N°011- 012 NUMERO SPECIAL - SEPTEMBRE 2014 journées du Patrimoine Région de Bruxelles-Capitale

D o s s i e r HISTOIRE ET MéMOIRE

p L U s Expérience photographique internationale des Monuments

Une pUBLicAtion De BrUXeLLes DéVeLoppeMent UrBAin Des Champs-Élysées à Le cimetière ossier de Bruxelles d

Marcel M. CELIS Historien de l’Art, membre honoraire de la Commission royale des Monuments et des Sites

Mémorial aux Soldats allemands, cimetière de Bruxelles à Evere. Détail (A. de Ville de Goyet, 2014 © SPRB). Le cimetière de Bruxelles est un champ de repos typique du XIXe siècle. Loin du centre-ville, nos morts y trouvent refuge dans des tombes individuelles, tapies dans un luxuriant décor de verdure. De nombreuses personnalités historiques y sont ensevelies. De par sa superficie, le terrain pouvait également accueillir les imposants monuments commémorant les événements majeurs d’une histoire mouvementée. Cet article se penche plus avant sur la genèse de certains de ces mémoriaux.

Fig. 1 L'entrée principale du cimetière, arch. Pierre Victor Jamaer. Extrait de, FONTEYNE, J., Recueil d’Architecture Funéraire, s.d. (ca 1879-1889), (coll. de l’auteur).

Le cimetière de Bruxelles est solen­ intimes entourées de haies. Érables la tombe de morts regrettés, la ques- nellement inauguré le 15 août 1877 argentés, cyprès, marronniers d’Inde tion d’éloignement et de transport n’a par le bourgmestre libéral et laïque et marronniers roses, noisetiers de pas grande importance ; mais il n’en Jules Anspach. Il constitue à plu- Byzance, chênes et platanes, ro- est pas de même de l’ouvrier, qui vit sieurs égards le contrepoint du cime- biniers, taxus et saules pleureurs de son labeur quotidien et pour qui tière de Laeken. Ici, pas de croissance constituent un magnifique décor vé- chaque minute dérobée au travail re- organique, mais un vaste parc paysa- gétal qui semble bien plus protéger présente une perte sèche, réelle, irré- ger, aménagé par l’architecte paysa- les monuments funéraires que leur parable! » 2 (fig. 3 ). giste Louis Fuchs (1818-1904) sur un servir de toile de fond. Le cimetière terrain de 38 hectares. L’architecte en offre peu de néogothique prôné par le chef de la ville, Pierre Victor Jamaer mouvement « Saint-Luc » – à conno- Les sépultures (1825-1902), le pourvoit d’imposants tation religieuse –, mais d’autant plus transférées pavillons d’entrée en style néo- de néo-Renaissance et d’éclectisme, étrusque, d’une morgue et de cellules d’Art nouveau et d’Art Déco, à conno- Plus de 900 tombes furent transfé- d’attente 1 (fig. 1 et fig. 2). tation plus laïque. rées aux frais de la Ville, depuis les anciens cimetières de Bruxelles- Non pas une nécropole de pierre, Une ligne de chemin de fer vicinal fait Ville situés à Molenbeek-Saint-Jean mais des « Champs-Élysées » par- halte dans le cimetière proprement et Saint-Gilles, mais également à courus par des drèves interminables dit. « Pour le riche, qui ne doit pas être Saint-Josse-ten-Noode, au quar- et des chemins sinueux, où de vastes avare de son temps et qui peut, sans tier Léopold. Ces pierres tombales pelouses côtoient des espaces arbo- regarder à la dépense, disposer de patinées et cippes funéraires dé- rés, où les perspectives monumen- voitures publiques ou privées pour se gradés à caractère néoclassique

tales alternent avec des pelouses rendre fréquemment et rapidement à sont dispersés le long des allées Bruxelles Patrimoines n °011-012 – NUMERO S P E C IAL - SE TEM B RE 2014 Journées du Patrimoine

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extérieures. Parmi eux figurent ceux de bon nombre de victimes et d’an- ciens combattants de la bataille de Waterloo du 18 juin 1815, mais aussi celle de « Joséphine-Napoléone de Montholon, filleule de l’empereur Napoléon Ier ; née à Sainte-Hélène le 26 janvier 1818 et décédée à Bruxelles le 30 septembre 1818 » 3 : il s’agit de la fille du général Charles Tristan, comte de Montholon Sémonville, adjudant de l’empereur vaincu, dont l’épouse prend résidence à l’hôtel Bellevue en 1818, sur la place Royale de Bruxelles (fig. 4a et 4b).

Jacques-Louis David (1748-1825) 4, « restaurateur de l’École moderne Fig. 2 de peinture » et ardent partisan de Plan du cimetière avant son extension, arch. Louis Fuchs. Extrait de, FONTEYNE, J., l’empereur, avait ouvertement exigé Recueil d’Architecture Funéraire, s.d. (ca 1879-1889), (coll. de l’auteur). la mort de Louis XVI, ce qui, sous la Restauration, lui valut d’être exilé à Bruxelles. Décédé dans sa résidence de la rue Léopold, derrière le théâtre de la Monnaie, le corps embaumé Luxembourg, de la cité Fontainas et res fait déjà pratiquement figure de de David fut – après des mois de ti- de sa propre sépulture, et Charles tradition. railleries – inhumé au cimetière du De Brouckère 9, bourgmestre de quartier Léopold en octobre 1826. 1848 à 1860. L’obélisque triangulaire, attribué Mémorial aux Officiers, à Gilles Lambert Godecharle, fut Sous-Officiers et Soldats transféré à Evere en 1882 en même Mémoriaux publics britanniques tombés temps que le cercueil de plomb ; à la bataille de Waterloo mais cependant sans le cœur, qui fut Bien souvent, la fermeture et l’éva- du 15 au 18 juin 1815 transféré dans le caveau familial à cuation des anciens cimetières P ar is , au Pèr e-L achais e (fi g. 5 a et 5 b). suscitent l’incompréhension et La mise en service du cimetière et soulèvent l’indignation des familles l’imminence du 50e anniversaire Le rejoignent également François concernées. Pour d’autres, majo- de l’accession au trône de la reine Van Campenhout (1779-1848) 5, ritairement des associations et des Victoria en 1887, sont l’occasion compositeur de la Brabançonne ; instances officielles, l’exhumation rêvée, après une précédente ten- Jacques-Nicolas Günther (1822- et l’inhumation dans le nouveau tative en 1861, de rassembler en un 1868) 6, fondateur de la manufacture cimetière constituent une oppor- seul et même endroit les dépouilles de pianos du même nom (1870-1872), tunité unique et immanquable de disséminées çà et là des combat- située rue du Fort à Saint-Gilles, sur regrouper des dépouilles apparen- tants britanniques tombés durant la le caveau familial duquel Jacques tées et de les commémorer par un bataille de Waterloo. L’administration Marin (1877-1950) apposa, en 1900, mémorial. Evere offre une profu- communale est favorable à l’initia- un haut-relief en marbre blanc por- sion d’espace. Le cimetière devient tive et se dit disposée à mettre gra- tant une effigie tragique d’ange ; le dès lors d’emblée le théâtre d’une tuitement à disposition une parcelle mathématicien, astronome et so- série de cérémonies de commémo- de terrain de 30 m². Une collecte de ciologue Adolphe Quetelet (1796- ration. Lorsque la population bruxel- fonds par un comité sous la prési- 1874) 7, fondateur de l’Observatoire loise compte ses victimes à l’issue dence de S.E. Lord Vivian, ministre royal situé sur l’actuelle place de la Première Guerre mondiale, plénipotentiaire et envoyé extraordi- Quetelet ; Antoine Trappeniers (1824- l’aménagement d’impressionnantes naire de Sa Majesté la reine Victoria, 1887) 8, concepteur de la place du pelouses d’honneur civiles et militai- parvient à récolter des contributions

122 stèle art Déco d'eugène Dhuicque pour monument funéraire de la famille Oor (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb). sa mère. Dessin (coll. privée)

ArcHitectes, Artistes de vosmaer ; émile Janlet (1839-1918), plus originales qui soient en pierre cal- et tAiLLeUrs De pierre créateur de la fontaine anspach, caire rouge 4 . ernest Hendrickx (1844-1892) ; ernest on trouve dans ce cimetière bon acker (1852-1912), albert dumont Parallèlement, on peut y admirer aussi nombre d’exemples remarquables (1853-1929) et Joseph caluwaers des œuvres de toute une génération de d’art funéraire. ils sont pour la plu- (1863-1948). sculpteurs : albert desenfans, Julien part l’œuvre de ténors de l’archi- dillens, albert Hambresin, Pieter tecture formés dans les académies victor Horta y réalise un authentique Braecke, le comte Jacques de lalaing, des beaux-arts tels félix laureys ; chef-d’œuvre avec son sarcophage godefroid devreese, Jules lagae et albert charle, connu pour le châ- en granit pour françois verheven 2 . charles samuel. avec leurs confrères teau portant son nom à Watermael- eugène dhuicque (1877-1955), fi ls architectes, ils fournirent de nom- Boitsfort ; Henri Beyaert (1823-1894), naturel de Beyaert, y dessine pour breuses commandes aux sociétés de inhumé ici comme quelques-uns de sa mère une stèle fl orale art déco, tailleurs de pierre établies le long de ses confrères 1 ; antoine mennessier qui servira plus tard de modèle pour l’avenue du cimetière : émile laloux, (1838-1890), créateur du quartier la sienne 3 . le moderniste lucien louis cordemans, émile vander notre-dame-aux-neiges ; Wynand françois y réalise pour les facteurs de auwera, Bougart & dupont, Bléhen- Janssens (1827-1913), qui y aména- pianos oor – leur manufacture réalisée detiege et émile Beernaert d’, gea la place de la liberté, où Joseph par léon sneyers, rue des tanneurs, qui maîtrisa comme nul autre le travail naert (1838-1910) édifi a l’hôtel Knuyt existe encore – une des sépultures les des granits de couleur5 .

notes

1. Pelouse 2, chemin 16, concession 1992. 3. Pelouse 17, chemin 17, concessions l., « antoine & émile Beernaert, vandervelde, c., La Nécropole de 3432 et 011/1520. steenhouwers (ca 1850-1924) », M & L, Bruxelles , commission d’Histoire de 22e année, n° 4, 2003, p. 28-53. l’europe, Bruxelles, 1991, p. 213. 4. Pelouse 22, avenue 57, concession 4240. 2 .Pelouse 10, grande avenue, concession 5. vandervelde, c., op. cit ., p. 607-617;

2939; vandervelde, c., op. cit., p. 322-323. celis, m.m., snaet, J. et de clercQ, bruXelles paTrImOInes n°011-012 – numerO specIal - sepTembre 2014 Journées du patrimoine

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Fig. 3 Le tram à vapeur prêt à partir en face de l'entrée principale du cimetière. Entête du papier à lettres de l'entreprise Bougard & Dupont (Fonds C. Vandervelde © CDBDU).

en Grande-Bretagne, auprès de ré- bouclier, une figure, symbole de a été réalisé au moyen de la toute sidents britanniques en Belgique, à l’Angleterre, pleure. Trois lions se nouvelle et avantageuse technique Bruxelles, à Anvers et ailleurs. traînent en hurlant de douleur au- de la galvanoplastie, développée par tour du sarcophage qui est couvert, Luigi Brunatelli – un élève d’Ales- Un concours pour la réalisation d’un ainsi que le soubassement, de cas- sandro Volta – et Moritz von Jakobi. monument commémoratif adéquat ques, de sabres, d’armes de toutes Hélas, elle se révèle moins durable est lancé en Grande-Bretagne. Le sortes, de harnachements et de que le bronze et nécessite des tra- sculpteur Jacques de Lalaing est drapeaux ; un vaste linceul tombe du vaux de réparation dès 1921. Des désigné vainqueur par la reine. Le massif et roule jusqu’au sol en enve- observations alarmantes de dégra- comte de Lalaing voue une fasci- loppant, dans ses plis, le cercueil et dation progressive à partir de 1945 nation aux fauves : dans le jardin les armes » 11 (fig. 6a et 6b). conduisent finalement à une restau- à l’arrière de son hôtel de maître, ration en profondeur en 2004 12. avenue des Arts à Bruxelles, il pos- La crypte sous le monument, flan- sède une cage où vivent des tigres, quée à l’entrée de boucliers en au grand dam de ses voisins 10. Aussi, bronze portant les noms des régi- Mémorial lors de l’inauguration du mémorial ments concernés, abrite les restes aux Combattants de 1830 de Waterloo par le prince George, de seize trépassés. La partie archi- duc de Cambridge et Commander- tecturale a été conçue par Oscar L’initiative visant à ériger un monu- in-Chief de l’armée britannique, La Geerling qui, pour le soubassement, ment commémoratif en l’honneur Revue Blanche du 26 août 1890 note- opte pour une pierre calcaire rouge des combattants tombés lors de la t-elle avec à-propos : « Un soubasse- allemande. D’après les indications guerre d’indépendance de 1830 part ment très large et très bas supporte de la plaque en bronze, CHES ALKER- d’un comité mis en place à cet effet un immense cercueil adossé à un Bruxelles-1890 Bronze galvanoplast, en 1888. Les fonds sont collectés massif – sorte de pan de muraille apposée sur le côté du socle en par le biais d’une souscription na- en ruine – sur lequel, appuyée à un pierre, le groupe de statues Brittania tionale, même si les attentes sont

124 fig. 4a fig. 4b Tombe de Joséphine-napoléone de montholon, fi lleule de l’empereur Tombe de Joséphine-napoléone de montholon. napoléon Ier , le Soir illustré, s.d. (coll. de l'auteur). Détail (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb).

fig. 5a Tombe de Jacques-louis David inhumé au cimetière du quartier léopold en octobre 1826. Gravure (coll. de l’auteur).

fig. 5b la même sépulture après son transfert à evere en 1882 (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb).

5a 5b bruXelles paTrImOInes bruXelles paTrImOInes n°011-012 – numerO specIal - sepTembre 2014 Journées du patrimoine

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en bronze, les plaquettes et la clô- ture. Sous la corniche et autour de celle-ci, des toponymes et des dates rappellent les principales batailles : Bruxelles 23.24.25.26 Sept - 1830 - Berchem 24.25.26 Oct - 1830 - Anvers 27 Octobre 1830 - Waelhem 20-21 Octobre 1830. L’inauguration officielle a lieu le 24 septembre 1888 en présence d’an- ciens combattants survivants – qui sont décorés de la Croix de Fer – et du bourgmestre Charles Buls 16 (fig. 7).

Mémorial aux Soldats allemands ayant succombé à leurs blessures durant Fig. 6a et 6b la guerre franco- Mémorial aux Officiers, Sous-Officiers et Soldats britanniques tombés à la bataille de Waterloo du 15 au 18 juin 1815 (A. de Ville de Goyet, 2014 © SPRB). prussienne de 1870-1871

Le 30 septembre 1877, plus de six ans après la fin des hostilités, Louis-Joseph Günther, fils du constructeur de pianos Jacques- Nicolas Günther, fait part à l’admi- nistration communale de la mise en place d’un Comité zur Beschaffung einer bleibenden Ruhstatte und Errichtung eines Denkmals für die in den Jahren 1870-1871 in Belgien an ihren Wunden erlegenen deutschen Krieger 17, en précisant : « L’ouverture du nouveau cimetière permet de répondre au vœu le plus cher de tous les Allemands résidant en Belgique, de procurer, comme dans leur patrie et même en France, à ces vaillantes victimes de la guerre, un lieu de re- pos et un monument digne d’elles ». Il poursuit : « Ce monument perpé- tuera en même temps le souvenir de excessives : « le monument ne pou- La superficie nécessaire est l’hospitalité généreuse et des soins vait pas être bien compliqué ni com- concédée par la Ville de Bruxelles et dévoués dont nos blessés ont été porter une décoration luxueuse, les le monument – haut de 10 m, combi- l’objet de la part de la nation belge ressources dont disposait le Comité naison d’un cippe et d’un obélisque et, surtout, de la population bruxel- étant très limitées » 13. L’initiative avec un lion toutes griffes dehors – loise » 18. s’appuie sur l’évacuation des tombes est conçu par l’architecte Jules désaffectées et le transfert des dé- Fonteyne (1849-1897) 14, qui le publie La guerre franco-prussienne, habi- pouilles des trépassés qui y étaient d’emblée dans son Recueil d’Archi- lement déclenchée par le chancelier ensevelis : en effet, tous n’avaient pas tecture Funéraire 15. La sculpture est prussien Otto von Bismarck (1815- trouvé leur dernière demeure à la fournie par Bruniaux & De Coene, 1898), qui valut à la France de de- place des Martyrs. qui fondent également les éléments voir rétrocéder à la Prusse l’Alsace

126 La Ville de Bruxelles n’est pas op- posée à l’initiative et met gratuitement à disposition une parcelle de 16 m² sur le rond-point ouest 19. Des dons de l’empereur Guillaume Ier, de quan- tité de princes allemands, mais aussi de citoyens d’Anvers et de Bruxelles, contribuent à l’édification du sobre monument des mains des architec- tes Alfred Friedrich Bluntschli et Carl Jonas Mylius. Tous deux ont été formés au Polytechnikum de Zurich, en Suisse, chez Gottfried Semper, et ont gagné leurs galons en 1870 grâce à leur plan d’aménagement du Zentralfriedhof à Vienne.

Le socle, qui porte l’inscription Das Vaterland den in Belgien verstorbenen Deutschen Kriegern (La patrie des sol- dats allemands morts en Belgique), supporte une « knieende Figur » , « u n génie, les ailes déployées qui tient une couronne au-dessus des res- tes des soldats morts » 20. La statue est l’œuvre d’Ernst Gustav Herter et a été réalisée en zinc – puis rem- placée par un exemplaire en bronze en 1897 –, tout comme la Denkmal für die Gefallenen der Einigungskriege (Monument commémoratif pour les soldats tombés pendant les guerres d'unification) de 1875 au cimetièreIn den Kisseln à Spandau et, dans une exécution de plus petite taille, sur la tombe d’Herter (fig. 8).

Le 5 mai 1879, autour du mémo- rial, sont inhumées les dépouilles Fig. 7 de 23 défunts, transférées depuis Mémorial aux Combattants de 1830 (arch Jules Fonteyne), (A. de Ville de Goyet, 2014 © SPRB). Bruxelles, Louvain et Namur. Lors de l’inauguration le dimanche 9 no- et des parties de la Lorraine et qui français. La Belgique ne reste pas vembre, en présence d’une foule donnera lieu à la Commune pari- les bras croisés pour autant. À l’ini- nombreuse, le sculpteur Semper fi- sienne et à sa répression sanglante, tiative du roi Léopold II et en concer- gure parmi les invités d’honneur, tout avait exigé entre le 19 juillet 1870 tation avec l’état-major de l’armée, comme le révérend Herbst, qui bénit et le 10 mai 1871, avec ses 138.871 une Association belge pour secourir le lieu, et le bourgmestre Charles morts, ses 143.000 blessés et ses les militaires blessés est mise sur Vanderstraeten qui réceptionne le 474.414 prisonniers, un lourd tribut : pied dès le début des hostilités, qui monument au nom de la Ville de la seule bataille de Sedan, le 1er sep- coordonne les secours. L’Agence Bruxelles. La cérémonie, rehaussée tembre 1870, à 10 km à peine de la internationale de Bâle, en Suisse, par l’accompagnement musical du frontière belge, causa plus de 8.300 veille à ce que les deux armées Deutscher Turn Verein, du Schiller

morts côté prussien et 17.000 du côté soient traitées en toute impartialité. Verein, du Musikverein Germania et Bruxelles Patrimoines n °011-012 – NUMERO S P E C IAL - SE TEM B RE 2014 Journées du Patrimoine

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Fig. 9a Mémorial aux Soldats français tombés durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Extrait de L'Univers illustré, année 23. n° 1341, 4 décembre 1880 (coll. de l'auteur).

Fig. 8 Mémorial aux Soldats allemands ayant succombé à leurs blessures durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871 (A. de Ville de Goyet, 2014 © SPRB).

du chœur d’hommes Liedertafel, est mausolée est officiellement inau- créneaux complète l’entourage de clôturée par la Brabançonne. guré, après diverses cérémonies à cette seconde plate-forme, sur la- la cathédrale Saint-Michel, à la sy- quelle une large base taillée en talus nagogue de la rue de la Régence et et surmontée d’un second rang de Mémorial aux Soldats à l’église protestante de la place du créneaux supporte une haute pyra- français tombés durant Musée, en présence du bourgmestre mide décorée sur sa face principale la guerre franco- Charles Vanderstraeten et d’une d’une croix de la Légion d’honneur, prussienne de 1870-1871 pléiade de notables. avec la devise ‘Honneur et Patrie’ » 21.

Le 6 janvier 1879, le Cercle Français Le quotidien libéral bruxellois La pièce maîtresse du mémorial est de Bruxelles, par la voix de son pré- L’Étoile Belge, propriété de la famille le sphinx en bronze haut de 2,40 m sident, F. Thiéry, a lui aussi pris l’ini- d’Orléans, consacre un long repor- placé au pied de la « pyramide » – tiative de réunir dans le cimetière les tage à l’événement et au monument « les pattes croisées, l’œil rêveur, dépouilles mortelles de soldats fran- en style néo-grec : « On a accès au gardant le secret de la tombe » 22. çais inhumés ailleurs et d’y ériger un monument par un premier escalier Cette sentinelle mythologique est monument. S’il devait s’agir à l’ori- avec plate-forme en mosaïque et l’œuvre d’Henri Chapu, un des sculp­- gine d’un mémorial sobre, il prend deux escaliers, placés à droite et à ­teurs officiels de la IIIe République, rapidement, vu les nombreux dons gauche de cette plate-forme, condui- et de Charles-Arthur Bourgeois. récoltés, des proportions démesu- sant au monument proprement dit, L’ajout, en 1889, d’une couronne rées et contraint l’administration entouré de murs décorés de cou- de feuilles de chêne et d’un dra- communale à céder, ici aussi gra- ronnes funéraires en bronze, posées peau en bronze, à l’initiative de la tuitement, un terrain de 170 m². Un sur des draperies et surmontant Chambre de Commerce française an plus tard, le 8 avril 1880, l’archi- des cartouches sur lesquels sont de Bruxelles, « voulant honorer les tecte Charles Grand signe son projet inscrits les noms des soldats inhu- cendres de ceux qui sont morts non et, dès le 21 novembre, l’imposant més. Un mur circulaire couronné de pour Napoléon ou Gambetta, mais

128 réalisé comme prévu. Treize noms – onze agents de police, un ouvrier du gaz et un médecin – figurent à l’arrière du robuste mémorial inau- guré le 26 mai 1907 25. Huit tombes plus anciennes sont restées intactes sur une parcelle séparée. Plus tard, cinq autres, à quelque distance 26 et en partie décorées par un relief de César Bataille, commémoreront les agents de police qui ont perdu la vie lors de la libération de Bruxelles en 1944 (fig. 10b).

pelouse d’honneur militaire allemande 1914-1918

Le jeudi 14 novembre 1918, trois jours après la signature de l’armis- tice à Compiègne, le conservateur du Fig. 9b cimetière établit une note éloquente : Détail du mémorial (A. de Ville de Goyet, « L’autorité allemande a érigé sans 2014 © SPRB). aucune autorisation, ni assentiment de l’administration communale de la Ville, un monument au centre de la pelouse 11 et a par ce fait enlevé bien pour la France », suscitera professeur depuis 1898 et n’a encore une grande partie de la zone des ter- quelque émoi, mais sera finalement que peu construit. La cheville ou- rains affectés aux inhumations ordi- autorisé. La couronne et le drapeau vrière de l’initiative est sans doute naires. Ce monument est encore en sont coulés par la firme bruxel- Alfred Mabille, auteur de Bruxelles voie de construction, est délaissé et loise Luppens, d’après un projet communal et pittoresque et de Les est par conséquent inachevé. N’y au- de Joseph Bertheux, sculpteur des environs de Bruxelles, et directeur rait-il pas lieu de le faire enlever, de 32 cariatides du passage du Nord général de l’Instruction publique et le remiser à un autre endroit ou bien (fig. 9a et 9b). des Beaux-Arts de la Ville. Le 22 juin encore, ce qui me paraît le plus ra- 1904, Émile Lambot lui envoie, assor- tionnel, de le vendre par soumission ties de ses « Respectueux homma- lors de la vente des objets provenant Mémorial aux Victimes ges », deux photos des esquisses en des pelouses désaffectées ? » 27 du devoir plâtre réalisées 23 (fig. 10a). Un rapport adressé au bourgmestre En 1902, l’Administration commu- En juillet de la même année, la en décembre 1920 montre toutefois nale décide d’ériger dans le cime- maquette est commentée par son que la chose est loin d’être évidente : tière un monument aux Victimes du créateur lors d’une réunion de la « Mr. de Ramaix, Chef de Cabinet devoir, c’est-à-dire des personnes Commission royale des Monuments de Mr. Le Ministre des Affaires qui sont décédées dans l’exercice qui, peu enthousiaste, se cantonne Étrangères 28, a visité avec un délé- de leur fonction. Émile Lambot à quelques remarques : « Le départ gué de la Légation d’Allemagne le est désigné comme architecte et de l’escalier paraît enterré dans le monument allemand, au cimetière Victor Rousseau comme sculpteur. sol ; les bossages sont trop nus (…) ; d’Evere ; d’après les constatations Lambot, lauréat du prix Godecharle les ouvertures de la partie circu- de Mr. de Ramaix et les déclarations et le premier à décrocher un diplôme laire ressemblent à des meurtriè- du délégué allemand, le monument reconnu d’architecture de l’Aca- res ; la figure se détache mal sur le peut être considéré comme ‘ache- 24 démie des Beaux-Arts en 1896, y est fond. » Le projet est néanmoins vé’; il n’y manque qu’une inscription Bruxelles Patrimoines n °011-012 – NUMERO S P E C IAL - SE TEM B RE 2014 Journées du Patrimoine

129 Des champs-ÉlysÉes à eVere

un podium haut de trois marches, sans doute en Wesersandstein . la frise qui l’entoure semble avoir été destinée à une sculpture en bas-re- lief, mais elle est restée inachevée : à l’avant un soldat lançant une gre- nade et des soldats en armes ; à l’ar- rière, à droite, des brancardiers et un chien qui évacuent un blessé et, au centre, un soldat portant une dé- coration qui tend un document à des personnages penchés sur une carte. le pavillon n’abrite qu’un socle ma- çonné en pierre bleue, sur lequel est posé un orbe (globe surmon- té d’une croix) doré émergeant de feuilles de chêne (fi g. 11a, 11b et 11c). son concepteur est le professeur fig. 10a Wilhelm Kreis, un des plus éminents mémorial aux Victimes du devoir, Émile lambot et Victor rousseau, 1902. photo de l’esquisse en plâtre réalisée (© aVb). architectes allemands. opposé aux nouvelles tendances, il reste fi dèle aux styles historisants, conserva- teurs, ce qui explique sans doute sa longue popularité au fi l des régimes successifs. son pavillon à evere ne semble pas être un concept singu- lier, mais s’inscrit plutôt dans les plus de cinquante Bismarck Turme (« tours Bismarck ») que Kreis édifi e vers le tournant du siècle dans l’alle- magne d’avant-guerre, en particulier ceux de rengsdorf et de stuttgart. le sculpteur reste à ce jour inconnu 3 1 .

après la seconde guerre mondiale, en 1956, la pelouse d’honneur alle- mande est réaménagée par leVolksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge (service d'entretien des sépultures militai- fig. 10b res allemandes), et les militaires mémorial aux Victimes du devoir (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb). tombés durant la Première guerre mondiale inhumés dans la pelouse sur une croix qui le compose. autour provoquer des incidents dont le Pays 10 sont transférés vers la pelouse du monument sont enterrés 500 serait seul à subir les conséquences, 11. cela explique l’inscription fi gu- corps dont le rapatriement paraît et qu’il vaudrait mieux laisser les rant sur un côté de la Listenkaste près diffi cilement réalisable ; en effet, le choses dans l’état où elles sont » 2 9. de l’entrée de la pelouse : «Hier ru- gouvernement allemand, qui a mis hen † 1180 † Deutsche Soldaten des les frais à charge des familles des le monument commémoratif 3 0 , une Weltkrieges 1914-1918 » (ici repo- décédés, ne voudra vraisemblable- « offene Ehrenhalle » (hall d’honneur sent † 1180 † des soldats allemands ment pas intervenir. l’opinion de mr. ouvert), forme un pavillon ouvert de la guerre mondiale 1914-1918). Jaspar – exprimée également par surmonté d’un entablement et d’un mr. delacroix – est que la démoli- toit imposants, supportés par quatre tion du monument serait de nature à piliers carrés massifs, reposant sur

130 en 1911 et de devenir lauréat de la British School at Rome Scholarship en 1914. Pendant et après la seconde guerre mondiale, il est un des Principal Architects de l’iWgc.

la pelouse d’honneur reste dans le droit fi l des concepts d’ori- gine, imaginés après la Première guerre mondiale par Herbert Baker, reginald Blomfi eld et edwin lutyens, Principal Architects pour la france et la Belgique 3 3 : une Cross of Sacrifice avec épée, entourée de stèles funéraires uniformes en pierre de Portland. autour de la croix, initialement délimitées par des épicéas, se dressent les stèles fig. 11a fig. 11b datant de la Première guerre mon- pelouse d'honneur militaire allemande socle en pierre bleue avec inscriptions avec un pavillon en forme d'un et orbe doré (a. de Ville de Goyet, diale, et autour d’elles, celles da- « offene ehrenhalle » (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb). tant de la seconde guerre mondiale 2014 © sprb). (fi g. 12). dans un coin de la pelouse, un pavillon en pierre de Portland et en grès Poulser abrite une niche contenant le registre des trépassés, à destination des visiteurs. un texte en trois langues – anglais, français et néerlandais – sur le mur du fond rappelle que « le terrain de ce cime- tière a été offert en don par le peuple belge pour que puissent y reposer à jamais les restes des marins et sol- dats et des aviateurs à la mémoire desquels honneur est ici rendu. »

peLoUse D’HonneUr BeLGe 1914-1918

fig. 11c l’initiative, au printemps 1928, de Idem. Détail de la frise inachevée (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb). l’édifi cation d’un mémorial3 4 à la mémoire des victimes civiles bruxel- peLoUse D’HonneUr au cours des guerres mondiales de loises et des soldats tombés du- MiLitAire BritAnniqUe 1914 1914-1918 et de 1940-1945. les plans rant la Première guerre mondiale, et 1940-1945 voient le jour en juin de la même an- émane de l’échevin chrétien-dé- née, sont signés de P.d. Hepworth- mocrate de l’état civil, des cultes l’aménagement de la pelouse 10 ne f.r.i.B.a. ( Fellow Royal Institute of et des inhumations, Jules coelst 3 5 . date que de 1951, lorsque l’Imperial British Architects ), mais sont exécu- le comité mis en place à cette occa- War Graves Commission 3 2 demande tés sur place par Herbert e. Jenner. sion confi e la tâche à l’architecte de à la ville de Bruxelles de pouvoir Philip dalton Hepworth fait ses étu- la ville, françois malfait, et au sculp- aménager une pelouse d’honneur des à l’Architectural Associaton School teur laekenois mathieu desmaré. en mémoire des militaires britanni- of Architecture à londres, sillonne la le sculpteur proposera plusieurs

ques et des alliés qui ont perdu la vie france avant d’obtenir son diplôme esquisses à l’administration bruXelles paTrImOInes n°011-012 – numerO specIal - sepTembre 2014 Journées du patrimoine

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âgée s'évanouit, soutenue par son compagnon, une femme plus jeune est agenouillée en prière, une qua- trième tend une couronne de laurier au héros. des plaquettes de bronze, apposées sur les parois du mur du monument représentent les traits en bas-relief des dix-huit martyrs inhu- més à cet endroit.

cet émouvant mémorial 3 7 est of- fi ciellement inauguré le 1e r no- vembre 1931 par le « bourgmestre de guerre », le libéral adolphe max (1869-1939). lors de l’éclatement de la Première guerre mondiale, il avait déclaré Bruxelles « ville ouverte » et face à son refus de collaborer durant fig. 12 l’occupation, il a passé la guerre en pelouse d’honneur en mémoire des militaires britanniques morts pendants les deux guerres mondiales (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb). captivité (fi g. 15).

communale, qui opte fi nalement pour collège des bourgmestre et éche- une variante sobre de l’esquisse n° vins confi e la mission à l’architecte MéMoriAL AUX 2 : « d’une architecture sobre et sug- de la ville, françois malfait, qui se AViAteUrs BeLGes gestive, invitant au recueillement, le fait assister par le sculpteur Pierre toMBés en 1939-1945 portique funéraire élevé à l’entrée de theunis. la pelouse d’honneur du cimetière de avec sa demande, transmise par la la ville, à evere, présente deux hauts- le mode d’exécution atroce, qu’évo- voix de l’avocat a. maréchal, secré- reliefs symbolisant l’hommage et quent immanquablement les images taire général de l’aéro-club royal de la reconnaissance du peuple belge d’un mur, doit avoir éveillé chez les Belgique, de réunir sur une pelouse à ses enfants morts pour la patrie. concepteurs le souvenir du monu- les dépouilles, disséminées dans celui du côté droit (vu de face) re- m e n t Aux Victimes des Révolutions différents cimetières, des 215 avia- présente la douleur exprimée par de Paul moreau-vauthier (1871- teurs tombés durant la seconde différentes fi gures ; celui de gauche : 1936), érigé en 1909 à , contre guerre mondiale, l’asBl Home des le souvenir et le deuil » 3 6 (fi g. 13a, le mur d’enceinte du cimetière du ailes Brisées de Belgique place 13b et 13c). l’inauguration offi cielle Père-lachaise, qui avait soulevé une l’administration communale devant a lieu le 1e r novembre 1930 en pré- vaste polémique parce qu’il créait un dilemme : seule une fraction sence du général Hannoteau au nom une confusion avec « le ‘vrai’ mur de ceux-ci sont des Bruxellois. en du roi albert ie r , du bourgmestre des fédérés situé à l’intérieur du signe de gratitude pour leur engage- adolphe max et du lieutenant-géné- Père-lachaise » et parce qu’il fai- ment décisif et avec l’accord du mi- ral chardigny au nom de la france. sait preuve d’un grand pathétisme nistre de la défense nationale léon (fi g. 14a et 14b). Pierre theunis, mundeleer, l’initiative est néanmoins disciple et collaborateur de thomas approuvée. lors du conseil commu- MéMoriAL AUX fUsiLLés vinçotte, ne partage pourtant pas nal du 8 décembre 1947, une parcelle 1914-1918 et 1940-1945 le pathétisme de moreau-vauthier. de terrain est libérée sur la pelouse le groupe de statues en haut-re- 33 qui, après collecte de fonds, est lors de l’inhumation offi cielle, le 15 lief, sur l’avant-corps central du acquise par le comité de la Pelouse juillet 1919, des civils bruxellois fusil- long mur de pierre, présente, au d’honneur. les premières réinhuma- lés par l’occupant allemand en rai- centre, un personnage masculin qui tions en provenance d’allemagne et son de leur engagement patriotique, attend sa mort, le torse dénudé, la des Pays-Bas, clôturées par un Last l’administration communale avait tête relevée. il est fl anqué de per- Post , ont déjà lieu en octobre 1948 ; prévu l’édifi cation d’un monument sonnages féminins drapés dans des celles en provenance de grande- commémoratif. le 23 mars 1929, le habits antiques : une femme plus Bretagne suivent progressivement

132 fig. 13a fig. 13b et 13c portique de la pelouse d'honneur belge 1914-1918 le monument aujourd'hui (photo Duquenne, 1930, coll. de l'auteur). (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb).

comme pilote au moment où éclate la Première guerre mondiale. il concevra également le monument en l’honneur d’edmond thiéffry (1892- 1929), qui réalise la première liaison aérienne entre Haren et léopoldville en 1923, ainsi qu’une série de pleu- reuses pour les cimetières d’e- vere, d’ixelles, de et de molenbeek-saint-Jean 4 1 (fi g. 16). en 1996, les petites croix en fer d’origine sont remplacées par des stèles en marbre sur la pelouse d’honneur ; en 2004, le mémorial égyptisant aux victimes du devoir, qui avait été inau- guré en 1936 sur l’aérodrome désaf- fecté d’evere, sera lui aussi transfé- ré sur cette pelouse. fig.13c

MéMoriAUX AUX VictiMes dans le courant de l’année 1949 ; dressées de 12 m de haut, séparées ciViLes De cAtAstropHes celles en provenance de france ar- par une épée, reposent sur un mur rivent en septembre 1950, quelques de 12 m de large portant les noms l o r s q u ’ u n Handley Page HPR-7 des jours avant l’inauguration offi cielle. des morts, d’après un projet du Alia Royal Jordanian Airliness’écrase sculpteur césar Bataille 3 9 . celui-ci dans les montagnes près de damas, la réalisation du plan de la pelouse était ingénieur des mines de forma- en syrie, la nuit du 10 au 11 avril d’honneur est confi ée à l’avia- tion, mais avait appris la sculpture 1965, il apparaît que parmi les 54 teur de réserve et architecte Jean auprès d’Henry schmid, à l’école victimes fi gurent un certain nombre vandenbosch 3 8 . le monument com- nationale des arts et métiers de d’enseignants de la région bruxel- mémoratif en pierre d’euville est Paris. il construit son propre triplan loise. à l’initiative d’un comité mis 4 0 remarquable : une paire d’ailes en 1910 et rejoint la force aérienne sur pied à cet effet, ils sont, pour la bruXelles paTrImOInes n°011-012 – numerO specIal - sepTembre 2014 Journées du patrimoine

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Fig. 14b Une source d'inspiration pour le mémorial : monument aux Victimes des Révolutions au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Carte postale (coll. de l'auteur).

Fig. 14a Mémorial aux Fusillés 1914-1918 et 1940-1945 (© SPRB).

Fig. 15 Inauguration du monument le 1er novembre 1931 par Adolphe Max (© AVB).

134 Fig. 16 Fig. 17 Mémorial aux Aviateurs belges Mémorial aux Victimes de l'incendie de l'Innovation du 22 mai 1967 tombés en 1939-1945 (A. de Ville de Goyet, 2014 © SPRB). (A. de Ville de Goyet, 2014 © SPRB).

plupart, inhumés dans une pelouse un ensemble émouvant, qui a été actualité, pour le souvenir « éternel » d’honneur propre, dans une tombe solennellement inauguré le 13 mai desquels il a été fait appel à des ar- sobre en béton artistique, d’après 1968 (fig. 17). tistes de talent. un projet de l’ingénieur civil en construction Godfried Derveaux, La concession à perpétuité sculptée inaugurée le 7 mai 1966 42. Mémoriaux privés dans la pierre bleue et les inscrip- tions « Élevé par souscription » ne Le violent incendie qui a ravagé le Les collectes de fonds pour l’édifi- mentent pas. En voici un bref aper- grand magasin À L’Innovation, le cation d’une sépulture ou d’un mo- çu chronologique : Pierre Théodore 22 mai 1967, reste gravé dans la nument funéraire dans le cimetière Verhaegen (1796-1862), libéral, avo- mémoire de bon nombre de gens de Bruxelles ne sont pas réservées cat, bourgmestre de Watermael- comme une tragédie d’une rare aux seuls grands monuments pu- Boitsfort, président de la Chambre ampleur. 323 personnes, dont 67 blics. Certaines sépultures y sont et cheville ouvrière de la création membres du personnel, périront dédiées à des personnages remar- de l’Université libre de Bruxelles dans le complexe Art nouveau lour- quables, à des idoles adulées, à des (Guillaume Geefs, 1883) ; Ferdinand dement et maladroitement trans- événements extraordinaires. Leur Jean-Joseph de l’Eau-d’Andrimont formé de Victor Horta, dans la rue inauguration s’accompagne de cor- (1816-1884), libéral, avocat, échevin, Neuve à Bruxelles. À l’initiative de tèges, d’oraisons funèbres, de dé- député et président de l’Associa- la direction, une pelouse d’honneur pôts de gerbes et de couronnes et de tion pour secourir les pauvres hon- est réservée à leur intention dans le représentations musicales qui font teux (Ernest Acker, Julien Dillens et cimetière, assortie d’un élégant mé- la une des journaux et des hebdo- Georges Houtstont, 1885) ; Édouard morial – des stèles de marbre blanc madaires. La courbure d’une allée, Bauwens (1831-1902), frère de loge hautes de 3 m. posées sur un socle en le tombant d’un buisson, mais aussi de Julien Dillens, professeur au granit noir – d’après un projet de l’ar- les interminables rangées de pierres Conservatoire royal de Musique, chitecte Renold Lavend’homme 43. Il recouvertes de feuilles et de mousse directeur fondateur de la Société forme, avec la pierre tombale sym- sont autant d’évocations d’une gloire royale l’Orphéon de Bruxelles bolique en granit noir à la Victime passée, de personnages rattra- (Julien et Gustave Dillens, 1903) ; Inconnue et les 153 pierres tomba- pés par le passé, de précurseurs Louis Joseph Richald (1838-1897),

les individuelles (dont 19 avec nom), qui n’ont parfois rien perdu de leur libéral, conseiller communal de Bruxelles Patrimoines n °011-012 – NUMERO S P E C IAL - SE TEM B RE 2014 Journées du Patrimoine

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cimetière, les Bruxellois ne restent pas les bras croisés : « Une sous- cription ouverte dans les colonnes du Soir produisit en une semaine fr. 965.68 (le salaire annuel d'un ouvrier textile - N.D.A.) pour ériger un mo- nument sur la tombe de Jeanne Van Calck. Inauguré le 6 mai au cimetière d’Evere, ce monument est l’œuvre de MM. Laloux et Hambresin. En marbre blanc, surmonté d’un mé- daillon fort ressemblant de la mal- heureuse fillette, il porte comme inscription : À Jeanne Van Calck, décédée à Bruxelles le 7 février 1906, victime d’un crime odieux » 45. L'inauguration a lieu un dimanche en présence de membres de la famille, d’Émile Rossel et du bourgmestre Fig. 18 Émile De Mot. Monument funéraire à la mémoire de Jeanne Van Calck (P. Dumont, 2014 © SPRB).

Annette Bellot Bruxelles, conseiller provincial, au cours de l’année 1906, est sans parlementaire, président de L’Union contredit l’affaire Van Calck. Le 7 «Eenige maanden na de zaak Joanna du Crédit établie rue Montagne aux février, un peu avant minuit, un ma- Van Calck deed zich een nieuw feit van Herbes potagères d’après un projet chiniste du théâtre de l’Alhambra, à verkrachting en moord op een kind voor. de Wynand Janssens (William De Bruxelles, trouva sur le seuil d’une Het zesjarig dochtertje van een bronsbe- Fontaine, Julien Dillens et Désiré maison de la rue des Hirondelles, un werker, Annette Bellot, werd op Zondag Weygers, 1897) ; Adolphe Samyn paquet entouré de papier d’embal- 1 december, toen het in de Damstraat (1842-1904), architecte de la Ville, lage. Il appela la police qui constata speelde, door een persoon tusschen 35 créateur du mausolée Goblet- que le paquet contenait le cadavre tot 40 jaar oud, meegetroond, nadat de d’Alviella à Court-Saint-Étienne et du mutilé d’une fillette. Le corps était booswicht het broedertje van Annette temple maçonnique égyptisant de la vêtu, mais les deux jambes avaient had weggezonden om voor 5 centie- rue du Persil (Ernest Acker et Isidore été coupées à hauteur de l’aine et ne men cigaretten te halen. Den volgenden De Rudder, 1905). se trouvaient pas dans le paquet. On morgen vond men het slachtoffer te reconnut facilement en la pauvre pe- , achter de Veeartsenijstraat, tite victime un enfant dont la dispa- onteerd en gewurgd» 46. « Une nouvelle Infanticides rition venait d’être signalée : Jeanne affaire Van Calck » titre Le Journal Van Calck, âgée de huit ans et de Bruxelles le 3 décembre 1907, et Les meurtres brutaux de deux en- demi » 44 (fig. 18). L’enquête piétine et le scénario – cartes postales, chan- fants qui sont perpétrés à quelques fait long feu. Choquante et irrésolue, teurs ambulants, enquête négli- mois d’intervalle au début du XXe l’affaire donne lieu à l’impression gente – se répète : « Le criminel devait siècle, jettent un tel émoi dans l’opi- de cartes postales suggestives, fait ou connaître l’enfant, ou l’avoir bien nion publique qu’ils donnent lieu à la une de revues à sensation et est remarquée antérieurement en rai- l’édification de deux émouvants mé- interprétée par des chanteurs ambu- son de sa distinction particulière », moriaux Art nouveau. lants, comme l’Anversois Frans Van remarque plus tard Louis Frank, car Kets (1862-1944) dans son Treurlied « L’enfant qu’il a enlevée est une fil- over de ijselijke misdaad te Brussel- lette particulièrement jolie, d’allure Jeanne Van Calck Molenbeeck op het achtjarige meisje et de manières distinguées, timide Johanna Van Calk (sic). et réservée, ayant déjà un sentiment « L’événement qui a le plus occu- de pudeur d’une délicatesse pro- pé l’opinion publique, en Belgique, Lorsque sa dépouille est inhumée au noncée » 47. Ce crime restera, lui aus-

136 si, impuni. Lorsque le cortège funèbre quitte l’hôpital Saint-Pierre, rue Haute à Bruxelles, le 5 décembre, en direc- tion d’Evere, le bourgmestre De Mot est à nouveau présent. Le petit cer- cueil en acajou est enterré tout près de l’entrée principale du cimetière. Une fois encore, des dons généreux permettent l’édification d’un petit monument émouvant en pierre d’Eu- ville et en vague style Art nouveau, d’après un projet de l’architecte Ferdinand Muls, avec une pleureuse à demi dénudée signée Arthur Puyt (aujourd’hui disparue). Elle fera tou- tefois dire à l’inspecteur compétent que « ce monument est de nature à compromettre la décence à obser- ver dans un cimetière » 48 (fig. 19). Après sa formation à l’Académie des Beaux-Arts, Puyt s’est établi à Forest. Son œuvre se caracté- rise par de petites sculptures, trois mémoriaux de la Première Guerre mondiale et une poignée de sépultu- res réparties sur la région bruxel- loise, pour la plupart des variantes du petit monument Bellot.

Mémoriaux du Parti Ouvrier Belge

Le cimetière n’a pas son pareil dans la région bruxelloise pour ce qui est des mémoriaux pour le mouvement ouvrier. Quelques figures majeures Fig. 19 du Parti ouvrier belge (POB) y ont Monument funéraire à la mémoire de Annette Bellot 1907 (sculpture disparue) trouvé leur dernière demeure. Leurs (photo de l'auteur, 1995). funérailles se sont toujours accom- pagnées d’impressionnantes céré- Dans son livre Nouvelle Histoire de À l’âge de 28 ans, titulaire d’une can- monies. Belgique. Les Turbulences de la belle didature en sciences naturelles, De Époque, Gita De Neckere relate que Paepe avait pris ses fonctions en tant son enterrement, le 24 décembre que médecin auxiliaire dans l’armée César De Paepe (Ostende 1890, s’apparenta à un acte de pro- belge durant la guerre franco-prus- 1842-Cannes 1890) pagande pour la libre-pensée et sienne. Il soigna des blessés après suscita le scandale. Elle indique la sanglante bataille de Sedan. Du César De Paepe, libre-penseur et également que De Paepe fut enterré fait de ses idées et de sa popularité militant, était vice-président de la contre son gré. Il avait dit préférer de gauche, la direction de l’armée Libre Pensée et créa une des pre- une crémation, mais ceci fut interdit insiste pour qu’il démissionne. Il mières formations pour infirmières. par une circulaire du gouvernement termine ses études et ouvre un ca- 49 Il mourut à l’âge de 48 ans à peine. catholique . binet à Bruxelles, comme médecin Bruxelles Patrimoines n °011-012 – NUMERO S P E C IAL - SE TEM B RE 2014 Journées du Patrimoine

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des indigents et des associations C’est Jean Volders qui, le 5 décembre Quand le moment sera là, nous ne ouvrières. Il décède le 19 décembre 1891, demande au nom du POB une demanderons rien, mais nous pren- 1890 dans le sud de la France, où il concession perpétuelle pour l’édi- drons ce qui nous appartient » 52. Il se réside depuis quelques semaines fication d’un mausolée où inhumer réconcilie toutefois progressivement déjà pour raisons de santé. La nécro- les restes de César De Paepe et ceux avec l’action et la politique des par- logie de Jean Volders dans Le Peuple de son beau-père, Désiré Brismée tis : en 1885, il participe à la création est empreinte d’une vive émotion : (1822-1888), qui avait exprimé ce du POB et devient membre de son « Ce qui caractérisait De Paepe, ce souhait. Le monument funéraire en Conseil général. Le 16 août 1891, il qui fit le sentiment qui inspira toute pierre bleue, conçu par l’architecte ouvre à Bruxelles le 2e Congrès de la sa vie et toutes ses résolutions, ce fut Gustave Ghysels, est réalisé par la Deuxième Internationale, quelques la bonté. Il était bon comme le sont Corporation socialiste des tailleurs mois à peine avant sa mort. les anges, d’après les légendes chré- de pierre. Un buste en bronze de tiennes. Sa tendresse pour les petits, César De Paepe par Jef Lambeaux pour les faibles, pour les blessés et et un médaillon de Brismée à son Jean Volders (Bruxelles les désespérés de la vie rayonnait effigie en constituent les seuls or- 1855-Schaerbeek 1896) autour de lui, et c’était le plus atten- nements (ces deux éléments ont au- drissant des spectacles de voir ce jourd’hui disparu depuis longtemps). Né dans les Marolles, à Bruxelles, souffrant compatir aux douleurs mo- Lors de l’inauguration officielle, le et après ses études primaires, Jean rales ou physiques d’autrui et s’effor- 25 décembre 1892, en présence de Volders commence à travailler à cer de les guérir ou de les atténuer. membres de la famille, de notables l’âge de 13 ans comme employé de (…) Les catholiques, s’il eût été des et de mouvements ouvriers, Jean banque, tout d’abord à la Banque leurs, en eussent fait un saint » 50. Volders, Edward Anseele, Célestin Cassel, ensuite et, jusqu’en 1883, à Demblon, Léon Furnemont et quan- la Banque nationale. Ses convictions Une décennie plus tard, Louis tité d’autres prononceront des dis- sociales, son bilinguisme et ses ta- Bertrand y va d’une évocation non cours au nom de leurs sympathi- lents d’orateur séduisent rapidement moins émotionnelle du cortège sants. le mouvement ouvrier bruxellois, en funèbre : « Le Parti ouvrier fit à particulier lorsqu’il exige « Pas de César De Paepe des funérailles charité, du travail ! » pour les masses émouvantes, comme jamais un roi Laurent Verrycken de chômeurs durant les rudes hivers n’en eut. De la maison mortuaire (Grimbergen 1884-1885. Le 5-6 avril 1885, au ca- au cimetière d’Evere, des milliers 1835-Schaerbeek 1892) baret du Cygne sur la Grand-Place, de personnes lui firent escorte ; il parvient à convaincre les repré- toute la population ouvrière fai- Qui se retourne encore sur la sentants des groupements ouvriers sait la haie sur le passage du cor- sobre sépulture en grès de Laurent que le terme « socialiste » effraie de tège, partout des hommes et des Verrycken, ornée d’une belle grande nombreux travailleurs, et la nouvelle femmes pleurant la mort de leur photo sur porcelaine ? Jeune libre- organisation sera, sur proposition défenseur. » Et plus loin, paraphra- penseur, il est co-fondateur, en 1854, de César De Paepe, baptisée Parti sant Le Peuple : « L’entrée du cor- de l’association l’Affranchissement, Ouvrier Belge (POB). En compagnie billard au cimetière d’Evere a été la première du genre en Belgique. de De Paepe, il écrit pour le quotidien impressionnante, entre une longue En 1864, il participe à la création de de gauche Le National Belge, où il pu- allée humaine : à gauche, toutes les la section bruxelloise de l’Internatio- blie de virulentes attaques contre la femmes portant les cent dix-huit nale, qu’il représentera en 1868 au monarchie, et en particulier contre couronnes de toutes dimensions et sein du Conseil fédéral national et où le roi Léopold II. En 1885, il devient de toutes les couleurs ; à droite, les il siégera jusqu’en 1873. Collectiviste, rédacteur en chef du nouveau jour- hommes levant la file prestigieuse il se distancie des mutualistes et de nal du parti, Le Peuple, où il lance, en et serrée des cartels et des banniè- Marx, le centraliste, et propage la 1894, un appel à la grève générale qui res éblouissantes ornées de crêpes. doctrine anti-autoritaire. En tant lui vaudra la Cour d’Assises, mais où Le spectacle à l’intérieur n’était pas qu’anarchiste et révolutionaire, il son avocat, Edmond Picard – dont la moins saisissant. On distinguait de s’oppose à toute politique parlemen- devise est « Je pique » – obtient son toutes parts de sombres fourmi- taire et civile : « Demander le suf- acquittement. Toujours en 1890, il fut lières de spectateurs, tassées dans frage universel pour envoyer les nô- co-organisateur de la manifestation les larges avenues » 51. tres aux chambres, c’est reconnaître en faveur du suffrage universel qui la société actuelle que nous renions. réunit 100.000 personnes à Saint-

138 fig. 20a fig. 20b la Fraternité, projet pour la sépulture de Jean Volders par le le Peuple le pleure, la sépulture de Jean Volders sculpteur gantois George minne (non réalisé) (© KIK-Irpa). (a. de Ville de Goyet, 2014 © sprb).

gilles et, en août 1891, il organisa le hostilement les volets et tentent, mentale de la fraternité et de la congrès international ouvrier socia- avec le soutien de gardes civiques, solidarité. deux fi gures d’hommes liste et en rédigea les rapports. de disloquer le cortège et d’empê- de 3 m. de haut qui, jambes écar- cher son accès au cimetière. tées et se tenant par les bras, se son engagement lui coûte la santé, maintiennent debout sur une barque et ce qui ressemble dans un premier dans la nécropole, la sépulture de inclinée. l’exécution se fait toutefois temps à du surmenage, mais qui Jean volders se trouve à quelques attendre pendant plusieurs années évolue rapidement en paralysie, le pas de celle de césar de Paepe. à et fi nalement, le contrat est rompu. conduit fi nalement dans l’institution l’issue d’un concours, organisé du- le 27 janvier 1899, max Hallet, psychiatrique où il décédera le 11 mai rant l’automne par le PoB, c’est le conseiller communal, soumet au 1896, à l’âge de 41 ans. le cortège sculpteur gantois george minne qui nom du PoB le projet d’un groupe de funèbre part de la maison du Peuple est chargé de la création du monu- statues conçu par le sculpteur gan- de victor Horta, drapée de rouge et ment commémoratif. Pour cause de tois de 25 ans, Jules van Biesbrouck de noir, le 15 mai, et provoque un maladie, son esquisse, Fraternité , ne ( 1 8 7 3 - 1 9 6 5 ) , Le Peuple le pleure5 3. rassemblement de foule incroyable : sera soumise qu’en juin 1898 à l’ad- la statue est inaugurée le 16 juillet partisans et fanfares de tout le pays, ministration communale, mais elle 1899 : « une représentation symbo- mais aussi opposants catholiques y est froidement accueillie. minne lique du deuil du Parti ouvrier pour

qui, sur le chemin d’evere , baissent avait en tête une allégorie monu- son dirigeant décédé. un groupe en bruXelles paTrImOInes n°011-012 – numerO specIal - sepTembre 2014 Journées du patrimoine

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bronze de trois personnes éplorées est assis sur un bloc d’ardoise : un ouvrier tenant une couronne mor- tuaire dans la main droite, incline tristement la tête, abattu par la perte subie. Son épouse, allaitant leur enfant, est assise à ses côtés, penchée vers lui. Derrière le groupe, détaché de celui-ci, une colonne en pierre bleue portant une inscrip- tion dorée : LE PARTI OUVRIER / A J. VOLDERS / 8 OCTOBRE 1855 - 11 MAI 1896. (…) La colonne et le groupe sont posés sur un grand socle avec, sur la face avant inclinée vers le sol, l’inscription : IL. AIMA.LE.PEUPLE / 54 LE.PEUPLE.LE.PLEURE » (fig. 20a Fig. 21 et 20b). Pour Van Biesbrouck, cette Monument funéraire d’Émile Vandervelde (A. de Ville de Goyet, 2014 © SPRB). commande marque le départ d’une brillante carrière. Henry van de Velde conservera une petite ébauche président de la IIe Internationale. tes à l’aide de haut-parleurs. Le en plâtre du projet de Minne, qui se En 1894, il entre au Parlement en cortège funèbre traversa les rues trouve depuis 1947 au Musée royal tant que membre de la Chambre de Bruxelles pour se rendre à Evere, des Beaux-Arts d’Anvers et qui des Représentants, devient membre où il fut à nouveau accueilli par des connaît, sous le nom Solidarité, des du Conseil des Ministres en 1916, et chants choraux 58. exécutions en marbre et en bronze 55. sera à plusieurs reprises ministre – notamment de la Justice, des Le monument funéraire conçu par Affaires étrangères et de la Santé Henry van de Velde se dresse à Émile Vandervelde publique. Il est un ardent défenseur l’angle de deux allées, manifeste- (Ixelles 1866-1938) du suffrage universel et prête son ment prévu pour accueillir des cé- nom à la loi sur l’alcoolisme. À la rémonies publiques. Un petit parvis Émile Vandervelde a 19 ans quand il veille de la Première Guerre mon- recouvert d’ardoises, rehaussé en décroche son diplôme de docteur en diale, en tant que président de la IIe son centre par un parterre de fleurs droit à l’Université libre de Bruxelles. Internationale, il entreprend encore bordé de pierres et flanqué à l’avant Il rejoint directement la Ligue ou- une dernière tentative pour éviter le de deux disques portant les lettres vrière d’Ixelles. « En 1885 », écrira drame. I.O.S. – S.A.I. et B.W.P. – P.O.B., est plus tard Gricha Koulischer dans Le Le mercredi 28 décembre, quelques refermé à l’arrière par une plaque Peuple, « il faut un certain courage jours après qu’il eut apporté les en marbre portant l’inscription en à un jeune intellectuel, devant qui dernières corrections à son auto- relief : ÉMILE VANDERVELDE 1866 s’ouvre la possibilité d’une carrière biographie, Le Peuple écrit : « Émile - 1938, où figurera plus tard aus- brillante au Barreau, au parti libéral Vandervelde est mort. Le chef du si celle de son épouse, JEANNE et à l’Université, pour se déclarer socialisme belge s’est éteint, à son BEECKMAN 1892 - 1963 (fig. 21). Les publiquement et résolument socia- domicile, mardi matin, à 5 heures plans, pour lesquels Henry van de liste. Le Parti Ouvrier existe à peine. 30. Son dernier dimanche, il l’a Velde a collaboré avec l’architecte Les Socialistes passent pour des passé à la Maison du Peuple. » 57 paysagiste Delvaux, ont été soumis émeutiers dangereux ou pour des Conformément à ses dernières vo- à l’administration communale le 10 utopistes naïfs. Tout avenir semble lontés, son corps est exposé à la janvier 1940, mais leur exécution fermé à quiconque se fourvoie chez Maison du Peuple. Seul Louis De n’aura lieu qu’en 1943. eux » 56. La suite est connue : docto- Brouckère prononce un discours au rats en sciences sociales et en éco- nom de toutes les associations so- nomie, avocat, une chaire à l’ULB, cialistes et de l’Internationale, suivi leader charismatique du POB à par des chants choraux. Le discours partir de 1894 et président en 1933, fut diffusé dans les rues avoisinan-

140 Épilogue

En 2014, 137 ans après sa mise en Ce n’est là qu’un aperçu sommaire service, le cimetière de Bruxelles de la vague de vandalisme que le n’est plus que l’ombre de lui-même, classement du cimetière en tant que une vieille dame respectable qui site et celui d’une série de monu- porte son âge avec peine. Le long de ments funéraires en 1997 n’a pas pu l’avenue du Cimetière de Bruxelles, endiguer. Un authentique musée en la plupart des tailleurs de pierre plein air de la sculpture belge de la ont fermé boutique et leurs ateliers fin du XIXe et du début du XXe siècle ont été démolis. Le cimetière pro- est ainsi en train de disparaître la- prement dit souffre gravement d’un mentablement, indépendamment du manque d’entretien, de personnel et nombre incalculable d’ornements en de surveillance. bronze volés ou détruits, des portes démantelées, des vitraux brisés et Dans sa monographie La Nécropole de la détérioration d’innombrables de Bruxelles, Cécilia Vandervelde sculptures et médaillons en marbre. avait, dès 1991, fait état de la dispari- Cette forme sous-estimée de pillage tion de plusieurs statues en bronze : artistique ne connaît que rarement la statue de jeune fille de Jules une issue favorable – provisoire- Lagae sur le monument Wouters- ment ? En février 2011, le gisant en Dustin (1904), le buste de César De bronze grandeur nature du pionnier Paepe par Jef Lambeaux et le mé- de l’aviation Georges Nélis, une daillon de Désiré Brismée, le plan œuvre de Pierre De Soete de 1930, terrier en bronze du quartier Notre- fut lui aussi la proie des pillards. Dame-aux-Neiges sur celui d’An- Au mois d’août suivant, retrouvée toine Mennessier. Peu après suivront fortement endommagée, la statue atrimoine le buste en bronze de l’explorateur fut restaurée à l’initiative de Wings du Congo, Alexandre Delcommune, of Memory et à nouveau solennelle - par Jacques Marin (1906), les orne- ment inaugurée en mai 2012 61 : « Lux ments en bronze de Jean Herbays in tenebris lucet » 62? sur la tombe de Paulette Verdoot, danseuse au Théâtre royal de la Traduit du Néerlandais Monnaie décédée tragiquement (1916). Une rapine nocturne au prin- temps 2009 se solde par un triste bi- lan 59: la statue en bronze d’Annette Bellot par Arthur Puyt, deux bronzes grandeur nature – homme et femme – de la chapelle funéraire Willaerts (1921), une pleureuse de Sylvain Norga sciée de part en part (1936) sur la concession Hoebeeck- Dubois 60. Puis ce fut le tour d’une statue de femme de César Bataille (1939), sur la concession Gielens- De Roeck, de statues d’un père et d’une mère agenouillés de Joseph

Witterwulghe (1928) sur la conces- t r i m oi nes n °011-012 – NUMER O SPEC I AL - SEP T EMBRE 2014 Journées du P a sion Loman-Depierre et de la pleu- reuse agenouillée de War Van Asten (1930) pour la jeune défunte Mélanie

Guillaume. B ru x elles P

141 Des Champs-Élysées à Evere

NOTES d’Architecture de Belgique (SCAB). 34. Pelouse 14, chemin 23. 15. FONTEYNE, J., Recueil d’Architecture 35. Il remplace provisoirement, de juillet 1. CELIS, M.M., « Jamaer, Victor », in Funéraire, s.d. (ca 1879-1889), pl. 53. 1941 à septembre 1942, le bourg- VAN LOO, A. (dir.), Dictionnaire de mestre Joseph Vandemeulebrouk 16. VANDERVELDE, C., op. cit., p. 507-509. l’Architecture en Belgique, Fonds durant la déportation de ce dernier Mercator, Antwerpen, 2003, p. 365. Il en Allemagne. Son opposition au est inhumé dans les galeries funéraires 17. Comité pour l’acquisition d’un lieu de port obligatoire de l’étoile de David du cimetière de Laeken (cellule 1774), sépultures permanent et l’établisse- et son refus d’affecter sa police à la avec tombe en pierre bleue en surface ment d’un monument commémoratif recherche de juifs entraîneront son (pelouse 31B, chemin 32, concession à ceux qui pendant les années 1870- arrestation et sa déportation en 1944. 1071), identique à celle d’Alphonse 1871, ont succombé à leurs blessu- res en Belgique durant la guerre Balat (pelouse 9C, allée 9, concession 36. Cité par VANDERVELDE, C., op. cit., franco-prussienne. 1485). p. 522. 18. VANDERVELDE, C., op. cit., p. 509. 2. Dixit l’échevin et médecin Hippolyte 37. Pelouse 25. Delecosse (1839-1882), in Bulletin 19. Au centre du rond-point des communal, séance du 2 juin 1874, p. 454. Allemands. 38. MANDL, M. et Dr. CRYNS, P., Mémorial de l’aviation belge. César Battaille, p. 8, 3. Chemin 12, bordure, concession 1401; 20. VANDERVELDE, C., op.cit., p.510. (www.vieillestiges.be); VANDERVELDE, VANDERVELDE, C., La nécropole de C., op. cit., p. 524, mentionne par Bruxelles, commission d’Histoire de 21. Ibidem, p. 512. En 1967-1972, ailleurs « L. Marlière, ingénieur civil, l’europe, Bruxelles, 1991, p. 78. les escaliers sont enlevés par l’ar- S.P.R.L. Bureau technique ». chitecte de la Ville Jean Rombaux et 4. Pelouse 7, rond-point des remplacés par un mur bas. 39. La maquette est soumise à la Bourgmestres, concession 537; Commission royale des Monuments 22. Ibidem. VANDERVELDE, C., op. cit., p. 78-79. et des Sites en janvier 1949 (Indicateur 5. Pelouse 2, grande avenue, concession 23. AVB, Cultes, 139. 1936/XXXVI). 375; VANDERVELDE, C., op. cit., p. 83. 24. Commission royale des Monuments 40. Aujourd’hui au Musée royal de l’Armée 6. Pelouse 17, chemin 15, concession 245; et des Sites, Indicateur n° 1936/10, et d’Histoire militaire, Bruxelles. Bruxelles – Monument à ériger aux VANDERVELDE, C., op. cit.., p. 357. 41. ENGELEN, C., MARX, M., victimes du devoir au cimetière de 7. Pelouse 14, rond-point des Bruxelles, remarques en marge pour La sculpture en Belgique à partir de Bourgmestres, concession 598; un projet de lettre à É. Lambot d.d. 1830, Tome I, Leuven, 2006, p. 151-159. VANDERVELDE, C., op. cit., p. 106. 15 juin 1904. César Battaille a été peu étudié en tant que sculpteur ; dans l’op. cit., 8. Pelouse 16, avenue 5, concession 775 25. Pelouse 25, avenue 7/chemin 31, il est régulièrement confondu avec (Guiot-Rémy); VANDERVELDE, C., n° 4836. son confrère, aujourd’hui méconnu, op. cit., p. 137. Charles Eugène Laurent Bataille 26. Chemin 31. (Schaerbeek env. 1904-1969). 9. Pelouse 8, rond-point des 27. AVB, Cultes, 1383. Bourgmestres, concession 12; 42. Pelouse 25; VANDERVELDE, C., op. cit., VANDERVELDE, C., op. cit., p. 35. 28. Henri Jaspar p. 532-533. (Schaerbeek 1870-Saint-Gilles 1939). 10. LECLERCQ, C., Jacques de Lalaing. 43. Pelouse 13; VANDERVELDE, C., op. cit., Artiste et homme du monde 29. AVB, Cultes, 1383. p. 533-534. (1858-1917). Avec de larges extraits de son journal, Académie 30. Pelouse 11. 44.  « L’affaire Van Calck », Almanach illus- royale de Belgique, Mémoire de la tré du Soir, Bruxelles, 1907, p. 109. Classe des Beaux-Arts, Partie XXV, 31. Un examen des archives apporterait e Bruxelles, 2006, p. 271-284. Voir aussi sans nul doute une réponse, à preuve : 45. Les Faits-Divers illustrés, 2 année, VANDERVELDE, C., op. cit., p. 504-507. FREYTAG, A. et VAN DRIESSCHE, Th., n° 18, 22 février 1906. « Die Deutschen Soldatenfriedhöfe 11. KREXPEL, J., « Le monument des des Ersten Weltkriegs in Flandern », 46. DE SCHUIJTER, J., Drij moorden Anglais morts à Waterloo par de in Relicta. Archeologie, Monumenten- & voor vijf cens. Marktzangers als Lalaing », La Revue Blanche, n° 7, Landschapsonderzoek in Vlaanderen, 7, verspreiders van stadsnieuws, Bruxelles, octobre 1890, p. 223-224, Vlaams Instituut voor het Onroerend L. Opdebeek, Antwerpen, 1945, cité par LECLERCQ, C., op. cit.., p. 212. Erfgoed, Brussel, 2011, p. 163-238. p. 77-78. « Un nouveau cas de viol et de meurtre d’un enfant se produisit 12. OTTEN, E. (en collaboration avec 32. Depuis 1960, Commonwealth War quelques mois après l’affaire Jeanne NAYLOR, J. et A.), «Het monument ter Graves Commission (CWGC). Van Calck. La fillette de six ans nagedachtenis aan de Britse officieren, d’un bronzier, Annette Bellot, a été 33. Voir entre autres, CELIS M.M., onderofficieren en soldaten gesneu- entraînée, le dimanche 1er décembre, « Zonnebeke (Passendale), Tyne Cot veld in 1815 bij de slag van Waterloo, alors qu’elle jouait dans la rue de la New British Cemetery. Langemark, begraafplaats van Brussel, Evere», Digue, par une personne âgée de e Duitse militaire begraafplaats», M&L, 24 année, n° 6, p. 57-75. 35 à 40 ans, après que le scélérat eut De beeldentaal van symbolen, Ministerie envoyé le petit frère d’Annette cher- 13. Le Journal de Bruxelles, n° 258, van de Vlaamse Gemeenschap, cher des cigarettes pour 5 centimes. 14 septembre, p. 2. Brussel, 2002, p. 238-243 [Monumenten & Landschappen, La victime a été retrouvée le lende- 14. Avec Louis Roeland comme président, cahier 7]. main matin à Anderlecht, derrière la il est, en décembre 1872, secrétaire du rue des Vétérinaires, déshonorée et comité qui fonde la Société centrale étranglée ».

142 47. « L’affaire Van Calck », Almanach illus- The Elysian Fields in Evere. The tré du Soir, Bruxelles, 1907, p. 109. cemetery 48. DE SCHUIJTER, J., op. cit., p. 79. The Brussels cemetery is a typical, 49. DENECKERE, G., Nouvelle Histoire de th Belgique. Les Turbulences de la belle 19 century “burial ground”. Époque (1878-1905), Éditions Complexe, Our dead lie far from the city centre Bruxelles, 2005, p. 141-142. in individual graves in secluded, 50. BERTRAND, L., Histoire de la coopéra- lush green surroundings. tion en Belgique, tome II, Dechenne et Louis Fuchs designed a landscape Cie, Bruxelles, 1903, p. 363. park with broad alleys and winding 51. Ibidem, p. 364. paths. Mayor Jules Anspach 52. http://janpelleringfonds.be/ inaugurated the cemetery in 1877. Geschiedenis/biografieen/Belgen/ It was to be the final resting place of pubwww/VERRYCKEN many historically important people. 53. Après l’Exposition universelle de The vast terrain also offered plenty of Paris en 1910, le modèle en plâtre de couleur bronze patiné grandeur nature room for the imposing monuments aboutit au Palais des Beaux-Arts that we use to commemorate de Lille. Voir : ARNAUDIES, F., significant events from the past; J. Van Biesbrouck. Peintre et sculpteur, Les Éditions Guiauchain, Alger, 1931, Waterloo, the Belgian Revolution, p. XIII-XIV, ill. 31. D’après « Joconde. the Franco-Prussian War, both Portail des collections des musées de World Wars. During the ideological France », le groupe portant le numéro th d’inventaire RF 1313 a aujourd’hui rift of the 19 century, this was disparu. the favoured resting place for free 54. DESPRETZ, A., op. cit., p. 130-131. thinkers. This article delves into the genesis of memorials both public 55. http://georgeminne.vlaamsekuns- tcollectie.be/nl/collectie/themas/ and private, especially those erected gedenktekens-en-grafmonumenten to honour several leaders atrimoine 56. KOULISCHER, G., « Une grande vie, of the Belgian Labour Party. bien remplie, généreuse, toute de dévouement à la classe ouvrière et au socialisme : ÉMILE VANDERVELDE », Le Peuple, mercredi 28 décembre 1938. 57. Le Peuple, 54e année, n° 362, mercredi 28 décembre 1938. 58. Le Peuple, op. cit., p. 2. 59. Ont disparu le 3-4 mai 2009 au cimetière de Laeken, entre autres : une statue en bronze grandeur nature de Matthieu Desmaré (1927), une autre de Marel Rau (1914), une troisième de H. Losange (1912) ; Vers l’Avenir (1936), un chef-d’œuvre d’Ernest Salu II, a été lourdement endomma- gé. Précédemment, avaient déjà notamment disparu le Génie de la mort en bronze (env. 1885) de Julien Dillens sur la concession Moselli. 60. À propos de Sylvain Norga, voir e.a. HAVERMANS, A. et CELIS, M.M., « Norga, terug van weggeweest », Epitaaf vzw Periodiek, 20e année, 2006, n° 3, p. 3-11. t r i m oi nes n °011-012 – NUMER O SPEC I AL - SEP T EMBRE 2014 Journées du P

61. GRAFZERKJE VZW, Nieuwsbrief, a n° 70, 2012, p. 7-8 (http://www. grafzerkje.be/nieuwsbrief/74). 62. Concession 1071, Lucy Unett, 1847. B ru x elles P

143 colophon

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