Notes Bibliographiques 297
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NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 297 NOTES BIBLIOGRAPHIQUES Thomas KOWALSKI. — Les oracles du Serviteur Souffrant et leur interprétation, Parole et Silence, 2003, 151 pages («Cahiers de l'École Cathédrale», 49). Disparu en 2003, Thomas Kowalski était prêtre du diocèse de Paris et professeur d' exégèse aux Cours publics et au Studium Notre Dame de l'École Cathédrale. Il précise ici le sens de la figure mystérieuse du «Serviteur Souffrant» dans l'Ancien Testament. Le livre d'Isaïe en donne les premières attestations. Composé de trois parties, l'ouvrage s'adresse à un public non initié, à l'opposé des études publiées sur le sujet. Quelques remarques s'imposent, d'abord. Le Serviteur Souffrant n'apparaît pas seulement dans «quatre poèmes» de la seconde partie du livre d'Isaïe comme on l'assure depuis longtemps. L'ensemble des textes où intervient le Serviteur est plus important. Ce sont des «chapitres», non des «poèmes», qu'il convient d'appeler «oracles». L'auteur affirme que le Second et le Troisième Isaïe — sixième-qua- trième siècle av. J.-C. — pratiquent la «typologie». Ils voient dans les événements ou les personnages du passé des «préfigurations prophétiques du Salut Final». Les textes historiques informent du futur au moyen d'un vocabulaire forgé par Dieu. Cette conception de la Révélation, mise en place pendant l'Exil en Babylonie, mo- difie leur sens. Une «Nouveauté» est annoncée, «l'irruption de Dieu en personne» dans l'histoire. Ce «tournant» dans la compréhension de la Révélation est exprimé avec netteté en Is. 42,9-14; 43, 16-21; 48, 3-8. Dès le sixième siècle, des auteurs ins- pirés relisent, réécrivent, dans cette perspective, les textes sacrés. Le dernier rédac- teur réécrit le recueil des Oracles d'Isaïe en le commentant par des oracles posté- rieurs. L'Ancien Testament paraît «une immense prophétie». Selon Th. Kowalski, l'interprétation chrétienne obéit à la foi juive, s'accomplit en Jésus-Christ et dans l'Église. Le Serviteur Souffrant est représenté selon ce procédé «typologique». À son portrait prophétique correspondent les figures de Moïse, de David, de Salomon le Sage, du roi Josias, de Jérémie, du roi Jékonias, de Cyrus. Les figures des arti- sans du Retour d'Exil, telle celle du grand prêtre Josué, correspondent également à ce portrait. Cependant, les mentions du Serviteur ne se réduisent pas à des «types préfiguratifs». Pour les auteurs de ces Oracles, le Serviteur «était gardé dans le se- cret de Dieu», ce que fait comprendre son anonymat. Mais cette explication n'est pas sans conteste. Il faut connaître ce «codage» propre à la Bible pour en faire le choix. Toutefois, des écrits plus récents de l'Ancien Testament, les traductions de la Septante, du Targum et la littérature intertestamentaire confirmeraient cette tradi- tion. Le Nouveau Testament doit y être inclus. Du livre d'Isaïe, l'auteur présente, dans une partie A, seize passages bibliques, les versets 42 à 66, et s'attarde sur «l'oracle du Serviteur Souffrant», Is. 52,13- 53, 12. Par la force du langage, ce fragment n'a cessé de retentir à travers l'histoire des juifs. Il conclut sur l'identité et le rôle de ce Serviteur dans une partie B. Les textes contiennent des sous-entendus historiques en rapport avec la fin de l'Exil, les évé- nements y sont traités comme des «évocations typologiques» partielles qui ne dé- crivent pas la fonction et la personnalité du Serviteur. Celui-ci ne peut être con- RevueRevue des des Études Études juives, juives, 165 165 (1-2), (1-2), janvier-juin janvier-juin 2006, 2006, pp. pp. 297-340. 297-340 doi: 10.2143/REJ.165.1.2013885 8641-06_REJ_06/1-2_11_NotBib 297 5/7/06, 4:47 pm 298 NOTES BIBLIOGRAPHIQUES fondu ni avec Cyrus, ni avec Sheshbaççar ou Zorobabel, ni avec le grand prêtre Jo- sué, ni avec le peuple d'Israël de cette époque, ni avec le «reste» d'Israël, ni avec le prophète lui-même. Le Serviteur est donc un individu unique. La thèse d'une souffrance innocente voulue par Dieu vient de la méditation de deux «figures typo- logiques», le roi Josias et le prophète Jérémie. Par un don d'Esprit Saint, le Servi- teur devient Messie-Germe et suscite une Humanité nouvelle, Médiateur de la Nou- velle Alliance. Il doit dispenser la justice et le droit aux Nations. Le concept de «personnalité corporative», fondement vétéro-testamentaire de la théologie chré- tienne de l'Église, appliqué au Serviteur, permet au théologien de résoudre le pro- blème de la dispersion de l'humanité en «nations» et «langues». Leur intégration dans la «personnalité» du Serviteur surmontera ces divisions et établira la paix uni- verselle. Le «plan créateur» de Dieu qui voulait l'unité du genre humain sera exé- cuté. Th. Kowalski étudie, dans une deuxième partie, des extraits vétéro-testamentai- res qui interprètent les «Oracles du Serviteur Souffrant». Il cite trois textes du livre de Zacharie, Za 2, 12-13; Za 3, 8-9; Za 9, 9-14. Le Serviteur Souffrant est identifié au Messie qui apportera le don de l'Esprit Saint au «reste» d'Israël et des Nations réuni en un seul peuple dans la paix cosmique. Puis, il approfondit le sens de quel- ques psaumes. Il met en valeur dans la première partie du Ps 22 la question que pose le silence de Dieu face au mystère de la souffrance innocente, la passion et la mort, la prière pour être sauvé de la mort assimilée à une crucifixion. Dans la deuxième partie du psaume, Dieu répond à la question initiale, le cri du suppliant se transforme en proclamation de Résurrection. Le Festin de Résurrection est offert par le Pauvre aux humbles chercheurs de Dieu, le «Vrai Israël». Allusion au festin sacrificiel, pascal, annoncé par Is 25, 6-10 a, donné dans le Temple de Sion à toutes les Nations. La conversion universelle et la résurrection des morts sont les autres fruits de la Passion-Résurrection du suppliant. Le Nouveau Testament adopte ce commentaire en le rapportant à Jésus ressuscité. Le Ps 40 est un parallèle du Ps 22, il en reproduit les thèmes. Les Ps 35, 69, 88, 106, 142, 143 se rattachent aux deux précédents, mais transposent le sort du Serviteur Souffrant au peuple pécheur converti. C'est la spiritualité des «pauvres» de Dieu. La prophétie de Dn 9, 26 men- tionne la présence d'«un messie» qui n'est pas le Messie. Le Nouveau Testament attribue toutefois cette messianité au Christ. En Dn 11, 33-35; 12, 1-3, on retient l'interprétation collective de la figure du Serviteur Souffrant appliquée aux sages martyrisés dans la tourmente du «Temps de la Fin». Ceux-ci expieront ainsi les péchés de la multitude. Leur mort obtiendra la glorification dans la Résurrection des corps. Le livre de la Sagesse, 2, 10-3, 12 fait ressortir la «personnalité corpora- tive» du Serviteur. L'incorruptibilité et l'immortalité ne se limitent pas à l'âme mais traduisent la «résurrection du corps». Le commentateur considère enfin le Targum de Gn 22, 1-19, «relecture eschatologique» du Sacrifice d'Isaac. En se fai- sant lier de manière à ne pas protester par un geste, Isaac fait le sacrifice parfait de lui-même à l'instar du Serviteur en Is 50, 5-6; 53, 10. Au second et premier siècle av. J.-C., il est considéré comme sa «préfiguration typologique». Bien qu'il ait été libéré, des textes juifs du milieu du premier siècle ap. J.-C. conçoivent son «ho- locauste» réalisé. Isaac est appelé «serviteur» dans la Septante en Dn 3, 35. Le Nouveau Testament recourt à la typologie d'Isaac pour expliquer le sacrifice du Christ, de façon allusive en Jn 8, 56; Jn 1, 29; Jn 18, 4-8. 12, de façon plus explicite par He 11, 17-19. Revue des Études juives, 165 (1-2), janvier-juin 2006, pp. 297-340 8641-06_REJ_06/1-2_11_NotBib 298 5/7/06, 4:47 pm NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 299 Dans une troisième partie, l'auteur propose une traduction des principaux textes qui suit en général celle de la Bible de Jérusalem, avec des corrections cependant. L'identité du «Serviteur Souffrant» a été discutée et des points de vue différents existent. Th. Kowalski exprime sa conviction par cette lecture doctrinale. Dans Ju- daïsme et christianisme. L'écoute en partage paru en 2001, un théologien protes- tant, Marc Faessler, écrit au sujet du quatrième chant du Serviteur du livre d'Isaïe que le christianisme primitif ne peut refuser les ambiguïtés du «dire prophétique» qu'il sollicite et que le judaïsme respecte. Christianisme et judaïsme rendent compte avec difficulté des «ambivalences d'un langage religieux» que la tradition biblique réexplique. Les idées de sacrifice et de substitution pourraient être réexa- minées. La figure du Serviteur «offre l'abri… de deux vocations messianiques, sans qu'aucune ne remplace l'autre». Une annotation scientifique éclaire la pensée de l'auteur. On regrette, dans l'impression du livre, sa volonté didactique. Élisabeth COUTEAU Daniel STÖKL BEN EZRA. — The Impact of Yom Kippur on Early Christianity. The Day of Atonement form the Second Temple Judaism to the Fifth Century, Tü- bingen, Mohr Siebeck, 2003, XX + 445 pages («Wissenschaftliche Unter- suchungen zum Neuen Testament», 163). Dans cet ouvrage, version révisée d’une thèse de doctorat préparée sous la direction de Guy G. Stroumsa et soutenue à l’Université Hébraïque de Jérusalem, D. Stökl ben Ezra s’attache aux rituels, en particulier au Yom Kippur, devenu le «Jour» par excellence dans la Mishnah. Contrairement à d’autres fêtes, ce jour n’est pas resté dans le calendrier chrétien et ce, même si la théologie chrétienne de l’expiation s’en serait inspirée jusqu’au Ve siècle: c’est la thèse défendue par l’auteur.