassurante étrangeté. Paris, CNRS Éditions 1998.

AUTEUR

DOMINIQUE BOUREL Directeur du Centre de recherche français de Jérusalem

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Editorial (english)

Dominique Bourel

1 The articles in this issue of the Bulletin provide an accurate reflection of the work being conducted by Center researchers and associates. Florence Heymann, whose “Crépuscule des lieux” 1 will be published shortly, reveals some of the secrets of her survey of the Jews of Czernowitz. Three colleagues, each of whom were recipients of a “researcher's month” grant, write on one facet of their work: Professor Marcello Piperno (University of Turin) on the Melka Kunture site in Ethiopia, Marie-Hélène Moncel (Institut de Paléontologie Humaine) discusses the technical behavior of human groups in the Near East; Catherine Poujol, who is nearing completion of her Ph.D. (University Paris I) on the fascinating figure of Aimé Pallière, provides us with some of her gleanings from the archives. Broadening her analysis of the Mayse Bukh (Basel, 1602), Astrid Starck, who is currently preparing an annotated edition and translation, gives the reader a taste of Yiddish imagination on the threshold of modernity. William Berthomière, a former recipient of the Center's “Lavoisier” scholarship, who is currently with Migrinter, returns with the findings of his Ph.D. dissertation2 on the Jews of the former Soviet Union.

2 The conference which he organized with Lisa Anteby on “2000 years of Diaspora” had to be canceled due to the current political situation. We hope it will take place in October 2001. The Harry Truman Institute for Peace at the Hebrew University of Jerusalem, along with the CRFJ, is holding a conference on “France and the Near East: Past, Present and Future” on April 29 and 30, 2001, an account of which will appear in the near issue of the Bulletin. 3 On June 7, 2001, the Center will hold a round table on “Uses of the Past in the Jewish World and in Jerusalem” in conjunction with the University ofAix en Provence. 4 We are delighted that the Delegation to National Celebrations of the Ministry of Culture and Communication has chosen our June 2002 conference to commemorate the 50th anniversary of the Jean Perrot Excavations – and hence the distant beginnings of the CRFJ – which is currently being organized by Silvana Condemi and Élisabeth

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Warshawski. The Scientific Committee has been formed and calls for papers have been sent out. 5 I would like to thank Eva Telkes for the design and production of this Bulletin and the director of the Cultural Service of the French Embassy in , Serge Sobszynski, for his kind assistance.

NOTES

1. Identity of the Jews of Czernowitz, forthcoming, 2001. 2. Israel and Immigration. Les Juifs d'ex-URSS. acteurs des enjeux territoriaux et identitaires. University of Poitiers, 1999. Also noteworthy: L’intelligentsia russe en Israël, Rassurante étrangeté, by a former member of the CRFJ, Danielle Storper Perez, (Paris, CNRS Éditions, 1998 ; see also Cahiers du CRFJ, volume 6).

AUTHOR

DOMINIQUE BOUREL Director of the Centre de recherche français de Jérusalem

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État de la recherche

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« Re »-tour à Czernowitz

Florence Heymann

1 Une recherche d’anthropologie historique sur la Bucovine, austro-hongroise, roumaine entre les deux guerres, aujourd’hui ukrainienne, et sa capitale Czernowitz, que je menais depuis de nombreuses années, était en voie d’achèvement. À ce point, il me semblait que je ne pouvais finir la rédaction de ce travail sans faire un voyage sur les lieux dont je parlais à travers la mémoire des autres et qui était le berceau d’une partie de ma famille.

2 Patrie notamment de Paul Celan et de Rose Ausländer, Czernowitz est une ville à majorité juive entre les deux guerres mondiales. Elle symbolise la rencontre des deux Europe, de l’Est et de l’ Ouest. À partir de matériaux croisés, les histoires de vie des originaires, disséminés à travers le monde, mais particulièrement nombreux en Israël, et les archives, aujourd’hui accessibles, j’ai essentiellement étudié le travail de la mémoire dans son rapport avec l’histoire et la construction des identités. Lors d’un colloque à l’université de Tel Aviv en novembre 1999 sur « Czernowitz comme paradigme. Le pluralisme culturel et la question des nationalités », j’avais fait la connaissance d’un couple d’universitaires américains, Marianne Hirsch et son mari Léo Spitzer. Marianne, dont les parents sont originaires de Czernowitz, travaille sur des thèmes proches des miens. Elle m’avait fait part de son projet de voyage en Bucovine pour le printemps 2000. Elle devait être accompagnée de son mari et d’un cousin, David Kessler dont les parents étaient également natifs de la région. Marianne me proposa de me joindre à eux. C’est ainsi que je programmais ce séjour, dont des extraits du récit sont présentés ci-dessous.

Lundi 3 juillet 2000

3 Départ de Jérusalem. Une chaleur accablante et humide s’est abattue sur la ville. Devant la résidence du Premier ministre, les manifestants ont déployé des banderoles : « La vallée du Jourdain, c’est le territoire d’Israël ». Les ultra-orthodoxes ont chaud eux aussi. Le chapeau noir est repoussé vers l’arrière du front.

4 L’air conditionné du taxi qui me conduit à l’aéroport est très bruyant mais peu efficace. Le chauffeur s’inquiète de connaître ma destination : « En ! » « Au moins, il doit faire froid là-bas ! » Je réponds gentiment, mais, au fond, je ne sais pas grand-chose de ce qui m’attend.

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5 Dans l’airbus de la Lufthansa pour Francfort, je suis assise à côté d’un Japonais, muet comme une carpe pendant les quatre heures de voyage. Son visage impassible gardera la même expression totalement figée. II ne m’adressera pas une parole, pas même lorsqu’à quarante minutes de l’arrivée, le pilote nous annonce des turbulences qui deviennent d’une rare violence. L’avion est secoué. Chacun se fige. Une anxiété qui précède la panique règne maintenant dans la cabine. Des passagers se sentent mal. Les hôtesses perdent un peu leur sang-froid. Mais mon voisin japonais, très zen lui, reste de glace. 6 Moi qui ne suis pas une grande fanatique des voyages aériens, je crois ma dernière heure arrivée. L’angoisse monte et je commence à me demander si ce voyage était indispensable... Fallait-il mourir pour Czernowitz ? Les secousses s’amplifient, des bruits incongrus, des chutes d’objets... Vingt minutes, longues, très longues... Puis soudain le calme. On respire un peu mieux. Le commandant nous rassure.Il nous explique que nous avons essuyé une forte tempête au-dessus de l’Autriche. Haider ! Haider ! La fin du vol est normale. Je me sépare sans regret de mon taciturne voisin et je rejoins mon hôtel situé dans l’aéroport. Un coup de fil à Jérusalem. Je suis réconciliée avec la vie. Demain, l’aventure commence.

Mardi 4 juillet

7 Le ciel est plombé. La météo annonce une dépression au-dessus de la Pologne. Espérons que le vol sera moins agité que celui de la veille. Je me promène dans le Duty-free pour acheter quelques cadeaux pour ceux que je rencontrerai là-bas. J’aperçois Marianne Hirsch, puis son mari, enfin leur cousin David Kessler. Ils font à peu près les mêmes emplettes. Nous voici dans l’avion d’Ukrainian Airlines. Première bonne surprise. Il s’ agit d’un Boeing 737 quasi neuf. On entend parler anglais. Les Américains viennent retrouver leurs racines. Les passagers ne se signent pas avant le départ. Il n’y a pas de poules au-dessus de nos têtes et les hôtesses sont aussi charmantes que celles des meilleures compagnies internationales. Pour l’instant, les récits entendus ça et là ne coïncident pas.

8 Contrairement à celui de la veille, le vol est parfait. Pas la moindre secousse. Je feuillette un journal de Kiev en anglais. Les nouvelles locales ne me passionnent pas vraiment. Un épais supplément porte sur l’économie et le business. Un article toutefois intéressant traite du problème des femmes ukrainiennes exploitées à l’étranger comme prostituées. 9 Arrivée à Lvov. Bonjour l’Ukraine. Avant de nous autoriser à quitter l’avion, un policier vérifie que passeports et visas sont en règle. L’autobus qui nous mène de l’appareil à l’ aérogare me paraît très « Europe de l’Est », mais pas si différent de ceux de Lod il y a dix ou quinze ans. Nous arrivons dans un aéroport vieillot où les passagers font la queue pour acheter une assurance médicale obligatoire. Les choses avaient été bien faites au consulat d’Ukraine à Tel Aviv car ce papier m’avait déjà été fourni. Je dois remplir un formulaire pour la douane. Je déclare la somme que j’ai sur moi, c’est-à-dire 1 000 dollars. Je découvrirai plus tard que cela tombait bien car il s’agissait là de la somme maximale autorisée sans déclaration spéciale, certainement plus problématique. Il faut également indiquer ses objets de valeur, appareil photo, caméra vidéo. Suivant les bons conseils des « spécialistes » des pays de l’Est, je n’ai emporté aucun bijou. Je n’ai gardé que mon alliance, histoire de faire sérieux. Le douanier me

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demande si je n’ai pas d’or en dehors de ma bague. Pas d’autres problèmes, je sors dans le hall, où un porteur se précipite sur ma valise pour la porter à l’extérieur. Il attend visiblement un pourboire, mais je ne trouve pas mes dollars en petites coupures. Je ne suis pas très organisée et je ne connais pas encore les codes et règles. J’attends donc que Marianne, Léo et David sortent. Ils arrivent quelques minutes plus tard. Nous sommes attendus par Mikhaijlo qui sera notre chauffeur. La voiture est flambant neuve, une Mazda 626 break avec air conditionné. Le chemin jusqu’à l’hôtel n’est pas long, l’aéroport est presque en ville. 10 Après avoir pris possession de nos chambres à l’hôtel Dniester, nous partons nous promener. La ville est splendide mais peu entretenue. Nous marchons longtemps. Une église baroque catholique est en réfection. Je suis frappée par la ferveur des orants. En Europe occidentale, nous ne sommes pas habitués à ces prières extatiques d’hommes et de femmes à genoux, restant pendant des heures immobiles, les yeux plongés dans les images saintes des chapelles, se signant toute les quelques minutes. En sortant, nous buvons une excellente bière locale dans un café sur une petite place ; puis repartons explorer le vieux Lvov-Lemberg historique. 11 Nous nous arrêtons au Grand hôtel, là où j’avais l’intention de descendre. Mais Marianne, lors de son précédent voyage, deux ans auparavant, avait été satisfaite du Dniester et préférait ne pas tenter de nouvelles expériences. Nous dînons sur place. Seules deux autres tables sont occupées. Un couple, lui, monsieur d’une cinquantaine d’années, très élégant, elle, une ravissante jeune, très jeune, femme, en robe du soir, un fourreau noir, de lourds bijoux. Comme c’est le début du voyage, je suis très étonnée de cette beauté et de cette élégance. Je comprendrais plus tard, que c’est la norme, y compris à Czernowitz. Les jeunes femmes sont souvent très belles et, dès la fin de l’après-midi, portent des robes extrêmement habillées, ce qui n’est plus vraiment de mise dans nos sociétés. Un pianiste commence à jouer du classique et du jazz. L’ambiance est très agréable. Je me sens un peu « à la maison ». Il ne fait ni trop chaud, ni trop froid, la cuisine est excellente. Le vin de Moldavie délicieux, quant à l’addition, bien que la plus élevée de tout notre séjour, elle atteint, pour nous quatre, la somme astronomique de vingt-quatre dollars, soit cent vingt Hryvnias en monnaie locale. Nous prenons un taxi pour rentrer à l’hôtel. Ce n’est pas loin mais il fait nuit et il faut traverser un parc sans doute désert à cette heure. Le taxi veut s’engager devant l’hôtel, mais le gardien lui fait signe de faire marche arrière. Le quartier est quadrillé de policiers. En effet, une délégation polonaise officielle est attendue. L’Union soviétique nous semble soudain proche... Il nous dépose donc derrière le bâtiment. Un orage violent éclate au même instant et le temps de faire le tour, nous sommes trempés. Je sens que je vais bien dormir. Je suis heureuse de m’être enfin décidée à faire ce voyage.

Mercredi 5 juillet

12 J’ai effectivement très bien dormi. Un sommeil profond. À la télévision, une dizaine de chaînes ukrainiennes, russes, allemandes et TV5. Pris un bain. Le débit de l’eau est un peu lent, mais elle est chaude. David Kessler n’a qu’une douche, me dira-t-il. Le sac à linge sale est encore marqué « Intourist USSK Company for Foreign Travel ».

13 Après un petit-déjeuner copieux et varié, nous demandons à la réception des plans de la ville. Nous ne savons pas enjcore combien cette denrée est rare et précieuse. À Czernowitz il faudra s’armer de beaucoup de finesse pour finir par en obtenir un, très

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succinct de surcroît, et nous finirons par nous déplacer avec des plans de l’empire austro-hongrois et de la période roumaine. La jeune femme de l’agence de voyages dans le hall de l’hôtel a marqué les emplacements de la synagogue en activité, du cimetière, du ghetto et du monument à la mémoire des 130 800 victimes juives du ghetto. Nous nous mettons en route. Nous marchons beaucoup. La ville est pleine de superbes bâtiments qui n’ont pas été rénovés depuis la guerre. Le pays est trop pauvre pour les rénovations, semble-t-il. (Sur ce point également, nous découvrirons que la situation est différente à Czernowitz : depuis le précédent voyage de Marianne, deux ans auparavant, beaucoup d’immeubles ont été rénovés, au détriment quelquefois des inscriptions historiques, comme ce bâtiment juif qui portait l’inscription en hébreu « mahsikei shabbat1 » qui a été effacée.) 14 Nous arrivons à la synagogue. Un Ukrainien nous explique qu’elle est fermée et qu’il est impossible de la visiter, mais nous insistons et l’un des gardiens nous ouvre la porte. À l’intérieur, le bâtiment est très intéressant. Les murs sont recouverts de fresques représentant des scènes de Jérusalem. Le plafond est également très décoré, des motifs de branchages, loulavim et etrogim 2, dans un style naïf. La section des femmes, ezrat nashim, ressemble à un balcon de théâtre, sur deux niveaux. L’extérieur du bâtiment est encore très délabré. Le gardien nous explique qu’il y a minyan3 deux fois par jour. Nous repartons à la recherche du cimetière. Il est immense et comprend un carré juif tout au fond. Beaucoup d’arbres, mais les tombes sont récentes. Mis à part un magen david 4 à la place d’une croix, elles ressemblent comme deux gouttes d’eau aux tombes ukrainiennes. Tout est écrit en cyrillique. Ça et là quelques pierres tombales traditionnelles avec des inscriptions en hébreu. Je me résous à visiter les toilettes à l’entrée du cimetière. Une épreuve... La première d’une longue série concernant les lieux d’aisance. 15 Nous prenons un taxi pour retourner au centre ville. Nous déjeunons sur la place du marché. David et moi allons jusqu’au monument commémoratif du ghetto. Une menorah5 en fer forgé, un texte en ukrainien taillé dans du marbre noir. Sur le sol, un texte d’Ezekiel en hébreu et ukrainien. 16 Retour à cinq heures à l’hôtel, un peu en nage. Il fait lourd, le temps est orageux comme la veille à la même heure. J’ai rendez-vous au bar à six heures avec Marianne et Léo. Ils préparent un ouvrage sur la deuxième génération des Czernowitziens. Léo et Marianne m’interviewent, tout en dégustant un verre de bon vin, un Merlot local un peu frais. Le courant passe parfaitement entre nous tous. Nous sortons dîner en ville. J’ai annoncé qu’ils seraient mes hôtes pour un « festin » au George. Taxi de retour à l’hôtel. Ce soir nous avons prévu de nous coucher tôt car demain matin à huit heures, c’est le départ pour Czernowitz, un voyage de six heures pour 280 km environ. Deux arrêts sont prévus. Le premier dans le village natal de la mère de David, Zuravne, le second à Stanislavov, aujourd’hui Ivano-Frankivsk, petite ville d’où ma grand-mère est originaire.

Jeudi 6 juillet

17 À six heures, je suis debout, une bonne demi-heure avant le réveil de l’hôtel. Nous nous retrouvons à sept heures pour le petit-déjeuner. Notre chauffeur est là une heure plus tard, ponctuel.

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18 Nous quittons Lvov pour Zuravne. La campagne ukrainienne. La Galicie. Les paysages sont magnifiques et les maisons plutôt pimpantes. Peu de circulation, des charrettes attelées de chevaux, des oies, des vaches vautrées au bord de la route, beaucoup de chiens écrasés. La campagne est vraiment splendide. En haut des poteaux électriques, des nids de cignogne et leurs occupants. 19 Arrivée dans le minuscule village de Zuravne. Nous cherchons le cimetière juif. Nous interrogeons les paysans. Derrière les dernières maisons, un champ. Une très vieille femme, le visage buriné, un foulard serré autour de la tête, fait brouter ses quelques chèvres. Des morceaux de pierres tombales très anciennes sont disséminés. Nous avons trouvé le cimetière, ou plutôt ce qu’il en reste. Les pierres gravées ont été prises par les Soviétiques, explique la paysanne, pour construire une école. Ce sont toujours les autres... 20 Notre chauffeur annonce : « Here, Bukowina ! ». Les paysages ont insensiblement changé. Voilà donc la verte Bucovine, celle de Rose Auslander, « Grüne Mutter Bukowina Schmetterlingege im Haar ». « Mère verte/ Bucovine/ aux papillons dans les cheveux/ Bois/ dit le soleil/ le lait rouge des melons/ le lait blanc du maïs/ j’y ai mis du sucre/ Pommes de pins violettes/ ailes de l’air oiseaux et feuillage/ Et les Carpates/ comme un père/ qui veut te porter/ sur son dos/ Quatre langues/ Des chants en quatre langues/ Des hommes/ qui se comprennent. » 21 À un moment, le chauffeur nous fait faire un demi-tour complet. Nous sommes un peu interloqués. Il voulait nous arrêter à côté d’un monument dédié aux victimes juives de Kolomea, assassinées par les nazis. Je crois me souvenir que les paysans du coin ont donné un coup de main. Il est clair pour le chauffeur que nous faisons du tourisnme juif. 22 Enfin, nous arrivons à Czernowitz. « Tchernivtsi » indique la grande inscription en lettres cyrilliques blanches sur portail bleu à l’entrée de la ville. Je me sens sur un petit nuage. À travers les vitres de la voiture, je filme tout le trajet que j’ai tant de fois suivi sur les plans de la ville, le passage du Pruth, la gare, la montée vers le Ringplatz par la Eisenberg-Hauptstrasse, Rathausstrasse, Siebenburger-Strasse, les Volksgarten, puis les faubourgs soviétiques où se trouve le Cheremosh. 23 Pour un francophone, nom parfaitement trouvé. L’hôtel est cher et moche. À l’époque de l’Union soviétique, hôtel Intourist, c’était l’unique lieu où les touristes étrangers avaient le droit de séjourner. C’est un immeuble de 10 étages, datant des années 1980. L’entrée monumentale, style gare d’Orsay en nettement moins esthétique, est en béton et verre. À la réception, des femmes blondes bien en chair nous reçoivent peu chaleureusement. Un arrière-goût d’Union soviétique. La chambre est vaste. Il y a tout ce qu’il faut, plus même, mais assez sinistre, surtout la vue. 24 C’est sans importance, il est vrai. Une demi-heure plus tard, dans le lobby, je retrouve David qui s’entretient avec un couple d’Israéliens de Holon. Il y avait la veille à l’hôtel, nous disent-ils, un groupe de soixante Israéliens. Le monsieur est originaire de la ville, la dame est née en Galicie et a vécu à Paris. Elle me parle d’ailleurs en français. Ils se plaignent d’à peu près tout. De toute évidence, nous ne vivons pas les mêmes expériences. « Vous vous rendez compte ! Il n’y a de l’eau chaude qu’à partir de six heures du soir ! » Ils ne savent pas, et nous non plus, qu’ils auront eu beaucoup de chance. Nous n’aurons pas une goutte d’eau chaude pendant tout notre séjour.

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25 Marianne et Léo nous rejoignent. Nous partons rendre visite à Rosa Roth-Zuckermann, une cousine de Marianne et presque la dernière des Czernowitziens de l’entre-deux- guerres. Elle habite la Pardinigasse des Autrichiens, une petite rue du centre-ville, qui n’a vraisemblablement que peu changé depuis l’empire. C’est une étonnante vieille dame de 91 ans. Son fils, Félix, arrive peu après. Nous passons deux heures à parler, trois-quarts en allemand, un quart en anglais. Sa bibliothèque contient tous les livres touchant de près ou de loin à Czernowitz, à Paul Celan et à Rose Ausländer. La biographie de Celan par Israël Halfen est traduite en japonais. Le traducteur a pris soin de souligner en rouge tous les passages qui parlent de Rosa. 26 Elle assure se souvenir de la famille Herschmann, ma famille, « une famille connue à Czernowitz », me dit-elle. Je fais quelques photos d’elle, de sa bibliothèque et de sa collection de portraits de François-Joseph et de l’impératrice Sissi. 27 Nous repartons et passons devant le Temple, ou plutôt son étrange réincarnation en cinéma, casino et salle de billard. Les habitants de Tchernivtsi continuent à l’appeler la Kimigoga. À l’intérieur, les toilettes en sous-sol font là aussi partie d’un autre type d’expériences inoubliables. Nous arrivons sur la Elisabethplatz, connue aussi comme Theaterplatz, une longue place avec le théâtre à un bout et, à main droite, le bâtiment de l’ancienne Jüdische Haus. 28 Le théâtre, construit par les architectes viennois Hellmer et Fellner, comme celui de Lvov sans doute car les bâtiments se ressemblent comme des frères, n’est pas un bâtiment massif ou impressionnant. Les proportions sont très classiques et presque aériennes. Au centre du massif de fleurs, devant, une statue a suivi les évolutions ethniques et culturelles de la ville. Schiller a été remplacé par Eminescu et c’est aujourd’hui Olga Kobylanskaya, la poétesse ukrainienne, qui est taillée dans le marbre noir. Les autochtones ont vraisemblablement oublié, s’ils l’ont jamais su, qu’avant d’écrire dans sa langue maternelle, elle composa ses premiers textes en allemand, la langue de la culture. La lumière du soleil couchant caresse les stucs des façades. 29 Dîner dans une taverne ukrainienne hutsule. Montagnards des Carpates, les Hutsula étaient l’un des groupes ethniques de la ville pendant l’entre-deux-guerres. Leurs chevaux étaient réputés. Les serveurs sont en habits traditionnels, tuniques et pantalons blancs rehaussés de broderies multicolores à dominante rouge. Le restaurant se trouve au début de la Herrengasse, là où se promenaient les élégantes et les beaux messieurs, là où les cafés se succédaient, le café Rapeanu, le café Habsbourg, d’autres encore. 30 Au Cheremosh, l’ambiance bat son plein. La jeunesse dorée de Czernowitz s’amuse tous les soirs jusque tard dans la nuit. La discothèque est pleine à craquer et pourtant les prix pratiqués paraissent inabordables pour les citoyens ordinaires. Est-ce cette jeunesse, ces très jeunes femmes incroyablement élégantes et maquillées, qui se trémoussent au rythme des derniers tubes américains, qui représente la nouvelle bourgeoisie de la ville ? 31 Le hall est plein à toute heure de gens qui attendent on ne sait trop qui, on ne sait trop quoi. Mais des cerbères, style KGB, gardent jalousement le passage entre les espaces publics et les étages des chambres. 32 Demain matin, départ à huit heures trente de l’hôtel pour une grande promenade dans la ville. Je sens que je suis en train de vivre par procuration l’expérience de la maison perdue, du pays occupé par d’autres, des morts laissés sans sépulture, sans

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commémoration. Je vais toucher soudain au passé le plus concret, celui de la maison, de l’école, des lieux familiers, de l’enfance perdue et violée et je sens que cette fois, c’est incontournable. La fin de ma recherche en a imposé le cadre pratique.

Vendredi 7 juillet

33 Hier soir, avant de sombrer dans le sommeil, j’ai eu le temps de préparer une liste de rues et de lieux que j’aimerais filmer et photographier. Il faudrait également aller repérer l’unique synagogue restée en fonction sur les soixante-trois que comptait la ville. Je m’aperçois à quel point, polarisée par les questions de sécurité, je n’ai pas suffisamment préparé ce voyage.

34 Taxi pour rejoindre le centre. Il passe par le quartier des villas, de l’autre côté du Volskgarten. Les maisons, de véritables hôtels particuliers, sont encore très belles. Des fonctionnaires roumains les habitaient entre les deux guerres, mais également des Juifs aisés. Maintenant, certaines, en cours de restauration, abritent des bâtiments officiels, d’autres sont encore très décrépies. 35 Nous descendons au Ringplatz pour rejoindre la place du théâtre, proche. Nous avons rendez-vous avec Félix Zuckermann et madame Finkel devant la Jüdische Haus. Les Juifs ont récupéré une pièce de cette maison qui appartenait en totalité à la communauté avant la Seconde Guerre mondiale. Le bureau est aujourd’hui le siège de la société pour la culture juive de Czernowitz, dont s’occupe madame Finkel. Il y a de cela quelques années, j’avais écrit à cette société, mais la lettre était restée sans réponse. Était-elle même arrivée ?

Samedi 8 juillet

36 Je m’aperçois que je n’ai pas relaté la journée d’hier, mises à part quelques phrases avant le départ. Essayons donc de reconstituer cette journée. Nous avons donc retrouvé Félix et madame Finkel devant la Jüdische Haus. Derrière une façade prestigieuse, l’immeuble servait avant-guerre de centre administratif et religieux. Des salles étaient régulièrement louées et abritaient des manifestations culturelles qui attiraient un public important.

37 Les Soviétiques l’avaient transformée en maison culturelle de l’industrie légère où ils donnaient des spectacles pour divertir les travailleurs. Pour ne pas être continuellement confrontés aux origines ethniques de la maison, ils avaient systématiquement scié deux pointes de toutes les étoiles de David qui ornaient la cage d’escalier. Depuis, les étoiles ont retrouvé leurs pointes, mais l’une d’elles garde le souvenir de l’amputation idéologique.

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Photo 1 : Étoile de David « amputée » dans la cage d’escalier de l’ancienne « Jüdisches Haus »

Cliché F. Heymann.

38 Marianne me fait remarquer que madame Ivgenia Finkel n’apparaît dans aucun document récent sur Czernowitz. À la différence de Lydia Harnik et de Herr Zwilling qui ne sont plus, de Joseph Burg et de Rosa Roth, elle n’est jamais interviewée. Nous visitons la maison. L’intérieur n’est pas en très bon état. Là, comme dans le hall de l’hôtel, des gens sont assis à attendre on ne sait pas trop quoi. Des photographies de pièces de théâtre, style soviétique, décorent les paliers. La pièce restituée à la communauté est minuscule et encombrée de dossiers. Une armoire métallique renferme, semble-t-il, les précieuses archives du fameux musée juif en gestation dont rêve Frau Finkel. Elle nous expose ses projets, qui nous paraissent bien embryonnaires et surtout disproportionnés en regard des moyens matériels et humains actuels et futurs. Je filme la rencontre. Je me dis que nous pourrions faire tant pour ce lieu.

39 Promenade dans la ville à la recherche ces maisons familiales. Les noms de rues ont changé bien sûr, mais surtout les numéros. J’ai de minces repères. Notre maison faisait un coin. Je me souviens d’une photo, prise d’une fenêtre de l’appartement où l’on voit la maison d’en face. Je crois la reconnaître dans ce qui était la Residenzgasse et qui est aujourd’hui la rue de l’université. Car le magnifique bâtiment, siège du métropolite grec-orthodoxe est devenu l’université. Je sens que j’ai repéré la bonne maison. J’éprouve une curieuse impression de grande familiarité. Étrange bien sûr pour un lieu totalement fantasmatique pour moi. 40 Nous montons avec Félix. Le premier étage est partagé en trois appartements. À la porte de gauche, personne ne répond au coup de sonnette. Au milieu, une sorte de réduit, d’où sortent des voix. Mais Félix ne tente pas de s’introduire. Je me range à son intuition. On sonne à la porte de droite et là une Ukrainienne en haut de pyjama nous ouvre la porte. Elle est jeune, 35-40 ans peut-être. Félix lui explique que ma famille

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vivait là avant la guerre et que je désirerais voir les lieux Je ne sens aucune méfiance. Rien à voir avec les images de Polonais fermés, craignant le retour des Juifs. L’accueil est souriant. « Bien sûr, entrez ! ». « Puis-je filmer et photographier ? ». « Bien sûr, pas de problèmes ! » 41 L’appartement, si c’est le bon, ne doit plus avoir grand-chose à voir avec celui où mon père a passé son enfance. Dans une pièce, un poêle à gaz en céramique verte serait récent, aux dires de Félix. Dans l’autre pièce, en revanche, un poêle plus important en céramique blanche doit être plus ancien. Ce devait être un poêle à bois ou à charbon, transformé par la suite en chauffage au gaz. Une maison de poupée, style Barbie, est posée dessus. Le couple doit avoir une petite fille. Le parquet en chevrons doit être ancien également. La cuisine en pin est récente bien évidemment, mais les paysages vus des fenêtres, quelques baraquements de tôle mis à part, n’ont pas dû changer. La pièce donne sur un balcon de bois côté cour. Au milieu du jardin le noyer dont Martha6 m’a souvent parlé. De là, je déduis que je suis bien dans la maison familiale. Je m’apercevrais plus tard que d’autres cours très ressemblantes jouxtent presque chaque immeuble et que les noyers sont légion. 42 Les meubles ukrainiens ne m’empêchent pas d’imaginer un autre appartement, une autre cage d’escalier. Qu’y avait-il dans ces niches aujourd’hui vides. Les Herschmann étaient au premier, les Gutman au second, le grenier là-haut. J’imagine mon père enfant, puis jeune homme dans ces pièces, rentrant de l’école et montant les escaliers deux à deux ou quatre à quatre, son frère Léopold les descendant pour rejoindre ses amis sur la placette en face du Temple ou dans l’un des cafés de la Herrengasse. Les Ukrainiens qui vivent ici m’invitent à revenir, quand je veux, avec le reste de la famille. Je les remercie avec les trois mots de russe et les deux d’ukrainien dont je dispose. Je me sens à la fois excitée et apaisée. Des enfants jouent au hulla-hoop dans la cour et se demandent pourquoi cette étrangère vient filmer et photographier leur maison. 43 Promenades dans la ville le reste de l’après-midi, puis retour à l’hôtel. J’ai décidé mes compagnons de voyage à aller à l’office orthodoxe du vendredi soir. Madame Finkel nous avait dit qu’il y avait un autre office libéral ou « conservatif » et elle avait eu l’air surprise que nous désirions nous rendre chez les orthodoxes. 44 Marianne est persuadée que la synagogue en activité ne peut être que dans la Judengasse ou dans la Schulgasse, à l’emplacement du ghetto, mais nous sillonnons les rues en vain à la recherche de ce qui ressemblerait à un Juif se rendant à un office. La grande Schule est fermée, comme le Bethaus à deux maisons de là. Ce dernier a pourtant l’air rénové et j’apprendrais par la suite qu’il contient de magnifiques peintures murales. Dîner dans une taverne roumaine. Nous nous régalons de mamaliga avec une sauce aux champignons et d’une grande assiette de radis noir. Débarque tout un groupe de jeunes Roumains. La frontière est à 40 km de là et ils viennent passer la soirée en Ukraine. Ils en profitent pour faire quelques provisions. Dans la Herrengasse, où se trouve le restaurant, des magasins d’alimentation restent ouverts jusqu’à onze heures du soir. Dans tous les restaurants, de la musique, disco ou plus traditionnelle, est en général poussée un peu plus lorsque nous arrivons, en signe d’honneur. C’est ce qui se passe également chaque fois que nous pénétrons dans un taxi. Lorsque nous partons, le patron tente de nous retenir. Baise-main aux dames. 45 Retour à l’hôtel. Un passage rapide à la discothèque. Je suis une fois de plus fascinée par les tenues des jeunes femmes, souvent ravissantes, qui fréquentent les lieux. Les robes du soir et les talons aiguilles ne dépareraient pas lors de premières à l’Opéra et

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quelques shorts extrêmement courts montrent bien que nous ne sommes pas dans un pays musulman. En fait, deux groupes de populations féminines se juxtaposent : les jeunes femmes coiffées et habillées au dernier cri européen et les babouschkas fripées avec leurs fichus blancs ou multicolores serrés autour de la tête. Le passage d’une espèce à l’autre semble assez brutal.

Photo 2 : Les élégantes de la Herrengasse

Cliché F. Heymann

46 Ce matin, nous avions rendez-vous avec Felix sur la -Platz, dont Marianne a donné au chauffeur le nom en ukrainien. Nous constatons qu’il se dirige dans une tout autre direction que I’habituel chemin vers le centre. Marianne s’est trompée. Elle a indiqué le nom d’un village qui se trouve à la frontière roumaine. Rectification. Le chauffeur fait demi-tour et nous retrouvons le trajet devenu familier, le Volksgarten et le quartier des villas, enfin l’endroit souhaité. À une extrémité de la place, une statue monumentale commémore les « héros soviétiques » qui ont libéré la ville du fascisme en 1944.

47 Félix arrive. Élégant comme toujours. Mémoire de toutes les époques de la ville, il nous facilite les contacts. Je ne sais pas ce que nous ferions sans lui. Direction des lycées, respectivement, liceu real orthodox et lycée allemand. Nous arrivons au premier à côté de la cathédrale grecque-orthodoxe, récemment repeinte dans un « ravissant » rose bonbon du meilleur effet. 48 C’est un grand lycée. Le portail sur la rue est fermé. C’est l’époque des vacances. Nous passons par la cour. La concierge nous demande ce que nous cherchons ici. Félix explique et l’on nous laisse entrer bien volontiers. Félix dit qu’il s’agit de l’ancien lycée allemand. D’après ce que m’avait dit mon père de l’emplacement, j’aurais plutôt penché pour le lycée real orthodoxe mais je fais confiance à notre guide. Nous entrons dans une des salles, aujourd’hui salle de professeurs. Peut-être mon père était-il assis là. Car en fait, mon intuition et mes indices étaient exacts. Il s’agit bien du lycée real orthodox et non du lycée allemand. Nous nous rendons ensuite à ce dernier, situé au coin d’après. C’est un bâtiment un peu plus petit. Là, ont étudié les parents de Marianne et ceux de David. Les personnes que nous rencontrons, s’exclament toutes : « Americans !

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Americans ! » Mais personne n’a l’air d’être méfiant ou de craindre quoi que ce soit de notre visite. 49 À onze heures, nous avons rendez-vous chez Josef Burg, un écrivain yiddish. Il est né à Wishnitz, où 98 % de la population parlait yiddish. Je redoutais un peu le côté « vedette » et personnage incontournable du Czernowitz d’aujourd’hui. Il habite dans la Landhausgasse, qui, sous les Soviétiques, avait été nommée Schors, d’après un commissaire politique ukrainien. C’est aujourd’hui la rue Scheptinski, du nom d’un cardinal également ukrainien. Josef Burg est né en 1912. Il est l’un des derniers écrivains d’Europe orientale qui écrive encore en yiddish dans la tradition d’Itzig Manger ou de Eliezer Steinbarg. C’est d’après ce dernier qu’à été nommée la nouvelle société pour la culture yiddish qu’il dirige. Son portrait, à côté de celui de Sholem Aleikhem et en face de celui de François-Joseph, est accroché au mur de la pièce dans laquelle il nous reçoit. En fait, l’entretien est passionnant. Josef Burg fait un récit des pérégrinations géographiques et mentales de sa vie, qui se termine malheureusement par ce constat qui tombe comme un couperet : « Aujourd’hui tout est possible pour les Juifs, mais c’est trop tard, trop tard ! » Il lit deux de ses derniers textes à thèmes bibliques d’abord dans la traduction allemande, puis en yiddish. Le premier parle du sacrifice d’Isaac, le second de l’histoire de Ruth la Moabite. 50 Comme chez Rosa Roth-Zuckermann, trônent des bustes de François-Joseph. Cette superposition des périodes correspond-elle à une identité profonde, ne serait-ce pas un peu du folklore, de la « sur-identité » ?

Photo 3 : L’empereur François-Joseph et l’impératrice Sissi sur la bibliothèque de Rosa Roth- Zuckermann

Cliché F. Heymann.

51 Sur un autre mur, à droite d’un imposant poêle en céramique sur lequel est posé un chandelier en forme de magen david, des peintures à thème juif, des photos de famille et surtout ses propres portraits.

52 Nous repassons par la Residenzgasse. Je retrouve « notre » maison, devenue pour moi un point de repère. Nous prenons la Dreifaltigkeitsgasse où se trouvait l’appartement de la mère de Marianne. Nous rencontrons au coin de la rue l’occupante actuelle. Elle

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reconnaît Marianne et la salue. Un peu plus tard, je demande à Félix si les gens sont locataires ou propriétaires de leur appartement. Il y a quelques années les appartements ont été « privatisés », c’est-à-dire que ceux qui habitaient depuis un certain nombre d’années sur place ont reçu leur logement en cadeau. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que bon nombre de ces appartements n’avaient pas coûté cher à l’État, lorsque les Juifs qui les occupaient les avaient quittés du jour au lendemain. 53 Nous arrivons dans la rue où se trouve la maison de Félix, la Lehmstrasse. Comme beaucoup d’autres, la rue est pavée ; tout du long, des arbres, marronniers ou acacias, et des petites maisons entourées de jardinets. Marina, l’épouse ukrainienne de Félix, nous accueille avec beaucoup de chaleur. Elle est blonde, « très blonde », un visage large, les yeux et les lèvres soigneusement maquillés. La maison est ancienne et les meubles sans style défini. Quelques bibelots « ethniquement » neutres. Interview de Félix. Le récit est passionnant. Il raconte toute la période soviétique et post-soviétique. 54 Avec Marina, la communication est assez limitée. La barrière linguistique nous rend un peu muets. Elle connaît quelques bribes d’allemand et quelques mots d’anglais. Nous nous faisons surtout de grands sourires. 55 Demain, le programme consiste en promenade dans la ville le matin et visite du cimetière l’après-midi. Je ne sais pas si j’arriverai à me rendre à Sadagura, le berceau de la dynastie hassidique du Ruzhyner. En tout cas, ce voyage aura donné une épaisseur extraordinaire au travail que j’ai fait pendant toutes ces années sur la ville, je sais maintenant que je reviendrai... J’ai l’impression que je dois beaucoup à Marianne et Léo. Je ressens une véritable affection pour ce couple qu’au fond je connais encore si peu. Avec David, il est très agréable de parler l’hébreu, II me charrie souvent sur mon côté schickse froum, ce qui signifie en yiddish, littéralement, « non Juive orthodoxe ». 56 Czernowitz est maintenant pour moi un espace où je peux conjuguer « vivre » au présent. C’était jusque-là un temps très peu employé dans ma recherche. Bien sûr, les Chernivitsiens de l’an 2000 n’ont rien à voir avec « mes » Czernowitziens. Mais les lieux sont là et la puissance d’évocation qui en émane est forte. Avec une intensité qui me trouble moi-même, j’éprouve réellement la sensation qu’une partie de moi appartient à cette ville. 57 Il ne reste guère qu’une poignée de « Czernowitziens authentiques » qui ont entre 88 et 92 ans. Sont-ce eux les derniers, Frau Zuckermann, Frau Finkel, Herr Burg, ou bien sont-ce Marianne, David, Félix ou moi... 58 Il est tard. La discothèque de l’hôtel distille sa musique techno sous mes fenêtres.

Dimanche 9 juillet

59 Aujourd’hui la visite au cimetière, en début d’après-midi, a déclenché de telles émotions, que j’ai un peu de mal à reconstituer ce qui s’est passé « avant ».

60 Je me souviens maintenant : Nous nous sommes rendus à la Postgasse. Je voulais voir le bâtiment de la poste puisqu’il paraît que mon grand-père le dirigeait. La maison est en réfection, des échafaudages masquent une partie de la façade. À l’intérieur, les imposants lustres en cristal doivent encore dater de l’empire austro-hongrois. 61 Puis, nous avons cherché la maison des grands-parents de David dans la Piteygasse. David a réussi à visiter l’appartement aujourd’hui habité par trois jeunes hommes. Ensuite, nous sommes descendus vers le ghetto, ou plutôt ce que Marianne appelle le

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« ghetto élargi ». Il semble en effet qu’en octobre 1941, après quelques jours, les autorités se soient aperçues qu’il était impossible de caser tout le monde dans le périmètre des trois ou quatre rues délimitant le ghetto originel et que ce dernier ait été agrandi. Marianne retrouve la maison de son oncle qui a dû accueillir vingt-cinq personnes. Les parents de Marianne, alors fiancés, se sont mariés là. Ils sont sortis devant la maison, raconte Marianne, ils ont trouvé un rabbin et lui ont dit : « Pouvez- vous nous marier ? » Mais c’était un vendredi après-midi et le rabbin a refusé. Alors, ils se sont mariés à la mairie. Ce sont les termes même du récit de Marianne. 62 Nous avons ensuite retrouvé Félix devant la Kinagoga et avons pris un taxi pour le cimetière juif. Ce dernier est immense et dans un état lamentable. Tout est à l’abandon. Un bâtiment, aujourd’hui totalement délabré, devait servir pour les oraisons funèbres. À l’intérieur, sur une stèle, sont inscrits les noms des personnalités de la communauté. David cherche la tombe de son grand-père. Il a vu une photo qui indiquait le nom d’une grande tombe de marbre noir, située juste derrière. Il la trouve très vite. À mains nues, il débroussaille la tombe de David Kessler, rabbin de la communauté au début du siècle. Sans ces indices, il ne l’aurait sûrement pas trouvée, car elle est très modeste. Il relève ce qui est inscrit. Marianne, avant de venir, a fait faire des recherches pour situer le carré où doit être la tombe de son grand-père. Je pense que se trouve là la tombe de mes arrières-grands-parents Herschmann, mon arrière-grand-mère Feuer est morte à Nice l’année de ma naissance, quant à son mari, je sais qu’il était de Stanislavov, je ne sais donc pas où il est enterré. Je ne cherche donc rien de vraiment particulier. Je me promène entres les tombes. Presque chaque nom m’évoque quelqu’un et une histoire. 63 Ce qui m’étonne, c’est l’intrication des styles de sépulture et des époques. Des tombes très anciennes, gravées en hébreu côtoient celles de l’entre-deux-guerres où allemand et hébreu sont associés – absence totale de roumain –, puis des tombes récentes souvent entièrement en ukrainien ou en russe, je suis incapable de faire la différence. Chaque période a généré un style bien particulier de pierres tombales. 64 Je m’éloigne dans une direction puis rebrousse vite chemin. Je vais de l’autre côté. Quelques pas et soudain, la tombe de Leib Herschmann. La stèle est en marbre noir, très haute, l’inscription est en hébreu et en allemand. Il était, semble-t-il un personnage important de la communauté, l’énoncé de ses titres se termine d’ailleurs par etc. 65 Tout est envahi par les ronces. Soudain, je me rends compte que la tombe est entourée d’une clôture de fer forgé rouillé. Un deuxième caveau s’y trouve. La seconde tombe est entièrement recouverte par les mauvaises herbes. David et Léo entreprennent de la nettoyer à mains nues et nous découvrons la tombe d’Ettel Herschmann, son épouse, avec une minuscule pierre tombale où est inscrit son nom qui commence à s’effacer et sa date de décès, 1945. 66 Au début surprise, je comprends vite la disproportion entre les sépultures. En 1945, il n’y avait plus personne de la famille sur place. La concession existait, la place était prête, mais la pierre tombale ne pouvait avoir le faste de celle de son mari décédé en 1912. 67 Une petite pluie drue tombe maintenant sur ce lieu doublement mort. Seuls une vieille femme et un jeune garçon d’une laideur troublante nous suivent. 68 Nous avons fini l’après-midi chez Rosa Roth-Zuckermann. Là, j’ai scanné sa collection de cartes postales anciennes. Sur une des cartes, la Residenzgasse. « Notre » maison comme elle était à l’époque. Je viens de comprendre pourquoi l’adresse était 2a. Au

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début de la rue une maison basse, puis rien, puis notre maison. Depuis une troisième maison a été construite entre les deux. 69 Ce soir, nous retrouverons Helmut Kusdat, un Viennois amoureux de la ville, Amy Colin, universitaire américaine spécialiste des poètes bucoviniens de l’entre-deux- guerres, et Peter Rychlo à la taverne hutsule. Peter Rychlo est un personnage étonnant. Ukrainien titulaire de la chaire d’allemand à l’Université, il traduit Celan, Rose Ausländer et les poètes juifs bucoviniens en ukrainien et est devenu spécialiste de la Bucovine juive. Marianne me fournit la clef du mystère : enfant de la campagne, il a été adopté par Lydia Hamik qui l’a éduqué dans le culte de la culture allemande. Lydia Hamik est décédée il y a trois ans. Elle était l’une des « derniers Czemowitziens ». 70 Retour à l’hôtel où Marianne et Léo m’interviewent à nouveau. Je tente de faire un premier bilan de ce que j’ai vécu pendant ces quatre jours. Une aventure initiatique. L’intensité a été plus forte que je ne le pensais. Ma familiarité avec la ville également.

Lundi 10 juillet

71 Je n’arrive pas vraiment à réaliser que seulement quatre jours ont passé depuis mon arrivée à Czernowitz. J’ai l’impression d’avoir déroulé un récit de vie complet. Impression douloureuse aussi d’avoir rencontré les derniers survivants de l’ancienne communauté, alors que tout est encore « à fleur de lieux ». Est-ce qu’un livre peut faire revivre un lieu ? Je me sens forte maintenant de toutes les images, les sons, les odeurs et les émotions glanées ici.

72 Austria-Platz. Les archives sont abritées dans la Jesuiten-Kirche. Un escalier en colimaçon. Je suis reçue par une archiviste qui se débrouille en allemand. Évidemment, on ne m’ouvre pas les dossiers. Il faut remplir une demande motivée avec le nom et la date de naissance des personnes sur lesquelles on cherche des documents. Dans l’espèce d’énervement du dernier jour, j’ai oublié les dates de naissance, je me trompe de prénom. Bref, je ne suis pas sûre de recevoir quoi que ce soit de concret à Jérusalem. Ce qui est conservé là, ce sont les archives du ghetto. Mais au fond, peut-être que mes grands-parents n’ont pas été déportés depuis le ghetto, mais, comme pour les parents de Paul Celan, directement de leur appartement de la Residenzgasse. Si elle trouve quelque chose, elle m’écrira. 73 Les registres d’état-civil sont ailleurs, dans la Kobylanskaja-Herrengasse, au numéro 33. Nous nous y rendons. En passant, je photographie la maison de Celan de la Masarykgasse (il est né Wassilkogasse). En sortant des archives, un panneau d’affichage, des documents concernant des personnalités de la ville, une photo de Celan et un bulletin de notes (pas excellentes en français !). Le panneau d’affichage devant lequel personne sans doute en temps normal ne s’arrête, commence à susciter beaucoup d’intérêt de la part des passants. Pourquoi ces étrangers sont-ils si intéressés ? Du coup, plusieurs personnes viennent lire le panneau. 74 J’ai rendez-vous dans le hall de l’hôtel avec le chauffeur. Je retourne à Lvov. La route est splendide. À la sortie de la ville, nous nous arrêtons sur le pont qui enjambe le Pruth pour prendre les deux dernières photos et je retrouve Rose Ausländer « Immer zurück zum Pruth ». « Les galets se mirent à chanter dans le Pruth/ sculptant des motifs éphémères sous le soleil/ Narcisses, nous flottions sur le miroir de l’eau, nous étreignant nous-mêmes/ La nuit, couverts par le vent, le lit débordant de poissons/ La

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lune, poisson rouge./ Un murmure de papillotes. C’est le rabbin, dans son caftan, avec son châle, entouré de hassidim/ regardant../ Oiseaux, dont nous ignorons le nom, votre cri attire et effraie à la fois./ Mais nous sommes prêts à vous suivre, au-delà des champs de maïs et des synagogues vacillantes. Toujours, revenant vers le Pruth./ Radeaux, de bois ou de caroube, qui descendez le Pruth, où allez-vous, si pressés, nous laissant seuls ici avec les galets ? » 75 Sur la route, nous ne sommes pas très bavards. L’anglais de Mikhaijlo se résume à dix mots et mon ukrainien à six. Il me fait passer par des endroits superbes, s’arrête aux monuments juifs. À un moment, il ne prend pas la route indiquée pour Lvov. J’ai quelques instants d’inquiétude. Mais il veut simplement passer par une route plus jolie que la route directe. Les paysages de la Galicie sont peut-être plus beaux encore que ceux de la Bucovine, plus vallonnés. Nous arrivons à Lvov à six heures.

Mardi 11 juillet

76 En attendant de monter la passerelle de l’avion des Ukrainian Airlines, j’échange quelques mots avec un Autrichien qui fait du travail humanitaire dans la région. « C’est un pays magnifique ! », lui dis-je, enthousiaste. « Ce n’est qu’une façade, c’est un pays en ruines ! », me répond-il.

NOTES

1. « Ceux qui respectent le shabbat » 2. Les lulavim sont des branches de palmier et les etrogim des cédrats, espèces utilisées pendant la fête de soukkot ou fête des cabanes en automne. 3. Chorus de dix hommes pour la prière. 4. Étoile de David. 5. Chandelier à sept branches. 6. Martha Blum, née Gutman, est la cousine germaine de mon père. Elle habitait avec ses parents le deuxième étage du même immeuble. Elle vient de publier un ouvrage autobiographique romancé, The Walnut Tree, Toronto, Coteau Book. 1999.

AUTEUR

FLORENCE HEYMANN

Centre de recherche français de Jérusalem

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Vie du laboratoire

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La préhistoire de Melka Kunturé (Éthiopie)*

Marcello Piperno

traduction française, Colette Salem Bref historique des recherches 1 C'est en 1963 que l'hydrologue hollandais Gérard Dekker attira l'attention du Service des Antiquités d'Addis Abéba sur le site de Melka Kunturé. La même année, G. Bailloud menait les premières recherches en surface, récoltant de nombreux objets façonnés en pierre, ainsi que des restes d'ossements d'animaux. Depuis 1965, une mission franco-éthiopienne, dirigée par Jean Chavaillon, a entrepris des recherches systématiques sur le site paléolithique, ouvrant des chantiers sur divers niveaux archéologiques. Ces travaux furent menés parallèlement à l’étude du vaste gisement où furent découverts les vestiges préhistoriques, à l'identification chronostratigraphique des sédiments du Pléistocène ancien et moyen, et enfin à l'analyse des pièces lithiques et des vestiges animaux mis au jour jusqu'ici. Les recherches de terrain s'interrompirent après la campagne de fouilles de 1982. Au cours des années suivantes, l'étude d'une grande partie des vestiges archéologiques recueillis durant les fouilles et conservés au Laboratoire Melka Kunturé à Addis-Abeba, se trouvait pratiquement effectuée. Les fouilles de quelques sites du Pléistocène (Acheuléen) de Melka Kunturé reprirent de 1993 à 1995, sous la direction de Jean Chavaillon. Données géologiques, chronologie et principales périodes culturelles 2 Melka Kunturé est un gisement paléolithique situé dans une vallée. Il s'étend sur près de six kilomètres, le long des deux berges de la rivière Aouache, avec des dépôts sédimentaires superposés, dont les vestiges ont été préservés jusqu'à une profondeur maximale de cent mètres.

3 À une cinquantaine de kilomètres d'Addis-Abeba, ce gisement est situé sur une branche latérale de la faille syro-africaine. 4 La sédimentation fluvio-lacustre (cailloux, graviers, sables et argiles) a été fréquemment interrompue par une activité volcanique ayant généré des tufs

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cinéritiques et des laves, qui constituent autant de repères cruciaux pour la corrélation stratigraphique prévalant entre les diverses couches archéologiques présentes dans plusieurs secteurs de ce site. 5 Parmi plus de soixante-dix niveaux archéologiques découverts jusqu'ici, une trentaine ont été fouillés plus ou moins à fond à ce jour. 6 Le plus ancien niveau archéologique est celui du site oldowayen de Karré, que l'on peut mettre en corrélation avec le niveau B de Gomboré I datant de 1,6 à 1,7 million d'années. 7 Quant à l'oldowayen plus tardif, il est représenté sur ce gisement par la séquence du site de Garba IV, qui sera évoqué ultérieurement plus en détail. Son âge absolu est compris entre 1,5 et 1,3 million d'années. 8 La séquence magnétostratigraphique de Jaramillo s'inscrit entre le Tuff A, qui couvre les sites oldowayens, et le Tuff B, datant de 1,07 à 0,84 million d'années. 9 Certains sites importants, comme Garba XII et Simboro III, peuvent être mis en rapport soit avec la phase de transition de Garba XII – entre la fin de la période oldowayenne et le début de la période acheuléenne – soit avec celle de l'acheuléen archaïque (niveau de Simbiro). 10 Ils s'insèrent en effet l'un et l'autre dans ce même intervalle chronologique.

11 Dans la séquence stratisgraphique de Melka Kunturé, la période ultérieure de l'acheuléen africain est représentée par le site de Gomboré II (acheuléen moyen) datant de 0.84 million d'années. 12 En ce qui concerne l'acheuléen supérieur, le principal site étudié est celui de Garba I, l'âge absolu de celui-ci s'inscrivant entre 0,5 et 0,4 million d'années. L'aboutissement de cette longue séquence technique est représenté à Melka Kunturé par le site de Garba III, datant approximativement de 0,2 million d'années. 13 À Melka Kunturé, les phases les plus récentes du Paléolithique d'Afrique orientale, connues sous le nom de Middle et Late Stone Age, ont été jusqu'à présent étudiées moins en détail. Quelques niveaux offrant des pièces d'industrie lithique liées au Middle Stone Age ont été identifiés par divers sondages, tandis que les fouilles effectuées sur le site de Kella I fournissaient l'occasion de récolter des matériaux datant du Late Stone Reconstitution paléo-environnementale : données paléontologiques et paléobotaniques 14 Des études micropaléontologiques, paléontologiques et paléobotaniques systématiques ont été menées sur toute la séquence stratigraphique de Melka Kunturé. 15 Elles ont permis une reconstitution relativement satisfaisante des modifications paléo environnementales survenues dans cette région de hauts plateaux éthiopiens durant le Haut et Moyen Pléistocène, autrement dit au cours de la période chronologique évoquée par les vestiges archéologiques découverts sur le site. 16 Les modifications environnementales ont été provoquées par des fluctuations climatiques (impliquant un degré plus ou moins élevé d'aridité ou d’humidité) caractérisant le Pléistocène dans l'hémisphère austral. 17 Dans un environnement de savane, peu modifié pour l'essentiel, de telles fluctuations ont eu pour conséquence principale de provoquer une expansion plus ou moins importantes de certaines espèces arboréales. En ce qui concerne la faune, les animaux (divers bovidés et équidés) mieux adaptés aux conditions climatiques plus sèches, abondaient dans la savane aride, tandis que sous un climat plus humide, d'autres

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espèces (hippopotame, phacochère, éléphant etc.) vivaient dans la savane arborée. Néanmoins, comme dans le reste de l'Afrique orientale, l'ensemble des changements paléoclimatiques suggérés par l'analyse palynologique (analyse des pollens) démontre que ces modifications n'atteignaient pas une ampleur susceptible de provoquer des bouleversements paléo environnementaux radicaux. 18 La même situation est également évoquée à Melka Kunturé par les associations faunistiques, découvertes au cours des fouilles dans des sites d'époque différente. La présence de mammifères adaptés à des conditions climatiques plus ou moins humides – ou arides – est posée ici en terme de fréquence statistique de ces diverses espèces, plutôt qu'envisagée comme une fréquentation alternative de différents mammifères sur les hauts plateaux éthiopiens. 19 En d'autres termes, les niveaux d'occupation correspondant à la période climatique la plus humide fourniront plus souvent, par exemple, des restes faunistiques attribuables à l’Hippopotamus et au Phacocerus, qu'à des équidés et des bovidés mieux adaptés à une savane plus aride. Le contexte archéologique et son interprétationSites oldowayens : Karré et Gamboré I 20 Les phases les plus anciennes d'une présence hominienne à Melka Kunturé ont été largement étudiées grâce aux fouilles considérables menées sur le site de Gomboré I, le long de la rive droite de l'Aouache, ainsi qu'aux recherches plus limitées conduites à Karré, sur la rive gauche. 21 Gomboré I constitue jusqu'ici le chantier le plus approfondi de Melka Kunturé. Sa paléosurface a été explorée sur quelque 250 mètres carré, il s'agit d'un site oldowayen, caractérisé par une importante concentration de pièces lithiques (12 000 artefacts datant de 1,7 à 1,6 million d'années ont été recueillis), ainsi que par des vestiges d'animaux. Établi sur une plage de sable et d'agile, ce site était enterré sous plusieurs mètres d'une épaisse couche de sédimentation argileuse. 22 L'industrie lithique est caractérisée par une prédominance de « pebble tools » (galets aménagés). Ce sont pour la plupart des choppers, mais d'autres types d'outils sont également bien représentés, à l'exception des percuteurs discoïdes à forme globuleuse. Les pièces polyédriques sont également fréquentes, ainsi que les grattoirs, les « rabots » et autres pièces à encoches ou outils denticulés, fabriqués pour la plupart à partir de galets. Les éclats sont plus rares et ne portent guère de traces de retouches. 23 Les galets et les blocs de basalte utilisés comme matière première pour la fabrication de ces outils furent trouvés principalement à proximité du site. 24 Aucune zone d'activité spécialisée n'a été découverte dans le sol d'occupation, où la limite naturelle du site est marquée par une disparition progressive des outils et des os. Dans une autre partie de ce sol, un secteur sans aucun vestige, entouré d'un énorme entassement d'outils et d'os, permet d'envisager l'hypothèse d’un ancien abri. L’étude paléontologique du site net en évidence la fréquence d’hippopotames (Hippopotamus amphibius), d'équidés (Stilohipparion), de suidés et bovidés (Connochaetes, Damaliscus, Alcelaphini, etc.). Un fragment d'humérus distal, identifié comme étant celui d'un Homo erectus, a été découvert au niveau B2. L’association entre Homo erectus et un site oldowayen se révèle du plus haut intérêt en ce qui concerne la question de l'attribution de ce complexe technique. Sa signification et sa possible interprétation seront envisagées ci-dessous.

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Le site oldowayen supérieur : Garba IV 25 Les fouilles effectuées de 1975 à 1982 sur le site de Garba IV ont permis d'explorer les deux niveaux supérieurs C et D sur une superficie de cent mètres carré. La séquence stratigraphique, inférieure à ces deux niveaux, qui se trouvent stratifiés dans une couche sédimentaire sableuse, présente une superposition de trois niveaux supplémentaires (E, F, G) insérés dans une matrice argileuse. 26 Un test de forage, de quatre mètres carré seulement, fut mené en 1982 jusqu'au niveau E, où fut découverte une mâchoire d'enfant, identifiée comme appartenant à un Homo erectus. 27 L'étude systématique des vestiges lithiques et faunistiques des deux niveaux supérieurs C et D laisse penser que ces derniers, datant approximativement de 1,5 à 1,4 million d'années, relèvent de l'oldowayen supérieur. 28 La fréquentation de ce site sur la rive droite de l'Aouache a pris place durant une période plus aride que celle qui prévalait, à l'époque oldowayenne, à Gomboré I. 29 La plupart des restes d'animaux appartiennent à Hippopotamus amphibius, aux suidés, équidés et bovidés : Metridiochoerus andrewsi, Phacochoerus modestuy, Kilpochoerus limnetes, Peîorovis oldowayensis, Connochaetes taurinus, Damaliscus, Gazella, Hipparion. 30 Du point de vue archéologique, le niveau C témoigne de l'existence d'un campement relativement bref d'un groupe hominien assez restreint. Les vestiges lithiques et faunistiques sont répartis en petites quantités et ne s'accumulent pas de façon notable à la surface, suggérant peut-être la présence de diverses zones d'activité. En tout, on a pu récolter 470 artefacts d'obsidienne, 190 galets et éclats de basalte et 230 vestiges paléontologiques. Le niveau D constituait au contraire un site d'habitation permanente ou bien un lieu visité par des groupes humains qui l'occupaient à demeure (pour des jours, des semaines ou des mois), y organisant en commun diverses activités quotidiennes ; façonnage d'outils de pierre, boucherie, répartition de la nourriture etc. 31 Plus de 3 900 artefacts d'obsidienne, quelque 6 000 outils et éclats de basalte, ainsi que près de 2 700 vestiges faunistiques, ont été découverts durant les fouilles d'une partie de la paléosurface, qui couvre une centaine de mètres carré, avec une quantité totale de plus de 12 700 objets atteignant parfois une densité très élevée sur une superficie de plusieurs mètres carré. 32 Néanmoins, la distribution de ces matériaux sur la paléosurface n'est pas homogène. Deux secteurs aux formes irrégulières et un autre de contours ovoïdes, sans outils ni os, apparaissent dans diverses parties du site. À d'autres endroits, quelques énormes blocs de basalte, pesant plusieurs dizaines de kilos, ont été intentionnellement introduits dans le site. Ils sont généralement entourés d'importants entassements de vestiges d'os de grande taille : côtes, cornes, fragments de bassin d'un éléphant, vertèbres, dent d’hippopotame, etc… 33 La signification fonctionnelle d'accumulation de ce type peut être mise en rapport avec certaines activités touchant au partage et à la consommation de la viande, mais on ne peut qu'envisager cette hypothèse, sur la base d'une association récurrente entre présence de gros blocs et larges entassements de restes animaux. 34 Il faut en outre noter qu'une quantité anomale de cornes d'antilope, 120 au total, est éparpillée au niveau D.

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35 Un ou même peut-être deux secteurs du sol d'occupation exploré lors des fouilles, laissent présumer l'existence d'activités liées au processus de façonnage d'outils lithiques à partir de blocs d'obsidienne. Des études taphonomiques détaillées ont montré que dans ces zones, la densité de, éclats d'obsidienne, de déchets et de nucleus était plus élevée que partout ailleurs au niveau D. L'un de ces deux secteurs est situé autour de l'un des gros blocs de basalte mentionnés supra. 36 L'étude taphonomique générale de la distribution des vestiges lithiques et faunistiques ne révèle pas de secteurs aussi significatifs que ceux décrits supra. Néanmoins, dans une zone importante (quelque 50 mètres carrés) du secteur exploré, sur le côté gauche de l'érosion séparant la paléosurface en deux parties, des restes d'animaux et des outils de basalte semblent se superposer avec une très grande densité sur une bande irrégulière, qui entoure quelques mètres carrés ne présentant pratiquement pas d'outils ni d'ossements. 37 Deux sondages pratiqués à quelque distance (15 à 20 mètres) de la fouille principale, laissent penser que l'extension du niveau D pourait être estimée à un minimum de 700 mètres carré. 38 Jusqu'ici, aucune des zones périphériques explorées sur ce chantier de fouilles ne coïncide avec une limite artificielle de la paléosurface, dont la superficie originelle demeure par conséquent inconnue. Principales caractéristiques typologiques de l'oldowayen supérieur à Garba IV 39 Comparés aux complexes oldowayen de Gomboré I et Karré, les assemblages lithiques de l'oldowayen supérieur du niveau D de Garba IV diffèrent principalement par la fréquence plus élevée d’éclats et d'outils-éclats, par un meilleur savoir-faire technologique que laissent paraître la plupart des galets aménagés (choppers et polyèdres), ainsi que par la présence d'un nombre très restreint (quatre ou cinq pièces au total) de bifaces, accompagnées de deux hachereaux. 40 En ce qui concerne les matériaux utilisés, il faut souligner une dichotomie fonctionnelle radicale : si l'emploi du basalte est prédominant pour les galets aménagés, c'est l'obsidienne qui est largement privilégiée pour les outils en éclats. 41 Au niveau C, la péréquation obsidienne-basalte indique une prédominance du premier par rapport au second, alors qu'au niveau D, ce pourcentage semble s'inverser. 42 Quant à la distribution des matériaux, il est possible d'affiner que la fréquence des éclats à Garba IV n'est pas entièrement due à la fabrication des galets aménagés, mais reflète, au contraire, un modèle technologique innovant. Les galets et les petits blocs d'obsidienne étaient exploités de façon exhaustive : les galets d'obsidienne inutilisés sont en fait rarissimes au niveau D, et les blocs d'obsidienne toujours employés au maximum, alors que de nombreux blocs de basalte ne présentent que de rares traces d'éclats. 43 L'assemblage typologique indique que 70 % des éclats n'ont pas été retouchés, alors que les 30 % restants ont été utilisés ou modifiés par retouches. 44 Les outils élaborés à partir de galets ou d’éclats révèlent d'ores et déjà une différentiation typologique assez précise. On constate la présence de diverses sortes de racloirs, de pièces à encoches et outils denticulés, ainsi que quelques grattoirs, perçoirs et burins.

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45 Plusieurs bifaces de basalte et d'obsidienne, ainsi que deux hachereaux, ont été découverts dans des secteurs différents du chantier principal de Garba IV D. Leur rareté confirme leur nature de prototypes dans la séquence technique oldowayenne supérieure. L'acheuléen : Simbiro III, Garba XII J, Gomboré II, Garba I, Garba III.Acheuléen inférieur 46 Cette longue phase chrono-culturelle est bien représentée à Melka Kunturé dans plusieurs sites, dont certains ont été explorés sur une superficie importante. 47 Sur le site de Garba XII, deux mètres de sédiments fluvio-lacustres incluent neuf niveaux archéologiques, dont quatre constituent des sites d'occupation. Ces sédiments sont insérés ente deux Tuffs importants (Tuffs A en dessous et B au-dessus) datant respectivement de 1,0 et 0, 84 million d'années. 48 Le site de Simbiro, à quelque quatre kilomètres de là, offre une position stratigraphique et une datation similaires. L'un et l'autre sites constituent les plus anciens sols d'occupation découverts à ce jour, pouvant être datés du début de la période acheuléenne. 49 Même si les bifaces et hachereaux, généralement façonnés à partir de galets et offrant par conséquent une épaisseur considérable, sont représentés avec une fréquence inégale sur les différents sites, leur présence est toujours statistiquement plus élevée qu'auparavant. 50 Une grande partie de l'outillage est désormais façonnée à partir d’éclats, la plupart du temps en obsidienne. Les outils retouchés sont bien différenciés au plan typologique et offrent une bonne standardisation technologique, avec l'apparition plus fréquente de racloirs adroitement retouchés par entailles. 51 Dans le contexte de ces innovations technologiques, il faut souligner que, principalement au niveau J de Garba XII, les caractéristiques oldowayennes conservent leur importance : les choppers unifaces et bifaces restent nombreux, tandis que les choppers discoïdaux peuvent être interprétés comme une forme de transition allant aboutir à la véritable biface. Plusieurs grands éclats ovalaires, à sections thiédriques et à retouches unifaces sur leur partie dorsale, se rencontrent fréquemment à Simbiro III. 52 L'organisation des sols d'occupation offre elle aussi certaines ressemblances avec les sites oldowayens supérieurs, et présente des secteurs plus fonctionnels qu'auparavant, consacrés à des activités spécifiques. 53 Des bovidés de grande taille, des antilopes et des hippopotames sont les animaux les plus fréquemment rencontrés à Garba XII J. Une mâchoire inférieure de primate (Theropithecus Simopithecus) a été identifiée sur ce même sol d'habitation, tandis qu'un crâne de Pehrovis oldowayensis était mis au jour à Simbiro III. L'acheuléen moyen 54 Cette période culturelle est tout spécialement représentée à Melka Kunturé par le site de Gomboré II, un sol d'habitation situé sur une plage de galets et caractérisé par une importante quantité de bifaces ovalaires et cordiformes, façonnées à partir de galets et d’éclats de basalte et d'obsidienne de diverses dimensions. Plusieurs de ces pièces possèdent une longueur moyenne qui varie de 5 à 8 centimètres. 55 Certains bifaces d'obsidienne présentent fréquemment un angle latéral incliné de façon caractéristique. D'autres outils, façonnés à partir de galets, sont présents en abondance sur ce même sol d'occupation. Quant aux outils élaborés à partir d’éclats (racloirs,

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pièces à encoche et outils denticulés, ainsi que grattoirs et perçoirs) se retrouvent en quantité statistiquement significative. 56 Un pariétal et un frontal, appartenant au même individu, identifié comme étant un Homo erectus, ont été découverts dans ce sol d'occupation. 57 C'est à la même phase acheuléenne que l'on peut rattacher un gisement exceptionnellement intéressant, découvert à proximité de Gomboré II – mais quelques mètres plus haut sur la pente. Les vestiges de deux hippopotames sont éparpillés dans une superficie explorée sur plusieurs dizaines de mètres carré. Ces restes sont entourés de quelques outils ayant été vraisemblablement utilisés pour le dépeçage. Il faut noter qu'aucun biface ni couperet n'ont été découverts sur ce site. L'assemblage lithique suggère plutôt un outillage révélant un comportement opportuniste et adéquat, avec très peu d'artéfacts identifiables au niveau typologique. L'acheuléen supérieur 58 Quelque 12 000 artefacts ont été découverts au cours de larges fouilles menées sur le site de Garba I, qui remonte à 0,5 million d'années. Le sol d'habitation, situé dans un bras latéral asséché de la rivière Aouache, peut être daté de la période de l'acheuléen moyen. La même phase culturelle a été identifiée dans d'autres localités de Melka Kunturé. 59 Les outils lithiques sont caractérisés par une fréquence élevée de bifaces façonnées à partir de grands éclats très fins, de forme ovale ou elliptique. Les hachereaux sont présents en grande abondance. Très fins, ils peuvent présenter soit des arêtes parallèles (taille en forme de U), soit des tranchants latéraux convergents. 60 Ce type d'outillage, très affiné au plan technologique, a souvent été réutilisé comme grattoir, en aiguisant l’une des arêtes latérales émoussées. Compte tenu du fait que peu de traces de débitage ont été relevées sur le site, il semble évident que le façonnage des bifaces et des hachereaux était mené ailleurs, sans doute à proximité du matériau brut. Sur le site de Garba I, on constate la présence d'une série d'outils sur éclats de petite taille, généralement en obsidienne. 61 Les premières traces d'un possible contrôle du feu, ainsi que la première apparition de l'ocre rouge, remonte à la période de Garba I. 62 Très peu de vestiges faunistiques ont été préservés à Garba I. Les ossements, réduits à de minuscules fragments, ne permettent souvent aucune identification. 63 Dans le contexte d'une interprétation générale de certains aspects technologiques et culturels du gisement de Melka Kunturé, cet élément a été considéré comme caractéristique d'une consommation de viande à la fin de l'acheuléen supérieur. L'acheuléen final 64 Le site de Garba III a été exploré de manière intensive. Datant approximativement de 0,25 à 0,15 million d'années, il représente ici les phases les plus tardives de la période acheuléenne. D'une certaine manière, il s'agit, dans la séquence culturelle de Melka Kunturé, d'une époque de transition vers le Middle Stone Age. Son sol d'occupation était déjà situé dans un bras latéral asséché de la rivière paléo-Aouache. 65 La typologie lithique du site offre le même genre d'outillage déjà rencontré. Néanmoins, les bifaces d'obsidienne sont d'ores et déjà miniaturisées, comme c'était généralement le cas lors du Middle Stone Age. Les outils sur éclats prédominent, avec de nombreux grattoirs et une bonne représentation d'artéfacts de type paléolithique moyen, tels ces petits bifaces retouchés, ces racloirs, ces perçoirs etc… Pourtant, la

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technique levalloisienne n'est encore utilisée que fort rarement. Les trois vestiges humains découverts sur ce site appartiennent à un Homo sapiens archaïque. Le Middle et Late Stone Age, et les dernières phases de la préhistoire de Melka Kunturé. Kella I, Wofi III. 66 Les trouvailles archéologiques de Garba III datant d'une époque de transition vers le Middle Stone Age, ainsi que quelques autres découvertes se rattachant à la même période, représentent jusqu'à présent les seuls vestiges du Middle Stone Age à Melka Kunturé. Pourtant, cette période est relativement bien attestée en Afrique orientale. 67 Quant au Late Stone Age, le chantier ouvert à Kella a permis d'ajouter quelques informations sur cette phase culturelle. L'industrie lithique est riche en burins, lames et éclats. La poterie reste rare, et les microburins pratiquement inconnus. 68 Sur la base de ces informations plutôt limitées, il semble difficile d'avancer une comparaison avec d'autres sites éthiopiens contemporains où le Middle Stone Age est fort bien documenté. 69 Le site de Wofi III, avec des pièces lithiques et des tessons de poterie incrustrés dans des sédiments de l'époque Holocène, pourrait être d'époque historique. L'explication des modifications culturelles. Continuité et changements dans les découvertes archéologiques du Pleistocène ancien. 70 La longue séquence de Melka Kunturé permet une reconstitution ponctuelle des phases les plus anciennes de l'Early Stone Age sur les hauts plateaux éthiopiens. Elle offre en outre la possibilité de poser un cadre culturel comparable à celui d'autres sites archéologiques similaires sur ces mêmes hauts plateaux, comme Gadeb par exemple. Elle autorise en outre de façon plus générale une mise en regard avec d'autres gisements d'Afrique orientale de l'époque du Plio-Pleistocène, tels que ceux d'Olduvai Gorge en Tanzanie et de Koobi Fora au Kenya. 71 D'importants rapprochements peuvent également être établis avec certains sites récemment découverts en Éthiopie, tel Fejej pour la période la plus ancienne, et Konso Gardula pour le début de l'époque acheuléenne. 72 Les deux séquences, largement parallèles, d'Olduvai et de Melka Kunturé, ont été interprétées différemment, surtout en ce qui concerne l'explication des transitions entre oldowayen et acheuléen, de leurs interactions éventuelles et d'une explication possible de cette période transitionnelle en termes de continuité (avec bien sûr des changements nombreux et importants) ou, au contraire, en termes totalement indépendants du point de vue culturel ou paléoanthropologique. 73 En outre, l'association de vestiges d'Homo erectus avec les assemblages oldowayen et oldowayen supérieur de Melka Kunturé, contraste avec les attestations d'Olduvai, où les complexes les plus archaïques semblent fréquemment associés à 1'Homo habilis. Quant à Homo erectus, il apparaît relativement plus tard (pas avant 2 millions d'années) dans la séquence olduvaienne. 74 Enfin, si la chronologie absolue du site acheuléen ancien de Konso Gardula devait se trouver corroborée, il serait du plus haut intérêt d'avancer quelques hypothèses quant à la contemporanéité prévalant entre des sites acheuléen ancien et oldowayen supérieur – comme par exemple à Garba IV. Dans un contexte plus général, il faudrait en outre se pencher sur la signification exacte de la terminologie adoptée jusqu'ici pour les premières phases du paléolithique d'Afrique orientale.

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75 L'explication des bouleversements culturels et des interactions entre les complexes du Plio-Pleistocène constitue l'un des problèmes majeurs de la préhistoire africaine. 76 De longues séquences, comme celles d'Olduvai ou de Melka Kunturé, apportent la preuve d'un changement culturel majeur. Les sites d'occupation – datant de 1,9 à 1,5 millions d'années et caractérisés par l'absence de bifaces et par des assemblages lithiques façonnés à partir de galets – cèdent la place à d'autres sites, caractérisés par un nombre grandissant de bifaces et de hachereaux, ainsi que par la production d'éclats de moyenne et grande taille. Ces dernières sont utilisées de préférence pour le façonnage des bifaces et des hachereaux, ce qui initie une diminution notable de leur épaisseur. Les éclats de moyenne et petite taille sont souvent retouchés pour être transformés en outils bien définis au plan typologique. 77 À Olduvai, la superposition et l'imbrication de sols d'occupation oldowayen et oldowayen supérieur A et B avec des sols acheuléens, ont suggéré à M. D. Leakey l'hypothèse selon laquelle des groupes d’hominidés culturellement différents auraient occupé en alternance la rive de l'ancien lac. Les divers complexes technologiques oldowayen et acheuléen n'auraient connu aucune interaction, suivant deux parcours parallèles mais bien distincts. 78 Bien au contraire, l'interprétation des vestiges de Melka Kunturé révèle au contraire une continuité globale dans le développement des modifications technologiques et culturelles survenues entre la fin de l'oldowayen et le début de l'acheuléen. 79 Les modifications progressives et différenciées de plusieurs éléments représentant les aspects culturels des sites d'occupation (choix de remplacement du site, organisation de la surface non habitée en zones consacrées à des activités spécifiques comme le façonnage de pièces lithiques, le dépeçage et la consommation des animaux, etc.), se produisent en effet à diverses époques, mais aucune interruption n'intervient dans cet enchaînement global. 80 Cette permanence est particulièrement sensible dans la modification progressive de l'outillage qui n'atteste pas de rupture au fil de son évolution et de son passage de l'oldowayen à l'acheuléen. 81 À Melka Kunturé, les changements culturels offrent clairement un caractère progressif, dans une évolution en mosaïque caractérisée par une transformation asynchrone des divers éléments. 82 La conséquence majeure de cette interprétation consiste à considérer que cette permanence comportementale fondamentale correspond aux données paléoanthropologiques de Melka Kunturé: des restes d'hominidés associés à l'époque oldowayenne à Gomboré I et à l'oldowayen supérieur de Garba IV, ont tous été identifiés comme appartenant à Homo erectus. 83 Cette espèce – à Melka Kunturé tout du moins – serait par conséquent la seule responsable des changements culturels et comportementaux survenus durant la période comprise entre 1,7 et 1,4 million d'années. Il faut souligner en conclusion que le gisement de Melka Kunturé offre l'une des plus anciennes attestations de la présence de l'Homo erectus sur le continent africain.

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NOTES

*. Depuis le début de la Mission archéologique italienne à Melka Kunture, une importante collaboration s'est établie avec les chercheurs du Centre de recherche français de Jérusalem pour l'étude et la publication des pièces d'intérêt paléanthropologique de Melka Kunture. À l'occasion de l'invitation du Centre au mois de novembre 1999, des contacts ont été établis également avec l'Université de Jérusalem.

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AUTEUR

MARCELLO PIPERNO Université de Turin

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Des comportements techniques variés chez les groupes humains peuplant le Proche-Orient et l’Europe dès le stade isotopique 8*

Marie-Hélène Moncel

De la reconnaissance de niveaux à lames dès les années 30 dans le Moustérien : le « Pré- Aurignacien » et l'« Amudien » 1 Dès les années 30, à Yabrud, en Syrie, A. Rust découvre une industrie composée de racloirs épais très retouchés qu'il nomme Yabrudien1. D'autres couches avec des bifaces plus ou moins abondants alternent avec ce Yabrudien et A. Rust les attribue alors à un Acheuleo-Yabrudien, Acheuléen ou Micoquien qu'il place dans le dernier interglaciaire. Intercalés, il découvre également deux horizons à lames (par exemple, couche 15 de l'abri I) qu'il nomme « Pré-Aurignacien » en comparaison avec le Paléolithique européen. À Tabun, en Israël, une industrie comparable est découverte vers la même époque par D. Garrod qui la nomme Amudien2. Elle est aussi interstratifiée dans de l'Acheuleo-Yabrudien et sous des niveaux moustériens.

2 En 1955, F. Bordes ne peut encore admettre une appartenance au Paléolithique moyen de ces couches. Il place le « Pré-Aurignacien » de Yabrud plutôt à la fin du Würm ancien sur des bases typologiques et le différencie quelque peu de celui de Tabun3. Pour D. Garrod, il ne fait aucun doute que le Pré-Aurignacien de Yabrud est identique à l'Amudien de Tabun, sous une stratigraphie moustérienne et à l'intérieur de couches à bifaces et à gros racloirs épais. Les quelques différences sont liées sans doute au contexte. Elle décrit les lames comme « prismatiques », très différentes de celles de l'Aurignacien européen. Par ailleurs, leur position stratigraphique ne peut les rattacher à la dernière glaciation, mais plutôt au dernier interglaciaire au regard des données du littoral libanais, de la même façon qu'à Yabrud, selon les hypothèses de A. Rust. Le « Pré-Aurignacien » et l'Amudien se situent vers le sommet de ces niveaux profonds à racloirs abondants (Yabrudien), niveaux que D. Garrod considère comme du

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Paléolithique inférieur (ensemble E). D. Garrod est consciente des problèmes inhérents posés par la fouille de Tabun pour ne pas certifier que des niveaux bien distincts de niveaux à racloirs épais abondants avec et sans bifaces existent avec certitude. L'Acheuleo-Yabrudien est cependant pour elle une entité indépendante et non pas un mélange de couches acheuléennes comme le pense F. Bordes. À l'inverse, les lames étant observées dans certains secteurs de l'ensemble E, la présence individualisée d'un niveau à lames ne lui laisse aucun doute, même si la technique laminaire employée n'est pas étrangère à celle de l'Acheuleo-Yabrudien et de l'Acheuléen du site. 3 En 1977, François Bordes, en réponse à l'article de D. Garrod sur la question des niveaux à lames sous le Moustérien4 au Proche-Orient, ne conçoit toujours pas d'intégrer les lames dans un comportement des hommes du Moustérien. Il qualifie toujours la couche 15 de Yabrud de « Pré-Aurignacien ». La couche 9 est nommée « Moustéro-Pré- Aurignacien » par l'association de lames, de burins et de rares grattoirs. Ces occupations sont toujours pour lui beaucoup plus jeunes que le dernier interglaciaire et il les place vers la fin du Würm I. Suite à son propre décompte typologique, F. Bordes voit dans les assemblages de Yabrud plus un outillage de l'Aurignacien primitif qu'une industrie appartenant au Paléolithique inférieur ou moyen. Ce dernier ne conteste pas la présence de lames, parfois en grand nombre, mais il voit avant tout la grande proportion d'outils du Paléolithique supérieur. Les lames du niveau amudien de Tabun lui paraissent par ailleurs très différentes de celles de Yabroud. De plus, à côté des lames, parfois retouchées, coexistent des grattoirs, des burins, des racloirs, des couteaux à dos et des outils sur galet. Sa conclusion est donc une grande différente typologique avec le Pré-Aurignacien de Yabroud. La question de l'existence de deux groupes d'industries distincts est alors posée. L'hypothèse de deux activités est également envisagée. D'autres sites au Liban et en Libye, pourtant mal datés, le font s'interroger sur ces groupes humains contemporains des Moustériens, pratiquant un débitage laminaire, et avec pour certains des objets de type acheuléen, en place ou en position secondaire. La séquence de Tabun 4 La compréhension de la séquence de Tabun est donc à l'heure actuelle une des clés pour discuter de la réalité de ces assemblages lithiques, soit à lames, soit à racloirs épais abondants, aux côtés de quelques sites à stratigraphie épaisse comme Zuttiyeh et Hayonim en Israël, Hummal et Yabrud en Syrie, ou l'abri Zumoffen au Liban. Une clé d'autant plus importante qu'elle livre dans sa partie supérieure des ensembles à éclats et lames, sans biface, attribués par tous à du Paléolithique moyen (trois ensembles supérieurs identifiés et nommés D, C et B). 5 Pour préciser l'histoire géologique et culturelle de ce site, de nouvelles fouilles se sont déroulées entre 1967 et 1972 sous la direction de A.J. Jelinek. Elles révèlent une structure des dépôts beaucoup plus complexe qu'initialement et un pendage marqué de certaines couches. Les fouilles de D. Garrod ont vraisemblablement tronqué et regroupé plusieurs niveaux. L'industrie lithique paraît cependant correspondre à ce qui a été observé par cette dernière. L'ensemble G est attribué au Tayacien, l'ensemble F est en revanche très riche en bifaces. L'ensemble E s'avère être la réunion d'assemblages variés. Les pièces laminaires amudiennes seraient à la jonction de Ea et Eb. L'Amudien étant séparé de l'industrie de l'ensemble D par 1,50 m de Yabrudien, la méthode Levallois étant largement utilisée dans cet ensemble alors qu'elle ne l'est pas dans l'ensemble E et l'Amudien, un mélange de couches paraît en conséquence peu probable.

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L'ensemble D, sus-jacent, est en revanche riche en lames et pointes Levallois, similaires à ce que l'on observe dans d'autres sites du Proche-Orient livrant parfois des pointes très allongées comme à Abou Sif. Les lames sont beaucoup moins abondantes dans l'ensemble C pour redevenir nombreuses dans l'ensemble B. Selon la profondeur des dépôts, la nature du site étant différente, en bordure de la plaine côtière, avec des dunes à la base et l'aspect d'une petite cavité au sommet, A.J. Jelinek retient l'hypothèse d'activités variées (piège, intense utilisation de zones de combustion, ...) pour expliquer la diversité des assemblages au sein de vagues de peuplement de groupes humains différents techniquement. L'âge des différents ensembles n'est pas remis en question. Le niveau amudien est daté par A.J. Jelinek du début de la dernière grande période froide. Les couches inférieures sont attribuées en conséquence au dernier interglaciaire, comme pour D. Garrod.

5 6 Au début des années 90, des datations ESR et TL par R. Grün et N. Mercier vieillissent considérablement le site et permettent de placer le Proche-Orient dans une histoire biologique et technique élargie. N. Mercier date l'ensemble C supérieur d'environ 170 000 ans, soit la transition des stades isotopiques 7 et 6. Les unités Ed et D sont attribuées à un âge de 330-210 000 ans, soit les stades isotopiques 9 et surtout 8, et le début du 7. La transition Acheuléo-Yabrudien, Yabrudien et Amudien avec le Moustérien est placée à plus de 250 000 ans, loin de l'hypothèse de la fin du dernier interglaciaire. Quant à l'Amudien, il serait daté de plus de 300 000 ans. Les assemblages lithiques de Tabun au sein de la région 7 Ces datations sont d'autant plus importantes que la séquence de ce site était et est utilisée régulièrement comme référence pour le Proche-Orient. Pourtant, D. Garrod, elle-même, s'accordait à admettre que certaines couches avaient sans doute été tronquées lors de la fouille (morphologie en cuvette par des phénomènes post- dépositionnels démontrés lors des fouilles de A.J. Jelinek) et que le matériel de chaque ensemble était la réunion de plusieurs unités, par ailleurs triées. Les ensembles technologiques reconnus ne sont donc pas certains. Quoi qu'il en soit, s'ils s'avèrent un jour réels, ils peuvent être autant des indices d'une mosaïque de groupes humains se succédant dans le temps dans la région que des traces d'activités variées. 8 À l’heure actuelle, l'ensemble G est attribué à de l'Acheuléen. L'ensemble E est constitué de niveaux acheuléens, acheuléo-Yabrudien et yabrudiens, mal connus. Les nombreux racloirs épais caractérisent ces niveaux, associés ou non à des bifaces. Ce Yabrudien a souvent été comparé au Moustérien de type Quina européen par la fréquence des racloirs épais à retouche scalariforme et les modes de production sur surface unique ou orthogonales. La distance qui sépare ces deux zones géographiques et la difficiulté à interpréter ce type de Moustérien dans le sites européens ne conduisent pas à clarifier le problème mais plutôt à le compliquer. L'hypothèse d'une activité spécialisée lors de périodes froides des stades istopiques 4 et 3 en Europe occidentale s'accorde mal avec les sites du Levant. Mais rieut-être ne s'agit-il que d'une convergence. Les données fauniques de l'ensemble E montrent une association de grands mammifères (Bos primigenius, Rhinocéros et Equidés) qui ne diffèrent pas réellement d'autres niveaux avec des types d'assemblages différents. Les études de J. Shea vint vers l'observation d'une variabilité des comportements de subsistance en fonction des données topographiques, mais la variations des conditions climatiques au cours du temps ne paraît pas avoir eu de répercussions réelles sur les comportements techniques.

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9 Intercalé dans cet ensemble, se trouve le niveau nommé amudien par D. Garrod composé de nomireux racloirs, de quelques bifaces et de lames issues de nucléus prismatiques. Seules de nouvelles fouilles, comme celles de A. Ronen dans les années 90, pourront permettre de décrire précisement ce type d'assemblage et surtout trouver sa signification dans le site (activités ou comportement spécifique ?). Les lames « prismatiques » amudiennes ou « pré-aurignaciennes », comme celles du niveau hummalien à Hummal, sont également présentes dans les assemblages yabrudiens aux côtés de modes de production d'éclats. Il est possible qu'elles renseignent, au travers d'un mode ce production particulier (« en volume »), sur la présence de groupes humains de même tradition technique peuplant la région bien avant 250 000 ans et s'exprimant diversement selon les besoins. Groupes humain cependant très divers car la variabilité est très grande entre ces niveaux à lames, autant au niveau du résultat que du type d'aménagement (par exemple, pointes allongées à Hummal dans le niveau Hummalien, ou nombreux outils de type Paléolithique supérieur à Yabrud dans le Pré- Aurignacien). Ces assemblages anciens à lames sont loin d'être homogènes. 10 La question d'une continuité technique avec les niveaux plus récents, en particulier ceux mis en évidence dans la partie supérieure de la séquence de Tabun, est également discutée. Les lames sont en effet encore très présentes, bien qu'issues de modes de production principalement Levallois. En revanche, les racloirs épais de type yabrudien disparaissent. 11 Dans la partie supérieure de la séquence, le premier ensemble est dominé par une production de lames et de pointes allongées, préférentiellement par une méthode Levallois unidirectionnelle (Tabun type D). L'ensemble C voit en revanche une grande fréquence d'éclats Levallois ovalaires et l'absence de pointes (Tabun type C) (fig.l). Enfin, l'ensemble B est caractérisé par une production d'éclats Levallois triangulaires et d'éclats étroits par des enlèvements unidirectionnels ou entrecroisés (Tabun type B).

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Figure 1 : Artefacts de l'ensemble C de Tabun

(Garrod et Bate, The Stone Age of Mount Carmel Excavations at the Wady-el-Mughara, 1937, chapitre IV, planche XXXVI)

12 Cette séquence n'est pas de loin unanimement reconnue comme une séquence chronologique, outre les problèmes de stratigraphie rencontrées. Ainsi, la présence d'éclats ovalaires abondants dans l'ensemble C est considérée par certains auteurs, du fait de leur rareté dans les assemblages de la région, comme la marque d'une activité spécialisée. De même, bien que le type de production allongée, que cela soit des lames ou des éclats triangulaires, paraît être assez fréquent dans la région au sein des assemblages attribués au Paléolithique moyen, il ne peut être tenu pour la caractéristique majeure. En effet, les éclats, lames et pointes, souvent obtenus par des enlèvements unidirectionnels ou centripètes Levallois, sont en proportion différente selon les sites. Une grande fréquence de lames et de pointes courtes à base large se retrouve à Kébara (Levallois unipolaire et unipolaire convergent) où les assemblages sont comparés par L. Meignen à du Tabun type B. Mais elle varie selon les niveaux, avec plus de produits allongés à la base (niveaux IX-XII), de produits plus courts au sommet (niveaux DC-X et VII-VIII) avec des talons en chapeau de gendarme. Il en serait de même à Hayonim avec, dans le niveau E inférieur, une production de lames épaisses et de pointes de type Abu Sif et, dans le niveau E supérieur, des éclats et des pointes se rapprochant du type Tabun-C (fig.2). Pour E. Hovers, la fréquence et les types de lames sont quelque peu différentes à Amud (moins standardisées) et la proportion des lames varie dans le temps à l'inverse de Kébara6. Les lames et les pointes sont plus rares à Qafzeh (Levallois centripète), Quneitra et les niveaux supérieurs de Yabrud I où l'on a tout au long de la séquence majoritairement des éclats ovalaires par enlèvements centripètes et préférentiels7.

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Figure 2 : Lames appointées du niveau E inférieur de Hayonim

(Meignen, in Akazawa et Kimura, Neandertals and Modern Humans in Western Asia, 1998, fgure 9, page 174)

Figure 3 : Nucléus sur éclat de Quneitra

(Goren-Inbar et al., Quneitra, A Mousterian Site in the Golan Heights, 1990, page 124)

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13 Par ailleurs, des modes de production autres que le Levallois sont utilisés, comme à Qafzeh et Quneitra (fig.3). Les nucléus sur éclat sont abondants, éléments d'une juxtaposition de modes de débitage dans certains assemblages où le mode de débitage Levallois est complexe, avec l'emploi d'une méthode prédominante et un réaménagement permanent et diversifié du nucléus.

14 Il semble donc que la variabilité des comportements techniques et de l'outillage (fréquence des pièces retouchées et types d'outils) soit très grande dans la région. D'autant plus que des sites contemporains comme Ain Difla ou Douara (Syrie) livrent des lames produites par un mode de production en volume. Un grand nombre de ces comportements ne correspondent ni chronologiquement, ni techniquement à ceux observés dans la séquence de Tabun. Leur signification reste, en conséquence, énigmatique : activités, matières premières, groupes humains différents, sans relation avec les variations climatiques. Les sites livrent toujours des assemblages fauniques d'herbivores de moyenne et grande taille (gestion locale de l'environnement) et indiquent une exploitation préférentielle de gîtes à silex locaux (moins de 5 km). Les analyses tracéologiques montrent enfin, comme en Europe, des utilisations très diversifiées d'un même type de produit. 15 En l’état actuel des connaissances, il semble apparaître, et seulement dans le nord et la partie centrale du Levant, une succession de deux groupes d'industries, l'un attribués à la tradition « Mugharan » selon A.J. Jelinek (Yabrudien et Acheuleo-Yabrudien, à Nadaouyieh, Yabrud, Zuttiyeh en Syrie et en Israël), l'autre constitué d'assemblages de type Levallois avec des produits parfois allongés, lames et pointes (Tabun, Yabrud, Zuttiyeh). Ces derniers peuvent être les produits dominants dans un site (Qafzeh, Quneitra, Kébara, Amud des stades isotopiques 4 et 3) et dans ce cas très diversifiés technologiquement. Ces assemblages à produits Levallois n'ont, jusqu'à présent, jamais été retrouvés interstratifiés avec des séries appartenant à la tradition « Mugharan ». Si l'on en croit les datations, il y aurait donc une succession dans le temps de ces deux grands ensembles industriels, le premier jusque vers 200-170 000 ans, le second perdurant jusqu'au stade isotopique 3 et recouvrant un grand nombre de sites .Toutefois, dans certains sites8. L. Copeland propose une date plus jeune pour certains assemblages yabrudiens, entre 150 et 90 000 ans. La production de lames, qui est présente dans chacun d'eux à plus ou moins grande fréquence, est de type différent, sur nucléus à débitage « tournant », « Levallois » et « alternant » pour la tradition « Mugharan » et presque uniquement Levallois pour le second. Quant aux éclats, ils sont aussi très différents, épais et courts pour le Yabrudien, plus fins pour les autres. 16 S'agit-il de deux étapes ou de deux faciès (activités, groupes techniques) coexistant mais sans s'interstratifier, indépendamment des conditions environnementales ? Le Yabrudien est-il absent du Neguev pour des raisons écologiques comme le suppose 0. Bar-Yosef ? Quant aux quelques niveaux livrant de nombreuses lames avant 200 000 selon des modes de production en volume ou jusque vers 150-80 000 ans selon les dates du niveau hummalien, s'agit-il d'une tradition isolée et minoritaire, d'une communauté liée à la tradition « Mugharan » ou les indices d'une activité ? Le Proche-Orient et l'Europe : deux entités peu différentes l'une de l'autre du point de vue paléolithique ! 17 Les industries de Yiron-Gravel découvertes par A. Ronen et datées de 2 millions d'années, de Ubeidiya, datant de 1,6-1,4 millions d'années et Gesher Benot Ya'aqov, de 700 000 ans, toutes deux découvertes par N. Goren-Inbar, sont les témoins d'une

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fréquentation humaine de cette zone côtière qu'est Israël dès 2 millions d'années9. Le site de Dmanisi, daté de 1,8 millions d'années et situé en Géorgie, n'est pas très éloigné. Venant d'Afrique, des vagues de peuplement auraient emprunté le Levant avant d'occuper ensuite le reste de l'Ancien Monde, utilisant le Proche-Orient comme corridor. Les données lithiques de Ubeidiya paraissent montrer des liens techniques avec l'Afrique de l'est. Celles de GBY indiquent également une affinité africaine mais aussi une grande originalité au travers des nombreux bifaces et surtout des hachereaux sur grands éclats de basalte. La technique d'obtention de ces grands éclats à partir de blocs de roches de très grande dimension et ensuite leur mise en forme paraissent montrer un processus standardisé et un schéma mental pour la fabrication de ces outils. Les fouilles de N. Goren-Inbar ont montré que les hommes de GBY ont occupé les berges d’un cours d'eau et ont dépecé un éléphant. La présence de nombreux fragments de bois, dont l'un porte des traces de polissage, confirme l'usage très tôt d'outillage dans ce type de matériau. Israël rejoint l'Espagne, l'Allemagne et l'Europe de l'est avec cette découverte d'outillages en bois et vieillit considérablement la preuve de son usage, bien au delà de Shöningen daté de 400 000 ans. 18 Les sites de Revadim et de Bizat Ruham, datés entre 300 et 400 000 ans livrent quant à eux des industries microlithiques sur silex10. Que dire de leurs similitudes technologiques avec celles d'Europe centrale et des sites comme Bilzingsleben ou plus tardivement ceux, du stade isotopique 5, regroupés sous le terme de Taubachien. Les questions sur les raisons de la dimension des artefacts sont identiques : matériaux disponibles de petites dimensions, comportements originaux culturels ou fonctionnels ? 19 Si l'on en croit les dernières datations TL sur Tabun, les premiers indices de la production laminaire dateraient au moins du stade isotopique 8 avec les lames des niveaux yabrudiens. Les niveaux yabrudien du site de Nadaouyieh sont postérieurs aux niveaux acheuléens datés de 450 000 ans. Le niveau amudien de Tabun serait âgé de 300 000 ans et l'ensemble D d'environ 250 000 ans. L'allongement de la chronologie du Proche-Orient s'accorde en définitive bien avec celle de l'Europe, mise en évidence également ces dernières années par des datations et de nouvelles fouilles. Ce type de débitage apparaîtrait aux mêmes dates en Europe du nord et mettrait en concordance l'apparition de nouveaux comportements techniques dans ces deux zones géographiques. Certains nucléus de Revadim et Bizat Ruham font penser à la maîtrise du débitage Levallois, maîtrise par ailleurs attestée à Rerekhat Ram à plus de 400 000 ans selon N. Goren-Inbar. Le débitage Levallois est présent également dès 300 000 ans à Orgnac 3, vers 400 000 ans dans des sites de la vallée de la Somme en France. Les lames sont présentes en Europe dès 250 000 ans, même si les sites de ce type sont rares11. Elles sont produites, pour la plupart, dans les phases les plus anciennes sur des nucléus en volume. C'est lors du stade isotopique 5 que les sites avec ce type de production se développent de même que le débitage Levallois de lames. Toutefois, des nucléus semi- tournant sont toujours employés (cf. Riencourt-les-Bapaume). En Europe du sud, en revanche, les lames ne sont présentes, à ce jour, qu'à partir du stade isotopique 4 et majoritairement produites par la méthode Levallois unipolaire. S'agit-il de groupes humains ayant adopté des choix techniques différents ? Est-ce lié à la matière première sous forme de gros rognons de silex dans le nord ou à la topographie opposant la grande plaine nord-européenne aux plaines et vallées enclavées du sud de l'Europe12 ?

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Les autres modes de débitage, pour les éclats et parfois des pointes, montrent la même diversité technique et typologique. 20 Au Proche-Orient, avant 250 000 ans, l'usage de différents modes de production laminaires semblent être attesté, bien que la production en volume prédomine. À partir de 250 000 ans, la production est surtout de type Levallois (par exemple, Tabun, Kébara et Amud). Elle est toujours associée, comme en Europe, à une production d'éclats et/ou de pointes, à des modes de production coexistant variés et à l'usage fréquent des nucléus sur éclat. Elle est également loin d'être majoritaire selon les assemblages si l'on regarde l'ensemble des sites de la région des stades isotopiques 6 à 3 (par exemple Quneitra et Qafzeh). Même si les produits allongés et les produits triangulaires semblent, à l'heure actuelle, caractériser davantage cette zone du Levant par rapport au Taurus et au Zagros et bien sûr à l'Europe occidentale et centrale, il serait réducteur de la résumer uniquement à ces types de production. La variabilité des comportements techniques en rapport avec des traditions et/ou des activités met le Levant et l'Europe sur le même plan, indices d'une mosaïque de groupes humains et de comportements de subsistance sans ligne directrice chronologique. L'image d'une exploitation de petits territoires autour des sites est commun aux deux zones géographiques qu'aucune barrière réelle ne semble séparer. 21 À partir du stade isotopique 8, des comportements techniques obéissant à des règles bien définies se généralisent donc à la fois au Proche-Orient et en Europe, dérivés de comportements pouvant, pour certains, être observés dans des assemblages dits acheuléens. La production abondante de lames paraît être liée à cette situation, de même que le développement du mode de débitage Levallois, pour des éclats ou des lames. Ce dernier prend des proportions plus importantes lors de phases récentes au Proche-Orient et sa place pourrait conduire à imaginer des liens étroits entre l'Europe du sud et le Levant, justifiés par la proximité géographique. Des traits communs ne sont cependant, pas inexistants entre l'Europe du nord et le Levant, rien que par la maîtrise du débitage laminaire en volume. 22 Les derniers niveaux moustériens d'Amud sont datés d'environ 48 000 ans et seraient parmi les plus récents de la région, juste avant les plus anciens niveaux attribués au Paléolithique supérieur. Le site de Boker-Taschit, daté de 45 000 ans, livre une production de lames par une exploitation en volume qui pourrait être encore de tradition paléolithique moyen d'après les travaux de P. Volkman. Dans cette zone géographique, il n'y a apparemment pas d'industries de « transition » et l'hypothèse d'une rapide acculturation est retenue aujourd'hui, s'appuyant sur des acquis technologiques anciens. En Europe, les datations des premiers sites du Paléolithique supérieur sont plus tardives (environ 30 000 ans), mais ne conçoit-on pas aussi une arrivée des comportements de type paléolithique supérieur en provenance de l'est ! Néandertaliens et Hommes Modernes dès les stades isotopiques 6 et 5 ? 23 De part la présence de Néandertaliens et d'Hommes Modernes, le Proche-Orient conduit à chercher à savoir qui a fait quoi et à quel moment. Les comportements techniques du Paléolithique moyen ne sont en effet plus l'apanage des Néandertaliens. 24 Deux restes humains ont été découverts à Tabun. Tabun I est un squelette entier et Tabun II une mandibule. Tabun I pourrait provenir d'une sépulture contemporaine de l'ensemble B. Il s'agit d'un Néandertalien comme à Amud et Kébara, Mais ce Néandertalien est différent de ceux que l'on rencontre plus tardivement. Il ressemblerait plus à ceux que l'on voit en Europe au stade isotopique 5 selon

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S. Condemi. Tabun II, de l'ensemble C, aurait des traits plus modernes et serait proche des restes humains de Skhul ou Qafzeh découverts par B. Vandermeersch. Les datations de Tabun placent ces restes humains avant 100 000 ans, bien antérieurs à la date du Néandertalien de Kébara de 60 000 ans environ ou de ceux d'Amud (niveaux datés entre 70 et 50 000 ans). La population néandertalienne pourrait être présente en conséquence au Proche-Orient dès le stade isotopique 6, expliquant les caractères archaïques observés sur Tabun I. Tabun II prédaterait également les Hommes Modernes de Skhull et Qafzeh âgés respectivement de 120 et 90 000 ans. Les deux types d'hommes occuperaient alors la région dès les stades 6 ou 5. L'homme de Zuttiyeh, le reste humain le plus ancien de la région, et présentant des caractères modernes, n'est pas encore précisément daté. Le travertin situé juste au-dessus du niveau ayant donné le crâne, est estimé à environ 95 000 ans. Pour B. Vandermeersch et S. Condemi, il pourrait expliciter la date de l'arrivée des Néandertaliens, peut-être en deux vagues, se superposant à des populations d'Homo sapiens, avant que ceux-ci ne parviennent en Europe13. II est difficile de savoir si ces deux types d'hommes ont vécu conjointement, occupant les mêmes territoires ou se sont succédés dans le temps et dans l'espace. L'hypothèse d'un lien entre les premiers assemblages à lames dominantes (Tabun type D) et l'arrivée des premiers « Hommes Modernes » d'Afrique de l'est (affinités avec les lames du Middle Stone Age) est parfois proposée. Mais les lames sont un élément de la panoplie présent bien antérieurement. Pourquoi ne pas penser aussi à l'arrivée de Néanderthaliens européens porteurs de comportements techniques variés, dont les productions laminaires et Levallois (éclats) se superposant aux acquis des Hommes Modernes. Cette rencontre de traits techniques pourrait être à l'origine de certains comportements originaux (par exemple la fréquence parfois élevée de pointes), sans nier une histoire locale attestée par l'ancienneté de comportements techniques, en particulier laminaires. Quel que soit l'origine des uns et des autres, ils possèdent les mêmes compétences techniques et la plus ou moins grande ancienneté des sépultures n'est pas résolue à ce jour (90 000 ans pour l'Homo sapiens de Qafzeh, 60 000 ans pour le Néandertalien de Kébara, datations plus anciennes à Tabun.

NOTES

*. Cet article a été réalisé suite au séjour effectué à l'Institut d'Archéologie de l'Université de Jérusalem et de l'Université d'Haïfa. Que le Professeur N. Goren-Inbar et le Professeur A. Ronen soient remerciés de leur accueil, ainsi que tous les membres des deux Instituts et du Centre de recherche français de Jérusalem. Un merci tout particulier également à S. Condemi. Ce séjour a été subventionné par le Centre de recherche français de Jérusalem du CNRS. 1. A. Rust, 1950, Die Höhlenfunde von Yabrud (Syrien), Neumünster, Karl Wacholtz 2. D. Garrod et D. Bate, 1937, The Stone Age of Mount Carmel. Excavations at the Wady- el-Mughara, vol.l, Oxford, 240 p. 3. F. Bordes, 1955, Le Paléolithique inférieur et moyen de Jabrud (Syrie) et la question du Pré-Aurignacien, L'Anthropologie, 59, pp. 486-507.

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4. F. Bordes, 1977, Que sont le Pré-Aurignacien et le Yabrudien ?, Eretz-Israel 13 (Stekelis Book), Jérusalem, pp. 49-55. 5. N. Mercier, H. Valladas, G. Valladas and J-L. Reyss, 1995, TL Dates of Burnt Flints from Jelinek's Excavations at Tabun and their implications, Journal of Archaeological Science, 22, pp. 495-509. 6. E. Hovers, 1998, The Lithic Assemblages of Amud Cave. Implications for Understanding of the Mousterian in the Levant, in: Neandertals and Modem Humons in Western Asia, T. Akazawa et al. eds, Plenum Press, New York, pp. 143-163. 7. N. Goren-Inbar et al., 1990, Quneitra. A Mousterian Site on the Golan Heights, Jerusalem, Institute of Archaeology, QEDEM 31. 8. 0. Bar-Yosef, 1992, Middle Palaeolithic Human Adaptations in the Mediterranean Levant, in: T. Akazawa & T. Kimura eds, The Evolution and Dispersal of Modern Humans in Asia, Tokyo, pp. 189-215. 9. N. Goren-Inbar et al., 2000, Pleiatocene Milestones on the Out-of-Africa Corridor at Gesher Benot Ya'aqov, Israel, Science, vol. 289, pp. 944-947. 10. A. Ronen et al., 1998, The Lower Palaeolithic site Bizat Ruhama in the northern Negev, Israel. Preliminary Report, 1996, Excavations, Archäologisches Korrespondewblatt, 28, pp. 163-173; 0. Marder et al., 1998, The Lower Palaeolithic Site of Revadim Quarry, preliminary Finds, Journal of the Israel Prehistoric Society. vol. 28, pp. 21-55. 11. A. Tuffreau et S. Revillon, 1994, Le phénomène laminaire au Paléolithique moyen. Dossier de Documentation archéologique n°18, CNRS, Paris. 12. M-H. Moncel, 1998, Le Paléolithique moyen dans la moyenne vallée du Rhône en France : la question de la variabilité des assemblages lithiques des stades isotopiques 9 à 3, Anthropologie, Brno, XXXVI/3, pp. 181-199. 13. S. Condemi, 1999, Le peuplement moustérien du Proche-Orient. À propos de la présence de Néanderthaliens au Proche-Orient, Bulletin du CRFJ, Jérusalem, n°5, pp. 11-20.

AUTEUR

MARIE-HÉLÈNE MONCEL CNRS, Laboratoire de Préhistoire, Institut de Paléontologie Humaine

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Mayse-Bukh et Métamorphose

Astrid Starck-Adler

1 Le point de départ de notre réflexion sur le thème de la métamorphose dans le Mayse- bukh1, dans l'editio princeps parue à Bâle en 1602 chez l'inprimeur Konrad Waldkirch, fut la présence, dans ce recueil d'agadot talmudiques et midrachiques ainsi que de contes et de légendes, de plusieurs histoires qui traitent de ce mythe extrêmement ancien, célèbre dans l'Antiquité gréco-romaine et connu surtout grâce aux Métamorphoses d'Ovide et à celles d'Apulée. Mais l'Ancien Testament lui aussi contient une histoire de métamorphose : celle du roi Nabuchodonosor en bœuf (Daniel 4.30). Ces œuvres, redécouvertes et « moralisées » au Moyen Age, furent très en vogue, mais leur côté « ludique » en quelque sorte disparut au profit d'une croyance en la sorcellerie qui fit de la métamorphose l'émanation d'un pouvoir maléfique et satanique débouchant sur une hystérie collective et une chasse aux sorcières. Sa forme la plus persistante, durant des siècles – et jusqu'à aujourd'hui, particulièrement au cinéma –, fut celle de la lycanthropie, qui trouve son origine dans l'histoire de Lycaon transformé en loup dans Les Métamorphoses d'Ovide. Produit de la littérature européenne où le thème de la métamorphose fut abondamment traité, principalement celui du loup-garou dont notre recueil contient un exemple tout à fait remarquable, le Mayse-bukh a porté lui aussi sa pierre à l'édifice de la littérature métamorphique. Dans les quelques exemples qu'il contient, le Mayse-bukh rend compte des changements survenus dans la réception de la métamorphose et la voit soit comme miracle, soit comme punition, soit enfin comme satanisation. Ce qui rend ces histoires d'autant plus intéressantes à nos yeux, c'est que non seulement la femme y soit mêlée, mais qu'elle y joue un rôle primordial : c'est elle qui sera le catalyseur de la métamorphose, étant entendu que dans certains cas et comme il était d'usage à l'époque, cette fonction reposait sur le stéréotype de la femme séductrice et mauvaise. Mais en réalité, celui-ci ne fait qu'en souligner le trait essentiel, à savoir le discours métaphorique sur le corps. Ce corps qui, tout naturellement chez la femme, se métamorphose pour donner naissance. Cette énigme de la naissance est à la base d'une double attitude de l'homme, manifeste dans le mythe des origines : • 1) Il inverse l'ordre naturel des choses en se faisant « matrice » : dans la mythologie grecque, Athéna sort de la tête de Zeus et Dionysos de sa cuisse ; dans l'Ancien Testament, Eve provient de la côte d'Adam.

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• 2) En retour, dans la tradition judéo-chrétienne, il « diabolise » la femme dénoncée comme magicienne ou sorcière aux pouvoirs maléfiques.

2 Dans le Mayse-bukh, les histoires qui reprennent le thème de la métamorphose peuvent s'organiser autour de trois pôles : • 1) la métamorphose humaine ; a) l'homme est métamorphosé en femme : « D'un homme qui allaita son enfant à son propre sein » (10) ; b) l'enfant n'a pas la même couleur de peau que ses parents : « D'un roi puissant qui ne pouvait pas avoir d'enfant avec sa femme et des prières ferventes qu'il fit » (134), et vice- versa : « D'un roi et d'une reine qui étaient noirs tous les deux et de la reine qui mit au monde un enfant tout blanc » (249) ; • 2) La métamorphose satanisée, inséparable de la sorcellerie : À des fins de séduction, Satan prend l'aspect de la femme tentatrice : « De rabbi Matya fils de Harach qui ne regarda jamais une femme inconnue de sa vie » (247) ; • 3) La métamorphose « animale », elle aussi d'origine démoniaque : Un être humain est transformé en animal, un animal en homme ou les deux à la fois : « D'un homme dont les dernières volontés furent que son fils achetât la première chose qu'il trouvât au marché » (143) ; « Une belle histoire qui arriva à un grand érudit qui fut aussi un homme très riche au pays d'Ouz » (227). Les animaux sont la grenouille, le loup-garou et l'ânesse.

3 Si dans le Mayse-bukh les histoires portant sur la métamorphose sont peu nombreuses, elles y jouent cependant un rôle capital, tant par leur choix que par leur fonction : elles introduisent une continuité entre l'Antiquité et le Moyen Age, car on les retrouve tantôt dans les agadot du Talmud, telle la femme magicienne transformée en ânesse par le rabbin qui la chevauche pour se rendre au marché (Sanh. 67b), tantôt dans les histoires élaborées au Moyen Age, comme celle du loup-garou (227), rédigée directement en yiddish. Cette dernière, tant par souci de judaïsation que par une confluence remarquable, est présentée comme une émanation de l'époque biblique, grâce au lien établi entre cette croyance extrêmement vivace au Moyen Age et le roi Salomon, un des personnages-clé du recueil et dont les légendes que contenaient déjà le Talmud sur sa faculté à maîtriser et à utiliser les démons2 étaient très en vogue en Europe à ce rnoment-là. Quelle magnifique illustration du processus de transfert culturel3 ! Nous voyons s'opérer un phénomène de réintégration qui repose sur une démarche métamorphique, démarche qui affecte à la fois la narration elle-même, la mayse, genre nouveau in nascendi , à la confluence de l'oral et de l'écrit, et la structure narrative du recueil, fort complexe du fait de la diversité du matériau, révélatrice d'une recréation in situ et non pas, comme on a voulu le croire, d'une mauvaise reproduction de textes antérieurs. De plus, cette narration s'effectue à l'aide d'une langue en plein essor, le yiddish, qui se transforme sans cesse. C'est ainsi que le Mayse-bukh se situe au seuil de la modernité qui déclenchera le passage ultérieur de l'imitatio à la mimésis4 : peu à peu, l'écriture ne sera plus conçue comme une réécriture des modèles anciens, mais on cherchera à se délivrer de l'emprise de l'écrit en s'autonomisant et en accordant à l’auteur lui-même, homme ou femme, après Dieu, l'importance et la faculté d'un démiurge. C'est pourquoi, derrière l'anonymité du recueil, se profile bel et bien l'empreinte du compilateur, Yaacov Buchhändler, aussi bien dans l'agencement que dans la succession des histoires, ainsi que dans la présence de certaines d'entre elles. D'ailleurs le compilateur ne dit-il pas dans l'introduction qu'il est tout prêt à écrire un

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livre de ce genre pour distraire ses lectrices ? Le fil conducteur du recueil est le savoir, un savoir partagé entre l'homme et la femme, un savoir issu de l'instruction et de l'érudition, un savoir téléologique ; c'est lui qui opérera la métamorphose fondamentale signifiée par le Mayse-bukh, celle qui permettra la venue du Messie et qui fera échec à la mort, à cette mort évoquée dans les deux histoires qui encadrent, non par hasard, le recueil tout entier : la première, une agada du Talmud (Chab. 13a-b), De la mort prématurée d'un érudit, et la dernière, tirée du Sefer Hassidim, Un homme pieux qui mourut en laissant de beaux livres.

4 Ce qui frappe dans les deux titres, c'est la présence de la mort propre à l'époque humaniste, une mort qui fauche jeunes et vieux (on pense par exemple au tableau de Hans Baldung Grien, La jeune fille et la mort, ou encore aux crânes et aux danses macabres des tableaux)5. Toute différente semblait être la première histoire des manuscrits de Rovere et d'Innsbrück, précurseurs du Mayse-bukh6. C'était un hymne à la vie, à la vie juive, qui racontait l'enfance d'Abraham et comment, miraculeusement, il était sorti indemne du four à chaux. Alors que nos deux histoires sont un questionnement sur le cours de la vie et des choses, sur la manière de vaincre la mort. La première, qui ne figure pas dans les manuscrits évoqués plus haut, mérite une réinterprétation en fonction de sa place et de sa présence dans le recueil : elle doit être lue d'une part comme une revendication sexuelle masquée de la femme, mais dans une optique procréatrice, d'autre part comme une condamnation du mari qui, quoiqu'un grand érudit, ne remplit pas son devoir conjuguai et pèche ainsi doublement : • 1) Il empêche de maintenir « l'image de Dieu » dans le monde, car « celui qui ne participe pas à la propagation de l'espèce est considéré par l'Écriture comme ayant amoindri, pour

7 ainsi dire la ressemblance » . • 2) Il empêche la conception et donc la venue du Messie.

5 Une venue qui se prépare par l'étude. Mais à quoi sert-il d'étudier la Torah jour et nuit si on n'a pas de descendants à qui la transmettre ? Cette idée de transmission est fondamentale. Elle revient dans la dernière histoire, où un vieil homme voit sa magnifique bibliothèque dispersée après sa mort. Si certains le déplorent, d'autres pensent que c'est une juste punition, car de son vivant, il avait toujours refusé de prêter ses livres, ce qui est un péché grave. L'érudition à elle seule ne suffit pas. Elle faut aussi observer les commandements.

6 À la relecture, ces deux histoires qui encadrent le recueil et qui reposent sur la tradition ont une signification essentielle : elles revendiquent pour la femme le droit à la sexualité8 ainsi que le droit à l'instruction et à l'érudition. Par extension, cette revendication qui prend appui, dans notre texte, sur une trangression par l'homme des lois qu'il a lui-même édictées, investit la femme d'une mission de tout premier plan : celle de rappeler ses devoirs à l'homme. En ce sens on peut parler d'une permutation des rôles. La femme s'incorpore un savoir « masculin » alors que l'homme s'exprime à travers une langue « féminine », le yiddish. Symboliquement, nous assistons à une métamorphose qui réintroduit l'union perdue des éléments mâle et femelle. Et c'est peut-être bien l'extraordinaire faculté de métamorphose qu'opère cette langue « androgyne », capable d'effacer la stricte délimitation entre les sexes qui a été la cible de la critique contre le yiddish. C'est également dans une optique androgynique qu'il faut lire l'histoire de l'homme aux seins citée plus haut9. Cette histoire insolite, évoquée dans le Talmud, est la plus ancienne du genre à être relatée. Elle se réfère à la première création, celle où Dieu créa l'homme à son image, c'est-à-dire homme et femme. Tout

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récemment, une revue de médecine suisse vient de publier un long article sur ce phénomène10, signalée par Aristote et en plusieurs endroits du Talmud11. Mais le texte lui-même, qui déjà à l'époque talmudique contenait une controverse sur l'interprétation à donner à une telle métamorphose, se voit maintenant rejoindre les préoccupations du Moyen Age. Ce pourrait être la raison de la présence dans ce recueil, de l'histoire de l'homme qui allaite son enfant : Rabbi Yossef dit : « Viens voir à quel point cet homme devait être remarquable pour que le Saint, béni soit-Il, accomplît un tel miracle pour lui ». Voici ce que dit Abaje : « II n'en est rien. Cet homme devait être fort mauvais pour qu'on modifiât la Création pour lui ». Rabbi Yehouda dit : « Viens voir à quel point est rude le sort réservé à l'homme pour que le Saint, béni soit-Il, soit obligé de lui procurer à manger ; en effet le Saint, béni soit-Il, alla même jusqu'à modifier la Création pour lui et fit en sorte que l'homme allaitât lui-même son enfant, bien qu'il eût été facile au Saint, béni soit-Il, de procurer de la nourriture à l'enfant. Aussi l'homme allaita- t-il lui-même son enfant au lieu de procurer de la nourriture à son enfant. Nous constatons aussi que le Nom, béni soit-Il, accomplit de nombreux miracles, qu'il protège l'homme plutôt que de lui procurer de la nourriture, car nous ne voyons pas le Saint, béni soit-Il, pourvoir en blé la maison des justes. » 7 Le débat autour des croyances en la métamorphose pose le problème théologique de la création divine, dont la perfection est ainsi remise en cause. Il faut ajouter aussi qu'implicitement, ce texte contient une réprobation basée sur le fait que les talmudistes eux-même considéraient le lait comme un aphrodisiaque. En effet, la veille du Grand Pardon, il était interdit au Grand-Prêtre d'en consommer12.

8 Il ressort de ce texte que la métamorphose est un discours sur le corps, ici le corps androgyne. Le discours sur le corps se double d'un discours sur le savoir. La sexualité associée à l'érudition devient, dans le Mayse-bukh, l'apanage de la femme juive. Il est très important de le souligner. Cette démarche court-circuite la sexualité féminine telle qu'elle apparaît dans l'imaginaire de l'homme où, dans des histoires stéréotypées, la femme est investie de son rôle traditionnel de séductrice. Ces histoires sont nombreuses et servent en fait essentiellement à mesurer le degré de vertu des rabbis. Dans la ronde des vices féminins, l'adultère tient une place prépondérante. On retrouve ce motif dans les recueils d'exempla de la littérature co-territoriale comme la Disciplina Clericalis de Petrus Alphonsi ou encore Schimpf und Ernst de Johannes Pauli. L'adultère et l'infidélité occupent une place très importante dans la littérature du Moyen Age. Ils sont réels et symboliques, réels du fait de l'absence des hommes partis guerroyer ou étudier, selon leur appartenance au milieu chrétien ou juif, symboliques quand ils représentent l'amour courtois dont l'essence même est la souffrance et l'inassouvisement du désir13. Le discours sur la sexualité à travers l'adultère est le discours masculin par excellence, celui qui cristallise les angoisses de l’homme vis-à-vis de la femme. C'est bien ainsi qu'il faut interpréter la métamorphose de Satan en femme à des fins de séduction14, Satan qui va demander la permission à Dieu, comme pour Job, d'aller tenter un pieux rabbi, rabbi Matya fils de Harach qui « ne regarda jamais d'autre femme de sa vie que sa propre femme » et qui pour ce faire, se métamorphose, en femme « d'une telle beauté qu'on n'en avait jamais vu d'aussi belle. Elle était plus belle que Noémi, la sœur de Toubal-Caïn, qui avait séduit les anges du temps de Noé. Il alla se mettre en face de rabbi Matya fils de Harach. Dès qu'il l'aperçut, rabbi Matya lui tourna le dos. Alors la femme changea, elle aussi, de direction. Chaque fois que le juste cherchait à l'éviter, elle se mettait en travers de son chemin dans l'espoir qu'il finirait par avoir envie d'elle. Rabbi Matya dit : « Je crains que l'instinct du mal ne

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triomphe de moi et ne me subjugue au point que je commette un péché, que Dieu me garde. » Que fit le juste ? Il appela un de ses disciples qui le servait et lui dit de lui apporter des charbons ardents. L'étudiant alla chercher des charbons ardents. Alors le juste se brûla les yeux. À ce spectacle, Satan, épouvanté, fit une chute en arrière, persuadé qu'il était de lui faire commettre un péché. » (247). 9 L'échec du diable dans sa tentative de séduction est une preuve éclatante de la magnificence de Dieu et de la constance de la piété.

10 Le caractère diabolique de la métamorphose est donc un facteur indispensable et ce processus ne peut s'enclencher qu'avec l'assentiment de Dieu qui reste le maître d'œuvre... et la femme qui en est le déclencheur. Nous en voulons pour preuve une longue histoire bien connue, présente dans les manuscrits en hébreu. Traduite en anglais par Moses Gaster et en français par Israël Lévy, elle s'intitule « D'un homme dont les dernières volontés furent que son fils achetât la première chose qu'il trouvât au marché » (143) et met en scène les tribulations de rabbi Hanina, figure de proue du recueil, aux prises ici avec une grenouille mâle : « Je suis » dit la grenouille, « le fils d'Adam, le premier homme et il m'a eu avec Lilith pendant les cent-trente années où il était séparé d'Eve. Et le Saint- béni soit-Il, m'accorda la faculté de me métamorphoser et de prendre n'importe quelle apparence et n'importe quelle forme ». 11 L'histoire présente des similitudes avec la précédente. L'élément diabolique est représenté par Lilith, la reine des diablesses, qui a mis au monde un être hybride ; ce fils, métamorphosé en grenouille avec la bénédiction de Dieu, a pour mission d'aller tenter rabbi Hanina. Comment ? En rendant difficile l'accomplissement des dernières volontés de son père qui, en mourant, le prévient pourtant qu'il sera récompensé de sa peine. Dans ce long conte à rebondissements – lui aussi un excellent exemple de ce que peuvent être les transferts culturels15 –, Lilith perd son côté diabolique et son fils, devenu l'instrument de Dieu, va récompenser rabbi Hanina de sa piété filiale, qui à aucun moment d'ailleurs n'a semblé menacée. De profane qu'elle est dans le conte de , Le roi-grenouille (Der Froschkönig) où c'est la méchanceté et l'agression de la princesse qui lui font retrouver sa forme humaine, elle poursuit ici un but religieux : elle rend le bien pour le bien, elle comble rabbi Hanina et sa femme de bienfaits pour l'avoir nourrie au péril de leur existence : « Elle lui enseigna toute la Torah ainsi que les soixant-dix langues afin qu'il pût comprendre les langues les plus diverses... Elle lui enseigna la propriété curative de chacune (des plantes) et fit porter le tout dans la maison de rabbi Hanina. » 12 La connaissance de la pharmacopée comme savoir féminin réapparaît dans le recueil et correspond à une réalité. L'exemple le plus célèbre reste, dans le monde chrétien, celui de Hildegarde de Bingen. Nous constatons que ce savoir qui, à nouveau, est un savoir sur le corps et ses métamorphoses, reste lié au mystère et à la magie. Ceci n'est pas uniquement le fait d'une imitatio des modèles anciens – la connaissance des onguents chez les femmes-magiciennes dans L'Ane d'Or de Lucien, qui a servi de modèle à Apulée – mais le résultat d'une polysémie qu'il s'agit de décrypter. Impliquée dans le mystère de la vie, la femme est cette « perverse polymorphe », détentrice du secret de la métamorphose : en d'autres termes, elle possède ce savoir qui a pouvoir de transformer, de muer. Et là il faut signaler un changement qui s'est opéré au fil du temps : le détenteur de la connaissance a changé. Chez Lucien et Apulée, l'homme est curieux du savoir des femmes-magiciennes. Il perce leur secret grâce à la séduction. Au

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Moyen Age au contraire, c'est la femme qui séduit l'homme pour qu'il lui révèle son secret ! C'est ce qui se passe par exemple dans Le Roman de la Rose : « Sa femme alors l'attire à elle... et elle le prend par le cou et l'embrasse, puis pose 16 sa tête entre ses mamelles : « Mon mari, dit-elle, quelles sont les nouvelles ? » 13 Dans le Mayse-bukh, dans l'histoire intitulée « Une belle histoire qui arriva à un grand érudit qui fut aussi un homme très riche au pays d'0uz » (227), on sent la réprobation pesant sur une sexualité réprimée, passée sous silence, du moins explicitement, car le lieu « d'extorsion » du secret reste le lit : « Mais sa femme ne voulut pas se contenter de cette réponse et n'eut de cesse de le harceler, selon la mauvaise habitude des femmes. » (227) 14 Quel est ce secret ? Le rabbin, appauvri, s'est à nouveau enrichi grâce à la découverte d'un anneau magique. Il finit par confier ce secret à sa femme, ce qu'il n'aurait jamais dû faire, s'il avait écouté le roi Salomon ! À peine en possession de l'anneau, la méchante femme plonge sous l'édredon et le transforme en loup-garou. Le discours négatif sur la sexualité devient manifeste à travers le stéréotype de la femme mauvaise et perfide qui veut la perte de son mari, c'est-à-dire en le confinant dans l'animalité. Ce que le rabbin, soit dit en passant, faisait déjà de son côté en traitant sa femme de chienne (brekin) et de catin (hur) ; après de nombreuses péripéties, le rabbin recouvre sa qualité humaine et punit sa femme en la métamorphosant, ad vitam aeternam, en ânesse. Sous les coups de son mari, elle est chargée de charrier d'énormes pierres de taille pour la construction du temple de Salomon. Sa lubricité est telle qu'elle va jusqu'à s'accoupler dans la rue, au vu et au sus de tout le monde ! Voici donc la femme prisonnière de sa vraie nature. Chez Lucien et Apulée, l'homme métamorphosé en âne était un objet de curiosité et de convoitise sexuelles, mais non d'opprobre. Et lorsqu'il trouve enfin le bouquet de roses qui doit le « démorphoser » en homme, ce qui finit par arriver, son amante, déçue, le quitte.

15 II serait trop long d'énumérer ici les modèles – où souvent se mêlent métamorphose et infidélité –, repris de l'Antiquité et réinventés au Moyen Age : citons parmi les principaux représentants de la métamorphose Chrétien de Troyes, Marie de France, Gervais de Tilbury17. Cependant, si l'histoire a été élaborée au Moyen Age, elle est d'une actualité brûlante au moment de la parution du recueil. En effet, tout au long du XVIe siècle (et ensuite au-delà), le loup-garou envahit le devant de la scène et les procès se succèdent (Pierre Burgot et Michel Verdun à Besançon en 1521, Peter Stump à Bedburg près de Cologne en 1589). Brochures et pamphlets (L'exécution de Peter Stump), gravures sur bois (Lucas Cranach l'Ancien) et sur cuivre, illustrations, récits, sermons (Johann Geiler von Kaisersberg), tous ne traitent que d'un seul et même sujet. L'intérêt que le milieu juif porte à ces faits est illustré par Johann Weyer (1515-1588) juif de cour et médecin, opposé à cette croyance et qui pense que la lycanthropie est une maladie mentale. L'histoire du Mayse-bukh présente des analogies frappantes avec la littérature européenne ; les différences résident dans la judaïsation du texte, dont la plus importante est la qualité de rabbin du héros. Aussi le loup-garou écrira-t-il son infortune en hébreu sur la neige. Dans une histoire satirique relatée par Théophile Laube, un loup écrit en allemand, « d'une écriture paysanne grossière »18. Ressemblances et différences feront l'objet l'une étude exhaustive sur ce loup-garou « juif » qui viendra compléter, ajuste titre, le panthéon des loup-garous ! 16 Cette dernière histoire que nous mettons en appendice et qui tient beaucoup de la facétie, nous semble « démodée » quant aux visées du Mayse-bukh lui-même. Pourquoi ?

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Parce qu'elle confine la femme dans des clichés forcément figés : l'ignorance– qui peut être une des lectures de l'ânesse – et la lubricité. Mais cette métamorphose est une métaphore à déchiffrer, car elle peut être vue également comme un enfermement dans un mutisme ou une absence de parole. Remarquons pour finir que dans l'histoire, les femmes intercèdent mais en vain, auprès du rabbi pour qu'il rende à son épouse son apparence humaine. 17 Cette étude qui avait pour but de mettre en lumière l'aspect antinomique du rôle et de l'image de la femme à travers des discours différents, nous a conduit à une conclusion intéressante : la femme opère en profondeur une métamorphose du corps de l'homme, une métamorphose qui est toujours étonnante, car « magique ». Alors que dans la mythologie gréco-romaine, la métamorphose, tout d'abord l'apanage des dieux, était source de plaisir et de ravissement, le Moyen Age par contre, hanté par un corps terrifiant et inconnu, avant tout par le corps féminin, entraîne une lecture masquée de la sexualité, une sexualité barrée qui, à travers l'étude cependant, sera capable de s'exprimer plus ouvertement. « Une belle histoire qui arriva à un grand érudit qui fut aussi un homme très riche au pays d'Ouz (227) » 18 Histoire. Un rabbin remarquable habitait dans un pays qu'on appelle le pays d'Ouz. C'était un homme extrêmement riche et il maîtrisait les soixante-dix langues. Ce rabbin dirigeait une grande école talmudique et il avait de nombreux et vaillants étudiants. Avec son argent, il élevait beaucoup de jeunes garçons et leur permettait d'étudier. Il avait en permanence une centaine d'étudiants dans son école talmudique. Il présidait également à une association de pauvres et il y avait chez lui un incessant va-et-vient de pauvres. En un mot, le rabbin était un homme très pieux et très bon, doté de toutes les qualités qu'on est en droit d'attendre d'un juif. Mais par contre, le rabbin avait une fort méchante femme qui ne supportait très mal ces histoires et qui voyait tous ces agissements d'un fort mauvais œil. Elle ne souffrait pas de voir un pauvre pénétrer dans sa maison. Et comme dit le proverbe : Quand la corde est tendue au maximum, elle se rompt. C'est ce qui arriva à cet homme pieux, car il s'appauvrit au point de ne plus pouvoir exercer sa générosité envers les gens pauvres, ni envers les étudiants et les jeunes garçons comme il le faisait par le passé. Le rabbin se dit : « Mon Dieu, que vais-je faire ? N'ai-je pas passé ma vie à donner sans compter et à faire le bien pour l'amour de Dieu et me voilà si pauvre à présent ? Eh bien soit ! J'accepte de bon gré cette épreuve que le Saint, béni soit-Il, m'envoie, car le Saint, béni soit-Il, ne commet pas d'injustice ; qui sait de quelle faute je me suis rendu coupable ? » – II pensa : « Pourquoi me lamenter de la sorte de ne plus rien posséder du tout ? II y a toujours des gens pour se réjouir du malheur d'autrui ! » – Le rabbin pensa : « Voilà ce que je vais faire : partir en secret (f° 175 v) pour que personne ne sache ce qu'il est advenu de moi ». Et il fit venir auprès de lui les étudiants les plus vaillants de son école et leur dit : « Chers étudiants, vous n'êtes pas sans ignorer la grande fidélité dont j'ai fait preuve à votre égard jusqu'à ce jour : je vous ai nourris, je vous ai vêtus et je vous ai dispensé mon enseignement. À présent, je vais vous confier un secret en espérant que vous agirez envers moi comme j'ai agi envers vous ». Les étudiants dirent tous en même temps : « Cher maître, confiez- nous votre secret ; nous serons à vos côtés et y resteront aussi longtemps que notre Dieu nous prêtera vie ». Le rabbin dit à ses étudiants qu'il devait partir, car il ignorait ce qui s'était passé pour être devenu aussi pauvre. Il voulait donc leur demander de venir avec lui : « J'ai encore quelques florins que j'aimerais dépenser avec vous. Qui

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sait ? Peut-être qu'un jour le Saint, béni soit-Il, me rendra la richesse et alors vous en bénéficierez avec moi pour le restant de vos jours ». Les étudiants dirent : « Cher maître, nous ferons ce que vous attendez de nous ; si vous voulez, nous partirons ensemble ; tout ce que nous possédons en argent et en habits, nous le partagerons avec vous ; c'est pourquoi ne vous faites aucun souci ! » – Le rabbin se mit donc en route avec quelques étudiants et quitta les lieux. Il fut impossible à quiconque de savoir ce qui s'était passé pour que le rabbin partît sans rien dire. Lorsque les pauvres gens s'aperçurent, les malheureux, que le rabbin était parti, ils furent pris d'une grande frayeur ; il en fut de même pour les jeunes garçons de l'association des pauvres et les autres étudiants qu'il avait laissés chez sa femme. Quant à lui, il s'en alla avec ses étudiants. Partout où il passait, on lui faisait honneur, ce qui n'était que justice. Personne ne s'étonnait de le voir se déplacer. Tout le monde pensait qu'il se rendait dans une école talmudique pour y étudier. Au bout d'un an ou deux passé à parcourir le pays, leurs habits n'étaient plus que des loques et l'argent avait fondu dans leur bourse, comme de bien entendu. Ils étaient tributaires de ce que les gens leur donnaient. Ils étaient une cinquantaine et partout où ils passaient, on leur fermait la porte au nez, car les gens ignoraient à qui ils avaient affaire, à des vagabonds ou bien à des étudiants. Pour finir, les étudiants se lassèrent de ces pérégrinations et dirent au rabbin : « Cher maître, qu'en ressortira-t-il, de toutes ces pérégrinations ? Nous n'avons plus d'argent, nous n'avons plus de vêtements, nous ne pouvons plus subvenir à nos besoins. Voici ce que nous allons faire ; Nous allons rentrer à la maison, chez nos parents ; (f°176 r) mais nous ne dirons pas comment tu vas ni où tu te trouves. Nous voulons nous marier, car nous nous faisons vieux et de plus, on nous ferme la porte au nez et on nous prend pour des vagabonds ». Le rabbin réfléchit un instant, puis il dit : « Chers étudiants, je n'ai aucun reproche à vous faire ; au contraire, vous avez fait preuve d'une grande fidélité à mon égard, ainsi que je l'ai fait à votre égard. Mais restez donc avec moi encore un jour ou quatre ou cinq, jusqu'à la fin du shabbat et ensuite je vous laisserai partir. Peut-être que d'ici-là le Saint, béni soit-II, nous comblera de richesses et nous pourrons rentrer ensemble ». Les étudiants dirent : « Bien sûr que oui, cher maître ; nous sommes restés si longtemps avec vous que nous pouvons bien rester encore avec vous jusqu'à la fin du shabbat ». Alors ils repartirent ensemble et parvinrent à un fourré. Le rabbin dit à ses étudiants : « Continuez un peu sans moi ! Je veux faire mes besoins ». Les étudiants continuèrent donc en s'adonnant entièrement à l'étude et à la discussion talmudique. Après avoir terminé, le rabbin aurait bien voulu se laver les mains. Voilà qu'il aperçut une petite fontaine ; il alla prendre de l'eau et se lava les mains. Au moment où il allait repartir, il vit courir une petite belette ; elle avait un beau petit anneau d'or dans son museau. Aussitôt, le rabbin se mit à poursuivre la belette jusqu'à ce qu'elle lâchât l'anneau d'or. Le rabbin le ramassa. Alors le rabbin vit que l'anneau d'or ne valait rien. Mais il vit que l'anneau portait une inscription très ancienne. Or il savait tout et il put déchiffrer l'inscription. Voici ce qui était écrit : « J'ai beau être laid à regarder, je suis d'une valeur inestimable ». Le rabbin était un grand sage ; il pensa que l'anneau devait avoir une vertu particulière et il se mit à réfléchir à toutes les choses possibles et imaginables. Quelle vertu cet anneau pouvait-il bien avoir pour être d'une valeur telle qu'elle fût inestimable ? Puis il pensa : « Peut-être s'agit-il de cet anneau magique avec lequel on peut se souhaiter tout ce qu'on désire et dont tout le monde a déjà entendu parler ? » – Il pensa : « Essayons donc pour voir ! » – Et il se mit à souhaiter que le Saint, béni soit-Il, fasse « que je trouve devant moi une bourse pleine d'or ! » – Et il poursuivit son chemin. Alors il vit une bourse pleine d'or devant lui, comme il venait de se le

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souhaiter. Il retrouva sa joie de vivre et alla rejoindre ses étudiants : « Chers étudiants, réjouissez-vous ! Nous allons arriver dans une ville où j'ai encore un ami qui est très riche. Je lui dirai de me prêter de l'argent, car il (f° 176 v) ne sait pas que je suis si pauvre. Je vous achèterai aussitôt des vêtements et vous enverrai à la maison ». Mais il ne voulait pas dire à ses étudiants qu'il avait trouvé un anneau ; ils auraient pu le lui prendre ou bien ils auraient pu le dénoncer et ainsi il en aurait été dépossédé. Les étudiants se réjouirent donc à l'idée d'avoir de nouveaux habits et ne s'étonnèrent de rien. Ils n'allèrent pas chercher plus loin et prirent pour argent comptant ce que le rabbin venait de leur dire. Ils atteignirent donc la ville. Ils y restèrent un jour. Aussitôt le rabbin se mit à revêtir ses étudiants de splendides vêtements de velours et de soie ; lui-même s'habilla à nouveau comme par le passé. Il resta donc là une semaine ou deux et s'adonna très sérieusement à l'étude avec ses étudiants. On lui fit honneur, ce qui n'était que justice, car il savait tout ce qu'un érudit doit savoir. Un jour qu'il se rendait en ville, il s'acheta une belle calèche où on aurait plutôt vu un prince. Il dit : « Mes chers étudiants, venez que je vous rembourse tout ce que vous m'avez prêté, puis nous reprendrons le chemin du retour ». Les étudiants n'allèrent pas chercher plus loin et crurent que c'était son parent en ville qui était très riche qui lui avait peut-être prêté à nouveau quelques milliers de ducats, c'était ce qu'il leur avait dit auparavant, pour qu'il pût s'en retourner chez lui honorablement. Ils reprirent donc le chemin du retour. Là où on leur avait fermé la porte au nez, on leur faisait honneur maintenant. Pendant que le rabbin avait été au loin, les gens avaient perdu leur joie de vivre. Mais voilà que l'on clamait à cor et à cri que le rabbin s'en revenait avec ses étudiants et dans toute sa splendeur. Quelle ne fut pas la joie des pauvres gens ! Aussitôt tout le monde courut l'accueillir et lui souhaiter la bienvenue, car tout le monde ignorait que la misère avait été la cause de son départ et tout le monde croyait qu'il était parti étudier. Le rabbin reprit ses anciennes habitudes : il fit la charité, il dirigea son imposante école talmudique et il permit aux jeunes enfants de s'adonner à l'étude. Il était rentré depuis un certain temps lorsqu'un jour de shabbat – il avait toujours l'habitude d'aller dormir un peu avant d'étudier les commentaires19 avec ses étudiants –, lorsqu'un jour de shabbat donc, tandis que sa femme et lui étaient allés dormir un peu et qu'ils s'étaient raconté toutes les nouvelles, sa femme lui demanda d'où lui venait à présent tout cet argent, alors qu'il avait été dans une misère noire au moment où il était parti. (f° 177 r) Le rabbin dit : « Le Saint, béni soit-Il, m'a fait faire une bonne affaire en chemin ». Mais sa femme ne voulut pas se contenter de cette réponse et revint sans cesse à la charge, selon la bonne habitude des femmes, si bien que notre bon rabbin se laissa convaincre et lui dit le véritable secret. Mais il eut parfaitement tort, car le roi Salomon a dit : « Ne confie pas de secret à ta femme, car elle finira par le révéler ». Et en vérité, c'est ce qui arriva à notre bon rabbin comme vous allez l'entendre. S'il n'avait pas confié son secret à sa femme, il se serait épargné maint tourment dont il fut victime par la suite. Il lui dit le véritable secret de l'anneau : Il lui suffisait d'émettre un vœu pour que celui-ci se réalisât aussitôt. La méchante femme du rabbin pensa : « Si j'avais l'anneau, il ne le reverrait pas de son vivant ! » – Elle aurait bien aimé l'ôter de son doigt, mais il ne s'ôtait pas, sauf s'il y consentait. Elle dit : « Cher mari, donne-moi un peu l'anneau, laisse-moi le regarder de près ! » – Mais le rabbin sachant à quel point sa femme était méchante ne voulut pas le lui donner. Elle se mit à pleurer en disant : « Je vois bien que tu ne m'aimes pas, parce que tu refuses de me donner l'anneau et tu ne me fais aucune confiance ». Et elle n'eut de cesse qu'il ne lui mît l'anneau au doigt pour avoir la paix. Aussitôt qu'elle eut l'anneau au doigt, elle mit la tête sous l'édredon et émit le vœu

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suivant : « Que Dieu fasse que mon mari se transforme en loup-garou et qu'il coure dans la forêt rejoindre les bêtes féroces ! » – À peine eut-elle proféré le dernier mot que notre bon rabbin sauta par la fenêtre et courut dans une grande forêt appelée la forêt de Bohême. II se mit à dévorer les gens qui pénétraient dans la forêt et fit des ravages tels que plus personne n'osait s'y aventurer seul de peur de rencontrer le loup-garou. Le loup se construisit une habitation dans la forêt afin qu'il fût au sec dans son habitation forestière. Même les charbonniers qui se trouvaient dans la forêt s'enfuyaient tous en courant, car ils avaient peur du loup. Mais laissons là notre malheureux loup et allons voir un peu ce qui se passait dans sa maison avec ses étudiants. Comme il était l'heure pour le rabbin d'étudier les commentaires, sa femme, que son nom soit effacé, dit : « Pour le moment, votre maître ne peut pas étudier les commentaires, car il ne se sent pas bien ». Elle réussit à convaincre les étudiants et ceux-ci repartirent. Le lendemain matin, ils revinrent pour étudier. Elle leur dit : « Une fois de plus, votre maître est (f° 177 v) parti. Une fois de plus, il ne m'a pas dit où il allait. Je pense que dans quatre ans il sera de retour ». Elle fit semblant d'en être fort affligée, mais en réalité c'était une vilenie de sa part, que son nom soit rayé de la surface de la terre. Et à nouveau, elle refusa aux pauvres gens l'entrée de sa maison. Aussi les pauvres gens regrettèrent-ils vivement le rabbi. En fait, cette chienne était extrêmement riche, comme de bien entendu, car il lui suffisait d'émettre un vœu pour avoir tout ce qu'elle convoitait ; elle était d'une richesse illimitée et inestimable. Mais personne ne pouvait savoir ce qu'il en était au juste de la situation du rabbi et personne ne pouvait savoir non plus pourquoi il avait disparu si brusquement ; au contraire, tout le monde croyait qu'il reviendrait comme il l'avait fait auparavant. À présent, laissons là pour l'instant cette horrible catin et revenons à notre bon rabbi, pauvre de lui, qui errait à travers bois sous la forme d'un loup-garou, ce que personne ne savait. Or il faisait des ravages, dévorant des gens et d'autres animaux, car il n'existe pas d'animal plus fort parmi la gent animale qu'un loup-garou. On fit venir les charbonniers pour leur demander s'ils étaient capables de capturer le loup-garou. Ils dirent : « Non, car il est bien plus fort qu'un lion » et qu'il était en outre fort intelligent, comme s'il se fut agi d'un homme. Or le roi eut vent de cette histoire et fit aussitôt organiser une chasse dans cette forêt, mais il ne put capturer le loup, ce dernier étant bien trop intelligent. On creusa des trappes. Rien n'y fit. Or il y avait un charbonnier dans la forêt auquel le loup ne faisait rien ; au contraire, ils s'étaient liés d'amitié et le loup se tenait toujours près de sa hutte. Mais pour les autres gens, il n'était plus question d'aller dans la forêt, car ils étaient tous terrifiés par le loup. Alors le roi fit proclamer que quiconque réussirait à s'emparer du loup, mort ou vif, se verrait donner la fille du roi et posséderait son royaume après lui. Or le roi avait un conseiller qui était encore célibataire ; c'était un héros doué d'une grande force. Il dit : « Sire, si vous tenez parole, je m'engage à tuer le loup, car vous savez que je suis parti très souvent à la guerre et que j'y ai mené de rudes combats sans jamais être vaincu. Je tenterai donc ma chance cette fois encore. Le roi lui promit de tenir parole. Alors le conseiller s'arma de pied en cap, persuadé qu'il était de tuer le loup. Il se rendit chez le charbonnier que le (f° 178 r) loup connaissait et lui dit : « Mon cher, montre-moi donc 1'habitation du loup et où il se trouve ! » – Lorsque le charbonnier vit que le conseiller voulait s'attaquer au loup, il fut saisi d'effroi, car il craignait que le chevalier n'y laissât la vie, ce qui avait failli lui arriver à lui avec le loup-garou. Il dit au conseiller : « Monseigneur, que faites-vous dans cette forêt sauvage ? Si le loup se rend compte de votre présence, vous êtes un homme mort, fussiez-vous doué d'une force extraordinaire ». Le conseiller dit : « Mon

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cher, montre-le moi, car la raison pour laquelle je suis venu ici, c'est parce que je suis décidé à tuer le loup ». Le charbonnier dit : « Je vous en supplie ». Le conseiller dit : « Allez, vite, ne tardez pas, il le faut ». Alors le conseiller dit : « S'il le faut, que Dieu ait pitié ! ». Et il se rendit avec le conseiller sur les lieux de divagation du loup. Alors le conseiller s'empara de son arquebuse et de sa lance et alla à la rencontre du loup ; il croyait que dès qu’il rencontrerait le loup, il l'abattrait d'un coup d'arquebuse. S'apercevant qu'on en voulait à sa vie, le loup fit un bond de côté et sauta à la gorge du conseiller ; il le jeta à terre et voulut le tuer. Aussitôt le charbonnier s'approcha d'eux et fit déguerpir le loup. Mais le conseiller ne voulait pas abandonner ; il voulait attaquer le loup de plus belle. Le charbonnier intervint à nouveau. Le conseiller attaqua le loup pour la troisième fois ; le loup se mit dans une colère terrible et voulut le déchiqueter. Alors le conseiller implora le Saint, béni soit-Il, de le tirer des griffes du loup, disant qu'il ne l'attaquerait plus. Aussitôt le loup le laissa se relever. Il se mit à battre de la queue pour amadouer le conseiller comme un être humain qui chercherait à en amadouer un autre ; il ne voulut plus le quitter et marchait sans cesse aux côtés du conseiller, comme un chien qui court devant son maître. Le conseiller aurait bien aimé s'en débarrasser, car il en avait une peur bleue ; mais le loup courait à ses côtés, en battant de la queue. Alors le conseiller enleva sa ceinture et put ainsi tenir le loup en laisse à côté de lui ; il l'escortait à travers la forêt. Lorsqu'une autre bête s'approchait pour faire du mal au conseiller, le loup la tuait et lorsqu'il voyait un lièvre ou un renard, il rattrapait pour l'apporter au conseiller. Finalement, le conseiller emmena le loup en ville auprès du roi. Le roi et ses conseillers furent saisis d'effroi, car (f° 178 v) ils étaient terrifiés par le loup. En effet, ils avaient entendu raconter tellement d'histoires à son sujet, qu'il avait tué tellement de gens, que le roi lui-même fut saisi d'effroi. Il dit au conseiller de remmener le loup. Le conseiller dit : « Sire, n'ayez pas peur du loup ; je donne ma tête à couper qu'il ne fera de mal à personne si on ne lui fait rien. Bien au contraire. Il a tué plus d'une bête féroce pour me sauver la vie et il en a capturé plus d'une ». Il garda donc le loup auprès de lui et prit bien soin de lui. En effet, le conseiller raconta comment le loup avait eu pitié de lui et l'avait laissé en vie, alors que le loup eut été en droit de le tuer, car il avait eu le dessous à trois reprises. C'est pourquoi le conseiller prenait bien soin du loup : il lui donnait les meilleures choses à manger et à boire, et non pas les plus mauvaises. Et lorsque le conseiller partait à la chasse, il emmenait le loup et dès qu'il apercevait une bête, peu importait laquelle, le loup la pourchassait en pensant au conseiller. Comme le roi avait promis sa fille à qui lui rapporterait le loup mort ou vif et que le conseiller avait mérité sa récompense en toute équité, le roi tint donc sa promesse et lui donna sa fille ainsi que la moitié de sa fortune. Pour finir, lorsque le vieux roi mourut, le jeune roi hérita du pays tout entier. Il avait toujours son loup, car il ne voulait pas l'abandonner de son vivant, car le loup l'avait laissé en vie et qui plus est, il avait fait en sorte qu'il acquière le royaume. Aussi n'était- ce que justice qu'il prit soin de lui de son vivant. Une fois, il y eut un hiver où il était tombé énormément de neige. Le jeune roi partit à la chasse en emmenant son loup. Dès que le loup fut dehors, il se mit à remuer la queue et à filer droit devant lui en flairant quelque chose. Alors le roi se mit à galopper derrière lui et de loin, il surprit le loup en train de creuser la neige avec sa patte. En s'approchant, il aperçut une inscription sur la neige. En voyant cette inscription, le roi fut fort surpris et dit : « II ne faut pas en déduire aussitôt que le loup sait écrire. On lui a peut-être jeté un sort et c'était un homme auparavant ; il y a bien eu d'autres cas de ce genre. » Or on n'arrivait pas à lire ce qui était écrit. On fit donc appel à tous les docteurs, mais personne n'arriva à

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déchiffrer l'inscription. Le roi avait un conseiller qui connaissait la langue (f° 179 r) sacrée20. Il dit : « Majesté, c'est une inscription juive » et il se mit à la lire. Voici ce qui était écrit : « Cher roi, souviens-toi de l'amitié que je t'ai témoignée. Je ne t'ai pas déchiqueté alors que j'avais le dessus bien que j'eusse été en droit de le faire ; au contraire, je t'ai épargné et t'ai aidé à acquérir ton royaume. Il se trouve que j'ai une femme dans la ville de – il nomma la ville –, qui m'a jeté un sort à l'aide d'un anneau et qui m'a transformé en loup-garou ; si je ne puis remettre la main sur cet anneau, je resterai un loup ma vie durant, mais si je puis remettre la main sur cet anneau, je redeviendrai un homme comme tous les autres. C'est pourquoi, souviens-toi de la grande loyauté dont j'ai fait preuve envers toi ! Rends-toi dans cette ville et rapporte- moi l'anneau qui se trouve chez ma femme en signe d'amitié. Sinon, je te tuerai pour de bon ». Et il lui indiqua un signe grâce auquel il reconnaîtrait l'anneau. Voici donc ce qui était écrit sur la neige ! Après avoir pris connaissance du contenu de l'inscription, le roi dit : Bien sûr que je vais l'aider et même si c'est au péril de ma vie ! Aussitôt, il se mit en route avec trois serviteurs et chevaucha jusqu'à la ville qu'on lui avait indiquée et où habitait la femme du rabbin. Il se fît passer pour un acquéreur de belles bagues et d'antiquités franques pour qui rien n'était trop cher. Il fit venir les juifs pour voir s'ils n'avaient pas du vieil or franc, des bagues ou des pierres précieuses, peu importe. Les juifs dirent : « Nous ne sommes que de pauvres petites gens, mais il y a ici une femme qui possède de beaux bijoux, des bagues et aussi des pierres précieuses ». Aussi demanda-t-il aux juifs de lui indiquer l'endroit où habitait cette femme. On conduisit donc le roi auprès de cette femme sans savoir toutefois qu'il s'agissait d'un roi. On croyait simplement qu'il s'agissait d'un marchand. Lorsqu'il fut chez la femme, le roi dit : « Dites-moi, madame, j'ai appris que vous aviez du vieil or rare et des bagues indiennes en or, peu importe qu'elles soient serties de vieilles pierres précieuses ou bien ouvragées à la manière franque ancienne, montrez-les moi ! Si elles me plaisent, je vous paierai un très bon prix ». Il lui fit voir beaucoup de belles choses et lui fit croire qu'il venait de les acheter en route. La femme dit : « Je veux bien montrer à monsieur ce que j'ai en vieil or et en bagues en or ». Elle alla dans sa chambre et revint avec beaucoup de beaux bijoux. On n'en avait jamais vu d'aussi beaux. Le roi lui-même était étonné de trouver de si belles choses chez un juif. (f° 179 v) Alors sur un ruban où étaient enfilées des bagues, il vit qu'il y avait aussi un anneau d'or. Le roi pensa : « Comment faire pour obtenir cet anneau ? » – Il prit les bagues en main et pensa : « Si seulement, par la grâce de Dieu, le loup avait déjà l'anneau ! » – Il dit à la femme : « Combien voulez-vous pour vos bagues ? » – Il se garda bien de montrer l'anneau. Elle dit : « Tant et tant de centaines de florins » – Mon bon roi marchanda les deux bagues avec elle, vola l'anneau sans que la femme s'en aperçut et paya les bagues en or à la femme. Il prit congé d'elle et rentra chez lui. Il était déjà de retour chez lui quand la femme découvrit qu'il lui manquait l'anneau. Elle ne pouvait absolument rien faire, car elle ne connaissait pas le marchand. Quelle ne fut pas la détresse de la veuve ? Personne, bien sûr, n'en connaissait la cause et elle-même ne pouvait rien dire à personne. En arrivant chez lui, le roi fit un grand banquet auquel il convia tous les princes du royaume. Alors qu'il était à table avec eux, il fit chercher le loup. Le loup vint en gambadant et en battant de la queue, tant sa joie était grande, car il savait que le roi était parti chercher l'anneau, mais il ne savait pas s'il avait rapporté l'anneau. Il embrassa le roi, il caressa le roi. Voyant que le loup le cajolait ainsi, le roi sortit l'anneau d'or de sa poche et le montra au loup. Mais si le roi avait su quelle était la vertu de l'anneau, le roi ne le lui aurait peut-être pas donné. Mais ainsi le roi enfila

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l'anneau à une des pattes du loup. Alors un homme tout nu se dressa devant eux. À la vue de ce spectacle, le roi le recouvrit aussitôt de son bon manteau de renard. Alors celui qui avait été un loup auparavant sauta de joie et dit au roi : « Mon cher, je t'en prie, permets-moi de m'en retourner chez moi, car cela fait bien trois ou quatre ans que je ne suis plus rentré chez moi. C'est pourquoi je venais te demander la permission ». Alors le roi dit : « Mon cher ami, tu peux rentrer quand tu veux. Mais si jamais tu as envie de rester chez moi, tu peux rester toute ta vie chez moi à ma table, car ma vie ne suffirait pas à te payer le bien que tu m'as fait ». Sur ce, il s'en retourna chez lui. Le roi voulut le couvrir de cadeaux. Le rabbi dit : « Sire, tu as vu sans doute que j'avais bien assez d'argent à la maison. C'est pourquoi (f° 180 r) je n'ai pas besoin de ton argent. En réalité, tu m'a témoigné suffisamment de gratitude en me rapportant l'anneau, car si je n'avais pas pu récupérer l'anneau, j'aurais été condamné à rester un loup-garou à tout jamais ». Mais si le roi avait connu le secret de l'anneau, il ne le lui aurait pas rendu aussi vite, car bien que le roi eût de nombreux bijoux, il ne possédait rien de semblable à cet anneau qu'avec tout l'or du monde, il n'eût pu payer. Le rabbi se munit de provisions et partit. Sur le chemin du retour, il rassembla des étudiants autour de lui, les habilla de velours noir et revint dans sa ville. En arrivant aux portes de la ville, il émit le vœu suivant : « Dieu veuille que ma femme, que son nom soit rayé de la surface de la terre, soit transformée en ânesse, qu'elle se retrouve à l'étable et qu'elle mange au même râtelier que le reste du bétail ! » – À peine eut-il prononcé le dernier mot que sa femme fut transformée en ânesse, qu'elle se retrouva en bas à l'étable et qu'elle se mit à manger au même râtelier que le reste du bétail. Au même moment, on annonça à cor et à cri que le rabbi était de retour, en compagnie de cinquante vaillants étudiants, tous vêtus de velours noir. La communauté toute entière alla à sa rencontre et lui réserva un accueil remarquable. Ils auraient bien aimé lui demander où il avait été si longtemps. Le rabbi leur dit : « Soyez gentils et ne me posez pas de question ! Quant à moi, je ne vous dirai pas où j'ai été pendant ce laps de temps ». Le rabbi fit semblant d'ignorer ce qui était arrivé à sa femme, alors qu'il savait pertinemment qu'elle se trouvait à l'étable. Aussi demanda-t-il à sa maisonnée : « Où est ma femme ? Pourquoi n'est-elle pas ici ? Peut-être ne supporte-t-elle pas de me voir rentrer avec cinquante étudiants ? » – Sa maisonnée dit : « Cher maître, si cela ne vous fait pas peur, nous allons vous le dire ». Le rabbi dit : « Je n'aurai pas peur ». Alors la maisonnée dit : « Cher maître, lorsque nous avons appris que vous étiez de retour, nous avons couru chez votre femme et nous avons voulu lui annoncer la bonne nouvelle, mais elle avait disparu et jusqu'à présent, nous ignorons ce qu'elle est devenue ». Le rabbi n'eut pas très peur ; il ne laissa rien paraître et dit : « Je pense que quand elle sera restée partie aussi longtemps que moi, elle reviendra ». II retrouva ses vieilles habitudes : faire la charité aux pauvres, diriger une école talmudique, étudier, faire le bien. Tout le monde était content. Il était déjà rentré depuis un certain temps, lorsqu'il donna un délicieux banquet auquel il convia toute la ville et lorsqu'il fut plus que rassasié, il dit que dès l'instant où (f° 180 v) le Saint, béni soit-Il, l’avait ramené à la maison, il avait fait le vœu de construire une belle synagogue et toutes les pierres qu'il lui faudrait, c'était l'ânesse qui les charrierait. Il s'agissait bien sûr de sa femme, mais les autres gens ignoraient qu'il l'avait transformée en ânesse. Les gens dirent : « Cher rabbi, que le Bon Dieu vous fortifie dans votre intention pour que, d'un cœur sain, vous réalisiez votre projet au plus tôt. » Entretemps, l'ânesse s'était gavée et était devenue énorme. De plus, elle s'accouplait devant tout le monde, à l'instar de l'animal qui n'éprouve pas la moindre honte. Mais lorsque le rabbi commença à lui faire charrier des pierres, elle devint toute maigre ; et

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chaque fois que le rabbi voyait qu'elle refusait d'avancer, il lui bottait les flancs en disant : « Espèce de chienne va, tout le mal que tu as pu me faire ! Que la foudre te tombe dessus ! » – Et il usa l'ânesse au point qu'elle en fut tout efflanquée. Cette situation durait déjà depuis fort longtemps et personne, hormis le rabbi, ne savait ce que sa femme était devenue. Lorsqu'il eut achevé la construction de la synagogue, le rabbi donna à nouveau un grand banquet auquel il convia toutes les amies de sa femme. Quand elles furent plus que rassasiées, le rabbi se mit à raconter l'histoire à ses amies : tout le mal qu'elle lui avait fait, comment le Saint, béni soit-Il, l'avait aidé à recouvrer la santé, le sort qu'il lui avait jeté ensuite qui faisait qu'elle resterait ainsi jusqu'à la fin de ses jours. Rien ne changerait plus. En entendant cette histoire, les proches parents furent pris d'une grande frayeur et eurent pitié d'elle. Ils supplièrent le rabbi de lui pardonner pour cette fois, disant qu'elle ne recommencerait pas. Mais le rabbi n'avait plus confiance en elle. Peu de temps après, le rabbi mourut en laissant une grande fortune à ses enfants ; l'anneau disparut et la femme fut contrainte de rester une ânesse. C'est pourquoi le roi Salomon a dit qu'il ne fallait jamais confier de secret à une femme, car s'il n'avait pas confié le secret de l'anneau à sa femme, le rabbi n'aurait pas eu le malheur d'être obligé d'errer dans la forêt. Mais il lui rendit la monnaie de sa pièce et ce à juste titre. Plus d'un pense à prendre au piège, mais tel est pris qui croyait prendre. Fin. Voilà l'histoire.

NOTES

1. Nous avions abordé ce sujet à la fin de notre article sur « La femme dans le Mayse- bukh. In : Le yiddish. Langue, culture, société. Mélanges du CRFJ 1999. CNRS Éd. 1999. (39-64). 2. Guit. 68 a. Dans le Mayse-bukh : « Du roi Salomon qui voulut construire le temple et à qui on interdit l'usage du fer » (105). 3. Les Métamorphoses d'Ovide contiennent le personnage de Lycaon mué en loup et L'Ane d'Or d'Apulée, l'homme transformé en âne. Ces histoires, « moralisées » au Moyen Age et associées aux récits bibliques de Nabuchodonozor devinrent le modèle de la « transformatio hominum in bruta. » 4. Cf Michel Jeanneret : Perpetuum mobile. Métamorphose des corps et des œuvres de Vinci à Montaigne. Macula, (sans date !). 5. La mort constitue une problématique à part et mériterait une étude approfondie. Elle a trois origines. Elle est, dans la plupart des cas, la juste punition pour les péchés commis. Elle peut être aussi une erreur de l'ange de la mort. Ou alors le meurtre odieux et injuste des persécutions antijuives. La mort n'interrompt la punition que si l'expiation des péchés a eu lieu dans ce monde-ci. Sinon elle aura lieu dans le monde à venir. 6. Cf Erika Timm : « Zur Frühgeschichte der jiddischen Erzählprosa ». In : Beiträge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur. Max Niemeyer Verlag. Tubingen 1995. (243-280). 7. Cité par Ephraïm E. Urbach : Les Sages d'Israël. Cerf Verdier. 1996. p. 238.

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8. Cf Jacob Katz : De la tradition à la crise. La société juive à la fin du Moyen-âge. Cerf 2000. Dans cet ouvrage, l’auteur signale qu'au Moyen Age il a fallu édicter des lois en faveur des femmes que leur mari délaissait pendant des années pour aller étudier et qui, considérées comme des agounoth, n'avaient plus le droit de se remarier et n'avaient donc plus de vie sexuelle autorisée. 9. Cette histoire talmudique ne figure pas dans les manuscrits. Cf aussi l'histoire très populaire au Moyen Age de la fille qui allaite son père et sa mère en prison pour les sauver de la mort. Ces histoires ont très certainement un rapport avec la représentation picturale de la Vierge et mériteraient une investigation. 10. 0. Tönz : « Curiosa zum Thema Brustemährung », in : Schweizerische Aerztezeitung, Schwabe, Basel 2000 : 81 : Nr. 20 (1058-1062). 11. Dr. Julius Preuss : Biblisch-talmudische Medizin. Ktav Publishing House. New York 1971 (reprint de 1911), p. 476 sq. 12. ibid., p. 538. 13. Cf Edouard Gourévitch : Le guide des hassidim. Cerf 1988. (467 sq). 14. Dans la Cité de Dieu, Saint Augustin se demandait si la transformation physique et psychique de l'homme résultant de la métamorphose pouvait être compatible avec la création divine, (cf Harf-Lancner, Laurence, ed. : Métamorphose et bestiaire fantastique au Moyen Age. Paris : Collection de l'ENS de Jeunes Filles, 28. 1985. In : Fabula 28 1987. p. 342 ; Cf aussi Claude Lecouteux : Les monstres dans la littérature allemande du Moyen Age. Göppingen 1982 . In : Fabula 27 1986. pp. 122-124). Il parle de la métamorphose comme d'une illusion, comme d'un « phantasme » avant la lettre, comme du produit d'un esprit malade. 15. Bernhard Heller : « Beiträge zur Stoff- und Quellengeschichte des Ma'assebuchs ». In : Occident und Orient. Gaster Anniversary Volume. Londres 1936. p. 234 sq. 16. Guillaume de Loris et Jean de Meun : Le Roman de la Rose. Ed. par Armand Sirubel. Lettres gothiques. 1992. p. 861. 17. Les histoires de loup-garous sont à rapprocher du motif Aarne et Thompson 449, « Le chien du tsar ». 18. Théophile Laube ; Dialogi und Gespräch Von der Oder Der Menschen in Wölff-Verwandlung. Frankfurt a. Main 1686. Cité par Eimar M. Lorey : Heinrich der Werwolf. Eine Geschichte aus der Zeit der Hexenprozesse mil Dokumenten und Analysen. Anabas-Verlag. Frankfurt a. Main 1998. p. 222. 19. II s'agit en fait des tosafot, annotations ajoutées par les petits-fils de Rachi et d'autres rabbins français aux commentaires de ce dernier sur le Talmud de Babylone. 20. L'hébreu.

AUTEUR

ASTRID STARCK-ADLER Université de Haute , Mulhouse

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Vie quotidienne d’un propagandiste au bureau de Paris du Fonds national juif (KKL) (1926-1936)

Catherine Poujol

1 Les très riches archives du Fonds national juif (Keren Kayemet Le-Israël) déposées à Jérusalem1, permettent d'éclairer, pour les différents pays de la diaspora, la propagande de cette association destinée à l'achat de terres en Palestine. Pour ce qui est de la France, une importante série de microfilms2 donne à voir l'intense activité du Bureau de Paris du K.K.L. de 1925 à 1936, à travers la relation privilégiée de deux hommes, pivots de l'organisation, Aimé Pallière, son vice-président et Joseph Fisher, son commissaire général. Leur correspondance quasi quotidienne (mots griffonnés sur un coin de table, télégrammes, billets de rendez-vous, procès-verbaux de réunions assortis de leurs commentaires) offre, par ailleurs, un aperçu de la dure vie d'un propagandiste sioniste, ce que Pallière fut en France et à l'étranger pendant près de dix ans. Rappelons pour mémoire qu'en 1925, l'exécutif de Jérusalem envoie Joseph Fisher3 créer un bureau du K.K.L. à Paris. Officiellement fondé le 16 mai 1925, réorganisé le 25 mai 1926 à la suite d'une réunion qui avait rassemblé vingt des associations sionistes de Paris favorables à son action, le Fonds national juif procéda à l'élection de son Bureau de Paris, le 24 juin 1926 : l'avocat Marcel Mirtil, membre du Consistoire central fut nommé président et Aimé Pallière, vice-président4. Aimé Pallière (1868-1949), propagandiste au Bureau de Paris 2 Chrétien libéral, philosémite, A. Pallière est un homme central du judaïsme de l'entre- deux-guerres : sans jamais se convertir à cette religion, il est un des fondateurs de l'Union libérale israélite en 1907 et devient, à partir de 1922, prédicateur-adjoint auprès du rabbin Louis-Germain Lévy (1870-1946), à la synagogue libérale de la rue Copemic. Cependant, ce n'est pas ici son histoire personnelle qui nous intéresse mais, de façon paradigmatique, son action de propagandiste au K.K.L. et les moyens mis à sa disposition par l'organisation sioniste. Lorsqu'il égrène ses souvenirs, Pallière souligne l'origine et la raison de don action au Fonds national juif : « C'est cette œuvre du Keren

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Kayemeth qui eut toujours mes préférences parce que je lui trouvais son fondement dans la Tora elle-même et sa consécration dans la tradition ininterrompue d'Israël. Dans la lumière peu à peu projetée par les événements sur toute ma destinée je découvrais ainsi la signification du baiser que tout enfant, je donnais aux fleurs rapportées de la Terre Sainte »5. Les mots choisis pour désigner la Palestine montrent le degré de sacralité qui marque son engagement, celui d'un sioniste religieux. Fisher, lui, politique et très pragmatique, exploite cette dimension pour pénétrer les milieux libéraux et orthodoxes de la capitale, a priori hostiles, à partir de 1925. Pallière lui rallie ses fidèles de la synagogue Copernic, comme André Baur6 qui devient trésorier du K.K.L. en 1927 ou 1928 et lui fait ouvrir pour ses réunions les salons de Mesdames Alfred Schwob et Henry Leven ou celui d'Alice Blum. Sa fonction de prédicateur au Chema Israël7 permet ainsi de distiller les idées sionistes dans les milieux orthodoxes et de s'approcher de rabbins qu'il fréquente assidûment comme Jules Bauer (1868-1931) et Maurice Liber (1884-1956), tous deux successivement directeurs de l'école rabbinique de la rue Vauquelin. 3 Ses talents de diplomate sont souvent sollicités par Fisher. Ses conseils, ses traductions8, ses articles9, ses lettres de remerciements pour des dons ou pour des déclarations de rabbins ou de journalistes10 favorables au sionisme, émaillent la correspondance des deux hommes. Fisher veut son avis sur tout11. Ils semblent se rencontrer souvent, seul à seul à « La Chope », le bar du Lutetia et mettre au point les stratégies, les motions à proposer au Bureau central du K.K.L, les programmes de conférences, les manifestations publiques. Car peu à peu, tout en dirigeant une association de jeunesse juive, l’U.U.J.J. 12, Pallière est devenu propagandiste officiel du Bureau de Paris, comme le sont, par exemple, Fanny Weil et Yvonne Netter. On trouve ces trois personnes tournant à tour de rôle en France et au Maghreb en 193113 pour le bénéfice du Fonds national juif avec un statut bien défini, des moyens mis à leurs dispositions et des buts très précis que nous allons étudier ici. Les films de propagande 4 La propagande du Fonds National juif est essentiellement orale, elle est faite par les membres du Comité-Directeur et du Bureau central qui se rendent en tournées dans différentes villes de province ou à l'étranger14. Ces délégués sont mandatés spécialement afin de se faire entendre au mieux des milieux très ciblés qu'ils visitent, ainsi Pallière sera envoyé chez les orthodoxes ou les associations de jeunesse tandis qu'Yvonne Netter15, l'avocate, sera chargée de visiter les organisations de femmes et que Fanny Weil rencontrera les enfants des écoles. Dans tous les cas, Fisher organise les tournées, trouve les salles, fixe les programmes. Des brochures, du matériel documentaire, des calendriers, des cartes sont mis à disposition du propagandiste. 5 L'attraction la plus prisée est évidemment la projection de films, tournés en Palestine et montrant les travaux des kibboutzim ou les réalisations du Fonds. Ainsi Pallière débute son action de propagande pour le K.K.L. à l'invitation de diverses associations (Chema, Emouna), par une tournée de conférences en mars 1925 qui le conduit de Marseille au Luxembourg, en passant par Nice, Strasbourg et Metz, en présentant un film. En parcourant les archives, on peut trouver le nom de quelques films de propagande du K.K.L. Ainsi Pallière loue La Judée moderne en février 1927 pour une soirée à l'U.U.J.J, après sa première projection lors d'un banquet donné le 27 janvier 1927 en l'honneur de Nahum Sokolov, président de l'Exécutif sioniste, qui, revenant d'un grand voyage de propagande en Afrique, Asie et Europe centrale, devait présider,

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le 30, au jubilé des 25 ans du K.K.L. au Palais du Trocadéro16. Le soir du banquet, Victor Basch, Léon Blum et Joseph Asscher prennent la parole. On voit aussi que Pallière commente la projection d'images des Funérailles de Max Nordau, le 20 janvier 1929 et, à peine revenu d'une tournée en Allemagne en février, présente Printemps en Palestine le 24 février 1929, à l'hôtel Majestic et ce pendant trois séances17. 6 Les années 1927-1928, c'est aussi ce qu'on a appelé « la mode juive » à Paris : Edmond Fleg publie alors « Pourquoi je suis Juif 18 » et André Spire, « Quelques Juifs et demi-Juifs 19 » ; on voit même des films à sujet juif dans quelques cinémas des grands boulevards. Le K.K.L. profite de cette tendance et multiplie les projections, dans le but, bien évidemment, de collecter des dons plus importants. On sait aussi soulever l’émotion. Ainsi un documentaire, tourné tout de suite après les émeutes d'août 1929 en Palestine, Nous nous lèverons et nous bâtirons, fait recette en mars 1930. On projette avec succès, un montage d'images de l'Inauguration de l'Université hébraïque par Lord Balfour ainsi qu'un documentaire sur un village d'enfants : Kfar Yeladim tourné à Ben Shemen, au sous-titre utopique : Une république enfantine en Palestine. Les moyens de collecte 7 Les moyens de collecte sont multiples. Avant la conférence ou la projection, l'orateur a installé, avec l'aide de quelques personnes dévouées, des stands au fond de la salle. Là, les dons pour le « Livre d'or » du K.K.L. sont sollicités. On se propose d'y inscrire une personnalité réputée sioniste et on se cotise pour régler les droits d'inscription20. Les livres sont déposés solennellement à Jérusalem et il faut comprendre que cette mention laissera une trace impérissable de la personne honorée. On fait aussi des dons d'arbres pour le reboisement d'Eretz Israël et le Bureau central possède un plan cadastral où figurent toutes les plantations21. Les « Troncs bleus » (ou « Tirelires bleues »), très populaires, sont placés à demeure dans des commerces ou des familles et ce par centaines. Il en existe façon « luxe » ou des pochettes pour les enfants. Le détenteur s'engage à un minimum de recettes et le videur de tronc se doit d'être un « sioniste convaincu ». Il lui faut parler avec le donateur et le renseigner sur les progrès du Fonds national juif en Palestine. Des timbres sont vendus à l'issue des réunions, il faut les coller sur les lettres, les documents, les circulaires. Ils sont imprimés à l'effigie de personnages illustres. Les télégrammes du K.K.L. sont eux aussi mis en ventes et les « livres de dons » (pinkassim) que l'on ouvre dans les familles sionistes à l'occasion de mariages ou de fiançailles : chaque invité cotise ce jour-là et oppose sa signature. Plus tard, en 1934, est créé le « livre de l'enfant » (sefer hayeled) : tous les événements importants de la vie du futur sioniste y sont inscrits et on verse une somme ce jour-là au K.K.L. Les insignes sont vendus, dans la salle, à chaque spectateur d'une manifestation sioniste et il est de bon ton d'en porter un pour aller visiter la Palestine. 8 Pour procéder à toutes ses ventes et faire la quête dans les rangs, il faut agir vite et ne pas laisser partir les auditeurs, une fois la conférence finie. C'est la raison pour laquelle Fisher s’intéresse aux mouvements de jeunesse et leur demande de l'aide. Ainsi le 16 novembre 1927, les jeunes ont fait faux bond, ils sont arrivés en retard et la caisse resta vide. La Fédération sioniste de France, organisatrice de la soirée, explique le manque à gagner au profit du K.K.L. par « l'absence de jeunes gens et de jeunes filles de l’U.U.J.J. et de la Histadrouth dont le concours est indispensable pour le bon fonctionnement du contrôle et de la garde (...) ». Les lieux et époques de collecte

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9 Les fêtes juives sont bien sûr des moments privilégiés pour la propagande sioniste et dans des stands spécifiques, on vend des produits palestiniens, comme le miel à la veille de Rosh Ha-Chanah (Nouvel an juif) dans de petits gobelets et pour Soukkot (fête des Cabanes), des branches de saule. Le mois de Tichri (septembre/octobre) est réservé exclusivement aux quêtes du K.K.L. et Pallière déploie alors tout son zèle pour se faire ouvrir les portes des synagogues, se faire prêter des rouleaux de la Torah ou obtenir la présence d'un rabbin afin de faire des lectures dans des lieux de culte improvisés sous des tentes ou des salles transformées en « oratoire du K.K.L. »22, comme en septembre 1932, au Palais des fêtes à Paris. 10 L'offrande la plus importante étant celle de Yom Kippour, le Bureau central essaie avec plus ou moins de succès, comme on le fait en Amérique, de vendre les places des synagogues : « On vend des cartes d'entrées à l'avance et on colle un timbre du K.K.L. dessus ». Avec le temps, le Fonds obtient dans certains lieux de culte 5 à 25 % des recettes mais la bataille est rude. On trouve la trace, dans les archives du Bureau de Paris, de refus cuisants du Consistoire dans la capitale comme celui du grand rabbin de Marseille, pour les quêtes du K.K.L., en 1928. En juillet, Fisher écrit à Pallière qu'il faut envoyer aux deux endroits une légation pour plaider leur cause, car le mois de Tichri approche. 11 Le K.K.L. en est venu à considérer Hanoucah (Fête des lumières), en décembre, comme la fête nationale du futur Israël. De ce fait on initie des actions spéciales à cette occasion : collectes, offrandes pour l'allumage de bougies vendues par le Fonds. C'était plus facile dans les milieux laïques et on sait que Fisher avait prévu une conférence de Pallière pour le 25 décembre 1927, à Nancy. Il devait y faire « une causerie sur la fête des Hasmonéens et sur la reconstruction de la Palestine » avec une projection de diapositives sur les colonies agricoles et les villes d'Eretz Israël, à l'invitation de l'Association des Étudiants juifs de la ville, au profit du K.K.L.23 Une mauvaise chute que fit Pallière, où il se luxa l'épaule, obligea Fisher à annuler. Enfin, dernières fêtes juives mises à profit, on vend des costumes « à caractère palestinien », pour le bal masqué de Pourim, des jus de fruits pour Tou bi-Chevat, le Nouvel an des arbres, fêté le quinze du mois de Chevat (janvier-février) et Lag ba-Omer situé le 18 mai, est consacré « jour de la jeunesse juive travaillant en Eretz Israël ». C'est l'occasion d'excursions en plein air tandis que les dames de la W.I.Z.O. donnent à cette fête, un tour plus culturel, en invitant des écrivains et des artistes. 12 Les bals du KKL, ses concerts et les spectacles donnés en son honneur sont autant de lieux de collecte efficaces. Ainsi en mai 1933, Fisher demande à Joseph Kessel de bien vouloir écrire un article qui serait diffusé dans la presse parisienne sur Les Juifs de Tchirikoff, pièce de théâtre jouée au Vieux Colombier et interprétée par la troupe de Georges Pitoëff. Celui-ci offrira la recette d'un soir au K.K.L.24 Très attractif aussi, le Bazar palestinien qui a lieu une fois l'an à Paris et dans les villes de province. On y vend surtout des produits d'Eretz Israël mais la situation économique en Palestine est parfois si difficile que ce type d'envoi est aléatoire, il faut alors pouvoir proposer « un stand artistique » composé d'ouvrages de dames. Ce jour-là doit devenir une cérémonie officielle, on y invite les édiles de la ville, on pavoise le bâtiment qui accueille la manifestation aux couleurs sionistes, le buffet garni et fleuri doit être dressé par des serveurs habillés de bleu et blanc. Une tombola, des attractions, des cartes d'entrées « payantes mais bon marché » doivent permettre d'attirer les foules juives. Dure vie de conférencier-vedette du K.K.L.

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13 Un élément non négligeable est évidemenent la notoriété du conférencier, envoyé pour rehausser le coté politique et culturel du Bazar, du concert, de la projection. On imagine la fatigue de ces hommes et de ces femmes qui roulent de longues heures de train pour arriver à temps à destination. À titre d'exemple, Fisher propose à Pallière, le 14 décembre 1928, un départ de Paris à 8h 45mn pour une arrivée à Colmar à 15h 48mn, là il trouvera de nombreuses correspondances, via Haguenau, où il parlera le même soir. Soit une journée de train pour quelques heures dans la ville de destination et un retour le lendemain, car Fisher ne peut assurer des tournées à chaque fois. Ils reçoivent, semble-t-il, de modestes cachets et le remboursement des frais de route qu'ils avancent. Cachets envoyés par Fisher aux organisateurs des réunions sionistes de province qui ajoutent ce qu'ils veulent ou ce qu'ils peuvent. Outre de nombreux déplacements d'un jour en province, pour une seule soirée de propagande, Fisher organise pour Pallière, entre 1925 et 1931, quatre épuisantes tournées25 de collectes de fonds en France et à l'étranger, exclusivement au profit du Fonds national juif. 14 Ayant débuté comme propagandiste par des tournées en province et à l'étranger en 1925, Pallière est peu à peu devenu le conférencier-vedette du K.K.L. Fisher, nous l'avons vu, use de sa réputation auprès du rabbinat pour aborder les sujets délicats de prêt de rouleaux de la Torah, obtenir des quêtes dans les synagogues, des dates pour organiser des soirées dans les communautés ou placer des troncs mais il arrive parfois que toute l'entremise de Pallière y suffit à peine. Ainsi depuis 1928, Fisher tente de convaincre le grand Rabbin Pruner de Besançon, qui ne veut rien entendre, de le laisser organiser une soirée en faveur du K.K.L., avec projection de films. La situation semble évoluer lorsqu'un certain Monsieur Oderberg crée un « Club sioniste » dans cette ville. Celui-ci exprime le souhait de profiter de la présence de Pallière, venu faire des conférences pour Chema Israël en mars 1930, pour le recevoir en tant que vice-président du K.K.L. Il est cependant impossible, à cette occasion, d'obtenir l'aval de la communauté religieuse de la ville. Un échange de correspondance, une entrevue entre Pallière et le grand Rabbin Pruner, en décembre 1930, amenuisent les craintes et lorsque la soirée est enfin organisée pour le 4 janvier 1931, c'est Pallière qui tombe malade... Or, Fisher avait prévu, à cette date, toute une tournée allant de Lyon à Dijon en passant par Belfort et dans laquelle il avait réussi à inclure Besançon. De ce fait, il propose de remplacer Pallière. Il n'en est pas question et il reçoit ce camouflet de la communauté de Belfort : « Nous nous croyons cependant obligés de vous dire que beaucoup de personnes que nous sommes arrivés à intéresser à l'œuvre du K.K.L., nous ont demandé (...) d'entendre Monsieur Aimé Pallière. (...) Nous sommes persuadés que se serait pour le plus grand bien de la société ». Fisher, vexé, annule toute la tournée. 15 Pallière est donc le conférencier-vedette du K.K.L. et sa présence aux grandes manifestations publiques le confirme. En mai 1930, le K.K.L. organise même une réunion « en son honneur », il prononcera une conférence ce soir-là puis on le fêtera. La date du 18 mai est retenue, fixée avec difficulté tant Pallière est pris par ses conférences du Chema et la préparation des fêtes juives. Un rôle de relations publiques 16 Puisqu'il est connu, demandé, apprécié de tous, Fisher fait appel à lui pour remercier les personnalités favorables à la cause. C'est Pallière qui prend la plume26 quand il faut trouver les mots pour solliciter l’Univers Israélite afin qu'il diffuse les informations du K.K.L. Il faut savoir réclamer quand l'hebdomadaire du Consistoire, peu favorable au

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sionisme, prend la liberté de modifier un texte de Pallière écrit pour Roch Ha-Chana de 1928, 17 en remplaçant le mot « Juifs » par « Israélites » : petit détail subtil qui montre bien où se place alors le combat. Six ans plus tard, c'est toujours Pallière qui rédige un article pour transmettre les voeux du Fonds national juif à l’Univers Israélite qui fête ses quatre- vingt-dix ans de parution en septembre 1934. Entre temps les choses ont changé et Fisher lui demande de « souligner révolution de ce journal à l'égard du sionisme, car depuis que monsieur Milbauer27 est son directeur, (la rédaction) a adopté une attitude de neutralité bienveillante. Monsieur Milbauer nous a rendu maintes fois service dans les colonnes de son journal ». Pallière, diligent, écrit donc un article où il commence par louer la vivacité du journal et son caractère convivial, « presque familial », avant de se féliciter du nouveau tournant de la rédaction en faveur du sionisme : « Depuis un certain temps, sous une direction discrète autant qu'intelligente L'Univers israélite a montré une compréhension sympathique de l'œuvre accomplie en Palestine. Il a accueilli avec bienveillance les communications du K.K.L. et tous les articles propres à renseigner ses lecteurs sur la portée de cet effort ». 18 C'est encore lui que l'on charge de rencontrer les gros donateurs comme Madame Bernheim de Mulhouse qui a manifesté le désir de commémorer le nom de son mari en Palestine. Contre 50 000 Frs, le Bureau central lui a proposé de fonder un camp ouvrier. On ferait dire un kaddish (prière des morts), chaque année, à la date anniversaire du décès de son époux, dans la synagogue d'une colonie toute proche. Sans réponse de cette dame, Fisher demande à Pallière, qui accepte, de lui rendre visite en passant à Mulhouse pendant la tournée de conférences organisée pour novembre 1931. 19 Autre corde à son arc, il lui arrive de prendre la parole dans des manifestations publiques organisées par le K.K.L. C'est un exercice où il se fait rare car, desservi par une voix douce et faible, il est plus à son avantage dans des salles plus restreintes, dans des « méditations » pour les synagogues. Il préférera toujours l'écriture aux discours et s'il parle rarement devant de grandes foules, dans tous les cas, il aide à l'organisation de ces assemblées et produit des articles dans les feuilles d'informations juives. En voici quelques exemples. Orateur dans les manifestations publiques du K.K.L. 20 À la veille du XVIe congrès sioniste qui se tint à Zurich du 11 au 14 août 1929, l'Exécutif sioniste avait projeté de célébrer avec éclat le vingt-cinquième anniversaire de la mort de Herzl, le 3 juillet 1929. L'O.S.M. avait besoin d'un événement fédérateur, à la veille d'un congrès où elle était parvenue à réunir les organisations juives non sionistes dans le but d'élargir l'Agence juive, conformément aux dispositions du mandat britannique. Renforcée, celle-ci représenterait d'autant mieux la communauté juive de Palestine auprès des autorités anglaises, des gouvernements étrangers et des organisations internationales. 21 La commémoration devait avoir de l'éclat et se dérouler en même temps, toutes les organisations sionistes y assistant, à l'étranger comme à Paris et dans plusieurs villes de province. Pour unifier la manifestation, on avait eu l'idée de demander à des hommes célèbres d'écrire quelques lignes sur Herzl. Ces textes seraient lus, identiques, partout dans le monde pendant la cérémonie anniversaire. On contacta des rabbins, des historiens, des écrivains, des scientifiques, des poètes, des Prix Nobel et ainsi fut établie la liste suivante qui nous intéresse car elle permet de mesurer l'audience de Pallière au niveau international puisqu'il figure parmi les personnalités. Ont répondu dans l'ordre

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de la lecture faite ce jour-là : Sigmund Freud, Bernard Shaw, Stephan Zweig, Nahum Sokolov, Justin Godart, David Prato, Albert Einstein, Simon Dubnov, I. Klausner, Aimé Pallière, R. Avemheimer, Emile Vandervelde, Fernand Corcos, George Bernhard, Paul- Louis Couchoud, Max Brod, J. Wilenski, A.D. Stern, I. Nacht.28 Le message de Pallière, alors une célébrité, est donc lu parmi ceux des grands sympathisants à la cause sioniste. Il s'en détache quelque peu par le ton, en affirmant que même « pur produit du judaïsme émancipé » et menant en apparence son action loin de toute idée religieuse, Herzl ne pouvait échapper à sa mission. Il voit en lui l'incarnation nouvelle du souffle prophétique d'Israël par lequel « Dieu parle à son peuple » et il décèle dans son parcours de vie, le doigt divin qui le conduisait à son insu. 22 Il doit reprendre cette thématique dans le discours qu'il prononce lors de la cérémonie de Paris, le 3 juillet, entouré d'Edmond Fleg, Justin Godart, des professeurs Hadamard et Langevin et des rabbins Julien Weill (orthodoxe) et Louis-Germain Lévy (libéral) qui ont, eux aussi, répondu présent aux sollicitations de Fisher. Le 4, il accompagne ce dernier à une conférence donnée par un certain Belkind. Là, ils font tous deux un appel pour une plantation d'arbres en hommage à Herzl et récoltent des adresses de donateurs éventuels. Le 8, Pallière prend la parole lors du pèlerinage annuel des Amis de Max Nordau et de Marmorek ; le 10, il prononce un nouveau discours dans la grande Salle des Sociétés savantes où l'on commémore la mort d'Herzl encore une fois et celle de Marmorek, tout cela juste avant de partir vers Zurich où s'ouvre le XVIe congrès sioniste. 23 Quatre jours avant que les émeutes du 19 août 1929 n'éclatent en Palestine et ne déciment les communautés juives et arabes, prenant tout le monde par surprise, on se congratule à Zurich. Fisher est resté jusqu'à la fin du congrès et a été élu membre suppléant de l'Agence juive. Il écrit, depuis la Suisse, son enthousiasme à un Pallière fatigué, rentré pour prendre quelques jours de repos à Nice, et qui lui demande des nouvelles : « Je dois vous dire, cher Monsieur Pallière que je suis extrêmement satisfait du Congrès et particulièrement de l'Agence juive, malgré les réserves que j'avais toujours eu à l'égard de cette institution (ou plutôt au mode de sa constitution) ». C'est aussi une réunion fructueuse pour Pallière, au sommet de sa notoriété : il y a rencontré le rabbin Stephen Wise29 qui l'a invité pour une grande tournée de conférences en Amérique. Il partira en novembre 1929, c'est décidé, pour un voyage qui, en pleine crise économique aux Etats-Unis, lui laissera un souvenir ébloui... 24 À la suite des troubles d'août 1929, l'administration mandataire en Palestine commence par supprimer toute immigration, et en mars 1930, le rapport de la commission Shaw tente de déterminer les causes des troubles. Les conclusions des experts amènent Lord Passfield, en août, à promulguer un livre blanc qui réduit encore l'immigration juive et les transactions foncières en Palestine30. Au lendemain de ces décisions, les sionistes croient bon de rappeler les engagements de l'Angleterre par une « campagne Balfour » et à Paris, ils dépensent beaucoup d'énergie pour mettre sur pied une soirée d'hommage à Lord Balfour, le 3 avril 1930. L'initiative est prise par la Fédération sioniste et le K.K.L. et soutenue par France-Palestine. Le sénateur Justin Godart31 accepte de présider la soirée donnée dans les salons du Palais d'Orsay. On a sollicité Paul Painlevé, ancien ministre, le diplomate Henri de Jouvenel et à cette occasion, Pallière a rédigé un appel pour le « Livre d'or » Balfour. Quelle fut l'audience de cette soirée ?

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25 Les archives du bureau de Paris ne permettent pas de le savoir, pas plus que la participation effective des orateurs sollicités. Nous ne possédons souvent que les lettres de Fisher, pas les réponses. Or demander à un politique de prendre la parole ne signifie pas qu'il accepte ni qu'il y ait foule pour l'écouter. Globalement, la « campagne Balfour » lancée par le K.K.L. en mars-avril 1930, au niveau international, est un échec. Paradoxalement seul le yischouv, bien que frappé directement, réagit mieux que tous les pays de la diaspora, avec 90 inscriptions au « Livre d'or », selon une note confidentielle envoyée par le bureau central de Jérusalem. On invoque la lassitude, les sollicitations trop fréquentes mais le Fonds National se refuse à interrompre la campagne : « ce serait solennellement proclamer la soumission du peuple juif devant les menaces du pouvoir malveillant »32. 26 Certaines manifestations parisiennes sont, nous en sommes certains, un fiasco, malgré une grande énergie déployée. Ce sera le cas pour la commémoration en l'honneur d'Aristide Briand, Charles Gide33 et Albert Thomas34, le 26 mai 1932. Depuis le 2 février s'était ouverte à Genève, la Conférence mondiale du Désarmement et la gauche, qui avait fait du pacifisme son thème majeur sous la houlette de Briand et de Herriot, avance encore cette solution : il fallait, pour prévenir le réarmement du Reich, réaliser au plus tôt le désarmement général. Lorsque le K.K.L. organise, au lendemain du décès de Briand, une grande commémoration à la mémoire de trois « grands amis français du sionisme », dans la salle des fêtes de la Maison de la Mutualité, c'est Aimé Pallière qui préside et prononce le discours d'ouverture. C'est ensuite à Jean Longuet de prendre la parole suivi de Sam Meyer, Gaston Lévy et enfin René Cassin35. Ce dernier, contacté par Fisher, lui avait dit à la fois son enthousiasme et ses réserves : « Je dois vous dire d'ailleurs que je suis revenu de Palestine, plein d'admiration pour l'effort sioniste et je crois impossible et inique de l'arrêter en route mais (...) je ne considère pas l'installation sioniste en Palestine comme devant créer nécessairement un État juif ou résoudre le problème juif mondial ». Il avait cependant accepté de parler d'Aristide Briand ce soir là, « n'ayant pas de compétence suffisante pour louer Monsieur Gide ». 27 À peine cent-huit personnes dans l'assistance contre une vingtaine de journalistes, tant le bureau de Paris avait alerté la presse... Un raté tout à fait inattendu puisque certains membres du comité et plusieurs chefs sionistes n'y assistèrent même pas... Réunis d'urgence, les membres du K.K.L. s'interrogent. On fait remarquer le côté disparate de la soirée : trois personnages sans point commun et le « caractère funéraire » de l'événement. De l'avis général, les manifestations sont trop nombreuses, les assistants toujours les mêmes et puis il faudrait des orateurs qui parlent yiddish : « Le public viendrait bien plus nombreux assiuré de comprendre au moins une partie des discours » et on rappelle qu'à Belleville, on compte plus de 50 000 ouvriers juifs parlant cette langue... Pour ce qui est de la souscription à la « forêt Briand » proposée ce soir-là, avec 11 000 francs, on ne peut rien faire. Fisher veut demander à André Spire un article dans Le Matin de préférence ou bien à la comtesse de Noailles, à moins d'user d'un subterfuge et faire envoyer une dépêche à la presse depuis le K.K.L. de Jérusalem annonçant la création de cette forêt ? 28 Manifestations publiques, films, collectes, quêtes dans les synagogues, tombolas, bals, soirées théâtrales, tournées de conférences, certes, mais il est impossible d'éclairer la propagande du Bureau de Paris, sans présenter son fleuron, son journal La Terre retrouvée. Journaliste à La Terre retrouvée

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29 Lorsque le premier numéro sort le 15 novembre 1928, il est le résultat d'un long travail de préparation car Fisher rêve, depuis les débuts du K.K.L., de le doter d'un organe de presse et de propagande. Que ce souhait puisse se réaliser, à cette date, rend compte de la progression de l'idée nationale dans la communauté juive française. La Terre retrouvée est donc le mensuel « illustré » du Fonds national juif français ; il s'est donné pour but d'informer à la fois sur le mouvement de renaissance juive en diaspora et sur le rachat de terres permettant la colonisation en Palestine. Le siège social du journal est situé 11, rue Etienne Marcel prolongée (3e), dans les bureaux du K.K.L., et les principaux collaborateurs sont Guerda Arlosoroff à Tel Aviv et à Paris : Fernand Corcos, Joseph Fisher, Edmond Fleg, Charles Gide, Justin Godart, Baruch Hagani, Henri Hertz, Raymond-Raoul Lambert, Marcel Mirtil, Yvonne Netter, Max Nordau, Aimé Pallière, Pierre Paraf, André Spire. 30 Mensuel de vingt quatre pages en moyenne, illustré dès l'origine par des photos de réalisations palestiniennes, cette publication va connaître une expansion rapide puisqu'elle tire à 15 000 exemplaires, en octobre 1929, ayant profité des événements d'août de la même année en Palestine et de l'émotion suscitée pour s'imposer, dans l'opinion juive, en tant que revue d'actualité. Ce succès se traduit par une augmentation de format, pour le numéro de novembre 1929, qui débute la seconde année d'existence du journal. Un autre grand tournant se situe en octobre 1936, suite à des problèmes financiers, on modifie la maquette et La Terre retrouvée devient un bimensuel, proposant 22 numéros par an, les 1er et 15 de chaque mois, avec un seul numéro en juillet et en août. On voit alors apparaître de nouvelles rubriques sur la vie juive en France et à Paris, en Allemagne, en Europe orientale et en Afrique du Nord. Son coût est de 1 franc au numéro mais il est surtout vendu sur abonnement. Le journal passe de 10 francs par an en 1928 pour le mensuel à 30 francs en 1936 pour le bimensuel. Sa parution est parfaitement régulière de 1928 à 1940, seul le dernier numéro de juin 1940 bien que sous presse, ne voit pas le jour. 31 Pallière, pour sa part, est présent dès la conception du journal, accompagnant Fisher à l'imprimerie Busson, 117 rue Poissonnière pour choisir les caractères et le format. Henri Hertz trouve le titre et propose une carte de la Palestine sur la page de couverture36. On avait aussi pensé à l'appeler Terre promise mais cela existait déjà, alors on adopte La Terre retrouvée, en dernier lieu. C'est une époque de mutation dans la presse et on voit que la rédaction, dont certains membres travaillent régulièrement avec la grande presse quotidienne (comme André Spire au Matin), sont au fait des nouveautés. On préfère les instantanés d'actualité aux photos d'archives et on commande des clichés au Bureau central de Jérusalem. Il faut ordonner les pages intérieures et les spécialiser pour attirer des publicités correspondantes. Le Petit Parisien avait imposé après 1925, les pages magazines « qui s'adressaient tous les jours ou toutes les semaines à une catégorie de lecteurs ou qui cherchaient à satisfaire un type particulier de curiosité (sport, littérature, cinéma) »37. Pallière donne son avis sur les rubriques existantes ou à créer. Fisher l'interroge : faut-il une page pour les enfants ? Pallière le croit. Il cherche aussi des collaborateurs bénévoles et veut présenter à Fisher, « un jeune homme palestinien fort intelligent qui veut passer un mois de vacances en Eretz Israël et qui a des idées dont j'aimerais qu'il cause avec vous ». Infatigable, il prend sa tâche très à cœur et on le trouve en mars 1930 distribuant des exemplaires du journal lors

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32 d'une conférence de L’U.U.J.J. Contrairement à toute attente, Pallière écrit peu dans ce journal (14 articles entre 1928 et 1936), il y occupe, en effet, un rôle surtout administratif et gère, avec Fisher, la mise en forme de chaque parution, relisant les épreuves, discutant avec l'imprimeur, s'occupant de la diffusion. Quels sont les résultats de cette intense propagande ? 33 Pour conclure, il convient de s'interroger sur les résultats de cette propagande moderne, puisque basée sur des films, des tournées de conférences, un journal, et coûteuse car elle suppose des locaux et des salariés permanents. On s'étonnera, peut- être, du ton de cette étude qui a tenté de rendre le côté frénétique de l’activité du Bureau de Paris. Les historiens ont établi que les résultats du Fonds national furent minces auprès de la communauté juive française, très assimilée et heureuse de l'être. Mais, il faut bien voir que lorsque les membres du K.K.L. se réunissent dans leurs locaux, qu'ils font le point, proposent des stratégies, tirent des tracts, organisent des meetings, ils croient toujours au succès de leur entreprise. Aussi, vue de l'intérieur, comme ici, à partir de la correspondance de Fisher, cette activité paraît débridée et humainement très usante : on établit des courbes, on trace des graphiques pour montrer l'implantation des troncs, on compte les nouveaux adhérents, on dresse des listes, villes par villes. C'est donc une impression de grande activité qui émane des archives et si on connaît aujourd'hui le peu de résultat des campagnes du tronc en France, ceux qui les mettent en place, se dépensent beaucoup et chaque fois, croient en leur réussite, condition sine qua non de leur persévérance. Ceci pour la période 1926-1933, car après cette date, les chiffres parlent d'eux-mêmes38 et les membres du Bureau de Paris ne peuvent pas ne pas les lire. 34 Pour de multiples raisons (déception après son échec à l’U.U.J.J. qu'il avait tentée de rendre sioniste, usure, crise religieuse), Pallière choisit le plus mauvais moment pour arrêter sa collaboration au K.K.L. Tout en gardant son titre de vice-président jusqu'en 1940, il disparaît en effet, sur la pointe des pieds, à partir de 1934. C'est pourtant une période noire et les rapports d'activité du Fonds national juif de France adressés au bureau central de Jérusalem sont explicites. Le Bureau de Paris est, en effet, confronté à cette date à de nombreuses difficultés : faillite de la banque Ivris qui détenait le compte du Fonds national juif à Paris, diminution des recettes françaises avec une défection inattendue de l'Afrique du Nord d'où une réduction des appointements du personnel salarié. Sans oublier le déficit de La Terre retrouvée39, la création du Congrès juif mondial et l'accord de transfert de capitaux et de marchandises entre l'Agence juive pour la Palestine et l'Allemagne nazie qui porte atteinte à la campagne de boycott que le K.K.L. avait jusque-là soutenue. Sujets multiples qui ne sont pas abordés ici, puisque notre propagandiste n'apparaît plus dans les délibérés et les procès-verbaux de la commission centrale du Bureau de Paris et que sa correspondance avec Fisher est devenue trop sporadique pour être exploitée.

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NOTES

1. Les fonds d'archives du K.K.L. se trouvent aux Central Zionist Archives à Jérusalem, désormais : C.Z.A. 2. Grâce à deux bourses d'études finançant un séjour d'un mois aux chercheurs et accordées par le Centre de recherche français de Jérusalem, j'ai pu consulter sur place, une partie de cette documentation jusque-là réputée disparue, car « il s'agit de copies d'une partie de la documentation volée en juin 1940 par l'armée allemande et redécouverte aux fameuses « Archives spéciales » de Moscou où elle fut secrètement conservée jusqu'au début des années 1990 », Simone Schliachter, « Les archives sionistes centrales à Jérusalem et l'histoire des Juifs de France », Archives Juives, n° 30/2, 2e semestre 1997, pp. 115-118. J'ai consulté la série de microfilms classés C.2.A., C.M 467/1 à C.M 467/43 concernant les archives du Fonds national juif en France : C.M 467/3 : salaires versés par l'association ; de C.M. 467/6 à C.M. 467/34 : listes de donations faites au K.K.L. par ville de France et par département français de 1922 à 1940 ; C.M 467/35 à CM 467/43 : correspondance intégrale de Joseph Fisher classée par ordre alphabétique de 1926 à 1936. Cette correspondance est partiellement conservée pour 1937 dans CM 467/1 et pour 1938 dans CM 467/2. La forme de cet article ne me permet pas de donner la référence de chaque pièce tirée de cette correspondance. Seules, celles qui nécessitent un commentaire, sont indiquées en note. 3. Joseph Fisher est l'inamovible commissaire général du K.K.L. en France, puisqu'il ne le quittera qu'en 1950, voir Bulletin des communautés. Tome VI, 1950, n°13, p. 4. Il devient, de ce fait, à partir de 1925, un des hommes-clés du mouvement sioniste en France. 4. C.Z.A., CM 467/35 pièce 427, déclaration à la Préfecture de Paris le 9 juillet 1926 de l'Association Loi 1901 fondée le 16 mai 1925. Le vote du 24 juin 1926 a désigné Me Mirtil président, Aimé Pallière vice-président, Vladimir Tiomkine, Pierre Lévi, Alfred Aftalion trésorier, Yehoshua Fisher, trésorier. Procès-verbal du 24 juin 1926, C.Z.A., KKL 5/466. 5. Aimé Pallière, Le Sanctuaire inconnu. « Ma conversion » au judaïsme. Éditions de Minuit, 1950, p. 223. 6. André Baur (8 mars 1904-13 mai 1944), fils du banquier Charles Baur (1862-1927) et de Rachel Weill (1870-1951), soeur de Julien Weill (1871-1950), grand Rabbin de Paris, est un proche de Pallière. Devenu président de Copernic avant la seconde guerre mondiale, il assumera la présidence de l'UGIF-Nord jusqu'à sa déportation avec son épouse Odette Pierre-Kahn (1910-1943) et leurs quatre enfants. Ils périrent tous à Auschwitz. 7. Association d'instruction religieuse crée en 1919 par Maurice Liber, rabbin de la synagogue de la Victoire de 1920 à 1932. On donnait le dimanche matin, dans la salle consistoriale, des conférences destinées à la jeunesse d'obédience orthodoxe. Pallière est un des conférenciers attitrés, depuis la création de l'association. 8. Pallière parle et écrit couramment l'italien, l'allemand et l'hébreu. 9. À titre d'exemple : C.Z.A. C.M.467/38 pièce 423, de Fisher à Pallière, 8 novembre 1928 : « (...) si votre article est déjà fait, je vous serais reconnaissant de bien vouloir le donner au porteur de cette lettre ».

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10. Citons à titre d'exemple : C.Z.A., CM. 467/36 pièce 475 de Pallière à Fisher, le 8 avril 1927 et 477 de Fisher à Pallière, le 12 avril 1927 : remerciements de Pallière à M. Jaim Azancot, correspondant parisien du Renacimiento de Israël qui s'est montré favorable dans un article à l'action du K.K.L. au Maroc espagnol. Fisher a fait taper la lettre, Pallière lui assure son soutien en la signant. C.Z.A., CM 467/38, pièce 436, 448 et 449 de Fisher à Pallière, 12 octobre 1928 : remerciements à signer pour le rabbin de Tunis, Yossef Guez qui a fait un appel favorable pour le K.K.L. 11. À titre d'exemple : C.Z.A., CM. 467/37, pièces 522, de Fisher à Pallière, le 19 décembre 1927 : « La situation s'est compliquée actuellement en Tunisie et il m'est indispensable d'avoir votre conseil au sujet de la marche à suivre ». Dans la même lettre, Fisher demande l'avis de Pallière sur la suppression du poste de secrétaire- adjoint du K.K.L. 12. Pallière est élu président de l’Union Universelle de la Jeunesse juive (U.U.J.J), le 6 août 1926, il le restera jusqu'à la fin de l'association en 1935, voir Catherine Poujol, « Aimé Pallière, le paradoxe d'un président chrétien pour l’U.U.J.J. », Bulletin du Centre de recherche français de Jérusalem, n°5, automne 1999, pp. 47-54. 13. C.Z.A., C.M. 467/41, note de frais : octobre-novembre 1931, tournée de Fanny Weil au Maroc, novembre 1931, tournée d'Aimé Pallière : Belfort, Mulhouse et Luxembourg et décembre 1931, tournée d'Yvonne Netter en Tunisie. 14. D'après C.Z.A., C.M.467/I, « Bulletin explicatif du KKL » de 1936. 15. Yvonne Netter (10 avril 1889-30 août 1985), avocate, militante féministe. Elle préside la section française de la W.I.Z.O. (organisation mondiale des femmes sionistes). Voir la fiche biographique établie par Catherine Nicault, Archives juives, n°28/2, 2e semestre 1995, pp. 116-121. 16. C.Z.A., C.M. 467/37 pièce 36, tract pour la soirée du jubilé le 30 janvier 1927. Orateurs : Jabotinsky, Me Mirtil, de Moro Giafferi, député et ancien ministre et N. Sokolov. La série C.M. 467/36 est consacrée à 1a préparation de cette manifestation au Trocadéro pour les 25 ans du K.K.L. (envoi de cartes d'invitations, documentation adressée aux orateurs, remerciements.) 17. Terre retrouvée, février 1929, n°4 et C.Z.A., C.M. 467/39 pièce 427 et pièce 358 de Fisher à Pallière, 1er février 1929 : Fisher félicite Pallière car le Judische Rundschau parle de son grand succès en Allemagne, puis il lui rappelle la projection du 24 février 1929 au Majestic. 18. Edmond Fleg, Pourquoi je suis Juif, Paris, les Éditions de France, « Leurs Raisons », 1928. Voir l'article de Catherine Fhima, « Aux sources d'un renouveau identitaire juif en France, André Spire et Edmond Fleg », Mil neuf cent, 1995, n°13, pp. 171-189. 19. André Spire, « Quelques Juifs et demi-Juifs », Paris, Grasset, 1928. 20. C.Z.A., C.M 467/1, dans le « Bulletin explicatif du K.K.L. » de 1936, l'inscription à cette date était de 2 500 Frs, 17 000 personnes étaient inscrites au Livre d'or, ce qui remplissait 5 livres. 21. En 1936, le même « Bulletin explicatif » précise que le prix des arbres était de 25 francs chacun. Il était de 50 francs en 1929 voir C.Z.A., C.M. 467/39 pièce 54, 10 octobre 1929 : on recevait un diplôme pour 5 arbres plantés et le nom du donateur était attribué à la plantation de 100 arbres. 22. C.Z.A., C.M 467/39 pièce 632, du K.K.L. à L'Univers Israélite, 11 octobre 1928. Prière d'insérer : compte rendu de la campagne de Tischri du mois de septembre 1928 dont la recette s'est élevée à 61 682 Frs. La recette de l'année écoulée (octobre 1927-octobre

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1928) est considérée comme très bonne pour la France : 450 243 Frs. C.Z.A., C.M. 467/42, pièce 542, de Fisher au président de l'Union libérale israélite, 27 septembre 1932 : demande de rouleaux de la Torah pour un oratoire du K.K.L. au Palais des fêtes. Il précise que le rabbin Louis Germain Lévy et Pallière sont d'accord. Les rouleaux furent prêtés : pièce 23, remerciements de Fisher à Louis Germain Lévy, le 14 octobre 1932. La pièce 49 est un tract tiré par le K.K.L à cette occasion : les places de l'oratoire de la salle rénovée du Palais des fêtes de Paris furent louées. L'oratoire fonctionna les 30 septembre, 1, 2 et 9 octobre 1932, le hazan (chantre) était David Braun. 23. C.Z.A., C.M 467/37, pièce 53, de Fisher à Beilin, 5 décembre 1927. Pièce 529 de Fisher à Pallière, même date, lui fixant le programme de Nancy et réponse de Pallière à Fisher, le 7 décembre 1927, pièce 526 qui proteste car la date choisie par Fisher l'oblige à partir le vendredi soir, donc à ne pas respecter shabbat : « ce jour n'est pas commode... ». 24. C.Z.A., CM 467/43 pièce 276, de Fisher à Joseph Kessel, 28 mai 1933. L'article demandé est bien évidemment gratuit. Si on considère que Kessel était déjà, en 1926, payé 400 Frs par article par Le Journal lors de son voyage au Moyen Orient et qu'il gagne 5 000 Frs par mois en 1925 quand le salaire moyen est de 20 000 Frs par an en France, c'est un beau cadeau fait à la cause sioniste que cet article gratuit du grand reporter ( Voir Yves Courrière, Joseph Kessel ou Sur la piste du Lyon, Paris, Pion, 1985, p. 245 et 251.) 25. Tournées de conférences de Pallière pour le seul K.K.L. : I/ mars 1925 : tournée en France et au Luxembourg ; II/ octobre-novembre 1928 : tournée en Suisse et en Alsace- Lorraine ; III/ janvier 1929 : tournée en Alsace, Allemagne et Bavière ; IV/ mars 1929 : tournée en Afrique du Nord ; IV/ novembre 1931 : tournée en France et Luxembourg. 26. C.Z.A., CM 467/41 pièce 425 de Fisher à Pallière, 5 mars 1930 : « Veuillez trouver ci- inclus la copie de notre lettre au conseil d'administration de l’U.I. (...) Il me semble pour le succès de notre démarche, qu'il vaut mieux que vous lui écriviez quelques ligne de votre main sur une feuille de papier du K.K.L. que nous joignons à notre lettre (...). 27. Joseph Milbauer est un poète français, traducteur de Bialik, qui publie une poème sur Hanouca, pour la première fois, dans L’Univers Israélite, en 1927. Chargé par le journal d'enquêter sur les immigrés juifs de Belleville, Montmartre, Ménilmontant, il est remarqué pour son travail par le rabbin Maurice Liber, alors rédacteur en chef, qui en fait son secrétaire de direction. Il devient rédacteur en chef de L’U.I. en 1932, lors du départ du grand Rabbin nommé directeur du séminaire de la rue Vauquelin, le 18 janvier 1932. Sioniste convaincu, il infléchit alors la ligne rédactionnelle de l'organe du Consistoire. Il s'installe d’ailleurs en Israël, en 1948, d'après J. Milbauer, Souvenances, Jérusalem, tome I, 1961 et tome II, 1967. 28. C.Z.A., F9/30 : dossier avec liste, textes des auteurs, photos. 29. Stephen Wise (17 mars 1874-19 avril 1949), rabbin libéral américain et grand sioniste, il dirigea de nombreuses associations et fut rabbin de la Free Synagogue de New York. Il créa the Jewish Institute of Religion et fut un des co-fondateurs du Congrès juif mondial. 30. Voir Catherine Nicault, La France et le sionisme. Une rencontre manquée ? (1897-1948), Paris, Calmann-Lévy, 1992, pp. 161-163. 31. C.Z.A., C.M 467/40 carton d'invitation. Le sénateur Justin Godart est le président de l'association France-Palestine, future France-Israël. 32. C.Z.A., CM 467/1, du K.K.L. de Jérusalem aux dirigeants des commissariats généraux du K.K.L., 24 juin 1930. 33. Charles Gide (1847-1932) est l'un des fondateurs du christianisme social de tendance protestante et de l'école coopératiste, dite école de Nîmes. Attaché à la cause des

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nationalités, il adhère aussi en mai 1916, comme M. Moutet, à la Ligue pour la Pologne libre, « mouvement russe, polonais et juif ». Après la guerre, il se passionne pour l'institution du kibboutz. Contacté par Fisher, il est l'économiste du K.K.L., fournissant brochures et articles pour La Terre retrouvée. 34. Albert Thomas (1878-1932) est sous-secrétaire d'État aux Travaux Public avant de devenir ministre des Armements (mai 1915-1917). Il devient après-guerre, pacifiste et antimilitariste. 35. Terre retrouvée, ibidem, p. 14. Jean Longuet, député, représentait Les Amis du Sionisme et de la Palestine ouvrière ; Sam Meyer était président de la Ligue pour la Réforme foncière ; Gaston Lévy était membre du Conseil supérieur de l'Union des Coopératives de France ; René Cassin était professeur à la Faculté de droit de Paris. C.Z.A. CM 467/42, pièce 330 : Albert Lebrun, président de la République, avait accepté, à la demande de Justin Godart, de patronner la souscription lancée ce jour là, en faveur de la forêt Aristide Briand. 36. C.Z.A., CM 467/38, pièce 431, de Fisher à Pallière, 22 octobre 1928 et C.Z.A., CM 467/38, pièce 434, de Pallière à Fisher, même date : « La Terre retrouvée me paraît un bon titre, l'idée de la carte est excellente également. » 37. Histoire générale de la presse française, sous la direction de Claude Bellanger, Jacques Godelhot, Pierre Guiral, Fernand Terrou, Tome III, De 1871 à 1940, Paris, P.U.F., 1972, p. 477. 38. C.Z.A., C.M 467/1 pièce 33 : activité du K.K.L. France de 5686 (1926) à 5697 (1937) (en francs).

39. C.Z.A, CM. 467/1, P.V. de la réunion du 7 avril 1937. Pallière été présent sur convocation. Le journal était déficitaire de 132 000 frs. Fisher voulait le supprimer, la commission s'y opposa.

AUTEUR

CATHERINE POUJOL Inalco

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L’Aliya-d’ex-URSS Repères démo-géographiques sur une décennie d’immigration*

William Berthomière

1 Cette contribution apportée au Bulletin du Centre de recherche français de Jérusalem poursuit le but de mettre en lumière les répercussions territoriales de la vague migratoire d’ex-URSS qu’a connu et connaît encore à ce jour Israël1. Au fil de cet article, sont donc abordés deux grands points de réflexion : les logiques socio-spatiales des quelque 800 000 ex-soviétiques arrivés depuis 1989 et les pratiques de l’espace que laisse apparaître l’analyse de leur répartition spatiale. Cette réflexion repose principalement sur l’exploitation des données issues du recensement général de population de 1995 ainsi que sur la mobilisation des sources statistiques spécialisées sur cette immigration. Pour conclure cet article, l’actualité a guidé notre choix. Les terribles événements de ces derniers mois nous ont poussé à réfléchir sur la dimension stratégique que l’immigration peut recouvrir dans le cadre du conflit israélo- palestinien. Dès les premières heures de l’aliya d’ex-URSS, les médias, le milieu scientifique et les dirigeants palestiniens ont souligné, non sans raison, le « risque démographique » que constituait le retour d’Israël à un niveau d’immigration équivalent à celui qu’il avait connu au moment de sa création. Ainsi, alors qu’aujourd’hui le débat semble se recentrer autour de la question démographique et que celle-ci véhicule nombre de préjugés, il nous est apparu essentiel d’essayer de synthétiser l’impact de cette immigration dans la croissance des colonies sises au-delà de la ligne verte au moment même où l’avenir de celles-ci est au cœur des débats. Panorama géodynamique de l’immigration ex-soviétique 2 Esquisser la géographie de l’immigration d’ex-URSS en Israël est une entreprise nécessaire car décrire les localisations préférentielles des immigrants revient à comprendre leurs stratégies d’intégration, à mettre en évidence leur perception de la réalité socio-économique du pays. Entamons donc cette synthèse des localisations préférentielles en privilégiant une macro-lecture par l’analyse de la répartition des ex- Soviétiques à l’échelle des districts et sous-districts du pays. 3 À cette échelle, les données disponibles permettent de dégager différents éléments d’analyse remarquables. En premier lieu, la population immigrante s’est principalement dirigée vers les districts les plus densément peuplés du pays. Le district

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Centre et celui de Tel Aviv accueillent plus de 249 000 ex-Soviétiques, soit 36,8 % du flux total d’immigrants (cf. Figure 1).

Figure 1 – Répartition de l’immigration d’ex-URSS (en %) selon les districts de résidence et les Territoires occupés (1990-1998)

4 Sans entrer dès à présent dans l’analyse des choix de résidence, précisons que de tels comportements spatiaux étaient prévisibles du fait de la très forte proportion de Juifs issus des grandes villes d’ex-URSS dans cette migration. Leur « culture urbaine » les a naturellement amenés à opter pour les districts où sont localisées les plus grandes cités d’Israël. Dans cette logique, le district de Haïfa a vu immigrer plus de 120 000 ex- Soviétiques. A contrario, le district de Jérusalem, malgré le fait que la ville de Jérusalem soit la plus peuplée du pays, n’a regroupé que 32 500 ex-Soviétiques. Une explication à ce manque d’attirance pour ce district tient, selon l’avis partagé par de nombreux responsables locaux, dans la faiblesse de la motivation idéologique de cette migration. Trop longtemps coupés de leurs racines juives et de l’idéologie sioniste, Jérusalem ne représente plus pour les Juifs ex-soviétiques un symbole aussi fort que dans les années soixante et soixante-dix, celles des Refuzniks. Au fil de ces années d’isolement, à la Jérusalem mythique s’est progressivement substituée la Tel Aviv moderne, archétype de la ville occidentale prospère... 5 En second lieu, au-delà de ces choix de résidence que nous qualifierons de prévisibles, le point le plus remarquable dans cette lecture de la répartition des Juifs d’ex-URSS en Israël est constitué par le district Sud. Fin 1998, comme le souligne la figure 1, ce district rassemble le plus fort contingent d’ex-Soviétiques avec 172 000 immigrants. L’évolution de la répartition du flux d’ex-URSS par district au fil des années 1990-1996, en regard de la population juive totale du pays, confirme l’idée d’un renforcement du « pouvoir d’attraction » du district Sud sur les ex-Soviétiques : si, en 1990, les immigrants y étaient sous-représentés par rapport à la population juive du district (-1,90 %), leur part était de 11 points supérieurs en 1998.

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6 Il s’agit d’un premier résultat fort intéressant car ce district, essentiellement désertique, a toujours constitué pour l’État, l’un des espaces prioritaires en termes de développement démographique. C’est également le cas avec le district Nord, même si le contingent d’ex-Soviétiques n’y est pas aussi élevé que dans celui du Sud (93 000 immigrants) ; il n’en demeure pas moins que cet apport de population constitue un atout géostratégique majeur dans la politique de maîtrise territoriale en Galilée.2 7 L’analyse de la géographie des ex-Soviétiques procure donc, à cette échelle, de premiers résultats qui soulignent l’impact de cette vague migratoire en Israël puisqu’en 1998 ces « nouveaux Israéliens » constituaient déjà près d’un quart de la population du district Sud (24,6 %) et près de 20 % des districts de Haïfa et du Nord. De plus, même si nous reviendrons par la suite sur ce point, soulignons dès maintenant que les ex-Soviétiques constituent près de 8 % de la population des Territoires occupés.3 8 En 1995, à l’échelle des sous-districts, l’analyse des données souligne nettement le pouvoir d’attraction des grandes conurbations d’Israël. Les sous-districts de Sharon, Petah Tiqwa et Rehovot4 en périphérie de Tel Aviv, font, en effet, jeu égal avec le district de Jérusalem en accueillant respectivement, 27 100, 31 600 et 33 400 ex- Soviétiques contre 28 600 pour ce dernier. Des espaces moins centraux comme le sous- district d’Ashqelon, dans le district Sud, ont également largement profité, en plus de l’attraction des villes d’Ashqelon et de Ashdod qui le structurent, de l’aire d’influence de Tel Aviv dans le choix de résidence des ex-Soviétiques. L’influence des grandes localités d’Israël sur la répartition spatiale des immigrants est également attestée par l’importance des ex-Soviétiques dans le sous-district d’Acre (Akko) où plus de 31 000 ont choisi de résider. Le bassin d’emplois constitué par la conurbation de Haïfa est ici l’une des premières motivations qui président à ce choix de résidence. 9 Comme nous le soulignerons plus en avant, dans le cas des sous-districts d’Ashqelon et d’Acre, l’impact démographique est, une fois encore considérable, car les ex- Soviétiques représentent plus d’un cinquième de la population totale (23,1 % et 20,3 %) 10 Nos premières hypothèses concernant l’attrait des centralités urbaines d’Israël dans les choix de résidence des ex-Soviétiques sont confirmées par la lecture de cette géographie à travers les types de localités privilégiées par les immigrants. Leur forte « culture urbaine » les a fait renoncer à toute installation dans les localités rurales, notamment dans les kibboutz. Au recensement de 1995, il ressort que seul 0,6 % d’entre-eux ont opté pour ce type de résidence (2,8 % dans l’ensemble de la population juive), pourtant pensé comme un espace d’accueil à part entière dans les premières heures de l’immigration. 11 Les ex-Soviétiques se démarquent également du reste de la population juive en « délaissant » – comme nous l’avions évoqué précédemment –, Jérusalem au profit de Haïfa mais aussi des villes de 50 000 à 100 000 et surtout de 20 000 à 50 000 habitants. Proportionnellement, la part des ex-Soviétiques est, respectivement, de 6,6 et 5,6 points supérieure à celle de la population totale dans ces deux types de localités. De tels choix préférentiels résultent de la perception du territoire chez les ex-Soviétiques qui, envisagée à la lumière de la politique d’intégration d’Israël, leur offrait une vision duale du pays : soit une résidence dans les cœurs urbains d’Israël à un prix élevé et des possibilités d’emplois optimales, soit une résidence en périphérie des centralités urbaines à un coût moindre mais au risque de l’inactivité.

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12 La géographie que nous décrivons ici à l’échelle de la répartition selon le type de localités soulève en partie cette question à laquelle nous répondrons dans nos travaux sur les logiques de migrants. Poursuivons notre lecture à l’échelle urbaine de l’immigration. 13 Les données fournies par le Ministère de l’immigration révèlent l’impact des choix de résidence sur la structure démographique des villes d’accueil. Le Tableau 1 et la présentent une sélection des villes qui ont été le plus concernées par la vague migratoire depuis 1989. Du fait de l’ampleur de l’immigration d’ex-URSS, ces localités présentent toutes une immigration composée au minimum à plus de 85 % d’ex- Soviétiques. Seules véritables exceptions : Jérusalem (61 %), comme nous le soulignions précédemment, et Bet Shemesh (75 %), cette dernière ayant connu une forte immigration éthiopienne. Pour ce qui est des autres localités, les proportions d’ex- Soviétiques confirment l’incroyable impact de cette migration pour Israël comme en témoigne l’exemple de Nazareth Illith où les 19 300 ex-Soviétiques qui ont choisi d’y résider représentaient 40 % de la population totale en 1997. 14 Dans des villes plus modestes comme Dimona, Ma’alot Tarshiha, Sderot, ou encore Or Aqiva où l’immigration a été composée à 99 % par des ex-Soviétiques (cf. Tableau 1 et Carte 1), le sentiment d’une véritable russification est indéniable. Il suffit d’arpenter les rues de ces cités pour percevoir la présence « russe ». L’ampleur de la vague migratoire est telle que des villes d’importance non négligeable comme Ashdod et Ashqelon (respectivement 128 400 et 84 200, fin 1995) possèdent des structures démographiques composées pour près d’un quart d’ex-Soviétiques. 15 Avant de conclure sur cette géographie urbaine des immigrants d’ex-URSS en Israël, soulignons que, a contrario, certaines localités n’ont presque pas été intéressées par cette immigration. Trois hypothèses peuvent être énoncées pour expliquer le manque d’intérêt des ex-Soviétiques pour ces localités : primo, pour les localités de la conurbation de Tel Aviv, l’absence de logements disponibles (coût trop élevé, pas d’opérations de constructions de logements publics, etc.) peut constituer une première explication ; secundo, certaines de ces localités sont véritablement excentrées, c’est le cas notamment de Bet Shean ; tertio, « l’essence sociale » de la localité ne permet pas l’installation de tous les ex-Soviétiques, c’est le cas de Bnei Braq, la ville des « hommes en noir ». Foyer orthodoxe par excellence, seule la frange traditionaliste des immigrants peut choisir de s’y installer (environ 1 % des migrants). 16 Plus globalement, la compréhension de la géographie des ex-Soviétiques réside dans la mise en évidence des logiques socio-économiques et des filières migratoires qui structurent le flux ce que nous allons tenter de faire dans notre essai de typologie des logiques socio-spatiales.

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Tableau 1 – Villes ayant reçu 5 000 immigrants et plus sur la période 1989-19975 et part des immigrants d’ex-URSS dans l’ensemble de la population immigrante (%)

Origines géographiques en ex-URSS et choix de résidence en Israël 17 Comme nous l’avait laissé pressentir l’analyse globale à l’échelle des districts toutes origines confondues, les districts de Tel Aviv et de Haïfa ont été les principaux lieux de résidence des immigrants d’ex-URSS. Ceux venus du Caucase et d’Asie Centrale, des États baltes, d’Ukraine et de Russie se sont dirigés en premier lieu vers le district de Tel Aviv, tandis que ceux venus de Moldavie et de Biélorussie lui ont préféré le district de Haïfa (cf. Tableau 2). En ce qui concerne les autres localisations préférentielles, les choix des ex-Soviétiques laissent apparaître une plus grande diversité. 18 En ce qui concerne le troisième district (ou sous-district) de résidence, l’attrait de Tel Aviv reste perceptible car quatre des groupes analysés ont opté soit pour le sous- district de Rehovot, qui inscrit dans ses limites la ville de Rishon Lezyyon, soit pour celui de Ramla, tous deux situés dans l’aire d’influence de Tel Aviv. 19 Quant aux immigrants venus d’Ukraine et de Russie, ils ont préféré, pour les premiers, une résidence plus septentrionale avec le district d’Ashqelon, et plus symbolique avec Jérusalem pour les derniers. On notera cependant que pour ces deux groupes de migrants le district de Rehovot constitue le cinquième choix et qu’ils ont en commun le même quatrième choix avec Beer Sheva. À cette échelle d’analyse, nos premières conclusions concernant le pouvoir d’attraction du district Sud sont confirmées par le fait que le sous-district de Beer Sheva est le quatrième et cinquième choix de résidence des immigrants venus d’Asie Centrale, du Caucase et de Moldavie.

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Carte 1 – Villes ayant reçu plus de 5 000 immigrants d’ex-URSS sur la période 1989-1997, et dont la part des immigrants dans la population totale est de 20 % ou plus, ou leur nombre supérieur à 30 000

Tableau 2 – Proportion d’ex-Soviétiques par district et sous-district selon l’origine géographique en ex-URSS (1990-1994)

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20 On notera une particularité dans ces choix de première résidence chez les immigrants venus de Biélorussie : ces derniers sont, en effet, les seuls à présenter dans leurs cinq premiers choix de résidence, un sous-district du nord du pays : Acre. 21 À la lecture des données ventilées par grands ensembles géographiques d’origine pour cette période, ces choix de résidence sont confirmés. La prééminence du district de Tel Aviv y est nettement perceptible et la répartition des immigrants dans les sous-districts qui lui sont adjacents met en évidence sa région métropolitaine. Les choix de première résidence des immigrants d’Asie Centrale et du Caucase est en cela éloquente. Ces Juifs d’ex-URSS rassemblent plus d’un tiers de leur groupe dans le district de Tel Aviv (36,9 %) et 22 % dans les sous-districts alentours (cf. Tableau 2). À une échelle numérique moindre, le cas des immigrants venus des États Baltes présente également une forte attraction pour la région de Tel Aviv avec un quart de sa population dans le district même, et près d’un tiers en périphérie dont 12,5 % dans le sous-district de Rehovot et 10 % dans celui de Petah Tiqwa. 22 Le recours à la retranscription des sur-représentations existantes dans les répartitions spatiales des groupes immigrés d’ex-URSS par rapport au comportement moyen de l’immigration totale d’ex-URSS a constitué un filtre de lecture révélateur des localisations préférentielles, même s’il ne s’agit que de valeurs relatives. Les résultats obtenus nous ont poussé à proposer trois grands types de choix résidentiels : le premier met en évidence la centralité de Tel Aviv dans les premiers choix de résidence ; le second souligne le comportement moyen des Juifs d’Ukraine et de Russie, et le dernier met en évidence des choix de localisations préférentielles en marge des autres groupes. Type 1 – La conurbation de Tel Aviv : un espace d’attraction majeur 23 Ce premier type représente les groupes migrants « captés » par la conurbation de Tel Aviv. En premier lieu, il s’agit ici des ex-Soviétiques venus d’Asie centrale et du Caucase. Les données soulignent nettement que ce groupe s’est choisi comme premier lieu de résidence Tel Aviv (+ 11,2 points par rapport à la moyenne) et le district de Ramla (+ 4,5 points). Le sentiment d’un fort regroupement de ces Juifs dans ces deux espaces est d’autant plus prégnant qu’ils ont délaissé le sous-district de Rehovot, pourtant fort concerné par l’immigration d’ex-URSS. En nombres absolus, ce dernier sous-district a regroupé 2 450 Juifs du Caucase et d’Asie Centrale de moins que celui de Ramla : 5 150 contre 7 500. 24 Dans ce même type et dans une moindre mesure, le cas des immigrants des États Baltes présente une localisation préférentielle dans la conurbation de Tel Aviv. Si, à la différence du groupe précédent, le district de Tel Aviv ne constitue pas une centralité résidentielle à part entière, les sous-districts de Rehovot et Petah Tiqwa ont largement rassemblé les Juifs des États Baltes. Fait remarquable, si l’on veut avancer vers l’idée de territoires migrants, le sous-district de Ramla semble, à l’inverse des Juifs du Caucase et d’Asie Centrale, totalement « ignoré » des Juifs baltes. Chez ces derniers, sept fois plus d’immigrants ont opté pour le sous-district de Petah Tiqwa que pour celui de Ramla (1 510 immigrants dans le premier sous-district contre 216 dans le second). 25 Toujours dans cette même logique d’installation dans la sphère d’influence de Tel Aviv, les Juifs de Moldavie sont un dernier sous-type qu’il nous faut signaler. Ils forment un autre sous-type où se dégage une sous-représentation dans le district même de Tel Aviv tout en conservant une sur-représentation dans la conurbation de Tel Aviv (+ 5,6 points). Ce dernier cas confirme donc l’attirance des immigrants pour cet espace

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central comme lieu de première résidence, attrait qu’il nous appartiendra de discuter en regard des mobilités internes, plus en avant. 26 Pour conclure sur ce premier type de choix de résidence, il convient de souligner cette prédominance à l’échelle de la conurbation de Tel Aviv. Les analyses effectuées ont confirmé que la seconde couronne de la conurbation rassemble un fort contingent d’ex- Soviétiques. Dans sa section est, cette localisation s’explique par la présence de la ville de Petah Tiqwa notamment, et dans la section sud, celle de Rishon Lezyyon, sous juridiction du sous-district de Rehovot, lieux principaux de résidences des immigrants. En sa partie septentrionale, les sections est et sud de la troisième couronne possèdent une relative présence immigrée car elles intègrent dans leurs limites une large part des sous-districts de Rehovot et de Ramla. Soulignons une fois encore, que le souci de trouver au plus vite une place dans le tissu économique israélien reste une motivation majeure à ces choix de résidence. Lors de nos entretiens avec les nouveaux immigrants, il est ressorti clairement qu’ils percevaient les limites de la conurbation de Tel Aviv comme celles des « frontières de l’emploi en Israël ». Type 2 – Juifs d’Ukraine et de Russie : une immigration globalement homogène... 27 À travers le prisme des sur-représentations spatiales, le profil des choix de résidence des groupes ukrainien et russe fait apparaître une dispersion que l’on peut qualifier d’homogène. En termes de poids moyen, l’ensemble des districts et sous-districts d’Israël sont également concernés par ces deux vagues migratoires dans leur ensemble. Notons que ces immigrants partagent dans une moindre mesure avec les Moldaves une sous-représentation dans le district de Tel Aviv. Chacun des deux groupes présente toutefois une particularité. La part relative des Ukrainiens dans le sous-district de Haïfa est de 3,5 points supérieure à la moyenne de l’immigration totale (20,4 % pour 16,6 %) et celle des Russes est de 2 points supérieurs dans celui d’Hadera. Soulignons que nos premières conclusions faisant des Juifs de Russie le seul véritable groupe attiré par le district de Jérusalem sont ici confirmées (+3,5 points). Type 3 – Les Juifs de Biélorussie : « un groupe à part » ? 28 Ce dernier groupe d’immigrants d’ex-URSS affiche des choix de résidence qui démontrent clairement des localisations en opposition totale avec notre premier type de comportement. Si les Juifs du Caucase et d’Asie centrale étaient largement sur- représentés dans le district de Tel Aviv, les Biélorusses sont eux véritablement sous- représentés avec 8 % de moins que la moyenne de l’immigration totale. 29 Hormis le sous-district d’Ashqelon, les centralités résidentielles des Biélorusses se caractérisent par une orientation essentiellement septentrionale. Les sous-districts du district Nord, Acre et Jezreel, profitent en effet d’une sur-représentation des Biélorusses, respectivement +3,5 et +3,2 points. Ce groupe est donc le seul à partager avec les Juifs de Moldavie une sur-représentation dans le sous-district de Jezreel et l’unique à posséder une « attirance relative » pour le sous-district d’Acre. 30 Comme l’a souligné dans ses travaux Gabriel Lipshitz, l’ensemble de ces choix de résidence doit être révisée à la lumière des mobilités internes, car les immigrants, « après avoir acquis une connaissance de la structure spatiale et économico-culturelle de leur nouveau pays », ont pu décider de nouvelles localisations [1998 :101]. Reconfigurations de la géographie des immigrants d’ex-URSS en Israël au regard des mobilités internes 31 Le dernier élément d’analyse de la géographie des ex-Soviétiques en Israël réside dans la lecture de leurs mobilités internes. Du fait de la politique d’intégration directe, les

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mobilités internes ont concerné très tôt la population immigrante. Sur l’ensemble des ex-Soviétiques entrés en 1990 et 1991, 75 000 (soit 22,5 % des immigrants), ont changé de résidence [Hasson, 1996 :173]. La direction de ces flux internes corrobore nos premiers résultats, car les balances migratoires sont positives pour les districts Nord et Sud du pays. Les travaux de Shlomo Hasson montrent en effet que, dès 1991, le district Sud affichait un solde migratoire de +6 000 immigrants et celui du Nord de +4 800 (cf. Tableau 3).

Tableau 3 – Mobilités internes des ex-Soviétiques entrés en Israël entre 1990 et 1991 en comparaison de la population israélienne, selon la région géographique

32 Les territoires occupés apparaissent également comme un des espaces privilégiés par les immigrants avec un solde migratoire de +1 400 ex-Soviétiques. Ces gains se sont réalisés aux dépens des districts de Haïfa (-6 000 immigrants) ainsi que de ceux du Centre et de Tel Aviv, la ville de Tel Aviv perdant, à elle seule, 2 600 immigrés d’ex- URSS. 33 Les comportements migratoires des ex-Soviétiques en regard de ceux de la population israélienne dans sa globalité montrent quelques particularités. Si leurs mobilités internes semblent en phase avec celles de la population totale, en ce qui concerne les régions de Jérusalem, de Haïfa, du Nord, de la ville de Tel Aviv et des Territoires occupés, elles sont totalement à l’opposé de celles enregistrées par la région Sud et la conurbation de Tel Aviv. Cette dernière connaît un solde migratoire de -2 300 chez les immigrants d’ex-URSS alors qu’il est positif pour le reste de la population (+2 100, cf. Tableau 3). Cette disparité peut s’expliquer par le fait que le départ des populations depuis Tel Aviv s’est fait au profit de sa conurbation pour la population non- immigrante, avec comme motivation l’accession à un cadre de vie meilleur, comme dans bien des cas dans le phénomène de péri-urbanisation, tandis que chez les ex- Soviétiques les départs ont été décidés sur la base de motivations économiques et professionnelles, une fois « la connaissance de la structure spatiale et économico- culturelle du pays acquise » comme nous le soulignions précédemment. 34 Le cas du district Sud présente également des disparités : le comportement migratoire des ex-Soviétiques est inverse à celui de la population totale. Alors que la population d’ex-URSS est visiblement attirée par ce district (+6 100), la population totale tend à le quitter (-400 personnes). Comme nous le montrerons plus en avant, cette tendance migratoire constitue un succès pour la politique de répartition de la population. 35 Selon Shlomo Hasson, 55,9 % des ex-Soviétiques restés dans le lieu de leur première résidence n’ont pas opté pour une autre localisation du fait de la présence de leurs

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familles ou de relations, et 48,5 % de ceux qui ont changé de lieu de résidence l’ont fait sur des motivations liées à l’emploi et au logement. Il rappelle également que les migrations internes qui se sont faites sur cette dernière motivation ont eu comme principale destination les régions périphériques du pays et celles qui se sont opérées au sein des espaces centraux du pays, l’ont été en regard des opportunités d’emplois [Hasson, 1996 :175-176]. Les données récentes du Bureau central des statistiques, soulignent globalement les grands traits de la mobilité interne des ex-Soviétiques : les districts Sud et Nord ainsi que les Territoires occupés présentent des taux de migrations positifs et montrent également que ce schéma de mobilités tend à évoluer (cf. Figure 2).

Figure 2 - Immigrants d'ex-URSS et population juive totale: migrations internes par district

36 Globalement, à l’échelle des districts, il se dégage deux principaux systèmes de mobilités chez l’ensemble des ex-Soviétiques. L’existence d’un système central est avérée par les migrations internes qui s’opèrent massivement du district de Tel Aviv vers celui du centre (26 % des mobilités enregistrés) et inversement (13 %). Depuis le district de Tel Aviv se développe aussi un flux migratoire conséquent en direction du district Sud (21,6 % des mobilités). Toujours dans ce système de mobilités, le district Central irrigue les districts septentrionaux avec un total de 20 % de l’ensemble des mobilités enregistrées depuis ce district. Parallèlement à ce premier système de mobilités internes, le nord du pays présente également une structure similaire, même si elle ne rassemble que 16 459 migrations internes contre 31 600 dans le précédent système. Le district de Haïfa voit majoritairement le départ de ses immigrants vers le district Nord, 19 % du flux total, et ce dernier connaît le départ de 23 % des ex- Soviétiques vers celui de Haïfa. Au sein des autres tendances de ce système, le district Sud apparaît encore comme un espace d’accueil privilégié : dans le cas du district de Haïfa, le Sud est la seconde destination des ex-Soviétiques après le district Nord, respectivement 1 136 et 1 859 immigrants. 37 À l’inverse, on soulignera que le district Sud présente un ensemble de migrations internes qui n’intéressent que faiblement les districts septentrionaux, la majorité des

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migrations internes étant capté par ceux de Tel Aviv (30 % du flux total). Notons que le district Sud partage avec celui de Haïfa, la même capacité de rétention des immigrants d’ex-URSS car près de la moitié des mobilités internes comptabilisées en 1995, l’ont été au sein même de ses limites administratives. À l’opposé, mentionnons la situation de Jérusalem qui ne compte que 15 % de mobilités internes à l’intérieur de son propre district. La cas de ce district est d’autant plus intéressant que parmi les deux premières localisations privilégiées par les ex-Soviétiques qui le quittent se trouvent les Territoires occupés avec 823 immigrants. 38 Cette singularité de Jérusalem s’explique vraisemblablement par l’attrait que peuvent constituer les implantations juives sises en proximité de la limite orientale (non reconnue) de la ville, comme l’implantation de Ma’ale Adoumim. Comme nous le soulignerons plus en avant, ce type de mobilités internes participe pour les ex- Soviétiques d’une logique économique et, pour l’État, sert les impératifs géostratégiques. 39 À l’échelle des localités, les trajectoires migratoires des ex-Soviétiques à l’intérieur d’Israël sont également perceptibles. Sur la période 1990-1995, les trois principales localités israéliennes affichent globalement des taux de mobilités internes négatifs, lesquels ont profité aux villes moyennes (50 000 à 99 000 habitants) et surtout à celles de moins de 20 000 habitants. En 1995, pour l’ensemble des ex-Soviétiques immigrés depuis 1990, ces dernières ont vu l’entrée de 12 728 d’entre eux pour le départ de 7 629, soit un solde migratoire de 5 099 et un taux de migrations internes de 62 ‰ (cf. Tableau 4).

Tableau 4 - Taux de migrations internes des immigrés d’ex-URSS en 1995 selon le type de localités et par année d’immigration en Israël (‰)

40 Ce tableau nous permet de rappeler que les ex-Soviétiques participent au renforcement du caractère urbain de la société israélienne. Pour 1995, les localités rurales présentent des taux de migrations internes négatifs pour l’ensemble des immigrés entrés depuis 1990. Le fait qu’une partie des immigrants ait été accueillie « provisoirement » dans les kibboutz peut expliquer ce mouvement du rural vers l’urbain. N’omettons pas de rappeler que la très grande majorité des ex-Soviétiques sont originaires des grandes localités de l’aire occidentale de l’ex-URSS et que leur « culture urbaine » fait qu’une localisation en milieu rural ne peut être que transitoire, une étape.

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41 Si l’on considère les données brutes de migrations internes, on notera que les villes de 100 000 à 200 000 habitants et celles de 20 000 à 50 000 sont les lieux où est comptabilisé le plus grand nombre de mobilités. En 1995 (toutes années d’immigration confondues), les premières ont enregistré 15 913 entrées pour 16 853 départs, et les dernières, 14 885 pour 11 673. Ces mêmes données nous permettent également de mentionner que les ex- Soviétiques qui ont quitté Jérusalem en 1995 se sont principalement réinstallés dans des localités de moins de 20 000 habitants, tandis que ceux de Haïfa ont privilégié les villes de 20 000 à 50 000 habitants, et ceux de Tel Aviv, celles de 100 000 à 200 000 habitants. 42 Ces données sur les mobilités internes selon le type de localités font également apparaître une dynamique en contradiction avec les logiques de déconcentration spatiale du pays. En effet, les migrations internes au départ des villes de 10 000 à 20 000 habitants s’orientent majoritairement vers les grandes localités (de 100 000 à 199 999 habitants), essentiellement localisées dans la conurbation de Tel Aviv, et cette dynamique est également le fait de mobilités enregistrées depuis les villes de plus de 50 000 habitants. 43 Pour conclure cette géographie, portons notre regard sur l’intensité des mobilités internes au fil des années d’immigration. Comme dans nombre de migrations, il s’avère que les mobilités internes décroissent sensiblement selon la durée de résidence en Israël. En 1995, la part relative des mobilités internes était de trois fois supérieure chez les ex-Soviétiques entrés en 1995 que chez ceux immigrés en 1990, respectivement 19,4 % et 6,5 % (cf. Tableau 5).

Tableau 5 - Mobilités internes et leur part relative dans l’immigration totale d’ex-URSS en 1995 par année d’immigration en Israël

44 Ces données attestent de la sédentarisation progressive des Juifs d’ex-URSS en Israël.

45 L’ensemble des résultats obtenus par l’analyse des données statistiques concernant la répartition spatiale des Juifs d’ex-URSS en Israël, nous amène, pour conclure cette géographie, à proposer une typologie des logiques d’inscription spatiale en regard des facteurs exogènes et endogènes qui l’ont dessinée. Typologie des pratiques de l’espace chez les immigrants d’ex-URSS 46 À l’aune des éléments statistiques avancés précédemment, tentons d’esquisser à grands traits les logiques qui ont guidé les choix résidentiels des Juifs d’ex-URSS afin de mieux saisir la relation dialectique qui s’est instaurée entre logiques d’État et logiques de groupes. 47 En observant la géographie de cette immigration, différents types de comportements spatiaux apparaissent dans les choix de résidence, notamment du fait de la diversité des communautés juives au sein de ce groupe migrant. Être Ashkénaze ou Oriental, Juif du Daghestan ou Juif de St-Pétersbourg par exemple, engendre des mobilités et des

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stratégies d'inscription spatiale différenciées, même si le moindre coût du logement semble être un élément déterminant de la répartition spatiale de l’ensemble des ex- Soviétiques en Israël. Malgré l’inévitable homogénéisation qu’implique l’élaboration d’une typologie, il semble possible, suite à nos résultats de terrain, de proposer quatre grands types de comportements spatiaux qui ont contribué à dessiner la géographie des immigrants d’ex-URSS en Israël. Des choix de résidence liés à la présence d'immigrants des années 70-80 48 Indéniablement, les immigrants d'origine soviétique arrivés dans les années soixante- dix - quatre-vingt ont joué un rôle majeur dans les choix d’insertion spatiale des nouveaux immigrants. Suite à notre travail de terrain, la ville de Karmiel, située au cœur de la vallée de Bet Kerem séparant la basse de la haute Galilée, s’est révélée comme un exemple type des choix de localisation induits par la présence de « Refuzniks » (cf. Carte 1). 49 Au cours des années soixante-dix, la ville nouvelle de Karmiel s'est développée avec l'arrivée des Juifs soviétiques, notamment ceux originaires de Bakou (Azerbaïdjan). Plus de 1 600 familles soviétiques avaient choisi de s’y installer au cours des deux décennies précédentes [Eldar, 1992 :274]. Lors des événements de la fin 1989, un groupe constitué de ces familles s'est structuré et s'est mobilisé pour préparer l'éventuelle libéralisation de l'émigration en URSS. Des messages d’appel à l’émigration vers Karmiel ont été envoyés en URSS -via la station de radio Kol Israel, captée sur le territoire soviétique-, et le sérieux de l'équipe d'accueil sur place a fait le reste. Les émigrants ont pris connaissance de l'existence de Karmiel et la ville a vu immigrer plus de 7 600 ex- Soviétiques au plus fort de la vague migratoire entre 1990 et 1993. La population originaire d’ex-URSS immigrée depuis 1990, représentait, fin 1995, près d’un tiers des 35 000 résidents de Karmiel. 50 Dans le cadre du programme « Adoption », lancé à l’initiative de la municipalité, chacune des 310 familles arrivées entre 1990 et 1992 a été prise en charge par une famille de Karmiel afin de réduire au minimum les difficultés d’intégration liées à l’isolement et à la non connaissance des structures administratives locales [Eldar, 1992 : 277]. Le succès de ce groupe d'accueil, relayé par les nouveaux immigrants eux-mêmes, a été tel que le maire de la ville projeta de se rendre à l'aéroport afin de demander aux immigrants de ne plus venir à Karmiel. Par un mouvement de « feed-back », accompagné par la mise à disposition de logements publics à Nazareth Illith, cette chaîne migratoire s'est désactivée et réorientée, en partie, vers cette ville située à quelques kilomètres au sud. 51 Comme Karmiel, les villes de Beer Sheva et Haïfa ont vu l’arrivée de Juifs de Bakou du fait de la présence d’immigrés des années soixante-dix. Lors de nos entretiens avec les ex-Soviétiques, nous avons pu constater que ces logiques d’installation laissaient transparaître les différents groupes juifs d’ex-URSS qui composent cette immigration. Ainsi, les Juifs de Bakou d’origine caucasique, attirés par leurs prédécesseurs, se sont installés majoritairement à Migdal Ha’emeq (près de Nazareth Illith), Lod et Ashdod. Par ces choix, se dessinent les premiers éléments d’un regroupement communautaire des ex-Soviétiques comme nous le verrons plus en avant. 52 Parallèlement à cet exemple de comportements sur la base de réseaux de solidarité, il s'est avéré que la pratique de l’espace chez les immigrants ex-soviétiques a été, très logiquement, influencée par la recherche d'espaces résidentiels à moindre coût. Une géographie de l’immigration dictée par le coût du logement

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53 Les vagues migratoires massives de 1990 et 1991 ayant généré une crise du logement (insuffisance des espaces d’accueil et flambée des prix notamment, les immigrants ont été contraints de chercher des lieux de résidence à moindre coût. La forte présence de nouveaux immigrants dans des villes comme Petah Tiqwa, en banlieue de Tel Aviv, ou bien encore Kyriat Yam, à proximité de Haïfa, en sont de parfaites illustrations. Malgré le fait qu’une large part de ces Juifs soit issue des grands centres urbains d’ex-URSS, la majorité d’entre-eux réside donc dans des espaces périphériques où le coût du logement est moins élevé que dans les centralités urbaines du pays. 54 Devant les coûts prohibitifs du logement, les aires d’installation des immigrants ont diffusé vers les périphéries de Tel Aviv et de Haïfa. Si l’on observe les vingt premières villes d’accueil de l’immigration (sur les 5 premières années de l’aliya), il se dégage que les principales localités d’installation se distribuent autour des deux grands centres économiques du pays. Au sein de la conurbation de Tel Aviv, Bat Yam, Holon, Petah Tiqwa, Ramla et Rishon Lezyyon ont accueilli un large contingent d’ex-Soviétiques, ainsi que Acre et Kyriat Yam pour la région de Haïfa. En marge de ces villes, tout un ensemble de localités appartenant à la sphère économique de Tel Aviv ou de Haïfa ont également participé à l’intégration des immigrants mais ont, très rapidement, atteint leur capacité d’accueil maximale. Ce fut le cas notamment de Herzlia ou de Raanana qui ont perdu respectivement 9 et 14 places dans le classement des villes d’accueil ou encore celui de Kyriat Bialik avec une perte de 7 places. Ces saturations des premiers espaces d’accueil, faute de logements et/ou d’opportunités d’emploi, ont redessiné, par migrations internes, une nouvelle répartition spatiale de l’immigration où s’est profilée une seconde couronne d’immigration, un peu plus en marge des centres économiques du pays. Dans l’aire d’influence de Tel Aviv, des villes comme Lod ont ainsi pu maintenir leur rôle de ville d’accueil tandis qu’un ensemble de villes intermédiaires ont vu leur rôle être démultiplié. Deux types de villes se dégagent dans ce dernier cas. 55 En premier lieu, il s’agit de villes qui sont à la croisée de différents bassins d’emploi d’Israël. Le cas de Kyriat Gat est en cela représentatif : en multipliant son contingent d’immigrés par deux et demi entre 1992 et 1995, cette localité est passée de la vingtième à la quatorzième place des villes d’accueil. 56 Dans la partie septentrionale d’Israël, la ville la plus représentative de cette dynamique est Or Aqiva. Petite localité sise à proximité de Césarée, au cœur des bassins d’emploi de Haïfa et de Netanya, elle a largement profité de la réorganisation des espaces d’accueil de l’immigration avec un gain de quatorze places. Soulignons qu’étrangement la ville de Pardes Hanna, située dans cette même aire économique, n’a pas été intéressée par ce mouvement de redéfinition des espaces d’accueil. La thèse de l’établissement de filières migratoires centrées exclusivement sur quelques villes peut expliquer ces particularités comme nous le verrons ultérieurement. 57 Parallèlement à ce premier type de dynamique, une nouvelle géographie des foyers d’accueil s’est dessinée sous l’impulsion de la politique d’habitat de l’État. En construisant de nombreux logements à faible coût dans les régions périphériques du pays, de nombreuses villes de Galilée et du Néguev ont attiré vers elles de plus en plus d’immigrants. Des villes comme Ma’alot Tarshiha, dans l’aire d’influence de Karmiel pour la Galilée, ou Arad et Ofaqim, sous la dépendance de celle de Be’er Sheva sont en cela exemplaires. 58 Une autre ville mérite d’être mentionnée dans cette dynamique, il s’agit de la colonie d’Ariel située au cœur de la Cisjordanie. À partir de 1993, cette dernière a vu sa

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population ex-soviétique croître rapidement pour atteindre 3 300 personnes en 1995 et 6 054 fin 2000 (cf. infra). Comme nous le développerons plus en avant, le « succès » de colonies comme Ariel s’inscrit dans la relation synchrone qui s’est établie entre logique d’État et logique de migrants. 59 L’ensemble de ces logiques d’installation vient donc corroborer nos premiers résultats concernant les mobilités internes. Progressivement, sous le coup des difficultés économiques et du fait d’une politique de répartition du logement en marge des grandes unités urbaines du pays, les immigrants se sont en partie redistribués dans les espaces périphériques d’Israël, au sein des petites et moyennes villes des districts Nord et Sud. Favoriser une telle dynamique de répartition de la population immigrante n’a pas été sans contrecoups. 60 Certaines de ces villes de petite et moyenne taille n’étaient pas préparées à de telles immigrations d’autant plus qu’elles étaient confrontées à de sérieux problèmes socio- économiques (budget municipal déficitaire, taux de chômage élevé)6. La ville de Kyriat Gat, créée comme ville relais à la limite nord du Néguev (région du Lakhish), a été confrontée à de sérieux problèmes de développement urbain et industriel. L’afflux d’ex- Soviétiques a eu pour conséquences de déstabiliser la gestion municipale, car la ville n’était pas en mesure de répondre aux besoins en infrastructures nécessitées par l’immigration. Ainsi, comme l’a montré Colette Aymard, « la municipalité est confrontée à un double problème : apporter des services à une population à faible revenu et maintenir dans la ville le noyau de population à ressources fortes » ; cette situation a conduit la municipalité à recourir à « une politique d’accueil sélectif des immigrants en favorisant une main-d’œuvre qualifiée » tout en gérant les contre-effets de la politique de « l’État (qui) continue à développer son parc de logement social » dans cette ville [1998 :36]. L’analyse fournie par Collette Aymard met en évidence l’extrême difficulté que constitue la gestion de la répartition spatiale de l’immigration. Trois logiques, celle de l’État, celle des responsables locaux et celle des immigrants, s’exercent et interagissent sur de mêmes espaces. Les faiblesses économiques de ces espaces d’accueil font rapidement de ces localités des villes dortoirs. Soulignons néanmoins que malgré ces difficultés, ces villes participent à l’effort d’accueil de l’immigration alors que les villes sises aux limites nord du pays ont, du fait de leur excentration géographique et de leur manque de capacités économiques, été « exclues » de la géographie des lieux d’immigration, comme Kyriat Shemona. 61 En termes de croissance de population, l’arrivée massive d’immigrants d’ex-URSS dans les villes de petite taille a progressivement créé de véritables « espaces-ghettos ». Les nouveaux quartiers de ces villes ont accueilli presque exclusivement des ex- Soviétiques. Sur la période 1992-1995, les villes périphériques ont vu, sous l’effet des mobilités internes, la part des ex-Soviétiques dans leur population totale croître de 10 à 20 %. Pour exemple, la ville d’Or Aqiva présentait une proportion de Juifs d’ex-URSS supérieure à 40 % en 1995 alors que celle-ci n’était que de 22,5 % en 1992. 62 Le cas de Ma’alot Tarshiha est également exemplaire. Cette ville a profité d’une redistribution des espaces d’accueil induits par « l’inaccessibilité économique » de la région de Haïfa mais aussi des premières diffusions de l’aire d’immigration créée autour de Karmiel en Galilée. En 1995, cette localité affichait le chiffre record de 46,7 % d’ex-Soviétiques dans sa population juive totale. 63 Les familles immigrantes ne perçoivent pas forcément ces localisations comme des espaces d’exclusion car, comme ils l’affirment, ils y côtoient nombre de leurs

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compatriotes. Ces logiques d'implantation montrent combien est ténue la limite entre les mobilités reposant sur des logiques de regroupements communautaires et celles motivées par des préoccupations économiques. Néanmoins, le choix de résider dans une ville comme Arad, dans le désert du Néguev, ou dans une implantation juive de Cisjordanie comme Ariel, se fait en premier lieu sur une base économique. Le coût d'achat d'un logement à Arad est d'environ 70 000$ et descend même jusqu’à 35 000$ pour une maison préfabriquée du nouveau quartier de Gevim, soit de 3 à 6 fois moins cher qu'à Tel Aviv. Les prix sont tout autant attractifs dans la colonie d’Ariel qui, comme le soulignent les immigrants, malgré une localisation en plein centre de la Cisjordanie n'est finalement située qu'à 40 minutes de Tel-Aviv. La « tentation » d’un repli communautaire7 64 Comme nous venons de l’évoquer dans le type de comportement précédent, le choix de localisation sur la base de motifs économiques s’est logiquement doublé de comportements spatiaux établis sur la base d’un regroupement communautaire. Les réseaux sociaux des ex-Soviétiques installés dans les espaces économiquement abordables ont généré l’établissement de filières migratoires qui n’ont fait que renforcer le caractère communautaire de certaines localités, de certains quartiers.

65 Les données concernant les villes d’origine des Juifs d’ex-URSS entrés en Israël sur la période 1990-1993, mettent en évidence les tendances au regroupement communautaire de cette population immigrante. 66 En premier lieu, l’étude des principales villes d’origine en ex-URSS démontre une nette tendance des immigrants venus des grandes villes de Russie comme Moscou et St- Pétersbourg à se regrouper à Jérusalem. Si l’on considère les six premières villes d’accueil, Jérusalem, avec plus de 5 000 Juifs moscovites, soit un tiers des immigrants, apparaît comme le pôle d’attraction majeur des immigrants venus de Moscou (cf. Tableau 6). À cette spécificité russe, se juxtapose celle des Ukrainiens qui très nettement privilégient la ville de Haïfa (32 % du flux). A l’intérieur même du groupe ukrainien, il ressort que les Juifs de Kharkov sont ceux qui privilégient le plus Haïfa. Sur les 4 885 immigrants enregistrés entre 1990 et 1993, 2 089 (42 %) ont choisi la capitale du Nord, loin devant Jérusalem avec seulement 640 immigrants. Après différents entretiens réalisés afin de comprendre cette attirance de Haïfa chez les Juifs d’Ukraine, il s’est avéré que l’explication tenait, en partie, dans le site même de Haïfa. « Tout naturellement », les Odessites nous ont dit que le site leur rappelait celui d’Odessa et que pour cette raison nombre d’entre eux ont choisi de s’y installer. De la même manière, les Juifs de St-Pétersbourg nous ont indiqué que le site de Karmiel avait influencé leur choix de résidence. Les facteurs affectifs et environnementaux ont constitué, dans bien des cas, les premiers éléments qui ont impulsé les regroupements communautaires. 67 Les Juifs de l’aire occidentale de l’ex-URSS nous ont très souvent confié qu’ils avaient privilégié et incité leurs familles et relations à s’établir dans le Nord car le climat y est beaucoup plus supportable pour des populations peu habituées aux climats méditerranéens et semi-arides. 68 Autre groupe juif qui tend à se rassembler à Haïfa, les Biélorusses : près d’un quart des immigrants venus de Minsk ont choisi de s’y installer. On notera également que ces derniers, comme nous l’avons souligné dans l’analyse de la répartition par district, sont les seuls à privilégier parmi leurs six premiers lieux d’établissement la ville de Nazareth Illith. Dans ce cas transparaît l’influence de l’État qui, par un effort de mise à

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disposition de logements publics dans cette ville8, a su capter la population immigrante et développer cette ville sur la base des filières migratoires établies au sein du flux migratoire. 69 Si l’on observe le cas des Juifs venus des républiques du Caucase et d’Asie Centrale, le regroupement communautaire apparaît de manière flagrante. Les Juifs de Tbilissi montrent une forte propension au rassemblement dans les villes de Bat Yam et de Holon, situées dans la conurbation de Tel Aviv. Ce groupe juif, issu d’une capitale d’ex- URSS, est, en effet, le seul à avoir choisi ces deux villes comme principaux lieux de résidence et ceci très nettement car plus de la moitié des Géorgiens y réside. Soulignons néanmoins qu’à l’échelle des quartiers, aucune réelle concentration des Juifs d’ex-URSS n’est discernable. Seuls les quartiers Nord de Bat Yam présentent une légère sur- représentation d’immigrants, les indices de concentration s’élevant à 1,39. 70 Parmi les Juifs immigrés des grandes villes d’ex-URSS, le cas de ceux venus de Tashkent et de Dushanbe est parmi les plus remarquables. L’essentiel ,de ces immigrants s’est regroupé à Tel Aviv. Comme le souligne Tableau 6, 3 807 Juifs de Tashkent et 2 455 de Dushanbe l’ont choisi comme première résidence. Ce fort regroupement s’explique par le fait que ces migrants ont été attirés par les quartiers sud de Tel Aviv. 71 Deux éléments permettent de comprendre cette attirance : premièrement, ces quartiers ont été le lieu d’implantation des Juifs d’Asie Centrale arrivés au début du siècle, notamment le quartier de Shapira ; deuxièmement, ces quartiers sont des espaces mixtes où se juxtaposent des friches industrielles et un habitat vieillissant, ce qui fait de cet espace une zone de logements à faible coût. Le développement d’une filière migratoire issue d’Asie Centrale vers les quartiers sud a rapidement contribué à faire de ces lieux une zone de regroupement communautaire. Comme l’ont montré les travaux de Gila Menahem [1996 :157-158], la forte cohésion sociale existante au sein de ce groupe asiatique a contribué à repousser les immigrants non-orientaux des quartiers méridionaux, créant ainsi une véritable enclave « asiatique » au sud de la ville.

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Tableau 6 – Les six principales villes de première résidence des Juifs ex-soviétiques en Israël selon les plus importantes villes d’origine des quinze ex-républiques d’URSS (immigrants arrivés en Israël entre le 01/01/90 et le 31/12/93

72 L’analyse des localisations privilégiées par les Juifs d’ex-URSS originaires des localités secondaires d’ex-URSS souligne également d’intéressants regroupements communautaires. Les données pour les villes d’origine d’importance moyenne révèlent que : • - près d’un tiers de la communauté juive de Derbent (Daghestan) s'est dirigée vers Hadera (1 250 personnes), soit loin devant la seconde ville d'accueil, Beer Sheva (600 personnes), et ceci malgré la politique gouvernementale d'incitation à l'installation dans les localités du sud du pays. Les nouveaux immigrants provenant de Derbent composent d'ailleurs près d'un tiers de la communauté russe d’Hadera (les communautés de Moscou et de Leningrad n'en composant que 15 %) ; • - au sein de la communauté biélorusse, près de six fois plus de migrants de Gomel que de Minsk se sont orientés vers Nahariah, ville moyenne située à la frontière septentrionale de l'aire métropolitaine de Haïfa (respectivement 600 et 100 personnes) ; • - la ville d'Or Yehuda regroupe plus de 880 Juifs originaires de Samarkand. Ainsi, Or Yehuda et Tel Aviv, où 1 450 membres de cette communauté sont installés, rassemblent à elles-seules plus des deux tiers de la communauté juive de Samarkand immigrée en Israël.

73 Au cours des entretiens que nous avons réalisés auprès des nouveaux entrepreneurs d'ex-URSS en Israël10, nous avons interrogé ces derniers sur leur perception de la pratique de l’espace israélien au sein de leur groupe migrant. Nous avons été surpris lorsque, dans leur très grande majorité, les interviewés ont affirmé que pour eux des comportements socio-spatiaux, comme ceux que nous venons de décrire, n'étaient pas si prégnants. Cette non perception de logiques sur la base de regroupements communautaires nous renforce dans l’idée que nos travaux futurs devront s’efforcer d’appréhender la question de la représentation de l’espace dans cette immigration. De

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plus, de tels résultats nous conduisent à rappeler que cette immigration, de par son amplitude, fait de l’immigration des Juifs d’ex-URSS une réalité que nul espace d’Israël ne peut ignorer. Nous conclurons ces illustrations de comportements spatiaux avec un groupe qui, lui, a conscience de sa stratégie territoriale: les « intellygentis ». Résidence et statut social: le cas de l'intelligentsia 74 Il s'agit d'une pratique de l’espace qu'il nous faut souligner même si elle ne concerne qu'un groupe restreint de migrants. Les « intellygentis »11 – nom que se donnent les intellectuels juifs soviétiques –, essentiellement originaires de Moscou, St-Pétersbourg et Kiev, ont très nettement choisi de résider uniquement dans l’une des centralités urbaines d’Israël (cf. citation). Qu'est-ce que c'est que l'intelligentsia selon Dina Rubina ?* « Ce concept est intraduisible. Il n’a pas le même sens en français. L'intelligentsia, c'est une mentalité très spéciale. C'est la capacité à vivre des choses et des notions que l'homme normal ne peut pas et ne doit pas vivre. La personne normale les consomme. Et nous, nous vivons de cela ; c'est-à-dire que nous vivons de la littérature, des arts, non pas parce que nous gagnons notre vie avec cela, mais parce que notre vie en est remplie. Pour moi, la meilleure partie de l'intelligentsia russe, c'étaient ces « barbus », ingénieurs et autres, qui, tous les samedis, allaient camper et qui, autour du feu, chantaient leurs chansons (lyriques, philosophiques, etc.). Ils vivaient de cela, leur vie en était remplie. Ils vivaient de notions qu'il est impossible de saisir. Prenons un exemple : Yoské, bien qu'il soit belge, pourrait être un personnage de l'intelligentsia. Il vient et dit : il faut que nous allions à Haïfa voir le musée de Mané Katz. Lui, dont le découvert en banque s'élève à 3 000 shekels, invite tout le monde, remplit sa voiture et nous emmène tous à Haïfa voir Mané Katz. Puis il reste chez nous jusqu'à une heure avancée de la nuit pour discuter de tous les détails de l'œuvre de Mané Katz. C'est difficile à expliquer. Source : D. Storper Perez, 1998, L’intelligentsia russe en Israël. Rassurante étrangeté, Paris : CNRS Editions (CRFJ, Hommes et Sociétés). *: Dina Rubina est une célèbre écrivain russe dont deux de ses ouvrages ont été traduits en français chez Actes Sud. 75 Cette tendance est perceptible dans l’analyse statistique : près des deux tiers de la communauté russe de Jérusalem sont composés de migrants de Moscou et de St- Pétersbourg alors qu'ils ne constituent que 40 % du flux global en provenance de Russie. Cette prédilection s'explique, en partie, par l'attrait de cette ville mythique sur ces migrants issus des deux grandes agglomérations russes, et principalement sur l'intelligentsia. Au fil des rencontres réalisées au sein de ce milieu, il est apparu clairement que ce groupe se caractérisait par sa très forte concentration au sein de Jérusalem12 et de Tel Aviv. La lecture de la répartition spatiale des immigrants selon leurs professions antérieures laisse deviner cette attirance pour ces deux villes, la région nord ainsi que celle du sud n’ayant été que faiblement concernées par l’immigration des écrivains et autres artistes.

76 L'attrait que constituent les deux métropoles israéliennes – « espaces de production et de diffusion de culture » – est indéniable. Les artistes13 que nous avons rencontrés, nous ont, pour nombre d'entre eux, confié que, dans leur projet migratoire, il leur était inconcevable d'émigrer vers une autre ville que Jérusalem. La Knesset – le parlement israélien – a d'ailleurs accueilli sous son toit une importante exposition d’artistes ex- soviétiques récemment immigrés. Au-delà de cette manifestation officielle, notons que

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leur très grand nombre fait, aujourd’hui, de Jérusalem un gigantesque espace d'exposition de cet Art venu de l'Est. Les restaurants et autres lieux de convivialité « russe » sont devenus des lieux majeurs d'expression artistique où se tiennent de nombreux et variés clubs de littérature ou de philosophie russes. Au cours de ces dernières années, Jérusalem a vu l’éclosion de « clubs culturels » où les intellygentis se sont regroupés selon leur république d’origine. Sur Yafo street, un immeuble accueille le centre culturel pour les Juifs soviétiques où différents landmanschaft se sont constitués, comme ceux de Moscou et de St-Pétersbourg, et où l’ensemble des différents groupes juifs d’ex-URSS se rencontrent dans un lieu central pour ces intellygentis, la bibliothèque russe du Forum sioniste14. Dans ces lieux, les intellygentis discutent de leur nouvel espace de vie et se remémorent les réunions d’autrefois en ex-URSS. Immigration et géostratégie : une synthèse « réussie » ? 77 Après avoir défini l’ensemble des logiques qui ont contribué à dessiner la géographie de l’immigration et donc celle de la répartition de la population en Israël, il nous appartient de confronter ces logiques de migrants avec celles de l’État d’Israël, de ses gouvernants. Poser cette question, soulève en effet la dimension démographique sous- jacente au conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens15. 78 Depuis plus d’une vingtaine d’années, la question démographique a pris une place de plus en plus centrale dans le conflit israélo-palestinien, soulignée notamment par l’occurrence dans le milieu scientifique d’expressions comme : « guerre des berceaux », « bombe démographique » ou encore « bataille de chiffres ». Ainsi, au moment fort qu’est la première Intifada16, l’idée-force qui fait de la démographie « la plus imparable des armes palestiniennes » interpelle vivement les gouvernants israéliens. Le rapport de force où est traditionnellement opposé au dynamisme naturel de la population palestinienne le renfort démographique constitué par la diaspora juive, tend en effet à s’incliner en faveur des Palestiniens : la courbe de l’immigration juive se maintenant globalement à un faible niveau ponctué de quelques artefacts migratoires et le solde migratoire annuel étant même par deux fois négatif sur cette période. 79 En ouvrant la voie à l’émigration juive d’ex-URSS, l’effondrement du bloc soviétique a apporté un net renouveau migratoire à Israël et fait glisser la crainte d’une modification des rapports de force dans le « camp » palestinien car jusqu’à cet événement, les capacités israéliennes de colonisation des territoires occupés s’étaient progressivement réduites aux seules migrations « internes ».17 Les événements de 1989 ont donc pu être interprétés comme une « arme stratégique » lorsque Ytshak Shamir déclare qu’une « grande immigration [nécessitait] un Grand Israël »18 et leurs répercussions migratoires ont donc été suivis avec le plus grand intérêt par Yasser Arafat et les leaders palestiniens ; Abu Mazen19 allant même jusqu’à déclarer : « Pour comprendre le danger que représente l’immigration, nous devons nous rappeler que lorsqu’Israël conquit 78 % de la Palestine, il ne comptait que 600 000 résidents. C’est alors que l’immigration se mit en marche d’Irak, du Yémen, d’Egypte et du Maroc pour combler le déficit. Je suis sûr que, si les effectifs étaient restés ceux du passé, Israël n’aurait pas survécu. Pour Israël, l’immigration est comme une artère reliée au cœur d’un homme : elle nourrit l’économie, la troupe, la main-d’œuvre et la paysannerie. C’est pourquoi nous considérons qu’elle représente le principal défi que la nation arabe ait à affronter. » [Fargues, 1995 :73].

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80 Ainsi alors que les tensions meurtrières redoublent d’intensité, il convient de donner dans cette contribution un bref aperçu du rôle qu’a joué l’immigration ex-soviétique dans l’arrière plan démographique du conflit israélo-palestinien. L’immigration d’ex-URSS, un acteur secondaire dans la géopolitique de Jérusalem ? 81 La vague migratoire d’ex-URSS n’a que moyennement concerné le district de Jérusalem et par conséquent, la ville en elle-même. À l’échelle de la ville « réunifiée », 24 700 immigrants d’ex-URSS étaient enregistrés à Jérusalem en 1995, ce qui ne représentait que 5,8 % de la population juive totale de la ville et aujourd’hui cette proportion s’établit à un niveau encore inférieur, environ 4,5 % (soit un effectif ex-soviétique de 31 850). Cependant dans le contexte de perte de population dans lequel se tient Jérusalem depuis le début des années quatre-vingt, l’arrivée des ex-Soviétiques a permis d’atténuer le solde migratoire déficitaire de la ville (-6 000 en 199620). Sur la période 1989-1995, le gain brut de population juive a été de 59 400 personnes, avec une part relative de l’immigration d’ex-URSS à hauteur de 41,5 % dans cette croissance. Le soutien apporté par l’immigration est en cela non négligeable même si la croissance brute de la population juive de la Jérusalem « réunifiée » n‘a pas été très supérieure à celle enregistrée sur la période 1983-1989, au cours de laquelle aucune vague migratoire importante n’avait intéressé Israël (+4 200 personnes – cf. Tableau 7). Depuis, la tendance est restée la même avec une croissance inférieure à 20 000 sur la période récente de l’immigration (1995-1998). Ces résultats confirment l’idée d’un amenuisement des capacités de Jérusalem à retenir sa population [DellaPergola, 1999 ; Rivière-Tencer, 2000].

Tableau 7 - Populations juive et arabe de Jérusalem (1983-1998)

82 À cette échelle d’analyse, il convient donc de conclure que l’immigration d’ex-URSS n’a pas profondément modifié la dynamique de croissance de la ville. La part de la population arabe ne cesse en effet de croître depuis la conquête de la partie orientale en 1967. À cette date, la part de la population arabe dans la population totale de Jérusalem était de 25 %, en 1989 de 28 %, de 30 % en 1995 et elle représenterait aujourd’hui 32 %.21 À l’inverse, si l’on analyse la croissance démographique dans sa dimension géostratégique, nous pouvons conclure que l’immigration a favorisé la réalisation des « objectifs israéliens », à savoir l’établissement d’une majorité juive dans la partie orientale de la ville. En 1993, les données publiées ont révélé le basculement de la majorité démographique en faveur de la population juive et ce changement a reposé, pour une large part, sur l’immigration d’ex-URSS. Fin 1995, les nouveaux quartiers juifs de Jérusalem-Est avait en effet accueilli plus de 10 500 ex-Soviétiques, soit près de 45 % des immigrants « russes » de la ville. 83 Au sud de la partie orientale de la ville, les quartiers de Gilo et de Talpiyot Est ont été les principaux lieux d’installation des immigrants tandis qu’au Nord, les quartiers de Ramot Alon (nord) mais surtout ceux de Pisgat Zeev et Neve Ya’acov ont rassemblé près de 7 000 ex-Soviétiques.

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84 Cependant, le tassement de la croissance brute de la population juive et la consolidation des filières migratoires ex-soviétiques vers les villes de Haïfa, Ashdod, Be’er Sheva et même Bat Yam, n’ont pas permis à la population juive de conserver la majorité acquise sur les quartiers Est de la ville. Selon de récentes données diffusées par Peace Now, l’équilibre s’établirait aujourd’hui à 181 000 pour la population arabe et 156 662 pour la population juive. 85 Une telle dynamique n’a fait qu’affaiblir les « prétentions démographiques » visant à l’établissement d’une « majorité juive à l’échelle du Grand Jérusalem » même si les colonies de Cisjordanie ont connu un essor de population non négligeable avec cette vague migratoire. Une participation non négligeable et fortement circonscrite à l’essor démographique des colonies de Cisjordanie 86 À la lecture des données récentes, il ressort nettement que les ex-Soviétiques ont choisi de s’implanter majoritairement en Cisjordanie, cet espace regroupant la quasi-totalité des 15 350 immigrants installés au-delà de la ligne verte. Sur les 9 colonies urbaines qui regroupent approximativement la moitié des colons israéliens, cinq constituent les principaux lieux d’établissement des ex-Soviétiques (cf. Figure 3). Ces choix témoignent d’une représentation de la géographie des colonies teintée d’« utilitarisme ». La proximité des bassins d’emplois de Tel Aviv (pour Karne Shomeron et Ariel) et de Jérusalem (pour Givat Zeev et Ma’ale Adoumim) semble en effet expliquer ces localisations. Nos propres enquêtes réalisées à Ariel avaient souligné cette dimension. Pour exemple, un jeune immigrant venu de Gomel, installé comme chauffeur de taxi, nous avait souligné qu’Ariel apparaissait aux yeux des ex-Soviétiques comme une « cité dortoir de qualité » à moins de 30 min. de la banlieue de Tel Aviv et que la dimension idéologique n’était que mineure dans leur choix d’installation.22 Même si, indéniablement, les immigrants ont conscience des répercussions politiques de leur installation au-delà de la ligne verte, leur représentation de l'espace est avant tout tournée vers la quête d’un lieu où est optimisé au maximum le rapport qualité de vie/ intégration socioprofessionnelle.

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Figure 3 – Immigration totale et immigration d’ex-URSS dans les principales colonies urbaines de Cisjordanie, selon le type de colonies (période du 1.01.1989-30.09.2000)

87 L’existence d’une réelle motivation idéologique semble en effet peu prégnante dans les choix d’installation car une large part de l’effectif ex-soviétique se répartit dans des colonies non religieuses, principalement à Ariel et à Ma’ale Adoumim, véritables cités- dortoirs de Tel Aviv et Jérusalem (cf. Figure 3). Parmi les implantations « religieuses », seule Kyriat Arba, à proximité d’Hébron, a accueilli une communauté ex-soviétique conséquente (environ 1 000 immigrants soit près de 19 % de la population totale de la colonie). Les autres colonies ayant reçu un nombre d’immigrants constituant plus d’un cinquième de la population totale sont Teqoa (21,3 %), Noqedim (22,4 %), Barqan (21,7 %) et Yitav (35,5 %). Pour les trois premières, leur localisation laisse supposer des motivations similaires à celle décrite pour Ariel et Ma’ale Adoumim, seule la dernière, située dans la vallée du Jourdain soulève l’interrogation. L’histoire de cette colonie apporte vraisemblablement la réponse puisque cette colonie a été créée par des immigrants soviétiques venus avec la vague des années soixante-dix ; le choix d’y résider s’appuie donc, selon toute vraisemblance, sur un réseau migratoire à base familiale.23 De plus, l’observation de la répartition de la quarantaine de colonies regroupant plus de 30 ex-Soviétiques laisse apparaître un fort regroupement le long de la ligne verte et dans le « Grand Jérusalem » ; les seules exceptions étant la colonie d’Eli et celle de Ma’ale Ephraim avec respectivement 220 immigrants (soit 19,7 % de la population de la colonie) et 275 immigrants (soit 16,5 %). 88 Sans entrer dans des considérations liées aux profondes mutations de la société israélienne qu’a pu apporter cette vague migratoire, il convient de souligner, même si le propos peut apparaître réducteur voire simpliste, que cette aliya a constitué un véritable bouleversement dans l’histoire d’Israël. Comme nous nous sommes attaché à le démontrer, le cours de sa démographie et le profil de sa géographie ont été profondément remodelés par l’immigration. Les régions périphériques et principalement le district sud ont trouvé un second souffle dans cet apport de population. Le souhait de David Ben Gourion de voir refleurir le désert a, sans conteste, avancé sur la voie de sa réalisation. D’un point de vue géostratégique, les impacts de l’immigration sont là aussi loin d’être négligeables. Même si, en termes de proportion,

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la présence des ex-Soviétiques en Cisjordanie et à Gaza est inférieure de moitié à celle des Israéliens « de longue date », il n’en demeure pas moins que cette immigration a constitué une renfort à la politique de colonisation. Le maintien d’une politique de constructions au-delà de la ligne verte a permis d’attirer de nombreux immigrants d’ex-URSS ; rappelons qu’en 1997, les 3/4 des transactions immobilières réalisées à Ariel étaient le fait de nouveaux immigrants.24 Le lien qui s’est progressivement tissé entre immigration et géostratégie n’a donc pas été sans conséquences sur les recompositions territoriales et sur les négociations actuelles concernant les contours d’un futur État palestinien.

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NOTES

*. Ce texte repose principalement sur les résultats d’une thèse de doctorat de géographie intitulée « Israël et l’immigration. Les Juifs d’ex-URSS, acteurs des enjeux territoriaux et identitaires d’Israël », Université de Poitiers, 2000, 560 p. Cet article a également pu être produit grâce à l’obtention d’une bourse post-doctorale Lavoisier du Ministère des Affaires Étrangères pour une année au sein de l’équipe de recherche du CRFJ. La présentation de cette contribution au Bulletin du Centre est pour moi l’occasion de remercier l’ensemble de l’équipe pour son soutien et plus particulièrement Lisa Anteby pour son agréable collaboration. 1. Une première coopération avec le CRFJ avait donné lieu à la publication du numéro spécial « Les nouveaux visages de l’immigration en Israël » (vol.12-3, 1996) par la Revue Européenne des Migrations Internationales (REMI). 2. Voir à ce sujet les travaux de Oren Yiftachel et ceux de Ghazi Falah notamment « Israeli judaization policy in Galilee », Journal of Palestine Studies, vol.XX, n°4, summer, 1991. 3. Population juive de Jérusalem non comprise. 4. Ces trois sous-districts constituent avec celui de Ramla, le district Centre. 5. Les villes mentionnées ne regroupent que les villes dont la part des immigrants dans la population totale est supérieure ou égale à 20 % ou de 30 000 immigrants ou plus. 6. Cf. notamment les travaux de Colette Aymard [1998]. 7. Conclusions basées sur l’analyse d’une extraction personnelle des données du Ministère de l’immigration concernant les 465 000 ex-Soviétiques entrés en Israël entre 1990 et 1993. 8. Voir notamment les travaux de Niva Foran [1992 :281-289] 9. Soulignons que l’indice de concentration est calculé ainsi : , Pi : Part de la population immigrante dans la population totale du quartier et Ptot : Part de la population immigrante dans la population totale de la ville considérée. 10. Voir notamment notre article : « De nouveaux entrepreneurs en Israël ou les ‘péripéties’ de l’intégration des Juifs d’ex-URSS », Migracisjke Teme, décembre 2000. 11. Voir les travaux de Danièle Storper Perez notamment : « ‘Intelligent’ en Israël. L’intelligentsia russe aujourd’hui, entre repli et ouverture », REMI, vol.12-3, pp. 153-171 et L’intelligentsia russe en Israël. Rassurante étrangeté, 1998, Paris : CNRS Éditions (CRFJ, Hommes et Sociétés). 12. Malgré un faible niveau de vie, nombreux sont ceux qui ont choisi de résider dans les quartiers aisés de Jérusalem tels ceux de Rehavia et Baka, car ils symbolisent pour les « intellygentis » des espaces de vie d’une grande richesse intellectuelle. Leur représentation de ces espaces trouve sa source dans le fait que ces quartiers ont accueilli, lors de leur création, des intellectuels venus d’Europe de l’Est. 13. Entre 1991 et 1995, près de 15 500 immigrants se sont déclarés comme artistes. Près de la moitié d'entre-eux aurait reçu une aide à l’intégration provenant de l'état ou d'autres instances israéliennes.

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14. Voir le chapitre de Narspy Zilberg « Modalités d’altérité : Pourquoi changer de culture ? Un dilemme posé à l’intelligentsia russe en Israël » in Danièle Storper Perez, 1998, L’intelligentsia russe en Israël. Rassurante étrangeté, Paris : CNRS Editions (CRFJ, Hommes et Sociétés). 15. Cette question a donné lieu à un récent débat organisé par l’INED et intitulé « L’arrière plan démographique de l’explosion de violence en Israël-Palestine » (Jeudi 30 novembre 2000). 16. De décembre 1987 à 1991. 17. Le terme de migration interne est ici employé dans l’idée de migration non internationale. 18. Voir notamment l’article d’Alain Franchon, Le Monde daté du 16.01.1990. 19. Secrétaire général du Comité exécutif de l’OLP. 20. Les mobilités internes des nouveaux immigrants ne représentent qu’un cinquième du solde migratoire négatif. 21. Cf. Ha’aretz English internet edition, May 2000. 22. Ces arguments nous ont été réaffirmés avec encore plus d’intensité lors d’entretiens réalisés à Ma’ale Adoumim. 23. La faiblesse de la population totale de la colonie (110 personnes) semble confirmer cette hypothèse. 24. Ha’aretz Internet English edition, June 16, 1999.

AUTEUR

WILLIAM BERTHOMIÈRE MIGRINTER

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English translations

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Czernowitz revisited

Florence Heymann

1 The anthropological and historical study I had been working on for the last several years on Bukovina (Austro Hungarian, then Romanian between the two World Wars and today in the Ukraine) – was nearing completion. At that point I felt I could not finish writing without actually visiting the places that I was describing through the memories of others, and which I was also the cradle of part of my family.

2 Czernowitz, notably the birthplace of Paul Celan and Rose Auslander, was predominantly Jewish during the inter-war period. It was a symbol of the coming together of two Europes – East and West. By cross comparison of source material, the life stories of the city’s inhabitants, now living all over the world but many of whom are in Israël, and the archives which today are accessible, I primarily focused on the constructions of memory in its relationship to history, and the forging of identifies. In November 1999, Tel Aviv University organized a conference on “Czernowitz as a Paradigm. Cultural Pluralism and the Issue of Nationalities”. While at this conference I met an American couple, both of whom are university researchers: Marianne Hirsch and her husband Leo Spitzer. Marianne, whose parents came from Czernowitz works on topics similar to mine. She told me about her plans to visit Bukovina in the spring of 2000. She was planning to go with her husband and a cousin, David Kessler, whose parents are also from that area. Marianne invited me to join them. This is how the trip came to be, and the extracts below are from the travel diary I kept. Monday, July 3, 2000 3 Departure from Jerusalem. An oppressive, humid heat wave has blanketed the city. In front of the Prime Minister’s residence, demonstrators are holding banners: “The Jordan Valley is Israeli territory”. The ultra-orthodox are hot too. Their black hats pushed back off their foreheads. 4 The air-conditioning in the taxi taking me to the airport is noisy but doesn’t help much. The driver wants to know where I am going: to the Ukraine! At least it will be cool there! I answer politely, but in fact I really have no idea what to expect. 5 In the Lufthansa Airbus to Frankfurt, I am seated next to a Japanese man who does not open his mouth for the whole 4-hour journey. Impassive, his expression does not budge

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for the duration for of the trip. He never speaks to me, not even when forty minutes before touchdown, the announces that there is turbulence and the flight starts to be very rocky. The plane shakes. Everyone freezes in their seats. The anxiety that precedes panic fills the plane. Some passengers feel sick. The stewardesses lose some of their calm and collected behavior. But my Japanese seatmate, very Zen, remains unruffled. 6 Not at all an enthusiast of air travel, I am convinced this is the end. My anxiety doubles and I wonder whether I really needed to make this trip. Do I have to die for Czernowitz? The plane is buffeted more violently, there are strange noises, things falling down. Twenty minutes, twenty long minutes. Then suddenly – calm. We start breathing easier. The pilot reassures us. He explains that we were in the middle of a violent storm above Austria. Haider! Haider! The end of the trip is uneventful. I have no regrets about leaving my taciturn seatmate and I go to my hotel located in the airport. I make a call to Jerusalem. Once again I am at peace with the world. Tomorrow the adventure begins. Tuesday, July 4 7 The sky is leaden. The weather report says there is a low-pressure zone over Poland. I hope that the flight will be less rocky than last night’s. I wander around the Duty Free buying a few presents for the people I will meet there. I see Marianne Hirsch, her husband and then their cousin David Kessler. They are buying about the same things as I am. Here we are on the Ukrainian airlines plane. First good news: it’s a practically new Boeing 737. There is a lot of English being spoken. The Americans want to trace their roots. The passengers don’t make the sign of the cross before take off. There are no chickens in the rafters and the stewardesses are as charming as the ones you find on the best international carriers. For the moment, the stories I’ve heard don’t seem to jibe. 8 In comparison to last night’s flight, this one is perfect. Not the slightest quiver. I leaf through a Kiev magazine in English. The local news doesn’t really inspire me. A thick supplement deals with economy and business. There’s an interesting article however on the problem of Ukrainian women used as prostitutes abroad. 9 Touchdown at Lvov. Hello, Ukraine. Before we are allowed to leave the plane, a policeman checks our passports and visas. The shuttle taking us from the plane to the airport seems very Eastern European to me; but not so different from the ones at Lod ten or fifteen years ago. We get to the old-fashioned airport building where passengers line up to buy mandatory health insurance. They had done things right at the Ukrainian embassy in Tel Aviv because I already had a document like this. I need to fill out a customs declaration. I write down the amount of money I am carrying with me, 1 000 dollars. I find out later that I was lucky since that is the maximum amount of money you are allowed to bring in without making a special declaration, which is more problematic. You also have to declare your valuables, camera, video, etc. Following the advice of “specialists” to Eastern countries. I hadn’t taken any jewelry. I only had my wedding ring, for decorum’s sake. The customs officer asks me whether I have any other gold aside from my ring. Without encountering any other problems I leave 10 the hall where a porter rushes to take my suitcase to carry it outside. He obviously expects a tip but I can’t find my dollar bills in low denominations. I am not very organized and I didn’t know the codes and customs yet. I wait for Marianne, Leo and David to leave. They come a few minutes later. Mikhaijlo, our driver, is waiting for us.

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The car is brand new, a Mazda 626 station wagon with air conditioning. The trip to the hotel is very short because the airport is practically in the city. 11 After checking into our rooms in Hotel Dniester, we head out for a walk. The city is beautiful but the upkeep is poor. We walk for a long time. A baroque catholic church is being repaired. I am struck by how fervently the people worship. In Western Europe we are not used to seeing ecstatic prayers by men and women on their knees, immobile for hours at a time, their eyes fixed on the pictures of saints in the chapel, crossing themselves every few minutes. After we leave we have a glass of the excellent local beer in a cafe on a small square and then start out for the old quarter of Lvov-Lemberg. 12 We stop at the Grand Hotel, where I had thought of staying. Marianne had stayed at the Dniester when she came two years ago and was very happy with it, and preferred not to push her luck. We ate in the hotel. Only two other tables were taken. A couple, a very elegant man in his fifties and a ravishing, very young woman in an evening gown, a black stole and heavy jewelry. Because it is the beginning of the trip I am astonished at this beauty and elegance. I would later realize that this is the norm, including in Czernowitz. Young women are often extremely beautiful, and starting towards the end of the afternoon wear very dressy outfits, something that is no longer fashionable elsewhere. A pianist begins to play classical music and jazz. The atmosphere is very pleasant. I feel a little bit “back home”: it is neither too hot nor too cold, and the food is excellent. Moldavian wine is delicious and the bill, although the highest we ever paid during our entire trip, attained the astronomical sum of twenty four dollars for the four of us, about one hundred and twenty Hryvnias in the local currency. We take a taxi back to the hotel. It isn’t far but it is dark, and we would have needed to walk through a deserted park to get back. The taxi wants to drive right up to the hotel but the doorman signals him to back up. The area is surrounded by policemen. An official Polish delegation is arriving. The Soviet Union suddenly seems very nearby. He deposits us behind the hotel. A heavy downpour starts just as we get out and by the time we get around the front we are drenched. I’m sure I will sleep well. I’m happy I finally decided to make this trip. Wednesday, July 5 13 I did indeed sleep well. A deep sleep. On TV there are ten or so Ukrainian, Russian, and German channels, and TV5. I took a bath. The water runs a little slowly but it is hot. David Kessler tells me later that he only has a shower. The laundry bag is still marked “Intourist USSR Company for Foreign Travel”. 14 After a copious breakfast with a variety of dishes we ask for maps of the city at the reception desk. We had not yet realized what a rare and precious commodity these are. In Czernowitz we needed all the patience we could muster to get one, and a very basic one at that, and we ended up using maps of the Austro-Hungarian Empire and from the Romanian period. The young woman at the travel agency in the hotel lobby marks the location of a synagogue that still operates, the cemetery, the ghetto and the monument to the 130,800 Jewish victims of the ghetto. We start out. We walk a lot. The city is full of superb buildings that have not been renovated since the war. The country is too poor for renovations apparently (on this point as well we would find out later that the situation is different for Czernowitz; since Marianne’s last visit two years ago, many buildings have been renovated, at times to the detriment of historical inscriptions, such as a Jewish building which bore the inscription in Hebrew mahsikei Shabbat 1 (which has been removed).

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15 We get to the synagogue. An Ukrainian tells us that it is closed and we can’t visit it, but we plead and one of the guards opens the door. Inside, the building is very interesting. The walls are dovered with frescos depicting scenes of Jerusalem. The ceiling is also extremely ornate, with leaf motifs of lulavim and etrogim 2, painted in a naif styleL The women’s section, ezrat nashim, looks like the balcony of a theater, onltwo levels. The outside of the building is still in disrepair. The guard tells us that there is a minyan 3 twice a day. We leave the synagogue and head for the cemetery. It is enormous and has a Jewish section way in the back. Many trees, but the tombstones are recent. Aside from a Magen David4 instead of a cross, they are exactly like Ukrainian tombstones. Everything is written in Cyrillic, with the exception of a few traditional ones with inscriptions in Hebrew. I decide to use the ladies’ room at the entrance to the cemetery. An unpleasant experience. The first of in long series of such experiences in public facilities. 16 We take a taxi back downtown. We have lunch on the market square. David and I visit the monument commemorating the ghetto. A menorah5 in cast iron, a text in Ukrainian carved into black marble. On the ground, a text from Ezekiel in Hebrew and Ukrainian. 17 We get back to the hotel at five o’clock, a little sweaty. It is very humid and it looks like a storm is brewing as it did yesterday at the same time. I meet Marianne and Leo at the bar at six. They are working on a book about the second generation of Czernowitzians. Marianne and Leo interview me over a glass of good wine, a slightly chilled local Merlot. We get along very well together. We go out to have dinner in town. I announce that they will be my guests for a “feast” at the George. We take a taxi back to the hotel afterwards. Tonight we plan to go to bed early because tomorrow at eight we are leaving for Czernowitz, a trip that will take 6 hours to cover roughly 280 km. We plan two stops. The first is in the home town of David’s mother, Zuravne. and the second at Stanislavov, today Ivano-Frankivsk, a small town where my grandmother was born. Thursday, July 6 18 The hotel wake up call is for six o’clock but I am up a good half an hour before it rings. Our driver is there punctually at seven o’clock. 19 We leave Lvov and head for Zuravne. The Ukrainian countryside. Galicia. The landscapes are magnificent and the houses are neat and tidy. There is not much traffic, there are carts drawn by horses, geese, cows resting along the road, and on the sides, a lot of run-over dogs. The countryside is truly splendid. At the top of the electricity poles there are stork nests with their inhabitants. 20 We get to the tiny village of Zuravne. We look for the Jewish cemetery. We ask the farmers for directions. Behind the last houses in the village is a field. A very old woman, with a windburned face and a scarf tied around her head is letting a few sheep graze. Pieces of very old tombstones are scattered everywhere. We have found the cemetery, or rather what is left of it. The carved tombstones were all taken by the Soviets, the woman explains, to build a school. It’s always someone else’s fault. 21 Our driver calls out: “Here we are, Bukovina!” The landscape has slowly shifted and we find ourselves in the green Bukovina, the Bukovina of Rose Auslander, Grime Mutter Bukowine Schmetterlingege im Haare: “Green mother, Bukovina, with butterflies in her hair/ Drink says the sun, the red milk of the melons/ the white milk of the corn. I’ve put sugar in it, purple pine cones/ wings of air, birds and leaves/ and the Carpathians/

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like a father who wants to carry you on his back/ four languages/ songs in four languages/ people who understand each other.” 22 At one point, the driver makes a U turn. We are a little surprised. He wants to have us stop at a monument to the Jewish victims of Kolomea, assassinated by the Nazis. If my memory is correct, the local farmers gave a helping hand. It’s clear for the driver that we are doing a Jewish tour. 23 Finally we get to Czernowitz: “Tchernivtsi” announces the large sign in white Cyrillic letters on the blue gate at the entrance to the town. I feel like I am floating. Through the windows of the car I film the whole route that I have traced so often on maps of the town: crossing the Prut, the train station, the route up to the Ringplatz, taking the Eisenberg-Hauptstrasse, Rathausstrasse, Siebenburger-Strasse, the Volksgarten, then the Soviet suburbs where Cheremosh is located. 24 For someone who speaks French, the name fits the town like a glove. The hotel is indeed expensive and ugly. During the Soviet era, the Intourist hotel was the only place where foreigners were allowed to stay. The building is ten stories high, and dates back to the 1980s. The gigantic entrance, in the style of the Orsay train station, is much less esthetic, and is made of cement and glass. At the check in desk, blond, plump women give us a fairly lukewarm reception. A reminder of the former USSR. The room is extremely large. It has everything you might need, more maybe, but everything is sinister, in particular the view 25 It really makes no difference, of course. A half an hour later, in the lobby, I meet David who is talking with an Israeli couple from Holon. The night before there had been a group of sixty Israelis at the hotel. The man was born in the city and the woman was born in Galicia and lived in Paris. She speaks with me in French. They complain about almost everything. Clearly we have not had the same experiences. “Can you imagine? There is no hot water before 6 p.m.!” They didn't know and neither did we, that we had been very lucky. We were not to have a drop of hot water for the duration of our stay. 26 Marianne and Leo meet us. We head out to visit Rosa Roth- Zuckerman, a cousin of Marianne's and almost the last Czernowitizian from the interwar period. She lives on the Austrians' Pardinigasse, a small street in the center of the city that has scarcely changed since the Empire. Rosa is an amazing 91 year old. Her son arrives a few minutes later. We spend two hours talking, three-quarters of the time in German, the rest in English. Her library contains all the books dealing directly or indirectly with Czemowitz, Paul Celan and Rose Auslander. The biography of Celan by Halien was translated into Japanese. The translator carefully underlined all the passages that mention Rosa. 27 She tells me she is sure she remembers the Herschmann family, my family; “they were well known in Czernowitz” she says. I take some pictures of her, her library and her collection of portraits of Franz-Joseph and the Empress Sissi. 28 We leave and walk pass the Temple, or rather its bizarre reincarnation as a movie house, casino and billiard ball. The inhabitants of Tchernivistsi still call it the Kinagoga. Inside, the toilets in the basement are another type of unforgettable experience. We walk to Elisabethplatz, also known as Theaterplatz, a long square with the theater at one end, and on the right hand side, the building that housed the Judische Haus. 29 The theater, built by the Viennese architects Hellmer and Fellmen, as was probably the theater in Lvov because they are practically alike, is not an imposing or large building.

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The proportions are classic and almost ethereal. The statue in the center of the flowerbed exemplifies the ethnic and cultural changes in the city. The statue of Schiller, replaced by Eminescu is today Olga Kobylanskaya, the Ukranian poetesse carved in black marble. The locals have clearly forgotten, or never knew that before writing in her native language, she wrote her first texts in German, the language of culture. The light of the setting sun caresses the stucco of the facades. 30 We eat dinner in a Ukrainian Hutsul tavern. The Hutsuls, a Carpathian mountain folk, were one of the ethnic groups in the city in the interwar period. They were famous for their horses. The waiters are dressed in traditional costumes, with tunics and white trousers decorated with multicolored embroidery where red dominates. The restaurant is located at the beginning of Herrengasse, where fine ladies and gentlemen of the day used to promenade, and coffee houses, the Rapeanu, the Habsbourg, and others, lined the street. 31 The Cheremost nightlife is at its peak. The golden youth of Czernowitz party every night until the wee hours. The discotheque is full to brimming although the prices appear to be beyond the reach of the ordinary citizen. Is this new generation, these incredibly elegant and made-up young women, dancing to the tunes of the latest American hit parade, to become the new middle class of the city? 32 The lobby of the hotel is crowded at all times with people waiting. apparently for someone or something. Bouncers, KGB style, however protectively guard the passage from the public area to the upper floors where the rooms are. 33 Tomorrow morning, we leave the hotel at 8:30 for an extensive tour of the city. I feel that I am vicariously experiencing how it feels to lose my house, to have my country occupied, to leave the dead without tombstones or commemoration. Soon I am going to come in contact with the most concrete parts of my past: the house, the school, the familiar places, a lost, uprooted childhood, and I know that this time, there is no turning back. The framework has been dictated by the end of my research. Friday, July 7 34 Last night, before I fell asleep, I had time to make a list of the streets and places I want to film. I will also need to locate the sole operating synagogue out of the 63 that used to exist in the city. I realize that I was so concerned with safety issues that I didn't prepare for this trip well enough. 35 We take a taxi downtown. It drives through a neighborhood of villas, on of the Volksgarten. The houses, like private mansions, are still lovely. Romanian civil servants lived in them between the Wars, as did wealthy Jews. Now some of them are being renovated and serve as official buildings; others are very run down. 36 We get off at the Ringplatz and head towards the Theater Square nearby. We are meeting Felix Zuckermann and Mrs. Finkel in front of the Judische Haus. The Jews have reclaimed part of this house which belonged in its entirety to the community before World War II. The office today is the headquarters for the Czernowitz Jewish Culture Society, which is headed by Mrs. Finkel. A few years earner I had written to this Society but never received a reply. Did the letter really ever reach its destination? Saturday, July 8 37 I realize I didn't describe yesterday's events, aside from a few sentences before our departure. I want to reconstruct the day now. We met Felix and Mrs. Finkel in front of the Judische Haus. Behind a prestigious facade, the building was used before the war as

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an administrative and religious center. Rooms were regularly rented out for cultural events that drew large crowds. The Soviets turned it into a house of culture and light industry, where they gave shows to entertain the workers. To avoid having to cope continuously with the ethnic origins of the building, they systematically sawed off the two points of all the stars of David that embellished the staircase. Since then the points have been restored but one of them still bears the scar of its ideological amputation.

Photo 1: Star of David “cut down” in the stair-well of the old “Jüdishes Haus”

Photo F. Heymann

Marianne points out to me that Mrs. Ivgenia Finkel does not appear in any recent document on Czernowitz. In contrast to Lydia Hamik and Herr Zwilling, who have passed away, Joseph Burg and Rosa Roth, she has never been interviewed. We visit the house. The inside needs repairs. Here, like in the hotel lobby, people are seated, waiting for some undefined something. Photos of plays, in the Soviets style, decorate the landings. The room that was returned to the community is miniscule, and cluttered with of files. A metal cabinet apparently contains the precious archives of the Jewish museum that Frau Finkel would so like to create. She describes her plans, which seem very sketchy to us and above all out of proportion with respect to current and future financial and human means. I film our meeting. I say to myself that we could do so much for this place.

38 A walk through the city looking for family homes. The names of the streets have of course changed, but primarily the numbers. I have a few slim clues. Our house was on a corner. I remember a picture taken from the window of the apartment where you can see the house opposite. I think I recognize it in what used to be the Residenzgasse and which today is University Street, because the magnificent building, the headquarters of the Greek-Orthodox archbishopric which now houses the University. I am sure I have

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found the right place. I have a strange feeling of great familiarity. Bizarre for a place that has only existed in fantasy for me. 39 We go up with Felix. The first floor has been made into three apartments. No one answers the door on the left when we ring. In the middle there is a sort of storeroom, where we can hear voices. Felix doesn't try to enter. We follow his intuition. We ring on the door to the right and a Ukrainian woman in a pajama top answers. She is young – 35-40 maybe. Felix explains that my family used to live here before the war and that I want to visit the apartment. She shows no signs of distrust. No comparison with the images of closed-mouthed Poles, fearing the return of the Jews. She smiles: “Of course, come in!” “May I film and take pictures?” “Of course, no problem!” 40 The apartment, if it the right one, probably has little in common with the one where my father spent his childhood. In one room, a green porcelain gas burner is a recent one, according to Felix. In the other room, on the contrary, there is a much larger white porcelain stove that must be older. It must have been a wood burning or charcoal stove, turned into a gas heater. A doll's house, like a Barbie house, sits on top of it. The couple must have a little girl. The inlaid floor must also be old. The pinewood kitchen is clearly recent, but the view from the windows, aside from a few sheds with their sheet metal roofs, cannot have changed. The room has a wooden balcony 41 facing the inner courtyard. In the middle of the garden is the walnut tree that Martha6 has told me about so often. I am convinced when I see it that this must be the family home. I realize afterwards that other similar courtyards can be found in almost each building and that walnut trees abound. 42 The Ukrainian furniture doesn’t prevent me from imagining another apartment, another staircase. What was in those niches, empty now? The Hershmanns were on the first floor, the Gutmans on the second, the attic on top. I imagine my father as a child, and then a young man in these rooms, coming home from school and going up the stairs two by two or four by four, his brother Leopold going down the stairs to meet his friends on the little square opposite the Temple or in one of the coffee houses on the Herrengasse. The Ukrainians who live here now invite me to come back, whenever I like, with the rest of my family. I thank them with the three words of Russian that I know and the two words in Ukrainian that I master. I feel both excited and appeased. Children are playing hoola hoop in the courtyard and wonder why this strange woman has come to film and photograph the house. 43 Walks in the rest of the city during the afternoon and then back to the hotel. I persuaded my traveling companions to go to Friday night services at the Orthodox synagogue. Mrs. Finkel said that there was another service – reform or conservative – and she looked surprised that we wanted to go to the Orthodox one. 44 Marianne is convinced that the operating synagogue must be in the Judengasse or the Shulgasse, where the ghetto was, but we wander the streets in vain without seeing anyone looking like a Jew going to a service. The great Schule is closed, like the Bethaus, two houses away. It looks renovated however and I would learn later that it contains magnificent murals. We eat in a Romanian inn. We have a delicious mamaliga with mushroom sauce and a large plate of black radishes. A group of young Romanians arrive. The frontier is 40 km away and they come to spend the evening in the Ukraine. They also do some shopping.

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45 In the Herrengasse, where the restaurant is located, the grocery stores stay open until eleven at night. In all the restaurants, there is music, disco or more traditional, and in general it is turned up a little when we arrive, in our honor. This also happens each time we get into a taxi. When we leave, the owner tries to detain us a little longer. He kisses the ladies' hands.

Photo 2: The elegant girls of the Herrengasse

Photo F. Heymann

Back at the hotel. A quick trip to the discotheque. Once more I am fascinated by the dresses worn by the often ravishing young women there. The evening dresses and high heels would be perfect for opening night at the Opera, and the several short-shorts clearly show that we are not in a Moslem country. In fact, the female population can be divided into two groups: young women with clothes and hairstyles that are the latest rage in Europe, and the Babushkas in their tattered clothes, with their white or multicolored head scarves knotted tighly around their heads. The transition from one species to the other appears to be fairly abrupt.

46 This morning we met Felix on Austria-Platz; Marianne told the driver where we wanted to go in Ukrainian. We realize that he is headed in a completely different direction than the familiar route downtown. Marianne had made a mistake, and given him the name of a village on the Romanian border. Rectification. The driver turns around and we find ourselves once again on the familiar route past the Volkagarten and the villa neighborhood, and finally get to our rendezvous: the end of a square, an enormous statue commemorating the “Soviet Heroes” who liberated the city from the Nazis in 1944. 47 Felix arrives, elegant as always. The memory of the city's eras, he makes it easy for us to meet people. I don't know what we would do without him. We head towards the high schools: first the liceu real orthodox and then the German Lycee. We get to the first building, on the side of the Greek-Orthodox cathedral, recently repainted in a “lovely” shade of cotton-candy pink. 48 It is a large high school. The door on the street side is locked for vacation. We go through the courtyard. The superintendent asks us what we want. Felix explains and he

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lets us in right away. Felix says that this was the old German Lycee. According to what my father told me about its location, I would have thought it was the liceu real orthodox, but I trust my guide. We go into one of the rooms, today the staff room. Maybe my father sat there once too. For in fact, my intuition and my information were correct. The building was indeed the real orthodox and not the German Lycee. We then visit the German Lycee, located on the next corner. It is a somewhat smaller building. Marianne's and David's parents studied there. The people we meet all shout “Americans! Americans!” But no one seems distrustful or afraid of anything about our visit. 49 At eleven o'clock we have a meeting with Josef Burg, a Yiddish writer. He was born in Wishnitz, where 98 % of the inhabitants spoke Yiddish. I am somewhat apprehensive about the the fact that he is a “star” figure of Czernowitz today. He lives in the Landhausgasse, that under Soviet rule became the Schors, named for a Ukrainian politician. Today it is Scheptinski street, after a Ukrainian cardinal. Josef Burg was born in 1912. He is one of the last writers in Eastern Europe who still writes in Yiddish in the tradition of Itzig Manger or Eliezer Steinbarg. The new society for Yiddish culture which he directs is named for Steinbarg. His picture, next to Sholem Aleikhem, facing the portrait of Franz-Joseph hang on the walls in the room where we meet. In fact the meeting is fascinating. Josef Burg tells us the story of his geographic and intellectual peregrinations, which ends with the sad but cutting observation: “Today the Jews can do everything but it's too late!” He reads two of his latest texts on biblical themes, first in German translation and then in Yiddish. The first text is about the sacrifice of Isaac, the second about Ruth the Moabite.

Photo 3: The Emperor Franz-Joseph and the Empress Sissi on the bookcase of Rose Roth- Zuckermann

Photo F. Heymann

As in the home of Rosa Roth Zuckerman, there are busts of Franz-Joseph. Does this superposition of eras correspond to a deep-seated identity, some kind of folklore, an “over”- identity? On another wall, to the right of a large porcelain stove on which is standing a candlestick in the shape of a magen david, are paintings with Jewish themes, family photographs and above all his own portraits.

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50 We go back through the Residenzgasse. I find our house again, which has become my landmark. We go up Dreifaltigkeits gasse where Marianne's mother's apartment was located. We meet the current occupant on the comer. She recognizes Marianne and waves to her. A little later, I ask Felix whether the people own or rent their apartments. Several years ago the apartments were “privatized”; people who had lived in them for a certain number of years were given their apartments free of charge. I couldn't help thinking that a good number of these apartments had not cost the State much since the Jews living in them had fled from one day to the next. 51 We get to Lehmstrasse, where Felix's house is. Like many other streets, it is paved; on either side there are trees, chestnut or acacias, and small houses surrounded by little gardens. Marina, Felix's Ukranian wife, gives us a warm welcome. She is blond “very blond”, with a wide-set face; her eyes and lips carefully made up. The house is old and the furniture is in no particular style. Several ethnically “neutral” knickknacks. I interview Felix. The story is amazing. He tells us all about the Soviet and post-Soviet period. 52 Communicating with Marina is very difficult. The language barrier makes us a little tongue-tied. She knows bits of German and a few words in English. We mostly smile expansively at each other. 53 Tomorrow our plan is to walk around the town in the morning and then go to the cemetery in the afternoon. I don't know whether I will have time to go to Sadagura, the birthplace of the Ruzhyner Hassidic dynasty. In any case, this trip has given an extraordinary depth to the work I have been doing all these years on the city. I know now that I will come back... I have the impression that I owe a great deal to Marianne and Leo. I feel very attached to this couple who I in fact still hardly know. It's nice to speak Hebrew with David. He often teases me about my being a schickse frum, which in Yiddish literally means a “non-Jewish Orthodox”. 54 Czernowitz has now become a place where I can conjugate the verb “to live” in the present tense. Up to now I hardly ever used it in my work. Naturally the Chernivitzians of the year 2001 have nothing in common with “my” Chernivitzians. But the places are there and their evocative pull is strong. With an intensity of feeling that even disturbs me, I really have the feeling that part of me belongs to this city. There are only a handful of “authentic Czemowitzians” left, who are now between 88 and 92 years old. Are they the last – Frau Zuckermann, Frau Finkel, Herr Burg – or is it Marianne, David, Felix and me... 55 It is late. The hotel discotheque blasts its techno music under my windows. Sunday, July 9 56 Today the visit to the cemetery at the beginning of the afternoon kindled such strong emotions that I have some trouble reconstructing what happened beforehand. 57 Now I remember: we went to Postgasse. I wanted to see the post office because apparently my grandfather was the postmaster. The building is being renovated and scaffolding hides part of the facade. Inside, the imposing crystal chandeliers must date back to the Austro-Hungarian Empire. 58 Afterwards, we looked for David's grandparents' house in Piteygasse, David was able to visit the apartment that is currently being occupied by three young men. Then we went to the ghetto, or rather what Marianne calls the “enlarged ghetto”. Apparently in October 1941, the authorities realized after a few days that it was impossible to squeeze

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everyone into the perimeter of three or four streets that delimited the original ghetto and it was then made bigger. Marianne found her uncle's house where 25 people crowded in. Marianne's parents, who at that time were engaged, were married there. They went outside the house, Marianne tells, found a rabbi and asked him: “Can you marry us?” It was Friday afternoon and the rabbi said no. So they got married at the Town hall. This is exactly the way Marianne relates the events. 59 We then met Felix in front of the Kinagoga and took a taxi to the Jewish cemetery. It is immense and in a piteous state. Nothing is tended. A building, today completely dilapidated, ihust have been used for fimeral orations. Inside, the names of community figures is engraved on a stone slab. David looks for the tomb of his grandfather. He has seen a picture that showed the name on a large black marble tombstone just behind it. He finds it quickly, he rips the weeds off the tombstone of David Kessler, rabbi of the community at the turn of the century. Without the picture, he never would have found it, because it is very small. He copies the inscription. Before coming, Marianne had done research to locate the plot where her grandfather must be. I assume that the graves of my great grandparents, the Herschmanns, must be here. My great grandmother Feuer died in Nice the year I was born and I know that her husband was from Stanislavov, so I don’t know where he is buried. I am not looking for anything in particular. I wander around the gravestones. Almost every name makes me think of someone and their story. 60 What surprises me is the mixture of tombstone styles and eras. Very old gravestones, with Hebrew inscriptions, lie next to tombstones from the interwar period where German and Hebrew both appear – there is absolutely no Romanian – then recent tombstones with Ukrainian or Russian inscriptions, I can't tell the difference. Each period produced a clearly differentiated style of tombstones. 61 I head off in one direction and quickly head back. I go off in towards the other side. I take a few steps and then suddenly, the grave of Leib Herschmann. The stele is made of black marble and is very high; the inscription is in German and Hebrew. Apparently he was an important figure in the community, the list of his titles finishes with an etc. The tombstone is overgrown with brambles. Suddenly I realize that the tomb has a rusted iron fence around it. There is a second grave. The second tombstone is covered with weeds. David and Leo start to pull the weeds off and we discover the tomb of Ettel Herschmann, his wife, a tiny tombstone, with her name beginning to wear off, and the date of death, 1945. At first I'm surprised, but I then understand why the tombstones are so different in size. In 1945 there were no members of the family left in the city. The plot existed and the gravesite was reserved but the tombstone could not be as fancy as the one for her husband who died in 1912. 62 Drizzle starts to fall on this two-fold place of death. Only an old woman and a young, strangely ugly boy follow us. 63 We end the afternoon at Rosa Roth Zuckennann's house. There I look through her collection of old post cards. One of the cards shows the Residenzgasse, “our” house, as it was at the time. I then realize why the address was 2a. At the beginning of the street there was a one-story house, a space, and then our house. Since then a third house has been built between them. 64 Tonight we meet Helmut Kusdat, a Viennese fan of the city, Amy Colin, an American researcher who specializes in the Bukovinian poets of the interwar period, and Peter Rychio, at the Hutsul tavern. Peter Rychio is an amazing person. A Ukrainian who holds

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the German chair at the University, he translates Celan, Rose Auslander and the Bukovinian and Ukrainian Jewish poets and has become the specialist of Jewish Bukovina. Marianne provides me with the key to the mystery: a child from the countryside, he was adopted by Lydia Harnik, who raised him in the cult of the German culture. Lydia Harnik died three years ago. She was one of the last “Czernowitzians.” 65 We return to the hotel where Marianne and Leo interview me again. I try to make a first attempt at summarizing everything I have experienced in these four days. A voyage of initiation. The impact was stronger than I had expected. My familiarity with the city as well. Monday, July 10 66 I can hardly believe that only four days have gone by since I arrived in Czernowitz. I have the feeling I have lived through an entire life story. A painful feeling as well to have met the last survivors of the former community, while the memories are so fresh in my mind. Can a book bring a place back to life? I feel I have absorbed the sights, the sounds, the smells and the emotions garnered here. 67 Austria-Platz. The archives are housed in the Jesuiten-Kirche. A winding staircase. The archivist who helps me can speak some German. Obviously they will not open the files for me. I need to fill in a request with the name and the date of birth of the individuals whose records I am interested in. In the flurry of our last day here, I forget dates of birth and I make a mistake on a first name. So I am not sure I will be sent anything concrete in Jerusalem. What is kept here are the ghetto archives. But in fact maybe my grandparents were not deported from the ghetto but directly from their apartment on Residenzgasse, like Paul Celan's parents. If she finds something, she will write. 68 The official registrar is somewhere else, in the Kobylanskaya-Herrengasse, number 33. We go there. On the way I photograph Celan's house on Masarykgasse (he was born on Wassilkogasse). Leaving the archives, I notice a bulletin board with documents on city figures, a photo of Celan and a report card (not very good in French!). The bulletin board, that normally does not attract anyone's attention, starts to elicit a great deal of interest from passer'bys. Why are these foreigners so interested? Suddenly several people come to read it. 69 I am meeting the driver in the hotel lobby. I go back to Lvov. The route is beautiful. Outside the city, we stop on the bridge which crosses the Prut to take my last pictures and I find Rose Auslander “Immer zuriick zum Pruth” 70 The pebbles began singing in the Prut/ Sculpting fleeting motifs in the sun/ Narcissus, we floated on the mirror of thel water/ Embracing ourselves/ Night, covered by the wind/ the riverbed overflowing with fish/ the moon, goldfish/ a rustle of side curls – It's the Rabbi in his kaftan and shawl, surrounded by hassidimi/ 71 looking/ birds whose names we do not know/ Your cries attract and frighten at the same time/ But we are ready to follow you beyond the cornfields and the swaying synagogues. Always returning to the Prut/Rafts of wood or carob, flowing down the Prut,/ where are you going in such a hurry, leaving us alone here with the pebbles? 72 On the way we don't talk much. The extent of Mikhaijlo's English is about ten words and my Ukrainian vocabulary is about six. He takes me through lovely places, stops at the Jewish monuments. At one point he doesn't take the road to Lvov. I have a few seconds of ahxiety. But he only wants to take a nicer road than the more direct one.

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The landscapes of Galicia are even lovelier than the ones in Bukovina, hillier. We get to Lvov at six p.m. Tuesday, July 11 73 While waiting to board the Ukrainian Airlines plane, I chat with an Austrian who is doing humanitarian work in the area. “It's a magnificent country!” I say, enthusiastic. “It's only a facade, the country is in ruins” he answers.

NOTES

1. Those who observe the Sabbath. 2. Lulavim are palm branches and etrogim are citrons, species used during the holiday of Sukkot, the Feast of Booths in the autumn. 3. A group of ten men for a prayer service. 4. Star of David 5. Candle stand with seven branches. 6. Martha Blum, née Gutman, is my father's second cousin. She lived with her parents on the second floor of the same building. She has just published an autobiographical novel, The Walnut Tree. Toronto, Coteau Book, 1999.

AUTHOR

FLORENCE HEYMANN Centre de recherche français de Jérusalem

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The prehistory of Melka Kunture (Ethiopia)*

Marcello Piperno

A brief history of discoveries and researches 1 The site of Melka Kunture was discovered and proposed to the attention of the Ethiopian Archaeological Service for the first time in 1963 by G. Dekker. The same year a French prehistorian archaeologist, G. Bailloud, carried out the first surface surveys and collected important lithic materials and faunal remains.

2 Since 1965, a French-Ethiopian mission directed by Jean Chavaillon faced to the systematic investigation of the Paleolithic site through intensive excavations in some of the archaeological levels, together with the surveys of the large area occupied by prehistoric finds, the definition of the chronostratigraphy of Lower and Middle Pleistocene sediments and the study of the Uthical and faunal occurrences insofar put to light. An interruption of field activities took place after the 1982 excavation campaign; in the following years, the study of a great part of archaeological materials discovered during extensive excavations and stored in the Melka Kunture Laboratory in Addis Abeba was nearly accomplished. Excavations in some Middle Pleistocene Acheulean sites of Melka Kunture started again in May 1993 since 1995, under the direction of Jean Chavaillon. Geological background, chronology and main cultural subdivisions 3 Melka Kunture is a valley site, which extends for almost 6 km in both Awash River banks, with superimposed terraces whose remains are preserved to a maximum of 100 m of sediments. The site is located 50 km south of Addis Abeba in a lateral branch of the Rift Valley. 4 The fluviatile sedimentation (pebbles, gravels, sand and clay) has been frequently interrupted by the volcanic activity whose products (tuffs and lava) represent crucial markers for the stratigraphical correlations between different archaeological outcrops in several areas of the site. 5 Amongst more than 70 archaeological levels in so far discovered, about 30 have been more or less extensively excavated. The beginning of the sequence is denned by the

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Oldowan site of Karre, which can be correlated with the level B of Gombore I on the right side of the Awash, with a K/Ar age near to 1.6/1.7 m.y. Slightly after, the Developed Oldowan is represented by the sequence of the site of Garba IV, which will be later discussed in more details, with an absolute age comprised between 1-5 and 1.3 m.y. The Jaramillo magnetostratigraphic sequence is included between the Tuff A, which covers the Oldowan sites, and the Tuff B, dated from 1.07 and 0.84 m.y. Some important sites, such as Garba XII arid Simbiro III, wich can be related either to a Late Oldowan/Early Acheulean transitional phase (Garba XII) or to an archaic Acheulean (tine levels of Simbiro), are comprised in this chronological time span. 6 A following phase of the african Acheulean I is well represented in the stratigraphic sequence of Melka Kunture, by the site of Gombore II (Middle Acheulean) dated to 0.84 m.y. 7 The main studied site as far as the Upper Acheulean is concerned is the site of Garba I, with an absolute age comprise between 0.5 and 0.4 m.y., while the end of this long techno-complex is represented at Melka Kunture by the site of Garba III, approximatively dated at 0.2 m.y. The latest phases of the Eastern African Paleolithic, known as Middle and Late Stone Age (MSA e LSA), have been up to now studied in lesser details at Melka Kunture: a few levels with lithic industries related to the MSA are known through small tests, while the excavation of the site of Kella I gave the opportunity to found some LSA material. The paleoenvironnxental reconstruction: paleontological and paleobotanical data 8 Systematic micropaleontological, paleontological and paleobotanical studies have been carried out on the long stratigraphical sequence of Melka Kunture. 9 They allow a rather satisfying reconstruction of the paleoenvironmental changes in this area of the ethiopian highlands during Early and Middle Pleistocene, that means in the chronological time span reflected by the archaeological evidence in the site. Environmental changes have been caused by fluctuations towards a more or less arid or humid climate that characterized the Pleistocene epoch in austral hemisphere. 10 Within a substantially unmodified savannah environment, such a fluctuations had, as a main consequence, a major or minor expansion of some arboreals species and as far as faunal aspects are concerned, a major frequentation of arid savannah by animals more adapted to dryer conditions (several species of Bovids, Equids. etc.) or, during most humid phases, a major expansion of different species (Hippopotamus, Phacocerus, Elephant, etc.) more adapted to a woodland savanna. 11 As elsewhere in Eastern Africa, however, the entity of the paleoclimatic changes suggested by the pollen analysis shows that they didn't reach an amplitude suitable to determine dramatic and substantial paleoenvironmental modifications. 12 The same situation is also indicated at Melka Kunture by the faunal associations found during extensive excavations in chronologically different sites, where the presence of mammals adapted to more or less humid or arid conditions is proposed in terms of statistical frequence of one or an other species rather than as an alternative frequentation of different mammals in the ethiopian Highlands. 13 In other words, the occupation levels corresponding to most humid climatic period will show, for example, more faunal remains referable to Hippopotamus and Phacocerus than to Equids or Bovids better adapted to open savannah. The archaeological context and its interpretationThe Oldowan: Karre and Gombore I

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14 The most ancient phases of the human presence at Melka Kunture have been widely studied through the extensive excavations of the site of Gombore I, on the right bank of the Awash river, and through some more limited excavations in the site of Karre, on the left river bank. Gombore I represents up to now the more extensive excavation carried out in Melka Kunture; its main paieosurface has been explored for about 250 square meters. It is an Oldowan site, characterized by a good concentration oflithic materials (12.000 artifacts have been found in the level B, dated at 1.7-1.6 m.y.) and of faunal remains. This site, located on a sandy and clayed beach, was buried by several meters thick clayey sediments. Lithic technology is characterized by a predominance of pebble tools, mainly side choppers; other types are also well represented, with the exception ofperipherical (discoidal) choppers. Polyhedrons are also frequent together with carinated end-scrapers, “rabots” and several other types, as notched tools, denticulated pieces and borers made almost on pebbles. Flakes are more rare and they show unfrequent modification by retouch. Basalt pebbles and blocs utilised as raw material for this tool kit were mainly found in the proximity of the site. 15 No peculiarly specialised activity areas have been found within the living floor, while a natural limit of the site has been localised by a progressive vanishing of tools and bones. In an other part of the living floor, an area without remains, which was surrounded by a huge accumulation of tools and bones, has been interpretated as a possible shelter. The paleontological study evidenciated the frequence of Hippopotamus (Hippopotamus amphibius, Equids (Stilohipparion. ), Suids and Bovids (Connochaetes, Damaliscus, Alcelaphini, etc.). A humerus distal fragment, determined as belonging to Homo cf. erectus, was found in level B2. The association between Homo erectus and Oldowan is of great interest as far as the general question of the responsability of this technocomplex is concerned; its meaning and its possible interpretation will be discussed later. The Developed Oldowan: Garba IV 16 The excavations at the site of Garba IV (1975-1982) allowed the exploration of the two upper levels C and p in an area of 100 square meters. The stratigraphic sequence below these two levels englobed in sandy sediments presents a superimposition' of three more levels (E, F, G) 17 comprised in a clayey matrix.

18 A small test-pit of four square meters was opened in 1982 until the level E, where it was possible to found a fragment ol a child mandible interpreted as belonging to Homo erectus. 19 The systematic study of the lithic and fauna remains from the two upper levels C and D suggests that they could be assigned to the Developed Oldowan, with an approximative age of 1.5/1 4 m.y. 20 The frequentation of this site along the right bank of the Awash river took place during a slightly more arid period than the one observed during Oldowan times at Gombore I. 21 The greatest part offaunal remains belongs I to Hippopotamus amphibius, Suids, Equids and Bovids: Metridiochoerus andrewsi, Phacochoerus modestuy, Kilpochoerus limnetes, Pelorovis oldowayensis, Connochaetes taurinus, Damaliscus, Gazella , Hipparion. 22 As far as the archaeological aspects are concerned, level C reflects a short halt of a relatively small human group. Lithic and faunal remains are scattered in small quantities and they do not show any significant accumulation on the surface, possibly

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suggesting the presence of some activities areas. Altogether, 470 obsidian artifacts, 190 basalt pebble tools and flakes and 230 paleontological remains have been found. Level D represent on the contrary either a long-term living site or a place repeatedly visited by human groups who permanently (for some days, weeks or months) occupied it, organizing, in the same site, different kinds of common daily activities, such as stone tool making, butchering, food sharing, etc. 23 More than 3900 artifacts on obsidian, about 6000 tools and flakes on basalt and something less than 2700 faunal remains have been found during the excavations of part of the paleosurface extending about 100 square meters, with an overall amount of more than 12700 objects reaching in many square meters a very highly concentration. 24 Nevertheless the distribution of this material is not homogeneous on the paleosurface; two irregularly shaped areas, and an oval one, completely devoid of tools and bones are present in different parts of the site. In other areas, some large basalt blocs, weighing several dozens of kilograms, have been intentionally introduced in the site; the same blocs are usually surrounded by huge accumulations of large sized bone remains ribs, horns, fragment of pelvis of an Elephant, vertebras, teeth of Hippopotamus, etc.). 25 The functional meaning of these patterns of accumulations could be related to some kinds of activities dealing with meat sharing and consumption, but this hypothesis can only be inferred on the base of the recurrent association between heavy blocs and large faunal remains accumulations. It is also significant to note that an anomalous quantity of horns of antelope, for a total of 120 pieces, was scattered on the level D. One or possibly two areas within the living floor explored through the extensive excavations strongly suggest the existence of activities related to the process of manufacturing lithic tools from obsidian cores on pebbles and angular blocs. Detailed taphonomical studies of this areas have shown that the density of obsidian flakes, wastes and cores is highly greater than elsewhere in the level D; one of the two areas is located around one of the above mentioned large basalt blocs. 26 The general taphonomic study of the distribution of lithic and faunal remains doesn't show other equally significative areas as the ones already described. Nevertheless, in a large sector of the excavated area (about 50 square meters) on the left side of the erosion which cut in two parts the paleosurface, faunal remains and basalt tools seem to superimpose with a major density in a rather irregularly circular band which, in its turn, surronds some square meters with a minor density of tools and bones. Two text- pits opened at some distance (15 to 20 meters) from the main excavation, suggest that the up to now controlled extension of level D can be estimated at about a minimum of 700 square meters. Until now, none of the explored peripheral areas of the excavation coincides with an effective artificial limit of the paleosurface, whose original extension remains therefore unknown. Main typological features of the Developed Oldowan at Garba IV 27 The most important differences of the lithic assemblage of the Developed Oldowan of Level D at Garba IV in comparison to the proceeding Oldowan complexes from Gombore 1 and Karre, have to be seen in the absolutely higher frequency of flakes and tools on flakes, in a better technological ability suggested by most of the pebble tools (choppers and polyhedrons), and in the presence of a very low number (four or five pieces in total) of handaxes together with two cleavers.

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28 As far as the raw material is concerned, a sharp functional dicotomy must be underlined: the utilization of basalt is predominant for pebble tools, while obsidian is mostly choosed for tools on flakes. 29 In level C, the ratio obsidian/basalt shows a major frequency of the first one by respect to the latter; in level D the same ratio appears to be inverted: artifacts are more frequently cutted on basalt flakes and pebbles (either on other volcanic rocks with the exception of obsidian). 30 Considering this raw material distribution, it is possible to adfirm that the frequency offtakes at Garba IV is not entirely due to the manufacturing of pebble-tools, but reflects, on the contrary, a clear pattern of technological innovation. Obsidian pebbles and small blocks were used at an exaustive point: unutilised obsidian pebbles are in fact very rare in level D and obsidian cores are always intensively exploited, while several basalt cores often show only a moderate flaking. 31 The typological assemblage indicates that about 70 % of flakes has not been retouched, while the remaining 30 % has been either utilised or modified by retouch. 32 Tools made on pebbles and on flakes already show, in a general way, a rather good typological differentiation; several ikinds of medium to small-sized side scrapers are present, together with denticulated and notched pieces, and a few end scrapers, borers and buries. A few handaxes, on basalt and on obsidian, and two cleavers have been found in different areas of the main excavatior at Garba IV D; their very low frequency confirms their nature of “proto-types” within the Developed Oldowan techno- complexes. The Acheulean: Simbiro III, Garba XI1J, Gombore H, Garba I, Garba IIIThe Early Acheulean 33 This long chrono-cultural phase is well represented at Melka Kunture in several sites, some of which has been excavated to a rather significative extension. 34 At the site of Garba XII, two meters of fluvio-lAcustrine sediments contain nine archaeological levels, four of which are living sites; the same sediments are comprised within two important Tuffs (Tuff A at the bottom and Tuff B at the top) respectively dated at 1.0 and 0.84 m.y. 35 The site of Simbiro, some 4 kms far, has a rather similar stratigraphical position and age. Both these sites represent up to now at Melka Kunture the most ancient living soils which can be attributed to the initial phases of the Acheulean. 36 Even if handaxes and cleavers, usually made on pebbles and therefore still provided by a considerable thickness, are represented in the different sites with an unequal frequency, nevertheless their presence is always statistically much higher than before. 37 A great part of the tool-kit is now obtained on, flakes, mostly on obsidian ones. Retouched tools are typologically well differentiated and show a good technological standardization, with more frequent and accurately retouched side scrapers; the step retouch in order to resharpening the edge of tools is now most widely adopted. 38 It must be observed that, especially in the basal level J at Garba XII, within this technological innovations, strong Oldowan features still mantain their importance; unifacial and bifacial choppers are still highly frequent, while discoidal ones can be interpreted as a transitional shape towards true handaxes; several large ovalar flakes,

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with a thriedrical section and an unifacial invadent retouch on the dorsal face, are frequent at Simbiro III. 39 Even the organization of the occupation floors shares some similarities with the Developed Oldowan sites, showing sometimes more frequent and more functionally clear areas for selected activities than before. 40 Large-sized Bovids, Antelops and Hippopotamus are the prevailing utilised animals at Garba XIIJ; a primate mandible of Theropithecus (Simopithecus) has been identified in the same living floor, while a skull of Pelorouis oldowayensis was found at Simbiro III. The Middle Acheulean 41 This cultural period is especially represented at Melka Kunture by the site of Gombore II, a living floor located on a beach of pebbles and characterised by a large quantity of oval and cordifonn handaxes made on basalt and obsidian pebbles and flakes of various dimensions, with several pieces averaging in lenght from 5 to 8 cm. 42 A rather frequent feature in some obsidian handaxes is to present a lateral typically twisted edge. Other tools on pebbles are abundant in the same floor, while tools on flakes (side scrapers, denticulated and notched pieces and some end scrapers and borers) are present in a statistically important quantity. 43 A parietal and a frontal human bones belonging to the same individual, referred as a Homo erectus have been found in this living floor. 44 To the same Acheulean phase can be attributed a very interesting site discovered in the proximity of Gombore II but some meters higher in the slope. The remains of two Hippopotamus are scattered on a surface explored to an extension of a few dozen of square meters; they are surronded by some tools, most probably used for their butchering: it is interesting to observe that no handaxes and cleavers have been found in this site and that the lithic assemblage suggest a rather opportunistic and “ad hoc” manufacturing, with few typologically well identifiable artifacts. The Upper Acheulean 45 About 12000 artifacts have been discovered during the extensive excavation of the site of Garba I, dated at 0.5 m.y. This is a living floor localized inside a dried lateral stream of the main Awash River and attributable to the Upper Acheulean. The same cultural phase has been however identified also in other localities of Melka Kunture. 46 Lithic tools are characterized by a high frequency of handaxes made on large and very thin flakes, of an oval or ellyptical shape, together with a rather similar high frequency of cleavers, equally thin in thickness, showing either parallel (U-shaped) or convergent lateral edges. 47 This type of tools, technologically very well refined, has been quite often reutilised as a side scraper, through a resharpening of one of the lateral edges. Since few “debitage” has been found in the site, it appears evident that the manufacturing of handaxes and cleavers was done elsewhere, probably nearby the same raw material source. In the site of Garba I a variety of small-sized tools on flakes are present, generally made on obsidian. 48 The first suggestions of a possible control of fire and the first appearence of red ochre go back to the period of Garba I. 49 The preservation of faunal remains is very scarce at Garba I. The bones are highly fragmentary and often avoid identification.

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50 As a general interpretation of some technological and cultural features of Melka Kunture, this aspect has been considered as a characterising pattern of meat consumption at an advanced Upper Acheulean epoch. The Final Acheulean 51 The extensively excavated site of Garba III, approximatively dated between 0.25 and 0.15 m.y., represents in the cultural sequence of Melka Kunture the final phases of the Acheulean, and in some way, a transitional moment towards the Middle Stone Age. The living floor was organized, even at this time, within a small dried lateral branch of the paleoAwash River. 52 The lithic typology of this site shows the same kind of tools already met before; obsidian handaxes are however already miniaturised, as will be the standard during MSA. Tools on flakes are now predominat, with abundant side scrapers and well represented artifacts of Middle Paleolithic type, such as small bifacially retouched tools, end scrapers, borers, etc.; the Levallois technique is still very rarely used. 53 Three human remains found in this site belong to an archaic Homo sapiens. The Middle and Late Stone Age and tfie latest phases of the prehistory at Melka Kunture: Kella I, Wofi III 54 The transitional archaeological evidence towards MSA from Garba III, together with a few other finding relatable to this same period, represent up to now at Melka Kunture the only MSA occurrences, which is otherwise, in Eastern Africa, rather well known. 55 As far as LSA is concerned, the excavation carried out at Kella have addeed a few informations about this cultural period; Lithic industry is rich in burins, blades and flakes; pottery is rare, while microburins are virtually unknown. 56 It seems difficult however, on the base of this rather limited information, to advance any comparison with other ethiopian contemporary sites where the LSA is far well documented. 57 The site of Wofi III, with lithic material and pottery sherds englobed in Holocene sediments, could be of historical age. The explanation of cultural changes. Continuity and changes in Early Pleistocene archaeological records. 58 The long sequence of Melka Kunture allows a punctual recontruction of the most ancient phases of ethiopian highlands Early Stone Age and give the possibility, at the same time, to establish a useful cultural framework to be compared either with similar and contemporary archaeological occurrences in the same highlands, as for example Gadeb, or in a more general way, with other Plio-Pleistocene East African sites, such as Olduvai Gorge in Tanzania and Koobi Fora in Kenya. Important comparisons can also be established with some newly discovered sites in Ethiopia such as Fejej, for the most ancient period, and Konso Gardula, as far as the beginning of Acheulean is concerned. 59 Particularly, the two largely parallel sequences of Olduvai and Melka Kunture have been interpreted in divergent ways, especially in regard to the explanation of the transitions between Oldowan and Acheulean, of their eventual interactions and of the possibility of interpreting this transition in terms either of continuity (even through many important changes) or as two totally independent cultural and paleoanthropological lines.

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60 Moreover, the association of Homo erectus remains with Oldowan and Developed Oldowan assemblages at Melka Kunture contrasts with the evidence from Olduvai, where the most archaic complexes seem to be frequently associated to Homo habilis while Homo erectus appears relatively later (not before 1.2 m.y.) in the Olduvai sequence. 61 Finally, if the absolute chronology of the early Acheulean site of Konso Gardula will be confirmed, it seems highly interesting to advance some hypothesis on the contemporaneity between early Acheulean and Developed Oldowan sites as, for example, Garba IV, and in a more general way, on the exact meaning of the terminology up to now adopted for the initial phases of Early African Paleolithic. 62 Explanation of cultural changes and of the interactions between Plio-Pleistocene complexes represent some of the major problems in African Prehistory. 63 Long sequences such as Olduvai and Melka Kunture show a cultural change from living sites dated between 1.9/1.5 m.y. with lithic assemblages whithout handaxes and with predominantly tools on pebbles, to other sites characterized by a continuous increasing number of handaxes and cleavers and by the production of medium to large-sized flakes; the latter will be preferentially used for the manufacturing of handaxes and cleavers, with a consequent reduction of their thickness; medium to small-sized flakes will be very often retouched and transformed in regular and typologically well defined different kind of tools. 64 At Olduvai, the superimposition and interstratification of Oldowan and Developed Oldowan A and B living soils with other Acheulan occupation floors, suggested to M.D. Leakey the hypothesis that culturally different human groups were alternatively occupying the shore of the ancient lake. The different Oldowan and Acheulean techno- complexes would not have shared any kind of interactions, as two parallel but clearly different and separated phyla. 65 The contrasting interpretation of the Melka Kunture evidence shows on the contrary a general continuity in the development of technological and other cultural changes between the end of Oldowan times until the early Acheulean. 66 Slow and independent modifications of several features which represent the cultural aspects of the living sites (choose of the emplacement of the site, organization of the inhabited surface in areas devoted to peculiar activities, as for ex. Uthic manufacturing process, butchering and consumption of animals, different degrees of fragmentation of faunal remains, etc.) took place in different times, but no interruptions are evident within thisgeneral continuity. 67 This is particularly evident in the slow modification of the tool assemblage which doesn't show any real gap during its changing from Oldowan to Acheulean pattern. 68 Cultural changes suggest therefore at Melka Kunture a clear impression of graduality, following a pattern of moss ic evolution characterized by a not synchronous transformation of different features. 69 The most important consequence c f this interpretation consists in considering that this essential behavioural continuity also corresponds to the paleoanthropological evidence at Melka Kunture: human remains associated to the Oldowan at Gombore I and to the Developed Oldowan at Garba IV have been both referred to Homo erectus.

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70 This species, at least at Melka Kuntuie, is therefore the only responsible of the cultural changes and behaviouraI patterns in the period comprised between about 1.7 and 1.4 m.y; by the way, Melka Kunture also provides one of the most ancient evidence of Homo erectus in the African continent.

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NOTES

*. Since the beginning of the Italian archeological Mission at Melka Kunture, there has been close collaboration with CRFJ researchers on the study and publication of paleo- anthropological material from Melka Kunture. During time spent at the invitation of

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the Center in November 1999, contacts were also made with the Hebrew University of Jerusalem.

AUTHOR

MARCELLO PIPERNO Turin University

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Varied Technological Behavior in Human Groups Populating the Near East and Europe from Isotope 8*

Marie-Hélène Moncel

From the identification of blade levels in the Mousterian as of the 1930s: the “Pre- Aurignacian” and the Amudian 1 As early as the 1930s, in Yabrud an Syria, A. Rust discovered an industry which he termed the Yabruqian, composed of thick, highly retouched scrapers.1 Other layers with more or less abundant bifaces alternate with this Yabrudian, and A. Rust attributed them to an Acheuleo-Yabrudian, Acheulian or Micoqdian industry that he estimated to have been present in the last interglacial period. In between these layers, he also found two blade horizons (for instance layer 15 in shelter I) that he termed “pre-Aurignacian” in comparison to the European Paleolithic. In Tabun, in Israel, a comparable industry was discovered at approximately the same time by D. Garrod, who named it the Amudian.2 It is also interstratified in the Acheuleo-Yabrudian, and under Mousterian levels.

2 In 1955, F. Bordes was still not convinced that these layers belonged to the Middle- Paleolithic. Relying on typology, he placed the Yabrud “Pre-Aurignacian” at the end of title early Würm, and differentiated it somewhat from what was found at Tabun.3 D. Garrod had no doubts that the Yabrud pre-Aurignacian was identical to the Amudian at Tabun, under a Mousterian stratigraphy and within layers of bifaces and large thick scrapers. The existing differences were, in her opinion, context-related. She described the blades as “prismatic”, and very different from the ones in the European Aurignacian. In addition, according to D. Garrod, their stratigraphic position precluded associating them with the last glacial period. Rather, they more likely belonged to the last interglacial period, given data from the Lebanese coastal area, as was the case for Yabrud according to A. Rust. The “pre-Aurignacian” and the Amudian are located towards the top of these deep, abundant scraper levels (Yabrudian) levels which D. Garrod considered to be the Lower Paleolithic (Tabun E). D. Garrod was sufficiently aware of the problems inherent to the excavation at Tabun to avoid making firm claims

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for highly differentiated levels of abundant thick scrapers with or without bifaces. Nevertheless, she viewed the Acheuleo-Yabrudian as an independent entity and not a mixing of Acheulian layers, as F. Bordes assumed. Rather, because blades were found in certain sectors of level E, the individualized presence of a blade layer left no doubt, even though the blade technique used is not dissimilar to the one found on the Acheuleo-Yabrudian and the Acheulian of the site. 3 In 1977, Francois Bordes, in response to an article by D. Garrod on the issue of blade levels under the Mousterian in the Near East, continued to argue against including blades as part of Mousterian human behavior.4 He still labeled layer 15 in Yabrud as “Pre-Aurignacian”. Layer 9 was labeled “Mousterian-Pre-Aurignacian” because blades, burins and a few scraping tools are associated. These occupations were, in his opinion, much earlier than the last interglacial period, and he situated them at the end of Wurm I. Adhering to his own typological analysis, F. Bordes considered the Yabrud assemblages to be more of a primitive Aurignacian tool kit than an industry belonging to the Lower or Middle Paleolithic. He did not dispute the presence of blades, which are at times numerous, but focused primarily on the large proportion of tools from the Upper Paleolithic. Her argued that the blades from the Amudian level at Tabun differed considerably from those found at Yabrud. In addition, next to the blades (at times retouched), scrapers, burins, backed blades and pebble tools were also found. His conclusion was that there was a considerable typological difference with the Pre- Aurignacian in Yabrud. Were there in fact two groups of separate industries? Alternatively, the hypothesis of two types of activity was also entertained. Other sites in Lebanon and in Libya, although poorly dated, also prompted him to query about other human groups who lived at the same time as the Mousterians who produced blades (laminar debitage). In addition, some of the Acheulean type items were either manufactured on site or brought to the site. The Tabun sequence 4 Understanding the Tabun sequence is currently one of the keys to the debate on the reality of these lithic assemblages (either blades or abundant thick scrapers), alongside several sites with a dense stratigraphy such as Zuttiyeh and Hayonim in Israel, Hummal and Yabrud in Syria and the Zumoffen shelter in Lebanon. It is even more crucial because its upper part has yielded flake and blades layers, without bifaces, which are unanimously attributed to the Middle Paleolithic (three upper layers identified and labeled D, C and B). 5 To characterize the geological and cultural history of this site more precisely, new excavations were carried out between 1967 and 1972 under A.J. Jelinek. These excavations yielded a depositional structure which was much more complex than originally believied, and a marked sloping of certain levels. D. Garrod’s excavations had clearly truncated and combined several levels. The lithic industry nevertheess appears to correspond to what Garrod observed. Level G is related to the Tayacian; level F on the other hand is rich in bifaces. Level E appear to be a combination of varied assemblages. The Amudian blade specimens would thus be at the intersection of Ea and Eb. Because the Amudian is separated from level D industry by 1.50 meters of Yabrudian, and the Levallois flaking technique was extensively used in this level whereas it is not found at all in level E or the Amudian, level mixture hence appears highly unlikely. Level D, which lies above, is on the other hand very rich in Levallois blades and points, comparable to what has been found in oher sites in the Near East,

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yielding at times very elongated points such as those found in Abu Sif. There are considerably fewer blades in level C, but they become abundant again in level B. Depending on the depth of he deposits, due to the varied nature of the site on the edge of the coastal plain (dunes as the base, with a small cavity-like shape at the top), A.J. Jelinek argued that there were varied activities (traps, intensive use of combustion zones...) to account for the diversity of assemblages within the waves of settlement of technically different human groups. The age of the various levels was not challenged. A.J. Jelinek dated the Amudian level to the last great ice age. The lower levels were hence assigned to the last interglacial period, as D. Garrod did. 6 In the early 1990s, ESR and TL dating techniques by R. Grün and N. Mercier5 showed the site to be considerably older, and helped place the Near East in a broader biological and technological history. N. Mercier dated upper level C to about 170 k-years; i.e. the transition from isotope stages 7 and 6. Levels Ed and D are dated at 330-210 k-years; i.e. isotope stages 9 and above all 8, and the start of 7. The Acheuleo-Yabrudian and Amudian transition with the Mousterian is defined at more than 250 k-yrs, much earlier than the hypothesis of the end of the last interglacial period. The Amudian is now thought to be more than 300,000 years old. The Lithic assemblages of Tabun in the region 7 These datings are even more critical in that the sequence of this site has and continues to be referred to regularly as a reference for the Near East. Nevertheless D. Garrod herself acknowledged that some levels had doubtless been truncated during the excavation (basin-like morphology caused by post-depositional phenomena, as shown during A.J. Jelinek’s excavations), and that the material in each level was a collection of several layers, which were, in addition, sorted. The technological tool kits so defined may thus not be accurate. In any case, if they are ever proved correct, they will be indications of both a temporal mosaic of human groups in the region, as well as the markers of a diversity of activities. 8 At the current time, level G is defined as Acheulian. Level E is made up of Acheulian, Acheuleo-Yabrudian and Yabrudian poorly defined levels. Many thick scrapers characterize these levels, in association with hand axes or singly. The Yabrudian has often been compared to the European type Quina Mousterian because of the frequency of thick scrapers with ridged “scalariforme” retouches, and worked on a single surface or orthogonal surfaces. The distance separating these two geographical areas and the difficulty of interpreting this type of Mousterian in the European sites does not help clarify the problem but rather makes it more complex. The hypothesis of specialized activity during the cold periods of isotope stages 4 and 3 in Western Europe fits poorly with the Levantine sites. However this may only be a convergence. The fauna data for level E indicate large mammals (Bos primigenius. Rhinoceros and Equids) which do not really diner from the other levels which have other assemblages. Studies by J. Shea suggest variability in subsistence behavior as a function of topographical features, but the variations in climatic conditions over time do not appear to have had real repercussions on technological behavior. 9 Wedged within this level is the level that D. Garrod termed “Amudian”, made up of numerous scrapers, several hand axes and blades on prismatic cores. Only new excavations, such as those carried out by A. Ronen in the 1990s could provide a detailed description of this type of assemblage and above all determine its significance in the site (activities or specific behavior). The prismatic Amudian or Pre-Aurignacians blades,

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like those on the Hummalian level at Hu-mroal, are also present in the Yabrudian assemblages next to flake productions. This specific type of repeated production may hint at the presence of human groups with the same technological tradition in the region well before 250 k-yrs, who produced differently as a function of need. These human groups however would have had to be extremely different, because the variability is high between blade levels, both in terms of the end-product as in terms of the shape (for example, elongated points in Hummal in the Hummalian level, or numerous Upper Paleolithic tools in Yabrud in the Pre-Aurignacian). These ancient blade assemblages are far from homogeneous. 10 The issue of a technological continuity with more recent levels, in particular between levels in the upper part of the Tabun sequence is also debated. The blades are still in abundance, although they were produced primarily using the Levallois technique. By contrast, the thick, Yabrudian type scrapers have vanished. 11 In the upper part of the sequence, the first layer is dominated by the production of elongated blades and points, preferentially using the one-directional Levallois method (Tabun type D). Level C in contrast has a large number of oval shaped Levallois flakes and no points (Tabun type C; fig. 1). Lastly level B is characterized by triangular Levallois flakes and narrow flakes obtained by one-directional or crossed removals (Tabun type B).

Figure 1: Artefacts from Tabun C

(Garrod & Bate, The Stone Age of Mount Carmel Excavations at the Wady-el-Mughara, 1937, chap. IV, pl. XXXVI)

12 There is little agreement as to the chronological sequence of this series, in addition to the stratigraphic problems i incountered. For instance, the presence of abundant oval shaped flakes n level C is viewed by some researchers, because of their scarcity in

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assemblages in the region, as a sign of specialized activity. Similarly, although elongated items, either blades or triangular flakes, are apparently fairly frequent in the region in assemblages assigned to the Middle Paleolithic, this cannot be seen as its prime feature. This is because the flakes, blades and points, which are often obtained by the Levallois one-direction il or centripetal method, vary in proportion across sites. There is a high proportion of short blades and points with a broad base in Kebara (unipolar and convergent unipolar Levallois) where the assemblages have been compared by L. Meignen to Tabun type B. However these vary depending on the level, with more elongated bases (levels IX-XII), tools shorter on the top (levels IX-X and VII- Vin) with “chapeau de gendarme” platforms. This is also the case apparently for Hayonim with, in the lower E level, a production of thick blades with Abu Siftype points and in the upper E level, flakes and points that are more similar to Tabun type C (fig.2). E. Hovers argues that the frequency and types of blades varies in the opposite direction from Kebara.6

Figure 2: Blades from lower E level of Hayonim

(Meignen, in Akazawa et Kimura, Neandertals and Modern Humans in Western Asia, 1998, fg. 9, p. 174)

13 The blades and points are scarcer at Qafzeh (centripetal Levallois), Quneitra and the upper levels of Yabrud I, where for the entire sequence there are primarily oval shaped flakes produced by centripetal or preferential removals.7 In addition, other techniques aside from the Levallois method are used, as in Qafzeh and Quneitra (fig.3). The core flakes are abundant, evidence of different kinds of debitage used in some assemblages where the Levallois debitage system is complex, always with the use of a main method and a continuous and diversified readjustment of the core.

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Figure 3: Nucléus sur éclat de Quneitra

(Goren-Inbar et al., Quneitra, A Mousterian Site in the Golan Heights, 1990, p. 124)

What emerges is that the range of technological behavior and tools (frequency of retouched blanks and types of tools) is extremely high in the region. In addition, contemporary sites such as Ain Difla or Douara (Syria) have yielded repeat blade production. A large number of these behaviors do not correspond chronologically or technologically to those observed in the Tabun sequence. Their meaning remains, hence, enigmatic: activities, raw materials, different human groups, with no relationship to climatic changes. The sites still yield assemblages of middle sized and large herbivorous fauna (local environment management) and indicate a preferential use of local flint spots (less than 5 km). According to H. Plisson, S. Beyries and J. Shea, micowear analyses show that as in Europe, there was very diversified use of a same kind of tool.

14 Thus overall, and only for the north and the central part of the Levant, current opinion is that there was a succession of two groups of industries, one which A.J. Jelinek attributes to the “Mugharan” tradition, (Yabrudian and Acheuleo-Yabrudian) in Nadaouyieh, Yabrud, Zuttiyeh in Syria and Israel, and the other consisting of Levallois type assemblages with tools that are at times elongated, blades, and points (Tabun, Yabrud, Zuttiyeh). The latter can either be the dominant artifacts in a site (Qafzeh, Quneitra, Kebara, Amud for isotope stages 4 and 3) and in this case highly diversified technologically. The Levallois type tool assemblages have never been found interstratified with series belonging to the Mugharan tradition. If these datings are correct, there would thus be a progression in time of these two large industrial ensembles, the first at about 200-170 k-years, the second lasting until isotope stage 3 and covering a large number of sites.8 Nevertheless, for certain sites, N. Copeland suggests an earlier date for certain Yabrudian assemblages, between 150 and 90 k- years. Blade production, which is present in both in variable amounts, differs in type,

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cores with circular removals, Levallois, and “alternating” for the Mugharan tradition and almost entirely Levallois for the latter. The flakes are also very different: they are thick and short for the Yabrudian and thinner in the others. Are these two stages or two facets (activities, technological groups) which coexisted but did not interstratify, independently of climatic conditions? Is the Yabrudian absent from the Negev for ecological reasons, as 0. Bar-Yosef presumes? As for the few levels that yield numerous repeat production blades before 200,000, or until about 150-80,000 depending on the dates of the Hummalian level, is this an isolated and minority tradition of a community connected to the Mugharan tradition, or the markers of an activity? The Near East and Europe: Two entities that differ only slightly from one another from a Paleolithic point of view? 15 The Yiron-Gravel industries discovered by A. Ronen and dated to 2 million years, as well as Ubeidiya, dated to 1.6-1.4 million years, and Gesher Benot Ya’aqov, dated to 700 k-years, both discovered by N. Goren-Inbar, testify to human habitation in the coastal zone which was Israel 2 million years ago.9 The Dmanisi site, dated at 1.8 million years and located in Georgia, is not very far away. Coming from Africa, waves of populations could have passed through the Levant before occupying the rest of the Old World, using the Near East as a corridor. The lithic data from Ubeidiya appear to show technological connections with East Africa. The GBY data also show an African affinity but also a high degree of originality in the numerous bifaces, but above all the cleavers from large basalt flakes. The technique for obtaining these large flakes: rom large blocks of rock, and their subsequent shaping appear to show a standardized process and a mental schema for tool manufacture. The excavations by N. Goren-Inbar have shown that the men of GBY lived on the shores of a stream and cut up an elephant. The presence of numerous wood fragments, one of which shows signs of polishing, confirms the very early use of tools from this type of material. Israel joins Spain, and Eastern Europe with this discovery of wood tools and considerably ages in terms of proof of use, well beyond the Shoningen, dated at 400,000 years. 16 The Ravidim and Bizat Ruman sites, dated between 300 and 400 k-years, also reveal microlithic industries on flint.10 What can be said about their technological similarities with central Europe and sites such as Bilzingsleben or later those from isotope stage 5 that are known collectively as Taubachien? The questions concerning the reasons for the size of the artifacts are identical: available, small material, or culturally or functionally original behavior? 17 If the latest TL Tabun datings are accurate, the first indications of blade production would go back at least to isotope stage 8, with the blades from the Yabrudian levels. The Yabrudian levels of the Nadaouyieh site are posterior to the Acheulian levels which date back 450 k-yrs. The Amudian Tabun level would thus be 300,000 years old; and level D would be about 250,000 years old. The extension of the chronology of the Near East thus coheres with that of Europe, confirmed in the last few years by datings of new excavations. This type of debitage would thus appear at the same time in northern Europe and would coincide with the emergence of new technological behaviors in both geographical areas. Some cores found at Revadim and Bizat Ruham are suggestive of Levallois debitage skills, a skill attested in fact at Rerekhat Ram dating back more than 400 k-yrs, according to N. Goren-Inbar. The Levallois detritage is also found as of 300 k- yrs in Orgnac 3, at about 400,000 years in the sites of the Somme valley in France. Blades are present in Europe as of 250 k-yrs. even though sites of this type are rare.11

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They are mostly produced in the oldest stages on full cores. Sites with this type of tool developed as of isotope stage 5, as does Levallois blade flaking. Nevertheless, semi- turned cores are still used (see Riencourt-les-Bapaume). In Southern Europe in contrast, blades have only been discovered in isotope stage 4, and are primarily produced by the Levallois unipolar method. Are we dealing with human groups who opted for different technological choices? Is this connected to the raw material, in the form of large, flint nodules in the North, or to the topology which contrasts the vast North-European plain against the small basins and valleys of southern Europe?12 The other modes of debitage, for flakes and at times for points, present the same technological and typological diversity. 18 In the Near East more than 250,000 years ago, the use of different types of blade production appears to be attested, although repeat production predominates. Starting 250,000 years ago, the debitage system was mainly Levallois (for example Tabun, Kebara and Amud). It was still associated, as in Europe, with flake and/or point production, to varied coexisting modes of production and to the frequent use of core flakes. It is also far from being predominant according to assemblages, if one considers all the sites in the region in isotopic stages 6-3 (for example Quneitra and Qafzeh). Even though elongated and triangular products appear to better characterize this area of the Levant as compared to Taurus and Zagros, and naturally Western and Central Europe, it would be a simplification to restrict it solely to these types of production. The variability of technical behaviors in relationship to traditions and/or activities places the Levant and Europe on the same level, as indices of a mosaic of human groups and subsistence behaviors without a guiding chronological thread. The exploitation of small territories around the sites is common to both geographical areas, which no real barrier appears to separate. 19 Starting from isotope level 8, technological behaviors adhering to well denned rules expand both in the Near East and in Europe, derived from behaviors which can, at least for some, be observed in what are termed Acheulian assemblages. The abundant production of blades appears to be linked to this situation, as does the development of the Levallois mode of debitage for flakes and blades. The latter takes on greater preponderance in recent phases in the Near East and its position could imply close ties between southern Europe and the Levant, warranted by geographical proximity. Common features are however also present between northern Europe and the Levant, if nothing else in the mastery of volume blade debitage. 20 The last Mousterian levels at Amud date back to about 48,000 years and are believed to be the most recent in the region, just prior to the oldest levels attributed to the Upper Paleolithic. The Boker-Taschit site, which is dated at 45,000 years, reveals a repeated blade production which could still be in the Middle Paleolithic tradition, according to studies by P. Volkman. In this geographical area, there are apparently no “transitional” industries, and there is consensus today that there was rapid acculturation which relied on older technological gains. In Europe, the datings of the first Upper Paleolithic sites are more recent (30,000 years), but it has also been suggested that Upper Paleolithic-type behaviors could have come from the East! Neanderthals and Modern Men as of isotope stage 6 and 5? 21 The presence of Neanderthals and modern men in the Near East has given rise to the issues of who did what and when. The technological behavior of the Middle Paleolithic is no longer exclusively attributed to the Neanderthals.

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22 Two human remains were discovered at Tabun. Tabun I is a complete skeleton and Tabun II is a jawbone. Tabul I could come from a grave contemporary with level B. It is a Neanderthal, as was found in Amud and Kebara. However this Neanderthal differs from more recent ones. It bears more similarity to those found in Europe in isotope stage 5, according to S. Condemi. Tabun II, in level C, has more modern features and bears more resemblance to the human remains found at Skhul or Qafzeh discovered by B. Vandermeersch. The Tabun datings place these human remains at before 100 k-yrs, much older that the Neanderthals at Kebara, dated at about 60,000 years or the Amud remains (levels dated at between 70 and 50 k-yrs). The Neanderthal population could have been present in the Near East as of isotope stage 6, explaining the archaic features observed in Tabun I. Tabun II would also predate the modern men of Skhul and Qafzeh, who lived respectively 120 and 90,000 years ago. The two types of men would thus have occupied the region as of stages 6 or 5. The Zuttiyeh man, the oldest remains in the region, and exhibiting modem features, has not been dated precisely. The travertine located just above the level that yielded the skull is estimated at about 95,000 years. B. Vandermeersch and S. Condemi argue that it could account for the arrival date of the Neanderthals, perhaps in two waves, who superposing themselves on populations of Homo sapiens before they reached Europe.13 It is difficult to ascertain whether these two types of men lived conjointly, occupying the same territories or came one after the other in time and in space. The hypothesis of a connection between the first assemblages with dominant blades (Tabun type D) and the arrival of the first “Modem Men” of East Africa (similarities with the blades of the Middle Stone Age) is sometimes suggested. However the blades are only one item in the range of tools that was present well before. It could also be argued that the arrival of the European Neanderthals contributed various technological behaviors, whose blade and Levallois flake production was sulperimposed on the skills of Modem Men. This encounter between technological features could be the source of certain original behaviors (for example the high frequency of points), yet does not disregard local history attested by the age of technological behaviors, in particular blades. Regardless of the origin of each. they had the same technological skills and the difference in age of the graves has still not been resolved (90,000 years for Homo Sapiens of Qafzeh, 60,000 years for the Neanderthal at Kebara, older datings in Tabun.)

NOTES

*. This article is the result of a stay as a visiting scholar at the Hebrew University of Jerusalem Institute of Archeology, and Haifa University. I wish to express my gratitude to Professor N. Goren-Inbar and Professor A. Ronen for their welcome, as well as to all the members of both Institutes and the CRFJ. Special thanks are due to S. Condemi. This visit was funded by the CRFJ (CNRS). 1. A. Rust, 1950, Die Hohlenfunde von Yabrud (Syrien), Neumunster Karl Wacholtz. 2. D. Garrod and D. Bate, 1937: The Stone Age of Mount Carmel. Excavations at the Wady-el-Mughara, vol 1, Oxford, 240 p.

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3. F. Bordes, 1955, Le Paleolithique inferieur et moyen de Jabrud (Syne) et la question du Pre-Aurignacien, “L'Anthropologi'”, 59, pp. 486-507. 4. F. Bordes, 1977, “Que sont le Pré-Aurignacien et le Yabrudien ?” Eretz Israel 13 (Stekelis Book), Jerusalem, pp. 49-55. 5. N. Mercier, H. Valladas, G. Valladas and L-L. Reyss, 1995, TL Dates of Burnt Flints from Jelinek’s Excavations at Tabun and their Implications, Journal of Archaeological Science, 22, pp. 495-509. 6. E. Hovers. The Lithic Assemblages of Amud Cave. Implications for Understanding the End of the Mousterian in the Levant, in Neandertals and Modern Humans in Western Asia, T. Akazawa et al eds.. Plenum Press, New York, pp. 143-163. 7. N. Goren-Inbar et al., 1990: Quneitra, a Mousterian Site on the Golan Heights, Jerusalem, Institute of Archeology, QEDEM, 31. 8. 0. Bar-Yosef, 1992, Middle Palaeolithic Human Adaptations in the Mediterranean Levant, in T. Akazawa & T. Kimura, cds.. The Evolution and Dispersal of Modern Humans in Asia, Tokyo, pp. 189-215. 9. N. Goren-Inbar et al., 2000. Pleistocene Milestones on the Out-of-Africa Corridor at Gesher Benot Ya’aqov, Israel. Science, vol 289, pp. 944-947. 10. A. Ronen, et. al., 1998: The Lower Palaeolithic site Bizat Rumana in the northern Negev, Israel. Preliminary Report, 1996. Excavations, Archaeologisches Korrespondenzblatt, 28, pp. 163-173; O. Marder et al., 1998, The Lower Palaeolithic Site of Revadim Quarry, Preliminary Finds, Journal of the Israel Prehistoric Society, vol 28., pp. 21-55. 11. A. Truffreau and S. Revillon, 1994. Le phénomène laminaire au Paleolithique moyen. Dossier de Documentation archéologique n. l8, CRNS, Paris. 12. M.-H. Moncel, 1998. Le Paléolithique moyen dans la moyenne vallée du Rhône en France : la question de la variabilite des assemblages lithiques des stades isotopiques 9 à 3, Anthropologie, Brno, XXXVI/3. pp. 181-199. 13. S. Condemi, The Mousterian Populations of the Near East: on the presence of Neanderthals in the Near East, Bulletin du CRFJ, 1999, 5, pp. 61-69.

AUTHOR

MARIE-HÉLÈNE MONCEL CNRS, Laboratoire de Préhistoire, Institut de Paléontologie Humaine

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Mayse-Bukh and Metamorphosis

Astrid Starck-Adler

1 This analysis of metamorphosis in the Mayse-bukh1, (the editio princeps, printed in Basel in 1602 by Konrad Waldkirch) was prompted by the fact that this collection of agadot from the Talmud and the Mishnah, in addition to tales and legends, contains narratives on this ancient myth well-known in Greek and Roman antiquity, and transmitted primarily through Ovid’s and Apuleius’ Metamorphoses. However, the Old Testament also contains a story of metamorphosis; namely, King Nebuchadnezzar, who is turned into a beast (Daniel, 4.30). These narratives were rediscovered and “moralized” in the Middle Ages and were highly popular, but their “pleasurable” function was in a sense displaced by belief in witchcraft, whereby metamorphosis was viewed as the emanation of malevolent and satanic power, and resulted in collective hysteria and witch hunts. Throughout history – and even today in particular in the cinema – the most persistent form of metamorphosis is lycanthropy, which comes from the story of Lycaon who was turned into a wolf in Ovid’s Metamorphoses. The Mayse-Bukh, as a product of European literature where the theme of metamorphosis – in particular werewolves – was dealt with abundantly, makes its own contribution to the metamorphosis literature as can be seen from the examples-including a remarkable werewolftale – it includes.

2 The number of metamorphosis tales in the Mayse-Bukh is low, but they chart the evolution of perceptions of metamorphosis: first a miracle, then a punishment, and finally the work of the devil. What makes these narratives even more interesting is not only the fact that women are involved, but that they play a key role. The woman is the catalyst for metamorphosis, since in certain cases, and as was the custom at the time, this role was based on the stereotype of the woman as seductress and evil. This, however, only serves to highlight the underlying feature of these narratives; namely, a metaphoric discourse on the body, and naturally the woman’s body, which goes through metamorphosis to give birth. This enigma of birth is at the root of a dual male role that is found in narratives of the myth of origins. For instance: • 1. Man reverses the natural order of things by becoming a “womb”: in Greek mythology, Athena is born from Zeus’s head and Dionysius from his thigh; in the old testament. Eve comes from Adam’s rib.

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• 2. In contrast, in the Judeo-Christian tradition, man “demonizes” woman, who is denounced as a witch or sorceress with malefic powers.

3 In the Mayse-bukh, the stories dealing with metamorphosis can be classified into three categories: • 1) Human metamorphosis a) A man turns into a woman: “Of a man who nursed his child at his breat.” (10) b) The child does not have the same skin color as the parents: “Of a powerful king who could not have children with his wife and the fervent prayers he made” (134) and vice versa: “Of a king and a queen who were both black and the queen gave birth to a child who was all white.” (249) • 2) Demonized metamorphosis, inseparable from witchcraft: To seduce someone, Satan turns into a temptress: “About Rabbi Matya, son of Harach who never looked at an unfamiliar woman in his life.” (247) • 3) Animal metamorphosis, also the work of the devil: A human being is turned into an animal, an animal into a man or both at the same time; “About a man whose last wishes were for his son to buy the first thing he would find in the marketplace” (143), “A beautiful story that happened to a wise man who was also a very rich man in the land of Ouz.” (227). The animals involved are a frog, a werewolf and she-ass.

4 Although only a handful of stories in the Mayse-Bukh deal with metamorphosis, they are nevertheless significant, both because they were included in the volume and also for the role they play. They create a continuity between Antiquity and the Middle Ages, since they are found in Talmud agadot, such as the witch a Rabbi turns into a she-ass which he rides to go to market (Sanh. 67b), and in narratives dating back to medieval times, such as the tale of a werewolf (227) written directly in Yiddish. This particular story, both by its attempts to give it Jewish content, as by a remarkable blending of influences, is presented as deriving from Biblical times, by linking this deeply rooted medieval belief with King Solomon, one of the key figures in the story. Talmudic legends about King Solomon’s ability to dominate and use demons2 were very popular in Europe at that time. What an excellent illustration of cultural transfer!3 What occurs is a reintegration, based on the metamorphosis process, of a process affecting both the narrative itself, the Mayse, an emerging genre, at the crossroads of oral and written text, and the narrative structure of the book, which is highly complex because of the diversity of material, and is illustrative of a reformulation in situ and not, as has been claimed, a poor reproduction of earlier writings. In addition, this narrative operates through Yiddish, a rapidly-expanding language in constant change. Thus the Mayse- bukh can be situated on the threshold of modernity which would later trigger the transition from imitatio to mimesis4: little by little, writing is no longer seen as a reworking of earlier texts; rather attempts are made to free it from the strictures of written text, take on more autonomy, and confer upon the author, (man or woman, and after God), the stature and faculties of a demigod. This is why the hand of its compiler, Yaacov Buchhandler, can clearly be seen behind the anonymity of the collection, in the arrangement of the stories in a sequence, and the choice of a certain number of them. Doesn’t in fact the compiler state in the introduction that he wishes to write a book of this type for his (female) readers’ enjoyment?

5 The thread unking the collection as a whole together is knowledge – knowledge shared by men and women, knowledge arising from education and erudition, and teleological

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knowledge. This form of knowledge in particular will bring to fruition the fundamental metamorphosis intended by the Mayse-Bukh; the one that will enable the coming of the Messiah, and will overcome death. Death is the theme of the two stories selected deliberately to begin and end the collection: the first is an agada from the Talmud (Shab. 13a-b) “On the Premature Death of a Scholar” and the last is from the Sefer Hassidim, “A Pious Man who Died Leaving Rare Books.” 6 What is striking about these two titles is the presence of death, characteristic of the Humanistic period, a death that strikes down both young and old (as for instance, the painting by Hans Baldung Grien, The Young Girl and Death) or the skulls and ‘danses macabres’ in artwork.)5 The first story in the manuscripts of Rovere and Innsbruck, the precursors of the Mayse-bukh6 was radically different. This narrative was a hymn to life, to Jewish life, which told the story of Abraham’s childhood and how, miraculously, he had emerged unscathed from the limestone oven. In contrast, the two stories in the Mayse-bukh seek answers to the vagaries of life and events, and the way to overcome death. The first story, which is not included in the Rovere and Innsbruck volume, deserves reanalysis as to its role and presence in the collection. It should be read first of all as a implicit demand for sexual recognition on the part of women, in terms of procreation, and secondly as a condemnation of a husband who although a great scholar, does not fulfill his marital obligations and hence commits a two-fold sin: • 1) He impedes preservation of the “image of God” in the world because “the person who does not take part in the reproduction of the species is considered by the Scriptures as

7 having diminished it, in other words, the resemblance.” • 2) He prevents the conception and hence the coming of the Messiah. Study prepares for the coming of the Messiah. But what is the point of studying Torah day and night if one does not have descendents to transmit it to? This idea of transmission is fundamental. It reappears in the last story, where an old man sees his beautiful book collection dispersed after his death. Although some people are sorry, others believe he deserves his punishment since in his lifetime the scholar had always refused to lend his books, committing a grave sin. Scholarship for its own sake is not enough. Erudition must also obey the commandments.

7 A rereading of these two stories that frame the collection and are drawn from tradition, shows their major meaning: they claim women’s right to sexuality8 as well as the right to education and erudition. By extension, this claim which is based in the text on a man’s transgression of laws he himself made, assigns women a mission of prime importance: recalling men to their obligations. This warrants interpreting these narratives as highlighting a reversal of roles. Woman incorporates ‘masculine’ knowledge and man expresses himself in a ‘feminine’ language, Yiddish. Symbolically we are witness to a metamorphosis that recreates the lost union of male and female elements. One of the reasons why Yiddish was so criticized was perhaps the extraordinary ability of this “androgynous” language to generate metamorphosis, eliminating the strict boundaries between the sexes. The story of the man with breasts should also be read in this same “androgynous” perspective.9 This unusual story, mentioned in the Talmud, is the oldest narrative of this genre. It refers to the first creation, when God made man in his image, i.e. man and woman. Very recently, a Swiss medical journal published a long article on this phenomenon10 mentioned by Aristotle and found in several places in the Talmud.11 The text itself, however, which even in Talmudic times included the debate as to the interpretation of such a metamorphosis,

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is related in the Mayse-bukh to medieval concerns. This may explain why the story of the man who breastfed his child was selected. Rabbi Yosef said: “Look to what extent this man must have been remarkable, for the Holy One Blessed Be He to accomplish such a miracle for him.” Abaye said: “That is not so. This man must have been very evil for Creation to have been changed for him.” Rabbi Yehuda said: “Look how difficult is the fate of man, since the Holy One Blessed be He must provide him with food; in fact the Holy One Blessed be He went so far as to change Creation for him and allowed a man to nurse his own child, although it would have been easy for the Holy One Blessed be He to find food for the child. Thus the man nursed his own child instead of finding food for the child. We see that the Holy Name May it be Blessed performs many miracles, that He protects men rather than giving him food, since we do not see the Holy One Blessed be He filling the houses of the Righteous with wheat.” 8 The debate on belief in metamorphosis raises the theological problem of divine creation, because it challenges its perfection. Implicitly the text contains a reproach, based on the fact that the Talmudists themselves considered milk to be an aphrodisiac. This is because on the eve of Yom Kippur, the High Priest was forbidden to drink milk.12

9 This text illustrates the fact that that metamorphosis is a discourse on the body; in this case, the androgynous body. This corporal discourse is complemented by a discourse on knowledge. In the Mayse-bukh, the sexuality linked to erudition tends to be associated with the Jewish woman. This deviates considerably from the view of feminine sexuality in masculine fantasies, where in stereotyped narratives, the woman is assigned her traditional role as seductress. Narratives of the latter type are numerous and serve basically to test rabbis’ degree of virtue. Among female vices, adultery ranks high. Co- territorial literature provides many examples, such as Discipline, Clericalis by Petrus Alphonsi or in Schimpf und Ernst by Johannes Pauli. Adultery and infidelity play a major role in medieval literature, and were both real and symbolic. They were real in cases where men went off to war (Christians) or to study (Jewish), or symbolic in cases such as courtly love, whose prime tenet was suffering and unrequited love.13 Discourse on sexuality that makes thematic use of adultery is a masculine form of discourse par excellence, and one that captures men’s fears of women. This is the key to interpreting the metamorphosis of the devil into a woman for purposes of seduction.14 The devil requests God’s permission, as for Job, to tempt a pious Rabbi, Rabbi Matya son of Harach who “never looked at a woman aside from his wife in his life.” To do so, the devil turns into a woman: “so beautiful that no one had ever seen one as beautiful as she was. She was lovelier than Noemi the sister of Tubal-Cain, who seduced the angels during the time of Noah. He went to stand opposite Rabbi Matya son of Harach. As soon as he saw her. Rabbi Matya turned his back. So the woman also changed direction. Each time that the righteous man tried to avoid her, she would stand in his way hoping that he would desire her. Rabbi Matya said: “I fear that the evil instinct is gaining hold of me and will subjugate me to the point that I commit a sin, God forbid.” What did the righteous man do? He called one of his disciples who assisted him and told him to bring him red-hot coals. Then the righteous man burned his eyes out. When he saw this, the Devil, horrified, fell backwards, so convinced he was to be able to make him commit a sin.” 10 The Devil’s failed attempt at seduction is clear proof of the power of God and the constancy of piety.

11 The diabolic nature of metamorphosis is thus a crucial feature, yet this process cannot begin without the agreement of God who remains the master of all things... and the

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woman who acts as the triggering element. An example of this can be found in a long, very well- known story included in the manuscripts in Hebrew. Translated into English by Moses Gaster and into French by Israel Levy, it is entitled “About a man whose last wishes were that his son buy the first thing he saw at the market” (143) and involves the tribulations of Rabbi Hanina, one of the leading figures in the collection, here asked to cope with a male frog. “I am,” said the frog, “the son of Adam, the first man and he had me with Lilith during the one hundred and thirty years when he was separated from Eve. And the Holy One Blessed be He gave me the ability to metamorphosize myself and to take on any appearance and any shape.” 12 This story has some similarities with the previous one. The diabolical element is represented by Lilith, the queen of the devils, who gave birth to a hybrid being. This son, metamorphosized into a frog with God’s blessing, has been sent to tempt Rabbi Hanina. How? By making it difficult to carry out his father’s last wishes, who on his death bed, tells him that he will be rewarded for his efforts. In this long story, full of ups and downs – itself an excellent example of cultural transfer15 – Lilith loses her diabolic side and her son, who becomes an instrument of God, will reward Rabbi Hanina for his filial piety, which at no time in fact appeared to be threatened. From its profane version in the Grimm Brothers’ fairy tale the Frog King (Der Froschkonig) where the princess’s cruelty and aggression enable him to recover his human form, the story here has a religious goal: it responds to good with good, rewarding Rabbi Hanina and his wife for having cared for him while risking their lives. “She taught him all the Torah plus the seventy languages so that he could understand the most diverse ones... She taught him the healing properties of each (plant) and brought all of it into the house of Rabbi Hanina.” 13 Knowledge of pharmacopoeia as female knowledge appears often in the book and corresponds to actual fact. The most famous example in the Christian world is that of Hildegarde de Bingen. This knowledge, which is once again related to knowledge of the body and its metamorphoses, remains bound to mystery and magic. This is not only because this is an imitatio of classic models - the knowledge of unguents by female magicians in Lucanus’ Golden Ass, who was Apuleius’ model, but rather the outcome of a polysemy which needs to be decoded. Implicated in the mystery of life, the woman is a “polymorphous perverse,” possessing the secret of metamorphosis. In other words, she possesses the knowledge that has the power to transform, to alter. Importantly, over the course of time, the possessor of knowledge changed. In Lucanus and Apuleius, man is desirous of the knowledge of witches. He discovers their secret through seduction. In the Middle Ages, by contrast, the woman seduces the man so that he will reveal his secret. This is what happens for instance in the Roman de la Rose: “His wife drew him towards her... and she took him by the neck and kissed him, 16 then put his head between her breasts: ‘My husband’, she said, ‘what is the news’?” 14 In the Mayse-Bukh, in a story entitled “A beautiful story which happened to a great scholar who was also a rich man in the land of Ouz” (227) we feel the weight of reprobation on repressed sexuality, which is never clearly mentioned, because the place where the “extortion” of the secret takes place is the bed:

15 “But his wife was not satisfied with this response and never stopped bothering him, as is woman’s bad habit.” (227)

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16 What is this secret? The rabbi, impoverished, has become rich again because he discovered a magic ring. He finally confides the secret to his wife, which he would never have done if he had listened to King Solomon! Scarcely had she taken hold of the ring that the evil woman dives under the coverlet and turns him into a werewolf. The negative discourse on sexuality becomes manifest through the stereotype of the evil, treacherous woman who wishes her husband ill, i.e. by maintaining him in all his beastliness. This is what the rabbi, it should be said, was already doing, by calling his wife a dog (brekin) and a whore (hur); after numerous twists and turns, the rabbi regains his human features and punishes his wife by metamorphosizing her, ad vitam aeternam, into a she-ass. Kicked by her husband, she must carry enormous blocks of stone to build Solomon’s temple. She is so lustful that she goes as far as to mate in the street where everyone can see! Thus woman is prisoner of her true nature. In Lucanus and Apuleius, a man turned into an ass is an object of curiosity and sexual jealousy, but not opprobrium. When he finally finds the bouquet of roses that will turn him back into a man, which finally happens, his lover, disappointed, leaves him. 17 It would be too lengthy to list the models here – where metamorphosis and infidelity are often combined - taken from Antiquity and reinvented in the Middle Ages. I will simply mention the main representatives of metamorphosis tales: Chretien de Troyes, Marie de France, Gervais de Tilbury.17 However, although the werewolf story was written in the Middle Ages, it was very timely when the Mayse-bukh was published. Throughout the 16th century (and later) the werewolf was a major figure and there were countless trials (Pierre Burgot and Michel Verdun in Besancon in 1521; Peter Stump in Bedburg near Cologne in 1589), brochures and pamphlets (the execution of Peter Stump), wood engravings (Lucas Cranach the Elder) and copper, illustrations, narratives, sermons (Johann Geiler von Kaiserberg) all dealt with one single subject. The Jewish community’s interest in this topic can be seen in Johann Weyer (1515-1588) a court Jew and physician, who was opposed to this belief and considered lycanthropy to be a mental illness. The story in the Mayse-bukh bears striking similarities with the European literature; the differences lie in the way the text is made more Jewish, the most important of these being the rabbi-as-hero. The werewolf for instance writes his misfortune in Hebrew in the snow. Compare to a satirical story told by Theophile Laube, where a wolf writes in German “in a peasant’s heavy hand”.18 Similarities and differences form an in-depth study of this “Jewish” werewolf who rightfully enriches the pantheon ofwerewolves! 18 The tale of the rabbi-werewolf which appears below, and draws heavily on tricks, appears “old fashioned” as compared to the aims of the Mayse-Bukh. This is because it reduces the woman to well-worn cliches: ignorance – which can be one of the readings of the she-ass – and seduction. However this metamorphosis must be deciphered, because it may also be seen as a retreat into silence or a break down in communication. Note that in the story women intercede, but in vain, to beg the rabbi to give his wife her human form back. 19 This presentation, which has highlighted the conflicting features of the female role and image in different discourses, leads to the intriguing suggestion that women produce a profound metamorphosis of the body of man, a metamorphosis which is always astonishing, since it is ‘magic’. In Greek and Roman mythology, metamorphosis, the privilege of the gods, was a source of pleasure and ravishment, whereas the Middle Ages, by contrast, were haunted by a terrifying and unknown body, primarily the

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female body. This suggests that sexuality was masked or negated, but emerges more clearly through analysis. A wonderful tale that happened to a great scholarwho was also a very rich man from the land of Ouz (227) 20 Tale. A remarkable rabbi lived in a country called the land of Ouz. He was extremely rich and could speak seventy languages. This rabbi was the head of a large Talmud academy and had many valiant students. With his money he raised many young boys and enabled them to study. He always had a hundred students in his Talmud academy. He also presided over an association for the poor and there was a continual coming and going of the poor at his house. In short, the rabbi was a very pious and very good man, blessed with all the qualities one can expect from a Jew. On the other hand, the rabbi had a very mean wife who could hardly stomach these stories and viewed these activities with a very dim eye. She couldn’t stand to have a poor person in her house. And as the proverb says: when the rope is stretched to its fullest, it breaks. This is what happened to this pious man, because he became poor to the point of not being able to continue his generosity to poor people, or his students or his young boys as he had done in the past. The rabbi said to himself: “My God, what am I going to do? Haven’t I spent my whole life giving without counting and doing good for the love of God and here I am so poor now? So be it! I willingly accept this trial to which the Holy One Blessed be He has subjected me because the Holy One Blessed be He commits no injustice; who knows what sin I am guilty of?” He thought: “Why should I complain this way that I have nothing at all? There are always people to be happy about the misfortunes of others!” The rabbi thought: “Here is what I will do: leave secretly (F 175v) so that no one will know what has happened to me.” And he called his best students to him and said: “Dear students, I am sure you are know how I devoted I have been to you to this day: I have fed you, clothed you, and taught you. Now I am going to confide a secret to you hoping that you will behave towards me as I have conducted myself towards you.” The students all said: “Dear Master, confide your secret to us, we will be at your side, and will remain so as long as God gives us life.” The rabbi said to his students that he had to leave, because he didn’t know what had happened for him to have become so poor. He wanted to ask them to come with him. “I still have a few florins which I would like to spend with you. Who knows? Perhaps one day the Holy One Blessed be He will give me back my wealth and then you will benefit from it with me for the remainder of your days.” The students all said: “Dear Master, we will do what you require from us; if you like, we will go together: everything we have – our money, our clothes, we will share with you that’s why you should not worry!” So the rabbi started out with a few of his students and left the place. It was impossible to know what had happened because the rabbi left without saying anything. When the poor people and the unfortunates saw that the rabbi had left, they were panic-stricken; so were too the young boys in the association for the poor and the other students he had left with his wife. As for him, he went with his students. Wherever he went, he was honored, it was only fair. No one was surprised to see him traveling. Everyone thought he was going to a Talmudic academy to study. After a year or two spent crisscrossing the country, their clothes were no more than rags and their money had naturally disappeared. They were dependent on what people gave them. There were 50 of them and wherever they went, people closed the door on their faces, because they didn’t know who they were dealing with, vagabonds or students. In the end, the students got tired of all these wanderings and said to the rabbi: “Dear Master, when will we finish

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with all these wanderings? We have no more money, we have no more clothes, we can no longer tend to our needs. This is what we are going to do: we are going home, to our parents’ houses (f 176r) but we will not say how you are or where you are. We want to get married, because we are getting old and people are shutting the door in our faces because they think we are vagabonds.” The rabbi thought for a moment and then said: “I do not criticize you; on the contrary, you have shown great loyalty to me as I did to you. But stay with me one more day, or four or five, until the end of Shabbat and then I will let you leave. Perhaps before then the Holy One Blessed be He will grant us wealth and we can go home together.” The students said: “Of course dear Master. We have stayed so long with you that we can stay a little more until the end of Shabbat.” So they went off together and got to a ditch. The rabbi said to his students: “Go on a little without me. I must relieve myself.” The students continued along the way devoting themselves entirely to study and Talmudic debate. After he had finished, the rabbi wanted to wash his hands. And there he found a tiny fountain; he went to draw water to wash his hands. When he was just leaving, he saw a tiny weasel running; it had a lovely little golden ring in its muzzle. The rabbi ran after it until it dropped the ring. The rabbi picked it up. Then he saw that the golden ring was worthless. But he saw that it bore an ancient inscription. This is what was written: “Even though I am not pretty to look at, I am priceless.” The rabbi was a great scholar; he thought that the ring must have special powers, and he started to think over all possibilities imaginable. What power could this ring possibly have to make it priceless? Then he thought: “perhaps it is the magic ring you can use to wish everything you want and that everyone is talking about?” He thought: “let’s try!” He began to wish that the Holy One Blessed be He would enable him to find a pouch full of gold on his path. And he continued on his way. Then he saw a pouch full of gold in front of him just as he had wished. He recovered his love of life and went to join his students. “Dear students, rejoice! We are coming to a town where I still have a friend who is very rich. I will ask him to lend me money because (f 176v) he doesn’t know that I am so poor. I will buy you clothes right away and you can go home.” But he didn’t want to tell his students that he had found a ring: they could have taken it from him or they could have denounced him and he would have been forced to give it up. The students were delighted to have new clothes and were not at all surprised. They did not look for any further explanation and took the rabbi’s word at face value. They reached the city. They stayed one day. The rabbi went immediately to clothe his students in splendid garments of velvet and silk; he himself dressed as he did in the past. He stayed there a week or two and devoted himself very seriously to studying with his students. He was honored, which was fair, because he knew what a scholar should know. One day when he went to the city he bought a beautiful carriage where one would expect to see a prince. He said: “My dear students, let me pay you back for everything you have lent me, and then we will head home.” The students did not look for any further explanation and believed that it was his relative in town who was very rich who had perhaps lent him once again several thousand ducats, that is what they had been told before, so that he could return home honorably. They headed off on the road home. At places where people had shut the door in their faces, they now honored him. When the rabbi had been far away, the people had lost their love of life. But now the news was spreading that the rabbi was coming back with his students and in all his finery! How happy the poor people were! Everyone ran to meet and greet him because no one knew that poverty had been the cause of his departure and everyone believed that he had left to study. The rabbi resumed his former habits:

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he gave to charity, he ran his large Talmud academy and he enabled young students to devote themselves to study. He had been back for a certain time when one Shabbat – he customarily took a nap before studying the commentaries19 with his students – when one Shabbat while he and his wife had gone to take a nap and they had told each other all the news, his wife asked him where all the money was coming from, since when he left they had been in the bleakest of financial states before his departure. (f 117r). The Rabbi said: “The Holy One Blessed be He enabled me to do a good piece of business on the way.” His wife, however, wouldn’t take this for an answer and kept badgering him, as is the habit among women, until our good Rabbi let himself be convinced and told her the real secret. However he made a serious mistake, because King Solomon said: “Never tell secrets to your wife, because she will end up revealing them.” This is in fact what happened, as you will see. If he had not told the secret to his wife, he would have avoided the torments he was to suffer. He told her the real secret of the ring: as soon as you made a wish, it was granted. The Rabbi’s wicked wife thought “If I had the ring, he would never see it again during his lifetime!” She would have willingly taken it off his finger but it would not come off unless he agreed. She said: “Dear husband, give me the ring a few minutes, let me look at it more closely!” The Rabbi, knowing the extent of his wife’s wickedness, didn’t want to give it to her. But she started to cry, saying “I see that you don’t love me, because you don’t want to give me the ring and you don’t trust me.” And she didn’t leave him alone until he put the ring on her finger. As soon as she had the ring on her finger, she put her head under the coverlet and wished: “Make my husband turn into a werewolf and let him run to the forest to be with the other wild animals!” No sooner had she spoken the last word that her husband jumped out the window and ran into a large forest called the Forest of Bohemia. He started devouring people who went into the forest and caused such devastation that no one dared go into the forest alone because they were afraid the werewolf would get them. The wolf built a dwelling in the woods so that he would stay dry in his forest surroundings. Even the woodcutters who were in the forest all ran away because they were afraid of him. But let’s leave our poor werewolf alone for a moment and see what happened in the house with his students. Because it was time for the Rabbi to study the commentaries, his wife, may her name be eradicated, said “At the moment your master can’t study the commentaries because he doesn’t feel well.” She succeeded in convincing the students and they left. The next morning they came back to study. She said to them: “Your master has gone away. Once again he did not tell me where he was going. I think that in four years he will be back.” She pretended to be very unhappy but in fact it was a trick on her part, may her name be eradicated from the face of the earth. And once again she would not let the poor people come into her house.. So the poor once again longed for the Rabbi. In fact, this dog was very rich, because all she needed to do was to make a wish to have anything she wanted; her wealth was incommensurate and unlimited. Nobody knew what exactly had happened to the Rabbi and no one could know why he had disappeared so suddenly. On the contrary, everyone thought he would return as he had done the last time. So let us leave this horrible cheat and return to our good rabbi, the poor man, who was wandering in the woods in the form of a werewolf, and no one knew. He was a scourge, eating people and animals, because there is no animal stronger among the beasts than a werewolf. They asked the woodcutters to come and asked them if they could capture the werewolf. They said: “No, because he is stronger than a lion” and in addition very intelligent, as though he were acting like a man.” The king heard about this story and immediately organized a hunt in this forest, but he couldn’t

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capture the werewolf, because he was too smart. Traps were laid, but to no avail. However there was one woodcutter in the forest who the werewolf never harmed. On the contrary, they were friends and the wolf was always near his cabin. But for other people, it was out of the question to go into the forest because they were all terrified of the wolf. So the King proclaimed that the person who could capture the wolf, dead or alive, would be given the King’s daughter and would rule over his kingdom after his death. The King had an advisor who was still single; a hero who was very strong. He said: “Sire, if you will keep your word, I will try to kill the wolf, because you know that I have often fought in wars and I have never been vanquished. I will thus try my luck one more time.” The King promised to keep his word. So the advisor armed himself from head to foot, persuaded that he could kill the wolf. He went to the woodcutter whom the wolf knew (f 178 r) and said: “My dear man, show me where the wolf lives and were he is!” When the woodcutter saw that the advisor wanted to attack the wolf, he was seized with fright, because he was afraid that the knight would die, which is what had almost happened to him with the werewolf. He said to the advisor: “My Lord, what are you doing in this wild forest? If the wolf realizes you are here, you are a dead man, even if you have extraordinary strength.” The advisor said: “My dear man, show me where he is, because this is why I came, it’s because I’ve decided to kill the wolf.” The woodcutter said: “I beg you.” The advisor said: “Come, let’s not tarry, we must do it.” So the woodcutter said : “If it must be, may God show mercy!” And he went with the advisor to the part of the forest where the wolf roamed. The advisor took his harquebus and spear and went to meet the wolf. He was sure that as soon as he saw the wolf he would kill it with his harquebus. Realizing that someone wanted to kill him, the wolf leaped aside and jumped at the advisor’s throat: he threw him to the ground and wanted to kill him. Quickly the woodcutter came up and made the wolf leave. But the advisor didn’t want to give up; he wanted to try to attack the wolf again. The woodcutter intervened once again. The advisor attacked the wolf for the third time; the wolf was overcome with violent anger and wanted to rip the man apart. The advisor begged the Holy One Blessed be He, to save him from the wolfs claws, saying that he wouldn’t attack him any more. Immediately the wolf let him get up. He started wagging his tail to charm the advisor like a person who wanted someone else to like him. He didn’t want to leave him and walked by his side all the time like a dog running in front of his master. The advisor would have liked to get rid of him, because he was frightened out of his wits by him, but the wolf ran alongside him, wagging his tail. So the advisor took off his belt and could hold the wolf on a leash like this by his side. He escorted him through the forest. When another beast came to hurt the advisor, the wolf killed it and when he saw a hare or a fox, the wolf killed it to take it to the advisor. Finally the advisor took the wolf into the city to the King. The King and his advisor were seized with fright, because (f 178 v) they were terrified of the wolf. They had heard so many stories about him, that he had killed so many people, that the King himself was seized with fright. He told the advisor to take the wolf back. The advisor said: “Sire, don’t be afraid of the wolf. I will let you cut off my head if he hurts anyone, if no one tries to hurt him. On the contrary, he killed more than one wild beast to save my life and captured more than one.” He thus kept the wolf with him and took good care of him. The advisor told how the wolf had taken pity of him and had left him alive, although the wolf had the right to kill him because he had had the upper hand three times. This is why the advisor took good care of the wolf: he gave him the daintiest morsels to eat and drink, and not the worst. And when the advisor went out hunting, he took the wolf

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and as soon as he saw a beast, never mind what kind, the wolf chased for the advisor. Because the King had promised his daughter to whoever brought back the wolf dead or alive, and because the advisor well deserved his reward in all fairness, the King kept his promise and gave him his daughter as well as half of his fortune. When the old king died, the young king inherited the whole country. He still had his wolf, because he didn’t want to abandon it during his lifetime, because the wolf had spared his life and moreover, had enabled him to possess the kingdom. This was only justice that he should take good care of him. Once, there was a winter when there an enormous amount of snow fell. The young king went hunting, taking his wolf with him. As soon as the wolf got outside, he started wagging his tail and going straight ahead, smelling something. So the King galloped after him and surprised the wolf digging in the snow with his paw. Coming nearer, he saw writing in the snow. When he saw the writing the king was very surprised and said: “You can’t be sure that the wolf knows how to write. Someone maybe put a spell on him and he was a man before; there have been many other cases like this.” But no one could read what was written. They called in all the scholars, but no one could decipher the inscription. The King had an advisor who could read the holy (f 179 r) tongue.20 He said: “Majesty, it is a Hebrew inscription” and began to read it. Here is what was written: “Dear King, remember the friendship I have shown towards you. I did not tear you to bits when I had the upper hand and had the right to do so; on the contrary I spared you and I helped you acquire your kingdom. It so happens that I have a wife in the town of – he named the town – who put a spell on me using a ring and turned me into a werewolf; if I cannot get hold of this ring I will be a wolf for my whole life; but if I can get the ring back, I will turn back into a man like all other men. This is why I want you to remember the great loyalty I have shown to you. Go to this town and bring me back the ring which my wife has, as a sign of friendship. Or else I really will kill you!” And he showed him a mark which would allow him to identify the ring. This is what was written on the snow! After having been informed of the content of the inscription, the king said : “Of course I will help you and even if I risk my life! Immediately he set out with three servants and rode to the town where he had been told and where the rabbi’s wife lived. He pretended to be someone who bought beautiful rings and Frankish antiques and for whom nothing was too expensive. He called the Jews together to ask them whether they had old Frankish gold, rings or precious stones, anything. The Jews said: “We are only poor people but there is a woman here who has beautiful jewelry, rings and also precious stones. So he asked the Jews to tell him where this woman lived. They thus took the king to this woman without knowing that he was a king. They simply believed that he was a merchant. When he saw the woman he said : “Tell me Madame, I have heard that you have rare old gold and old rings in gold, never mind if they are encrusted with old precious stones or worked in the old Frankish manner, show them to me! If I like them, I will give you a good price.” He showed her a lot of beautiful things and made her believe that he had bought them on the road. The woman said: “ I would be happy to show this gentleman what old gold and golden rings I have.” She went into her bedroom and came back with beautiful jewelry. They had never seen such beautiful ones. The King himself was surprised to see a Jew with such beautiful things, (f 179v). On a ribbon where rings were hung, he saw a golden one. The king thought: “how can I get this ring?” – He took the rings in his hand and thought, “If only by the grace of God, the wolf already had the ring!” He said to the woman: “How much do you want for your rings?” He was careful not to show the ring. She said “So and so hundreds of florins.”

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My good king bartered two rings with her, stole the ring without her realizing it and paid the woman for her rings in gold. He left and went home. He was already on the way home when the woman discovered that her ring was missing. She could not do anything at all because she did not know the merchant. How the widow was distressed ! No one of course knew why and she could not tell anyone. When he got back, the king gave an enormous banquet and invited all the princes in the kingdom. While he was seated at the table with them, he asked for the wolf to be brought to him. The wolf came bouncing in, wagging its tail, so great was his joy, because he knew that the king had gone to get the ring, but he didn’t know whether he had brought it back. He kissed the king, he petted the king. Seeing that the wolf was cajoling him like this, the king took out the gold ring from his pocket and showed it to the wolf. But if the king had known the powers of the ring, he might not have given it to him. But the king put the ring on one of the wolfs paws. Suddenly a naked man was standing in front of them. When he saw this spectacle, the king immediately covered him with his coat of fox fur. Then the one who had been a wolf jumped with joy and said to the king: “My dear man, I beg you, let me return home because it must be three or four years since I haven’t been home. This is why I have asked your permission.” So the king said: “My dear friend, you can leave whenever you wish. But if you ever want to stay with me you can stay your whole life at my table, because my whole life would not be enough to pay you back for the good you have done to me.” At this, he went home. The king showered him with gifts. The Rabbi said: “Sire, you doubtless saw that I have enough money at home. This is why (f 180 r) I don’t need your money. In fact, you have shown me enough gratitude by bringing me back the ring because if I had not been able to get it back I would have been condemned to being a werewolf forever.” But if the king had known the secret of the ring, he would not have given it back to him so quickly because even though the king had many jewels, he possessed nothing comparable to this ring which he could not have bought for all the gold in the world. The Rabbi made his provisions and headed out. On the way back, he called his students around him, dressed them in black velvet and returned to his town. When he reached the gates to the city, he made the following wish: “God willing that my wife, may her name be eradicated from this earth, be turned into a she-ass, let her be in the stable and eat from the same trough as the other beasts!” No sooner had he spoken the last word that his wife was turned into a she-ass and was at the back of the stable and started eating from the same trough as the other animals. At the same time, it was announced far and wide that the rabbi was back, with fifty valiant students, all dressed in black velvet. The whole community came out to meet him and gave him a resounding welcome. They would have like to have known where the rabbi had been all this time. The rabbi said to them: “Be kind and don’t ask me any questions! As for me, I won’t tell you where I have been during this time.” The rabbi pretended not to know what had happened to his wife, although he knew full well that she was in the stable. He asked his household: “Where is my wife? Why isn’t she here? Perhaps she couldn’t stand to see me coming home with fifty students?” His household said: “Dear Master, if it won’t make you afraid, we will tell you. “The rabbi said: “I won’t be afraid.” So his household said: “Dear Master, when we learned that you were coming home, we ran to your wife to tell her the good news, but she had disappeared and up to now we don’t know what has happened to her.” The rabbi was not very afraid; he let nothing show and said “I think that when she has been away as long as I have been, she will come back.” He returned to his former habits: give charity to the poor, run a Talmud academy, study, do good deeds. Everyone was happy.

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He had been back a certain time when he gave a delicious banquet, to which he invited the whole town, and when everyone was more than full, he said that as of the moment (f 180v) the Holy One Blessed be He had. brought him home, he had made a wish to build a beautiful synagogue and all the stones that it would need, a she-ass would carry them. He was referring to his wife, of course, but the other people did not know he had turned her into a she-ass. The people said: “Dear Rabbi, may the Good Lord strengthen you in your resolve so that, with a pure heart, you will fulfill your wish as soon as possible.” Between times the she-ass had stuffed herself and was enormous. In addition, she mated in front of everyone, like an animal who has no shame. But when the rabbi began to make her carry stones, she became very thin; and each time the rabbi saw that she wouldn’t budge, he kicked her sides saying: “You dog, go, all the wickedness you did to me! May lightening strike you!” And he wore out the donkey to such a point that she was all skin and bones. This situation lasted for some time and no one except the rabbi knew what his wife had become. When he had finished building the synagogue, the rabbi gave another banquet to which he invited all of his wife’s female acquaintances. When they were all full to the brim, the rabbi began to tell the whole story to her friends: all the wickedness she had done to him, how the Holy One Blessed be He, had helped him regain his health, the spell he had put on her so that she would stay that way until her dying day. When they heard the story, the relatives were seized with fright and took pity on her. They begged the rabbi to forgive her this time saying that she would never do it again. But the rabbi didn’t trust her any more. A short time later, the rabbi died leaving an enormous fortune to his children; the ring disappeared and his wife was forced to remain a she-ass. This is why King Solomon said you should never confide a secret to a woman because if he had not told his secret of the ring to his wife, the rabbi would not have had the misfortune to be forced to wander in the forest. But he paid her back and rightly so. Those who think they’ve set a trap find themselves trapped. The End. That is the story.

NOTES

1. I deal with this topic briefly in an article on “La femmc dans 1e Mayse-bukh. In: Le yiddish. Langue, culture, société. Mélanges du CRFJ. CNRS Éd. 1999 (pp. 39-64). 2. Guit- 68a. In the Mayse-Bukh, "On King Solomon who wanted to build the Temple and who was forbidden to use iron." (105) 3. Ovid’s Metamorphoses describes Lycaon transformed into a wolf and Apulcius’ Golden Ass about a man turned into an ass. These narratives, “moralized” in the Middle Ages and linked to the biblical stories of Nebuchadnezzar became the model for the “transformatio hominum in bruta.” 4. See Michel Jeanneret: Perpetuum mobile. Métamorphose des corps et des œuvres de Vinci à Montaigne. Macula (no date!). 5. Death is a topic in and of itself, and merits in-depth investigation. It has three sources. In most cases death is the rightful punishment for sins committed. It can also be a mistake on the part of the angel of death. Thirdly it can be horrible and unjust

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murder resulting from anti-Semitic persecution. Death only causes the punishment to cease if expiation for sins has been fulfilled in this world. If not, it will continue in the world-to-come. 6. See Erika Timm: “Zur Fruhgeschichte der jiddischen Erzahlprosa." In: Beträge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur. Mazx Neimeyer Verlag. Tübingen 1995. (243-280). 7. Quoted by Ephraim E. Urbach: Les Sages d’lsraël. Cerf Verdier, 1996, p. 238. 8. See Jacob Katz: De la tradition à la crise. La société juive à la fin du moyen âge. Cerf 2000. In this book, the author mentions that in the Middle Ages, edicts had to be passed in favor of women whose husbands left them for years in order to study and whom, considered to be agunot, did not have the right to remarry and could hence not have official sexual lives. 9. This Talmudic story does not appear in the manuscripts. See also the very popular story in the Middle Ages of the daughter who nurses her father and mother in prison to save them from death. These stories clearly have a relationship to the pictorial representation of the Virgin and deserve investigation. 10. 0. Tönz: "Curiosa zum Thema Brustemährung" in Schweizerische Aerztezeitung. Schwabe, Basel, 2000:81: Nr.20(1058-1062). 11. Dr. Julieu Preuss: Biblisch-talmudische Medizin. Ktav Publishing House, New York 1971 (reprint of original, 1911). p. 476 sq. 12. ibid, p. 538. 13. See Edouard Gourevitch: Le guide des hassidim. Cerf 1988 (467 sq). 14. In the City of God, Saint Augustine wonders whether the physical and psychic transformation of a man after a metamorphosis could be compatible with divine creation (see Harf-Lancher, Laurence, ed. Métamorphose et bestiaire fantastique au Moyen Age. Paris. Collection de 1’ENS de Jeunes Filles, 28, 1985. In: Fabula 28,1987, p. 342; (see also Claude Lecouteux: Les Monstres dans la littérature allemande du Moyen Age. Göppingen 1982. In: Fabula 27, 1986, pp. 122-124.) Saint Augustine discusses metamorphosis as an illusion, a ‘fantasy’ before its time, as the product of a sick mind. 15. Bernhard Heller. "Beiträge zur Stoff – und Quellengeshichte des Ma’assebuchs." In: Occident und Orient. Gaster Anniversary Volume. London, 1936, p. 234 sq. 16. Guillaume de Loris and Jean de Meun: Le Roman de la Rose. Ed. Armand Strubel. Lettres gothiques, 1992, p. 861. 17. Stories of werewolves should be compared to the theme in Aarne and Thompson (449), "The Czar’s dog." 18. Théophile Laube: Dialogi une Gespräch Von der Lycanthropia Oder Der Mesnchen in Wölff- Verwandlung. Frankfurt a.Main (1686). Quoted by Elmar M. Morey: Heinrich der Werwolf. Eine Geschichte Aus Zeit der Hexenprozesse mit Dokumenten und Analysen. Anabas-Verlag. Frankfurt a.Main 1998, p. 222. 19. The Tosafot, notes appended by the grandson of Rashi and other French writers to Rashi’s commentaries on the Babylonian Talmud. 20. Hebrew.

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AUTHOR

ASTRID STARCK-ADLER Université de Haute-Alsace, Mulhouse

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The Daily Life of a Propagandist at the Paris Bureau of the Jewish National Fund (K.K.L.) (1926- 1936)

Catherine Poujol

1 The abundant archives at the Jewish National Fund (Keren Kayemet Le-Israel) in Jerusalem1 shed light on the activities of these associations in the Diaspora to promote the purchase of land in Palestine. A large collection of documents concerning France is available on microfilm2 and illustrates the intense involvement of the Paris K.K.L. Bureau from 1925-1936, through the close relationship between two men, the key members of the association: Aimé Pallière, its vice president, and Joseph Fisher, its commissioner-general. They corresponded practically every day (scribbled notes, telegrams, reminders of meetings, minutes of meetings with annotations). In addition these documents provide a glimpse of the difficulties of being a Zionist propagandist, which was Pallière’s role in France and abroad for almost ten years. In 1925, the Jerusalem executive board sent Joseph Fisher3 to set up the K.K.L. Paris bureau. Officially founded on May 16, 1925, and restructured on May 25, 1926 following a meeting that brought together twenty of the Zionist associations in Paris which supported its goals, the Jewish National Fund proceeded to hold elections for its Paris executive board on June 24, 1926. A lawyer, Marcel Mirtil, a member of the Central Consistory, was appointed president and Aime Palliere was elected vice president.4 Aimé Pallière (1868-1949) Paris Bureau Propagandist 2 A liberal Christian and Semitist, A. Pallière was a main figure in Judaism in the period between the two World Wars. Without ever converting to Judaism, he was one of the founders of the Reform Jewish Union in 1907 and as of 1922 became the assistant lecturer under Rabbi Louis-Germain Levy (1870-1946) at the Reform Synagogue on Copemic Street. I will be dealing with his role as propagandist for the K.K.L. and the means made available to him by the Zionist organization, rather than presenting his life story. When writing his memoirs, Pallière emphasized the initial motivation for his activities in the K.K.L.: “I always preferred my work at the Keren Kayemet because it

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had its basis in the Torah itself and its duty in the unbroken tradition of Israel. In the light cast gradually by events over my entire destiny, I grasped the meaning of the kiss which I, as a young child, gave to flowers brought back from the Holy Land.”5 The terms chosen to describe Palestine are indicative of the degree of sacredness of his commitment as a religious Zionist. Fisher, on the other hand was political and very pragmatic, and used this to make contacts, as of 1925, with the reform and orthodox communities of the Capital who were a-priori opposed to such initiatives. Palliere rallied the faithful of the Copemic synagogue, such as André Baur6, who became treasurer of the K.K.L. in 1927 or 1928 and who opened the doors to salons such as those hosted by gentlewomen like Mrs. Alfred Schwob, Mrs. Henry Leven and Alice Blum. His duties as lecturer at Chema Israel7 enabled him to infuse Zionist ideas into the orthodox community and to have personal contact with Rabbis whom he regularly heard, such as Jules Bauer (1868-1931) and Maurice Liber (1884-1956), both of whom were successively the principals of the Vauquelin Street Rabbinical School. 3 Fisher often availed himself of Pallière’s diplomatic talent. His advice, translations8, articles9 and letters of thanks for donations or to rabbis or journalists 10 who made statements favorable to Zionism are found throughout their correspondence. Fisher wanted his advice on everything.11 They apparently met often, alone at La Chope, the Lutetia Bar, to finalize strategies, motions to submit to the Central Committee of the K.K.L., lecture programs and public events. Little by little, while heading at the same time a Zionist Youth Association (the U.U.J.J.12), Palliere became an official spokesperson for the Paris bureau, as were for example Fanny Well and Yvonne Netter. These three individuals could be found on speaking tours in France and French North Africa in 193113, for the Jewish National Fund, with a clearly defined role, a budget and very specific goals, which are described below. Films Promoting the K.K.L. 4 Publicity for the Jewish National Fund primarily took the form of speeches. Members of the executive board and the Central Committee went on speaking tours in various cities in the provinces or abroad.14 These representatives were mandated specially to address very well chosen audiences. Pallière was sent to speak to the Orthodox or youth associations, whereas Yvonne Netter15, a lawyer, addressed women's associations and Fanny Weil met with children in schools. In all these cases, Fisher organized the speaking tours, found auditoriums, and drew up the programs. Brochures, documentation, calendars, and post cards were supplied to the representatives. 5 The main attraction was obviously the screening of films shot in Palestine showing work on the Kibbutzim or Jewish National Fund projects. Pallière began his career as propagandist for the K.K.L. (after being asked to do so by various organizations such as Chema or Emuna) by a speaking tour in March 1925 which took him from Marseille to Luxemburg, via Nice, Strasbourg and Metz, including film screenings. In the archives, a number of titles of these K.K.L. promotional films are listed. For instance, Pallière rented Modern Judea in February 1927 for a U.U.J.J. evening, after its debut at a banquet held on January 27, 1927 in honor of Nahum Sokolov, the president of the Zionist executive, who, returning from a long promotional mission in Africa, Asia and Central Europe, was to preside the 30th, at the Jubilee of the 25 years of K.K.L. at the Trocadero Palace.16 During the banquet festivities, Victor Bash, Leon Blum and Joseph Ascher all spoke. Pallière also narrated a presentation of the pictures from the Funeral of Max Nordau, on January 20, 1929, and, just after his return from a speaking trip in Germany

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in February, presented Springtime in Palestine on February 24, 1929 at the Majestic Hotel, three times in a row.17 6 The years l927-1928 marked what was known as the “Jewish craze” in Paris. Edmund Fleg published Pourquoi je suis juif 18 and André Spire, Quelques Juifs et demi-Juifs 19; and films with Jewish themes were even shown in a few movie houses on the Grands Boulevards. The K.K.L. took advantage of this trend and increased the number of screenings with the obvious purpose of garnering larger donations. They also knew how to tap the emotions. A documentary made immediately after the riots of August 1929 in Palestine, Nous nous leverons et nous batirons^e will raise up and we will build'] was a hit in March 1930. A successful slide show was produced of pictures of Inauguration of the Hebrew University by Lord Balfour as well as a documentary on a children's village Kfar Yeladim filmed at Ben Shemen, with the Utopian subtitle: A child's republic in Palestine. Means of Collecting Donations 7 There were many means of collecting donations. Before a lecture or a screening, the speaker, with the help of a few devoted individuals, set up stands at the back of the hall. Requests were made for donations to the K.K.L. Golden Book. The idea was to write the name of a well-known pro-Zionist figure and make donations to pay for his or her membership dues.20 The books were deposited solemnly in Jerusalem as a permanent way of honoring this individual. There were also donations of trees for the reforestation of Eretz Israel and the Central Committee had a detailed map of all the tree planting sites21. The very popular “blue boxes” (or blue piggybanks) were placed permanently by the hundreds in shops or in homes. There was also a ‘luxury’ version, and folders for children. The holder promised to donate a set minimum sum and the “box emptier” had to be “a committed Zionist.” He or she needed to engage in discussions with the donor and inform him/her of K.K.L. progress in Palestine. Stamps were sold after meetings; these were supposed to be pasted on letters, documents and fliers. The stamps featured the portraits of famous people. K.K.L. telegrams were also sold as well as “benefactor books” (pinkassim) that were started in Zionist families at events such as marriages or engagements. Each guest committed himself a certain sum and signed the book. Later in 1934, the “child’s book” (sefer hayeled) appeared. All the important events in the life of the future Zionist were recorded and a sum of money was donated to the K.K.L. that day. Badges were also sold in the hall at every Zionist meeting, arid it was considered good taste to wear one when visiting Palestine. 8 The only way to make these sales and collect donations from each row of seats was to begin before the audience left at the end of the lecture. This is why Fisher was interested in youth groups and asked them for their help. For instance, on November 16, 1927, the youth group members failed to show up on time, and there were no takings that night. The Zionist Federation of France, who had organized the evening, explained that no money was collected for the K.K.L. “because of the absence the young men and women from the UUJJ and the Histadrut, whose assistance is indispensable for our ticket-talcing and collection activities…” Times and Places for Collecting Donations 9 The Jewish holidays were obviously the high points for Zionist promotional activities and special stands were set up to sell Palestinian products, such as honey in small glasses before Rosh Hashanah (the Jewish New Year), and willow branches for Sukkot (the Feast of Booths). The month of Tishri (September/October) was set aside

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exclusively for collecting donations to the K.K.L. and Pallière did his utmost to be allowed to enter synagogues, borrow Torah scrolls or convince a rabbi to attend a meeting, in order to give lectures in makeshift places of worship in tents or auditoriums transformed into “K.K.L. prayer22 houses”, as in September 1932 at the Paris Municipal Conference Hall, Because the largest donations were made on Yom Kippur, the Central Committee tried more or less successfully, as was done in America, to sell seats in synagogues. “Entrance tickets were sold beforehand, and a K.K.L. stamp was pasted on them.” Over time, the K.K.L. was able to collect between 5 % and 25 % of its annual donations, but it was an uphill battle. The central committee archives in Paris have records of sharp rebuttals in 1928 from the Consistory in the capital and from the Chief Rabbi of Marseille, refusing to let the K.K.L. collect donations. In July, Fisher wrote to Pallière suggesting he should send a delegation to both places to plead their case, because the month of Tishri was fast approaching. 10 The K.K.L. came to view Hannukah (The Feast of Lights) in December as the national holiday of the future Israel. It held special drives at that time such as donation campaigns, and gifts for candle lighting sold by the K.K.L. This was easier in secular communities and it was known that Fisher had planned for Pallière to lecture on December 25, 1927 in Nancy. He was supposed to have given “a talk on the Hasmonean Festival, and on the reconstruction of Palestine” with a slide show on the agricultural settlements and the cities of Eretz Israel, upon invitation from the Association of Jewish Students of the city, as a benefit for the K.K.L.23 Pallière however fell and sprained his ankle, forcing Fisher to cancel the meeting. For the other Jewish holidays, the K.K.L. sold “Palestinian” costumes for the costume ball on Purim, fruit Juice for Tu Bishvat (the holiday of the trees), celebrated on the 15th of Shevat (January-February). Lag Ba’omer, celebrated on May 18th was devoted to “Palestinian WorkingYouth Day in Eretz Israel.” Lag Ba’omer was also a day for trips, whereas the WIZO ladies gave the holiday a more cultural feel, by inviting writers and artists. 11 The K.K.L. balls, concerts and benefit performances were also excellent times for collecting donations. In May 1933, Fisher asked Joseph Kessel to write an article that would be published in Paris newspapers on Tchirikoff’s Les Juifs, a play that was currently at the Vieux Colombier theater and performed by Georges Pitoeffs troupe. Pitoeff donated one evening’s takings to the K.K.L.24 Another event was the attractive Palestinian Bazaar held once a year in Paris and in the provincial cities. The Bazaar primarily sold Palestinian products but the economy in Palestine was at times so weak that this type of shipment was uncertain, which meant improvising an “artistic stand” of ladies’ handicrafts. The Bazaar day was meant to be an official ceremony, where city notables were invited, the building was draped with flags in the Zionist colors, there was a buffet dinner with flowers, and waiters dressed in blue and white. Door prizes, entertainment, paid (“but inexpensive”) entrance fees were designed to attract large Jewish crowds. The tough life of a K.K.L. star lecturer 12 A key feature of these events was obviously the popularity of the speaker, sent to uplift the political and cultural level of the Bazaar, concert or film screening. It is easy to imagine how tired these men and women must have been after spending long hours on the train to reach their destinations on time. For example, Fisher asked Pallière, on December 14, 1928, to leave Paris at 8:45 to get to Colmar at 15:48, where there were connecting trains to Haguenau where he was to speak that evening. This meant Pallière

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would spend a whole day in the train, in order to speak for several hours in the city, and then return the next day, because Fisher was not always able to set up combined speaking tours. Pallière apparently received small lecture stipends and reimbursement of his traveling costs. Fisher sent the money to the organizers of the Zionist meetings in the provinces, who then added what they wanted or were able to do. Aside from numerous one-day trips to the provinces for a single promotional evening. Fisher set up four exhausting money raising tours25 in France and abroad between 1925 and 1931, exclusively for the Jewish National Fund. 13 From his beginnings with speaking tours in the provinces and abroad in 1925, Pallière gradually became the K.K.L.’s star speaker. Fisher, as we have seen, used his connections with the rabbinate to handle such sensitive issues as the loaning of Torah scrolls, collecting donations in the synagogues, setting dates for evening events in the communities or placing donation boxes. At times, however, Pallière's efforts as a go- between were riot sufficient. For instance, beginning in 1928, Fisher tried unsuccessfully to convince Chief Rabbi Primer of Besançon to let him organize a promotional evening for the K.K.L. including the screening of a movie. The situation appeared to be more favorable when a certain Mr. Oderberg founded a “Zionist Club” in the city. The club asked to take advantage of Pallière’s presence in Besançon to give lectures at Chema Israel in March 1930, to host him in his capacity as vice president of the K.K.L. The religious community did not however agree to authorize the event. After an exchange of letters and a meeting between Pallière and Chief Rabbi Pruner in December 1930 that lessened apprehensions, an evening was finally set for January 4, 1931 – but Pallière fell sick. Fisher had planned a whole speaking tour from Lyon to Dijon, with a stop-over in Belfort, and had been able to squeeze in Besançon. For this reason, he suggested replacing Pallière. This appeared to be out of the question, and Fisher received a stinging reply from the Belfort community: “We feel it necessary to tell you that many people whom we were able to interest in the work of the K.K.L. asked to hear Mr. Aimé Pallière (…). We are convinced that this would be in the best interests of the K.K.L.” Fisher, annoyed, canceled the whole speaking tour. 14 Pallière was thus the star speaker of the K.K.L., as confirmed by his presence at large public gatherings. In May 1930, the K.K.L. even organized a meeting “in his honor” where he would give a lecture followed by festivities. The date was finally set for May 18, squeezing the event into Pallière's busy Chema lecture engagement schedule and the preparations for the Jewish holidays. A Public Relations Role 15 Because Pallière was well-known, in demand, and appreciated by all, Fisher called on him to thank famous individuals who were favorable to the cause. Palliere was the one to find the right words26 in a letter asking Univers Israélite to publish K.K.L. news. There was also a need for someone who could complain when the Consistory weekly, which was fairly anti-Zionist, took the liberty of altering a text written by Pallière for Rosh Hashanah 1928, replacing the word “Jews” by “Israelites”– a subtle detail which clearly showed where the battle ground was located. Six years later, in September 1934, Pallière again wrote an article to extend the best wishes of the K.K.L. to Univers Israélite, which was celebrating its 90 years of existence. Between times things had changed and Pisher asked him to stress “the changes in the magazine” as regards Zionism, “because since Mr. Milbauer27 became editor in chief, the editorial board has adopted an attitude of benevolent neutrality. Mr. Milbauer has done us many favors in the columns of his

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paper,” Pallière diligently wrote an article where he praised the liveliness of the magazine and its friendly, almost ‘family’ style, before saluting the magazine's new policy supporting Zionism. “For some time now, under editorial leadership which is as discrete as it is intelligent, Univers Israélite has shown a positive interest in the work accomplished in Palestine. It has welcomed K.K.L. announcements and all the articles informing its readership of the impact of these efforts.” 16 Pallière was also in charge of meeting important donors, such as Mrs. Bernheim from Mulhouse who expressed the wish to commemorate the name of her husband in Palestine. For 50,000 francs, the central committee suggested founding a work camp. Each year a Kaddish (prayer for the dead) would be said on the anniversary of the death of her husband, in the synagogue of a nearby Settlement. Mrs. Bemheim did not respond to this proposal and Pisher asked Palliere, who accepted, to visit her in Mulliouse while on a speaking tour in November 1931. 17 As another feather in his cap, Pallière sometimes spoke during public events organized by the K.K.L. He hardly ever accepted because he had a soft voice that did not carry, which served him better in smaller places, such as in “meditations” in synagogues. He always preferred writing to speaking and although he rarely addressed large crowds, in all cases he helped organize these events and wrote articles in the Jewish press. Here are a few examples. Speaker at K.K.L. public meetings 18 On the eve of the XVI Zionist Congress that was held in Zurich from August 11-14, 1929, the Zionist executive committee planned major celebrations for the 25th anniversary of the death of Herzl, on July 3, 1929. The World Zionist Organization needed a federating event at the start of a Congress where it had succeeded in bringing together non- Zionist Jewish organizations for the purpose of expanding the Jewish Agency, in line with the stipulations of the British Mandate. Thus strengthened, it would better represent the Jewish community in Palestine in its dealings with the British authorities, foreign governments and international organizations. 19 The commemoration was to be Impressive and take place simultaneously abroad, in Paris, and in several provincial cities, with the help of all the Zionist organizations. To unify the event, it was decided to ask famous people to write a few lines about Herzl. These same texts would be read all over the world during the commemoration. Rabbis, historians, writers, scientists, poets and Nobel laureates were contacted. The list is of interest here because it is indicative of Pallière’s international acclaim, because he was included. In the order that their texts were read, the following public figures responded: Sigmund Freud, Bernard Shaw, Stephan Zweig, Mahum Sokolov, Justin Godart, David Prato, Albert Einstein, Simon Dubnov, I. Klausner, Aimé Pallière, R. Avernheimer, Emile Vandervelde, Fernand Corcos, George Bernhard, Paul-Louis Couchoud, Max Brod, J. Wilenski, A.D. Stern, I. Nacht.28 Pallière’s message, as one of the celebrities, was read along with the major supporters of the Zionist cause. The message differs slightly in its tone, stating that even as “a pure product of emancipated Zionism” and apparently conducting his activities at a distance from all religious ideas, Herzl could not escape his mission. Pallière saw Herzl as a new incarnation of the prophetic voice of Israel through which “God speaks to His people” and he saw a divine hand guiding Herz’s life, unbeknownst to him. 20 Pallière returned to this theme in a speech he gave during the ceremony in Paris on July 3, in the presence of Edmond Fleg, Justin Godart, professors Hadamard and

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Langevin and Rabbis Julien Weill (Orthodox) and Louis-Germain Levy (Reform) who had also written texts for Fisher. On the 4th, he went with Fisher to a lecture given by a Mr. Belkind. There, they both make an appeal to plant trees in honor of Herzl and collected addresses of potential donors. On the 8th, Pallière spoke during the annual pilgrimage of the Friends of Max Nordau and Marmorek; on the 10th he delivered another speech in the Great Hall of the Scientific Society where HerzPs death was commemorated once again as was Marmorek’s, just before leaving for Zurich for the start of the XVI Zionist Congress. 21 Four days before the riots of August 19, 1929 took place in Palestine which would decimate the Jewish and Arab communities (133 Jews and 116 Moslem Arabs), and take all by surprise, there was much self-congratulation in Zurich. Fisher stayed until the end of the Congress and was elected substitute representative of the Jewish Agency. He wrote enthusiastically from Zurich to Pallière who was tired and went home for a few days’ rest in Nice, and who had asked him for news. “I must tell you, my dear Mr. Pallière, that I am extremely satisfied with the Congress and in particular with the Jewish Agency despite the hesitations I have always had as regards this organization (or rather the form of its constitution).” It was also a fruitful meeting for Pallière, at the peak of his popularity. He met Rabbi Stephen Wise29, who invited him for a vast speaking tour in America. He would leave in 1929, determined to make a trip that, despite the Depression of 1929 in the USA, would astound him… 22 Following the riots of August 1929, the Mandate administration in Palestine began by halting all immigration, and in March 1930, the report of the Shaw commission attempted to determine the causes of the riots. The experts’ conclusions prompted Lord Passfield in August to publish a White Paper that further reduced Jewish immigration and financial transactions in Palestine.30 In the aftermath of these decisions, the Zionists believed it was necessary to remind the public of Britain’s commitments by a “Balfour Campaign”, and in Paris a great deal of energy was expended on an evening honoring Lord Balfour, April 3, 1930. The initiative was taken by the Zionist Federation and the K.K.L., and was supported by France-Palestine. Senator Justin Godart31 accepted to preside over the evening that was held in the auditorium of the Palais d’Orsay. Paul Painlevé, a former minister and the diplomat Henri de Jouvenel were invited and Pallière wrote an appeal for a Balfour “Golden Book”. Who attended this event? 23 The archives of the Paris bureau do not provide information on the audience or on whether the invited speakers actually attended. We often have letters from Fisher but not the replies. Asking a political figure to speak does not necessarily mean that he will accept or that there will be a large audience to hear him. Overall, the “Balfour Campaign” launched internationally by the K.K.L. in March-April 1930 was a failure. Paradoxically only the Yishuv, although affected directly by Mandate moves, responded better than all the Diaspora countries, with 90 registrants in the Golden Book, according to a confidential message sent by the Jerusalem Central Committee. The reasons given were fatigue and overly frequent solicitation, but the National Fund refused to stop the campaign “that would be solemnly proclaiming the rendition of the Jewish people to the threats from a malevolent power.”32 24 Some Parisian events were doubtless a fiasco, despite the amount of energy put into them. This was the case for the commemoration in honor of Aristide Briand, Charles Gide33 and Albert Thomas 34 on May 26, 1932. Since February 2, in Geneva, the World

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Disarmament Conference had convened and the Left, who had made pacifism its key message under the guidance of Briand and Herriot, proposed still another solution: to prevent the Reich from re-arming, what was needed as quickly as possible was total disarmament. When the K.K.L. organized a massive commemoration “to the memory of the three great French friends of Zionism” soon after the death of Briand, in one of the auditoriums of the Maison de la Mutualité, Aimé Pallière presided and gave the opening speech. He was followed by Jean Longuet, Sam Meyer, Gaston Levy and finally René Cassin.35 The latter, contacted by Fisher, had expressed enthusiasm and anxiety: “I must tell you that I came back from Palestine full of admiration for the Zionist effort and I believe it would be impossible and harmful to stop en route, but (…) I do not consider the Zionist settlement in Palestine as obligated to necessarily found a Jewish state or solve the world Jewish problem.” He however agreed to speak on Aristide Briand that night, “because I am not sufficiently competent to praise Mr. Gide.” 25 A little less than 108 people were in the audience as compared to twenty or so reporters, the result of efforts by the Paris bureau to alert the press… a totally unexpected fiasco since certain members of the committee and several Zionist leaders did not even attend… Meeting in urgent session, the members of the K.K.L. asked why. It was pointed out that the theme of the meeting was vague: three very different figures with no common denominator and the “funerear” atmosphere of the event. The general consensus was that there were too many events, always the same speakers and the need for speakers who spoke Yiddish. “Many more people would attend, knowing they would understand at least some of the speeches.” In Belleville, there were more than 50,000 Yiddish speaking Jewish workers. As for promised donations to the Briand Forest announced that evening, the 11,000 francs collected were not enough to do anything. Fisher wanted to ask André Spire to write an article, preferably in Le Matin, or the Countess of Noailles, or else resort to subterfuge and send a news wire from the K.K.L. in Jerusalem announcing the creation of this forest. 26 Public events, films, fund raising, collecting in all the synagogues, door prizes, balls, theatrical evenings, speaking tours all entered into the promotional effort but the key to the Paris K.K.L. Bureau’s propagandist activities was its magazine: La Terre Retrouvée. [Refound Land] Reporter for La Terre Retrouvée 27 When the first issue came out on November 15, 1928, it was the result of lengthy preparation. From the inception of the K.K.L. Fisher had dreaming of endowing it with a press and promotional outlet. The fact that this dream was materialized at that time illustrates the progress of the idea of a nation within the French Jewish community. La Terre Retrouvée was the monthly “illustrated” magazine of the French Jewish National Fund; its self-defined purpose was to provide information on both Jewish renewal movement in the Diaspora and the repurchasing of land in Palestine to build settlements. The headquarters of the magazine were located at 11 Etienne Marcel Street (in the 3rd district of Paris), and in the offices of the K.K.L. The main contributors were Guerda Arlosoroff in Tel Aviv, and in Paris: Ferdinand Corcos, Joseph Fisher, Edmond Fleg, Charles Gide, Justin Godart, Baruch Hagam, Henri Hertz, Raymond-Raoul Lambert, Marcel Mirtil, Yvonne Netter, Max Nordau, Aimé Pallière, Pierre Paraf, and André Spire.

28 The monthly had on the average of twenty-four pages, illustrated from the beginning with pictures of projects in Palestine. It rapidly gained readership, rising from 15,000

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copies in October 1929 – having benefited from the August disturbances of that year in Palestine and the emotional response it engendered – to take its place, in Jewish opinion, as a current events magazine. This success translated by a larger format, for the November 1929 issue, which initiated the magazine’s second year. Another turning point was in October 1936, when following financial difficulties, the layout was changed and La Terre Retrouvée was published twice a month, with 22 issues a year on the 1 st and 15th of the month, with a single issue in July and August. New topics were included such as Jewish life in France and Paris, in Germany, Eastern Europe and North Africa. The cost was one franc per issue but it was primarily sold by subscription. The magazine rose in price to 10 francs in 1928 for the monthly and to 30 francs in 1936 for the bi- monthly. It was published regularly from 1928 to 1940, and only the last issue dated June 1940, although in press, was never printed. 29 Pallière was active in all phases of publication, going with Fisher to Busson Printing Press, 117 Poissonniere Street to select the fonts and the layout. Henri Hertz chose the title and suggested putting a map of Palestine on the cover.36 There had been the suggestion of calling the magazine “Terre Promise” [Promised Land] but the name already existed so La Terre Retrouvée was chosen in the end. This was a time of radical changes in the press and the editors, some of whom worked regularly for the major newspapers of the time (like Andre Spire on the Matin), were aware of these innovations. There was a preference for pictures of current events rather than archive photos and pictures were ordered from headquarters in Jerusalem. The inside pages needed to be sequenced and specialized to attract complementary advertising. The Petit Parisien as of 1925 had made a hit with its magazine pages “dealing every day or week with a specific category of readers or trying to satisfy curiosity on a particular theme (sports, literature, films).”37 Pallière gave his opinion on existing feature sections or new ones. Fisher asked him whether they should include a page for children, to which Pallière replied positively. He tried to find volunteer reporters and wanted to introduce Fisher to “a young Palestinian man who is very intelligent and wants to spend one month’s vacation in Eretz Israel and has some ideas which I would like him to present to you.” Tireless, he took his duties to heart and in March 1930 he could be found distributing copies of the magazine during a U.U.J.J. conference. Despite expectations, Pallière wrote very little in the magazine (only 14 articles between 1928 and 1936) and had primarily an administrative role, and handled the layout with Fisher before each Issue was printed, re-reading the proofs, discussing with the printer, helping distribute copies. What were the results of this intense promotional activity? 30 What were the outcomes of this modern form of publicity – modem in the sense that it was based on films, lecture tours and a magazine – and one that was costly since it required permanent offices and staff? Despite the tone of this article, which has tried to capture the frantic pace of activity of the Paris bureau, historians have shown that the impact of the Jewish National Fund was slight on the French Jewish public, which was highly assimilated and content to remain so. However, when the members of the K.K.L. met in their office, assessed their progress, proposed strategies, wrote leaflets, organized meetings, they believed firmly in the success of their endeavor. Thus, when viewed from within, as has been done here, on the basis of Fisher’s correspondence, the Paris Bureau’s activities appear frenetic and humanly exhausting. They plotted curves, drew graphs to show where the collection boxes were placed, counted new members, drew up lists city by city. The archives give the impression of intense activity, although

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we know today the meager results of their collection box campaigns. The individuals who set them up expended a great deal of energy each time, and believed in what they were doing – the sine qua non condition for their perseverance. This is true for the period between 1926 and 1933, since after that, the figures speak for themselves38 and the members of the Paris bureau could not ignore them. 31 For a whole series of reasons (disappointment at his failure to make the U.U.J.J. Zionist, fatigue, religious crisis) Pallière chose the worst moment possible to stop working for the K.K.L. Although he kept his title of vice-president until 1940, he had vanished on tiptoe as of 1934. This was a very bleak period and the annual reports of the Jewish National Fund in France sent to headquarters in Jerusalem were explicit. The Paris Bureau had to cope with a number of difficulties: bankruptcy of the Ivris bank where the Jewish National Fund had its account, a drop in French revenues with the unexpected defection of North Africa and hence a reduction in staff salaries. In addition, La Terre Retrouvée was also in the red 39, the World Jewish Congress had been founded, and the agreement to transfer capital and goods between the Jewish Agency for Palestine and dealt a blow to the boycott campaign supported by the K.K.L. These topics have not been discussed here, because Pallière was no longer mentioned in the deliberations and the minutes of the central committee of the Paris Bureau and his correspondence with Fisher became much too sporadic to be informative.

NOTES

1. The K.K.L. archives are located in the Central Zionist Archives in Jerusalem; henceforth: C.Z.A. 2. Thanks to two scholarships, each for a period of one month, awarded to researchers by the Centre de recherche français de Jérusalem, I was able to have direct access to these documents, which were believed lost: “they are in fact copies of part of the documentation stolen in June 1940 by the German army and rediscovered in the notorious ‘Special Archives’ in Moscow where they were hidden until the early 1990’s”, Simone Schilachter, “Les Archives sionistes centrales ; Jérusalem et l’histoire des Juifs de France,” in Archives Juives, n. 30/2, 2nd semester, 1997, pp. 115-118. I consulted the microfilm series classified C.Z.A., C.M. 46/71 to C.M. 467/43 dealing with the archives of the Jewish National Fund in France: C,M. 467/3: salaries paid by the association; from C.M. 467/6 to C.M. 467/34: list of donations to the K.K.L. by city in France and by French province from 1922 to 1940; C.M. 467/35 to C.M. 467/43: complete correspondence of Joseph Fisher classified in alphabetical order from 1928 to 1936. This correspondence is partially preserved for 1937 in C.M. 467/1 and for 1938 in CM 467/2. The nature of this article makes it impossible to provide the references for each individual document contained in this correspondence. Only those documents requiring commentary are indicated in the notes.

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3. Joseph Fisher was permanent commissioner general of the K.K.L. in France because he would only retire in 1950, see Bulletin des communautés, tome VI, 1950. n. 13, p. 4. As of 1925, he became one of the key figures in the French Zionist movement. 4. C.Z.A, C.M. 467/35, doc 427; statement filed at the Paris Prefecture of Police, July 9, 1926 declaring it to be a non-profit association under the law of 1901, founded May 16, 1925. The vote on June 24, 1926 designated Mr. Mirtil as president, Aimé Pallière as vice president, Vladimir Tiomkine, Pierre Levi, Alfred Aftalion as treasurer, Yehoshua Fisher, treasurer. Minutes of Meeting of June 24, 1926, C.Z.A., K.K.L., 5/466. 5. Aimé Pallière, Le sanctuaire inconnu. Ma “conversion” au judaisme, Éditions de Minuit, 1950, p. 223. [English edition: The Unknown Sanctuary. A Pilgrimage from Rome to Israel, New York, Bloch Publishing Company, 1928, reprinted 1985] 6. André Baur (March 8, 1904 -March 13, 1944) son of the banker Charles Baur (1862-1927) and Rachel Weill (1870-1951) sister of Julien Weill (1871-1950), Chief Rabbi of Paris, was close to Pallière. He became president of Copernic just before World War II, and took over the presidency of UGIF-Nord until his deportation with his wife Odette Pierre-Kahn (1910-1943) and their four children. They all perished in Auschwitz. 7. Association for Religious Education founded in 1919 by Maurice Liber, the Rabbi of the Victoire Synagogue from 1920-1932. Sunday mornings, lectures were given in the consistory auditorium for Orthodox youth. 8. Pallière spoke and wrote fluent Italian, German and Hebrew. 9. For instance: C.Z.A., C.M. 467/38, doc. 423 from Fisher to Pallière, November 8, 1928: “(...) if your article is ready, I would appreciate it if you could give it to the bearer of this letter.” 10. For instance: C.Z.A.,C.M. 467/36, doc. 475 from Pallière to Fisher, April 8, 1927 and 477 from Fisher to Pallière, April 12, 1927: thank you letter from Pallière to M. Jaim Azancot, the Paris correspondent from the Renacimiento de Israel, who wrote an article supporting the activities of the K.K.L. in Spanish Morocco. Fisher had the text typed, Pallière indicates his support by signing it. 11. For instance: C.Z.A, C.M. 467/37, doc. 522, from Fisher to Pallière, December 19, 1927. “The situation has become more complicated currently in Tunisia and I must have your advice as to future steps.” In the same letter, Fisher asks Pallière for his advice on the elimination of the position of assistant secretary of the K.K.L. 12. Pallière was elected president of Union Universelle de la Jeunesse Juive, (U.U.J.J.) on August 6, 1926 and remained so until the association ceased to exist in 1935; see Catherine Poujol, “Aimé Pallière, the Paradox of a Christian President of the U.U.J.J.”, Bulletin du Centre de recherche francais de Jérusalem, n°5. Autumn 1999, pp. 97-104. 13. C.Z.A. C.M. 467/41; list of expenses, October-November 1931; trip by Fanny Weil to Morocco, November 1931; trip by Aimé Pallière: Belfort, Mulhouse and Luxemburg, and December 1931, trip by Yvonne Netter to Tunisia. 14. According to the C.Z.A., C.M. 467/1, “K.K.L. Explanatory Bulletin”, dated 1936. 15. Yvonne Netter (April 10, 1889-August 30, 1985) lawyer, militant feminist, she presided the French section of WIZO (Women’s International Zionist Organization). See biographical note by Catherine Nicault, Archives Juives 28/2, 2nd semester, 1995, pp. 116--121. 16. C.Z.A., C.M. 467/37, doc.36, flier for the Jubilee evening on January 30, 1927. 17. La Terre Retrouvée, February, 1929 n. 4 and C.Z.A., C.M. 467/39, doc.427 and doc.358 from Fisher to Pallière, February 1, 1929: Fisher congratulates Pallière since the Judische

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Rundschau talks about his success in Germany and reminds him about the screening on February 24, 1929 at the Majestic. 18. Edmund Fleg, Pourquoi je suis Juif. Paris, les Éditions de France, “Leurs Raisons”, 1928. See article by Catherine Fhima, “Aux sources d’un renouveau identitaire juif en France, André Spire et Edmond Fleg”, Mil Neuf Cent, 1995 n. l3,pp. 171-189. 19. André Spire, Quelques Juifs et demi-Juifs, Paris, Grasset, 1928. 20. C.Z.A, C.M. 467/1, in the “K.K.L. Instruction Bulletin” dated 1936, the amount listed for that date was 2,500 francs; 17,000 people were listed in the Golden Book, which filled five volumes. 21. In 1936, this same “Instruction Bulletin” specifies that the price of trees was 25 francs each. The price was 50 francs in 1929, see C.Z.A., C.M. 467/39, doc. 54, October 10, 1929. A diploma was given for five trees planted, and the name of the donor was placed on the site for donations of 100 trees. 22. C.Z.A., C.M. 467/39, doc. 632, from the K.K.L. Univers Israélite, October 22, 1928. Request for publication: minutes of the Tishri campaign for the month of September 1928, contribution total: 61,682 francs. The total amount collected for the previous year (October 1927-October 1928) was considered to be very good for France: 450,243 francs. 23. C.Z.A. C.M. 467/37, doc. 53, from Fisher to Beilin, December 5, 1927. Document 529 from Fisher to Pallière, December 7, 1927, document 526 which objects to the date chosen by Fisher because it would force him to leave on a Friday night, and hence violate the Sabbath: “the day is not convenient…” 24. C.Z.A. CM 467/43, doc 276 from Fisher to Joseph Kessel, May 28, 1933. The article Fisher asks him to write is obviously unpaid. Given that Kessel was already being paid 400 francs per article in 1926 by Le Journal for his trip to the Middle East and that he earned 5,000 francs per month in 1925, when the average salary was 20,000 francs per year, this unpaid particle was indeed a very generous gift to the Zionist cause by this senior reporter (see Yves Courrière, Joseph Kessel ou sur la piste du Lyon, Paris, Plon, 1985, p. 245 and 251). 25. Speaking tours by Pallière solely for the K.K.L.: I. March, 1925, speaking engagements in France and Luxemburg; II. October-November 1928, speaking tour in Switzerland and in Alsace-Lorraine; III. January 1929, speaking tour in Alsace, Germany and Bavaria; IV. March 1929, speaking tour in North Africa; V. November 1931, speaking tour in France and Luxemburg. 26. C.Z.A.,C.M. 467/41, doc. 425 from Fisher to Pallière, March 5, 1930. “Please find enclosed a copy of our letter to the executive board of the UI (…) Apparently, for our approach to be successful, it would be better for you to write a few lines yourself on a piece of K.K.L. paper which we will include with our letter (…) 27. Joseph Milbauer was a French poet and the translator of Bialik, who published a poem on Chanukah, for the first time, in Univers Israélite in 1927. Commissioned by the magazine to conduct a survey on the Jewish immigrants of Belleville, Montmartre and Ménilmontant, Rabbi Maurice Liber, then editor in chief took an interest in his work and made him executive secretary. He became editor in chief of UI in 1932, when the Chief Rabbi was appointed Principal of the seminary on the Rue Vauquelin, on January 18, 1932. A committed Zionist, his views impacted on the Consistory magazine’s editorial policy. He settled in Israel in 1948, according to Milbauer, Souvenances, Jerusalem, vol. I, 1961 and volume II, 1967. 28. C.Z.A., F9/30: file with list, texts by the authors, and photos.

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29. Stephen Wise (March 17, 1874-April 19, 1949) American reform Rabbi and committed Zionist, he headed numerous associations and was the Rabbi of the Free Synagogue of New York. He founded the Jewish Institute of Religion and was one of the cofounders of the World Jewish Congress. 30. See Catherine Nicault, La France et Ie sionisme, Une rencontre manquée ? (1897-1948) Paris, Calman Levy, 1992, pp. 161-163. 31. C.Z.A. C.M. 467/40 invitation box. Senator Justin Godart was the president of the France-Palestine Association, the future France-Israël. 32. C.Z.A., C.M. 467/1 from the Jerusalem K.K.L. to committee heads of the K.K.L., June 24, 1930. 33. Charles Gide (1847-1932) was one of the founders of Protestant-cooperative school Social Christianity, known as the Nimes School. In favor of the causes of nationalities, he also joined, as did M. Moutet, the League for a Free Poland “a Russian, Polish and Jewish movement.” After the war he took a great interest in the Kibbutz enterprise. Contacted by Fisher, he was the economist of the K.KL., supplying brochures and articles for La Terre Retrouvée. 34. Albert Thomas (1878-1932) was the assistant secretary of state for Public Works before becoming Minister of Armaments (May 1915-1917). After the war he became a pacifist and an anti-militarist. 35. La Terre Retrouvée, ibidem, p. 14. Jean Longuet, a member of Parliament, represented the Amis du Sionisme et de la Palestine ouvrière; Sam Meyer was the president of the Ligue pour la Réforme foncière; Gaston Levy was a member of the Conseil supérieur de 1'Union des Coopératives de France; René Cassin was a professor at the Law School of Paris. 36. C.Z.A., CM, 467/38, doc. 431 from Fisher to Pallière, October 22, 1928 and C.Z.A., CM 467/38, doc. 434, from Pallière to Fisher, same date: “La Terre Retrouvée seems to me to be a good title, the idea of the map is also excellent.” 37. Histoire générale de la presse française, eds. Claude Bellanger, Jacques Godelhot, Pierre Guiral, Fernand Terrou, vol III., De 1871 à 1940, Paris, P.U.F., 1972, p. 477. 38. C.Z.A. C.M. 467/1 doc. 33 K.K.L. France activity for the year 5686 (1926) to 5697 (1937) (in francs).

39. C.Z.A., C.M. 467/1. Minutes of the meeting of April 7, 1937. Pallière was requested to attend. The magazine was 132,000 francs in the red. Fisher wanted to stop publishing but the committee was opposed.

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AUTHOR

CATHERINE POUJOL Inalco

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Aliya from the Former Soviet Union Demographic Landmarks Over a Decade of Immigration

William Berthomière

1 The present article, written for the Bulletin du centre de recherche francais de Jérusalem aims at highlighting the territorial repercussions of the wave of immigration from the former Soviet Union which Israel has, and still is, experiencingg1. Throughout this article, two major issues are examined: the socio-spatial logics of the roughly 800,000 inhabitants of the FSU who have come to Israel since 1989, and the spatial practices which emerge from an analysis of their distribution in space. These considerations are based primarily on analysis of data from the national census of the population in 1995, as well as specialized statistical sources dealing with this immigration. Current events guided the conclusion of this article. The terrible events of recent months have led to a reflection on the strategic dimension that immigration could have within the framework of the Israeli-Palestinian conflict. As of the first instants of aliya from the FSU, the medias, the scientific community, and the Palestinian leadership all stressed, not unjustifiably, the “demographic danger” of the return to Israel of a level of immigration comparable to the one that occurred at the time the State was founded. Thus, although today discussions appear to have refocused on the demographic issue, which itself vehicles a large number of prejudices, it seemed crucial to try to summarize the impact of this immigration on the growth of the settlements beyond the Green Line at a time when the future of these settlements is at the very heart of this controversy. Geodynamic panorama of immigration from the FSU 2 The geography of immigration from the FSU to Israel is a necessary first step, since describing the preferential places of residence of these immigrants helps grasp their absorption strategies, and sheds light on their perception of the socioeconomic realities of the country. We begin this overview of preferential places of residence by a macro- analysis of the distribution of former Soviet citizens in terms of districts and sub- districts of Israel. 3 The available data reveal several noteworthy features. First of all, the immigrant population has headed mainly for the most densely populated areas of the country. The

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Center and the Tel Aviv conurbation have integrated more than 249,000 ex-Soviets, or 36.8 % of the total immigration flow (see Figure 1).

Figure 1: Répartition de 1’immigration d’ex-URSS (en %) selon les districts de résidence et les Territoires occupés (1990-1998)

4 Without for the moment entering into further considerations as regards choice of residence, it should be noted that such spatial behavior was predictable, given the very high proportion of Jews from large cities in the FSU among the immigrants. Their “urban culture” naturally led them to opt for areas where the largest cities in Israel are located. For instance, the Haifa district attracted more than 120,000 ex-Soviets. By contrast, the Jerusalem district, despite the fact that the city of Jerusalem is the most highly populated city in the country, only drew 32,500 ex-Soviets. One explanation for this lack of appeal for the area may be, as many local representatives state, the low level of ideological motivation of this group of immigrants. Cut off for too many years from their Jewish roots and from Zionist ideology, Jerusalem no longer represents the strong symbol for these ex-Soviet Jews it was for the Refuzniks in the sixties and seventies. Over years of isolation, mythical Jerusalem has gradually been replaced by modem Tel Aviv, the archetype of the wealthy Western city... 5 Secondly, beyond these “predictable” choices of residence, the most striking feature in this analysis of the distribution of Jews from the FSU in Israel concerns the South. By the end of 1998, as shown in Figure 1, this district had the highest contingent of ex- Soviets, with 172,000 immigrants. The change in the distribution of the flux of ex- Soviets by district from 1990-1996, as compared to the total Jewish population in the country, confirms the assumption that there was a reinforcement of the “power of attraction” of the southern district on the ex-Soviets: whereas in 1990, immigrants were underrepresented there as compared to the total Jewish population of the district (-1.9 %), their proportion was 11 points higher in 1998.

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6 This initial finding is remarkable since this district, basically a desert region, has always been one of the State’s prime targets in terms of demographic expansion. This is also the case for the North, even though the contingent of ex-Soviets is not as high as in the South (93,000 immigrants). Nonetheless, this contribution in number of inhabitants is a major geo-strategic trump card in the policy of territorial domination in the Galilee.2 7 Analysis of the ex-Soviets’ geography hence yields, at this level, preliminary figures that underscore the impact of this wave of immigration in Israel, since in 1998 these “new Israelis” made up almost one-quarter of the population of the southern district (24.6 %) and almost 20 % in the Haifa and the North. In addition, even though this point is touched upon again later, it should be stressed that the ex-Soviets make up almost 8 % of the population of the Occupied Territories.3 8 In 1995, in terms of sub-districts, data analysis clearly highlights the power of attraction of the large urban agglomerations in Israel. The sub-districts of the Sharon, Petah Tikva and Rehovot4, on the periphery of Tel Aviv, are similar to the Jerusalem area, absorbing respectively 27,100, 31,600 and 33,400 ex-Soviets, as compared to 28,600 for the Jerusalem district. Less central locations such as the sub-district ofAshkelon in the South have also gained considerably, in addition to the attraction of the cities of Ashkelon and Ashdod, which bound it, benefiting from the zone of influence of Tel Aviv in ex-Soviets’ choice of residence. The influence of the large localities on immigrants’ spatial distribution is also seen in the high number of ex-Soviets in the sub-district of Acre (Akko) where more than 31,000 have elected to reside. The job market in the Haifa area is one of the main motivations guiding the choice of residence. 9 As will be shown later, in the case of the Ashkelon and Ashdod sub-districts, the demographic impact has also been considerable, since the ex-Soviets make up more than one fifth of the total population (23.1 % and 20.3 %). 10 The preliminary hypotheses concerning the power of attraction of urban centers in Israel on choice of residence of the ex-Soviets is hence confirmed by analysis of the geography indicative of type of locality preferred by the immigrants. Their strong “urban culture” prompted them to reject settling in rural localities, in particular the kibbutzim. In the 1995 census, only 0.6 % chose this type of location (2.8 % for the Jewish population as a whole), which was nevertheless targeted as a specific location for absorption in the first flush of immigration. 11 The ex-Soviets also differ from the rest of the Jewish population in that they have “abandoned” Jerusalem – as mentioned earlier – and prefer Haifa, but also cities between 50,000 and 100,000 and above all 20,000 to 50,000 inhabitants. The proportion of ex-Soviets is respectively 6.6 and 5.6 points higher than the population as a whole in these two types of localities. Such preferential choices are the outcome of the ex- Soviets’ perception of the country; in terms of Israeli absorption policy, they were presented with a dualistic vision of the country: either locating in the urban centers of Israel with high prices and maximal job opportunities, or locating on the periphery of the urban centers at lesser cost but with the risk of not finding a job. 12 The geography described here on the level of distribution according to type of locality raises in part an issue that is dealt with in the analysis of immigrant logic. The urban level of immigration is analyzed further below.

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13 The figures provided by the Ministry of Immigrant Absorption reveal the impact of choices of residence on the demographic structure of the host cities. Table 1 and Map present cities that have been the most affected by the wave of immigration since 1989. Because of the magnitude of Soviet immigration, these localities all have immigration figures of more than 85 % of ex-Soviets. The only real exceptions are Jerusalem (61 %), as mentioned earlier, and Bet Shemesh (75 %), which has a high number of Ethiopian immigrants. In the other localities, the proportion of ex-Soviets confirms the incredible impact of this wave of immigration on Israel, as can be seen for example by Nazareth Illit where 19,300 ex-Soviets have decided to live, and made up 40 % of the total population in 1997. 14 In smaller cities such as Dimona, Ma’alot Tarshiha, Sderot or Or Akiva, where 99 % of the immigration was made up of ex-Soviets (see Table 1, Map 1) there is a tangible feeling of Russification. It’s enough to wander down the streets of these cities to feel the “Russian” presence. The wave of immigration was so high that middle-sized cities such as Ashdod and Ashkelon (respectively 128,400 and 84,200 at the end of 1995) have demographic structures composed of almost one-quarter of ex-Soviets.

Map

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Table 1: Cities absorbing 5,000 immigrants or more for the period between 1989-1997 and the proportion of immigrants from the FSU in the total immigrant population (%). (The localities mentioned only include cities where the proportion of immigrants in the total population is equal or higher than 20 % or 30,000 immigrants or more)

15 Before concluding this section on this urban geography of immigrants from the FSU in Israel, it is worth pointing out that some localities were left virtually untouched by this wave of immigration. Three hypotheses can be put forward to account for the lack of interest of the ex-Soviets for these localities: first of all, for localities in the greater Tel Aviv area, the lack of available housing (costs too high, no plans to build housing projects, etc.) is a good candidate explanation. Secondly, some of these localities are far from any urban center: this is true for example of Bet Shean. Thirdly, the Social climate’ of the localities was refractory to integration of all the ex-Soviets; this is the case for example of Bnei Brak, the city of the “men in black”. Primarily an Orthodox center, only the traditional fringe of the immigrants would choose to settle there (about 1 % of the immigrants). 16 More generally speaking, an understanding of the geography of the ex-Soviets thus arises from a grasp of socio-economic logics and migratory channels which guided this wave of immigration. For this purpose, the next section outlines a typology of socio- spatial logics. Geographic origins in the FSU and choice of residence in Israel 17 As suggested by the macro-analysis on the district level for all geographic types of origins, the Tel Aviv and Haifa areas have been the prime choices of place of residence of immigrants from the FSU. Individuals from the Caucasus and Central Asia, the Baltic States, the Ukraine, and Russia headed primarily for the Tel Aviv district, whereas individuals from Moldavia and Belarus tended to prefer the Haifa area (see Table 2). As regards other localities, the choices of the ex-Soviets show a wider range of diversity.

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Table 2: Proportion of ex-Soviets per district and sub-district as a function of geographic place of origin in FSU (1990-1994)

18 As concerns the third district (or sub-district) of residence, the attraction of Tel Aviv remains perceptible since four of the groups analyzed opted either for the sub-district of Rehovot, which includes the city of Rishon Lezion on its outer fringes, or for Ramla, both of which are located within the zone of influence of Tel Aviv. 19 Immigrants from the Ukraine and Russia preferred a more southern location (for the Ukrainians) in the Ashkelon district, and a more symbolic one – Jerusalem – for the former Russians. It should be noted however that for both of these groups, the Rehovot area was the fifth choice and that both chose Beer Sheva as fourth choice. On this level of analysis, the preliminary conclusions concerning the power of attraction of the southern district are confirmed by the fact that the Beer Sheva area was the fourth and fifth choice of residence of immigrants from Central Asia, the Caucasus and Moldavia. 20 One striking particularity characterizes the first choice of residence in immigrants from Belarus: they are the only ones to include a northern district – Akko – among their first five choices. 21 The findings, in terms of broad geographic origins for this period, thus confirm the patterns for choice of residence. The dominance of the Tel Aviv area is clear, and the distribution of immigrants in the adjacent districts clusters around its metropolitan pole. The first choice of residence of immigrants from Central Asia and the Caucasus speaks for itself. More than one-third of these Jews from the FSU are grouped in the Tel Aviv district (36.9 %) and 22 % in the outlying areas (see Table 2). On a lesser numerical scale, the case of immigrants from the Baltic States also indicates a strong attraction for the Tel Aviv district with one-quarter of its population in the area itself, and almost a third in the outlying areas, including 12.5 % in the Rehovot area and 10 % in Petah Tikva. 22 Superimposing the existing over-representations in spatial distributions of groups of immigrants from the FSU with the average patterns for overall FSU immigration

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highlights residence preferences, although the figures are relative. These findings reveal three main types of choice of residence: type 1 reflects Tel Aviv as first choice for its central location, type 2 is indicative of average behavior of Jews from the Ukraine and Russia, and type 3 covers marginal preferences in other groups. Type 1: The Greater Tel Aviv Area: a major center of attraction 23 Type 1 covers groups of immigrants drawn by the Tel Aviv conurbation. This first of all includes ex-Soviets from Central Asia and the Caucasus. The data clearly show that this group chose Tel Aviv as its first choice of residence (+11.2 points compared to the average) and the Ramla district (+ 4.5 points). There is clear-cut clustering of these Jews in these two localities because they have tended to avoid the Rehovot area, although it has been very involved in absorption of ex-Soviet immigrants. In absolute numbers, the latter area has clustered 2,450 Jews less from the Caucasus and Central Asia than the Ramla area: 5150 versus 7500. 24 Baltic State immigrants also belong in type 1, showing a strong preference for the greater Tel Aviv area. In contrast to the previous group not all have chosen the Tel Aviv conurbation, since the Rehovot and Petah Tikva areas have absorbed a considerable number of Jews from the Baltic States. It is noteworthy, as a stepping stone towards the hypothesis of migrant territories, that the sub-district of Ramla appears to have been totally passed over by the Baltic Jews, in contrast to Jews from the Caucasus and Central Asia. Among Baltic Jews, seven times more immigrants opted for the sub-district of Petah Tikva than for the Ramla district (1510 immigrants in the former versus 216 in the latter). 25 Moldavian Jews are the last group in type 1, attracted by the Tel Aviv conurbation. They are also under-represented in the Tel Aviv district proper, but over represented in greater Tel Aviv (+5.6 points). They thus confirm the attraction for immigrants for this central district as a first choice of residence, an attraction that will be discussed below with regard to internal mobility. 26 Overall, as regards first choice of residence, the greater Tel Aviv area predominates. Analyses show that the second circular zone of greater Tel Aviv clusters a high contingent of ex-Soviets. Examining along the radius of this circle shows that this localization can be accounted for by immigrants living primarily in the city of Petah Tikva, and in the southern part of Rishon Lezion (within the Rehovot municipality). The eastern and southern sections of the third circular zone also show immigrant presence because these sections include much of Rehovot and Ramla. It is worth stressing once again that the desire to integrate as rapidly as possible into the Israeli economy was a prime motivator in choice of residence. In interviews with new immigrants, it was clear that they were aware of the limitations of the greater Tel Aviv area as ‘the outer fringes of employment in Israel’. Type 2: Jews from the Ukraine and Russia: a fairly homogeneous type of immigration 27 Through the prism of spatial over-representation, the profile of choice of residence of the Ukrainian and Russian groups yields a fairly homogeneous distribution. In terms of average weight, all the districts and sub districts of Israel have all been affected, globally speaking, by this wave of immigration. Note that these immigrants, somewhat like the Moldavians, are under-represented in the Tel Aviv area. Each of these two groups nevertheless has its own specificities. The relative proportion of Ukrainians in the Haifa area is 3.5 points higher than the average for total immigration (20.4 % versus 16.6 %) and the proportion of Russians is 2 points higher than the proportion for

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Hadera. Thus the preliminary conclusions suggesting that Russian Jews were the only group to be really attracted by the Jerusalem district are confirmed (+3.5 points). Type 3: Jews from Belarus: “a separate group” 28 This final group of immigrants from the FSU presents choices of residence in complete opposition to type 1. Whereas Jews from the Caucasus and Central Asia were fairly over-represented in the Tel Aviv area, the Belarusians are truly under represented, with 8 % less than the average of the total immigration. 29 Aside from the Ashkelon area, the Belarusians tend to prefer the North. The Akko and Jezreel areas are over-represented with Belarusians, respectively +3.5 and +3.2 points. This group is thus the only one, along with the Moldavian Jews to be over-represented in the Jezreel area and the sole to show a ‘relative attraction’ for the Acre area. 30 As Gabriel Lipshitz emphasizes, all these choices of residence must be reinterpreted in the light of internal mobility, since the immigrants “acquire new skills and first hand information and knowledge about the opportunities of the receiving country and may choose to relocate.” [1998:101]. Recasting of the geography of immigrants from the FSU in Israel in terms of internal mobility 31 This last facet of the geography of ex-Soviets in Israel analyzes their internal mobility. Because of the policy of direct absorption, internal mobility quickly impacted on the immigrant population. Out of the total number of ex-Soviets who entered the country between 1990 and 1991, 75,000 (or 22.5 % of the immigrants) moved [Hasson.1996:173]. Their pattern of internal mobility corroborates the preliminary findings, since the migratory balances are positive for the North and South districts of the country. Studies by Shiomo Hasson show that, as of 1991, the South had a migratory balance of +6000 immigrants and the North +4,800 (See Table 3).

Table 3: Internal mobility of ex-Soviets who arrived in Israel between 1990-1991, compared to the Israeli population, as a function of geographic area

32 The occupied territories also emerge as one of the preferential locations for the immigrants, with a migratory balance of +1400 ex-Soviets. These gains were made to the detriment of the Haifa area (-6000 immigrants) as well as the Center and Tel Aviv, with the city of Tel Aviv alone losing 2,600 immigrants from the FSU. 33 The migratory behavior of the ex-Soviets in comparison to the Israeli population in its entirety presents several specificities. Although their internal mobility appears to be in phase with the mobility of the general population as regards the districts of Jerusalem,

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Haifa, the North, the city of Tel Aviv and the occupied territories, it is diametrically opposed to trends as regards the South and greater Tel Aviv. Greater Tel Aviv experienced a migratory balance of -2300 immigrants from the FSU whereas this balance is positive for the rest of the population (+2,100, see Table 3). This disparity can be accounted for by the fact that the non-immigrant population has tended to gentrify and move to the suburbs, whereas the ex-Soviets were motivated by economic and job- related reasons, once they had acquired “first-hand information and knowledge about the opportunities of the receiving country”. 34 The South also shows disparities: the migratory behavior of the ex-Soviets reverses the trend for the general population. Whereas the ex-Soviet population is clearly attracted by this district (+6100), the general population tends to leave it (-400 people). As will be shown later, this migratory trend constitutes a success for the government’s population dispersion scheme. 35 According to Shiomo Hasson, 55.9 % of the ex-Soviets who remained in their first choice of residence because of the presence of family or relatives, and 48.5 % who relocated did so for reasons of employment or housing. He also points out that internal migration based on the latter motivation was oriented towards the periphery of the country and migration which took place within the central districts of the country were motivated by employment opportunities [Hasson, 1996: 175-176]. Data from the Central Bureau of Statistics highlight the recent trends in the ex-Soviets’ internal mobility: the South and North, as well as the occupied territories show positive migratory percentages, and also suggest that this mobility schema is subject to change (see Figure 2).

Figure 2: Immigrants from the FSU and the total Jewish population: internal migrations per district

36 Overall, on the district level, two main systems of mobility can be seen among the ex- Soviets. The existence of a central system is demonstrated by massive internal migration from the Tel Aviv district towards the center (26 % of the recorded mobility) and the reverse (13 %). There is also a migratory flow from the Tel Aviv district towards

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the South (21.6 %). Within this same mobility system, the Central district contributes to the Northern districts with a total of 20 % of all relocations recorded from this district. Parallel to this first system of internal mobility, the North of the country also shows a similar structure, even though it only covers 16,459 internal migrations versus 31,600 in the preceding system. The Haifa area primarily shows a departure of its immigrants towards the North, 19 % of the total flow, and the latter has seen a departure of 23 % of the ex-Soviets to the Haifa area. Within the other trends in the system, the South emerges as a prime location for absorption: in the case of the Haifa area, the South is the second destination for ex-Soviets after the North, respectively 1,136 and 1,859 immigrants. 37 In contrast, the South shows a set of internal migrations which impact to only a slight extent on the Northern districts, since the majority of the internal migrations are drawn to the Tel Aviv district (30 % of the total flow). Note that the South, along with Haifa, shows the same ability to retain immigrants from the FSU since almost half of the relocations in 1995 were within its municipal boundaries. In contrast, Jerusalem only tabulates 15 % internal mobility within its district. This district is rendered even more interesting by the fact that the first two choices of ex-Soviets who leave Jerusalem are the occupied territories, with 823 immigrants. 38 The singularity of Jerusalem can most likely be explained by the attraction of Jewish settlements located on the border of the eastern (unofficial) part of the city, such as the settlement of Ma’ale Adumim. As will be discussed later, this type of internal mobility enters into the economic logic of the former immigrants, and serves the Slaters geostrategic imperatives. 39 In terms of the localities themselves, the migratory channels of the ex-Soviets within Israel can also be charted. For the period between 1990-1995, the three main Israeli cities overall show negative rates of internal mobility, losing out to middle sized cities (50,000-90,000 inhabitants) and above all cities with fewer than 20,000 inhabitants. In 1995, for all the former Soviets as a whole since 1990, smaller cities absorbed 12,728 immigrants with 7,629 departures, for a migratory balance of 5,099 and a rate of internal migration of 62 % (See Table 4).

Table 4: Rate of internal migration of immigrants from the FSU in 1995 as a function of type of locality and by year of immigration to Israel

40 This table highlights once again that the ex-Soviets contribute to strengthening the urban nature of Israeli society. For 1995, the rural localities presented a negative rate of

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internal mobility calculated for all immigrants since 1990. The fact that some of the immigrants were absorbed “temporarily” by kibbutzim can explain this shift from rural to urban. It should be recalled that a very large majority of the former Soviet immigrants came from large urban areas within the Western regions of the FSU and that their “urban culture” means that residence in rural areas can only be transitory, a phase, in the absorption process. 41 The raw data for internal migration show that cities with 100,000 to 200,000 inhabitants and those between 20,000 and 50,000 inhabitants are the areas where the highest amount of mobility took place. In 1995 (for all years of immigration pooled), the larger cities recorded 15,913 arrivals for 16,853 departures and the smaller cities 14,885 arrivals versus 11,673 departures. These same data also demonstrate that ex-Soviets who left Jerusalem in 1995 primarily relocated in localities of fewer than 20,000 inhabitants, whereas immigrants leaving Haifa preferred cities with 20,000 to 50,000 inhabitants, and immigrants leaving Tel Aviv, cities between 100,000 and 200,000 inhabitants. 42 These data on internal mobility as a function of type of locality also reveal a dynamic that contradicts the logic of spatial dispersion in the country. This is because immigrants from cities having 10,000 to 20,000 inhabitants tend to move to larger localities (between 100,000 and 199,999 inhabitants) located for the most part in the Tel Aviv conurbation, and this dynamic is enhanced by departures from cities with more than 50,000 inhabitants. 43 The last geographical analysis focuses on internal mobility in terms of years since immigration. As for the number of migrations, what emerges is that internal mobility decreases considerably as a function of length of residence in Israel. In 1995, the relative proportion of internal mobility was three times higher for ex-Soviets who made aliya in 1995 than for immigrants who arrived in 1990, respectively 19.4 % and 6.5 % (see Table 5). These data are illustrative of the gradual sedentary trend of Jews from the FSU in Israel.

Table 5: Internal mobility and relative proportion of mobility for the total immigration from the FSU in 1995, and by year of immigration in Israel

44 The figures from this analysis of statistical data on the spatial distribution of Jews from the FSU in Israel can be recast as a typology of spatial implantation logic showing the exogenous and endogenous factors which contributed to shaping it. Typology of spatial practices of immigrants from the FSU 45 In the light of the statistical data presented above, this section attempts to paint a general picture of the logic behind residential choices which guided Jews from the FSU, in order to better grasp the dialectical relationship created between the logic of the State and group logic.

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46 By examining the geography of this immigration, various types of spatial behavior emerge as regards choice of residence, in particular because of the wide range of Jewish communities within this group of immigrants. The fact of being Ashkenazi or Sephardi, a Dagestan Jew or one from St. Petersburg, for instance, prompts different forms of mobility and types of spatial integration strategies, even though the lower cost of housing appears to be the prime element in determining the spatial distribution of the former Soviets as a whole in Israel. Despite the inevitable reductionism inherent to the construction of a typology, field study findings suggest four broad types of spatial behaviors that have contributed to the geography of immigrants from the FSU in Israel. Choice of Residence linked to the presence of immigrants from the 70-80s 47 Unquestionably, immigrants from the Soviet Union who arrived between the seventies and the nineties played a key role in the choice of spatial location of more recent immigrants. A study conducted on the city of Karmiel, located in the heart of the valley of Bet Kerem that divides lower and upper Galilee, emerges as a typical example of choice of residence induced by the presence of “Refuzniks” (See Map). 48 During the 1970s, the new town of Karmiel expanded with the arrival of Soviet Jews, in particular from Baku (Azerbaidjan). Over 1,600 Soviet families had chosen to locate there over the previous twenty years [Eldar, 1992:274]. During the events of late 1989, a group of these families joined forces and mobilized to prepare for the liberalization of emigration from the USSR. Appeals to emigrate to Karmiel were broadcast via the Kol Israel radio station (which could be heard in the USSR) and the seriousness of the absorption staff in Karmiel did the rest. Emigrants became aware of Karmiel and at the peak of the wave of immigration between 1990 and 1993, 7600 ex-Soviets located there. In 1995, the population of former inhabitants of the USSR who had immigrated since 1990 was nearly one-third of the total population of 35,000 of Karmiel. 49 Within the framework of the “adoption” program launched by the municipality, each of 310 families who arrived between 1990 and 1992 were assigned to a Karmiel family in order to reduce the difficulty of absorption caused by isolation and lack of familiarity with the local administrative structures [Eldar, 1992:277]. The success of this host group, relayed as time passed by the new immigrants themselves, was such that the mayor of the city planned to go to the airport to ask immigrants not to come to Karmiel anymore. Through feedback, and the availability of housing in Nazareth Illit, this migratory channel was deactivated and redirected in part towards this city, located several kilometers to the South. Like Karmiel, the cities of Beer Sheva and Haifa absorbed Jews from Baku because of the presence of immigrants from the seventies. Interviews with the ex-Soviets showed that these patterns of residence are characteristic of the various groups of Jews from the Soviet Union who made up this immigration. For instance, the Caucasian Jews of Baku, attracted by their predecessors, settled primarily in Migdal Ha’emek (near Nazareth Illit), Lod and Ashdod. These choices contributed the initial building blocks for a concentration of the ex-Soviet community, as will be shown below. 50 In addition to this type of behavior motivated by networks of friends and relatives, what emerges is that the spatial practices of the ex-Soviet immigrants were influenced, logically enough, by the search for lower cost residential areas. A geography of immigration dictated by the cost of housing 51 The massive waves of immigration in 1990 and 1991 created a housing crisis (due to lack of absorption housing and a sharp rise in prices in particular), and immigrants

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were forced to look for less expensive places of residence. The high number of new immigrants in cities such as Petah Tikva, (in the suburbs of Tel Aviv), or Kiriat Yam, (near Haifa), are excellent examples. Despite the fact that most of these Jews came from large urban centers in the FSU, the majority of them thus chose to settle in outlying areas where the cost of housing was lower than in the urban centers of the country. 52 Faced with the prohibitive cost of housing, the immigrants’ residential zones spread towards the periphery of Tel Aviv and Haifa. As concerns the top twenty immigrant absorption localities (for the first five years after aliya), the main localities are grouped around the two large economic centers of the country. Within greater Tel Aviv, Bat Yam, Holon, Petah Tikva, Ramla and Rishon Lezion have absorbed a large contingent of ex-Soviets, as well as Akko and Kiriat Yam for the Haifa district. Aside from these cities, a whole group of localities in the economic sphere of Tel Aviv or Haifa have also been affected by immigrant absorption, but very quickly reached their maximal capacity for absorption. This was the case in particular for Herzilia and Ra’anana, which dropped respectively 9 and 14 places in the ranking of absorption cities, or Kiriat Bialik with a loss of 7 places. These saturations of the initial host locations due to lack of housing or job opportunities redrew, through internal migration, a new spatial distribution of immigration, and created a second area of immigration somewhat farther away from the economic centers of the country. Within the Tel Aviv zone of influence, cities such as Lod could thus maintain their role as absorption city while a series of smaller cities became targets for immigration. Two types of cities fall into this second category. 53 The first type is made up of cities located at the intersection of two different employment basins in Israel. The case of Kiriat Gat is a representative example. By increasing its contingent of immigrants by two and a half in 1992, and in 1995, this city went from the 20th to the 14th place on the list of absorption towns. 54 In the Northern part of Israel, the town the most representative of this dynamic is Or Akiva. A small locality near Cesarea, at the center of the Haifa and Netanya employment zones, it benefited considerably from the restructuring of immigration absorption with a gain of 14 places. Strangely enough, the city of Pardes Hanna, located in the same economic zone, was not affected by this new absorption trend. The hypothesis that increased migratory channels exclusively to a small number of cities can account for these particularities, as will be shown later. 55 Parallel to this first type of dynamic, a new geography of absorption locations developed through encouragement of the State’s habitat policy. By building new low- cost housing in peripheral areas of the country, many towns in the Galilee and the Negev attracted growing numbers of immigrants. Towns such as Ma’alot Tarshiha, in the zone of influence of Karmiel in the Galilee, or Arad and Ofakim, dependent on the Beer Sheva zone, are good examples. 56 Another city which deserves mention as part of this dynamic is the settlement of Ariel located in the center of the West Bank. As of 1993, its population of former Soviets grew rapidly to reach 3,300 individuals in 1995 and 6,054 at the end of the year 2000 (see infra). As will be discussed in greater depth below, the “success” of settlements such as Ariel is part of a synchronous relationship between State policy and migrant logic. 57 These installation logics as a whole thus corroborate the initial findings concerning internal mobility. Progressively, as the result of economic crisis and the policy of building public housing in the outlying areas of the large urban centers of the country, the immigrants have partly been redistributed to the peripheral areas of Israel, in small

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and middle sized cities in the North and South. Nevertheless, the policy of encouraging the dispersal of the immigrant population has not been without hitches. 58 Some of these small and middle- sized towns were unprepared for such immigration because they were also facing severe socio-economic problems (deficits in the city budgets, high rate of unemployment).5 The city of Kiriat Gat, developed to be a relay town at the upper limit of the Negev (Lakhish district) was faced with severe problems of urban and industrial growth. The influx of ex-Soviets destabilized city planning, since the city was not capable of responding to the infrastructure needs created by immigration. As Colette Aymard states: “The city is faced with a dual problem: providing services to a population with low revenues and retaining the core of the population with high incomes in the city.” This situation led the municipality to have recourse to “a policy of selective absorption of immigrants, by favoring skilled workers”, while coping with the negative impact of state policy “which continues to develop its pool of low-income housing” in the city [1998:36]. Colette Aymard’s analysis highlights the extreme difficulty of the management of spatial distribution of immigrants. Three logics – the State’s, the city governments – and the immigrants’ – act and interact in the same areas. The economic weaknesses of these cities quickly turn them into bedroom towns. Note nevertheless that despite these difficulties, these cities are part of the effort to absorb immigration, whereas the cities located along the northern border such as Kiriat Shemona, have been “excluded” from the geography of immigration locations because of their geographic isolation and their lack of economic opportunities. 59 In terms of population growth, the massive arrival of immigrants from the FSU in smaller cities has gradually created “ghettos”. The new neighborhoods of these towns absorbed virtually all the former Soviets. For the period between 1992 and 1995, the peripheral cities saw the proportion of ex-Soviets in their populations increase from 10 to 20 % as a function of internal mobility. For example, the city of Or Akiva had a proportion of Jews from the former USSR above 40 % in 1995 whereas the proportion was 22.5 % in 1992. 60 The case of Ma’alot Tarshiha is also a good example. This city benefited from a redistribution of absorption areas caused by the “economic inaccessibility” of the Haifa district but also from the first dispersal of the immigration area created around Karmiel in the Galilee. In 1995, this locality had a record number of 46.7 % of ex-Soviets in its total Jewish population. 61 The immigrant families do not necessarily perceive these localities as enclaves, because as they state, they are close to their fellow countrymen. These logics of installation show to what extent the dividing line between mobility based on community attraction arid economic concerns is tenuous. Nevertheless, the choice of living in a city like Arad, in the Negev desert, or in a Jewish settlement in the West Bank such as Ariel is dictated first of all by economics. The cost of purchasing housing in Arad is about $70,000 and can go as low as $35,000 for a prefabricated home in the new Gevim neighborhood, which is 3 to 6 times less expensive than in Tel Aviv. The prices are as attractive in the Ariel settlement, which, as the immigrants point out, despite its location in the center of the West Bank, is only 40 minutes from Tel Aviv. The “temptation” of community enclaves6 62 As shown above, choice of residence motivated by economic reasons has logically been accompanied by spatial choices dictated by community ties. The social networks of the

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former Soviets living in economically feasible areas has produced migratory channels that have served to reinforce further the community atmosphere of certain localities or certain neighborhoods.

63 The data on the cities of origin of Jews from the FSU who arrived in Israel between 1990-1993 reveal trends towards community cohesion in this immigrant population. 64 First of all, a study of the main cities of origin in the former USSR shows a clear trend of immigrants from large cities in Russia such as Moscow and St. Petersburg to live together in Jerusalem. An analysis of the first six absorption cities shows that Jerusalem with 5,000 Moscovite Jews or one-third of the immigrants, emerges as a major pole of attraction for immigrants from Moscow (see Table 6). Along with this Russian specificity, the Ukrainians clearly prefer the city of Haifa (32 % of the flow). Within the Ukrainian group, Jews from Kharkov most prefer Haifa. Out of 4885 immigrants recorded between 1990 and 1993, 2089 (42 %) chose the capital of the North, far exceeding Jerusalem with only 640 immigrants. On the basis of interviews about attraction of Haifa on Ukrainian Jews, it appears that the site itself of Haifa plays a role. “Naturally” the Odessa Jews said, because it reminds them of Odessa and for this reason many of them chose to live there. Similarly, Jews from St. Petersburg said that the site of Karmiel had influenced their choice of residence. The emotional and environmental factors were the prime considerations in many cases that prompted community concentrations.

Table 6: Six mains cities selected for first residence by Jews from the FSU in Israel, as a function of the largest cities of origin in the 15 ex-republics of the USSR (immigrants arriving in Israel between 01/01/90 and 31/12/93)

65 The Jews from the Western sectors of the FSU often said that they had preferred and encouraged their families and relatives to settle in the North because the climate is much more bearable for people unused to Mediterranean or semi-arid climates.

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66 Another group of Jews who tends to cluster together in Haifa are from Belarus. Almost one quarter of the immigrants from Minsk chose to live there. Note that the latter, as pointed out in the analysis of distribution by district, are the only ones to select Nazareth Illit among their first six choices of place of residence. In this case, the influence of State is clear: by making low cost public housing available in this city7 it drew the immigrant population, and developed this city on the basis of migratory channels within the migratory flow. 67 The case of Jews from the Caucasus and Central Asia shows striking community cohesion. The Jews from Tbilisi tend to concentrate in cites such as Bat Yam and Holon, located in the Tel Aviv conurbation. This Jewish group, from one of the capital cities of the FSU, is the only one to have clearly chosen these two cities as the main choice of residence, since more than one-half of the Georgians live there. It should be stressed that on the neighborhood level, there is no discemable concentration of Jews from the former USSR. Only the North neighborhood of Bat Yam has a slight over representation of immigrants, with a concentration index of 1.3.8 68 Among the Jews from large cities in the FSU, the cases of those from Tashkent and Dushanbe are the most noteworthy. Most of these immigrants settled in Tel Aviv. As is shown in Table 6, 3,807 Jews from Tashkent and 2,455 from Dushanbe chose Tel Aviv as first choice of residence. This high concentration can be explained by the fact that these migrants were attracted by the southern neighborhoods of Tel Aviv. 69 Two features help explain this attraction. First of all, these neighborhoods were the location of Jews from Central Asia who arrived at the turn of century, in particular the Shapira neighborhood; secondly, these neighborhoods are mixed areas where industrial zones border on older housing, which means that in this area housing prices are low. The development of a migratory channel from Central Asia towards the southern neighborhoods contributed rapidly to making these areas a zone of community concentration. As works by Gila Menahem have shown [1966:157-158], the high social cohesion within this Asian group contributed to excluding non-oriental immigrants from the southern area, creating a true “Asian” enclave in the south of the city. 70 Analysis of localities preferred by Jews from the FSU and originally from secondary localities in the ex-USSR also show interesting community concentrations. The data for middle sized cities show that: • almost one third of the Jewish community of Derbent (Daghestan) went to Hadera (1,250 people), far outdistancing the second absorption city. Beer Sheva (600 people) and despite the government policy of encouraging settlement in localities in the south of the country. New immigrants from Derbent make up almost one third of the Russian community of Hadera (the Moscow and Leningrad communities only make up 15 %). • Within the Belarus community, almost six times more immigrants from Gomel than Minsk went to live in Naharia, a middle – sized city located on the northern edge of the Haifa metropolitan area (respectively 600 and 100 people). • The city of Or Yehuda is home to 880 Jews from Samarkand. Thus Or Yehuda and Tel Aviv, where 1,450 members of this community have settled, collectively lodge more than two- thirds of the Jewish community of Samarkand who immigrated to Israel.

71 Interviews with former Soviets who have become directors of new companies in Israel9 were conducted on their perception of the choices of residence made by their immigrant group. Surprisingly enough, the vast majority stated that the socio-spatial

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behaviors described above were not so salient. This lack of perception of the logic behind community concentrations reinforces the idea that future work should focus on the issue of the representation of space of this wave of immigration. In addition, these findings also show once again that this immigration, because of its size, makes the immigration of the Jews from the FSU a reality that affects all the geographic areas of Israel. This section on examples of spatial behavior concludes with a group that, in contrast, is highly aware of its territorial strategy: the Intelligensia. Residence and Social Status: the case of the Intelligensia 72 This is an example of a spatial practice that deserves attention even though it only involves a limited number of immigrants. The “Intelligensia”10 – the label Soviet Jewish intellectuals themselves use – primarily from Moscow, St. Petersburg and Kiev – have very clearly chosen to reside solely in one of the urban centers of Israel (see quotation). 73 This trend is perceptible in the statistical analysis: almost two thirds of the Russian community of Jerusalem is composed of immigrants from Moscow or St. Petersburg, whereas they are only 40 % of the total flow of immigrants from Russia. This preference can be explained in part by the attraction of this mythical city on migrants from the two large agglomerations in Russia, and What is the intelligentsia according to Dina Rubin? “This concept can't be translated. It doesn’t have the same meaning in French. The intelligentsia forms a very special mentality. It’s the ability to experience things and ideas that the ordinary person cannot and should not experience. The ordinary person consumes them. And we live on them: in other words, we live on literature, the arts, not because we earn our living through them, but because our lives are replete with them. For me, the best part of the Russian intelligentsia are these “bearded ones,” engineers and others who, every Saturday, go camping and who, around the fire, sing their songs (lyrics, philosophies, etc.) they live from that, their lives are full of that. They live on ideas that are impossible to grasp. Take an example: Yoske, although he is Belgian, could be a figure in the intelligentsia. He comes and says: We have to go to Haifa to see the Mane Katz museum. Although he is overdrawn 3000 shekels at the bank, he invites everyone, fills up his car and takes us all to Haifa to see Mane Katz. Then he stays at our house until the wee hours to discuss all the details of the work of Mane Katz. It’s hard to explain. Source: D. Storper Perez, 1998. L’Intelligentsia russe en Israël. Rassurante étrangeté, Paris, CNRS Éditions (CRFJ, Hommes et Sociétés). 74 mainly on the intelligentsia. In interviews within this group, it was clear that this group was characterized its high concentration in Jerusalem11 and Tel Aviv. Analysis of the spatial distribution of immigrants according to their former professions is suggestive of their attraction to these two cities, since the North and South were only weakly populated by immigrant writers and other artists.

75 The attraction of these two Israeli metropolitan areas “areas of production and dissemination of culture” is unquestionable. Artists12 interviewed for this study stated that in their original immigration plans it would have been inconceivable for them to live elsewhere than Jerusalem. The Knesset – the Israeli parliament – has hosted a major exhibit of recent immigrant artists from the FSU. Aside from this official event, the large number of ex-Soviet artists has made Jerusalem a gigantic forum of Art from the East. Restaurants and other “Russian” social gathering spots have become major venues for artistic expression where numerous and varied Russian literature and philosophy clubs hold meetings. In recent years, Jerusalem has seen the blossoming of “cultural clubs” where the intelligentsia meet as a function of their republic of origin.

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On Jaffo Street, a building houses the cultural center for Soviet Jews where different landmanschaft have been formed, such as the one for Moscow and St. Petersburg, and where different groups of Jews from the former USSR meet in a central location for intelligentsia, the Russian library of the Zionist Forum.13 Here the intelligentsia discuss their new living conditions and recall previous meetings in the ex-USSR. Immigration and geostrategy: a successful synthesis? 76 After having denned the set of logics which has contributed to forming the geography of immigration and hence the distribution of the population in Israel, we now turn to a comparison of the immigrant logic with that of the State of Israel, and its leaders. This question also raises the issue of the demographic dimension underlying the conflict between Israelis and Palestinians.14 77 For more than twenty years, the demographic issue has gradually become more crucial in the Israeli-Palestinian conflict, as shown in particular by the use in scientific circles of terms such as “war of the cradles”, “demographic bomb”, or “battle of the figures.” Thus, at the peak of the first Intifada15 the idea that demography the “strongest Palestinian weapon” impacted strongly on the Israeli leaders. The power struggle where traditionally the natural dynamism of the Palestinian population set against the demographic reinforcement from the Jewish Diaspora tends to tip in favor of the Palestinians: the curve of Jewish immigration stays globally at a low level punctuated by several migratory artifacts and the annual migratory balance was even negative twice during this period. 78 By opening the door to Jewish emigration from the FSU, the collapse of the Soviet bloc provided a clear-cut migratory gain for Israel and created Palestinian fears of a change in the balance of power, since until this immigration, the Israeli ability to settle the occupied territories was gradually reduced to ‘internal’ migrations.16 The events of 1989 could thus be interpreted as a strategic weapon when Itzhak Shamir stated that a “great immigration called for a Great Israel”17 and migratory repercussions were watched carefully by Yasser Arafat and the Palestinian leaders; Abu Mazen18 went as far as to state “To understand the danger which lies in immigration, we should recall that when Israel conquered 78 % of Palestine, it only had 600,000 inhabitants. This is when immigration started from Iraq, Yemen, Egypt and Morocco to correct the deficit. I am convinced that if the numbers had remained those of the past, Israel would not have survived. For Israel, immigration is like an artery connected to a man's heart: it nourishes the economy, the troops, the labor force and the farmers. This is why we feel that it represents the key challenge which the Arab nation has to face.”[Fargues, 1995:73]. 79 Thus as the current conflict deepens, it is worth presenting a brief overview of the role which ex-Soviet immigration has played in the demographic background of the Israeli- Palestinian conflict. Is immigration from the FSU a secondary actor in the geopolitics of Jerusalem? 80 The wave of immigration from the ex-USSR only moderately affected the district of Jerusalem, and hence the city itself. In terms of the “reunited” city, 24,700 immigrants from the FSU were registered in Jerusalem in 1995, which only represented 5.8 % of the total Jewish population of the city, and today this proportion is even lower, at about 4.5 % (or about 31,850 ex-Soviets). However in the context of the population drain that has affected Jerusalem since the 1980s, the arrival of the ex-Soviets helped reduce the negative migratory balance of the city (-6000 in 1996).19 For the years between 1989 and

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1995, the raw increase in the Jewish population was 59,400 people, with the relative proportion of ex-Soviet immigration accounting for 41.5 % of this growth. The reinforcement through immigration is in itself noteworthy, even though the raw growth of the Jewish population of “reunited” Jerusalem is not much higher than the figure for the period between 1983 and 1989, during which time there was no strong migratory wave to Israel (+ 4,200 people – see Table 7).

Table 7: Total population and Jewish population of Jerusalem (1993-1998)

81 Since then, the trend has not changed with growth: less than 20,000 people for the recent period of immigration (1995-1998). These findings support the assumption of a lessening of Jerusalem's ability to retain its population [DellaPergola, 1999; Riviere- Tencer, 2000]. 82 On this level of analysis, what emerges is that immigration from the FSU has not radically altered the growth dynamic of the city. The proportion of Arabs has been in continual increase since the conquest of the eastern sector of the city in 1967. At that time, the proportion of Arabs in the total population of Jerusalem was 25 %, grew to 28 % in 1989, 30 % in 1995 and has reached 32 %20 today. In contrast, an analysis of demographic growth in terms of geo-strategy shows that immigration has favored the fulfillment of “Israeli objectives”; namely the installation of a Jewish majority in the eastern sector of the city. In 1993, the data published show a shift in the demographic majority in favor of the Jewish population and this change is based primarily on immigration from the FSU. At the end of 1995, the new Jewish quarters of East Jerusalem had absorbed more than 10,500 ex-Soviets, or more than 45 % of the “Russian” immigrants of the city. 83 To the south of the eastern sector of the city, the neighborhoods of Gilo and East Talpiot have been the main areas for immigrant residence whereas in the north, the neighborhoods of Ramot Alon (north) but above all Pisgat Zeev and Neve Ya'akov have more than 7,000 ex-Soviets. 84 Nevertheless, the stagnation of raw growth of the Jewish population and the consolidation of ex-Soviet migratory channels towards cities such as Haifa, Ashdod, Beer Sheva and even Bat Yam have not enabled the Jewish population to maintain the majority in the eastern sector of the city. According to recent data published by Peace Now, the figures are currently 181,000 for the Arab population and 156,662 for the Jewish population. 85 This type of dynamic has only weakened the “demographic claims” aimed at establishing a “Jewish majority on the scale of Greater Jerusalem” even though the settlements in the West Bank have benefited from a considerable increase in population with this wave of immigration. A considerable and highly circumscribed contribution to the demographic growth in settlements in the West Bank

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86 Recent data show that a majority of ex-Soviets have chosen to reside in the West Bank, this area covering virtually all the 15,530 immigrants residing over the Green Line. Out of 9 urban settlements where approximately half of the Israeli settlers live, five are the main centers of residence of ex-Soviets (see Figure 3). These choices are illustrative of a representation of the geography of the settlements dictated by “utilitarianism”. The proximity of the Tel Aviv employment basin (for Karne Shomron and Ariel) and Jerusalem (for Givat Zeev and Ma’ale Adumim) appear to explain these choices of residence. Interviews conducted in Ariel confirmed this feature. For example, a young immigrant from Gomel, working as a taxi driver, stated that ex-Soviets saw Ariel as a ‘quality bedroom town’, at less than 30 min. from the suburbs of Tel Aviv and that the ideological dimension was a minor factor in choice of residence.21 Even though, unquestionably, the immigrants are aware of the political implications of their choice of residence over the Green Line, their representation of space is above all focused on the search for a place where the quality of life/ socio-professional integration ratio is best optimized. Figure 3: Total immigration and immigration from ex-USSR in urban settlements in the West Bank (between 01/01/1989 and 30/09/2000)

87 The existence of true ideological motivation does not appear to be a strong factor in choice of residence because most of the ex-Soviet contingent is found in secular settlements, mainly Ariel and Ma'ale Adumim, which are bedroom towns of Tel Aviv and Jerusalem (see Figure 3). 88 Among the ‘religious’ settlements, only Kiriat Arba, near Hebron has a large ex-Soviet community (about 1,000 immigrants or nearly 19 % of the total population of the settlement). The other settlements where the number of immigrants exceeds one-fifth of the total population are Tekoa (21.3 %), Nokedim (22.4 %), Barkan (21.7 %) and Yitav (35.5 %). For the first three, their location suggests motivations similar to those found for Ariel and Ma'ale Adumim, and only Yitav, located in the Jordan Valley raises questions. The history of this settlement provides a response since it was founded by Soviet immigrants who came in the wave of the seventies; the choice to live there is apparently based on a migratory family network.22 In addition, analysis of the distribution of the forty or so settlements where more than 30 ex-Soviets reside shows

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clustering around the Green Line and in “greater Jerusalem”; the only exceptions being the settlement of Eli and Ma’ale Ephraim with respectively 220 immigrants (or 19.7 % of the population of the settlement) and 275 immigrants (16.5 %). 89 Without entering into considerations related to the deep-seated changes in Israeli society caused by this wave of immigration, it should be stressed, even though the statement may seem an oversimplification, that this aliya has constituted a true upheaval in the history of Israel. As shown throughout this article, the contours of its demography and the profile of its geography have been radically reshaped by immigration. The peripheral districts and primarily the southern district have been given a second chance through the arrival of this population. Ben Gurion's wish to see the desert bloom again has clearly been brought closer to realization. From a geo- strategic point of view, the impact of immigration is far-reaching. Even though in terms of proportion the presence of ex-Soviets in the West Bank and Gaza is less than half that of the Israelis ‘veterans’, this immigration has nevertheless buttressed the settlement policy. The continuation of the policy of construction over the Green Line has served to attract numerous new immigrants from the former USSR; in 1997, of the real estate transactions in Ariel were with new immigrants.23 The growing links between immigration and geo-strategy have thus had an impact on territorial restructuring and on the current negotiations concerning the shape of a future Palestinian state.

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NOTES

1. This article is based primarily on the results of a Ph.D. dissertation in Geology, entitled “Israel and Immigration, the Jews of the FSU, actors in Israel’s Territorial and Identity Stakes” University of Poitiers, 2000, 560 p. This article was also supported by a Lavoisier post-doctoral scholarship from the Ministry of Foreign Affairs, enabling a year-long collaboration with the CRFJ. This article provides me with the opportunity to thank the Center as a whole for its support, and to express my gratitude to Lisa Anteby for her assistance 2. On this topic see works by Oren Yiftachel and by Ghazi Falah, in particular “Israeli Judaization Policy in Galilee” Journal of Palestine Studies, vol.XX, #4, Summer 1991. 3. Not including the Jewish population of East Jerusalem. 4. These three sub-districts form, in addition to Ramla, the Central District. 5. See in particular works by Colette Aymard [1998]. 6. Conclusions based on an analysis of the author's subset of data from the Ministry of Immigration for 465000 ex-Soviets who arrived in Israel between 1990 and 1993. 7. See in particular works by Niva Foran [1992:281-289]. 8. This concentration index is a ratio, calculated as follows: proportion of immigrants in the population of a given neighborhood / the immigrant population in the city as a whole. 9. See in particular my article “De nouveaux entrepreneurs en Israël ou les ‘péripéties’ de l’intégration des Juifs d'ex-URSS” Migracisjke Teme, December, 2000. 10. See works by Daniele Storper Perez, in particular “Intelligent’ en Israël. L'intelligensia russe aujound’hui, entre repli et ouverture” REMI, vol 12-3; pp. 153-171 and L’Intelligensia russe en Israël. Rassurante étrangeté” 1998, Paris, CNRS Éditions (CRFJ, Hommes et Sociétés). 11. Despite their low incomes, many have chosen to live in the wealthy neighborhoods of Jerusalem such as Rehavia or Baka, because they symbolize for the intelligentsia areas with vast intellectual riches. Their representation in these areas stems from the fact that when they were founded, these neighborhoods absorbed intellectuals from Eastern Europe. 12. Between 1991 and 1995, more than 15,500 immigrants registered as artists. Nearly half of them received absorption aid, from the State or from other Israeli institutions.

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13. See the chapter by Narspy Zilberg “Modalités d'altérité : Pourquoi changer de culture ? Un dilemme posé à l’intelligensia russe en Israël” in Daniele Storper Perez, 1998, 1'lntelligentsia russe en Israël. Rassurante étrangeté, 1998, Paris, CNRS Éditions (CRFJ, Hommes et Sociétés) 14. This question recently gave rise to a debate organized by IED and entitled “L’arrière-plan démographique et l’explosion de violence en Israël-Palestine (Jeudi 30 novembre 2000). 15. From December 1987 to 1991. 16. The term internal migration is used here in the sense of non-international migration. 17. See in particular the article by Alain Franchon, Le Monde, 16.01.1990. 18. Secretary General of the Executive Committee of the PLO. 19. Internal mobility of new immigrants only accounts for one-fifth of the negative migratory balance. 20. These arguments were restated in even stronger terms during interviews in Ma’ale Adumim. 21. See Ha'aretz English Internet Edition, May 2000. 22. The low population of the settlement (110 people in all) seems to confirm this assumption. 23. Ha'aretz English Internet Edition, June 16, 1999.

AUTHOR

WILLIAM BERTHOMIÈRE MIGRINTER

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