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N° 2684 0 e L‘ACTION 58 année du 1er au 14 0 septembre 2005 Prix : 39 (20 F) FRANÇAISE 0 paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris œ Téléphone : 01-40-39-92-06 œ Fax : 01-40-26-31-63 œ Site Internet : www.actionfrancaise.net Tout ce qui est national est nôtre

Notre dossier LE TEXTILE ET LA CHAUSSURE SINISTRÉS 50 ANS APRÈS par Jean-Philippe CHAUVIN Michel FROMENTOUX François LEGER L'INVASION (pages 7 à 11)

L'ESSENTIEL

Pages 2 et 4 POLITIQUE FRANÇAISE CHINOISE – Nouvelle donne pour l'emploi L’éditorial de Pierre PUJO (page 3) par Henri LETIGRE

Pages 5 et 6 POLITIQUE ÉTRANGÈRE – Irak : plus dangereux L'affaire des Corails révèle que le Vietnam par Pascal NARI les carences de la politique des transports – Les chrétiens d'Irak grands oubliés de la guerre ême si le Premier mi- deaux-Toulouse, Nantes-Lyon et tré dès la mi-août qu'ils veulent par Léon CAMUS nistre Dominique de Caen-Le Mans- Tours) sera l'un faire de ce sujet un nouveau ca- – Lettres de Serbie MVillepin a tenté de des sujets polémiques de la ren- sus belli à l'encontre du gouver- par Gérald BEIGBEDER désamorcer la polémique en as- trée. nement. – Anjouan : surant qu'« aucune fermeture Une nouvelle fois, les syndi- Mais au-delà des probléma- rattachisme pas mort de ligne SNCF n'a jamais été cats ne manqueront pas de dé- tiques habituelles du service pu- par Pierre PUJO envisagée », même si la SNCF noncer une "politique régressive" blic et des débats récurrents sur a voulu calmer la grogne des che- qui conduit à affaiblir le "service sa rentabilité, la suppression de Pages 12 et 13 minots en assurant qu'il n'y avait public". Et les usagers, de la certains trains interrégionaux ARTS–LETTRES– « aucune décision définitive » même manière qu'ils voient d'un pose évidemment d'autres ques- et qu'elle « était prête à pour- mauvais Œil la fermeture de bu- tions ayant trait à l'aménagement SPECTACLES suivre les discussions », il y a reaux de Poste, seront sans doute du territoire et à la politique des – Les feux de l'amour fort à parier que le projet de sup- sensibles aux problèmes engen- transports (voir L'Action Fran- pression de plusieurs trains par drés par cette diminution du ser- çaise 2000 du 25 août). à la Cour de France jour sur trois lignes interrégio- vice. D'autant que les présidents Pour la S.N.C.F., il n'était par Michel FROMENTOUX Les trains Corail en sursis nales (QuimperNantes-Bor- de régions socialistes ont mon- d'ailleurs pas question au départ – Journée de lecture : de supprimer ces trains mais sim- libre portrait d'un trublion plement de ne plus supporter par Pierre LAFARGE seule le déficit des lignes inter- – Destins irlandais VIVEMENT LE ROI ! régionales qui représenterait 124 par Anne BERNET millions d'euros par an au total I Avec la rentrée, les "Universités d’été" des À droite, Nicolas Sarkozy, Dominique de Vil- dont 20 millions d'euros pour les Page 14 partis poussent comme des champignons, de- lepin, sans oublier Jacques Chirac, Jean-Marie trois lignes concernées, et c'est évidemment une gestion saine, CHRONIQUE puis les Verts jusqu’au Front National. Il y en a Le Pen étant hors concours, tandis que Fran- de toutes les couleurs politiques. Pour exister, çois Bayrou aboie comme un roquet pour rap- de la part de l'entreprise publique, – Vers le pays de Sapience un parti a besoin de tenir son université au temps peler qu’il faudra compter avec lui. Ainsi va la de ne plus admettre un tel défi- par Jean-Baptiste MORVAN de la saison déclinante. lutte des ambitions pour le pouvoir suprême, cit. Il s'agit donc avant tout d'une question politique et du choix, CULTURE On y répète des lieux communs sur la si- près de deux ans avant l’échéance ! Ah, vive- tuation de la France, mais une seule préoccu- ment le Roi qui nous épargnera cette dérisoire de l'État ou des régions, qui doi- – L'édition pation taraude les dirigeants et leurs écuries : compétition des grands féodaux ! est-elle encore française la préparation de l’élection présidentielle de Au fait, l’Action française a été la première par Henri SURVIRE 2007. Les candidats potentiels avancent leurs à organiser une université d’été en 1953 sous (suite page 2) pions, négocient leurs alliances et tendent des l'appellation Camp . Les Guillaume CHATIZEL Page 16 chausse-trapes à leurs rivaux. partis l’ont ensuite imitée. L’A.F. a tenu son uni- UNIVERSITÉ D’ÉTÉ À gauche, Olivier Besancenot, Marie-Georges versité cette année à Lignières (Cher). On y a Buffet, Laurent Fabius, le vainqueur du réfé- parlé de la France et du Roi, mais on a oublié – Du souverainisme rendum à couteaux tirés avec François Hollande, 2007 ! au nationalisme Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry. A.F. par Pierre PUJO POLITIQUE FRANÇAISE C'ÉTAIT ÉCRIT... L'affaire des Corails révèle les carences de la politique des transports

Suite de la page 1 vent participer au financement roviaire français. Comment l'É- service public et de combattre de ces trains. Évidemment, on tat peut-il prétendre qu'il ne peut les déficits, si l'on ne tombera Paris-Normandie du 15 juillet 2005 a publié cette photo prise ne pourra que donner raison à la pas prendre en charge le déficit pas dans le piège des présidents à Valmont (Seine-Maritilme). Inutile de préciser que fédération C.G.T. des cheminots de 120 millions d'euros des trains de régions socialistes qui veu- lesélecteurs de ce village normand ont majoritairement qui estime que l'on a « d'une interrégionaux ? lent utiliser le Corail à des fins voté non au référendum du 29 mai... certaine façon organisé sciem- Il faut notamment rappeler politiciennes, il faudra bien pour- que l'État a décidé en décembre tant être solidaire de leurs re- dernier d'attribuer 1 milliard d'eu- vendications. Car la France a be- Un candidat royaliste Si la C.G.T. et le P.S. ros aux transporteurs routiers soin d'une politique de transports veulent utiliser dans les Hauts-de-Seine le projet ean-Philippe Chauvin n’est pas un inconnu pour les lecteurs de de suppression L'Action Française 2000 : depuis vingt-cinq ans, il milite active- de trains Corail Jment dans les rangs royalistes, d’abord en Bretagne, sa province à des fins natale, puis en région parisienne depuis 1992. Il participe aussi à la politiciennes, rédaction du journal depuis le début des années 90. Malgré ses nombreuses obligations professionnelles (il est pro- leur revendication fesseur dans un grand lycée d’Ile-de-France), il n’hésite pas à "mouiller en faveur la chemise", encore une fois, en se présentant à l’élection législative des liaisons partielle dans la 13e circonscription des Hauts-de-Seine, fief de Pa- trick Devedjian, ancien ministre de l’Industrie et lieutenant de Nico- interrégionales las Sarkozy. Il est accompagné dans cette entreprise par Olivier Fran- est cependant çois, lui-même originaire de la circonscription. légitime. Les royalistes d’A.F. ne se font guère d’illusions sur les élections, mais ils saisissent chaque occasion de faire connaître à un vaste pu- blic les idées monarchistes. Cette élection, dont le premier tour aura ment les conditions d'une lieu le dimanche 25 septembre, concerne près de 80.000 électeurs ré- désaffection progressive de ces partis sur les communes de Bourg-la-Reine, Sceaux, Châtenay-Mala- lignes en ne modernisant pas bry et Antony. les infrastructures, en utilisant Jean-Philippe Chauvin profite de cette occasion électorale pour du matériel roulant souvent soulever le problème institutionnel et dénoncer la "présidentielle per- défectueux, en n'offrant pas La desserte des régions menacée manente" qui agite le monde politicien depuis déjà une bonne année et va continuer de l’agiter jusqu’à 2007. Il rappelle qu’une monarchie des horaires adaptés aux be- héréditaire permettrait de préserver la magistrature suprême de l’É- soins, ni une politique tarifaire pour compenser la hausse du ga- ambitieuse qui doit peu à peu re- tat des "convoiteurs" et des groupes de pression partisans ou éco- attractive, en n'organisant pas soil, preuve qu'il continue à dé- noncer au "tout routier" pour dé- nomiques. les correspondances utiles aux velopper une stratégie du "tout velopper des solutions d'avenir, N’hésitez-pas à le soutenir dans cette bataille et à parcourir son déplacements des voyageurs ». routier" et accorde aux camions plus économiques, plus respec- blog : www.u-blog.net/jpchauvin. dix fois plus que ce qu'il refuse tueuses de l'environnement, plus I au train. Car il n'y a pas que le rapides et plus sûres. Le bon exemple transport des voyageurs qui des T.E.R. souffre d'un désengagement de Guillaume CHATIZEL l'État. Alors que les politiques A contrario, la politique me- plaident tous, notamment au nom Limitation de vitesse née depuis 1998 avec les régions de l'environnement, pour le dé- pour le développement des trains veloppement du fret ferroviaire express régionaux a montré qu'il et du transport intermodal, le fret était possible de redynamiser des ferroviaire a baissé de 27 % entre lignes que l'on croyait vouées à 1980 et aujourd'hui... l'abandon. Ainsi, en augmentant Il est pourtant possible, et né- 10, rue Croix-des-Petits-Champs, le nombre de liaisons de seule- cessaire à long terme, de freiner 75001 Paris ment 16,6 %, les sept régions l'accroissement du transport rou- Tél. : 01-40-39-92-06 • Fax : 01-40-26-31-63 ayant expérimenté la décentrali- tier au profit du ferroviaire. I.S.S.N. 1166-3286 sation ferroviaire ont réussi à • Directeur : Pierre Pujo faire progresser le trafic voya- • Secrétaire de rédaction : geurs de 21,6 % entre 1996 et Une question Michel Fromentoux 2000 et les recettes des T.E.R. d'aménagement • Politique : Georges Ferrière, de 20,7 %. C'est évidemment le du territoire Yves Lenormand résultat d'une politique de proxi- • Politique étrangère : Pascal Nari mité qui a permis d'acquérir de Mais c'est également la poli- • Chronique militaire : Bernard Guillerez • Économie : Henri Letigre, nouveaux trains, de développer tique d'aménagement du terri- Serge Marceau. la communication et la publicité toire qui est en cause dans ce • Enseignement, famille : et de proposer les offres les plus dossier. l'évidence, si les pré- Michel Fromentoux, chef de rubrique adaptées aux besoins des voya- sidents de région socialistes ten- • Sciences et société : Guillaume Écône-Rome un climat nouveau geurs. Et dans un contexte de tent d'orchestrer au mieux cette Chatizel, hausse du pétrole et d'augmen- affaire à des fins politiques, il • Outre-mer : Pierre Pujo Ce lundi 29 août, à Castel Gandolfo, le pape Benoît XVI a reçu • Médecine : Jean-Pierre Dickès Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X. tation des différents désagré- n'en demeure pas moins que c'est ments de l'automobile, il ne faut une nouvelle fois sans concerta- • Livres : René Pillorget, Anne Bernet, La rencontre s'est déroulée « dans un climat d'amour pour l'Église et Pierre Lafarge, Philippe Aleyrac, de désir d'arriver à la parfaite communion » a déclaré M. Navarro Valls, pas sous-estimer les bienfaits tion avec les régions que "Paris" Romaric d’Amico directeur de la salle de presse du Saint-Siège, qui a ajouté : « Bien d'une telle politique. décide de supprimer des liaisons. • Arts-lettres-spectacles : Léon Camus, que conscients des difficultés, la volonté de procéder par étapes et dans Comme pour les T.E.R., il Surtout, alors que tout a été misé Renaud Dourges, Monique Beaumont des temps raisonnables a été manifestée ». doit donc être possible de déve- dans le développement de T.G.V. • Cinéma : Alain Waelkens De son côté Mgr Fellay a dit que la rencontre s'est déroulée lopper une politique ambitieuse au départ de Paris, le réseau se- • Combat des idées : Pierre Carvin, « dans un climat serein », qu'elle « a été l'occasion pour la Fraternité pour dynamiser les liaisons trans- condaire qui relie entre elles les Jean-Philippe Chauvin de manifester qu'elle a toujours été – et qu'elle le sera toujours – atta- versales interrégionales. grandes villes du pays a large- • Art de vivre : Pierre Chaumeil chée au Saint-Siège, la Rome éternelle [...] Nous avons abordé les dif- Mais au nom de sa politique ment été abandonné, au risque • Chroniques : Jean-Baptiste Morvan, François Leger ficultés sérieuses déjà connues dans un esprit de grand amour de l'É- de transports autant que de l'amé- d'accentuer un peu plus les désé- • Maquettiste : Grégoire Dubost glise ». Reste à prier pour que le pape trouve « la force de mettre nagement du territoire, c'est sur- quilibres de la carte de France. fin à la crise de l'Églse en restaurant toutes choses dans le Christ ». • Photos : François Tabary tout à l'État de dire clairement Si l'on ne rentrera pas dans Dieu seul en effet aura le dernier mot. Abonnements, publicité, promotion : M.F. s'il souhaite développer, ou au le jeu de la C.G.T. qui rejette contraire détruire, le réseau fer- l'idée même de rentabiliser le Monique Lainé

2 L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 SIGNES ÉDITORIAL DES TEMPS Économie Jacques Chirac n'a décidément pas beaucoup de chance avec ses mi- nistres de l'Économie et des Finances L'INVASION CHINOISE : il a en a eu 9 en 10 ans et 5 d'entre eux ont démissionné.... Thierry Bre- ton sera-t-il à son tour emporté dans le tourbillon des affaires ? Déjà cité u début du mois de mai une nouvelle millions en 2004. Les différences entre les sa- dans l'affaire Rhodia pour avoir parti- éclata comme un coup de tonnerre dans laires sont de 1 à 33 ! Deux sociétés impor- cipé à un comité d'audit soupçonné les milieux économiques : depuis la li- tantes spécialisées dans la chaussure de luxe à d'avoir manipulé et présenté avanta- A geusement les comptes du groupe chi- bération des importations textiles chinoises en Romans (Drôme) viennent de déposer leur bi- Europe, en janvier 2005, elles avaient bondi lan et sont sur le point de fermer leurs portes, mique et dans l'affaire Vivendi Uni- versal comme dirigeant de Thomson dans des proportions considérables, allant jus- mettant plusieurs centaines de salariés eu chô- Multimédia qui avait racheté Canal+ qu‘à 534 % pour les chandails de janvier 2004 mage. technologies pour le revendre presque à janvier 2005. Trois ministres, dont Jean-Louis Borloo, se le double quinze mois plus tard, Thierry Le gouvernement français s‘alarma : on sont précipités à Romans le 25 août pour Breton, ancien président de France était à quelques semaines du référendum sur éteindre l‘incendie. Mais des ministres ont Télécom, est en première ligne dans la Constitution européenne, et cette nouvelle moins d‘efficacité que des canadairs... Selon l'affaire de l'éventuelle entente illégale apportait du renfort aux partisans du non en la Tribune, « ils ont annoncé la tenue d‘un entre les opérateurs de téléphonie mo- montrant que "l‘Europe" ne protégeait en rien comité interministériel de l‘aménagement bile. Et pendant que continue la valse les industries françaises et favorisait le déve- PAR du territoire (C.I.A.T.) début octobre, pré- à Bercy, les Français contemplent les loppement du libre-échange y compris avec paré par le préfet de la Drôme et les élus lo- clignotants de l'économie qui passent des pays où la main d‘Œuvre reçoit des sa- PIERRE PUJO caux. Il visera à la réindustrialisation de la tous au rouge... laires de misère. Soutenus par d‘autres gou- communauté d‘agglomérations à Romans vernements, nos dirigeants demandèrent à la (16,7 % de chômage), capitale de la chaus- Liste grise Commission de Bruxelles de négocier avec la der ce qui reste de leur industrie textile. On sure française, et à y faciliter des entre- À quel puissant lobby le ministre Chine le rétablissement de quotas textiles, les- peut y ajouter la Tunisie et le Maroc qui souf- prises ». Évidemment au moment où le Pre- des Transports Dominique Perben a- quels firent l‘objet d‘un accord le 10 juin. frent aussi du "dumping" chinois. Cette divi- mier ministre fait de l‘emploi sa priorité, il est t-il obéi en publiant sa fameuse "liste sion atteste qu‘il n‘existe pas de communauté fâcheux de découvrir qu‘un secteur entier d‘ac- noire" des compagnies aériennes peu d‘intérêts sur cette question entre les membres tivité est sinistré. Les promesses des trois mi- recommandables ? Au lieu de publier, Démantèlement de l‘Union européenne. Le ministre français nistres n‘en sont pas moins vagues. La dispa- comme le souhaitaient les usagers, la liste des compagnies ayant régulière- des quotas ? du Commerce extérieur, Christine Lagarde, a rition de la chaussure française, avec celle du ment des problèmes lors des contrôles proclamé qu‘elle serait « très ferme sur les textile, devra être mise au passif d‘une ouver- de sécurité, il a publié uniquement la Or, récemment, on apprenait que ces quo- principes de l‘accord négocié en juin ». Cela ture des frontières et d‘une politique d‘inté- liste de celles qui sont interdites en tas, qui, pourtant, permettaient une très forte demande à être confirmé par des actes. Le gou- gration européenne indifférente au maintien France. Information inutile puisqu'elles augmentation des pièces importées par rapport vernement français est-il disposé à ouvrir une des industries nationales. sont interdites ! Et la compagnie turque à 2004, étaient atteints et que des millions de crise interne à l‘Union européenne et à désa- Fly Air, qui par deux fois en quatre chandails, de pantalons, de soutien-gorge, de vouer le commissaire Mandelson, en charge jours n'a pas pu faire décoller ses "tee-shirts" étaient bloqués dans des contai- du Commerce extérieur, s‘il cède aux Chinois ? Les producteurs avions pour des raisons de sécurité, neurs sur les quais des ports européens, ne On n‘ose s‘avancer... d’abord ! ne figure même pas sur cette liste. De pouvant être dédouanés. Les grandes entre- Les sociétés d‘import soutiennent que les qui se moque-t-on ? prises d‘import textile exerçaient une pression vêtements en souffrance dans les ports ont été Les adeptes du libre-échange invoquent sur les gouvernements et la Commission de commandés au début de l‘année avant le réta- comme toujours les intérêts des consomma- Irak Bruxelles pour obtenir le déblocage des mar- blissement des quotas. Ce serait à vérifier. Ne teurs à qui des importations de pays d'extrême- La future constitution irakienne ne chandises. Elles allaient jusqu‘à répandre le considérant que les gros profits à réaliser, elles orient permettent de procurer des prix bas. Ne se contente pas de proclamer que bruit que les Européens grelotteraient cet hi- ont accru leurs commandes en vue de la libé- conviendrait-il pas de s‘occuper d‘abord des « l'islam [est la] source principale ver faute de vêtements ! ration des échanges. Quant à nos gouvernants, producteurs, c‘est-à-dire des emplois qui per- de la législation ». Elle abolit aussi Ces entreprises sont puissantes. Elles ont ils ont imprudemment accepté l‘ouverture des mettent aux travailleurs de faire vivre leur fa- le code familial en vigueur depuis 1958 obtenu de la Commission qu‘elle envoie des frontières et tardé à réagir au déferlement des mille ? Il est passablement hypocrite de par- et rétablit la loi religieuse, la charia, messagers à Pékin pour négocier un nouvel productions chinoises à partir de janvier 2005. ler des prix bas offerts aux consommateurs pour régir les questions de mariage et d'hérédité. Autant dire que si les Amé- aménagement des quotas et supplier les Chi- Ils ont abandonné la gestion du commerce ex- quand on sait qu‘ils reposent sur l‘exploitation ricains prétendent avoir libéré les Ira- nois d‘accroître leurs exportations vers l‘Eu- térieur à la Commission européenne, sans se de millions de salariés. kiens, ils pourront difficilement dire rope... Peu glorieux... Les Chinois, se sentant préoccuper du sort des travailleurs de chez Naguère, il existait une préférence com- qu'ils ont libéré les Irakiennes... en position de force, ont fait lanterner les re- nous. munautaire. Elle était prévue dans le Traité de présentants de la Commission et, évidemment, M. Peter Mandelson annonce déjà le dé- Rome de 1957. Elle a été abandonnée sous la Gaza posé leurs conditions à la fixation de nouveaux blocage des marchandises. On peut craindre pression des pays libéraux. Les industries eu- Nous avons déjà écrit que le re- quotas. Ils refusent que les marchandises blo- qu‘il ne prépare avec les Chinois un démantè- ropéennes ne sont plus protégées. trait des colons juifs de Gaza ne ré- quées dans les ports soient imputées aux quo- lement des quotas. C‘en sera alors fini de l‘in- On peut établir une comparaison avec les soudra aucun problème puisque Sha- tas de 2006 et réclament un élargissement des dustrie du textile et de l‘habillement en France États-Unis qui doivent affronter eux aussi la ron estime que le retrait de 8 000 co- quotas de 2005. Après plusieurs jours de dis- et dans les pays du Sud. concurrence chinoise. L‘industrie textile a perdu lons l'autorise à en maintenir 250 000 cussion la délégation de la Commission est chez eux 390.000 emplois, soit 37 % de ses en Cisjordanie. Mais cette évacuation rentrée à Bruxelles sans qu'aucun axxord n'ait effectifs depuis janvier 2001. Mais les Améri- a au moins une vertu : puisqu'il n'y a été conclu. Agitations cains sont résolus à défendre leur industrie tex- pas de petit profit, Israël a demandé Les difficultés viennent des désaccords ministérielles tile et à rétablir pour cela les barrières néces- à son allié américain de l'aider à relo- entre les États européens. Les pays du Nord saires. Il ne faut pas s‘y attendre en Europe, ger les 8 000 colons et obtenu une en- (Allemagne, Pays-Bas, Suède, Danemark) ac- Le dépérissement de notre industrie de la laquelle est de plus en plus, un espace ouvert veloppe de 2 milliards de dollars, en cepteraient volontiers les conditions des Chi- chaussure préfigure le sort du textile et de l‘ha- à tous les vents. Mais les États-Unis sont une plus des 3 milliards de dollars que les nois car ils n‘ont pas chez eux d‘industrie tex- billement. Il n‘existe pas de quotas pour les nation dirigée par une volonté politique. On États-Unis accordent chaque année à tile importante. En face, les pays du Sud importations chinoises en France qui sont pas- ne peut en dire autant du magma européen. Israël au titre de l'aide militaire.. (France, Espagne, Italie) souhaitent sauvegar- sées de 83 millions de paires en 1994 à 127 I .Guillaume CHATIZEL

NOTRE SOUSCRIPTION POUR L’A.F. Pierre PUJO Pour une rentrée active L'AUTRE RÉSISTANCE I Depuis quelques mois, les abon- soin d'une aide financière que nous l'A.F. Encore faut-il que le journal nements à L'Action Française 2000 avons chiffrée pour l'année à qui est le pilier central de toute l'Ac- * 114 pages. Éd. Godefroy de nous parviennent plus nombreux. 60.000 euros. Nous n'en avons re- tion française ait les moyens de Bouillon. L'exemplaire : 15 eu- Cela est encourageant. Notre cam- cueilli que le tiers jusqu'à présent. vivre. Merci d'avance. ros (franco 18 euros). Com- mandes à nos bureaux, L'Ac- pagne pour le Non au référendum C'est pourquoi nous sollicitons P.P. tion Française 2000, 10 rue du 29 mai y est sans doute pour votre générosité avec insistance. Croix-des-Petits-champs, 75001 quelque chose. Une nouvelle génération de militants N.B. – Prière d'adresser les verse- Paris. Ces nouveaux abonnements ne vient de participer à notre univer- ments à Mme Geneviève Castelluc- suffisent cependant pas pour équi- sité d'été et prépare une rentrée ac- cio, L'A.F. 2000, 10 rue Croix-des- librer notre budget. Nous avons be- tive. C'est un signe de vitalité de Petits-Champs, 75001 Paris.

L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 3 POLITIQUE FRANÇAISE Nouvelle donne Une histoire du Garde-meuble pour l'emploi de la Couronne

es premiers jours du mois par des importations mondiales . Stéphane par Pour la pre- de septembre se caracté- Henri LETIGRE n’offre pas non plus une possi- Castelluc- René PILLORGET mière fois, les col- Lrisent, cette année, par la bilité de compensation intérieure Mcio, ancien lections royales fu- mise en place d’un nouveau à notre secteur industriel, comme élève de l'École du Louvre, pré- rent présentées dans de grandes contrat de travail destiné à ré- vants, etc. Cette vision idyllique l’illustre la faillite de nos plus sente, en un livre fort intéressant, salles d'exposition, ouvertes cer- duire le chômage qui ronge la correspond parfaitement aux en- grands fabricants de chaussures. les résultats de longues recherches tains jours au public. Désormais société française. Dominique de jeux d’une “économie de l’offre”. Le C.N.E. risque de se re- dans les Archives : une histoire du l'intérêt d'un objet ne résidait « pas Villepin, lors de sa prise de fonc- Elle est donc très dogmatique. tourner contre l’objectif qui vient mobilier des rois de France et de seulement dans sa rareté ou tion dépourvue de tout “état de Le circuit économique est beau- de lui être assigné. Au lieu de l'administration de celui-ci. dans la richesse de sa nature, grâce”, s’est donné cent jours coup plus complexe. servir à créer des emplois très Jusqu'à la fin du XVIé siècle, la mais également dans son his- pour redresser notre nation, qui souples, puisqu’il permet de se responsabilité des meubles, de la toire propre, comme témoin d'un en a fortement besoin. L’emploi séparer, sans conséquences fi- vaisselle et des objets d'art placés événement ou d'un personnage Difficultés nancières pour l’entreprise, du dans les appartements royaux in- important de l'histoire de la mo- L'économie d'exportation bénéficiaire du contrat pendant combait au "valet de chambre et narchie. La notion de patrimoine française, les deux premières années de garde des chambres et tappis du historique... apparaissait » (page Pour reprendre un thème cher ce drôle de C.D.I. (Contrat à Du- Roy". C'était un homme de 191-193). Conséquence des « an- ses entreprises, aux tenants d’un certain libéra- rée Indéterminée), il servira à se confiance qui le rencontrait quoti- nées noires 1789-1799 », une par- ses salariés et lisme, le marché est composé de séparer des derniers embauchés. diennement, connaissait ses goûts, tie du mobilier royal fut vendue – ses consommateurs deux forces qui se confrontent, et pouvait faire exécuter rapide- et une autre, heureusement, trans- er ont plus l’offre et… la demande ! Le grand Flexibilité... ment ses ordres. Puis François I férée au Louvre. besoin art d’une politique économique fit de l'hôtel de Bourbon – confis- d'une grande digne de ce nom, c’est de favo- de la qué après la félonie du conné- riser l’équilibre entre ces deux consommation table – le "garde-meuble royal". Sa perspective pôles. Sans demande, l’offre s’ef- taille permettait, en effet, non seu- nationale fondre. Le CNE comporte un autre lement d'y entreposer des tables, que de risque. La flexibilité, comme nous des lits et des armoires, mais aussi flexibilité. venons de le voir, est construite d'y étendre de grandes tentures de par rapport au seul intérêt des tapisserie ; d'autre part, sa proxi- entreprises. Quel avantage pour mité du Louvre facilitait le service. constitue toujours le premier le salarié ? Mis à part la pers- En 1536 fut établi un « inven- souci de la majeure partie du pective d’un recrutement et peut- taire des meubles, bagues, peuple français. Une des causes être d’un emploi pérenne, il n’y joyaux et autres biens » se trou- du manque de propositions de pas beaucoup d’autres atouts. vant « en garde ès mains... du travail en France est l’absence Le salarié, pour devenir un valet de chambre du Roi », tant de flexibilité de notre marché de consommateur actif, moteur fon- à Paris qu'à Fontainebleau. Il fut l’emploi. Le “Contrat de Nouvelle damental du système capitaliste tenu avec soin. Henri IV créa une Un meuble présenté à la reine Embauche” (C.N.E.) répondrait a besoin d’un maximum de... sta- administration du "garde-meuble par M. de Fontanieu à ce handicap, pour favoriser la bilité ! de la Couronne" dont le premier création d’emplois. Lorsqu’il est soumis à une intendant, nommé le 28 novembre L'œuvre de la monarchie, dans Le contrat de nouvelle embauche La réalité est peut-être plus pourrait précariser l’emploi et flexibilité de son emploi et de ses 1604, fut Étienne de la Font, sei- ce domaine comme dans d'autres, complexe. La flexibilité est consi- fragiliser la demande. revenus, sa consommation est gneur de la Motte, « un fidèle ser- apparaît prodigieusement féconde. dérée par les économistes libé- elle aussi soumise à la même viteur qui conserva des liens pri- De nos jours, et depuis plus de raux comme le fondement de la flexibilité. Les entreprises ne peu- vilégiés avec le souverain, trois siècles, le garde-meuble royal réussite économique. Au niveau Les difficultés pour exporter vent plus programmer leur pro- comme un accès direct à sa per- devenu Mobilier national, conserve, de la création d’emploi, elle que rencontrent nos entreprises, duction, elles réduisent leurs ef- sonne ». répare et entretient environ 200.000 consiste à adapter le nombre à la suite de la perte de compé- fectifs, augmentent le chômage. Vint le temps de la "monarchie objets mobiliers destinés à l'ameu- d’employés au carnet de com- titivité consécutive à la cherté de Le cercle vertueux de la flexibi- administrative". Louis XIV mani- blement du Palais de l'Élysée, et mandes de chaque entreprise. l’euro, nécessitent un “réajuste- lité de l’offre se transforme en festa un grand intérêt pour la des autres résidences présiden- L’idéal serait de faire varier les ment de l’offre” et donc une ré- cercle vicieux de la crainte de conservation des archives de cet tielles, de l'hôtel Matignon, des mi- effectifs en fonction de ses be- duction des effectifs jugés plé- l’avenir. La course à la consom- organisme dont M. Castelluccio nistères, des ambassades et des soins quotidiens. En pratique, un thoriques. Le mirage du marché mation se transforme en épargne présente le fonctionnement avec grands corps de l'État. Sept ate- recrutement au jour le jour per- unique et de sa monnaie du de précaution. clarté : liens inaliénables, objets liers assurent la restauration des mettrait une flexibilité optimale. même nom, en “nous donnant” Comme nous venons de le d'art, domaine casuel et domaine éléments les plus prestigieux des Plus de charges de personnel une clientèle de proximité, s’est constater, si le C.N.E. est réservé fixe, critères retenus pour les collections et contrôlent les opé- inutile, une réponse adaptée im- dissipé. La crise que traversent aux P.M.E. de moins de vingt sa- ventes d'objets usés ou démodés. rations confiées à des artisans spé- médiatement aux demandes des nos principaux partenaires, Alle- lariés, les seules véritables créa- Les achats de meubles neufs et le cialisés. L'administration générale clients, une pression maximale magne, Italie, Bénélux, etc., ne trices d’emploi en 2005, s’il ré- renouvellement de la vaisselle en- du Mobilier national englobe en sur les employés qui seraient nous permet plus de livrer une pond aux attentes de ces entre- tretenaient le dynamisme et l'es- outre la Manufacture de Tapisse- obligés d’être le plus zélés pos- grande partie de notre savoir- prises qui souffrent d’une prit créateur des artisans parisiens. rie des Gobelins, celle de Beau- sible pour espérer la reconduc- faire productif. L’ouverture de concurrence mondialisée de tous vais, celle des tapis de la Savon- tion de leur contrat les jours sui- notre propre marché aux vents les instants, il ne peut pas, à lui nerie – dont les ateliers sont situés seul, offrir une solution aux pro- De remarquables à Paris et à Lodève – ainsi que les blèmes de la création d’emplois administrateurs centres nationaux de dentelle du déjà fortement précarisée. Puy et d'Alençon. NOTE L’économie française, ses en- L'étude de la charge d'inten- Tous ces lieux méritent une vi- treprises, ses salariés et ses dant général est passionnante. Elle site. DE LECTURE consommateurs ont en fait da- révèle de remarquables adminis- I vantage besoin d’une grande trateurs. Ainsi Gédéon Berbier du Jack Lang : perspective nationale que de Mets dont une rue de Paris porte * Stéphane Castelluccio : Le Garde- flexibilité. La politique écono- aujourd'hui le nom, un homme in- meuble de la Couronne et ses in- UN NOUVEAU RÉGIME mique qui, depuis trente ans, tègre, cultivé, à la fois bibliophile tendants du XVIe au XVIIIe siècle. Édi- s’est contentée de fournir un mar- et amateur de peinture. Ainsi, les tions du Comité des travaux histo- POUR LA FRANCE ché européen n’a abouti qu’a une Fontanieu : Gaspart-Moïse-Au- riques et scientifiques, 1 rue suite de crises. Plus un marché guste, qui s'adressa à l'ébéniste Descartes, 75005 Paris. I Le régime actuel est dépassé. Il faut le repenser et le reconstruire, s’agrandit, plus il devient instable. Œben pour la réalisation du cé- donc changer « la camisole constitutionnelle », disposer d’un « Par- Plus il est instable, plus il a be- lèbre secrétaire à cylindre de G Adresses utiles : lement pleinement souverain », moderniser le pouvoir juridictionnel. soin de flexibilité pour tous ses Louis XV ; Pierre-Éllisabeth qui dé- – Mobilier national, 1 rue Berbier de La Ve a « perdu son âme ». Doit-on conserver le bicamérisme ? En acteurs. Les risques de préca- couvrit Riesner et fit aménager le Mets, 75013 Paris. Tél. 01.44.08.52.00 bref, le mirobolant Jack entend changer la République, la politique, la rité sont plus grands et les cercle nouveau bâtiment du garde- – Manufacture des Gobelins, de société, la vie... Michel JANVIER vicieux plus probables lorsque le meuble, édifié par Gabriel, et de- Beauvais et de la Savonnerie, 42, moindre marché local de l’es- venu par la suite le ministère de la avenue des Gobelins, 75013 Paris. * Éd. Odile Jacob. 235 pages. 17,90 euros. pace unique se retourne ! Marine, sur la place de la (Pour les visites, appeler le I Concorde... 01.44.54.19.33)

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IRAK Les chrétiens d'Irak, « Plus dangereux grands oubliés que le Vietnam » de la guerre

e jugement sur la situation par posée de chrétiens, Arabes, es mosquées par s’enfoncent chaque actuelle en Irak est de... Pascal NARI Kurdes, Turkmènes, Yezedites.... sont frappées Léon CAMUS jour d’avantage. CHenry Kissinger. Il reflète, Inextricable. Lcomme l’ont été Un état des lieux malheureusement, la réalité. – les Américains, soutenus par des Églises. Chiites, sunnites et chré- des plus élémentaire et de sinistre Plus le temps passe, et donc des efforts de la coalition pour ins- les chi’ites et les Kurdes voudraient tiens sont victimes à parts égales. augure qui vient contredire la "bonne l’occupation militaire sanglante de taurer la démocratie modèle en inscrire la "débaasification" dans La guerre avec ses outrances ne fait nouvelle" que sa Béatitude Emma- ce malheureux pays, plus les pers- Irak. C’est raté. la loi fondamentale. Les sunnites guère de discrimination. La frontière nuel Delly, patriarche chaldéen, était pectives deviennent sombres et L’assemblée élue pour élabo- et la résistance n’en veulent pas. est d’ailleurs indiscernable entre les venu récemment délivrer à Jacques l’issue imprévisible. rer une constitution – fabriquée par À ces trois problèmes fonda- Chirac : « Les chrétiens d’Irak la coalition, disent ses détracteurs mentaux s’ajoute un quatrième, On parle n’ont jamais été aussi pros- Rarement avec une certaine exagération – plus formel : la répartition des pou- trop rarement pères » ! Que les chrétiens d’Irak dans l'histoire n’a pas réussi à la voter. voirs entre le président de la Ré- des communautés qui comptent beaucoup de fervents une opération publique, le Premier ministre et le nationalistes aspirent aujourd’hui à président de l’Assemblée qui de- chrétiennes d'Irak. la paix et à la liberté, nul n’en doute. politico-militaire Aucun accord vraient, selon le modèle libanais, Qui aujourd'hui Nombreux sont ceux qui pensent au menée possible appartenir chacun à une des com- peut dire sein des chrétientés d’Irak que leurs par une grande posantes de la "nation"... que la guerre civile communautés ont manqué plusieurs puissance Quatre obstacles sont visible- sévissant en Irak occasions de servir de passerelles aura été ment infranchissables : Impasse opère des entre le monde arabe et l’. si désastreuse. – le caractère islamique de la Chance qui peut se retrouver si l’Irak constitution. Les kurdes et les sun- totale discriminations parvient à se stabiliser à temps. Mais nites n’en veulent pas ou presque. communautaires ? les chances s’amenuisent avec les Entre 15 et 30 morts par jour Les Américains qui avaient long- Au moment où nous écrivons, Point sur mois et la guerre pourrait se pro- par suite des affrontements entre temps brandi l’étendard de la laï- l’impasse est totale. Que faire ? la situation longer des années. Jusqu’à vingt les forces de la "coalition", qui sera cité, tout en renforçant les clans Sur le plan de la sécurité et de des chrétiens ans, vient d’estimer le secrétaire d’É- réduite bientôt aux Américains et chi’ites islamistes, souhaiteraient la remise en marche du pays, tat Rumsfeld… Britanniques et la résistance, une que la dominante islamique de la quelques irréductibles souhaite- dans la spirale guerre qui s’intensifie, un pays qui loi fondamentale soit relativement raient aux États-Unis un renforce- du chaos irakien. s’enfonce dans le chaos total – à discrète. Juste pour sauver la face. ment de la présence militaire amé- Ni misérabilisme peine deux heures d'électricité par La majorité chi’ite, ou ses diri- ricaine. Il faudrait 500.000 hommes. actions relevant d’une politique de ni optimisme jour –, les rues plongées dans l’obs- geants, l’exigent. Aucun accord ne Impossible. Le mouvement résistance à l’occupant et le terro- curité le soir, le manque de tout semble possible. contre la guerre se développe aux risme pur dont il est toujours difficile Certes les chrétiens d’Irak en États-Unis, le Congrès ne l’ad- de situer l’origine exacte. Beaucoup majorité catholiques ne sont pas plus mettrait pas. En outre, pour en- d’experts vont d’ailleurs jusqu’à pen- mal lotis que l’irakien musulman voyer des centaines de milliers de ser qu’aussi bien les islamo-natio- moyen a contrario du message que nouveaux soldats en Irak il faudrait nalistes que les internationalistes du certains articles catastrophistes es- rétablir le service militaire obliga- Djihad ont tout intérêt au choc fron- saient de faire passer. Chrétiens et toire. Ce serait la révolte ! Inima- tal pour radicaliser les communau- musulmans sont logés à la même ginable. tés et les faire basculer dans leur enseigne, vivent dans la même peur, Le président Bush, après avoir camp. Cela est également vrai des souffrent des mêmes maux et des amorcé le retrait progressif des factions ultra qui au sein de la coa- mêmes privations. Comparativement troupes, a décidé d’envoyer un lition ou dans les think tanks de Wa- cependant – c’est là l’un des contingent supplémentaire de 2.000 shington ne verraient pas d’un mau- moindres paradoxes de cette hommes sur le "front" ! vais œil une accélération du pro- guerre – ils regrettent majoritaire- Sur le plan politique, on devrait procéder théoriquement à de nou- velles élections. Le climat s’y prête mal et cela pourrait aggraver les divergences politiques. La vietnamisation tant redou- tée, la "débandade à la vietna- Manifestation contre la constitution irakienne mienne" comme dit Kissinger, ou- bliant qu’il en fut un des principaux pour l’immense majorité de la po- – le fédéralisme. Les kurdes le responsables, est déjà là. pulation, même la distribution d’eau défendent. Ils veulent inscrire dans Les Américains pourraient par- est quasi inexistante, les services la constitution ce qui est déjà ac- tir tout en assurant la protection de publics en anarchie. À l’exception quis pour eux depuis la fin de la la région kurde pétrolière, livrant de la région kurde, sauf Kirkouk la première guerre du Golfe, le rendre le reste du pays à une guerre san- capitale pétrolière, l’Irak a cessé irréversible. Les sunnites y sont glante entre les sunnites encadrés Dans une église chrétienne chaldéenne à Bagdad d’exister en tant que pays orga- fondamentalement opposés. C’est par le Baas toujours présent, et un nisé. une tradition chez eux. Les chi’ites pouvoir islamiste néo-taliban, ma- cessus de décomposition de l’Irak, ment le régime du Baas où ils oc- Beau bilan pour Washington et que l’on croyait acquis à un fédé- nipulé par les ayathollahs de Té- quitte à en passer par un épisode cupaient des places de choix. Le so- la "démocratie" instaurée par les ralisme "modéré" sont divisés sur héran, qui contrôlerait les chi’ites. violent de guerre civile. Analyse dé- cialisme patriotique du Baas a en occupants. le sujet. Leurs divisions éclatent Rarement dans l’histoire une veloppée à Washington par quelques effet longtemps, tout comme le parti désormais au grand jour et se ma- opération politico-militaire menée idéocrates d’America for a New Cen- communiste, été une idéologie nifestent à coup de bombes ! Le par une grande puissance aura été tury qui sont partisans du « chaos d’émancipation pour des commu- Constitution grand ayatollah Sistani n’est jus- si désastreuse. positif » d’où est censé émerger le nautés qui avaient fait l’objet en Irak reportée qu’à présent pas parvenu à régler Les voeux pieux du professeur nouvel ordre démocratique libéra- de durs massacres entre les deux sine die les querelles intrachi’ites. Téhéran, Kissinger qui appelle à l’interna- teur de peuples ! guerres mondiales. qui aimerait bien créer des diffi- tionalisation de la solution, à la for- Le terrorisme dans bien des cas Parler aujourd’hui des chrétiens Washington avait mis tout son cultés à Washington, attise le feu. mation des cadres irakiens et à semble ainsi participer d’une stra- d’Irak invite par conséquent à éviter espoir dans l’adoption d’une nou- Cela détournerait l’attention de son l’amélioration du renseignement tégie de la tension visant à exacer- les deux écueils que sont d’un côté velle constitution "presque" fédé- programme militaire nucléaire. sur le terrain, feraient hurler de rire ber les rivalités communautaires pour un misérabilisme qui ne fait qu’exa- rale, discrètement islamique et de Cette querelle du fédéralisme est si un pays entier n’était pas à feu mieux susciter l’anarchie salvatrice. cerber ici l’image réductrice d’un Is- façade démocratique pour trouver également pétrolière. À qui iraient et à sang. Nul n’en a la preuve formelle, mais lam fanatique, de l’autre un opti- une porte de sortie politique. Le les recettes pétrolières ? Les sun- Conclusion pessimiste. On ai- les attentats contre les lieux de culte, misme de mauvais aloi, non crédible président George W. Bush ne ces- nites n’en ont guère dans leur ré- merait tellement qu’il y ait des rai- églises ou mosquées, pourraient évi- et qui dessert les intérêts immédiats sait ces derniers temps de l’an- gion. Kirkouk, capitale économique sons pour un peu d’optimisme. demment s’inscrire dans un tel pro- et futurs des Chaldéens. noncer comme une sorte d’apo- de la région kurde, est une ville jet, lequel permettrait aux coalisés Par ailleurs deux lourdes théose de sa politique, le résultat non kurde. Elle est irakienne, com- I de sortir de l’impasse militaire où ils hypothèques pèsent sur leur

L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 5 POLITIQUE ÉTRANGÈRE

devenir : la dépopulation et le soupçon grandissant de com- plicité plus ou moins active avec l’oc- cupant. Soupçon récurrent depuis les Croisades, mais qui resurgit Lettres de Serbie maintenant avec la plongée de l’Irak dans l’abîme d’une quasi-guerre ci- vile. Pour l’instant encore de basse intensité mais pour combien de temps ? de traverser la période de 1945 (90 ans environ). C’est un saint part qu’indispensable pour pré- DES ATOUTS : à nos jours sans subir, sur le plan moine, dans la tradition autocé- parer un avenir prometteur. dogmatique, la moindre influence phale de l’Église ; il approuve Dépopulation LA MONARCHIE du siècle. tous les régimes et toutes les Gérald BEIGBEDER Son organisation s’en ressent personnalités parfois même les (Belgrade) Avec deux guerres et un blocus ET L’ÉGLISE tout de même et une grande par- plus douteuses. de treize années, les effectifs des tie de la population échappe com- Il n’y a pas de crise des vo- communautés assyro-chaldéennes À l’heure actuelle, l’on peut plètement à son enseignement. cations. Beaucoup de jeunes LA BOURGEOISIE ont fondu comme neige au soleil. considérer que toutes les insti- Il faut rappeler que les Serbes gens et de jeunes filles viennent Forte d’environ 900 000 âmes en tutions, à l’exception de la mo- sont peu pratiquants, mais très se ranger spontanément sous la COMMUNISTE 1991 (dont quelque 400 000 réfu- narchie et de l’Église, sont tota- attachés à leur Église qui les a bannière de l’Église orthodoxe giés à Bagdad venus du Nord après lement pourries du fait de leur sauvés de la barbarie turco-ot- serbe. Leur piété est un gage im- S'ACCROCHE la destruction systématique de leurs origine douteuse et de l’utilisa- tomane et qu’ils lui doivent leur portant pour l’avenir du pays mais villages en accord avec la Turquie, tion concertée qui en est faite. existence en tant que nation eu- à côté de cette élite, la masse Le pouvoir post-communiste pour la création d’un no mans’land La Monarchie et l’Église, ropéenne indépendante. Les est ignorante et parfois super- finira par céder sur les questions au Kurdistan) il en resterait actuel- quels que soient certains de leurs membres du pouvoir politique ac- stitieuse. Une catéchèse sérieuse de politique extérieure, atlan- lement, au mieux, moins de 700 000. représentants actuels, reposent manque à l’heure actuelle. Les tiques, européennes et balka- Au fil des années noires de l’em- sur des principes, une histoire, prêtres qui ont traversé le com- niques, afin d'obtenir en échange bargo, les jeunes hommes sont en qui les met à l’abri de cet effon- munisme ont acquis l’épure né- une garantie du maintien des effet partis chercher du travail et for- drement général. cessaire à leur foi qui est pro- structures intérieures et d'éviter tune à l’étranger, laissant les filles Le prince Alexandre, fils du fonde, mais une nouvelle géné- d'en payer le prix. Par structure au village, mais désormais sans roi Pierre II, réside à Belgrade ration de prêtres mieux formés domestique ou intérieure il faut fiancé. Un garçon pour 8 filles main- dans le palais royal et dans son est attendue avec impatience. entendre la garantie de la pé- tenant, ce qui, dans une culture où palais personnel qui se trouve à rennité de la bourgeoisie com- les chances de mariage sont quasi proximité de Belgrade. Le palais muniste, la corruption et la ga- nulles après 25 ans, constitue un royal a été mis à sa disposition Les relations rantie des fortunes douteuses, authentique drame social ! par le pouvoir en place ; l’utili- avec le Vatican ainsi qu'une liberté de continuer Quatorze mois après la fin offi- sation de son palais personnel à exploiter la population. La pri- cielle des hostilités et la victoire des lui a été octroyée mais pas la Il faudrait tout de même et il vatisation doit se lire, comme une coalisés, les héritiers des premiers restitution de sa propriété. Il reste semble que le temps soit venu, vente fictive et à bas prix aux chrétiens fuient le chaos irakien en à la disposition du pays, ne s’im- pour que l’Église autocéphale de profiteurs du régime, à leurs tel nombre que se pose déjà la ques- plique pas dans la politique ac- Yougoslavie et l’Église catholique ayant-droit et aux oligarques de tion du maintien d’une communauté tuelle et demeure en contact avec cherchent ensemble à détermi- la criminalité. Le multipartisme significative. Si la guerre intérieure toutes les autorités et toutes les ner ce qui s’est passé de 1941 cher aux Occidentaux n'est qu'un se prolonge, leur disparition peut oppositions, sans prendre parti à 1945 et qu’une seule "vérité leurre. être tenue, à terme, pour acquise. pour aucune d’entre elles vraie" et unique soit établie en Seule une réelle réforme de Ceci à l’instar de ces chrétiens de Cette présence continue dans faisant abstraction des préjugés l'administration et de la justice, Turquie qui ne sont plus à présent le pays et l’information pratique Le prince Alexandre antérieurs et de la propagande c'est-à-dire le remplacement de que résiduels. Un tel constat bannit qui en découle, sont le meilleur de Yougoslavie communiste. Le regretté pape la quasi totalité des fonctionnaires en fin de compte tout optimisme. apprentissage pour une fonction Jean-Paul II – slavo-catholique et des juges, pourrait être consi- Une vision rassérénée que vou- d’arbitrage dans un pays déso- tuel sont déférents et même ob- d’une part et chef d’État du Va- dérée comme un frémissement draient nous faire partager des voix rienté. séquieux à l’égard de l’Église. Ils tican d'autre part – qui a reconnu de changement. Le scepticisme proches du Vatican en annonçant lui ont rendu la possibilité d’en- l’indépendance de la Croatie de la population s'évanouirait si une démocratisation que personne seigner les évangiles, mais ne avec une précipitation inhabi- tout l'appareil communiste, hélas ne voit venir, sauf à avoir la Pas lui ont pas restitué ses biens qui tuelle, n’était pas la personnalité jusque dans les provinces et les berlue? d’influence sont la garantie de l’indépen- adéquate pour organiser cette villages, disparaissait effective- Fait incontournable, les chrétiens du siècle dance de l’Église. L’Église n’est réconciliation. Le nouveau pape ment. quittent l’Irak en masse. Des familles pas versée dans les questions dont l’intelligence et la bonté sont Aucun engagement ni pro- entières émigrent maintenant en En ce qui concerne l’Église, sociales et temporelles. La di- reconnues, devrait être le co- messe ne peut être pris en consi- France, au Canada en Australie, ne son conservatisme fondamental vine liturgie est son fondement. participant idéal à cette réconci- dération. Seuls les faits comp- laissant derrière eux que les vieillards depuis un millénaire lui a permis Le patriarche Paul est très âgé liation autant espérée de toute tent. G.B. qui refusent de quitter leur maison. 70 000 s’entassent dans des camps en Syrie, étape obligée pour l’ob- tention d’un visa.

Pour ANJOUAN le droit d'exister Rattachisme pas mort ! Or, jusqu’ici la question des chré- tiens d’Irak n’émouvait pas grand monde. Surtout à Washington où u début d’août 1997, l’île d’Anjouan 2001, à accepter une nouvelle constitution Salim Ali Abdou dit "Ba Goulam", un An- l’on feignait avant le déclenchement se séparait de la République Fédé- fédérale leur laissant malgré tout plus d’au- jouanais séparatiste demandant le ratta- de la guerre, d’ignorer leur existence. Arale des Comores, lasse d’être tonomie qu’auparavant, et à entrer dans une chement à la France, qui a été relâché En effet catholiques et membres ou constamment brimée par la Grande Comore. "Union des Comores". quelques jours après. C’est ce qu’assure le cadres d’un Baas honni, les Chal- Elle demandait à revenir dans le giron de la L’administration d’Anjouan ne s’est pas ministre des Affaires étrangères dans une déens étaient à ce titre doublement France après en avoir été détachée en 1975 pour autant améliorée ni sa situation ali- réponse à une question écrite du député indéfendables aux yeux de l’Esta- par la proclamation de l’indépendance des mentaire et sanitaire. Une immigration clan- Jean-Paul Bacquet parue dans le J.O. du blishment américain anti-papiste, Comores. En septembre 1997, la an- destine vers Mayotte se poursuit, que les 19 juillet. Décidément, le rattachisme n’est pro-Kurdes et fanatiquement anti- jouanaise mettait en déroute l’armée como- autorités françaises ont bien du mal à conte- pas mort à Anjouan ! baasiste, le socialisme arabe étant rienne qui avait tenté un débarquement. nir. Le ministre annonce également que la pour celui-ci assimilé à une forme Le 26 octobre 1997, les Anjouanais ap- France « a décidé de concentrer son ef- perverse du fascisme. prouvaient par référendum une constitution fort de coopération à Anjouan dans les Il serait temps pourtant que jus- confirmant leur indépendance de la Grande Manifestations domaines du développement rural et de tice leur soit enfin rendue et avec le Comore à une majorité de 99 %. Le scru- la santé publique, afin d’améliorer les droit tout simple d’exister selon leurs tin s’était déroulé de façon tout à fait régu- En février 2005 des enseignants d’An- conditions de vie des Anjouanais et de traditions, leur identité et leur foi. lière. jouan manifestaient à Mutsamudu pour ré- contribuer à réduire la pression migra- Aprés tout, ne sont-ils pas les der- Depuis lors, après bien des péripéties, clamer le paiement de plusieurs mois d’ar- toire sur Mayotte ». Ce sont effectivement niers à parler le soureh, le néo-ara- et notamment un blocus de plusieurs mois riérés de salaires. La gendarmerie s’émou- les deux secteurs principaux où Anjouan a méen, la langue du Christ ? auquel la France (hélas !) participait, les An- vait et tirait. Bilan : un tué et un blessé. Après un impérieux besoin d’être aidée. Mayotte, I jouanais devaient se résigner, en décembre les manifestations, les autorités arrêtaient aussi, s’en portera mieux ! P.P.

6 L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 DOSSIER MAURICE PUJO, 50 ANS APRÈS

UN GRAND EXEMPLE I Il y a cinquante ans – le 6 Royaliste septembre 1955 – s'étei- gnait Maurice Pujo. Par delà la tombe, il constitue pour nous tous, et plus spéciale- d'Action française ment les plus jeunes, un grand exemple de courage, de fidélité et de clarté dans la pensée. e royalisme ne serait rien tellectuelle. par comme chez de jusque-là fort discret, se trouve ral- Jeune homme il fut bien "de sans les hommes qui, à un D'ailleurs, ses Jean-Philippe CHAUVIN nombreux jeunes lumé par la violence des propos son temps", partageant Lmoment ou à un autre, épou- maîtres sont alors intellectuels. dreyfusistes contre l'Armée et, par sent ses causes et ses objectifs, de bons républicains et ses études Comme l'écrit René Brécy en ricochet, la patrie. L'extrémisme même quelques utopies à la portent ses couleurs et leur don- de philosophie poursuivies à Pa- 1955 : « En 1897 l'affaire Drey- des dreyfusistes, pour qui le cas mode. Mais dès cette nent une nouvelle fraîcheur et vi- ris l'orientent, ils l'affirmera ensuite, fus alluma un immense incen- du capitaine Dreyfus lui-même époque il avait soif de certi- talité par leurs pensées ou leurs vers une forme d'anarchisme in- die cérébral dont l'étendue et la n'est le plus souvent qu'un alibi, tudes et d'approfondisse- tellectuel. Renonçant à passer violence sont inimaginables provoque la refondation, sur des ment. L'Affaire Dreyfus, Commémorer l'agrégation, Maurice Pujo fré- pour qui ne l'a pas connu. Au bases nouvelles de ce que Mau- révélant les menaces qui le décès quente les milieux littéraires pari- sein du comité (de l'Union pour rice Barrès a qualifié, quelques an- pesaient sur l'intégrité de la de Maurice Pujo, siens. Il fonde à l'âge de vingt ans, l'Action morale) la zizanie ne tarda nées auparavant, de "nationa- nation, le fit entrer en poli- c'est évoquer lisme". par quelques tentatives Michel FROMENTOUX stratégiques Vers royalistes la monarchie tique. Dès lors, son destin et en tirer était tracé : le service de la France seule, quoi qu'il en des enseignements Ayant quitté, avec Vaugeois, l'Union pour l'Action morale, en coûte, hors de toute préfé- pour aujourd'hui. avril 1898, Pujo rédige un article rence personnelle et de tout écrits. Ces royalistes n’ont pas les appelant à une réaffirmation poli- état d'âme. Une action, pour honneurs des manuels scolaires tique et diplomatique de la France être noble et digne de notre et leur nom comme leur visage ne par la réorganisation de l'État, po- Histoire, devait être pleine- semblent plus avoir d'écho dans sant ainsi les bases de la ques- ment française, et c'est ainsi la mémoire collective française, à tion institutionnelle qui l'amènera, que Pujo baptisa dès 1898 quelques rares exceptions près. par la suite, à conclure à la Mo- notre école de pensée et Ainsi la République recouvre- narchie comme Instrument de d'action : l'Action française t-elle du sable de l'oubli ces "ser- changement politique. Cet article avant même qu’elle ne viteurs du Prince" pour ne pas avoir paraît dans le journal nationaliste fût fondée. à discuter leurs idées et leurs rai- L'Éclair, le 19 décembre 1898, Aux côtés de Charles sons. Il n'est pourtant pas inutile sous le titre explicite et appelé à Maurras, Léon Daudet, de retrouver certaines de ces fi- connaître une grande fortune : , le quatriè- gures que sait si bien dissimuler L'Action française... me mousquetaire – si l'on la culture démocratique et que, il Un véritable laboratoire d'idées peut dire – fut sans cesse à faut bien le reconnaître aussi, de politiques se met alors en place la tâche au service de la nombreux royalistes ne cherchent autour de Pujo et Vaugeois, dans France contre les falsifica- même pas à découvrir... lequel brille rapidement le roya- teurs de son histoire, contre S'agit-il d'un simple "devoir de lisme de . La Re- les politiciens corrompus, mémoire" ou bien plutôt de vue d'Action française naît alors : contre les « nuées » répan- connaître une part de l'histoire du pour l'heure, elle est nationaliste, dues par les idéologies parti- royalisme pour en retirer la part républicaine de tendance autori- active de l'expérience et la mettre taire, à l'image de Pujo. Mais ce sanes. Rédacteur en chef du à profit, par "empirisme organisa- dernier va peu à peu se rallier, journal, il recevait tous les teur" (selon l'expression populari- comme les autres membres de la coups, esquivait les pièges, sée par Charles Maurras), dans le Revue, au "nationalisme intégral", flairait les occasions à ne cadre de notre stratégie de c'est-à-dire la Monarchie prônée pas manquer, mais restait Maurice Pujo "conquête du pouvoir" (car, même (1872-1955) et théorisée par Maurras. À partir modeste, servant l'Action lointaine, il est nécessaire de la de ce "retournement idéologique", française pour elle-même et préparer) ? avec quelques amis épris de phi- par à être fiévreuse entre ceux il ne variera plus dans sa fidélité non pour l'idée qu'il aurait losophie, de littérature et d'art, la qui voulaient tout saccager et à l'idée royale et dans son indé- pu s'en faire, donnant Revue Jeune, qui deviendra bien- quelques-uns pour qui primait fectible amitié pour Maurras. l'exemple du don de soi aux De l'anarchisme tôt L'Art et la Vie. Il publie deux la sauvegarde de la France. De valeureuses équipes des intellectuel... ouvrages : La Crise morale et Le ces derniers étaient Vaugeois dont il fut le Règne de la Grâce, en même (un jeune philosophe, alors pro- Aux côtés chef unanimement respecté. Commémorer le 6 septembre temps qu'il voyage en Belgique, fesseur) et Pujo. Dégoûté de la de Maurras C'est l'obstination héroïque 1955, date du décès de Maurice aux Pays-Bas ou encore en Alle- politique, Pujo inclinait à se re- de Maurice Pujo et des Pujo, c'est d'abord faire revivre à magne où il assiste en 1896 au trancher dans la littérature. Vau- Désormais, l'histoire de Mau- camelots du Roi qui arracha notre mémoire la personnalité et Festival de Bayreuth. Il est alors geois par sa force de persua- rice Pujo se confond avec celle de à la République l'autorisation l'œuvre de ce fondateur de l'Ac- adepte de la philosophie idéaliste sion l'en sauva. » l'Action française. Il collabore à la du Cortège traditionnel en tion française, évoquer quelques allemande et de la musique de Ainsi l'Affaire, par le boulever- Revue, puis au quotidien homo- hommage à Jeanne d'Arc le tentatives stratégiques royalistes Wagner. Il compte parmi ses amis sement qu'elle crée, va modifier la nyme à partir de sa création, en jour de sa fête nationale, le et en tirer des enseignements. le jeune compositeur belge vision philosophique et politique 1908. Il écrit et fait jouer des deuxième dimanche de mai. Commémorer, c'est aussi réfléchir Guillaume Lekeu, disciple de Cé- du jeune Pujo, dont le patriotisme, pièces de théâtre, comme Évoquer Maurice Pujo, c'est à ce qui a été fait pour penser à sar Franck, qui mourra bientôt de ce qui doit, aujourd'hui et demain, phtisie en pleine jeunesse, en lais- donc se retremper dans les être fait. sant une très belle sonate pour sources mêmes de l'Action LA FAMILLE Maurice Pujo n'est pas né roya- piano et violon. Maurice Pujo de- française. Nous associerons liste : au temps de sa naissance, vient secrétaire du cercle anar- DE MAURICE PUJO à notre souvenir celui de le 26 janvier 1872, à Lorrez-le-Bo- chisant intitulé "Union pour l'Ac- Madame Pujo, née Élisabeth cage (Seine-et-Marne), la IIIe Ré- tion morale". Maurice Pujo appartenait à une famille de pharmaciens, de Bernard, qui lui survécut jus- publique n'est pas certaine d'elle- médecins et de juristes, dont l’ancêtre était venu de la Bigorre en qu'en 1989, apportant sans même, et les monarchistes sont 1700 pour s’installer à Paris. L’un de ses aïeux, le professeur Isez, relâche le précieux appui de majoritaires à l'Assemblée. Mais ... à la prise avait été le médecin de la reine Marie Leczinska, épouse de sa mémoire et de son affec- lorsqu'il devient adolescent, le roya- de conscience Louis XV. Il était le cousin issu d’issu de germain de sainte Thérèse de tion à son fils Pierre, qui fête lisme parlementaire est entré en patriotique l’Enfant-Jésus et, par sa mère l'arrière-neveu de sainte Émilie de ce mois-ci ses quarante agonie et il ne se pose même pas Rodat, fondatrice de la Congrégation de la Sainte-Famille dont la années à la direction de la question de la monarchie, ap- C'est l'affaire Dreyfus qui va maison-mère est à Villefranche-de-Rouergue. notre journal. paremment trop lointaine désor- entraîner chez Maurice Pujo une I I mais pour susciter la curiosité in- prise de conscience patriotique,

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idées mais qui sont prêts à les dé- les coups reçus (coups parfois fort fendre, dans la discussion comme douloureux et souvent injustes...), CHARLES MAURRAS dans l'action. la Maison de France et le Comte de Paris. Pujo place l'intérêt su- ET MAURICE PUJO périeur de la France avant son in- Le culte térêt propre. de Jeanne d'Arc De 1936 à 1939 il dénonce Les Nuées, inspirées d'Aris- dans L'Action Française les envois Une longue tophane, pour servir sa dé- Connaissant la force des sym- d'armes du Front populaire aux nonciation des mœurs politiques boles et des "mythes" (au sens so- Rouges espagnols malgré le prin- de la IIIe République. Il prend par- rélien et politique du terme), Mau- cipe officiel de "non-intervention". ticulièrement pour cibles les libé- rice Pujo attache beaucoup d'im- Il contribuera ainsi à rapprocher amitié raux dont il campe l'archétype, le portance à imposer et à faire l'Espagne de Franco de la France. baron Pié. respecter le culte de Jeanne d'Arc, Militant infatigable de la cause notamment lorsque dans les an- e tous les par piques reconsti- royale par la plume, il l'est aussi nées 20 le Cartel des Gauches La "ligne de crête" fonda- Pierre PUJO tués à Athènes dans l'action pratique : s'il n'est tente (en vain) d'interdire le Cor- Dteurs de par le baron de pas, comme il l'avoue lui-même, tège devenu traditionnel. Il n'est Lors de la Seconde Guerre l'Action française, Maurice Pujo Coubertin et il en était revenu un orateur, il sait par contre orga- pas présomptueux de dire que mondiale, Maurice Pujo, « pour est celui qui aura été le plus royaliste. En septembre 1898, il niser autour du mouvement d'Ac- c'est l'action de Maurice Pujo et maintenir l'unité française » proche de Charles Maurras, et avait pris la défense de la mé- tion française toutes les bonnes de ses amis, payée de "10.000 comme il l'écrit alors après l'inva- le plus longtemps. Leur première moire du colonel Henry trouvé volontés, en particulier estudian- jours de prison", qui permit à sion allemande du printemps 1940, rencontre est de fin janvier 1899 suicidé dans sa cellule du Mont- tines. Il lance la campagne pour l'hommage à Jeanne d'Arc de de- soutient le maréchal Pétain dont il Ils ont partagé Valérien. Il avait intitulé sa série Jeanne d'Arc et contre son diffa- venir, par une loi votée en 1920, pense qu'il évite à la France un d'articles Le premier sang. mateur, le professeur Thalamas. Fête nationale. « simple protectorat allemand » durant plus Maurice Pujo, lui, fréquentait Elle va agiter le Quartier Latin plu- Lors de la guerre de 1914- et un démembrement du pays. de cinquante ans des rivages très différents. Il était sieurs mois avec une stratégie 1918, Maurice Pujo, malgré une Dans ces heures sombres et les luttes imprégné de philosophie alle- constamment renouvelée jusqu'au santé parfois délicate et son âge malgré les pressions des autori- pour la France mande et admirait , cham- tés d'occupation et des collabora- et le Roi. pion de l'idéalisme absolu. Il avait tionnistes comme Rebatet ou Déat, lancé à l'âge de vingt ans, en Pujo, devenu co-directeur de L'Ac- au café Lavenue, près de la gare 1892, la Revue Jeune devenue tion Française après la mort de Montparnasse. Seule la mort de ensuite L'Art et la Vie. En 1894, Léon Daudet, applique la politique Maurras, en novembre 1952, les il avait publié Le Règne de la difficile de la « ligne de crête ». séparera. Quand, durant la grâce, un essai qui lui avait valu Cela lui vaut d'être emprisonné par guerre 1914-18, ou bien après un éditorial sympathique de Jean la Gestapo le 22 juin 1944 au Fort la libération de Maurice Pujo en Jaurès dans son journal La Pe- Montluc, où il reste trois semaines. octobre 1947, ils seront éloignés tite République, mais aussi une À la libération de Lyon, où le quo- l'un de l'autre, ils s'écriront de note de lecture aimable de... tidien d'A.F. s'est installé durant nombreuses lettres en se consul- Charles Maurras, qui ne le l'Occupation, Pujo est remis en pri- tant sur tous les problèmes, connaissait pas encore. Maurice son et jugé, en même temps que grands et petits, qui touchaient Pujo était grand amateur de mu- Maurice Pujo aux côtés de Léon Daudet, Maurras en janvier 1945 : c'est à la vie de l'Action française. Du- sique et admirait Wagner. En de retour de Bruxelles après son exil en 1930 alors l'heure des règlements de rant cinquante-trois ans, ils ont 1896, lorsque Maurras séjournait jour où Thalamas sera fessé en (43 ans), accepte de servir et est comptes et d'une épuration qui, vécu ensemble la création de sous le ciel de l'Attique, Maurice public et renoncera à poursuivre mobilisé dans l'infanterie. Il conti- parfois, frappe aussi des fidèles l'Action française, son essor, ses Pujo se rendait au Festival de ses cours. nue, durant ses quatre années sur du Maréchal, pourtant anticolla- épreuves. Ils ne cessèrent pas Bayreuth, en Bavière. Peut-on Son livre, Les Camelots du Roi, le front, d'écrire des articles pour borationnistes. Lors de ce procès, d'être liés par une profonde ami- imaginer deux engagements plus évoque ces débuts d'une organi- l'A.F. signés "Le Biffin". Pujo remet au juge d'instruction tié qui prenait ses racines dans opposés ? Pourtant, ils vont se sation dont il assume (jusqu'à sa Entre les deux guerres, Mau- un mémoire intitulé L'Action fran- l'adhésion à de hautes vérités, rencontrer et lier une amitié in- dissolution légale en 1936) la di- rice Pujo devient le rédacteur en çaise contre l'Allemagne, qui rap- dans une estime réciproque, et défectible. Le déclic sera donné rection politique. Il démontre qu'il chef de L'Action Française, aux pelle les positions et les écrits de dans une même conception de par l'affaire Dreyfus. En avril n'y a pas de diffusion d'une pen- côtés du trio Maurras, Bainville, l'A.F. durant l'avant-guerre et pen- l'action politique. Maurras avait 1898, et Maurice sée politique sans présence sur le Daudet, qu'il seconde de son dant les jours d'épreuve. une confiance totale dans le ju- Pujo quittent l'Union pour l'Ac- terrain et sans un effort intellec- mieux. C'est souvent à lui que sont Libéré en octobre 1947, Mau- gement de Maurice Pujo et ce- tion morale qui s'est rangée dans tuel soutenu et permanent. Pour adressés les courriers qui dénon- rice Pujo reprend sa place à la tête lui-ci manifestait une admiration le camp des dreyfusards insul- Pujo, l'Action française est certes cent telle ou telle corruption au de l'Action française en gardant et un dévouement sans borne teurs de l'Armée et fondent un une école de pensée mais qui se sein de l'État, du Parlement ou des un contact constant avec Charles pour Charles Maurras. premier comité d'Action française. doit de convaincre au-delà du pe- partis. Ainsi, c'est lui qui, du coup, Maurras toujours emprisonné à Le 19 décembre 1898, Maurice tit cercle des rédacteurs et des ini- peut dévoiler quelques grandes af- Clairvaux. Il est co-directeur poli- Pujo publie dans le quotidien L'É- tiés, qui doit donc aller porter la faires qui secouent la IIIe Répu- tique d'Aspects de la France avec Venus de bords clair un manifeste intitulé L'Ac- contradiction chez l'adversaire, par- blique, comme, par exemple, l'af- Georges Calzant. opposés tion française au nom des intel- fois sans ménagement mais tou- faire Stavisky... C'est souvent à lui lectuels patriotes. En somme, jours sans haine, qui est mauvaise qu'il revient de "mobiliser" les es- Pourtant, combien ces deux lorsque Maurras et Pujo se ren- conseillère. Pujo s'en prend prits et les énergies contre les Pour hommes étaient différents ! L'un, contrent, ils ont l'un et l'autre pu- d'ailleurs vigoureusement aux sa- scandales ainsi révélés : les cari- la réconciliation Maurras, bouillonnant, l'esprit tou- bliquement choisi leur camp dans lonnards et aux "légalistes" qui ou- caturistes ne s'y trompent d'ailleurs nationale jours en mouvement, ferraillant la grande dispute nationale sus- blient les raisons pour ne se pas, qui le représentent fréquem- avec sa plume comme il aurait citée par l'affaire Dreyfus. contenter que des apparences, et ment comme le chef des "Came- Le 20 décembre 1949, au combattu avec une épée (rap- Maurice Pujo cependant de- qui, en définitive, lui semblent des lots du roi", reconnaissable par sa cours d'une réunion mémorable, il pelons-nous son poème Desti- meure républicain. Il ne se ral- "poids morts" pour l'action politique grande taille, son aspect de "Don tend la main au colonel Rémy, un née : « Jamais la gloire du vrai liera à la monarchie qu'en mai nécessaire. Quichotte dégingandé" et sa barbe grand résistant, partisan de la ré- fer n'a brillé dans ta main dé- 1903 en signant une adresse en- Dans une stratégie qui vise à blanche. conciliation nationale, qui demande bile »). L'autre, Pujo, toujours voyée au duc d'Orléans. Mais la conquête du pouvoir, Pujo pense la révision des procès de Maurras calme et résolu, analysant les dès 1899, il est séduit par la pen- qu'il faut d'abord s'adresser aux et du Maréchal. événements et cherchant à en sée maurrassienne qui, racon- "Français actifs", à ceux qui ne se Ferme dans Ses derniers jours sont as- prévoir les conséquences, logi- tera-t-il plus tard, lui apporte alors contentent pas d'avoir de bonnes les épreuves sombris par la dissidence de Pierre cien implacable. Au fond, ils se une « illumination intérieure ». Boutang qui provoque la disper- complétaient et c'est pourquoi Maurras, en effet, lui fait décou- Il est aussi, lorsque les sion des énergies royalistes. leur collaboration a duré si long- vrir le réel, lui qui était perdu dans épreuves s'accumulent sur l'A.F., Il s'éteint, chrétiennement (il a temps. les nuées de l'abstraction. Maur- le "bouc émissaire" des dissidents suivi le chemin de Maurras), en Ils venaient l'un et l'autre de ras lui révèle l'homme concret, « Pour des idées confuses, ou des contestataires qui le mo- septembre 1955, laissant derrière milieux intellectuels très diffé- celui qui est inséré dans des pour des nuées, pour des quent de façon souvent fort injuste, lui quelques ouvrages fort utiles rents, Charles Maurras, le Pro- communautés naturelles et his- mots, on ne risque rien. Pour mais Maurice Pujo assume l'in- pour la compréhension de l'his- vençal, était un disciple de Mis- toriques et en fonction de qui il une idée vraie, pour une pen- gratitude de ces protestataires, toire et de la pratique de l'Action tral. Il avait, en 1892, lancé la dé- importe de traiter des choses po- sée issue du réel, on affronte comme il assume celle de l'Église française (Les Camelots du Roi, claration des Félibres fédéralistes litiques. facilement les coups et la pri- à partir de la condamnation vati- Comment Rome est trompée, L'Ac- qui déjà posait la question poli- son. » cane de 1926 et celle des Princes, tion française contre l'Allemagne) tique de la décentralisation. Il Maurice PUJO L'éloignement (Discours à la réunion après 1937. Cela ne l'empêche et un fils, Pierre Pujo, qui devien- avait collaboré à la Cocarde de de rentrée pas de rester fidèle, comme Maur- dra bientôt à son tour la person- Maurice Barrès et il suivait le cou- de la guerre des Étudiants d’A.F., ras, aux grands principes de la mo- nalité incontournable de la presse rant nationaliste. En 1896 il avait 9 décembre 1927) narchie et de la Famille qui l'in- d'Action française. été envoyé par la Gazette de En janvier 1915, Maurice carne. Jamais il ne trahit, malgré I France aux premiers Jeux olym- Pujo, qui est un réserviste âgé

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de quarante-trois ans, est mobi- champignons, soit en Aveyron, À plusieurs reprises, durant arrêtés ensemble et traduits de- lisé au 30e Territorial comme soit dans le Loiret. Maurras ou l'Occupation Charles Maurras vant la Cour de justice du Rhône. simple soldat. Il restera sous les Pujo : l'un d'eux doit toujours de- vient dîner chez nous. L'occa- Après le procès qui se déroule drapeaux jusqu'à l'armistice de meurer à Paris. sion en est fournie par l'arrivée du 24 au 27 janvier 1945, ils sont 1918. Commence alors une cor- d'un colis envoyé par des amis emprisonnés à la centrale de respondance très suivie entre de l'Ouest contenant une dinde, Riom où ils sont placés à l'infir- Charles Maurras et lui. Elle Sous une oie, un chapon. Lyon est merie en raison de leur âge. À montre la place qu'occupait déjà l'Occupation l'une des villes les plus mal ra- partir de mars 1947, ils sont L’honneur de ma vie, c’est Pujo dans la vie du journal et du vitaillées et ces volatiles per- conduits à la prison de Clairvaux. d’avoir été le compagnon de mouvement. Les lettres courtes La Seconde Guerre mondiale mettent à ma mère d'organiser Ils y sont installés dans un bâti- Charles Maurras, c’est d’avoir, et précises de Maurras (un Maur- va rapprocher davantage Charles ce qui nous apparaît alors ment auquel on accède après pendant quarante-cinq ans, ras très lisible encore !) traitent Maurras et Maurice Pujo. Ils pren- comme un véritable festin. Outre avoir franchi trois enceintes. Y servi avec lui des vérités de de problèmes pratiques touchant nent ensemble la route de l'exode Maurras y sont conviés les col- sont détenus déjà les amiraux salut public pour notre Patrie l'A.F. Elles demandent l'avis de en juin 1940, Maurice Pujo étant laborateurs et collaboratrices du Esteva et de Laborde. bien-aimée. Maurice Pujo sur des décisions accompagné de sa famille. En journal repliés sur Lyon. Le maître Maurice PUJO à prendre. Ainsi, que faire pour juillet ils font ensemble reparaître de l'A.F. y apparaît détendu, s'in- au procès de Lyon, le Cortège de Jeanne d'Arc de L'Action Française à Limoges téressant, par exemple, aux Communion 27 janvier 1945 mai 1915 ? Il est décidé de le puis, à partir de novembre, à études de ma sœur (sa filleule) de pensée supprimer en raison du nombre Lyon où Léon Daudet, demeuré et aux miennes (il m'appelle Pé- important de Camelots du Roi et dans le Gers durant l'été, les re- tros depuis que j'ai commencé Durant ces années de prison, De 1947 à 1952, Charles des cadres de l'A.F. qui sont mo- joint. Les angoisses de la guerre, l'étude du grec et m'a donné un Maurice Pujo ne sera jamais sé- Maurras et Maurice Pujo entre- bilisés. De simples dépôts de les menaces résultant de l'occu- exemplaire du gros dictionnaire paré de Charles Maurras. En rai- tiendront une correspondance gerbe aux trois statues pari- pation allemande, enfin la dis- Bailly). Un jour il s'amuse d’un- son de la surdité de celui-ci, il suivie. Elle traite de la ligne po- siennes seront opérés, mais on litique de l'A.F., de la vie du jour- veillera à ce que les couronnes nal, de ses rédacteurs, des amé- déposées par les républicains ne liorations à lui apporter. Elle ré- comportent aucune insulte ni vèle une entière communion de pour la monarchie ni pour les pensée. Elle est fort instructive. prêtres, comme ç'avait été le cas Maurras s'intéresse à tout. Il va les années précédentes. Dans même jusqu'à complimenter mon la correspondance Maurras-Pujo père pour un tract que j'ai rédigé il est aussi question des amis et diffusé à l'Institut d'Études po- tombés au Champ d'Honneur. litiques où je suis alors étudiant... Quelque temps après la mo- Charles Maurras et Maurice Pujo bilisation de Maurice Pujo, Maur- se reverront au printemps 1952 ras lui écrit : « Ma mère se dé- lorsque Maurras est placé en ré- sole de votre départ. Elle sidence surveillée dans une cli- trouve cet argument supplé- nique de Saint-Symphorien-lès- mentaire : "Oui, vous vous en- Tours. Ils passeront toute une tendiez très bien tous deux..." journée ensemble au mois d'août Je vais la détromper de ce pas. dans la propriété de Georges Mille amitiés en toute hâte. Calzant, directeur d'Aspects de Charles Maurras ». Une indi- la France, en compagnie de cation précieuse sur la commu- Mmes Maurice Pujo et Georges nauté de pensée qui existe déjà Calzant et d'un fidèle Camelot entre les deux hommes et qui n'a du Roi André Prudhomme. Ce pas échappé au regard perspi- sera la dernière sortie de Maur- cace de Mme Maurras. ras qui décède le 16 novembre Après la guerre, Maurice Pujo suivant. devient rédacteur en chef de Lors de ses obsèques sous L'Action Française. Il est en Le 25 janvier 1945 la neige le 19 novembre à Tours, même temps le délégué des Co- Audience au procès de Charles Maurras et Maurice Pujo, solidaires dans l’épreuve Maurice Pujo déclare : « Toute mités directeurs auprès des Étu- sa vie, tout son labeur consi- diants d'A.F. et des Camelots du parition du bâtonnier Marie de poème composé par Maurice était l'interprète obligé avec l'ad- dérable ont été une longue Roi. Sa collaboration avec Maur- Roux (en 1941) et de Léon Dau- Pujo dont tous les vers riment en ministration pénitentiaire, car lui œuvre de charité à l'égard des ras va se resserrer. Ils partagent det (le 1er juillet 1942), qui ap- inde... et destiné à remercier une seul pouvait se faire entendre de Français. » Il ajoutera : « Si le même petit bureau au premier partenaient à la première équipe bienfaitrice qui a envoyé la dinde Charles Maurras en lui parlant. Maurras est mort, sa pensée étage de l'imprimerie de la rue de L'A.F. quotidienne, resserrent que nous dégustons. Lorsque Maurice Pujo, bé- est toujours vivante ; elle l'est du Jour où Pujo relit les épreuves encore la solidarité entre les deux Michel Déon, alors jeune se- néficiant d'une libération condi- plus que jamais. Il faudra bien tandis que Maurras écrit sa Po- amis. crétaire de rédaction de L'Action tionnelle, quitte Clairvaux en oc- qu'un jour justice lui soit ren- litique. Il arrive que Maurras s'at- Le 5 novembre 1943, Charles Française, doit se souvenir de la tobre 1947, il est remplacé par due parce qu'elle est la vérité. tarde, compromettant la sortie du Maurras adresse à Maurice Pujo soirée où je recherchais tous les Xavier Vallat, vieil ami de Maur- La vérité ne meurt pas. » journal à l'heure requise pour l'ex- une longue lettre testamentaire textes de Évangiles que nous ras. Mais Vallat sera à son tour L'hommage d'un compagnon, pédition en province. Maurice sur les dispositions à prendre pouvions posséder afin de les libéré en 1950. La santé de Maur- d'un ami, à celui dont durant plus Pujo a la tâche délicate de rap- pour assurer la continuité de l'Ac- comparer, car une controverse ras, demeuré seul, commence de cinquante ans il avait partagé peler à Maurras les exigences tion française au cas où il vien- était née au cours du repas pour alors à se détériorer jusqu'à sa les luttes pour la France et le Roi. de l'horaire. drait à disparaître. En effet, en savoir si le vin que le Christ a libération en mars 1952. I Maurice Pujo pouvait sur- avril précédent, il a eu une syn- promis à ses disciples de boire monter la surdité de Maurras en cope lors du congrès des étu- avec eux au Paradis serait le fruit lui parlant au milieu du front, sans diants d'A.F. réuni à Montpellier de la vigne ou bien un nectar tout élever la voix. Néanmoins les et il considère qu'il doit tenir à fait différent... UNE DÉDICACE deux hommes correspondront compte de cet avertissement de Le 22 juin 1944, Maurice Pujo souvent, par commodité, sous la nature. Charles Maurras dé- et Georges Calzant, l'un des prin- forme de notes rapides, notam- signe Maurice Pujo pour être le cipaux collaborateurs de l'A.F., DE MAURRAS ment sur les enveloppes du cour- chef indiscuté de l'A.F. après lui. sont emprisonnés par la Gestapo En 1943, Charles Maurras dédiait son ouvrage rier adressé par les correspon- Il définit aussi l'organisation du au Fort Montluc. Maurras multi- La Contre Révolution spontanée dants. Maurras communique à mouvement pour plus tard. Il es- plie les démarches auprès du à Maurice Pujo dans les termes suivants : Pujo une lettre reçue en donnant time que l'Action française doit maréchal Pétain pour qu'il ob- brièvement son jugement (par- être organisée sur le modèle de tienne leur libération. Celle-ci sur- « À Maurice Pujo, que son audace, sa raison, son puissant fois à l'emporte-pièce) sur son la monarchie, son président étant vient le 10 juillet sans qu’ils aient esprit politique ont seul qualifié pour concevoir et pour auteur ou son contenu et le entouré de conseils, mais de- été interrogés. Maurice Pujo re- conduire de 1899 à 1940 tout ce qui fut de pure action charge éventuellement d'y ré- meurant le seul maître des dé- vient auprès de sa famille ins- dans la vie de l'Action Française. Tardif hommage que pondre. Une totale confiance ré- cisions. L'.A.F. ne saurait deve- tallée dans le Loiret, en dépit de lui donnent avec ma très vieille amitié ma gratitude ciproque règne entre eux. nir une démocratie... Maurras ter- mille difficultés, car, depuis le dé- et mon admiration très fidèles. En été Charles Maurras prend mine sa lettre en demandant à barquement allié les trains fonc- Ch.M. MCMXLIII» des vacances en août car il est Maurice Pujo : « À quand le se- tionnent de plus en plus mal. Il amateur de bains de mer dans cond livre des Camelots du retourne à Lyon fin juillet car il Maurras ajoutera sur l'exemplaire personnel de Maurice Pujo : le golfe de Fos, non loin de sa Roi ? » Le premier en effet s'ar- ne veut pas laisser Maurras seul maison familiale de Martigues. rête à 1909, et les Camelots ont face aux troubles auxquels la li- « À Maurice Pujo à qui je n'ai pas encore réglé son compte. Maurice Pujo, lui, part en sep- mené bien d'autres actions par bération du territoire peut don- De tout mon cœur, tembre pour se livrer à sa pas- la suite. Hélas, le second livre ner lieu. Charles Maurras. » sion favorite, la cueillette des ne sera jamais écrit... En septembre 1944 ils sont

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Quelques souvenirs

ierre Pujo m’a demandé Je me souviens assez bien de par tous les quotidiens de Paris (il y en « Vous ne nous défendez pas. » quelques souvenirs sur son cette rencontre. Maurice Pujo était François LEGER avait alors une trentaine), les grands J’en fus épouvanté, mais j’ai croisé, Ppère, sous les ordres duquel un grand bonhomme robuste et lé- journaux de province, les hebdo- le même après-midi, Léon Daudet j’ai travaillé, avec beaucoup d’inté- gèrement ventru. Il avait une forte madaires, découper chez les uns et qui lui, au contraire me lança : rêt, durant toute l’année qui a pré- tête, et ce qui était frappant chez lui il était déjà l’un des deux secrétaires les autres ce que je décidais de com- « Qu’est-ce-que vous leur pas- cédé la guerre. Je m’exécute avec était l’impression de calme et de ré- de rédaction de L’Action Française menter, le coller sur des feuilles de sez ! ». Ouf ! Je fus un peu rassuré. plaisir. flexion qui émanait de toute sa per- et écrivait aussi, assez abondam- papier vert, et y ajouter mes propos. La rubrique de la Revue de la sonne. Il s’exprimait avec une as- ment dans plusieurs journaux de Je passais toutes mes matinées à presse de L’Action Française me fut sez curieuse voix de gorge et bé- droite : Je Suis Partout, Candide, Le effectuer, chez mes parents, une Premier en effet confiée à cette époque. gayait légèrement. Jour. La Providence voulut qu’il com- partie de ce boulot. Arrivant ensuite salaire Le titulaire de cette rubrique dont Son accueil fut extrêmement pru- mît une bourde qui le coula. Il avait à L’Action Française, en début Maurras avait été le créateur était dent à mon égard. Il me demanda entamé une polémique avec je ne d’après-midi, j’y trouvais sur ma table Je le fus aussi quand, mon mois un vieux journaliste de talent qui écri- mon âge. Je le lui dis.. Il eut l’air de sais qui sur je ne sais quoi. Son ad- tout ce que Maurice Pujo avait dé- d’essai achevé, rien ne me fut si- vait sous le nom de Pierre Tuc. Il me trouver bien jeune, puis ajouta versaire lui demanda quelles étaient couvert et découpé de son côté dans gnifié si bien que je continuai à te- mourut subitement au début de l’été quand même : « Je vous z... z’ins- ses sources. Il dut finalement lui ré- la presse, après quoi Maurras en- nir ma rubrique pensant que ce si- 1938. Les dirigeants du journal cris. » pondre que ses sources étaient al- trait en scène vers les 19 heures, et lence était plutôt bon signe. (Daudet, Maurras et Maurice Pujo) me remettait sa propre moisson, as- Quelques jours plus tard, en effet, décidèrent alors, pour le remplacer, saisonnée des griffonnage ad hoc Maurice Pujo me fit venir pour m’an- d’organiser un petit concours entre dont il avait le secret. noncer que j’étais en charge et qu’il quelques apprentis journalistes dont Il me fallait évidemment utiliser me dirait quand ma signature rem- chacun tiendrait, pendant un mois, au mieux et très respectueusement placerait le mot Interim à la fin de sous la signature Interim, la rubrique ces divers suppléments, et les fondre ma page. de la Revue de la presse, après quoi aussi bien que possible dans ma Je ne me plaignis point car je ces messieurs embaucheraient ce- Revue de presse dont on comprend fus alors le mieux rétribué des ré- lui des candidats qui leur paraîtrait qu’elle ait aisément occupé une page dacteurs de L’Action Française s’être le mieux tiré de cet exercice. entière de journal. (après Daudet, Maurras et Maurice Immédiatement, mon ami Fran- Quand je l’avais achevée je dé- Pujo). Je gagnais 2.100 francs par çois Daudet me dit que je devais ab- posais sur le bureau de Maurice Pujo mois et en fus si grisé que je suis solument me faire inscrire parmi les le résultat de mon travail. Il le lisait allé à La Belle jardinière (qui exis- candidats. Léon Daudet me connais- et accompagnait sa lecture de di- tait à cette époque en face de la Sa- sait un peu parce que j’étais un des verses observations que nous dis- maritaine) et y ai acheté un par- amis de François, Maurras parce cutions et qui me conduisaient par- dessus. Mon père vit avec inquié- que j’étais le responsable du Cercle fois à modifier mon texte. Il m’arri- tude cette acquisition, estimant d’Études politiques dont il venait pré- vait aussi des aventures. C’est ainsi absurde, de ma part, de commen- sider plusieurs fois par an les Maurice Pujo en tête du cortège de Jeanne d’Arc de 1951. que pris, un jour, de je ne sais quelle cer à dilapider ainsi mon premier sa- A sa droite, le docteur Raymond Tournay et Edouard Ergal . séances que j’avais préparées rue A sa gauche, Pierre Boutang. Derrière eux, Michel Mourre. folie, j’avais eu l’idée bizarroïde de laire... mais je retrouvai ce manteau, Saint-André-des-Arts, Maurice Pujo porter un jugement beaucoup trop après mes deux ans et demi de cap- enfin parce qu’il était le président de Ainsi furent recrutés trois candi- lemandes, d’où hurlement triomphal indulgent sur Jules Ferry soudain tivité en Allemagne... et je l’ai porté nos associations d’Étudiants d’Ac- dats qui eurent chacun droit à un de cet adversaire dont il ne sut com- considéré par moi comme un des jusqu’en 1948 !! tion française dont j’étais à l’époque mois d’essai ; un chartiste, un jour- ment se débarrasser et auquel, pour vrais hommes d’État de la IIIème Ré- Voilà tout ce dont je me sou- l’animateur à Paris. naliste professionnel déjà un peu en finir, il lança à la figure par écrit, publique. Maurice Pujo, lisant tous viens, à propos de mon année sous connu et moi-même qui étais le troi- dans notre journal, le mot de Cam- mes textes avant leur impression la direction de Maurice Pujo. Ce n’est sième et débutai dans ce concours bronne ! Ce n’était pas brillant, et il supprima d’autorité cet inepte en- pas beaucoup, mais à plus de Calme à la fin d’août 1938. s’était ridiculisé. trefilet et me fit un fort intéressant quatre-vingt-onze ans, si l’on vit dans et réflexion Je n’ai gardé aucun souvenir du exposé de ce que je devais penser un passé assez nuageux, on sait chartiste qui était un parent de Real de cet « imposteur ». Ce fut le terme parfois quand même reconnaître en- J’obéis donc au conseil de Fran- del Sarte et fera plus tard une belle Mois d'essai qu’il employa. core les hommes d’honneur, de cou- çois Daudet et pris rendez-vous avec carrière de conservateur de grandes Une autre fois, je trouvai, dans rage et de talent. Indubitablement Maurice Pujo pour me faire accep- bibliothèques. J’entamai donc mon stage avec un tas de papiers que Maurras fai- Maurice Pujo en était un. ter parmi les candidats à la succes- Le second se nommait Rebatet une certaine confiance, mais c’était sait mettre sur ma table, une belle sion de Pierre Tuc. et me parut le plus redoutable, car une tâche accablante. Je devais lire feuille sur laquelle il avait griffonné : I L’esprit des camelots du Roi

Dans l'introduction de son servent opportunément les arguments de Maurras, ouvrage sur Les Camelots du vérifiés par leur expérience professionnelle et privée, Roi, Maurice Pujo a défini l'es- "collent" l'adversaire souvent cultivé. Les uns et les prit de cette troupe d'élite autres, laissant leurs affaires personnelles, répon- sans pareille au service de la dent avec ardeur à toute convocation. Fraternelle- France et du Roi. ment mêlés, ils vont là où on leur dit d'aller, sans de- mander d'explication. Sur le terrain, on ne suit plus, Lorsque, à la fin de 1908, l'Action française as- comme autrefois, le premier venu qui prend la tête suma le commandement des manifestations, elle était en levant sa canne en l'air, car on sait que celui-là est forte de ses expériences, mais surtout de sa doctrine le plus souvent un policier chargé d'amener la mani- qui fut, dans la lutte de rues, principe d'énergie, d'in- festation dans une impasse ou un guet-apens. On géniosité et de persévérance. Les chefs n'avaient en n'obéit qu'aux chefs désignés et l'autorité de ceux-ci cette matière ni valeur ni compétence particulières n'est discutée par aucun amour-propre, par aucun es- mais ils avaient l'esprit libre pour regarder le but et prit dénigreur. Chose plus difficile : cette obéissance le terrain. Nos manifestations ne furent plus les ré- quand l'action est ordonnée est la même quand c'est actions désordonnées du cœur ou des nerfs, promptes l'abstention qui a été jugée plus politique par ceux à se déchaîner, mais aussi à s'abattre et à se laisser qui dirigent. Surtout, aux Camelots du Roi, on ne se endormir. Elles furent le développement d'une action "dégonfle" pas ; on ne se contente pas de la velléité méthodique poursuivie sans faiblesse, sans trouble, et du geste. On peut tout leur demander : celui à qui avec bonne humeur et enthousiasme. on confie une mission la reçoit comme un honneur ; Cette force de l'idée qui a réuni les troupes, elle il l'accomplit coûte que coûte. L'exigence du réel que a fait aussi leur dévouement, leur discipline, leur hé- la doctrine d'A.F. impose à l'intelligence s'impose à roïsme. Spectacle admirable ! Ces intellectuels déli- Arrestation de Maurice Pujo lors d’une manifestation la volonté de chacun avec la même rigueur dans la le jour des obsèques de Gaston Calmette en 1914 cats qui n'avaient jamais rêvé de coups à donner ou poursuite d'un but fixé. à recevoir, ces jeunes étudiants studieux vont dans de police, le front bandé pour quelques blessures, les bagarres ; ces petits employés, au sortir du poste courent à une réunion, prennent part à la discussion, Maurice PUJO

10 L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 DOSSIER

LE TRÉSOR DE L’ACTION FRANÇAISE

Comment Rome est trompée

I Nous rappelons dans chacun de Maurice PUJO de nos numéros les ouvrages des maîtres de l'Action française pour en faire ressortir toute l'actualité. aurice Pujo joignait à la de plans diffé- par le goût et la cul- en joute » (sic) avec les condi- Nous entendons ainsi inciter nos lecteurs à lire ou à relire ces ou- passion de la vérité l'art rents : la doc- ture des pas- tions naturelles de la société, Pujo Michel FROMENTOUX vrages pour approfondir leur for- de la preuve, de l'argu- trine chrétienne, sions, c'est rétorquait qu'« entrer en joute M mation politique. mentation serrée, du "démontage" qui règle la foi et la morale, et l'idéologie de la Vie. » avec les lois de la vie, c'est se des dialectiques les plus diabo- des idées politiques, qui met- À l'homme que le libéralisme suicider ». Ouvrages liques que lui opposaient ses ad- tent simplement en lumière la et la démocratie privent de ses déjà présentés versaires. C'est pourquoi son ou- part des conditions expérimen- soutiens essentiels, Maurras vrage de 1929 Comment Rome tales et en quelque sorte méca- montre le chemin de « l'Église de L'intérêt dans le Trésor de est trompée reste toujours actuel. niques sans lesquelles on ne l'Ordre », expression que les “Six" national l’Action française Répondant au livre publié par six peut assurer la vie normale d'un n'aimaient pas et que Pujo expli- G Jacques Bainville : Les consé- religieux et intellectuels (dont le État. » quait tout simplement : « l'Église Autre grief des "Six" à Maur- quences politiques de la paix Père Doncœur et Jacques Mari- qui met de l'ordre dans la ras : ne pas demander d'abord à (6/1/05), Histoire de France tain) qui expliquaient et exaltaient Un faux Maurras conscience de l'homme, l'Église l'Église la réalisation de l'unité mo- (21/10/04), Napoléon (7/4/05). qui, à ses aspirations géné- rale de la France. Maurras, ré- G Augustin Cochin : Les sociétés reuses mais confuses et qui ris- pondait Pujo, s'est trouvé devant de pensée et la démocratie moder- Voilà ce qui viciait le débat. Per- queraient de s'égarer, apporte un état de fait créé par la Réforme ne (3/2/05). pétrant une « agression contre la juste direction, l'Église qui lui et la Révolution : les esprits sont G Léon Daudet : Bréviaire du jour- l'Esprit », les "Six" voulaient, en impose les disciplines et les divisés ; l'Action française « cher- nalisme (16/6/05), Le stupide XIXème raison de quelques écrits de jeu- freins nécessaires sans lesquels chait à réunir ceux-ci sur le pre- siècle (21/4/05)), Les Universaux nesse certes choquants, mais qu'ils son âme sans ressort perdrait mier terrain d'accord qui pa- (18/11/04), Vers le Roi (20/1/05). avaient mal lus, faire comme si sa force et ne pourrait réaliser raissait possible en ce qui G Pierre Gaxotte : La Révolution toute la pensée politique de Maur- sa destinée surnaturelle, l'Église concernait un problème déter- française (21/7/05) ras baignait dans le rationalisme qui soutient sa faiblesse par les miné et limité, le problème du G Pierre Lasserre : Le romantisme (alors que Maurras, dit Pujo, a tou- sacrements [...], le "temple des salut politique du pays. » Et de français (25/8/05). G jours reconnu la raison comme définitions du devoir" ». cette union sur les conditions de Charles Maurras : Anthinéa (3/3/05), Au signe de Flore (16/9/04), « dépendante », s'appliquant la vie nationale devait bénéficier L’avenir de l’intelligence (7/10/04), « aux lois des choses », recon- la religion elle-même, dont tous L'empirisme La Contre-Révolution spontanée naissant le vrai et le faux, le bien pourraient reconnaître le bien (17/2/05), La Démocratie religieu- et le mal, accomplissant la tâche organisateur qu'elle représente... se (5/5/05), De Démos à César pour laquelle Dieu nous l'a don- Est-ce alors ériger la nation en (17/3/04), Le dilemme de Marc née), ou l'agnosticisme, voire L'empirisme organisateur était "fin dernière" ? Accusation ridicule Sangnier (19/5/05), Kiel et Tanger l'athéisme (alors que Maurras n'a aussi reproché à l'Action française pour qui connaît Maurras comme Jacques Maritain (16/12/04), L’ordre et le désordre (1882-1973) jamais professé que les réalités comme une volonté de bâtir sans l'ennemi de l'individualisme, tant (28/7/05), Mes idées politiques métaphysiques – qu'il n'avait pas Dieu et sans morale. Ici Pujo rap- celui des citoyens que celui des (4/11/04), Trois idées politiques sous le titre Pourquoi Rome a parlé le bonheur de pouvoir atteindre – pelait l'essentielle distinction à ob- nations. Toute son œuvre tend à (2/12/04). la "condamnation" dont l'Action n'existaient pas !), ou encore le pa- server : la Loi, qui est la Volonté l'universel, mais, explique Pujo, G Léon de Montesquiou : Le sys- française venait de faire l'objet (29 ganisme (alors que Maurras n'a de Dieu, hors de notre portée, et « c'est quand tous les devoirs tème politique d’Auguste Comte décembre 1926), le rédacteur en jamais forgé une synthèse sub- les lois, relatives comme les envers la patrie ont été remplis (2/6/05). Si vous désirez vous procurer chef de L'Action Française sou- jective tenant lieu de divinité !). Les sciences fondées sur elles. Ce sont qu'on peut songer à servir par tel ou tel de ces ouvrages, vous mettait à une critique méthodique "Six" faisaient ainsi de Maurras un surcroît l'humanité hors du pouvez interrroger la librairie Le Pé- s'affinant au fil des pages les ac- ennemi du Christ, alors qu'il a seu- cadre national. Oublier cet ordre lican Noir, 94220 Charenton (Tél : cusations de détracteurs dont la lement combattu le "Christ inté- ne serait servir ni l'un ni l'autre, 08 70 69 90 82 - pelican@pelican- préoccupation principale n'était nul- rieur" romantique et subversif de mais au contraire provoquer noir.com). lement doctrinale, car – les histo- l'ordre social – un Christ hérétique chez l'un et chez l'autre des dé- riens l'ont amplement prouvé – on – qu'on lui présentait dans sa jeu- sastres matériels et moraux. » voulait avant tout mettre au pilori nesse. Ce faisant, écrit Pujo, une pensée et un mouvement qui « Maurras incroyant défendait faisant ils se comportaient comme gênaient les illusions pacifistes de la transcendance de l'idée chré- La prohibition des ennemis de l'ordre ou, c'est la politique vaticane d'alors. tienne ». de l'ordre pareil, des ennemis de la nature. Jeu vite démasqué par Mau- Maurras méconnaissait-il les La morale, explique Pujo, « qui ne rice Pujo : « Il ne s'agit pas de destinées divines de l'homme ? En somme tout est question peut imposer ses devoirs et ses savoir si, objectivement, la doc- Pujo n'avait aucun mal à prouver d'ordre, de hiérarchie. Pas ques- fins qu'à des âmes », ils enten- trine politique de Maurras et de que son ami n'a jamais « réduit tion de chasser, ni même d'igno- daient l'imposer même dans les l'Action française est vraie. Il le beau et le vrai à l'utile », qu'il rer le surnaturel dans la cité, mais éléments matériels de la société, s'agit de savoir si les éléments « n'enferme pas l'homme dans il faut éviter la confusion des do- ce qui revenait à interdire, dans le de cette doctrine coïncident son égoïsme, même "bien com- maines ! Maurice Pujo reproche domaine politique, « de classer, avec la doctrine chrétienne. Le pris" », « qu'il n'y a rien de plus donc aux détracteurs de Maurras d'organiser l'expérience et de Pie XI perpétuel quiproquo consistera opposé au mouvement de sa (Pape de 1922 à 1939) de mélanger politique, morale et rien fonder sur elle. » dans le fait que l'on met de force pensée que le retour sur soi de religion ; eux qui ne voient que des D'où le refus d'une science po- sur le même plan deux choses l'âme se prenant elle-même pour ces dernières que Maurras appelle opinions à changer ne peuvent litique, afin de laisser les hommes qui s'accorderaient parfaitement motif ». Était-il alors pessimiste ? les hommes à rechercher par l'ex- comprendre le Politique d'abord libres de ne connaître que les en- disposées dans une hiérarchie « Ce que Maurras combat, c'est périence : « le Créateur les a ins- qui s'explique pourtant tout sim- seignements de l'Église, en somme crites dans son œuvre », elles plement ainsi : « Si le cadre po- en vue de christianiser une société indiquent « ceux des rapports de litique et le régime d'un pays elle-même fondée hors des lois TARIF DES ABONNEMENTS l'homme avec la société qui sont sont ainsi faits qu'ils paralysent naturelles établies par Dieu ! On (paraît les 1er et 3e jeudis de chaque mois) constants, immuables, com- nécessairement tous les efforts ne saurait mieux, avec les meilleurs muns, sur lesquels est fondée pour changer une législation sentiments, servir la révolution... 1. Premier abonnement 5. Abonnement de soutien France (un an) ...... 76 (un an) ...... 150 la structure sociale et sans l'ob- mauvaise et pour rétablir soli- Ce n'est là qu'un aperçu des 2. Premier abonnement 6. Étudiants, ecclésiastiques, servation desquels la société et dement une législation bonne profondes réflexions contenues Étranger (un an) ...... 85 chômeurs (un an) ...... 45 l'homme lui-même dépérissent qui donne la sécurité aux inté- dans cet ouvrage, véritable arse- 3. Abonnement ordinaire (un an). . 125 7. Outre-mer (un an)...... 135 4. Abonnement de six mois ...... 70 8. Étranger (un an) ...... 150 ou meurent ». rêts en cause, comment ne se- nal d'arguments face à des uto- Introduire ici la morale, c'est rait-il pas nécessaire de les pies qui, depuis tant d'années, et BULLETIN D’ABONNEMENT confondre les domaines : à la base changer aussi, de les changer en dépit de la levée des sanctions Nom ...... Prénom ...... de la société, il y a l'acceptation d'abord ? » par le pape Pie XII en 1939, ont Adresse ...... des faits de nature ; au perfec- Les "Six", étudiant Maurras et encore la vie dure...... Tél...... tionnement de la société inter- sa collection de "doctrines de I Ville ...... Code postal...... viennent la raison et la vertu, mais constatation" expérimentales, fai- Entourez le numéro correspondant à votre abonnement celles-ci ne peuvent faire négliger saient abstraction de l'organisa- * Maurice Pujo : L'agression contre Bulletin à retourner à L’Action Française 2000 ceux-là. Aux démocrates chrétiens tion, de la coordination, de la syn- l'Esprit. Comment Rome est trom- 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris – C.C.P. Paris 1 248 85 A disant que l'homme peut « entrer thèse apportées par Maurras. Ce pée. Éd. Arthème Fayard, Paris 1929.

L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 11 JOURNÉE CINÉMA DE LECTURE LES FILMS Les feux de l'amour Libre portrait DE SEPTEMBRE

G LE DERNIER SIGNE. – Le fantôme à la cour de France... d'un trublion de madame Kathy ! Madame Kathy, c’est l’actrice Andie MacDowell. Le es hommes par Puis ce fut le foi- ur Jean- par rappelle qu’Hallier fantôme, c’est son mari Jeremy, Tim étant ce qu'ils Michel FROMENTOUX sonnement de Edern Hal- Pierre LAFARGE fut, avec L’Idiot in- Roth. Depuis quelque temps, le Lsont et l'éter- femmes autour Slier on ne ternational, un couple formé par Kathy et Jeremy nel féminin ce que l'on sait, la chas- d'Henri IV : Diane d'Ardouins, la disposait en gros que d’un portrait combattant permanent de la liberté battait plutôt de l’aile. Il faut dire teté n'eut pas toujours sa place dans "belle Corisande", dont l'amour, avant déstructuré tracé par Sarah Vajda de la presse, un vivant défi aux cen- que Jeremy, médecin du Monde la vie intime de nos rois... que le roi fût couronné, fut admira- et de l’hagiographie officielle écrite seurs de tout poil : « En ces an- marqué par la mort violente en Les Français, quand tout allait blement désintéressé, Gabrielle de son vivant par le fidèle Domi- nées d’inceste, où pouvoir et mé- Afrique Centrale d’un groupe de ré- bien, ont en général été indulgents : d'Estrées, "croqueuse de diamants" nique Lacou. Mais voilà que par la dias n’en finissaient pas de fugiés qu’il avait soigné, s’était mis ils savaient que les rois voyaient parfois bonne conseillère, Henriette grâce de François Bousquet, qui fut convoler, à Bagdad, Sarajevo, à picoler sec. Aussi, lorsque celui- s'imposer à eux des mariages poli- d'Entragues, intrigante au cœur sec, son collaborateur au Jean-Edern’s Maastricht, il importait qu’il y ait ci est décédé dans un accident de tiques qui les sevraient souvent d'un enfin la trop jeune Charlotte de club, tout change et s’éclaire. L’es- une concierge à la tête du plus voiture, laissant Kathy seule avec véritable amour, qu'ils étaient tentés Montmorency, le seul véritable et sai qu’il consacre au « narcissique improbable des tabloïds, pour dé- leurs deux fillettes et leur fils ado de chercher auprès des femmes platonique amour de ce roi volage. parfait », au « Tartarin de Cor- noncer le double langage des un peu rebelle, Kathy n’a-t-elle pas d'exception vivant à la Cour... Tou- nouailles » est une sarabande vive, journalistes. C’était un travail eu trop de peine. Des regrets des tefois, quand le royaume souffrait, drôle et intelligente. d’assainissement nécessaire. » bons moments passés avec Jeremy ces dames pouvaient voir se concen- Fouquier-Tinville et de leur vie de famille d’avant qu’il trer sur elles la colère, ou du moins le vertueux... se mette à boire, oui. Un peu de re- l'animosité du peuple.... Vivre mords aussi de ne pas avoir été ca- Touchantes, les deux jeunes selon son ego pable de le comprendre et de lui femmes qui enchantèrent Louis XIII pardonner. Destins précaires mais qu'attirait un idéal plus élevé : Hallier était capable de dépo- Difficile avec toutes ces bles- Marie de Hautefort et Louise-An- ser une gerbe à la statue de Jeanne sures à guérir de céder aux avances C'est le destin glorieux mais pré- gélique de La Fayette, de même d’Arc avec les lycéens d’Action fran- de Marc, Samuel Le Bihan, sympa- caire et souvent poignant de ces Fa- que Marie Mancini pour qui fut dé- çaise (en mai 1991) comme d’or- thique ingénieur français qui lui loue vorites et "dames de cœur" que Pas- chiré le cœur du jeune Louis XIV au ganiser un contre-bicentenaire de l’ancien bureau de Jeremy. Et ce cal Arnoux retrace dans un livre écrit moment d'apprendre la raison d'É- l’assassinat de Louis XVI avec des d’autant plus que, déchirée entre d'un plume alerte, rempli de préci- tat. Louise de La Vallière, dont la républicains amateurs de têtes de l’envie de vivre et les souvenirs, une sions historiques et généalogiques, fin au Carmel revêt une vraie gran- veau (en janvier 1993). Il était tou- "présence" étrange et inquiétante d'anecdotes savoureuses et de ré- deur, et Françoise de Montespan, Jean-Edern Hallier jours là où on ne l’attendait pas, semble se manifester dans la mai- flexions profondes. On y voit défiler restent indissolublement liées aux plus pour faire parler de lui que pour son : tous les soirs, à 0 h 15, le té- non des concubines, mais des fastes du Grand Siècle. Deux feux- On y croule littéralement sous emmerder le monde, qui malheu- léphone sonne sans que personne dames ayant dans une situation follets, Marie-Isabelle de Ludres, les références littéraires, philoso- reusement continuait à tourner. ne réponde, le chiffre 8, chiffre fé- pourtant jamais assurée (certaines et Marie-Angélique de Fontanges phiques, cinématographiques et mu- Admiratif mais lucide, François tiche de Jeremy, se matérialise dans chutes furent terribles) occupé une passèrent ensuite dans le vie de sicales. Jean-Edern y apparaît sous Bousquet rend au maître et soleil diverses circonstances, un jeune place dans l'Histoire. Certaines grand Roi qui, veuf, allait épouser son vrai visage, équipé de ses de ses jeunes années un hommage fermier lui aussi décédé, que Je- morganatiquement Françoise de armes préférées, la vodka et le té- sans concession qui nous restitue remy avait sauvé, lui apparaît et Maintenon, bourgeoise pauvre au léphone, usant et abusant du men- le relief et les creux d’un homme semble vouloir lui dire quelque destin assez déroutant. songe et du grotesque, comète ivre qui avait choisi de vivre non selon chose... De quoi vous rendre ner- Auprès de Louis XV, voici suc- et droguée dans un monde de son goût mais selon son ego, ce veuse la plus solide des épouses. cessivement trois sœurs Louise-Ju- moins en moins enclin à faire rire. qui est tout de même plus risqué. Est-ce la folie qui guette Kathy ou lie de Mailly, Pauline-Félicité de Bousquet en fait intelligemment I bien Jeremy qui, au-delà de la mort, Vintimille, et Marie-Anne de La un fils illégitime du marquis de Mo- veut lui demander quelque chose ? Tournelle, duchesse de Château- rès, ce héros nationaliste du Paris * François Bousquet : Jean-Edern Avec ce film franco-canadien, roux, qui dut s'effacer quand le roi boulangiste, bretteur et explorateur, Hallier ou le narcissique parfait, Éd. et sur un thème qui n'est pas sans fut malade mais fut aimée de lui jus- tant admiré par Bernanos. Il nous Albin Michel, 140 p., 13 euros. rappeler celui de Always réalisé en qu'à sa mort. Jeanne-Antoinette de 1989 par Steven Spielberg, Douglas Pompadour, véritable grande dame, Law signe un "suspense" drama- qui influença les arts et la politique, tico-fantastique un peu bancal qui souffrit sans doute devant la posté- REVUE parvient malgré tout à vous "hyp- rité de ne pas être née aristocrate, DES REVUES notiser". de même que Jeanne du Barry, qui, après avoir égayé les dernières Le BULLETIN CHARLES l'inventeur d'une méthode – l'"empi- G DARK WATER. – Vous en re- rayonnaient de charme, servant les années de Louis XV, vit malgré ses MAURRAS propose deux textes de risme organisateur", à la jointure de prendrez bien une petite goutte arts, donnant le ton à la société ; bienfaits dispensés dans son village conférences. La première est de la philosophie et de l'histoire. » (d’eau) avec cet autre fantôme – une certaines aimèrent réellement leur s'acharner sur elle la "vertueuse" Stéphane Giocanti consacrée aux petite fille "oubliée" par ses parents roi, d'autres furent seulement inté- Révolution par la voix du verbeux et Héritages renaissants de l'Ecole G et qui s’est noyée accidentellement ressées, mais aucune ne laisse le puritain Fouquier-Tinville qui, pour Romane, c'est à dire à l'influence de LES PROVINCIALES d'Olivier dans le "château d’eau" qui se lecteur indifférent. Beaucoup d'entre « libertinage et mauvaises la poésie française du XVIe siècle, et Véron donnent la parole à Falk van trouve sur le toit de l’immeuble elles, au soir de leur vie, donnèrent mœurs », la fit condamner à l'écha- notamment de La Pléiade (Ronsard, Gaver sur la vraie nature de l'Europe, du Bellay) sur le groupe formé autour pouilleux où elle demeurait – qui, généreusement aux œuvres, parfois faud. Régnait alors la Liberté... grecque, romaine et chrétienne, et à de Jean Moréas et Charles Maurras ayant besoin de l’amour d’une vraie prirent le voile. Le sort de leur époux En somme une vingtaine de Henry Le Bal, qui adresse une lettre à la fin du XIXe siècle : « Reconnaître maman, en fait voir des vertes et (ou du mari qui leur fut donné pour femmes qui, au-delà des alcôves, ouverte au duc de Vendôme sur le les modèles de la Renaissance, des pas mûres à une jeune mère de sauver les apparences) mérite aussi reflètent la société de leur temps manque essentiel de notre pays, de pour les Romans, prend tout son famille en plein divorce, Jennifer un regard apitoyé, dans le bien ou dans le mal, parfois notre « Citadelle » la France : la sens : ils forment le parangon de Connely, elle aussi délaissée dans Ainsi rencontre-t-on, aux temps dans les deux ensemble. Il n'ap- monarchie. la Francité littéraire et de l'huma- son enfance par une mère alcoo- cruels de la guerre de Cent ans, la partient qu'à Dieu de les juger. Pas- nisme classique en poésie. Les G lique, et qui, avec sa petite fille, vient douce Odinette de Champdivers cal Arnoux, en les évoquant, enri- célébrer, c'est reprendre leur propre d’emménager dans l’immeuble qui seule pouvait consoler le pauvre chit nos connaissances sur l'histoire revendication patriotique et natio- Le numéro d'août du mensuel hanté. Une mère de famille fragili- Charles VI. Puis voici la distinguée et sur la nature humaine. naliste, leur ambition poétique de HISTORIA propose un grand article sée qui va être confrontée à un Agnès Sorel, qui aida Charles VII, Nous ajouterons que les rois, se sentir des fils de la Grèce et les d'Anne Bernet sur la Vendée et l'épo- étrange phénomène de fuites d’eau après une jeunesse infortunée, à trouvant assurément auprès d'elles enfants d'une France à exalter pée des insurgés de l'Ouest pendant récurrentes et plus violentes qu’une prendre confiance en lui-même. un dérivatif à leurs charges écra- (elle a été vaincue en 1870). » la Révolution. L'occasion pour l'his- trombe de chez Jacob et Delafon... L'aventure de Françoise de santes et à leur vie conjugale sou- La seconde est la transcrition torienne de rendre hommage une fois Walter Salles signe un "remake" Chateaubriant dans les bras de vent triste, ne rompirent jamais pour d'une intervention de Jean-Marc de plus à « cette levée unanime d'un américanisé assez angoissant du François Ier fut interrompue par autant le lien avec leurs épouses lé- Joubert à l'Institut d'Action française peuple entier armé pour la défen- film de terreur japonais du même l'éblouissante et perverse Anne de gitimes, toujours présentes auprès sur les rapports entre Maurras et la se de sa foi et de ses convictions ». philosophie. Il y juge avec raison qu'il titre réalisé il y a deux ans par Hi- Pisseleu, bientôt duchesse d'É- d'eux aux moments officiels. La chair P.L. deo Nakata d’après un roman de Koji tampes, elle-même vite éclipsée par est faible, mais cela n'autorise pas existe une véritable philosophie maur- rassienne : « Maurras développe Suzuki. Alors, si ça vous dit de re- Diane de Poitiers qui, auprès de à séparer ce que Dieu a uni. * Bulletin Charles Maurras n°27, 22 une ontologie, une anthropologie prendre une chtiote goutte de François Ier puis d'Henri II, fut une pages, 6 euros. 16, rue du Berry, (et pas seulement "morale") et, quoi frayeurs humides, n’ayez pas peur grande mécène incarnant un art de I 36250 Niherne. qu'en dise Madiran – de façon un * Les Provinciales, juillet 2005, 12 d’aller vous y mouiller ! vivre raffiné. * Pascal Arnoux : Favorites et "dames peu surprenante-, une "physique pages, 3 euros. 38510 Saint-Victor- de- La discrète Marie Touchet fut de cœur". Éd. du Rocher, 335 pages, sociale", chacune étant originale et Morestel. Alain WAELKENS fidèle à Charles IX jusqu'à sa mort. 18,90 euros. féconde. Par ailleurs Maurras reste * Historia n°704, 98 pages, 4,50 euros.

12 L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 ARTS-LETTRES-SPECTACLES Destins irlandais

assée de la plus extrême vains, et qu’attendirent bientôt la par idole de la musique. Mais, à peine Dans Le Bois, le fils d’un me- pauvreté à un développe- grande famine, la mort, l’expro- Anne BERNET sur le bateau, en proie au plus hor- nuisier protestant cloué au lit par Pment éclair, qui l’a propulsée priation, l’exil, les Foley traversent rible mal de mer, tombé sous la une attaque aide clandestinement au premier rang des puissances l’indicible soutenus par leurs rêves, coupe d’une fille du Nord qu’il soup- sa mère, tous les soirs, à tourner économiques occidentales, l’Irlande leur sens de la beauté et de la jus- vaise pente, la première place. çonne de militer à l’I.R.A. et dont il des hampes pour les étendards des ne se contente pas d’être devenue tice. Leurs pérégrinations dans un Pourtant, il est mort. Au premier ignore qu’elle va en Angleterre, la loges orangistes, un travail que son "le tigre européen" ou "le dragon univers tantôt sublimé tel Tir n’an chapitre, Grace, sa femme, l’a tué. mort dans l’âme, se faire avorter, père avait toujours refusé. Dans celtique" des industries de pointe Og, la Terre des Jeunes des vieilles Trente-deux ans de mauvais trai- Une grève de la faim, le jeune gar- et des nouvelles technologies ; elle légendes, tantôt terriblement réa- tements, de coups, de rancœurs, çon se demande pourquoi sa mère possède incontestablement la liste, sont un sommet d’écriture et de reproches remâchés sur le dé- a choisi de quitter le Nord en l’em- meilleure littérature contemporaine. de magie. cès accidentel de leur fils aîné, et menant au moment précis où, à la Il n’est pas de meilleure manière une rossée de trop, ont eu raison suite de Bobby Sands, son oncle d’aborder le phénomène irlandais de sa résignation passive. Un soir, en prison refuse de se nourrir. Mais actuel que de la lire. Interrogations elle a pris la voiture, et guetté Ailleurs, en ce pays qui donne son de l'enfance l’ivrogne au coin du chemin creux titre au livre, dans sa terrible briè- qui conduit à leur ferme. Puis, cal- veté, les surpasse. Un soir, la ju- Générations Sang impur est le premier ro- mement, elle l’a écrasé, à l’endroit ment favorite du père de Katie sacrifiées man traduit en français de Hugo même où, un an plus tôt, saoul, il tombe dans la rivière en crue. Du Hamilton, auteur jugé longtemps avait renversé la fille de leurs voi- secours arrive et sauve l’animal. Il Niall Williams inscrit son œuvre difficile et confidentiel, qui révèle sins. Un acte de justice immanente, dans le plus pur imaginaire celtique, ici un humour grinçant et une ten- somme toute, et Grace pensait qu’il et ne parle pas du passé unique- dresse acide uniques en leur genre. la libérerait. ment pour le démythifier, bien Dans l’immédiat après-guerre, qu’une telle attitude ait l’heur de ra- une jeune Allemande catholique, ses belles illusions commencent à vir la critique britannique et améri- obsédée par le souvenir des atro- s’écailler. À Londres, en 1980, l’on caine et de faire grimper en flèche cités nazies dont sa famille a n’aime pas beaucoup les Paddies, d’ailleurs été plus victime que com- et la gloire ne les attend pas au plice, entame un pèlerinage en Ir- coin des rues. lande, et n’en repart plus, ayant Le dernier des Iroquois, le pre- épousé un ingénieur dublinois. L’en- mier roman d’O’Connor, n’atteint nui étant que le mari, militant de la certes pas la maîtrise extraordinaire cause gaélique et du retour aux ra- de ses livres suivants, Les bons cines celtiques, ne tarde pas à ré- chrétiens, Desperados, les boule- véler ses limites et ses faiblesses. versants Irishowen ou À l’irlandaise, Interdisant à coups de taloches à qui sont autant de chefs-d’œuvre, ses enfants de parler anglais mais mais l’itinéraire chaotique de cet incapable de pourvoir aux besoins adolescent attardé qui ne sait pas s’agit de soldats britanniques ap- quotidiens de sa famille, toujours s’il a envie de vieillir, de devenir un partenant à l’unité qui, quelques en proie à une nouvelle, et catas- homme et d’en assumer les consé- mois plus tôt, a tué la mère et le trophique, lubie censée les rendre Après l’enterrement, elle est quences, ne dépare pas son par- frère de la jeune fille. Plus que le riches, ce père terrifiant et pitoyable partie pour Dublin, sans avoir cours littéraire. père ne peut en supporter… On a occupe tout l’horizon de quatre ga- conscience que tout l’accusait, seu- rarement dit pareillement l’absur- les tirages d’un auteur. Après mins et gamines déphasés, étran- lement soucieuse de retrouver Mar- dité de la guerre, les tréfonds de la Quatre lettres d’amour, l’un des plus gers dans leur propre pays, pour- tin, son fils, chassé de la maison Absurdité souffrance et de la bêtise humaines. beaux romans de ces dernières an- suivis par les passés tragiques de quand il avait avoué son homo- de la guerre nées, que certains comparèrent à leurs parents, d’autant plus obses- sexualité. Mais Dublin n’est plus la I Tristan et Iseult, Destins crépus- sionnels qu’ils sont occultés. ville qu’elle avait connue, Martin ne Les héros des trois nouvelles culaires vient confirmer le talent et semble pas très heureux de revoir de Colum Mc Cann qui composent * Niall Williams : Destins crépuscu- la place singulière de Williams. sa mère, la police se fait insistante, le recueil Ailleurs, en ce pays, sont laires. Éd. Denoël, 475 p., 21,50 eu- L’Irlande de 1830, celle de tous tout comme Sean, journaliste à la des adolescents des années 80, ros (141, 03 F). les accablements et de toutes les télévision, qui éprouve des soup- eux aussi, qui portent le handicap * Hugo Hamilton : Sang impur. Éd. tristesses. Les soulèvements de çons sur les circonstances du supplémentaire de grandir en Ul- Phébus, 280 p., 19,50 euros 1798 et de 1803 ont été écrasés drame. Et Grace a tellement be- ster déchiré par la guerre civile. (127,91 F). sans pitié par l’Angleterre qui en a soin de se confesser… Avec un grand dépouillement, une * Keith Ridgway : Mauvaise pente. profité pour resserrer son étau sur Ridgway peint une Irlande dé- grande économie de moyens, en Éd. Phébus, 350 p., 21 euros la paysannerie catholique. Impuis- chirée entre tradition et modernité, coulisses, sans rien montrer de la (137,75 F). sants, les rebelles sont rentrés dans des personnages qui ne savent plus violence, des passions politiques * Joseph O’Connor : Le dernier des le rang pour tenter d’oublier. qui ils sont – Grace, que tout le déchaînées, le nouvelliste va au Iroquois. Éd. Phébus, 265 p., Francis Foley fut l’un d’eux. Son monde croit anglaise, ce qui ag- cœur même du conflit nord-irlan- 19,67 euros (129, 03 F). amour pour son épouse Emer, à la grave son cas, est en réalité une dais, par le simple énoncé des états * Colum Mc Cann : Ailleurs, en ce troublante beauté, l’a aidé un temps immigrée irlandaise dont le père d’âme et des incompréhensions de pays. Coll 10-18, 143 p., 5,79 euros à n’être plus que le jardinier d’un avait renié ses origines – une so- ses personnages. (37,98F). seigneur britannique que l’on ne Très largement autobiogra- ciété en train de perdre ses valeurs. voit jamais. Emer, à cause de leurs phique, le livre d’Hamilton réussit Son livre traduit un grand malaise, quatre enfants, aspirait à la paix, cependant le tour de force de n’être preuve qu’il n’est pas si facile même honteuse. Mais, après plus ni méchant, ni haineux et de ne ja- d’abandonner l’être au profit de LU AUSSI de vingt ans de soumission et de mais ridiculiser ce père pour lequel, l’avoir. … G Collectif : HISTOIRES D’IRLANDE résignation, Francis craque, met le quoi qu’il arrive, il éprouve un amour L’Irlande représente, depuis le roman breton, un terrain d’ex- feu au château symbole de ses hu- apitoyé et fervent, pas plus que ploration littéraire par excellence et ce, bien au-delà de ses fron- miliations, prend le maquis avec l’idéal mal-compris qu’il défendait. Adolescent tières. Innombrables les écrivains qu’elle a inspirés à travers le ses quatre fils, et un télescope volé. En parallèle d’une très fine analyse révolté monde. Cette anthologie présente un choix de textes, extraits de Sans Emer, volatilisée, disparue des interrogations de l’enfance, et romans, de récits de voyage, ou nouvelles, représentatif. avec son refus du danger, de la du mal-être des origines impos- Une expérience vécue d’abon- L’on découvrira là des classiques irlandais, tels un extrait d’In- pauvreté et de l’incertitude. Com- sibles à assumer, se déroule une dance par tous les personnages de surrection d’O’Flaherty, ou Les hôtes de la nation, de Frank O’Con- mence une interminable errance fresque de la vie quotidienne déli- l’œuvre, remarquable, de Joseph nor, drame qui confronte deux soldats de l’I.R.A. à la nécessité dans l’Ouest du pays, en quête catement brossée qui donne envie O’Connor, couples déchirés, qua- d’exécuter leurs prisonniers britanniques, avec lesquels ils se sont d’une terre encore libre, en quête, de rire plus souvent que de pleu- dragénaires traînant leurs blessures liés d’amitié ; les textes de la renaissance littéraire irlandaise, à aussi, de la mère et de l’épouse rer. ou adolescents révoltés en quête travers Yeats ou Lady Gregory ; les souvenirs militants et icono- disparue que sa famille désespère d’une place dans un monde en mu- clastes de Brendan Behan, dont le passage à l’I.R.A. fut mémo- de retrouver et de reconquérir. tation. À vingt-quatre ans, Eddie, rable, tragique et drolatique ; mais aussi Le Braz, Mirbeau, Toc- Personnification de ces géné- Cruel malaise doté d’un physique d’archange, et queville, Young, Bradbury, dont les regards croisés créent un pa- rations irlandaises sacrifiées du XIXe d’un petit talent pour la guitare, s’est norama complet et souvent inattendu. siècle, dont tous les efforts pour se Chez Keith Ridgway aussi, mis en tête qu’il allait devenir à * Sortilèges-Les Belles Lettres, 280 p., 22 euros (144, 31 F). libérer s’avérèrent tragiquement l’image du père prend, dans Mau- Londres, et sans mal, la nouvelle

L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 13 CHRONIQUE CULTURE

Vers le pays L'édition est-elle encore de Sapience française, européenne algré le par pensait peut-être temps Jean-Baptiste MORVAN le quadrupède incertain sagace compa- Mde ce mois d’août, je trouvai mon gnon de Polydore en ses itiné- ou déjà mondiale ? vieil ami Polydore en son jardin, raires philosophiques et philolo- devant quelques dossiers de re- giques... Et il est vrai que nous cherches linguistiques ; auprès entendons chaque jour ou de lui trônait son Maître-Chat sur presque de solennels bavards, epuis des années l’édi- par gnait une réduction du monde de un fauteuil garni d’un coussin. gênés par quelque objection, dire tion est en difficulté. Il en Henry SURVIRE l’édition et donc des libertés. Polydore ce jour-là se passion- avec un sourire supérieur : Dest de même de la Tout particulièrement en ma- nait pour le vieux mot "sapience" « Voilà une bonne ques- presse. Elles sont toutes deux du Palais appartiennent ou font tière juridique et notamment en qui désignait la sagesse au temps tion ! »... Ce qui sous-entend concurrencées par les moyens partie du groupe Lexis Nexis droit public, il est regrettable que que sur le moment, ils ne trou- audiovisuels et maintenant par (R.C.S. Paris B 552 029 431) les ouvrages qui vont influencer Dans un monde vent que de mauvaises ré- internet. Est-ce la mort du pa- dont les ramifications ne sont l’établissement et la rédaction de inquiet ponses... pier ? Peut-être, mais le glas de plus en France : Reed Business lois, de décrets ou d’arrêtés fran- et déconcerté, Pourtant, il n’y a pas que le l’édition française sonne-t-il ? Information (R.C.S. Nanterre B çais, proviennent d’ouvrages ap- la France seul domaine du politique où le C’est à craindre. 339 611 956), Reed Elsevier partenant à des groupes finan- n'est-elle pas désespoir soit, selon le mot de L’édition grand public appar- Gestion. ciers européens et parfois même Maurras, « une sottise abso- tient souvent à de gros groupes Les maisons d’éditions Lamy mondiaux. digne encore lue ». Et même si le Maître-Chat financiers tels que Dassault, La- qui publient d’excellents ouvrages On veut nous faire croire que d'apparaître demeure sceptique, il nous gardère ou autres, mais qui sont techniques, appartiennent au l’Europe pourrait sauver la France comme le refuge semble que la "sapience" fran- encore français. groupe Wolters Kluwer Interna- du mondialisme. Il n’en est rien. de la sagesse ? çaise est garantie, et justifiée, On assiste en revanche à un tional Holding. Il est donc d’autant plus néces- par la tendresse diffuse qui développement considérable du Le groupe Liaisons sociales saire de s’opposer à un accrois- jadis ; sans se rappeler pour l’ins- émane des paysages de ce pays, groupe Prisma-presse (R.C.S. S.A. (R.C.S. Nanterre B 572 208 sement de l’intégration euro- tant quelque exacte référence, il qui se fait sentir dans les trilles Paris B 318 826 187), S.N.C. 288, nom commercial MIT Inter- péenne par ses facilités de trans- croyait avoir trouvé mention dans et fredons des oiseaux du jardin, dont l’associé gérant est le national) qui publie également fert des biens et de personnes. Rabelais d’une heureuse contrée et même dans ces landes dé- groupe allemand Gruner Plus Ja- des ouvrages et revues de qua- Il faut agir, il est grand temps, qui avait mérité le nom de Pays sertes des monts d’Arrée où j’ai- lir Communication G.M.B.H. Ce lité est l’objet d’une prise de par- nous dit la Royale, oui mais com- de Sapience. Était-ce la Nor- merais parfois à revenir : ces groupe édite notamment les re- ticipation étrangère. ment ? Dans l’immédiat en refu- mandie à laquelle son érudition « grands pays muets » dont vues Géo-Magazine, Capital, Le regroupement des éditeurs sant une extension de l’intégra- juridique avait valu un tel éloge ? parle Vigny, tellement propices à Télé-Loisirs et Femme Actuelle, en raison des nécessités éco- tion européenne. À moyen terme, Polydore en sa retraite esti- des méditations suprêmes, cette ce dernier étant l’hebdomadaire nomiques est déjà regrettable en en n’oubliant pas de se servir en vale ne disposait point d’une bi- musique des « harpes du vent » le plus lu en France dans ce sec- lui-même car il s’accompagne ouvrages dans les petites mai- bliothèque considérable ; et, faute qu’évoquait Jean de La Varende. teur d’édition. Capital est une re- d’économies d’échelle. Ainsi, par sons d’éditions qui subsistent, de mieux il imaginait, dans la ma- Peut-être faut-il recourir à cette vue bien faite, très agréable à exemple un seul ouvrage sera nous pensons notamment à nière du XVIe siècle finissant ou « confiance dans les choses lire, mais ses capitaux ne sont édité au lieu de deux ou trois. E.J.A. (L.G.D.J., etc.) mais qui du XVIIe commençant, un roman fortuites » que conseillait aussi pas français. Certains professeurs auraient pu restent à taille humaine et fran- d’aventures intitulé La Quête de Rabelais. Notre espérance dans En ce qui concerne l’édition proposer des doctrines diver- çaise. Sapience. Il se résignait à suivre la "Sapience française" est un juridique : l’encyclopédie Juri- gentes. Cela n’est plus possible. Le retour au "politique un conseil analogue à celui que pari sur l’imprévu toujours régé- classeurs, les codes Litec, de Certains parleront de "pensée d’abord", c’est-à-dire au-dessus donnait à Alphonse Daudet un néré des dons mystérieux et di- nombreux ouvrages, les diffé- unique". Maurras ne tirait-il pas de l’économique, s’impose avec bonhomme jovial des Lettres de vins... rentes éditions de la revue La déjà la sonnette d’alarme dans urgence. mon Moulin : consulter la « bi- I Semaine Juridique, la Gazette L’Avenir de l’intelligence ? Il crai- I bliothèque des cigales », c’est- à-dire recourir à la rêverie rus- tique sous les frondaisons et, à défaut de cigales, écouter les suggestions des grives, merles et rouges-gorges, dispensateurs PALESTINE poétiques et parfois facétieux d’iti- néraires romanesques.

Solennels Ce mur qui est plus qu'un mur bavards e mur de Sharon n’est pas communauté internationale » ghetto ». Alain Ménargues met Une "Quête de Sapience" ? un brûlot mais son auteur et sous « l’œil des États-Unis, tout à plat, les siècles passés « J’aime beaucoup le mot de La su ce qu’il en coûte d’être l’allié bienveillant ». pour en arriver aux accords quête », disait Polydore ; « On "politiquement incorrect". Pour De là à dresser un état des d’Oslo, à l’idée du mur, l’action le retrouve aussi bien dans la avoir écrit : « Est-il permis de lieux, il n’y avait qu’un pas que du lobby militaire et celle du lobby Quête du Graal que dans la mo- parler d’Israël ? », Pascal Bo- le reporter a franchi allègrement, des colons, et enfin, l’alliance des deste quête paroissiale. Mais niface avait, lui, été exclu du P.S. fort d’une solide connaissance colons et des militaires. Avec un pour en revenir au "Pays de Sa- Alain Ménargues, spécialiste ré- du terrain et de l’histoire. Si le rien de cruauté, Ménargues dé- pience", il me plaisait de penser puté du Moyen-Orient, lauréat du droit d’Israël à exister, à vivre en crit la construction du mur, ses des frontières actuelles d’Is- qu’il désignât la France elle- prix Pierre Mille, a couvert les toute sécurité dans les frontières enclaves et puis les réactions raël y seront majoritaires » ? même. Dans un monde inquiet événements de la région pen- d’avant 1967, est, pour Alain Mé- d’un côté et de l’autre, dans le Pour Alain Ménargues, « l’idée et déconcerté, notre patrie n’est- dant quinze ans pour Radio- nargues, une évidence, il ne monde arabe, l’apathie de d’évacuer les colonies de- elle pas digne encore d’appa- France Internationale. Pourquoi cache pas avoir été choqué par l’O.N.U., les commentaires amé- viendra absurde ». et « plus raître comme le refuge de la sa- raconter l’histoire de ce mur – « ce mur de Sharon qui n’est ricains. Certains n’hésitent pas l’injustice frappera l’un, plus gesse ? » qui, sur sept cents kilomètres de pas qu’un mur ». Pour lui, cette à dire que « la raison qui a l’autre en souffrira ». La ques- Comme il avait ainsi parlé, il longueur et huit mètres de haut – « balafre » est, au surplus, « un poussé Bush à entériner le tion n’est plus de savoir qui a rai- me sembla que la physionomie constitue une "barrière de sécu- défi à la morale ». plan Sharon est tout simple- son et qui a tort. Elle est de sa- de son Maître-Chat laissait sup- rité contre les kamikazes pales- ment électorale ». voir de quoi demain sera fait. La poser quelque réticence, désac- tiniens" et pour les Palestiniens L’auteur doute que le mur de "chance" pour ce spécialiste, se- cord ou même dénégation "le mur de la honte". D'autres murs ? Sharon suffira à contenir le ter- rait qu’« Israël devienne un : « Est-il crédible de considérer En soi, ce n’est pas l’ouvrage rorisme. « Faudra-t-il construire pays comme les autres ». comme le sanctuaire de la sa- d’art érigé par Tsahal – son bé- La démonstration est perti- d’autres murs le long des fron- gesse un peuple si bien pourvu ton, ses grillages, ses mi- nente. Pourquoi ce mur ? Au dé- tières syriennes ? s’interroge- Michel JANVIER en sa composition de centaines trailleuses télécommandées – qui part « une peur incommensu- t-il, craignant qu’Israël soit « plus et sans doute de milliers d’éber- a le plus surpris Ménargues, mais rable », avec une justification po- que jamais coupé des réalités * Alain Ménargues : Le Mur de Sha- lués, farfelus, branquignols, ar- le fait qu’il ait pu être lancé dans litique et une justification de la région ». et quid le jour où ron. Éd. Presses de la Renais- lequins et pieds-nickelés ? » Ainsi « l’indifférence totale de la historique. Et « l’esprit de « les Arabes vivant à l’intérieur sance, 897 pages. 18 .

14 L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 L’ACTION FRANÇAISE EN MOUVEMENT

CENTRE ROYALISTE D’ACTION FRANÇAISE QUAND L'UNIVERSITÉ D'ÉTÉ OUVRE SES PORTES C.R.A.F. er Cassociation.R. Adéclar.éeF. u 24 août au 1 septembre aux événements. Jean-Philippe s’est déroulée l’université Chauvin, candidat royaliste à l’élec- 10 , rue Croi x-des- Peti ts -Champ s, d’été de l’Action française tion partielle des Hauts-de-Seine 7 5001 Paris D TÉL : 01-40-13-14-10 – FAX : 01-40-13-14-11 au château de Lignières où la re- du 25 septembre, a ensuite souli- Dans la ligne du mouvement fondé cevait S.A.R. le prince Sixte-Henri gné l’actualité de la monarchie par Pierre JUHEL de Bourbon Parme. comme remède aux vices de la DIRECTOIRE PRÉSIDENT : Pierre PUJO Le samedi 28 août a été consa- Vème République. VICE-PRÉSIDENT : Stéphane BLANCHONNET cré à une "journée Portes ouvertes" Comme l’an dernier, nos amis CHARGÉS DE MISSION où les jeunes d’A.F. recevaient les se sont transportés ensuite au mo- FORMATION : Pierre LAFARGE DÉLÉGUÉ AUX ÉTUDIANTS : amis de la région. Un beau soleil nument dédié aux morts pour la Thibaud PIERRE n’a pas cessé de briller toute la France de toutes les guerres à ADMINISTRATION : Mlle de BENQUE d’AGUT journée. Dès le matin des stands Saint-Hilaire de Lignières où deux de journaux et de livres étaient ins- jeunes filles ont déposé une gerbe. COTISATION ANNUELLE : tallés dans la cour du château, au- Après une de silence, Fran- MEMBRES ACTIFS (32 €), tour desquels s’empressaient les çois-Marin Fleutot a rappelé la si- ÉTUDIANTS, LYCÉENS, CHÔMEURS (16 €), Au monument de Saint Hilaire sous Lignières, visiteurs. les drapeaux de l’Action française durant l’allocution de Pierre Pujo. gnification de ce monument qui ré- BIENFAITEURS (150 €) À dix heures s’est ouvert un dé- sume le passé, le présent, l’avenir bat sur la décentralisation et les tionnement actuel des collectivités caparer celle-ci. Il y eut d’ailleurs de la patrie. Pierre Pujo a évoqué collectivités locales sous la prési- locales, leurs relations entre elles une autre Résistance – politique le « devoir de vigilance » qui s’im- dence de Pierre Lafarge. Sté- et avec l’État. celle-là – pratiquée par le Maré- pose particulièrement à l’Action phane Blanchonnet a rappelé la François-Marin Fleutot a fait chal et l’Action française. française pour la sauvegarde de place importante occupée par la ensuite une intervention sur les Un déjeûner préparé par les l’indépendance nationale. BOURGOGNE décentralisation dans la pensée de royalistes dans la Résistance, sou- jeunes a été servi dans la grande Après cette cérémonie patrio- l’Action française. Didier Béoutis lignant que les socialo-commu- galerie du château. Il était présidé tique tout le monde est revenu au a expliqué très clairement le fonc- nistes ne pouvaient prétendre ac- par le prince Sixte-Henri de Bour- château de Lignières où l’Action Session bon Parme. française a offert le verre de À 16 heures, s’est tenue une l’amitié. nationale Un message du Comte de Paris nouvelle réunion, présidée égale- ment par le prince. Pierre Pujo y Jacques CEPOY À l’occasion du Camp Maxime Real del Sarte (université d’été) a prononcé le discours dont on lira de formation 2005 Mgr le Comte de Paris a adressé à François Bel-Ker qui le diri- des extraits en page 16. Il a ter- N.B. – Ce même jour, France 3 (ré- geait le message ci-dessous. miné en lançant un appel pressant gionale) évoquait très honnêtement Cher Ami, pour le soutien au journal de l’Ac- l'université d’été de l’A.F. avec une royaliste Avoir de l’ambition est nécessaire à la jeunesse. Avoir un idéal tion française dont chaque numéro interviouve de Stéphane Blan- est vital pour qui veut construire l’avenir. exprime la position de l’A.F. face chonnet. "De la crise Dans le cas des Royalistes, des jeunes du Camp Real del Sarte il existe un "plus", c’est l’écho qu’ils peuvent percevoir en retour européenne de la Famille Royale de France. Soyez alors mon interprète pour saluer en eux ceux qui un jour à la crise pourront et voudront me soutenir dans la tâche que la Providence m’a confiée ainsi qu’à mes successeurs. Il leur faudra non seulement être de leur temps, dans leur temps, de régime" mais être capables, en ces instants de grande mutation, d’inven- ter l’avenir tout en conservant les axes essentiels des valeurs qui 1er fondent notre civilisation chrétienne. Je vous souhaite, à vous tous, bonne chance. et 2 octobre Très chaleureusement. HENRI 2005 Comte de Paris Duc de France avec la participation Pollença, le 29 juin 2005 Stéphane Blanchonnet et Didier Béoutis de Pierre PUJO, Débat sur la décentralisation Stéphane BLANCHONNET, LE MONDE Jean-Philippe ET LA VILLE CHAUVIN, Pierre LAFARGE, DÉCÈS çois sur le millénaire capétien qui avait rassemblé dredi 23 au dimanche 25 septembre à Douai (Nord), vingt-deux communications. le Romagnan, place Saint-André. Alexandre BORITCH Jusqu'à la fin, il est demeuré fidèle à Dieu, au Le docteur Elle sera ouverte à tous les souverainistes, qu'ils Prix : 30 euros y compris le Roi et au Maréchal. soient membres ou non d'une formation politique. RÉVILLON Nous prions Mme Jean Révillon, son épouse, ainsi Contact : Anne de Vaureix. tél : 01 34 75 19 05 déjeuner du dimanche. G Nous avons appris avec beaucoup de peine la que ses enfants et petits-enfants de croire à notre http://www.souverainete.org mort de notre ami très fidèle, le docteur Jean profonde sympathie et à l'assurance de nos prières. G Arrivée conseillée le vendre- décédé dans sa quatre-vingt-dixième RÉVILLON G Nous apprenons le décès de la marquise de INFORMATIONS di soir. Gare TGV à Châlon-sur- année à Nice, où il résidait depuis longtemps, le 23 PARDIEU, née Marie-Thérèse Sandrot. Elle avait G Le Cercle Alexis de Tocqueville organise le mer- Saone (navettes prévues) août 2005. été l'épouse du marquis de Pardieu, décédé il y a credi 14 septembre à 19 h 45 au restaurant Le Gre- Depuis Châlon, prendre la direc- Ses obsèques ont été célébrées en la chapelle quelques années, qui était demeuré jusqu'au bout de la Visitation à Nice le 25 août. M. l'abbé notre ami fidèle. nadier, buffet de la Gare de Paris-Austerlitz, 55, quai tion Mercurey. Lansenet, qui officiait, a prononcé l'homélie. Le doc- Les obsèques de la marquise de Pardieu ont d'Austerlitz, 75013 Paris, un dîner-débat animé par teur Révillon a été inhumé dans la sépulture fami- été célébrées le 27 août 2005 en l'église Saint-Louis Jean BOTHOREL, journaliste et écrivain, sur le G Apporter un sac de coucha- liale à Couzance, en Franche-Comté. de Grenoble suivies de l'inhumation au cimetière de thème : Jean-Jacques Servan-Schreiber, l'homme ge des affaires de sport (pour Dans sa jeunesse, il avait appartenu à la qui voulait tout changer... Saint-Pierre-de-Paladru. les étudiants) et un tapis de sol. 33e équipe des camelots du Roi à Lyon. Il était fier Nous prions ses enfants, petits-enfants et ar- Montant de la perticipation : 25 euros (13 eu- de le rappeler. Durant l'Occupation il exerça comme rière-petits-enfants d'agréer à nos bien vives condo- ros pour les jeunes). Inscription à adresser au Cercle * Inscrivez-vous en joignant médecin à Vichy. Il était resté reconnaissant à Mau- léances. Tocqueville, 1, rue Godefroy, 75013 Paris Tout re- votre règlement rice Pujo de l'avoir dissuadé de s'engager dans la seignement au 01 45 88 27 73 ou à didierbeou- Milice en 1943. UNIVERSITÉ [email protected] auprès du C.R.A.F. Depuis la libération du territoire, il avait constam- ment participé aux activités de l'Action française. Il SOUVERAINISTE G Nathalie Pingal présente les Aquarelles de 10 rue Croix-des-Petits- était abonné à L'Action Française 2000 et contri- G Succédant aux universités souverainistes d'Ey- Marie-Caroline de VARINE : « J'ai descendu dans Champs 75001 Paris. buait généreusement à la souscription du journal. met, de Valence, d'Artigues et du Pradet, l'univer- mon jardin... », du 1er au 30 septembre 2005 du Tél : 01-40-39-92-06 En 1987, il avait été l'organisateur avec Dom sité du Rassemblement pour l'indépendance et la lundi au vendredi de 11 h 30 à 17 heures, 15, rue Guillou et la princesse de Lobkowicz du colloque ni- souveraineté de la France (R.I.F.) se tiendra du ven- Carnot, 921000 Boulogne-Billancourt.

L’Action Française 2000 n° 2684 – du 1er au 14 septembre 2005 15 UNIVERSITÉ D’ÉTÉ Du souverainisme au nationalisme

partient à une Europe-puissance : Discours de conservation et la prospérité de la Troisième constatation : la Ve I Samedi 28 août, l’uni- c’est une illusion. La puissance sup- Pierre PUJO nation française. République ne procure pas aux versité d’été de l’Action pose l’existence d’un peuple, une Français un chef de l’État au des- française réunie au châ- volonté, des moyens d’action. "L’Eu- tional. Le réflexe patriotique ne suf- sus des partis, un arbitre comme teau de Lignières (Cher) rope" ne possède aucun de ces fit pas. Il nous appartient d’inciter Le problème celui auquel aspirent les Français où S.A.R. le prince Sixte- facteurs et ne peut accéder à la les souverainistes à approfondir des institutions dans un lointain souvenir de la mo- Henri de Bourbon Parme puissance. La France, en revanche, leur réflexion politique. Nous de- narchie. M. Chirac a été chef de la recevait, tenait une peut être une puissance qui compte vons travailler à réhabiliter le na- On ne peut pas cependant se parti avant de devenir chef de l’É- journée "Portes Ouvertes" dans le monde, si elle s’en donne tionalisme. Le nationalisme est à contenter de réclamer une politique tat. M. Sarkozy est président de (voir p. 15). les moyens. l’origine du mouvement d’Action nationaliste. Il faut poser le pro- l’U.M.P. et prétend être élu prési- À cette occasion, On nous dit : la France est trop française. C’est à partir d’une ré- blème des institutions si l’on veut dent de la République en 2007. Pierre Pujo a prononcé un petite et trop faible désormais pour flexion nationaliste que l’Action fran- faire aboutir le combat souverai- Mais s’il est élu, il ne sera pas le jouer un rôle international. C’est çaise est devenue royaliste et niste et nationaliste. président de tous les Français. Il discours fixant la ligne po- loin d’être vrai. Il n’y a pas que les qu’elle a rénové un royalisme qui Faisons plusieurs constata- sera le président d’une partie litique de l’Action fran- chiffres de population et de pro- s’étiolait car il ne reposait plus que tions : d’entre eux élu contre l’autre par- çaise pour la rentrée d’au- duction qui comptent. Chaque fois sur de vieilles fidélités familiales ou D’abord, les institutions de la tie. tomne 2005. Nous en pu- que cela apparaît nécessaire, ou sur le snobisme. Ve République ne garantissent pas C’est pourquoi la monarchie de- blions ci-dessous de seulement souhaitable, la France Le nationalisme est aujourd’hui la préservation de l’indépendance meure d’actualité à partir du mo- larges extraits. peut s’associer à d’autres pays pour décrié. Quand il est évoqué publi- nationale. Ni le président de la Ré- ment où l’on pose la question du certaines réalisations. Ainsi a-t-on quement, c’est pour en faire un sy- publique, ni le Conseil constitu- régime par rapport à la France, où procédé pour créer Airbus ou Aria- nonyme d’impérialisme, de fas- tionnel n’ont fait barrage à un pro- l’on se demande quel est le régime « [...] Le combat souverainiste nespace qui ne sont pas des réa- cisme, de guerre. En janvier 1990, jet de constitution européenne qui nécessaire à la conservation et à n’est pas terminé parce que le Non lisations européennes mais le fruit Mitterrand s’écriait devant le Par- mettait la France dans la situation la prospérité de la France. La Mo- l’a emporté, loin de là. Il faut conti- de la coopération entre plusieurs lement de Bonn : « Le nationa- d’un État sous tutelle. Pire, le pré- narchie est la constitution naturelle nuer à lutter pour la restauration de pays qui, dans le cas d’Arianes- lisme, c’est la guerre ». De fait, sident de la République a accepté de la France car elle seule conci- la souveraineté nationale. Nous de- pace, ne sont pas tous membres pour les Allemands auxquels de signer le traité constitutionnel et lie l’autorité en haut, les libertés en vons être très vigilants à l’égard de de l’Union européenne. s’adressait alors Mitterrand le na- pris l’initiative de le soumettre à ré- bas et une représentation du pays tous les renoncements et des aban- réel auprès du pouvoir. Malgré plu- dons de souveraineté auxquels sieurs tentatives, la république n’est pourraient consentir nos gouver- pas parvenue à remplacer la mo- nants. Les tenants du Oui conti- narchie. nuent à détenir les leviers de com- mande en France. Sur le plan eu- ropéen, nos dirigeants cherchent Les conditions le moyen de faire adopter la Consti- du salut tution par morceaux, notamment le titre I sur les institutions. Aujourd’hui les Français sont Un terrain sur lequel nous de- invités à préparer l’élection prési- vons être particulièrement vigilants dentielle et les législatives de 2007 c’est la place de la langue française et à participer à la grande compé- dans le fonctionnement de l’Union tition des partis et des clans. Lais- européenne. Il nous faut exiger que sons cela à nos politiciens avides tous les documents émis par la de places et d’honneurs. À l’Action Commission de Bruxelles soient française, nous estimons que ceux traduits en français pour les fonc- qui veulent se dévouer pour le pays tionnaires français. ont mieux à faire. Nous devons aussi exiger la ré- Notre tâche est de guider le Photo Charles-Henri vision de tous les traités conclus courant souverainiste qui s’est for- depuis le traité de Rome. Nous de- Les cours de l’université d’été se déroulaient dans la grande galerie du château de Lignières. tement manifesté au référendum et vons réclamer la conclusion d’un Ce retour à la nation que nous tionalisme a conduit à la guerre. férendum en exerçant toutes les de lui donner tous ses développe- nouveau traité respectueux de la réclamons, certains signes mon- L’exaltation d’une grande Allemagne pressions possibles pour obtenir ments pour le bien de la France. souveraineté des États et leur lais- trent qu’il est en marche, même s’il unifiée a provoqué par trois fois la un vote positif. L’Action française est la seule à sant toute liberté pour organiser reste beaucoup à faire pour chan- guerre et ensanglanté l’Europe. Constatons aussi l’échec de la posséder une doctrine de la nation leur coopération. ger les mentalités. Relevons deux Cela dit, tous les nationalismes Ve République à doter la France fondée sur l’étude de l’Histoire et faits : n’ont pas les mêmes caractères et d’un pouvoir politique fort et béné- l’analyse de toutes les composantes – les âpres discussions sur la même valeur. Ils doivent être ju- ficiant de la durée. L’élection du de la nation française. Dénoncer l’avenir de la P.A.C. qui se sont dé- gés par rapport au bien commun président de la République au suf- L’Action française ne cultive pas l’idéologie roulées entre Anglais et Français international. Toutes les nations ne frage universel direct était censée des humeurs, des passions et des européiste lors du sommet européen du 17 sont pas égales. Elles n’ont pas apporter au pays une autorité forte rancœurs. Elle énonce les condi- juin, toutes le même droit à se consti- et stable. Au lieu de quoi on a eu tions du salut de la France et elle Plus que jamais, nous devons – l’appel au "patriotisme éco- tuer en État et à développer leur la suite des cohabitations entre Pré- s’emploie à former une élite qui, dénoncer l’idéologie européiste sur nomique" lancé par Dominique de puissance. sident de gauche et Premier mi- ensuite, diffusera la vérité politique, laquelle on a prétendu construire Villepin en juillet au moment de l'af- C’est pourquoi l’expression "Eu- nistre de droite, et inversement. Et travaillera à changer l’esprit public "l’Europe". Cette idéologie conti- faire Danone. Il est alors apparu rope des nations" est commode à cela durant seize ans. Pour y re- et s'emploiera à exercer des pres- nue d’imprégner une bonne partie qu’il y avait des intérêts nationaux opposer à l’Europe supranationale médier on a raccourci le mandat sions sur les centres de décision de l’élite du pays. Il convient de essentiels à défendre. intégrée, mais elle n’est pas satis- présidentiel à cinq ans afin de faire du pays afin de provoquer les chan- prendre garde que beaucoup de Ajoutons l’aggravation de la faisante. Il vaut mieux parler de coïncider l’élection présidentielle et gements nécessaires. gens de gauche qui ont voté Non menace terroriste au mois de juillet. l’Europe des États, de la coopéra- les législatives et avoir ainsi un pré- Vous avez la chance d’avoir ont rejeté le libéralisme mais conti- Cela appelle un resserrement de tion entre des États souverains. sident et une majorité de même rencontré l’Action française dans nuent à se réclamer d’une Europe la solidarité nationale en même Le nationalisme français est jus- couleur politique. Mais voilà que la votre vie et de pouvoir accéder à supranationale. temps qu’une coopération interna- tifié en tant qu’il est un nationalisme compétition s’introduit au sein de la pensée de Charles Maurras. Pro- Il faut donc poursuivre un tra- tionale renforcée des services de de défense et que l’existence d’une la majorité et que le chef du parti fitez-en. Maurras a apporté une vail en profondeur dans les esprits police et judiciaires. nation française indépendante et majoritaire s’emploie à déstabiliser nouvelle conception de la politique, pour restaurer l’idée de nation. C’est puissante dans le monde est bé- le Président, ce qui est un facteur une réflexion fondée sur le réel et particulièrement la tâche de l’Ac- néfique pour l’équilibre et la paix de division et d’affaiblissement du non sur des a priori idéologiques tion française que d’enseigner ce Le réflexe internationaux. pouvoir. En fait, la Ve République ou sentimentaux. Vous devez vous qu’est la nation française et d’en et la réflexion Être nationaliste, c’est appliquer continue d’hésiter entre régime pré- imprégner de sa pensée, et surtout rappeler les composantes hu- le critère de l’intérêt national à tous sidentiel et régime parlementaire. de sa méthode. Ainsi vous pourrez maines, culturelles, religieuses, les À l’Action française, nous ne- les problèmes politiques parce que Elle demeure mal dans sa peau et agir efficacement au service de la racines historiques. saurions nous contenter de susci- toutes nos activités, toutes nos li- les républicains eux-mêmes aspi- France. » On nous dit que l’avenir ap- ter ou d’accompagner un réveil na- bertés, sont conditionnées par la rent à changer de république. I

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