BRUX ELLES, VILLE D'ART ET D'HISTOIRE BRUXELLES, VILLE D'ART ET D'HISTOIRE

Comité de coordination Ariane Herman, Cabinet du Ministre-Président Pascale lngelaere, Richard Kerremans, Manoëlle Wasseige, Service des Monuments et des Sites LES BOULEVARDS DU CENTRE Réalisation asbl C.I.D.E.P. (Centre d'information, de Documentation et cl'Etucle du Patrimoine)

Texte Laure Eggeri ex

Recherches historiques Serge Combert

Recherches iconographiques et légendes Stephan Praiscins

Remerciements Christian Spapens, architecte-urbaniste

LES BOULEVARDS HIER ET AUJOURD'HUI...... 2

BRUXELLES-SUR-SENNE ...... 6

LE VOÛTEMENT DE LA SENNE ET LA CRÉATION DES BOULEVARDS DU CENTRE 12

ILLUSTRATIONS Assainir ...... 12

h = haut; m = milieu; b = bas; d = droite Embellir ...... 18

Collection C.I.D.E.P.: 2-3, 4 (g), 4 (d), 4-5, 6, 7, 10, 11, 12 (h), 12 (d), 13, 15 (h), 15 (b), 16 (h), LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL ...... 22 16 (b), 17, 18, 19, 20 (h), 20 (b), 21 (h), 21 (b), 23, 24 (h), 24 (b), 25 (h), 25 (b), 26, 27 (h), 27 (b), 28, 29 (h), 29 (b), 30 (h), 30 (b), 31 (h), 31 (b), 32, 33, 35, 36 (h), 36 (b), 37 (h), 37 (b), 39, 42 (h), 43 (b), 44 (h), 44 (b), Promenade d'amont en aval ...... 22 45 (h), 45 (b), 46 (g), 46 (d), 47 (h), 47 (b), 48 (b), 49 (h), 50; Amanda de Selys (dessin): 14 (h); Collection Parcours thématiques ...... 35 Ville de Bruxelles: 8, 14 (b); Marcel Van Hulst, Région de Bruxelles-Capitale: 22, 34, 38, 40, 41, 48 (h) et photographies de couverture; Alfred de Ville de Goyet, Service des Monuments et des Sites: 43 (h), 49 (b); Collection Jacques Lemercier: 42 (b); Service communal de Belgique: 5 (d) LES BOULEVARDS HIER ET AUJOURD'HUI

BRUXELLES, AVANT 1867 Perspective depuis la place De Brouckère, Petite ville tranquille et provinciale, conservant encore une dessinée en 1881 par H. Catenacci, allure médiévale en plein XJXe siècle, Bruxelles va d'un seul d'après une photographie de J. Levy. coup profondément modifier sa physionomie. La Senne qui tra­ verse encore la cité est devenue insalubre et nauséabonde. Son cours capricieux est synonyme d'égout à ciel ouvert, d'inondations et de calamités. Dès 1867 des travaux de grande envergure sont entamés. La rivière est voCttée et les boulevards du Centre voient le jour. Le tissu urbain est remanié de fond en comble, la Senne ainsi que le cœur historique de la cité disparaissent au nom du progrès, de l'assainissement et de l'embellissement de la ville.

2 3 Bord(.' p.ir l.1 �enne, l't•-.taminet l'Our,., traverse la ville de part en part. S'étirant du boulevard du Midi ,c.· �loriiiait d'i•tre Il· plu.., ancien t.•lahli,,tmtnl du gt•nrt.• à Brll\l'llc,. au boulevard d'Anvers, cet axe relie les gares du Midi et du l't•n,t.·mhlt• qu'il iorm.iit ,l\l'C le moulin Nord. Vu du ciel, il forme un Y et constitue les boulevards du Parnll'ntit.·r ou Rm,thmolt.·n. retint p,ut1( ulit.•rt.•nwntl',,tll'ntwn de.. ,uti,te,, Centre, appellation qui recouvre en réalité quatre artères. En clont F. Putt.wrt, qui in11nort,1li..,l·rt.'nl ligne droite se succèdent les boulevards Lemonnier et .iin,i ,.1 ,\-mp,,thique gloriette ...urplomh.1111 l.1 ri\ iere. Anspach, puis, dessinant une fourche à partir de la place De Brouckère, les boulevards Max et Jacqmain (jadis respective­ ment boulevards du Hainaut, Central, du Nord et de la Senne). La nostalgie pas plus que l'histoire n'ont alors droit de cité, Au prestige de ces boulevards, scandés de bâtiments tantôt même si l'étymologie de Bruxelles situe sa naissance au cœur ostentatoires et monumentaux (la Bourse, les grands hôtels) du marais, précisément sur une île de la Senne. tantôt neufs dans leur conception ou dans leur fonction (les Bruxelles entend affirmer haut et fort sa vocation nouvelle de salles de spectacles, immeubles à appartements et grands capitale d'un Etat jeune et ambitieux. Clé de voûte de cette magasins), le temps a apporté nuances et bouleversements. mutation radicale, l'assainissement de la Senne est sans Lieu de prédilection d'une population aisée, centre de com­ conteste la plus grande entreprise de génie civil réalisée à merce et de loisirs, pôle de la finance et des affaires, l'axe Bruxelles au XJXe siècle. L'opération, d'une ampleur excep­ Nord-Sud a globalement évolué vers un développement tionnelle, est unique en son genre. Si et l'œuvre de accru du secteur tertiaire: la tour Philips, l'immeuble des Haussmann planent sur la capitale belge, les affinités, quoique Assurances Générales, le Centre administratif de la Ville de incontestables, s'émaillent de particularismes. Bruxelles n'est Bruxelles. Parallèlement, son patrimoine architectural, pour­ pas Paris et la Senne n'a que peu de rapports avec le fleuve tant riche et reconnu, s'est amenuisé: disparus !'Alhambra, le parisien en dehors de l'homonymie. De plus, la solution du passage des Postes, le Grand Hôtel ou les Halles centrales; voûtement intégral est rare. Paris, Londres, Bruges et Gand ont déplacée et dénaturée la fontaine Anspach; modifiés les préservé leur cours d'eau à l'air libre. Grands Magasins Anspach et !'Eldorado; « façadisé » l'hôtel Continental; mises au goût du jour les devantures commer­ DE 1871 À NOS JOURS ciales... L'ensemble conserve malgré tout une certaine cohé­ La trame urbaine héritée du Moyen Age a disparu, le cours rence et s'affirme encore comme un témoin unique de l'art de sinueux de la Senne est rectifié et enterré. En surface, une per­ bâtir au XJXe siècle, à l'époque où l'éclectisme était de mise, cée rectiligne ponctuée de places et d'édifices monumentaux dans ses variantes multiples.

Le cœur de Bruxelles, d'après le plan dessiné par l'architecte W.B. Clarke et gra\-é à Londres en HB7.

A l'origine, L. Suys a\'aitprévu d'abriter ,ou., huit pa.,,illons les Halles centrale� dont le 1>lan s'inspirait, !,elon l'architecte lui-même, de celui des Halles centrales de Paris. BRUXELLES-SUR-SENNE

Voûtée depuis 1871 et finalement détournée par les boule­ le prolongement du boulevard Emile Jacqmain vers Laeken. vards extérieurs en 1955, littéralement effacée de l'image de la Mais les aléas de l'histoire étaleront ces travaux sur plusieurs ville, enfouie au plus profond au propre comme au figuré, la décennies: chronologiquement, la fin des années 1920 pour le Senne a quitté la cité, définitivement. Et pourtant... prolongement du boulevard Jacqmain jusqu'à l'avenue de l'Héliport, 1955 pour le détournement de la Senne, 1958 pour VOÛTEMENT-DÉTOURNEMENT la jonction (indépendante du lit désaffecté de la rivière) et la Premier acte, à l'époque où Bruxelles, faisant œuvre de salu­ fin des années 1970 pour le métro. brité publique, entrait dans l'ère moderne. Capitale d'un jeune royaume, elle entendait renforcer visuellement cette fonction. HEURS ET MALHEURS D'UNE RIVIÈRE CAPRICIEUSE De bourg à caractère médiéval, elle allait passer à la cité mon­ Elément perturbateur, rivière versatile, certes, la Senne demeu­ diale et moderne, au cœur de laquelle se concentrent les acti­ re, envers et contre tout, liée à l'histoire de la ville. Attachée au Un coude de la Senne ouvrait le tronçon vités commerciales, industrielles et de loisirs. La rivière serait plus profond de ses origines (l'une de ses trois îles a tradition­ central de la rue de la Fiancée qui Image d'un Bruxelles à jamais révolu, celte magnifique photographie de longeait plus loin l'église des Augustins enterrée sous des boulevards censés attirer, par leur caractère nellement accueilli le berceau de la cité: le bourg fortifié de Ghémar immortalise l'impasse des dont cette photographie, prise en 1867 prestigieux, de nouveaux habitants et transfigurer de ce fait la Saint-Géry, le Borgva/), logée au creux de ses entrailles, elle par louis Chémar, nous montre le Meuniers qui séparait la Senne de la chevet. l'alignement de gauche ici ville. Cette option radicale ne fut toutefois adoptée qu'après de est tciut à la fois synonyme de développement et de calamité, façade latérale de l'église otre-Dame du Bon-Secours, elle-même visible, ainsi que la maison à pignon, vives polémiques. Pour ceux qui n'associaient plus le cours de charme pittoresque et de misère. Elle apporte travail et ont été conservés à ce jour, bien que heureusement épargnée par le plan de Suys. considérablement transformés. d'eau qu'à un « cloaque pestilentiel », il s'agissait là d'un pro- prospérité mais aussi épidémies et inondations périodiques. grès évident. Pour les autres, ce n'était rien Ce temps-là est à présent révolu. La rivière s'en est moins qu'un deuil, la première d'une allée, non sans laisser quelques indices, souvenirs et longue succession d'erreurs urbanistiques. traces éparses. S'il est possible de l'approcher de Deuxième acte, clans l'entre-deux-guerres. visu au couvent des Riches Claires, au Musée des Le voûtement a mis fin aux inondations Egouts et de part et d'autre de son tunnel à clans le Pentagone mais le problème reste ou à Vilvorde, d'autres signes insinuent entier dans les quartiers situés en amont et sa présence. Les noms de rue l'évoquent littérale­ en aval, régulièrement inondés. Au souci ment - la rue de la Senne - ou retracent ses d'assainissement définitif de ces communes méandres, son cours tortueux dans une cité aux rues limitrophes se greffent d'autres préoccupa­ étroites et sinueuses: le pont Neuf et celui de la tions plus ou moins neuves et susceptibles Carpe, la Grande lie (Saint-Géry) et la Petite (actuel­ de tirer parti d'un détournement du cours lement place Fontainas), la Terre-Neuve (conquise à d'eau. Les pertuis libérés pourraient l'Est de la rivière)... Puis ce sont les évocations des accueillir un métro voire la jonction ferro­ métiers, des commerces et autres artisanats liés à viaire Nord-Midi; l'espace rendu disponible l'eau. Les tanneurs et teinturiers sont parmi les 7 6 au-delà du boulevard d'Anvers permettrait grands consommateurs d'eau, cette même eau dont les brasseurs usaient pour faire leur bière, au grand clam de jour, elle passe en revue le quotidien, les mœurs et coutumes, Baudelaire qui jugeait la boisson aussi dégoûtante que si elle l'habitat miteux et le travail éreintant d'une population ouvriè­ avait été « cieux fois bue »! Davantage de précisions, si néces­ re adepte « des kermesses, des jeux populaires et des réunions saire, émaillent sa haine clans Pauvre Belgique: « Le faro est où l'on chante et boit ». tiré de la grande latrine, la Senne; c'est une boisson extraite Ce Bruxelles industrieux et ouvrier s'inscrit dans un contexte des excréments de la ville soumis à l'appareil diviseur. Aussi, plus vaste, celui d'une ville à l'heure du triomphe du libéralis­ depuis des siècles, la ville boit son urine ». Tandis que Charles me, de l'hygiénisme, de la propriété privée et du commerce. Baudelaire maudit la rivière autant que la ville ou que Victor La société de consommation en est à ses premiers balbutie­ Hugo n'y voit que contrefaçon et comble du simulacre - « par ments et le chemin de fer connaît des débuts plus qu'encoura­ un malencontreux hasard la petite rivière (... ) s'appelle pas tout geants. L'architecture de fer et de verre et l'éclectisme à fait la Seine mais la Senne » -, d'autres, plus indulgents ou dominent la scène de l'art de bâtir. C'est l'époque des très plus réalistes, se sont penchés sur son cours pittoresque puis à riches heures d'une bourgeoisie dynamique et entreprenante son chevet, tour à tour romantiques ou accusateurs, documen­ qui, aux quatre coins de l'Europe en voie d'industrialisation, talistes avertis ou témoins fidèles. partage les mêmes valeurs, comme le souligne Thierry Bras de la Senne bordant le\ mai\ons du Borg\ al \ u, dC'pui, le pont de la rue Demey: « Elles postulent l'adaptation des structures urbaines de!'! Pierrt•\, par Jean-Bapfo,te Van Moer POINTS DE VUE D'ARTISTES aux exigences de l'économie et des transports, l'importance de (1819-188-0 qui ,e \Ït confier en 1872 la mission officielle dc reprl'�cntcr, De tout temps source d'inspiration des artistes de la plume et l'hygiène pour lutter contre la propagation des épidémies et la en quin,e tabll·aux de.,tinè, à orner du pinceau, la Senne a aussi conquis ces nouveaux venus, dépravation de la classe ouvrière ainsi que la spécialisation l'Hôlel de Ville de Bruxelles, les paysages urbains disp,1rus suilC' au voûtement experts de la plaque sensible. Louis Ghémar et Jean-Théodore des quartiers clans la ville, les uns étant voués au commerce et de la rivière. Kampfe, chroniqueurs des travaux de voûtement, se font les aux affaires, les autres à la résidence ou à la flânerie ». témoins des derniers moments de Bruxelles-sur-Senne, avec ses guinguettes, constructions sur pilotis, moulins à eau et *«Un délabrement de masures vermoulues, assombrissant l'air de crêpes opaques à tr avers ponts de pierre. Charme et misère, regret et désuétude éma­ fleuries de mousses veloutées, avec des giroflées lesquels les réverbères, le soir, avaient l'air d'yeux sauvages dans les crevasses, mettait tout le long rouges larmoyants; et ses pestilences saturaient nent de leurs clichés. de la Senne ses pans de mur déjetés, surchargés l' atmosphère d'une odeur particulière, où se confon­ L'image de la rivière au « cours utile et agréable », aux eaux de logettes en bois pendant en surplomb sur les daient les relents de caoutchouc, de cambouis et claires et limpides peuplées de poissons; l'idylle de la « petite eaux terreuses, et hérissés de déversoirs en pierre de vieille suie mouillée (... ) La bonasse rivière où dégoulinaient les lessives des ménages ( ... ) La avait pourtant ses moments d'humeur; au temps Venise du Nord;, chantée par George Friex (Description de la rivière serpentait à tr avers cette agglomération de des crues, elle pénétrait dans les sous-sols, montait ville de Bruxelles, 1743) se ternit irrémédiablement au fil du petites maisons tassées ( ... ) ses bras s'étendaient l' escalier des caves, souvent même envahissait les temps. La Senne s'identifie progressivement à un égout à ciel partout, plongeaient au coeur de cette existence rez-de-chaussée. Il ne fallait qu'une nuit pour besogneuse avec des amas de grosses écumes ouvert que l'industrie et toutes les impuretés de la ville alimen­ , opérer la transformation des bas quartiers en un jaunâtres aux barrages, des remous de vapeurs vaste lac, duquel émergeaient piteusement des tent constamment. Un siècle plus tard, le bas de la ville n'a bouillantes le long des usines, des traînements tronçons de maisons ( ... ) Naturellement ces d'autre allure que celle dépeinte par Camille Lemonnier*. lents de flaques huileuses sur tout son parcours. envahissements de l'eau occasionnaient des Telle est l'image, prise sur le vif, de cette portion de ville misé­ Elle avait fini par être le dépotoir, non seulement désastres: des bicoques mal assurées s'écrou­ des industries groupées sur ses bords, mais de laient; le travail s'interrompait dans les fabriques rable et populeuse. Par le réalisme saisissant de la description, toutes les maisons riveraines: il n'était pas rare de et les moulins, les ménages obligés de chômer, par la magie du mot, la vieille ville « trempant aux eaux de la voir un ventre ballonné de chien flotter, pêle-mêle manquaient d'argent et de pain; des compli­ Senne » revit dans ses moindres détails. Aux impressions de la avec des mises bas et des détritus ménagers, à cations de misère et de maladie s'ajoutaient à la la dérive de ses eaux grasses et lourdes. En perte des meubles et des ustensiles». vue s'ajoutent celles de l'ouïe et de l'odorat; à l'atmosphère automne, des brouillards montaient de ses vases, (Camille Lemonnier, la Belgique, Paris, 1888, pp. 32-38) 8 ambiante, le détail pittoresque. Chronique de la vie au jour le 9 1860 : ÉTAT DES LIEUX ce sont les miasmes -émanations - qui expliquent la plupart En 1863, Jules Anspach est nommé bourgmestre de la Ville de des maladies. Bruxelles. A l'époque, la cité présente encore une trame urbai­ ne dense et serrée, en grande partie héritée du Moyen Age. LE TANDEM ANSPACH - LÉOPOLD Il L'axe est-ouest domine les courants de circulation à travers la A la tête de cette ville-capitale, le libéral Anspach et, aux com­ ville et les communications dans le sens nord-sud sont insuf­ mandes du royaume, Léopold 11, deux personnalités fortes, fisantes. La Senne traverse toujours la ville du sud au nord, s'affirment les défenseurs d'un urbanisme de prestige et les décrivant de nombreux méandres au gré de ses multiples bras. promoteurs de travaux de grande envergure. En 185 5, le Elle défraie en outre la chronique - et ce depuis des siècles - futur roi, impressionné par les premières réalisations de en raison de ses crues périodiques et dévastatrices. La situation Haussmann, clame sa volonté de voir sa capitale suivre le ne fait qu'empirer durant le X/Xe siècle car aux inondations mouvement: « Partout autour de nous les capitales et les villes font des progrès étonnants, notre pays ne peut pas se laisser JULES ANSPACH s'ajoute désormais la pollution. La rivière ne sera plus alors Parmi les innombrables caricatures que (Bruxelles, 1829· 1879). que la poubelle de la cité. « C'est un égout embourbé, encom­ distancer par ses voisins - la Belgique située au centre de publia la presse non stipendiée, celle-ci Avocat libéral, il est bourgmestre l'Europe doit faire honneur à sa fonction. » Dix ans plus tard, exprime sans fé rocité>excessive la fougue de Bruxelles de 1863 à sa mort bré de matières organiques, de débris d'animaux informes, des avec laquelle Anspach défendait «son • De son mayorat, l'histoire a surtout résidus des fabriques, (... ) toutes sans nom mais non pas sans s'adressant au jeune bourgmestre, il poursuit: « j'espère projet d'assainissement de la Senne. retenu l'exécution d'un ensemble de grands travaux publics qui feront odeur » , clame un conseiller provincial. qu'avant l'entrée de 1110 11 successeur à Bruxelles, de la ville une métropole moderne : Les conditions se sont dégradées sous l'effet conjugué du celle-ci aura reçu les embellissements qui sont voûtemcnt de la Senne el création des boulevards du Centre, rénovation développement industriel et de l'essor démographique. Les dus à une capitale et notamment qu'elle du quartier Notre-Dame-aux-Neiges, régions pauvres du pays déversent leur flot d'émigrés clans la réussira avec l'appui du gouvernement à érection du Palais de Justice ... « Ansmann •, comme l'appellaient les capitale. Ceux-ci s'entassent clans les quartiers du bas de la se débarasser de ce cloaque qu'on revues théâtrales en raison de ses affinités ville, à proximité des usines où foisonne également le petit appelle la Senne. » Entre Léopold Il avec le préfet de la Seine, a en outre œuvré pour l'extension du réseau commerce de détail. Cette portion de ville voit se multiplier et Jules Anspach règne une primaire officiel de la ville. impasses sordides, carrés surpeuplés, constructions dont les convergence d'idées. Du premier « soubassements croupissent clans les eaux corrompues » , mai­ la postérité retiendra l'image d'un j sons «infectes, nauséabondes, oi:1 la misère, les infirmités, les roi bâtisseur, du second, celle du maladies ont établi leur domicile » . Continuellement en « transformateur de Bruxelles » . contact avec cette eau sale qui charrie déchets industriels et Sous leur autorité respective ordures ménagères et exposée sans répit aux épidémies, cette seront entamés de nombreux tra­ population prolétaire paie en outre un lourd tribut aux inonda­ vaux dont le plus impressionnant tions tandis que la frange aisée de la population se réfugie sur est le voûtement de la Senne. les hauteurs. La Senne a toujours marqué un clivage social L'opération menée officiellement entre le haut et le bas de la ville et cette démarcation ne fait dans un but d'assainissement et que s'accentuer. Le centre perd ses bourgeois conquis par les d'embellissement, tente aussi de nouveaux quartiers construits en périphérie. Face aux épidé­ renflouer les finances commu­ mies, la classe aisée s'affole, se met en quarantaine et va nales en stimulant le commerce jusqu'à répudier son petit personnel par crainte obsessionnelle dans le centre et en évitant de la contagion. A l'époque, les connaissances médicales sont l'exode de la classe possédante 10 encore très approximatives: avant les découvertes de Pasteur, vers des quartiers plus aérés. 11 LE VOÛTEMENT DE LA SENNE ET LA CREATION DES BOULEVARDS DU CENTRE

1_/\r �V / ''1" 1 � �� ·d��\'. ASSAINISSKMl:NT01; I.A SEN�K Ptt.0,1 .1<: u'A.-,sAm1ss}:MENT DE LA SE NE ASSAINIR T{ _ el c une JlOL1velle.ru.e ile2o inetres de 1ar. g>eur. Le dilemne voûtement - épuration - CONFUIENCE DE M. C. MOURLON l "onpe de s rna� ,0nnerie� èÏeh . voiite eL aes égouts L'insalubrité et les inondations - et non l'épidémie de choléra ;y a�j�cents. de 1866 comme le prétend la légende - ont poussé les autorités p,u• ../1 . .LAAIBl:.'Rl' �9cn.l rl Îu l'llu't1Ùlcr, lJm.œll.c.t lt· .16 Ji m1JÙ•r JJ'6J. . communales à prendre des mesures en vue de l'assainissement du bas de la ville. Mais si la nécessité d'intervenir et de mettre fin à cette situation endémique est partagée de tous, la manière

(Amsterdam, 19ZJ - , 1887) à l'occasion de l'inauguration des arches de la Maison du Roi, Grand-Place,

Fil, cl élèH� de Tilman-Françoi3 Suy, (plan du de la Senne présente deux réalisations Coupe l}pe �c_hématique furent proposés au début des années quartier Léopold, église SainHoseph), majeures de l'architecle Léon Suys : du \OÙh.'ml'nt de la Senne 1860 pour l'implantation d'une nouvel­ il hérite de ,on père un langage teinté de c.la,si­ la Bourse, opposée aux taudis le Bourse à Bruxelles. En 1864, Anspach e cisme et un vif intérêt pour l s problèmes d'ur­ qui bordaient la rivière, coupa court aux débats en indiquant hani-,mc.Oulr e le voûtement de la Senne et le voûtemenl proprement dit. avoir retenu l'idée, défendue par cl le tracé des boulevards centraux, il est Léon Suys, de la construire sur l'ancien notamment l'auteur de la Bourse de commerce, marché des Récollets. A noter que dès des Halles centrales, de l'écluse du Midi et de 0 sa présentation, l'architecte attache nombreux projets de transformation du centre autant d'importance au traitement des de Bruxelles (non réalisés). façades latérales qu'à la façade princi­ pale, souvent seule retenue dans l'ima- ginaire colleclif au xxe siècle.

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la solution du problème hygiénique et 1�11,.., monumental po,l' par la rectific_alion du iiJ)i cours cil• la �l'nne • préconi,fr par 1 _ I Léon Su-.., fut rt .•,,li,«.'«.' dam ,c3 �rancie�

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l'ére(lion d'um• fontain«.• lommémorati\e ,ur l',1tluellr pl,,cl' Font,1ina,, la rccons­ Construit bien avant que ne soit prise la décision trullion dl· l'l•gli,C' �ainH\1Îlola, el, bien­ hoquant l'étal dr.., tr,l\,lU'\ ,1 de démolir l'église des Augustins, le volume ,ûr, le mainlirn de l'l'gli,e de, Augustins. haull'ur du MMlhé am Poulet.. du Café Conlinental fut conçu dès 1873 pour clore ver'i la rUl' dC' l'hNjUC' qui la perspeclive du nouveau boulevard central.

l01ht'rv,1it t'1Korc Il', mai,on\ Cc dessin de l'architecte Carpcnlier représente l'im­ Plus que toute élévation ou croquis, dr ,on Iron� on n•ntr,11, meuble tel qu'il fut édifié, coiffé d'une imposante toitu­ celle photographie prise au tournant

<..l'lll' photographie, pri,e en re elle-même surmontée d'un groupe dû au ciseau de du siècle exprime d'autant mieux l'em­

août 1870, monlrt.• r�,11«.•mt.·nt louis Samain el symbolisant le festin. la toiture prise des Halles centrales dans

la di,pmition définitiH· du ,oû­ fut considérablement simplifiée après le terrible incen­ le tissu urbain de la capitale qu'elle

14 tement de la )rnne. die qui ravagea l'immeuble en 190 1. n'en représente que la moitié ! Mise en scène CALENDRIER DES TRAVAUX Liaison nord - sud Afin de stimuler la construction et d'accélérer l'essor de ces - Octobre 1865 : adoption du projet e nouveaux boulevards, la ville prend trois mesures: des facili­ En surface, ce qui aurait pu n'être qu'une simple percée d'inté­ de Suys par le conseil communal. Totalisant n réalité quatre boulevards (Lemonnier, Anspach, rêt technique et urbanistique devient une composition monu­ - Juin 1866 : contrat définitif entre Max et Jacqmain), les boulevards du Centre adoptent un tracé tés de paiement sont offertes aux candidats acheteurs, des le collège et la Bclgian Public Works e e e e e baux de superficie sont octroyés aux promoteurs et cieux mentale, une véritable mise en scène dont le point d'orgue se Company Ltd (Compagnie anglaise). en Y t traversent le Pentagone selon l'ax nord-sud. C tt vast situe au temple des Augustins (actuelle place De Brouckère) là Février 1867 : débul des travaux percée à la Haussmann relie ainsi la gare du Nord à la nouvelle concours d'architecture sont organisés pour les périodes à l'extérieur de la ville. e e 1872-1876 et 1876-1878. où la ligne droite se divise en deux branches. Cette disposition - Septembre 1868 : débul des lravaux gare du Midi, inaugurée en 187 1 sur le territoire d Saint-Gill s. scénographique est ponctuée de majestueux jalons - fontaine clans le Pentagone. La démolition de l'ancienne station de s Bogarcls permit « Il faudrait, pour que notre œuvre fut complète, que, par l'in­ - Février 1871 : la Compagnie anglaise térêt architectura I qu'elles offriront, ces constructions fussent monumentale, Bourse de commerce, Halles centrales, etc. - démissionne, la ville poursuit les tra­ l'agrandissement de la place Rouppe et la création, à l'empla­ censés attirer l'œil autant que la bourgeoisie d'affaires. Il suffi­ vaux en régie. cement de l'ancienne voie fe rrée, de l'avenue de Stalingrad, dignes de la voie que nous avons ouverte au cœur - 30 novembre 1871 : inauguration du de notre vieille cité. Il faudrait qu'à l'utile se joignît ra de quatre années pour voir se clôturer une partie des tra­ voûtement et des nouveaux boule­ tracée en 1869. Ce faisant, la ville détrône définitivement vaux et ce malgré des péripéties en cascade : soucis financiers, vards. l'axe est-ouest qui fut longtemps privilégié. Ce n'est qu'en le beau ». Ce souhait, émis lors du conseil com- 1 86 1-1862 que le bas de la ville avait été doté d'une premiè­ munal de la Ville de Bruxell es en 1872, allait se re liaison norcl-sucl, lorsque la rue du Midi fut prolongée jus- concrétiser rapidement, au-delà de toutes les qu'à la rue des Fripiers. La deuxième étape est franchie lors espérances. Suite aux concours, les boule­ de l'ouverture à la circulation des boulevards du Centre. vards s'étoffent de constructions rivalisant La troisième prend place en 1874, lorsque fut créée d'opulence et de richesse. Aucune unité de l'achl'\emcnt du noU\t'I HO!cl dl•,. Po,tes allait remettre j l'ordre du jour - entre la rue d'Anclerlecht et les Halles centrales - la rue style n'est recherchée ni d'ailleurs imposée (la la question de l'aHnir dt• l'('gli'iedes Van Artevelde, chaînon manquant à l'établissement d'une seule contrainte fixe la hauteur minimale des Auxu,tin-., préti,t•mt•nt ouupl'e par l'admini<,trationpo,t,1lt•. S'oppo,;;ant.iu e e e communication directe entre la porte cl' Anderlecht et la bâtiss s à 1 5 mètr s). La composition, écl c­ remplau•mt•nl du \t'nl•rahle l'difice }ar un ,< u,lrl' han.il avec Ni la pluie ni la neige ne compromirent porte d'Anvers. tique, s'affirme comme une synthèse de tous l 1 kio.,que,. l'i font,iim·., •, 111.tis non les festivités d'inauguration du nouveau Par ailleurs, le voûtement de la Senne a permis de pro­ les styles et de toutes les influences. Véritable à �a dC'molilion,ll' projet cl'em­ boulevard et c'est en pataugeant dans helli,st•mt•nt, dt•,.,im> par H. une épaisse boue que la foule compacte longer une série de voies transversales, de trace r les anthologie de l'a rt de bâtir à la C.1..,,ier, et propo'i

faillite de la Belgian Public Wo rks Company Limited à qui la EMBELLIR ville avait confié les travaux, climat de suspicion, retards dans La percée réalisée, les boulevards aménagés, les expropriations, pots de vin, transactions douteuses, détour­ vient le temps de la reconstruction des nements de fonds et autres scandales abondamment illustrés abords, de la rentabilisation et de l'esthé­ par la caricature et relayés par la presse de l'époque. Les tra­ tique , autant d'opérations menée s au vaux qui ont entraîné la disparition de 1100 maisons, ateliers, détriment de la population ouvrière, entrepôts et de plusieurs dizaines de ruelles et impasses, sont expropriée et contrainte de s'exiler clans inaugurés le 30 novembre 1871. Le voûtement de la Senne et les quartiers I i mitrophes. L'assa i 11isse ment les nouveaux boulevards sont alors en grande partie terminés est l'occasion de déba rrasser la ville de mais il faudra encore attendre plusieurs années pour que l'en­ ses taudis et de substituer à un quartier semble des travaux prévus soient achevés et notamment le ouvrier malsain et étriqué, un quartier .., .. j. � •. second pan de l'opération : l'embellissement. 18 d'affaires, prestigieux et aéré. ,t, 1fa1r �" ostentatoire et chatoyant privilégie toutefois un certain particu­ au détriment des habitations ouvrières qui, fait rare à l'époque, larisme national. Les styles «néo » sont mis à l'honneur : néo­ étaient pourtant prévues à titre compensatoire. Aux critiques c I assi que, néogothique, néorenaissance flamande, néo­ émises face à autant de luxe, à une approche élitiste, Anspach baroque ... L'accent est mis sur l'image et l'impact visuel dans rétorque en 1875 : « Je maintiens qu'il est important pour la un étalage de richesse et une profusion d'éléments décoratifs : Ville de Bruxelles que le boulevard central et ses annexes aient exubérance des rel iefs et des sculptures, variété des formes et un caractère monumental dans toute leur étendue, mais les des matières. La veine importée - le style Second Empire - est particuliers qui ne voudront pas se donner le luxe d'une mai­ exploitée par Jean-Baptiste Mosnier. Selon la formule des baux son monumentale iront dans les rues avoisinantes, qui sont de superficie, l'entrepreneur français réalise, en association plus modestes et où on leur demandera des loyers moins avec les architectes J. Olive et E. L'Homme, une soixantaine considérables ». A défaut de nuance, les choses sont claires. d'immeubles de rapport de type haussmannien ainsi que le Les expropriations ont chassé définitivement la population Grand Hôtel (aujourd'hui démoli) avant de tomber en faillite ouvrière du quartier. Réticente à aller s'installer au-delà du la nouvelle sacristie de l'église en 1878. Un an plus tard, la Ville conclut le même genre de canal, dans les faubourgs d'Ander lecht ou de Molenbeek, elle Notre-Dame du Finistère fut édifiée en transaction avec la société Bilien et consorts qui construit est allée gonfler d'autres quartiers tout aussi désavantagés que la composition de l'architecte A. Dumont 1874 sur les plans de l'architecte pour l'Hôtel de ventes des objets saisis, Constant Almain de Hase. Bordant grâce aux architectes H. Rieck et J. Naert des habitations bour­ surpeuplés (l'impasse Peeters rue Haute, la cité ouvrière de la édifié en 1880, suscita l'admiration de ses le boulevard Adolphe Max (n'SS), geoises ainsi que l'hôtel Terrasse (démoli). rue du Vautour, I' « immense réservoir à misère » du quartier confrères, ce qui n'empêcha pas la rapide ce bel immeuble néo-baroque, faillite de l'établissement. l'architecte style rarement utilisé à Bruxelles, fut L'ensemble des boulevards exploite la monumentalité, la des Minimes ... ). Car si le logement ouvrier était effectivement avait intégré une porte dessinée par malencontreusement transformé en 1939. symétrie et la perspective. Mais la rigueur stricte et absolue est prévu dès le contrat passé avec la Compagnie anglaise, il A. Mennessier pour donner accès à la section belge de l'Exposition de Paris. détournée pour laisser libre cours à la fantaisie, à l'expression l'était d'une façon tellement vague et floue qu'en fin de compte Juste retour des choses, plusieurs d'œuvres individuelles et indépendantes. Aux immeubles de il fut tout simplement oublié, à l'exception de ... 20 maisons éléments de sa façade furent maintenus par P. Hamesse lorsqu'il conçut la façade rapport et de commerce s'ajoutent les édifices publics déjà construites à Saint-Gilles par la Société anonyme des Habi­ du cinéma Pathé qui sera élevé sur le site de cet hôtel de ventes (gravure ancienne). l'Hôtel des Postes prévus dans le plan de Suys - la Bourse, les Halles centrales - tations ouvrières ! Ces déficiences seront comblées pour partie situé place de la Monnaie auxquels se joignent le palais du Midi, l'hôtel des Postes, le par le secteur privé, par souci de bienfaisance parfois, mais passage du Nord ... Quantité de bâtisses somptueuses réalisées davantage encore, par intérêt pécunier et spéculatif.

la Bourse de Commerce et des Fonds publics, dessinée en 1881 par A. Deroy, d'après une photographie de J. Levy.

Portique médian des Halles centrales, dessiné par L. Titz à partir de la rue Grétry, prolongée pour rejoindre ce magnifique exemple d'architecture métallique, construit sur les plans de L. Suys et E. Legraive. 21 LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL

PROMENADE D'AMONT EN AVAL Suivant l'ancien cours de la Senne, le parcours traverse la ville de part en part, du sud au nord. Marquant quelques arrêts, la balade s'amorce là où jadis siégeait l'administration du voûte­ ÉCLUSE DU MIDI ment de la Senne, bâtiment plus connu sous sa fonction de 77 bd Poincaré, L. Suys, 1871 régulation de la rivière enterrée: l'écluse du Midi. Quittant les Construite lors des travaux de voûtement à l'entrée de la ville, la nouvelle écluse boulevards de ceinture pour parcourir l'axe Lemonnier­ adopte le style néoclassique. Elle est Anspach-De Brouckère-Max et Jacqmain, la promenade repart équipée d'une technologie de pointe pour l'époque (cylindres hydrauliques). de plus belle, basée sur des regroupements thématiques cette Condamnée à l'inactivité suite au détournement de la Senne, elle est à fois : les spectacles, les cafés et hôtels, les immeubles de rap­ présent restaurée et abrite une taverne. port et commerces. Le boulevard Lemonnier Jadis boulevard du Hainaut, ce tronçon des boulevards du Centre s'étire du boulevard du Midi à la place Fontainas. Interrompue à mi-chemin par la place Anneessens, cette artère se caractérise par une succession homogène d'élévations modestes pour la plupart, d'habitations bourgeoises avec une prédilection pour le néoclassicisme, d'immeubles de rapport et de commerce, dont plusieurs sont dus aux promoteurs Bilien et consorts. De cette enfilade relativement bien préservée se La place Annessens occupe dégagent quelques constructions remarquables - le palais du l'emplacement du Vieux Marché, Midi, l'Ecole modèle, l'école communale n° 13, l'ancien haut lieu du commerce bruxellois des vêtements et objets d'occasion de Panorama. D'autres bâtiments exceptionnels suscitent l'éton­ 1639 à 1873. Ornée depuis 1889 d'une nement ou l'admiration: une maison de maître Art Nouveau statue due au ciseau de Thomas Vinçotte, cette place avait perdu son quatrième ° ° signée Blérot (n 21 6), un café dessiné par Blomme (11 218), côté lors du percement du boulevard. un immeuble primé lors du concours de façades (n°'1 7-1 9) et une foule de détails, un por­ tail et un décor abondant (n°'105-109), une devanture, une enseigne ... puis, dans la foulée de l'aménagement du métro, une œuvre de Pierre Alechinsky (Sept écritures, sta­ 22 tion Anneessens, 1976). 23 ANCIENNE ROTONDE DES PANORAMAS CASTELLANI (8-14 bd Lemonnier, arch. H. Rieck, 1880, aujourd'hui transformée en parking)

Elevée par la S.A. du Panorama national en 1879 pour y accueillir les œuvres du peintre Castellani, la rotonde se dresse derrière l'imposante façade d'un immeuble signé H. Rieck en 1880. A l'époque, les panoramas LE PALAIS DU MIDI n'en étaient plus à leurs balbutiements, les techniques (132-172 bd Lemonnier, arch. W. Janssens, 1875-1880) avaient été éprouvées et tout concourait à créer l'illusion la plus parfaite. Témoin unique de ce spectacle pictural Ancien marché couvert et imposant complexe entourant deux cours séparées par une galerie vitrée. conjuguant art et industrie, la rotonde, malgré ses monumental de style éclectique, ce marché·bazar a Ces quelque 10.000 m2 seront successivement affectés à fortunes diverses et ses affectations multiples, conserve été édifié par la Compagnie générale des Marchés des expositions, à l'Ecole industrielle, à la Bibliothèque en grande partie sa structure d'origine : mur de briques afin de favoriser l'animation dans cette portion technologique, aux services administratifs de la Ville, à seize pans, structures métalliques de la toiture éclairée moins prestigieuse des boulevards centraux. aux bâtiments scolaires, centre sportif... pour enfin par un lanterneau, rail de suspension de la toile. Taxée de « désastreuse entreprise », cette construction retrouver, suite à la dernière campagne de rénovation, monumentale de pierre bleue et blanche au décor un certain ancrage commercial au rez combiné à foisonnant, est formée de quatre corps de bâtiments l'affectation essentiellement sportive de l'ensemble.

ÉCOLE MODÈLE ÉCOLE COMMUNALE N° 13 aujourd'hui, école normale Charles Buis aujourd'hui, institut d'enseignement supérieur (1 10 bd Lemonnier, arch. E. Hendrickx, 1875) L. Cooremans (11 place Anneessens, arch. E. Janlet, 1878) Primée lors du concours des façades en 1872-76, cette école est aussi un jalon important dans l'histoire Cette école présente un plan qui s'inspire très clairement de l'enseignement. Les méthodes pédagogiques appliquées de celui de l'Ecole modèle bien que ses façades soient (le « développement harmonique de toutes les facultés de d'un style tout différent, à dominante Renaissance l'enfant •), l'organisation spatiale (rationnelle, autour d'un flamande. préau central) et le style (néorenaissance) concrétisaient L'architecte Emile Janlet s'était fait connaître lors du l'idéal d'enseignement primaire laïc prôné par la Ligue de concours des boulevards à l'occasion duquel il avait l'Enseignement. Cet établissement sera le modèle de toute obtenu les deuxième et troisième places pour des une sé rie d'écoles érigées par la suite. Celles-ci se distinguent maisons de commerce, place De Brouckère (nosJ7-39A) des anciens bâtiments scolaires par une série el (n°78), toutes deux d'inspiration d'aménagements : un préau pour abriter les élèves durant la classique française. mauvaise saison, une cour de récréation, une salle de gymnastique, des classes fonclionnelles, parfaitement aérées el éclairées. LES HALLES CE TRALES (arch. L.-P. Suys el E. Le Graive, 1872-1874)

lnlégrées dans le plan d'ensemble de Suys, les Halles répondaient à un réel besoin de redéploiement des marchés de la capitale. l'accroissement de la population, d'une part, l'état de vétusté et d'insalubrité des marchés existants de l'autre, sans compter leur démolition prochaine, encouragèrent la création d'un centre Le boulevard Anspach d'approvisionnement à l'image (toutes proportions gardées) de ce qui existait à Paris. Centre de la vente à Central par sa première appellation autant que par sa situation, la criée des produits frais (viandes, poissons et légumes), il relie les places Fontainas et De Brouckère. Des monuments il fut partiellement reconverti en palais d'Eté, lieu légendaire autant que féérique et tout entier dévolu parmi les plus importants s'y concentrent : la Bourse, des com­ aux plaisirs : patinoire l'hiver et music�hall l'été, jardin merces et jadis des marchés et grands magasins (Grand Bazar vitré, projections cinématographiques, concerts, théâtre ... Cathédrale de métal et de verre, témoin remarquable de Anspach, les Grands Magasins de la Bourse, les Grands l'architecture métallique, née de l'expansion industrielle et très en vogue pour la construction d'édifices publics Magasins d'Ali mentation Victor Wygaerts). Les grands à la fin du siècle dernier, les Halles centrales ont immeubles dont plusieurs portent la griffe du promoteur fran­ malheureusement été démolies et remplacées çais Mosnier voisinent avec les hôtels (le Grand Hôtel, l'hôtel par un immeuble de parkings. Central), les cafés et autres salles de spectacle (le cinéma Pathé Palace, le théâtre de la Bourse, I' Ancienne Belgique). Véritable caléidoscope de l'éclectisme, le tronçon principal du nouvel axe nord-sud, a eu ses heures de gloire (pas moins de six pro­ jets primés lors du concours de 1872-1876) et, plus récem­

ment, ses rêves d'Outre-Atlantique avec ses tours et ses LA BOURSE DE COMMERCE ET DES FONDS PUBLICS destructions (l'hôtel des Postes, le Grand (80 bd Anspach, arch. L.-P. Suys, 1868-73)

Hôtel, le Sésino). Prévue par Suys dans le plan d'assainissement de la ville, la Bourse répond au besoin essentiel de créer un centre où traiter les affaires commerciales en pleine expansion. le monument qui allie grandeur et fantaisie est situé à l'emplacement de l'ancien marché au Beurre, lui-même implanté sur les restes du couvent des Récollets fondé au x111e siècle. l'édification de ce temple de la finance a entraîné une réorganisation des rues environnantes, investies d'une plus-value foncière en tant que centre des affaires. la Bourse est entourée d'un écrin remarquable formé d'immeubles d'appartements, d'hôtels, de cafés el de maisons de commerce. Conçue dans le style éclectique, elle mêle des emprunts néorenaissance française et Second Empire enrobés d'un foisonnement d'ornements : corlèges d'angelots et de figures allégoriques, sculptures innombrables nées de la main d'illustres artistes belges et françai , dont Rodin. Dessinateur habile, L. TitL croqua le boulevard Anspach sous toutes ses facettes lorsque le temple des Augustins 26 en clôturait encore la perspective. rement recherchées. Quatre d'entre elles ont d'ailleurs été primées lors du premier concours (n°s 37-39A, 33-35, 19-21 ainsi qu'un immeuble de H. Maquet aujourd'hui remplacé par le bâtiment de la Compagnie anglaise). Une série de façades éclectiques à dominante néogothique (n°5 12-28) a été récompensée lors du second concours. Au Nord, planté dans l'axe du boulevard P,1ge de droite, en haut : La place de Brouckère Anspach, l'immeuble-phare du Continental Respectant un parcellaire plus traditionnel à Bruxelles, l'architecture Aboutissement de la pe rspective monumentale et véritable ferme magistralement la perspective. Côté mouvementée de ces façades de nœud de communication, la place De Brouckère occupe sud, par contre, les deux immeubles à coin la place De Brouckère, édifiées sur les plans de J. De Blois, contraste avec l'emplacement du temple des Augustins. A partir de 1893, coupé qui refermaient la place ont disparu. les imposants ensembles haussmanniens l'hôtel Continental (41, place De Brouckère, E. Carpentier, Les élévations est et ouest abritent encore des boulevards. D'innombrables badauds ont pu jadis suivre les faits majeurs 1874) prend la relève, épaulé pendant de nombreuses années quelques «institutions » culturelles ou hôte­ de l'actualité sur le journal lumineux par le monument Anspach, fontaine obélisque à la mémoire lières de la capitale comme l'Eldorado ou le que l'on avait installé sur deux de ces immeubles. du maître d'œuvre des travaux d'assainissement de la Senne. Métropole. Aujourd'hui, si le site a conservé Clé de voûte de la composition des grands boulevards, cette nombre de ses façades, l'échelle en est rom­ place concentre les édifices les plus somptueux dans une pue à tout jamais : le Centre administratif de la place De Brouckère et son terre-plein de l'effet et de la mise en scène. Elle pré­ central orné de la fontaine Anspach, constante recherche la Ville et la tour Philips l'écrasent en effet photographiée au début du siècle. sente une suite d'immeubles imposants aux façades particuliè- de leurs volumes glacés.

Sur cette coupe du métro bruxellois, la masse des immeubles de bureaux, « image du progrès », relègue au second plan les traces du passé. le document permet d'appréhender la complexité des travaux effectués pour les transports en commun souterrains. la liaison 28 Nord-Midi emprunte, à cet endroit précis, l'ancien collecteur de la Senne. 29 HÔTEL DES POSTES (arch. L. De Curie, 1892)

Les plans de !'Hôtel des Postes, inauguré en 1892 et démoli moins d'un siècle plus TEMPLE DES AUGUSTINS tard, furent dressés par Louis De Curte. (arch. J. Francart, 1642, façade déplacée, église de la Trinité, Ixelles) l'avant·corps central était couronné de la place de Brouckère occupe deux groupes symbolisant la Poste et le approximativement le site Bel exemple du baroque flamand à Bruxelles, le temple des Augustins, conservé et valorisé Télégraphe ainsi que de deux atlantes, du monastère el de l'église des dans le projet de Suys, allait cependant disparaître. Sa fonction religieuse tarie depuis œuvres du sculpteur A. Oesenfans. Augustins, établis à Bruxelles longtemps, le bâtiment collectionnait les affectations les plus diverses et les plus Cet édifice, situé place de la Monnaie, en 1589 et illustrés par Sanderus changeantes. Certains dépréciaient en outre son style c jésuite », n'hésitant pas à le traiter aurait dû être relié au boulevard central dans sa célèbre Chorographia de c masure informe ». par le c Passage des Postes » ménagé sacra Brabantiae éditée en 1656. Toutefois, lorsque sa démolition fut décidée en 1893, d'autres obtinrent, en raison de dès 1875 dans un très bel immeuble, Une deuxième édition, parue en son intérêt architectural majeur, que sa façade fut soigneusement remontée. si la construction d'une salle de spectacle 1726 et dont est extrait le présent Elle fut reconstruite, pierre par pierre, rue du Bailli. La place De Brouckère ainsi dégagée, n'avait pas contrecarré ce projet. document, présente la situation laisse apparaître depuis dans tout son éclat l'hôtel Continental précédé bientôt, au début du XVI li' siècle. du monument Anspach.

FONTAINE ANSPACH (arch. E. Janlet, sculpt. P. De Vigne, J. Dillens, G. De Vreese, P. Braecke et G. Houtstont, 1897, déplacée en 1981 square des Blindés, au bout des quais aux Briques et du Bois à brûler)

Obélisque en granit de Suède surmonté d'une effigie de Saint·Michel en bronze, ce monument se dressait exactement dans l'axe du boulevard Anspach, tel un régulateur de la circulation à la naissance de la fourche Jacc1main·Max. Indissociable de la perspective monumentale des boulevards (et pourtant déplacé suite aux travaux du métro), il était, par son emplacement, un hommage à Anspach. Conciliant architecture, sculptures et jeux d'eau, l'œuvre participait également à l'animation et à la récréation (bancs, bassins, fontaines ... ) .!!"!!!'.=1 l enduit, balcons, entablement et lucarnes sous fronton. Les édi­ fices d'angle sont particulièrement mis en évidence. Ils absor­ JL bent la rencontre de deux directions et déployent volontiers une articulation riche et monumentale qui exploite la tour d'angle, la rotonde ou la coupole (par exemple, la maison Thonet au coin de la rue Saint-Michel édifiée en style éclec­ tique d'inspiration néorenaissance par F. Laureys en 1872, 7e prix au concours 1872-76; le Printemps, au coin de la rue de la Fiancée, immeuble de style éclectique à tendance néo­ Le boulevard Adolphe Max baroque signé A. Vanderheggen, 1875, 4e prix). D'autres Contrairement aux autres tronçons des boulevards, cet axe ne immeubles retiennent l'attention pour des raisons esthétiques, recouvre aucun pertuis du voûtement de la Senne. 1/ double Je stylistiques ou historiques (la sacristie de l'église du Finistère, boulevard Jacqmain et relie la place De Brouckère au boule­ 55 bd A. Max, édifiée en style néobaroque par C. A/main-de vard du Jardin botanique. Ultime maillon de la nouvelle per­ Hase, 1872, se prix; la Maison des Chats ou Je passage du cée intérieure, il se caractérise par des immeubles de cinq Nord). Certaines constructions se démarquent soit à cause de niveaux en moyenne, d'allure monumentale pour la plupart. leurs affectations et implications socio-cu/turelles (les hôtels, Une douzaine d'entre eux affirment leur appartenance à la cinémas, commerces, cafés, tavernes et autres restaurants), soit veine haussmannienne de style Second Empire. Les autres, parce qu'ils ont été distingués à l'époque (les n°'1-3, 28-36, d'inspiration néoclassique, se distinguent par leur décor 11-1 7, 55, 142-144 furent primés lors des concours).

MAISON DES CHATS (, Hier ist in den ka ter en de kat •) (1-3 bd A. Max, arch. H. Beyaert, 1874)

Premier prix du concours de façades organisé par la Ville en 1872-1876, cet édifice de style néo-Renaissance flamande

encourage la promotion d'un style « national 71 tourné vers les modèles du terroir. Le répertoire décoratif de H. Vredeman de Vries, les façades baroques de Aboutissant à la gare du Nord, la Grand'Place et les motifs traditionnels et typiques cette perspective du nouveau de l'architecture flamande sont interprétés avec verve et liberté pour exprimer le renouveau de l'art et « boulevard du Nord 71 s'ouvre, à droite, par un bel édifice à l'architecture inspirée de la culture flamands. de la Renaissance italienne, dont les plans furent dressés par A. Trappeniers en 1872 ' pour abriter la Caisse d'épargne. Racheté 'è une vingtaine d'années plus tard pour y établir le premier hôtel Métropole, 1 )j il fut surélevé et perdit alors sa balustrade 32 en attique. 33 PARCOURS THÉMATIQUES

Les loisirs et divertissements Sans cesse arpentés par une foule nombreuse et cosmopolite, animés de jour comme de nuit, les boulevards du Centre furent jadis le rendez-vous élégant et la promenade mondaine de la capitale. Pôle d'attraction culturel, commercial et hôtelier, la place De Brouckère et ses environs soutenaient alors la com­ paraison avec les prestigieuses places new-yorkaise et pari­ Le boulevard Emile Jacqmain sienne, Times square et place de Clichy: cafés rutilants, Reliant la place De Brouckère aux boulevards du Jardin bota­ magasins de luxe, grandes terrasses, palaces, cinémas, nique et d'Anvers, cette artère constitue la branche ouest de la théâtres, musées et attractions en tout genre. Si l'essentiel fourche qui termine au Nord l'enfilade des boulevards du des activités se concentraient dans le tronçon Bourse­ Centre. Somptueux en son temps, le boulevard de la Senne De Brouckère-Max, les autres portions de l'axe nord-sud dissé­ (parce qu'il épouse le tracé du cours d'eau) est bordé minaient, çà et là, quelques étapes obligées du spectacle, du d'immeubles de rapport, de maisons de commerce, d'hôtels de négoce et de la rencontre. Ainsi en est-il du Panorama, du Palais maître et de quelques habitations bourgeoises. Les styles éclec­ du Midi ou de l'hôtel Terrasse (conçu à l'angle du bd du tiques dominent avec une bonne représentation du Second Midi par H. Rieck en 1880 en style mauresque, disparu), puis EnsemblC'de quatr<' immeubles de Empire par les réalisations de Mosnier (n°550-64). Le fonction­ d'une multitude de brasseries (Express-Midi, 218 bd Lemonnier, rapport de type haussmannien construits nalisme et I'Art Déco sont également représentés par quelques le long du boulevard de la Senne par l'entrepreneur J.B.A. Mosnier vers 1875. immeubles typiques de l'entre-deux-guerres. Mais, même au temps où il vivait au rythme du théâtre de I'Alhambra, ce bou­ levard n'a jamais atteint le prestige de la portion Anspach- Max. L'Alhambra ainsi que deux immeubles récompensés lors du premier concours ont disparu, les grands quoti­ diens belges qui en avaient fait leur quartier général ont à peu près tous quitté les lieux, des lieux qui n'existent presque plus qu'au passé tandis qu'au-delà de la petite Ceintu­ re, le même boulevard Jacqmain vit à l'heure futuriste de Manhattan.

Le nouveau boulevard, axe privilégié du divertissement et des manifestations populaires, accueillait le mardi-gras après midi une foule compacte venue fêter le carnaval de Bruxelles. « Nul patron ne pourrait retenir les ouvriers, nulle dame ne saurait garderau logis sa servante •. 35 34 A. et Y. Blomme, 1934), cafés (chantants et dansants, parfois), Théâtres et music-halls salles de fête, de cinéma ou de music-hall. Quelquefo is, les Des théâtres ne subsistent que poussières. La Scala, café­ lieux se teintent d'autres convictions et touchent une frange concert, théâtre d'opérette, taverne, cinéma, fut finalement moins huppée ou plus militante de la population (la Maison annexée au complexe de !'Eldorado dans les années 1970; le des Huit Heures de la place Fontainas, haut lieu du syndicalis­ théâtre de la Bourse (place de la Bourse, 1885) dont l'intérieur me depuis 1920). de style mauresque était dû à Alban Chambon, brûle en 1890; Centre du commerce, de la finance et des plaisirs multiples, ce le Palais d'Eté, le « plus grand music-hall de Bruxelles » est somptueux axe urbain a cependant perdu petit à petit démoli à l'occasion de l' tandis que les musées et quelques-uns de ses lieux magiques, temples de l'heure bleue théâtres du Nord (passage du Nord) sont à présent incorporés à bruxelloise. Monuments phares de la vie nocturne, ils se sont l'hôtel Métropole. Dans la foulée, leur univers magique s'est

éteints sous prétexte de la modernisation, du désintérêt pur et éteint. Les ombres chinoises, prestidigitation, guignol, spectacle Décorateur puis architecte, A. Chambon Le Syndicat national des Chemins de fer, simple ou de la pression immobilière et de la rentabilité. de nains, hypnotisme, théâtre et musée de cire n'appartiennent s'était forgé une flatteuse réputation dans l'aménagement des lieux de loisirs, Postes, Télégraphes, Téléphone, Marine L'image de la ville s'est ternie, les plaisirs d'antan se sont envo­ plus qu'au passé. Quant à I'Alha mbra (bd E. Jacqmain, arch. J.­ et Aéronautique occupa en 1920 le bel tant en Belgique qu'à l'étranger. immeuble édifié place Fontainas en 1905 lés, la fontaine obélisque a déménagé, la voiture a grignoté les P. Cluysenaar et sculpt. Ch. Van der Stappen, 1874) ce « Palais En 1885, il collabora avec l'architecte Ch. Cys pour créer, au n°1 de la rue pour abriter un grand magasin terre-pleins centraux, le métro a remplacé les trams aux bala­ du Spectacle », le plus grand de la capitale (2000 sièges), il d'ameublement. Rebaptisé Maison A. Orts, le théâtre de la Bourse qualifié des Huit Heures pour rappeler l'une deuses ouvertes à tout vent, le parking 58 a dévoré le Palais n'est plus que souvenirs. Edifié en style néorenaissance, il à l'époque de o: riant et attracteur ,, ce qui ne l'empêcha pas de disparaître, des principales revendications ouvrières d'Eté et la télévision les salles de cinéma, music-halls, théâtres, connaît ses heures de gloire dans l'entre-deux-guerres avec ses (8 heures de travail, 8 de loisirs el 8 de suite à un incendie, dès 1890. sommeil), l'édifice fut démoli à la fin cafés... et pourtant, la nostalgie n'est pas l'apanage de ces bou­ invités vedettes, Maurice Chevalier et Mistinguett, Joséphine des années soixante et remplacé par un levards dont le patrimoine est riche. De souvenirs et de Backer, Fernandel, Luis Mariano... Après la guerre, c'est le bâtiment fonctionnaliste. Seule la fonction demeure ... légendes. De monuments aussi. déclin, le monument est vieux et usé. En 1974, il est démoli.

A la fin du XIXe siècle, les décorateurs s'inspiraient fréquemment de l'architecture mauresque censée évoquer l'envoûtante atmosphère des Mille et Démolie en 197�, la façade du théâtre de !'Alhambra conçue par J.·P. Cluysenaar une Nuits au sein de différents lieux s'agrémentait de quatre statues de loisirs : cafés, casinos, théâtres... D'une architecture éphémère liée aux symbolisant la Tragédie, le Drame, effets de mode, les façades de l'hôtel la Comédie et la Danse, dues au ciseau Terrasse furent hélas outrageusement de Ch. Van der Stappen. Son appellation seule inspira l'illustrateur L. Titz banalisées, tandis que le volume, bien entendu surélevé, reste toujours pour l'encadrement à l'avant·plan 37 3 6 perceptible aujourd'hui. de son dessin. Cinémas Ils ont connu la première projection, les balbutiements de La première représentation cinématographique bruxelloise a l'invention des frères Lumière, l'époque de Charles Pathé et lieu le 10 novembre 1895 au palais du Midi dans l'enceinte de l'industrialisation du cinéma, la création des premières salles, l'Ecole industrielle, boulevard du Hainaut. Dix ans plus tard, la révolution du parlant, les salles modernes, fonctionnelles et c'est au 110 boulevard du Nord que revient l'honneur d'ouvrir performantes, l'invention de la télévision et le déclin progressif le premier cinéma permanent, le Théâtre du Cinématographe. des salles obscures, le temps des mégacomplexes puis En 1913, le boulevard Central inaugurele Pathé-Palace, premier aujourd'hui celui de l'espoir, de lanostalgie et d'une renaissance temple cinématographique de la capitale du type brasserie­ ponctuelle grâce à des opérations de rénovation réaffectation concert. (le Marivaux, l'Eldorado, par exemple).

le Pathé·Palace fui construit en 1913 par L'élan est donné. D'attraction foraine, de simple intermède De cette histoire, certains ont retrouvé les traces les plus P. Hamesse dans un style Art Nouveau théâtral et de divertissement populaire, le cinéma finit par éparses : un nom, une enseigne, un bâtiment transformé moult annonciateur de l'Art Déco pour la société « Les Grands Palais d'Attractions avoir pignon sur rue. Jusqu'à la Première Guerre, il continue­ fois, un autre oublié, devenu magasin, entrepôt ou disparu à Edifié entre 1931 et 1933 surles plans Pathé Frère •. ra de se populariser, multipliant les projections aussi bien tout jamais. Ainsi, défilent ou se superposent, au gré des de Marcel Chabot, le cinéma Eldorado bénéficia d'une nouvelle entrée, dans des théâtres que dans des modes et des époques, les salles aux noms les plus évocateurs: « si puissamment attractive qu'elle fixât music-halls et des cafés-concerts. rêve lointain, luxe ou désuétude des Star, Cinéma des Princes, l'attention des passants •, dessinée par Léon Stynen en 1938. Progressivement adopté et recon­ Winter Palace, Splendid, Compagnie Centrale des Machines nu par l'intelligentsia, il dévelop­ Parlantes des Frères Pathé et autre Cinéma Américain. De ce pe une architecture spécifique. Le foisonnement, les auteurs de !' Inventaire des salles de cinéma boulevard Central, dans sa por­ de la Région de Bruxelles ont relevé une quarantaine de salles tion entre la Bourse et la place qui se répartissaient le long de cet axe central. De cette liste, Rogier, devient l'étalage attitré non exhaustive, se dégagent quelques témoins uniques, des cinémas. Dans l'entre-deux­ quelques jalons importants dans l'histoire des salles obscures guerres, le boulevard et ses envi­ bruxelloises et du cinéma. Ainsi en est-il du Métropole, paque­ rons immédiats président à la bot moderniste de renommée mondiale qui alliait haute tech­ naissance du Marivaux (1924), de nicité et raffinement ou du Variétés, prouesse de la technique, l'Eldorado (1933), de la Scala première salle à être entièrement éclairée aux néons, à pos­ (1929) et de l'Ambassador (1936) séder un plateau de scène tournant et un plafond métallique 2 - deux théâtres convertis -, du ouvrant de 200 m ! Limités aux boulevards du Centre stricto Variétés (1938) et de divers ciné­ sensu, les temples du 7e art se nomment Pathé-Palace (85 mas d'actualités (Cinémonde, bd Anspach, P. Hamesse, 1913), Eldorado (place De Cinéac, Cinémax). C'est égale­ Brouckère, M. Chabot, M.-L. Chapeaux, L. Rodriguez, 1933) ment l'époque où le Métropole ou Plaza (118 bd A. Max, M. Polak et A. Hoch, 1931) s'adjoint une salle de cinéma Première véritable salle de cinéma de la capitale, le Pathé­ (1932) tandis que l'hôtel Plaza en Palace témoigne de l'époque où le cinéma flirtait avec les intègre une dès sa construction brasseries-concerts et où Pathé dominait son industrialisation. en 1931. Instrument de diffusion pour sa société - comme en témoigne Les boulevards du Centre en encore la façade frivole, son pignon festonné surmonté du coq 38 disent long sur l'histoire du 7e art. emblématique -, ce temple du rêve et du plaisir pouvait 39 accueillir jusqu'à 2500 personnes qui avaient le choix entre le Inauguré peu de temps après le Plaza, également de tendance parterre, les balcons, le foyer agrémenté d'une fontaine, le bar Art Déco, l'Eldorado substitue aux évocations latino-améri­ rouge, le fumoir, les caves-orchestre, les brasseries-concerts ou caines la veine africaniste qui puise largement dans l'attrait un le jardin d'hiver. A la lisière de l'Art Nouveau et de l'Art Déco, peu naïf du monde colonial. Dans un camaïeu de rouge, brun plongé dans un décor de rêve influencé par la Sécession vien­ et or, pirogues, indigènes et palmiers se déploient le long des noise et ponctué d'éléments égyptisants, mauresques et éclec­ parois, valorisées par un plafonnier de forme solaire, un tapis tiques, ce somptueux palais de marbre et d'or a éteint ses aux lignes ondulantes et des gorges lumineuses. Cette salle projecteurs en 1973. Sa façade clame pourtant encore, à qui capable d'accueillir 3000 personnes était la plus grande de la veut l'entendre, la magie de sa destination première. ville avec celle du Métropole. Remanié à plusieurs reprises, Partie intégrante d'un palace Art Déco de six niveaux, le jumelé avec La Scala, récemment renommé UGC De cinéma Plaza, baignait dans une atmosphère hollywoodienne Brouckère et modifié de fond en comble par A. Cattani (1992), unique en Belgique. Le raffinement du décor et la richesse le complexe a conservé une partie de la grande salle qui fait des matières - staffs polychromes, appliques, marbre, fer désormais partie de la mythologie du 7e art et qui contribue à forgé, verre - s'attachent à créer cette ambiance californien­ l'animation du centre. Depuis lors, d'autres se sont lancés dans ne typique des années 1920. Pouvant accueillir quelque la danse. Le Marivaux (104- 106 bd A. Max, Lorant-Heilbron, La grande salle de l'ancien cinéma Eldorado conserve son demi-soleil 1300 spectateurs entre le parterre et le balcon, la salle béné­ Lambert et Hubrecht, 1924) et le Variétés annoncent leur rayonnant du plafond ainsi que ficiait d'une technologie d'avant-garde pour la climatisation retour prochain dans le monde des toiles et des étoiles tandis les bas-reliefs d'inspiration africaine, sculptés par Wolf et Van Neste. et l'acoustique. que le Plaza inaugure un hôtel flambant neuf.

41 40 tion. Ils font écho à tous les styles en vogue et se signalent grâce à la formule typique des marquises à structure métal­ lique (modernisées pour la plupart dans l'entre-deux-guerres, il subsiste cependant quelques exemples d'époque, notamment 90-92 bd Anspach, 8 place Fontainas). Ces cafés s'affirment comme un résumé de l'art de bâtir échelonné sur un siècle. Les élans «néo » des débuts des boulevards (le Continental) côtoient l'éclectisme teinté d'exotisme (l'hôtel Terrasse), les accents Art Nouveau du Falstaff ou I' Art Déco et le fonctionna- L'architecte P. Hankar s'était, entre autres, fait une spécialité des 1 isme des réalisations de Blomme. Certains figuraient même vitrines commerciales, architecture parmi les projets primés lors des concours de façades: le café Détail d'une marquise à structure éphémère s'il en est. La transformation métallique, 8 place Fontainas. effectuée sur �es plans en 1897 pour de la Bourse -aujourd'hui Grand Café - conçu par E. Jan/et en abriter le bar américain du Grand Hôtel 1874 est couronné deuxième; le Sésino, bâti en 1873 par se compléta l'année suivante de cette avenante devanture, rue de l'Evêque. D. De Keyser obtint la cinquième place, ce qui n'empêcha pas sa disparition au profit de la tour Philips (Structures, 1967-69). Les cafés A la grande époque, les boulevards centraux regorgent de Les hôtels bars, terrasses, brasseries, restaurants, tavernes ou cafés qui Haut lieu du tourisme et de la concentration hôtelière en rai­ La simplification quelque peu naïve du dessin exprime néanmoins font sa renommée et son animation. On y danse, on y fait la son de sa situation centrale, à proximité des gares et du cœur parfaitement la vitalité d1un hôtel qui fête ou on y mange parfois (la Rôtisserie Ardennaise, « sanc­ historique de la cité, le boulevard du Centre, avec une prédi­ annexa successivement ses voisins pour former un très vaste, et toujours luxueux, tuaire du bien manger », 146 bd A. Max). On y boit toujours de lection marquée pour sa frange nord (De Brouckère - Max avec complexe s'étendant sur la quasi totalité l'infusion, du vin, de /'absinthe à la mode parisienne, de la une apothéose place Rogier: le Cécil, /'Albert Ier, le Siru, le de l'îlot, jusqu'à comprendre, à partir de Les brasseries Wielemans·Ceuppens 1932, un remarquable immeuble ont souvent fait appel aux talents de bière surtout, comme en témoignent les implantations des Palace) compte les plus beaux exemples d'hôtels de la fin du moderniste abritant, rue Neuve, le l'architecte A. Blomme, notamment pour brasseries Wielemans-Ceuppens. L'ex-hôtel Terrasse est XIXe siècle à l'entre-deux-guerres, de l'éclectisme à I' Art Déco célèbre cinéma Métropole. le renommé établissement Aux armes des brasseurs, construit en 1939. patronné par les fameux brasseurs, le Métropole bien sûr fait figure d'institution en la matière ou bien encore, comme son nom l'indique, le célèbre café Aux Armes des Brasseurs (56- 58, bd Anspach, A. Blomme, 1939). Attachés à l'un ou l'autre hôtel (le café Continental, le Canterbury), inséparables d'un environnement exceptionnel (la Bourse flanquée de part et d'autre du Falstaff, du Cirio et du Grand Café), ces lieux sont parfois liés à quelque cercle res­ treint, club ou événement historique. Ainsi, le Sésino fut l'antre de la Jeune Belgique, mouvement de réveil littéraire qui se manifesta aux environs de 1880; la Nouvelle Cour de Belgique fut le siège de nombreuses associations. Mondains et cosmopolites pour la plupart, ces établissements 43 42 recrutent leur clientèle dans les couches aisées de la popula- Démoli en 1975 pour faire place au complexe d'appartements de la Résidence Grétry, le Grand Hôtel, dessiné par LE GRANDEu. Ul'IIONNET, 1•1101• HO1rn1n rnr.TEL l'architecte Emile l'Homme, n'aurait pas 23 à 27, BOULEVARD ANSPA CH, 23 à 27, BR/.JXELLE, dépareillé une artère moderne de la Ville lumière. Il offrait au siècle dernier le luxe

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CA.BINES TÊLÊPHO Nl:QUES

Parmi les premiers bâtis sur la nouvelle place de Brouckère, cet immeuble de rapport et de commerce, dessiné par G. Bordiau, a conservé toute l'opulence de sa composition initiale, malgré diverses transformations affectant surtout les combles. le groupe surmontant la BUREAU DE CHEMII Dl FER, POHE & TéLEGRAPHE DANS L'HOTEL travée centrale et figurant le Progrès entre !'Abondance et la Paix tCLAIRAGE tLECTRIQUE est dû au ciseau de J. De Haan, dan1 to111 lu appartements, à toute 11,"ra (e io"r el de nuit E. Mélo! ayant sculpté les deux importantes cariatides. OMNIBUS A TOUS LES TRAINS la fonction hôtelière qui se développa le long des nouveaux boulevards ne visait pas seulement la clientèle huppée (le Grand Hôtel G. Scheers, 132-140 bd A. Max, E. Libion, qui assura le succès d'établissements et opulent où se mêlent l'éclectisme à dominante néo­ prestigieux, mais également les touristes 1930; Hôtel Atlanta, 5-9 bd A. Max, M. Polak, A. Hoch, 1929) Renaissance italienne de la façade, les accents hindous, orien­ de condition plus modeste, comme en en passant par l'Art Nouveau. témoigne cette carte-réclame pour la taux et Re naissance des pièces d'apparat et le style « Maison Jean •,qui proposait des Des étoiles du temps jadis, plusieurs se sont éteintes, démolies fonctionnaliste de l'extension (cinéma, salle de projection, « chambres pour voyageurs • au 77 boulevard de la Senne. ou transformées en vue d'autres affectations. Parmi celles qui taverne La Frégate, salles de banquet, chambres d'hôtel) réali­ subsistent, le temps y a mis sa patine et son charme. Les modes sée par A. Blomme en 1932. ont ancré leurs marques indélébiles (transformation des rez­ Les palaces Art Déco ont pour la plupart poursuivi leur voca­ de-chaussée, ajout d'étages supérieurs). Parfois, le recul des tion hôtelière avec plus ou moins de bonheur. Leurs façades années leur confère une valeur nouvelle, récupérée et redyna­ conservent en grande partie l'ornementation et les caractéris­ misée : le New Siru, hôtel-musée revu à la lumière de l'art tiques typiques des années 1920-30 : volumes puissants contemporain ainsi que les autres rénovations entreprises dans (l'imposant développement en « U » du Plaza), tendance géo­ les palaces de la place Rogier ou du boulevard A. Max, le métrisante et simplificatrice du décor (reliefs et médai I Ions Plaza, l'ex-Cécil devenu le Dôme. sculptés de l'Atlanta, frises et corbeilles de roses pour le Parmi les indémodables de la première heure, seul le Métro­ Scheers), recours à la courbe, aux jeux d'emboîtements et de pole (A. Trappeniers, 1874, transformations A. Chambon, décrochements (alternance des lignes concaves et convexes 1894) poursuit sa vocation première et continue d'attirer une des oriels et balcons au Scheers), intégration des arts appliqués clientèle fortunée issue des quatre coins de la planète. Son (ferronnerie à motif d'éventail pour le Scheers), utilisation de la 44 architecture, monumentale, est à l'image d'un palais luxueux pierre blanche de parement sur ossature en béton armé ... 45 z- t.tage Les immeubles de rapport Ils se caractérisent par une certaine uniformité Les immeubles superposant des appartements à un rez-de­ de façade, l'usage abondant de la pierre de chaussée commercial forment l'essentiel du bâti des boule­ France, une prédilection pour un décor éclec­ vards du Centre. Tantôt monumentaux à façade très travaillée, tique, de style Second Empire ou néoclassique tantôt plus simples et au décor mouluré, ils se concentrent (parmi les plus prestigieux, les 41-55, 140-158 dans la portion médiane de l'axe central, les habitations bour­ bd Anspach). Moins confortables que leurs geoises étant reléguées aux extrémités nord et sud. Cette nou­ homologues parisiens et peu adaptés à la cl ien­ velle forme d'habitat urbain entraîne une petite révolution. tèle bruxelloise, ils ne connaîtront qu'un succès \'.' Étage Historiquement, l'attachement à la maison individuelle est modéré. On leur reproche leur luxe, une ina­ particulièrement tenace et ces bâtiments constituent la premiè­ daptation manifeste aux mœurs de la capitale, re grande opération de construction d'immeubles à logements un certain manque de goût aussi comme en multiples dans la capitale. Inspirés des modèles haussman­ témoigne I' Emulation en 1886 à propos du Vue actuelle des immeubles, côté pair, niens, ils sont dus en majorité au promoteur français Jean­ Grand Hôtel, construction qui fait partie du même contrat. La bordant la place De Brouckère. Baptiste Mosnier et à ses architectes attitrés, Olive et L'Homme. revue qui n'a jamais été tendre envers les constructions «importées » érigées à Bruxelles par le promoteur Mosnier, Dix-huitième prime du concours ouvert par la Ville en 1872, déclare que cet édifice est « sans autre mérite que ses vastes • l'hôtel Desrnedt•, aujourd'hui démoli, fut construit au 43 du boulevard de la Senne sur les plans dressés par dimensions ( ...) un décor éblouissant qui ne peut sauver la En\re.SaJ A. Samyn et loué pour l'e heureuse disposition de l'entre-sol » et des magasins•. pauvreté et le goût détestable des détails. Toujours est-il que l'opération s'est soldée par la faillite du Manifestement inspiré du Plan Voisin promoteur français et l'insuccès de l'immeuble à apparte­ de Le Corbusier, ce projet c de mise en valeur de Bruxelles-Centre •, élaboré par ments. Il faudra attendre l'entre-deux-guerres pour voir Stanislas Jasinski et publié en 19.ll, s'imposer petit à petit à Bruxelles cette formule d'habitat mul­ préfigure en quelque sorte la profonde restructuration menée dans les années tiple, alors même que certains architectes rêvaient déjà de soixante au débouché du boulevard gigantesques concentrations tertiaires. Anspach sur la place de Brouckère.

Re:i dt ch.aussee

46 47 Les commerces (59-61 bd Anspach, G. Bordiau, 1872, remaniements en 1936). De I'Art Nouveau subsistent çà et là quelques rares témoins. Le Au cœur de la capitale assainie et embellie de la fin du plus représentatif est probablement la devanture de l'ancienne e x1x siècle, le patrimoine commercial témoigne, à côté du tra­ pharmacie du Bon Secours, (160 bd Anspach, 1904) qui com­ ditionnel commerce de détail, des innovations architecturales bine devanture en bois, vitraux, pilastres terminés en consoles de l'époque : marchés couverts, passages, grands magasins, ajourées sous la corniche. La Maison Philippe Coiffeur(l44 bd vitrines éclectiques ... Puis, au gré desmodes et desépoques, les Anspach) est typique des années 1910 et de la vogue de pan­ devantures commerciales sont sans cesse réaménagées, mises et neaux publicitaires peints sur verre. e remises au goût du jour, de l'aube du xx siècle à nos jours. La période entre-deux-guerres est particulièrement riche. L'Art De la fin du XIXe siècle subsistent encore des exemples Déco est représenté notamment par l'ex-Optique Médicale Détail du pilastre d'angle -de style Art d'époque. Ainsi, au 99 boulevard Lemonnier, se dresse une (103 bd Lemonnier, devanture de 1925, légèrement modifiée). Nouveau et dont le dessin est attribué a l'architecte Hamesse - de l'ancienne devanture en bois datée de 1876 qui répond à la formule très Le fonctionnalisme est, entre autres, illustré par l'immeuble de pharmacie du Bon Secour.,qui occupait répandue de l'immeuble de rapport. L'axe nord-midi, commer­ la Nouvelle Compagnie Anglaise (9-1 3 place De Brouckère, Deuxième prime du concours ouvert par le rez-de-chaussée de l'immeuble la Ville en 1872, cette maison de construit en 187-'à l'angle du boulevard cial par essence (par nécessité politique et pécuniaire égale­ Ch. Defalque & F. Maury, 1939) et par la devanture monu­ commerce (Café de la Bourse), Anspach et de la rue Bon Secours, sur les ment), a privilégié l'immeuble de rapport, solution qui permet le dont on voit ici la façade versla Bourse, plans de E. Parys. mentale de l'ancien magasin la Capitale (106 bd Anspach, développement d'un projet de façade F. Van Meulecom, 1937). De 1950 à nos fut construite sur les plans dressés par jours, les vitrines sont E. Janlet et louée pour • l'harmonie des cohérent, faisant du commerce un pour la plupart entièrement vitrées, au détriment de la cohé­ proportions, la vérité, le juste emploi des socle pour l'étage le plus luxueux. rence de l'ensemble de l'édifice. éléments et des lignes ». Hautes vitres, balcons, imposantes Parmi les innovations, les grands boulevards ont adopté le trot­ colonnes doriques et cariatides por­ toir, élément essentiel et peu répandu au XIXe siècle, il permet teuses d'une corne d'abondance la promenade, la flânerie hors de portée accentuent la monumentalité de du trafic. Par ailleurs, la fin du siècle a la pharmacie Néos-Bourse vu naître à côté du petit commerce, le fameux Bonheur des Dames. Le long des boulevards du Centre, la grande dis­ ponibilité de terrains inoccupés a favori­ sé l'implantation de deux d'entre eux : les Grands Magasins de la Bourse (dis­ parus) et le Grand Bazar Anspach (aujourd'hui Anspach (enter, amalga­

l'immeuble des Grands magasins de me de constructions s'échelonnant de la la Bourse, construit à partir de 1872 et fin du XIXe siècle à nos jours). La presti­ tel qu'il se présentait au début du siècle, avant l'incendie qui le ravagea en 1948. gieuse artère s'est également dotée de galeries commerciales (le passage du Page de droite, en bas : Nord, H. Rieck, 1882; le passage des Les panneaux publicitaires aux textes peints sur verre confèrent un charme Postes, L. De Curte, 1875) et de marchés attractif à la devanture de l'ancienne couverts : le palais du Midi et les Halles 4 8 • Maison Philippe ,. centrales. 49 la « Société anonyme du Musée et du Passage du �ord ouvrit en 1882 Dans la même collection une accueillant('g<1leri<' commerçant<' f><>ur rdiN la place De Brouckère à la 1. lE ClNQ!)ANTENAIRE ET SON SITE (FR- L-ESP -GB) ru('Neun•. ( ou'verte d'une 'verrière, tette œuvrC'de l'cuchitC'de H. Rieck, 2. lE CIMETI ÈRE DU DIEWEG (FR- L) mérilerail unt• rt•,t,1uration minutieuse. le, ,wlpture, extérieures sont dues au 3. LA GRAND-PLAC E DE BRUXELLES (FR-NL-ESP - GB) t,1lent de Dest•nfon,, tandi, que les belles tariatidt•s intéri<-•ures, que l'on retrouve 4. LE Q!)ARTIER DU BÉGUINAGE (FR- NL) quatre fois, sonl moulées .!!Urdes originaux dt• Jost•ph Berlheux et S. LE HEYSEL (FR-NL-Esr - GB) symbolisent l'Archiledure, la Sculplure, la Peinture, la Décoration 6. L'AVENUE LOU IS BERTRAND ET LE PARC JOSAPHAT (FR- NL) ainsi que le Travail, le Commerce, e la Marine et l'Astronomie. 7. TROIS VISAG ES DE PASSAGES AU x1x SIÈCLE (FR-NL-ESP - GB) GALERIES SAINT-HUBERT - GALERIE BORTIER - PASSAGE OU NORD

8. AN DERLECHT (FR- NL) LA COLLÉGIALE - LE BÉGUINAGE - LA MAISON o' ERASME

9. LE SAB LON LE QUARTIER ET L'ÉGLISE (FR - ,-s, - EsP - GB)

10. LE Q!)ARTIER DES ÉTANGS D'lXELLES (FR-NL)

11. LE Q!)ARTlER SAl NTE-CATHERlNE ET LES ANCIENS QUAIS (FR- NL)

12. LE PARC LÉOPOLD ARCHITECTURE ET NATURE I FR - NL - Ese . GB)

13. lE Q!)ARTIER DES SQ!)ARES(F R-NL-ESP - GB) MARGUERITE, AMBIORIX, MARIE-LOUISE ET GUTENBERG

14. LE SQ!)ARE ARMAN D STEU RS À ST-JOSSE-TEN-NOODE (FR - NL)

15. lE Q!)ARTIER ROYA L (FR-NL-ESP - GB)

16. LE QJJARTIER DE L'OBSERVATO IRE À (FR- NL)

17. L'AVENUE DE TERVU EREN (FR- NL)

18. LA VALLÉE DE LA WOLUWE (FR- NL) 19. ÜRIE TATIO BIBLIOGRAPHIQUE L'AV ENUE LOU ISE (FR- L) 21. Yvon LEBLICQ, « Les grands travaux de transformation communal de Bruxelles, A.A.M., Secrétariat d'Etat à la SAINT-GILLES (FR- NL) opérés dans la vieille ville », in Bruxelles, construire et Région bruxelloise, 1984. reconstruire, Architecture et aménagement urbain Thierry DEMEY, Bruxelles. Chronique d'une capitale en 1780-1914, Bruxelles, 1979, pp. 41-58. chantier, 1, Bruxelles, 1990. Graphisme La Page Poelaert et son temps, cal. exp., Bruxelles, 1980. Le Patrimoine monumental de la Belgique. Bruxelles, Photogravure ROscan Pentagone, vol. 1, tomes A, B, C, Liège, Pierre Pierres et rues, Bruxelles : croissance urbaine 1 780- Impression P. François Mardaga, 1989, 1993, 1994. Distribution Altera Diffusion 1980, cal. exp., Bruxelles, 1982-83. Inventaire des salles de cinéma de la Région de Gustave ABEELS, La Senne, Bruxelles, 1983. 100 ans de Bruxelles, étude inéd ite menée par La Rétine de © Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Service des Monuments et des Sites C.C.N. débat sur la ville, 1840-1 940. La fo rmation de la ville Plateau pour le compte de la Région de Bruxelles­ rue du Progrès, 80 - 1030 Bruxelles - Tél : 0800/1 3680 moderne à travers les comptes rendus du Conseil Capitale, Bruxelles, 1994. IMPRIMÉ EN BELGIQUE DÉPÔT LÉGAL • D/1997/6860/03