Numéro 005 Juin 2018 ISSN : 2518 - 4237

Juin 2018 Revue des Langues, Lettres et Sciences de l’Homme et de la Société Revue des Langues, Lettres et Sciences de l’Homme la Société

Faculté des Lettres et Sciences Humaines ISSN : 2518 - 4237

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Revue des Langues, Lettres et Sciences de l’Homme et de la Société

Numéro 005, Juin 2018

Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018

En couverture, photo d’un grenier traditionnel kabiyè prise au « musée de Yadè », « Kabɩyɛ sɔsaa ɖiwa »

©LƆŋGBOWU, Revue des Langues, Lettres et Sciences de l’Homme et de la Société, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Kara-Togo N°005, juin 2018 ISSN : 2518 – 4237

Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018

ADMINISTRATION DE LA REVUE

COMITE DE REDACTION Directeur Scientifique : Akoété AMOUZOU, Professeur Titulaire Directeur de publication : Nakpane LABANTE, Maître de Conférences Rédacteur en Chef : Tchaa PALI, Maître de Conférences Coordinateur de publication : Boussanlègue TCHABLE, Maître de Conférences Secrétaire : Essonam BINI, Maître-Assistant Assistant à la rédaction : Kokou TCHALLA, Maître-Assistant

COMITE SCIENTIFIQUE INTERNATIONAL Pr Yaovi AKAKPO (Université de Lomé) Pr Komi. KOSSI-TITRIKOU (Université de Lomé) Pr Kodjona KADANGA (Université de Lomé) Pr Komlan NUBOUKPO (Université de Lomé) Pr Badjow TCHAM (Université de Lomé) Pr Koffi AKIBODE (Université de Lomé) Pr Akoété AMOUZOU (Université de Kara) Pr Abou NAPON (Université de Ouagadougou) Pr Koffiwaï GBATI (Université de Lomé) Pr Tamasse DANIOUE (Université de Lomé) Pr Hugues MOUCKAGA (Université Oumar Bongo de Libreville) Pr Alou KEITA (Université de Ouagadougou) Pr Atafeï PEWISSI (Université de Lomé) Pr Komlan E. ESSIZEWA (Université de Lomé) Pr Musanji NGALASSO-MWATA (Université Bordeaux Montaigne) Pr Hounkpati B. C. KAKPO (Université d’Abomey-Calavi) Pr Flavien GBETO (Université d'Abomey-Calavi) Pr Momar CISSE (Université Cheikh Anta Diop) Pr Mahougnon KAKPO (Université d'Abomey-Calavi) Pr Kokou E. PERE-KEWEZIMA (Université de Lomé) Pr Issa TAKASSI (Université de Lomé) Pr Alpha BARRY (Université Bordeaux Montaigne) M. Moustapha GOMGNIMBOU, Directeur de Recherche (CNRST) Pr Ousseynou FAYE (Université Cheikh Anta Diop de Dakar) Pr M. BANTENGA (Université de Ouagadougou)

COMITE DE LECTURE Pr Akoété AMOUZOU (Université de Kara), Pr Koffiwaï GBATI (Université de Lomé), Pr Tamasse DANIOUE (Université de Lomé), Pr Atafeï PEWISSI (Université de Lomé), Pr Komlan E. ESSIZEWA (Université de Lomé), Pr Mahougnon KAKPO (Université d'Abomey- Calavi), Pr Kokou E. PERE-KEWEZIMA (Université de Lomé), Pr Alpha BARRY (Université Bordeaux Montaigne), Pr E. ASSIMA- KPATCHA (Université de Lomé) ; Pr N.A. GOEH-AKUE (Université de Lomé) ; M. Kossi BADAMELI, Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. Padabo KADOUZA, Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. Komlan KOUZAN, Maître de Conférences (Université

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 de Kara) ; M. Laré KANTCHOA, Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. KAMMAMPOAL Bawa, Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. Nakpane LABANTE, Maître de Conférences (Université de Kara), Mme Kuwèdaten NAPALA, Maître de Conférences (Université de Kara) ; Mme Balaïbaou KASSAN, Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. Assogba GUEZERE, Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. Komi KPATCHA, Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. Koffi SOSSOU, Maître de Conférences ; M. Bammoy NABE, Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. Boussanlègue TCHABLE,Maître de Conférences (Université de Kara) ; M. Tchaa PALI, Maître de Conférences (Université de Kara) ; Paboussoum PARI, Maître de Conférences (Université de Lomé) ; Martin Minlipe GANGUE, Maître de Conférences (Université de Lomé); M. Ali Pitaloumani GNAKOU, Maître de Conférences (Université de Lomé) ; Mme Kouméalo ANATE, Maître de Conférences (Université de Lomé) ; M. Essohanam BATCHANA, Maître de Conférences (Université de Lomé) ; Kokou GBEMOU, Maître de Conférences (Université de Lomé) ; M. Séna AKAKPO-NUMADO, Maître de Conférences (Université de Lomé) ; M. A. AWESSO, Maître de Conférences (Université de Lomé).

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SOMMAIRE

ADMINISTRATION DE LA REVUE i SOMMAIRE iii LIGNE EDITORIALE vii SYNTHESE DES ARTICLES 1

LANGUES ET LETTRES 3 Zur inszenierung der ausländerfeindlichkeit. Eine interkulturelle lektüre von Chima Ojis roman „Unter die deutschen gefallen“: SOUANGA Kouadio Denis...... 5 La promotion du genre dans le combat anti-racial dans My son’s story de Nadine Gordimer : SORO Donissongoh...... 15 Place des fêtes de Sami Tchak ou le regard renversé sur la situation raciale des noirs en France : BLÉ Kain Arsène...... 31 La dynamique de l’oralité dans Le fils de-la-femme-mâle : une quête d’identité poétique réaliste : ROUDÉ Guillaume Taïgba...... 41 Le conte dans le système éducatif traditionnel de l’enfant africain : ZOUNGRANA Moumouni...... 55 Les interférences orthographiques et lexicales de l’anglais en français dans les productions d’étudiants francophones : OUEDRAOGO Youssouf...... 67 Analyse stylistique du langage mixte des catégories génériques dans L’Etat z’héros ou la guerre des Gaous de Bandaman Maurice : AKPANGNI Ernest...... 77 Hermina : une crise de la narration dans la fiction africaine contemporaine ou la réinvention du récit ? :DANHO YAYO Vincent...... 89 L’insurrection comme moyen de lutte contre l’injustice dans l’œuvre romanesque de Gnaoule Oupoh : En attendant la liberté et Pour hâter la liberté :KOUASSI Florence épouse ABOUA...... 101 The rise of african americans’s participation in american political leadership: implications for black lives : KPOHOUE Ferdinand, AGBOZO Constantin...... 113 Revolutionary aesthetics in Ngugi wa Thiong’o’s Matigari :GMAMPUOM Séidou ...... 121 Le français comme médium d’enseignement en Côte d’Ivoire : herméneutique de la situation de l’école primaire : KOFFI Kouakou Mathieu...... 135 Défini et détermination génitivale En songhay kaado : HANAFIOU hamidou seydou...... 151 Mécanismes de construction de l’auditoire dans le discours politique en côte d’ivoire : LEZOU KOFFI Aimée-Danielle, MOROKO Danon Anicet Stanislas...... 169 Métaplasmes par suppression et par adjonction comme traits caractéristiques des ivoirismes :KPANGUI Kouassi...... 183 Du management paradoxal à l’innovation : l’intelligence collective au service de la communication digitale des entreprises béninoises : AFFOGNON Patrick, AHOUANDJINOU Géraud...... 197

SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA SOCIETE 213

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Urbanisation, habitats précaires sur les flancs des collines et risques environnementaux, sanitaires : cas des quartiers zokok, diguirwo et doualare à maroua (extrême-Nord Cameroun) : ELOUNDOU MESSI Paul Basile, TEWECHE Abel, TCHINDJANG Mesmin...... 215 Dégradation de l’environnement et migrations de la population rurale au nord-ouest de la région des savanes (extrême nord-Togo) : DJANGBEDJA Minkilabe...... 229 Impact de la densification humaine de la zone Kolodio-Bineda sur l’environnement (Nord-Est de la Côte d’Ivoire) : KAMBIRE Bébé...... 245 Perceptions des consommateurs sur les produits chinois vendus sur les marches de Lomé (Togo) :N’KERE Komi………………...…... 261 Analyse de la répartition spatiale des stations-services á Yopougon et le risque encouru en milieu urbain : KONAN Amani Fulgence, DOHO Bi Tchan André...... 273 Regard renouvelé sur la dignité des captifs et esclaves de la traite négrière à partir de l’épistémologie de la boologie ou théorie de l’existence par le gri-gri :ASSOGBA Coovi Raymond...... 285 ‘‘Rationalité de l’entente’’ et vérité dans l’épistémologie habermassienne : MEDEGNON Désiré...... 297 L’école africaine face aux mutations des sociétés contemporaines : nécessité d’une perpétuelle réforme : AZIALE Komlan Agbetoézian...... 309 Pour une éthique de solidarité en Afrique : AGBENOKO Donyo Koffi...... 321 La doctrine du droit de Spinoza :OUEDRAOGO Gaoussou...... 333 Pour une re-lecture de l’interprétation sartrienne de la liberté cartésienne:KOUAHO Marcel Silvère Blé...... 349 Les vertus morales, essence de la politique chez Platon : KOUASSI N’GOH Thomas...... 361 Internet et démocratie : la problématique d’une citoyenneté numérique: DION SimpliceYodé...... 373 Communisme platonicien et stabilité de la cité BROU Nanou Pierre ...... 383 La cité platonicienne et le défi de la cohésion sociale : quelles leçons pour les Etats africains ? SILUÉ Fatogoma...... 397 La participation citoyenne comme facteur de développement adapté en Afrique subsaharienne : le cas du Togo : POKORE Adèhè Essossimna...... 409 Le rôle du sacré dans la reconstruction du passé des Koulango: du XIe au XIXe siècle :KRA Adingra Magloire…………………….. 429 « Monument des martyrs » dans la ville d’Abidjan : de la reconnaissance urbaine à la légitimation politique (2002 à 2010) : HOUÉDIN Barnabé Cossi, DJÉDJÉ N’Guessan Daniel, FOFANA Tata Mariam...... 443 L’aide japonaise à la reconstruction de la Côte d’Ivoire post-crise (2011-2016) : KOUAKOU N’dri Laurent...... 467 Contribution à l’étude des forces et faiblesses des armées des grands empires soudanais (VIIIe siècle-XVIe siècle) : SANGARE Souleymane...... 487 Bilan et perspectives de la journée nationale du paysan pour un développement agricole au Burkina Faso (1993-2017) : DAO Zara, 499 SAVADOGO Brahima......

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Divorcer du concubinage, épouser le mariage: une alternative aux préjudices de l’illégalité des « unions » : KABA Essodinamodom ...... 519 Défis des programmes de sécurité dans les régions de Sikasso et Taoudenit en République du Mali : CAMARA Ichaka, TOUNKARA Aly ...... 535 Techniques ancestrales écologiquement intensives réappropriées : méthodes non chimiques de conservation des grains de maïs dans une communauté villageoise du Sud-Ouest du Bénin (les Aja- Dogbo): SEGLA Dafon Aimé …………………………………...... 551 L’agir communicationnel dans l’espace public en Afrique : étude de la communication politique et des comportements en période électorale au Togo : AKPAMADJI Gafarou, NAPO Gbati, DANIOUÉ Tamasse ...... 567 La complainte des divinités africaines dans la diaspora : du Vodun/ au Candomble/Macumba, une anthropologie du rite : ABDOU Mohamed...... 583 Vers une synergie des soins d’hypertension artérielle : une enquête anthropologique auprès des ayizכֿ d’Abomey-Calavi au Sud du Bénin : SALAN Pascal, MELIHO Codjo Pierre………………… 599 Intégration des TIC dans l’enseignement secondaire au Bénin : utilisations et facteurs entravant la mise en œuvre par les enseignants débutants : BOKO C. Gabriel, KELANI R. Raphael...... 615 La symbolique du bestiaire dans la chanson traditionnelle, un projet pédagogique dans la formation éthique et éducative des peuples négro-africains : KOUASSI Koffi Georges ...... 633 Conditions socio-économiques des femmes productrices de « l’attiéké » en zone urbaine, cas des femmes « ebrié » d’Abobo Baoulé dans le district d’ABIDJAN (Côte d’Ivoire) : SINAN Adaman, KASSOUM Traoré...... 647 Impact et pérennité des acquis de la méthodologie ave&c dans le canton de Kparatao dans la préfecture de Tchaoudjo au Togo : TCHAGBELE Abasse ...... 661 Affaiblissement du contrôle social informel et dégradation des espaces publics au Togo : ADABA Koffi Amessou, KPOTCHOU Koffi, HETCHELI Kokou Folly Lolowou……………………….. 681 Culture et évolution : apports de la théorie du double héritage, BADOLO Léopold B...... 693 Problème d’attachement associé dans l’étiopathogénie des troubles du sommeil chez deux (2) patients adultes en consultation de psychopathologie clinique : YOUGBARE Sébastien ...... 703 Le jeu comme medium pédagogique de l’apprentissage à l’école primaire : considérations théoriques pour une redynamisation de l’enseignement primaire au Bénin HOUESSOU Patrick, TALIBOU Bilikis, BOKO Gabriel……… 723

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LIGNE EDITORIALE

Lɔŋgbowu est une revue à parution semestrielle de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Kara. Elle publie les articles des domaines des langues, des lettres, des sciences de l’homme et de la société. Les textes doivent tenir compte de l’évolution des disciplines couvertes et respecter la ligne éditoriale de la revue. Ils doivent en outre être originaux et n’avoir pas fait l’objet d’une acceptation pour publication dans une autre revue à comité de lecture. Les articles soumis à la revue Lɔŋgbowu sont anonymement instruits par deux évaluateurs. En fonction des avis de ces deux instructeurs, le comité de rédaction décide de la publication de l’article soumis, de son rejet ou alors demande à l’auteur de le réviser en vue de son éventuelle publication. Les articles à soumettre à la revue doivent être conformes aux normes ci-dessous décrites.

PRESENTATION GENERALE DES MANUSCRITS À partir de ce numéro 004, la revue Longbowou ne peut recevoir pour instruction ni publier un article s’il ne respecte pas les normes typographiques, scientifiques et de référencement (NORCAMES /LSH) adoptées par le CTS/LSH, le 17 juillet 2016 à Bamako, lors de la 38ème session des CCI dont voici in extenso une partie du point 3 de ces normes à l’attention de tous les auteurs.

« 3. DES NORMES ÉDITORIALES D’UNE REVUE DE LETTRES OU SCIENCES HUMAINES 3.1. Aucune revue ne peut publier un article dont la rédaction n’est pas conforme aux normes éditoriales (NORCAMES). Les normes typographiques, quant à elles, sont fixées par chaque revue.

3.2. La structure d’un article doit être conforme aux règles de rédaction scientifique, selon que l’article est une contribution théorique ou résulte d’une recherche de terrain.

3.3. La structure d’un article scientifique en Lettres et Sciences Humaines se présente comme suit : - Pour un article qui est une contribution théorique et fondamentale : Titre, Prénoms et Nom de l’auteur, Institution d’attache, adresse électronique, Résumé en Français [250 mots maximum], Mots clés [7 mots maximum], [Titre en Anglais] Abstract, Keywords, Introduction (justification du thème, problématique, hypothèses/objectifs scientifiques, approche), Développement articulé, Conclusion, Bibliographie. - Pour un article qui résulte d’une recherche de terrain : Titre, Prénoms et Nom de l’auteur, Institution d’attache, adresse électronique, Résumé en Français [250 mots au plus], Mots clés [7 mots au plus], [Titre en Anglais], Abstract, Keywords, Introduction, Méthodologie, Résultats et Discussion, Conclusion, Bibliographie. - Les articulations d’un article, à l’exception de l’introduction, de la conclusion, de la bibliographie, doivent être titrées, et numérotées par des chiffres (exemples : 1. ; 1.1. ; 1.2 ; 2. ; 2.2. ; 2.2.1 ; 2.2.2. ; 3. ; etc.). (ne pas automatiser ces numérotations)

3.4. Les passages cités sont présentés en romain et entre guillemets (Pas d’Italique donc !). Lorsque la phrase citant et la citation dépassent trois lignes,

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 il faut aller à la ligne, pour présenter la citation (interligne 1) en romain et en retrait, en diminuant la taille de police d’un point.

3.5. Les références de citation sont intégrées au texte citant, selon les cas, de la façon suivante : - (Initiale (s) du Prénom ou des Prénoms de l’auteur. Nom de l’Auteur, année de publication, pages citées) ; - Initiale (s) du Prénom ou des Prénoms de l’auteur. Nom de l’Auteur (année de publication, pages citées). Exemples : - En effet, le but poursuivi par M. Ascher (1998, p. 223), est « d’élargir l’histoire des mathématiques de telle sorte qu’elle acquière une perspective multiculturelle et globale (…), d’accroitre le domaine des mathématiques : alors qu’elle s’est pour l’essentiel occupé du groupe professionnel occidental que l’on appelle les mathématiciens(…)». - Pour dire plus amplement ce qu’est cette capacité de la société civile, qui dans son déploiement effectif, atteste qu’elle peut porter le développement et l’histoire, S. B. Diagne (1991, p. 2) écrit :

Qu’on ne s’y trompe pas : de toute manière, les populations ont toujours su opposer à la philosophie de l’encadrement et à son volontarisme leurs propres stratégies de contournements. Celles-là, par exemple, sont lisibles dans le dynamisme, ou à tout le moins, dans la créativité dont sait preuve ce que l’on désigne sous le nom de secteur informel et à qui il faudra donner l’appellation positive d’économie populaire.

- Le philosophe ivoirien a raison, dans une certaine mesure, de lire, dans ce choc déstabilisateur, le processus du sous-développement. Ainsi qu’il le dit : le processus du sous-développement résultant de ce choc est vécu concrètement par les populations concernées comme une crise globale : crise socio-économique (exploitation brutale, chômage permanent, exode accéléré et douloureux), mais aussi crise socio-culturelle et de civilisation traduisant une impréparation sociohistorique et une inadaptation des cultures et des comportements humains aux formes de vie imposées par les technologies étrangères. (S. Diakité, 1985, p. 105).

3.6. Les sources historiques, les références d’informations orales et les notes explicatives sont numérotées en série continue et présentées en bas de page.

3.7. Les divers éléments d’une référence bibliographique sont présentés comme suit : NOM et Prénom (s) de l’auteur, Année de publication, Zone titre, Lieu de publication, Zone Éditeur, pages (p.) occupées par l’article dans la revue ou l’ouvrage collectif. Dans la zone titre, le titre d’un article est présenté en romain et entre guillemets, celui d’un ouvrage, d’un mémoire ou d’une thèse, d’un rapport, d’une revue ou d’un journal est présenté en italique.

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Dans la zone Éditeur, on indique la Maison d’édition (pour un ouvrage), le Nom et le numéro/volume de la revue (pour un article). Au cas où un ouvrage est une traduction et/ou une réédition, il faut préciser après le titre, le nom du traducteur et/ou l’édition (ex : 2nde éd.).

3.8. Ne sont présentées dans les références bibliographiques que les références des documents cités. Les références bibliographiques sont présentées par ordre alphabétique des noms d’auteur. Par exemple :

Références bibliographiques AMIN Samir, 1996, Les défis de la mondialisation, Paris, L’Harmattan. AUDARD Cathérine, 2009, Qu’est-ce que le libéralisme ? Éthique, politique, société, Paris, Gallimard. BERGER Gaston, 1967, L’homme moderne et son éducation, Paris, PUF. DIAGNE Souleymane Bachir, 2003, « Islam et philosophie. Leçons d’une rencontre », Diogène, 202, 4, p. 145-151. DIAKITE Sidiki, 1985, Violence technologique et développement. La question africaine du développement, Paris, L’Harmattan.

Typographie française - La revue Lɔŋgbowu s’interdit tout soulignement et toute mise de quelque caractère que ce soit en gras. - Les auteurs doivent respecter la typographie française concernant la ponctuation, l’écriture des noms, les abréviations… Les appels de notes sont des chiffres arabes en exposant, sans parenthèses, placés avant la ponctuation et à l’extérieur des guillemets pour les citations. Tout paragraphe est nécessairement marqué par un alinéa d’un cm à gauche pour la première ligne.

Tableaux, schémas et illustrations En cas d’utilisation des tableaux, ceux-ci doivent être numérotés en chiffres romains selon l’ordre de leur apparition dans le texte. Les schémas et illustrations doivent être numérotés en chiffres arabes selon l’ordre de leur apparition dans le texte. La présentation des figures, cartes, graphiques, … doit respecter le miroir de la revue qui est de 16 x 24. Ces documents doivent porter le titre précis, la source, l’année et l’échelle (pour les cartes).

Le non respect des normes éditoriales entraîne le rejet du projet d’article.

LES DROITS DE PUBLICATION Une fois l’article accepté par le comité de rédaction, l’auteur devra entrer en contact avec la rédaction de la revue pour l’acquittement des droits de publication qui s’élèvent à 40 000 FCFA. Lɔŋgbowu étant une revue de recherche et d’information éditée sans but lucratif, les auteurs ne percevront pas de versement de droits.

ÉPREUVES ET PUBLICATIONS Avant publication, l’auteur reçoit par courrier électronique un jeu d’épreuves à vérifier. Il doit les retourner corrigées sous huitaine à la rédaction. Seules les corrections typographiques sont admises sur les épreuves.

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L’auteur reçoit, après parution, le tiré-à-part de son article en version électronique au format PDF. Il pourra recevoir, sur demande, un exemplaire de la revue en payant les frais d’expédition. Les articles sont la propriété de la revue et peuvent faire l’objet, avec l’accord de l’auteur, d’une mise en ligne.

DISPOSITIONS FINALES Les articles doivent parvenir au secrétariat de rédaction de la revue au plus tard à la fin du mois de mars pour le numéro de juin et la fin du mois de septembre pour le numéro de décembre de chaque année.

Les textes doivent être envoyés à l’adresse suivante : Email : [email protected]

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SYNTHЀSE DES ARTICLES

Ce 5ème numéro de notre revue contient, c'est une tradition, des thématiques du domaine des Lettres et Langues et celui des Sciences de l'Homme et de la Société. Dans le domaine des Lettres et langues, les auteurs ont traité de plusieurs aspects à savoir : La promotion du genre dans le combat anti-racial dans My son’s story de Nadine Gordimer, la Place des fêtes de Sami Tchak ou le regard renversé sur la situation raciale des noirs en France, La dynamique de l’oralité dans Le fils de-la-femme- mâle : une quête d’identité poétique réaliste et Le conte dans le système éducatif traditionnel de l’enfant africain. On y trouve également Les interférences orthographiques et lexicales de l’anglais en français dans les productions d’étudiants francophones, l'Analyse stylistique du langage mixte des catégories génériques dans L’état z’héros ou la guerre des Gaous de Bandaman Maurice, Hermina : une crise de la narration dans la fiction africaine contemporaine ou la réinvention du récit ? L’insurrection comme moyen de lutte contre l’injustice dans l’œuvre romanesque de Gnaoule Oupoh : En attendant la liberté et Pour hâter la liberté, La renonciation au culte du poète demiurge et ses implications esthetiques dans A la lumiere d’hiver suivi de pensees sous les nuages de philippe jaccottet sont aussi abordées. Nous y découvrons enfin, The rise of african americans’s participation in american political leadership: implications for black lives, Revolutionary aesthetics in Ngugi wa Thiong’o’s Matigari, Le français comme médium d’enseignement en Côte d’Ivoire : herméneutique de la situation de l’école primaire et Zur inszenierung der ausländerfeindlichkeit. Eine interkulturelle lektüre von chima ojis roman „unter die deutschen gefallen“ Dans le domaine des Sciences de l’Homme et de la Société, plusieurs thématiques ont été abordées. En géographie, les contributions sont les suivantes: Urbanisation, habitats précaires sur les flancs des collines et risques environnementaux, sanitaires : cas des quartiers zokok, diguirwo et doualare à maroua (extrême-Nord Cameroun), Dégradation de l’environnement et migrations de la population rurale au nord-ouest de la région des savanes, Impact de la densification humaine de la zone Kolodio-Bineda sur l’environnement (Nord-Est de la Côte d’Ivoire), Perceptions des consommateurs sur les produits chinois vendus sur les marches de Lomé (Togo) et Analyse de la répartition spatiale des stations- services á Yopougon et le risque encouru en milieu urbain. Dans le domaine de la philosophie, les contributions portent sur la‘‘Rationalité de l’entente’’ et vérité dans l’épistémologie habermassienne, L’école africaine face aux mutations des sociétés contemporaines : nécessité d’une perpétuelle réforme, Pour une éthique de solidarité en Afrique, La doctrine du droit de Spinoza, Pour une re-lecture de l’interprétation sartrienne de la liberté cartésienne, Les vertus morales, essence de la politique chez Platon. On y trouve aussi Internet et démocratie : la problématique d’une citoyenneté numérique, Communisme platonicien et stabilité de la cité, La cité platonicienne et le défi de la cohésion sociale : quelles leçons pour les Etats africains ? et La participation citoyenne comme facteur de développement adapté en Afrique subsaharienne : le cas du Togo.

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En histoire, les auteurs se sont intéressé aux questions telles que: Le rôle du sacré dans la reconstruction du passé des Koulango: du XIe au XIXe siècle, le « Monument des martyrs » dans la ville d’Abidjan : de la reconnaissance urbaine à la légitimation politique (2002 à 2010), L’aide japonaise à la reconstruction de la Côte d’Ivoire post-crise (2011-2016), la Contribution à l’étude des forces et faiblesses des armées des grands empires soudanais (VIIIe siècle- XVIe siècle) et le Bilan et perspectives de la journée nationale du paysan pour un développement agricole au Burkina Faso (1993-2017) En sociologie, les réflexions portent sur Regard renouvelé sur la dignité des captifs et esclaves de la traite négrière à partir de l’épistémologie de la boologie ou théorie de l’existence par le gri-gri, Divorcer du concubinage, épouser le mariage: une alternative aux préjudices de l’illégalité des « unions », Défis des programmes de sécurité dans les régions de Sikasso et Taoudenit en République du Mali, Techniques ancestrales écologiquement intensives réappropriées : méthodes non chimiques de conservation des grains de maïs dans une communauté villageoise du Sud-Ouest du Bénin (les Aja-Dogbo), L’agir communicationnel dans l’espace public en Afrique : étude de la communication politique et des comportements en période électorale au Togo. Une analyse de La complainte des divinités africaines dans la diaspora : du Vodun/Orisha au Candomble/Macumba, une anthropologie du rite, Vers une synergie des soins d’hypertension artérielle : une enquête anthropologique auprès des ayizכֿ d’Abomey-Calavi au Sud du Bénin, l'Intégration des TIC dans l’enseignement secondaire au Bénin : utilisations et facteurs entravant la mise en œuvre par les enseignants débutants, La symbolique du bestiaire dans la chanson traditionnelle, un projet pédagogique dans la formation éthique et éducative des peuples négro-africains ainsi que Conditions socio-économiques des femmes productrices de « l’attiéké » en zone urbaine, cas des femmes « ebrié » d’Abobo Baoulé dans le district d’ABIDJAN (Côte d’Ivoire) s'y trouve. L'étude de l'Impact et pérennité des acquis de la méthodologie ave&c dans le canton de Kparatao dans la préfecture de Tchaoudjo au Togo, l'Affaiblissement du contrôle social informel et dégradation des espaces publics au Togo, la Culture et évolution : apports de la théorie du double héritage, le Problème d’attachement associé dans l’étiopathogénie des troubles du sommeil chez deux (2) patients adultes en consultation de psychopathologie clinique ainsi que Le jeu comme medium pédagogique de l’apprentissage à l’école primaire : considérations théoriques pour une redynamisation de l’enseignement primaire au Bénin sont des thèmes que l'on trouve en fin de volume.

La Rédaction

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LA COMPLAINTE DES DIVINITES AFRICAINES DANS LA DIASPORA : DU VODUN/ORISHA AU CANDOMBLE/ MACUMBA, UNE ANTHROPOLOGIE DU RITE

ABDOU Mohamed.

Résumé Les travaux en sciences sociales sur le Vodùn/Orisha sont anciens, nombreux et variés. Mais certains auteursont consacré l’essentiel de leurs conclusions sur le Vodùn/Orisha, sans en proposer une définition claire et consensuelle. Pour d’autres par contre, le Vodùn est considéré comme un système religieux consacré qui renvoie à une problématique d’identité culturelle impliquant une conception particulière des rapports au développement socio-économique. L’article que nous présentons icise situe plutôt à un niveau symbolique qui mobilise d’un point de vue diachronique et synchronique des données de l’anthropologie sociale du rite. L’étude est basée sur une analyse documentaire et sur des sources orales portant sur des phénomènes migratoires anciens, les guerres de conquête, la traite des esclaves et les religions endogènes africaines, recueillies par des traditionalistes. L’ensemble de l’étude comprend: un bref historique des pratiques esclavagistes perpétrées Afrique de l’Ouest et du centre, une présentation des divinités africaines dominées par le Vodun/Orisha, une analyse des phénomènes de transe et de possession observés au cours des cérémonies rituelles du Vodun/Orisha, les manifestations du syncrétisme religieux issu entre les Saints catholiques et les divinités africaines dans la diaspora afro-américaine et la liturgie qu’impliquée les cérémonies Vodun/Orisha dans les temples ou « terreiros ». Au total, l’étude a montré, à travers la description d’une série de rituels, comment le phénomène de captivité et de l’esclavage a contribué à asseoir une culture religieuse propre à la diaspora noire dans les Amériques et les Carabes et comment ces rituels constituent aujourd’hui de véritables modes de reconstruction d’une identité qui plonge ses racines dans la cosmogonie africaine. Il est ressorti également de l’étude que tout le cérémonial Vodun/Orisha fait d’espaces, de danses, de transe, de possession rituelle, de musique sacrée, et de gestes codés, repose sur l’évocation des divinités africaines, les Vodun/Orisha Mots clés : divinités africaines, diaspora afro-américaine, Vodùn/Orisha, Candomblé/Macumba, rite.

Abstract The social science work on the Vodùn/Orisha is ancient, numerous and varied. But some authors have devoted most of their conclusions to the Vodùn/Orisha, without proposing a clear and consensual definition. For others, however, the Vodùn/Orisha is considered a consecrated religious system which refers to a problem of cultural identity involving a particular

. Université d’Abomey-Calavi (Bénin) ; Email : [email protected]

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 conception of relations to socio-economic development. The article we present here is rather a symbolic level that mobilizes from a diachronic and synchronic point of view data from the social anthropology of the rite. The study is based on a literature analysis and oral sources on ancient migratory phenomena, wars of conquest, slave trade and African endogenous religions, collected by traditionalists. The entire study includes: a Brief history of slavery practices perpetrated in West and Central Africa, a presentation of African deities dominated by Vodun/Orisha, an analysis of the phenomena of trance and possession observed during the ritual ceremonies of the Vodun/Orisha, the manifestations of religious syncretism arising between the Catholic Saints and African deities in the Afro-American diaspora and the liturgy that involved the Vodun/Orisha ceremonies in the Temples or "Terreiros". In total, the study showed, through the description of a series of rituals, how the phenomenon of captivity and slavery helped to establish a religious culture peculiar to the black diaspora in the Americas and the Caraibes and how these rituals are now real ways of reconstructing an identity that plunges its roots into the African cosmogony. It also emerged from the study that all the ceremonial Vodun/Orisha made of spaces, dance, trance, ritual possession, of sacred music, and of coded gestures, is based on the evocation of African deities, the Vodun/Orisha. Key words: African deities, Afro-American diaspora, Vodùn/Orisha, Candomblé/Macumba, Rite.

Introduction Il est désormais établi que la trame religieuse des peuples afro- américains est la résultante des systèmes de croyances aux divinités africaines. Que cette trame vient invariablement de l’influence de divers phénomènes migratoires ponctués par des guerres de conquêtes historiques, de l’esclavage et de la traite des noirs, éprouvés par les sociétés traditionnelles oust- africaines, P. Lovejoy (1979, p.67, 2005, p.126). L’ensemble de ce processus a conduit aujourd’hui à la reconstruction de l’histoire religieuse dans les Caraïbes et dans les Amériques, à travers la littérature, les arts et la culture, Lovejoy (2005, p.128).Dans les traditions Nago-Yoruba du Bénin et du Nigéria, sur l'esclavage, le commerce et la diaspora noire dans le nouveau monde, P. Lovejoy (2005, p.128-132), a exploré les grands changements sociaux et historiques qui se sont produits en Afrique de l'Ouest et qui par leurs effets, ont permis à la fois la propagation et l’arrivée des esclaves dans le nouveau monde. Cette histoire qui est aujourd’hui justifiée, réactivée et animée à travers les cultesVodun/Orishaet les vestiges des cultures noires, est l’expression de ces peuples qui partagent un fond culturel commun, traduisant leur vécu quotidien, plus précisément leur imaginaire où chaque événement prend l’allure d’une complainte des divinités africaines nécessitant leur évocation. Ainsi, le culte du Vodùn/Orisha dont l’origine se situe dans les cultures nagot-yoruba et fon du Bénin et du Nigéria, a fédéré les forces et les énergies cosmiques, pour resocialiser des individus d'origines diverses en quête d’une nouvelle identité, (P. Verger, 1954, p. 22-27 ; M. Herskovits, 1900, p.17, 1955, p. 36 ; A, B. Adoukonou, 1980, p. 105).

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Ces peuples matrilinéaires ou patrilinéaires venant de l’Afrique et souvent porteurs de civilisations totémiques, ont modifié leurs cultures de base et recomposé des sociétés, des valeurs métissées et des visions nouvelles dans lesquelles dominent de nouvelles formes de religiosités greffées de catholicisme. Dans le cadre de cet article, il s’agit de mettre en perspective le niveau symbolique des rituels mobilisés dans l’invocation des divinités africaines et de montrer leur évolution mythique à travers les panthéons du culte Vodùn /Orisha dans la Diaspora sud-américaine du Brésil et des Caraïbes. En effet, les cultes Vodùn/Orisha chez les Fon, les Ewé et les Yorouba comportent les mêmes divinités, les mêmes litanies et beaucoup de similitudes qui se traduisent le plus souvent par des rituels et des panthéons précis (M. Augras, 1992,p.17 ; R. Bastide, 1999,p.47 ; S. Capone, 2001,p. 18-20 ; 2003, p.54-57 ; L.Hurbon, 1994, p. 181-197 ; L. N. Parés, 2005, p. 13, 2006, p. 56 ; E. K. Tall, 2012, p. 65, P. Verger, 1995, p.33). Le but de cet article est donc de retracer l’évolution du discours énoncé sur les divinités africaines dans la diaspora afro- américaine en partant du Vodùn/Orisha, pour en reconstruire la symbolique véhiculée dans les lieudits, notamment dans les temples Vodùn/Orisha ou « tereirros » à travers les rituels pratiqués.

1. Méthodologie La présente étude est basée sur une revue documentaire systématique conduite à partir de sources historiques spécialisées, sur la sociologie et l’anthropologie du rite et sur les phénomènes de transe, de possession et des Etats modifiés de conscience. La démarche a consisté en une analyse croisée des sources d’informations soutenues par des observations et des entretiens avec des personnes ressources initiées au culte du Vodùn/Orishadont on retrouve l’origine dans les cultures nagot-yoruba et fon du Bénin et du Nigéria. Les données sont ensuite mises en perspective avec les pratiques du culte Vodùn/Orisha dans la diaspora américaine notamment au Brésil à Cuba et dans les Caraïbes. La méthode a consisté en une description ethnographique du culte à partir des cas d’initiation observés dans les temples pour en retracer l’évolution et reconstruire la symbolique véhiculée et les transformations subies à travers le temps.

2. Résultats Au total, l’étude a montré comment le phénomène de captivité et de l’esclavage a contribué à asseoir une véritable culture religieuse propre à la diaspora noire traduite par des rituels syncrétiques dans les Amériques et dans les Carabes, notamment au Brésil et à Cuba; que ces rituels constituent aujourd’hui de véritables modes de reconstruction d’une identité propre qui plonge ses racines dans la cosmogonie africaine. Il est également ressorti de l’étude que tout le cérémonial fait d’espaces, de danses, de transe, de possession rituelle, de musique sacrée, et de gestes codés, repose en permanence sur l’évocation des divinités africaines, les Orixàs, lesquelles divinités sont souvent assimilées à des Saints catholiques comme au Brésil où Yemanja, la déesse des Eaux est syncrétisée avec la Bienheureuse Vierge de l'Immaculée Conception ou encore avec Notre Dame Chandeleur. On note aussi que les cultes qui sont organisés dans les terreiros se réfèrent la plupart du temps, à des personnages clés comme le Pai ou la Mâe de Santo (Mère ou Père de Saints), chargés de prendre soin du ashé (le pouvoir, la puissance) des initiés du culte

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Vodùn/Orisha. C’est au cours du processus rituel que les filhas et les filhos, de Santo (filles et fils de Saints), sont initiés et dédiés aux Orixàspour expérimenter une nouvelle vie avec les Dieux.

3. discussion 3.1. Vodùn/Orisha dans la réactivation du pacte ancestrale avec les divinités africaines dans le Nouveau Monde Le Vodùn/Orisha a été tant associé aux représentations et aux préjugés qu’il est difficile d’en faire une analyse systématique. Pour beaucoup de personnes, le Vodùn évoque un culte essentiellement lié au peuple haïtien, de sorte que les premières études sociologiques et anthropologiques sur le Vodùn sont parties de cette partie du monde pour se répandre ensuite vers les Amériques, L. Hurbon(1994: 181- 197). En Occident, on pense encore que le Vodùn, qui se manifeste par des phénomènes de transe et de possession, est une mosaïque de rites magiques infantilisants et de pratiques sorcelleries qui maintiennent les populations africaines dans un état de sous-développement. C’est dans un tel contexte que P. Verger (1954, p. 22-27) publie à partir des observations faites sur le Vodùn au Bénin et au Brésil, une série de monographies sur les mythes dont il propose une interprétation qui intègre des phénomènes de possession rituelle au cœur du culte Vodùun/Orisha. Ce culte considéré comme la première cérémonie d’initiation dans le rituel du Candomblé au Brésil, devient la véritable contribution à l’étude de la possession. En effet, P. Verger (1954, p. 22-27) constate que les esclaves noirs, immédiatement baptisés dès leur arrivée dans le nouveau monde et contraints de se soumettre aux doctrines religieuses de leurs maitres, tout en paraissant convertis au catholicisme, pratiquent leurs cultes propres. Par ce fait, ils se trouvent préservés des influences culturelles extérieures. En effet, malgré la nouvelle identité religieuse qui leur est attribuée, les esclaves sont autorisés par leurs maitres à organiser chaque dimanche regroupés en batuque ( cercle), des danses faites de gestes et de chants indigènes, considérées par les maitres comme des comportements ludiques de nègres nostalgiques et non comme des prières et des exhortations destinées aux divinités africaines, les Vodùn/Orisha. Aux yeux des maîtres, ces séances de danses et de chants rituels sont tout au plus utiles et permettent aux esclaves de garder le souvenir de leurs origines puis d’éviter des sentiments d’aversion et de révolte vis-à-vis des maitres. Or d’après P. Verger (1954, p. 22-27), les esclaves de leur côté, ont pu justifier ces danses comme étant des louanges faites à leurs divinités en leurs langues. Il est clair que pour ces esclaves, le culte des Vodùn/Orisha a pour but d’assurer la permanence à travers chaque génération, de la participation des descendants au pacte de l’ancêtre africain pour la survie et la cohésion de l’ensemble du groupe. Dans leur imaginaire, la vénération des Orisha(Divinités), est liée à la notion de famille étendue issue d’un ancêtre commun. (P. Verger 1954, p. 22-27 ; M. Herkovits, 1900, p.17, 1955, p. 36). Aux yeux de ces esclaves, ces entités englobent à la fois les vivants et les morts, de sorte que lesOrisha, sont devenus des ancêtres divinisés qui de leur vivant, ont établi un contrôle sur certaines forces de la nature, telles que le tonnerre, le vent, les eaux douces et les eaux saléesJ. Ziegler,( 1975, p. 63-66).

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3.2. Transe, possession et dépersonnalisation dans le culte Vodùn/Orisha Dans l’imaginaire Nagot-Yoruba et Fon du Nigéria et du Bénin, le pouvoir (ashé) de l’ancêtre Orisha a la faculté après sa mort, de se métamorphoser en un de ses descendants au cours d’une transe de possession. J.C. Dorsainvil (1931, p. 49), à la suite de Charcot (1887, p.17), a classé la possession parmi les manifestations hystériques ou épileptiques. Il en arrive à la conclure que la possession observée en Haïti lors des cérémonies Vodùn, est une sorte de névrose due à la fois à un terrain génétique névrotique et au fait que la tradition culturelle cautionne et légitime de tels états. Or, dans son sens global, l’hystérie peut bien désigner aussi bien la folie, la rage, que les symptômes somatiques variés sans lésions organiques apparentes. L’auteur en vient à la conclusion que les personnes qui en présentent les signes caractéristiques. Des auteurs comme A. Floquet et A. Bosquet (1842, p. 216), qui ont étudié l’affaire des possédés de Louviers proposent une interprétation d’inspiration biblique et théologique du phénomène de possession et assignent un rôle de premier plan au prêtre exorciste dans la thérapeutique. L’intégration du mot transe dans le vocabulaire des sciences sociales et l’observatoire des phénomènes de cultes de possession dans le nouveau monde, vont accélérer des travaux critiques de certains auteurs et conduire à l’étude de la transe institutionnelle. M. de Certeau (1970, p. 36) ouvre alors la voie en proposant une interprétation sociologique et anthropologique de la possession et de la transe. L’auteur en retrace d’abord la genèse à travers un tableau analytique en quatorze points correspondant aux différentes étapes de la passion humaine, puis il arrive ensuite à la conclusion que la possession se présente comme une crise dramatisée, voire un processus de révélation et de résolution de conflits à la fois collectifs et individuels. M. de Certeau (1970, p. 43-47). Or, dans les cultes africains, la transe est considérée comme un phénomène ordinaire, voire comme une manifestation de la présence des dieux. Au cours de la transe, le « Dieu » devient un personnage vivant qu’on peut interpeller de sorte que la possession à travers la transe, devient une partie importante de la religion nogot-yoruba. Pendant un « bembé » c’est-à-dire une fête de tambours dédiée aux , l’un d’entre eux peut être amené à y participer et entrer dans le corps d’une des personnes déjainitiée. On dit alors que cette personne est « montée » par l’Orisha ou que l’Orisha « est descendu » du ciel pour être parmi les officiants. Au cours du cérémonial, les chansons, les rythmes et les danses sont en quelque sorte une façon de demander aux Orishas de « descendre » et de bénir les participants à la cérémonie. (M. Leiris (1980, p. 142). Quand un Orisha décide de se servir du corps de l’initié pour se manifester, c’est un grand moment de joie partagée par tous les officiants du culte.

3. 3. Vodùn/Orishaet construction du syncrétisme religieux Avec la multiplication des phénomènes de transe et de possession les recherches se développent et se précisent à partir des premiers travaux de psychiatrie et de psychanalyse. C’est dans ce contexte que R. Nina Rodriguez (1862-1906, p.42) entreprend au Brésil, une série d’études ethnographiques sur le culte du Candomblé sous sa forme traditionnelle. L’auteur montre que ce culte relève du syncrétisme religieux entre divinités africaines et saints catholiques. En effet, les croyances religieuses yoruba présentes dans le Nouveau

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Monde du fait de l'arrivée tardive d'importantes populations yoruba en Amérique, et au caractère tolérant et assimilateur des religions yoruba. semblables aux croyances des Gbe notamment les Fon, les Ewes, les Mahi et les Gun du Bénin et du Togo, ont joué un grand rôle dans l’influence réciproque entre les croyances africaines et les croyances américaines qui en sont dérivées.(R. Bastide, 1996, p.42; 1999, p.66; M. Augras, 1992, p.102; S. Capone, 1999, p.23). Dans les pays où la diaspora africaine est présente dans le nouveau monde, les croyances yorubas et gbe ont été fortement influencées par la religion catholique. Il s’agit d’un ensemble de systèmes religieux qui se servent des Saints catholiques comme d'un masque pour dissimuler les croyances yoruba traditionnelles. Les Saints, ainsi que d'autres personnages vénérés dans la religion catholique, sont utilisés comme des déguisements pour les Orishas. Mais dans la réalité, les Saints catholiques n'ont jamais été vraiment adorés. En effet, le mot Candomblé vient de la combinaison de trois termes appartenant à trois différents peuples d’Afrique : ka quivient de l’ashanti et qui signifie (coutume), ndombe du Congo qui veut dire (ancêtre), et ilédu Nagot-Yoruba qui signifie (maison), d’où ka-ndombe-ilé qui a donné Candomblé, c’est-à-dire la « maison où l’on célèbre la tradition de l’ancêtre». (J. Ziegler, 1975, p. 52). Il s’agit donc d’un syncrétisme issu de la coexistence entre le portugais, le yoruba et le fon. Le syncrétisme ici est au départ une stratégie politique dans laquelle on donne des noms de Saints catholiques aux Dieux africains pour tromper l’occupant. C’est dans son œuvre posthume publiée en 1931 sous le titre d’Os Africanos no Brasil, que R. Nina Rodriguez (1862-1906, p.42), précise ses thèses sur la diaspora africaine au Brésil qu’il inscrit dans un schéma évolutionniste. Quoique resté paternaliste comme la plupart des auteurs européens de son temps, R. Nina Rodriguez (1862-1906, p.42), s’est employé à assurer non seulement la liberté de culte à la diaspora africaine du Brésil, mais il a également lutté pour faire reconnaître le Candomblé non plus comme un simple phénomène de sorcellerie, mais plutôt comme une véritable religion. L’auteur interprète le comportement rituel qui accompagne la possession, comme un état de somnambulisme provoqué avec dédoublement et substitution de la personnalité. Par la suite, les recherches effectuées sur la possession, le Vodùn/Orisha, et le Candomblé se multiplient avec les travaux de M. Herskovits (1900, p.17, 1955, p. 36), qui publie une série d’articles et d’ouvrages sur les différents cultes africains du nouveau monde notamment à Cuba, en Guyanes, et au Brésil. Selon M. Herskovits (1900, p.17, 1955, p.36), tous les rites qui accompagnent les phénomènes de possession entretiennent une relation fonctionnelle avec l’ensemble du système social. L’auteur fait remarquer que ces rites ne peuvent se comprendre et s’expliquer qu’à partir d’une confrontation avec les droits de l’ensemble de la culture. M. Herskovits (1900, p.17, 1955, p. 36), affirme par ailleurs que la transe rituelle est un phénomène normal dans la mesure où elle est institutionnalisée. De plus dit-il, la possession est normale parce qu’elle se passe dans un cadre défini culturellement et que de nombreuses personnes y sont enclines. L’auteur souligne contrairement à Nina Rodriguez, qu’il s’agit de cultes organisés et non de pathologies individuelles. Mais malgré leur importance, les travaux de Nina Rodriguez ( 1862-1906) comme ceux de M.Herkovits (1900 ), n’ont permis de formuler des hypothèses originales d’interprétation portant sur le phénomène religieux observé. A. Métraux (1958, P. 107), pour sa part, a mis en évidence les caractéristiques, voire les

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 aspects historiques et les données ethnographiques du Vodùn Haïtien. C’est le père B. Adoukonou (1980, p. 103) qui introduit une analyse herméneutique du Vodùn dahoméen en rapport avec le christianisme. Dans ce culte, les initiés qui assistent le prêtre sont appelés Hounsi (épouse deDieu). C’est pourquoi la plupart des candidats au sacerdoce font des stages de plusieurs mois voire de plusieurs années, auprès d’un Houngan ou d’une Mambo (chef du culte). Le Houngan ou la Mambo est aidé, d’unHounguenikon, (chef de chœur) de la place, d’unmaître des cérémonies connu sous le nom di de « la confiance » qui est auxiliaire du Houngan, et de la « bête-charge », qui est l’administrateur des biens. Dans le processus rituel Vodùn, chaque dignitaire remplit une fonction particulière dans le sanctuaire (Houmfo), le Hounguenikon appelé« quartier-maître » lui, a la charge de la chambre des offrandes, et laHounguenikon ou « reine- chanterelle » est le chef de chœur qui préside aux chants liturgiques pendant les cérémonial. C’est cette prêtresse qui identifie chaque loa (génie) au fur et à mesure de leur apparition. La « reine-chanterelle » fait exécuter les chants en leur honneur. On identifie enfin les tambourineurs qui, eux, battent les rythmes sacrés des loas (génies), nom donné aux êtres surnaturels invoqués dans les rituels, les mystères, ou encore dans l’adoration des "saints" ou des "anges". Toute cette instrumentation repose sur une solide tradition ancestrale venant des pays nagot-yoruba et fon et retracée à travers des mythes fondateurs évoquant des Dieux africains, dont on retrouve la transposition et la transformation dans les cultes Vodùn/Orisha du nouveau monde.

4. Trame mythique du Vodùn/Orisha et manifestations du syncrétisme religieux dans la diaspora afro-américaine En pays yoruba du Nigéria, dans les Etat de Ekiti, Osun et Oyo, une tradition raconte qu'un homme très puissant appelé Sango ou , a vécu et utilisé le tonnerre et la foudre pour attaquer et détruire ses ennemis. On dit qu’après sa mort, beaucoup de yoruba ont continué de croire en sa puissance surnaturelle. En effet, ce personnage mythique cracheur de feu est considéré par les yoruba comme un redoutable chasseur-guerrier détenteur de la mystique de la brousse et des animaux. Les traditions Nago-Yoruba racontent que Sango ou Shango entretient d’étroites relations avec Dongo, un autre chasseur mythique venant du pays Baatonù du Bénin avec qui il partage un même fond culturel, religieux, politique et économiques. J. Rouch (1950, p.32) a retracé l'aventure de Sango ou Shango, Esprit de la foudre et du tonnerre, le fils courageux d'un chasseur de Borgou (baatonù). Selon l’auteur, la tradition assimile Dongo à Sango ou Shango qui a pris les traits d'un yoruba. Les travaux de M. Farias Paolo de (1992, p.87, 1993, p.66) et ceux M. Palau-Marti (1964, p.102- 107), ont ouvert la voie à ce paradigme. En effet, M. Palau-Marti (1964, p.102-107) a identifié dans la mythologie yoruba, un BaatonùSango ou Shango dont elle dit avoir une influence sur le pays yoruba. Or ce BaatonùShango est représenté dans la société Yoruba par la double hache et rappelle les traits de Dongo en pays Baatonù ou on dit que le tonnerre est sa voix; et qu’il crie avec colère. Dongo possède des pierres en forme de hache qui font des éclairs. Aussi selon une tradition Yoruba, , est l’ancêtre mythique qui a inauguré la liste des rois d’Oyo avec quatre (4) frères qui lui succèdent: (1) Oraniyan, (2) ajaka, (3) Shango (4) ajaka. On raconte que cette fratrie

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 se présente comme une suite binaire qui met d'abord en scène Oraniyan/Ajaka et ensuiteShango/Ajaka. C’est à partir de ce moment que les origines mythiques de l'Empire d’Oyo sont attribuées à Oranyan ou Oranmiyan, second Prince du Royaume yoruba d'Ile-. La tradition raconte que Oranyan a conclu un pacte avec son frère pour lancer un raid punitif sur leurs voisins du nord et humilier leur père Oba, roi Oduduwa, premier Oni de l'IFE. Mais que sur le chemin de bataille, les frères se sont disputés et l'armée d’Oranyan s'est disloquée. Ce dernier se sentant réduit pour entreprendre seul une attaque d’envergure, se met alors à errer sur la rive sud du fleuve niger jusqu' aux confins du royaume de Bussa en pays Baatonù. Pour le divertir, le chef local rencontré dans cette région lui remet un grand serpent et un charme magique qu’il lui intime d’attacher au cou. Le chef ordonne ensuite à Oranyan de suivre le reptile durant sept jours jusqu'à ce que le serpent s'arrête un jour pour disparaitre dans le sol. Oranyan suit les conseils du chef des lieux et fonde Oyo à l’endroit où le serpent s’est arrêté. Oranyan fait d’Oyo son nouveau Royaume et devient le premier souverain (OBA) avec le titre d’Alaafin laissant tous ses trésors à Ifè et permettant à un autre roi nommé Adimu d'y régner. Oranyan, le premier Oba de Oyo est plus tard remplacé par Oba Ajaka. Il est déposé après sept ans de règne parce qu’aux yeux de ses sujets Yoruba, il manque de stratégie militaire et se montre trop laxiste à l’égard des chefs locaux. Son frère Ajaka-Shango qui prend le pouvoir, est dit plus belliqueux et tyrannique. Le règne d’Adjaka-Shango fut très agité. On le présente dans la littérature, les arts et la culture yoruba comme un homme autoritaire, violent et fougueux qui aime donner des ordres, la guerre, autant que les femmes. Il crache des flammes de sa bouche qu’il jette volontiers sur ses ennemis. On dit qu’un jour, il met le feu dans son propre palais pour essayer sa magie tuant de ce fait plusieurs de ses épouses et plusieurs enfants. D'autres mythes mentionnent que Dongo, ou Sango/Shango est devenu roi de kone (Old Oyo) à la fin du XIVe siècle. La tradition ajoute que lorsqu’il a été contraint de quitter le Royaume après sept (7) ans de règne il tente aussitôt de se pendre. Mais ses sujets sont devenus tristes et malheureux et ses ministres lui présentent une calebasse remplie d'œufs de perroquet suivant la tradition pour achever son suicide. Mais Shango, furieux s'enfuit accompagné d'un esclave fidèle. On dit qu’un jour, l'esclave est parti en éclaireur au village pour avoir le sentiment entretenu autour deShango qui se sentant définitivement abandonné de tous, se pend enfin sur un arbre. L'esclave revient au village annoncer la mort de Shango, mais certains villageois ne croyant pas disent: Oba Ko Soo, (le roi ne l'a pas fait, il ne s'est pas pendu), ceux qui ont cru à la mort de Shango crient : Oba Soo, le roi l'a fait, il s’est pendu, (Paulo Marti 1964:168-169). Ajaka-Shango est déifié plus tard comme une divinité du tonnerre et de la foudre. Un mythe côtier raconte que Shango est né à Ife de Yemanja, la mère universelle et que sa femme s'appelle Oja 'le Niger'. Paulo-Marti (1979, p. 168-169, 2005, 161), J.Ziegler (1969, p. 209), Walker (1972, p. 15) et P.Niemark (1993, p. 23), ont particulièrement insisté à travers la littérature orale sur l'importance du lien entre l'esclavage, l’expansion des cultures africaines et des arts dans les Amériques. Le nom de la divinité Yemanja dans les mythes Nago-yoruba dérive de « yeye Omo EJa, qui veut dire « la mère dont les enfants sont des poissons », ou encore OrixàEgba, une nation Yoruba établie à IFE où une rivière appelée Yemonja existe toujours.

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5. Liturgie hybridée entre divinités africaines et Saints Catholiques Selon la tradition, Yemonja ou Yemanja ou Yemaya est une divinité Nago/Yoruba très populaire au Brésil et à Cuba. Sa puissance (Ashé) est supportée par des galets de mer et des coquillages fermés dans une porcelaine bleue. Ses disciples mettent des colliers de perles de verre transparents et portent de préférence des vêtements bleu-clair avec sept couches pour représenter les sept mers. Dans les grandes cérémonies organisées en honneur de Yemanja, tout le monde danse en cercle autour d'un autel circulaire. Les danseurs offrent en guise de sacrifice des pigeons, des canards et de la nourriture faite avec le maïs blanc mélangé à de l'huile de palme, du sel et des oignons. Mais comme Jemanja est très séduisante, elle apprécie les bijoux, le parfum et les fleurs. Il est dit que son Ashé (puissance/énergie) vient à travers les roches et les coquillages de la mer. En dansant, elle garde un éventail en métal blanc et ses disciples imitent le mouvement des vagues en pliant et en redressant le corps, le tout suivi d'un curieux mouvement de mains placées alternativement sur le front et sur le dos du cou en criant: «Iya-Odo »; mère de la rivière».Au Brésil, Yemanja est syncrétisée avec la Bienheureuse Vierge de l'Immaculée Conception. Le culte de Yemanja est également célébré à Bahia, où elle est syncrétisée avec notre Dame Chandeleur. Yemanja est souvent représentée sous la forme d’une sirène avec de longs cheveux flottants. À Rio, Santos et Porto Alegre, le culte de Yemanja est particulièrement actif au cours de la dernière nuit de l'année, quand des centaines de milliers de croyants vont à la mi-journée pour allumer des cierges tout le long des plages et jeter des fleurs et des cadeaux dans la mer. En retraçant l'histoire de Xango-de-Coq ou Shango, J. Ziegler (1969, p. 208) en vient à faire un tableau saisissant de la manifestation de la divinité. « Tous les Terreiros reconnaissent Yemanja comme maîtresse de la mer. La jeune femme en transe est Yemanja, son corps ondulant est fait de vagues; les mains qui couvrent le haut de la tête incarnent un geste rituel propre au Recife-Xango/Shango: même les poissons dansent au nom de Yemanja » J. Ziegler (1969, p.211). On dit que, cette divinité règle la maternité dans nos vies car, elle est la mère de tous. La croyance répandue ici est que, en tant que embryon, nous passons tous les premiers moments de notre existence à nager dans une mer chaude faite d’un liquide amniotique comme à l'intérieur de l'utérus de notre mère. C’est pourquoi nous nous transformons et évoluons d’abord sous la forme d'un poisson avant de passer à l’état de bébé humain. En dansant, le mouvement des marées reflète les hanches séduisantes de Yemanja. Elle se déplace latéralement. Elle a de grandes fesses et des hanches proéminentes. Elle est la mère des plus puissants Orixàs(Dieux), y compris Shango (Dieu du tonnerre et de la foudre), ou encore (Dieu du fer) donc d’Oya (déesse des vents). À Ife, Dongo, Sango ou Shango, fils de Yemanja, est appelé Oramfe. L'origine de Shango et Oya peut facilement être retracée vers l'océan. Il est dit dans la tradition que l'eau s'évapore de la surface de l'océan à cause de la chaleur du soleil ; elle se lève et forme des nuages et les vents (Oya) transportent ces nuages à travers la terre puis ils se transforment pour finir en éclairs (Shango) pour arroser le monde vivant de l’eau de pluie. Dans cette tradition, E. Dianteill (2000, p.1 22), propose une analyse des relations qui unissent quatre traditions religieuses afro-cubaines », complexes organisées: la santería, leculte d’Ifá, le palo-monte et le spiritisme. Il montre qu’à la Havane, coexistent plusieurs traditions religieuses bien distinctes qui forment

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 néanmoins un complexe religieux original, fait à la fois de concurrence et de coopération. Ainsi, les pratiques initiatiques, divinatoires et sacrificielles varient suivant les rapports qu’entretiennent les vivants avec les dieux et les morts. La santería et le culte d’Ifá sont présentés comme des traditions religieuses d’origine nagot-yoruba, le palo- monte comme issu de la religion de certains groupes bantu d’Afrique centrale, les Kongo, et le spiritisme comme d’origine européenne et nord-américaine S. Capone ( 1999, P.120),qui a travaillé sur la divinité Exu du culteVodùn/Orishaà Rio, Salvador et à São Paulo ainsi que sur la pratique rituelle qui lui est réservée, a pu montrer qu’on retrouve cette divinité dont la contrepartie féminine est Pomba Gira, presque dans tous les cultes afro-brésiliens. Ces cultes viennent aussi bien de la tradition africaine que du syncrétisme issu des religions des peuples indigènes du Brésil ou de la religion catholique. Selon S. Capone (1999, p. 120) une telle permanence traduit la vitalité de l’accommodation et de l’adaptation que l’on retrouve dans les pratiques rituelles traditionnelles des cultesVodùn/Orisha. Ainsi, à Cuba, Ochun est assimilée à la Vierge de la Charité de Cobre, la sainte patronne de Cuba célébrée chaque année,Obatala elle, est identifiée à la Vierge de la Merced, Yemaya est associée à la Vierge deRegla, la patronne des marins et Obba correspond à sainte Catherine de Sienne.

6. Du Vodoun/Orisha au Camdonblé / Macumba : la nomenclature des divinités Les grands loa (génies) du cule Vodoun/Orisha sont en majorité des dieux ou ancêtres divinisés de l’Afrique. Ceux-ci ont gardé un rang supérieur dans le panthéon Vodùn dans la diaspora. Les autres divinitéssont des génies locaux. Tout comme au Brésil, un syncrétisme s’est développé entre les saints catholiques et les loa,( génies) ce qui a permis de faire des identifications entre certains dieux et certains saints. Parmi les loa d’origine créole on compte un grand nombre d’ancêtres et sans doute beaucoup de houngan et de mambo (chefs du culte) promus après leur mort au rang de loa (génie). Parfois, certains esprits inconnus apparaissent dans les rituels spontanément et se mettent à posséder un fidèle. Après s’être présenté lui-même, le loa réclame les honneurs qui lui sont dus. Ce nouveau loaest par la suite intégré au panthéon. Si un fidèle voit dans ses rêves un esprit inconnu, il va en répandre le culte. S’il est un houngan réputé, cela lui sera facile. Enfin, quelqu’un peut bien avoir ramené un loa étranger d’un de ses voyages et en garder le culte. D’après A.Métraux (1958, p.74-75), il existe deux grandes catégories de loa (génies), qui donnent lieu à deux types de cérémonies nettement différentes par leurs rythmes et leurs rituels particuliers. La première catégorie est celle des Rada du royaume d’Arada (Allada) au Dahomey (Bénin). Elle rassemble les dieux du Dahomey et du Nigéria. Les Radas sont considérés comme doux, protecteurs, et non reliés à la magie. La seconde catégorie, celle des Petro, contient de nombreuses divinités africaines venant de pays autres que l’Afrique-Guinée, et les esprits autochtones aux noms créoles.Parmi ces esprits créoles, il n’y a pas que des ancêtres déifiés. Parmi eux, se trouvent aussi quelques esprits africains qui ont été rebaptisés d’un nom chrétien et dont la physionomie a subi l’influence du milieu haïtien. Ainsi, un génie de la brousse africaine, décrit comme unijambiste, devient un nain à un pied, génie arboriste, nommé ti-jean Petro, connu dans le Nordeste sous le nom de SociPereré. Les Petro sont considérés comme « raides-amers », ils suggèrent des idées de

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 force, de dureté et même de férocité. Ils sont des spécialistes de la magie. Une attention trop accentuée sur eux rendra le houngan suspect de pratiquer la sorcellerie. Cependant, on a recours à eux lorsqu’une guérison n’a pas été obtenue par les Rada. Certains Petro sont visiblement cruels. Il existe également de nombreux sous-groupes de génies de différentes ethnies africaines. D’autres viennent des pays d’Afrique comme le Wangol (Angola) ou le Siniga(Sénégal). Ces sous- groupes sont appelés Nanchon (nation) et ce terme par extension s’applique à toute catégories d’esprits ou de génies, ou encore à tout groupe de fidèles initiés par un maître houngan. Les groupes de loa (génies) eux, viennent d’une répartition géographique bien déterminée : les loa Congo se divisent en Congo- du-bord-de-la-mer. Ils sont ditsplus intelligents, plus disciplinés, et en Congo-savane qui, eux, détiendraient le secret des plantes médicinales. Les loa habitent dans les montagnes, les rivières, le fond de la mer, les cavernes, ou encore dans des « arbres-reposoirs ». Les contacts entre les loa et les initiés peuvent se passer soit en songe, soit lorsque ceux- ci se matérialisent, ou encore pendant la possession rituelle. Parfois on les fait descendre dans des cruches pour les interroger. Les loa apparaissent d’abord en songe à leurs fidèles. Ils prennent parfois l’aspect d’un parent ou d’un ami, mais un attribut particulier permet toujours de les identifier. C’est surtout dans un but de protection ou pour donner un conseil qu’ils apparaissent. D’après A. Mitraux (1958, p. 107), celui qui a subi cette expérience s’en souvient presque toujours fort bien, à la différence du possédé qui, à l’état de veille, ne garde aucun souvenir. Dans la diaspora, ce cérémonial de Candomblé célébré aux Orixàs prend différentes appellations suivant les régions. A Rio et à Sao Paulo, on les appelle Macumba, à Bahia on parle de Candomblé et de Shango. C’est à travers ce culte que les membres du Candomble donnent aux Orixàs la preuve de leur affiliation et le moyen de réactualisation des liens sacrés avec leurs Dieux. Le passage de la vie terrestre à la condition d’Orixà de ces êtres exceptionnels possesseurs d’un Ashé (force, puissance) puissant se produit en général dans un moment de passion et de frénésie, dont les légendes ont conservé le souvenir. L’Orixà forme un chaînon dans la relation des hommes avec l’inconnu. Il a établi un lien d’interdépendance par lequel il attire sur lui et les siens l’action bénéfique. Mais en contre partie, on lui dédie des cultes appelés Candomble. Dans la sémantique liturgique, tous ces Orixàs sont plus ou moins égaux car leur rôle de divinités principales se joue à tour de rôle.

7. Rites d’initiation au Vodùn/Orisha dans les terreiros Les cultes du Vodùn/Orishase déroulent en général dans des temples appelés terreiros, construits en dehors de la ville. Ces terrerios sont également composés d’un bâtiment central le barracâoà l’intérieur duquel se trouve une grande salle pour les danses et les cérémonies publiques. Les terreiros sont entourés d’une série de maisons où sont installés les péjus (autels), des différents Orixàs. La responsabilité du culte repose essentiellement sur le Pai (père) ou la Mâe (mère) de « Santo » (Saint) qui sont chargés de prendre soin du pouvoir Ashé de l’Orixà. Ils sont assistés par un Pai (père) ou une Mae (mère) pequeno (petit-père) et par toute une série d’aides avec des rôles et des activités très diverses et bien définies. Au cours du cérémonial, ce sont les ekedis (metteurs en scène) qui prennent soin des « filhas e filhos » de Santo (fils et filles de saint), lorsque ceux-ci tombent en

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 transe. L’axogun (sacrificateur), lui, est chargé de faire les sacrifices d’animaux offerts aux Orixàs. Le lalàbè est le chef des joueurs de tambours. Mais les principaux acteurs de ce rituel restent sans nul doute les filhas e filhos » de Santo. Ils sont ceux qui sont dédiés aux divinités. Il peut s’agir de personnes soudainement prises d’une transe violente lors du cérémonial et qui tombent aux pieds d’une divinité, ou de personnes ayant fait des rêves particuliers et celles souffrant d’une maladie inexplicable. Ces « élus » sont amenés à enterrer leur vie antérieure et à observer une période de retraite et d’initiation qui les conduira à une nouvelle vie. L’initiation consiste à susciter l’apparition chez les novices de l’une de ses personnalités cachées, celle de l’ancêtre divinisé, présente en lui à l’état latent et aliénée par les circonstances de l’existence qu’il a menée jusqu’au jour du cérémonial d’initiation. Cette période d’initiation a une durée qui varie entre un mois et un an. Pendant ce temps, l’initié est plongé dans un état d’hébétude causé par les breuvages faits de feuilles macérées. Sa mémoire semble momentanément lavée du souvenir de sa vie antérieure. D’après P. Verger (1954, p. 127), dans cet état de vacuité et de disponibilité, l’identité et le comportement de l’Orixà se forment en lui progressivement jusqu’à devenir familiers. M. Abdou (2007, p 30-35), a décrit des phénomènes semblables chez les Baatombù du nord Bénin lors d’un culte de guérison. A la fin de l’initiation, le novice retrouvera son ancienne personnalité et oubliera, à l’état de veille, tout ce qui se sera passé pendant cette période d’incubation. Il restera toutefois sensible dans son inconscient aux rythmes des tambours particuliers à son Dieu qui agira comme le stimulant d’un réflexe conditionné, et qui aura tendance à le faire entrer en transe succombant ainsi à l’appel de son Dieu. P. Verger (1954, p.128) ajoute que ces appels incitent le novice à extérioriser un archétype de comportement conforme à ses aspirations réprimées. Après la période d’initiation viennent les cérémonies publiques. Le barracâo (salle) est décoré de guirlandes de papier aux couleurs des dieux fêtés ce jour-là. Les assistants sont rangés en deux groupes, composés respectivement d’hommes et de femmes, séparés par une barrière à partir du centre où les adeptes des Orixàs danseront sur la terre battue. Pendant ce temps, les visiteurs de marque sont assis sur des bancs et des chaises à l’intérieur de l’enceinte et les ogans (chefs) sur les fauteuils où leurs noms sont inscrits. La Màe ou le Pàe de Santo est entouré de ses aides et de ses assis (épous/épouses) près des tambours. L’orchestre est composé de trois tambours (abaque)de taille différente qui lancent des appels rythmiques aux diverses divinités. Les tambours (atabaque) sont habillés d’écharpes et placés dans un endroit réservé sur une estrade, au fond de la salle. Ils constituent des instruments sacrés réservés aux initiés. Si l’un d’entre eux venait à tomber au cours du cérémonial, celui-ci est interrompu momentanément. Les tambours saluent l’arrivée des membres importants du clergé qui se courbent au passage devant eux, avant même d’aller saluer le maître ou la maîtresse des lieux et les endroits consacrés aux divinités. Le but de ce rituel est de provoquer la venue des Orixàs, et faire monter la divinité sur le filho ou filha de santo qu’il aura choisi, au moyen de la transe. Celle-ci survient toujours dans le déroulement du rituel, a un moment de la soirée et lorsque commence le shire (la sortie) des Orixàs. Dans le rituel du Candomblé, on dit que le Dieu remonte des entrailles de la terre sur l’initié qui devient son

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 cavalho (cheval). Les fils et les filles de saint vont saluer les tambours et se prosterner aux pieds du Pai ou de la Mae de santo et dansent au son des atabaques (tambours) qui égrènent une trame rythmique propre à chaque Orixà (toqué do orixà), pour honorer chacun des Orixàs. G. Rouget (1979, p.52-57) et G. Lapasse (1976, p. 36-37), ont montré le lien entre la musique et la transe et ont postulé que dans les rites de possession la musique joue un rôle important dans le déclenchement de la transe. Pour l’ensemble des fidèles, ces chants et ces danses sont des façons de saluer les divinités. Pour les fils ou filles de saint, consacrés à un Orixà déterminé, quand le tour d’évoquer ce Dieu arrive, la danse prend un sens plus profond, plus personnel et les rythmes auxquels ils ont été sensibilisés au cours de leur initiation deviennent une sorte d’appel de l’Orixà. Cette séquence provoque en eux, un état d’ivresse et de trouble qui les incite à se comporter comme le faisait le Dieu de son vivant. La transe débute par des hésitations et des faux pas, des frémissements et des mouvements désordonnés des fils et des filles de saint. Quand ces derniers tombent en transe, ils sont immédiatement convertis en cavalo de santo (cheval de saint). Par la suite, tout se passe comme si l’Orixà les prenait comme monture pour les dominer. La musique devient chaude (quente), enthousiaste, passionnée et très expressive et les danses aussi deviennent plus vives. Soudain comme traversés par un vigoureux courant électrique, les fils et les filles de saint tremblent des pieds à la tête, se tordent et tournent en rond. Les muscles de leurs épaules, de leur cou et de leur dos effectuent des mouvements comme des spasmes. Ils montrent des signes évidents de nervosité, transpirent abondamment et exhibent des symptômes de vertige. Malgré cela, ils continuent de danser sans relâche en cercles autour de la salle (barracao). Leurs yeux sont fermés ou juste entrouverts. En passant devant les tambours (atabaque) sacrés, ils s’agenouillent après avoir salué la Mae ou le Pae de santo. Tout cela se déroule sous le son continu des tambours énigmatiques, desquels sort une dense vapeur rythmique qui génère de tumultueuses vagues de tension et qui semblent combler la capacité du barracao (salle). C’est un moment d’attente et de grande transcendance. Durant la transe, la musique arrive au climax. Les sons et les pieds rythmés atteignent leur point culminant. Après les danses violentes, quand les Orixàs les ont montés et possédés, les fils et filles de saint se sentent exténués. Certains sont sur le point de s’évanouir. Ils restent endormis ou en état de semi conscience, alors les ekedi (metteurs en scène), les emmènent doucement au peji (autel). Là, ils sont immédiatement déchaussés, les bijoux retirés, le bas des pantalons est retroussé jusqu’aux mollets pour les fils de saint seulement. C’est là qu’ils reçoivent les habits caractéristiques de leur Orixà. Il existe également différentes couleurs pour chacun d’entre eux. De même, ils reçoivent également leurs armes et leurs objets symboliques. Une fois convenablement revêtus, tous ces Orixàs incarnés, reviennent en groupe : Shango marche en tête et se pavane majestueusement, minaude, Oshossi court et poursuit le gibier. En d’autres termes, quand la personne est en transe, elle se comporte inconsciemment comme l’Orixà, son archétype, ce qui correspond exactement à ce à quoi aspirent ces transcendances psychologiques significatives et de haute liturgie où les Dieux sont présents parmi les mortels. Ainsi, ces dieux si vénérés et énigmatiques sont à portée de main. Le rituel duVodùn/Orisha ou dans le Candomblé/Macumba, se présente en fin de compte comme une

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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 005, juin 2018 communication exclusive avec le surnaturel qui s’inscrit dans la dimension culturelle africaine.

Conclusion L’étude sur la complainte des divinités Vodùn/Orisha dans la diaspora au Brésil et dans les Amériques a montré, à travers une série de rituels, comment le phénomène de captivité et de l’esclavage a contribué à asseoir une culture religieuse propre à la diaspora noire et comment ces rituels constituent de véritables modes de reconstruction d’une identité qui plonge ses racines dans la cosmogonie africaine. Il est ressorti de l’étude que tout le cérémonial fait d’espaces, de danses, de transe, de possession rituelle, de musique sacrée, et de gestes codés, repose sur l’évocation des divinités africaines, les Orixàs. Les cultes qui leurs sont dédiés dans les terreiros mobilisent des personnages clés comme le Pai ou la Mâe de Santo chargés de prendre soin de leur ashé (pouvoir). C’est au cours du processus rituel que les filhas e filhos de Santo sont initiés et dédiés aux Orixàspour expérimenter une nouvelle vie avec les Dieux. En effet, le cérémonial se concentre sur l’évocation et l'apaisement des esprits qui peuvent avoir apporté la maladie ou d'autres problèmes et qui peuvent aussi avoir apporté l’épanouissement, de nouvelles facultés, ou encore d'autres bénédictions à l’initié. De façon plus générale, nous avons pu montrer à travers cette étude que ces peuples issus des matriclans ou des patriclans venant de l’Afrique et qui sont émotionnellement chargés de savoirs patrimoniaux et de civilisations totémiques, ont progressivement modifié leurs cultures de base, leur mode de vie et reconstruit des microsociétés faites de valeurs métissées et de visions nouvelles dans lesquelles dominent des formes de religiosités impliquant à la fois des valeurs ancestrales et des dogmes du catholicisme.

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