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N° 2699 0 e L‘ACTION 60 année du 20 avril 0 au 3 mai 2006 Prix : 39 (20 F) FRANÇAISE 0 paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 œ Téléphone : 01-40-39-92-06 œ Fax : 01-40-26-31-63 œ Site Internet : www.actionfrancaise.net Tout ce qui est national est nôtre

Notre dossier IL Y A 150 ANS LA CRISE DU CPE PHILIPPE PÉTAIN par Grégoire DUBOST Michel FROMENTOUX le général (c.r.) Jacques LE GROIGNEC Philippe PRÉVOST La facture (pages 7 à 10)

L'ESSENTIEL Page 2 POLITIQUE FRANÇAISE – Chronique judiciaire : la montagne, la souris et l’échevin est salée ! par Aristide LEUCATE – Vers un retour L’éditorial de Pierre PUJO (page 3) aux corporations par Henri LETIGRE Pages 4, 5 et 6 POLITIQUE FRANÇAISE ON EST SOULAGÉ : – Inoubliable Algérie par René PILLORGET IMANCHE PAS DE TRAITÉ – Italie : bouffonneries D démocratiques par Guy C. MENUSIER AVEC L’ALGÉRIE – Belgique : menaces sur la Couronne hilippe Douste-Blazy s‘est rendu à Alger le 9 avril, es- par Michel FROMENTOUX 14 MAI pérant décider Abdelaziz – Pérou : P Bouteflika à conclure le —traité le troisième homme d‘amitié“ entre la France et l‘Al- – Palestine : gérie qui devait être signé déjà fermeté européenne en 2005. Mais le président algé- par Pascal NARI rien n‘a rien laissé espérer au mi- Pages 11 et 12 nistre des Affaires étrangères HISTOIRE TOUS français qui est reparti en rem- – La fable et la farce ballant son offre d‘un « parte- par Jacques Le GROIGNEC nariat privilégié ». – Les secrets de Lénine, Pour justifier son refus, Al- par Yves LENORMAND ger invoque l‘adoption de l‘ar- Pages 12 et 13 ticle 4 de la loi du 23 février 2005 À qui soulignait « le rôle positif ARTS-LETTRES- de la présence française outre- SPECTACLES mer ». Jacques Chirac a fait —dé- – Journée de lecture : classer“ cet article, mais cela ne Enquête sur la religion suffit pas aux dirigeants algé- des États-Unis riens qui voudraient un acte de par Pierre LAFARGE JEANNE repentance de la France pour ses – Au “vert paradis” 132 ans de présence outre-Mé- par Anne BERNET diterranée... Page 14 Alger invoque aussi la trop LES GRANDS grande sévérité des autorités fran- TEXTES POLITIQUES çaises dans la délivrance de visas aux Algériens. – Les lois D’ARC ! de la politique naturelle Jacques CEPOY par Aristide LEUCATE Suite page 2 Page 16 Voir NOS MAÎTRES page 15 – M 01093 - 2699 - F: 3,00 E (1864-1916), fondateur de l’Action française par Pierre PUJO 3:HIKLKJ=XUXUUU:?c@q@j@j@k; POLITIQUE FRANÇAISE CHRONIQUE JUDICIAIRE

On est soulagé : Vers un retour La montagne, pas de traité avec l‘Algérie aux corporations la souris et l’échevin

Tout cela n‘est que pré- a crise du ré- par pouvoir qui se ien déce- par Mais elle induit un textes. En réalité M.Boute- gime face à Henri LETIGRE masque derrière vante fable Aristide LEUCATE mélange des flika cherche en ce moment à se Ll’impasse du des élections Bque celle genres préjudi- concilier les islamistes et il pense C.P.E est révélatrice des contra- pour désigner ses élites. l’ouvrage que nous content depuis trois mois ciable au bon fonctionnement et réussir en mettant la France en dictions juridico-économiques dans de Danièle Tartakowsky est à cet les parlementaires-procureurs de à la crédibilité de l’institution judi- accusation. lesquelles la République a enfermé égard très révélateur sur l’absence la commission d’enquête sur le ciaire. la France. En 1791, la loi Le Cha- de respect des principes de droit procès des pédophiles d’Outreau. pelier, votée le 21 juin, supprimait prétentieusement institués par le L’histoire de la montagne qui ac- L’influence toutes les formes de corporations régime républicain (1). couche d’une souris est assuré- …et partie américaine Les contrats passant presque ment bien connue et ne mérite pas Le dernier aussi vite que les gouvernements, que l’on s’y attarde trop longue- En matière pénale, le système Il pourrait bien aussi céder le nombre de “bacheliers” sans ca- ment. Toutefois, lorsqu’il s’agit de des cours d’assises tel qu’il a été aux pressions des Américains dé- mouvement de foule pacité professionnelle se multi- réformé par Elisabeth Guigou en sireux de renforcer leur influence aura été pliant, mais la crise des accès au instituant une cour d’assises d’ap- en Algérie. Ce ne serait pas en fin de compte monde de l’emploi pour les jeunes Le manque cruel pel, démontre, à l’évidence, son contradictoire avec la raison pré- une aubaine pour persistant, les derniers respon- d’imagination inanité. Le peuple, en première cédente. En arrivant à Washing- les dirigeants sables ministériels ont à leur tour de ceux qui instance, peut (évidemment) se ton le 13 avril, M. Bedjaoui, chef d’entreprises... inauguré de nouvelles formules qui nous gouvernent tromper et l’affaire est rejugée de- de la diplomatie algérienne, a dérogent au principe de l’univer- leur font oublier vant un autre peuple, en appel ! déclaré à propos des relations salité du C.D.I (Contrat à Durée L’introduction de “jurés-citoyens” entre l‘Algérie et la France : « La professionnelles. Le contrat devait Indéterminée). les motifs au stade de l’instruction relève de colonisation a été une longue remplacer les liens ancestraux, qui qui les avaient la même ineptie. Le manque cruel nuit ». Les Américains ont été unissaient depuis des siècles les conduits à créer d’imagination de ceux qui nous satisfaits de cette pierre jetée apprentis à leur maître dans l’art Le retour une commission gouvernent, résultat de la décé- dans notre jardin ! de leur transmettre le savoir faire des “maîtres” ? d’enquête rébration télévisuelle dont ils sont Nous ne nous ne plaindrons d’un métier. parlementaire. victimes (tout comme leurs élec- pas des déboires subis par le Deux siècles plus tard, l’inser- Ces nouvelles générations de teurs qui le leur rendent bien), leur traité franco algérien. Tant que tion professionnelle de la jeunesse, “contrats jeunes” ont en commun font oublier les motifs originels qui le F.L.N sera au pouvoir outre- demeure le problème numéro un de prendre en compte l’inaptitude Justice, la souris finit souvent par les avaient conduits à créer cette Méditerranée, la France ne en France sur le plan économique. générale des jeunes à exercer un être dévorée par le lion, lequel s’in- commission d’enquête parlemen- pourra espérer avec l‘Algérie au- L’Éducation nationale a complète- emploi après des années d’ensei- carne dans un gouvernement aux taire : l’amélioration de la procé- cun traité qui ne soit pas une hu- ment échoué dans sa mission de gnement plus idéologique que pro- abois, qui se contente, désormais, dure inquisitoriale. miliation. formation. La grande majorité des fessionnel. Le C.I.V.I.S (Contrat de subsister jusqu’aux prochaines On soulignera encore cette lu- enseignants ne cherchant qu’à d’Insertion à la VIe Sociale), le échéances électorales. mineuse idée de permettre au Jacques CEPOY créer des citoyens orientés à C.J.E.E (Contrat Jeune En Entre- “peuple-juré” de saisir le Conseil gauche, voire à l’extrème gauche, prise) et le C.P (Contrat de Pro- supérieur de la magistrature pour disposer de bataillons de fessionnalisation) créent l’obliga- Le citoyen, (C.S.M.) pour se plaindre d’un juge moutons chargés de contester les tion pour l’entreprise de désigner juge… qui l’aurait lésé. Que ne faut-il in- gouvernements qui ne corespon- un “référent” pour enseigner au venter pour complaire à l’opinion LE CRÉNEAU dent pas à leurs orientations poli- jeune les rudiment du métier afin Dernière personne à être au- et s’attirer ses bonnes grâces … tiques. Pour contourner cet obs- de lui permettre d’être enfin em- ditionnée par la commission d’en- Quoi qu’il en soit, il y a loin de la tacle, relayé par les syndicats, plus ployable. C’est le retour des quête, l’actuel Garde des Sceaux, coupe aux lèvres car ces “réfor- Textiles chinois politiques que professionnels, les “maîtres” profesionnels ! Pascal Clément, a suggéré, entre mettes” sans envergure ne ver- gouvernants successifs de la Ré- La République a fini par faire autres, en guise de proposition de ront sans doute jamais le jour, l’in- I Après un an de suppression publique ont en fait mis fin à l’uni- disparaître ses “hussards”, rem- réforme de notre procédure cri- térêt général devant céder le pas des quotas textiles dans le com- versalité du contrat, fondement de placés par des “professeurs des minelle, que des “citoyens-jurés” à l’élection présidentielle qui pré- merce international et leur réta- la doctrine libérale. écoles” (même en maternelle !), soient associés au juge des li- occupe nos dirigeants actuels et blissement partiel pour l’Europe elle rétablit (très partiellement) les bertés et de la détention (J.L.D.) putatifs. en juillet 2005, on peut établir traditions de transmission des mé- pour statuer sur la décision de pla- I un bilan des importations chi- Le “droit” tiers entre générations ! cer en détention provisoire un in- noises en France : elles ont républicain Elle va même plus loin puisque dividu mis en examen. Rien de ré- augmenté de 50 %. Le FIGARO ces contrats bénéficient d’encou- volutionnaire au fond, le ministre ÉCONOMIE (10/4/06) se réjouit : Laurent Fabius en 1984 a inau- ragements financiers pour inciter de la Justice se contentant sim- « Le consommateur est le grand guré l’ère des contrats au rabais les entreprises à recruter des plement d’étendre la technique de gagnant. Les prix du textile ont en en inventant les “T.U.C”. Pour ré- jeunes à partir de ces contrats ... l’échevinage, déjà pratiquée dans 10, rue Croix-des-Petits-Champs, moyenne diminué de 2,2 % selon duire le taux de chômage des qui dépassent rarement une du- les cours d’assises. 75001 Paris l’Institut français de la mode ». jeunes, qui atteignait des niveaux rée supérieure à deux ans ! La sor- L’échevinage est un système Tél. : 01-40-39-92-06 • Fax : 01-40-26-31-63 Notre confrère signale quand records après la multiplication des tie du C.P.E va coûter aux contri- ancien qui consiste à entourer un I.S.S.N. 1166-3286 « pendant ce temps la même que erreurs économiques commises buables environ 1 milliard de francs magistrat professionnel de per- • Directeur : Pierre Pujo filière textile française poursuit sa par les tenants d’une vision idéo- (150 millions d’euros) pour finan- sonnes issues de la société civile • Secrétaire de rédaction : lente agonie. Les effectifs auraient logique de la France, il a institué cer le doublement des aides aux et dénommées assesseurs. Cou- Michel Fromentoux fondu de 8.000 à 9.000 personnes la possibilité d’embaucher, à un sociétés qui accepteront de re- ramment répandu aux Pays-Bas • Politique : Georges Ferrière, sur un total de 100.000 salariés. » salaire réduit, des personnes sans cruter des jeunes correspondants et en Belgique, ce système est Yves Lenormand Et de citer le cas de la société qualification pour une vingtaine aux critères définis par ces également mis en œuvre sous nos • Politique étrangère : Pascal Nari textile S.M.F.S. du Pas-de-Calais d’heures par semaine. Le choix de contrats, en particulier les contrats cieux gaulois, au sein de certaines • Chronique militaire : Bernard Guillerez qui a été placée en liquidation cette formule a définitivement po- de professionnalisation dont la juridictions comme le tribunal pa- • Économie : Henri Letigre, Serge Marceau. judiciaire le 7 avril entraînant la pularisé la marque de gâteaux prime mensuelle pour l’entreprise ritaire des baux ruraux ou le tri- • Enseignement, famille : suppression de 67 emplois. d’apéritif, qui servira à arroser de sera doublée (1312 francs par mois bunal des affaires de sécurité so- Michel Fromentoux, chef de rubrique Les victimes des importa- biscuits tous les déplacements de soit 200 euros). ciale, par exemple. Historique- • Sciences et société : Guillaume tions chinoises (et indiennes car l’éphémère Premier ministre, la Conformément à son origine, ment, l’échevinage se rencontrait, Chatizel, celles-ci ont aussi beaucoup C.G.T et le P.C.F, revenus dans la République permettra, une fois dès le Moyen Âge, dans le Midi • Outre-mer : Pierre Pujo augmenté), sont aussi l’Italie, la l’opposition, dévalisant les rayons de plus, à la bourgeoisie dirigeante (les capitouls de Toulouse) et dans • Médecine : Jean-Pierre Dickès Tunisie et le Maroc. des grandes surfaces pour mani- des entreprises de profiter du der- le Sud de la France. Que l’on se • Livres : René Pillorget, Anne Bernet, Les intérêts français face aux fester leur rejet de ces contrats. nier mouvement de foule, dite po- souvienne du vibrant hommage Pierre Lafarge, Philippe Aleyrac, Romaric d’Amico importations asiatiques à des Exit les T.U.C, bonjour les C.E.S pulaire, en rééditant le mécanisme rendu aux prud’homies de pê- • Arts-lettres-spectacles : Léon Camus, prix de dumping ne sont pas dé- (Contrat Emploi Solidarité) et les que les économistes appellent un cheurs par le jeune Charles Maur- Renaud Dourges, Monique Beaumont fendus par l’Union européenne. C.E.C (Contrat Emploi Consolidé). effet d’aubaine : pouvoir recruter ras devant l’assemblée des fé- • Cinéma : Alain Waelkens Il serait temps que la France Institués par la gauche ils ne se- un personnel qui aurait été de toute libres de Paris. • Combat des idées : Pierre Carvin, prenne des mesures de sauve- ront pas rejetés alors que le C.I.P façon embauché en bénéficiant L’échevinage a ses défenseurs Jean-Philippe Chauvin garde pour sauver ses emplois. d’Édouard Balladur, proposé en d’une prime ! comme ses contempteurs. Nous • Art de vivre : Pierre Chaumeil Il est plus important d’assurer 1994, fera l’objet d’un mouvement n’y sommes que moyennement • Chroniques : Jean-Baptiste Morvan, du travail aux Français que de de foule qui se terminera par la I favorables dans le contexte poli- François Leger procurer des baisses de prix aux éniéme capitulation d’un gouver- tique actuel. Le régime démocra- • Maquettiste : Grégoire Dubost • Photos : François Tabary consommateurs. nement de droite devant la rue. * Danièle Tartakowsky : Le pou- tique offre, bien sûr, l’illusion d’une “La rue”, véritable détentrice, voir est dans la rue. Éd. Aubier dans Justice plus proche du peuple Abonnements, publicité, promotion : J.C. dans notre système républicain du sa Collection historique. puisque rendue par lui-même. Monique Lainé

2 L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 SIGNES ÉDITORIAL DES TEMPS Iran LA FACTURE EST SALÉE ! L’Iran a trouvé, contre les na- tions occidentales, une véritable arme de destruction massive : « Les a plupart des commentateurs ne ju- pendant voté le projet œ, tandis que le pré- États-Unis devraient se rendre gent des conséquences des troubles sident de l‘U.M.P. et ministre de l‘Intérieur compte qu’ils ne sont pas en po- Lsurvenus durant deux mois qu‘en glissait des peaux de banane sous les pas sition de créer une nouvelle crise fonction de la carrière des politiciens. L‘Œil de M. de Villepin. Celui-ci a été vaincu dans la région » a ainsi déclaré rivé sur les sondages, ils s‘interrogent sur moins par les grèves (limitées) et les ma- leur ministre des Affaires étrangères l‘avenir de MM. Chirac, de Villepin, Sar- nifestations que par les flottements de sa Manouchehr Mottaki. En effet, kozy, Hollande, etc... sans parler, bien sûr, majorité. Les opposants n‘ont pas senti en puisque les Américains se sont de Mme Royal. Des préoccupations bien face d‘eux une forte cohésion autour du choisi l’Irak de Saddam Hussein superficielles! Plutôt que de se pencher sur gouvernement œ ni au sein de celui-ci œ , comme principal ennemi, le fana- les humeurs de l‘opinion et ses évolutions ce qui les a enhardis. tisme religieux a pu se développer possibles, il est plus important de tirer le Ajoutons que le Premier ministre a très de l’autre côté du delta du fleuve bilan de la crise pour les Français et pour mal assuré sa communication. Les chaînes frontière Shatt Al-Arab. Maintenant la France. Et là, on découvre un formidable publiques de radio et de télévision ont que les États-Unis sont réduits à gâchis. PAR constamment apporté des commentaires cri- l’impuissance, empêtrés dans le PIERRE PUJO tiques sur le C.P.E. et mis en valeur l‘ac- conflit irakien, Téhéran en profitera tion des opposants. Cela est paradoxal et autant qu’il le pourra... Les fruits du gâchis montre qu‘elles sont aux mains de lobbies s‘emploient à calmer l‘opinion en remet- camouflés. Pétrole D‘abord, il va falloir payer la facture tant à plus tard la solution des problèmes... Il reste que l‘affaire du C.P.E. n‘a pris des destructions opérées par les plus exci- cette ampleur que parce qu‘il existe un ma- Le pétrole a atteint un nouveau tés des manifestants et celle des heures sup- laise profond chez les Français. Ils ont vu, record historique à 70,86 dollars le plémentaires effectuées par les forces de Paralysie aussi bien sous les gouvernements de baril. Et tous les experts sérieux s’at- l‘ordre durant les événements. gouvernementale gauche que de droite, la France emportée tendent à de nouvelles hausses dans Le contribuable devra aussi régler le par un courant dit de —modernisation“ les mois à venir. En France, où l’on coût des emplois aidés par lesquels on va Le plus grave est la paralysie qui risque conduisant à démanteler le secteur public, multiplie les déclarations d’intentions remplacer le contrat première embauche de saisir l‘action gouvernementale. L‘in- à écorner le droit du travail, à réduire aides sur des énergies renouvelables dif- pris pour cible par les agitateurs. L‘un des tervention de M. Chirac promulguant une et subventions. Le socialisme dans lequel ficilement rentables, il est toujours avantages de ce dernier était de ne rien coû- loi et demandant qu‘elle ne soit pas appli- ils baignent depuis longtemps s‘étiole, et interdit de faire son plein à l’huile de ter à l‘État. Il se bornait à assouplir le droit quée, l‘adoption d‘une nouvelle loi avant ils s‘inquiètent pour leur avenir. L‘État colza... Qui a dit que la politique était du travail pour permettre la création de nou- l‘expiration de l‘ultimatum fixé par les syn- semble renoncer à assurer la protection l’art de préparer l’avenir ? veaux emplois. L‘expérience prouve que dicats (17 avril) signent une capitulation qu‘ils attendaient de lui. Le succès du —non“ les entreprises embauchent d‘autant plus devant la pression de la rue et elles déva- au référendum de l‘an dernier s‘expliquait Vins volontiers qu‘elles peuvent aisément se sé- luent fortement les institutions. déjà ainsi. parer d‘un salarié. Les contrats aidés, qui M. de Villepin se promettait de rebon- Le consommateur ne comprend reprennent une vieille formule, pèseront dir en promouvant une mesure d‘interdic- plus rien à la segmentation des vins sur le budget de l‘État. Ils auront moins tion de fumer dans les lieux publics. Cette Défendre français : dans les grandes surfaces, d‘efficacité que ne l‘aurait eu le C.P.E. en mesure étant censée être consensuelle et le travail français on trouve du Bordeaux à 1,20 la introduisant de la flexibilité dans l‘emploi. apaiser les esprits après les tensions des bouteille et des vins de pays à 4 . Les jeunes sans qualification, dont la moi- dernières semaines. Las, les débitants de L‘institution d‘une certaine flexibilité Et plutôt qu’une vaste remise en tié sont au chômage, feront les frais de tabac et les restaurateurs œ invités à ins- de l‘emploi est nécessaire mais elle devrait question qui aurait fait des mécon- l‘abandon du C.P.E. taller dans leur établissement un fumoir sé- être assortie d‘une défense vigilante du tra- tents, Dominique Bussereau, mi- Mais voici que l‘État relâche sa vigi- paré œ ont commencé à grogner, et M. de vail français par le gouvernement. Celui- nistre de l’Agriculture, se contente lance budgétaire dans plusieurs secteurs. Il Villepin a retiré son projet. Celui-ci n‘était ci devrait au besoin bousculer les règle- pour toute réorganisation, de sup- ouvre des crédits aux restaurateurs pour peut-être pas de grande urgence mais son ments européens, combattre les délocali- primer les AOVDQS, « vins déli- compenser le refus de la Commission eu- retrait est le signe que le gouvernement sations, renoncer à vouloir nous imposer mités de qualité supérieure ». ropéenne de baisser le taux de la T.V.A. n‘ose plus rien entreprendre, craignant de une —constitution européenne“ démantelant Mais les AOVDQS ne représentent dans leur profession. Ces crédits sont cen- susciter la colère de tous ceux qui profi- notre souveraineté. Il pourrait alors expli- qu’une infime partie de la produc- sés les encourager à embaucher du per- tent d‘avantages acquis. La France s‘en- quer aux Français que pour lutter contre la tion française et, à l’évidence, leur sonnel. fonce sous le poids de ses conservatismes. concurrence étrangère, il faut accepter des suppression ne suffira pas à réor- Le gouvernement annonce aussi l‘em- l‘origine de ce gâchis, il y a de graves aménagements à la législation existante tout ganiser le marché... bauche de 50 000 personnes pour des tâches défaillances du pouvoir. Elles sont dues en garantissant l‘essentiel des —acquis so- administratives dans l‘enseignement pri- d‘abord aux conditions dans lesquelles M. ciaux“. Forts en thème maire. Des emplois à mi-temps destinés à de Villepin a agi. Il avait fait de l‘emploi La France aurait besoin d‘un protec- devenir par la suite à plein temps. On nous le point central de sa politique, et, en rai- tionnisme raisonnable face à l‘extérieur et À Tours, des lycéens qui tentent avait pourtant promis de ne pas augmenter son de l‘élection présidentielle prévue en de moins de rigidités à l‘intérieur. Mais nos de relancer pour le 2 mai un mou- le nombre des fonctionnaires... 2007, il n‘avait guère de temps devant lui gouvernants ont-ils encore la force d‘opé- vement anti-CPE, ont adressé à la Ces dépenses nouvelles vont déséquili- pour développer la concertation avec les rer cette reconversion en retrouvant un presse locale le communiqué sui- brer le budget, accroître le déficit et alour- partenaires sociaux. esprit national qu‘ils ont trop souvent vant : « Il est important pour les dir la Dette. Cela affaiblira la France sur Le Premier ministre a aussi manqué de perdu ? lycéen[ne]s aussi que les examen le plan international mais, comme à l‘ha- soutien dans la majorité parlementaire, la- se passent dans les meilleurs bitude, nos gouvernements républicains quelle a traîné les pieds œ après avoir ce- I conditions possible » (sic). Et de toute évidence, les “meilleurs condi- tions possibles” passeront par la NOTRE SOUSCRIPTION POUR L’A.F. suppression de l’épreuve d’ortho- graphe ! L E JOURNAL D’ABORD 118 Le remplacement du 12 par une I La presse écrite est victime de la ments qui se bousculent dans l’ac- LISTE N° 5 tripotée de numéros commençant concurrence d’Internet grâce au- tualité. par 118 est l’exemple parfait de quel les informations circulent, où Il faut non seulement lire, mais Virements réguliers : Jean- Légion des «Mille» : Fernand l’aberration libérale bruxelloise. Au l’on peut réagir, où des débats s’ins- faire lire autour de soi le journal, Michel de Love, 7,62 ; Marius Guigues Estève, 150 ; Giovanni Castelluccio, nom de la libre concurrence, on rem- taurent. Rien ne peut remplacer ce- s’abonner et recruter des abonnés et (3 mois), 16,02 ; Vincent Claret- 200 ; Phillipe Castelluccio, 200. place un service public efficace et pendant le papier imprimé qui donne aussi lui apporter le complément de Tournier, 15 ; Mme Bellegarde, 15,24 ; moyennement coûteux par des ser- consistance à l’événement et, dans ressources qui lui est indispensable Mme Jacqueline Gancel (3 mois), Robert Le Loup, 30 ; Louis Pozzo vices coûteux, inégalement effi- le cas d’un journal d’idées comme en participant à notre souscription 45,73 ; Mme René Ampe-Mélis di Borgo, 30 ; Bruno Revel, 50 ; caces, se livrant à une incroyable le nôtre, apporte une réflexion ou (nous avons besoin de 55.000 eu- (3 mois), 50 ; Raymond Sultra, 17,78 ; François Nénert, 502 ; Mlle Perrot, gabegie publicitaire et délocalisant des rappels historiques. ros). Merci de vous faire non seule- Joseph Lajudie, 20 ; Mlle Lucienne 100 ; Mme Geneviève Castelluccio, les emplois dans des centres d’ap- L’Action Française 2000 pos- ment les propagandistes mais aussi Boussot (3 mois), 50 ; 100. pel à l’étranger. Voilà un exemple sède son site Internet et peut ainsi les soutiens de l’Action française ! assez concret pour que les Fran- informer de son existence un large P.P. Mme Marie-Magdeleine Godefroy, Total de cette liste : 1 448,35 9 çais qui ont dit non le 29 mai der- public qui, autrement, l’ignorerait. N.B. – Prière d’adresser les verse- 22,87 ; Mme Marie-Christiane Leclercq- Listes précédentes : 11 528,36 9 nier soient confirmés dans leur choix. Mais ce site ne remplace pas la lec- ments à Mme Geneviève Castelluccio, Bourin, 28 ; Mme Tatiana de Prittwitz, Rendez-nous le 12 ! ture du journal qui exprime la ligne L’A.F. 2000 10, rue Croix-des-Petits- 45,43 ; Didier Deltenre, 50 ; Jacques Total : 12 976,71 9 politique de l’A.F. face aux événe- Champs, 75001 Paris. Bentégeat, 53,36. Total en francs : 85 121,63 F Guillaume CHATIZEL

L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 3 DANS NOTRE POLITIQUE ÉTRANGÈRE COURRIER Le français en Europe Inoubliable Algérie “L’officialisation” de l’anglais comme la langue de l’Union eu- ropéenne a au moins un avantage e très agréable petit volume, le voile, les yeux par farik, Blida, Mé- émeutes de Sétif, en mai 1945, : elle empêche l’Europe d’avoir intitulé Le goût d’Alger, pré- peuvent faire René PILLORGET déa, avant d’at- n’a pas été compris. On a cru une identité linguistique propre, Lsente une anthologie de passer bien des teindre Berroua- qu’elles s’expliquaient par les re- donc une identité forte. Celle-ci est textes courts, choisis par M. Mo- messages... ghia. Cette ferme, sa famille l’a tombées de la propagande alle- noyée dans le cosmopolitisme hammed Aïssaoui, répartis en Enfin, l’humour ravageur de achetée il y a bien longtemps, et mande, pro-arabe et anti-juive, mondialiste et son charabia anglo- trois chapitres : voir, vivre, goû- “Y.B.” (bien loin de la discrète ma- il appartient à la quatrième gé- diffusée pendant la guerre. Au de- américain. ter Alger. Diversité des thèmes, lice de Rachid Mimouni, évoquant nération chargée de son exploi- meurant, l’événement marquant Autre avantage : elle fournit diversité des auteurs. Le plus an- le Jardin botanique d’Alger) n’a tation. Dans des conditions dif- dans l’Algérie de 1945, fut une un puissant contre-argument à cien, Cervantès, puis ceux du pas permis à ce chroniqueur ficiles (les pluies sont abondantes épouvantable sécheresse. l’une des plus importantes justifi- XIXe siècle : Dumas père, Mau- « acerbe et même virulent » du sur une très courte période de Pierre Picquart a participé jus- cations de l’U.E., faire contrepoids passant, qui évoque une « ville quotidien El Watan, de continuer l’année) et sans possibilités d’ir- qu’à la fin au combat pour l’Al- aux États-Unis. féerique », Pierre Loti ; Karl Marx, de publier des « textes au vitriol rigation palliative, cette terre est gérie française. Son livre apporte, sur la société algérienne d’au- consacrée au blé, à la lentille en particulier, une importante Bernard LHÔTE (Paris) Parus récemment, jourd’hui, son gouvernement blonde du Sersou, et à la vigne contribution à l’histoire de ses der- trois livres et les islamistes ». Il s’est exilé dont la superficie est alors étroi- nières semaines. « Aussi in- Accepter l’anglais comme la en France. tement contingentée. croyable que cela puisse ap- langue de l’Union européenne, montrent la place Pierre Picquart sait exprimer paraître aujourd’hui », il y a eu, c’est nous mettre dans la dé- éminente son attachement profond à ce sol, in extremis, une tentative d’al- pendance des Anglo-saxons sur qu’a occupée Formules à la beauté des horizons : « Nulle liance entre l’O.A.S. et une par- les plans culturel, mais aussi et qu’occupe toutes faites part ailleurs, jamais, je n’ai tie des nationalistes algériens hos- économique et politique. toujours l’Algérie connu cette sensation tiles au F.L.N., les hommes du Il y a trente ans, l’archiduc dans les pensées Très différent du précédent d’éteindre ou de pétrir une terre “Mouvement pour le triomphe des Otto de Habsbourg avait fait ouvrage, Rappel, Journal d’Algé- aussi vivante, généreuse et libertés démocratiques” dont le campagne pour le français des Français. rie, dû à Paul Christophe, ecclé- chaude, si lourde, si capiteuse, chef était le “général” Si Salmi langue de l’Europe. Il n’a pas siastique connu par la publication si puissante et porteuse de pro- (p. 259-270). réussi à convaincre nos parte- lors d’un séjour de trois mois (le des Carnets du cardinal Bau- messes de cette terre pour moi naires. Il appartient maintenant fait est peu connu) trouve le Sud drillard ainsi que par diverses unique » (p. 186). De nuit et de aux représentants de la France magnifique, mais se plaint du études d’histoire religieuse. Cin- jour, ces sensations le portent à de défendre la place du français froid, car il doit subir une excep- quante ans après les faits, il pu- un sentiment admiratif pour la dans les réunions et les orga- tionnelle période de pluie... Bien blie des souvenirs des huit mois Création, à l’interrogation, à la ré- nismes européens. Ce n’est pas entendu, ceux du XXe siècle : Al- (avril-novembre 1959) qu’il passa flexion. Fils d’un intendant mili- pour cela que nous serons en- bert Camus, qui évoque la rue en Algérie, alors séminariste et taire, né dans une famille comp- traînés à abdiquer notre souve- Bab-Azoun, « une rue épicée » ; officier de réserve. tant des engagés et des soldats raineté. Le français a été long- Jules Roy, le poète Jean Sénac, Écrivant à la troisième per- de carrière, dont certains tués à temps la seule langue diploma- assassiné en 1973, tous trois nés sonne, sous le pseudonyme de l’ennemi, il a voulu laisser à ses tique. Cela n’avait pour en Algérie ; et André Gide et Mon- Barral, il ne se montre que pas- enfants et petits-enfants une his- conséquence aucune soumis- therlant. sagèrement sensible à la beauté toire de sa famille et de cette terre, sion à l’étranger. Cet ouvrage révèle aussi, du pays et ne s’intéresse que bien depuis sa jeunesse jusqu’aux len- avec bonheur, les auteurs que les peu aux populations, notamment demains de l’abandon de l’Algé- bibliothécaires caractérisent aux Européens. Il estime qu’il se rie. Il ne présente pas une vision Repenser comme « écrivains maghrébins trouve obligé de participer à une idéalisée de celle-ci au cours des à la nation de langue française ». Ainsi « guerre coloniale », il s’indigne années 30 ou 40. Mouloud Mammeri (1917-1989), que l’aumônier de la base de Te- Membre de la J.A.C. (Jeu- Il y a quelques jours, au cours le plus grand écrivain kabyle, à lergma ait déployé, derrière l’au- nesse agricole catholique), il a d’un débat télévisé, Jean-François qui l’on doit un beau texte, Après tel, « un grand drapeau trico- participé à la création d’un Foyer La confusion étant devenue Copé, porte-parole du gouverne- la fête, (p. 71-75) ; Rachid Boud- lore »... « annexion française rural, travaillé avec de jeunes mu- extrême, Pierre Picquart put ga- ment, a dit que l’on devait repen- jedra ; Kateb Yacine ; tous sem- du mystère de la Foi » ! (p. 57). sulmans, réfléchi aux « difficul- gner la France. Son père, l’in- ser à la nation comme espace de blent faire corps avec les mal- Mais une proportion impor- tés de relations normales entre tendant militaire Gaston Picquart, solidarité. Il est bien temps ! heurs de leur pays. tante de pages de ce livre tend à les familles musulmanes tradi- fut arrêté et emprisonné du 25 Espérons que ces bonnes pa- Les femmes ne sont pas ab- le rendre moins irritant qu’en- tionnelles – qui représentaient août au 7 septembre 1962, dans roles seront suivies d’actes un peu sentes de ces tableaux de la ca- nuyeux : elles racontent en long encore la presque totalité des les hauts d’Alger. Il ne fut sauvé moins européistes de la part de pitale. Non seulement Assia Dje- et en large ses démêlés avec son familles indigènes – difficiles que grâce aux interventions de Chirac, Villepin, etc. bar, sévrienne, élue à l’Académie capitaine, militaire de carrière, relations dues principalement Mgr Duval, archevêque d’Alger et française, mais aussi Nina Bou- qu’il charge de tous les vices. Il à la ségrégation des sexes, qui de l’ambassadeur de France. André CHARLES (Limoges) raoui, dont la Voyeuse interdite va jusqu’à affirmer que lui-même, faisait, par exemple, que de Avant de le libérer, celui qui te- conte la quête d’évasion d’une simple « rappelé » réussit mieux jeunes musulmans pouvaient nait son sort entre ses mains, le adolescente, qui sait que, malgré que lui dans ce métier. Cepen- venir librement dans ma famille capitaine F.L.N. Si Abdelkader, dant, en dépit de cette obsession (et y rencontrer tous ses de la Willaya IV, vint le trouver et de cette naïveté, “Barral” se membres féminins) tandis qu’il dans sa cellule. « “Seul à seul” demande « s’il retrouvera un n’était pas possible que je sois raconte Gaston Picquart, il me jour cette franche amitié qui lie reçu chez aucun d’entre eux ». marqua qu’il était parfaitement LIBRAIRIE FOSSE les hommes dans le danger au au courant de la part que Pierre 12, rue Puvis de Chavannes, 75017 Paris point de risquer leur peau pour avait prise à la lutte, et ce fut un camarade ». Il aura, au moins Adversaires pour ajouter “Votre fils nous a 06.10.61.03.74 appris cela. Son expérience de loyaux combattus loyalement et je sais Courriel : [email protected] huit mois ne l’aura pas conduit à combien les musulmans de se défier des formules toutes Certes, avec bien d’autres, il Berrouaghia l’estiment, parce – Vente éditions originales, livres avec envoi et faites, relevant de l’idéologie, ni a réfléchi « à la nécessité d’une qu’il les a toujours traités en à émettre des opinions aussi ob- évolution de ces relations, et amis. S’il ne tenait qu’à moi, il manuscrits. Spécialiste littérature et histoire XIXe et jectives que possible sur le drame d’une intégration plus équitable reprendrait sa place là-bas, où XXe siècle (en permanence Céline, Morand, Mon- algérien. Son ouvrage n’apporte de toutes les populations si bi- il serait utile” » (p.280). Il est therlant, Béraud, Drieu La Rochelle Brasillach, Be- rien à la connaissance du pays, garrées de notre pays dans l’Al- probable que cet adversaire était ni à celle de ses populations. gérie française de demain » (p. parfaitement sincère. noit, Paraz, Guitry, La Varende, Maurras, Cocteau, 181). Cependant, dit-il, « le sen- Saint-Pierre) timent dominant, parmi nous, I Beauté était que l’évolution des socié- – Achat de bibliothèques et de beaux livres à l’unité des horizons tés algériennes se faisait à son * Le goût d’Alger. Textes choisis et Déplacement dans toute la France rythme, que tout irait bien, et présentés par Mohammed Aïs- Il en est tout différemment du que les revendications natio- saoui. Mercure de France, 2006, – Début mai 2006 vente de la première partie de livre de Pierre Picquart, sur La nalistes perçues étaient le fait 136 pages. la bibliothèque de et Maurice Bar- terre de Berrouaghia. Lorrain du de quelques excités isolés. * Paul Christophe : Le Rappel. Jour- dèche côté de son père, Languedocien Rares étaient ceux qui avaient nal d’Algérie. Éditions du Cerf, du côté maternel, il a géré une conscience de l’évolution de 2006, 153 pages. * Envoi du catalogue sur demande. ferme située dans le Titeri, sur la notre société, sans cependant * Pierre Picquart : La terre de Ber- grand route, qui, depuis Alger, va y voir urgence ». Notamment, rouaghia. Éd. L’harmattan, 2006, droit vers le sud, passe par Bou- l’avertissement constitué par les 282 pages.

4 L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 POLITIQUE ÉTRANGÈRE NOTE DE LECTURE L’ITALIE COUPÉE EN DEUX Des Étrusques à Berlusconi Bouffonneries démocratiques Raconter en un millier de pages l’histoire de l’Italie, de l’âge du bronze e mot a fait florès depuis qu’il Au bout du par marxiste Fausto droite, car il n’est pas indifférent à la période berlusconienne, évo- a été récupéré par les jeunes compte, une vic- Guy C. MENUSIER Bertinotti. À moins que l’Union de la gauche assume quer sans pédanterie cette succes- Lcanailles urbaines. Et il a été toire étriquée, su- de recourir à des seule la responsabilité de ses en- sion de peuplements, d’invasions, abondamment repris, y compris jette à caution, et des militants an- majorités de circonstance, en mi- gagements politiques et de ses de régimes politiques et de conflits, par des esprits distingués, durant tiberlusconiens frustrés, qui ont ra- sant sur un délitement du centre probables échecs. Même si le Pro- avec leur infini cortège de Césars, la campagne électorale italienne. pidement perdu le goût du droit. Mais cette hypothèse paraît fessore, qui entend bien utiliser princes, artistes, intellectuels et mar- Pour s’appliquer, bien sûr, à Silvio prosecco. Et encore Prodi peut re- fragile, car le parti du Cavaliere, ses atouts, notamment ses ac- chands, telle est la gageure qu’a sur- Berlusconi dont les “bouffonneries” mercier la nouvelle loi électorale Forza Italia, avec près de 24 % cointances européennes, n’est pas montée Pierre Milza, professeur auraient offensé la candeur dé- qu’il a combattue l’an dernier. Avec des suffrages exprimés, devance né de la dernière pluie. En témoi- émérite à l’Institut d’Études politiques mocratique. 49,8 % des voix, contre 49,7 % à largement ses alliés, à commen- gnent, de façon un brin anecdo- de Paris. Ce travail de synthèse nous Romano Prodi la Maison des libertés, l’Union de cer par l’Alliance nationale (12 %), tique, ses manœuvres autour d’une vaut un ouvrage de vulgarisation sa- la gauche obtient, grâce à la “prime et demeure le premier parti du des présumées mesures-phares vante, qui, découpé en chapitres re- a beau faire au vainqueur”, 348 sièges de dé- promises par le centre gauche, le lativement courts, se lit avec aisance. le rodomont, putés à la Chambre contre 281 au rétablissement de l’impôt sur les Et avec profit, pour autant que l’es- il devra souvent centre droit. Au Sénat, assemblée successions. Car Prodi a pris ses prit critique reste en éveil. composer avec ses qui en Italie dispose des mêmes précautions : il a profité de la loi Spécialiste de l’histoire contem- alliés de gauche pouvoirs que la Chambre, la ma- Berlusconi pour faire une dona- poraine, Pierre Milza s’est fait jorité de gauche n’est que de deux tion de 870.000 euros à ses deux connaître d’un assez large public s’il veut préserver sièges. fils. Le prétendu chevalier blanc avec ses études sur le fascisme et sa majorité. n’est sans doute pas aussi net que une biographie de Mussolini. Il a l’ont soutenu ses amis et une donc considérablement élargi son À bouffon, bouffon et demi. Majorité virtuelle presse complaisante. domaine d’investigation. Mais on re- L’ancien président de la Commis- C’est pourquoi nombre d’Ita- trouve ses partis pris dans cette His- sion européenne Romano Prodi et Romano Prodi (ex-lauréat du liens ont accordé du crédit aux ac- toire de l’Italie, où il ne cache pas sa garde rapprochée, qui avaient prix de la Carpette anglaise) a beau cusations de fraude électorale lan- son adhésion entière à la philoso- voulu écraser Berlusconi sous le faire le rodomont, il devra souvent cées par la droite. phie des Lumières comme au pos- poids de leur mépris, ont dû ra- composer avec ses alliés de Mais il n’y a pas que les légis- tulat selon lequel « la lutte des valer leur morgue et leurs insultes. gauche (ex-communistes et com- latives dans la vie des Italiens. classes [serait] l’agent prépondé- Et avec eux les analystes peu scru- munistes orthodoxes, majoritaires Romano Prodi Comme l’atteste un calendrier po- rant des transformations sociales Une courte victoire puleux qui, au lieu d’éclairer les ci- dans sa coalition) s’il veut préser- litique particulièrement contrai- ». Aussi une tension est-elle continû- toyens, s’étaient laissés porter par ver sa majorité. pays. Il est vrai qu’une volte semble gnant : élection du président de la ment perceptible entre ces a priori la vague du conformisme, sans ja- Si le futur gouvernement, qui toujours possible, quand on en- République avant le 18 mai, terme et la rigueur universitaire. mais s’étonner de la singularité sera formé le mois prochain après tend Berlusconi contester le ré- du mandat de Carlo Azeglio des sondages préélectoraux qui l’élection par le parlement d’un nou- sultat des élections (le vote des Ciampi ; désignation ensuite du accordaient cinq points d’avance veau président de la République, Italiens de l’étranger aurait été en- chef du gouvernement ; élections, à l’Union de la gauche. Pourtant, devrait s’accorder sur le retrait des taché d’irrégularités) et, dans un les 28 et 29 mai, dans un millier jugeant suspects ces sondages, quelque 3 000 soldats italiens dé- même souffle, proposer une de communes, huit provinces et Berlusconi avait commandé sa ployés en Irak, on voit mal com- grande coalition à l’allemande. une région, la Sicile. À quoi pour- propre enquête d’opinion à un ins- ment il s’y prendra pour mettre en rait s’ajouter en juin un référen- titut américain, laquelle, il y a plus œuvre les “grandes réformes” an- dum sur une délégation de com- d’un mois, révélait déjà une Italie noncées, pour baisser de 5 % la Pas très net pétences aux régions. coupée en deux. Mais comme l’ini- fiscalité sur le travail (coût estimé le chevalier Du coup, les sourires se figent, tiative venait du “bouffon” diabo- à 20 milliards d’euros) tout en ré- blanc les bouffonneries démocratiques lisé, la plupart des médias italiens duisant les déficits publics, pour n’amusent plus la galerie l’avaient ignorée ou accueillie avec concilier le social-libéralisme de Une suggestion rejetée par des quolibets. Romano Prodi et le dirigisme du Prodi. Heureusement pour la I

BELGIQUE

ne campagne de presse a quel les séparatistes cherchent Néanmoins, l’auteur ne dénature été déclenchée récemment Menaces sur la Couronne à enfermer la couronne en se- pas trop les faits. S’agissant de la Ucontre la couronne de Bel- mant des doutes sur les capaci- période fasciste, il rappelle les ten- gique. Les milieux indépendan- tés du prince héritier. tatives de rapprochement avec la tistes flamands semblent prêts à la boue. Elle au- par ajoute : « C’est La France a de multiples rai- France et l’Angleterre (le “front de n’importe quelle calomnie pour dé- rait trop d’in- Michel FROMENTOUX une chance sons de souhaiter que la cou- Stresa” en 1935) quand, après avoir stabiliser la famille royale et, du fluence sur le énorme d’avoir ronne belge triomphe de cette rencontré Hitler, Mussolini parlera de même coup, la Belgique elle- prince, serait trop riche, ne parle- une famille royale, elle est le mauvaise querelle. L’éclatement « l’horreur physique » que lui a ins- même. rait pas assez bien le flamand... ciment de l’unité nationale, de la Belgique serait, sur nos pirée le Führer. On sait que, prenant Ils ont d’abord reproché au roi On sait, depuis Marie-Antoinette, c’est la raison pour laquelle frontières mêmes, une grave prétexte de l’affaire d’Éthiopie et pas- Albert II d’être sorti de son rôle en combien les révolutionnaires sont ceux qui ne veulent plus de cause de déséquilibre européen. sant outre aux avertissements de évoquant dans un discours les par- habiles à s’en prendre à l’épouse cette unité nationale s’atta- Ce peuple qui possédait déjà une Maurras, le gouvernement français tisans du séparatisme « feutré ». pour ridiculiser et abattre le mari. quent à la monarchie. Selon vieille histoire mais où les villes rejettera finalement l’Italie dans le Quand on sait qu’en Belgique la Point de vue du 12 avril re- moi ils vont se casser les dents montraient de funestes habitudes camp allemand. fonction essentielle du roi est d’être late ces faits, mais apporte tou- parce que l’opinion publique d’indépendance, n’a pu en 1831 S’aventurant sur le terrain de le garant de l’unité du pays, cela tefois quelques bémols. Si le parti ne les laissera pas faire. » accéder au rang de nation et de- l’histoire immédiate, l’auteur porte revient à accuser le roi d’être lui- indépendantiste Vlaams Belang, venir gouvernable qu’en appe- un jugement équilibré sur Berlusconi même... ancien Vlaams Blok, est passé lant à sa tête une famille royale et Prodi. On en regrette que davan- Maintenant c’est le prince hé- ces dernières années de 10 à La Belgique pour garantir son unité. Cette fa- tage la faveur excessive avec la- ritier Philippe qui est la cible des 25 %, si 65 % des Flamands di- ne doit pas mille, qui descend de Louise quelle il traite auparavant l’expédi- mauvaises langues : il serait mé- sent qu’ils ne jugent pas le prince éclater d’Orléans, aînée des filles du roi tion de Bonaparte en Italie, l’opprobre diocre, maladroit en public, ne Philippe prêt à régner, et si 56 % Louis-Philippe, n’a jamais dé- qu’il jette sur les révoltes antijaco- connaîtrait pas ses dossiers, se- des mêmes se disent flamands Les mêmes ennemis de la mérité, et la Belgique, par sa fa- bines ou encore les lignes désin- rait mou selon certains, trop auto- avant d’être belges, il faut noter monarchie font aujourd’hui cou- çon de maintenir en paix au sein voltes qui mentionnent la disparition ritaire selon d’autres... Toutes al- que 54 % des Wallons font rir le bruit d’une possible abdi- d’une nation des populations di- de la République de Venise. légations démenties non seule- confiance au prince Philippe, que cation du roi, et même du prince verses, a toujours été un exemple Cette Histoire de l’Italie s’impose ment par l’entourage du prince 68 % sont monarchistes et que héritier, avec organisation d’une d’équilibre. Cet équilibre dont jus- par l’abondance et la clarté de sa mais par tous ceux qui, par 72 % se disent belges avant régence pendant la minorité de tement les instances européistes documentation. Dommage que l’idéo- exemple, l’ont accompagné dans d’être wallons. la princesse Élisabeth, née en ne veulent plus afin de profiter logie qui sous-tend le propos en af- une récente mission économique Mais les chiffres ne suffisent 2001. Or les modifications de la de l’éclatement des nations pour faiblisse la pertinence. en Afrique du Sud, et ont appré- pas à révéler le fond des cœurs. Constitution que demandent les noyer les débris dans leur cié, outre sa force de travail, la Armand de Decker, ministre fé- Flamands ne pourraient être opé- magma apatride... D’où l’impor- G. C. M. chaleur et l’efficacité de ses rela- déral de la Coopération, cité par rés pendant une régence, ce qui tance de la résistance du roi Al- tions avec tous. Point de Vue, signale le « cou- serait une bonne raison pour de- bert II et de son fils ! * Pierre Milza : Histoire de l’Italie, Même son épouse, la prin- rage » du jeune prince qui a osé mander l’abolition de la monar- des origines à nos jours, Éd. Fayard., cesse Mathilde, est traînée dans critiquer les séparatistes et il chie ! On voit le piège dans le- I 1098 p., 30 euros.

L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 5 POLITIQUE ÉTRANGÈRE

PÉROU PALESTINE Le troisième homme Fermeté européenne face au Hamas

I Le premier tour des élections flattant la “fierté indienne”. Tout a Commission européenne par En Syrie c’est également sur présidentielles au Pérou, le 9 ce que détestent les mondialistes a annoncé vendredi 7 avril Pascal NARI les “Frères” que l’on compte pour avril, vient d’apporter une nou- d’outre-Atlantique. Lla suspension de l’aide di- infléchir le pouvoir de Béchir-el-As- velle illustration de la tendance L’élection d’Ollanta Humala, recte de l’Union européenne au Cela étant, ce coup de se- sad, critiquable sur bien des points profonde qui agite l’Amérique la- nullement exclue, constituerait gouvernement palestinien dirigé monce qui va mettre en difficulté d’ailleurs. Sans oublier la poussée tine : le colonel en retraite Ol- un nouvel échec pour la diplo- par les islamistes du Hamas. Les les nouveaux dirigeants palesti- de l’intégrisme chiite en Irak, favo- lanta Humala arrive en tête avec matie du président George W. contribuables européens sont les niens ne résoudra rien en soi : risée par les forces de la coalition plus de 30 % des suffrages. Il a Bush. principaux bailleurs de fonds de – il n’est pas exclu que cer- ; même si Washington donne l’im- toutes les chances d’être élu au l’autorité palestinienne. Ce “gel” taines sources arabes ainsi que le pression actuellement de regretter second tour et de devenir, après concerne donc les sommes ver- gouvernement de Téhéran rem- cette attitude. Hugo Chavez au Venezuela et sées directement au gouverne- placent les bailleurs de fonds oc- Il y a donc une incohérence Éva Morales en Bolivie, le troi- ment palestinien, notamment pour cidentaux. Les mécanismes d’aide dans ce domaine. L’islamisme ra- sième président latino-américain les salaires des fonctionnaires et seront plus difficiles à mettre en dical, idéologie de violence à ne élu sur un discours ouvertement les services de sécurité. L’aide né- place et leur pérennité sera moins pas confondre avec l’islam en tant anti-américain. cessaire aux besoins vitaux de la sûre. Mais cela pourrait sortir au que religion, constitue actuellement Les deux grandes puissances population – la santé, l’alimenta- moins provisoirement le Hamas de le principal danger qui menace les de l’Amérique du Sud, le Brésil tion, le travail des O.N.G. huma- l’impasse. pays civilisés, y compris ceux de et l’Argentine, sont déjà gouver- nitaires – sera maintenue. L’as- l’islam. Le combattre ici et le favo- nées par des hommes réservés sistance bilatérale accordée par riser là relève d’une grave mécon- à l’égard de Washington. Néan- certains États, la France notam- L’incohérence naissance de son discours et de moins l’importance de leur pays ment, aux Palestiniens n’est pas de Washington ses méthodes ainsi que des réali- respectif et les liens économiques visée par la décision de Bruxelles. tés de “l’Orient compliqué” et du avec les États-Unis et les orga- Cette décision, ajoutée à celles – les États-Unis et encore moins monde musulman. nisations financières internatio- des États-Unis et du Canada, prise les puissances européennes n’ont – la prise de sanctions contre nales les conduisent à une atti- en termes assez semblables, et pas de politique claire face au mou- le Hamas, mesure nécessaire, ne tude plus modérée. Il n’en est au gel des reversements par vement islamiste dont le Hamas résout pas le problème palestinien, Ollanta Humala pas de même des “plus petits”, l’État hébreu des droits de douane n’est que l’une des composantes. qui est réel et grave. Il est urgent notamment dans la région an- Les grands concepteurs de et de diverses taxes perçues au Washington a soutenu long- de pousser le futur gouvernement dine. la diplomatie américaine de- profit de l’Autorité palestinienne, temps le F.I.S., par ailleurs bien vu israélien de M. Olmert à accepter Comme Chavez et Morales, vraient finir par s’interroger sur constitue un coup dur pour les is- par une grande partie de la classe officiellement la création d’un État l’essentiel du programme de Hu- les raisons profondes de la vague lamistes palestiniens. politique française. Il ne semble pas palestinien viable et de mettre les mala est basé sur un anti-amé- anti-Washington qui agite non C’est une mesure saine, qui réagir contre la dérive islamiste du Palestiniens devant leurs respon- ricanisme que l’on pourrait faci- seulement les pays lointains, mérite d’être saluée. Le Hamas président Bouteflika. Les États-Unis sabilités. lement appeler primaire, sur un mais même ceux de leur “arrière- est jusqu’à preuve du contraire une soutiennent discrètement les Des mesures à court terme, des refus de la politique économique cour” considérée comme intou- organisation terroriste qui ne re- “Frères musulmans” égyptiens déclarations de circonstance, des libérale, sur la préconisation chable jusqu’à présent. Le temps nonce pas au recours à la violence contre le pouvoir pourtant pro-oc- gesticulations qui ne trompent plus d’une attitude plus dure envers d’une révision déchirante de la pour atteindre ses objectifs. Il n’y cidental et modernisateur du pré- personne ne peuvent mettre un les grandes multinationales mi- politique étrangère américaine a aucune raison pour que les sident Moubarak. Ils pensent ainsi terme à une crise régionale qui ne nières qui opèrent au Pérou et, est venu. contribuables occidentaux le fi- favoriser la démocratisation de l’É- cesse de s’aggraver. surtout, un discours nationaliste P.N. nancent. gypte ! I

I Ça y est, Bernard-Henri Levy a réussi à refaire par- Les petits vertiges politiques ler de lui après une courte disgrâce dans les médias de BHL en Amérique français. C’est dans la presse new-yorkaise que B- HL fait cette fois son come de Californie ; d’un salon des par teur, moral, religieux, familial. Mais back. Car si son essai sur armes au Texas ; d’une villa pri- Gwendal KERALIES B-HL n’ira ni au Kansas se ren- l’Amérique d’aujourd’hui vée pour personnes âgées... Si seigner, ni à la rencontre des Amé- est loin derrière Les Levy tord le cou à un certain également atterré par l’extrême ricains ordinaires. Tout juste met- nombre de clichés anti-américains, gauche de Move-on qui a fait cam- tra-t-il les pieds dans une “mega- femmes françaises ne gros- c’est pour mieux en créer d’autres. pagne pour “censurer” le président church” protestante évangéliste, sissent pas dans le classe- Car ces extrémités n’ont pas Clinton après ses frasques évidemment pour en railler les fi- ment des meilleures ventes grand-chose de spécifiquement sexuelles ! Que “d’ordre moral” ! dèles. C’est pourtant là, dans ces de Barnes-and-Noble, américaines. Il existe – hélas – la Levy n’a pas compris à quel point églises, que se dessine l’Amérique quelques journaux de Man- même chose en France ! Dans le débat droite-gauche aux États- de demain. Tocqueville l’avait déjà hattan lui ont néanmoins tous les cas, les Étatsuniens sont Unis pouvait désormais être éloi- noté. Quoi de neuf au Kansas ? trouvé un certain talent. Au- loin de ressembler à ça. Au gné de ce qu’il est en Europe. Il L’Église catholique par exemple. Saint-Germain – sont néanmoins réole ensuite arborée sur contraire, serait-on tenté de dire, fantasme d’ailleurs sur une toute Première Église des États-Unis. Et plus intéressantes et mériteraient les plateaux de télévision au vu de leur actualité. freudienne prochaine élection d’Hil- qui se renforce par l’arrivée de 10 de plus amples développements. français. Bernard-Henri Levy n’a rien dé- lary Clinton à la présidence ; « les millions d’immigrants mexicains Quant au moteur de la politique couvert en Amérique, il y a plaqué Américains voudront la voir ren- chaque année. internationale américaine par ernard-Henri Levy est parti ses réalités. Des réalités pro-amé- trer dans ce même bureau ovale C’est en rencontrant les fa- exemple : messianisme d’une na- avec la modestie qui le ca- ricaines, certes, mais d’une Amé- où elle fût humiliée » par son ex- meux néoconservateurs dans les tion voulant corriger les derniers Bractérise, « sur les traces rique qui n’existe que pour lui : président de mari ! bureaux cossus de la Côte Est que soubresauts avant la “fin de l’His- d’Alexis de Tocqueville » dans celles du souvenir de l’écrivain « Plus tard, au moment de sa B-HL a tenté de comprendre ce toire” ? Ou messianisme d’un em- un tour d’Amérique d’une année beatnik » John Kerouak ; celles rencontre avec un Indien qualifié mouvement de fond. Pourquoi ren- pire près pour le “choc des civili- entière (1). des lubies de la gauche française sans qu’on comprenne bien pour- contrer des “néos”, en pleine ré- sations” ? La matière qu’il en ramène est à propos de la gauche américaine. quoi « d’antisémite », B-HL fait volution conservatrice ? Mais pour l’objectivité et l’in- bien pauvre et surtout sans pers- Ainsi B-HL interviouve-t-il quelques alors plus penser à Bécassine-aux- Mais, si les questions essen- formation sur cette mutation de pectives comparables au travail du personnes : des “élites” de New- USA qu’à Tocqueville. tielles à la politique américaine sont l’identité américaine dans l’après visionnaire auteur de La Démo- York ou de Beverly Hills qui ne re- désormais l’avortement, le “ma- 11 septembre, le livre Made in USA cratie en Amérique. Parti outre-At- présentent plus qu’elles-mêmes riage” homosexuel, et d’autres en- de Guy Sorman (2) qui vient de lantique avec les préjugés qu’on (Woody Allen, Sharon Stone...). Que se passe-t-il jeux moraux, B-HL n’y prête pas paraître en Poche, demeure beau- pouvait craindre, B-HL, “l’anti-anti- Les rencontres de B-HL sont au Kansas ? attention. Il ne veut – ou il ne peut coup plus objectif et informatif. américain” dresse un portrait limité « plus des monologues que des – pas voir ce « pays de la mo- des Américains dont ceux-ci au- dialogues », corrige le Library B-HL repose la question, titre dernité » remettre Darwin en ques- I raient, à juste titre, pu s’offusquer. Journal. B-HL est par exemple bien d’un livre sorti peu après la ré- tion, marquant ainsi mieux la fin Ainsi B-HL s’invite-t-il en specta- déçu par le candidat de gauche à élection de Georges Bush : que de l’idéologie du Progrès. 1 B-H Levy : American Vertigo, Éd. teur français d’un club échangiste ; la présidentielle John Kerry, tout se passe-t-il donc au Kansas et Ses conclusions – qu’il aurait Grasset, 20,90 euros . d’une maison close du Nevada ; autant opposé à l’avortement que dans tout le centre du pays ? Un pu écrire sans se déplacer, depuis 2 Guy Sorman : Made in USA. Le d’une discothèque homosexuelle le candidat Georges Bush. Il est immense mouvement conserva- son appartement du boulevard Livre de Poche, 6,50 euros.

6 L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 DOSSIER IL Y A 150 ANS : PHILIPPE PÉTAIN LE MAL Une vie FRANÇAIS I Il y aura cent cinquante au service de la France ans ce 24 avril naissait à Cauchy-à-la-Tour Philippe Pétain. Évoquer ce soldat par de 1917. Un Foch même aurait I Nous reproduisons ici autour duquel se crispent le général de corps aérien (CR) alors, vraisemblablement, pré- nés, respectueux des personnes l’allocution prononcée par aujourd’hui tant d’incompré- Jacques LE GROIGNEC cipité sa ruine au lieu de l’arrê- et des biens : après avoir abattu hensions, tant d’idées fixes le général (c.r.) Jacques le ter » (1). votre adversaire par les armes, et tant de haines est-il “poli- Groignec au cimetière de Les batailles décisives de 1918 vous lui en imposerez encore tiquement correct” ? Nous l’Île d’Yeu, le 23 juillet avant tout, l’histoire a retenu la part purent alors être préparées. La par la dignité de votre attitude ne pensons pas que ce soit 2001, lors du cinquan- décisive que prirent dans la vic- stratégie défensive décidée par et le monde ne saura ce qu’il pour un peuple un signe de tième anniversaire de la toire les qualités du chef sans le- Pétain lui avait permis de consti- doit le plus admirer de votre te- bonne santé nationale que mort du maréchal Pétain. quel les combattants n’auraient pu, tuer une réserve générale de qua- nue dans le succès ou de votre de ne pas pouvoir regarder dix mois durant, supporter les in- rante divisions grâce auxquelles héroïsme dans les combats., » son histoire en face, sans dicibles souffrances physiques et les armées alliées firent face aux L’histoire rapporte que cette at- qu’une partie se croit tenue onsieur le Maréchal, par- morales qui furent les leurs. ultimes offensives allemandes. En titude magnanime fut celle du de montrer du doigt et de donnez à la France ! Cette Ce chef, Paul Valéry lui rend février 1918, en Picardie, elles se Grand Condé qui, à Rocroi, alors culpabiliser l’autre partie. Mprière, chers amis, nous hommage en des termes inou- portent au secours des forces bri- que la redoutable infanterie espa- l’adressons de nouveau au soldat bliables quand, accueillant le Ma- tanniques et, en juillet, elles parti- gnole était vaincue, calma la fu- par qui, voici un demi-siècle, nous quit- réchal sous la Coupole, le 22 fé- ciperont à la deuxième bataille de reur des siens afin d’épargner les Michel FROMENTOUX tait au terme d’une longue vie de vrier 1931, il évoque Verdun : la Marne dont l’issue victorieuse courageux bataillons de tercios qui justes combats. Au matin du 23 « Votre nom est inséparable de marque le changement de pente avaient ouvert le feu par surprise. L’Histoire mal connue divise juillet 1951, il entrait dans son der- ce grand nom [...] Quelle ten- de la guerre et ouvre aux armées L’honneur de pardonner le disputa et l’Histoire examinée sans nier sommeil et, dans la mort, son dresse en vous pour ces le chemin de la victoire. Une vic- ainsi à l’honneur de vaincre. œillères rassemble. C’est à visage gardait la sérénité et la no- hommes dont les peines inex- toire étroitement liée à la stratégie Un tel exemple s’imposait à un effort d’objectivité qu’il blesse qui étaient le reflet de son primables, les fatigues, les souf- imposée par Pétain qui, contrai- Pétain qui aimait le citer en dé- nous appartient d’inviter les âme et qui, de son vivant, frap- frances, les mutilations, les ca- rement aux élans offensifs de clamant le texte qui figure dans la Français pour triompher des paient ceux qui eurent l’honneur davres furent la substance du Foch, avait su attendre les Amé- célèbre Oraison funèbre du Prince conditionnements que ne de l’approcher. Weygand en té- salut. Le soldat peu à peu ap- ricains et les chars, sans oublier de Condé, prononcée par l’évêque cessent d’imposer ceux qui moigne quand il écrit : « Nul de prit à vous connaître : il trouva d’employer massivement les forces de Meaux. Son âme de soldat et trouvent on ne sait quel inté- ceux qui ont connu, servi ou l’homme en vous. » aériennes. de chrétien aurait-elle pu lui indi- rêt à entretenir de vieux cli- aimé le maréchal Pétain ne quer une autre voie ? vages. pourra considérer cette image Un bienfait n’est jamais perdu, Le Maréchal, vainqueur de prise sur son lit de souffrances, enseigne la morale. Il n’est donc Verdun en 1916, n’avait rien quelques heures après qu’il eut pas interdit de penser que les à ajouter à sa gloire quand rendu l’âme à Dieu, sans être sages instructions données en en 1940 la débandade des saisi d’émotion. La majesté qui 1918 à nos troupes d’occupation politiciens qui avaient mené s’en dégage est celle du Chef aient contribué, en juin 1940, à la la France à la défaite fit de qui conduisit les armées fran- décision allemande d’accorder à lui l’arche de salut des Fran- çaises à la Victoire, et que le la France un armistice demandé çais désemparés. Il fit alors, vœu de la nation appela au gou- par le Maréchal. selon ses termes célèbres, vernement de la France à l’un “le don de sa personne à la des moments les plus cruels de France”. Dans des condi- son histoire. Sa beauté marmo- Un armistice tions effroyables, devant réenne reste le symbole du sauveur toujours résister aux exi- calme et de l’impassibilité dont gences de l’occupant tout il fit preuve dans l’adversité. La Un armistice dont ceux des his- en subissant les attaques sérénité dont elle rayonne est toriens qui ne confondent pas l’his- des collaborationnistes, il celle du devoir accompli, de la toire et l’idéologie et qui ne disso- demeura grand dans l’adver- pureté d’un cœur qui n’a cessé cient pas le devoir de mémoire du sité et se consacra à réar- de battre pour la France. » devoir de vérité reconnaissent le mer les Français morale- Il n’y eut jamais plus admirable caractère impératif et sauveur. Car ment, et militairement en évocation de l’âme du Français l’armistice de juin 1940 fut un acte Afrique du Nord, pour les enraciné que fut Philippe Pétain dont la portée stratégique peut être préparer à reprendre le mo- dont l’histoire se confond avec celle mesurée, a contrario, par les ment venu la guerre aux cô- de la Patrie et ne peut être mé- conséquences qu’eût entraînées tés des Alliés. Hélas, quand connue par la Nation. Nous avons la poursuite de vains et sanglants vint ce moment la violence donc le devoir aujourd’hui, en ce combats : le nombre de prison- des passions et des ran- cinquantième anniversaire de sa niers serait passé de deux à quatre cunes politiciennes empê- mort, de remettre en mémoire sa millions ; l’Afrique du Nord, indé- cha trop souvent une frater- longue vie de gloire et de sacri- fendable contre les Germano-Ita- nelle rencontre entre les Maquette de la statue équestre du maréchal Pétain Français qui avaient résisté fice, avec l’espoir que les vents due au sculpteur François Cogné liens, eût été occupée dans la fou- sur place et ceux qui avaient d’ouest permettront à l’écho de nos lée par la Wehrmacht, privant ainsi résisté de l’extérieur. Il fut paroles de franchir les murs de ce Un homme, c’est-à-dire une Magnanimité les Alliés de la plate-forme d’où, alors de bon ton de faire cimetière marin. âme. Une âme qui inspira ses pen- avec la magnifique armée d’Afrique porter au Maréchal le poids sées et ses actes. C’est ainsi qu’en Mais la plus noble des victoires préparée par Weygand et Juin, ils des drames qu’il avait tenté Gloire militaire mai 1917, placé à la tête des ar- remportées par le général Pétain partirent en 1943, à l’assaut de d’éviter à son pays, et du mées françaises dont le moral est est signée par son Ordre général l’Italie, créant un troisième front même coup, ses salutaires gravement atteint du fait des pertes n° 214 du 12 novembre 1918 dans dont l’ouverture marquera pour l’Al- principes de redressement Sa gloire militaire a connu un subies lors de vaines offensives, lequel il s’adresse aux armées en lemagne hitlérienne, le commen- furent, pour le malheur de la tel rayonnement qu’il peut paraître son attachement à ceux qu’il com- ces termes : « Nous allons, de- cement de la fin ; l’occupation to- France, déclarés maudits. superflu d’en rappeler les som- mande et le respect qu’il porte à main, pour mieux dicter la paix, tale du territoire métropolitain et mets. Mais sur les champs de ba- leur vie opèrent, en quelques se- porter nos armes jusqu’au Rhin de l’Afrique du Nord eût interdit Ce dossier n’est braqué taille, elle fut partagée par les plus maines, un redressement tel qu’il [...] Vous irez plus loin, en pays tout refuge aux juifs qui auraient contre personne, mais il humbles. Tout Français doit donc avouera : alors été traités comme leurs co- s’agit de réparer une grave « À Verdun, j’ai arrêté allemand, occuper des territoires injustice et ce n’est pas en en connaître et en rester le gar- l’ennemi. C’était la chose né- qui sont le gage nécessaire des religionnaires européens dont près se taisant que l’on servira la dien. cessaire. Mon action en 1917 a justes réparations. La France a de 90 % furent victimes de la bar- vérité. Les divisions font En 1916, ce fut Verdun, la plus été plus importante et, si j’ai souffert dans ses campagnes barie nazie, tandis que 90 % des trop de mal à la France. Il grande des batailles jamais dis- sauvé la France une fois, c’est ravagées, dans ses villes rui- 730.000 juifs vivant en France et est malheureusement néces- putées et remportées par les ar- bien à ce moment-là. » nées [...]. Les provinces déli- en Afrique du Nord survécurent. saire, près de soixante ans mées françaises. Le vainqueur, se- Le célèbre critique militaire bri- vrées ont eu à supporter [...] des après, d’exorciser ce mal lon le Maréchal, en fut le Poilu. Se- tannique, Liddell Hart, rend le plus outrages odieux. Mais vous ne Stratégie français. Notre honneur sera lon Joffre, Pétain en fut le sauveur vibrant des hommages à cette ac- répondrez pas aux crimes com- d’y contribuer. par les dispositions tactiques qu’il tion unique, en affirmant que « la mis par des violences qui pour- expectante I imposa, notamment dans le do- France n’aurait pu se passer raient vous sembler légitimes maine de la coordination entre l’in- d’un homme sans lequel elle dans l’excès de vos ressenti- Au lendemain de l’armis- fanterie, l’artillerie et l’aviation. Mais n’aurait pas survécu à la crise ments. Vous resterez discipli- tice, 569 des 666 députés et

L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 7 DOSSIER IL Y A 150 ANS : PHILIPPE PÉTAIN Une vie au service de la France

sénateurs réunis en Assem- le 24 décembre 1942, le Maréchal semble des collectivités juives d’Al- comptes [...] Je représente une « Voilà une existence extra- blée nationale confient au Ma- lui avait confirmé que les vœux de lemagne, d’Autriche, de Belgique, tradition qui est celle de la civi- ordinaire, écrit Paul Valéry. S’il y réchal la charge de l’État, expri- Noël qu’il venait d’adresser aux de Grèce, du Luxembourg, des lisation française et chrétienne aura un Plutarque français pour mant ainsi la volonté de la quasi- Français, en les invitant à porter Pays-Bas, de Pologne et de You- [...] J’ai passé ma vie au service écrire les vies de nos hommes totalité des quarante millions de leurs regards vers le ciel et à pla- goslavie (7). de la France. Aujourd’hui, âgé illustres, celle-ci lui proposera un Français auxquels il a fait don de cer leurs espérances dans les Il est édifiant de constater que de 90 ans, jeté en prison, je veux thème prodigieux : la tâche la sa personne. étoiles, était bien l’image allusive cette arithmétique comparée est continuer à la servir, en m’adres- plus lourde, la plus incertaine, la Sa politique immédiate est de du drapeau américain. totalement occultée par les mé- sant une nouvelle fois à elle, une plus troublante, la plus doulou- soulager les peines de ceux dont Cependant, en riposte au dé- dias et que, pour comble de déni dernière fois encore. Qu’elle se reuse ainsi reportée à l’extrême il est désormais responsable, sans barquement allié en Afrique du de justice, une loi votée par le Par- souvienne [...] J’ai mené ses ar- de l’âge, acceptée dans les condi- oublier les prisonniers. Quant à sa Nord, la Wehrmacht a envahi la lement unanime, et promulguée le mées à la victoire en 1918. Puis, tions les plus difficiles et parfois stratégie, elle reste expectante, zone Sud, dès le 11 novembre 10 juillet 2000, a condamné l’État alors que j’avais mérité le repos, les plus pénibles, consistant à c’est-à-dire d’attente, comme elle 1942, violant ainsi l’armistice. Pre- français pour crimes racistes et je n’ai cessé de me consacrer à sauver l’ordre, l’honneur, le mo- le fut en 1917. Car il sait, et il l’a nant acte de cette situation qui met antisémites, c’est-à-dire, vu le elle [...] Le jour le plus tragique ral de la nation au milieu du déclaré dès le 16 juin 1940 (3), un terme à la stratégie expectante contexte, de crime contre l’huma- de son histoire, c’est encore désarroi et de la dissolution gé- que les Américains entreront un qui constituait l’axe de sa politique nité. vers moi qu’elle s’est tournée nérale. Quels états de service ! » jour dans la guerre et contribue- de défense, le Maréchal décide, [...]. Voudra-t-on comprendre la Cet hommage a des accents ront, comme en 1918, à la défaite par les actes constitutionnels 12 difficulté de gouverner dans de prophétiques, car lorsque Valéry le de l’Allemagne. Mais la situation et 12 bis du 17 et du 26 novembre telles conditions ? Chaque jour, publie, en juin 1942, il ne peut sa- impose une attitude défensive fon- 1942, de laisser tout pouvoir à un poignard sur la gorge, j’ai voir que les états de service qu’il dée sur le respect d’un armistice pour promulguer les lutté contre les exigences de évoque seront couronnés par l’élé- dont les avantages sont tels que lois et décrets, à l’exception des l’ennemi [...], mais ma vie im- vation de l’illustre soldat au rang de l’occupant souhaite en modifier les actes constitutionnels. Mais, afin porte peu. J’ai fait à la France martyr. Un martyr dont la mort chré- clauses en sollicitant, dès le 16 d’éviter l’intronisation par l’occu- le don de ma personne. C’est à tienne fut précédée d’une profes- juillet 1940, des positions straté- pant d’un gauleiter, il demeure à cette suprême que mon sion de foi « La France, je n’ai ja- giques en Afrique du Nord. Cette son poste de Chef d’État. À ce titre, sacrifice ne doit plus être mis mais aimé qu’elle ». Un martyr qui demande est fermement rejetée il a assorti sa délégation de pou- en doute [...]. À votre jugement ne proférera jamais la moindre par le Maréchal qui, au même mo- voir d’une instruction personnelle répondront celui de Dieu et ce- plainte, car, avait-il dit, « un Maré- ment, appuie le développement interdisant toute entrée en guerre, lui de la postérité. Ils suffiront chal de France ne demande de des Services spéciaux lesquels, ce qui vise essentiellement la à ma conscience et à ma mé- grâce à personne ». Il avait sim- de 1940 à 1942, arrêteront plus guerre contre les Alliés puisque moire. Je m’en remets à la plement confié son honneur à ses de trois mille espions à la solde l’armée française vient, en Afrique France. » défenseurs dont nous sommes tous, des puissances de l’Axe, dont qua- du Nord, de reprendre les hostili- Gravure sur bois de Jean Chièze ici, les héritiers. Outre sa réhabili- (Le Pigeonnier, 1940) rante-deux seront exécutés après tés contre l’Allemagne. En outre, tation, il avait demandé d’être in- le rejet par le Chef de l’État de le Maréchal exige, et ce sont les Ce n’est ni le lieu ni le moment Les vrais humé à Douaumont auprès de ses leurs recours en grâce. Bien en- propres termes de son instruction, de faire l’exégèse d’une décision responsables soldats qu’il avait tant aimés. « J’ai tendu, aucun des nombreux agents « le respect des traditions spi- de justice prise par des parle- confiance en vous, avait-il dit à anglais ou américains, qui agis- rituelles de la France, en proté- mentaires peu familiers avec l’his- Le réquisitoire du procureur gé- Jacques Isorni et à Jean Lemaire. sent en liaison avec nos propres geant de toute atteinte les toire et dont l’incompétence en ma- néral ne pouvait qu’être applaudi Je vous ai confié une mission. services en zone libre et en Afrique convictions et coutumes reli- tière judiciaire est d’ordre consti- par les professionnels de la poli- Ne l’oubliez jamais ! » du Nord, n’est inquiété. gieuses ou philosophiques, tutionnel. Observons seulement tique qui, dans l’entre-deux Non, Monsieur le Maréchal, Parallèlement, des dispositions l’exercice des cultes, les droits que, lors des vingt audiences du guerres, étaient restés sourds aux nous n’oublierons jamais. Car le sont prises sous les commande- de la famille, les mouvements procès en Haute Cour, ni le Ma- appels de Pétain dénonçant la tombeau des soldats demeure le ments successifs de Weygand et de la jeunesse, le respect de la réchal ni l’État français ne furent montée du péril allemand. Témoins cœur des vivants. Un jour de ce de Juin, choisis en connaissance personne humaine ». accusés de crime raciste ou anti- à charge, ces professionnels dont nouveau siècle, un navire cinglera de cause par Pétain, pour prépa- sémite, bien que des personnali- les patronymes sont connus, mais de Port-Joinville vers le continent, rer l’armée d’Afrique à sa rentrée tés juives figurassent parmi les té- ne sont pas dignes d’être cités ici, emportant votre corps vers Douau- dans la guerre. C’est l’époque où 90 % de juifs moins à charge et parmi les jurés. étaient les responsables non seu- mont où votre âme n’a jamais quitté Weygand, dont les farouches sen- sauvés lement de l’impréparation du pays celles de vos Poilus. Vos Poilus, ce timents anti-allemands sont à la guerre, mais encore d’avoir sont les aïeux de ces enfants qui connus, déclare : « Le Maréchal On comprend qu’une histo- Résistance inconsidérément ouvert les hosti- vont maintenant répandre autour est plus grand que jamais » (3). rienne israélienne (5) ait pu écrire permanente lités avant de s’effacer lâchement de votre tombe la terre des Hauts L’événement tant attendu par que « la personne humaine reste à l’heure du désastre. Avec l’An- de Meuse, la terre de Verdun, la le Chef de l’État survient le 8 no- en France, pays imprégné de la Selon des on-dit repris par le gleterre coupable d’avoir, en 1939, terre dont le nom est indissociable vembre 1942, quand il apprend le culture classique, humaniste et procureur général, le Maréchal était déclaré une guerre à laquelle elle du vôtre, une terre orpheline, qui débarquement allié en Afrique du catholique, le principal objectif « le drapeau de [...] ne pouvait participer qu’avec des vous appelle et vous attend. Nord et manifeste sa joie devant de la nouvelle société que l’on un associé aux ordres du Füh- forces terrestres ridicules, ils le chargé d’affaires américain à Vi- souhaite reconstruire durant rer [...] qui s’était montré favo- étaIent et demeurent au premier Général (c.r.) chy (4). La rentrée de l’armée l’occupation ». Ainsi est rendu rable au projet des conjurés, leur rang des responsables de la dé- Jacques LE GROIGNEC d’Afrique dans la guerre contre l’Al- hommage à la politique du Chef avait même fourni un appui fi- faite du printemps 1940 et des lemagne intervient effectivement de l’État dont le sacrifice, selon nancier, en même temps que suites tragiques. Le procès en (1) Liddell Hart : Réputations en Tunisie, dès le 17 novembre une autre historienne juive (6), eut promis un appui militaire » (8). cours leur permettait de chercher (2) Pétain à Albert Rivaud. Cité par 1942. Elle constitue le couronne- des effets certains et positifs sur Ces accusations infâmes sont por- une rédemption dans la condam- François-Georges Dreyfus, dans His- ment de la stratégie expectante, le salut des juifs. Car, en dépit d’un tées contre le soldat que les Alle- nation à mort, pour intelligences toire de Vichy, p.163. tandis que le sabordage à Toulon, statut très injuste, mais dont les mands avaient accusé de « ré- avec l’ennemi, du Chef de l’État (3) Carnets du pasteur Boegner, édi- le 27 novembre, de la Flotte de dispositions d’ordre administratif sistance permanente » (9) avant qui, de ce fait, était chargé des tions Fayard, p. 175. Haute Mer prouve, de façon dra- ne menaçaient aucunement leur de l’arrêter, le 20 août 1944, et de conséquences de leur licence, (4) Foreign relations of the United matique mais éclatante, le refus intégrité physique, les juifs béné- le déporter à Sigmaringen. voire de leur trahison. Dieu leur States, 1942, volume II, pp. 430-432. opposé à l’occupant de toute co- ficièrent d’une protection qui ne C’est dans le fracas de l’écrou- pardonne. (5) Limore Yagil : L’homme nouveau opération militaire. put être totale face aux services lement du Reich hitlérien que le et la Révolution nationale de Vichy, allemands chargés de “la solution Maréchal peut, le 21 avril 1945, (1940-1944). finale”, mais qui est avérée par le prendre le chemin de la Suisse Un martyr (6) Annie Kriegel : Ce que j’ai cru Sacrifice fait que sur les 730.000 juifs, dont dont il refuse l’hospitalité. Il a choisi comprendre, éditions Robert Laffont, 400.000 en Afrique du Nord, vi- de revenir en France afin de dé- Dieu, d i e u. C’est ainsi que p. 172. Le Chef de l’État s’est refusé vant dans la mouvance française, fendre ceux qui l’ont servi et rendre le Maréchal orthographie le nom (7) Raul Hilberg : La destruction des à partir à Alger, car il s’était juré, 76.000 furent déportés dont 3 % compte de sa politique au peuple de l’île où, sa condamnation à mort Juifs d’Europe, édition de Poche, p. dès juin 1940, de ne jamais quit- seulement survécurent. C’est donc français. Le 23 juillet 1945, à l’ou- ayant été commuée en détention 903. ter la terre de France. Mme Bernard 90 % des juifs résidant en France verture de son procès, il déclare : perpétuelle, il débarque le 15 no- (8) J.O. du procès du maréchal Pé- Ménétrel, ici présente, et à laquelle et en Afrique du Nord qui échap- « C’est le peuple français qui, vembre 1945, dans sa 90e année. tain, pp. 7 et 8. nous rendons hommage, ainsi qu’à pèrent à la barbarie nazie, et 10 % par ses représentants réunis en C’est dans la citadelle de Pierre- (9) Von Ribentrop : Lettre adressée Mme Louis-Dominique Girard de en furent victimes. Le taux de 90 % Assemblée nationale, le 10 juillet Levée qu’il va, durant près de six au Maréchal, le 29 novembre 1943. Morcourt, nièce du Maréchal, Mme de survivants est à comparer avec 1940, m’a confié le pouvoir. C’est ans, vivre le dernier acte de son Extrait dans Pétain, Face à l’Histoire, Ménétrel a tenu à témoigner que, celui de 6 % qui s’applique à l’en- à lui que je suis venu rendre des existence. Nouvelles Éditions Latines, p. 205.

8 L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 DOSSIER IL Y A 150 ANS : PHILIPPE PÉTAIN Maurras La vie n’est pas et le Maréchal neutre...

uand il en- par ras et Maurice ’on peut di- par vers 1960-1970 destin. Il savait combien, dans leur visageait Pierre PUJO Pujo se rendent verger sur Michel FROMENTOUX avec l’avènement malheur, les Français pouvaient Qle proces- plusieurs fois à Vi- Lcertains de la société abor- sentir qu’il n’y avait pas de destin sus de rétablissement de la mo- chy durant l’été 1940. Ils rencon- points de la politique de Vichy. Il tive et permissive... Aucun homme individuel, qu’ils ne vivaient que par narchie, faisait in- trent le Maréchal ainsi que le gé- n’en reste pas moins qu’il faut être politique n’a aujourd’hui le courage la France. Il le leur rappelait avec tervenir “le général Monk”, c’est-à- néral Weygand. L’Action française de mauvaise foi pour ne pas re- de dire comme le Maréchal en 1941 délicatesse, comme un père, n’hé- dire un militaire qui jouerait le rôle sera considérée comme à l’origine connaître la noble volonté du Ma- : « Un pays stérile est un pays sitant pas à faire appel à l’esprit de de celui qui avait restauré la dy- du renvoi de Pierre Laval le 13 dé- réchal de donner à la France les mortellement atteint dans son sacrifice : « Ne croyez pas qu’un nastie des Stuart en Angleterre au cembre suivant. moyens les plus sûrs de demeurer existence. Pour que la France pays puisse se sauver sans l’ef- XVIIe siècle après la dictature de Les rencontres entre le Maré- vive, il faut des foyers. » fort de chacun [...] Restez dignes Cromwell. Le maréchal Pétain chal et Maurras durant le reste de En relisant dans le malheur [...] Soyez tou- n’avait jamais été considéré par l’Occupation seront rares. Elles se les messages jours des exemples de loyauté, Maurras comme un “Monk” possible, comptent sur les doigts d’une main. La communauté de fierté et d’honneur. Vous de- même s’il était devenu son confrère Pourtant Maurras est de ceux qui du Maréchal... viendrez un symbole » (message à l’Académie française en 1938. auront le mieux compris l’action du En fin de compte, tout le mal de Noël 1942). Être un “symbole” : ferme dans son malheur et d’ainsi venait de l’individualisme depuis si n’aurions-nous pas aujourd’hui en- recouvrer son âme ancestrale. L’on longtemps encouragé. Dès 1940, core tout intérêt à y tendre au lieu doit admirer avec André Figueras posant les principes d’une restau- de nous contenter de déplorer la ce « pari prodigieux » du vieux ration de l’école, le chef de l’État débâcle de la civilisation ? soldat, désireux de « reconstituer français déclarait : « La vérité est Dans le même esprit, le Maré- un ordre français salutaire et fra- que l’individu n’existe que par la chal s’efforça d’établir une repré- ternel, débarrassé de la politique famille, la société, la patrie dont sentation nationale, qui fût « celle niaise et basse et n’ayant pour il reçoit, avec la vie, tous les des forces vives du pays » dans intention que la grandeur et le moyens de vivre [...] Les époques ses cadres traditionnels et non bonheur de la France ». (1) où l’individualisme a fait loi sont « d’une poussière inorganique Il était certes difficile d’entre- Le balcon de L’Action Française à Lyon lors du passage du maréchal Pétain en 1942. prendre une telle politique avec l’oc- cupant sur le dos et en risquant Après une glorieuse carrière mi- chef de l’État français. Il exista entre d’être incompris de ceux qui refu- litaire, Philippe Pétain était resté ré- eux jusqu’au bout une grande com- saient de reconnaître leur respon- publicain. Il avait été ministre de la munion de pensée. sabilité et celle des institutions dans Guerre durant quelques mois dans la défaite. « Nous devons, tragi- le gouvernement Doumergue consti- quement, déclarait le Maréchal le tué après le 6 février 1934. En 1939, “La seule France” 11 octobre 1940, réaliser dans la il avait été envoyé comme ambas- défaite la révolution que, dans la sadeur en Espagne après la victoire La ligne suivie par l’A.F. est alors victoire, dans la paix, dans l’en- de Franco sur les Rouges. Il avait définie par les formules de « la seule tente volontaire de peuples ainsi contribué à rétablir des rela- France » et de « la ligne de crête ». égaux, nous n’avons même pas tions cordiales avec notre voisine Elle rejoint la politique du Maréchal. su concevoir. » d’outre-Pyrénées. Elle comporte d’abord le refus d’une collaboration active avec l’Alle- Le Maréchal à la rencontre des enfants magne. Entre la France et l’Alle- Travail, Famille, Le bouclier magne il ne convient pas de dé- Patrie celles qui comptent le moins d’in- d’individus », de même qu’il vou- des Français passer les relations obligées d’État dividualités véritables. » Il suffit lut organiser la profession « sur à État qui résultent de la présence Les “grands esprits” d’aujour- de considérer ce début de XXIe une base corporative où tous les Si l’Action française soutient le de l’occupant sur le sol français. d’hui peuvent se moquer tant et plus siècle... La suite reste à méditer : éléments d’une entreprise puis- maréchal Pétain appelé au pouvoir Le Maréchal et Maurras seront de la devise Travail-Famille-Patrie « [L’école] ne prétendra plus à la sent se rencontrer » (Revue des en juin 1940 dans des conditions l’un et l’autre vilipendés par la presse ; ils ne font que révéler leur men- neutralité. La vie n’est pas Deux-Mondes, 15 septembre 1940) dramatiques, c’est parce que les cir- de Paris, inféodée aux Allemands, talité suicidaire. Que l’union dans neutre ; elle consiste à prendre en vue « d’unir les classes au lieu constances le désignent comme le qui leur reprochera de ne pas vou- le respect du travail, de la famille parti hardiment. Il n’y a pas de de les opposer (Noël 1942), le tout plus à même de défendre les inté- loir entrer dans la « nouvelle Eu- et de la patrie soit ce qu’il y a de neutralité possible entre le vrai accompagné d’une volonté de bri- rêts français face à l’Allemagne vic- rope » conçue par les nazis et de plus solide pour rebâtir une société et le faux, entre le bien et le mal, ser « les trusts et leur pouvoir de torieuse, tandis que l’Angleterre a pratiquer « l’attentisme ». forte et prospère, saint Éloi (588- entre la santé et la maladie, entre corruption » (11 octobre 1940) et lâché la France. Maurras invite les Par ailleurs, l’A.F. condamne le 660) l’avait déjà affirmé au temps l’ordre et le désordre, entre la d’empêcher le libéralisme d’abou- Français à lui faire pleinement parti gaulliste qui brise l’unité fran- du roi Dagobert – ce qui prouve que France et l’anti-France. » Relire tir à des violences. Aujourd’hui où confiance, à soutenir son action, à çaise. Les collaborationnistes et les la devise est plus enracinée dans ces propos dans notre France ra- sévissent les délocalisations et où participer à l’œuvre de rénovation gaullistes affaiblissent le Maréchal notre histoire que la trilogie désin- mollie par le subjectivisme fait ré- la “communication” passe si mal nationale qu’il entreprend par delà dans ses négociations avec les au- carnée Liberté-Égalité-Fraternité ! fléchir... Le Maréchal recomman- entre les acteurs de la vie sociale les vieux clivages partisans qui di- torités allemandes. Rappelons-nous l’enthousiasme dait, lui, le respect de la religion et entre les générations et où re- visent le monde politique. Le 8 mai 1943, le Maréchal dé- soulevé le 31 mai 1980 à Saint-De- « que la France professe depuis vendiquer est devenu une manie, Cependant, à Vichy où le gou- cerne la francisque à Maurras; Il lui nis, banlieue pourtant assez rouge, les origines de son existence na- ce langage est-il “dépassé” ? vernement s’est installé, en zone envoie le recueil de ses messages par le pape Jean-Paul II déclarant tionale (Principes de la Commu- Ces principes de sagesse, que libre – les deux-tiers de la France avec cette dédicace « À Charles que « les droits de la famille doi- nauté) (2) ne pouvait qu’apprécier Maurras, étant occupés par l’envahisseur – Maurras, le plus français des vent être profondément inscrits Le plus urgent était alors de ré- même si la question du régime ne une tendance favorable à une col- Français ». dans les fondements mêmes de tablir l’individu « juché sur ses se posait pas en temps de guerre, laboration étroite avec l’Allemagne Maurras restera fidèle jusqu’au tout code du travail » et ajoutant : droits » dans la réalité vivante de n’ont pas pu porter leurs fruits et se manifeste. L’Action française ne bout au Maréchal qui, malgré une « Il est faux de dire que le tra- ses communautés naturelles (fa- beaucoup, dans les allées mêmes tarde par à dénoncer ceux qui 1) liberté d’action de plus en plus ré- vailleur n’a pas de patrie. » mille, profession, commune, pro- de Vichy, firent tout pour les dé- veulent instaurer un parti unique, à duite demeure un bouclier pour les Le Maréchal prit les mesures vince, nation), là où se fondent à la tourner. N’empêche que les mé- l’image des régimes fascistes ré- Français face à l’occupant. L’A.F. qui s’imposaient : politique nataliste, fois « l’autorité positive » et « la thodes qui avaient conduit au dé- pandus alors en Europe ; ce parti n’approuve pas pour autant – loin interdiction de l’avortement, le di- vraie liberté » (8 juillet 1941). D’où sastre réapparurent après la Libé- n’eût pas manqué de tomber sous de là – toutes les initiatives prises vorce rendu plus difficile, aides aux la nécessité d’instaurer un État « ration. Philippe Pétain nous avait l’influence de l’Occupant, 2) cher- par les ministres du gouvernement familles nombreuses, multiples hiérarchique et autoritaire, fondé avertis ; elles ne pouvaient rendre chent à entraîner la France dans de Vichy. œuvres de jeunesse... Lui, le chef sur la responsabilité et le com- à la France sa grandeur... une guerre contre l’Angleterre et ti- Le 24 janvier 1945, lorsque d’État le plus souvent photographié mandement s’exerçant de haut I rent notamment argument de Maurras comparaît devant la Cour avec des enfants au cours de ses en bas, à tous les échelons de la l’agression de la flotte française par de justice du Rhône sous l’accusa- voyages où il allait réconforter les hiérarchie. » (1) André Figueras : Philippe Pétain la marine anglaise à Mers-el-Kébir tion d’”intelligence avec l’ennemi” (!) Français, institua officiellement la devant l’Histoire et la Patrie. Éd. de le 3 juillet 1940. il arbore la francisque au revers de Fête des Mères le 25 mai 1941. En l’Orme Rond, 1985. Disponible à nos Pour contrer la tendance pro- son veston. Suprême défi lancé aux fait la IVe République allait non seu- La profession bureaux. germanique, influente notamment épurateurs et à la Révolution triom- lement relancer cette fête annuelle (2) Jacques Ploncard d’Assac : Doc- dans l’entourage du président du phante. en 1950, mais poursuivre la poli- Pour le Maréchal, la nation était trines du nationalisme. Éd. de Chiré, Conseil Pierre Laval, Charles Maur- I tique familiale. Bel élan hélas coupé essentiellement la communauté de 1978.

L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 9 DOSSIER IL Y A 150 ANS : PHILIPPE PÉTAIN Montoire ou la ruse du Maréchal

ontoire a fait couler beau- ce qui dépendait de lui serait fait par quiétants sur des négociations an- laboration outre-mer n’eut jamais de coup d’encre. Les défen- pour assurer l’emprise de la Philippe PRÉVOST glo-allemandes. Comment savoir la commencement d’exécution. Mseurs du Maréchal ont vu France sur ses territoires colo- vérité ? Mais alors pourquoi le Maréchal dans cet événement un « Verdun niaux. » cord n’ont pas été trouvées jus- officialisa-t-il cette prétendue poli- diplomatique ». Pour ses enne- À cette proposition audacieuse qu’ici : “C’est un danger, me dit- tique de collaboration par son cé- mis, la fameuse poignée de mains qui aurait pu nous entraîner très il, que vous ne devez pas sous- Le jeu lèbre discours du 30 octobre 1940 symbolise au contraire la politique loin, le Führer se garda bien de ré- estimer”. » du Maréchal dans lequel il annonçait qu’il de collaboration avec l’occupant pondre positivement. Il s’évada dans Ce renseignement capital était « entr[ait] aujourd’hui dans la voie c’est-à-dire l’alignement du vaincu des généralités, en rappelant, par très inquiétant car, comme l’avait Pour la connaître le chef de l’É- de la collaboration », discours qui sur le vainqueur, toute honte bue. exemple, que c’était la France et laissé entendre l’ambassadeur nip- tat imagina de proposer une alliance lui a été par la suite si souvent re- Qu’en est-il réellement. ? non l’Allemagne qui avait déclaré à Hitler pour la reconquête des co- proché, alors qu’il s’agissait en réa- la guerre, ce qui était exact, mais lonies passées sous le contrôle des lité d’un avertissement à l’Angleterre Trois actes totalement hors sujet, à tel point Anglais et des gaullistes en Afrique. qu’on peut résumer ainsi : “Je qui montrent qu’à la fin Laval crut bon de reve- Normalement Hitler aurait dû ac- connais de source sûre maintenant que le Maréchal nir sur la proposition du Maréchal, cepter cette offre inespérée qui lui votre double jeu. À Londres vous sans plus de succès. Comment ex- permettait d’opposer la France à prétendez résister mais en réalité était un grand pliquer ce double échec ? son ancienne alliée, sauf si des né- vous êtes prêts à pactiser avec le politique. gociations sérieuses étaient enga- IIIe Reich. Par conséquent, si vous gées entre les deux pays, ou tout vous entendez avec Hitler sur notre Il y a un fait indiscutable sur le- Le contexte au moins, sauf s’il avait l’espérance dos, nous sommes capables d’en quel tout le monde s’accorde : le international qu’elles le soient. C’est ce qui s’est faire autant”. Maréchal fut demandeur de cette passé. En face de cette proposition Ainsi, en cette fin du mois d’oc- rencontre avec Hitler, mais pour- Il ne faut pas oublier que le Ma- si alléchante mais mal venue à tobre 1940, s’est jouée une partie quoi ? C’est à partir de là que les réchal savait qu’en juin 1940, le l’époque, Hitler se réfugia dans des décisive puisque le 23 Hitler ren- interprétations divergent. gouvernement anglais avait été La gare de Montoire généralités. Le Maréchal avait donc contra Franco qui, prévenu par le aussi divisé que le gouvernement la réponse à la question qu’il se po- Maréchal, présenta de telles exi- français. Alors que Churchill, comme pon, si cet accord aboutissait, cela sait : il existait bien des négocia- gences qu’il rendit impossible l’opé- Les apparences Paul Reynaud, voulait continuer la ne pourrait se faire qu’au détriment tions ou tout au moins des tenta- ration Félix ; le lendemain le Füh- guerre, Lord Halifax, secrétaire d’É- de la France et plus particulière- tives de négociations entre l’Alle- rer tombait dans le piège tendu par D’après le compte rendu officiel tat au Foreign Office et la majorité ment de ses possessions africaines, magne et l’Angleterre et c’est le Maréchal, le 30 les Anglais étaient rédigé par Schmidt, après les poli- du parti conservateur auraient voulu ce qui jetait un jour cru sur l’attaque pourquoi la Führer ne voulait pas clairement prévenus que leur double tesses d’usage, le Maréchal atta- traiter avec l’Allemagne. Le 3 juillet, de Dakar : appuyée par De Gaulle les compromettre par une question jeu était découvert. Voilà trois actes qua en termes très durs l’Angleterre Cambon, chargé d’affaires de l’Angleterre n’était-elle pas en train aussi subalterne à ses yeux que qui montraient que le Maréchal était qui, aidée par De Gaulle, essayait France à Londres, rapporte à Bau- de s’approprier des gages en vue celle du Tchad. un grand politique, ce qui aurait dû de s’emparer de nos territoires afri- douin, ministre des Affaires étran- d’un marchandage global avec l’Al- Que sqe serait-il passé si Hitler assurer au vainqueur de Verdun la cains, comme on l’avait vu encore gères, que des bruits de négocia- lemagne ? avait saisi la perche tendue par le reconnaissance des Alliés après la récemment à Dakar. Selon Schmidt, tions entre la Grande-Bretagne et Ces craintes, dit Baudouin, fu- Maréchal ? Ce qui est arrivé trois guerre si le sectarisme de De Gaulle le Maréchal aurait fait une propo- l’Allemagne couraient dans les am- rent confirmées le 16 octobre par semaines plus tard. Lorsqu’Hitler re- et des communistes alliés d’Hitler sition : « Puisque le Fürher avait bassades des pays balkaniques. « le ministre de Suède qui me venu de ses espoirs d’une paix pro- jusqu’en juin 1941, n’y avait fait obs- fait l’honneur à la France de par- Le 25 septembre, Sawada, am- met au courant des tentatives chaine, voulut encourager les Fran- tacle. ler de collaboration, il y avait bassadeur du Japon, affirme à Bau- faites ces derniers temps à Stock- çais à reconquérir le Tchad, Hunt- I peut-être un terrain sur lequel elle douin que des « négociations se holm par l’Allemagne pour ac- ziger répondit qu’il lui fallait un délai pouvait être mise en pratique poursuiv[ent] entre l’Angleterre crocher une négociation de d’un an avant de pouvoir envisager * Lire Philippe Prévost : Le temps des entre les deux pays. Sans vou- et l’Allemagne à la recherche paix ». une action quelconque contre la co- compromis – Mai-décembre 1940, loir entrer dans les détails, il pou- d’éléments pour une paix de Ainsi, par divers canaux arri- lonie dissidente. C’était une fin po- C.E.C. Paris 2005, 210 p., 15 euros. vait assurer, quant à lui, que tout compromis. Mais ces bases d’ac- vaient des renseignements très in- lie de non-recevoir. Le projet de col- En vente à nos bureaux.

uoi qu'en disent les mau- l'armée, ni l'aviation, Pétain y vaises langues, les histo- TROIS LIVRES SUR LE MARÉCHAL était parvenu. [...] Non seule- Qriens ne sont pas des ma- ment les Allemands avaient ar- nipulateurs instruisant toujours à Abordant la période de l'Oc- par tant la destruction jusqu'aux rêté leur marche en avant, mais, charge. « Je conteste que l'his- cupation, l'auteur rapporte notam- Grégoire DUBOST centres vitaux les plus éloignés seul, par sa voix chevrotante, il toire soit un procès, et l'histo- ment des conversations entre le fait éclater le cadre de la bataille. les avait fait reculer... » rien un juge », indique Marc chef de l'État français et les re- 1917 : sans recourir « à une ré- [...] On peut même se demander L'historien, familier des pla- Ferro en introduction de son Pé- présentants des gouvernements pression étendue », il a « re- si l'avion ne dictera pas sa loi teaux de télévision, nous livre une tain. Force est de constater, ce- canadien et américain. Il rappelle conquis les cœurs et recréé l'es- dans les conflits à venir. » étude certes critique, mais carac- pendant, que les clichés média- que des négociations ont été me- poir par des offensives à ob- Guy Pedroncini conclut sur l'ar- térisée par un souci manifeste tiques, soutenus par les passions nées en son nom avec l'Angleterre, jectifs limités ». L'auteur insiste mistice de 1940. Ce fut selon lui d'objectivité. Dans son livre, il et entretenus par des manuels et souligne sa sympathie pour les en outre sur la volonté du général « une décision stratégique dont donne régulièrement la parole aux scolaires trop simplistes, véhicu- États-Unis. Ce plaidoyer éclaire Pétain de sauvegarder les intérêts les passions ont voulu faire une acteurs de l'histoire, proposant un lent une image souvent caricatu- l'action de Pétain sous un jour bien français dans les négociations fu- décision politique ». Voilà qui récit vivant où il s'efforce d'éva- rale du passé. différent de celui des archives étu- tures de paix, et sur son hostilité devrait nous inciter à relire Vichy luer, pour chaque événement, le Pour en avoir une vision plus diées par Robert Paxton dans sa à la signature d'un armistice pré- à la lumière de Verdun. rôle joué par Pétain. On pourra juste, il faut lire ! Parmi toutes les France de Vichy, par exemple : maturé. discuter certaines interprétations, biographies consacrées au maré- on découvre un personnage qui La partie la plus surprenante on ne partagera pas toujours les chal Pétain, en voici trois, dont les juge la victoire alliée lointaine, mais de l'ouvrage est sans doute celle Vichy opinions qu'il s'autorise à émettre approches complémentaires ai- qui l'espère avec ferveur. qui présente le Maréchal comme de temps en temps, mais on se deront le lecteur à se faire sa un pionnier des armes nouvelles, La biographie de Marc Ferro félicitera de disposer grâce à lui propre opinion. plaidant dès 1919 pour une force commence là où s'arrête la pré- d'une étude à la fois "scientifique" Le soldat blindée de 7 000 chars et, en 1932, cédente. L'auteur s'en explique : et nuancée. pour une force de frappe aérienne. « C'est à partir de 1940 que s'est I « Gloire Spécialiste de la Grande Ce discours, prononcé par Pétain nouée entre Pétain et la France et sacrifice » Guerre, Guy Pedroncini s'est in- le 6 avril 1935 à l'École de guerre, cette relation incommunicable * Général Le Groignec : Pétain, téressé au parcours de Pétain jus- apparaît à bien des égards pro- qui partage encore aujourd'hui gloire et sacrifice, Nouvelles édi- La première retrace la vie du qu'en 1940. Revenant sur la ba- phétique : « Il est nécessaire de les Français. » On lui reconnaît tions latines, 1991, 331 p., 23 eu- Maréchal depuis sa naissance à taille de Verdun, l'historien salue tenir le plus grand compte des d'ailleurs un certain talent pour re- ros. Cauchy-à-la-Tour, jusqu'à sa mort la compréhension par le vainqueur perspectives ouvertes par l'en- transcrire ce lien si particulier. Évo- * Guy Pedroncini : Pétain, le sol- à l'île d'Yeu. Le général Le Groi- de la guerre psychologique et des gin automobile et par l'avion. [...] quant l'Armistice, il écrit par dat, Perrin, 1999, 527 p., 25,76 eu- gnec peint le portrait d'un homme exigences nouvelles du conflit. Il Les unités mécanisées sont ca- exemple : « Pour les Français de ros. enraciné, un soldat habité par explique comment, devenu com- pables de donner aux opérations la déroute, un miracle avait eu * Marc Ferro : Pétain, Hachette Lit- l'amour du sol et le souvenir des mandant en chef, il est parvenu à un rythme et une amplitude in- lieu. [...] Ce que n'avaient pu ac- térature, coll. Pluriel, 1993, 789 p., poilus. résoudre la crise du moral en connus jusqu'ici. L'avion en por- complir ni la ligne Maginot, ni 12,30 euros.

10 L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 HISTOIRE

u commencement dues d’Afrique du Nord, que l’on était la fable, écrit Va- vit se réaliser peu à peu les «Aléry, car ce qui fut est La fable et la farce conditions qui allaient permettre esprit, et n’a de propriétés qui à la France de prendre place ne soient de l’esprit. pour finir parmi les nations vic- Donc, si tu imagines remon- Weygand, commandant en par à la Lufwaffe d’opérer en Médi- torieuses » (10). ter vers le “commencement”, tu chef des forces françaises au le général de corps aérien (CR) terranée à partir des territoires du On comprend qu’un tel juge- ne peux l’imaginer qu’en te dé- Proche-Orient, a été également Jacques LE GROIGNEC Maghreb. Il pense rattraper son ment ne pouvait inspirer l’opérette pouillant, à chaque recul un peu appelé par Reynaud afin de rem- erreur par un ultimatum du 16 juillet du Grand Charles dans laquelle, plus, de ce que tu sais par ex- placer Gamelin, le 20 mai 1940, 1940 réclamant l’usage de huit par l’escamotage du Maréchal, la périence, ou du moins par des au poste de généralissime. À l’ins- rait dû aller en Afrique du Nord, bases aériennes au Maroc, de la fable et la force se conjuguent au témoignages qui se font de plus tar de Pétain, il n’a pas le privilège s’en emparer et poursuivre sur voie ferrée Rabat-Tunis, et de fa- midi de la pensée gaullienne. en plus rares. Et tu es obligé, de paraître dans la première par- l’Égypte. Nous aurions eu alors cilités portuaires. Par sa réponse pour concevoir ces tableaux de tie de l’opérette du Grand Charles. une tâche bien difficile » (7). du 18 juillet, le Maréchal rejette les I plus en plus éloignés, de les Ce qui permet d’occulter le fait Ce jugement est corroboré par exigences allemandes et prouve, compléter de plus en plus par ta qu’en sa qualité de commandant celui de Keitel qui, lors du procès on ne peut plus clairement, qu’il (1) Paul Valéry : Œuvres. Pléiade, production propre de person- en chef des armées françaises, et entend s’en tenir aux dispositions tome 1, p. 394. nages, d’événements et de en communion avec Pétain, il re- de la convention d’armistice et re- (2) G. Pédroncini : Pétain – La vic- théâtres. jette le 15 juin la honteuse capi- fuser toute coopération d’ordre mi- toire perdue, éditions Perrin, 1995, À la limite, il n’y a plus que tulation que Reynaud veut lui im- litaire (9). p. 254. toi. C’est tout du toi, fable poser. Les frêles épaules de ce (3) L’Action Française 2000, 3 février pure. » (1) dernier ne lui permettent pas de 2000, p. 14. faire face à ses responsabilités. Il Liberté (4) Henri Amouroux : Interview dans Ce processus qui consiste à démissionne le 16 et demande au de manœuvre Valeurs actuelles, 13 décembre 1993. meubler le passé de personnages président de la République, Albert (5) idem : La page n’est pas encore et d’événements fabuleux, afin de Lebrun, de nommer le Maréchal à Le cadre limité de cet article tournée. éditions Robert Laffont, p. ramener tout à soi, est typiquement sa place, tandis que son sous-se- ne permet pas de développer une 12. gaullien. La première des deux par- crétaire d’Ètat à la Défense natio- question qui est remarquablement (6) Hervé Couteau-Bégarie : Entre- ties d’un film sur Le grand Charles, nale, Charles De Gaulle, se pré- résumée par l’historien allemand, tien avec Pierre Chaunu. Radio concocté par Benjamin Stora, in- pare, ainsi que sa famille, à pas- Elmar Krautkramer, lequel rend Courtoisie, le 20 octobre 1992. terprété par Jacques Farcy, et té- ser en Angleterre. hommage à la stratégie du Maré- (7) Winston Churchill : Entretien lévisé le 27 mars 2006 sur Dès son investiture, et afin de chal : « Le combat mené par la avec le général Georges, rapporté France 2, en est le parfait exemple. contenir le plus vite et le plus loin Bernard Farcy dans le rôle France et la façon dont elle s’est par celui-ci lors du procès du Ma- du “grand Charles” Son thème porte essentielle- possibles, le flot de la Wehmacht relevée de sa défaite n’a pas réchal (J.O. p. 167). ment sur les péripéties d’ordre po- qui déferle sur la France, Pétain de Nuremberg, déclara : « L’His- commencé avec l’appel du 18 (8) Keitel : cité par Benoist-Méchin litique qui précédèrent et accom- engage avec l’Allemagne et l’Ita- toire eût été différente si nous juin, mais tout a débuté – et dans 60 jours qui ébranlèrent l’Oc- pagnèrent le 18 juin 1940. Parmi lie des négociations qui aboutis- avions pris Gibraltar et si le Fü- peut-être avec plus d’efficacité cident, tome 3, p. 261. les protagonistes, figurent, bien en- sent respectivement le 22 et le 24 rher n’avait pas laissé à la – avec l’armistice de Rethondes (9) Jacques le Groignec : Réplique tendu, Paul Reynaud, Winston juin à la signature de deux conven- France sa marine, ses troupes et l’utilisation de l’espace libre aux diffamateurs de la France. Nou- Churchill, Charles De Gaulle ainsi tions d’armistice qui prennent ef- coloniales et son Empire » (8). et de la liberté de manœuvre qui velles Éditions latines, à paraître en qu’un certain nombre de deuxièmes fet le 25 juin 1940 à 0 h 35. En fait, Hitler a compris très était laissée à la France. C’est mai 2006. couteaux. Mais, dans la distribu- L’occultation de ces conven- vite la faute qu’il avait faite en ac- dans cet espace libre, et spé- (10) E. Krautkramer : Vichy 1940–Al- tion des rôles, le maréchal Pétain tions et de leurs clauses réduit le cordant un armistice qui interdisait cialement dans les vastes éten- ger 1942. est absent. Si incroyable que cela scénario du Grand Charles aux puisse être, l’on ne le voit ni ne seuls actes et déclarations de l’entend jamais. Ce qui évite d’évo- Charles De Gaulle qui, avec l’ha- Deux disparitions quer et d’opposer d’une part la stra- bileté que l’on sait, a édifié le socle tégie qui fut la sienne en négociant de sa renommée sur son refus d’un Pierre Monnier un ami comme il n’est pas donné d’en mériter sou- un armistice, d’autre part l’appel armistice qu’il baptisait capitula- vent. dit du 18 juin lancé par Charles De tion, conformément aux termes du L’écrivain Pierre Monnier s’est éteint le 27 mars Les esprits superficiels l’avaient catalogué sans re- Gaulle, invitant les Français se trou- faux appel du 18 juin, publié et dé- dernier à Nice, dans sa quatre-vingt-quinzième année. tour, lui reprochant sa collaboration à National Hebdo, vant en Angleterre à le rallier afin noncé par L’Action Française 2000 Dans les années 1930, il milita dans les rangs des Étu- ses ouvrages historiques consacrés à la Waffen SS, de poursuivre la lutte armée. (3). Or, la nécessité et la portée diants d’Action française et devint en 1937 le secré- son attachement aux dieux du panthéon nordique. stratégique de l’armistice franco- taire de rédaction de L’Insurgé, brûlot nationaliste heb- Comment auraient-ils pu savoir quel homme se ca- allemand du 22 juin 1940 sont, au- domadaire dirigé par et Jean-Pierre chait derrière tout cela ? Un seul jourd’hui, unanimement reconnues. Maxence. Historien militaire scrupuleux, – ses détracteurs défenseur Sur cette époque il a laissé un incontournable livre eussent dû, s’ils avaient été de bonne foi, constater de la France ? de souvenirs intitulé A l’ombre des grandes têtes molles que ses études sur les unités britanniques ou améri- La vérité (La Table Ronde, 1987). Après avoir trempé dans la caines étaient au moins aussi nombreuses que celles Ainsi, parodiant Valéry, l’occul- sur l’armistice Cagoule, il sera pendant la guerre l’un des cadres des traitant de l’armée allemande, et tout aussi équitables, tation d’un fait historique majeur “Centres d’apprentissage”, ancêtres de nos LEP (1). voire admiratives – Jean était aussi, et d’abord, un au profit du Grand Charles perpé- À ce sujet, Henri Amouroux dé- Il y croisera nombre d’anciens camarades d’A.F dont grand critique littéraire. tue la fable selon laquelle, le 18 clare : « Le gaullisme a imposé François Sentein qui l’évoque dans ses Minutes. Biographe de Drieu la Rochelle, il se consacrait, juin 1940, il n’y avait plus que lui l’idée qu’il ne fallait pas signer À la Libération Pierre Monnier devînt dessinateur chaque semaine, à la mise en valeur des figures de pour défendre la France. cet armistice et que Vichy était de presse. À l’occasion d’un voyage au Danemark, en la littérature mondiale des XIXe et XXe siècles, dont il La réalité est tout autre, car la illégitime. C’est fabuleux ! Mais 1948, il rencontre Céline. L’auteur du Voyage au bout possédait une connaissance phénoménale, ayant le présence et l’action du Maréchal ce n’est pas sérieux » (4). Et il de la nuit lui écrira plus de trois cents lettres. Devenu talent de se faire découvreur de personnages oubliés au sein du gouvernement, au cours écrit : « Aujourd’hui, la néces- éditeur, Monnier se démènera pour réhabiliter Céline ou méconnus, mais toujours prodigieux. L’un de ses des journées tragiques du solstice sité de l’armistice n’est prati- et publiera notamment son Casse-pipe. Ces rapports soucis était de mettre en évidence, chez ces écrivains, de juin 1940, furent décisives pour quement pas remise en cause, inspireront à Monnier un livre cher aux céliniens, Fer- les engagements militants, de tous bords car nul n’était le salut des Français et la cause ce qui bouleverserait De dinand furieux (L’Âge d’Homme, 1979). moins manichéen, et l’enracinement dans leur pro- alliée. Gaulle » (5). Enfin, il était devenu aux côtés des regrettés Al- vince. Face au désastre de Sedan et Hervé Couteau-Bégarie opine phonse Boudard et A.D.G. une figure emblématique Normand assumé, bien qu’il ait été ravi, voilà de Dunkerque, Paul Reynaud, pré- dans le même sens : « On peut de la bande de la “Tour de Montlhéry” ainsi nommée quelques années, de se découvrir une trisaïeule ka- sident du Conseil, a fait appel à dire que la question est tran- en référence du restaurant des Halles où se réunis- byle inattendue, il défendait son duché bien-aimé Pétain, alors ambassadeur en Es- chée, même s’il y a encore un sait cette joyeuse bande d’anarchistes de droite. comme l’eût fait le duc Guillaume, et portait une égale pagne. Il s’en explique dans son combat d’arrière-garde. Ré- tendresse à Charlotte Corday et à Jean de La Varende. allocution du 17 mai : « Le vain- cemment, il y a eu une discus- Pierre LAFARGE Eu étant en Normandie, il inclinait, par ce biais, à une queur de Verdun, celui grâce à sion entre un général, qui main- sympathie discrète envers ses châtelains, et parlait de qui les assaillants n’ont pas tenait qu’on pouvait continuer (1) : Sur le sujet, lire le livre de Cyril Le Tallec : La Madame la comtesse de Paris, avec une vénération passé, celui grâce à qui le mo- la guerre en Afrique du Nord, et naissance des centres de formation professionnelle quelque peu amoureuse. Jeune officier parachutiste ral de l’armée française en 1917 un groupe d’historiens. Le 1940-1945. Éd. L’Harmattan, 2004. rappelé en Algérie, il avait été, pensait-il, l’un des der- s’est ressaisi, le maréchal Pé- groupe d’historiens, toutes ten- niers à croiser là-bas le prince François, quelques tain est revenu ce matin de Ma- dances confondues, et Dieu sait heures avant sa mort au Champ d’honneur, et gardait drid où il a rendu tant de ser- que les tendances représentées de cette ultime rencontre un souvenir que les années vices à la France. Il est désor- en son sein étaient assez di- ne parvenaient point à effacer. mais à mes côtés comme verses, a été unanime pour dire Jean Mabire est mort au soir du 29 mars dernier, Sa disparition, stupidement ignorée des grands ministre d’État, vice-président que, d’un point de vue tech- emporté par le cancer contre lequel il luttait depuis médias, creuse un vide irréparable dans l’historiogra- du Conseil, mettant toute sa sa- nique, la cause était entendue » presque dix ans. Il venait de fêter ses 79 ans. phie française. Et plus encore dans le cœur de ceux gesse et sa force au service du (6). Churchill lui-même reconnaît Malgré tout ce qui pouvait paraître nous séparer, qui l’ont aimé. pays. Il y restera jusqu’à la vic- que « Hitler a commis une faute il avait été pour moi, depuis notre première rencontre, Anne BERNET toire » (2). en accordant l’armistice. Il au-

L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 11 HISTOIRE JOURNÉE DE LECTURE Enquête sur la religion Les secrets de Lénine des États-Unis

orsque la guerre a éclaté par du plus haut intérêt pour nous e pas lais- par dateurs” de la dé- en 1914, personne ne se Yves LENORMAND que les bolcheviks se main- ser la né- Pierre LAFARGE mocratie améri- Ldoutait des changements tiennent ». Ncessaire caine s’étaient considérables qu’elle entraîne- parmi les prisonniers de guerre. critique de l’hyperpuissance amé- exilés pour des raisons religieuses rait en Europe. Il faut dire que Une fois convertis, c’était un jeu ricaine aux arriérés de l’altermon- autant que politiques. tout le monde pensait que le d’enfant de les renvoyer en Rus- Un chapitre dialisme et aux républicains laï- Cette étrange religion civile conflit serait court et il l’aurait été sie en leur faisant traverser les de trop cards : c’est le pari réussi de Jean- s’accompagne d’une conscience si le plan Schlieffen avait été cor- lignes du front. François Colosimo, éditeur et profonde de l’existence d’une mis- Parmi tous les révolution- Mais pourquoi, diantre, avoir professeur de théologie orthodoxe. sion divine de l’Amérique. Aux sources naires que les Allemands finan- introduit un chapitre sur Souva- Il fallait un énergique croyant pour de la connivence çaient directement ou indirecte- rine alors qu’il eût mieux valu, à nous faire pénétrer avec lucidité Théodémocratie germano- ment, Lénine était celui qui les notre avis, montrer en conclu- et sans caricature au cœur de la intéressait le plus car il prônait sion que cette connivence ger- force théologico-politique actuel- soviétique. une paix immédiate. C’est pour- mano-soviétique dura jusqu’au lement à l’œuvre au sein de la dé- Protestants, catholiques, juifs : quoi lorsqu’une première révo- 21 juin 1941 ? mocratie nord-américaine. pas moins de 85 % de la popula- rectement appliqué, mais la vic- lution éclata en février 1917, Lé- Après la défaite, des accords tion américaine adhère à la dé- toire de la Marine en décida au- nine et ses amis réfugiés en militaires secrets lièrent les deux fense d’un horizon judéo-chrétien trement. Désormais, les empires Suisse, n’eurent aucune difficulté pays. Cela permit aux Allemands dont le héraut mondial serait les centraux allaient être pris en te- pour traverser l’Allemagne dans de tourner les interdictions du États-Unis. Quel contraste avec naille entre la France et la Rus- le fameux “wagon plombé”. traité de Versailles en s’entraî- une Europe refusant de recon- sie. Pour eux, comment s’en sor- nant et en construisant des naître ses racines chrétiennes ! tir ? C’est à cette question que armes interdites (avions, chars, Pour autant ce front des valeurs a répond Nicolas Tandler avec Un agent sous-marins, gaz Zytilon-B...). pour principal moteur le protes- l’aide de Jean-Pierre Nicolas. allemand Le traité de Rapallo (1922), ren- tantisme évangélique, la pression forcé par le traité de Berlin en démographique hispanique ne suf- Peu après son arrivée en 1926, officialisa la collaboration fisant pas à gommer les faiblesses Une Russie, Lénine fut accusé d’être économique entre les deux pays. du catholicisme américain, et par- rencontre un agent allemand. Il préféra fuir Cette politique fut poursuivie par ticipe d’une stratégie internationale providentielle Hitler. Ainsi s’explique, en par- à nos yeux désastreuse. tie, la facilité avec laquelle fut Le grand mérite du livre de Pour vaincre, les Allemands conclu le pacte germano-sovié- Jean-François Colosimo est de avaient un impérieux besoin d’éli- tique, le 23 août 1939 et l’incré- « Opposer une Amérique nous rappeler que cette stratégie miner l’une des deux puissances, dulité de Staline vis à vis de ceux “démocratique” à une Amérique géopolitique américaine ne peut la France et la Russie, qui les qui le mirent en garde contre un “religieuse” ne sert de rien », s’analyser par l’expression d’un obligeaient à lutter sur deux coup de force d’Hitler avant le écrit Colosimo, car l’Amérique, seul intérêt de puissance. Cet in- fronts. Le bon sens voulait qu’il 21 juin 1941. c’est l’alliance indéfectible des lu- térêt est en effet étroitement lié à s’attaquent au plus faible. C’était Il est vraiment dommage que mières et de la Bible, de la dé- un fondamentalisme messianique la Russie comme l’avaient mon- ce livre si remarquable par mocratie et du protestantisme. qui, atout moral immense en tré la guerre avec le Japon et la ailleurs nous laisse un peu sur L’Amérique, selon le mot de termes de cohésion nationale, révolution avortée de 1905. notre faim comme il est surpre- Pierre Boutang que l’auteur fait pourrait bien faire oublier au peuple En janvier 1915, au moment nant que les citations ne soient sien, est une « théodémocratie ». américain que la prudence est une où les Allemands prenaient jamais référencées. On sait que Charles Maurras par- vertu grecque et chrétienne. conscience de l’impasse militaire lait de « démocratie religieuse » dans laquelle ils se trouvaient, I pour désigner l’esprit républicain I l’ambassadeur d’Allemagne en en France. Aux États-Unis, ce n’est Turquie reçut la visite d’un dé- * Nicolas Tandler : Les secrets de pas que la démocratie soit érigée * Jean-François Colosimo : Dieu est nommé Parvus qui lui exposa, en Finlande. Il ne tint qu’à Ke- Lénine. Éd. Dualpha. B.P. 58. 77522 en religion, mais bien qu’elle est américain. De la théodémocratie aux en s’appuyant sur son expé- renski de poursuivre l’affaire mais Coulommiers cedex, 2006. 400 sublimée par la religion. Il ne faut États-Unis. Éd. Fayard, 228 p., 16 rience de révolutionnaire en celui-ci qui avait partie liée avec pages, 32 euros. jamais oublier que les “pères fon- euros. 1905, un projet de subversion les bolcheviks, préféra l’étouffer. qu’il était possible de mettre en Mal lui en prit car le coup d’État œuvre assez rapidement, selon militaire du 7 novembre 1917 lui. permit aux bolcheviks de s’em- THÉÂTRE Aussitôt envoyé à Berlin, Par- parer du pouvoir et à Lénine de vus rencontra Riezler, jeune di- commencer à payer ses dettes plomate qui travaillait au Grand aux Allemands ; il commença à Quartier général, à côté du Kai- le faire à Brest-Litovsk. Il imposa Mademoiselle Julie ser. Le révolutionnaire russe à ses camarades ce traité, qui dressa un plan précis, par écrit, faisait perdre à la Russie des d’August STRINDBERG en vue de hâter la révolution. territoires immenses et un tiers de sa population. ourpre est la robe et mieux... Elle ne restera pas Le financement Cette collaboration avec les incandescente la pas- maîtresse du jeu. Cris, san- Allemands continua en dépit de Psion. Le choix du met- glots, coups et injures : tout de la révolution l’assassinat du comte Mirsbach, teur en scène Didier Long me est perdu bientôt. ambassadeur d’Allemagne à ramène, à son insu, à une Émilie Dequenne qu’on a Ce plan emporta l’adhésion Moscou, très hostile aux Soviets. autre robe rouge, celle de Tess tant apprécié il y a quelques du gouvernement allemand Nicolas Tandler, dans un cha- d’Ubervilles, film de Polanski années dans Rosetta des puisque celui-ci fournit à Parvus pitre digne d’un roman policier, des années 80, où l’héroïne, frères Dardenne se révèle un un passeport lui permettant de dénoue les fils de ce curieux at- elle aussi toute de rouge vê- peu légère pour un tel rôle se déplacer à sa guise et sur- tentat, en nous laissant entre- tue, est traquée jusque dans dont elle assume crânement tout des millions de marks-or voir les commanditaires. le cadre mégalithique de Sto- le poids. Le couple Christine pour financer sa propagande Par la suite, les Allemands nehenge pour répondre de Citti et Bruno Wolkowitch se tire ainsi que celle de ses amis bol- continuèrent à appuyer Lénine ses actes devant la société et être conduite au gi- plutôt bien d’une mise en scène assez raide. Mais cheviks, mencheviks, S.R.... Très et ses amis envers et contre tout. bet. Rencontre donc, banale coïncidence ? Que le drame culmine, les dés sont jetés. Le départ ap- habilement, Parvus créa une so- N’était-ce pas normal puisque la non pas. De la fulgurance du désir, de l’amour mor- paraît comme ultime recours. Cependant, le sac ciété d’import-export au Dane- révolution bolchevique était leur tel, fatal, la robe rouge constitue le signe emblé- de voyage et la cage à oiseau en mains, on se dé- mark, société ayant pour but de œuvre ? Comme l’écrivait Ku- matique. Nous ne sommes plus ce soir sur la lande chire encore. La fuite est vaine. faire du négoce entre les pays chlman, le secrétaire d’État aux anglaise, chère à Thomas Hardy et Julie n’est pas Sur le visage de Julie ruissellent les larmes, la scandinaves et la Russie ce qui Affaires étrangères : « Le mou- Tess mais, comme elle, elle va manquer déchoir. robe rouge est déchirée... il n’est qu’une seule permettait de faire passer dans vement bolchevik n’aurait ja- L’été en Suède, nuits blanches et Saint-Jean noble sortie : la tache ne se verra pas. ce dernier pays, en même temps mais pu atteindre la taille et festive ont troublé les sens de “Mademoiselle” Ju- que des marchandises, des jour- l’influence qu’il a aujourd’hui lie. Telle une pouliche échappée, elle franchit la Monique BEAUMONT naux, des tracts subversifs et sans notre soutien continuel », barrière et provoque son palefrenier. Mais elle a des révolutionnaires. De leur et, le 18 mai, il écrivait au comte sans doute mésestimé le partenaire qui veut, lui, * Théâtre Marigny-Popesco, avenue de Marigny, Paris 8e. côté, les Allemands entrepre- Mirbach d’utiliser « le maximum “grimper aux arbres”, voir plus haut, accéder à Réservations : 01 53 96 70 20. naient une propagande défaitiste d’argent étant donné qu’il est

12 L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 ARTS-LETTRES-SPECTACLES Au “vert paradis”

xiste-t-il une littérature spé- nités telles que l’amour ou les obli- par critique dans les transes. Faut-il Or, paradoxalement, ce choix cifiquement enfantine, ou gations de la vie sociale, coulent Anne BERNET ou non faire une lecture chrétienne allait donner un livre tout aussi Ebien le propre d’un bon livre au fil des saisons une existence de ces romans ? À cette question, chrétien, voire beaucoup plus, pour la jeunesse est-il d’être ap- qui serait idyllique si les gens pré- avec La dernière bataille, par la Philippe Maxence, qui publie Le dans sa subtilité, que celui de Le- préciable aussi et surtout par les tendument mûrs ne voulaient in- destruction des royaumes de Nar- monde de Narnia décrypté, répond wis. Ce qu’Irène Fernandez adultes ? Sans doute n’est-ce pas terférer dans leurs occupations. Là nia, devenus ingouvernables et définitivement oui. Il s’appuie pour prouve dans une brillante petite un hasard si, au XXe siècle, les encore, la cocasserie des situa- dans lesquels un culte perverti, ce faire sur la vie de l’auteur, les étude, Et si on parlait du Seigneur Britanniques se taillèrent, en ce tions, le charme des ambiances et une singerie, s’est substitué à ce- influences qui s’exercèrent sur lui, des Anneaux. Loin des jeux de domaine littéraire comme en des descriptions sont irrésistibles, lui du roi-lion sauveur et rédemp- à commencer par celle de son ami rôles, de leurs dérives néo- quelques autres, la meilleure part même si la certitude sous-jacente teur, cette fin s’avère, aussitôt, être Tolkien, catholique militant, et une païennes ou sataniques éven- en publiant d’authentiques chefs- que grandir ne peut réserver de le véritable commencement. mise en parallèle systématique des tuelles, des interprétations ultra d’œuvre que seuls des esprits su- bonnes surprises ajoute ici une thèmes du récit avec les textes bi- écologistes, la quête de l’Anneau perficiels pouvaient juger puérils. note mélancolique étrangement bliques. Au vrai, le procédé et la se révèle, comme le savent les poignante. volonté de Lewis sont tellement lecteurs de Tolkien, une prodi- évidents qu’ils en deviendraient gieuse leçon de foi, de force, d’hu- Animaux presque agaçants, en tout cas pour milité, de charité, de prudence et parlants ...ou ne pas qui n’a pas lu les livres et pourrait d’espérance, au sein d’un monde vouloir grandir être choqué de ce démarquage de où chaque personnage, fût-il my- Kenneth Grahame était un fi- la révélation chrétienne dans le thique, renvoie à des réalités très nancier sérieux ; peu de gens lui Si Kenneth Grahame et ses contexte étrange d’un pays peu- humaines. connaissaient un goût pour l’écri- personnages font semblant de de- plé d’animaux parlants, de chi- L’on regrettera toutefois que, ture qui se débonda avec discré- venir adultes, James Matthew Bar- mères, de monstres et d’humains. dans sa volonté de protéger Tol- tion en quelques livres merveilleux. rie et les siens, eux, s’y refusent Malaise qui se dissipe à la lecture kien, homme de droite affiché, de Le vent dans les saules, le plus avec une farouche détermination. des romans. Le précieux index qui récupérations réactionnaires, l’au- connu, classique cher à tous les C’est d’ailleurs tout le thème de accompagne l’étude permet de se teur écarte par principe toute lec- petits anglophones, improvisé soir l’œuvre qui les rendit célèbres, Pe- Projetés, par hasard, comme retrouver parmi les innombrables ture politique d’un des romans les après soir pour endormir son fils ter Pan, l’enfant qui ne voulait pas les jeunes héros du Lion, l’armoire noms de lieux et de personnages, plus essentiels de notre époque. unique, ressemble à une histoire grandir. Connue en France à tra- magique et la sorcière blanche, ou et de les resituer tous d’un volume d’animaux parlants, genre qui plaît vers le dessin animé de Disney, par malveillance, comme les en- à l’autre. I aux enfants. Cependant, dès les non par la pièce de théâtre origi- fants du Neveu du magicien, dans premières lignes, il apparaît évi- nale, l’histoire du Pays de Jamais- une dimension voisine de la nôtre, * Kenneth Grahame : Le vent dans dent que Messieurs Blaireau, Jamais et de ses habitants révèle, les personnages de Lewis y sont Tolkien et Lewis les saules. Éd. Phébus, 202 p., 16,50 Taupe, Rat des Champs et Cra- à la lecture, nombre de surprises. confrontés à diverses manifesta- euros (108,23 F). paud appartiennent à la gent à Il s’agit, loin d’un conte rose, d’une tions du Mal, avant de découvrir Tolkien et Lewis, universitaires * Kenneth Grahame : Jours de rêve, quatre pattes comme Renard et satire extrêmement féroce des qu’une Providence, le Roi d’au- et inséparables, faillirent, semble- précédé de l’Âge d’or. Éd. Phébus. Ysengrin chez nous. adultes, mais aussi des enfants, delà les mers, représenté par son t-il, se brouiller à la parution de 280 p. 19,50 euros (127,91 F) Sous leurs fourrures se dissi- épouvantables caricatures des Fils, Aslan, veille en réalité à Narnia. Non pas, comme la com- * James Matthew Barrie : Peter Pan. mulent des types humains et so- grandes personnes, chez lesquels conduire les différents protago- paraison des films tirés de leurs Éd. Terre de Brume, 74 rue de Pa- ciaux propres à l’Angleterre de la les pires côtés de l’humanité, non nistes vers une fin heureuse. œuvres respectives pourrait le lais- ris, 35000 Rennes. 180 p., 17 euros Belle Époque : gentilhomme cam- refoulés, s’exacerbent. L’imagina- D’une genèse à une apoca- ser supposer, parce qu’il existait (111, 51 F). ou Étonnants Classiques, pagnard misanthrope, riche ex- tion, le talent de Barrie occultent lypse en passant par toutes les trop de ressemblances entre leurs Garnier-Flammarion. 190 p., prix non centrique désœuvré qui ne sait à une histoire très sombre, et pas phases intermédiaires, faites de livres – il fallait s’y attendre dans communiqué. quelle nouvelle lubie consacrer son du tout innocente. hauts et de bas, Lewis a ainsi dis- la mesure où tous deux mettaient * Clive Staples Lewis : Le monde de temps et son argent, sportif, ami Plusieurs éditions sont sorties pensé une leçon de christianisme en scène une lutte eschatologique Narnia. Éd. Gallimard. 870 p., 22 eu- de plus modeste origine, quatuor à l’occasion du centenaire de à peine déguisée, souvent splen- entre le Bien et le Mal dans des ros (144, 31 F). idéal tel qu’il s’en formait pour la l’œuvre : l’une, accompagnée d’un dide, à des millions de lecteurs de mondes imaginaires – mais parce * Philippe Maxence : Le monde de vie au cours des études au col- appareil de notes, est intégrale ; langue anglaise, sans fadeur ni que Tolkien critiquait la démarche Narnia décrypté. Presses de la Re- lège. l’autre, en poche, allégée à l’in- mièvrerie. littéraire et religieuse de Lewis en naissance. 290 p., 18 euros Quatre compères complé- tention d’un jeune public qui veut La sortie sur les écrans du film elle-même. Tolkien avait poursuivi (118,07 F). mentaires toujours prêts à s’en- des scènes d’action et dont le vo- de Disney, tiré du premier volume des buts comparables, mais avait * Irène Fernandez : Et si on parlait traider dans les traverses de l’exis- cabulaire s’est appauvri au point chronologiquement paru, a révélé opté, en se relisant, pour l’appa- du Seigneur des Anneaux. Presses tence, même s’ils ont l’art de pro- d’exiger des explications à chaque en France ce phénomène littéraire rente disparition de toute notation de la Renaissance. 135 p., 12 euros voquer les traverses en question. ligne, est suivie de jeux éducatifs et religieux, et plongé une certaine catholique. (78,71 F). Il n’est pas certain que les jeunes et de questions. lecteurs de ce petit bijou, trop ignoré en France, sachent appré- cier à leur juste valeur les portraits Le roi d’au-delà LUS AUSSI tendres et malicieux de ces mes- des mers... G Armelle Leroy et Laurent Chollet : LES GRANDS cher Vladimir Nicolaiévitch. Dommage. sieurs définitivement immatures, SUCCÈS DES BIBLIOTHÈQUES ROSE ET VERTE * Hors Collection. 110 p. 19,90 euros (130,54 F) pas plus que la description en- Dans l’univers de Grahame et Depuis cent cinquante ans, la librairie Ha- chanteresse de la rivière près de de Barrie, la mort paraît liée à l’âge chette doit une partie de ses chiffres d’affaires G Jean et Sigrid Renaud : ROLLON, CHEF VIKING laquelle ils vivent. Mais les grandes adulte et s’accrocher à l’enfance à ses auteurs pour la jeunesse. À côté des grands Si les débuts du premier duc de Normandie personnes, pourvu qu’elles aient serait un moyen d’essayer de s’en classiques, la comtesse de Ségur, Verne, Lon- sont obscurs, le personnage de cet expatrié nor- gardé la capacité d’entrer dans un préserver. Attitude qui résulte de don, d’autres auteurs, inconnus des adultes, ont végien ou danois qui révéla un prodigieux sens tel univers, en percevront l’en- l’absence de pensée et d’espé- fait rêver des générations de petits lecteurs. La politique et sut, de pillard, se muer en bâtisseur chantement, l’humour et la grâce rance chrétiennes chez ces au- prolifique Enid Blyton, ses bandes de cousins et en protecteur, demeure fascinant. Cette bio- intrinsèques. teurs. Écrivant un demi-siècle plus toujours lancés dans de folles aventures ou ses graphie mise à la portée des enfants, joliment tard, Clive Staples Lewis choisit collèges britanniques pour jeunes filles mali- illustrée, est une heureuse façon d’initier les plus une démarche radicalement diffé- cieuses ; Fantômette la petite justicière inventée jeunes à l’histoire. Faire semblant rente, comme si, de toute façon, par Georges Chaullet ; Alice, la jeune détective * Ouest-France. 60 p. 10 euros (65,60 F). de grandir... il était impossible, après deux américaine, personnage créé dans les années 20 guerres mondiales, d’abuser les qui, devenu un véritable enjeu commercial, évo- G Bruno Robert : SNORRI, LE FILS DU VIKING Grahame avait conservé cet enfants sur le sujet. lua au fil des générations et des mœurs, dans À treize ans, le prince Snorri est appelé à ré- esprit d’enfance, don rarement ac- Il est cependant remarquable un processus qui n’avait plus rien de littéraire ; gner sur son fjord natal. C’est compter sans la cordé, ainsi qu’il s’en était douté que le Monde de Narnia, cycle de Paul-Jacques Bonzon, romancier authentique, jalousie de l’un de ses cousins, prêt, pour s’em- petit en suivant d’un œil incom- chroniques d’un univers parallèle, observateur attentif de son époque, auteur de parer du pouvoir, à provoquer une guerre civile. préhensif les faits et gestes risibles soit la seule œuvre pour la jeu- véritables chefs-d’œuvre (La ballerine de Ma- Désormais orphelin, Snorri, accompagné de des “Olympiens”. Ces observa- nesse à se clore par la destruc- jorque, L’éventail de Séville) et de séries à sus- quelques amis, cingle vers les côtes de Neustrie. tions, réinterprétées trente ans tion de cet espace romanesque et pense remarquables ; Philippe Ebly, qui, le pre- Il ignore que son destin l’attend là-bas, et passe après avec ironie, donneraient pré- la mort de tous ses personnages. mier, me donna le goût de l’histoire… par la découverte du Dieu des chrétiens. texte à des récits autobiogra- Ce qui serait terrifiant si Lewis, an- Ce florilège nostalgique fera remonter bien Un joli roman, bien documenté, qui évite, en phiques, L’âge d’or et Jours de glican de la Haute Église, n’avait des souvenirs, et révèlera nombres de détails initiant aux civilisations scandinaves, la tenta- rêve, réédités ensemble. eu l’intention de transmettre, sous ignorés. Seule fausse note : le chapitre consa- tion de faire la place trop belle aux divinités nor- Trois frères et deux sœurs, li- couvert d’une fiction, une caté- cré à Langelot, et au lieutenant X, pseudonyme diques. vrés à l’aimable incompétence chèse, et même des notions de de Volkoff, prétexte à attaquer les opinions du * Éd. Téqui. 237 p. 12 euros (78,77 F). d’oncles et tantes occupés d’ina- théologie. Quand l’histoire se clôt,

L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 13 CHRONIQUE LES GRANDS TEXTES POLITIQUES Pour un mépris La monarchie se corrompt si le prince s’affranchit des lois fleuri... de la politique naturelle

e ne suis par À la faveur des tenir pour briser les résistances jective des choses ». Partant, I « Les monarchies se cor- pas, Dieu violences ou des et les mauvaises volontés de ces c’est dans la permanence des Jean-Baptiste MORVAN rompent lorsqu’on ôte peu à me par- simples encom- chambres à palabres, qui ont institutions naturelles ajoutée à J peu les prérogatives des donne ! un maniaque des étri- brements, on évoquait avec une contribué à précipiter, à force de leur lente évolution, que l’on peut corps ou les privilèges des pades politiques, des massacres sorte de transe superstitieuse “La crispations sur leurs acquis vé- découvrir les lois constantes des villes. On va au despotisme idéologiques; Mais le plaisir re- Rue”. La Rue était en passe de naux, la monarchie française mul- affaires humaines. d’un seul […] La monarchie latif et certain qu’on éprouve à devenir une nouvelle Gorgone, se perd lorsqu’un prince croit tiséculaire ? Qui d’autre qu’un prince royal voir les crises se dénouer sans une Erinnye malfaisante. J’ai tout qu’il montre plus sa puis- C’est que Montesquieu aux héréditairement désigné peut ga- cadavres ne dispense pas le à coup éprouvé le désir de rendre sance en changeant l’ordre idées libérales avancées n’en res- rantir la pérennité de l’héritage ? spectateur impartial d’éprouver à “La Rue” une certaine inno- des choses qu’en le suivant ; tait pas moins rivé, de manière Dans ce court passage de L’Es- une poignante sensation de cence, à tout le moins une si- lorsqu’il ôte les fonctions na- caricaturale, à ses prérogatives prit des lois, Montesquieu se livre gueule-de-bois... Des jobards gnification paisible, doublée d’une turelles des uns pour les don- parlementaires pour figurer alors à une critique implicite et pré- éternellement admiratifs veulent bizarrerie surréelle. ner arbitrairement aux comme un conservateur dans le monitoire de l’égalitarisme for- croire avec obstination à la sin- autres ; et lorsqu’il est plus cené qui caractérisera nos dé- cérité tragique des crises réper- amoureux de ses fantaisies mocraties modernes. « Ôter les cutées dans les carrefours ur- Retrouver que de ses volontés ». fonctions naturelles des uns bains, dans les nœuds ferro- la rue... pour les donner arbitrairement viaires et en tout lieu où il y aurait MONTESQUIEU aux autres », n’est-ce pas pré- des vitrines à briser et des voi- Je retrouvai des souvenirs De l’Esprit des lois, 1748 cisément uniformiser par le bas, tures à brûler. d’enfance, c’était en la ville au nom d’une improbable dignité d’Auxerre, en des quartiers ontesquieu, dont on humaine ? Il est temps quelque peu somnolents, qui ne connaît les penchants Lumière révélée des révolu- de rendre à connaissaient une fréquentation Mpour la monarchie dite tionnaires sanguinaires des an- “La Rue” sensible qu’en des jours de foire- parlementaire ou constitutionnelle nées 1789 et suivantes, Mon- exposition. En temps ordinaire, “à l’anglaise”, demeurait très at- tesquieu, mort en 1755, aurait une certaine si l’on m’emmenait faire deux ou taché à l’idée de confier entre les certainement désavoué les erre- innocence... trois pas dans le voisinage, je rê- mains d’un seul, la destinée de ments des ses contemporains qui vais devant des anciennes villas, tous. Sa défiance vis-à-vis du prétendaient agir pour le bien des Il semble que le besoin se- et les rues silencieuses, sauf lors gouvernement du nombre, on la peuples et leur liberté. cret d’un renouveau de déman- du passage des troupes revenant retrouve dans sa présentation de geaison anime les jérémiades la- à leur caserne d’infanterie, la république démocratique : si Aristide LEUCATE crymatoires, pseudo-philantho- n’étaient que les asiles du rêve le peuple est éventuellement apte piques et accompagnées de machinal enfantin. Je ne sais à choisir ses représentants, il ne Montesquieu gloussements maternels. On s’at- pourquoi, peut-être à cause du l’est guère, en revanche, pour 1689-1755 tendrit sur les pauvres jeunes nom agreste hérité d’un général conduire les affaires publiques. NOTE gens, les malheureux enfants vic- du temps jadis, la petite rue Faid- Mais le président à mortier du plus mauvais sens du terme, DE LECTURE times d’une éternelle exclusion. herbe me suggérait quelques Parlement de Bordeaux récusait c’est-à-dire comme le défenseur Pour ma part, je ne puis éviter la images villageoises, et quelques aussi le despotisme ou gouver- jaloux et farouche d’intérêts pu- Gertrud von Le Fort vision quasi obsessionnelle d’un modestes graminées poussées nement arbitraire d’un seul qui blics abusivement privatisés et théâtre forain d’Arlequins gesti- le long d’un mur venaient à point s’affranchit, à sa fantaisie, des détournés depuis des siècles. Or, culants : les choristes et les ani- nommé illustrer le nom du guer- lois préalablement fixées. Tou- c’est précisément pour permettre Ultime mateurs, les fidèles porteurs de rier d’autrefois. jours est-il que, quel que soit le aux corps intermédiaires de conti- pancartes et les politiciens dis- “La Rue...” : pour moi elle régime politique sur lequel il se nuer à exister sans se laisser dé- rencontre crets qui attendent le résultat des évoque spontanément les images penchait, il cherchait systémati- border par eux, que Richelieu, désordres comme on guette les enfuies de quartiers déserts et si- quement à en saisir l’esprit et son bénéficiant de l’entière confiance I Surtout connue en France pour résultats de la loterie. En des lencieux : il existe une secrète principe moteur. En ce sens, l’em- de Louis XIII, est apparu oppor- sa nouvelle La dernière à l’écha- heures malgré tout printanières, corrélation, capable de durer au pirisme organisateur de Maurras tunément en majesté comme le faud, qui inspira à Georges Ber- je compte trouver dans ce pé- long des années, entre les si- hérité d’Auguste Comte, peut dictateur nécessaire aux fins de nanos son Dialogue des Car- nible tableau d’absurdités quelque lences de la patrie et les retours aussi, mutatis mutandis, se pré- dicter la raison d’État aux enne- mélites, l’écrivain catholique al- heureux divertissement. discrets des effluves printaniers. valoir de Montesquieu. mis de l’intérieur (les huguenots) lemand Gertrud von Le Fort Clemenceau disait un soir C’est là peut-être un des lieux où, comme à ceux de l’extérieur (les (1876-1971) imagine ici une ren- « qu’il dînerait d’une grande au long des années, je vais re- Anglais). Que l’on relise donc Les contre entre deux favorites de colère et d’un petit potage ». chercher, avec une attention pas- De la nécessité Dictateurs de Bainville pour s’en Louis XIV, Mme de Montespan Le problème serait-il aujourd’hui sionnée et craintive, l’antidote né- des corps convaincre. et Mlle de La Vallière. pour nous de nous attabler de- cessaire aux chocs et blessures intermédiaires Nous sommes en 1680, en vant un régal qui ne soit pas “une d’âme que nous dispense avec pleine Affaire des poisons. Mise soupe à la grimace” ? Du moins une regrettable fréquence, le ta- et autres De la nécessité en cause dans ce scandale, Mme chercherons-nous la bonne re- bleau quotidien de la France. Le contre-forces de ne jamais de Montespan, favorite en titre, cette qui confère à nos irritations refus des échos blessants et in- renverser l’ordre mère des bâtards du Roi, est dis- une heure de rêve gratuit. Tout congrus requiert ce renouveau Le gouvernement monar- graciée. Inquiète pour le salut de récemment, je me suis trouvé, à d’enfance et de silence qu’il me chique ne peut verser dans la ty- naturel des son âme, elle vient trouver au un tournant de pensée, arrêté et plaît, ce soir, de nommer, “un mé- rannie, les corps intermédiaires, choses Carmel celle qu’elle a remplacée comme hypnotisé, par cette ex- pris fleuri”... les lois fondamentales coutu- dans le cœur de Louis XIV et qui pression dont maint confrère se mières, les lois privées (ou privi- La recherche des lois de la s’est depuis faite religieuse, régale avec volupté : « ...la Rue ». I lèges) constituant autant de politique naturelle est une pré- Louise de La Vallière. S’ensuit contrepoids à la puissance du occupation majeure chez le Bor- un dialogue développant les prince. Montesquieu, conscient delais. Très vite convaincu que thèmes chers à Gertrud von Le TARIF DES ABONNEMENTS de l’honneur de sa charge, c’est- dans l’« infinie diversité de lois Fort : rédemption, action forti- (paraît les 1er et 3e jeudis de chaque mois) à-dire de la qualité de sa dis- et de mœurs, [les hommes] fiante de la grâce, communion tinction héréditaire (sa baronnie n’étaient pas uniquement des saints, salut des âmes… 1. Premier abonnement 5. Abonnement de soutien France (un an) ...... 76 9 (un an) ...... 150 9 de la Brède en était la manifes- conduits par leurs fantaisies », Ultime rencontre était jus- 2. Premier abonnement 6. Étudiants, ecclésiastiques, tation tangible) ou encore de la Montesquieu persistera dans sa qu’alors inédit en français. 9 9 Étranger (un an) ...... 85 chômeurs (un an) ...... 45 noblesse de sa fonction, voyait quête des « causes générales, Soyons donc gré à Henri Peter 3. Abonnement ordinaire (un an) . 125 9 7. Outre-mer (un an)...... 135 9 4. Abonnement de six mois ...... 70 9 8. Étranger (un an) ...... 150 9 dans les libertés communales, soit morales, soit physiques » de nous rendre accessible cet les corporations, les jurandes, les qui régissent les régimes poli- éclairage original sur les tour- BULLETIN D’ABONNEMENT maîtrises et autres ordres, le tiques. ments du Grand Siècle. Nom ...... Prénom ...... moyen idéal de tempérance des L’extrait choisi montre bien la Adresse ...... édits royaux. nécessité de ne pas aller à l’en- P.L...... Tél...... À ce stade, pourtant, on ne le contre de ce que Maurice Hau- Ville ...... Code postal...... rejoindra point sur sa critique de riou et Michel Villey, tous deux * Éd. de Paris, 60 p., 12 euros. Entourez le numéro correspondant à votre abonnement Richelieu, lequel se méfiait à juste juristes thomistes, appelaient res- Traduction et préface d’Henri Bulletin à retourner à L’Action Française 2000 titre des Parlements. Combien de pectivement « l’ordre naturel Peter. 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris – C.C.P. Paris 1 248 85 A lits de justice Louis XV eût-il dû des choses » ou « la nature ob-

14 L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 L’ACTION FRANÇAISE EN MOUVEMENT

CENTRE ROYALISTE D’ACTION FRANÇAISE

BORDEAUX CONFÉRENCES DIMANCHE 14 MAI 2006 ÉTUDIANTES I Vendredi 12 mai 2006 à 13 h 30 au Restaurant le Xain- Les conférences étudiantes Fête nationale de Jeanne d’Arc trailles (à côté de la caserne Xain- ont lieu chaque vendredi trailles), 114, boulevard du Ma- à 19 h 15 aux locaux réchal Leclerc, 33000 Bordeaux de l’AF. CORTÈGE TRADITIONNEL 21 avril Dîner-débat Pas de conférence, Rassemblement à 9 h 30 avec la participation de Patrick permanence à l’angle de la rue Royale CLARKE de DROMANTIN, 28 avril er docteur d’État en droit Actualité de La Tour du Pin et de la rue Saint-Honoré, Paris I et en histoire par Pierre LAFARGE (métro Madeleine ou Concorde) auteur des Réfugiés jacobites e 5 mai dans la France du XVIII siècle La désinformation En 2005 le Cortège de Jeanne d’Arc a été une (PUF, Presses Universitaires par l’université veillée d’armes avant le référendum qui devait consa- de Bordeaux, 528 pages) par Christine CHAMPION crer l’abdication nationale. UNE FIDÉLITÉ ROYALISTE Les Français patriotes ont gagné en faisant triom- ANGLAISE pher le “non” mais les européistes sont toujours DANS LA FRANCE AU DÎNER au pouvoir et continuent à brader la souveraineté D’ANCIEN RÉGIME DE LA SECTION de la France. DES HAUTS-DE-SEINE * Participation aux frais : 29 eu- Pour que notre pays conserve la maîtrise de son PARIS 17e ros par personne (tarif réduit : destin , pour la sauvegarde de nos libertés essen- 18 euros pour les ecclésiasti- tielles, participez au Cortège qui, comme chaque qures et étudiants La crise * Réservation auprès de M. Vin- année depuis 1909, va fleurir à Paris la statue de la cent Gaillère, 228, rue Lecoq, libératrice de la Patrie. 99000 Bordeaux. Tél : 05 57 83 des banlieues 00 29 I Pour son rendez-vous annuel, la section des Hauts de Seine-Pa- ris 17e avait invité ce vendredi 31 mars notre ami Jean-Philippe LE MONDE Chauvin, professeur d’histoire-géo- ET LA VILLE graphie, pour l’entendre parler de la crise des banlieues. MARIAGE merie. Il se transporta ensuite à Mayotte et Bamana d’agréer l’expression de mai 2006 à 19 h 30 précises au restau- où il tint avec sa femme un bar-res- notre profonde sympathie. P.P. rant “Le Grenadier” gare d’Austerlitz, Pa- G Nous sommes heureux d’apprendre taurant. Il lança par la suite un élevage ris XIIIe. L’invité d’honneur sera Richard le mariage de notre ami François avicole avec production d’œufs, puis G Notre fidèle ami René AMPE- HADDAD, docteur en histoire et éditeur, BEL-KER avec mademoiselle un élevage de lémuriens. En 1983 il MÉLIS est décédé le 21 février 2006 à qui parlera sur le thème Liban : échec Arnaud Danloux Clémence DAESCHLER qui sera cé- fondait la SEPANAM Société d’études, l’âge de 93 ans. Abonné au journal, il du communautarisme.

Photo lébré par le P. Jean-Baptiste, prêtre de de protection et d’aménagement de la participait régulièrement et généreuse- Inscriptions à l a Voix du Silence, 5 la Congrégation Saint Jean, le samedi nature à Mayotte. Il rêvait d’installer ment à notre souscription pour L’Action rue Dufrénoy, 75116 Paris. Prix 25 eu- 8 juillet 2006 à 15 h 30 en l’église Saints une “Maison de la Mer” avec aquarium Française 2000. ros. Étudiants et chômeurs 20 euros. Côme et Damien d’Ernolsheim-sur- géant, centre de recherches, attrac- Nous prions son épouse, Mme Ampe- Bruche (Alsace, 67). tions afin de mettre en valeur les ri- Mélis, et toute sa famille d’agréer l’ex- G Louis POZZO di BORGO signera ses François Bel-Ker a été ces der- chesses du patrimoine naturel de l’île pression de nos profondes condoléances ouvrages au Salon littéraire de l’Asso- nières années le jeune animateur de au Lagon. Malgré les encouragements avec nos prières pour le repos de son ciation jurassienne des auteurs (A.J.A.) la section d’A.F. de Clermont-Ferrand. reçus à plusieurs reprises de la part âme. qui se tiendra les 29 et 30 avril 2006 à Nous lui adressons, ainsi qu’à sa fian- des autorités locales et même de Vilette-lès-Dole. cée, tous nos vœux de bonheur, avec Jacques Chirac, son projet n’aboutit G Nous apprenons avec peine le décès nos félicitations à leurs parents et pas faute des crédits nécessaires et en de René QUATREBŒUFS survenu à G Aymeric CHAUPRADE, professeur grands-parents. raison du reniement des promesses Argenteuil le 7 avril 2006. Il était dans en sciences politiques, écrivain, donnera Jean-Philippe Chauvin qui lui avaient été faites... Opiniâtre, il sa 95e année. une conférence sur le thème Le XXIe continuait à lutter pour son projet Ses obsèques ont eu lieu le 13 avril siècle sera-t-il chinois ? le mardi 2 mai Après un exposé très complet DÉCÈS lorsque la mort l’a saisi. en l’église Saint-Jean-Marie Vianney d’Ar- 2006 à 20 h 30 au Marché couvert Saint- de la situation et des difficultés ren- Depuis 1970, il participait active- genteuil. Joseph, 25 rue Raymond Derain, à contrées (logement, éducation, in- Pierre ment à la défense des intérêts de Nous prions son fils M. Jacques Qua- Marcq-en-Bareuil (59) tégration), l’orateur a proposé GARCZYNSKI Mayotte et avait été un combattant trebœufs et son épouse, son petit-fils Participation : 6 euros (étudiants 3 quelques solutions, ouvrant no- acharné du maintien de l’île dans la notre ami Franz Quatrebœufs notaire à euros). tamment des voies pour rendre à G Nous avons appris avec beaucoup communauté française. Il montrait une Douai, et son épouse, ainsi que ses ar- l’école son rôle d’éducation et d’in- de peine la mort de notre ami Pierre vigilance particulière à l’égard des po- rière-petits-enfants d’agréer l’expression tégration, évoquant aussi l’amé- GARCZYNSKI à l’âge de 92 ans le 4 liticiens qui compromettaient l’avenir de notre vive sympathie. nagement du territoire, l’activité avril 2006 à l’hôpital de Mamoudzou, de l’île dans la France par leurs dé- économique et sociale, etc. dans l’île de Mayotte. Ses obsèques clarations ou leurs manœuvres. Cor- Pour cela, a-t-il ajouté, il faut ont eu lieu le 7 avril en l’église de Ma- respondant fidèle de notre journal de- DISTINCTION C.R.A.F. Cassociation.R. Adéclar.éeF. un arbitre à la tête de l’État qui ait moudzou où une messe a été célébrée puis trente-et-un ans il a souvent ins- pour lui l’indépendance vis-à-vis pour le repos de son âme. piré les articles que nous avons publiés G Notre ami Élie HATEM, avocat à la 10 , rue Croi x-des- Peti ts -Champ s, 7 5001 Paris des diverses groupes de pression Pierre Garczynski appartenait à dans nos colonnes. Ajoutons qu’il ne Cour d’appel de Paris, professeur à la TÉL : 01-40-13-14-10 – FAX : 01-40-13-14-11 Dans la ligne du mouvement fondé et une continuité pour imposer sa une famille d’origine polonaise qui s’était cachait pas ses convictions monar- Faculté libre de Droit et d’économie de par Pierre JUHEL politique. Seule la monarchie pos- fixée en France à l’époque napoléo- chistes. Paris, et membre du comité directeur de DIRECTOIRE sède ces deux avantages et se- nienne. Son père, André Garczynski, Chaleureux, énergique, ayant le l’Action française, a été nommé cheva- PRÉSIDENT : Pierre PUJO VICE-PRÉSIDENT : rait donc à même de résoudre au avait fondé à Laval une importante en- goût de l’action, Pierre Garczynski vi- lier dans l’Ordre des Palmes acadé- Stéphane BLANCHONNET mieux la crise des banlieues. treprise d’électrification. Déporté par vait dans un modeste banga en pleine miques par décret du Premier ministre. CHARGÉS DE MISSION Après un débat fructueux, les les Allemands, il mourut dans un camp brousse mais il était resté l’une des fi- Nous le prions d’agréer nos bien FORMATION : Pierre LAFARGE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES ÉTUDIANTS : convives se séparèrent et se don- de concentration. Son fils Pierre fut lui- gures les plus populaires de Mayotte vives et amicales félicitations. Thibaud PIERRE ADMINISTRATION : nèrent rendez-vous aux prochaines même emprisonné pour faits de résis- à laquelle il était profondément atta- Mlle de BENQUE d’AGUT manifestations organisés par l’Ac- tance et participa à l’évasion du colo- ché. tion française nel Berger-André Malraux à Toulouse. Nous prions ses enfants André INFORMATIONS COTISATION ANNUELLE : Il arriva en 1958 à Madagascar, Garczynski et son épouse, Nathalie MEMBRES ACTIFS (32 '), Philippe & Giovanni puis s’installa à Moroni (Grande Co- Garczynski et son époux, et ses petits- G Le prochain dîner-débat de ÉTUDIANTS, LYCÉENS, CHÔMEURS (16 '), BIENFAITEURS (150 ') CASTELLUCCIO more) où il fonda la première impri- enfants, ainsi que les familles Giraud RADIO-SILENCE aura lieu le jeudi 11

L’Action Française 2000 n° 2699 – du 20 avril au 3 mai 2006 15 HISTOIRE Henri Vaugeois (1864-1916), fondateur de l’Action française

ontrairement à ce que cer- contribuer à la démoralisation du par Le discours d’Henri Vaugeois sa démarche quand on voit de nos tains pourraient croire, l’Ac- pays sous prétexte d’« action mo- Pierre PUJO constitue la matière du premier nu- jours certains hommes de gauche Ction française n’a pas été rale ». « Je ne veux plus faire dé- méro de la revue L’Action Fran- animés de sentiments patriotiques fondée par des descendants de ho- sormais, ajouta-t-il, que de l’ac- ler plus loin dans la réflexion poli- çaise qui paraît le 15 juillet 1899. demeurer malgré tout enlisés dans bereaux de l’Ouest enracinés dans tion française ». tique et, à partir de cette réflexion Dans le numéro 2, publié le 1er leur idéologie et dans leur parti, leur fidélité royaliste. Elle fut lan- Henri Vaugeois et mener une action utile au pays. Dès août (la revue est bimensuelle, au lieu de tirer toutes les consé- cée à la fin du XIXe siècle par des cherchèrent alors à réunir les in- la fondation de l’Action française, comme L’Action Française 2000 quences du fait national dont ils intellectuels de gauche désireux de tellectuels patriotes face aux intel- la pensée et l’action ont été ainsi aujourd’hui), Henri Vaugeois fait reconnaissent l’importance capi- réagir contre la campagne antimi- lectuels dreyfusards dans un Co- inséparables. un pas de plus en titrant son ar- tale. Henri Vaugeois, lui, est allé litariste et antipatriotique dont la mité d’Action française auquel ad- Notons que Vaugeois exclut ticle Réaction d’abord. Il pose la jusqu’au bout en se laissant condamnation du capitaine Alfred hérèrent Godefroy Cavaignac, l’action électorale – dans laquelle question : « ...ne sommes-nous conduire par la vérité politique. Dreyfus pour trahison était le pré- député, ancien ministre de la se perdra la Ligue de la Patrie fran- point amenés, ayant combattu texte. Le chef de file de ces intel- Guerre, et des maîtres éminents çaise – car elle entraîne des et voulant combattre encore un lectuels patriotes fut Henri Vaugeois de la Sorbonne, Marcel Dubois, mal social dont le dreyfusisme Conversion qui décédait d’une embolie à l’âge Émile Gebhardt, Émile Faguet, n’est qu’un symptôme, à re- religieuse de 52 ans, il y a 90 ans le 11 avril Jules Lemaître, ainsi que deux noncer purement et simplement 1916. autres professeurs, Louis Dausset à la République elle-même ? Rallié à la Monarchie, Vaugeois Son père, Albert Vaugeois, avait et . L’Action française n’est-elle en fut le propagandiste infatigable été professeur de droit à Caen et Après les élections législatives point avant tout un retour en ar- jusqu’à sa mort, par la plume et un républicain convaincu. Un grand de mai 1898, ce comité tomba en rière, une réaction ? » dans l’action. Il fut le premier pré- oncle avait siégé à la Convention sommeil. Le suicide du colonel La réunion du 20 juin avait été sident de la Ligue d’Action fran- et voté la mort du roi en 1793... Henry, au mois d’août, relança les présidée par M. de Mahy, député çaise fondée en 1905 et le direc- polémiques sur l’affaire Dreyfus. de la Réunion et ancien ministre teur du quotidien fondé le 21 mars Les intellectuels patriotes décidè- de la Marine, qui, le lendemain, 1908. La rupture rent de créer la Ligue de la Patrie écrit à Vaugeois pour lui faire part Au lendemain de sa mort, française sous la présidence du de son inquiétude devant ses pro- Charles Maurras saluait ainsi sa Henri Vaugeois était, lui, pro- poète François Coppée le 1er jan- pos sur le “pouvoir personnel”. mémoire : « Ce que vous voyez fesseur de philosophie au collège vier 1899. Auparavant, Maurice Henri Vaugeois Après l’article du 1er août, c’en est de tout ce mouvement d’idées de Coulommiers. Politiquement il Pujo avait, d’accord avec Vaugeois, concessions à la démagogie et des trop pour ce libéral obstiné qui florissant de part et d’autre dans était radical, religieusement anti- publié le 19 décembre 1898 dans compromis qui empêchent de re- adresse une nouvelle lettre à Vau- l’Action française, ce redresse- clérical. Il entretenait à Paris des le quotidien L’Éclair un manifeste médier aux maux de la France. Vau- geois : « J’avais adhéré à l’Ac- ment des esprits, cette réforme relations avec des universitaires ré- intitulé L’Action française, mais ce geois est conscient dès cette tion française... Je n’adhère pas des doctrines, la renaissance unis au sein de l’Union pour l’Ac- texte avait paru trop engagé, bien époque que le salut du pays ne à la réaction ». Ainsi l’Action fran- d’un patriotisme ardemment et tion morale. À la fin de 1897, le juif que se réclamant de la République, peut être assuré que par la vérité çaise perdit-elle son premier pré- méthodiquement raisonné, il Bernard Lazare entreprit de rallier pour recueillir l’accord de tous, et politique, même s’il est encore à la sident ! faut y saluer d’abord, avant tout, à la cause de Dreyfus le comité di- le terme “Patrie française” avait été recherche de celle-ci. Selon l’ex- La pensée d’Henri Vaugeois l’œuvre de Vaugeois. recteur de l’Union sous le prétexte préféré. pression de Paul Bourget, l’Action continue d’évoluer. Le 1er sep- Il a eu des collaborateurs, fallacieux de lutter pour la “justice” La création de cette Ligue – qui française sera donc un « labora- tembre 1899, il écrit que « la Ré- des compagnons d’armes. L’ini- et la “vérité”. En avril 1898 Vau- devait révéler rapidement son im- toire d’idées ». publique trahit la France parce tiateur, ce fut lui. » geois proposa l’insertion dans le puissance – ne satisfaisait pas Vau- que le parti républicain méprise Après sa conversion politique bulletin de l’Union d’une note dé- geois qui pensait comme Maurice l’esprit français et le hait ». Il vint plus tard sa conversion reli- fendant l’Armée et la patrie ; il ne Barrès à la même époque qu’« il “Réaction croit de moins en moins à la pos- gieuse. La découverte de la vérité fut pas suivi par le comité dont un n’y a aucune possibilité de res- d’abord” sibilité d’instaurer une République politique allait le conduire à trou- seul des dix autres membres dé- tauration de la chose publique “nationale” et se rapproche de la ver la vérité catholique. La lecture missionna avec lui, Maurice Pujo. sans une doctrine ». Le 20 juin 1899, l’Action fran- Monarchie. Lorsqu’en octobre 1900 de l’encyclique sur le modernisme Vaugeois déclara au président Paul çaise tient sa première réunion dans il répond à L’Enquête conduite par du pape Pie X eut sur lui un effet Desjardins que comme « éduca- la salle des Horticulteurs, rue Maurras dans la Gazette de décisif. Le 25 décembre 1914, teur public » il n’acceptait pas de Un laboratoire d’Athènes. C’est Henri Vaugeois France, il se rallie à la Monarchie, après avoir rencontré un prêtre, il d’idées qui présente le nouveau groupe- le Roi représentant la formule de communiait à la messe de minuit. ment. Il fait le procès de la Répu- “pouvoir personnel” qui présente L’archevêque de Tours s’était in- UN APÔTRE POLITIQUE Aux yeux d’Henri Vaugeois, le blique telle qu’elle fonctionne et le moins de risques pour la nation. téressé à sa conversion (comme nationalisme – ce patriotisme du stigmatise notamment son incapa- Il ne fait de réserve que sur la pos- trente-huit ans plus tard, en 1952, EN FUSION temps de paix appliqué à préser- cité à défendre une institution sa- sibilité d’une restauration. un autre archevêque de Tours pré- I « Qui n’a pas connu Henri ver des dangers la nation française crée comme l’Armée. Il appelle de Tout cet itinéraire du fondateur parera celle de Charles Maurras ; Vaugeois n’a pas connu – ne suffisait pas. Le nationalisme ses vœux un « pouvoir vivant et de l’Action française est retracé un diocèse privilégié !) l’apôtre politique en fusion. De devait être guidé par une doctrine. personnel » mais il reste républi- dans l’ouvrage dont il avait ras- Le parcours politique et reli- taille moyenne, brun, mousta- C’est la raison pour laquelle Vau- cain et termine ainsi son discours : semblé les éléments avant sa mort gieux d’Henri Vaugeois demeure chu et barbu, avec des yeux geois, qui, en janvier 1899, avait, « Nous travaillerons à rendre à et qui parut en 1928 : La fin de exemplaire pour notre temps. sombrement dorés, comme en compagnie de Maurice Pujo, notre République figure et vie l’erreur française. On le voit se dé- ceux de certaines abeilles, des rencontré Maurras, souhaita re- françaises ». À l’époque, tous les gager peu à peu du moralisme I mains fines, une gesticulation constituer un comité d’Action fran- fondateurs de l’Action française de- abstrait dans lequel il avait baigné ardente, une voix sonore, cou- çaise. Comme ses deux compa- meurent républicains à l’exception pour retrouver à partir de 1898 les * Henri Vaugeois : La fin de l’erreur pée de grands éclats de rire, il gnons, il demeurait à la Ligue de de Charles Maurras qui, peu après, réalités nationales. On peut me- française. Librairie d’Action fran- n’avait qu’un objet : le retour la Patrie française mais voulait al- les amènera à la Monarchie. surer l’honnêteté et le courage de çaise, 1928. du Roi, que deux passions : le duc d’Orléans et Maurras. Ex- trêmement cultivé, agrégé des lettres, dévoré de littérature et La Guadeloupe à Paris d’art, psychologue aigu et I Le 11 avril l’Association des Écrivains ca- faire comprendre la mentalité de ses habi- Lorsqu’en 2003 les électeurs ont été même subtil, à cause de son tholiques organisait à Paris une conférence tants. Il a souligné les influences néfastes consultés par référendum sur un nouveau origine normande (il était né à d’Édouard Boulogne sur la Guadeloupe à qui s’exercent depuis la métropole où se for- statut qui leur paraissait distendre les liens Laigle, Orne), Vaugeois pro- l’occasion du 60e anniversaire de sa dépar- ment des agitateurs racistes et haineux. Sur avec la métropole, la réponse a été négative menait avec lui, sous ses tementalisation. L’orateur, professeur de phi- place la population adopte des attitudes beau- à 75 %, et cela malgré la prise de position en mèches noires et son regard losophie à Pointe-à-Pitre, appartient à l’une coup plus nuancées. faveur du “oui” de la majeure partie de la enflammé, un orateur sans pa- des plus vieilles familles créoles de l’île. Ses En 1946, c’est la gauche, par particulier classe politique locale. C’est le même phé- reil, un animateur d’œuvres de ancêtres y sont arrivés en 1657 ! Il a lui-même les communistes, qui a réclamé avec insis- nomène que celui qui s’est manifesté deux combat et un conspirateur au- dirigé une revue mensuelle Guadeloupe 2000 tance la départementalisation de la Guade- ans plus tard avec la victoire du “non” au ré- dacieux et rusé. Quand les qui s’est battue durant trente-deux ans pour loupe. Ils voulaient que les Guadeloupéens férendum du 29 mai concernant l’ensemble trois types marchaient à la fois, la défense des valeurs chrétiennes et natio- soient traités comme les Français de métro- de la France. Dans les deux cas l’instinct pa- comme les grandes eaux de nales contre les marxistes. Pour des raisons pole. Dans les années 80 une fièvre indé- triotique a été le plus fort. Marly, c’était magnifique. » financières, elle a dû cesser de paraître en pendantiste se manifesta concomitamment Après sa conférence, Édouard Boulogne 2002. avec l’arrivée de Mitterrand et de la gauche a signé son essai paru récemment : Libres Léon DAUDET, Édouard Boulogne, à travers le survol de au pouvoir. Elle est bien retombée mainte- propos, abécédaire politique (Éd. Guadeloupe Vers le Roi l’histoire de la Guadeloupe, s’est attaché à nant. 2000). P.P.

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