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Séquences La revue de cinéma

Les 100 ans en 100 films [1961-1978] Maurice Elia

Number 180, September–October 1995

URI: https://id.erudit.org/iderudit/49596ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this article Elia, M. (1995). Les 100 ans en 100 films [1961-1978]. Séquences, (180), 4–59.

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et Louisette Dussault. Il s'agit d'une co-produc­ 100 POUR 100 Tournage tion canado-française.

Les 100 ans en 100 films BRIAN DE PALMA: UN DOUBLÉ NEIL JORDAN RETOURNE EN IRLANDE par Maurice Elia Après avoir terminé le montage de Mission Le réalisateur irlandais Neil Jordan (The Crying Impossible, dont la sortie est maintenant prévue Game, Interview With the Vampire) va tourner pour 1996, Brian de Palma mettra en chantier un film sur la vie de Michael Collins, un révo­ 1961 un nouveau suspense intitulé Ambrose Chapel. lutionnaire irlandais qui lutta contre les Anglais Pour l'écriture du scénario, De Palma a collaboré dans les années 20 afin d'obtenir l'indépendance avec Jay Cocks, le scénariste de The Age of de son pays. Collins faut assassiné par ses propres Innocence. amis lorsqu'il décida de recourir à des moyens politiques plutôt que militaires pour obtenir la DEPARDIEU EN ANGLAIS victoire. Liam Neeson incarnera Collins, aux Gérard Depardieu va de nouveau tourner dans la côtés de Julia Roberts qui jouera sa fiancée Kitty langue de Shakespeare. Il jouera cette fois sous la Kiernan. direction de Christopher Hampton (Carring- ton) dans The Secret Agent, avec Bob Hoskins DR. EDDIE et Patricia Arquette. AND MR. LOVE Eddie Murphy a terminé le tournage de Vampire in À TRAVERS LE MIROIR TIM ROBBINS, RÉALISATEUR Dans la plupart de ses films, Ingmar Bergman s'est Aptes l'excellent Bob Roberts, l'acteur Tim Brooklyn, une comédie attaché à prendre le contrepied de l'enseignement Robbins récidive derrière la caméra en tournant d'horreur signée Wes Cra­ » reçu dans sa jeunesse. Rappelons que son un film provisoirement intitulé Dead Man ven. Le comédien va main­ éducation sévère s'est faite sous la férule d'un Walking (les producteurs cherchent un autre ti­ tenant jouer dans un remake père pasteur luthérien. De son enfance tour­ tre). Robbins y dirige Susan Sarandon et Sean du classique de Jerry Lewis, mentée, il a ainsi gardé un certain nombre Penn, lui-même un acteur devenu réalisateur. The Nutty Professor. d'obsessions, dont la plus importante est cer­ Eddie Murphy tainement celle de la mort Qu'y a-t-il après la Robbins est également auteur du scénario. mort? Dieu existe-t-il? Qu'est-ce que l'existence? DANIEL MORIN TOURNE Comment communiquer entre humains pour que ARTHUR LAMOTHE POUR LES ENFANTS la vie sur cette terre soit plus facile à vivre? Les REVIENT À LA FICTION Le réalisateur de Tendre Guerre, Daniel Morin, films de Bergman donnent rarement des réponses, Lamothe filme cet été un suspense intitulé Le tournera son deuxième long métrage sous le si­ mais le questionnement est toujours présent Une autre obsession héritée de son éducation puri­ Silence des fusils. Produit par Rock Demers et gne de la fantaisie. Dans La Légende des taine: l'érotisme. Marivaudage à double sens avec Janine L. Glandier, le film raconte les mésaven­ kruïtes, un gamin de 12 ans qui s'est perdu en Sourires d'une nuit d'été (1955), viol avec La tures d'un biologiste dont la vie est bouleversée forêt est sauvé par d'étranges petites créatures Source (1959), masturbation avec Le Silence lorsqu'il découvre un cadavre lors d'une mission préhistoriques. Le film met en vedette Johnny (1963), troisième volet d'une trilogie commencée sur la Côte nord. Le film est interprété par l'ac­ Morina, Louise Portai et Yvan Ponton. avec À travers le miroir et Les Communiants (1962). Dans À travers le miroir, Karin, installée teur français Jacques Perrin, la Montagnaise dans une île pour les vacances avec son mari, son Michèle Audette, Gabriel Gascon, Louise Richer UN THRILLER QUÉBÉCOIS frère et son père, souffre de troubles mentaux et Le réalisateur Richard Roy a terminé le tournage trouvera la preuve que son mal est incurable. Elle Kawalerowicz), Chronique d'un été (Jean de Wagon nuit, un suspense policier avec Gildor s'adonnera à l'inceste avec son frère et, ses hallu­ Rouch, Edgar Morin), Léon Morin, prêtre (jean- Roy, Céline Bonnier et l'acteur français Bernard- cinations s'aggravant, devra être hospitalisée. À Pierre Melville), Breakfast at Tiffany's (Blake Pierre Donnadieu (le maniaque de L'Homme son fils qui l'interroge, le mari de Karin dira: «Dieu Edwards), One, Two, Three (Billy Wilder), n'est peut-être que l'amour. C'est en aimant que qui voulait savoir). Le film raconte les tribula­ Judgment at Nuremberg (Stanley Kramer), l'on peut quelque chose pour les autres.» tions d'un policier qui est harcelé par un mysté­ The Misfits (John Huston), L'île nue {Kaneto Shindo), Accatone (), La rieux personnage. Afin de l'identifier, il recrute et aussi: Jules et Jim (François Truffaut), Cleo de Notte (Michelangelo Antonioni), Salvatore les services d'une aspirante policière qui se re­ 5 à 7 (Agnès Varda), Le Procès de Jeanne Giuliano (Francesco Rosi), Vanlna Vanini trouve alors plongée dans un monde interlope d'Arc (Robert Bresson), L'Année dernière à (Roberto Rossellini), Saturday Night and inquiétant. Marienbad (Alain Resnais), Lola (Jacques Demy), Sunday Morning (Karel Reisz), ATaste of (Luis Bunuel), West Side Story Honey (Tony Richardson), Une femme est une LE RETOUR DES MARTIENS (Robert Wise, Jerome Robbins), Il Posto femme (Jean-Luc Godard), Victim (Basil (Ermanno Olmi), Mère Jeanne des Anges l Dearden). -*) Ceux qui ont la nostalgie des films de science- fiction naïfs des années 50, ces productions rem-

Séquences Rosebud

Les bonnes répliques de ceux qui nous ont quittés

* Charles Denner (1926-1995) dans L'Homme qui aimait les femmes (1977) de François Truffaut (scénario de François Truffaut, Michel Fermaud et Suzanne Schiffman):

Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent k globe terrestre en tous sens lui donnant son équilibre et son har­ monie.

...la robe en soie vert pâle, le décolleté rond autour du cou, LE COUTEAU DANS L'EAU les franges aux manches et tout autour des genoux, le mouve­ Le premier long métrage de Roman Polanski est ment de la marche, le mouvement de la robe... une fine analyse des rapports entre les êtres: un mari qui, emmenant sa femme en week-end, Si je passe derrière vous dans l'escalier, ce n'est pas par politesse prend un étudiant en auto-stop, celui-ci qui les mais pour regarder vos jambes. suit à bord d'un yacht, créant un sourd anta­ Charles Denner gonisme entre eux, et la jeune femme entre les deux, à la fois attachante et mystérieuse. Les trois * Harry Guardino (1925-1995) dans Lovers and Other Strangers personnages vont donc se chercher, s'observer. Et (1970) de Cy Howard (scénario de Renée Taylor, Joseph comme dans les vraies joutes nautiques, quelqu'un et David Z. Goodman, d'après la pièce de Renée Taylor et Joseph tombe à l'eau. Le temps de croire l'étudiant noyé, Bologna): le temps que le mari aille prévenir la police, le i temps d'une séduction entre la jeune femme et (Mettant sa femme/Anne Meara dans une catégorie bien à part): l'étudiant soudain ressorti de l'eau. Par jeu et très / never hit a woman in my life till I met you... sûre d'elle-même, elle avoue à la fin à son mari qu'elle l'a trompé avec le jeune homme. Le mari n'en croit pas un mot Direction d'acteurs remar­ * Ida Lupino (1918-1995) dans They Drive By Night (1940) de Harry Guardino quable, tant dans sa fermeté que dans sa Raoul Walsh (scénario de Jerry Wald et Richard Macaulay, d'après cohérence, accompagnée d'une musique de jazz le roman Long Haul de A.I. Bezzerides): lancinante; regard aigu visant l'image vraie et vive, le trait, la réaction, le comportement révélateurs. (À la barre des témoins, totalement désarçonnée, donnant les rai­ Et la présence, ruisselante d'eau, de joie et de sons pour lesquelles elle a laissé les portes électriques d'un garage sourires, d'une débutante: Jolanta Umecka. se refermer, provoquant l'asphyxie de son mari ivrogne): Polanski nous rend si proche et si constante la He was laughing. Yes, he... he was laughing. He kissed me when he force de ses personnages qu'on ne voit abso­ lument personne d'autre qu'eux. C'est ce qui don­ was drunk. Yes, he kissed me when he was drunk. So I got a new car. nera tant de puissance à ses films subséquents: Yes, l... Lgot a new car, and I bought some new clothes. Yes, pretty. Repulsion (1965), Rosemary's Baby (1968), And he... he used to tell terrible jokes, and hed laugh at them. He was Chinatown (1974) ou Le Locataire (1976). always laughing. Then, I saw him, lying there, drunk, and I heard the motor running. Then, I saw the doors, and I heard the motor. I et aussi: Journal intime (Valerio Zurlini), saw the doors. The doors made me do it. Yes, the doors made me do Ida Lupino L'Éclipsé (Michelangelo Antonioni), L'Ange it. The doors made me do it. The doors made me do it... exterminateur (Luis Bunuel), Mamma Roma (Pier Paolo Pasolini), Neuf jours d'une année (À George Raft, l'homme quelle aime, à qui elle avoue l'étendue de son amour): (Mikhail Romm), La Jetée (Chris Marker), The If it weren't for me, you'd still be kicking trucks up and down the coast. I get Ed to take you off the road. Miracle Worker (Arthur Penn), To Kill a I put that clean collar around your dirty neck. I put those creases in your pants. I'm the one that put the Mockingbird (Robert Mulligan), Main basse sur la ville (Francesco Rosi), Un homme à money in your pocket. What makes you think you brûler (Paolo & Vittorio Taviani), A Kind of Ford), What Ever Happened to Baby Jane? can walk out on me?... Well, you're not getting out. Loving (John Schlesinger), The Loneliness of (Robert Aldrich), Vivre sa vie (jean-Luc Godard), You belong with me, and you're going to stay with the Long Distance Runner (Tony Richardson), The Trial (Orson Welles), Eva (Joseph Losey), me. And if you don't like it now, you'll learn to like Shock Corridor (Samuel Fuller), Lawrence of Lolita (Stanley Kubrick), The L-Shaped Room it. Only you're not going off and marrying that Arabia (David Lean), The Manchurian (Bryan Forbes), Thérèse Desqueyroux cheap redhead... She hasn't any right to you. You're Candidate (John Frankenheimer), Le Caporal (Georges Franju), Adieu Philippine (Jacques mine, and I'm hanging on to you. I committed épingle (jean Renoir), Hatari! (Howard Hawks), Rozier), Divorce à l'italienne (Pietro* Germi), The Man Who Shot Liberty Valance (John Dr. No (Terence Youn murder to get you. Understand? Murder!

Séquences FFM Pour en finir

LES CARABINIERS Ulysse et Michel-Ange reviennent de la guerre. À Chaque année, c'est la même chose. L'équipe de que! Mais des films qui se servent de routes les Cléopâtre et Vénus qui leur posent toutes sortes de questions, ils disent qu'ils ont rapporté tous les rédaction tire à la courte paille pour savoir qui ressources du langage cinématographique pour trésors du monde. Ils ouvrent leur valise sur la du groupe aura à se taper la compétition. C'est livrer leur message? Rarissimes! Warrior Langl- table et déploient de nombreux paquets de cartes vous dire combien nous redoutons cette section ing, Roula et Liste noire (voir texte p. 11), les postales attachées avec des rubans. «Regardez. Il y du FFM. Ce n'est d'ailleurs un secret pour per­ trois films les plus stylisés de la compétition, se a des surprises: les monuments, les moyens de sonne: de tous les festivals compétitifs de catégo­ sont avérés ou vides de sens, ou racoleurs. C'est transport (...) des animaux, des montagnes, des paysages, les cinq parties du monde (...) Et rie A, de par le monde, celui de Montréal s'avère à désespérer! Même Subiela, un formaliste re­ naturellement, chaque partie se divise elle-même le plus pauvre depuis bien des années. Et si je connu, n'a pas réussi à faire autre chose qu'un en plusieurs autres parties... De l'ordre, de la me fiche des raisons — parce que c'est à Losique gentil film télévisuel sur sa passion du cinéma et méthode: notre officier le disait toujours...» Dès d'y voir —, les conséquences, elles, me tiennent la confiance aveugle qu'il porte en l'amour hu­ À bout de souffle (1959), Jean-Luc Godard nous drôlement à cœur. Comment voulez-vous que main. Les longs métrages de Subiela accusent a appris à lire ses films, à traduire les images en les gens de cinéma prennent le Festival de Mon­ fréquemment des problèmes de rythme, mais Ne mots et les mots en images, à explorer ce qu'il y a entre les sons et les lettres, entre ce qui se tréal au sérieux lorsque ce dernier n'est pas foutu meurs pas sans me dire où tu vas remporte la montre, ce qui s'écrit et ce qui se dit Le désordre de mettre la main sur de grands films? Quand palme. Fallait entendre le public s'esclaffer parce apparent et la négligence des Carabiniers un long métrage comme Georgia, excellent que le film n'en finissait pas de finir. Triste mais («petite plaisanterie ubuesque», «simple croquis pour sa direction d'acteurs mais lancinant sur le mérité... D'ailleurs, je ne réconcilie pas cet évé­ dessiné à la hâte», selon certains critiques de plan narratif et pas très imaginatif sur celui de la nement et le Prix Air Canada qu'on a tout de l'époque) tiennent ici du génie et recèlent mille trouvailles, où l'humour et le rire franchement réalisation, remporte les grands honneurs d'une même décerné au long métrage. Losique aurait- ouvert sont rarement absents. C'est un comique compétition, c'est que quelque chose ne tourne il raison de penser que le public montréalais féroce, mais sain, qui secrète l'intelligence et vraiment pas rond. Et ce n'est pas la faute du n'est pas assez raffiné pour voir la différence semble fouetter le sang. De tous les films de jury. Cette année, il a dû composer avec une Godard, ce film sans âge, qui se revoit sans cesse myriade de films qui se valaient à peu près tous. avec énormément de plaisir, traduit le mieux Il était une fois, Le Musulman, Tragédie bur­ l'ambition obstinée de son auteur de créer un cinéma nouveau. lesque, Une histoire de Mongolie et Le Fleuve profond: tous des films aux intentions souvent très nobles, aux belles idées humanistes, des et aussi: 8

DR. STRANGELOVE OR HOW I LEARNED TO STOP WORRYING AND LOVE THE BOMB Grand chef-d'œuvre d'humour noir, film délirant sur le péril atomique, Dr. Strangelove fit sensation à l'époque. Stanley Kubrick (avec ses coscénaristes Terry Southern et Peter George) a décidé de traiter d'un sujet brûlant Et il s'en sort avec les honneurs de la guerre (froide). Con­ vaincu qu'un complot communiste se trame, un Un héros ordinaire général américain lance une offensive de bombardiers sur l'Union Soviétique, coupant L'Enfant d'eau, le «meilleur film canadien» plus pour faire un bon film, ou un bon mélo­ toute communication avec sa base. Le président du festival, ne vaut guère mieux. Des va-et-vient drame, comme c'est le cas ici. Les dialogues de des États-Unis entre alors dans la ronde, essayant maladroits entre le passé et le présent usent notte Claire Wojas empruntent un peu trop à la forme par tous les moyens de récupérer les bom­ bardiers. Mais l'un d'eux, piloté par le major King patience dans le premier tiers du film. On s'y littéraire et le discouts qu'elle fait tenir à Kong, ne veut rien entendre. Les Russes entre­ fait tout expliquer à gros traits, au lieu de laisser Cendrine, sa jeune héroïne, ne sied tout simple­ temps annoncent leur riposte et le président doit le drame entre les deux personnages principaux ment pas à une adolescente de 12 ans. C'est consulter le fameux docteur Folamour, ancien s'épanouir doucement et venir nous chercher Wojas, la femme, qui s'exprime à travers elle... et nazi qui croit en la sécurité des abris souterrains. subtilement. Bien sûr, les images sont jolies (dif­ le résulat ne peut que s'avérer artificiel. Mais la terre explosera quand même. Le message ficile de faire autrement dans les Caraïbes), et est féroce et a donné lieu à plusieurs points de Je passe sous silence Soupirs d'Espagne (et comparaison (politiques de Kennedy et de David LaHaye joue avec abandon, mais il faut du Portugal), La Fièvre de Pâque et American Khrouchtchev de l'époque). Le film aurait pu être Daughter, trois films insignifiants qui n'auraient une comédie débridée sans conséquence, mais Cherbourg (Jacques Demy), Le Dieu noir et le jamais dû figurer au sein même du FFM. Et que Kubrick sait prendre des risques et son refus de diable blond (Glauber Rocha), Lilith (Robert dire de Cold Comfort Farm et Un héros ordi­ l'effet de toc force le respect Et on n'oubliera pas Rossen), L'Insoumis (Alain Cavalier), Bande à naire, si ce n'est que, malgré leurs qualités, ils de sitôt l'extraordinaire composition de Peter part (jean-Luc Godard), Une femme mariée Sellers qui tient trois rôles dans le film, dont celui n'avaient pas non plus l'étoffe de films de com­ (Jean-Luc Godard), My Fair Lady (George du docteur Folamour qui ne peut s'empêcher à pétition. Schlesinger a réalisé une comédie sa­ Cukor), The Pawnbroker (Sidney Lumet), toutes occasions de faire le salut hitlérien. Seance on a Wet Afternoon (Bryan Forbes), voureuse mais qui, sans doute parce qu'elle a été Scorpio Rising (Kenneth Anger), L'Évangile produite pour la télévision, ne possède rien du et aussi: Kwaidan (Masaki Kobayashi), Prima selon Saint-Mathieu (Pier Paolo Pasolini), génie cinématographique qui a marqué ses gran­ délia rivoluzione (), Onibaba (Kaneto Shindo), Le Chat dans le sac des œuvres (Midnight Cowboy, Sunday, Bloody (Gilles Groulx), America, America (Elia Kazan), Gertrud (Cari Theodor Dreyer), Vidas Secas Sunday et The Day of the Locust). Quant au (Nelson Pereira dos Santos), Shakespeare The Night of the Iguana (John Huston), Judex drame politique réalisé par l'acteur italien Wallah (James Ivory), Le Désert rouge (Georges Franju), Pour une poignée de dollars (Michelangelo Antonioni), La Peau douce (Sergio Leone), Major Dundee (Sam Peckinpah), Michèle Placido, s'il fait montre d'une belle (François Truffaut), Le Journal d'une femme Nobody Waved Goodbye (Don Owen), A maîtrise narrative et visuelle (la photographie, de chambre (Luis Bunuel), La Femme des Shot in the Dark (Blake Edwards), A Hard très sombre et inquiétante, imite celle du maître sables (Hiroshi Teshigahara), Les Parapluies de Day's Night (Richard Lester). -> américain Gordon Willis), son traitement rap-

10 Séquences FFM

PALMARES

Jennifer Jason Leigh dans Georgia LES AMOURS D'UNE BLONDE

Excellente satire de la société tchèque des GRAND PRIX DES AMÉRIQUES PRIX DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE années 60, Les Amours d'une blonde GEORGIA D'ULU GROSBARD (ÉTATS-UNIS) LA FIN DU MONDE EN QUATRE SAISONS devaient placer une bonne fois Milos Forman DE PAUL DRIESSEN (CANADA) parmi les grands cinéastes contemporains. Mais il GRAND PRIX SPÉCIAL DES AMÉRIQUES aura fallu qu'un climat favorable fût créé autour KRISTIN LAVRANSDATTER DE DEUXIÈME PRIX DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE de la sortie de L'As de pique (1964) pour que, (NORVÈGE) CLOCKS DE KRISTEN WINTER (ALLEMAGNE) peu à peu, le cinéma de son pays trouve une place modeste sur les écrans occidentaux. C'est GRAND PRIX DU JURY PRIX DU PUBLIC AIR CANADA ainsi que furent découverts Vojtech Jasny avec LE MUSULMAN DE VLADIMIR KHOTINENKO NE MEURS PAS SANS ME DIRE OÙ TU VAS Un jour, un chat (1963), Jan Nemec avec Les (RUSSIE) D'ELISEO SUBIELA (ARGENTINE) Diamants de la nuit (1964) et Karel Zeman avec Le Baron de Crac (1962). Avec Forman PRIX DE LA MISE EN SCÈNE PRIX DU MEILLEUR FILM CANADIEN arriveront ses amis Jiri Menzel (Trains étroi­ UNE HISTOIRE DE MONGOLIE DE XIE FEI L'ENFANT D'EAU DE ROBERT MÉNARD tement surveillés) et Ivan Passer (Éclairage (CHINE) PRIX DE MONTRÉAL intime), ainsi que Vera Chytiiova et ses Petites ET TRAGÉDIE BURLESQUE DE GORAN Marguerites. Mais ce sont ces Amours d'une (MEILLEUR PREMIER LONG MÉTRAGE DE FICTION, MARKOVIC (BULGARIE) blonde qui déclenchèrent le mouvement La TOUTE CATÉGORIE) grandeur du cinéma de Forman réside (et rési­ PRIX DU MEILLEUR SCÉNARIO MANNEKEN PIS DE FRANK VAN PASSEL dera, dans tous ses films subséquents, tchèques LA FIÈVRE DE RAQUE ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR (BELGIQUE) ou américains) dans son aptitude à installer de SHEMI ZARHIN (ISRAËL) ET CROIX DE BOIS, CROIX DE FER simples mortels dans un univers d'une pureté DE MARIUS HOLTS (NORVÈGE) fabuleusement transparente, d'une émouvante PRIX DE LA MEILLEURE CONTRIBUTION ARTISTIQUE simplicité, montrant les forces joyeuses mais MUSICALE PRIX DU JURY OECUMÉNIQUE voilées de tristesse des faiblesses humaines. Telle UNE HISTOIRE DE MONGOLIE LE FLEUVE PROFOND DE KEI KUMAI (JAPON) cette campagnarde, assoiffée d'affection, qui, sur (MUS.: TENGGER) la suggestion d'un jeune homme rencontré une PRIX DU JURY DE LA FIPRESCI (COMPÉTITION) seule fois dans sa petite ville, vient à Prague et se PRIX D'INTERPRÉTATION FÉMININE LE PENSIONNAT OSKAR DE SUZANNE BIER voit obligée de vivre d'étranges situations avec JENNIFER JASON LEIGH DANS GEORGIA (SUÈDE) les parents de celui-ci en son absence. PRIX D'INTERPRÉTATION MASCULINE PRIX DU JURY DE LA FIPRESCI (HORS-COMPÉTITION) FABRIZIO BENTIVOGLIO DANS UN HÉROS MANNEKEN PIS DE FRANK VAN PASSEL et aussi: La Bataille d'Alger (Gillo Ponte­ (BELGIQUE) corvo), Barberousse (Akira Kurosawa), ORDINAIRE (ITALIE) Manuscrit trouvé à Saragosse (Wojciech Zhivago (David Lean), What's New, Pussy­ Has), L'Homme n'est pas un oiseau (Dusan cat? (Clive Donner), The War Game (Peter Makavejev), Cul-de-sac (Roman Polanski), Watkins), La Vieille Dame indigne (René Juliette des esprits (), Pierrot Allio), Sandra (Luchino Visconti), Thomas le fou (Jean-Luc Godard), Alphaville (Jean-Luc l'imposteur (Georges Franju), Viva Maria! Godard), Les Poings dans les poches (Marco (Louis Malle), The Hill (Sidney Lumet), Bellocchio), Tokyo Olympiad (Kon Ichikawa), Repulsion (Roman Polanski), La Vie heureuse Darling (John Schlesinger), The Loved One de Leopold Z. (Gilles Carie), The Spy Who (Tony Richardson), Simon du désert (Luis Came in from the Cold (Martin Ritt), Help! Bunuel), Les Sans-espoir (Miklos Jancso), La (Richard Lester), The Knack (Richard Lester), Vie de château (Jean-Paul Rappeneau), Doctor The Sound of Music (Robert Wise).

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espérer un intriguant futur. Éclectique, voilà qui décrit également le monde des frères Gagné, tel que présenté dans La Folie des crinolines. Mal­ gré un aspect ludique rappelant parfois Green­ away, l'opus du farouche et indépendant duo demeure parfaitement hermétique et encombré de lourdes paraboles. Les quelques documentaires visionnés n'ont pas déçu. Chacun à leur manière, These Shoes Voices of Change Weren't Made for Walking et Voices of Change nous entretiennent de l'oppression des femmes. World (sic!), qu'ils visitent le Canada sous l'im­ Ce dernier film, réalisé par Lyn Wright et Bar­ pulsion de clichés éternels (les Rocheuses, l'air bara Doran, est composé de cinq portraits de pur, etc.) et qu'ils en repartent gavés à souhait de femmes remarquables. En soulignant la coura­ ces mêmes clichés. Un document qui fait sou­ UN HOMME ET UNE FEMME geuse contribution de ces individus, les cinéastes vent rire et qui propose une réflexion intéres­ Fûtes-vous de ceux qui succombèrent au sépia et démontrent à quel point l'apport soutenu des sante sur ce que peut être la perception d'une au bistre lelouchiens? À la sortie d'Un homme et une femme, Claude Lelouch (né en 1937) femmes à la société peut vraiment faire une dif­ culture. À méditer sans faute en ces temps réfé­ savait tout sur le cinéma. Il avait déjà tourné (à 19 férence et ce, à l'échelle mondiale. Sur un ton rendaires... ans) des courts métrages à New York et réalisé plus nostalgique, le réalisateur Paul Lee, origi­ Terminons en cernant quelques courts mé­ quelques longs métrages originaux. Dès I960, il naire de Hong-Kong, rend hommage à quatre trages. Reconstruction de Laurence Green a la avait fondé Les Films 13, sa compagnie de pro­ parentes. À partir d'une répression physique réputation enviable de compter parmi les meil­ duction, et décidé que le cinéma, c'était sa vie. concrète, en l'occurrence la compression des Pourtant, Lelouch n'a jamais fait partie de la leurs films jamais sortis de l'Université Concor­ Nouvelle Vague française de l'époque (Truffaut/ pieds, Lee illustre métaphoriquement l'oppres­ dia. Le brillant étudiant se remémore un inci­ Godard/Rohmer/Chabrol), mais avec le succès sion des femmes asiatiques. Un point de départ dent familial et part de l'intime pour atteindre obtenu suite à sa Palme d'or à Cannes pour Un surprenant et original pour ce court métrage, qui l'universel, dans un bouleversant témoignage sur homme et une femme, il s'est donné la donne lieu à d'émouvants témoignages. Carré­ l'éloignement de sa soeur. Green reconsttuit un mission de traiter de thèmes modernes qu'il ment humoristiques, Baseball Girls (de Lois dérapage émotif à l'aide à'home movies, d'images parera de séductions cinématographiques à fleur de peau... et de son propre cru. (Ça ne lui Siegel) et Hô Canada! (de Barbara Doran et d'archives de la mission Apollo, d'inserts expéri­ réussira pas toujours.) Dans Un homme et une Peter Wintonick) ont suscité de vives réactions. mentaux et abstraits, en appuyant le tout d'un femme, l'amour est le thème central, inébran­ La drôle mais paresseuse épopée de Siegel con­ commentaire off suns complaisance dans un en­ lable, éternel, astucieux et complet Les per­ cernant ces femmes joueuses de baseball ne m'a trelacs de pistes et d'effets sonores. Un film com­ sonnages du titre sont des veufs dans la trentaine guère instruit davantage que ne l'avait déjà fait A plexe et annonciateur d'un excellent cinéaste. qui se rencontrent par hasard. Ils ont chacun un League of Their Own, la fiction de Penny enfant et trouveront dans les bras l'un de l'autre On a eu la bonne idée de tegrouper en un pro­ les possibilités d'une nouvelle vie. L'énorme Marshall sur le même sujet. Hô Canada!, pour gramme quatre oeuvres d'étudiants du Centre succès public de ce film, archétype du récit sen­ sa part, traite de notre cher pays sous un angle Canadien du Film, dont deux valent vraiment la timental sur fond de roman-photo et de rengaine assez unique. On y apprend que les Japonais peine qu'on s'y attarde. Sparky's Shoes de Glenn musicale (les fameux chabadabada signés Francis sont fous d'Anne of Green Gables, qu'ils ont Cairns met en scène un jeune homme et son Lai), consacra Lelouch. Sa carrière subséquente construit un parc d'attraction nommé Canadian amant atteint du SIDA. Quelques images auda­ ne fut pas très appréciée des historiens et cri­ tiques du cinéma, exaspérés sans doute de voir cieuses ponctuent ce film qui traduit avec élo­ Bresson), Belle de jour (Luis Bunuel), Les fonctionner, à un rythme régulier, sa formule quence, jusqu'à la rendre palpable, la puissance Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy), magique. du désir sexuel au service de l'amour fou. Poi­ La guerre est finie (Alain Resnais), Masculin féminin (Jean-Luc Godard), La Prise du gnant. L'iconoclaste The Home for Blind et aussi: Andrei Roublev (Andreï Tarkovski), pouvoir par Louis XIV (Roberto Rossellini), Women de Sandra Kybartas s'impose comme Persona (Ingmar Bergman), Les Chevaux de Les Désarrois de l'élève Toerless (Volker une curiosité. Ce faux documentaite est amu­ feu (Sergueï Paradjanov), This Property is Schlôndorff), Zorba le Grec (Michael Caco­ sant, irrévérencieux et conquérant. Une suite Condemned (Sydney Pollack), Le Vent des yannis), Chimes at Midnight (Orson Welles), d'entrevues enttecoupées de saynètes où des Aurès (Mohammed Lakhdar-Hamina), Mou­ Fahrenheit 4SI (François Truffaut), Georgy aveugles cabotinent dans la nature ou confec­ chette (Robert Bresson), L'Homme au crâne Girl (Silvio Narizzano), Modesty Blaise rasé (André Delvaux), Trains étroitement (Joseph Losey), The Wild Angels (Roger tionnent des couvertutes qu'elles ne voient sup- surveillés (Jiri Menzel), Les Petites Corman), Who's Afraid of Virginia Woolf? posément pas, forme la trame de ce petit bijou. Marguerites (Vera Chytiiova), Seven Women (Mike Nichols), Morgan: A Suitable Case for C'est court mais ô combien rafraîchissant! (John Ford), Au hasard, Balthazar (Robert Treatment (Karel Reisz). Alain Dubeau

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LE LION ET I^NEAU

L'AIGUILLE D'UN CADRAN FRANCHIT LE CAP D'UNE PREMIÈRE SECONDE. UN VENT D'URGENCE SE LÈVE. LE COMPTE À REBOURS VIENT DE COMMENCER. À L'OMBRE DES BUILDINGS, HOMMES, FEMMES, ENFANTS MARCHENT, S'ENTRECROISENT, SE HEURTENT ET S'AFFRONTENT. BLOW UP Lorsque sortit Blow Up, la carrière de Michelangelo Antonioni prenait un nouveau départ. Après la trilogie de L'Avventura/La Notte/L'Éclipse, le cinéaste avait décidé d'essayer la couleur avec Le Désert rouge, Luc Beauchamp documentaire sur l'ex-Yougoslavie. J'ai alors profonde étude sur nos existences banalisées par la société de consommation et la pollution (Sélection Compétition Officielle courts voulu faire un film sur l'urgence, sur l'instinct de industrielle. Et puis, comme le fit Truffaut l'année métrages FFM 95) survie.» Beauchamp prend alors en huit minutes précédente avec Fahrenheit 451, ce fut la le pouls d'une planète essoufflée et en sang, mais tentative de faire un film en anglais... et en Le film vient de commencer et déjà une multi­ ardemment vivante et gonflée d'espoir, dont Grande-Bretagne. Ce fut un succès, surtout grâce tude de plans viennent de se succéder, cinq scè­ toutes les actions se concentreraient à la croisée à la Palme d'or obtenue à Cannes. Blow Up est un film ambitieux, fait avec goût, parfaitement nes potentielles de début de film ont défilé. Et le de deux rues. maîtrisé, qui se regarde encore aujourd'hui avec rythme effréné ne se calme que le temps d'un Le Lion et l'agneau est à mi-chemin entre la énormément de plaisir. Racontant les surprises lourd mais court silence, pour ne s'épuiser qu'à fable et la parabole, dans une exacerbation que découvre un photographe à la mode en déve­ la fin de ce «cinémaclip». On se laisse emporter d'images où la figure de style porte le sens de loppant son rouleau de pellicule, l'œuvre parle à par la course en se demandant où le réalisateur l'histoire, ce langage de nouveaux cinéastes où il chacun de nous. C'est une réflexion à la fois sur va bien vouloir nous perdre au milieu de ce n'est pas essentiel de tout suivre, sinon d'en tirer le cinéma (par photographie interposée), les puzzle d'images habilement construit. incertitudes liées au temps qui passe et l'illusion ce qu'on veut bien en comprendre. où nous plongent certains aspects de la vie En rencontrant Luc Beauchamp, la trame du Beauchamp convient d'avoir privilégié la quotidienne. L'homme contemporain se sent motif du film se précise. Il avoue ne pas être forme pour son court métrage, le sujet et la surveillé, il ne peut s'enfuir, il demeure non capable de raconter l'histoire mais ses intentions courte durée s'y prêtant parfaitement: «On ne seulement éternellement seul, mais en proie à sont claires: «J'ai vu un jour à Radio-Canada un pourrait pas faire un film de deux heures sur ce une réalité qui lui échappe. Séquence célèbre: la dernière où notre héros assiste à un match de rythme-là. Les gens sortiraient bien avant la fin avec un gros mal de cœur!». tennis sans balle, puis y participe lui-même en truand (Sergio Leone), Peppermint frappé allant chercher et en renvoyant aux joueurs la (Carlos Saura), Elvira Madigan (Bo Wider­ Le jeune réalisateur en est à son troisième balle invisible qui a quitté le court berg), je suis curieuse - Jaune (Vilgot Sjoman), court métrage, mais à son premier réalisé hors Accident (Joseph Losey), A Countess from des cadres académiques («académique» dans tous et aussi: Bonnie and Clyde (Arthur Penn), Hong Kong (Charles Chaplin), A Man for AH les sens que vous voulez lui donner!). La maîtrise L'Incompris (Luigi Comencini), Dix mille Seasons (Fred Zinnemann), Poor Cow (Ken de l'instrument est indéniable, la caméra d'An­ Loach), The Dirty Dozen (Robert Aldrich), soleils (Ferenc Kosa), The Graduate (Mike dré Turpin (réalisateur de Zigrail) est folle et Nichols), Terre en transe (Glauber Rocha), Un Don't Look Back (DA. Pennebaker), Il ne été capricieux (Jiri Menzel), Le Bal des faut pas mourir pour ça (Jean-Pierre superbe, comme d'habitude, et le miracle du pompiers (Milos Forman), Éclairage intime Lefebvre), Guess Who's Coming to Dinner film qui se fait sans budget est éblouissant. Bien (Ivan Passer), La Collectionneuse (Éric (Stanley Kramer), In Cold Blood (Richard des qualités qui donnent envie de voir la suite: Rohmer), 2 ou 3 choses que je sais d'elle Brooks), In the Heat of the Night (Norman un long métrage, son premier, qui est déjà en Jewison), The Producers (Mel Brooks), The St. (jean-Luc Godard), La Mariée était en noir préparation. (François Truffaut), Playtime (Jacques Tati), Le Valentine's Day Massacre (Roger Corman), Joanne Comte Voleur (Louis Malle), Le Bon, la brute et le What's Up, Tiger Lily? (Woody Allen).

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Notes pour un film sur l'Inde, 1968 lité et son conformisme. Cette charge est encote (Appunti per un film sull'India) est une enquête moins dissimulée dans un film plus connu, Le similaire sur les lieux d'un projet de film sur la Fromage blanc, 1963 (La Ricotta). Pasolini faim et la religion en Inde. Micro à la main, prête ici ses mots à Orson Welles qui interprète Pasolini interroge le peuple et les intellectuels le rôle d'un réalisateur qui met en scène une avec l'intention d'aller à la rencontre des valeurs Passion du Christ. Lorsqu'un journaliste vient et contradictions de la société indienne en trans­ l'intetroger sur son œuvre, Welles-Pasolini ex­ formation. prime tout le dégoût que lui inspite l'homme C'est avec ce même désit de révéler les ten­ moyen à l'aide d'un poème tiré d'un livre de sions entre l'ancien et le moderne que Pasolini a Pasolini (livre que l'on voit à l'image) sut voulu illustrer l'Orestie d'Eschyle dans le con­ Mamma Roma (1962). texte socio-politique africain des années soixante. Carnet de notes pour une Orestie afri­ LE MANDAT caine, 1969 (Appunti per un'orestiade africana) Né à Dakar en 1923, Ousmane Sembène est fait la lumière sur les parallèles entre la naissance devenu, surtout grâce au Mandat le premier et de la démocratie dans le mythe d'Oreste et son le plus grand des cinéastes africains grâce à son langage direct, subtilement calqué sur la vie développement récent sur le continent africain. quotidienne. Le Mandat est une œuvre rafraî­ Sans toutefois parvenir à éviter le didactisme, chissante, qui pose clairement les questions les Pasolini offre avec ce film une remarquable plus élémentaires sur le riche passé culturel du étude sur l'Orestie et sur une certaine Afrique en Sénégal (et des nations voisines) et ose exposer période d'apprentissage du modernisme. clairement les difficultés auxquelles ces pays se heurtent Dans Le Mandat, l'ennemi s'appelle la Dans ses films de repérage, Pasolini aborde la bureaucratie, une bureaucratie corrompue et matière qui s'offre à lui avec humilité, n'hésitant incapable, faisant partie de cette nouvelle pas à remettre en question la validité de son bourgeoisie africaine parasitaire. C'est à cause approche ou à carrément reconnaître ses er­ d'elle que le mandat (modeste) qu'envoie de Paris reurs1. Par contre, l'approche des courts métra­ un neveu émigré à sa famille pauvre de Dakar ne sera jamais touché par ceux à qui il était destiné. ges de fiction ou d'essai est fort différente. Ici, en Pasolini et Laura Betti Son oeuvre subséquente, surtout à partir de Xala effet, Pasolini semble s'emparer de l'image non ( 1974), abordera les problèmes de la majorité des plus pour l'interroger mais plutôt pour la façon­ Le refus du conformisme prendra une forme pays africains confrontés à un néo-colonialisme qui ner selon sa poésie marxiste. L'exemple le plus surprenante dans Qu'est-ce que les nuages?, les dépasse. Sembène n'hésite pas à brosser un bouleversant est le film de montage La Rage, 1968 (Che cosa sono le nuvole?) où, dans un portrait pas très reluisant de l'Afrique contem­ 1963 (La Rabbia) où, en réorganisant quatre- style pirandellien, Pasolini raconte l'histoire poraine, ce qui a provoqué parfois l'ire de ses compatriotes, mais il le fait avec goût et cette vingt dix-mille mètres d'actualités, Pasolini s'ap­ d'une marionnette créée pour représenter simplicité désarmante qui fait de chacun de ses plique à raconter le monde des années 50 et du Othello mais qui, dotée d'une vie autonome, films un petit joyau de naturalisme. Et à travers début des années 60. Mais on sent que le poète s'interroge sur le cours des choses en interpellant quelques courtes scènes directes, il parvient à et le philosophe ont encore le dessus sur le ci­ son manipulateur. D'un ton très serein, La Sé­ donner à ces petites oeuvres valeur d'engagement néaste, puisque c'est ici la parole, plus que le quence de la fleur de papier (La sequenza del dans le combat social. montage proprement dit, qui fait la force du fiore di carta, 1969), marque le mouvement de film. Une parole pasolinienne sombre et exi­ refus de la jeunesse de la fin des années soixante. et aussi: If... (Lindsay Anderson), 2001: A Space geante qui s'en prend violemment à l'ennemi À l'aide d'une série de travellings arrière (qui ne Odyssey (Stanley Kubrick), Rosemary's Baby manqueront pas de rappeler ceux de Mamma (Roman Polanski), (Pier Paolo Pasolini), déclaré, le bourgeois et son indifférence, sa foti- Mémoires du sous-développement (Tomâs Roma) Ninetto Davoli, une énorme fleur de Guttiérez Aléa), L'Amour fou (Jacques Rivette), papier à la main, danse heureux et insouciant le L'Heure du loup (Ingmar Bergman), La Honte (Anthony Harvey), Targets (Peter Bogdanovich), long d'une chaotique artère de , sous le (Ingmar Bergman), Baisers volés (François Le Viol d'une jeune fille douce (Gilles Carie), regard perplexe des passants. Truffaut), La Sirène du Mississippi (François Les Voitures d'eau (Pierre Perrault), Rachel, Troubler le regard des passants... n'est-ce pas Truffaut), Un soir, un train (André Delvaux), Rachel (Paul Newman), Charlie Bubbles là une image emblématique de l'œuvre de Paso­ L'Enfance nue (Maurice Pialat), Les Biches (Albert Finney), Planet of the Apes (Franklin J. (Claude Chabrol), Romeo and Juliet (Franco Schaffner), The Odd Couple (Gene Saks), lini? Zeffirelli), Hell in the Pacific ()ohn Boorman), Night of the Living Dead (George A. Romero), Carlo Mandolini Isadora (Karel Reisz), Faces (John Cassavetes), The Thomas Crown Affair (Norman Jewison), Oliver! (Carol Reed), The Lion in Winter The Party (Blake Edwards). „» 1. Remise en question que Pasolini concrétise d'ailleurs par sa présence à l'écran ou sur la bande son.

18 Séquences FFM

MA NUIT CHEZ MAUD Éric Rohmer, ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, a 49 ans en 1969. Trois ans plus tôt, son deuxième long métrage, La Col­ lectionneuse, de la série des Six contes moraux, osait se permettre de pénétrer de plein fouet l'univers d'une certaine «jeune fille en fleurs», univers où la jalousie et la tentation se donnent L'Enfant d'eau libre cours, mais à l'intérieur des esprits. Dans la meilleure tradition des moralistes français (de nouveau partie du présent absolu, condamnés à certains cinéastes savent poser tout doucement n'importe quel siècle), Rohmer décida alors avec refaire le monde par le regard et le geste. sur leurs semblables. Il fut un temps où on uti­ Ma nuit chez Maud d'explorer les mœurs de Il faut dire qu'ils ont de la chance, ces en­ lisait des mots comme compassion et huma­ province à travers l'histoire d'un ingénieur catholique célibataire d'une quarantaine d'années, fants d'ailleurs, d'être tombés entre les mains de nisme pour parler de ces choses. Comment le qui a le coup de foudre pour une jeune femme cinéastes qui ont visiblement su respecter leurs dire aujourd'hui sans avoir l'air pompeux? entrevue à la messe et décide d'en faire sa femme élans, leur manière naturelle d'être à l'écoute de Comment encore, et pour finir, ne pas évo­ lorsqu'un ami, professeur de philosophie, lui leurs émotions. Ça ne va pas sans travail ni con­ quer, par simple souci de contraste, un film présente Maud, une doctoresse divorcée chez qui traintes, bien sûr, mais le grand art consiste à québécois présenté lui aussi au FFM. Un film il est obligé de passer la nuit à cause de l'état des faire en sorte que les traces du labeur s'effacent qui, c'est bien dommage mais c'est comme ça, routes. Tous deux sont des êtres infiniment compliqués. Maud est une femme charnelle, au profit seul de la grâce, du trouble, de l'instant n'a rien à voir avec le genre de vérité que j'essaie vibrante de sensibilité, lui, une sorte de rêveur qui qui passe. Face à certains films, face à ces films de nommet ici. Une enfant, une fois de plus, dissimule sous l'humour de sa pudeur le drame de précis que j'ai eu le bonheur de croiser dans le presque deux pour ainsi dire, L'Enfant d'eau. sa solitude. Ils parlent de Pascal, de la volonté et dédale du FFM, on se dit que le cinéma, oui, a Une fillette échouée sur une île en compagnie de la chance, du calcul et du hasard, de encore à voir avec la vérité. Non pas la vérité d'un jeune adulte attardé. Une enfant qu'on a «l'espérance mathématique», de la vie et du temps. Comme on le sait, les héros rohmériens absolue et mécanique, ce serait trop simple et visiblement choisie pour sa seule capacité à poursuivent encore aujourd'hui leur destin de vaguement effrayant. Mais plutôt de celle qui «jouer le scénario». Ce n'est pas elle qui est en grands phraseurs réfléchis à qui il arrive des émane des regards francs, des gestes entiers que cause dans le ratage, mais la propension des loments de fulgurance inattendus. adultes à ne voir en elle qu'un support pour leur m iMB histoire. Cinéma illustratif et paternaliste qui et aussi: Easy Rider (Dennis Hopper), Adalen The Wild Bunch (Sam Peckinpah), Que la emprunte aux pires sillons tracés par les Contes 31 (Bo Widerberg), Z (Costa-Gavras), Le bête meure (Claude Chabrol), Who's That pour tous. Cinéma qui n'a rien à voir avec les Chagrin et la pitié (Marcel Ophûls), Le Sang Knocking at My Door? (Martin Scorsese), élans vitaux qui font de certains films autre du condor (Jorge Sanjines), Antonio das L'Enfant sauvage (François Truffaut), Sweet chose que de simples films. Et après tout, si on Mortes (Glauber Rocha), Lucia (Humberto Charity (Bob Fosse), Scènes de chasse en Solas), Alice's Restaurant (Arthur Penn), Bavière (Peter Fleischmann), Il était une fois est encore là à arpenter le réseau des salles obs­ Women in Love (Ken Russell), Le Boucher dans l'ouest (Sergio Leone), Butch Cassidy cures alors que la lumière de l'été est si invitante (Claude Chabrol), Fellini-Satyricon (Federico and the Sundance Kid (George Roy Hill), au dehors, n'est-ce pas surtout pout éprouver la Fellini), Une femme douce (Robert Bresson), Bullitt (Peter Yates), The Prime of Miss Jean douceur des brises inédites balayant le vaste Kes (Ken Loach), Midnight Cowboy (John Brodie (Ronald Neame), The Killing of Sister monde jusqu'à nos yeux? Schlesinger), Zabriskie Point (Michelangelo George (Robert Aldrich), L'Initiation (Denis Antonioni), Charles mort ou vif (Alain Tanner), Héroux), Yellow Submarine (George Dunning). Jean-Claude Marineau ^1 (suite p. 43)

20 Séquences situet l'action dans un monde du futur où les glaces polaires ont submergé les continents, dans un monde sans terre comme dit le titre français, c'est un peu reconnaître la mort du mythe amé­ ricain comme terre promise. Une faillite d'ailleurs exemplifiée par la scène où le héros visite une grande ville américaine engloutie au fond des mers. Dans cet abysse, les gratte- ciel, symboles par excellence de l'Amérique pros­ père, prennent désormais l'allure de spectres lu­ gubres. En cette époque politiquement correcte, il serait difficile de tourner des westerns oppo­ TRISTANA sant cow-boys et Indiens. Il faut donc user de Les chaînes du destin, le carcan de la fatalité et du puritanisme sont à nouveau au rendez-vous stratégies. Soit en faisant des Indiens les héros, du film que Luis Bunuel construisit cette année- comme Costner l'a fait dans son autre western, là d'après la nouvelle de Benito Perez Galdos. Dances With Wolves, soit en situant l'action Fiction limpide et feutrée, Tristana est cepen­ dans un monde fantastique, comme ici, où les dant très différente des œuvres précédentes de «méchants Indiens» sont des Blancs (ou pres­ son auteur (L'Âge d'or, El, Le Journal d'une que, avez-vous remarqué jusqu'à quel point femme de chambre, Viridiana), parce que c'est au niveau de l'écriture que le cinéaste a Dennis Hopper a la peau rouge dans Water- cette fois décidé d'innover. L'action se passe à world?). Mais ce western nouvelle manière en Tolède en 1929 et dans les années subséquentes. vaut-il la peine? Très franchement, je ne me La jeune et belle Tristana () est recueillie par son tuteur Don Lope Kevin Costner dans Water-world suis pas ennuyé durant la ptojection, malgré les nombreuses failles d'un scénario souvent bâclé. (Fernando Rey), à la mort de sa mère. Don Lope fera la conquête de sa pupille jusqu'à ce que Il y a dans ce film quelques scènes d'action celle-ci décide de s'enfuir avec un jeune peintre Waterworld remarquables, réalisées avec toute l'énergie sou­ qu'elle a rencontré, mais reviendra, deux ans plus haitée. Et j'avoue avoir un faible pour le mé­ tard, malade, dans la maison de son tuteur.

(Un monde sans terre) É.-U. 1995, 135 min. — Réal.: Kevin chant monsieur Hopper que j'ai trouvé très Bunuel s'est déchargé des résonances sociales et Reynolds — Int: Kevin Costner, Jeanne Tripplehorn, Dennis drôle. Dommage, quand même, qu'à ce prix-là, politiques de l'ceuvrette originale pour créer un Hopper, Tina Majorino, Michael Jeter, Gerard Murphy — Dist: les auteurs ne se soient pas payés un vrai bon récit plein d'objectivité, de classicisme et d'équi­ Universal. libre. La bienséance, l'ordre, l'hypocrisie en pren­ scénario. L'argent ne peut pas tout acheter... nent un rude coup (Bunuel saura en tirer partie Parce qu'il a l'honneur fort douteux d'être le Martin Girard quelques années plus tard avec Le Charme film le plus coûteux de l'histoire du cinéma (on discret de la bourgeoisie, Le Fantôme de la liberté et Cet obscur objet du désir en y parle ici d'un budget dans les 180 millions de mêlant un humour grinçant). Et la charge explo­ dollars), Waterworld a profité d'un battage mé­ sive de Tristana reste claire: le choix et la diatique démesuté. Or, le film ne méritait pas révolte sont les seuls chemins qui conduisent à la tant d'attention, car il s'agit tout compte fait liberté. d'une production estivale ni plus ni moins re- marquable qu'un Die Hard de série. Tous les et aussi: Five Easy Pieces (Bob Rafelson), Le l'araignée (Bernardo Bertolucci), Le Con­ cinéphiles auront reconnu dans ce scénario apo­ Cercle rouge (jean-Pierre Melville), Enquête formiste (Bernardo Bertolucci), Dodes Kaden calyptique un remake fidèle du fabuleux Road sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (Akira Kurosawa), Catch-22 (Mike Nichols), Warrior (le deuxième Mad Max) de George (Elio Petri), Puzzle of a Downfall Child (jerry Paysage après la bataille (Andrzej Wajda), The Miller, le premier grand western futuriste. En Schatzberg), Prologue (Robin Spry), Waterloo Boys in the Band (), Le Jardin imitant aussi scrupuleusement, pout ne pas dire (Sergueï Bondartchouk), L'Aveu (Costa-Gavras), des délices (Carlos Saura), The Ballad of Woodstock (Michael Wadleigh), Domicile Cable Hogue (Sam Peckinpah), The Go- crassement, la trame du film de Miller, les conjugal (François Truffaut), Tell Them Willie Between (Joseph Losey), The Railway Chil­ auteurs de Waterworld tournent eux aussi un Boy is Here (Abraham Polonsky), The dren (Lionel Jeffries), Deux femmes en or western (de façon plus ou moins consciente?). Strawberry Statement (Stuart Hagmann), (Claude Fournier). Le film s'ouvre d'ailleurs sur une scène d'action Medium Cool (Haskell Wexler), Deep End qui reprend le motif classique de l'attaque du (Jerzy Skolimowski), M*A*S*H (Robert Altman), fort par les Indiens. Dans ce contexte de genre, Little Big Man (Arthur Penn), La Stratégie de

No 180 — Septembre/octobre 1995 43 Revue de presse Belle de jour

LA SALAMANDRE Un des grands talents d'Alain Tanner a été de peindre, avec une bonne dose de subtilité et r £± \ d'intelligence, la monotonie et la banalité de la société capitaliste, en se penchant particuliè­ rement sur son propre pays, la Suisse. Il est sur­ prenant d'ailleurs de constater comment ce pays lui a permis de continuer à tourner, en dépit de ses attaques sournoises contre l'establishment genevois. Ses réflexions s'apparentent à celles des jy intellectuels engagés que furent ses compatriotes de l'époque, Michel Soutter (Les Arpenteurs, Geneviève Page et Catherine Deneuve 1972) et surtout Claude Goretta (L'Invitation, 1973) avec qui il partage bien des affinités. Dans La Salamandre (tourné en noir et blanc et n 1963, en Espagne, les censeuts du ré­ et réalisa encore cinq longs métrages, dont son traité à la façon d'un documentaire), Tanner met gime franquiste refusent de donner à chef-d'œuvre Le Charme discret de la bourgeoi­ en scène Rosemonde, jeune fille libre, bien dans Luis Bunuel le feu vert pour tourner sie. Prince du surréalisme au cinéma, Luis sa peau, mais mal dans le milieu où elle travaille, E grisaille massive où elle se meut avec difficulté. une adaptation du roman Tristana de Benito Bunuel est né en 1900 et nous a quittés en Incapable de s'adapter au travail quotidien et aux Perez Galdos. Dépité, le célèbre cinéaste met le 1983. Belle de jour, un de ses films les plus mythes traditionnels, elle répond aux questions cap sut la France où il se console en tournant Le remarquables, était invisible en Amérique du qu'on lui pose, se révélant à elle-même, se recon­ Journal d'une femme de chambre. Il se rend Nord depuis de nombreuses années (à tout le naissant à chaque instant, ne se plaignant que des ensuite au Mexique pout y filmet Simon du moins dans les citcuits commerciaux). Grâce à gens qui ne la comprennent pas (sans le dire): désert. De tetout en France, il tente sans succès «J'ai pas vraiment voulu, je sais pas, ça s'est passé comme ça...» Mise sur orbite par Jacques Rivette d'adapter à l'écran Le Moine de Matthew G. et aussi: The Last Picture Show (Peter avec L'Amour fou (1968), Bulle Ogier traverse Bogdanovich), A Clockwork Orange (Stanley Lewis. De plus en plus las des vicissitudes de comme une comète brûlante le ciel gris de ce Kubrick), McCabe and Mrs. Miller (Robert l'industrie cinématographique, Bunuel songe film où se déplacent les faibles destins de ceux Altman), Two-Lane Blacktop (Monte Hellman), qui l'entourent alors à la retraite. C'est à ce moment que les Rendez-vous à Bray (André Delvaux), Au frères Robert et Raymond Hakim lui offrent de nom du père (), Le Genou transpose! à l'écran un roman de Joseph Kessel de Claire (Éric Rohmer), Le Souffle au cœur Altman), Sunday, Bloody Sunday (John publié en 1929, Belle de jour. Stimulé par ce film (Louis Malle), Le Marchand des quatre Schlesinger), The Devils (Ken Russell), The de commande qu'il fera entièrement sien, saisons (Rainer Werner Fassbinder), Klute Music Lovers (Ken Russell), Mon oncle (Alan J. Pakula), Harold and Maude (Hal Antoine (Claude Jutra), Max et les fer­ Bunuel décide que ce sera son œuvre ultime, son Ashby), The French Connection (William railleurs (Claude Sautet), Les Deux Anglaises testament cinématographique. À la sortie du Friedkin), Mort à Venise (Luchino Visconti), Le et le continent (François Truffaut), Family Life film, en 1967, il déclare en effet: «Le cinéma Jardin des Finzi-Contini (Vittorio De Sica), (Ken Loach), THX-1138 (George Lucas), Taking pour moi c'est fini, je ne tournerai plus. Belle de joe Hill (Bo Widerberg), WR - Les Mystères Off (Milos Forman), Walkabout (Nicolas Roeg), jour est mon dernier film». Cette affirmation de l'organisme (Dusan Makavejev), The Summer of '42 (Robert Mulligan), Dirty Beguiled (Don Siegel), Straw Dogs (Sam s'avérera présomptueuse, puisque en réalité Harry (Don Siegel), Love Story (Arthur Hiller). Peckinpah), Brewster McCloud (Robert Bunuel ne prit sa retraite que dix ans plus tard I No 180 — Septembre/octobre 1995 4S une sorte de ruse, d'humour noir qui prend soutenu, qu'il ne nous laisse jamais reprendre volontiers le masque de l'humour rose, pour notre souffle.» Le critique du Newsweek est lui 1972 mieux faire saillir, soudain, quelques épines aussi épaté: «Aucun homme malintentionné aiguës, et quelques gouttes de sang. (...) Le film n'aurait pu réunir un catalogue aussi comique n'emprunte pas à l'onirisme ses signes extérieurs d'obsessions erotiques que celui compilé pat de richesse, symboles ou vertiges, il en reproduit Luis Bunuel dans Belle de jour. Ce divertisse­ la lumière égale et diffuse, plus violente d'être ment élégant (...) est l'œuvre d'un homme équi­ voilée. C'est, du reste, de rêverie, plutôt que de libré...» Renata Adler, du New York Times, avoue têve, qu'il faut parler. Le rêve soumet le rêveur, quant à elle ne pas trop apprécier en général le l'investit, l'asservit à sa loi. La rêverie est plus cocktail «de religion, de déchéance et d'érotisme docile, plus chatoyante, mieux imaginative. En­ motbide» qu'offre le cinéma de Bunuel. Elle tre chien et loup, Séverine rêve éveillée, guidée s'empresse néanmoins d'ajoutet que Belle de par d'imperceptibles appels, offerte à un cérémo­ jour «est vraiment un beau film (...). En intro­ LE DERNIER TANGO A PARIS nial dont elle éprouve les lois obscures, libre et duisant la couleur dans son univers — ceci est le Les douloureuses réflexions de Bernardo captive à la fois. Et nous devenons les rêveurs — premier film en couleurs de Bunuel — (le ci­ Bertolucci, exposées quelques années plus tôt les voyeurs — de sa rêverie à mi-voix, à mi- néaste) a transformé l'impact émotif de ses ob­ dans La Stratégie de l'araignée ( 1970) et Le sommeil. Prisonniers à notre tour d'un entre­ sessions d'une façon tout à fait imprévisible. Conformiste (1970), sont reprises avec ce I deux ambigu où s'élabore l'espace du film, et sa Tous ces personnages bien propres, aimables, Dernier Tango à Paris dont le succès à scandale (dû en majeure partie à des scènes d'un bien habillés, qui s'adonnent à des activités in­ continuité mouvante, menacée, fugitive.» érotisme exacerbé) a éclipsé le thème majeur, qualifiables, sont très attirants.» soit l'angoisse associée à une civilisation Pour terminer, laissons la parole à Joseph contemporaine totalement dépourvue d'attaches Kessel lui-même qui, après avoir vu le film émotionnelles. Les agissements du veuf Marlon adapté de son roman, écrivait à un ami: «j'avais Brando (sa femme s'est suicidée) qui poursuit de ses assiduités la jeune fille (Maria Schneider) qu'il peur en allant à cette projection. J'en sors bou­ a rencontrée par hasard dans un appartement leversé et plein de gratitude. Le génie de Bunuel vide, c'est le cri de l'homme devant l'inaccessi- a dépassé de beaucoup tout ce que je pouvais bilité au bonheur le plus élémentaire et le choix espérer. C'est à la fois le livre, et ce n'est pas le de pouvoir vivre autrement Le plus doué (et livre. Nous sommes dans une autre dimension: sans doute le plus imprévisible) des cinéastes celle du subconscient, celle des fèves et des ins­ italiens de sa génération laisse éclater la poésie à des moments où l'on s'attend le moins. Mais ce tincts secrets soudain mis à nu. Et quelle beauté sont le sexe et la mort qui jouent ici un rôle formelle des images. Quelle angoisse physique! primordial, buts suprêmes de cet «éclaircis­ Et, sous la dureté, la pitié la plus contenue et la sement de soi» dont parle régulièrement le plus émouvante.» cinéaste lors de ses entrevues. Car comment Catherine Deneuve Belle de jour remporta le Lion d'Or au Fes­ expliquer autrement que par le désespoir le long panoramique hurlant de Brando sous le métro tival de Venise en 1967. aérien, les regards tour à tour diffus et intenses Sans créer le scandale que d'aucuns antici­ Martin Girard de Maria Schneider, les plans de ce logis paient, Belle de jour connut un joli succès en dépourvu de tout meuble, de toute présence France et relança ainsi la carrière de Bunuel, physique? Un film dont on sort complètement lui permettant enfin de réaliser Tristana (sa épuisé. deuxième collaboration avec Catherine De- neuve). Aux États-Unis, comme en Angletetre, et aussi: Aguirre, la colère de Dieu (Werner son), The Godfather (Francis Ford Coppola), Belle de jour fut généralement accueilli avec Herzog), Solaris (Andrei Tarkovski), Psaume Cabaret (Bob Fosse), My Childhood (Bill sérieux. Le critique Elliot Stein de la revue Sight rouge (Miklos Jancso), Cris et chuchotements Douglas), Deliverance (John Boorman), The & Sound n'hésite pas à qualifier le film de chef- (Ingmar Bergman), Les Emigrants (jan Troell), Harder They Come (Perry Henzell), Soylent d'œuvre en ajoutant qu'il s'agit «du film le plus Le Charme discret de la bourgeoisie (Luis Green (Richard Fleischer), La Vraie Nature de accompli techniquement de Bunuel et son plus Bunuel), Slaughterhouse-Five (George Roy Bernadette (Gilles Carle), What's Up, Doc? fluide. Il est unique, le seul de ses films dans Hill), Silent Running (Douglas Trumbull), La (Peter Bogdanovich), Duel (Steven Spielberg), classe ouvrière va au paradis (Elio Petri), Play Misty for Me (Clint Eastwood), Fritz the lequel ses obsessions, sa pureté et son esprit con- Roma (Federico Fellini), Malpertuis (Harry Cat (Ralph Bakshi), Les Larmes amères de vulsif ont été pleinement et parfaitement organi­ Kùmel) Punishment Park (Peter Watkins), Fat Petra von Kant (Rainer Werner Fassbinder), sés dans un tout architectonique. Le film se City (John Huston), L'Amour l'après-midi Ludwig, requiem pour un roi vierge (Hans- déroule avec une telle souplesse, à un rythme si (Éric Rohmer), O Lucky Man! (Lindsay Ander- Jùrgen Syberberg), Sisters (Brian De Palma).

No 180 — Septembre/octobre 1995 4" EVENEMENT VIDEO DEUXIÈME MANIFESTATION INTERNATIONALE VIDÉO ET ART ÉLECTRONIQUE

ancée modestement en 1993 par Champ Libre, qui défilent. Mais les quelques gros plans du thorax cette biennale, qui avait lieu du 19 au 25 sep­ de l'homme en souffrance frappent l'imaginaire. LA NUIT AMERICAINE Ltembre dernier, prenait cette année de l'expan­ Cette année, la Deuxième manifestation faisait Sans doute le plus complet, le plus vibrant des sion en s'installant dans les spacieux locaux de une place particulière aux vidéastes de l'Europe de films de François Truffaut, et un hommage monu­ l'Usine C, lieux de création appropriés à ce mé­ l'Est en présentant un programme entier consacré mental (quoique tendre et ému) au cinéma dans dium en pleine effervescence. L'événement com­ à leurs oeuvres. Mentionnons entre autres, Beta toute sa grandeur et sa poésie, La Nuit Amé­ prenait en plus des quinze programmes vidéos, des Nassau du vidéaste polonais Piotr Wynykowski. ricaine (qui valut à son auteur un Oscar à performances, des installations et des conféren­ Contrairement à de nombreuses vidéos hautement Hollywood et que le cinéaste à dédié à Dorothy ces-rencontres, offrant aux technologiques, celle-ci se et Lilian Gish, les premières stars du muet) fait créateurs et spectateurs un différencie par sa simplicité partie de ces œuvres inclassables où le film dans temps de réflexion afin de d'exécution. C'est le re­ le film est le personnage principal. Les éléments mieux cerner les enjeux ac­ tour aux sources, une ani­ du tournage de Je vous présente Pamela s'im­ tuels liés à l'évolution de la mation naturelle sans ordi­ briquent les uns dans les autres à mesure que l'on culture technologique. Les nateur et sans post- pro­ suit et comprend les problèmes souvent anec- trois théâtres de projection duction. Des motifs abs­ dotiques. parfois majeurs, auxquels se bute le électronique, dans lesquels traits aux couleurs cha­ metteur en scène Ferrand (interprété par Truffaut étaient présentés simultané­ toyantes défilent lentement lui-même). Grands moments du film: Jean-Pierre ment chaque programme, sans interruption sur une Léaud qui pose la fameuse question: «Est-ce que Tableau d'amour les femmes sont magiques?» (écho qui sera repris aux spectateurs offraient un musique répétitive. Le ré­ et développé en détail en 1977 dans L'Homme panorama de la vidéo expérimentale de plus de sultat a quelque chose d'hypnotisant pour le spec­ qui aimait les femmes), Jacqueline Bisset qui vingt pays. tateur et ce, sans nul recours à une surenchère fait sa crise de starlette et réclame «du beurre en d'effets. Parmi ceux-ci, Tableau d'amour du vidéaste motte»,Valentina Cortese qui oublie ses répliques français Bériou, nous conviait à I a fécondation de Il faut souligner l'heureuse initiative de Champ et entraîne une série ininterrompue de prises. la lune. Cette vidéo d'animation montre neuf varia­ Libre qui a mis sur pied un tel événement interna­ Mais La Nuit américaine tourne aussi autour tions erotiques montrant un couple dont les corps tional qui non seulement rend compte des nouvel­ de la question: «Le cinéma est-il supérieur à la modélisés et changeants se meuvent dans les pro­ les tendances du média mais suscite également un vie?», sans y apporter de réponse parce qu'il n'y fondeurs aquatiques. L'oeil central aura tôt fait de questionnement nécessaire.Prochain rendez-vous: en a pas. «Autant demander à un enfant s'il pré­ les gober pour les restituer sous diverses formes 1997. fère son père à sa mère!», disait Truffaut, dont l'aisance créatrice se lira dans toute son oeuvre végétales. On assiste à une mosaïque de formes Louise-Véronique Sicotte organiques en mouvance dont le rythme du mon­ subséquente. tage et du mouvement des corps est une chorégra­ phie harmonieuse et un ensemble visuel très esthé­ et aussi: Amarcord (Federico Fellini), Le (Claude Goretta), Le Retour d'Afrique (Alain tique. L'aspect erotique y est abordé de manière Crépuscule des dieux (Luchino Visconti), La Tanner), Kamouraska (Claude Jutra), Sleeper poétique mais plutôt puérile. Maman et la putain (Jean Eustache), La (Woody Allen), Don't Look Now (Nicolas L'artiste multimédia Alain Pelletier présentait Grande Bouffe (Marco Ferreri), État de siège Roeg), The Hireling (Alan Bridges), Paper quant à lui, une évocation très personnelle de (Costa-Gavras), La Terre promise (Miguel Moon (Peter Bogdanovich), Mean Streets l'agonie de Faust, se voulant aussi une réflexion sur Littin), La Bataille du Chili (Patrizio Guzman), (Martin Scorsese), American Graffiti (George les derniers moments de la vie; là où le corps en Réjeanne Padovani (Denys Arcand), Toute Lucas), Badlands (Terrence Malick), Jeremiah douleur se tord, attend solitaire sa délivrance. Ici, nudité sera châtiée (Arnaldo Jabor), Belle Johnson (Sydney Pollack), The Way We Were la bande sonore richement texturée s'allie au visuel (André Delvaux), Jours de 36 (Théo (Sydney Pollack), The Sting (George Roy Hill), qui renforce l'impression de douleur globale de Angelopoulos), Portier de nuit (Liliana Cavani), The Last Detail (Hal Ashby), The Long l'être. Le texte poétique et philosophique dit, en­ Les Noces (Andrzej Wajda), L'Esprit de la Goodbye (Robert Altman), The Exorcist ruche (Victor Erice), Scènes de la vie tre autres, solennellement par Jean-Pierre Ronfard, (William Friedkin). conjugale (Ingmar Bergman), L'Invitation se perd malheureusement dans le flot des images I

No 180 — Septembre/octobre 1995 49 plan nous permet de mieux apprécier le travail QUELQUES CASSETTES de ces hommes de l'ombre dont dépend tout le PARMI TANT D'AUTRES: succès du film.

Les biographies font presque toujours la part MAKING OF: belle aux grandes stats américaines. Ces casset­ Alien (1980) (30 min.) (V.F.) tes-brosses à reluire sont généralement dégouli­ Gone with the Wind (1988) (120 min.) nantes de flatteries et de bons souvenirs qu'une (V.O, Ang.) vieille vedette se plaît à raconter au journaliste Jurassic Park (1995) (50 min.) (V.O.Ang.) attentif. Attendrissements et larmes à l'œil sont Short Cuts (1994) (90 min.) (V.O.Ang) au menu. La série The Hollywood Collection en est le parfait exemple. Toutefois, le principal ACTEURS - ACTRICES: intérêt de ces cassettes ne réside pas dans ce que Bela Lugosi, The Forgotten King (1985) peuvent dire les personnes interviewées, mais (55 min.) (V.O. Ang.) bien plus dans les documents photographiques Unknown Chaplin (1983) (55 min.) qui sont présentés. Vieux films qui ne passent (V.O.Ang.) (3 Vol.) plus nulle part, scènes coupées au montage, pho­ A Hard Act to Follow Keaton (1987) Le succès que Francis Ford Coppola obtint avec tographies extraites d'albums de famille, ce sont (52 min.) (V.O. Ang.) (3 Vol.) The Godfather (1972) a eu tendance au cours ces documents, arrachés au temps et à l'oubli, The Hollywood Collection (1991) des ans à faire oublier son film suivant, incon­ qui donnent de la valeur à ces hagiographies. (60 min.) (V.O.Ang.) (I I volumes) testablement son meilleur. Vaguement inspiré par Comment, pat exemple, ne pas être ému en re­ (Épisode: Robert Mitchum) É la vie de Hal Lipset (un expert en son) et par le connaissant en ce vieil homme malade, assis en Blow Up d'Antonioni, le scénario de The pyjama sur un lit d'hôpital, Bêla Lugosi, l'ex- THÉMATIQUES: Conversation avait été écrit par Coppola à la fin des années 60 avec l'idée d'en faire un film grande vedette des films d'horreur? The True Story of Frankenstein (1994) (55 min.) (V.O. Ang.) d'horreur contemporain qui explorerait la notion Faire le tour des cassettes documentaires trai­ de vie privée. L'histoire de l'Amérique de Hollywood, a Celebration of the tant du cinéma est impossible. Elles sont à la fois l'époque contribua à le faire connaître encore American Silent Film (1980) (52 min.) nombreuses et difficiles à trouver, car peu de plus à cause de l'hémorragie causée par le (V.O.Ang.) (13 volumes) vidéo-clubs possèdent une telle section. N'hési­ scandale du Watergate qui provoqua la chute du (Épisode: Out West) tez donc pas à les enregistrer lors de leur passage président Nixon. Le film raconte les aventures de Harry Caul, un as de l'enregistrement à distance, sur le petit écran. Si American Cinema n'en vaut qui consent, pour un riche client, à enregistrer pas la peine (voir Séquences n° 177, p. 53), une les conversations d'un couple au milieu d'une série comme Hollywood, A Celebration of the foule. Lorsqu'un doute le saisira (quel sera l'usage American Silent Film mérite une place de choix de ces bandes?) et qu'il découvrira que la tech­ dans votre vidéothèque. Comme son titre l'indi­ nique qu'il utilise peut entraîner des consé­ quences graves, il demandera à voir son com­ que, cette série rend hommage au cinéma muet manditaire. Mais les enregistrements lui sont américain. Un des 13 épisodes, Out West, est volés et le modeste «plombier» deviendra à son consacré au western. On peut y voir les tout tour un homme espionné et traqué. Coppola a premiers films du genre tournés aux États-Unis. concocté là un excellent suspense (le talent de Ainsi, au détour d'une rue balayée par le vent, Gene Hackman y est pour quelque chose) et sa et (aussi : Nous nous sommes tant aimés mise en scène, d'une grande efficacité, confère à vous pourrez croiser le regard glacial de William (), Chinatown (Roman Polanski), A l'histoire un extraordinaire cachet d'authenticité. S. Hart ou vous battre en duel contre Tom Mix. Woman Under the Influence (John Cassave­ Les documents photographiques sont de premier tes), Lacombe Lucien (Louis Malle), Le Miroir ordre et le commentaire est intelligent. Ce n'est (Andrei Tarkovski), Kaseki (Masaki Kobayashi), Scorsese), Effi Briest (Rainer Werner Fass­ Allonsanfan (Paolo & Vittorio Taviani), binder), L'Énigme de Kaspar Hauser bien sûr qu'un survol d'un genre et d'une Montreal Main (Frank Vitale), Thieves Like Us (Werner Herzog), Xala (Ousmane Sembène), époque, mais la qualité de l'ensemble est remar­ (Robert Altman), Il était une fois dans l'est Le Milieu du monde (Alain Tanner), The quable. (André Brassard), Céline et Julie vont en Parallax View (Alan J. Pakula), Hearts and bateau (Jacques Rivette), Serpico (Sidney Minds (Peter Davis), The Godfather Part II Olivier Lefébure du Bus Lumet), Contes immoraux (Walerian Borow­ (Francis Ford Coppola), Parfum de femme czyk), Lancelot du Lac (Robert Bresson), Le (Dino Risi), The Apprenticeship of Duddy Fantôme de la liberté (Luis Bunuel), La Kravitz (Ted Kotcheff), The Odessa File Paloma (Daniel Schmid), Alice dans les villes (Ronald Neame), L'Emmerdeur (Edouard (Wim Wenders), Les Ordres (Michel Brault), Molinaro), Emmanuelle (Just Jaeckin), Phan­ Alice Doesn't Live Here Anymore (Martin tom of the Paradise (Brian De Palma).

No 180 — Septembre/octobre 1995 SI EXCLUSIVITE VHS 1975 IT D HU:

on, il ne s'agit pas de la suite du dernier film moins. Ce long métrage est l'adaptation d'une de Luc Besson, mais plutôt d'un dessin animé bande dessinée pour adultes, que les Américains Ijaponais qui vient d'atterrir sur les étagères appellent des graphie novels (romans dessinés). des clubs vidéo. Il s'inscrit dans une série de On sent parfois la source d'inspiration, car cer­ films d'animation produits par la Toei Video, tains tableaux sont des images fixes, comme si dont les droits de distribution nord-américains les planches originales avaient été filmées direc­ NASHVILLE ont été achetés par Orion Home Video. Bien tement. Malgré la familiarité des situations et La capitale de la «country music» va permettre qu'ils ressemblent parfois à des clones de des conventions, on se surprend à contempler la à Robert Altman de s'éclater. Ses précédents Goldorak, de Mini-fée ou de Demetan la gre­ beauté hypnotique du dessin, qui table à fond films (M*A*S*H, McCabe and Mrs. Miller, nouille (Ouch les souvenirs! Qui se souvient des sur des effets formels racoleurs comme le contre- Brewster McCloud, Thieves Like Us, The paroles des chansons?), ces dessins animés ne jour, les reflets artificiels, l'érotisme jazzé, les Long Goodbye) avaient réussi à prouver qu'il s'adressent aucunement aux enfants. Ils sont plu­ ralentis hyper-sanglants à la John Woo, la subdi­ était facilement devenu le chef de file d'un cinéma nouveau, contestataire grâce à un style à tôt dans la lignée d'Akira, ce long métrage de vision du cadre. la fois corrosif et décontracté. Dans Nashville, 1988 ultra-violent et futuriste, qui reprenait à Et puis, bien sûr, puisqu'il s'agit d'un dessin une vaste fresque musico-sociale qui présente un son compte l'esthétique de Blade Runner. Le animé japonais, on a droit aux gros yeux flottant récit polyphonique à travers une vingtaine de succès undetgtound d'Akira explique peut-être dans un bouillonnement de larmes chaudes. On personnages dont les destinées se croisent sur la parution de cette série. n'arrête peut-être pas le progrès, mais on n'arrê­ fond de campagne électorale, le cinéaste règle son compte à une civilisation qui va à la dérive. Certains titres proviennent de séries télévisées tera sûrement pas le mélodrame au Japon, même Le film se présente comme un ingénieux et comprennent plusieurs épisodes (lire plusieurs s'il est ultra-violent et destiné aux adultes con­ enchevêtrement de tableaux et de situations, où cassettes). Par exemple, Robotech II: The sentants. l'on est témoin d'un monde en proie à la joyeuse Sentinels, d'une durée de 90 minutes, est adapté André Caron folie médiatique et qu'obsèdent les rapports de d'une série de 85 épisodes. Crying Freeman, sexe, d'argent, de succès et de pouvoir, libidos pour sa part, regroupe pour le moment quatte que l'on pourrait considérer fondamentales de la société américaine. Mais au milieu de tout cela, chapitres de 50 minutes. L'animation se révèle et aussi: Cria Cuervos (Carlos Saura), Jaws Altman laisse percer une profonde tendresse, (Steven Spielberg), One Flew Over the plutôt satisfaisante, avec une attention particu­ une nostalgie de la communication vraie, Cuckoo's Nest (Milos Forman), Faux lière apportée aux décors et aux couleurs. Si la humaine, grâce à quelques personnages paumés mouvement (Wim Wenders), Maman qui savent s'interroger sur le pourquoi de cette beauté formelle et graphique est fascinante, les Kusters s'en va au ciel (Rainer Werner fascinante kermesse funèbre. Claude» Beylie histoires ne sont souvent prétextes qu'à un défer­ Fassbinder), Le Voyage des comédiens (Théo résume Nashville par ces mots: «Cinéaste lement de violence abrutissante (comme dans Angelopoulos), Profession Reporter (Miche­ libéral, antiromantique, expert en démystification langelo Antonioni), Dersou Ouzala (Akira Fist of the North Star) ou d'aventures puériles sauvage, Robert Altman nous donne ici sa Kurosawa), Vices privés, vertus publiques (la série des Dirty Pair, dont le titre laisse per­ version musicale du cauchemar climatisé». (Miklos jancso), La Terre promise (Andrzej plexe parce que trompeur). Wajda), Picnic at Hanging Rock (Peter Weir), Pour sa part, The Professional: Golgo 13 Chronique des années de braise (Mohammed (David Cronenberg), Mes petites amoureuses nous entraîne dans l'univers des tueurs d'élite, Lakhdar-Hamina), Jeanne Dielman, 23 Quai (Jean Eustache), Que la fête commence ces mercenaires qui vendent leuts services au du Commerce, 1080 Bruxelles (Chantai (Bertrand Tavernier), La Tête de Normande plus offrant. Duke, le professionnel du titre, Akerman), La Flûte enchantée (Ingmar St-Onge (Gilles Carie), Cousin cousine (Jean- Bergman), Barry Lyndon (Stanley Kubrick), devient lui-même la cible d'une vendetta invrai­ Charles Tacchella), Love and Death (Woody Lisztomania (Ken Russell), Tommy (Ken semblable, organisée par un magnat de la fi­ Allen), Shampoo (Hal Ashby), Les Valseuses Russell), Dog Day Afternoon (Sidney Lumet), (Bertrand Blier), Monty Python and the Holy nance américaine qui a mobilisé les forces con­ L'Histoire d'Adèle H. (François Truffaut), The Grail (Terry Gilliam, Terry Jones), The Texas jointes de la CIA, du FBI et de l'armée pour French Connection (John Frankenheimer), Chainsaw Massacre (Tobe Hooper). venir à bout de l'assassin de son fils, rien de Lenny (Bob Fosse), The Parasite Murders

No 180 — Septembre/octobre 1995 53 Trames sonores

Souvenirs sur la vie et l'œuvre de Miklos Rozsa (190/1995)

'est dans l'indifférence médiatique la plus to film que pour les œuvres composées à l'extérieur tale que Miklos Rôzsa est mott le 27 juillet du cinéma. Bien qu'il ait été l'ami de tout ce que Cdernier d'une pneumonie. Si quelques publi­ la musique compte de noms célèbres, les chefs cations spécialisées, comme Variety et Entertain­ Antal Dorati, Charles Mùnch, Bruno Walter, ment Weekly, ont souligné l'événement, seul Georg Solti, Eugene Ormandy, le violoniste L'EAU CHAUDE, L'EAU FRETTE Time, parmi les gtands hebdomadaites, en a Jascha Heifetz et le violoncelliste Gtegor Né à Montréal, André Forcier s'est complu dans brièvement fait mention dans ses éphémérides, Piatigorsky, etc., il paie aujourd'hui le prix que le la satire fougueuse, outrancière, vivante, des se payant le luxe en passant de mal orthogra­ monde de la musique sérieuse réserve aux musi­ milieux «pognés» de la métropole, pendant que phier le nom du musicien. Newsweek quant à lui ciens qui osent s'aventurer derrière l'écran. d'autres (auteurs de théâtre inclus) n'ont réussi l'ignorait complètement, préférant signaler le qu'à nous la montrer superficiellement Les per­ DOUBLE VIE décès la même semaine de Laurindo Almeida, sonnages de Forcier sont des marginaux que l'on Et pourtant, guidé et motivé par l'exemple de voudrait rencontrer, connaître, parce que de un guitariste de talent mais compositeut mineur, son ami Arthur Honegger, c'est un peu par la chacun d'entre eux suinte une humanité qui les qui œuvra lui aussi dans de nombreux films, soit nécessité de subvenir à ses besoins que Rôzsa rend aimables et conscients du rôle qu'ils ont à comme soliste, soit comme compositeur de piè­ vient à la musique de film au milieu des années jouer dans la société, même si cette société ne ces pour guitare, luth ou mandoline. — On lui les a pas trop gâtés. Il va sans dire que les héros 30. Si par goût, la musique pute est sa première doit entre autres la musique du film Maracaibo du Retour de l'Immaculée Conception I préoccupation, il produit pour le cinéma des de Cornel Wilde —. Le ttès court entrefilet paru (1971) et de Bar Salon (1973) sont des médio­ partitions qui ne le cèdent en rien sur le plan de cres dont l'univers est aussi étroit que les bouges dans La Presse semble un bien dérisoire hom­ l'inspiration à ses œuvres de concert. Toute sa qu'ils fréquentent, mais ce sont des hommes et mage en regard de l'importance et de la place vie, il évoluera avec aisance entre le cinéma et la des femmes sublimes qui nous font repenser que Rôzsa s'était taillé dans le monde du cinéma salle de concert où il laissera un imposant cata­ notre quotidien et réajuster notre vision du et de la musique dite sérieuse. monde. Dans L'Eau chaude, l'eau frette, logue d'œuvres dépassant ttente numéros Forcier nous présente son petit groupe de UNE ŒUVRE PARADOXALE d'opus. Ses mémoires, parus en 1982, revus et désœuvrés comme s'il s'agissait de vieux amis: Âgé de 88 ans au moment de sa disparition, réédités en 1989 chez Wynwood à New York, l'usurier du coin, à la fois tyran et bienfaiteur, le Miklos Rôzsa était souffrant depuis plusieurs témoignent de cette préoccupation et portent le garçon-livreur, la petite de douze ans, précoce et années. Victime au début des années 80 d'une titre révélateur de Double Life (inspiré du titre dégourdie, sa mère qui paie ses dettes en nature... En quoi cette peinture de mœurs est-elle 1 du drame psychologique A Double Life, réalisé hémorragie cérébrale qui l'avait beaucoup dimi­ différente de celle d'Une histoire inventée ou nué, il n'en avait pas moins continué son activité en 1948 par George Cukor, dont il signa la de celle du Vent du Wyoming, les plus récents de compositeur consacrée uniquement à la mu­ flms de Forcier? En rien: les vrais auteurs sont sique de concert. Avec Dead Men don't Wear ceux qui refont le même film pour le plaisir de et aussi: Au fil du temps (Wim Wenders), 1900 nous prouver que nous ne sommes finalement Plaid de Carl Reiner, il avait signé en 1982 ses (Bernardo Bertolucci), Cadavres exquis pas seuls. adieux au cinéma auquel il avait livté pendant (Francesco Rosi), Carrie (Brian de Palma), plus de cinquante ans, depuis 1937 et Knight L'Empire des sens (Nagisa Oshima), All the Without Armor de Jacques Feydet, au delà President's Men (Alan J. Pakula), Le Désert Siegel), Sebastiane (Derek Jarman), des Tartares (Valerio Zurlini), L'Innocent d'une centaine de partitions de films. Curieuse­ (Martin Scorsese), Le Juge et l'assassin (Luchino Visconti), The Missouri Breaks (Bertrand Tavernier), Bugsy Malone (Alan ment, toute l'œuvre de Rôzsa pour le cinéma (Arthur Penn), Family Plot (Alfred Hitchcock), Parker), La Marche triomphale (Marco relève d'un paradoxe étonnant. Le musicien n'a L'Esclave de l'amour (Nikita Mikhalkov), Bellocchio), J.A. Martin photographe (jean en effet jamais caché son peu d'intérêt et sa L'Argent de poche (François Truffaut), Noirs Beaudin), La Marquise d'O... (Éric Rohmer), La méfiance pour cette forme d'art, lui qui allait et blancs en couleurs/La Victoire en Chasse royale (Mrinal Sen), The Man Who être l'un de ses artisans collectifs les plus téputés chantant (Jean-Jacques Annaud), Mr Klein Fell to Earth (Nicolas Roeg), Buffalo Bill and (Joseph Losey), Cœur de verre (Werner et les plus respectés. Ce n'est d'ailleurs pas man­ the Indians (Robert Altman), The Man Who Herzog), Network (Sidney Lumet), Obsession Would Be King (John Huston), The Omen quer de respect à sa mémoire que d'affirmer qu'il (Brian De Palma), Jonas qui aura 25 ans en (Richard Donner). est aujourd'hui plus connu pour sa musique de l'an 2000 (Alain Tanner), The Shootist (Don

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Cette année-là marqua donc pour moi la révéla­ naissance de celui qui, après vos parents, est le tion de l'univers cinémusical. Bien sûr, j'ignorais responsable de vos goûts et prédispositions. Si je 1977 encore les noms des musiciens, mais ma passion dois à mes parents mon ouverture sur le monde pour la musique du cinéma était née, bien que de la musique et du cinéma, c'est Miklos Rôzsa je n'en avais pas vraiment conscience à ce mo­ qui fut en quelque sotte, et je n'ai pas honte de ment là. Mais au fil des ans, les visionnements le dire, mon maître à penser et le responsabled e de The Thief of Bagdad, The Jungle Book, ma passion pour la musique de film que je tente Ivanhoe, Quo Vadis et suttout Ben-Hur en de partager ici avec mes lecteurs. À tous ceux qui 1959, me firent connaître le nom du musicien. l'ont connu, Miklos Rôzsa s'est révélé comme un Ce monument sonore qu'est la partition de Ben- personnage d'un autre âge, un humaniste cul­ Hur, colossale certes, mais si touchante et émou­ tivé, polyglotte et grand amateur d'art qui a tou­ vante aussi, matquait en une apothéose, la fin jours cherché à exprimer dans sa musique, au d'une époque. Couronnée d'un Oscat, ce que cinéma comme dans ses œuvres personnelles, les d'aucuns désignent comme le chef d'œuvre de grandeurs et misères de l'être humain. C'est pro­ Miklos Rôzsa fut la dernière grande partition des bablement pour cette sincérité dépourvue d'af­ ANNIE HALL vétérans hollywoodiens. Les années qui suivirent fectation que sa musique a su atteindre un si Toutes ses névroses, toutes ses angoisses, toutes ses hantises, Woody Allen les a finalement con­ grand nombre d'amateurs. Des artistes de cette furent celles de la seconde génération, des Berns­ centrées en un seul film: Annie Hall. Conscient tein, Mancini, North, Goldsmith et Jarre. Dès envergure deviennent une denrée bien rare dans de son isolement et de son utilité au sein de la lors, même si je prêtais l'oreille aux nouveaux notre univers matérialiste. Son œuvre demeurera société nord-américaine, charriant depuis l'en­ venus, je suivais Rôzsa dans ses prestations de exemplaire de ce que ce siècle aura produit de fance des tonnes de culpabilité, obsédé par plus en plus rares. En dépit de la qualité souvent meilleur. l'échec de ses relations amoureuses, par le sexe, la mort et autres interrogations hautement méta­ douteuse des films, la musique réussissait tou­ RENVOIS physiques, l'humoriste et intellectuel newyorkais jours à m'emportet. C'est à cette époque que je J'ai préféré évoquer ainsi la mémoire du grand ne s'est pas, bien entendu, déplacé à Hollywood commençai à m'imprégner de sa musique en re­ musicien disparu par ces quelques anecdotes, ce soir-là pour venir chercher un des quatre cherchant ses disques et en allant voir ses films Oscars que lui ont décernés ses pairs, parce que puisées dans le récit de ses mémoires; je ne vou­ plus anciens. Je revis pêle-mêle le merveilleux justement, il ne les considère pas comme ses lais pas en effet revenir sur ce que j'ai déjà moi- The Four Feathers, les films noirs, Double pairs. Annie Hall vaut par la totale liberté même écrit dans ces pages. Je renvois donc le d'expression et de construction que s'est donnée Indemnity, The Killers, Brute Force, (dont le lecteur à l'article que je lui consacrais à l'occa­ Allen réalisateur. Tous les éléments de son uni­ thème principal devint le célèbre motif de la sion de ses 80 ans {Séquences n° 128 - avril 1987) vers se télescopent avec une virtuosité que n'ont sétie policière Dragnet), King of Kings, El Cid, jamais atteinte ses autres films, précédents ou ou au texte de l'entrevue que Miklos Rôzsa eut Lust for Life, et tant d'autres... Je suis de ceux subséquents: adresses directes au spectateur, la gentillesse de m'accorder en août 1981 lors qui pensent que dans les années 70, Rôzsa était intervention de sous-titres, irruption d'une d'un concert qu'il donnait à Détroit et que j'ai séquence de cinéma d'animation, subites plon­ las du cinéma et qu'il y livrait dans bien des cas fait paraître à l'époque dans 24 Images (n° 12 - gées dans le passé du personnage principal... des redites. Dans ses derniers films, seules à mon avril 1982) en hommage à ses 75 ans. Toutes les dix secondes (et ce, mis à part les très avis les partitions de The Private Lives of savoureux dialogues) il y a quelque chose qui fait Sherlock Holmes, The Golden Voyage of François Vallerand tilt dans notre tête, parce que les problèmes de Sinbad, Providence, Fedora et Time After Time ce juif paranoïaque, son état perpétuel d'amou­ s'élèvent au rang de ses grandes créations. Ce qui reux transi ou d'amuseur mélancolique, nous émeuvent et nous touchent profondément ne veut pas dire que toutes les autres soient ino­ pérantes, mais elles ne possèdent pas le lyrisme et aussi: Providence (Alain Resnais), Partition magique et la fougue rythmique de leurs devan­ inachevée pour piano mécanique (Nikita les femmes (François Truffaut), 3 Women cières. Mikhalkov), L'Ami américain (Wim Wenders), (Robert Altman), Le Vieux Pays où Rimbaud Rôzsa venait de composer la partition de Eye (Paolo & Vittorio Taviani), est mort (Jean-Pierre Lefebvre), La Den­ of the Needle et s'apprêtait à commencet la Camouflage (Krzysztof Zanussi), Je demande tellière (Claude Goretta), The Duellists (Ridley la parole (Gleb Panfilov), Close Encounters Scott), One Man (Robin Spry), New York, composition de Dead Men Don't Wear Plaid of the Third Kind (Steven Spielberg), Star New York (Martin Scorsese), Rocky (John G. quand j'eus la chance de le rencontrer pour une Wars (George Lucas), Stroszek (Werner Avildsen), Outrageous! (Richard Benner), conversation qui dura près de trois heures. Cette Herzog), Les Joueurs d'échecs (Satyajit Ray), L'une chante, l'autre pas (Agnès Varda), A deuxième rencontre avec le compositeur de mon Casanova (Federico Fellini), Une journée Bridge Too Far (Richard Attenborough), enfance fut l'un des grands moments de mon particulière (Ettore Scola), Le Crabe- Jabberwocky (Terry Gilliam), Eraserhead Tambour (Pierre Schoendoerffer), L'Homme existence. Moment privilégié s'il en fut, car il (David Lynch), Julia (Fred Zinnemann), Pum­ de marbre (Andrzej Wajda), Cet obscur objet ping Iron (George Buder). n'est pas donné à tout le monde de faire la con­ du désir (Luis Bunuel), L'Homme qui aimait

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ET AUSSI: le monde du spectacle Kevin Costner (par Roland Fournier, Jean Picollec/Éditions du Ro­ 1978 Le Cinéma en République Fédérale d'Alle­ cher), une des meilleures biographies jamais magne (par Hans Gunther Pflaum et Hans écrites sur un comédien, avec détails connexes Helmut Prinzler, Inter Nationes, Bonn), l'un des sur chacun des films de l'acteur et retour sur guides les plus complets et les plus exacts sur un l'origine des héros qu'il a incarnés Méliès cinéma qui a vu ses plus belles années dans les l'enchanteur (par Madeleine Malthête-Méliès, deux dernières décennies, mais qui est ici ana­ Ramsay) où l'on fait la connaissance du pionnier lysé dans son ensemble, c'est-à-dire «des com­ du cinéma par l'entremise de sa petite-fille qui mencements à notre époque», avec un supplé­ voue à son célèbre grand-père une tendresse et ment sur le cinéma de la RDA et un extraordi­ une admiration sans bornes; œuvre riche et ro­ naire lexique (qui prend plus de la moitié de mancée qui constitue un extraordinaire témoi­ l'ouvrage) sur cent réalisateurs et réalisatrices gnage sur l'homme et sa carrière Exotica (le de RFA (72) et de RDA (28), assorti de leur scénario original d'Atom Egoyan, Coach House biofilmographie complète (jusqu'en 1993); à lire, Press, en anglais), un ouvrage magnifique, super­ à conserver, à consulter à la moindre occa­ bement présenté avec photographies en cou­ leurs, une interview de l'auteur et une étude détaillée de son œuvre; vous donne envie de revoir le film plan par plan, réplique par répli­ LE MARIAGE DE MARIA BRAUN que Lauren Bacall par moi-même (Stock) Par son style, par ses déclarations («je voudrais et Maintenant (par Lauren Bacall, Stock), auto­ réaliser une œuvre qui recomposerait l'Allemagne biographie de l'actrice où elle raconte avec gé­ dans sa globalité»), Rainer Werner Fassbinder a nérosité et candeur ses années d'apprentissage été un peu le Jean Genêt de l'Allemagne des et sa carrière jusqu'en 1978 (le premier années 70, terminant sa carrière d'ailleurs par ouvrage), puis ses états d'âme actuels, dont son l'adaptation d'un roman de ce dernier (Querelle, inéluctable solitude (le second) Arrête ton 1982). Avec Le Mariage de Maria Braun, cinémal (par Nicole de Buron, Flammarion) où mélodrame puissant et sulfureux, typique de la troisième génération du cinéma allemand, l'ex-scénariste-réalisatrice (Les Saintes Ché­ Fassbinder, toujours animé de cette rage créatrice ries, Erotissimo. Elle court, elle court, la qui l'a caractérisé tout au long de sa vie, a choisi banlieue) raconte (ce sont ses termes) «les de raconter le destin d'une femme dont le mari coulisses du petit monde, passionnant, amusant est porté disparu vers la fin de la guerre et qui mais aussi cruel du show-biz». À prendre par devient entraîneuse. Mais l'homme n'est pas mort sion Les Deux Guitry (par Henry Gidel, petites doses Éclair: un siècle de cinéma et sa présence se fera sentir jusqu'au jour où tous Flammarion), admirable biographie double de à Épinay-sur-Seine (sous la direction d'Éric Le deux périront dans l'explosion d'une conduite de gaz. On a vu derrière ce scénario rocambolesque Lucien et Sacha, père et fils célèbres, remplie de Roy et Laurent Billia, Calmann-Lévy), livre d'ima­ (adapté d'une œuvre de Gerhard Zwerenz) une I répliques fameuses et de documents nou­ ges, abondamment illustré en grand et en cou­ amère parabole sur le destin d'une Allemagne leurs, qui vaut surtout pour les documents sur veaux Bande à part (par Marin Karmitz, vouée à «faire la putain» dans les années d'après- Grasset) raconte les hauts et les bas du plus les premiers comiques et feuilletons du cinéma guerre. Bien sûr, c'est une adaptation à la sauce talentueux et des plus brillants producteurs du français: une iconographie de grande valeur. Fassbinder, le prétendu miracle économique de ce cinéma français; tissé de souvenirs et de ré­ pays qui a sacrifié son âme n'étant* qu'une flexions, il raconte son métier dans un court et aussi: The Last Waltz (Martin Scorsese), immense duperie. L'admirable Hanna Schygulla, ouvrage qui vaut son pesant d'or..... Par contre, Interiors (Woody Allen), Days of Heaven comédienne attitrée du cinéaste, joue avec une sorte de jubilation à la fois lascive et masochiste dans L'Émotion culturelle (par Daniel Toscan (Terrence Malick), L'Arbre aux sabots cette anarchiste de l'amour, rôle qu'elle reprendra du Plantier, Flammarion), le président d'Uni- (Ermanno Olmi), The Deer Hunter (Michael Cimino), L'Empire de la passion (Nagisa plus ou moins dans Lili Marleen (1980) du france brosse sagement, sans passion, un tableau Oshima), Sibériade (Andrei Konchalovski), Cinq même Fassbinder. plus ou moins complet (mais juste?) de ses ren­ soirées (Nikita Mikhalkov), Rhapsodie contres avec Fellini, Bergman, Satyajit Ray ou hongroise (Miklos Jancso), Spirale (Krzysztof Rossellini Raoul Lévy, un aventurier du Zanussi), (Éric Rohmer), (Fred Schepisi), A Wedding (Robert Altman), cinéma (par Jean-Dominique Bauby, J.C. Despair (Rainer Werner Fassbinder), L'Oeuf de Pretty Baby (Louis Malle), Death on the Nile Lattes), producteur français qui eut son heure serpent (Ingmar Bergman), Dog Soldiers (Karel (John Guillermin), Lemon Popsicle (Boaz de gloire en lançant notamment Brigitte Bardot, Reisz), Coming Home (Hal Ashby), Violette Davidson), La Cage aux folles (Edouard dont l'histoire nous est racontée ici avec beau­ Nozière (Claude Chabrol), Préparez vos Molinaro), La Chambre verte (François mouchoirs (Bertrand Blier), Blue Collar (Paul coup de verve et d'intelligence et dont la mort Truffaut), Superman (Richard Donner), Grease Schrader), The Chant of jimmy Blacksmith (Randal Kleiser), The Fury (Bian de Pakna).. . (par suicide?) le 31 décembre 1966 avait choqué

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