Thèse de doctorat d’Aix-Marseille Université, Institut Méditerranéen d’Oceanographie Ecole doctorale Sciences de l’environnement, Spécialité Océanographie

Présentée par Pierre Cresson Pour obtenir le titre de docteur d’Aix-Marseille Université

Fonctionnement trophique des récifs artificiels de la baie du Prado (Marseille, France) : origine et devenir de la matière organique

Soutenue le 24 mai 2013, devant le jury composé de :

Pr. Philippe Lenfant, Université Perpignan Via Domitia ...... Rapporteur Dr. Pascal Riera, Université Pierre et Marie Curie Paris VI, ...... Rapporteur Pr. Charles-François Boudouresque, Aix-Marseille Université - MIO ...... Examinateur Pr. Enrique Macpherson, CSIC – Centre d’Estudis Avançats de Blanes ...... Examinateur Dr. Mireille Harmelin-Vivien, CNRS – MIO ...... Directrice de thèse Dr. Sandrine Ruitton, Aix-Marseille Université – MIO ...... Directrice de thèse

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« Ad augusta, per angusta» Victor Hugo, Hernani

« Docteur, […] quand je fais ça, je peux pas le faire » Coluche, Le cancer du bras droit

Cresson P. 2013. Fonctionnement trophique des récifs artificiels de la baie du Prado (Marseille, France) : origine et devenir de la matière organique. Thèse de doctorat, spécialité Océanographie. Aix Marseille Université. Marseille, France. 284 pp

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REMERCIEMENTS

Avant de commencer à exposer l’ensemble des résultats obtenus durant ces trois ans de thèse, il est légitime de remercier les gens qui ont permis qu’elle soit menée à bien.

Cette thèse a été commencée au sein du laboratoire LMGEM du Centre d’Océanologie de Marseille, et s’est terminée au sein de l’équipe EMBIO du MIO, Institut Méditerranéen d’Océanographie, laboratoire membre de l’OSU Pythéas. Je souhaite donc remercier Yvan Dekeyser, directeur de l’ancien COM et qui a dirigé à titre provisoire l’OSU Pythéas durant une grande partie de ce travail, Richard Sempéré, directeur de l’ancien laboratoire LMGEM et du nouveau MIO et François Carlotti, directeur de l’équipe EMBIO.

Pendant ces trois ans de thèse, j’ai eu l’immense privilège de pouvoir bénéficier du soutien permanent et complémentaire de mes deux directrices de thèse, Mireille Harmelin- Vivien et Sandrine Ruitton. Merci de m’avoir toujours fait profiter de vos expertises différentes mais si complémentaires et tellement utiles ! Merci Sandrine d’avoir été systématiquement présente pour toute la partie « terrain », notamment certaines sorties hivernales par des températures pas toujours clémentes. J’ai aussi souvenir d’un dimanche matin où tu as répondu présente pour ne pas me laisser tout seul avec un « certain » nombre de poissons issus d’une pêche expérimentale ! Mireille, merci pour cette capacité à synthétiser et à aller à l’essentiel quand j’avais tendance à me compliquer la vie. Et merci aussi d’avoir essayé de m’inculquer cette capacité à limiter les phrases interminables, dont on a oublié le début quand on finit de les lire ! Je pense que c’est un peu mieux sur la fin ! J’aimerais également exprimer ici ma plus grande reconnaissance à Marie-France Fontaine, qui a effectué un travail considérable pour réaliser l’ensemble des dosages biochimiques de cette thèse (quasiment 3500 analyses), toujours avec la plus grande rigueur mais aussi avec une bonne humeur communicative et autour de discussions à propos de tout et de rien très agréables ! Marie-France, je te souhaite le meilleur pour la suite !

Merci aux membres du jury, Philippe Lenfant, Pascal Riera, Charles-Francois Boudouresque et Enrique Macpherson d’avoir accepté avec autant d’enthousiasme de bien vouloir prendre le temps d’évaluer ce travail. Vos champs de compétences multiples et complémentaires dans les thématiques au sein desquelles ma thèse s’inscrit (isotopie stable,

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écologie des poissons, fonctionnement des récifs artificiels, écologie méditerranéenne) seront à n’en pas douter une véritable valeur ajoutée à mon travail.

Ce travail de thèse s’inscrit dans le cadre du programme RECIFS PRADO, porté par Emilia Médioni. Il a été soutenu par des financements de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse, représentée par Pierre Boissery et de la ville de Marseille. Merci à vous pour ce soutien.

Pendant ces trois ans (et même plus si on prend en compte mon stage de M2), j’ai eu la chance de travailler dans un contexte scientifique propice aux discussions permanentes, aux échanges de bonnes idées et aux remarques toujours constructives. Merci donc à Charles François Boudouresque et Marc Verlaque pour vos connaissances tellement nombreuses sur les écosystèmes méditerranéens en général et sur le macrophytobenthos en particulier. Merci à Marc pour la vérification des déterminations de certaines espèces de macroalgues pour lesquelles subsistaient des doutes. Merci à Daniela Banaru, avec qui les discussions « isotopes stables » m’ont permis de mieux appréhender certains problèmes complexes. Merci aussi pour les remarques qui ont amélioré le schéma fonctionnel final. Et puis, mine de rien, c’est grâce à toi que je sais faire des « boulettes » pour préparer les échantillons aux analyses isotopiques ! Avec plus de 2000 analyses isotopiques nécessaires à la réalisation de cette thèse, l’apport est conséquent ! J’ai pu aussi échanger en permanence, et surtout autour du thé, avec l’ensemble des membres du GIS Posidonie et principalement ceux qui se consacraient au suivi des récifs (Laurence Le Diréach, Patrick Astruch et Elodie Rouanet), qui ont mis plus souvent que moi la tête sous l’eau pour aller voir les récifs et avec qui les discussions « Récifs Artificiels» ont toujours été très intéressantes et utiles. Merci aussi d’avoir toujours accepté de mettre vos données à ma disposition. Merci aussi à Michelle Perret-Boudouresque (et bien sûr à Diego !) pour ta disponibilité et ta gentillesse pour aller chercher des publis complètement incongrues, qui ne doivent plus exister qu’à la bibliothèque du 6ème étage ! Grace à toi, j’ai quand même pu lire et citer une publication en slovène de 1974 sur la biochimie des algues brunes ! Un grand merci et une grande reconaissance à Dominique Estival, toujours disponible pour rendre service avec tous ces papiers et toutes ces signatures !

Une partie des résultats concernant les isotopes stables et les contenus stomacaux des poissons ont été acquis par le travail effectué par Mélanie Ourgaud durant son stage de

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Master 2. Merci aussi à Christian Ré pour le coup de main et la préparation d’une partie des analyses isotopiques des invertébrés. L’ensemble de ces analyses ont été effectuées au sein de l’UMR LIENSs de l’Université de la Rochelle par Gaël Guillou et Pierre Richard. Merci pour votre disponibilité et votre efficacité pour réaliser ces analyses et répondre aux questions que j’ai pu me poser durant ces trois ans de travail. L’étude d’un réseau trophique est nécessairement un travail complexe, dont la compréhension nécessite un ensemble de données impossible à acquérir tout seul, et fournies gracieusement par les membres du MIO qui travaillaient sur ces sujets : Melek Golbol et Anne Desnues (chl. a, nutrients et peuplements phytoplanctoniques en mer), Marion Fraysse (nutrients dans l’Huveaune), Christophe Yohia (vent), Gilles Rougier (pluviométrie), Patrick Raimbault (données SOMLIT), Bertrand Millet (hydrodynamisme de la baie de Marseille). Merci également à Jean-Yves Jouvenel, Romain Bricout et l’ensemble des membres de P2A Développement qui nous ont permis de disposer des poissons échantillonnés dans le cadre des pêches expérimentales. Merci aussi à Bernard de Ligondes, Frederic Zuberer, Grégori Bleton et Laurent Vanbostal du service plongée de l’OSU Pythéas pour les coups de main sur et sous l’eau lors de l’ensemble des missions d’échantillonnage.

Merci aussi à tous les thésards, de Marseille ou d’ailleurs. Merci à Jean Charles, digne représentant des ZZtopistes à moustaches roscovites, pour les questions sur le script de SIAR et pour la qualité de l’accueil breton, jamais remis en cause, ce qui est notable pour un normand ! Un coucou à Charlotte, dont la chronologie fait que je peux la citer alors qu’elle n’a pas pu, et surtout merci pour les questions qui ne mettent pas du tout le doute : « La somme de la biochimie chez moi ça fait à peine 20 % ? Tu as quoi comme résultats toi ? Comment tu définirais simplement un intervalle de confiance bayésien à 95 %». Merci à Yoan pour les coups de main en stats et sous R. Quoi qu’il arrive, tu resteras « le meilleur d’entre nous », même si je persiste à penser qu’une cravate rouge aurait été beaucoup plus jolie pour ta soutenance. Promis, je vote pour toi en 2042 ! Merci Jenny pour tous les papiers que tu étais (presque) la seule à pouvoir me faire passer. Et merci pour les cadeaux de Noël en provenance directe de Dublin, via Portsmouth ! ¡Un fuerte ánimo para Sebastián por la parte final de tu doctorado, tus tiburones y tus ojos de peces, a pesar de los malos olores! ¡Y gracias por las tartas de frambuesa! Bien qu’elle ne soit pas thésarde, même malgré son Science, une petite pensée ici pour ma binôme Sophie, son manchot et ses cartes postales improbables ! Une pensée amicale aussi pour Ben (et Sirius, tant qu’à citer les chiens !) qui est parti vers une autre voie…

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Enfin, merci à tous les amis qui ont été autour de moi durant ces trois ans, à commencer par Fab. Tu apparais là mais tu aurais pu apparaître dans tous les paragraphes (à part peut-être dans le jury…). Je vais rester bref parce que 3 pages ne seraient pas de trop ! Merci pour les coups de main en stats, sur le terrain quand il faisait froid, en salle de tri, avec Illustrator, à corriger des présentations et à traquer les virgules récalcitrantes dans la biblio, mais aussi et surtout pour les plongeons sur un terrain de bad, en cuisine, devant un match… Quel dommage que tes goûts rugbystiques soient si discutables, tu aurais pu être parfait ! Fanny, tu aurais aussi pu être citée dans la catégorie des thésards, mais je crois qu’on a échangé plus de choses hors du boulot, entre autres avec un détendeur dans la bouche ! Tu te souviens de tous les groupes de mollusques ? Des bises en vrac à Emilie, Lolo et tous les autres pour les bons moments passés ensemble. Des bisous aussi à Noémie, experte en cliquage de bateaux, en rats dans les cloisons en nuits sous la tente avec des huskys, mais surtout en fous rires mémorables et en bonne humeur communicative ! Merci à mon coloc Landry pour la compréhension, les films improbables du dimanche soir, le chapon et la poule, les ravioles et les remontages de moral à coup de Médoc. Je te cite : « Le thésard est vraiment un animal étrange ! », tu n’as pas eu de bol, les deux que tu connais le mieux sont très étranges, et celui que tu as récupéré devait sans doute être dans sa phase la plus étrange et la moins sociable ! Un gros bisou à Véro pour finir, la dernière arrivée mais pas la moins importante !!!

Enfin, un dernier mot pour mes racines. Les racines, c’est ce qui permet à un arbre de grandir, de s’épanouir et d’atteindre le soleil. Les racines, c’est ce qui permet aux arbres de tenir quand le vent souffle fort. Les racines, c’est enfin ce qui permet aux jeunes arbres de continuer à grandir, même quand la tempête a soufflé trop fort, cette tempête qui a soufflé si fort qu’elle a fait tomber le grand chêne qu’on pensait ne jamais voir tomber. Merci à tous ceux qui font que mes racines sont suffisamment fortes aujourd’hui pour me permettre de toujours avancer !

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AVANT-PROPOS :

Dans la totalité de ce travail, et pour simplifier la compréhension, plusieurs taxons seront identifiés selon leur sens « commun » et ce malgré le caractère non monophylétique de ces groupes : Le terme de « poisson » (ou « fish » dans les articles rédigés en anglais) sera utilisé malgré la paraphylie du groupe, et sera synonyme de téléostéens (Lecointre et Le Guyader, 2001). De même, le terme de « macroalgues » désigne un groupe polyphylétique mais sera utilisé dans son sens morphologique pour regrouper les chlorobiontes (algues vertes), phéophycées (algues brunes) et rhodobiontes (algues rouges) et pour distinguer, au sein des producteurs primaires benthiques, ces trois groupes de la magnoliophyte (Boudouresque, 2011) Le terme « invertébré » a également été utilisé, malgré la paraphylie du groupe. Enfin, le terme de « polychète » a été employé, malgré la paraphylie du groupe, pour désigner une partie du taxon des annélides (Struck et al., 2011).

Dessin Charly Cresson.

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Table des matières

Remerciements ...... 6

Avant-propos : ...... 10

Chapitre 1. Introduction ...... 17

1.1. Importance et déclin des ressources halieutiques ...... 18

1.2. Les récifs artificiels, outil de soutien à la pêche artisanale côtière ...... 18

1.3. Mécanismes de fonctionnement des récifs artificiels ...... 22

1.4. Les récifs artificiels, attracteurs ou producteurs de biomasse ? ...... 25

1.5. Problématique et objectifs de ce travail ...... 29

Chapitre 2. Matériel et méthodes ...... 31

2.1. Zone d’étude ...... 32

2.2. Echantillonnage ...... 37

2.3. Analyse du réseau trophique par les isotopes stables du carbone et de l’azote ..... 43

2.3.1. Utilisation des isotopes stables du carbone et de l’azote ...... 43

2.3.2. Préparation des échantillons ...... 46

2.4. Modèles isotopiques de mélanges ...... 48

2.5. Métriques isotopiques de communautés ...... 49

2.6. Caractérisation de l’alimentation des poissons par l’analyse des contenus stomacaux ...... 53

2.7. Détermination des facteurs de choix des consommateurs par l’analyse biochimique des sources de MO ...... 54

2.8. Analyses statistiques ...... 58

Chapitre 3. Caractérisation isotopique et biochimique des pools de MO ...... 59

3.1. Résumé – Principaux résultats ...... 60

3.2. Introduction ...... 62

3.3. Materials and Methods ...... 64

3.3.1. Study site ...... 64

3.3.2. Stable isotope analysis ...... 66

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3.3.3. Biochemical analyses ...... 66

3.3.4. Mixing models ...... 67

3.3.5. Statistical analyses ...... 67

3.4. Results ...... 67

3.4.1. Variations of biochemical composition of organic matter pools ...... 67

3.4.2. Stable isotope ratios of organic matter pools ...... 71

3.5. Discussion ...... 75

3.5.1. Origin of the organic matter ...... 75

3.5.2. Seasonal variations of OM pools ...... 76

3.5.3. Influence of hydrodynamics ...... 78

3.5.4. Influence of OM quality on trophic networks ...... 79

3.6. Conclusion ...... 80

Chapitre 4. Caractérisation isotopique et biochimique des macroalgues benthiques 83

4.1. Introduction ...... 84

4.2. Matériel et méthodes ...... 86

4.3. Résultats ...... 90

4.3.1. Caractéristiques biochimiques...... 90

4.3.2. Variations spatio-temporelles des caractéristiques biochimiques ...... 96

4.3.3. Caractéristiques isotopiques ...... 97

4.3.4. Variations spatio temporelles des signatures isotopiques ...... 99

4.3.5. Corrélations entre ratios isotopiques et concentrations biochimiques ... 101

4.4. Discussion ...... 104

4.4.1. δ13C, marqueur du métabolisme d’acquisition de carbone des macroalgues ...... 104

4.4.2. Concentrations biochimiques, indicateurs spécifiques du métabolisme des macroalgues et des apports environnementaux ...... 108

4.4.3. δ15N, indicateur des influences de l’environnement ...... 114

4.5. Conclusion ...... 117

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Chapitre 5. Caractérisation isotopique et biochimique de la magnoliophyte Posidonia oceanica ...... 123

5.1. Introduction ...... 124

5.2. Matériel et Méthodes ...... 125

5.3. Résultats ...... 127

5.3.1. Caractéristiques biochimiques ...... 127

5.3.2. Caractéristiques isotopiques ...... 131

5.4. Discussion ...... 137

5.4.1. Fonctionnement global du faisceau, variations temporelles et influences de l’environnement...... 137

5.4.2. Feuilles juvéniles et rhizomes ...... 139

5.4.3. Feuilles intermédiaires et adultes vertes ...... 141

5.4.4. Feuilles marron et feuilles en épave ...... 142

5.4.5. Epibiontes des feuilles ...... 143

5.4.6. Influence des concentrations biochimiques sur la consommation de la posidonie ...... 145

5.5. Conclusion ...... 146

Chapitre 6. Relations trophiques entre invertébrés sur les récifs artificiels ...... 149

6.1. Introduction ...... 150

6.2. Matériel et méthodes ...... 151

6.3. Résultats ...... 155

6.3.1. Signatures isotopiques des invertébrés sur les récifs artificiels ...... 155

6.3.2. Signatures isotopiques des organismes filtreurs ...... 158

6.4. Discussion ...... 162

6.4.1. Organismes filtreurs ...... 162

6.4.2. Carnivores opportunistes et détritivores ...... 166

6.4.3. Prédateurs ...... 169

6.5. Conclusion ...... 171

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Chapitre 7. Fonctionnement trophique de la communauté de poissons des récifs artificiels ...... 175

7.1. Résume du chapitre – Principaux résultats ...... 176

7.2. Abstract ...... 182

7.3. Introduction ...... 182

7.4. Materials and Methods ...... 184

7.5. Results ...... 188

7.5.1. Stable isotope ratios of fishes ...... 188

7.5.2. Stomach content analysis ...... 190

7.6. Discussion ...... 196

7.6.1. Trophic structure of fish assemblages ...... 196

7.6.2. Interest of coupling stomach contents and stable isotope ratios ...... 199

7.6.3. Use of artificial reef resources by fishes ...... 202

7.7. Acknowledgments ...... 203

7.8. Données supplémentaires ...... 205

7.8.1. Relations trophiques entre les groupes trophiques – ellipses ...... 206

7.8.2. Discussion ...... 210

7.8.3. Caractérisation du fonctionnement spatial de la communauté à partir des indices de métriques isotopiques...... 212

7.8.4. Caractérisation du fonctionnement saisonnier de la communauté à partir des indices de métriques isotopiques...... 216

Chapitre 8. Synthèse et perspectives ...... 227

8.1. Synthèse :Fonctionnement trophique des récifs artificiels ...... 229

8.1.1. Caractérisation isotopique et biochimique des sources de MO ...... 229

8.1.2. Relations trophiques chez les invertébrés – Effet de la qualité de la MO ...... 232

8.1.3. Communauté de poissons – Fonctionnement global de l’écosystème « Récifs Artificiels » ...... 237

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8.2. Perspectives ...... 246

8.2.1. Apport des nouvelles techniques en écologie trophique ...... 246

8.2.2. Est-il réellement possible d’extrapoler le fonctionnement trophique des récifs artificiels à celui d’un écosystème de substrat dur naturel ? ...... 249

8.2.3. Quantification des flux de matière et d’énergie sur les récifs artificiels. 250

8.2.4. Et dans l’avenir ? Comment vont évoluer les communautés des récifs artificiels ? ...... 251

Chapitre 9. Références bibliographiques ...... 253

Chapitre 10. Communications scientifiques principales ...... 282

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16 Chapitre 1 – Introduction

Chapitre 1. INTRODUCTION

© Sandrine Ruitton

Récifs Artificiels du Prado, module « Panier Acier » - Photo Sandrine Ruitton

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1.1.Importance et déclin des ressources halieutiques Depuis la naissance de l’humanité, l’Homme a tiré son alimentation de la nature qui l’entourait par la chasse et la cueillette, et la pêche pour les peuplades côtières. Des données archéologiques confirment cette utilisation ancienne d’outils pour la pêche il y a 90 000 ans (Lackey, 2005). Avec l’évolution des cultures, la sédentarisation et le développement des techniques, la cueillette et la chasse se sont transformées en agriculture et en élevage. L’Homme disposait ainsi de ressources alimentaires dont il maîtrisait les étapes de production. La chasse et la cueillette restent présentes à l’heure actuelle, mais comme loisirs et leur part dans l’alimentation humaine est insignifiante. Seule l’activité de pêche reste l’activité alimentaire majeure pour laquelle l’Homme n’a pas de maîtrise sur le fonctionnement global du cycle de production. En 2011, 154 millions de tonnes de poissons ont été produites par la pêche et l’aquaculture parmi lesquelles 130 millions ont été utilisé pour l’alimentation humaine (FAO, 2012). Cette production représente 17 % des apports de protéines animales de la population mondiale, et 3 milliards d’êtres humains sur Terre tirent plus de 20 % de leur apport en protéines animales des poissons. Près de 60 % de cette production est issue du milieu marin (FAO, 2012). Cette dépendance forte sur les ressources marines, est une des causes de l’exploitation totale ou en excès de près de 80 % des stocks de poissons de la planète et de la non durabilité de la plupart des pêcheries (Pauly et al., 2002 ; FAO, 2012). Comme l’ensemble des mers et océans du globe, la Méditerranée est également considérée comme étant surexploitée. Près de 80 % des stocks méditerranéens sont considérés comme pleinement exploités ou surexploités, ce qui entraine une diminution de près de 15 % des rendements de la pêche depuis 2007. Cette diminution a un impact important sur la pêche aux petits métiers côtiers. Ce type de pêche joue un rôle socio-économique majeur en Méditerranée française, étant donné que les petites unités (de taille inférieure à 12 mètres) représentent 80 % de la flotte de pêche (Colloca et al., 2004 ; Leleu, 2012). Son hétérogénéité, en ce qui concerne les engins employés (la plupart passifs) et les nombreuses espèces ciblées la rend par ailleurs complexe à appréhender (Leleu, 2012).

1.2. Les récifs artificiels, outil de soutien à la pêche artisanale côtière Face à cette diminution des ressources, plusieurs types de mesures ont été mis en place. Elles consistent pour la plupart en des mesures restrictives, qui diminuent les quotas attribués aux pêcheries (Villasante et al., 2011), qui délimitent des zones ou des périodes interdites à l’exploitation (Toonen et Mol, 2013) ou qui modifient les paramètres des engins de pêche pour en limiter l’efficacité, par exemple en augmentant la taille de mailles des filets

18 Chapitre 1 – Introduction

(Graham et al., 2007). La plupart de ces mesures ont été appliquées aux grandes pêcheries hauturières, principalement monospécifiques, avec une efficacité discutable (Villasante et al., 2011). L’application de mesures de restrictions monospécifiques est par ailleurs très mal adaptée aux petites pêcheries côtières, du fait de l’hétérogénéité des métiers qu’elle utilise et des espèces qu’elle cible (Roberts et Polunin, 1991 ; Hilborn et al., 2004). Au contraire, les mesures spatiales de gestion des pêcheries ont montré leur efficacité en zone côtière. Malgré des mesures de restriction des captures, la mise en place d’aires marines protégées permet de maintenir des rendements de pêche élevés (Cadiou et al., 2009 ; Leleu, 2012). L’installation de récifs artificiels au sein de ces zones permet d’amplifier ce maintien, par l’augmentation des biomasses de poissons (Claudet et Pelletier, 2004). Les récifs artificiels sont donc considérés comme un outil de soutien efficace à la pêche artisanale côtière (Neves Santos et Costa Monteiro, 1998 ; Wilson et al., 2002). C’est par ailleurs le seul outil de gestion qui permet une augmentation des captures par augmentation des biomasses et pas uniquement par des mesures limitatives. Selon les auteurs et les contextes, plusieurs définitions plus ou moins restrictives des récifs artificiels coexistent. La plus simple définit les récifs artificiels comme des « structures immergées délibérément sur le fond pour imiter des caractéristiques de substrats rocheux naturels » (OSPAR Commision, 1999). D’autres incluent également qu’ils ont pour but de « créer, protéger ou restaurer un écosystème riche et diversifié » et qu’ils induisent « des réponses d’attraction, de concentration, de protection et de production1 dans certains cas, avec une augmentation de la biomasse, du nombre d’espèces et de la reproduction de certaines espèces » (Lacroix et al., 2002). Dans le contexte anglo-saxon, une utilisation récréative de ces structures peut également être ajoutée à cette définition (Seaman Jr. et Jensen, 2000). Outre leur rôle pour la pêche côtière, les récifs artificiels sont des outils intéressants de gestion intégrée de la zone côtière, dans la mesure où ils remplissent cinq grands types de fonction, qui ne s’excluent pas entre elles (Seaman, 2007) :

(1) Historiquement, et dans plusieurs endroits du globe, les pêcheurs ont observé que les poissons avaient tendance à être présents en plus grand nombre autour de structures immergées et ils ont compris l’intérêt qu’il pouvait y avoir à venir pêcher dans ces zones. Les récifs artificiels ont donc été initialement utilisés comme outil d’augmentation des captures de la pêche. C’est l’utilisation la plus courante et la plus développée des récifs artificiels

1 Les parts respectives des phénomènes d’attraction, de concentration et de production seront discutées dans la suite de l’introduction.

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(Baine, 2001). L’exemple classique est celui du Japon pour lequel des archives d’immersions volontaires de récifs artificiels archaïques remontent au XVIIème siècle et où une véritable industrie nationale de production de récifs s’est développée depuis les années 1950 (Ito, 2011). Il existe également en Méditerranée des archives sur l’utilisation de dispositif pouvant s’apparenter à des récifs artificiels pour augmenter les captures de pêche. Les premières pêcheries de thon rouge en Sicile, il y a près de 3 000 ans utilisaient de grands filets lestés par des blocs rocheux pour piéger les thons lors de leurs migrations. Lorsque les filets étaient remontés à terre à la mauvaise saison, les amarres étaient coupées et les lests abandonnés au fond de la mer. Au fil des ans, l’amoncellement de lests créait un nouvel habitat sur lequel les rendements de capture étaient plus importants. Hors des périodes de pêche au thon, les pêcheurs ont vite compris l’intérêt qu’il y avait à pêcher là, et n’ont pas hésité à créer de nouveaux substrats artificiels, par exemple en coulant des vieux bateaux ou les ruines de temples antiques (Riggio et al., 2000). Avec l’évolution des techniques et des connaissances, la tendance actuelle est à la mise en place de récifs artificiels dont la forme et la taille sont optimisés pour la production de quelques espèces cibles. La conception des récifs artificiels immergés à Marseille dans le cadre du programme RECIFS PRADO 2 s’inscrit dans ce contexte (Fig.1.1.a) (2) Les récifs artificiels sont également un outil de gestion des conflits d’usage et de respect des réglementations. Par l’immersion de modules simples, lourds et massifs, il est possible de créer un obstacle aux activités illégales de chalutage ou de dragage de sédiments (Fig.1.1.b). En Méditerranée, ces récifs artificiels de protection ont été principalement utilisés pour limiter le chalutage dans les herbiers à Posidonia oceanica (Sànchez-Jerez et al., 2002) ou dans la bande des 3 milles nautiques (≈ 5.6 km) et réserver ces zones pour la petite pêche artisanale côtière (Charbonnel et al., 2001). (3) Les récifs artificiels peuvent également être utilisés comme outil de restauration du milieu et de mitigation des effets d’aménagement littoraux (Seaman, 2007). Le but de ces implantations de récifs artificiels est de ramener l’écosystème à l’état le plus semblable à ce qu’il était avant ces perturbations. L’effet le plus classiquement recherché cible les poissons. Avec l’augmentation de leurs biomasses, la capacité d’accueil des récifs est atteinte, ce qui entraîne une exportation d’individus en direction des milieux adjacents par effet « spill-over » (Harmelin-Vivien et al., 2008a). L’augmentation de biomasse permet également de disposer de reproducteurs plus gros et plus âgés, donc de meilleure qualité. Les récifs artificiels

2 RECIFS PRADO : Réhabilitation Ecologique Concertée et Innovante des Fonds Sableux par la Pose de Récifs Artificiels Diversifiés et Optimisés.

20 Chapitre 1 – Introduction fonctionnent alors comme une source d’œufs et de larves pour les écosystèmes adjacents (Stephens Jr. et Pondella II, 2002). Les récifs artificiels ont également été utilisés comme support physique pour la transplantation de macroalgues lorsque les pressions anthropiques avaient entraîné leur déclin et celui de la communauté qu’elles structuraient (Kang et al., 2008 ; Fig.1.1.c). Il est également possible de concevoir les récifs artificiels comme des « biofiltres ». Par la fixation d’une communauté de bactéries et d’organismes filtreurs, il est possible de retenir une partie de la matière organique issue de fermes aquacoles et de limiter l’eutrophisation du milieu (Angel et Spanier, 2002). Les processus de restauration sont la plupart du temps rendus plus efficaces par la mise en place d’une aires marines protégées qui limitent les pressions humaines sur la zone et favorisent les processus biologiques en jeu. (4) Les récifs artificiels peuvent jouer un rôle de support à des activités de loisirs et d’éducation à l’environnement. Cette activité, plus développée dans les pays anglo-saxons, se traduit par exemple par l’immersion de vieux navires3 ou de modules récifaux spécialement adaptés, pour créer de nouveaux sites de plongée (Fig.1.1d). Ces immersions suscitent généralement un fort intérêt auprès des plongeurs (Ditton et al., 2002). Des zones de récifs artificiels ont également été créées à destination des pêcheurs amateurs avec un apport économique non négligeable (Hushak et al., 1999). L’implantation de récifs artificiels de loisir peut permettre de limiter les conflits d’usage entre les pêcheurs amateurs et professionnels, ou entre les pêcheurs et les plongeurs par la création de zones spécifiques à chaque activité. Elle peut également être un moyen de limiter les pressions sur certaines zones sensibles en créant des zones accessibles aux plongeurs débutants et en limitant l’accès des zones vulnérables et trop fréquentées aux plongeurs confirmés. Le déploiement de zones de récifs artificiels permet aussi la plupart du temps de mettre en place des opérations de communication qui permettent de sensibiliser le grand public aux problématiques environnementales. (5) Enfin, les récifs artificiels ont un rôle important comme sujet de recherche et comme sites expérimentaux (Baine, 2001 ; Miller, 2002 ; Bortone, 2006). Une partie des travaux essaye de comprendre et de décrire les mécanismes écologiques impliqués dans le fonctionnement global des récifs artificiels (Neves Santos et Costa Monteiro, 1998 ; Danovaro et al., 2002 ; Relini et al., 2002 ; Powers et al., 2003 ; Leitão et al., 2008 ; Koeck et al., 2011). D’autres, au contraire, cherchent à utiliser les récifs artificiels pour proposer et tester des hypothèses et pour développer des modèles écologiques. La possibilité de disposer de

3 En France, la législation considère les épaves de bateaux comme des déchets et interdit leur immersion, même après une dépollution stricte.

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modules identiques permet d’appliquer des traitements expérimentaux à une partie d’entre eux, et de comparer les effets de ces traitements aux mêmes récifs non modifiés (Hixon et Beets, 1989 ; Eklund, 1997 ; Charbonnel et al., 2002 ; Gratwicke et Speight, 2005 ; Vega Fernández et al., 2009; Fig. 4.1.e)

Fig. 1.1 : Illustration des fonctions possibles des récifs artificiels. (a) Récif artificiel de production de type « Panier Acier » immergé à Marseille, dans le cadre du programme RECIF PRADO (Photo : Sandrine Ruitton) (b) Récifs artificiels de protection « Fakir » (13 m3, 8 t) avant leur immersion dans le Parc Marin de la Côte Bleue (Photo Eric Charbonnel). (c) Utilisation des récifs artificiels pour la restauration des écosystèmes par la transplantation de macroalgues du genre Laminaria spp. en Corée du Sud (photo : http://www.lib.noaa.gov/retiredsites/korea/wildstock_enhancement/ecosystem.htm). (d) Epave du porte avion USS Oriskany, coulé dans le golfe du Mexique en mai 2006 pour créer un nouveau site de plongée et qui est considéré à l’heure actuelle comme le plus grand récif artificiel du monde (photo : http://www.ussoriskanydiver.com/oriskany.htm). (e) Utilisation des récifs artificiels comme support expérimental. L’effet de la présence ou non d’un couvert algal sur l’efficacité de germination des œufs de Cystoseira a été testé par le grattage de la moitié de la surface d’un récif « chicane » (à droite sur la photo), implanté dans le cadre du programme RECIFS PRADO (Photo : Sandrine Ruitton).

1.3. Mécanismes de fonctionnement des récifs artificiels Si de nombreux travaux ont été effectués sur les récifs artificiels, la plupart d’entre eux ont cherché à comprendre quels mécanismes biologiques pouvaient expliquer les augmentations de biomasse qui sont observées à proximité de ces structures. En milieu benthique, la surface disponible de substrat est un facteur limitant majeur qui conditionne fortement les relations interspécifiques entre organismes sessiles et

22 Chapitre 1 – Introduction benthiques. A ce titre, le déploiement de récifs artificiels dans le milieu permet une augmentation importante du substrat disponible, et la colonisation rapide de ce nouveau milieu. Les premiers stades du fouling sont représentés par des bactéries présentes quasi- immédiatement après l’immersion des récifs artificiels (Wahl, 1989). Ces cellules conditionnent le substrat et permettent la séquence de colonisation qui aboutit à la présence des macroorganismes (Wahl, 1989 ; Svane et Petersen, 2001). Concernant les récifs du Prado, les premiers macroorganismes ont été observés sur les récifs au bout de quelques semaines (Patrick Astruch, GIS POSIDONIE, comm. pers.). La plupart étaient des filtreurs (ascidies coloniales, polychètes tubicoles) qui restent encore prédominants dans les peuplements des récifs près de trois ans après leur immersion. L’ajout de ces nouveaux habitats permet également de créer de nouveaux abris pour un grand nombre d’organismes. Bien qu’il soit difficile à appréhender, le concept de complexité de l’habitat a été identifié comme un facteur majeur pour les peuplements de poissons. Plusieurs travaux ont montré que la conception de récifs artificiels plus hétérogènes pouvait permettre une augmentation des biomasses. La présence de structures multiples permet la coexistence de cavités de taille, d’orientation ou de rugosité variables au sein desquelles de nombreux organismes peuvent trouver un abri (Gorham et Alevizon, 1989 ; Charbonnel et al., 2002 ; Gratwicke et Speight, 2005). L’effet peut également être lié à la modification des paramètres de déplacement des masses d’eaux et la création de zones de calme hydrodynamique à l’intérieur des modules récifaux (Danovaro et al., 2002). Ainsi, Charbonnel et al. (2002) ont montré que l’ajout de petits blocs au milieu de modules creux (Fig. 1.2) augmentait la richesse spécifique, l’abondance et la biomasse des poissons sur les récifs et permettait l’apparition d’espèces cryptiques, tels que des gobiidés ou des blenniidés.

Fig. 1.2 : Récifs artificiels (a) contrôle et (b) expérimentaux rendus plus complexes par ajout de matériel chaotique. D’après Charbonnel et al. (2002).

Ces résultats confirment le rôle important de la fonction d’abri des récifs artificiels. La plupart des organismes choisissent un abri d’une taille comparable à la leur, et évitent des

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habitats qui ne leur correspondent pas (Hixon et Beets, 1989). A ce titre, la notion d’hétérogénéité de l’habitat est cruciale dans le fonctionnement d’un récif artificiel. La coexistence au sein d’un même récif de structures de petite et de plus grande taille permet d’offrir des abris pour un grand nombre d’organismes. Certaines espèces peuvent également utiliser différemment les récifs au cours de la journée, comme abri nocturne et comme source d’alimentation le jour (Santos et al., 2002). Ces abris permettent également à certaines espèces d’utiliser ces habitats pour la reproduction. L’observation de pontes de céphalopodes (Fig. 1.4.a) ou de labridés construisant leur nid (Fig. 1.4.c) sur les récifs du Prado est un des éléments visibles qui confirme que ces processus ont lieu localement. L’ensemble des abris permet également le recrutement et la croissance de juvéniles pour de nombreuses espèces (Pickering et Whitmarsh, 1997 ; Love et al., 2012). Il est par ailleurs possible de complexifier encore plus les récifs pour apporter un habitat plus propice à ces mécanismes. Dans le cadre du programme RECIF PRADO, le recrutement des juvéniles de labres a ainsi été favorisé par la mise en place de filières imitant des macroalgues (Fig. 1.4.b ; Sandrine Ruitton données non publiées).

Fig.1.4 : Illustration des processus de reproduction et de recrutement sur les récifs artificiels du Prado. (a) Ponte de céphalopode dans un récif « Amas de cubes ». (b) Complexification de l’habitat par l’ajout d’algues artificielles pour favoriser le recrutement des labridés, avec en détail un juvénile de crénilabre méditerranéen Symphodus mediterraneus. (c) Construction d’un nid pour la ponte par un crénilabre cendré S. cinereus (Photos : Sandrine Ruitton).

24 Chapitre 1 – Introduction

Bien que les récifs artificiels représentent des abris pour la plupart des espèces, ils permettent également une augmentation de la disponibilité alimentaire pour leurs prédateurs. Les premiers organismes qui colonisent le substrat (bactéries et producteurs primaires) sont des sources importantes de matière organique (MO) pour le premier niveau d’organismes hétérotrophes, qui pour la plupart utilisent également les microcavités comme abris (Harmelin et Bellan-Santini, 1997). Ces espèces (crustacés, bivalves) deviennent à leur tour des proies pour les poissons (Relini et al., 2002). L’augmentation du nombre de proies potentielles a ainsi été mise en avant pour expliquer les croissances plus rapides de rascasses Scorpaena notata et S. porcus prélevées sur des récifs artificiels par rapport à des individus issus de milieux naturels (Scarcella et al., 2011). La présence d’individus juvéniles dans les récifs permet également d’apporter une source d’alimentation pour des prédateurs de haut niveau trophique (Leitão et al., 2008).

1.4. Les récifs artificiels, attracteurs ou producteurs de biomasse ? Depuis le début des travaux scientifiques dédiés au fonctionnement des récifs artificiels, un certain scepticisme a toujours prévalu quant à la capacité effective de ces structures à être des producteurs de biomasse. Cette controverse portait également sur la capacité des récifs artificiels à soutenir durablement la pêche côtière. Un débat important sur l’opposition de deux modèles conceptuels de fonctionnement des récifs artificiels, « attraction vs. production », a ainsi été le cœur de nombreux travaux (Bohnsack, 1989 ; Polovina, 1989 ; Grossman et al., 1997 ; Pickering et Whitmarsh, 1997 ; Osenberg et al., 2002 ; Powers et al., 2003 ; Brickhill et al., 2005). Dans le cadre de l’hypothèse d’attraction, le modèle considère que la disponibilité de l’habitat et de l’alimentation ne sont pas des facteurs limitant et que les deux habitats, naturels et artificiels, sont de qualité comparable 4 . Dans le cadre de cette hypothèse, les récifs artificiels sont assimilés à des dispositifs de concentration de poisson et attirent les poissons des zones naturelles. Le déploiement de récifs artificiels se traduit dans ce cas par une diminution des biomasses des zones naturelles (Fig. 1.5). L’augmentation de biomasse observée sur les récifs serait alors uniquement la résultante de l’appauvrissement des zones adjacentes, ce qui serait contre-productif par rapport à un objectif de restauration et de soutien

4 Dans ces modèles, le terme de « qualité » signifie une capacité de production de biomasse comparable entre les habitats artificiels et naturels. Ce postulat est théorique et permet de comparer des habitats comparables (Osenberg et al., 2002). Dans le cas contraire (production de biomasse plus faible sur les récifs), l’installation de récifs artificiels aurait pour effet une diminution de la biomasse sur l’ensemble de la zone (récifs artificiels + milieu naturel)

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de la pêche côtière. Dans ce modèle de fonctionnement, l’installation de récifs artificiels n’a pas d’effet sur la biomasse globale de l’écosystème.

Fig. 1.5 : Schéma conceptuel de l’évolution de la biomasse de poissons à proximité des récifs artificiels (en noir), dans les zones rocheuses naturelles adjacentes (en rouge) et dans la totalité de la zone (en bleu) selon les hypothèses (a) d’attraction ou (b) de production et avec (traits pointillés) ou sans (traits plein) activité de pêche. Adapté et redessiné à partir d’Osenberg et al. (2002), Powers et al. (2003) et Brickhill et al. (2005).

Dans le cadre de l’hypothèse de production, l’immersion de récifs artificiels permet une augmentation de la qualité du milieu, que ce soit par l’augmentation de l’habitat disponible ou de la quantité de nourriture. Cette augmentation se traduit par une augmentation de la biomasse de poissons sur les récifs artificiels. L’implantation de récifs n’a pas d’effet sur la biomasse des zones rocheuses naturelles5 et entraîne donc une nette augmentation de la biomasse globale sur l’ensemble de la zone. La plupart des travaux qui ont cherché à clarifier le débat entre attraction et production ont toujours cherché à opposer les deux hypothèses. La construction des modèles mathématiques nécessitait de considérer des postulats de base « tranchés ». Ces deux hypothèses n’intègrent par ailleurs pas de dimension temporelle qui permettrait de prendre en compte l’évolution conjointe des peuplements artificiels et naturels et les connexions qui peuvent s’établir entre eux (exportation de propagules vers le milieu naturel). La plupart des études sont de plus faussées par un design expérimental inapproprié ou un manque de

5 Dans le cadre de ces modèles « statiques », l’effet de l’exportation de propagules et d’adultes à partir des récifs n’est pas pris en compte. Dans le cas contraire, cette exportation aurait pour effet d’augmenter la biomasse des zones adjacentes.

26 Chapitre 1 – Introduction réplicats (Brickhill et al., 2005). L’effet est enfin différent en fonction des espèces selon leurs affinités différentes pour le substrat, ou selon leur niveau trophique (Brickhill et al., 2005 ; Leitão et al., 2008). De plus, il est certain que les premiers stades de colonisation des récifs sont le résultat d’une attraction d’organismes issus des zones adjacentes. La fonction de production des récifs artificiels est ainsi sans doute difficile à mettre en évidence pour des grands prédateurs pélagiques, qui peuvent utiliser les récifs pour leur alimentation de manière transitoire (Leitão et al., 2008 ; Simon et al., 2011). Il est donc plus correct de considérer que l’hypothèse d’attraction et l’hypothèse de production ne s’excluent pas et qu’ils sont les deux extrêmes d’un même continuum (Svane et Petersen, 2001). Par contre, il est évident qu’en l’absence de mesures strictes de protection des récifs artificiels, la pêche a un effet fort sur la biomasse de poissons (Fig. 1.5). Du fait de l’augmentation des biomasses, une grande partie de l’effort de pêche des substrats naturels est rapidement redirigé vers les récifs artificiels qui deviennent alors des dispositifs de pêche plus que des outils de restauration de l’écosystème. L’effet obtenu est alors l’inverse de celui qui était initialement recherché (Grossman et al., 1997). Cet effet serait encore plus néfaste si l’on considère que les récifs sont régis majoritairement par l’hypothèse d’attraction, dans la mesure où l’ensemble de la biomasse de poissons de la zone est concentrée sur les récifs artificiels et que les zones naturelles n’ont pas la capacité de produire une nouvelle biomasse. Le débat sur l’utilité ou non des récifs artificiels a également été faussé par l’utilisation importante dans les années 1970 de récifs artificiels construits à partir de déchets (Stone, 1972 ; Jensen, 2002). La première expérience européenne moderne d’immersion de récifs artificiels eut lieu en 1968 à Palavas les Flots (Languedoc-Roussillon). Elle consistait en l’immersion de 400 m3 de différentes structures, dont des carcasses de voitures et des pneus, qui ont été immergés pour permettre de créer, non seulement « un élément de productivité », mais également « l’élimination d’épaves qui encombrent villes et campagnes » (Fourrier et Barral, 2009). Des récifs en forme de tubes creux ont également été immergés à cette occasion, mais ont vite été ensablés et détruits par les tempêtes hivernales (Collart et Charbonnel, 1998). La plupart des mécanismes biologiques impliqués dans le fonctionnement des récifs artificiels sont résumés dans la figure 1.6.

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Fig. 1.6 : Mécanismes biologiques impliqués dans les augmentations de biomasse de poissons à proximité des récifs artificiels. Modifié à partir de Harmelin et Bellan-Santini (1997). Les silhouettes des organismes et du bateau sont utilisées à partir du site http://ian.umces.edu

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1.5. Problématique et objectifs de ce travail Dans le contexte du programme RECIFS PRADO, plus de 27 000 m3 de structures artificielles ont été déployées dans une zone de près de 220 hectares dans la rade de Marseille (Beurois et Medioni, 2010). Le programme RECIFS PRADO est le plus important programme d’immersion de récifs artificiels en Méditerranée. Il a pour but de réhabiliter l’écosystème côtier et de permettre une production halieutique pour soutenir l’activité de pêche professionnelle artisanale côtière. A travers un large programme de recherche, ce déploiement important est une occasion unique de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans le fonctionnement d’un tel système. Le premier objectif de ce travail de thèse est d’établir, par l’utilisation des isotopes stables du carbone et de l’azote les relations trophiques établies entre les pools de MO et les producteurs primaires et les consommateurs (invertébrés et poissons) des récifs artificiels. La mise en relation des différentes valeurs permettra de comprendre quelles sources (marine ou terrestre, locale ou allochtone) sont à la base des réseaux trophiques, de connaître les relations trophiques entre organismes, et de confirmer, ou non, le rôle effectif de producteur de biomasse des récifs artificiels. La confirmation de l’utilisation de sources locales de MO dans le réseau trophique sera un argument à apporter au débat « attraction vs. production ». L’approche isotopique pour comprendre le fonctionnement trophique d’une communauté utilisant des récifs artificiels, bien que proposée comme un outil approprié (Brickhill et al., 2005), a par ailleurs été rarement utilisée (Kang et al., 2008). Ce travail est aussi l’occasion d’apporter des informations plus fondamentales sur le fonctionnement trophique des écosystèmes côtiers de substrats durs, rarement pris en compte en Méditerranée. Les travaux sur le fonctionnement trophique des communautés se sont majoritairement intéressés aux herbiers de posidonie (Bell et Harmelin-Vivien, 1983 ; Dauby, 1989 ; Jennings et al., 1997 ; Lepoint et al., 2000 ; Pinnegar et Polunin, 2000), aux écosystèmes de substrats meubles côtiers ou profonds (Labropoulou et Kostikas, 1999 ; Darnaude, 2003 ; Carlier et al., 2007b ; Banaru, 2008 ; Bautista-Vega et al., 2008 ; Fanelli et al., 2011) ou aux lagunes côtières (Vizzini et Mazzola, 2003 ; Carlier et al., 2007a). La multiplicité des sources de MO qui peuvent influencer les réseaux trophiques côtiers rend complexe la compréhension des sources principales qui alimentent les réseaux trophiques et explique sans doute le peu de travaux existants. Cependant, l’approche isotopique peut permettre d’apporter des éléments de compréhension de la structure des réseaux trophiques dans un tel écosystème.

29 Chapitre 1 - Introduction

Enfin, l’utilisation couplée des isotopes stables et des dosages biochimiques appliqués aux sources de MO a rarement été employée, même si elle a été récemment appliquée à l’écosystème à Laminaria digitata en Bretagne par Schall (2009) et aux turfs algaux de Guadeloupe par Dromard (2013). Cette double approche permettra de mieux comprendre si les descripteurs biochimiques peuvent être de bons prédicteurs des choix trophiques des organismes. Ces analyses permettront également de proposer certains éléments de compréhension des mécanismes des choix alimentaires de certaines espèces. Ce manuscrit de thèse s’organise en 8 chapitres. A la suite de cette introduction, le deuxième chapitre présente l’ensemble des méthodes utilisées pour la réalisation de ce travail. Les cinq chapitres suivants présentent les résultats obtenus pour chacune des composantes de l’écosystème étudié. Ils correspondent à des articles publiés, soumis, ou à soumettre dans des revues internationales. Les trois premiers chapitres de résultats sont focalisés sur la caractérisation isotopique et biochimique des principales sources de MO qui influencent le système. Les résultats obtenus pour la MOP (matière organique particulaire en suspension) et la MOS (matière organique du sédiment) sont présentés dans le Chapitre 3. Ce chapitre est présenté sous la forme d’un article publié dans Marine Pollution Bulletin (Cresson et al., 2012), précédé par une courte introduction et suivi d’un tableau récapitulatif des principaux résultats. Les résultats obtenus pour les macroalgues et la magnoliophyte Posidonia oceanica font l’objet des Chapitres 4 et 5. Ils sont chacun suivis d’un tableau récapitulatif des principaux résultats. La détermination des signatures isotopiques des principaux invertébrés a permis de déterminer quelles sources de MO étaient à la base des chaînes trophiques sur les récifs artificiels du Prado. Ces résultats font l’objet du chapitre 6 et sont suivis d’un schéma récapitulatif. Les relations trophiques des poissons des récifs artificiels ont été déterminées à partir de leurs signatures isotopiques et de l’analyse de leurs contenus stomacaux. Ces résultats sont présentés dans le Chapitre 7. Ils sont présentés sous forme d’un article soumis à Journal of Experimental Biology and Ecology précédé d’une introduction. Les niches isotopiques des différentes espèces ont également été analysées, ces résultats additionnels sont présentés à la suite de ce chapitre. L’ensemble des résultats et des conclusions est résumé dans un tableau récapitulatif. Le Chapitre 8 présente la synthèse des résultats obtenus sur les réseaux trophiques des organismes des récifs artificiels du Prado. Il aborde également les perspectives issues de cette étude et les travaux ultérieurs qui pourraient être envisagés.

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Chapitre 2. MATERIEL ET METHODES

© Frederic Zuberer

Prélèvement d’un pochon d’huîtres – Photo Fréderic Zuberer

31 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes

2.1.Zone d’étude Dans le cadre du programme RECIFS PRADO, plus de 400 récifs artificiels ont été immergés entre octobre 2007 et juillet 2008, dans une zone de 220 ha située dans la baie du Prado, dans la partie sud de la rade de Marseille. Cette zone se caractérise par une profondeur moyenne de 30 mètres, un fond de détritique côtier plus ou moins envasé et une absence d’activités industrielles actuelles alors que la rade nord est plus profonde (~ 50 mètres) et est soumise aux activités industrialo-portuaires de la ville de Marseille. Les études préalables au déploiement ont conduit à la création de 6 types de récifs artificiels (Fig. 2.1), depuis des modules de petite taille, tels que les récifs chicanes, jusqu’à des modules de taille beaucoup plus importante, comme les paniers acier ou les filières hautes (Charbonnel et al., 2011).

Fig. 2.1 : Détails des 6 types de récifs artificiels implantés dans le cadre du programme RECIFS PRADO. Modifié d’après Beurois et Medioni (2010).

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L’ensemble de ces récifs unitaires a été déployé sur la zone de manière à former 6 « villages » de forme triangulaire (notés V1 à V6, Fig. 2.2), comprenant chacun une cinquantaine de récifs unitaires de tous les types architecturaux. Les 6 villages sont reliés entre eux par 8 liaisons fonctionnelles de près de 300 m de longueur et comprenant chacune 9 récifs unitaires.

La gestion de la zone s’est traduite par la mise en place d’une interdiction de toute activité dans la partie « sanctuaire » incluant les villages V1 à V3, alors que les activités ont été interdites dans la partie sud (villages V4 à V6) initialement jusqu’à la fin de l’année 2012, avant une prolongation de cette interdiction jusqu’à 2014. Après cette date, la pratique des différentes activités dans cette partie sud sera régulièrement rediscutée et déterminée en concertation avec les différents utilisateurs du milieu.

La volonté de prendre en compte l’ensemble des éléments de complexité architecturale et de gestion, ainsi que l’influence potentielle de sources de matière organique (MO) différentes sur l’ensemble de la zone des récifs artificiels, a guidé le choix des modules sur lesquels l’échantillonnage a été effectué.

33 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes

Fig. 2.2 : Implantation des 6 villages de récifs artificiels dans la rade du Prado (V1 à V6). L’échantillonnage a été effectué sur les deux modules V3 Aci 1 et V6 Aci 1. Les étoiles représentent les sites pour lesquels des données isotopiques additionnelles sur la matière organique en suspension dans l’eau sont disponibles (issues de ce travail ou de travaux précédents). SME : Station Marine d’Endoume, eau côtière influencée par les apports urbains (M. Harmelin-Vivien, données non publ.) ; Huveaune : eau fluviale apportée à la mer lors des épisodes pluvieux (cf. paragraphe 2.2) ; SOMLIT : eau marine, hors de l’influence des apports urbains (Darnaude et al., 2004) ; Cortiou : eau influencée par les rejets de l’émissaire des eaux usées de la ville de Marseille (Topçu et al., 2010)

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Pour envisager une bonne compréhension du fonctionnement global de la zone des récifs artificiels de la baie du Prado, malgré son étendue et le grand nombre de modules installés, le choix a été fait de focaliser ce travail sur deux récifs de type « Panier Acier », situés au nord (village V3) et au sud (village V6) de la zone d’implantation (respectivement nommés V3 Aci 1 et V6 Aci 1 sur la figure 2.2). Par simplification, dans la suite de ce document, la notation Aci 1 sera omise et les deux récifs seront désignés uniquement par V3 ou V6. Ce type de module a été choisi car il représente un compromis entre la complexité architecturale favorisant la présence du plus grand nombre d’espèces et l’accessibilité nécessaire à un bon échantillonnage. La grande taille de ce module garantit aussi la présence de nombreuses surfaces sur lesquelles peuvent s’installer des producteurs primaires et des organismes sessiles.

Le récif « Panier Acier » se compose de deux paniers à la base et d’un troisième au- dessus. Chaque panier est constitué d’une structure métallique de 5 m × 3 m à sa base et de 3 m de hauteur, remplie par 4 modules cubiques en béton d’1m3. Ces cubes sont par ailleurs similaires à ceux qui composent les modules « Paniers Fakir » et « Amas de Cubes ». L’apport d’éléments de complexification (pochons de coquilles huîtres, pots à poulpes, poteaux en béton et parpaings) garantit aussi la présence d’anfractuosités de petite taille, propices à l’installation de la petite faune vagile (Fig. 2.3). Les deux récifs reposent à une profondeur comparable d’une trentaine de mètres, sur un fond de matte morte de posidonie (ensemble caractéristique des herbiers à Posidonia oceanica, constitué par les rhizomes, les écailles, les racines et par le sédiment qui remplit les interstices ; Boudouresque et al. (2006a))

35 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes

Fig. 2.3 : (a) Schéma d’un panier avec les éléments de complexification; (b) vue lors de l’immersion du récif « panier acier » composé des 3 paniers soudés entre eux et (c) détail sous l’eau du panier supérieur (Crédits photos : a et b, Beurois et Medioni (2010), c, Sandrine Ruitton)

La localisation des deux modules dans les villages 3 et 6 a également été choisie afin de tenir compte des sources de MO qui peuvent potentiellement être utilisées par les organismes colonisant les récifs artificiels. Lors de périodes de mistral (vent de NW, de secteur 320 à 340°), le vent induit un upwelling dans la rade nord, mais également un courant fort qui relie les deux parties de la baie, et dont la veine principale semble s’établir à proximité du récif V3 (Pradal, 2006). La MO produite dans la rade nord peut donc être amenée à ce récif et être intégrée dans les réseaux trophiques. Le récif V6, plus au sud, est situé à proximité de l’herbier de posidonie et également plus proche de l’embouchure de l’Huveaune. Le cours de ce petit fleuve est dévié vers l’émissaire de Cortiou la majorité du temps. Lors d’épisodes pluvieux importants, il retrouve son lit normal et coule jusqu’à la rade du Prado. Ce phénomène se manifeste par l’apparition d’un important panache de dilution à proximité de la zone où sont implantés les récifs artificiels (Fig. 2.4).

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Fig. 2. 4 : a) Débit de l’Huveaune au niveau du site de prélèvement lors d’un épisode pluvieux important. La plupart du temps, l’Huveaune est à sec à cet endroit. b) Panache de dilution observé dans la baie du Prado lors du même épisode pluvieux (31/10/10, photos Pierre Cresson)

Enfin, les statuts de gestion différents des deux parties de la zone d’implantation des récifs ont également été pris en compte dans le choix des deux modules d’échantillonnage. Face à l’ouverture possible aux activités de pêche de la zone sud, il était intéressant de disposer de données obtenues dans des conditions comparables de protection dans les deux zones, afin de pouvoir observer et comparer l’évolution future des communautés soumises à des pressions différentes.

2.2. Echantillonnage Le plan d’échantillonnage a été conçu de manière à utiliser une résolution spatiale et temporelle adaptée à la variabilité de chacune des différentes composantes du système.

Pour la matière organique particulaire en suspension (MOP) de la mer, un prélèvement d’eau en subsurface (-0.5 à -1 m) a été effectué à chaque saison à la verticale de chaque récif artificiel. Pour la MOP de l’Huveaune, une veille a été maintenue afin de pouvoir prélever de l’eau lors d’épisodes pluvieux suffisamment importants pour assurer un débit de ce fleuve jusqu’à la mer, ce qui a pu être fait à 4 reprises (03/12/09, 04/05/10, 15/06/10, 31/10/10). Les relevés de pluviométrie de cette période montrent que les prélèvements correspondent aux 4 évènements pluvieux majeurs survenus entre décembre 2009 et la fin de l’année 2010.

Tous les échantillons d’eau ont été au préalable préfiltrés sur un tamis de maille 250 µm pour retirer les éléments de taille supérieure (débris de producteurs primaires ou macro-déchets). La MOP est obtenue par filtration de 2.5 L d’eau de mer et de 0.5 L d’eau de

37 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes l’Huveaune sur des filtres GF/F en fibre de verre Whatman ® de porosité 0.7 µm, préalablement brulés à 500°C pour éliminer toute trace de matière organique. Les filtrations ont été systématiquement effectuées immédiatement après le prélèvement, afin de rendre négligeable l’influence de la dégradation bactérienne de la MO, qui provoquerait une modification des ratios isotopiques et des concentrations biochimiques. Au total, 15 filtres sont réalisés pour chaque prélèvement d’eau. Suite à la filtration, les filtres sont séchés à l’étuve (24 h, 60°C) et la masse de MOP retenue est calculée par différence entre la masse du filtre sec avant et après filtration. Avant les analyses ultérieures, les filtres sont conservés dans un milieu sec et à l’abri de la lumière.

La matière organique du sédiment (MOS) est obtenue à partir d’un prélèvement de sédiment superficiel effectué en plongée sous-marine, à chaque saison et pour chaque récif. Afin de prendre en compte la variabilité spatiale qui pourrait exister autour des récifs artificiels, 3 prélèvements sont effectués à 3 stations, autour des récifs, à l’intérieur des paniers inférieurs et dans le corridor sous le panier supérieur. Au total, 27 prélèvements de sédiment sont effectués pour chaque récif et saison. Pour V6, 3 prélèvements de sédiment sont également effectués dans l’herbier de posidonie. Les échantillons sont ensuite lyophilisés puis tamisés de manière à ne conserver que la fraction la plus fine (inférieure à 250 µm) et ainsi éliminer une grande partie de la matière inorganique du sédiment (coquilles et débris notamment). Cette fraction fine est ensuite broyée avec un pilon et un mortier en agate (matériau non carboné donc non contaminant pour les analyses isotopiques de cet élément), pour obtenir une poudre fine qui sera utilisée pour les analyses.

Les producteurs primaires benthiques sont connus pour avoir une variabilité saisonnière, aussi bien de leurs signatures isotopiques (Frederiksen, 2002 ; Vizzini et Mazzola, 2003 ; Fourqueran et al., 2007), que de leurs caractéristiques biochimiques (Munda, 1962 ; Pirc et Wollenweber, 1988 ; Romero, 2004 ; Murakami et al., 2011). Afin de prendre en compte cette variabilité, un échantillonnage systématique de tous les producteurs primaires observés sur et à proximité des récifs est effectué à chaque saison. Les échantillons de producteurs primaires sont ensuite triés, nettoyés, notamment pour retirer les organismes épibiontes et séparés par espèce. Au sein des producteurs primaires benthiques, les macroalgues ont été séparées de la posidonie. Au total, 22 espèces de macroalgues ont pu être échantillonnées (Tab. 2.1).

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Tab. 2.1 : Espèces de macroalgues échantillonnées dans ce travail. Pri : Printemps ; Aut : Automne ; Hiv : Hiver Groupe V3 V6 Espèce taxonomique Pri Eté Aut Hiv Pri Eté Aut Hiv Bryopsidophyceae, Bryopsis cupressina Lamouroux var. adriatica (J. x Chlorobionta Agardh) Wynne Caulerpa racemosa var. cylindracea (Sonder) x x x x x x Verlaque, Huisman et Boudouresque Codium bursa C.Agardh x x x x x x

Codium vermilara Delle Chiaje x x x x x x

Flabellia petiolata (Turra) Nizamuddin x x x x x x x x Phaeophyceae, Cladostephus spongiosus (Hudson) C. Agardh f. x x Chromobionta verticillatus (Lightfoot) Prud'homme van Reine Cystoseira zosteroides C.Agardh x x

Dictyopteris sp. J.V.Lamouroux x x x x x x x dichotoma (Hudson) J.V.Lamouroux x x x x x x x x Dictyota implexa (Desfontaine) J.V. Lamouroux x x

Halopteris sp. Kützing x x x x x x x x Padina pavonica (Linnaeus) Thivy x x x

Sporochnus pedunculatus (Hudson) C.Agardh x x x

Taonia atomaria Woodward J.Agardh x x

Zanardinia typus (Nardo) P.C.Silva x

Bonnemaisonia sp. C. Agardh x Florideophyceae, Rhodobionta Bornetia secundiflora (J.Agardh) Thuret x

Dudresnaya verticillata (Withering) Le Jol

Asparagopsis armata Harvey x

Polysiphonia subulifera (C.Agardh) Harvey x x x x

Sphaerococcus coronopifolius Stackhouse x x x x x Spyridia filamentosa (Wulfen) Harvey x

Des prélèvements de faisceaux de Posidonia oceanica (Linnaeus) Dellile sont également effectués aux 4 saisons dans l’herbier proche de V6. Les faisceaux sont ensuite séparés en fonction du type de tissu (feuilles juvéniles, intermédiaires, adultes vertes, adultes marron et rhizomes). Les épibiontes sont retirés des feuilles par grattage et également conservés pour les analyses.

39 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes

Les échantillons de producteurs primaires sont stockés congelés avant lyophilisation et broyage. La dureté de la plupart des échantillons de producteurs primaires a imposé l’utilisation d’un broyeur à billes pour préparer la poudre sur laquelle ont été effectuées les analyses isotopiques et biochimiques. Les bols de broyage et les billes utilisés sont en agate.

Pour les consommateurs, l’échantillonnage a été réalisé lors de deux campagnes d’une dizaine de plongées, en été et en hiver. Les espèces benthiques sessiles ont été prélevées par collecte manuelle ou par grattage sur le récif. De plus, sur chaque récif, un pochon d’huîtres a été ouvert et la moitié de son contenu a été prélevé, de manière à prendre en compte la petite faune vagile des cavités (Fig. 2.5). Le prélèvement des poissons s’est fait au harpon en plongée, ainsi que lors des pêches expérimentales effectuées par le bureau d’étude P2A Environnement à l’aide d’un filet trémail. Cet engin de pêche se compose de 10 pièces de filet de 100 m de long chacune, d’environ 1.2 m de hauteur et de mailles de diamètre 20 mm (Jouvenel et Roche, 2010). Lors des pêches, seuls les poissons issus des pièces de filet proches des deux récifs étudiés ont été conservés pour ce travail. Un total de 339 poissons représentant 32 espèces a été échantillonné. Les espèces représentées par un faible nombre d’individus (< 3) n’ont pas été conservées et les analyses ont porté sur un effectif de 324 poissons et 23 espèces (Tab. 2.2).

De retour au laboratoire, les échantillons de consommateurs ont été triés et identifiés. Lorsque leur taille était suffisante, les individus ont été disséqués en vue des analyses isotopiques, pour conserver uniquement le muscle, exclure le tube digestif et enlever les coquilles (gastéropodes, bivalves). Pour les organismes de petite taille, plusieurs individus ont été regroupés de manière à disposer de suffisamment de matière pour effectuer les analyses.

Pour les poissons, chaque individu a été pesé et mesuré puis disséqué pour récupérer différents échantillons spécifiques à chaque analyse (muscle dorsal pour l’analyse des isotopes stables, contenu digestif pour l’analyse de l’alimentation). La dissection du muscle a été effectuée de manière à éliminer les arêtes et les écailles, et ainsi éviter une étape de décalcification. Le foie, les gonades et les otolithes ont également été conservés pour d’éventuelles analyses ultérieures des contaminants et de l’âge des individus. L’ensemble de l’échantillonnage a été réalisé durant l’année 2010 et a nécessité 8 sorties en mer et plongées pour le prélèvement des sources et des réservoirs de MO (1 sortie par récif et par saison), et

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22 plongées, 8 pêches expérimentales, et l’analyse de 4 pochons pour le prélèvement de l’ensemble des organismes consommateurs (une campagne en été et une en hiver)

Fig. 2.5 : Echantillonnage des consommateurs, avec (a) l’analyse des organismes présents dans les microcavités formées par les coquilles d’huîtres dans le pochon, et (b) les poissons échantillonnés dans la pièce de filet proche du récif V6 (Crédits photos : (a) Mireille Harmelin-Vivien, (b) Pierre Cresson)

Les prélèvements effectués en vue des analyses isotopiques sont stockés congelés avant lyophilisation et broyage avec mortier et pilon, ou au broyeur à bille pour les échantillons résistants au broyage manuel. L’ensemble du matériel est systématiquement nettoyé à l’acide chlorhydrique 10 % puis rincé à l’eau distillée et séché à l’étuve entre deux échantillons, afin d’éviter toute contamination. Les estomacs de poissons sont stockés dans l’éthanol 95°.

41 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes

Tab. 2.2: Familles et espèces de poissons étudiées. LS : longueur standard moyenne (minimale et maximale), masse moyenne (valeur minimale et maximale) et nombre de poissons analysés. n Familles Espèces LS (mm) Masse (g) indiv. Carangidae Trachurus mediterraneus 259 (236-277) 231 (215-245) 5 (Steindachner, 1868) Centracanthidae Spicara maena 131 (104-170) 62 (35-101) 10 (Linnaeus, 1758) Spicara smaris 141 (116-154) 63 (45-104) 9 (Linnaeus, 1758) Labridae Coris julis 109 (68-144) 19 (5-45) 13 (Linnaeus, 1758) Symphodus mediterraneus 109 (95-131) 41 (25-75) 5 (Linnaeus, 1758) Symphodus tinca 158 (115-213) 110 (35-250) 6 (Linnaeus, 1758) Moronidae Dicentrarchus labrax 325 (267-430) 811 (370- 1870) 4 (Linnaeus, 1758) Mullidae Mullus surmuletus 142 (91-216) 75 (20-225) 35 Linnaeus, 1758 Phycidae Phycis phycis 334 (333-335) 668 (650-685) 3 (Linnaeus, 1766) Scorpaenidae Scorpaena notata 112 (68-148) 65 (10-195) 33 Rafinesque, 1810 Scorpaena porcus 142 (84-251) 128 (25-400) 28 Linnaeus, 1758 Scorpaena scrofa 177 (124-217) 275(80-535) 5 Linnaeus, 1758 Serranidae Serranus cabrilla 139(114-169 61(25-105) 20 (Linnaeus, 1758) Soleidae Microchirus variegatus 87 (72-100) 19 (10-30) 7 (Donovan, 1808) Sparidae Boops boops 158 (101-222) 69 (30-195) 33 (Linnaeus, 1758) Diplodus annularis 123 (94-188) 66 (25-185) 48 (Linnaeus, 1758) Diplodus sargus 158 (142-195) 158 (100-285) 5 (Linnaeus, 1758) Diplodus vulgaris 115 (65-173) 76 (10-195) 20 (Geoffroy Saint-Hilaire, 1817) Pagellus acarne 118 (97-190) 47 (20-145) 20 (Risso, 1827) Pagellus erythrinus 147 (115-162) 72 (40-105) 5 (Linnaeus, 1758) Sphyraenidae Sphyraena viridensis 394 (373-414) 355 (295-395) 5 Cuvier, 1829 Synodontidae Synodus saurus 207 (161-235) 115 (40-170) 3 (Linnaeus, 1758) Triglidae Trigloporus lastoviza 148 (102-195) 76 (20-155) 3 (Bonnaterre, 1788)

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2.3. Analyse du réseau trophique par les isotopes stables du carbone et de l’azote

2.3.1. Utilisation des isotopes stables du carbone et de l’azote La compréhension des relations trophiques établies dans l’écosystème des récifs artificiels a été effectuée dans ce travail par l’analyse des ratios isotopiques du carbone et de l’azote de l’ensemble des composants du système (pools de MO, producteurs primaires et consommateurs).

L’utilisation de la technique des isotopes stables en écologie trophique se base sur la coexistence à l’état naturel de deux isotopes stables de masses différentes pour le carbone et l’azote. Deux éléments sont dits isotopes s’ils ont le même nombre de protons et d’électrons mais une différence du nombre de neutrons, qui provoque une différence de masse. On appelle isotope lourd l’isotope qui comprend un neutron supplémentaire (13C ou 15N). Les proportions de chacun des isotopes à l’état naturel sont connues et montrent une quasi omniprésence (> 98 %) de l’isotope léger (Ostrom et Fry, 1993 ; Sulzman, 2007).

L’ensemble des processus biochimiques est associé à un fractionnement isotopique, c’est-à-dire une modification des rapports isotopiques entre le substrat et le produit de cette réaction. Ce fractionnement s’explique par le fait qu’un substrat plus léger demande moins d’énergie pour son utilisation dans la réaction enzymatique et est donc préférentiellement intégré dans les macromolécules résultant des réactions biochimiques (Fry, 2006). Les différences métaboliques et enzymatiques entre les types de photosynthèse (C3 vs C4 principalement) mais aussi les différences abiotiques qui existent entre les milieux (terrestre vs marin, benthique vs pélagique) provoquent des fractionnements isotopiques différents et contribuent à créer des variations dans les ratios isotopiques mesurés chez les producteurs primaires à la base des chaînes trophiques. La signature isotopique en carbone est donc caractéristique de l’origine de la MO.

Les valeurs très négatives de 13C observées chez les producteurs primaires terrestres à mécanismes photosynthétique en C3 (entre -30 et -23 ‰, Orstrom et Fry (1993)) s’expliquent principalement par la discrimination forte exercée par la ribulose 1,5-bisphosphate 13 carboxylase/oxygénase (Rubisco) contre le CO2 atmosphérique (Farquhar et al., 1989). Pour les producteurs primaires marins, le mécanisme en C3 semble majoritairement présent malgré quelques exceptions (Reiskind et al., 1988 ; Raven et al., 2008 ; Xu et al., 2012), et de

43 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes nombreux facteurs peuvent expliquer la large gamme de variations observée (-35 à -3 ‰, (Ostrom et Fry, 1993 ; Raven et al., 2002). Des facteurs abiotiques « classiques » (température, salinité, pH, luminosité), thermodynamiques (diffusion des gaz dans l’eau) ainsi que des paramètres biotiques morphologiques (épaisseur du thalle, présence de lacunes - aériennes dans les feuilles) ou physiologiques (utilisation de CO2 dissous ou de HCO 3 via la mise en place de mécanismes de concentration du carbone minéral) peuvent influencer les équilibres isotopiques et contribuer à créer cette large gamme de rapports isotopiques (Grice et al., 1996 ; Hemminga et Matteo, 1996 ; Invers et al., 1999 ; Brugnoli et Farquhar, 2000 ; Raven et al., 2002, 2008 ; Kevekordes et al., 2006). Par ailleurs, la variation des besoins métaboliques peut également faire varier les ratios isotopiques. La discrimination est ainsi maximale quand la disponibilité en nutrients excède les besoins nutritionnels et au contraire beaucoup moins importante lorsque les besoins dépassent la quantité de nutrients disponibles, lors de périodes de forte croissance ou en fin de bloom phytoplanctonique par exemple (Korb et al., 1996 ; Montoya, 2007). De par la stabilité des isotopes, les ratios fixés par la production primaire ne subissent généralement que peu de modifications lors de l’intégration de la MO dans les réseaux trophique. Cette propriété permet d’utiliser les isotopes stables du C et du N comme traceurs du devenir de la MO dans les chaînes trophiques. Les signatures isotopiques mesurées chez un consommateur dépendent directement de celles de son alimentation, à un facteur de fractionnement près. Ce facteur de fractionnement, spécifique pour le carbone et l’azote, justifie l’utilisation couplée de ces deux traceurs car ils fournissent de fait deux informations différentes. A chaque niveau trophique, le ratio isotopique du carbone subit un enrichissement faible, pour lequel des valeurs théoriques entre 1 et 2 ‰ sont généralement proposées (Fig. 2.6). Cette valeur peut s’expliquer par la perte de 12C lors de la respiration, un prélèvement principal de 13C lors de la digestion ou de l’assimilation et enfin au fractionnement métabolique associé aux réactions de synthèse des tissus (Tieszen et al., 1983 ; Michener et Kaufman, 2007). La signature isotopique en carbone d’un consommateur sera donc très proche de celle de son alimentation. La détermination de la signature isotopique en carbone d’un consommateur permet donc de savoir, par comparaison avec les signatures des sources de MO, de quelles sources de MO il dépend. Pour l’azote, l’enrichissement est plus important. Il s’explique principalement par l’utilisation de 15N lors de la synthèse d’acides aminés et donc l’excrétion de déchets azotés composés en majorité de 14N. Une valeur d’enrichissement théorique comprise entre 2.5 et

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4.5 ‰ par niveau trophique, classiquement 3.4‰, est habituellement proposée (De Niro et Epstein, 1978; 1981 ; Minagawa et Wada, 1984 ; Peterson et Fry, 1987 ; Post, 2002). Il y a donc un enrichissement graduel en 15N, et une augmentation du ratio isotopique en azote à chaque niveau trophique. En comparaison avec le ratio isotopique en azote d’une « ligne de base » (producteurs primaires ou 1er niveau de consommateurs), il sera donc possible de déterminer le niveau trophique de l’organisme considéré.

Fig. 2.6 : Schéma de l’évolution des signatures isotopiques au sein d’un réseau trophique théorique basé sur deux producteurs primaires de MO, en blanc et en noir. Les cercles gris représentent des organismes intermédiaires dont l’alimentation est basée sur les deux sources de MO. P1 : producteurs primaires de MO, C1 : consommateurs de producteurs primaires (herbivores), C2 : consommateurs secondaires (carnivores). Modifié d’après Darnaude (2003)

Cependant, des travaux récents semblent remettre en cause ces valeurs « théoriques » d’enrichissement et mettent en évidence des variations, avec des valeurs de fractionnement plus élevées pour les organismes herbivores que pour les carnivores (Mill et al., 2007 ; Wyatt et al., 2010 ; Varela et al., 2011). La quantité d’azote dans l’alimentation pourrait jouer un rôle dans ces différences. L’alimentation des herbivores étant plus faiblement concentrée en azote, ces organismes devraient donc utiliser de manière plus importante l’azote interne d’où un fractionnement de l’azote plus important (Adams et Sterner, 2000 ; Perga et Grey, 2010 ). Même si ces études ne remettent pas en cause la tendance générale d’un enrichissement plus important pour l’azote que pour le carbone, et donc ne modifient pas la construction

45 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes

« classique » des réseaux trophiques basée sur ces deux éléments, elles imposent quelques précautions par rapport à une interprétation trop rapide de certains résultats.

La signature isotopique d’un tissu est directement liée à la synthèse de nouveaux tissus à partir de l’alimentation lors de la croissance, mais également aux processus métaboliques de renouvellement des tissus plus anciens. Ces mécanismes n’étant pas instantanés, les ratios isotopiques mesurés dans un tissu sont le reflet de l’alimentation moyenne de cet organisme durant une période de temps assez importante avant sa capture. Cette période est variable, spécifique et dépendante du tissu considéré. Pour le muscle, organe classiquement utilisé dans les problématiques trophiques, elle est considérée comme étant relativement longue, de l’ordre de plusieurs mois (Hesslein et al., 1993 ; Maruyama et al., 2001 ; Guelinkx et al., 2007). L’analyse des isotopes stables du C et du N apporte donc une information intégrée dans le temps et dans l’espace sur le positionnement d’un organisme au sein d’un réseau trophique (Layman et al., 2012).

2.3.2. Préparation des échantillons La préparation des échantillons pour les analyses isotopiques commence par une étape d’acidification pour retirer les carbonates. En effet, le prélèvement de carbone inorganique pour former des carbonates implique un fractionnement isotopique beaucoup plus faible que celui lié au prélèvement de carbone pour la photosynthèse (Peterson et Fry, 1987). De plus, le standard utilisé pour le calcul du δ13C est également un carbonate. De ce fait, les carbonates ont un δ13C proche de 0, donc plus élevé que le carbone organique, et peuvent affecter la signature des échantillons (Jardine et al., 2003 ; Jacob et al., 2005). Cette étape concerne la MOP, la MOS, les épibiontes des feuilles de P. oceanica, et l’ensemble des organismes à carapace ou coquille calcaire trop petits pour être disséqués. Pour la MOP, les filtres sont acidifiés par trois passages successifs au HCl 1 % sur la rampe de filtration avant 3 rinçages à l’eau distillée. Pour les échantillons réduits en poudre, la solution de HCl 1 % est ajoutée en excès à plusieurs reprises jusqu’à l’arrêt du dégagement gazeux, avant rinçage à l’eau distillée jusqu’à un retour de la solution à un pH similaire à celui de l’eau distillée et séchage à l’étuve.

L'effet de cette acidification sur les valeurs de ratio isotopiques de l’azote est controversé. Pour certains auteurs, ce traitement affecte significativement les valeurs des rapports isotopiques de l'azote (Bunn et al., 1995 ; Pinnegar et Polunin, 1999). Pour d'autres,

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l'effet est faible (Jacob et al., 2005), dépendant du type d’échantillon (Carabel et al., 2006 ; Ng et al., 2007) voire même nul (Bosley et Wainright, 1999 ; Chanton et Lewis, 1999). Face à cet effet potentiel, les échantillons à acidifier ont été divisés en deux, la partie non traitée a servi pour les analyses de l’azote, les échantillons acidifiés ont servi pour l’analyse du carbone. Par ailleurs, pour les organismes composés majoritairement de carbonates (rhodobiontes calcaires, annélides tubicoles, bryozoaires, petits gastéropodes), la décalcification n’a pu être menée à son terme donc aucune analyse du carbone n’a pu être effectué sur ces échantillons. Pour les poissons, l’utilisation du muscle blanc pour l’analyse des ratios isotopiques permet d’éviter une étape de délipidification. Il a en effet été démontré que chez les poissons de milieu tempéré, ce tissu était pauvre en lipides, et qu’il était donc le plus approprié pour l’analyse des ratios isotopiques du C et du N (Pinnegar et Polunin, 1999). L’observation des ratios C/N obtenus pour les poissons confirme l’utilisation de ce tissu, car très peu de valeurs (moins de 10) sont supérieures à la valeur de 3.7 considérée comme indicatrice d’échantillons nécessitant une correction des ratios isotopiques (Sweeting et al., 2006).

L’ensemble des échantillons a, par la suite, été conditionné dans des microcapsules en étain pour l’analyse des ratios isotopiques. La masse utilisée dépend de la teneur en azote de l’échantillon et varie d’environ 1 mg pour les consommateurs et les producteurs primaires, à 5 mg pour le sédiment. La mesure des ratios isotopiques a été effectuée par spectrométrie de masse isotopique, au laboratoire LIENSs de l’Université de la Rochelle. Les mesures ont été effectuées sur un spectromètre de masse de rapports isotopiques en flux continu (Delta V Advantage, Thermo Scientific, Brême, Allemagne) couplé à un analyseur élémentaire (Flash EA1112 Thermo Scientific, Milan, Italy). Cette analyse commence par une oxydation à haute température des échantillons, de manière à produire du CO2, du N2 et de l’H2O. L’eau est piégée afin que seuls le CO2 et le N2 passent dans le spectromètre. Ces molécules sont alors séparées et les atomes ionisés dans un champ magnétique qui les dévie en fonction de leur masse et les envoie vers des collecteurs spécifiques reliés à l’interface informatique. Les résultats sont exprimés selon la notation habituelle , relative à un standard artificiel conçu à partir d’un rostre de bélemnite fossile issue de la formation Pee Dee en

Californie pour le carbone (V-PDB), et au N2 atmosphérique pour l’azote.

47 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes

La valeur du ratio isotopique  est calculée suivant la formule suivante :

( )

avec X = 13C ou 15N, et R le ratio isotopique 13C/12C ou 15N/14N.

La précision expérimentale liée à cette analyse est inférieure à 0.1 ‰ pour le 13C et pour le  et est calculée par analyses répétées d’un standard interne d’acétanilide. Les pourcentages de C et de N ont été obtenus grâce à l’analyseur élémentaire et ont servi au calcul des rapports C/N.

2.4. Modèles isotopiques de mélanges Dans la mesure où les signatures isotopiques observées résultent d’un mélange (soit des différentes sources de MO qui contribuent à un pool, soit des différentes proies d’un consommateur), il est possible de caractériser la contribution de ces différentes sources en utilisant un modèle de mélange, basé sur des équations qui décrivent dans quelles proportions chaque source contribue au mélange. Pour un système théorique composé de 3 sources de MO et deux isotopes, les équations seront les suivantes :

13 15 avec δ C et δ N les signatures isotopiques des sources A, B et C et fA, fb, et fc les proportions relatives de contribution des trois sources.

Pour les systèmes composés par n isotopes et au moins n+1 sources, il n’existe pas de solutions uniques, mais les ratios isotopiques observés peuvent être expliqués par plusieurs combinaisons de contributions. Par l’utilisation de processus itératifs de calcul, il est possible de définir l’ensemble des combinaisons de solutions. Une première manière de résoudre ces systèmes indéterminés a été l’utilisation du logiciel IsoSource (Phillips et Gregg, 2003). Ce logiciel génère l’ensemble des contributions pouvant expliquer les signatures observées pour le mélange, en utilisant les valeurs moyennes des sources et du mélange final ainsi qu’un facteur de fractionnement associé à chaque isotope. Le logiciel calcule ensuite l’ensemble des combinaisons de solutions possibles, en utilisant un incrément fixé par l’utilisateur (classiquement 1 %) et en tolérant une marge

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d’erreur définie également par l’utilisateur et classiquement fixée à 1 ou 2 %, mais qu’il est possible d’augmenter pour faire intervenir artificiellement une part de variabilité que ce mode de calcul ne permet pas intrinsèquement de prendre en compte (Schaal, 2009). Le logiciel produit ensuite l’ensemble des contributions probables, sur lesquelles il est possible de calculer les grandeurs « classiques » qui caractérisent une distribution (moyenne, écart type, quantiles etc.) mais aussi de réaliser des tests statistiques de comparaison. Plus récemment, une autre méthode de calcul, basée sur une approche bayésienne, a été proposée, au sein du package SIAR (Stable Isotope Analysis in R, Parnell et al. (2010)). Le principe de calcul est similaire, mais l’approche bayésienne permet de prendre en compte l’ensemble de la variabilité associée aux signatures isotopiques des mélanges, des sources, et aux facteurs de fractionnement, par opposition aux modèles de mélange initiaux où seules les valeurs moyennes étaient considérées. Cette approche permet également d’appliquer des facteurs de fractionnement différents pour chaque isotope et chaque source. Il est cependant important de noter que les résultats produits par SIAR représentent des distributions des probabilités associées aux valeurs de contribution, et non une distribution des valeurs comme dans IsoSource.

2.5. Métriques isotopiques de communautés Dans la mesure où les ratios isotopiques mesurés sur un individu dépendent de son alimentation mais également de son habitat, l’utilisation de ces valeurs mesurées sur plusieurs individus permet d’obtenir des informations sur la variabilité des processus alimentaires observés à l’échelle d’une communauté. En définissant la niche isotopique comme l’aire occupée par les organismes dans l’espace isotopique, le « δ-space » formé par les deux axes δ13C et δ15N, les isotopes stables du carbone et de l’azote apportent donc une information sur la variabilité des signatures isotopiques des proies à l’échelle de l’ensemble de la communauté. Une niche isotopique plus large (marquée par une augmentation de la gamme de δ13C ou de δ15N, ou par une augmentation de l’aire occupée par la communauté) sera le reflet d’une augmentation de la diversité des signatures isotopiques de l’alimentation. Pour autant, la généralisation de cette niche isotopique comme proxy de la niche trophique occupée par les organismes est plus discutable et est au cœur des problématiques méthodologiques actuelles liées à l’utilisation des isotopes stables en écologie trophique (Bearhop et al., 2004 ; Newsome et al., 2007 ; Rodriguez et Herrera, 2013). En effet, la consommation de proies différentes mais avec des signatures isotopiques similaires peut aboutir à une similarité isotopique, malgré une différence trophique. Au contraire, une variation de la signature

49 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes isotopique des proies peut provoquer une variation des signatures isotopiques des consommateurs, alors qu’il n’y a pas eu de modification de l’alimentation. Layman et al. (2007) ont ainsi proposé six indicateurs quantitatifs de la diversité trophique à l’échelle d’une communauté, en se basant sur l’aire globale occupée par les organismes dans l’espace isotopique δ13C – δ15N, mais aussi sur la dispersion des points dans cet espace : 15 15 15 1. Gamme de δ N : (δ Nmax – δ Nmin). Cet indicateur apporte une information sur la structure verticale de la communauté et sur le nombre de niveaux trophiques. L’augmentation de cet indicateur peut par exemple être le reflet de l’introduction d’un prédateur dans l’écosystème. 13 13 13 2. Gamme de δ C : (δ Cmax-δ Cmin). Cet indicateur va apporter des informations sur la diversité des sources de MO. Une augmentation de cet indicateur pourra par exemple être le reflet de l’utilisation d’une nouvelle source de MO avec un δ13C différent de celui des sources initialement présentes dans l’écosystème. 3. Aire totale: Calculée comme l’aire de la forme géométrique incluant tous les membres de la communauté dans l’espace isotopique δ13C – δ15N, cet indicateur reflète l’importance de l’espace occupé, et est donc un proxy de la diversité au sein du réseau trophique (Layman et al., 2007). Il est également informatif sur l’étendue de la diversité trophique individuelle des organismes (Layman et al., 2012). Les deux exemples précédents (introduction d’une source, ou d’un prédateur) vont avoir pour effet de faire augmenter l’aire totale, dans la mesure où ils apportent une variation des stratégies alimentaires. 4. Distance moyenne au centroïde : Calculée comme la distance euclidienne entre tous les points et le centroïde du nuage qu’ils forment. Cette métrique est un indicateur du degré moyen de diversité trophique de la communauté. 5. Distance moyenne au plus proche voisin : Calculé comme la moyenne de la distance euclidienne entre un individu et son plus proche voisin, cet indicateur reflète la redondance au sein du réseau trophique. Plus les organismes auront des régimes alimentaires divers, plus leurs positions seront éloignées, et plus la valeur de cet indicateur sera élevée. Au contraire, un réseau trophique composé d’organismes utilisant les mêmes sources, et donc avec des signatures isotopiques similaires, aura une valeur faible pour cet indice.

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6. Ecart type de la distance moyenne au plus proche voisin – Standard deviation of neareast neighbour distance (SDNND): Cet indicateur mesure la régularité de la distribution des points dans l’espace isotopique. Un SDNND faible reflètera une distribution plus « régulière » des points dans l’espace.

Ces outils, bien que sujets à discussion (Fry, 2013), notamment en ce qui concerne les biais que peuvent introduire la variabilité des signatures des lignes de base (Hoeinghaus et Zeug, 2008), apportent néanmoins une vision intéressante des processus et peuvent permettre des comparaisons entre différents groupes trophiques ou différents écosystèmes. Un autre biais réside dans l’erreur que peut introduire la comparaison de groupes trophiques d’effectifs différents, un groupe plus important ayant plus de chance d’occuper un espace plus important, du simple fait du nombre et non pas d’une plus grande diversité trophique (Jackson et al., 2011). Afin de remédier à ces sources potentielles d’erreur, Jackson et al. (2011) ont proposé d’appréhender la largeur des niches trophiques, non pas à partir de l’aire de la surface complexe comprenant tous les points, mais à partir de l’aire de l’ellipse standard (Standard Ellipse Area – SEA), qui est l’équivalent bivarié de l’écart type pour des données univariées. Ces auteurs proposent également deux estimateurs de cette aire. Le premier, appelé aire corrigée de l’ellipse standard et noté SEAc (corrected Standard Ellipse Area) fait intervenir un facteur de correction lié à l’effectif de la population. Les simulations montrent que cet estimateur atteint rapidement une asymptote et élimine l’effet de l’effectif (Fig. 2.7). Ces auteurs ont également développé un estimateur bayésien de l’aire de l’ellipse (SEAb – Bayesian Standard Ellipse Area), calculé à partir du SEAc pour conserver la limitation de l’effet de l’effectif de l’échantillon. Le calcul de cette surface par une approche bayésienne renvoie une distribution de probabilités a posteriori pour l’estimation de l’aire de l’ellipse. Cette approche permet de maximiser l’incertitude liée à la surface calculée pour des groupes de faible effectif, c’est-à-dire pour lesquels l’ensemble de la variabilité naturelle des signatures isotopiques n’a pu être capturé lors de l’échantillonnage (Jackson et al., 2011).

51 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes

Fig. 2.7 : Effet de l’effectif sur l’estimation de la surface couverte. La valeur moyenne de l’aire totale (cercles) est dépendante de l’effectif de l’échantillon (à gauche) alors que l’introduction du facteur de correction pour le calcul du SEAc (à droite) limite cet effet à partir d’une certaine taille d’échantillon (n > 30 pour cette simulation). Les cercles représentent la valeur moyenne de l’aire obtenue sur 1000 simulations pour chaque taille d’échantillon, les traits pleins les écarts-types et le trait pointillé la valeur réelle de l’aire standard estimée par les simulations du SEAc. Modifié d’après Jackson et al. (2011)

Par ailleurs, la généralisation récente de l’utilisation des modèles de mélange et des métriques de communautés (Boecklen et al., 2011) ne doit pas faire oublier que les résultats qu’ils produisent sont fortement dépendants de la qualité des données d’entrée, et que l’utilisation de données inappropriées peut conduire à de mauvaises interprétations des phénomènes biologiques. Il est également important de garder en mémoire que, bien qu’ils soient appropriés et utiles pour certaines circonstances, les résultats issus de leur utilisation dans de mauvaises circonstances n’auront que peu de sens. Le calcul des métriques de communautés a ainsi été fortement critiqué, du fait que ces indicateurs ne tenaient pas compte de la variabilité de la signature isotopique des lignes de base (Hoeinghaus et Zeug, 2008). Layman et Post (2008) ont ainsi comparé la mauvaise utilisation des métriques de communautés à l’utilisation d’une scie par un charpentier pour retirer une vis. Jackson et al. (2011) recommandent également de considérer au minimum 10 individus par groupe pour appliquer les métriques de communautés et limiter la variabilité associée aux faibles effectifs.

En ce qui concerne les modèles de mélange, un biais important réside dans l’impossibilité pour ce type de modèle de discriminer deux sources dont les signatures sont peu différentes. L’utilisation de facteurs de fractionnement uniques pour l’ensemble des organismes, sans tenir compte de leur groupe taxonomique ou de leur physiologie, représente également un facteur de biais important. De plus, les modèles de mélanges se basent sur

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l’hypothèse que l’ensemble des composants de l’alimentation sont dissociés en leurs composants élémentaires, avant d’être réassemblés pour former les molécules des tissus (‘scrambled-egg hypothesis’, Van der Merwe (1982)), d’où l’utilisation d’un facteur de discrimination unique. Les travaux récents semblent montrer au contraire que certaines molécules suivent une direction particulière (‘isotopic routing’), et que le carbone des tissus composés majoritairement de protéines (muscles notamment) provient des protéines alimentaires, alors que les lipides et les glucides de l’alimentation servent préférentiellement au métabolisme (Podlesak et McWilliams, 2006 ; Kelly et Martínez del Rio, 2010 ; Perga et Grey, 2010 ). L’utilisation d’un facteur de discrimination unique ne rend pas donc compte de cette utilisation différente des macromolécules. Cela peut amener à changer totalement la part d’une source dans l’alimentation d’un consommateur, et amener à des interprétations incorrectes concernant l’alimentation des organismes (Bond et Diamond, 2011). Il n’est donc pas étonnant que la compréhension des mécanismes métaboliques qui conditionnent les facteurs de fractionnement et la détermination de facteurs de fractionnements appropriés soit une des problématiques clés de l’écologie isotopique à l’heure actuelle (Caut et al., 2009 ; Auerswald et al., 2010 ; Perga et Grey, 2010 ; Blanchet-Aurigny et al., 2012).

2.6. Caractérisation de l’alimentation des poissons par l’analyse des contenus stomacaux Si l’analyse des isotopes stables du carbone et de l’azote apporte une information intégrée sur l’alimentation moyenne à long terme d’un individu, elle ne permet pas de disposer d’une identification précise du type de proies consommées par les organismes. Au contraire, l’analyse des contenus stomacaux permet une observation et une identification plus ou moins aisée des proies (en fonction des stades de digestion) présentes dans le tube digestif d’un organisme. Cette analyse ne se limite cependant qu’aux proies consommées dans les quelques heures précédant la capture. La compréhension complète de l’alimentation d’une espèce sur une période de temps longue nécessite donc un effort d’échantillonnage important, aussi bien en termes de nombre d’individus à analyser qu’en termes de fréquence d’échantillonnage tout au long de l’année. De plus, si les contenus stomacaux montrent les proies ingérées par un organisme, les isotopes stables informent sur la matière effectivement assimilée et intégrée dans les tissus du consommateur. Afin de comprendre le fonctionnement trophique d’un système composé d’un grand nombre d’espèces, et sur une période de temps importante, le couplage entre les isotopes stables du carbone et de l’azote et les contenus stomacaux s’avère donc particulièrement approprié. Il permettra de disposer d’informations

53 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes intégrées sur les relations trophiques qui s’établissent entre les organismes, mais aussi d’informations instantanées sur les mécanismes de prédation, et enfin d’appréhender le rôle trophique des récifs artificiels pour les poissons. Le couplage de ces deux techniques est aussi un moyen de disposer d’un maximum d’informations sur les relations trophiques entre organismes, en minimisant l’impact du prélèvement de poissons dans une zone protégée où la pêche est interdite.

Le contenu stomacal récupéré lors des dissections a été analysé sous loupe binoculaire. Les proies observées ont été déterminées au niveau taxonomique le plus fin possible puis groupées. Chaque type de proie a ensuite été séché à l’étuve (60°C, 24h) puis pesé à 0.01 mg près. L’importance relative de chaque type de proie pour chaque espèce a été quantifiée en utilisant un pourcentage pondéral d’une proie par rapport à la masse totale ingérée pour chaque espèce. La masse cumulée a également été calculée pour chaque type de proie comme la somme des masses de ce type de proie consommée par l’ensemble des espèces. Enfin, la fréquence d’occurrence a été calculée comme le pourcentage d’espèces de poissons dans lesquels chaque type de proie a été rencontré.

2.7. Détermination des facteurs de choix des consommateurs par l’analyse biochimique des sources de MO La détermination des facteurs qui régissent les choix alimentaires des consommateurs a toujours été une question clé en écologie trophique (Paine et Vadas, 1969 ; Neighbors et Horn, 1991 ; Choat et Clements, 1998 ; Clements et al., 2009 ; Prado et Heck Jr., 2011). Une manière de répondre à ces questions a été de réaliser des expériences en milieu artificiel ou des herbivores étaient placés face à un choix alimentaire. Le rôle de la qualité nutritionnelle de ces sources comme facteur de choix était alors évalué, soit en comparant la composition biochimique des aliments naturels choisis et refusés, soit en proposant des aliments artificiels dont la qualité alimentaire était choisie au préalable (Frantzis et Grémare, 1992 ; Cruz-Rivera et Hay, 2000 ; Pillans et al., 2004 ; Jacquin et al., 2006 ; Cook et Kelly, 2007). En milieu naturel, plusieurs études ont relié la qualité de la MO aux principaux traits d’histoire de vie des suspensivores et détritivores benthiques (Grémare et al., 1997 ; Bracken et al., 2012), ou des herbivores de l’herbier de posidonie (Prado et al., 2010). Les résultats sont variables en fonction des études et des particularités alimentaires des différents groupes, mais montrent

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toujours que la qualité nutritive de la MO joue un rôle dans les choix alimentaires des consommateurs. En milieu benthique, l’azote est considéré comme un facteur limitant (Tenore, 1988). La concentration en protéines, principal composé azoté apparaît donc dans la plupart des travaux comme un facteur influençant fortement les choix alimentaire pour des consommateurs (Grémare et al., 2003 ; Jacquin et al., 2006 ; Prado et al., 2010 ; Schaal et al., 2010a). La concentration en protéines est souvent appréhendée par la détermination de la concentration en azote total (notée %N) ou l’utilisation du rapport C/N. Des valeurs faibles de C/N sont ainsi synonymes d’une quantité plus importante en azote et donc une MO utilisable par la majorité des consommateurs. A l’inverse, des valeurs élevées, aux alentours de 15 ou 17 ont ainsi été proposées comme des seuils au-delà duquel le rapport C/N indiquait une MO indigeste et donc inutilisable par la majorité des macroorganismes consommateurs (Danovaro et al., 2001). Bien que moins souvent analysés que les protéines, les glucides solubles et les lipides sont également des composés dont l’analyse peut apporter des éléments de compréhension des choix trophiques des organismes. Les glucides solubles sont généralement des composés de structure chimique simple qui tracent une MO plus labile et donc facilement assimilable par les organismes (Harmelin-Vivien et al., 1992). Les lipides, de par leur richesse calorique plus importante (Fichez, 1991) sont également considérés comme des molécules d’intérêt nutritionnel fort pour les consommateurs. A l’opposé, les glucides insolubles, composés de haut poids moléculaire résultant des processus de dégradation sont représentatifs de la fraction réfractaire de la MO et traceront une MO plus détritique et difficilement assimilable par les organismes (Harmelin-Vivien et al., 1992).

Afin de préciser la qualité alimentaire des différentes sources de MO intégrables dans le réseau trophique et d’apporter des éléments d’explication des choix alimentaires des consommateurs, les concentrations en glucides solubles et insolubles, en lipides et en protéines, ainsi que les ratios C/N issus de l’analyse isotopique ont été déterminés pour l’ensemble des sources et des réservoirs de MO. Le but de ce travail n’est pas de réaliser une description fine de la composition biochimique des producteurs primaires, par exemple en termes de nature des acides aminés qui composent les protéines, ou d’acides gras pour les lipides. Même s’il existe des différences d’intérêt nutritionnel au sein des molécules qui composent les quatre types biochimiques, par exemple lorsque l’on considère des acides aminés essentiels ou non

55 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes essentiels, la quantification de la qualité alimentaire de chaque type de MO par l’utilisation de descripteurs simples permettra une comparaison plus aisée entre les différents types de MO. Les glucides sont analysés selon la méthode de Dubois et al. (1956), ou méthode PSA (pour Phenol Sulfuric Acid). La masse d’échantillon à analyser a été calibrée au préalable, afin d’obtenir des concentrations qui restent dans la gamme d’utilisation optimale du spectrophotomètre. L’analyse est ainsi faite sur environ 100 mg de poudre de sédiment et 1 mg de poudre de producteur primaire. Pour la MOP de l’eau de mer et de l’Huveaune, l’analyse est faite sur un filtre entier. Les glucides solubles (GS) sont tout d’abord séparés de la fraction insoluble dans un volume d’eau distillée à chaud pendant 20 minutes au bain-marie à 100°C. En fonction des concentrations supposées de GS dans les échantillons, le volume employé varie de manière à conserver des quantités moyennes et donc des colorations dans la gamme de fonctionnement efficace du spectrophotomètre. Ainsi, la MO fixée sur filtre est dissoute dans 3 mL d’eau distillée, les sédiments et les producteurs primaires dans 5 mL. Le volume utilisé pour la dilution est pris en compte dans le calcul final de la concentration. Par la suite, 1 mL de solution est utilisé pour le dosage. La fraction solide, contenant les molécules non extraites dans l’eau chaude, est plaquée au fond du tube par centrifugation puis séchée à l’étuve à 50°C jusqu’à ce que le contenu de l’ensemble des tubes soit parfaitement sec. Le dosage des glucides solubles (GS) est effectué par une solution composée de 1 mL de phénol et de 5 mL d’acide sulfurique. Le dosage des glucides insolubles (GI) suit le même protocole, à ceci près que l’on rajoute au préalable 1 mL d’eau distillée. L’ajout d’acide sulfurique conduit à la formation d’un composé de type furfural (ou un de ses dérivés), sur lequel vient se fixer le phénol pour produire un composé de coloration jaune orangée qui absorbe à 490 nm (Fig. 2.7, Panagiotopoulos et Semperé (2005). Les tubes sont ensuite agités au vortex avant de les laisser 2 h à l’obscurité pour qu’une stabilisation de la coloration ait lieu. L’intensité de la couleur est proportionnelle à la quantité initiale de glucides. Pour les glucides insolubles, dont les concentrations sont souvent élevées, la mesure se fait dans une cuve de trajet optique 0.2 cm alors que les glucides solubles (dont les concentrations sont moins importantes) sont dosés dans une cuve de trajet optique 5 cm. Le trajet optique est pris en compte dans le calcul de la concentration. Celui-ci se fait à partir d’une gamme étalon composée de cinq solutions de glucose de concentrations connues dont on détermine les densités optiques (DO). La concentration obtenue est ensuite ramenée à 1 g de matrice de départ.

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Fig. 2.8 : Schéma de la réaction mise en œuvre dans le dosage des glucides. D’après Panagiotopoulos et Semperé (2005)

Les protéines sont dosées par la méthode de Lowry et al. (1951). Les masses d’échantillons à analyser ont là aussi été préalablement calibrées. Les analyses sont ainsi faites sur 100 mg de MOS, environ 3 mg pour les producteurs primaires et sur un filtre entier pour la MOP de l’Huveaune et de la mer. Au préalable, une solution est préparée. Cette solution contient 100 mL de carbonate de sodium anhydre à 2 % dans une solution de soude à 0.1 N, 1 mL de sulfate de cuivre à 0.5 %, et 1 mL de tartrate de sodium et de potassium à 1 %. Un volume de 5 mL de cette solution est ajouté à 1 mL d’eau distillée et à l’échantillon. Il se crée alors un complexe entre le cuivre et les liaisons peptidiques des protéines. Après repos de la solution 45 minutes à température ambiante, 0.5 mL de solution de Folin est ajouté avant homogénéisation. La réduction du réactif de Folin par le complexe cuivre-liaisons peptidiques produit une solution de couleur bleue qui absorbe à 700 nm. La concentration dans la solution est déterminée à partir d’une gamme étalon, construite à partir de solutions de sérum albumine bovine de concentrations connues. Les lipides sont dosés selon la méthode de Bigh et Dyer (1959). Pour cette analyse, 200 mg de MOS, 10 mg de producteurs primaires et un filtre pour la MOP de l’Huveaune et de la mer sont utilisés. L’extraction est basée sur le caractère hydrophobe des lipides, et à leur présence dans une phase organique composée de chloroforme plutôt que dans une phase aqueuse méthanol-eau. Elle se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, 1.2 mL d’eau distillée, 1.5 mL de chloroforme et 3 mL de méthanol sont ajoutés à l’échantillon. Après agitation, extraction au froid à 5°C et centrifugation, le surnageant est retiré et placé dans un tube vortex propre. On ajoute à ce surnageant 1.5 mL d’eau distillée et 1.5 mL de méthanol. Ce tube est ensuite agité et centrifugé. Lors de cette étape, deux phases se forment. La phase supérieure est éliminée. La phase restante qui contient les lipides est évaporée à l’étuve à 45°C. Le contenu sec restant est ensuite oxydé à l’acide sulfurique concentré à chaud (200°C) avant refroidissement et ajout de 2 mL d’eau distillée. Le dosage est effectué à 360 nm par comparaison avec une gamme étalon d’acide tripalmitique. Enfin, la quantité de matière inorganique dans les échantillons de producteurs primaires a été déterminée par la pesée des cendres, après combustion d’environ 10 mg de

57 Chapitre 2 – Matériel et Méthodes poudre de macrophyte à 500°C pendant 5h. En raison de la masse de poudre nécessaire à l’ensemble des analyses, la détermination de la quantité de matière inorganique par la masse de cendres n’a pas pu être répliquée.

2.8. Analyses statistiques Pour l’ensemble des paramètres (ratios isotopiques, concentrations biochimiques ou contenus stomacaux), plusieurs types d’analyses statistiques ont été effectués. Des tests de comparaison de moyennes ont été réalisés afin de mettre en évidences des différences spatiales (entre les deux récifs) ou temporelles (entre les saisons) des ratios isotopiques ou des concentrations biochimiques. En préalable à ces tests, les prérequis nécessaires aux analyses paramétriques (distribution normale des données et homogénéité des variances) ont été vérifiés. Lorsque ces conditions étaient remplies, les variations ont été testées en utilisant des ANOVA à un ou plusieurs facteurs, suivies de test post-hoc de Student-Newman-Keuls. Dans le cas contraire, les comparaisons ont été effectuées à l’aide de tests non paramétriques (test de Mann-Whitney ou ANOVA non paramétrique de Kruskall- Wallis). Par ailleurs, pour la comparaison des ratios isotopiques des poissons, l’effet de la longueur des organismes sur les ratios isotopiques a été évalué par des régressions linéaires simples. Lorsque celles-ci étaient significatives, les variations ont été testées en utilisant une ANCOVA, en prenant la taille comme co-variable (Zar, 2010). L’ensemble des analyses de comparaisons de moyenne ont été effectuées à l’aide du logiciel Statistica 8.0 ®. Des classifications ascendantes hiérarchiques ont également été effectuées afin de procéder à des regroupements des espèces, en fonction de leurs caractéristiques isotopiques ou biochimiques ou du contenu stomacal pour les poissons. La dissimilarité entre les objets à classer a été mesurée en calculant des distances euclidiennes, et les groupes ont été formés à partir de la méthode de Ward, qui vise à minimiser l’inertie à l’intérieur d’un groupe et à maximiser la variation entre les groupes. Ces analyses ont été réalisées avec le logiciel R (R Development Core Team, 2007) et le package Cluster. Enfin, des analyses multivariées (ACP) ont été utilisées afin de synthétiser l’ensemble de l’information obtenue avec plusieurs descripteurs issus des analyses biochimiques. Cette analyse a été suivie d’une classification hiérarchique sur composantes principales (HCPC). Cette analyse est similaire à une classification hiérarchique et les calculs de dissimilarité sont effectués sur les composantes principales issues de l’analyse factorielle. Ces analyses ont été effectuées avec le logiciel R et le package FactoMineR (Lê et al., 2008).

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Chapitre 3. CARACTERISATION ISOTOPIQUE ET BIOCHIMIQUE DES

POOLS DE MO

© Sandrine Ruitton

Récif Panier Acier – Photo Sandrine Ruitton

59 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

3.1.Résumé – Principaux résultats Situées à l’interface entre continent et océan, les zones côtières revêtent une importance cruciale dans le fonctionnement des écosystèmes marins. Leur production primaire locale est importante (Charpy-Roubaud et Sournia, 1990) et elles subissent les apports et les influences de sources de matière organique (MO) allochtones, notamment celles apportées par les fleuves côtiers (Riera et Richard, 1996 ; Darnaude et al., 2004 ; Bode et al., 2006). Comprendre le fonctionnement trophique des écosystèmes côtiers s’avère donc complexe, particulièrement en baie de Marseille, deuxième agglomération française, où les influences des activités anthropiques s’ajoutent aux influences naturelles. L’ensemble de ces sources de MO, locales ou allochtones, entrent dans la composition de deux pools hétérogènes principaux, la matière organique particulaire en suspension dans l’eau (MOP) et la matière organique du sédiment (MOS). La MOP est ainsi composée de matière vivante et de matière morte, et peut inclure des organismes phytoplanctoniques et zooplanctoniques, des bactéries et des virus, et un ensemble de composés détritiques (pelotes fécales, cellules d’organismes morts, débris de producteurs primaires benthiques) d’origines diverses (Volkman et Tanoue, 2002 ; Savoye et al., 2003 ; Tesi et al., 2007 ; Harmelin-Vivien et al., 2008b ; Frangoulis et al., 2011). La MOS se compose majoritairement de matière morte, résultant de la sédimentation de la production primaire benthique et pélagique (Holmer et al., 2004 ; Papadimitriou et al., 2005), mais l’influence de la production du microphytobenthos sur ce compartiment n’est pas négligeable (Barranguet et al., 1996). Le microphytobenthos peut ainsi représenter la principale source de MO pour les organismes filtreurs dans certains estrans ou les estuaires de certains fleuves (Underwood et Kromkamp, 1999 ; Riera, 2008). La matière organique dissoute peut également représenter un apport de MO pour les réseaux trophiques mais dont l’importance reste limitée par rapport à celle de la MOP et de la MOS, par exemple à certains stades de vie des organismes (Manahan et al., 1983). La multiplicité des sources et leurs influences relatives rendent complexe la compréhension du fonctionnement de ces réservoirs. Leur consommation par les organismes filtreurs et suspensivores est un facteur majeur de la structuration des communautés benthiques (Pfannkuche, 1993 ; Salen-Picard et al., 2002) qui rend nécessaire la compréhension de leur utilisation par les organismes des récifs artificiels, pour comprendre les flux de matière et d’énergie au sein des réseaux trophiques. Les analyses isotopiques et biochimiques peuvent s’avérer des outils utiles pour caractériser ces pools de MO. (Danovaro et al., 2000 ; Maksymowska et al., 2000 ; Bode et al., 2006). Dans la mesure où elles résultent d’environnements différents et de producteurs primaires utilisant des voies métaboliques différentes, les signatures des MO d’origines terrestres et marines seront différentes et

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la signature des réservoirs en milieu marin sera le reflet de leurs influences relatives (Riera et Richard, 1996 ; Darnaude et al., 2004 ; Banaru et al., 2007 ; Tesi et al., 2007). De même, les différentes classes biochimiques permettront de caractériser le type de matière organique. La présence de glucides insolubles, composés réfractaires, sera le reflet d’une prépondérance d’une MO détritique, alors que la présence de composés plus labiles (protéines, lipides, glucides solubles) sera le reflet d’une MO phytoplanctonique récemment synthétisée (Amon et Benner, 1996 ; Danovaro et al., 2000 ; 2001). Les principaux résultats obtenus montrent une différence dans la nature des deux pools de MO, reflétée aussi bien par les signatures isotopiques que par les concentrations biochimiques. Les valeurs de δ13C sont plus élevées dans la MOS que dans la MOP et les valeurs de δ15N plus élevées dans la MOP que dans la MOS. Les concentrations biochimiques sont par ailleurs nettement plus élevées dans la MOP que dans la MOS, cette dernière étant caractérisée par la prépondérance des glucides insolubles. La MOP montre une grande variabilité spatiale (entre les deux récifs) et saisonnière, aussi bien pour les signatures isotopiques que pour les concentrations biochimiques. Les signatures isotopiques en C et en N sont faibles au printemps, intermédiaires en automne et en hiver, et fortes en été. L’été est également marqué par des concentrations biochimiques importantes dans la MOP, tandis que les concentrations les plus faibles sont observées en automne. De plus, les valeurs sont toujours plus élevées sur V3 que sur V6. En revanche, les différences saisonnières des signatures isotopiques et de la composition biochimique de la MOS sont beaucoup moins marquées, voire inexistantes, même si le δ13C est plus élevé sur V6 que sur V3. Ces résultats mettent ainsi en évidence des différences de nature et de fonctionnement des deux réservoirs. Les fluctuations importantes de la MOP reflètent des influences récentes et variables. L’utilisation de modèles de mélange isotopiques montre que les différences spatiales des signatures isotopiques de la MOP sont liées aux influences des apports de l’Huveaune, en lien avec les déplacements des masses d’eau, sous l’influence du vent. Le mistral induit la création d’un courant fort reliant la rade nord à la baie du Prado, ainsi que des gyres dans sa partie sud. Les variations saisonnières des signatures isotopiques sont plus liées aux variations de la production primaire phytoplanctonique. Les faibles variations spatio-temporelles de la MOS et la forte quantité de glucides insolubles, reflètent plutôt un fonctionnement détritique de ce compartiment. Les résultats des modèles de mélange montrent l’influence de la sédimentation de la production phytoplanctonique et des débris de feuilles de posidonie. Ces deux sources de matière organique sont présentes tout au long de l’année et

61 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO leur accumulation explique le fait que ce pool ne montre qu’une faible variabilité spatiale et temporelle, même si l’influence de l’herbier de posidonie est plus notable sur le récif qui en est proche. L’ensemble de ces résultats semble montrer une plus grande qualité nutritive de la MOP par rapport à la MOS. L’analyse de l’ensemble des organismes composant le réseau trophique permettra de comprendre comment ces deux réservoirs de MO, de nature et de composition différentes, seront intégrés dans le réseau trophique, et si cette différence de qualité nutritive permet d’apporter des éléments d’explication des choix alimentaires des consommateurs.

3.2. Introduction Coastal ecosystems represent one of the most productive systems on Earth (Duarte and Cebriàn, 1996). Positioned at the interface between terrestrial and open sea ecosystems, coastal zones are under the influence of different sources of organic matter (OM) (Bode et al., 2006). Phytoplanktonic production is generally the main source of carbon in these zones, but local benthic production also represents a non-negligible contributor to organic matter pools, as do inputs of terrestrial matter carried by coastal rivers (Riera and Richard, 1996 ; Darnaude et al., 2004). All these inputs supply two complex and heterogeneous pools of organic matter, the suspended particulate organic matter pool (POM) in the water column and the sedimentary organic matter pool (SOM) which fuel the coastal food webs (Savoye et al., 2003 ; Tesi et al., 2007). POM is actually a mixture of living and detrital material, including bacteria, fecal pellets, dead zooplanktonic cells and detritus (Harmelin-Vivien et al., 2008b ; Frangoulis et al., 2011). SOM is considered to be mainly a detrital pool which is fueled by dead material from benthic and pelagic marine producers (Holmer et al., 2004 ; Papadimitriou et al., 2005) and from riverine inputs, but it could also result from important local microphytobenthic production (Barranguet et al., 1996). This multiplicity of sources has always made it difficult to understand the relative influence of each source on these pools and its use by consumers. Analysis of stable isotopes has been used successfully to solve this problem (Maksymowska et al., 2000 ; Bode et al., 2006). This method is based on the natural coexistence of light and heavy stable isotopes with defined proportions which are modified by biochemical processes. As terrestrial and marine primary producers use different photosynthetic pathways, they discriminate differentially between light and heavy isotopes, and have different isotopic ratios of carbon and nitrogen (Peterson and Fry, 1987). Organic matter from land plants is commonly considered to be highly 13C depleted and to display values lower than -28‰ (Riera and Richard, 1996). As coastal rivers carry this matter, riverine POM displays similar low values (Banaru et al., 2007 ; Tesi et al., 2007 ; Harmelin-Vivien et

62

al., 2010). The 13C values of marine benthic producers may be highly variable, with some red algae displaying values lower than -30‰ (Pinnegar and Polunin, 2000)and seagrasses, which are enriched in 13C, reaching isotopic ratios close to -10‰ (Hemminga et Matteo, 1996). Isotopic signatures of marine phytoplankton are considered to be close to -22% in temperate waters (Fry and Wainright, 1991 ; Harmelin-Vivien et al., 2008b). The isotopic ratios of OM pools will thus be representative of the relative influence of each of these sources. Biochemical analyses of OM pools may also be a useful tool for assessing their origin. OM is usually divided into labile and refractory matter. Labile matter is composed of hydrosoluble compounds readily metabolically available for consumers (Danovaro et al., 2000), such as proteins, lipids and simple carbohydrates whereas refractory matter contains more complex compounds, such as structural carbohydrates or fulvic acids and need bacterial transformation before its consumption (Danovaro et al., 2001). In marine coastal environments, labile dissolved OM is usually composed by phytoplanktonic production and refractory OM is brought to sea by terrestrial inputs (Amon and Benner, 1996). Traditional conception considers that low-molecular weight compounds are generally main components of labile matter and much complex compounds, like heteropolysaccharides, represent refractory matter. But this size reactivity continuum is getting more complex by diagenetic degradation processes which could result in low molecular weight refractory compounds (Amon and Benner, 1996). A high concentration of refractory compounds in a pool clearly indicates a detritic origin, whereas a high concentration of labile compounds indicates a recently synthesized OM. A complementary approach is based on the use of the carbon / nitrogen (C/N) ratio to determine OM quality. Since proteins are the main N compounds in OM, low C/N values indicate an important quantity of amino acids and consequently an OM of high nutritional (Danovaro et al., 2001). POM and SOM, through their consumption by suspensivores and detritivores, are considered the major energy inputs driving the dynamics of the benthic communities (Pfannkuche, 1993 ; Salen- Picard et al., 2002). The knowledge of the nature, origin and variation of POM and SOM is a prerequisite for future determination of the use and transfer of OM in coastal trophic webs. Numerous studies on isotopic or biochemical composition of POM or SOM were performed in different locations of the Mediterranean Sea such as coastal lagoons (Vizzini and Mazzola, 2003 ; Covazzi Harriague et al., 2007), estuarine zones (Darnaude et al., 2004 ; Harmelin-Vivien et al., 2008b) or underwater caves (Fichez, 1991 ; Rastorgueff et al., 2011) but not on rocky coastal zones as in the present study. Moreover none of them combine the analysis of stable isotopes and biochemical composition of these pools and looked for their seasonal variability. The aims of the present study were thus (a) to determine the main isotopic and biochemical features of the two OM

63 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO pools, (b) to assess their spatial and seasonal variations and (c) to link these variations with influences of allochtonous sources of OM under the control of climatic and hydrologic parameters.

3.3. Materials and Methods

3.3.1. Study site The Bay of Marseilles is divided in two parts. The northern part is the bigger and deeper (mean depth 52 m) of the two and includes the commercial harbor facilities and industrial activities. The southern part is shallower (mean depth 30 m) and has no industry. Two sampling sites were chosen in the south of the Bay due to their proximity to potential sources of OM (Fig. 3.1). The southern site (V6) is close to the Posidonia oceanica (Linnaeus) Delile meadow and to the mouth of the Huveaune River. The river flow is deflected to the Marseilles sewage outfall most of the time, but after heavy rain events it flows briefly to the sea through its natural bed. The northern site (V3) is further from these potential sources of organic matter and closer to the northern part of the Bay. Both sites are at depths of 30 m with similar sandy bottom with dead matte of P. oceanica (underlying structure of P. oceanica meadows constituted of rhizomes and roots intermingled with sediments) Sampling was performed once per season in spring, summer, autumn and winter 2010. Subsurface seawater was sampled above each site. Water sampling was performed four times in the Huveaune River during flow periods. Huveaune samplings coincided with the four main rain events in Marseilles in 2010 (Météo France, data not shown). All water samples were prefiltered on a 200 µm mesh-sieve to remove large detritus. Marine and riverine POM were obtained by filtering water on pre-weighed Whatman GF/F filters precombusted for 4 h at 500°C to remove any trace of organic matter. Filters were then dried, weighed again to obtain dry weight and kept in a dry and dark place before stable isotope and biochemical analyses. A total of 15 filters was obtained at each season. Additional data on isotopic values of POM in the vicinity of the sampling area were obtained from previous studies (Sewage POM: Marseilles sewage outfall, (Topçu et al., 2010),Offshore POM: water outside of the Bay of Marseilles and away from urban influence ; (Darnaude et al., 2004), Coastal POM: coastal water POM under urban influence (M. Harmelin-Vivien, unpubl. data)). Sediment samples were collected by SCUBA diving at each season on each site. The sediment surface layer was sampled at three stations at each site. An additional sediment sampling was performed in the P. oceanica meadow near V6 site. Sediment samples were stored frozen and were freeze-dried before analysis.

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Fig. 3.1: Location of sampling sites (V3 and V6) and of POM additional sampling sites in the Bay of Marseilles

65 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

3.3.2. Stable isotope analysis SOM samples were ground into a fine powder using an agate mortar and pestle. As SOM and POM contain carbonates, an acidification step was necessary to remove 13C- enriched carbonates. SOM and filter materials were split in half. One part received 1% HCl treatment before rinsing and drying, and was used for 13C analyses. The other part did not receive further treatment and was used for 15N analyses. POM was collected by scraping the surface of acidified and non-acidified filters. For each site and season, three replicates were done on POM and 27 on SOM for both 13C and 15N. Stable isotope measurements were performed with a continuous-flow isotope-ratio mass spectrometer (Delta V Advantage, Thermo Scientific, Bremmen, Germany) coupled to an elemental analyzer (Flash EA1112 Thermo Scientific, Milan, Italy). Results are expressed 13 15 in  notation relative to PeeDee Belemnite and atmospheric N2 for  C and  N,

 Rsample  3 13 15 respectively, according to the equation X   110 , where X is C or N and R  Rstandard  is the isotope ratio 13C/12C or 15N/14N, respectively. For both δ13C and δ15N, measurement precision is < 0.1‰ (replicate measurements of internal laboratory standards, acetanilide). Percentage of organic C and organic N were obtained using the elemental analyzer and were used to calculate the sample C/N ratio.

3.3.3. Biochemical analyses Determination of biochemical concentrations was performed on SOM and POM to assess the composition of OM pools. Soluble and insoluble carbohydrates, lipids and proteins were determined by spectrophotometric methods. Soluble carbohydrates were extracted from SOM and POM with distilled water (100°C, 20 min) and insoluble carbohydrates were extracted in the residue. Both soluble and insoluble carbohydrates concentrations were determined after Dubois et al. (1956) and were expressed as glucose equivalents. Lipids concentrations were determined following Bligh and Dyer (1959) and were expressed as tripalmitic acid equivalent. Proteins concentrations were determined according to Lowry et al. (1951) and were expressed as bovine sero-albumin equivalent. All analyses were run on triplicates. For each compound at each site and season, 9 analyses were performed on POM and 27 on SOM. To allow comparisons between POM and SOM, all biochemical concentrations were in µg mg-1. For sedimentary organic matter, the concentration measured by spectrophotometry is calculated against the weight of sediment used for the analysis. For

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POM, the concentration measured is calculated against the weight of the dry matter retained on each filter.

3.3.4. Mixing models As POM and SOM are mixed pools under the influence of different sources of OM, mixing models were used to assess the relative contributions of each of these sources on the global pools at each location. Contributions were calculated using IsoSource software (Philips and Gregg, 2003). For POM, available data on isotopic values of POM in the vicinity of the sampling zone (coastal, offshore, Huveaune River and sewage outfall POM) were computed to calculate the mean annual contribution of these sources to V3 and V6 POM. As SOM may also receive inputs from seagrasses, 13C and 15N values representative of Posidonia oceanica were added to POM values for the calculation of SOM mean contributors. P. oceanica values were calculated from 13C and 15N mean value measurements of living and dead leaves sampled throughout the year in the seagrass meadow near V6 (P. Cresson, unpubl. data; cf. Chap. 5). Mean calculated values were -15.46‰ for 13C and 4.16‰ for 15N. The range of probable contributions was calculated using 1% increments and a tolerance of 0.1.

3.3.5. Statistical analyses After testing for normality (Kolmogorov-Smirnoff test) and homogeneity of variances (Levene test), two way ANOVA were performed to assess the effect of time (season) and space (location) on isotopic ratios and biochemical concentrations. Post-hoc comparisons of means were performed with Student-Newman-Keuls tests. When assumptions of homogeneity of variances or normality were not reached, non-parametric Kruskall-Wallis ANOVAs were performed followed by post-hoc non-parametric paired comparison tests. All statistical analyses were done with Statististica ® 9.1 software.

3.4. Results

3.4.1. Variations of biochemical composition of organic matter pools Biochemical concentrations were consistently higher in POM than in SOM for all the parameters analyzed (Tab. 3.1). Insoluble carbohydrates represented the main compounds of SOM (nearly 65% of the total amount of biochemical compounds) whereas no clear predominance appeared for POM, with insoluble carbohydrates, lipids and proteins displaying similar mean concentrations.

67 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

Tab. 3.1: Mean values (± standard deviation) in POM and SOM of 13C, 15N, C/N ratio, concentrations of insoluble carbohydrates (IC), soluble carbohydrates (SC), lipids and proteins, and results of Mann-Whitney mean comparison tests. δ13C δ15N C/N IC SC Lipids Proteins (‰) (‰) (µg.mg-1) (µg.mg-1) (µg.mg-1) (µg.mg-1) POM -24.18 ± 0.85 5.13 ±0.90 6.33 ± 1.13 11.65 ± 10.14 2.66 ± 1.61 8.70 ± 5.85 9.81 ± 12.91 SOM -21.95 ± 0.57 3.67 ± 0 .25 13.05 ± 2.06 3.91 ± 1.52 0.47 ± .36 0.81 ± 0.24 0.95 ± 0.54 Z= 7.9 Z= 6.9 Z = 8.0 Z = 5.4 Z = 5.6 Z= 8.0 Z= 5.1 Statistics p < 0.001 p < 0.001 p < 0.001 p < 0.001 p < 0.001 p < 0.001 p < 0.001

Important seasonal variations were observed in POM (Fig 3.2). Concentrations were significantly higher in summer for all parameters with the exception of soluble carbohydrates (Tab. 3.2). Concentrations were lowest in autumn and intermediate in winter and spring. Spatial variations were also evidenced in POM, with higher lipid and protein concentrations in V6 than V3 (Table 3.2) and explained high variability observed for seasonal concentrations.

Fig. 3.2. Seasonal variations of mean concentrations of insoluble carbohydrates, soluble carbohydrates, lipids and proteins measured in POM.

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Tab. 3.2 Variation of the isotopic and biochemical parameters measured in POM and SOM. Letters stand for the statistical test used (Z:Mann-Whitney; F: two way ANOVA; H: non parametric Kruskall Wallis ANOVA). IC Insoluble Carbohydrate, SC soluble carbohydrates, Sp spring, Su summer, Au autumn, Wi Winter. n.s. not significant, * significant at p<0.05, ** significant at p<0.01, *** significant at p<0.001, Post-hoc post hoc comparison of means (Student-Newman Keuls or paired comparison test) POM Parameter Factor Statistics p Post-hoc site F = 91.03 < 0.001 *** V3 > V6 δ13C (‰) season F = 33.60 < 0.001 *** Sp < Wi =Au = Su site × season F = 7.17 < 0.001 *** site F = 1.83 0.19 n.s. δ15N (‰) season F = 11.81 < 0.001 *** Sp < Au < Su = Wi site × season F = 0.23 0.87 n.s. site F = 9.76 0.01 * V3 < V6 C/N season F = 12.65 < 0.001 *** Sp = Su < Au = Wi site × season F = 4.09 0.02 * site Z = 1.69 0.09 n.s. IC season H = 15.65 0.001 *** Au= Wi < Sp

69 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

Tab. 3.2 continued

SOM Parameter Factor Statistics p Post-hoc site F= 105.77 < 0.001 *** V3 < V6 δ13C (‰) season F=15.70 < 0.001 *** Sp = Su > Wi = Au site × season F = 1.65 0.18 n.s. site F = 38.73 < 0.001 *** V3 < V6 δ15N (‰) season F = 0.88 0.45 n.s. site × season F = 5.63 < 0.001 *** site F = 37.46 < 0.001 *** V3 > V6 C/N season F= 33.87 < 0.001 *** Sp < Su < Au = Wi site × season F = 5.33 < 0.001 *** site Z = -2.98 0.003 ** V3 < V6 IC season H = 50.00 < 0.001 *** Sp < Su = Au = Wi (µg.mg-1) site × season H = 68.87 < 0.001 *** site Z = -3.90 < 0.001 *** V3 < V6 SC season H=67.00 < 0.001 *** Wi = Su < Au = Sp (µg.mg-1) site × season H = 118.35 < 0.001 *** site Z = -1.37 0.17 n.s. Lipids season H = 20.56 < 0.001 *** Sp< Su=Wi= Au (µg.mg-1) site × season H = 41.57 < 0.001 *** site Z= -2.40 0.02 * V3 < V6 Proteins season H = 95.16 < 0.001 *** Sp < Au = Wi

SOM appeared to be less variable than POM, even if small differences were noted. A decrease in all biochemical parameters appeared in spring (Fig. 3.3), while no real difference was observed for the other three seasons. Concentrations in SOM were significantly higher at V6 than at V3 for insoluble carbohydrates, soluble carbohydrates, and proteins, but not for lipids (Tab. 3.2).

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Fig. 3.3. Seasonal variations of mean concentrations of insoluble carbohydrates, soluble carbohydrates, lipids and proteins measured in SOM.

3.4.2. Stable isotope ratios of organic matter pools Differences were observed between SOM and POM stable isotope ratios (Table 3.1). 13C values were higher for SOM and 15N values were higher for POM. C/N ratio also showed substantial differences, with lower values for POM than for SOM. Spatial differences existed for 13C between V3 and V6 (Fig. 3.4). V6 POM displayed lower values than V3. This low value appeared similar to values observed for POM from terrestrial origin (sewage, outfall and Huveaune). On the contrary, the higher 13C value obtained in V3 POM was intermediate between values measured for coastal and offshore stations.

Fig. 3.4. Spatial variation of POM (squares) and SOM (circles) isotopic (δ13C and δ15N) ratios at V3 (black) and V6 (white). Additional data on potential sources of organic matter result from this work (Huveaune, sediment from P. oceanica meadow, mean P. oceanica dead and living leaves) or from previous studies (sewage: Topçu et al. (2010) ; coastal: Mireille Harmelin-Vivien unpubl. data ; offshore: Darnaude et al. (2004)). For graphic convenience, the δ13C axis was broken between -20 ‰ and -17 ‰.

71 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

Applying the IsoSource mixing model to stable isotopes ratios of POM suggested different contributions of OM sources for the two sampling sites (Fig. 3.5). Huveaune and coastal POM were the main contributors of V6 POM (mean contribution of 36% and 38% respectively) whereas V3 POM was more influenced by coastal and offshore POM (50% and 37% respectively). High seasonal variations were evidenced for POM. 13C and 15N values were low in spring, reached a maximum in summer, and were intermediate in autumn and winter (Tab. 3.3). Tab. 3.3. Seasonal means (± standard deviation) of stable isotope values and C/N ratios of POM (n=6) and SOM (n=27) δ13C SD δ15N SD C/N SD Spring -25.02 0.23 3.89 0.29 5.64 0.44 Summer -23.59 0.58 5.80 0.40 5.95 0.82 POM Autumn -23.78 1.05 5.00 0.50 5.80 1.62 Winter -24.33 0.63 5.83 0.50 6.45 0.75

Spring -21.84 0.60 3.62 0.27 11.32 1.68 Summer -21.73 0.52 3.66 0.24 13.01 1.36 SOM Autumn -22.20 0.60 3.70 0.29 13.72 2.20 Winter -22.08 0.44 3.68 0.20 14.17 1.73

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Fig. 3.5. Contributions of offshore, sewage, Huveaune and coastal POM to water POM at V3 (a) and V6 (b) and contributions of these sources plus P. oceanica leaves to SOM at V3 (c) and V6 (d), calculated with IsoSource software. Bottoms and tops of the boxes indicate lower and upper quartiles, horizontal bands represent medians, crosses indicate means and ends of whiskers represent minimal and maximal values.

73 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

The substantial standard deviations observed for 13C in summer, autumn and winter were due to important differences between sites (Fig. 3.6). Isotopic ratios measured in SOM showed low spatial and temporal variations. Values were significantly higher at V6 than at V3 and were closer to ratios measured for Posidonia oceanica meadow SOM.

Fig. 3.6: Spatio-temporal variation of isotopic ratios (δ13C and δ15N) of POM and SOM on each sampling site and season. V3 POM: circles; V6 POM: squares; V3 SOM: triangles; V6 SOM: diamonds. Sp: spring (green); S: summer (red); A: autumn (brown); W: winter (blue).

Mixing models showed that SOM was under the influence of two main contributors, offshore POM and P. oceanica. Offshore POM contributed to SOM with values close to 30% at both sites (32% for V3 and 28% for V6). IsoSource values also showed a fairly similar contribution of P. oceanica inputs, with higher values at V6 (29% at V6 and 22% at V3). P. oceanica was the only source of OM with no null contribution value on SOM. Seasonal variation of SOM appeared only for 13C in two groups, spring and summer with higher values, and winter and autumn with lower values. No linear relationship was observed 13 13 between lipids concentrations and  C either in POM (Lipids = 21.28 + 0.52 ×  CPOM, 13 r² = 0.006, p > 0.05) or in SOM (Lipids = - 0.07 - 0.04 ×  CSOM, r² = 0.008, p > 0.05).

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3.5. Discussion

3.5.1. Origin of the organic matter The particulate organic matter in seawater and sediment in coastal zones are heterogeneous pools composed of a mixture of living matter phytoplankton and zooplankton in the water column, and phytobenthos and meiofauna in the sediment, but also of detrital matter from marine or terrestrial origin. In marine animals, a linear correlation between 13C and lipids is commonly observed, due to low 13C values of lipids (Sweeting et al., 2006). The absence of any correlation between lipids and 13C in POM and SOM was linked to their heterogeneous composition. Variations of the relative importance of each source of matter will modify the global composition of OM pools, which may be determined through their biochemical and isotopic signatures. In temperate waters, phytoplankton commonly displays 13C values comprised between -22‰ and -20‰ (Fry and Wainright, 1991 ; Harmelin-Vivien et al., 2008b). 13C mean value measured for POM in the Bay of Marseilles in the present study (-24.18 ± 0.85‰) was lower than usual values. Low values of marine POM 13C are commonly interpreted as the reflect of substantial contribution of terrestrial OM on POM (Riera and Richard, 1996 ; Harmelin-Vivien et al., 2008b). But similar low 13C values have already been measured in local coastal phytoplankton samples (Rastorgueff et al., 2011). The C/N ratio close to 6 for POM in the present study was coherent with values reported for phytoplanktonic cells for which C/N ratios usually range between 6 and 10 (Biddanda and Benner, 1997 ; Savoye et al., 2003). POM also displayed high lipid and protein concentrations. When POM biochemical concentrations and phytoplankton counting are performed on the same samples, increases in proteins and lipids, the main constituents of phytoplanktonic cells (Handa, 1969), always occur simultaneously with phytoplankton blooms (Pusceddu et al., 1996 ; Covazzi Harriague et al., 2007). Our results indicated the major role of phytoplanktonic production in the marine POM of the Bay of Marseilles and were coherent with previous studies which reported mean annual phytoplanktonic production of 88 gC.m-2.a-1 (Lefevre et al., 1997). SOM differed from POM in both its isotopic and its biochemical characteristics. In coastal ecosystems under the influence of large rivers, low or non-significant differences between POM and SOM 13C could be evidenced, due to a predominant contribution of terrestrial matter on deltaic SOM (Banaru et al., 2007). In the Bay of Marseilles, differences between POM and SOM and the higher 13C values observed in SOM rule out a major

75 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO influence of riverine matter on sediment. SOM isotopic signatures appeared to be driven by the proximity of a Posidonia oceanica meadow which provided large amounts of detritus. The organic matter produced by this seagrass is mainly composed of high molecular weight compounds hard to degrade and which are sequestered in the sediment for long periods of time (Boudouresque et al., 2006b). As seagrasses are known to present high 13C values ranging between -12‰ and -9‰ (Hemminga and Matteo, 1996), the high 13C values observed in SOM and the importance of insoluble carbohydrates may be linked with constant inputs of 13C-enriched P. oceanica detrital matter. Mean contribution values calculated using mixing models for SOM contributors confirmed the importance of seagrass detritus at the two locations year- round, with a marked influence at V6, which is located close to seagrass meadows. Offshore POM also appeared to be an important contributor to SOM, as this matter is probably settling year-round, even if cautions must be taken due to high variability. A comparable pattern is observed in the Balearic Islands where sestonic particles and seagrass detritus are demonstrated to be the major contributors to SOM composition (Papadimitriou et al., 2005). The low contributions calculated for other POM (sewage, Huveaune and coastal) could be explained by occasional inputs, which were of little significance annually.

3.5.2. Seasonal variations of OM pools Isotopic ratios and biochemical concentrations measured in POM were highly variable. Spring samples differed, with the lowest isotopic values and intermediate biochemical concentrations. The seasonal variation of phytoplanktonic communities may explain these variations. Gregori et al. (2001) evidence a massive bloom of picophytoplankton cells (0.2 - 2 µm) in spring in the Bay of Marseilles. In the Mediterranean Sea, the smallest phytoplanktonic cells (<8µm) are markedly 13C depleted in comparison to larger particles and display 13C values of between -25.4‰ and -22.5‰ (Rau et al., 1990).The low stable isotopes values of 13C recorded in spring may thus reflect the predominance of these small cells in the Bay of Marseilles. This explanation was supported by the conjunction of a high concentration of -a measured in the Bay (Table 3.4) with a low abundance of large phytoplanktonic cells (mainly diatoms and dinoflagellates) at the time of sampling (M. Golbol, pers. comm.). Winter POM was characterized by high 15N values and summer POM by both high 13C and 15N values. Abundance of phytoplankton cells is known to be important in summer in the Bay of Marseilles and some transient blooms can also appear in winter (Travers, 1971). Low concentrations of inorganic nutrients were also observed during these seasons (Table 3.4).

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Tab. 3.4. Best available environmental data for the sampling zone at each season. Chl-a: mean + concentration of chlorophyll a measured in surface water (data from A. Desnues – LOPB); NH4 and - NO3 : mean concentration of ammonium and nitrate measured in the Frioul SOMLIT station (data provided by Service d’Observation en Milieu Littoral, INSU-CNRS, Marseille). Rain: total rainfall in the 3 days prior to water sampling (Météo France data). Direction of wind: percentage of time during which wind is from the NW or SE during the 72 hour period prior to sampling. Mean wind speed for each direction during the 72 hour period prior to sampling (data from Service d’Observation / Centre d’Océanologie de Marseille – C. Yohia) Mean wind Chl a NH + NO - Rain Direction of wind 4 3 -1 speed (m.s ) (µg l-1) (µmol l-1) (µmol l-1) (mm) %NW %SE NW SE Spring 0.46 1.82 0.99 0.20 26% 10% 8.6 6.9 Summer 0.25 0.01 0.01 0.20 23% 5% 3.4 6.8 Autumn 0.13 0.03 0.15 0.00 41% 10% 16.5 4.7 Winter 0.46 0.07 0.02 3.20 64% 10% 16.2 8.2

The growth of phytoplanktonic cells on an impoverished pool of nitrates (where only 15N enriched compounds remain) may be responsible for the high 15N values observed for POM in summer and winter, as described by Savoye et al. (2003) and Montoya (2007). Fry and Wainwright ( 1991) also report a 13C enrichment of phytoplankton at the end of a bloom. The high concentration of biochemical compounds in summer supported this hypothesis. Covazzi Harriague et al. (2007) show that phytoplankton is the main driver of seasonal fluctuations in POM quality and link high biochemical concentrations in water with high phytoplankton biomass. Rossi et al. (2003) report similar seasonal trends in biochemical concentrations of settling POM near Banyuls (west of the Gulf of Lions). They distinguish two periods, one spring – summer with biochemically enriched POM, and the other autumn – winter with impoverished POM. Finally, Pusceddu et al. (1996) describe a comparable increase in protein concentration with diatom and dinobiont blooms in an Italian lagoon. On the contrary, SOM was marked by low variations for both isotopic and biochemical values in the Bay of Marseilles. To our knowledge, few data exist for seasonal variations of stable isotope signatures of coastal sediments, and the existing data concern environments which are too different to allow simple comparison. Seasonal variations are observed in deltaic sediments under the influence of the Danube (Banaru et al., 2007) and Rhône Rivers (Darnaude et al., 2004) or in a shallow eutrophic coastal Italian lagoon (Vizzini and Mazzola, 2003). In these environments, seasonal variations of SOM composition are linked with variations of riverine inputs and seasonal cycle of terrestrial primary producers.

77 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

The artificial reefs located in the Bay of Marseilles are not under the influence of an important organic matter source able to drive seasonal variations, for the Huveaune River is small and its flow is diverted towards the Marseilles sewage system most of the time. As discussed above, sediment was mainly influenced by the exportation of detrital matter from Posidonia oceanica seagrass meadow. Biomass and density of macro and meiofauna in sediment are mainly controlled by OM content (Fabiano et al., 1995). Inputs of labile compounds from macrophytes and epiphytes are a source of matter which is quickly used by consumers. To the contrary, the main production of P. oceanica is high molecular weight structure carbohydrates which are hard to use, which persist throughout the seasons and which are mainly responsible for the isotopic and biochemical values of SOM.

3.5.3. Influence of hydrodynamics In the Bay of Marseilles, biochemical concentrations in POM were generally higher at V6 than at V3. 13C ratios were always lower at V6 than at V3, with marked differences in summer, autumn and winter. Mixing models based on isotopic ratios also showed different contributions of OM sources to V3 POM and to V6 POM. POM at each site appeared to be influenced by coastal POM, with marked inputs for V3 POM. Offshore POM was also an important contributor to V3 POM, whereas riverine matter carried by the Huveaune River influenced V6 POM. Even if phytoplanktonic production was generally predominant, these results demonstrated a different functioning of the waters masses. POM is not only a complex mixture of matter under the influence of different sources of OM, but it is also a transient pool which is strongly affected by hydrodynamic mechanisms. The studies performed on the dynamics of water masses in the Bay of Marseilles evidence their spatial heterogeneity and the influence of wind on their dynamics (Castelbon, 1972 ; Pradal and Millet, 2006). Wind measurements performed over 30 years show that the “mistral” (a wind blowing from the NW, 320-340° direction) is the main wind in the area (Pradal and Millet, 2006). In the Bay of Marseilles, the mistral creates two different currents. In the northern part of the Bay, an upwelling is created by this wind. It also causes the formation of a strong surface current which links the northern and southern parts of the Bay and which bathes V3 (Fig.3.7). In the southern part of the sampling zone, two deep gyres are created by the mistral. One is located near the coast close to the mouth of the Huveaune River and the other is further offshore and closer to V6 (Pradal and Millet, 2006). The mistral was blowing during most of the sampling period (Tab. 3.4) which may explain the spatial differences observed from summer to winter. The 13C values measured in V3 POM indicated inputs of phytoplanktonic OM, enhanced by

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upwelling and then driven to V3 by the strong surface current. The lowest 13C ratios measured in V6 POM highlighted the influence of riverine matter. During rain events, terrestrial matter is flushed out to sea by the Huveaune River and settles partially in the south of the Bay. This matter may then be re-suspended during mistral wind events and brought close to V6 by the combined action of the two gyres. The higher concentrations of lipids and proteins measured in V6 POM could also be linked with inputs of terrestrial proteins and lipids.

3.5.4. Influence of OM quality on trophic networks Determination of the factors underlying the feeding choices of consumers has always been a complex question (Choat and Clements, 1998 ; Prado and Heck Jr., 2011). In marine environments, various studies have demonstrated that the determination of biochemical concentration can give sufficient information to predict the distribution of organisms and consumption patterns (Fabiano et al., 1995 ; Rossi and Lardici, 2002 ; Grémare et al., 2003),particularly in coastal sediments where the quantity of nitrogen is considered to be a limiting factor (Tenore, 1988). In the Bay of Marseilles, a clear enrichment of POM as compared to SOM was observed, and was related to seasonal fluctuations of phytoplanktonic communities and to different influences of allochtonous organic matter sources, under the control of hydrodynamic and climatic parameters. In marine ecosystems, coupling between benthic and pelagic compartments is essential for their functioning (Danovaro et al., 2001 ; Frangoulis et al., 2011). Inputs of biochemically enriched OM falling through the water column represent an important source of matter for benthic communities (Covazzi Harriague et al., 2007 ; Quijòn et al., 2008). A similar coupling may be important for the functioning of the artificial reefs deployed in the Bay of Marseilles. Inputs of enriched POM were likely to be one of the main sources of OM fueling the trophic networks based on filter feeders, which are abundant colonizers of the artificial reefs, as demonstrated in other artificial reef systems (Cheung et al., 2010). The combined use of both biochemical analyses to characterize the quality of OM and of isotopic analyses of all the organisms colonizing the artificial reefs would help to understand their trophic functioning and to bring new insights into trophic relationships and food selection factors of organisms in these new coastal ecosystems.

79 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

Fig. 3.7: Map of the currents created by a NW 320° wind blowing at 10 m s-1, in surface and at the bottom. Stars represent artificial reef locations. Huv: Huveaune River mouth. Numbers 1 and 2 represent the two bottom gyres which could potentially re-suspend OM deposited during Huveaune River’s flooding events. Modified from Pradal (2006)

3.6. Conclusion Our study was aimed to assess spatial and seasonal variation of isotopic and biochemical features of OM pools in the Bay of Marseilles. Measured values showed differences in the functioning of these two pools. POM appeared to be a highly transient pool, mainly composed by phytoplankton with influences of riverine inputs on the southern part of the Bay. Variations were less marked in SOM and reflected the constant inputs of settling

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phytoplankton and Posidonia oceanica detritus. Combined analyses were useful tools to characterize OM pools and were prerequisites to further understanding of the trophic networks newly established in the artificial reefs deployed in this zone. Future determination of isotopic ratios of consumers would bring insights into the differential integration of these two OM pools within the coastal trophic networks depending on their biochemical content and nutritional value.

Acknowledgments Acknowledgements are due to all the people who provided external data: Anne Desnues for chlorophyll-a concentration measurement, Melek Golbol for phytoplankton cell + - counting, Patrick Raimbault for NH4 and NO3 concentrations through the SOMLIT program, Gilles Rougier for data on rainfall through the teaching and research convention Météo France/ CNRS (n° CNRS 2004013), and Christophe Yohia for wind measurements with the “Service d’Observation du COM”. Thanks are also expressed to Bernard De Ligondes, Fréderic Zuberer, Gregory Bleton, Mélanie Ourgaud and Fabien Morat for their help during sampling. We are grateful to Rachel Mackie for the improvement of the English of our manuscript and to an anonymous reviewer for useful comments on a previous version of the manuscript. Isotopic analyses were performed in the LIENSs laboratory at the Université de la Rochelle by Pierre Richard and Gaël Guillou, to whom we are grateful. This work is part of the “RECIFS PRADO” program developed by the city of Marseilles and was funded by a PhD grant from Agence de l’Eau Rhône-Mediterranée-Corse.

81 Chapitre 3 – Caractérisation des pools de MO

Tab. 3.5 : Principaux résultats du chapitre 3. MOP  δ13C plus faible, δ15N plus élevé, concentrations biochimiques plus importantes  Grande variabilité spatiale (valeurs plus faibles à V6 qu’à V3) et temporelle (valeurs faibles au printemps, élevées en hiver et en été)

Ces résultats traduisent un comportement transitoire de la MOP, principalement composée par la production primaire phytoplanctonique et donc liée à ses variations saisonnières. De plus, ce pool est fortement soumis à des influences différentes (apports terrigènes pour V3, influence de l’Huveaune pour V6) et est contrôlé des paramètres climatiques, qui conditionnent le fonctionnement hydrodynamique des masses d’eaux.

MOS  δ13C plus élevé, δ15N plus faible, concentrations biochimiques faibles, avec une majorité de glucides solubles  Faible variabilité spatiale (δ13C plus élevé à V6 qu’à V3) et temporelle

Ces résultats traduisent un comportement intégrateur de la MOS, composée par les apports de MO détritique qui sédimentent toute l’année (phytoplancton et feuilles mortes de posidonie).

Le couplage entre ces deux techniques apporte une information intéressante pour la caractérisation des pools de MO. Les différences biochimiques entre les deux pools montrent une plus grande qualité alimentaire de la MOP. Les ratios isotopiques permettront de mieux appréhender l’influence de ce paramètre sur les choix alimentaires des organismes filtreurs ou suspensivores.

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Chapitre 4. CARACTERISATION ISOTOPIQUE ET BIOCHIMIQUE

DES MACROALGUES BENTHIQUES

© Sandrine Ruitton

Photo Sandrine Ruitton

83 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

4.1.Introduction Lorsque l’on considère les océans mondiaux dans leur globalité, la production primaire phytoplanctonique est la principale source de carbone organique qui alimente les chaînes trophiques, avec près de 30 à 50 × 109 tonnes de carbone fixées chaque année, ce qui représente environ 40 % de l’ensemble de la production primaire mondiale (Charpy-Roubaud et Sournia, 1990 ; Uitz et al., 2010). La valeur est nettement moins importante pour la production primaire macrobenthique (de l’ordre de 10 % de la production primaire mondiale). Cette valeur doit cependant être rapportée au faible espace occupé par les producteurs primaires benthiques, qui n’occupent que 2 % de la surface mondiale des océans. En milieu côtier photique, le rôle des producteurs primaires benthiques est donc particulièrement important (Charpy-Roubaud et Sournia, 1990 ; Raven, 1997 ; Giordano et al., 2005). Près de 95 % de l’ensemble du carbone organique fixé par les producteurs primaires marins est fixé par la Rubisco (ribulose-1,5 bisphosphate carboxylase-oxygénase), l’enzyme la plus abondante à l’échelle de la planète (Raven, 1997 ; Griffiths, 2006). Sa double activité carboxylase et oxygénase rend nécessaire pour les producteurs primaires de disposer de mécanismes de concentration du carbone minéral (CCM), qui augmentent la concentration en

CO2 pour saturer la Rubisco et limiter son activité de photorespiration (Griffiths, 2006 ; Bartlett et al., 2007). En milieu marin, et par rapport au milieu aérien terrestre, les propriétés thermodynamiques de diffusion des gaz dans l’eau diminuent la quantité de carbone inorganique disponible et rendent encore plus nécessaires la présence de CCM pour la majorité des producteurs primaires. Un des principaux CCM en milieu marin est l’utilisation - d’anhydrases carboniques. Ces enzymes permettent l’utilisation du bicarbonate (HCO3 ), forme majoritaire de carbone inorganique en milieu marin, car elles catalysent sa déshydratation en CO2, forme de carbone inorganique utilisable par la Rubisco (Giordano et al., 2005 ; Raven et al., 2008). Les espèces qui disposent de cette enzyme peuvent donc utiliser la forme de carbone inorganique présente en majorité dans le milieu, augmenter la quantité de carbone inorganique disponible pour la Rubisco, et augmenter leur efficacité photosynthétique. Cette réaction, comme toutes les réactions biochimiques, est associée à un fractionnement isotopique, et les ratios isotopiques des producteurs primaires reflètent l’influence de ces mécanismes. En milieu côtier, la production primaire des macroalgues représente, avec la production phytoplanctonique, et les apports allochtones, une des bases des réseaux trophiques. L’utilisation de cette production primaire benthique est classiquement considérée comme faible en Méditerranée et limitée à quelques espèces de brouteurs, principalement des

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invertébrés (Palacìn et al., 1998 ; Bulleri et al., 1999 ; Benedetti-Cecchi et al., 2000 ; Hereu, 2006). Le rôle des poissons herbivores est classiquement considéré comme mineur, même si certains travaux montrent un impact non négligeable de la consommation de macroalgues par des poissons herbivores, et une influence de ces espèces sur la structure et la productivité des communautés de producteurs primaires (Sala et Boudouresque, 1997). Par ailleurs, un nombre relativement important d’espèces de poissons utilisent la production primaire des macroalgues à au moins un de leurs stades de développement (Verlaque, 1990 ; Sala et Boudouresque, 1997 ; Ruitton et al., 2000). Les travaux menés notamment sur la saupe, Sarpa salpa, ont montré que ces espèces étaient capables d’un broutage sélectif et que les espèces qui composaient l’alimentation de cette espèce résultaient d’un choix délibéré (Verlaque, 1990). Comprendre l’intensité des interactions entre herbivores et producteurs primaires, et les facteurs qui régissent ces interactions est donc crucial pour la compréhension du fonctionnement des réseaux trophiques marins (Poore et al., 2012). A ce titre, la détermination de la composition biochimique des macroalgues peut apporter des éléments de compréhension des mécanismes qui sont à la base des réseaux trophiques. Une consommation plus importante des macroalgues plus enrichies en ces composés par les herbivores a déjà été observée (Boyer et al., 2004). De nombreux travaux rapportent également que la quantité d’azote (donc également la concentration en protéines) pouvait représenter un facteur clé des choix alimentaires positifs des consommateurs (Barile et al., 1999 et références incluses ; Jacquin et al., 2006 ; Schaal, 2009), a fortiori chez les herbivores et les détritivores. Pour ces organismes, dont l’alimentation est basée sur une nourriture habituellement pauvre en azote, un apport même faible de ce composé représente une augmentation notable de la qualité de la nourriture (Bowen et al., 1995). Dans ce contexte, les valeurs isotopiques et biochimiques mesurées sur les macroalgues échantillonnées sur les deux récifs artificiels aux quatre saisons permettront de répondre à deux questions : 1. Est-il possible de caractériser les macroalgues benthiques présentes sur les récifs artificiels du Prado par leurs signatures isotopiques et leurs concentrations biochimiques ? 2. Quelles sont les parts respectives de la taxonomie, du métabolisme et de l’environnement pour expliquer ces valeurs et leurs variations ? Par ailleurs, la comparaison avec les préférences alimentaires des principaux herbivores en Méditerranée permettra d’apporter quelques éléments préliminaires sur les liens possibles entre composition biochimique et choix alimentaires des herbivores.

85 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

4.2. Matériel et méthodes L’échantillonnage de l’ensemble des macroalgues benthiques a été effectué à chaque saison et sur chaque récif en plongée sous-marine. L’ensemble des espèces présentes a été systématiquement prélevé.

De retour au laboratoire, les échantillons ont été triés, nettoyés de leurs épibiontes, avant congélation et lyophilisation. Ils ont ensuite été réduits en poudre en vue des analyses isotopiques et des dosages biochimiques.

Pour les analyses isotopiques, la poudre (~ 1 mg) est conditionnée dans des microcapsules en étain. Les ratios isotopiques des macroalgues ont été déterminés en spectrométrie de masse isotopique, et les rapports isotopiques sont exprimés selon la notation classique δX :

avec ( ) , ou X = 13C ou 15N, et R le ratio isotopique 13C/12C ou 15N/14N. Les concentrations biochimiques ont été dosées par des méthodes de spectrophotométrie. Les composés biochimiques (glucides insolubles et solubles, lipides, protéines) ont été extraits selon des protocoles basés sur leurs propriétés chimiques et leur affinité avec certains réactifs (Lowry et al., 1951 ; Dubois et al., 1956 ; Bligh et Dyer, 1959). La détermination des concentrations est basée sur la comparaison de l’absorbance des solutions expérimentales, par rapport à celles de gammes étalons construites à partir de solutions de concentrations connues. Les concentrations expérimentales sont ensuite ramenées à 1 g de poudre de macroalgue. La quantité totale de glucides, notés glucides totaux a été définie comme la somme des glucides solubles et des glucides insolubles. Lorsque la quantité de matière restante était suffisante, la matière inorganique a été déterminée par combustion des poudres à 500°C pendant 5 h puis pesée des cendres. Du fait du manque de matériel disponible pour répéter cette analyse, la détermination de la masse de cendre a été faite une seule fois pour chaque espèce sur chaque récif à chaque saison. Par ailleurs, bien qu’aucune analyse biochimique n’ait pu être effectuée avec succès chez les rhodobiontes calcifiées, la détermination de la masse de cendre a été réalisée chez Lithothamnion spp.

Par ailleurs, la concentration en protéines est classiquement déterminée dans la littérature par des méthodes indirectes, basées sur un facteur de conversion unique de 6.25

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entre le pourcentage en azote et la concentration en protéines (Jones, 1931). Ce chiffre est calculé en considérant (1) que les lipides et les glucides ne contiennent pas d’azote, (2) que la majorité de l’azote cellulaire est lié aux protéines, et (3) qu’il y a en moyenne 16 % d’azote dans les protéines. Il existe donc un rapport théorique de 6.25 (100 ÷ 16 = 6.25) entre le pourcentage d’azote (mesuré par spectrométrie ou par la méthode de Kjeldahl) et la concentration en protéines (Jones, 1931 ; Shuuluka et al., in press).

Plusieurs travaux récents montrent que cette méthode est assez peu robuste, dans la mesure où les cellules contiennent également de l’azote non protéique, inclus par exemple dans les pigments (chlorophylle ou phycoérythrine), dans l’ATP, dans les acides nucléiques ainsi que dans les nutrients azotés (Lourenço et al., 1998 ; 2002 ; 2004). Ces travaux proposent également des facteurs de conversion spécifiques, propres à chaque espèce et à chaque groupe taxonomique (Lourenço et al., 2002 ; Shuuluka et al., in press). Ces facteurs sont calculés comme le rapport entre le pourcentage d’azote et la quantité d’acides aminés, spécifiquement déterminés. Afin de comparer les valeurs obtenues par ces deux méthodes, les concentrations en protéines des macroalgues des récifs artificiels ont également été calculées pour chaque espèce en utilisant soit (1) le facteur de conversion associé à l’espèce quand il est disponible (Caulerpa racemosa), soit (2) le facteur moyen associé à d’autres espèces du même genre (Codium spp., Padina spp.) ou bien (3) le facteur associé à chaque groupe taxonomique quand aucune correspondance spécifique ne pouvait être trouvée (autres phéophycées, rhodobiontes). Une régression linéaire entre les deux valeurs de concentrations, dosées et calculées, a été effectuée. Des régressions linéaires entre descripteurs isotopiques et biochimiques ont également été effectuées. Dans les deux cas, les régressions ont été calculées en prenant en compte les valeurs moyennes mesurées pour chaque descripteur, pour chaque espèce, site et saison. Pour toutes les espèces pour lesquelles des concentrations biochimiques ont été déterminées, cette information a été résumée au sein d’une ACP, suivie d’une classification hiérarchique sur les composantes principales (HCPC) réalisées à l’aide du logiciel R et du package FactoMineR (Lê et al., 2008).

Cependant, malgré un effort d’échantillonnage identique et en raison de l’hétérogénéité saisonnière de la composition en macroalgues sur les récifs, toutes les espèces n’ont pu être échantillonnées à chaque saison. Les peuplements de macroalgues sont

87 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

également assez réduits à la profondeur importante à laquelle sont implantés les récifs artificiels et ne permettent pas de disposer systématiquement de la quantité de matière plus importante nécessaire aux analyses biochimiques. Dans ce cas, seules les analyses isotopiques ont pu être réalisées (Tab. 4.1). Cette hétérogénéité dans l’échantillonnage a été prise en compte dans les résultats et leur analyse. Dans un premier temps, les caractéristiques isotopiques et biochimiques globales de chaque groupe et espèces sont décrites, sans tenir compte des facteurs spatiaux et saisonniers. Par la suite, les comparaisons spatiales et saisonnières ne seront effectuées que pour les espèces pour lesquelles ces comparaisons sont possibles, c’est-à-dire présentes sur les deux récifs ou aux quatre saisons. Les comparaisons ont été effectuées par des tests classiques de comparaisons de moyenne, ANOVA paramétriques ou non paramétriques selon que les prérequis étaient vérifiés ou non, suivis par des tests post hoc de comparaison des moyennes.

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Tab. 4.1 : Répartition des prélèvements et des analyses (IS : isotopes stables ; B : biochimie ; C : pourcentage de cendres) effectuées sur les macroalgues.

Groupe V3 V6 Espèce taxonomique Printemps Eté Automne Hiver Printemps Eté Automne Hiver Bryopsis cupresina IS

Caulerpa racemosa IS B IS B IS B IS B IS B C IS B C

Chlorobiontes Codium bursa IS B C IS B C IS B C IS B C IS B C IS B C

Codium vermillara IS B C IS B IS B C IS B C IS B IS B

Flabellia petiolata IS B C IS B IS B C IS B C IS B C IS B C IS B IS B Cladostephus spongiosus IS B C IS B C IS B C

Cystoseira zosteroides IS IS

Dictyopteris sp. IS B C IS IS IS IS IS IS B

Dictyota dichotoma IS B IS B IS B C IS B C IS B C IS B C IS B C IS B Dictyota implexa IS IS B C Phéophycées Halopteris scoparia IS B C IS B IS B C IS B C IS B C IS B C IS B C IS B C Padina pavonica IS B C IS B C IS B C

Sporochnus pedunculatus IS IS B IS B

Taonia atomaria IS IS B C

Zardinia typus IS

Asparagopsis armata IS B

Bonnemaisonia sp. IS C B

Bornetia secundiflora IS

Rhodobiontes Dudresya verticillata IS

Polysiphonia subulifera IS B C IS IS B C IS B C

Sphaeroccocus coronopifolius IS IS B IS B IS B C IS B C

Spyridia filamentosa IS B C

89 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

4.3. Résultats

4.3.1. Caractéristiques biochimiques. L’analyse des résultats obtenus permet de mettre en évidence des différences entre les trois groupes de macroalgues ainsi que des spécificités biochimiques propres à chacun.

La principale caractéristique biochimique des chlorobiontes semble être la valeur significativement plus élevée des glucides insolubles (Fig. 4.1, Annexe 4.1). Ce groupe présente des valeurs intermédiaires pour les glucides solubles et des valeurs faibles en lipides et en protéines. Les valeurs du rapport C/N sont également significativement plus faibles pour les algues vertes. Au sein de ce groupe, Flabellia petiolata montre un profil particulier (Fig. 4.2) avec des valeurs importantes en glucides insolubles, en protéines et en lipides ainsi qu’un rapport C/N faible. F. petiolata montre également une valeur en glucides solubles plus faible que les trois autres espèces. Des concentrations en lipides et en protéines plus faibles, ainsi qu’un rapport C/N élevé sont observés pour Codium bursa. Les proportions de cendres des chlorobiontes sont légèrement plus élevées que celles des deux autres groupes (Fig. 4.3) Les phéophycées se caractérisent principalement par des valeurs moyennes plus élevées en lipides et en protéines, et des valeurs assez faibles pour les glucides solubles et insolubles. Taonia atomaria et Sporochnus pedunculatus se différencient des autres espèces par des concentrations plus élevées en lipides et en protéines. S. pedunculatus montre également des valeurs plus élevées pour les glucides solubles (Fig. 4.2). Peu de différences apparaissent entre les autres espèces. Le rapport C/N varie entre 15 et 17 chez la plupart des espèces de ce groupe, à l’exception de trois espèces (Dictyota implexa, Cladostephus spongiosus et Padina pavonica) qui montrent des valeurs moyennes supérieures à 20. P. pavonica est l’espèce pour laquelle le rapport C/N est le plus élevé.

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Fig. 4.1 : Boxplots des concentrations en protéines, lipides, glucides insolubles et glucides solubles, et des rapports C/N mesurés dans les 3 groupes de macroalgues. La ligne horizontale représente la médiane, les limites des boîtes les premier et troisième quartiles, et les moustaches les valeurs extrêmes, en excluant les outliers (outliers : valeurs supérieures à moyenne ± 1.5 × écart interquartile). Les différences significatives de valeurs moyennes entre groupes sont représentées par des lettres différentes sous les boxplots.

Enfin, pour les rhodobiontes, les valeurs sont intermédiaires pour les protéines, faibles pour les lipides et les glucides insolubles et élevées pour les glucides solubles (Fig. 4.1). Des valeurs élevées de glucides solubles s’observent chez 3 des 4 espèces de ce groupe (Polysiphonia subulifera, Sphaerococcus coronopifolius et Spyridia filamentosa, Fig. 4.2). Le rapport C/N moyen des rhodobiontes est comparable à celui des phéophycées. Les cendres représentent 50 % de la masse totale des tissus des rhodobiontes non calcifiées, alors qu’elle est de 92 % pour Lithothamnion spp.

91 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

Fig. 4.2 : Variations spécifiques des compositions biochimiques en lipides, protéines, glucides solubles et glucides insolubles et du rapport C/N. La ligne horizontale représente la médiane, les limites des boîtes les 1er et 3ème quartiles, et les moustaches les valeurs extrêmes, en excluant les outliers (outliers : valeurs supérieures à moyenne ± 1.5 × écart interquartile). Au sein de chaque groupe, les symboles reflètent les différences statistiques entre espèces, l’ordre des symboles suivant l’ordre croissant des valeurs. Pour le rapport C/N, le trait pointillé représente la valeur seuil de 15 au-delà de laquelle une source est considérée comme non utilisable par la majorité des consommateurs (Russell-Hunter, 1970)

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Par ailleurs, pour l’ensemble des groupes de macrophytes, les glucides solubles et insolubles sont la classe biochimique la plus importante, qui représente toujours plus de 50 % des concentrations biochimiques totales (Fig. 4.3).

Fig.4.3 : Proportions moyennes des concentrations biochimiques (GS : glucides solubles, GI : glucides insolubles) et de la masse de cendres mesurées pour chaque groupe de macroalgues. Pour Lithothamnion spp. (rhodobionte calcifiée), aucune analyse biochimique n’a pu être effectuée

La réalisation d’une analyse en composantes principales permet de synthétiser l’ensemble des informations obtenues avec les quatre descripteurs biochimiques (Fig. 4.3). Les deux premiers axes de l’ACP représentent 66 % de la variabilité (41 et 25 % respectivement). Les descripteurs qui forcent ces axes sont les lipides et les protéines sur l’axe 1 et l’opposition entre les entre les deux classes de glucides sur l’axe 2. De plus, l’analyse hiérarchique a posteriori sur les composantes principales de l’analyse factorielle permet de créer quatre groupes, dont deux composés d’espèces appartenant à des groupes taxonomiques différents. Il n’y a donc pas de profil biochimique type pour chaque groupe taxonomique en raison de la présence d’espèces dont les profils divergent. Cependant, deux groupes sont composés d’espèces du même taxon (T. atomaria et S. pedunculatus d’une part, F. petiolata d’autre part). Les deux autres sont principalement composés de chlorobiontes ou de phéophycées auquel se rajoutent deux espèces de rhodobiontes.

93 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

Pour les phéophycées, la position de T. atomaria et S. pedunculatus s’explique principalement par des concentrations très élevées en lipides. La position plus centrale des autres espèces de ce groupe est liée aux valeurs intermédiaires mesurées pour l’ensemble des descripteurs. La position des chlorobiontes dans l’ACP, dans la partie positive de l’axe 2 confirme l’importance des glucides insolubles dans la composition biochimique des espèces de ce groupe. Seule C. vermillara est positionnée dans la partie négative de cet axe, mais cela semble plus lié à la valeur élevée en glucides solubles de cette espèce. Du fait de son profil biochimique très singulier (concentration élevée en glucides insolubles notamment), F. petiolata occupe une position très extrême, et forme un groupe monospécifique dans l’HCPC. La position des rhodobiontes S. filamentosa et S. coronopifolius s’explique principalement par leurs concentrations élevées en glucides solubles et leurs faibles concentrations en protéines. Les deux autres espèces sont incluses dans le groupe central des espèces mal représentées. Cela semble être dû à une combinaison des descripteurs. Ainsi, malgré une valeur plus élevée en glucides solubles que celle de S. filamentosa (100.21 ± 6.09 mg g-1), P. subulifera se retrouve au centre du nuage de points de l’ACP, du fait d’une concentration également élevée en protéines.

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Fig. 4.4 : Analyse en composantes principales basée sur les 4 descripteurs biochimiques et appliquée aux espèces de macroalgues. Les cercles sont figuratifs et représentent les regroupements effectués par une classification hiérarchique post-ACP (HCPC).

95 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

4.3.2. Variations spatio-temporelles des caractéristiques biochimiques

L’analyse des variations spatio-temporelles des caractéristiques biochimiques des macroalgues montre deux principales tendances. La variation spatiale est assez faible, car elle ne concerne que 3 espèces, et seulement un ou deux descripteurs pour chaque espèce. Des valeurs plus élevées sont observées à V3 qu’à V6 en glucides insolubles chez Codium bursa, et en lipides et protéines chez Codium vermillara. Chez Halopteris scoparia, les différences sont inversées avec des concentrations en glucides solubles plus élevées sur V6 que sur V3 (Tab. 4.2).

Tab. 4.2 : Variations spatiales des descripteurs biochimiques mesurés dans les macroalgues pour lesquelles des données sont disponibles sur les deux récifs (V3 et V6). GS : glucides solubles ; GI : glucides insolubles ; GT : glucides totaux. Seules les valeurs de concentrations pour lesquelles des différences significatives ont été observées sont représentées (ns : non significatif, * : p <0.05, ** : p < 0.01, *** : p < 0.001) GS Lipides Protéines Espèce GI GT (mg g-1) (mg g-1) (mg g-1) Chlorobiontes Caulerpa racemosa ns ns ns ns ns Codium bursa V6 < V3** ns ns ns ns V6 = 78.46 ± 25.07 V3 = 93.52 ± 15.14 Codium vermillara ns ns ns V6 < V3*** V6 < V3*** V6 = 16.69 ± 3.5 V6 = 29.10 ± 8.84 V3 = 23.42 ±4.41 V3 = 60.55 ± 16.05 Flabellia petiolata ns ns ns ns ns Phéophycées Cladostephus spongiosus ns ns ns ns ns ns ns ns ns ns Halopteris scoparia V3 < V6*** ns ns ns ns V3 = 19.58 ± 7.80 V6 = 29.81 ± 4.87 Rhodobiontes Polysiphonia subulifera ns ns ns ns ns

Au contraire, les variations saisonnières des concentrations biochimiques sont plus marquées. Pour les glucides, les valeurs sont plus faibles en été et au printemps, et plus élevées en automne et en hiver. Même quand les différences ne sont pas significatives, les concentrations sont par ailleurs toujours plus élevées en automne qu’en hiver. Pour les protéines et les lipides, le profil est inversé, avec des concentrations plus élevées en été et au printemps qu’en automne et en hiver (Tab. 4.3).

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Tab. 4.3 : Variations saisonnières des descripteurs biochimiques mesurés dans les macroalgues pour lesquelles des données sont disponibles aux quatre saisons. GS : glucides solubles ; GI : glucides insolubles ; GT : glucides totaux. Seules les valeurs de concentrations pour lesquelles des différences significatives ont été observées sont représentées (ns : non significatif, * : p <0.05, ** : p < 0.01, *** : p <0.001). Les inégalités suivent l’ordre croissant des valeurs moyennes et représentent les résultats des tests post hocs (P : printemps ; E : été ; A : Automne ; H : Hiver). Glucides Espèce Glucides solubles Glucides totaux Lipides Protéines insolubles Chlorobiontes C. racemosa P= H < E = A* ns ns A = H < P = E** ns C. bursa ns ns ns ns ns C. vermillara P = E < H = A* ns E = P < A = H** A = H < E = P** A < H =P = E* F. petiolata ns E = P < H =A** E = P < H = A** A = H < P = E** H = A < P < E*** Phéophycées D. dichotoma P < H < E = A*** P = E < H < A*** E = P < H < A*** ns H = P < E < A*** H. scoparia P

4.3.3. Caractéristiques isotopiques Les ratios isotopiques moyens du C et du N mesurés dans les trois groupes de macroalgues sont diffèrent entre les groupes, avec des écarts types importants pour le δ13C (Fig. 4.5). Les δ13C moyens sont significativement différents entre les groupes (ANOVA de Kruskall Wallis, H = 38.07, p < 0.001). Les chlorobiontes ont une valeur moyenne plus élevée que les deux autres groupes. La différence de ~ 17 ‰ entre les valeurs minimales et maximales s’explique par la valeur très faible mesurée pour Flabellia petiolata (Tab 4.4). Les phéophycées montrent des valeurs moyennes de δ13C intermédiaires. La différence entre les valeurs minimales et maximales est de 16 ‰, avec des valeurs extrêmes pour deux espèces, P. pavonica (-14.63 ‰) et S. pedunculatus (-30.48 ‰). Enfin, le groupe des rhodobiontes montre une valeur moyenne de δ13C beaucoup plus négative que celle des deux autres groupes, avec une distribution des valeurs assez étendue (10 ‰). Au niveau spécifique, la distribution des valeurs est plus hétérogène que dans les autres groupes. Les valeurs moyennes sont supérieures à -22 ‰ pour trois espèces, (B. secundiflora, P. subulifera et S. filamentosa). A. armata présente une valeur proche de la valeur moyenne du groupe (-25.61 ‰) et trois espèces ont des valeurs inférieures à -30 ‰ (Bonnemaisonia sp., S. coronopifolius et D. verticillata).

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97 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

Fig. 4.5 : Comparaison des ratios isotopiques moyens des trois groupes taxonomiques. La ligne horizontale représente la médiane, les limites des boîtes les premier et troisième quartiles, et les moustaches les valeurs extrêmes, en excluant les outliers (outliers : valeurs supérieures à moyenne ± 1.5 × écart interquartile). Les lettres au-dessus des boxplots figurent les différences significatives

Bien qu’elle soit significative (ANOVA F = 23.95, p < 0.001), la différence entre groupes est moins marquée pour le δ15N que pour le δ13C. Les chlorobiontes présentent une valeur moyenne significativement plus élevée avec des valeurs spécifiques bien réparties autour de cette valeur moyenne (Tab. 4.4). La différence entre les valeurs maximales et minimales est d’environ 1 ‰. La valeur moyenne de δ15N n’est pas significativement différente entre les phéophycées et les rhodobiontes. Les gammes de valeurs sont légèrement plus importantes pour ces deux groupes (2 ‰) La réalisation d’une classification hiérarchique sur ces valeurs permet de séparer quatre groupes (Tab. 4.4). Du fait des plus faibles variations de δ15N, la construction de ces groupes semble principalement basée sur les différences de δ13C. Les cinq espèces présentant les δ13C les plus négatifs (D. verticilata, S. coronopifolius, F. petiolata, Bonemaisonia sp. et S. pedunculatus) sont ainsi regroupées au sein du groupe 1, alors qu’à l’opposé Codium bursa et Padina pavonica sont regroupées dans le cluster 4 du fait de leurs δ13C supérieurs à -15 ‰.

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Tab 4.4 : Valeurs moyennes et écarts types des ratios isotopiques des groupes taxonomiques et les espèces de macroalgues. CAH : regroupement des espèces par classification hiérarchique basée sur le δ13C et le δ15N. n : nombre d’analyses isotopiques effectuées pour chaque groupe ou espèce. CAH δ13C sd δ15N sd n

Chlorobiontes -21.20 6.82 4.30 0.80 114 Bryopsis cupresina 3 -17.62 0.73 3.69 0.22 3 Caulerpa racemosa 3 -19.14 1.62 4.61 0.71 24 Codium bursa 4 -14.68 1.31 4.44 1.13 33 Codium vermillara 3 -19.43 2.05 4.28 0.38 24 Flabellia petiolata 1 -31.80 1.34 3.99 0.57 30 Phéophycées -21.47 3.70 3.66 0.91 170 Cladostephus spongiosus 3 -21.74 1.25 4.12 0.29 12 Cystoseira zosteroides 2 -23.58 1.47 3.75 1.01 6 Dictyopteris sp. 3 -20.91 3.11 3.58 0.91 33 Dictyota dichotoma 3 -21.51 1.23 3.70 0.91 48 Dictyota implexa 3 -19.37 0.73 3.06 0.61 9 Halopteris sp. 2 -24.41 1.09 3.38 0.47 24 Padina pavonica 4 -14.63 1.43 4.76 0.56 18 Sporochnus pedunculatus 1 -30.48 2.50 2.82 1.37 8 Taonia atomaria 3 -21.69 1.58 3.25 0.44 9 Zanardinia typus 3 -20.67 0.81 2.94 0.23 3 Rhodobiontes -26.66 5.74 3.63 0.58 60 Asparagopsis armata 2 -25.61 0.05 2.68 0.09 3 Bonnemaisonia sp. 1 -31.30 0.08 3.46 0.11 3 Bornetia secundiflora 3 -21.63 0.03 3.90 0.09 3 Dudresnaya verticillata 1 -32.82 1.06 4.04 0.83 3 Polysiphonia subulifera 3 -21.00 2.13 3.31 0.48 21 Sphaeroccocus coronopifolius 1 -32.05 0.97 3.95 0.49 24 Spyridia filamentosa 3 -18.36 0.62 3.70 0.21 3

4.3.4. Variations spatio temporelles des signatures isotopiques Pour la majorité des espèces, il n’y a pas de variations spatiales des signatures isotopiques en carbone. Ces variations ne concernent que trois espèces, avec des valeurs plus élevées sur V6 que sur V3 (2 à 3 ‰). Au contraire, les valeurs de δ15N sont systématiquement plus élevées sur V6 pour la majorité des espèces de macroalgues échantillonnées sur les deux récifs (0.4 à 1.5 ‰), y compris lorsque les différences ne sont pas significatives (Tab. 4.5).

99 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

Tab. 4.5 : Variations spatiales des signatures isotopiques des macroalgues pour lesquelles des données sont disponibles sur les deux récifs (V3 et V6). P : sens de l’inégalité et significativité du test de comparaison de moyennes (ns : non significatif ; * : p <0.05 ; ** : p < 0.01 ; *** : p < 0.001) δ13C (‰) δ15N (‰) Espèce valeurs moyennes P valeurs moyennes P Chlorobiontes Caulerpa racemosa V3 = -18.97 ± 1.60 ns V3 = 3.88 ± 0.56 V3 < V6 *** V6 = -19.20 ± 1.66 V6 = 4.86 ± 0.58 Codium bursa V3 = -14.61 ± 0.99 ns V3 = 3.84 ± 0.88 V3 < V6** V6 = - 14.73 ± 1.48 V6 = 4.78 ± 1.13 Codium vermillara V3 = -19.35 ± 2.31 ns V3 = 4.15 ± 0.33 V3 < V6*** V6 = -19.66 ± 1.08 V6 = 4.66 ± 0.22 Flabellia petiolata V3 = -32.30 ± 1.20 ns V3 = 3.37 ± 0.16 V3 < V6*** V6 = -31.47 ± 1.35 V6 = 4.40 ± 0.30 Phéophycées Cladostephus spongiosus V3 = -23.40 ± 0.06 V3 < V6* V3 = 2.82 ± 0.08 V3 < V6* V6 = -21.19 ± 0.88 V6 = 4.67 ± 0.26 Cystoseira zosteroides V3 = -24.92 ± 0.27 ns V3 = 3.83 ± 0.19 V3 < V6* V6 = -22.25 ± 0.03 V6 = 4.22 ± 0.02 Dictyopteris sp. V3 = -21.90 ± 1.49 ns V3 = 3.07 ± 1.05 V3 < V6*** V6 = -20.34 ± 3.65 V6 = 3.87 ± 0.69 Dictyota dichotoma V3 = -21.57 ± 1.24 ns V3 = 3.28 ± 0.80 V3 < V6* V6 = -21.45 ± 1.24 V6 = 4.13 ± 0.83 Halopteris sp. V3 = -24.27 ± 0.83 ns V3 = 3.16 ± 0.45 V3 < V6* V6 = -24.55 ± 1.33 V6 = 3.59 ± 0.41 Padina pavonica V3 = -14.93 ± 1.56 ns V3 = 4.60 ± 0.23 ns V6 = 14.49 ± 1.41 V6 = 4.83 ± 0.67 Sporochnus sp. V3 = -32.50 ± 0.04 V3 < V6* V3 = 2.16 ± 0.09 ns V6 = -29.26 ± 2.46 V6 = 3.21 ± 1.66 Taonia atomaria V3 = -22.63 ± 0.89 V3 < V6* V3 = 3.00 ± 0.16 V3 < V6* V6 = -19.81 ± 0.29 V6 = 3.75 ± 0.37 Rhodobiontes Polysiphonia subulifera V3 = -20.05 ± 0.33 ns V3 = 2.88 ± 0.17 V3 < V6 *** V6 = -21.39 ± 2.42 V6 = 3.48 ± 0.46 Sphaerococcus V3 = -32.23 ± 0.57 ns V3 = 3.53 ± 0.17 ns coronopifolius V6 = -32.02 ± 1.02 V6 = 4.01 ± 0.50

Des variations saisonnières importantes des signatures isotopiques sont observées chez la plupart des espèces récoltées à toutes les saisons (Tab. 4.6). Pour l’ensemble des espèces, les valeurs sont généralement plus faibles au printemps ou en hiver et plus élevées en automne et en été.

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Tab. 4.6 : Variations saisonnières des signatures isotopiques des macroalgues pour lesquelles des données sont disponibles aux quatre saisons. Les valeurs représentent la significativité des tests de comparaison de moyennes, suivi de test post hoc ; ns : non significatif ; * : p <0.05 ; ** : p < 0.01 ; *** : p < 0.001. P : printemps ; E : été ; A : Automne ; H : Hiver. Espèce δ13C δ15N Chlorobiontes Caulerpa racemosa P < E = H = A* P = H < A < E*** Codium bursa E = H < P = A*** A = H < P = E** Codium vermillara E = P < H < A*** E < H < P = A*** Flabellia petiolata ns ns Phéophycées Dictyopteris sp. P = H < A < E*** H < P = E < A* Dictyota dichotoma P < H = A = E** E < A = H = P*** Halopteris sp. H < P = E =A** P = E < H = A*** Rhodobiontes Sphaerococcus coronopifolius P = A < H = E** P = A < H = E***

L’augmentation du δ13C en automne est observée chez tous les chlorobiontes et est relativement marquée pour C. vermillara (Fig. 4.6). Les valeurs de δ15N sont plus élevées au printemps et en été pour C. bursa et en été et en automne pour C. racemosa.

Fig. 4.6 : Variations saisonnières des signatures isotopiques mesurées pour les espèces de chlorobiontes présentes aux 4 saisons.

4.3.5. Corrélations entre ratios isotopiques et concentrations biochimiques L’analyse des corrélations entre descripteurs isotopiques et biochimiques montre tout d’abord des corrélations fortes pour les lipides et les protéines (Fig. 4.7, Annexe 4.2). Le δ13C est négativement corrélé aux lipides pour chaque groupe, et donc pour l’ensemble des groupes considérés globalement, tandis que le δ15N n’est pas corrélé aux lipides pour aucun des groupes. Pour les protéines, des corrélations négatives avec le δ13C et le δ15N sont observées chez les chlorobiontes, les phéophycées et l’ensemble des groupes. Le pattern est moins clair pour les glucides. Une corrélation négative entre les glucides solubles et le δ13C est observée

101 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques pour les rhodobiontes et une corrélation positive pour les chlorobiontes. Glucides solubles et δ15N sont positivement corrélés chez les rhodobiontes. En ce qui concerne les glucides insolubles, seuls les chlorobiontes sont négativement corrélés au δ13C. Les glucides totaux sont corrélés négativement au δ13C chez les chlorobiontes et positivement au δ15N des rhodobiontes.

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Fig. 4.7 : Résultats des régressions linéaires entre les concentrations biochimiques et les signatures isotopiques. La couleur des points représente les groupes (vert : chlorobiontes ; marron : phéophycées ; rouge : rhodobiontes). Seules les droites significatives sont représentées (droite noire : régression calculée pour l’ensemble des groupes). Les détails statistiques des régressions sont présentés en annexe 2 de ce chapitre.

103 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

4.4. Discussion L’ensemble des résultats obtenus pour les descripteurs biochimiques et isotopiques, ainsi que leurs corrélations permettent de mettre en évidence des différences de fonctionnement ou au contraires des similitudes entre les descripteurs. Il est intéressant de noter que les descripteurs biochimiques, et la signature isotopique en carbone présentent des variations taxonomiques et saisonnières plus marquées que les variations spatiales. Le δ13C semble donc être plus le reflet de particularités métaboliques spécifiques à chaque espèce ou groupe taxonomique, que l’influence de l’environnement. Au contraire, le δ15N est le seul descripteur qui présente des variations spatiales systématiques, en plus des variations saisonnières, ce qui indique un effet plus fort de l’environnement sur ce paramètre.

4.4.1. δ13C, marqueur du métabolisme d’acquisition de carbone des macroalgues L’utilisation des isotopes stables du carbone et de l’azote pour retracer les réseaux trophiques est devenue une approche classique en écologie trophique, notamment en milieu marin côtier. Elle nécessite entre autres de connaître la signature des sources de MO à la base des chaînes trophiques. Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses données sur les rapports isotopiques des macroalgues soient disponibles (Dauby, 1989 ; Bricout et al., 1990 ; Jennings et al., 1997 ; Pinnegar et Polunin, 2000 ; Vizzini et Mazzola, 2004; 2006 ; Azzuro et al., 2007 ; Mercado et al., 2009 ; Schaal et al., 2010a). Des travaux utilisant les isotopes stables du carbone ont également été menés pour comprendre le métabolisme photosynthétique et les voies d’acquisition du carbone minéral chez ces organismes (Maberly et al., 1992 ; Korb et al., 1996 ; Giordano et al., 2005 ; Kevekordes et al., 2006 ; Raven et al., 2008 ; Marconi et al., 2011). La comparaison des signatures isotopiques des macroalgues fournies par ces auteurs, aussi bien au niveau des espèces que des groupes taxonomiques, montre des similarités avec les résultats obtenus sur les récifs artificiels. Les valeurs moyennes de δ13C sont les plus élevées chez les chlorobiontes, intermédiaires chez les phéophycées, et minimales chez les rhodobiontes (Maberly et al., 1992 ; Mercado et al., 2009 ; Marconi et al., 2011). Malgré des différences dans les formes de Rubisco entre ces groupes (forme IB pour les chlorobiontes, forme ID pour les phéophycées et les rhodobiontes), la discrimination qu’elles exercent vis-à-vis du 13C semble comparable et n’est donc pas à l’origine des différences isotopiques entre les groupes (Raven et Hurd, 2012). Il est donc intéressant de se focaliser sur les espèces montrant des valeurs de δ13C extrêmes, soit très faibles (< -30 ‰), soit relativement peu négatives (> -15 ‰) pour comprendre les

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mécanismes qui expliquent ces différences. Les très faibles différences spatiales de δ13C observées confirment que les signatures isotopiques en carbone ne sont pas majoritairement conditionnées par les conditions abiotiques locales. Les études qui se sont intéressées aux signatures isotopiques des producteurs primaires confirment cette hypothèse, dans la mesure où ces espèces « extrêmes » sont systématiquement les mêmes partout en Méditerranée (Dauby, 1989 ; Lepoint et al., 2000 ; Pinnegar et Polunin, 2000 ; Vizzini et Mazzola, 2004; 2006 ; Wangensteen et al., 2011). Enfin, malgré les variations saisonnières, ces espèces montrent toujours les valeurs les plus extrêmes, ce qui confirme l’importance d’un métabolisme carboné particulier pour expliquer les valeurs de δ13C.

Les valeurs les plus faibles de δ13C (< -30‰) ont été observées chez cinq espèces. Trois d’entre elles appartiennent au groupe des rhodobiontes (D. verticillata, S. coronopifolius et Bonnemaisonia sp.). Il est couramment admis que les algues rouges sont les producteurs primaires benthiques chez lesquels les valeurs de δ13C les plus faibles sont mesurées. Des valeurs inférieures à -30 ‰ sont classiques pour ce groupe (Dauby, 1989 ; Bricout et al., 1990 ; Raven et al., 1995 ; Lepoint et al., 2000 ; Pinnegar et Polunin, 2000 ; Vizzini et Mazzola, 2004 ; Cresson, 2009 ; Schaal, 2009 ; Wangensteen et al., 2011). Pour ces espèces vivant dans des conditions de faible luminosité, la quantité de carbone minéral n’est pas le facteur limitant la photosynthèse et la mise en place de CCM est un investissement inutile (Giordano et al., 2005). Pour un ensemble de conditions données du milieu (température, salinité, pression), le 13 - CO2 dissous a une valeur de δ C plus faible que le HCO3 (~10 ‰) et les réactions biochimiques de concentration du carbone minéral ont une discrimination faible contre le 13C (Maberly et al., 1992 ; Raven et al., 1995 ; 2008 ; Raven et Hurd, 2012). De plus, dans les expériences menées sur les capacités des macroalgues à augmenter le pH extérieur, les espèces pour lesquelles la valeur finale est la moins élevée sont les rhodobiontes à δ13C les plus faibles (Marconi et al., 2011). Ces espèces ne possèdent donc pas la capacité d’utiliser le - - HCO3 , dont la déshydratation dans le cytoplasme entraîne un rejet d’OH et une augmentation du pH extérieur. Ces valeurs inferieures à -30 ‰ sont donc classiquement interprétées comme indicatrices d’un métabolisme photosynthétique en C3, d’une entrée du carbone de manière passive sous forme de CO2, et d’une absence de CCM. Pour autant, la présence de CCM (rejet + - actif de H pour maintenir une zone plus acide en bordure des feuilles et conversion de HCO3 en CO2 via les anhydrases carboniques) a été montrée chez d’autres espèces de rhodobiontes, ce qui permet d’expliquer la gamme de variation importante observée pour le δ13C au sein de ce groupe (Giordano et Maberly, 1989 ; Marconi et al., 2011).

105 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

Les deux autres espèces présentant des δ13C inférieurs à -30 ‰ sont la chlorobionte Flabellia petiolata et la phéophycée Sporochnus pedunculatus. La valeur faible obtenue pour Flabellia petiolata est également cohérente avec les résultats obtenus dans différents environnements et à différentes profondeurs (Dauby, 1989 ; Lepoint et al., 2000 ; Vizzini et Mazzola, 2006 ; Mercado et al., 2009 ; Wangensteen et al., 2011). Cette espèce, initialement intégrée au genre Udotea est l’une des seules chlorobiontes (avec quelques espèces tropicales du genre Caulerpa, et Udotea flabellum) à atteindre des valeurs de δ13C inférieures à -30 ‰ (Kevekordes et al., 2006). Ce genre a donc fait l’objet de recherches importantes concernant son métabolisme, notamment chez U. flabellum (Reiskind et Bowes, 1991). Les résultats semblent montrer que cette espèce dispose d’un métabolisme photosynthétique « C4-like », avec une première carboxylation catalysée par la phospho-enol- pyruvate carboxykinase (PEPCK), ce qui permettrait de compléter les apports de carbone inorganique à la Rubisco, et de limiter les effets de la photorespiration (Reiskind et al., 1988). Ces résultats sont cependant contradictoires avec la valeur de δ13C observée, car ce métabolisme s’apparente à un CCM et devrait donc produire des valeurs beaucoup moins négatives. Des travaux sur la PEPCK ont également montré que le facteur de fractionnement associé à cette enzyme pourrait être dépendant de la quantité de substrat disponible (Arnelle et O'Leary, 1992). Une meilleure compréhension du métabolisme photosynthétique réel de cette espèce est donc nécessaire pour expliquer la valeur faible de δ13C observée pour cette chlorobionte (Raven et Hurd, 2012; John Raven, comm. pers.).

A l’opposé, deux espèces (Codium bursa et Padina pavonica) montrent des valeurs de δ13C beaucoup plus élevées (> -15 ‰) comparables aux valeurs mesurées dans d’autres travaux (Dauby, 1989 ; Bricout et al., 1990 ; Lepoint et al., 2000 ; Azzuro et al., 2007 ; Mercado et al., 2009 ; Prado et al., 2010 ; Wangensteen et al., 2011). C’est par ailleurs chez une autre espèce à forme sphérique du genre Codium, C. pomoides, qu’a été mesurée la valeur de δ13C la plus élevée chez une macroalgue, -2.7 ‰ (Raven et al., 2002). La forme sphérique de C. bursa pourrait être à l’origine des valeurs élevées de δ13C, dues à la couche frontière plus épaisse qu’elle contribue à créer. Dans cette couche, la turbulence de l’eau est plus faible, ce qui limite les échanges et le renouvellement des nutrients, et où la quantité de 13C peut être plus importante. De plus, cette limitation de l’effet du flux semble favoriser l’activité des anhydrases carboniques de surface, enzymes dont la présence et l’activité a été démontrée chez d’autres espèces du genre Codium (Reiskind et al., 1988). En présence de courants importants, ces enzymes sont arrachées des tissus de surface. La présence d’une couche

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frontière moins turbulente permettrait un maintien et une activité augmentée de ces enzymes, ce qui contribuerait à augmenter le δ13C (Raven et Hurd, 2012). La deuxième hypothèse est liée au métabolisme de cette espèce à croissance lente, principalement du fait d’une limitation en nutrients. Pour contrebalancer cette limitation, C. bursa stocke des nutrients dans le liquide qui remplit sa cavité interne et les utilise pour sa croissance (Vidondo et Duarte, 1995). Quand les nutrients disponibles diminuent, les signatures isotopiques des producteurs primaires tendent à augmenter, du fait de l’impossibilité d’exercer une discrimination sur le pool restant, appauvri en isotopes légers. Cette explication est par ailleurs cohérente avec l’ensemble des autres paramètres biochimiques observés pour cette espèce par rapport aux autres chlorobiontes (concentrations faibles en protéines, pourcentages en C et en N les plus faibles et rapports C/N élevés). Par ailleurs, même si leurs δ13C sont légèrement plus faibles, les trois autres espèces de chlorobiontes (C. racemosa, C. vermillara et B. cupressina) présentent aussi des valeurs élevées. En lien avec la proximité taxonomique de ces quatre espèces, qui appartiennent au groupe des bryopsidophycées (Marc Verlaque, comm. pers.) il n’est donc pas à exclure que ces espèces utilisent toutes des CCM, pour augmenter la quantité de carbone inorganique disponible pour la Rubisco, et en conséquence augmenter leurs valeurs de δ13C. L’autre espèce qui présente un δ13C élevé est la phéophycée Padina pavonica. Similairement à C. bursa, la morphologie de cette espèce pourrait expliquer le δ13C élevé, en jouant un rôle sur l’épaisseur de la couche de mélange et sur les échanges gazeux. Une quantité importante de carbonates est cependant contenue dans les tissus de cette espèce. Le fait de ne pas avoir décarbonaté ces échantillons pourrait avoir une influence importante sur ces valeurs élevées de δ13C. Cependant, des résultats récents montrent des valeurs plus élevées de δ13C (-7.7 ‰) et plus faibles de C/N (24.1) pour cette espèce y compris après une étape d’acidification (Nahon et al., 2012). Il serait donc nécessaire de réaliser de nouvelles analyses isotopiques, après acidification, pour savoir si la valeur élevée observée pour cette espèce est le signe d’un métabolisme particulier ou un biais lié à la non décalcification. En l’absence de travaux spécifiques sur la physiologie et le métabolisme de ces deux espèces, il est difficile de proposer une explication formelle concernant ces valeurs (John Raven, comm. pers.). Pour l’ensemble des espèces montrant des valeurs intermédiaires, une explication aussi tranchée ne peut être apportée sur la seule base des mécanismes d’acquisition du carbone inorganique. La majorité des espèces de phéophycées ont des δ13C intermédiaires et des similitudes entre espèces apparaissent, comme par exemple la proximité isotopique entre Cystoseira et Halopteris, déjà notée par Pinnegar et Polunin (2000) en Corse. Il est par

107 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques ailleurs intéressant de noter que des espèces taxonomiquement proches sont également proches au niveau isotopique. Ainsi, Dictyota linearis, D. dichotoma, Dictyopteris sp. et T. atomaria appartiennent à la famille des , dont est par ailleurs proche C. spongiosus (Silberfeld et al., 2010). Ces quatre espèces ont des δ13C voisins et ont été regroupées par la classification hiérarchique. Cette proximité isotopique et taxonomique témoigne probablement d’un métabolisme carboné comparable et conservé, mais dans lequel - les parts réelles d’utilisation du CO2 dissous ou du HCO3 intégré par des CCM sont difficiles à préciser sans études spécifiques plus poussées (Raven et al., 2002)

4.4.2. Concentrations biochimiques, indicateurs spécifiques du métabolisme des macroalgues et des apports environnementaux Peu de travaux se sont intéressés à la caractérisation biochimique de l’ensemble des espèces de macroalgues d’un écosystème. La plupart des études biochimiques sur les macroalgues sont liées à des problématiques nutritionnelles, et évaluent leur intérêt dans le cadre de l’alimentation humaine ou animale (Nisizawa et al., 1987 ; Herbreteau et al., 1997 ; Fleurence, 1999 ; Galland-Irmouli et al., 1999 ; McDermid et Stuercke, 2003 ; Ortiz et al., 2006 ; Fleurence et al., 2012 ; Westermeier et al., 2012). Il n’est donc pas étonnant que la plupart de ces travaux se focalisent sur la concentration en lipides ou en protéines d’un faible nombre d’espèces d’intérêt économique, principalement des phéophycées (Macrocystis spp., Laminaria spp., Sargassum spp., Fucus spp.) et des rhodobiontes (Palmaria spp., Porphyra spp.), principales espèces consommées dans le monde (Fleurence et al., 2012). Les concentrations biochimiques des espèces de macroalgues peuvent également être déterminées pour comprendre les variations du métabolisme des macroalgues, ou alors expliquer leur consommation et leur rôle sur les variations biochimiques mesurées dans les tissus des consommateurs (Frantzis et Grémare, 1992 ; Robledo et Freile-Pelegrín, 2005 ; Jacquin et al., 2006 ; Schaal et al., 2010a ; Murakami et al., 2011). Les champs disciplinaires différents dans lesquels s’intègrent ces études (diététique ou écologie) sont problématiques pour leur comparaison directe car elles induisent une hétérogénéité des méthodes analytiques, des unités et des terminologies utilisées (McDermid et Stuercke, 2003). Elles imposent donc un regard critique sur les valeurs et les interprétations issues de méthodologies différentes. Les rhodobiontes sont classiquement considérées comme le groupe taxonomique au sein duquel les concentrations en protéines sont les plus élevées, malgré des variabilités saisonnières importantes (Dawczynski et al., 2007 et références incluses). Ces résultats sont assez contradictoires avec les concentrations en protéines plus élevées mesurées pour les

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phéophycées récoltées sur les récifs artificiels. Les protéines ont été clairement identifiées comme un facteur clé dans toutes les études sur l’alimentation, et il n’est donc pas étonnant que de nombreuses études aient depuis longtemps cherché à comparer et intercalibrer les différentes méthodes utilisables pour mesurer la concentration en protéines (Jones, 1931 ; Berges et al., 1993 ; Crossman et al., 2000 ; Lourenço et al., 2002 ; Barbarino et Lourenço, 2005 ; Shuuluka et al., in press). La plupart des travaux la déterminent par le calcul, en multipliant la quantité d’azote (mesurée par spectrométrie ou par la méthode de Kjeldahl) par 6.25. Cette méthode est remise en cause par plusieurs travaux récents. L’utilisation d’un facteur « universel » de 6.25 peut ainsi majorer de près de 70 % la concentration réelle en protéines (Shuuluka et al., in press). La comparaison entre les valeurs de concentrations en protéines dosées dans ce travail et calculées, à partir du pourcentage de N mesuré en spectrométrie de masse et des facteurs de conversion spécifiques (Lourenço et al., 2002) met bien ce problème en évidence. Nous pouvons ainsi confirmer que le calcul des concentrations à partir des pourcentages d’azote augmente la valeur pour les rhodobiontes et les chlorobiontes, alors qu’elle la minore pour les phéophycées (Fig. 4.8).

Fig. 4.8 : Comparaison des concentrations en protéines obtenus par dosage (Lowry et al., 1951) ou par le calcul, à partir des facteurs de conversion spécifique (Lourenço et al., 2002). La droite en pointillés représente la droite d’équation y = x.

Cette relation est d’autant plus marquée que le facteur de conversion spécifique est plus important pour les phéophycées (5.38 ± 0.50) que pour les rhodobiontes (4.59 ± 0.54).

109 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

L’utilisation d’un facteur unique de 6.25 pour les espèces de ces deux groupes majore donc d’autant plus la concentration calculée pour les rhodobiontes. Le calcul des concentrations avec ce facteur unique a un effet faible sur l’équation de la régression pour les phéophycées (y = 0.37 x + 30.6), alors que la pente est nettement plus élevée pour les rhodobiontes (y = 2.13 x – 12.0 ; données non montrées). La valeur plus élevée classiquement rapportée dans la littérature pour les rhodobiontes pourrait donc être liée à la plus grande quantité d’azote non protéique et donc des valeurs de protéines calculées plus importantes que les concentrations réelles (Lourenço et al., 1998 ; 2002 ; 2004). Cependant, même si les tendances semblent assez robustes, le fait que les seuls facteurs de conversions calculés pour le moment ne soient disponibles que pour des espèces tropicales impose néanmoins une certaine prudence par rapport aux résultats bruts. Malgré tout, dans la plupart des travaux où les protéines ont été dosées chez plusieurs espèces, la majorité des phéophycées présentent des concentrations comparables ou plus élevées que celles des rhodophycées, ce qui conforte l’hypothèse de la mauvaise interprétation apportée à partir des résultats issus du calcul (McDermid et Stuercke, 2003 ; Shams El Din et El-Sherif, 2012 ; Dromard, 2013) On considère généralement que les macroalgues ont des concentrations assez faibles en lipides (McDermid et Stuercke, 2003 ; Dawczynski et al., 2007). Ces résultats sont assez cohérents avec ce qui est observé pour les macroalgues échantillonnées sur les récifs artificiels de Marseille, dans la mesure où c’est pour ces composés que les concentrations sont les plus faibles. Pour la plupart des espèces sur les récifs artificiels, les concentrations moyennes sont comprises entre 10 et 30 mg g-1, valeurs classiquement admises pour les lipides dans les macroalgues (Mabeau et Fleurence, 1993). Ces résultats sont également cohérents avec les gammes de variations des valeurs disponibles dans la littérature (Tab 4.7), avec les valeurs les plus élevées et la gamme la plus large chez les phéophycées. Deux méthodes comparables basées sur le caractère hydrophobes des lipides existent pour leur extraction. Elles utilisent un mélange de solvants organiques (méthanol et chloroforme) et ne diffèrent que par les concentrations relatives entre les solvants et l’ajout de composés additionnels (NaCl par exemple) pour favoriser l’extraction (Folch et al., 1957 ; Bligh et Dyer, 1959). Seule la nomenclature différente entre les travaux (‘total lipids’, ‘crude lipids’,‘fats’, ou ‘ether extract’) impose quelques précautions quant à une comparaison brute des résultats (McDermid et Stuercke, 2003). La détermination spécifique des glucides n’a été réalisée que dans peu d’études (McDermid et Stuercke, 2003 ; Jacquin et al., 2006 ; Shams El Din et El-Sherif, 2012 ; Dromard et al., 2013). Dans l’ensemble des autres travaux, les auteurs considèrent la plupart

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du temps la classe des fibres alimentaires (‘dietary fibers’). Ce terme a été initialement proposé par Hipsley (1953) pour définir l’ensemble des composés non digestibles qui composaient les parois des cellules végétales. Sa définition a par la suite été modifiée pour inclure l’ensemble des polysaccharides non digestibles comme la cellulose et l’hémicellulose, la lignine mais aussi des oligosaccharides et des polysaccharides de stockage plus ou moins complexes observés chez les « végétaux » et les « bactéries » (Thebaudin et al., 1997 ; DeVries et al., 1999). La concentration en fibres est la plupart du temps déterminée comme la matière restante après des étapes de dégradation enzymatiques globales utilisant successivement -amylase, protéases et amyloglucosidases (Wong et Cheung, 2001 ; Dawczynski et al., 2007). De ce fait, certains auteurs incluent tout ou partie des glucides dans ce groupe. Dans d’autres travaux, la concentration en glucides est déterminée comme la différence entre la masse totale sèche et la somme des concentrations biochimiques (lipides, protéines et fibres) et la matière inorganique obtenue à partir du poids de cendres (Marinho- Soriano et al., 2006 ; Ortiz et al., 2006 ; Murakami et al., 2011). Du fait de ces différences méthodologiques, les glucides sont la plupart du temps la classe biochimique qui permet d’ajuster la somme des concentrations à 100%. Quand des déterminations spécifiques des composés sont effectuées, la somme est rarement égale à 100 %, même si elle s’en rapproche (McDermid et Stuercke, 2003 ; Jacquin et al., 2006 ; Shams El Din et El-Sherif, 2012 ; Dromard, 2013 ; ce travail). Il est donc difficile d’apporter des éléments d’explication ou de comparaison des valeurs obtenues ici, même si certains résultats peuvent trouver une explication logique. La valeur très élevée en glucides insolubles retrouvée chez Flabellia petiolata est ainsi en accord avec la structure complexe des tissus chez cette espèce (Marc Verlaque, comm. pers.). Malgré ces différences méthodologiques, le principal point de convergence est la prépondérance des glucides dans la composition biochimique des macroalgues. Dans les échantillons des récifs artificiels les glucides totaux représentent de 50 à 80 % de la masse des composés biochimiques, ce qui est conforme aux résultats retrouvés par ailleurs (McDermid et Stuercke, 2003). Les concentrations plus élevées en glucides chez les chlorobiontes et les rhodobiontes (Fig. 4.1) sont également conformes aux résultats de la littérature (Tab. 4.7)

111 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

Tab 4.7 : Synthèse non exhaustive des gammes de variations des concentrations biochimiques des macroalgues disponibles dans la littérature pour chaque groupe taxonomique, sans distinction de techniques utilisées (calcul ou dosage). Pour les rhodobiontes les valeurs mesurées dans les espèces calcifiées ont été séparées. Les unités dans lesquelles étaient exprimées les concentrations ont été homogénéisées (1% masse sèche  10mg g-1). Groupe Lipides Protéines Cendres Glucides Fibres Espèces Références Caulerpa spp. (3 espèces) (Fleurence et al., 1994) Codium spp. (2 espèces) (Herbreteau et al., 1997) de 70 à 270 de 110 à données 45 à 400 Enteromorpha spp. (2 espèces) (Ortiz et al., 2006) Chlorobiontes de 3 à 137 mg g-1 mg g-1 640 mg g-1 non mg g-1 Halimeda tuna (McDermid et Stuercke, 2003) disponibles Udotea petiolata (Shams El Din et El-Sherif, Ulva spp. (3 espèces) 2012)

Dictyota spp. (3 espèces) (Munda, 1962; 1974) Durvillaea antarctica (Fleurence et al., 1994) Fucus spp. (2 especes) (Herbreteau et al., 1997) Halidrys siliquosa (McDermid et Stuercke, 2003) de 40 à 150 de 179 à de 60 à 123 560 mg g-1 Halopteris sp. (Ortiz et al., 2006) Phéophycées de 8 à 324 mg g-1 mg g-1 350 mg g-1 mg g-1 (1 espèce) Himantalia elongata (Dawczynski et al., 2007) Laminaria spp. (2 espèces) (Schaal et al., 2010a) Padina pavonica (Murakami et al., 2011) Sargassum spp. (4 espèces) (Shams El Din et El-Sherif, Undaria pinnatifida 2012)

Chondrus crispus Corallina elongata (Fleurence et al., 1994) entre 69 et 309 entre 830 et Gracilaria spp. (2 espèces) (McDermid et Stuercke, 2003) entre 11.1 et 18.6 mg g-1 859 mg g-1 Grateloupia turuturu (Jacquin et al., 2006) mg g-1 (calcifiées) données (calcifiées) (calcifiée) Laurencia pinnatifida (Dawczynski et al., 2007) Rhodobiontes non Lithothamnion incrustans (Denis et al., 2010) entre 6 et 33 disponibles entre 120 et 310 entre 14 et entre 50 et Mastocarpus stellatus (Schaal et al., 2010a) mg g-1 mg g-1 26 mg g-1 500 mg g-1 Palmaria palmata (Shams El Din et El-Sherif, Porphyra spp. (2 espèces) 2012) Rhodymenia ardisonnei

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L’analyse des variations spatio-temporelles des concentrations biochimiques montre un pattern intéressant, avec une opposition entre lipides et protéines d’un côté (concentrations élevées au printemps et en été, faibles en automne et en hiver) et les glucides de l’autre (concentrations faibles au printemps et en été, élevées en automne et en hiver). Ce profil en opposition a déjà été observé chez plusieurs espèces et s’explique par le fait que les métabolismes associés à la synthèse de ces classes de composés biochimiques semblent découplés. La synthèse des glucides semble principalement liée à une forte activité de fixation du carbone par la photosynthèse, car les concentrations les plus fortes en glucides sont mesurées conjointement avec des intensités lumineuses, des activités photosynthétiques et des biomasses élevées (Rosenberg et Ramus, 1982 ; Perfeto, 1998 ; Marinho-Soriano et al., 2006 ; Westermeier et al., 2012). De plus, les valeurs systématiquement plus élevées en glucides mesurées en automne sont cohérentes avec le mécanisme de stockage du surplus de carbone fixé lors des périodes de forte activité photosynthétique estivales (Chapman et Craigie, 1978). Par la suite, l’utilisation de ces réserves fait chuter ces concentrations d’abord en hiver, puis jusqu’au début du printemps. Au contraire, le principal facteur qui contrôle la synthèse de protéines est la concentration en nutrients azotés dans l’eau (Durako et Dawes, 1980 ; Rosenberg et Ramus, 1982 ; Mouradi-Givernaud et al., 1993 ; Perfeto, 1998 ; Marinho- Soriano et al., 2006). Les valeurs élevées en nutrients azotés observés dans la baie de Marseille au printemps semblent cohérentes avec l’importance de ce facteur (Queguiner et al., 2012, Patrick Raimbault comm. pers.) Les corrélations fortes observées entre le δ13C et l’ensemble des descripteurs biochimiques vont également dans le sens d’un fonctionnement comparable de ces deux types de descripteurs. La corrélation isotope / biochimie a été classiquement recherchée chez les organismes hétérotrophes, principalement entre les lipides et le δ13C. En raison des voies métaboliques de lipogenèse, les lipides ont des valeurs de δ13C beaucoup plus négatives que celles des protéines ou des glucides et leur trop grande concentration peut représenter un biais pour la détermination du δ13C chez les mammifères, les poissons ou les crustacés (Tieszen et al., 1983 ; Pinnegar et Polunin, 1999 ; Bodin et al., 2007 ; Smyntek et al., 2007 ). Un plus faible nombre de travaux a été effectué sur ce thème chez les producteurs primaires. La plupart a été réalisé sur des espèces terrestres ou d’eau douce et confirme l’appauvrissement en 13C des lipides, et donc la relation significativement négative entre δ13C et concentration en lipides (van Dongen et al., 2002 ; Post et al., 2007 ). Les travaux récents sur les cheminements métaboliques différents des différents composants de l’alimentation (‘isotopic routing’) imposent également de connaître les signatures isotopiques spécifiques de chaque classe

113 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques biochimique. Ces travaux suggèrent que le carbone des tissus composés majoritairement de protéines (principalement le muscle) provient quasi-directement des protéines de l’alimentation, et la détermination de facteurs de fractionnements corrects entre le consommateur et son alimentation impose de connaître la signature propres aux protéines (Podlesak et McWilliams, 2006 ; Kelly et Martínez del Rio, 2010 ; Perga et Grey, 2010). Ces auteurs proposent généralement une valeur plus négative pour le δ13C des protéines, qui est cohérente avec la corrélation négative observée entre le δ13C et la concentration en protéines pour les macroalgues des récifs. Le lien qui existe entre le δ15N et les protéines est également compréhensible, dans la mesure où les protéines restent le principal composé azoté. La corrélation négative observée entre δ15N et concentrations en protéines semble cohérente avec les valeurs négatives mesurées pour le δ15N de la majorité des acides aminés (Näsholm, 1994 ; Werner et Schmidt, 2002). Pour les glucides, le pattern de corrélation est moins clair que pour les lipides et les protéines. Il est sans doute lié à l’hétérogénéité de la structure chimique de ces molécules. Les travaux menés sur les δ13C des glucides semblent montrer que ces molécules sont relativement enrichies en 13C (Duranceau et al., 1999 ; van Dongen et al., 2002 ; Teece et Fogel, 2007). Le seul profil cohérent est donc celui qui est retrouvé chez les chlorobiontes où il existe une corrélation positive entre δ13C et concentration en glucides insolubles. La corrélation inverse observée dans l’ensemble des autres cas est donc plus complexe à expliquer. Il en va de même pour les corrélations positives observées entre glucides et δ15N, alors que les travaux semblent montrer un appauvrissement en 15N des sucres azotés (Werner et Schmidt, 2002). Il est difficile d’apporter des explications claires aux corrélations (ou aux absences de corrélations) observées pour les macroalgues échantillonnées en milieu aquatique marin, dans la mesure où la majorité des travaux sur les signatures isotopiques des composés biochimiques des producteurs primaires sont réalisés sur des organismes pluricellulaires terrestres, ou unicellulaires d’eau douce. Les réactions métaboliques différentes entre organismes unicellulaires et pluricellulaires impliquent des fractionnements isotopiques différents, et donc des produits avec des signatures isotopiques différentes. De plus, l’utilisation de substrats inorganiques sous des formes différentes (gazeux ou dissous) entraîne également des réactions biochimiques différentes, et donc des fractionnements différents.

4.4.3. δ15N, indicateur des influences de l’environnement La relation entre les valeurs de δ15N et les apports en azote est plus difficile à établir que le lien entre δ13C et carbone inorganique, du fait du faible nombre d’études sur ce sujet, et

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de la moins bonne connaissance des facteurs de fractionnement associés à l’uptake d’azote inorganique (Umezawa et al., 2007 ; Marconi et al., 2011). Les rapports isotopiques en azote des producteurs primaires sont le plus souvent expliqués par des spécificités locales, sous l’influence d’apports particuliers, tels que des upwellings, ou des rejets d’azote lié aux activités humaines (Riera et al., 2000 ; Costanzo et al., 2001 ; Savage et Elmgren, 2004 ; Vizzini et Mazzola, 2004 ; Lapointe et al., 2005a ; Bode et al., 2006 ; Carvalho et al., 2008 ; Schaal et al., 2010b ; Vermeulen et al., 2011). Contrairement au δ13C, il est intéressant de noter que l’ensemble des espèces ont des valeurs de δ15N comprises globalement entre 3 et 4 ‰, ce qui dénote d’une absence de spécificités taxonomiques d’acquisition de l’azote. Des valeurs comparables de δ15N sont retrouvées dans d’autres sites de Méditerranée soumis à des pressions anthropiques modérées en Espagne ou au large de la Sicile (Jennings et al., 1997 ; Azzuro et al., 2007 ; Wangensteen et al., 2011). Ces valeurs sont ainsi plus élevées d’environ 2 ‰ par rapport à celles mesurées dans certains sites non impactés en Corse (Lepoint et al., 2000 ; Pinnegar et Polunin, 2000), mais largement inférieures aux valeurs observées dans des sites soumis à des apports anthropiques comme certaines lagunes côtières de Méditerranée (Vizzini et Mazzola, 2003 ; Deudero et al., 2011 ; Dierking et al., 2012). L’influence des apports terrigènes sur la zone des récifs artificiels de Marseille est également confirmée par les variations spatiales des valeurs du δ15N. Ainsi, pour les espèces présentes sur les deux récifs, les valeurs sont systématiquement plus élevées sur V6 que sur V3. Le δ15N des producteurs primaires est classiquement utilisé pour détecter les apports de rejets de stations d’épuration, dans la mesure où les étapes de traitement des eaux usées augmentent le δ15N de l’azote inorganique qui en résulte (Heaton, 1986 ; Costanzo et al., 2005 ; Raimonet et al., in press). En conséquence, le δ15N des producteurs primaires qui utilisent ces nutrients sera également plus élevé. Les valeurs plus élevées de δ15N sur V6 peuvent donc être le signe d’un impact et d’une intégration plus importante de nutrients d’origine terrigène dans les tissus des macroalgues. Les résultats des modèles de mélange isotopiques appliquées aux MOP ont montré un impact plus important des apports de l’Huveaune sur la MOP de V6 (Cresson et al., 2012). Par ailleurs, des concentrations élevées en sels nutritifs ont été mesurées dans l’Huveaune lors d’un épisode pluvieux (NH4 = 6.5 µM, NO3 = 48.3 µM, NO2 = 1.7 µM, Marion Fraysse comm. pers.). Ces concentrations sont de 15 à 80 fois plus élevées que les valeurs moyennes mesurées dans la baie de Marseille (Queguiner et al., 2012, Patrick Raimbault comm. pers.). L’Huveaune, lorsqu’il coule jusqu’à la mer représente donc un apport important de nutrients inorganiques. L’évolution des concentrations en nutrients le long du panache de dilution du fleuve montre une diminution rapide des concentrations

115 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

(Marion Fraysse comm. pers.). La totalité de l’apport massif de l’Huveaune n’atteint donc sans doute pas la zone des récifs et semble être utilisée par les producteurs primaires phytoplanctoniques. Les concentrations en protéines et en lipides plus élevées mesurées dans la MOP au-dessus de V6 pourraient donc être liées à une augmentation de la production primaire du fait des apports plus importants de nutrients inorganiques dans la partie sud de la zone des récifs. Cependant, le δ15N des producteurs primaires représentent une information intégrée des conditions du milieu. Il confirme que les apports de l’Huveaune, bien que sporadiques, ont une influence réelle sur le fonctionnement de la partie sud de la baie de Marseille. Il serait cependant nécessaire de disposer des δ15N de l’azote inorganique dans l’Huveaune et dans l’eau de mer pour confirmer de manière formelle l’influence de ce fleuve sur la partie sud de la baie du Prado. Les valeurs de δ15N sont globalement comparables entre les espèces et les groupes phylogénétiques, conformément à ce qui est retrouvé par ailleurs (Marconi et al., 2011). Les chlorobiontes montrent des valeurs plus élevées, principalement chez Codium bursa au printemps, en été et en hiver et chez Caulerpa racemosa en été et en automne. La physiologie de Codium bursa, qui explique ses valeurs élevées de δ13C, peut également apporter des éléments d’explication des valeurs élevées de δ15N. Le printemps et l’été sont des périodes de carence nutritionnelle pour cette espèce, en lien avec un taux de croissance maximal (Vidondo et Duarte, 1995). Le rapport C/N élevé (29.15) de cette espèce en été confirme que les nutrients sont limitant pour la croissance à cette saison, bien que les concentrations en azote soient importantes. Les plus fortes valeurs de δ15N peuvent donc refléter une utilisation de l’ensemble de l’azote disponible à cette période, sans possibilité de discrimination contre le 15N. Pour Caulerpa racemosa, une plasticité importante du δ15N de cette espèce semble exister puisque des valeurs entre 1 ‰ et 8 ‰ ont été mesurées (Lapointe et al., 2005a ; 2005b ; Azzuro et al., 2007 ; Cresson, 2009). Ces différences pourraient avoir trois explications. En Méditerranée nord-occidentale, l’espèce invasive conserve de son origine tropicale une affinité pour les conditions estivales plus chaudes qui favorisent sa croissance à cette saison, donc augmentent ses besoins et limitent ses capacités de discrimination (Raniello et al., 2004 ; Ruitton et al., 2005 ; Klein et Verlaque, 2008). Par ailleurs, C. racemosa dispose de rhizomes qui peuvent également prélever des composés organiques dans le milieu et donner un caractère partiellement hétérotrophe à cette espèce (Chisholm et al., 1996 ; Larned, 1998). Il n’est donc pas à exclure que les fortes valeurs de δ15N mesurées pour cette espèce puissent être également liées à une intensification de l’utilisation de la MO détritique du sédiment en période de forts besoins nutritionnels. Enfin, les travaux menées sur les espèces du genre

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Caulerpa en milieu tropical montrent que le δ15N de ces espèces est un bon indicateur de l’utilisation de l’azote issu de rejets d’eaux usées (Lapointe et al., 2005a ; 2005b). Les valeurs observées pour cette espèce confirment donc un apport de nutrients plutôt élevé dans la partie sud de la Baie de Marseille.

4.5. Conclusion Le couplage des analyses isotopiques et biochimiques appliquées aux macroalgues des récifs artificiels permet une approche comparative entre les groupes taxonomiques, la mise en évidence de certains fonctionnements physiologiques particuliers et d’influences particulières des conditions du milieu. Le δ13C est l’indicateur le plus caractéristique des métabolismes propre à chacun des trois groupes de macroalgues. Les rhodobiontes présentent les valeurs de δ13C les plus faibles, mais aussi la gamme de variation la plus importante. Ceci témoigne d’une hétérogénéité du métabolisme d’acquisition du carbone, lié à l’absence ou la présence de mécanismes de concentration du carbone minéral entre les différentes espèces. Les phéophycées ont des valeurs de δ13C intermédiaires et homogènes, qui témoignent d’un métabolisme relativement conservé, sans doute dû à la proximité taxonomique de la majorité des espèces d’algues brunes considérées dans ce travail. Enfin, les chlorobiontes présentent les valeurs de δ13C les plus élevées, sans doute liées à une activité importante des CCM. Pour autant, les valeurs extrêmes observées pour deux espèces de ce groupe (Flabellia petiolata et Codium bursa) impliquent la nécessité de réaliser de nouveaux travaux pour discriminer la part du métabolisme et de la forme, voire d’autres facteurs, sur la signature isotopique de ces espèces. Le δ13C est globalement lié au métabolisme propre à chaque groupe. A l’exception de quelques espèces dont les signatures se démarquent, on peut donc considérer des profils de δ13C caractéristiques à chacun des trois groupes. Il existe également des spécificités biochimiques pour chacun des groupes taxonomiques. L’approche quantitative de cette méthode permet également d’appréhender une influence de la variabilité saisonnière de l’environnement. Les rhodobiontes sont caractérisées par des concentrations en glucides solubles importantes, les phéophycées par des concentrations élevées en lipides et en protéines, et les chlorobiontes par des concentrations élevées en glucides insolubles. Les variations temporelles, comparables entre toutes les espèces, permettent de prendre en compte l’influence de la variation saisonnière des facteurs abiotiques du milieu (nutrients, température, luminosité) sur ces paramètres, en lien également avec la variation de la physiologie des espèces au fil des saisons.

117 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

La comparaison de ces résultats avec les travaux sur l’alimentation de Paracentrotus lividus, principal herbivore benthique en Méditerranée, permet d’apporter des éléments d’explications des patterns alimentaires observés. Les phéophycées apparaissent comme un composant important de l’alimentation de cette espèce (Boudouresque et Verlaque, 2007). Au niveau mondial, c’est également sur ce groupe que la pression de broutage la plus forte est exercée (Poore et al., 2012). Les concentrations importantes en lipides et en protéines mesurées dans les tissus de ces espèces pourraient être un des éléments d’explication de ce choix. Les concentrations élevées en glucides insolubles mesurées chez les chlorobiontes sont également cohérentes avec la consommation moins importante de ces espèces. Les concentrations extrêmes mesurées chez Flabellia petiolata permettent également d’expliquer le rejet systématique de cette espèce (Boudouresque et Verlaque, 2007). Même si les concentrations biochimiques peuvent apporter des éléments d’explication des choix alimentaires, la consommation globalement faible des rhodobiontes malgré une concentration élevée en glucides solubles, impose des précautions et la prise en compte d’un ensemble de paramètres au niveau spécifique. Malgré ses concentrations biochimiques faibles et son rapport C/N élevé (du fait de la calcification de cette espèce), P. pavonica fait quand même partie des espèces consommées en plus grande quantité par l’oursin. La consommation importante d’espèces calcifiées a déjà été rapportée et expliquée par une utilisation des carbonates pour la synthèse du test (Frantzis et Grémare, 1992). De plus, l’absorption de ces espèces calcifiées est beaucoup moins efficace que celle d’autres espèces ce qui pourrait également expliquer une ingestion en plus grande quantité pour compenser les faibles apports nutritionnels. Ainsi, la rhodobionte Asparagopsis armata est faiblement ingérée par l’oursin, mais l’importante quantité d’acide aminés essentiels qu’elle contient est absorbée à 95 % (Frantzis et Grémare, 1992 ; Boudouresque et Verlaque, 2007). Il est également nécessaire de prendre en compte la présence de métabolites secondaires de défense, dont la concentration plus importante chez les rhodobiontes pourrait expliquer la faible consommation des espèces de ce groupe (Martí et al., 2004 ; Paul et al., 2006 ; Salvador et al., 2007). Enfin, les résultats obtenus ici montrent que l’hétérogénéité des méthodes de dosages biochimiques, notamment pour les protéines et les glucides, impose des précautions importantes, notamment quand il s’agit de relier les paramètres biochimiques calculés selon plusieurs méthodes aux patterns de choix alimentaires des organismes. Les valeurs de δ15N mesurées confirment la possibilité d’utiliser ce paramètre comme un indicateur de l’influence de l’environnement sur le macrophytobenthos. Ce paramètre est, à quelques exceptions près, le seul qui présente des variations spatiales, avec des valeurs

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observées systématiquement plus élevées sur V6. Cela confirme l’influence de l’Huveaune sur la partie sud de la Baie du Prado. Cela permet également de disposer d’un indicateur des variations spatiales des signatures isotopiques des producteurs primaires. Dans la mesure où des variations spatiales de la MOP et de la MOS ont également été démontrées, la comparaison spatiale des signatures isotopiques des consommateurs permettra de mieux caractériser la composante spatiale de l’utilisation de la MO au sein des réseaux trophiques des récifs artificiels de la Baie du Prado.

119 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

Tab. 4.8 : Résumé des principaux résultats du chapitre 4 δ13C, indicateur du métabolisme propre à chaque espèce Rhodobiontes : les valeurs les plus faibles de δ13C mais aussi la gamme la plus étendue sont observées pour ce groupe. Cela témoigne d’une diversité des métabolismes d’acquisition du carbone au sein des espèces de ce groupe. Phéophycées : ce groupe présente des valeurs moyennes de δ13C, et une gamme relativement faible. Cela témoigne d’une relative homogénéité des processus métaboliques, en lien avec l’homogénéité taxonomique. Les valeurs moyennes sont le reflet d’un métabolisme plus complexe d’acquisition du carbone. Chlorobiontes : ce groupe présente globalement les valeurs les plus élevées de δ13C, qui témoignent d’une acquisition du carbone principalement basée sur des CCM (anhydrases carboniques). L’effet réel de ces mécanismes et d’autres facteurs pour expliquer les valeurs de δ13C extrêmes de certaines espèces nécessite plus de travaux pour être réellement appréhendé.

Concentrations biochimiques, indicateur du métabolisme de chaque espèce sous l’influence de l’environnement, et élément d’explication des choix alimentaires Rhodobiontes : glucides solubles les plus concentrés. La consommation relativement faible des espèces de ce groupe s’explique plutôt par l’effet des composés chimiques de défense Phéophycées : lipides et protéines les plus élevés, ce qui peut expliquer que certaines espèces de ce groupe soient privilégiées comme nourriture par les herbivores. Chlorobiontes : glucides insolubles les plus élevés, ce qui est cohérent avec la structure complexe des espèces de ce groupe. Fortes variations saisonnières des paramètres biochimiques, qui témoignent de l’influence de l’environnement (concentrations en nutrients, luminosité) et de la physiologie (phases de croissance ou de quiescence) des espèces sur ces paramètres.

δ15N, indicateur des influences du milieu sur le macrophytobenthos Très faibles différences des δ15N entre les groupes et les espèces, même si deux espèces de chlorobiontes particulières dans leur métabolisme augmentent la valeur pour ce groupe. Variations spatiales marquées, avec des δ15N toujours plus élevés sur V6 que sur V3, qui témoignent de l’influence des apports terrigènes anthropiques sur la partie sud de la zone des récifs artificiels

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Annexe 4.1 : Valeurs moyennes et écarts types mesurés pour le rapport C/N, les concentrations biochimiques (GS : glucides solubles, GI : glucides insolubles) et les masses de cendres pour chaque groupe taxonomique et chaque espèce. La masse de cendre mesurée pour Lithothamnion spp. n’a pas été prise en compte pour le calcul des valeurs moyennes pour les rhodobiontes non calcifiées. nd: pas de données

GS GI Lipides Protéines Cendres Proportion C/N sd sd sd sd sd sd (mg g-1) (mg g-1) (mg g-1) (mg g-1) (mg g-1) expliquée Chlorobiontes 14.94 6.76 75.98 42.61 193.22 95.67 22.05 13.12 50.95 35.45 562.61 148.79 90.5 % Caulerpa racemosa 12.90 1.60 62.72 26.86 183.00 26.38 20.38 4.35 31.37 12.97 563.78 20.93 86.1 % Codium bursa 23.41 5.73 83.94 22.92 132.85 56.02 9.74 2.23 21.94 8.31 706.29 36.21 95.5 % Codium vermillara 13.88 3.26 130.15 39.57 136.70 39.65 21.74 5.13 52.69 20.02 529.77 13.69 87.1 % Flabellia petiolata 8.66 0.97 34.48 8.10 313.02 87.92 37.17 14.16 97.14 27.45 354.93 29.38 83.7 % Phéophycées 19.23 9.13 33.97 19.25 84.90 46.51 27.75 14.42 84.60 27.86 520.44 46.90 75.2 % Cladostephus spongiosus 25.22 2.69 54.56 32.05 122.54 22.99 14.77 3.11 80.87 25.38 488.89 68.52 76.2 % Dictyopteris sp. 17.49 7.15 26.96 4.94 67.94 30.95 21.93 4.33 65.40 8.68 563.49 - 74.6 % Dictyota dichotoma 17.07 6.55 31.42 9.33 63.87 37.94 33.32 10.37 80.30 26.13 497.05 39.93 70.6 % Dictyota linearis 17.30 2.28 37.32 4.11 46.41 8.93 17.88 2.20 45.03 2.56 617.66 - 76.4 % Halopteris sp. 15.81 2.92 24.69 8.23 115.77 30.65 21.16 6.21 107.84 18.87 528.49 29.97 79.8 % Padina pavonica 35.05 15.50 28.04 14.86 103.93 84.26 14.34 3.71 57.37 9.15 548.31 41.29 75.2 % Sporochnus sp. 15.00 1.9 98.56 7.05 66.91 11.45 74.13 2.57 112.15 29.76 493.30 - 84.5 % Taonia atomaria 16.01 2.55 30.59 4.08 57.32 16.85 58.57 0.94 114.51 11.98 507.28 15.21 76.8 % Rhodobiontes non calcifiées 15.73 5.42 149.05 63.16 80.49 28.82 20.34 7.37 59.49 31.20 495.89 101.85 80.5 % Asparagopsis sp. 7.53 0.06 29.49 3.73 24.74 3.06 15.89 0.37 51.12 3.03 647.30 - 76.9 % Polysiphonia subulifera 16.61 4.46 98.24 11.92 90.80 13.47 12.87 2.45 116.84 8.72 503.54 91.45 82.2 % Sphaeroccocus coronopifolius 16.31 5.32 188.27 37.12 87.77 25.47 24.47 5.80 49.27 15.76 374.33 19.64 72.4 % Spyridia filamentosa 24.40 1.74 95.63 7.05 64.65 20.57 10.78 1.77 24.77 3.49 514.68 - 71.1 %

Lithotamnnion spp. nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd 922.345 3.13 92.2 %

121 Chapitre 4 – Caractérisation des macroalgues benthiques

Annexe 4.2 : Paramètres statistiques des régressions entre ratios isotopiques et concentrations biochimiques. Les régressions significatives sont représentées en grisé. x y Equation r p 13 δ C GS -0.84 δ13C + 48.4 -0.09 0.39 13 δ C GI -4.73 δ13C + 26.51 -0.31 0.00 13 δ C GT -5.57 δ13C + 74.9 -0.33 0.00 δ13C Lipides -1.15 δ13C - 1.57 -0.51 0.00 13 Global δ C Protéines -2.73 δ13C + 5.25 -0.46 0.00 n = 84 δ15N GS 10.51 δ15N + 25.33 0.16 0.14 δ15N GI 22.46 δ15N + 42.96 0.21 0.06 δ15N GT 32.98 δ15N + 68.29 0.27 0.01 δ15N Lipides -3.41 δ15N + 37.78 -0.21 0.06 δ15N Protéines -19.56 δ15N + 144.32 -0.46 0.00 13 δ C GS 3.32 δ13C + 146.74 0.56 0.00 13 δ C GI -10.34 δ13C - 25.87 -0.76 0.00 13 δ C GT -7.02 δ13C + 120.87 -0.62 0.00 13 δ C Lipides -1.52 δ13C - 10.21 -0.80 0.00 δ13C 13 Chlorobiontes Protéines -4.42 δ C - 42.99 -0.87 0.00 n = 37 δ15N GS 5.11 δ15N + 53.94 0.10 0.56 δ15N GI -16.33 δ15N + 264.98 -0.14 0.41 δ15N GT -11.22 δ15N + 318.92 -0.11 0.49 δ15N Lipides -3.36 δ15N + 36.60 -0.21 0.22 δ15N Protéines -15.14 δ15N + 116.62 -0.34 0.04 13 δ C GS -0.97 δ13C + 12.84 -0.17 0.33 13 δ C GI -0.42 δ13C + 75.76 -0.03 0.86 13 δ C GT -1.40 δ13C + 88.60 -0.09 0.61 13 δ C Lipides -1.56 δ13C - 6.20 -0.35 0.03 13 Phéophycées δ C Protéines -3.49 δ13C + 8.24 -0.42 0.00 n = 36 δ15N GS -2.65 δ15N + 43.86 -0.11 0.53 δ15N GI 7.02 δ15N + 58.94 0.12 0.48 δ15N GT 4.37 δ15N + 102.79 0.06 0.71 δ15N Lipides -4.21 δ15N + 43.24 -0.23 0.18 δ15N Protéines -14.77 δ15N + 139.26 -0.42 0.01 13 δ C GS -7.15 δ13C - 53.78 -0.67 0.02 13 δ C GI -0.56 δ13C + 63.46 -0.13 0.71 13 δ C GT -7.72 δ13C + 9.68 -0.54 0.09 13 δ C Lipides -0.92 δ13C - 5.50 -0.79 0.00 Rhodobiontes δ13C Protéines 2.47 δ13C + 127.41 0.47 0.22 n = 11 δ15N GS 74.58 δ15N - 132.80 0.73 0.01 δ15N GI 23.13 δ15N - 7.43 0.54 0.08 δ15N GT 97.71 δ15N -140.24 0.71 0.01 δ15N Lipides 6.84 δ15N - 5.35 0.62 0.04 δ15N Protéines -19.94 δ15N + 133.06 -0.39 0.23

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Chapitre 5. CARACTERISATION ISOTOPIQUE ET BIOCHIMIQUE

DE LA MAGNOLIOPHYTE POSIDONIA OCEANICA

© Sandrine Ruitton

Photo Sandrine Ruitton

123 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

5.1.Introduction Si la production primaire du phytoplancton représente une grande part de la production primaire de l’océan mondial, la production des macrophytes benthiques ne peut pas être négligée en milieu côtier. Parmi eux, les magnoliophytes représentent l’un des écosystèmes les plus productifs de la planète, même lorsqu’ils sont comparés à certains écosystèmes terrestres (Cebrian, 1999 ; Ruiz et al., 2009). Ils représentent également un pôle de biodiversité et jouent un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes marins, par exemple comme substrat pour les organismes épibiontes ou comme nurserie pour certaines espèces de poisson (Heck Jr. et al., 2003). Les magnoliophytes actuelles résultent de l’évolution d’espèces terrestres retournées au milieu marin il y a 100 millions d’années. Certains aspects de la physiologie de ces espèces et du fonctionnement de ces écosystèmes marins résultent aujourd’hui de cette origine terrestre (Klap et al., 2000 ; Boudouresque et al., 2006b). Les herbiers de magnoliophytes abritent généralement une biodiversité importante et de nombreux travaux ont cherché à comprendre si la production primaire des magnoliophytes pouvaient et par quelles voies, soutenir cette biomasse importante de consommateurs (Ott et Mauer, 1977 ; Cebriàn et al., 1997 ; Smit et al., 2006). Les travaux initiaux rapportaient une faible consommation des magnoliophytes, mais ce paradigme tend à être remis en cause, notamment par l’utilisation de nouvelles techniques comme les isotopes stables du carbone et de l’azote (Valentine et Heck Jr., 1999 ; Connoly et al., 2005 ; Heck Jr. et Valentine, 2006 ; Prado et Heck Jr., 2011). En Méditerranée, le groupe des magnoliophytes se compose de sept espèces, dont deux sont inféodées spécifiquement aux habitats lagunaires (Pergent et al., 2012). Parmi les espèces marines, la posidonie Posidonia oceanica (Linnaeus) Dellile est emblématique de Méditerranée, principalement du fait de son endémisme, de sa production primaire élevée et de la grande biodiversité qu’elle abrite (Boudouresque et al., 2006a). De nombreux travaux ont cherché à comprendre le devenir de la production primaire des herbiers, la consommation de leur production et l’organisation du réseau trophique de ces écosystèmes (Ott et Mauer, 1977 ; Bell et Harmelin-Vivien, 1983 ; Dauby, 1989 ; Verlaque, 1990 ; Pergent et al., 1997 ; Romero, 2004 ; Lepoint et al., 2006 ; Tomas et al., 2006 ; Prado et al., 2007a ; Vizzini, 2009 ; Sturaro et al., 2010). La plupart rapportent que la plus grande part de la production primaire n’est pas consommée directement, même si là aussi ce paradigme est de plus en plus remis en cause (Prado et al., 2007b). Une grande partie de ces études s’est également focalisée sur les facteurs de choix des organismes herbivores face à deux types de production primaire. L’herbier de posidonie juxtapose les feuilles à turnover lent et difficilement utilisables par la

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plupart des organismes, et les épibiontes, plus riche en azote, et donc plus facilement utilisables (Invers et al., 2002 ; Tomas et al., 2006 ; Prado et al., 2010). Dans ce contexte, l’apport des isotopes stables du carbone et de l’azote a été décisif, et de nombreux travaux ont utilisé cette technique pour comprendre les relations trophiques au sein de l’herbier de posidonie, mais aussi pour appréhender les impacts anthropiques (Bricout et al., 1980 ; Dauby, 1989 ; Vizzini et al., 2003 ; Tomas et al., 2006 ; Cardona et al., 2007 ; Fourqueran et al., 2007 ; Pérez et al., 2008). De nombreux travaux ont également cherché à mieux caractériser les concentrations biochimiques du faisceau de posidonie (Pirc et Wollenweber, 1988 ; Lawrence et al., 1989 ; Pirc, 1989 ; Viso et al., 1993 ; Klap et al., 2000 ; Khiari et al., 2010). La modification des compositions biochimiques a été proposée comme hypothèse d’explication des variations des signatures isotopiques des différents tissus (Lepoint et al., 2003 ; Vizzini et al., 2003). Cependant, aucune étude ne comporte de détermination couplée des signatures isotopiques et des compositions biochimiques des tissus de P. oceanica, à l’exception de l’utilisation des pourcentages de carbone et d’azote et du rapport C/N couplés aux isotopes stables. Par ailleurs, la comparaison des ratios isotopiques ou des compositions biochimiques des différentes parties du faisceau a rarement été effectuée, malgré leur physiologie et leur activité métabolique différentes (Pirc et Wollenweber, 1988 ; Lawrence et al., 1989 ; Vizzini et al., 2003 ; Papadimitriou et al., 2005). Dans ce contexte, ce chapitre vise à répondre à trois questions :

1. Quelles sont les caractéristiques isotopiques et biochimiques propres à la magnoliophyte Posidonia oceanica ? 2. Quelles sont les variations saisonnières des paramètres isotopiques et biochimiques des différentes parties du faisceau et comment peuvent-elles être reliées au métabolisme de P. oceanica et aux conditions du milieu ? 3. Les différents tissus de la magnoliophyte représentent-ils des sources potentielles de MO qui peuvent alimenter les réseaux trophiques des récifs artificiels ?

5.2. Matériel et Méthodes A chaque saison, plusieurs faisceaux de posidonie ont été échantillonnés dans l’herbier proche du récif V6. Des échantillons de feuilles de posidonie en épave autour du récif artificiel ont également été prélevés. De retour au laboratoire, le faisceau a été séparé en ses différents composants, selon les critères classiquement retenus pour les types de feuilles, liés à la taille du limbe, à la présence ou non d’une gaine basale et à la position au sein du faisceau

125 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

(Fig. 5.1). Les feuilles juvéniles apparaissent au centre du faisceau, avant d’être excentrées au fil de leur croissance et de l’apparition de nouvelles feuilles juvéniles. Les feuilles marron, dont la dépigmentation a été utilisée comme critère du début de la phase de sénescence, se situent donc à l’extérieur du faisceau. Les écailles, résidus imputrescibles de la gaine basale des feuilles des années précédentes, ont été retirées du rhizome. Enfin, les épibiontes ont été retirés des feuilles adultes et marron par grattage et conservés. Les analyses ont systématiquement été effectuées sur plusieurs feuilles.

Fig. 5.1 : Schéma d’organisation d’un faisceau de P. oceanica et critères de discrimination des différents types de feuilles (redessiné d’après Boudouresque et al. (2006a)

Les échantillons ont été conservés congelés avant lyophilisation et broyage, en vue des analyses isotopiques et biochimiques. Les protocoles d’analyses sont les mêmes que ceux utilisés pour les macroalgues (cf. chapitre « Matériel et Méthodes » et chapitre précédent). La seule différence réside dans la détermination du δ13C des épibiontes à partir d’échantillons acidifiés pour retirer les carbonates. En raison de la quantité d’échantillon trop faible par rapport à la quantité de matériel nécessaire aux analyses, la masse de cendres des épibiontes, ainsi que la concentration en lipides dans les feuilles juvéniles en été n’ont pu être déterminées.

Les comparaisons des signatures isotopiques et des concentrations biochimiques ont été réalisées par des tests de comparaison de moyennes suivis de test post-hoc (Zar, 2010). L’ensemble des informations isotopiques et biochimiques ont été résumées au sein d’une

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ACP, suivie d’une classification hiérarchique sur les composantes principales (HCPC) réalisées à l’aide du logiciel R et du package FactoMineR (Lê et al., 2008).

5.3. Résultats

5.3.1. Caractéristiques biochimiques

La comparaison des valeurs moyennes obtenues montre qu’il existe des différences significatives entre les différentes parties du faisceau, aussi bien pour les descripteurs biochimiques que pour les descripteurs isotopiques (Tab. 5.1) De manière générale, les glucides insolubles sont la classe biochimique la plus importante et représentent toujours entre 20 et 30 % de la masse de l’ensemble des parties du faisceau (Fig. 5.2, Tab. 5.1). Au contraire, les lipides ne représentent qu’une très faible part des composés biochimiques dosés et leur proportion ne dépasse jamais 4 %. La quantité de matière expliquée par les analyses (les cendres exprimant la quantité de matière inorganique contenue dans les tissus, et les concentrations biochimiques représentant la quantité de MO) représente toujours plus de 80 % de la masse des tissus. Les ~ 20 % restants correspondent très certainement aux composés des différentes classes biochimiques non réactifs aux différentes méthodes d’extraction. Pour le rhizome, cette valeur représente plus de 100 %, ce qui n’a évidemment pas de sens, et réside certainement dans un biais lié à la sensibilité de la méthode d’analyse

La réalisation d’une classification hiérarchique sur les descripteurs biochimiques et le rapport C/N permet de séparer le faisceau en quatre groupes, et confirme les différences significatives obtenues lors des tests de comparaison des concentrations moyennes mesurées pour les descripteurs biochimiques (Tab. 5.1).

127 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

Tab 5.1 : Moyennes ± écarts types des rapports isotopiques, des rapports C/N, des pourcentages de carbone et d’azote, des concentrations biochimiques, de la somme de l’ensemble des concentrations biochimiques, et de la masse de cendres mesurées pour les différentes parties du faisceau de posidonie. GS : glucides solubles ; GI : glucides insolubles. La ligne « stats » représente les résultats d’une ANOVA de comparaison de ces valeurs moyennes, dont les différences significatives sont représentées par les lettres. Le faible nombre de données empêche la réalisation d’une analyse statistique sur la masse de cendres. nd : pas de données. δ13C δ15N GS GI Lipides Protéines Somme Cendres Proportion C/N %C %N (‰) (‰) (mg g-1) (mg g-1) (mg g-1) (mg g-1) (mg g-1) (mg g-1) expliquée -16.12 b 5.00 d 16.84 d 39.11 d 2.66 d 227.01 f 267.93 b 18.26 a 419.15 d 932.35 87.11 Rhizomes 101.9 % ± 0.70 ± 0.28 ± 6.69 ± 3.99 ± 1.03 ± 33.05 ± 47.12 ± 6.30 ± 94.64 ± 116.47 ± 7.72 -15.04 c 4.98 d 13.41 d 32.45 c 2.51 d 114.83 e 214.56 b 27.65 bc 283.29 d 531.30 165.01 Juvéniles 80.5 % ± 1.37 ± 0.94 ± 2.28 ± 7.80 ± 0.79 ± 29.62 ± 56.02 ± 4.04 ± 70.11 ± 266.64 ± 8.48

c c c -15.97 b 4.38 15.18 d 32.75 2.22 93.46 d 278.64 b 36.68 d 204.44 c 613.23 209.12 Intermédiaires 82.2 % ± 1.05 ± 0.52 ± 2.82 ± 1.33 ± 0.33 ± 35.33 ± 116.70 ± 11.63 ± 54.16 ± 139.69 ± 19.90 -15.97 b 3.54 ab 19.96 c 30.67 c 1.60 b 84.24 c 251.77 b 35.86 d 169.65 c 541.52 262.53 Adultes 80.4 % ± 0.89 ± 0.60 ± 4.16 ± 1.48 ± 0.36 ± 19.37 ± 86.83 ± 11.08 ± 49.71 ± 75.75 ± 6.75

-15.54 bc 3.21 a 28.50 b 27.40 bc 1.09 a 52.04 b 308.01 b 28.95 c 107.01 b 496.01 349.32 Marron 84.5 % ± 0.48 ± 0.42 ± 8.73 ± 3.45 ± 0.50 ± 19.29 ± 47.87 ± 11.73 ± 37.90 ± 53.16 ± 81.68 -15.22 c 3.26 ab 30.40 b 26.13 b 0.90 a 20.27 a 265.98 b 21.34 ab 64.45 b 372.04 399.87 Epaves 76.5 % ± 0.94 ± 0.16 ± 6.92 ± 5.12 ± 0.28 ± 5.10 ± 69.31 ± 6.20 ± 22.66 ± 67.98 ± 32.57

-21.27 a 3.69 b 4.62 a 8.51 a 1.88 b 25.41 a 83.12 a 17.37 a 62.44 a 146.49 Epibiontes nd 18.8 % ± 0.91 ± 0.68 ± 0.82 ± 8.28 ± 1.69 ± 13.15 ± 108.07 ± 3.96 ± 16.26 ± 138.40 F = 88.7 F = 22.4 F = 42.8 F = 5.8 F = 20.3 F = 105.9 F = 11.0 F = 11.0 F = 69.0 Stats - - *** *** *** *** *** *** *** *** ***

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Le premier groupe inclut les feuilles en épave et les feuilles marron, qui se caractérisent par des proportions très élevées en glucides insolubles (près de 60 % de la masse de matière organique) et faibles en lipides et glucides solubles. C’est par ailleurs pour ce groupe que les concentrations globales en composés biochimiques sont les plus faibles et donc les masses de cendres les plus élevées. Les rapports C/N moyens mesurés pour ces feuilles sont également élevés notamment du fait de pourcentages d’azote faibles. Au sein du deuxième groupe, les feuilles intermédiaires et adultes vertes se caractérisent par des proportions plus importantes en protéines et en glucides solubles, même si les glucides insolubles restent le composé principal pour ces types de feuilles. Les valeurs de %N sont plus élevées que pour les feuilles marron et en épave, et plus élevées pour les feuilles intermédiaires, ce qui contribue à faire diminuer le rapport C/N mesuré dans ces deux types de feuilles. La part de matière organique est également plus élevée que pour les feuilles marron et en épave. Les feuilles juvéniles et les rhizomes sont classés dans le troisième groupe, et se caractérisent par une prépondérance des protéines (qui représentent plus de 70 % de la masse de composés biochimiques dans le rhizome). C’est également au sein de ce groupe que les valeurs de %N sont les plus élevées et que les concentrations en glucides solubles sont les plus fortes. Leur part est ainsi comparable à celle des glucides insolubles dans le rhizome, et représente 12 % de la masse totale des feuilles juvéniles (Fig. 5.2). Les masses de cendres sont les plus faibles dans ce groupe et atteignent des valeurs inférieures à 100 mg g-1 pour le rhizome.

Enfin, les épibiontes montrent un profil très différent, avec des concentrations biochimiques beaucoup moins importantes que celles mesurées dans les tissus de la posidonie, notamment pour les glucides insolubles et un rapport C/N plus faible. Du fait des faibles concentrations mesurées, la part expliquée par les composés biochimiques est faible, et ne peut être complétée par la masse de cendres, aucune combustion n’ayant pu être effectuée pour ce groupe.

129 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

Fig. 5.2 : Proportions moyennes des concentrations biochimiques (GS : glucides solubles ; GI : glucides insolubles) pour les différentes parties du faisceau. En raison des biais liés à la forte concentration en protéines dans les rhizomes, les proportions ont été calculées par rapport à la somme des concentrations obtenues (supérieure à 1 g) alors qu’elles ont été rapportées à 1g pour les autres tissus. Aucune mesure de la masse de cendres n’a pu être effectuée pour les épibiontes, d’où la part importante non expliquée pour ce compartiment. .

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5.3.2. Caractéristiques isotopiques Les signatures isotopiques observées entre les différents types de feuilles montrent des différences significatives (ANOVA F= 88.7, p < 0.001 pour le δ13C, F = 22.4, p < 0.001 pour le δ15N, Tab. 5.1). L’analyse des signatures isotopiques permet également de créer des regroupements comparables à ceux observés avec les descripteurs biochimiques. La similarité biochimique observée entre feuilles marron et feuilles en épave est également vraie pour les signatures isotopiques (Fig. 5.3). Ces deux types de feuilles montrent ainsi les plus faibles valeurs de δ15N et des valeurs moyennes pour le δ13C. Les feuilles intermédiaires et adultes sont également proches au niveau isotopique, surtout pour le δ13C. Les feuilles juvéniles et le rhizome sont comparables, principalement du fait de leurs valeurs élevées de δ15N. Enfin, les valeurs de δ13C mesurées pour les épibiontes sont beaucoup plus faibles que celles mesurées dans l’ensemble des tissus du faisceau de posidonie, alors que les valeurs de δ15N sont comparables.

Lorsqu’on ne tient pas compte des différentes parties du faisceau, il n’y a que très peu de différences saisonnières des paramètres isotopiques et biochimiques (Tab. 5.2). Seul le δ15N et les lipides varient saisonnièrement pour l’ensemble du faisceau. Pour les autres paramètres, les différences entre compartiments sont plus fortes que les différences entre saisons (Fig. 5.3, Tab. 5.3). Seul le pourcentage de carbone ne varie pas saisonnièrement, à l’exception de celui des feuilles marron. Au contraire, le pourcentage d’azote est variable dans tous les tissus, à l’exception des feuilles en épave. Pour les paramètres isotopiques, le δ15N est globalement plus faible au printemps (feuilles marron, adultes, intermédiaires et rhizomes), excepté pour les feuilles juvéniles, et plus fort en été, dans les feuilles adultes, intermédiaires, juvéniles et en épave.

131 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

Tab. 5.2 : Variations saisonnières globales des paramètres isotopiques et biochimiques de l’ensemble du faisceau. H/F : résultat du test de comparaison de moyennes (H : ANOVA non-paramétrique de Kruskall-Wallis, F : ANOVA paramétrique) Paramètre H / F p-value Post-hoc δ13C H = 0.91 0.82 δ15N F = 6.47 > 0.001 P = H < E =A %C H =0,45 0.93 %N H = 6.04 0.11 C/N F = 2.43 0.07 GS H = 5.10 0.16 GI F = 0.28 0.84 Lipides F = 10.48 > 0.001 H = A < P < E Protéines F = 0.88 0.45

En ce qui concerne les paramètres biochimiques, les concentrations en glucides insolubles sont maximales pour l’ensemble des tissus en automne, sauf pour les feuilles juvéniles et le rhizome qui ne présentent pas de variations significatives de ce paramètre. Les valeurs maximales de lipides sont également mesurées en été dans la plupart des tissus, tandis que les valeurs maximales de protéines sont mesurées en hiver. Seules les feuilles en épave ne présentent pas de variations significatives de leurs concentrations en protéines. Par rapport au reste du faisceau, les épibiontes montrent un profil particulier, marqué par une absence de variation du δ13C et des pourcentages de carbone et d’azote. Cependant, leur valeur de δ15N est également plus faible au printemps, comme la plupart des feuilles sur lesquelles ils se développent. Le printemps est également marqué par une augmentation importante de toutes les concentrations biochimiques. Cette augmentation est particulièrement notable pour les glucides insolubles, qui présentent des valeurs relativement faible en été, automne et hiver (~30 mg g-1). Ils présentent par contre une valeur très élevée au printemps (279.68 mg g-1), qui explique l’écart type important observé pour la moyenne annuelle de ce paramètre (Tab. 5.1)

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Fig. 5.3 : Rapports δ13C et δ15N moyens mesurés dans les différentes parties du faisceau de posidonie aux quatre saisons. Les différents types de feuilles ou de tissus sont indiqués par les couleurs (épibiontes : bleu ; feuilles en épave : noir ; feuilles marron : marron ; feuilles adultes : vert foncé ; feuilles intermédiaires : vert clair ; feuilles juvéniles : vert clair, symboles cerclés ; rhizome : rose) et les saisons par les symboles (printemps : losange ; été : triangle ; automne : cercle ; hiver : carré).

133 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

Tab 5. 3 : Résultats des tests ANOVA de comparaison des moyennes obtenues à chaque saison (P : printemps ; E : été ; A : automne ; H : hiver) pour les paramètres isotopiques et biochimiques (*** : p < 0.001, ** : p < 0.01, * : p < 0.05, ns : p > 0.05). Les inégalités reflètent les résultats des tests post-hocs. Les cases grisées représentent les cas pour lesquels les variations observées ne sont pas significatives. Type δ13C δ15N % C % N C/N GI GS Lipides Protéines Epaves F = 12.9 F = 8.2 F = 0.3 F = 3.6 F = 141.7 F = 34.6 F = 6.1 F = 15.7 F = 0.6 ** ** ns ns *** *** * ** ns E < P = H E < P = H P = E < H P < E < H E = H < P H < E < P

Marron F = 56.2 F = 79.1 F = 41.5 F = 633.4 F = 1136.8 F = 4.9 F = 7.2 F = 47. 8 F = 39.7 *** *** *** *** *** * * *** *** E < P < A < H P = E < A = H A < P < A < H < P < E E < P < A < H P < E = H = A H < P = A = E A = H < P < E A < H < P = E H < E

Vertes F = 381.0 F = 146.1 F = 3.8 F = 161.4 F = 5051.7 F = 17.1 F = 17.3 F = 8.7 F =104.1 *** *** ns *** *** *** *** ** *** E < P < A < H P = H < A < E H < A < E < P P = E < A < E H = E = P < A E = H = P < A H = A = P < E A < E < P < H

Interm. F = 42.0 F = 108.1 F = 2.3 F = 98.1 F =461.1 F = 6.3 F = 5.8 F = 38.0 F = 57.9 *** *** ns *** *** * * *** *** H < P < E = A P < H < A < E A < P = H < E P = H < E < A P < H = E = A E = P = H < A H < A = P < E A = E = P < H

Juvéniles F = 298.5 F = 183.6 F = 2.3 F = 8.6 F = 209.2 F = 1.4 F = 5.6 F = 0.1 F = 12.5 *** *** ns ** *** ns * ns ** H < A < E = P H < A = P < E P = A < H = E H < E < P < A P < H = E < A E < A < P < H

Rhizomes F = 16.6 F = 10.9 F = 2.2 F = 39.6 F = 207.8 F = 0.7 F = 4.2 F = 15.1 F = 35.9 ** ** ns *** *** ns * ** *** A < P

Epibiontes F = 2.4 F = 336.8 F = 0.9 F =1.1 F = 13.2 F = 114.3 F = 5.1 F = 13.9 F = 20.6 ns *** ns ns *** *** * ** *** P < E < A = H E = P < H < A E = H = A < P E = H < P = A H = A < E = P A = H < E < P

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La réalisation d’une ACP « globale », incluant l’ensemble des paramètres isotopiques et biochimiques permet de prendre en compte de manière conjointe les variations simultanées de ces descripteurs aux quatre saisons (Fig. 5.3). Les deux premiers axes expliquent près de 70 % de la variabilité (respectivement 42.6 et 25.6 %) Le premier axe est expliqué principalement par les concentrations en glucides solubles et en protéines. Cet axe confirme la différence entre les épibiontes et le reste du faisceau, principalement du fait de leurs faibles valeurs de concentrations biochimiques. Les feuilles marron et en épave sont également séparées du reste du faisceau sur cet axe, mais moins nettement que les épibiontes. L’axe 2 est expliqué par les glucides insolubles, les lipides et le δ13C. Il sépare les épibiontes et le rhizome (principalement du fait de leurs δ13C faibles) du groupe composé par les feuilles adultes et intermédiaires, ainsi que des feuilles marron et en épave. La position centrale du groupe des feuilles juvéniles s’explique par la combinaison d’une concentration élevée en protéines et en glucides solubles pour ces feuilles (qui tire ce groupe vers le bas) avec un δ13C élevé. La réalisation d’une HCPC permet de créer 5 groupes. Trois d’entre eux ne regroupent qu’un seul type de tissu (épibiontes dans le groupe 1, rhizomes dans le groupe 5) ou des types de tissus très similaires d’un point de vue fonctionnel (feuilles marron et en épave dans le groupe 2). Le groupe 3 inclut l’ensemble des feuilles vertes, les feuilles intermédiaires à trois saisons et les feuilles marron en été, dont la présence dans ce groupe peut s’expliquer par des concentrations plus élevées en protéines. Enfin, le groupe 4 regroupe les feuilles juvéniles aux quatre saisons, et les feuilles intermédiaires en hiver, du fait d’une concentration plus élevée en protéines (Tab. 5.1)

135 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

Fig. 5.3 : Représentation graphique de l’analyse en composantes principales appliquée sur les valeurs moyennes des descripteurs isotopiques et biochimiques mesurées dans les différentes parties du faisceau aux quatre saisons. Les différents types de feuilles ou de tissus sont indiqués par les couleurs (épibiontes : bleu ; feuilles en épave : noir ; feuilles marron : marron ; feuilles adultes : vert foncé ; feuilles intermédiaires : vert clair ; feuilles juvéniles : vert clair, symboles cerclés, rhizome : rose) et les saisons par les symboles (printemps : losange ; été, triangle ; automne : cercle ; hiver : carré). Les ellipses en pointillés sont figuratives et représentent les regroupements effectués par une classification hiérarchique post-ACP (HCPC).

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5.4. Discussion L’ensemble des résultats obtenus pour chaque tissu du faisceau de posidonie permet de mieux comprendre le fonctionnement global du faisceau et celui propre à chaque tissu. A ce titre, la faible variabilité saisonnière du faisceau pris dans sa globalité, la variabilité plus importante lorsque les tissus sont considérés séparément et les regroupements au sein de l’ACP montrent qu’il existe des spécificités fortes pour chaque type de tissu. L’ensemble de ces résultats permet également de discuter l’intégration potentielle de la production primaire importante de l’herbier de posidonie dans les chaînes trophiques des récifs artificiels.

5.4.1. Fonctionnement global du faisceau, variations temporelles et influences de l’environnement. Lorsque l’on considère les paramètres isotopiques et biochimiques de l’ensemble du faisceau de posidonie, trois résultats principaux semblent se détacher : (1) les glucides insolubles représentent le principal composé biochimique des différents types de feuilles et du rhizome, (2) les lipides ne représentent qu’une très faible proportion des composés biochimiques dans les tissus, et (3) les valeurs de δ13C et de C/N sont élevées.

La part importante de glucides insolubles dans les tissus n’est pas étonnante et reste cohérente avec d’autres travaux sur la composition biochimique de Posidonia oceanica (Lawrence et al., 1989). De son origine terrestre, P. oceanica a conservé une structure complexe et des tissus intégrants des molécules de structure comme la cellulose ou la lignine (Ott et Mauer, 1977 ; Klap et al., 2000). Les concentrations en cellulose dans les tissus de la posidonie sont comparables à celles de certains producteurs primaires terrestres et à peine plus faibles que ce qui est mesuré dans les arbres à écorce (Khiari et al., 2010). Ces concentrations importantes en glucides insolubles sont également à l’origine des rapports C/N forts, classiquement mesurés dans les tissus de P. oceanica, même si les valeurs mesurées dans cette étude (entre 13 et 30) sont plus faibles que les valeurs classiquement rapportées pour la posidonie (Pirc et Wollenweber, 1988 ; Fourqueran et al., 2007). Il n’y a par ailleurs pas de variations annuelles du %C dans la majorité des tissus, à l’exception des feuilles marron. Des travaux précédents ont également montré cette faible variabilité saisonnière du %C (Fourqueran et al., 2007). La concentration assez faible mesurée pour les lipides est également cohérente avec les résultats précédents aussi bien pour les producteurs primaires marins

137 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

(Dawczynski et al., 2007 ; chapitre précédent) que spécifiquement pour P. oceanica (Lawrence et al., 1989). Les valeurs élevées de δ13C sont également cohérentes avec les travaux précédemment réalisés sur P. oceanica (Bricout et al., 1980 ; Vizzini et Mazzola, 2003 ; Cardona et al., 2007 ; Fourqueran et al., 2007 ; Vizzini, 2009). En Méditerranée, les magnoliophytes en général, et P. oceanica en particulier, montrent des valeurs de δ13C systématiquement plus élevées que l’ensemble des macroalgues, à l’exception de quelques espèces à métabolisme particulier (cf. chapitre précédent). Même si la posidonie semble utiliser un métabolisme photosynthétique en C3, la coexistence de mécanismes pouvant s’apparenter à des intermédiaires entre C3 et C4 reste discuté pour les magnoliophytes (Touchette et Burkholder, 2000a). Ce serait là un autre vestige de l’origine terrestre de la posidonie, dans la mesure où le métabolisme en C4 est considéré comme très faiblement répandu en milieu marin. De plus, l’importance des mécanismes de concentration du carbone minéral semble influencer fortement le δ13C de la posidonie. Près de 50 % du carbone inorganique utilisé par P. oceanica est du bicarbonate, fixé par l’activité des anhydrases carboniques de surface, ce qui en fait une des espèces de magnoliophytes les plus dépendantes de ce mécanisme pour l’acquisition de son carbone inorganique (Invers et al., 1999 ; Touchette et Burkholder, 2000a). Au sein des tissus des magnoliophytes, la présence d’une structure lacunaire (« aerarium ») conduit à l’utilisation de carbone inorganique gazeux, et non de carbone dissous comme chez les macroalgues (Boudouresque et al., 2006b). Le passage d’un état gazeux à un état dissous, ainsi que l’utilisation de carbone inorganique gazeux ou dissous sont associés à des fractionnements isotopiques différents. Ces différences pourraient expliquer les valeurs moins négatives observées chez les magnoliophytes que chez les macroalgues. De plus, cet aerarium semble fonctionner comme une réserve de carbone inorganique issu du milieu extérieur, de la respiration ou de la photorespiration. Seul le carbone inorganique présent dans ces structures pourrait être utilisé pour la photosynthèse, ce qui limite les possibilités de renouvellement du carbone et donc de discrimination isotopique. Les réactions photosynthétiques vont dans un premier temps utiliser du 12C, mais dans la mesure où la quantité de carbone est moins importante dans ce pool que dans le milieu extérieur, elles utiliseront ensuite du 13C, ce qui peut également contribuer à augmenter le δ13C de P. oceanica.

Concernant le δ15N, les valeurs mesurées dans les différents tissus du faisceau de P. oceanica sont également cohérentes avec la gamme de variation observée pour ce paramètre à l’échelle de la Méditerranée Nord Occidentale. Les valeurs les plus faibles

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mesurées sont proches de 2 ‰ dans des sites où l’influence anthropique est faible (Lepoint et al., 2000 ; Papadimitriou et al., 2005 ; Dolenec et al., 2006 ; Cabanellas-Reboredo et al., 2010) et de 6 ‰, dans des environnements soumis à des impacts anthropiques (Vizzini et Mazzola, 2004 ; Vizzini et al., 2005 ; Lassauque et al., 2010). Les valeurs mesurées à Marseille sont donc, comme pour les macroalgues, dans la partie intermédiaire de la gamme, ce qui confirme la présence d’un impact anthropique modéré sur la zone des récifs artificiels. La variation saisonnière de ce paramètre pour l’ensemble du faisceau montre que le métabolisme propre à chaque tissu n’influe pas majoritairement sur ce paramètre, comme pour les macroalgues. Par leur vitesse de croissance et leur assimilation plus rapide de l’azote inorganique (Apostolaki et al., 2012), les épibiontes répondent également aux apports anthropiques d’azote et leur δ15N est un bon indicateur de ces apports (Pérez et al., 2008). Les valeurs mesurées à Marseille (entre 2.60 et 4.24 ‰) montrent, là aussi, un impact de faible importance des apports anthropiques, étant donné que les valeurs de δ15N des épibiontes mesurés en Méditerranée peuvent atteindre des valeurs supérieures à 6 ‰ dans des zones soumises à des rejets d’azote importants (Pérez et al., 2008 ; Lassauque et al., 2010).

De plus, les résultats issus des analyses isotopiques et biochimiques permettent de séparer quatre groupes homogènes pour lesquelles les similarités isotopiques ou biochimiques, et les regroupements au sein de l’ACP reflètent un fonctionnement comparable malgré les variations saisonnières.

5.4.2. Feuilles juvéniles et rhizomes Les feuilles juvéniles et les rhizomes montrent des caractéristiques comparables, notamment en ce qui concerne les descripteurs liés à l’azote (%N, protéines et δ15N). Le rhizome a été clairement identifié comme un organe de réserve de composés azotés, principalement sous forme d’acides aminés (Touchette et Burkholder, 2000b ; Alcoverro et al., 2001 ; Invers et al., 2002 ; Romero, 2004). Les pourcentages d’azote plus élevés mesurés dans les feuilles juvéniles et les rhizomes sont également cohérents avec les concentrations importantes de protéines. Les quelques études qui se sont intéressées aux ratios isotopiques des différentes parties du faisceau de P. oceanica montrent systématiquement des valeurs plus élevées de δ15N pour les feuilles juvéniles et les rhizomes (Vizzini et al., 2003 ; Papadimitriou et al., 2005). Pour le rhizome, le stockage de composés azotés se fait principalement sous forme de glutamine et d’asparagine (Touchette et Burkholder, 2000b ; Invers et al., 2002 ; 2004). Ces acides aminés

139 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica ont des δ15N positifs (Näsholm, 1994 ; Yoneyama et al., 1998) qui peuvent expliquer les valeurs fortes observées dans le rhizome. Les valeurs plus élevées de δ15N mesurées dans les feuilles juvéniles sont classiquement attribuées à une plus faible discrimination, du fait des besoins importants pour ces feuilles dont la production primaire photosynthétique est la plus importante (Alcoverro et al., 1998). La variabilité saisonnière importante des δ15N pour ce tissu confirme cette hypothèse. Au printemps et en été, lorsque l’activité photosynthétique est maximale, les signatures isotopiques sont maximales à Marseille, de même qu’en Sicile et aux Baléares (Vizzini et al., 2003 ; Fourqueran et al., 2007), et sont très nettement supérieures à celles des feuilles intermédiaires. Au contraire, en automne et en hiver, les valeurs sont beaucoup plus faibles, et comparables à celles des feuilles intermédiaires, y compris pour le δ13C. Ce cycle saisonnier implique également une utilisation importante des protéines stockées dans les rhizomes pour redémarrer la croissance des feuilles juvéniles en hiver, et ainsi anticiper l’optimum printanier où l’intensité lumineuse favorise une meilleure photosynthèse (Drew, 1978 ; Grice et al., 1996 ; Romero, 2004). L’apport des acides aminés à δ15N plus élevés stockés dans le rhizome pourrait également amplifier l’effet de la discrimination pour expliquer le δ15N très élevé dans les feuilles juvéniles au printemps. Les similarités entre les feuilles juvéniles et le rhizome des trois descripteurs liés à l’azote suggèrent une dépendance forte des feuilles juvéniles sur les réserves azotées des rhizomes. Ces deux tissus présentent également des concentrations en glucides comparables. Le principal composé de stockage des glucides chez les magnoliophytes est le saccharose, un composé soluble, dont la synthèse est favorisée en période de forte croissance (Pirc, 1989 ; Touchette et Burkholder, 2000a). Les concentrations élevées en glucide solubles mesurées confirment ainsi le rôle de stockage du rhizome, ainsi que la forte croissance des feuilles juvéniles. L’intensification du stockage de glucides dans le rhizome au printemps et en été est liée avec l’augmentation de la production primaire de l’ensemble du faisceau (Alcoverro et al., 2000; 2001). Enfin, les rhizomes et les feuilles juvéniles sont les deux seuls tissus dans lesquels les concentrations en glucides insolubles ne sont pas nettement supérieures à celles des autres composés et ne varient pas significativement au cours de l’année. Les glucides insolubles, comme la lignine ou la cellulose, représentent une classe de molécules complexes, qui procurent une rigidité aux feuilles et une défense physique contre le broutage. La synthèse de ces molécules nécessite un investissement important, tant en terme de carbone que d’énergie. Des concentrations plus fortes en composés de structure sont mesurées chez les tissus plus

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âgés et l’intensité de leur synthèse est inversement corrélée à celle de la croissance des tissus (Klap et al., 2000). Il n’est donc pas surprenant que les feuilles juvéniles, étant donné leurs besoins élevés en carbone pour leur croissance ne puissent pas investir massivement dans la synthèse de molécules si complexes. De plus, leur position au centre du faisceau, enchâssées entre les feuilles adultes les protège de l’herbivorie et ne rend pas nécessaire un investissement important dans la synthèse de glucides insolubles. On peut supposer que la position souterraine des rhizomes limite les problèmes liés au maintien dans le milieu aquatique, ainsi que les pressions liées à l’herbivorie. Les concentrations mesurées sont cependant plus élevées que dans les feuilles juvéniles, ce qui est rendu nécessaire par la fonction de réserve et la persistance à très long terme de ce tissu. Les valeurs élevées obtenues pour les concentrations biochimiques dans le rhizome (principalement pour les protéines) sont cependant à nuancer dans la mesure où la somme de leurs concentrations et des cendres dépasse 100 % dans certains cas. Dans la mesure où les dosages sont réalisés à partir d’une gamme étalon calibrée pour l’ensemble des producteurs primaires, dont certains ont des concentrations beaucoup plus faibles, il est possible que les concentrations importantes en protéines dans ce tissu induisent des solutions dont l’absorbance est en limite supérieure de la gamme de détection du spectrophotomètre, ce qui pourrait majorer les concentrations réelles. Cela incite à une certaine prudence quant aux valeurs « brutes » mesurées pour ce tissu, mais ne modifie pas les interprétations basées sur le fait que les concentrations en protéines soient effectivement fortes dans le rhizome.

5.4.3. Feuilles intermédiaires et adultes vertes Le deuxième groupe de feuilles regroupe les feuilles intermédiaires et adultes. L’évolution principale observée pour ces deux types de feuilles par rapport aux feuilles juvéniles est l’augmentation de la proportion des glucides insolubles, au détriment des protéines, ce qui se traduit également par une diminution du %N et une augmentation du rapport C/N. Il n’est pas étonnant que les feuilles intermédiaires et les feuilles adultes allouent une partie plus importante de leur carbone à la synthèse de composés de structure, en lien avec la baisse relative de croissance dans ces tissus. De plus, l’augmentation de l’âge des feuilles s’accompagne d’une baisse de l’activité photosynthétique (Alcoverro et al., 1998). De manière comparable aux producteurs primaires terrestres, la posidonie dispose d’un système de recyclage interne des nutrients azotés, qui permet d’alimenter les jeunes feuilles en croissance à partir des feuilles sénescentes (Lepoint et al., 2002 ; Romero, 2004). Ce mécanisme pourrait expliquer la diminution continue des pourcentages d’azote dans les

141 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica feuilles, déjà observée par ailleurs (Alcoverro et al., 1997). Il pourrait également expliquer la baisse de l’activité de photosynthèse des feuilles au fur et à mesure de leur vieillissement, dans la mesure où des pigments chlorophylliens azotés pourraient être recyclés via ce système. Cette baisse d’activité photosynthétique permet également d’expliquer les valeurs plus faibles observées pour le δ13C, du fait d’une possibilité de discrimination plus importante. Les valeurs similaires mesurées pour les deux types de feuilles semblent refléter un métabolisme carboné comparable.

5.4.4. Feuilles marron et feuilles en épave Les feuilles marron et les feuilles en épave représentent le troisième groupe de tissus du faisceau de posidonie. Les évolutions des concentrations biochimiques observées avec l’augmentation en âge des feuilles continuent pour ces tissus : la proportion de glucides insolubles dans ces feuilles devient maximale alors que la quantité d’azote y est minimale. C’est également pour ces feuilles que la part de composés organiques est la plus faible. Ces résultats confirment l’influence des débris de posidonie pour la composition du sédiment, dans la mesure où la MOS est composée en majorité de glucides insolubles (cf. chapitre 3). Bien qu’il ait lieu toute l’année, le système de recyclage interne des nutrients atteint son maximum de juin à octobre (Lepoint et al., 2002). Il n’est donc pas étonnant que les concentrations en protéines et les pourcentages d’azote dans les feuilles marron soient les plus faibles en automne, avant leur chute. Au cours de leur vie, les feuilles passent ainsi du statut de puits d’azote pour les juvéniles à source d’azote pour les feuilles âgées et sénescentes (Invers et al., 2002). Il est intéressant de noter que les feuilles en épave sont le seul compartiment pour lequel il n’y a pas de variations saisonnières de la concentration en protéines ainsi que du pourcentage d’azote. Du fait de l’état de dégradation avancé de ces feuilles, il est possible que les processus de dégradation n’aient plus d’effet significatif à court terme, l’azote restant étant associé aux molécules réfractaires de structure. L’explication des variations observées pour les autres paramètres est plus complexe, dans la mesure où il est impossible de certifier que les feuilles en épaves considérées aient le même âge et soient au même stade de dégradation. L’effet à court terme de la dégradation sur la signature isotopique étant tout aussi mal connu, il est difficile d’expliquer les différences entre les parties sénescentes ou détachées du

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faisceau et les feuilles vivantes. La détermination du δ13C des aegagropiles6, stade ultime de la maturation des feuilles mortes, montre cependant une diminution de ce rapport (vers des valeurs plus négatives), qui serait liée à l’omniprésence de lignine et de cellulose dont les δ13C sont plus faibles que celui des tissus pris dans leur globalité (Benner et al., 1987 ; Macfarlane et al., 1999).

5.4.5. Epibiontes des feuilles Utilisant les feuilles de posidonie comme support, les épibiontes forment une communauté que ses caractéristiques isotopiques et biochimiques séparent nettement des feuilles et des rhizomes. Cette communauté est hétérogène, puisqu’elle est composée d’organismes autotrophes et hétérotrophes, et que sa composition varie selon les saisons, la profondeur, les conditions du milieu et la pression de broutage (Romero, 1988 ; Lepoint et al., 1999 ; Prado et al., 2007a ; Nesti et al., 2009). La plupart des résultats obtenus ici laissent cependant penser que cette communauté est largement dominée par des organismes calcifiés. Les concentrations biochimiques mesurées pour les épibiontes sont assez caractéristiques, dans la mesure où elles sont beaucoup plus faibles que ce qui a pu être mesuré pour l’ensemble des producteurs primaires benthiques. La faible quantité de matière organique présente dans ces tissus est cohérente avec les travaux précédents qui rapportent une masse de cendres importante (> 80 %) pour la communauté épibionte lorsqu’elle est composée par des rhodobiontes calcaires (Terrados et Medina Pons, 2008). Même si aucune détermination de la masse de cendres n’a pu être effectuée, la comparaison des pourcentages de carbone et des δ13C des épibiontes, avant et après décarbonatation, montre un effet fort de ce traitement (Fig. 5.4). Près de 70 % du carbone est ainsi éliminé par l’ajout d’acide. La diminution importante des valeurs de δ13C est également notable, puisque que les carbonates ont des δ13C plus élevés (Jardine et al., 2003 ; Jacob et al., 2005). Parmi les épibiontes des feuilles, les rhodobiontes (par exemple des espèces appartenant aux genres Fosliella, Melobesia, Dermatolithon, etc.) et les bryozoaires (Electra posidoniae, Aetea truncata, Fenestrulina joannae etc.) sont les deux principaux taxons calcifiés (Van der Ben, 1971 ; Romero, 1988 ; Castriti-Catharios et Ganias, 1989 ; Prado et al., 2007a ; Nesti et al., 2009). Plusieurs travaux ont montré une diminution de la biomasse et une augmentation de l’importance des bryozoaires épibiontes avec l’augmentation de la

6 Les aegagropiles ou « pelotes de mer » sont des structures plus ou moins sphériques, composées par agglomération des feuilles mortes de posidonie, sous l’effet de l’hydrodynamisme et qui sont rejetées sur les plages (Boudouresque et al., 2006a)

143 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica profondeur, et donc la diminution de la luminosité (Van der Ben, 1971 ; Lepoint et al., 1999 ; Nesti et al., 2009). De plus, les ratios isotopiques des épibiontes sont assez comparables à ceux mesurés pour les bryozoaires dans la région marseillaise (chapitre suivant ; Mireille Harmelin-Vivien et Daniela Bănaru, données non publiées). Il n’est donc pas à exclure que la communauté des épibiontes des feuilles de cet herbier relativement profond soit principalement composée de bryozoaires.

Fig. 5.4 : Effets de l’acidification sur les valeurs moyennes de pourcentage de carbone (en vert, en haut) et de δ13C (en bleu, en bas) des épibiontes aux quatre saisons. Les barres les plus sombres correspondent aux valeurs mesurées dans les échantillons acidifiés.

Les travaux sur les épibiontes ont également montré une évolution saisonnière importante de ces communautés, avec une augmentation de la biomasse des phéophycées dressées non calcifiées au printemps, parfois en utilisant les organismes calcifiés comme support (Van der Ben, 1971 ; Romero, 1988). Les variations saisonnières des concentrations biochimiques, avec des valeurs maximales au printemps notamment pour les glucides

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insolubles, pourraient être expliquées par cette modification saisonnière des communautés. C’est également au printemps que l’effet de l’acidification sur le pourcentage de carbone et le δ13C est le plus faible, ce qui semble confirmer une moins grande importance des organismes calcifiés à cette saison (Fig. 5.4). La profondeur pourrait cependant limiter ce développement à la période printanière où la lumière plus importante est plus propice.

5.4.6. Influence des concentrations biochimiques sur la consommation de la posidonie Etant donné son importance quantitative, de nombreux travaux ont cherché à comprendre le devenir de la production primaire de l’herbier de posidonie et son intégration dans les réseaux trophiques, notamment en utilisant les isotopes stables du carbone et de l’azote (Havelange et al., 1997 ; Tomas et al., 2005 ; Lepoint et al., 2006 ; Cardona et al., 2007 ; ainsi que la synthèse sur le sujet de Vizzini, 2009). Les concentrations biochimiques mesurées ici permettent d’apporter de nouveaux éléments d’interprétation de ces résultats Ces travaux rapportent systématiquement qu’une part très faible de la production primaire de la posidonie est consommée directement par broutage. L’oursin Paracentrotus lividus et la saupe Sarpa salpa sont les deux principaux consommateurs directs des feuilles de posidonie (Verlaque, 1990 ; Havelange et al., 1997 ; Boudouresque et Verlaque, 2007 ; Vizzini, 2009). D’autres espèces, de poissons notamment, peuvent également consommer la production primaire de manière plus occasionnelle. La concentration élevée en glucides insolubles observée pour l’ensemble des feuilles, ainsi que la présence de composés chimiques de défense, tels que les phénols (Cuny et al., 1995), est cohérente avec l’impossibilité pour la plupart des herbivores de consommer cette production primaire. La comparaison des concentrations différentes entre les feuilles du faisceau pourrait laisser penser que les feuilles juvéniles, du fait de leur rapport C/N plus faible et de leurs concentrations en protéines plus élevées pourraient représenter un substrat alimentaire de meilleure qualité mais leur position centrale les protège du broutage par les herbivores. L’herbier profond étudié se situe par ailleurs en limite inférieure de la répartition bathymétrique de P. lividus et S. salpa et ces espèces ne sont observées que de manière occasionnelle sur les récifs artificiels (Rouanet et al., 2012). Une consommation importante par les deux macroherbivores (P. lividus et S. salpa) sur l’herbier proche des récifs artificiels semble donc assez peu probable. L’herbivorie directe ne peut donc pas être considérée comme une voie importante d’intégration de la MO de l’herbier au sein des chaînes trophiques des récifs artificiels. De plus, la plupart des travaux sur l’herbivorie montrent que si un faible nombre d’espèces consomment directement les feuilles de posidonie, un plus grand nombre d’espèces,

145 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica comme des crustacés ou des gastéropodes, utilise la production primaire des organismes épibiontes (Gacia et al., 2009). La quantité et la qualité des épibiontes sont également importantes pour les macroherbivores, dans la mesure où elles conditionnent leurs choix alimentaires, notamment par l’apport d’azote non négligeable qu’elles représentent (Tomas et al., 2005 ; 2006). La plus grande solubilité de l’azote des épibiontes, ainsi qu’un rapport C/N plus faible semblerait être à l’origine de cette incorporation plus importante (Invers et al., 2002). La production primaire des épibiontes des feuilles pourrait donc représenter une source non négligeable de MO pour les chaînes trophiques des récifs artificiels, que ce soit par une consommation directe des épibiontes par des organismes de bas niveau trophique des récifs, ou la consommation de consommateurs épibiontes par des organismes de plus haut niveau trophique (échinodermes, mollusques ou poissons) des récifs artificiels. Enfin, dans la mesure où l’herbivorie est faible, la majorité de la production primaire est soit exportée vers les écosystèmes adjacents ou dégradée localement lors de la chute des feuilles (Pergent et al., 1997), soit stockée à très long terme dans le puits de carbone que représentent les organes souterrains (Mateo et Serrano, 2012). Ce processus est complexe, et implique plusieurs stades successifs de dégradation et plusieurs groupes d’organismes détritivores (oursins et crustacés consommateurs des débris primaires) et décomposeurs (« BAFSH », bactéries, archées, fungi et straménopiles hétérotrophes), jusqu’à l’obtention de composés hautement réfractaires (Boudouresque et al., 2006b ; Lepoint et al., 2006 ; Sturaro et al., 2010). Les effets de cette dégradation sur les paramètres biochimiques utilisés ici sont difficiles à mettre en évidence, sans doute du fait de stades de dégradation différents entre les feuilles en épave. De plus, les effets de la dégradation sur les composés réfractaires rémanents dans les feuilles en épave nécessitent très certainement un temps plus important qu’une année pour avoir des effets significatifs. La voie des détritivores, via l’utilisation de ces détritus par les détritivores puis leur prédation par des organismes des récifs de plus haut niveau trophique (céphalopodes, échinodermes ou poissons) représente la voie la plus probable d’intégration d’une partie de la MO de l’herbier dans les chaînes trophiques des récifs.

5.5. Conclusion Malgré l’importance de l’herbier de posidonie pour le fonctionnement des écosystèmes marins méditerranéens, et l’importance des travaux qui lui ont été consacrés, aucune étude n’avait jusqu’à présent réalisé d’analyses couplées des caractéristiques isotopiques et biochimiques des différents composants du faisceau de Posidonia oceanica.

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Les résultats obtenus ici confirment les caractéristiques propres à cette magnoliophyte pour les deux types de descripteurs, principalement des concentrations élevées en glucides insolubles et des valeurs de δ13C moins négatives que celles des macroalgues benthiques. Les résultats ont également confirmé que ces paramètres sont dépendants de la saison et du type de tissu, en lien avec leur âge et leur intensité de croissance. Les feuilles juvéniles et le rhizome présentent une forte similitude de leurs descripteurs azotés. L’utilisation des réserves azotées stockées dans les rhizomes pour soutenir la croissance importante des feuilles juvéniles pourrait expliquer ces similitudes. L’effet de la croissance est principalement visible par les signatures isotopiques élevées aux saisons où l’intensité de croissance est forte. L’évolution en âge des feuilles induit principalement une augmentation des composés de structure et une diminution des quantités d’azote en lien avec les mécanismes de recyclage interne. Les profils obtenus dans les feuilles mortes confirment cette diminution progressive de la quantité d’azote et la prépondérance des composés réfractaires, même si leur interprétation est rendue plus complexe par le fait que les processus en jeu agissent à plus long terme que la résolution temporelle de ce travail. Bien que la production primaire de l’herbier soit importante, ses caractéristiques alimentaires permettent de proposer l’hypothèse que leur contribution aux réseaux trophiques des récifs artificiels reste limitée. Les deux principaux macroherbivores méditerranéens ne semblent pas pouvoir exercer une pression de broutage importante sur cet herbier profond, entre autre du fait de leur présence limitée sur les récifs artificiels. La production primaire des épibiontes, via la consommation des consommateurs des feuilles et la consommation de la MO détritique par des organismes détritivores représentent les voies principales par lesquelles la production primaire de l’herbier de posidonie peut potentiellement être intégrée dans les réseaux trophiques des récifs artificiels.

147 Chapitre 5 – Caractérisation isotopique et biochimique de Posidonia oceanica

Tab. 5.4 : Résumé des principaux résultats du chapitre 1-Caractéristiques isotopiques et biochimiques de Posidonia oceanica  Glucides insolubles élevés, lipides faibles  δ13C élevés, δ15N intermédiaires  Différences biochimiques et isotopiques entre le faisceau de posidonie et les épibiontes La posidonie conserve de son origine terrestre une présence importante de composés complexes de défense. Le δ13C élevé témoigne d’un métabolisme et d’une anatomie complexe (dépendance aux anhydrases carboniques, utilisation du C gazeux stocké dans l’aerarium), et d’une différence avec les épibiontes. Le δ15N des feuilles et des épibiontes montre un impact limité des apports anthropiques de nutrients azotés. La communauté épibionte est principalement composée par des organismes calcaires.

2 – Fonctionnement spécifique des composantes du faisceau  Proximité des descripteurs azotés entre le rhizome et les feuilles juvéniles  Diminution du N et augmentation du C au fur et à mesure de la maturation des feuilles  Pattern complexe pour les feuilles en épave  Variations saisonnières des paramètres, en lien avec les phases de croissance importantes (utilisation des réserves) ou plus faibles (reconstitution des réserves) L’intensité de croissance joue un rôle majeur dans le fonctionnement du faisceau. Pour les feuilles juvéniles, elle induit une augmentation du δ15N au printemps, et une utilisation importante des réserves azotées du rhizome.

Au fur et à mesure de la maturation, le système interne de recyclage transforme les feuilles en source d’azote, ce qui diminue leur δ15N et leur %N.

Pour les feuilles sénescentes et en épave, seuls restent des composés réfractaires, dont la dégradation à très long terme rend l’interprétation des variations complexe

3-La production primaire de l’herbier peut-elle être intégrée dans les réseaux trophiques des récifs ? Les concentrations biochimiques mesurées, ainsi que la présence sporadique des deux principaux brouteurs de posidonie laissent plutôt penser que seule la production primaire des épibiontes, et l’utilisation des feuilles mortes par les détritivores peuvent influencer les reseaux trophiques des récifs artificiels.

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Chapitre 6. RELATIONS TROPHIQUES ENTRE INVERTEBRES SUR

LES RECIFS ARTIFICIELS

© Sandrine Ruitton

Omniprésence des filtreurs sur les récifs – Photo Sandrine Ruitton

149 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels

6.1.Introduction La compétition interspécifique, particulièrement pour les ressources alimentaires, influence la structure des communautés, et modèle les interactions trophiques entre les espèces. La mise en place de stratégies de partage des ressources est classiquement utilisée par les espèces qui occupent le même environnement pour limiter les effets de la compétition (Hutchinson, 1957 ; Labropoulou et Kostikas, 1999 ; Riera et al., 2002 ; Bearhop et al., 2004 ; Newsome et al., 2007 ; Rastorgueff et al., 2011). La capacité à disposer d’un spectre alimentaire large ainsi qu’une plasticité trophique importante sont également des solutions pour faire face à la compétition interspécifique et pour s’adapter aux variations environnementales. Au sein des communautés des récifs artificiels de la baie du Prado, les travaux d’inventaire de la biodiversité ont montré un nombre important d’espèces, toujours en augmentation. Près d’une vingtaine de taxons de macroinvertébrés ont ainsi pu être observés lors des comptages visuels, notamment sur les modules de type Panier Acier où la richesse spécifique est maximale (Rouanet et al., 2012). Bien que la compétition interspécifique pour le substrat joue un rôle important dans les relations entre espèces sessiles en milieu benthique, il est évident que la présence d’un tel nombre d’espèces dans une zone si réduite impose la mise en place de mécanismes de partage des ressources alimentaires.

Au sein de cette communauté, les filtreurs représentent la plus grande part des espèces benthiques (Rouanet et al., 2012). Malgré la simplicité apparente de ce mode alimentaire, basé sur la rétention des particules en suspension, de nombreux travaux ont mis en évidence que la filtration impliquait plusieurs mécanismes conditionnés par les caractéristiques morphologiques propres à chaque groupe (Ward et Shumway, 2004 ; Riisgård et Larsen, 2010, et références incluses). Ces mécanismes contribuent à une grande plasticité trophique des espèces de filtreurs, qui sont considérés comme les « opportunistes ultimes », capables d’utiliser l’ensemble des composantes de la MOP, en fonction de leurs besoins et des disponibilités du milieu (Coma et al., 2001). En fonction des espèces, des sites ou des saisons, les filtreurs peuvent ainsi baser leur alimentation sur les détritus de producteurs primaires terrestres ou marins, le zooplancton, le microphytobenthos, les différentes classes de taille du phytoplancton, les bactéries ou le carbone organique dissous (Flood et Fiala-Médioni, 1982 ; Ribes et al., 1998 ; Coma et al., 2001 ; Dubois et al., 2007b ; Riera, 2008 ; Kang et al., 2009 ; Lefebvre et al., 2009 ; Schaal et al., 2010b ; Topçu et al., 2010 ; Bracken et al., 2012 ; Cocito et al., 2013). Ce large spectre trophique semble pouvoir expliquer le succès des organismes

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filtreurs sur les récifs artificiels. Les signatures isotopiques mesurées pour ces organismes permettront de vérifier cette hypothèse et de préciser de quelles sources de MO ils dépendent. La plasticité trophique et, de manière plus générale, l’opportunisme alimentaire, sont des caractéristiques très répandues en milieu marin. Les crustacés par exemple sont généralement considérés comme des consommateurs de petits invertébrés benthiques, mais capables d’adopter un régime alimentaire charognard ou détritivore (Nicol, 1927 ; Kyomo, 1999 ; Labropoulou et Kostikas, 1999 ; Goñi et al., 2001). Dans le contexte d’un écosystème côtier anthropisé comme la baie de Marseille, ce spectre trophique large rend complexe la détermination des sources de MO qui alimentent le réseau trophique, car, potentiellement, toutes peuvent être utilisées par les organismes. Cependant, les résultats des chapitres précédents ont montré qu’il existait des différences entre les signatures isotopiques de ces sources. Les isotopes stables du C et du N peuvent donc permettre de comprendre quelles sources de MO alimentent effectivement les réseaux trophiques des récifs artificiels. Ils permettront également de mieux déterminer les relations trophiques qui s’établissent entre les organismes. Les résultats obtenus dans ce chapitre permettront donc de répondre à trois questions : 1. Quelles sont les sources de MO à la base de l’alimentation des organismes filtreurs sur les récifs artificiels ? 2. La production primaire benthique locale représente-t-elle une source effective de MO pour le réseau trophique des invertébrés sur les récifs artificiels ? 3. Quelles sont les relations trophiques observables entre les invertébrés récoltés sur les récifs artificiels ?

6.2. Matériel et méthodes L’échantillonnage des consommateurs a été réalisé en plongée sous-marine en été et en hiver. Les espèces benthiques sessiles ont été prélevées par grattage manuel de la surface des récifs artificiels. De plus, le contenu de la moitié d’un pochon de coquilles d’huîtres a été prélevé, afin de prendre en compte la petite faune vagile qui utilise ce dispositif comme abri. De retour au laboratoire, les échantillons ont été déterminés au niveau taxonomique le plus fin possible, puis mesurés et disséqués afin de ne conserver que le muscle, en vue des analyses isotopiques. Dans la mesure du possible, l’effet de la taille a été limité en ne considérant que des individus de taille comparable. Pour les organismes de petite taille (crevettes notamment), plusieurs individus ont été regroupés afin de disposer d’une quantité suffisante de matériel. Les échantillons ont été stockés congelés, avant lyophilisation et broyage. Pour les échantillons trop petits pour être disséqués et ceux contenant des structures calcifiées, 151 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels l’analyse du δ13C a été effectuée sur des échantillons acidifiés et l’analyse du δ15N sur les échantillons non traités. Pour les organismes dont les tissus contiennent une majorité de calcaire (bryozoaires, polychètes tubicoles, petits gastéropodes), la décalcification n’a pu être menée à son terme et aucun résultat probant n’a pu être obtenu pour le δ13C de ces espèces. Au total, plus de 150 espèces de consommateurs, appartenant à 12 groupes taxonomiques ont pu être identifiés. Afin d’étudier l’évolution spatio-temporelle de la communauté des consommateurs des récifs artificiels, seules les espèces présentes aux deux saisons sur les deux récifs, et en quantité suffisante pour effectuer les analyses isotopiques, ont été prises en compte (Tab. 6.1).

Tab.6.1 : Espèces et nombres d’individus pris en compte pour l’analyse isotopique des consommateurs. n signifie que le nombre d’individus était trop important pour être compté précisément. Groupe Eté Hiver Espèce taxonomique V3 V6 V3 V6 Ciona intestinalis (Linnaeus, 1767) Ascidie 13 10 10 2 Halocyntia papillosa (Linnaeus, 1767) Ascidie 2 4 4 9 Phallusia mamillata (Cuvier, 1815) Ascidie 5 3 7 2 Anomia spp. Linnaeus, 1758 Bivalve 6 7 9 5 Hiatella artica (Linnaeus, 1767) Bivalve 2 6 7 15 Limaria hians (Gmelin, 1791) Bivalve 1 5 2 5 Mimachlamys varia (Linnaeus, 1758) Bivalve 8 7 7 7 Ostrea edulis Linnaeus 1758 Bivalve 5 6 1 13 Pentapora fascialis (Pallas, 1766) Bryozoaire 3 2 3 4 Turbicellepora avicularis (Hincks, 1860) Bryozoaire 4 1 5 1 Echinaster sepositus (Retzius, 1783) Echinoderme 3 4 6 3 Holothuria tubulosa Gmelin, 1791 Echinoderme 2 3 3 3 Marthasterias glacialis (Linnaeus, 1758) Echinoderme - - 4 2 Alpheus glaber (Olivi, 1792) Crustacé - n n n Athanas nitescens (Leach, 1813 [in Leach, 1813-1814]) Crustacé n n n n Dardanus sp. Paul’son, 1875 Crustacé 2 6 1 4 Galathea intermedia Liljeborg, 1831 Crustacé 1 4 2 12 Palaemon sp. Weber, 1793 Crustacé n n n n Palinurus elephas (Fabricius, 1787) Crustacé 3 4 3 1 Pilumnus hirtellus (Linnaeus, 1761) Crustacé 2 2 1 3 Cerithium vulgatum (Bruguière, 1792) Gastéropode 4 - - - Fissurela nubecula (Linnaeus, 1758) Gastéropode 1 1 - 5 Hexaplex trunculus (Linnaeus, 1758) Gastéropode - - 7 7 Jujubinus exasperatus (Pennant, 1777) Gastéropode - 5 - - Chaetopterus variopedatus (Renier, [1804]) Polychète 24 12 10 10 Filograna sp. Berkeley, 1835 Polychète 3 3 - -

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Le choix des espèces a été effectué pour disposer du plus grand nombre de modes d’alimentation (herbivores filtreurs et brouteurs, détritivores, omnivores, prédateurs.), mais également en fonction de l’occurrence de ces espèces sur les récifs artificiels et de leur importance dans le réseau trophique. Ainsi, les gastéropodes brouteurs ont été intégrés aux analyses malgré leur répartition hétérogène dans l’échantillonnage et une trop faible taille qui n’a pas permis de disposer de suffisamment de matériel pour réaliser les décalcifications. Enfin, certaines espèces dont la présence à une saison est spécifique (Filograna sp. en été, Marthasterias glacialis en hiver) ont également été conservées. Les données ont été analysées selon les méthodes statistiques décrites précédemment (tests de comparaisons de moyennes – ANOVA ou test non paramétriques – et classifications hiérarchiques). Les niveaux trophiques ont été calculés à partir du δ15N selon la formule suivante :

avec NTi = Niveau trophique de l’espèce i 15 15 δ Ni = δ N moyen de l’espèce i

δ15N = δ15N de la source de MO S et 3.4 l’enrichissement moyen du δ15N par niveau trophique

Pour l’ensemble des consommateurs, la signature isotopique du nanophytoplancton (δ15N = 1.77), issue de la littérature (Rau et al., 1990), a été utilisée comme signature de base pour ces calculs. Pour l’espèce détritivore Holothuria tubulosa le niveau trophique a été calculé à partir du δ15N de P. oceanica (δ15N = 3.87), car il a été montré précédemment l’importance de la magnoliophyte dans la signature isotopique du sédiment. Pour les gastéropodes le niveau trophique a été calculé à partir du δ15N des macroalgues (δ15N = 3.91) De plus, l’intégration des différentes sources de MO par les organismes de 1er niveau trophique s’alimentant directement sur ces sources (filtreurs et détritivores) ont été appréhendée par un modèle de mélange isotopique bayésien SIAR (Parnell et al., 2010). Les organismes filtreurs ont été répartis en quatre groupes à partir des résultats de la classification hiérarchique basée sur les signatures isotopiques et en fonction des groupes taxonomiques : bivalves 1 (L. hians, Anomia spp. et O. edulis), bivalves 2 (M. varia et H. artica), ascidies (P. mamillata, H. papillosa et C. intestinalis) et le polychète Chaetopterus variopedatus. L’espèce détritivore Holothuria tubulosa a été traitée à part. L’ensemble des sources et des réservoirs de MO caractérisés précédemment a été considéré dans ce modèle (Tab. 6.2). Cependant, la plupart des travaux montrent qu’il est préférable de limiter le nombre de sources pour conserver un modèle robuste. L’ajout d’un trop grand nombre de sources augmente en effet les erreurs internes et les incertitudes plus 153 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels qu’il ne rend compte de la complexité du système (Fry, 2013). Seules les sources qui peuvent effectivement être intégrées par les filtreurs ont donc été considérées. Pour la MOP, les signatures de la MOP du Frioul (considérée comme un proxy de la signature isotopique des cellules phytoplanctoniques marines), de l’Huveaune (apports de production primaire terrigène) et côtière (influences anthropiques urbaines) ont été utilisées. La MOP de Cortiou, qui influence peu la zone des récifs, n’a pas été conservée (cf. chap. 3). De plus, les plus petites classes de taille du phytoplancton, importantes au printemps et en été, ont également été prises en compte. Les valeurs utilisées pour cette source (δ13C = -25.23 ± 1.16 ‰ , δ15N = 1.77 ± 0.25 ‰) sont issues de la littérature pour la Méditerranée nord-occidentale (Rau et al., 1990). Par simplification, les producteurs primaires benthiques ont été séparés en deux groupes, Posidonia oceanica et macroalgues. Malgré les fortes variations de δ13C observées pour les macroalgues (cf. chap. 4), la séparation des macroalgues en trois groupes taxonomiques ne change pas le profil des résultats du modèle (données non montrées). Enfin, le sédiment n’a pas été spécifiquement pris en compte, dans la mesure où ses deux composantes les plus importantes (phytoplancton et débris de posidonie) sont déjà intégrées dans le modèle. Tab.6.2 : Détails des sources de matière organique et des ratios isotopiques utilisés dans le modèle de mélange appliqué aux consommateurs de premier niveau trophique (filtreurs et détritivores) Source δ13C δ15N Explication Référence MOP Frioul -22.70 ± 0.76 3.17 ± 1.25 Proxy du phyto- (Darnaude, 2003) plancton (> 10 µm) Nanophyto- -25.23 ± 1.16 1.77 ± 0.25 Cellules de 2 à (Rau et al., 1990) plancton 10 µm MOP Côtière -23.48 ± 1.58 7.75 ± 1.01 Influence urbaine Mireille Harmelin-Vivien, données non publiées MOP Huveaune -26.25 ± 0.51 4.48 ± 0.41 Apports détritiques ce travail, chap. 3 de la production primaire terrestre Macroalgues -21.00 ± 5.59 3.91 ± 0.87 Production primaire ce travail, chap. 4 marine benthique Posidonia oceanica -15.55 ± 1.03 3.87 ± 0.90 Production primaire ce travail, chap. 5 marine benthique

Le choix du facteur de fractionnement revêt une importance cruciale dans la construction d’un modèle de mélange (Bond et Diamond, 2011). Peu de travaux cherchent cependant à déterminer ce paramètre chez les filtreurs, et les seuls travaux existants s’intéressent aux bivalves (Yokohama et al., 2005 ; Dubois et al., 2007a). La plupart des études existantes utilisent les valeurs « classiques » (+ 1 ‰ pour le carbone, + 3.5‰ pour l’azote) pour appréhender l’alimentation des bivalves (Riera et al., 2004 ; Gao et al., 2006 ; Dubois et al., 2007b ; Marìn Leal et al., 2008 ; Kang et al., 2009 ; Lefebvre et al., 2009). Les

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valeurs utilisées ici (Δ13C = 1.28 ± 0.72 ; Δ15N = 3.25 ± 0.67) ont été calculées comme les moyennes des valeurs utilisées dans tous ces travaux et restent cohérentes avec les valeurs classiquement admises (+1 ‰ pour le carbone, + 3 ‰ pour l’azote). En l’absence de données spécifiques, ces valeurs ont été utilisées uniformément, sans tenir compte du groupe taxonomique ni des différentes sources de MO.

6.3. Résultats

6.3.1. Signatures isotopiques des invertébrés sur les récifs artificiels Les consommateurs invertébrés échantillonnés sur les récifs artificiels présentent une large gamme de signatures isotopiques (Fig. 6.1, Tab. 6.3). L’écart entre les valeurs minimales et maximales est de 6.1 ‰ pour le δ13C, avec la valeur maximale pour Holothuria tubulosa et la valeur minimale pour Limaria hians. Pour le δ15N, l’écart est de 5.6 ‰. La valeur maximale est mesurée pour Hexaplex trunculus et la valeur minimale est mesurée pour Pentapora fascialis. Les résultats de la classification hiérarchique (CAH) basée sur les signatures isotopiques permettent de séparer les espèces en cinq groupes, indépendants des groupes taxonomiques. Les quatre espèces qui montrent les valeurs isotopiques les plus faibles (les bivalves Anomia spp., L. hians, et O. edulis et le polychète C. variopedatus) se regroupent au sein d’un groupe qui comprend exclusivement des organismes filtreurs. Ce sont également pour ces espèces que les niveaux trophiques calculés sont les plus faibles (Tab. 6.3). Malgré l’absence de valeurs de δ13C pour les intégrer dans les CAH, les bryozoaires montrent des valeurs de δ15N proches de celles des espèces de ce groupe. Le groupe suivant regroupe des filtreurs (le bivalve Mimachlamys varia et les ascidies Ciona intestinalis, Halocyntia papillosa et Phallusia mamillata) et cinq espèces de crustacés (Galathea intermedia, Alpheus glaber, Athanas nitescens, Pilemnus hirtellus et Dardanus sp.). Les gastéropodes ont des δ15N qui les placent dans ce groupe même si l’utilisation du δ15N de la production primaire benthique comme ligne de base les place à un niveau trophique comparable à celui des bivalves. Les ascidies sont les filtreurs qui montrent les δ15N les plus élevés. Le groupe suivant regroupe deux espèces, le bivalve Hiatella artica et le crustacé Palinurus elephas. Deux groupes regroupent les espèces qui ont les ratios isotopiques les plus élevés. Le crustacé Palaemon sp. et l’échinoderme Echinaster sepositus forment le premier. Le second est composé des trois espèces qui ont les δ13C les plus élevés (> -18 ‰), le gastéropode Hexaplex trunculus et les échinodermes Marthasterias glacialis et Holothuria tubulosa. Malgré des signatures en azote comparable, l’utilisation d’une ligne de base différente pour H. tubulosa,

155 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels en raison de son régime détritivore, contribue à la placer à un niveau trophique plus faible que celui des deux autres espèces.

Fig. 6. 1 : Représentation des signatures isotopiques moyennes ± écarts-types (δ13C et δ15N) des consommateurs échantillonnés sur les récifs artificiels aux deux saisons. La couleur est fonction du groupe taxonomique (bleu clair: bryozoaires ; vert : polychètes ; marron : bivalves ; orange : crustacés ; bleu foncé : ascidies ; marron clair : gastéropodes ; violet : échinodermes). Le figuré est fonction du régime alimentaire (triangle inversé : filtreurs ; losange : brouteurs herbivores; croix : détritivores ; hexagone : omnivores ; étoiles : prédateurs). Les figurés avec un point d’interrogation représentent des espèces pour lesquelles le δ13C (bryozoaires, gastéropodes) ou le δ13C et le δ15N (spongiaires) sont calculées en comparaison avec des données non publiées issues de la région de Marseille. Pour Filograna sp., seul le δ15N a pu être déterminé et a été représenté par une ligne horizontale. Les ellipses pointillées sont figuratives et représentent les regroupements issus de la classification hiérarchique. Pour permettre une meilleure lecture, la partie du graphique correspondant aux « autres crustacés » a été agrandie, et un nom d’espèce a été abrégé (C. var : Chaetopterus variopedatus)

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Tab. 6.3 : Valeurs moyennes ± écarts types des signatures isotopiques (δ13C et δ15N) mesurées chez les invertébrés, et niveaux trophiques moyens calculés à partir des valeurs de δ15N. Carn : carnivore ; Opport : opportuniste. Groupe Groupe Niveau δ13C Espèces taxonomique trophique δ15N trophique Ciona intestinalis Ascidie Filtreur -21.23 ± 0.71 5.29 ± 0.51 2.0 ± 0.2 Halocyntia papillosa Ascidie Filtreur -21.87 ± 1.41 5.59 ± 0.58 2.1 ± 0.2 Phallusia mamillata Ascidie Filtreur -22.62 ± 0.70 5.69 ± 0.61 2.1 ± 0.4 Anomia spp. Bivalve Filtreur -22.05 ± 1.93 3.78 ± 0.34 1.6 ± 0.1 Mimachlamys varia Bivalve Filtreur -21.05 ± 0.92 4.55 ± 0.30 1.8 ± 0.1 Hiatella artica Bivalve Filtreur -20.48 ± 0.75 4.40 ± 0.14 1.8 ± 0.0 Limaria hians Bivalve Filtreur -22.65 ± 0.44 3.68 ± 0.14 1.6 ± 0.0 Ostrea edulis Bivalve Filtreur -21.52 ± 0.73 3.57 ± 0.68 1.5 ± 0.2 Pentapora fascialis Bryozoaire Filtreur nd 3.10 ± 0.42 1.4 ± 0.1 Turbicellepora avicularis Bryozoaire Filtreur nd 3.31 ± 0.43 1.5 ± 0.1 Chaetopterus variopedatus Polychète Filtreur -22.17 ± 1.09 3.60 ± 0.46 1.5 ± 0.1 Filograna sp. Polychète Filtreur nd 4.33 ± 0.33 1.8 ± 0.1 Cerithium vulgatum Gastéropode Herbivore nd 4.98 ± 0.05 1.3 ± 0.0 Fissurella nubecula Gastéropode Herbivore nd 5.02 ± 0.50 1.3 ± .01 Jujubinus exasperatus Gastéropode Herbivore nd 4.21 ± 0.10 1.1 ± 0.0 Alpheus glaber Crustacé Omnivore -21.30 ± 0.73 5.83 ± 0.35 2.2 ± 0.1 Athanas nitescens Crustacé Omnivore -20.90 ± 0.88 6.05 ± 0.30 2.3 ± 0.1 Dardanus sp. Crustacé Omnivore -20.93 ± 0.90 6.00 ± 0.54 2.2 ± 0.2 Galathea intermedia Crustacé Omnivore. -21.61 ± 0.71 4.96 ± 0.42 1.9 ± 0.1 Palinurus elephas Crustacé Omnivore -20.00 ± 0.57 5.76 ± 0.81 2.2 ± 0.2 Pilemnus hirtellus Crustacé Omnivore -21.53 ± 0.70 5.97 ± 0.49 2.1 ± 0.4 Palaemon sp. Crustacé Prédateur -19.93 ± 0.55 7.44 ± 0.46 2.7 ± 0.1 Holothuria tubulosa Echinoderme Détritivore -16.60 ± 1.03 7.55 ± 0.41 2.1 ± 0.1 Echinaster sepositus Echinoderme Prédateur -18.91 ± 2.74 5.84 ± 0.57 2.2 ± 0.2 Marthasterias glacialis Echinoderme Prédateur -17.17 ± 0.53 8.15 ± 1.13 2.9 ± 0.3 Hexaplex trunculus Gastéropode Prédateur -17.94 ± 0.49 8.69 ± 0.72 3.0 ± 0.2

Des variations spatio-temporelles importantes ont été détectées pour les signatures des invertébrés des récifs artificiels (Tab. 6.4). Au niveau saisonnier, les signatures isotopiques des consommateurs sont globalement plus faibles en été qu’en hiver pour la plupart des espèces, aussi bien pour le δ13C que le δ15N. Les différences spatiales sont moins claires, même si plus d’espèces montrent des valeurs plus élevées sur V6 que sur V3.

157 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels

Tab 6.4 : Variations spatio-temporelles significatives des signatures isotopiques des invertébrés. Seules sont indiquées les espèces pour lesquelles des variations significatives ont été détectées, en fonction du paramètre considéré δ13C δ15N Alpheus glaber Alpheus glaber V6 < V3 Crustacés Athanas nitescens Athanas nitescens Palinurus elephas Variations Galathea intermedia spatiales Crustacés Pilumnus hirtellus Pilumnus hirtellus V3 < V6 Echinaster sepositus Echinodermes Marthasterias glacialis M. glacialis

Eté < Hiver Alpheus glaber Alpheus glaber Athanas nitescens Athanas nitescens Dardanus sp. Variations Crustacés Pilumnus hirtellus saisonnières Galathea intermedia

Hiver < Eté Echinodermes Echinaster sepositus Echinaster sepositus

Athanas nitescens Athanas nitescens Dardanus sp. Crustacés Variations spatiales et Galathea intermedia Pilemnus hirtellus saisonnières conjointes Echinaster sepositus Echinodermes Holothuria tubulosa Holothuria tubulosa

6.3.2. Signatures isotopiques des organismes filtreurs De par leur importance sur les récifs, un intérêt particulier a été porté à l’ensemble des organismes filtreurs. La gamme de variation observée pour ces espèces est plus réduite que celle observée pour l’ensemble des invertébrés échantillonnés sur les récifs. La différence entre les valeurs maximales et minimales de δ13C est relativement faible (1.1 ‰). La valeur minimale est mesurée pour L. hians et la valeur maximale pour H. artica. Les différences entre espèces au sein des groupes taxonomiques sont plus importantes que les différences entre groupes. Les différences de δ15N sont plus importantes (2.5 ‰). La valeur minimale est mesurée chez P. fascialis et la valeur maximale chez H. papillosa. Les différences entre groupes sont plus marquées pour le δ15N que pour le δ13C, notamment avec les valeurs les plus faibles mesurées pour les bryozoaires et les valeurs les plus fortes pour les ascidies. Les variations saisonnières des signatures isotopiques des filtreurs (Fig. 6.3, Tab. 6.4) sont importantes pour le δ13C, avec des valeurs globalement plus faibles en été qu’en hiver. Les différences les plus importantes sont retrouvées pour Anomia spp. (2.6 ‰) et pour C. variopedatus (2.0 ‰). La différence la plus faible est mesurée pour H. papillosa (0.28 ‰).

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Fig. 6.3 : Moyennes ± écarts-types des rapports isotopiques (δ13C et δ15N) mesurés aux deux saisons (rouge : été ; bleu : hiver) des organismes filtreurs (triangles : bivalves ; ronds : ascidies ; carrés : annélides).

Des variations spatiales des signatures isotopiques s’observent aussi chez les filtreurs. La variation maximale de δ13C est mesurée pour Halocyntia papillosa (V3 = -21.09 ± 1.35 ‰, V6 = -22.50 ± 1.18 ‰). Cependant, la comparaison des valeurs F des ANOVA montre que les principaux facteurs de variabilité des signatures isotopiques sont l’espèce et la saison. Les variations saisonnières du δ13C sont nettement marquées. Les variations spatiales et les variations croisées entre plusieurs facteurs existent mais sont nettement moins importantes. Les résultats du modèle de mélange appliqué aux quatre groupes de filtreurs montrent que l’ensemble des classes de tailles du phytoplancton marin (nanophytoplancton et MOP Frioul) représente une part importante de l’alimentation de l’ensemble des filtreurs (Fig. 6.4). Les producteurs primaires benthiques (macroalgues et posidonie), probablement sous forme de détritus, semblent également contribuer à leur alimentation, principalement pour le groupe des bivalves 2 (M. varia et H. artica) et pour les ascidies, malgré des proportions plus faibles pour celles-ci. Enfin, l’alimentation de Chaetopterus semble la plus diversifiée avec une contribution importante de la MOP provenant de l’Huveaune. Quatre des six sources prises en compte dans le modèle peuvent être considérées comme contribuant à l’alimentation de cette espèce. En revanche, pour le détritivore Holothuria tubulosa, la source principale de matière organique est P. oceanica, ingérée sous forme de détritus. 159 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels

Tab.6.4 : Variations spatio-temporelles des signatures isotopiques de l’ensemble des organismes filtreurs. Les différences significatives sont marquées en gras. Facteur Stat p-value Post-hoc δ13C Espèce F = 20.2 < 0.001 Récif F = 9.7 0.02 V3 > V6 Saison F = 114.5 < 0.001 Eté < Hiver Espèce × récif F = 4.7 < 0.001 Espèce × saison F = 7.9 < 0.001 Récif × saison F = 13.2 < 0.001 Espèce × récif × saison F = 6.4 < 0.001

δ15N Espèce F = 108.1 < 0.001 Récif F = 4.2 0.04 V3 < V6 Saison F = 19.3 < 0.001 Hiver < Eté Espèce × récif F = 2.1 0.02 Espèce × saison F = 6.6 < 0.001 Récif × saison F = 2.3 0.14 Espèce × récif × saison F = 1.0 0.46

Chez les bivalves, les variations saisonnières des contributions des sources sont nettement marquées et montrent une diminution de la contribution du nanophytoplancton en hiver. Cette diminution va de pair avec une augmentation des contributions du phytoplancton de plus grande taille (MOP Frioul) et des producteurs primaires benthiques. L’augmentation de la contribution de P. oceanica en hiver est notable pour les bivalves 2. Pour les ascidies, les contributions sont quasi identiques entre les deux saisons à l’exception d’une diminution de la contribution du nanophytoplancton et une légère augmentation de la contribution de la MOP du Frioul. Chez Chaetopterus, les variations saisonnières des contributions sont nettement moins marquées. Il n’y a pas de diminution de la contribution du nanophytoplancton entre les deux saisons. Seule la contribution de l’Huveaune diminue, et est compensée par une augmentation du phytoplancton (MOP Frioul) et de la posidonie. Il faut cependant noter que le modèle de mélange appliqué à Chaetopterus est le seul pour lequel SIAR rapporte un avertissement, ce qui pourrait laisser penser que le modèle est incomplet pour cette espèce.

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Fig. 6.4 : Contributions des sources de MO aux quatre groupes d’organismes filtreurs et à Holoturia tubulosa en été (en rouge) et en hiver (en bleu). Les boxplots représentent les proportions associées aux probabilités 95 %, 75 % et 50 %.

161 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels

6.4. Discussion Les invertébrés échantillonnés sur les récifs artificiels de la baie du Prado montrent une large gamme de leurs signatures isotopiques, ce qui a déjà observée dans d’autres contextes, en Méditerranée ou en Atlantique (Pinnegar et Polunin, 2000 ; Darnaude, 2003 ; Carlier et al., 2007b ; Schaal et al., 2010a). Il est possible de définir trois grands groupes trophiques au sein de cet assemblage. Du fait de leurs δ15N plus faibles, les filtreurs sont les espèces de plus bas niveau trophique présentes sur les récifs. Les signatures isotopiques intermédiaires de la plupart des espèces de crustacés en font un maillon intermédiaire du réseau trophique. Leur alimentation semble principalement basée sur un grand nombre de proies vivantes ou de détritus. Enfin, malgré des signatures isotopiques différentes, un certain nombre d’espèces semblent être des prédateurs pour lesquels la consommation de proies vivantes représente le mode alimentaire principal.

6.4.1. Organismes filtreurs Les filtreurs sont les consommateurs benthiques les plus abondants sur les récifs artificiels. Les variations spatiales et saisonnières observées pour ces espèces sont comparables à celles observées pour la MOP, ce qui confirme leur importance comme puits de MO sur les récifs. De nombreux travaux ont montré que les caractéristiques morphologiques propres aux différentes espèces de ce groupe conditionnaient les capacités de rétention spécifiques et permettait la rétention d’une gamme importante de particules (Ward et Shumway, 2004 ; Riisgård et Larsen, 2010, et références incluses). Cette grande plasticité est classiquement interprétée comme un mécanisme de limitation de la compétition interspécifique et se traduit la plupart du temps par des différences de signatures isotopiques des organismes (Riera et al., 2002). Des gammes de variation de 3 à 5 ‰ pour le δ13C et le δ15N de l’ensemble des espèces de filtreurs sont ainsi rapportées dans plusieurs travaux (Dubois et al., 2007b ; Kang et al., 2009 ; Lefebvre et al., 2009 ; Schaal et al., 2010b). La gamme de δ13C observée pour les filtreurs dans la baie du Prado est nettement moins importante. De plus, sur les récifs artificiels, les ascidies et les bivalves ont des δ13C comparables, alors que les bivalves montrent généralement des valeurs nettement plus élevées que les ascidies (Dubois et al., 2007b ; Kang et al., 2009 ; Yakovis et al., 2012). Cette différence est attribuée à une utilisation prioritaire de nano- et picophytoplancton par les ascidies (dont les δ13C sont plus faibles) et de diatomées par les bivalves (Riera et Richard, 1996 ; Kang et al., 2009). Cependant, la plupart de ces études ont été effectuées dans des systèmes conchylicoles hautement productifs ou dans des systèmes moins profonds (estuaires,

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estrans vaseux, ports) où la production primaire des diatomées du microphytobentos est plus importante. Dans ce contexte, la compétition alimentaire interspécifique est limitée par la diversité et la quantité des ressources alimentaires disponibles (Lefebvre et al., 2009). Le comportement différent observé sur les récifs artificiels pourrait refléter au contraire l’utilisation principale des cellules phytoplanctoniques de petite taille par la plupart des filtreurs, complétée par des apports liées à la production primaire des macrophytes benthiques. Les morphologies des systèmes de filtration des espèces considérées ici permettent globalement la rétention efficace de particules de petite taille (< ~ 6µm). Les bivalves utilisent pour la filtration un système de cils composés (‘compound laterofrontal cirri’) qui permettent une rétention de 100 % des particules dont la taille minimale est de 4 µm (Riisgård et Larsen, 2010). Ces espèces peuvent également ensuite réaliser un tri entre les particules qu’elles ingèrent et celles qu’elles rejettent dans les pseudo-fèces (Ward et Shumway, 2004). Pour les bryozoaires, le mode de filtration est basé sur la création d’un courant par le lophophore7. Au bout de chaque tentacule, deux cils contrôlent la taille des particules qui entrent vers la bouche. Lorsqu’ils piègent une particule, les cils se replient et la dirigent vers l’intérieur. Ce mécanisme est efficace pour piéger des particules d’une taille de 5 à 6 µm (Riisgård et Manríquez, 1997). Les filtreurs montrent globalement les valeurs de δ13C et de δ15N les plus faibles. Pour les bryozoaires, bien qu’aucune valeur de δ13C n’ait pu être mesurée, il est probable que leurs valeurs soient également proches de celles de ces filtreurs. Dans d’autres sites de la rade de Marseille, les tissus décalcifiés de bryozoaires montrent des δ13C légèrement supérieurs à ceux de la MOP (~ + 1‰, Daniela Bănaru et Mireille Harmelin-Vivien, données non publiées). Il est donc possible d’approximer une valeur de δ13C proche de -23 ‰ pour les bryozoaires des récifs artificiels. Pour toutes ces espèces, le modèle de mélange montre une contribution forte des cellules phytoplanctoniques de plus petite taille, qui contribue à expliquer les valeurs plus faibles observées. De plus, ces espèces sont celles pour lesquelles les différences saisonnières des signatures isotopiques sont les plus marquées. Les résultats du chapitre 3 ont confirmé la prédominance des cellules picophytoplanctoniques (de 0.2 à 2 µm) et nanophytoplanctoniques (de 2 à 10 µm) dans la MOP au printemps et au début de l’été, conformément à ce qui a été observé par d’autres méthodes (Gregori et al., 2001 ; Queguiner et al., 2012). Ces cellules

7 Le lophophore est la couronne de tentacules qui entoure la bouche des bryozoaires (Lecointre et Le Guyader, 2001)

163 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels sont par ailleurs présentes en concentrations plus faibles toute l’année dans la baie de Marseille (Gregori et al., 2001). Le temps de turnover des tissus chez les bivalves étant de l’ordre de 60 jours (Dubois et al., 2007a), la signature observée chez ces organismes en été couvre bien la période du bloom de pico- et nanophytoplancton. Plusieurs travaux ont montré que les organismes filtreurs sont capables d’adapter leur intensité de filtration à la disponibilité de nourriture (Dupuy et al., 2000 ; Ward et Shumway, 2004 et références incluses ; Dubois et al., 2009). Il est probable que le pico- et le nanophytoplancton ne soient pas le substrat alimentaire préférentiel des bivalves, qui utilisent plutôt les diatomées (Riera et Richard, 1996 ; Dupuy et al., 2000 ; Yokohama et Ishihi, 2003 ; Dubois et al., 2007b ; Riera, 2008). La plus petite taille du pico- et nanophytoplancton nécessite un investissement important, comme la filtration d’un plus grand volume d’eau pour une rétention efficace, alors qu’elles représentent un apport de carbone assez faible (Dupuy et al., 2000). Les concentrations biochimiques plus faibles mesurées dans la MOP au printemps confirment cette valeur nutritionnelle plus faible. De plus, les filtreurs sont capables d’exercer une sélection de leur particules alimentaires en fonction de leur intérêt nutritionnel (Ward et Shumway, 2004 ; Bracken et al., 2012). En automne et en hiver, les concentrations moins élevées en cellules nanophytoplanctoniques dans le milieu permettent la présence des cellules microphytoplanctoniques de plus grande taille, donc plus intéressantes en termes d’apports de carbone. Elles sont alors préférentiellement ingérées par les filtreurs qui complètent leur alimentation par des apports de débris de producteurs primaires. Au contraire, au printemps et en été, lorsque les cellules pico- et nanophytoplanctoniques dominent le milieu, l’alimentation est quasi-exclusivement basée sur ces cellules, du fait de l’absence d’autres producteurs primaires planctoniques. De plus, la présence de ces cellules en plus grandes concentrations peut contribuer à créer des agrégats de plus grande taille, moins coûteux à retenir. Cette augmentation de la consommation au printemps et en été pourrait de plus être liée à une augmentation des besoins métaboliques, par exemple liés à la reproduction ou à la croissance, comme cela a déjà été démontré pour d’autres groupes de filtreurs dans la région de Marseille (Topçu et al., 2010). Les résultats des modèles de mélange expliquent l’augmentation des signatures observées pour Mimachlamys varia et Hiatella artica par une augmentation de la part des producteurs primaires benthiques pour ces deux espèces. Elle pourrait être liée à une différence de morphologie de l’appareil de filtration de ces espèces qui est moins efficace pour retenir les particules fines. Les pectinidés (dont fait partie M. varia) ne disposent pas du système de cils composés et montrent donc une rétention moins efficace (75-85 %) des

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particules allant jusqu’à 4 µm, et une rétention à 100 % des particules de plus de 6 µm (Ward et Shumway, 2004 ; Riisgård et Larsen, 2010). De plus, l’utilisation de détritus de producteurs primaires benthiques nécessite la mise en place de mécanismes enzymatiques pour la dégradation de ce matériel réfractaire (Navarro et al., 2009). Il est donc probable que la morphologie de ces deux espèces ne leur permette pas d’utiliser autant le nanophytoplancton que les autres bivalves, a fortiori lorsqu’il est moins présent dans le milieu, mais qu’elles disposent d’un système enzymatique leur permettant d’utiliser les détritus de producteurs primaires benthiques. L’augmentation de la proportion de P. oceanica dans l’alimentation de cette espèce en hiver est par ailleurs cohérente avec le cycle annuel de la magnoliophyte et la chute de ses feuilles en automne. Pour les ascidies, les valeurs de δ13C et les résultats du modèle de mélange montrent que les plus petites cellules phytoplanctoniques représentent également une part importante de l’alimentation. Le système de filtration des ascidies est basé sur un piégeage des particules sur un mucus secrété au sein de la corbeille pharyngienne. Ce système est efficace pour retenir 100 % des particules allant jusqu’à 4 µm et peut, dans certaines conditions, retenir des particules plus petites, notamment le pico- et le nanophytoplancton (Ribes et al., 1998 ; Kang et al., 2009 ; Riisgård et Larsen, 2010). Ceci explique le δ13C systématiquement plus faible observée pour les ascidies par rapport aux autres filtreurs dans la plupart des travaux qui comparent les signatures de membres de ces deux groupes (Dubois et al., 2007b ; Kang et al., 2009 ; Lefebvre et al., 2009 ; Yakovis et al., 2012). Les faibles variations saisonnières des signatures isotopiques des ascidies et les sorties du modèle de mélange semblent également confirmer l’utilisation préférentielle de ces cellules de petite taille tout au long de l’année. Cependant, les ascidies sont considérées comme des « filtreurs non sélectifs, capables d’utiliser toutes les particules mesurant de 0.5 à 100 µm » (Ribes et al., 1998). Lorsque la part des débris de producteurs primaires benthiques augmente dans l’environnement, elles sont également retenues et utilisées par ces espèces (Ribes et al., 1998 ; Coma et al., 2001 ; Kang et al., 2009). Les valeurs de δ15N plus élevées pour les ascidies pourraient être le reflet d’une contribution plus importante de l’azote d’origine détritique chez les ascidies. Enfin, les résultats obtenus pour le polychète C. variopedatus sont assez complexes à interpréter. Cette espèce montre les signatures isotopiques les plus faibles, notamment en été, et une grande diversité des sources potentielles de MO contribuant à son alimentation. Le système de filtration de C. variopedatus semble être le plus efficace de toutes les espèces de filtreurs échantillonnés ici, car il peut retenir les particules jusqu’à 0.5 µm (Flood et Fiala- Médioni, 1982). Le ver secrète un mucus qui retient les particules, puis qu’il ingère. Ce

165 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels système est comparable à celui des ascidies, mais diffère par l’intensité plus importante du courant d’eau créé par les muscles du ver (Riisgård, 1989). Il n’est donc pas étonnant qu’une grande quantité de sources puissent contribuer à l’alimentation de cette espèce. Cependant, la forte contribution des apports de l’Huveaune est surprenante. Elle n’est par ailleurs pas cohérente avec les valeurs plus élevées de δ13C mesurées pour les individus de V6. Dans le modèle, l’Huveaune, du fait de son origine terrigène, est la source qui montre les δ13C les plus faibles. Sa contribution importante à l’alimentation de Chaetopterus en été pourrait également être le reflet de l’utilisation de particules de taille encore plus petite, donc ayant des δ13C plus faibles que la valeur retenue pour le nanophytoplancton. La possibilité de consommation de bactéries, déjà observée pour cette espèce, pourrait ainsi expliquer ces valeurs plus faibles (Flood et Fiala-Médioni, 1982). Les bactéries pourraient également être la source alimentaire qui manque pour que le modèle de mélange soit complet pour cette espèce. Cependant, il faut garder en mémoire que les facteurs de fractionnement utilisés pour la construction du modèle de mélange appliqué à l’ensemble des filtreurs sont issus de travaux spécifiques aux bivalves. De plus, l’utilisation d’un fractionnement unique pour toutes les sources suppose qu’elles réagissent toutes de manière comparable face aux processus de digestion et d’ingestion et sans tenir compte de leurs qualités alimentaires respectives. La détermination de facteurs de fractionnement spécifiques est une des problématiques actuelles de l’écologie isotopique. Elle est complexe par la somme de travail qu’elle demande et se limite pour le moment à des études sur une espèce et seulement quelques sources (eg Blanchet-Aurigny et al., 2012). Des travaux tentent également de proposer des formules générales de calcul de facteurs de fractionnement, par exemple à partir des signatures isotopiques des sources (Caut et al., 2009). Cependant, ces tentatives semblent entachées de biais expérimentaux et sont donc critiquées (Auerswald et al., 2010 ; Perga et Grey, 2010). En l’absence de données spécifiques robustes, l’utilisation de facteurs de fractionnement « classiques » pour les ascidies et C. variopedatus reste donc la « moins mauvaise » solution, mais implique de rester prudent quant aux conclusions issues de ces modèles.

6.4.2. Carnivores opportunistes et détritivores Parmi les espèces benthiques, plusieurs semblent pouvoir utiliser un grand nombre de ressources trophiques, ce qui rend l’interprétation de leurs signatures complexes. Sur les récifs, les principales espèces qui semblent rentrer dans ce groupe trophique sont les crustacés (à l’exception de Palaemon sp.) et Holothuria tubulosa. Pour les crustacés, les signatures isotopiques observées sont compatibles avec une alimentation basée sur une prédation de

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petits invertébrés complétée par des détritus. Au contraire, les signatures mesurées pour H. tubulosa reflètent une utilisation massive de détritus de producteurs primaires benthiques. Les crustacés présentent des δ15N à peine plus élevés que ceux des filtreurs, ce qui les place à un niveau trophique légèrement supérieur. Les crustacés sont la plupart du temps considérés comme des prédateurs généralistes capables de consommer des petits invertébrés benthiques, comme des gastéropodes et des bivalves, mais également des débris de producteurs primaires ou des cadavres d’animaux plus gros (Nicol, 1927 ; Hunter, 1999 ; Kyomo, 1999 ; Goñi et al., 2001 ; MacArthur et al., 2011). Il n’est donc pas étonnant que les crustacés considérés ici montrent globalement des signatures isotopiques similaires. Les valeurs observées pour Alpheus glaber, Athanas nitescens, Dardanus sp. et Pilemnus hirtellus sont ainsi compatibles avec une alimentation basée sur des organismes vivants, aussi bien benthiques que planctoniques. Leur δ15N moyen, proche de celui des ascidies, laisse cependant penser que ces espèces utilisent également une part non négligeable de producteurs primaires benthiques ou pélagiques dans leur alimentation. La galathée Galathea strigosa diffère de ces espèces par sa valeur de δ15N plus faible, conformément à ce qui a pu être observé par ailleurs (Schaal et al., 2010a ; Rastorgueff et al., 2011). Les contenus stomacaux des galathées sont la plupart du temps composés de débris non identifiables, de sable et de fragments d’algues, typiques d’un régime alimentaire dépositivore. La morphologie du 3ème maxillipède chez cette espèce fait qu’elle s’en sert de « balai », qu’elle passe sur le sédiment pour en récupérer les débris qu’elle consomme (Nicol, 1927). Il n’est donc pas étonnant que cette espèce présente des signatures isotopiques comparables à celles des filtreurs, notamment M. varia et H. artica. Les δ15N plus faibles que ceux des autres crustacés pourraient être le reflet d’une plus grande part des détritus de producteurs primaires dans l’alimentation de cette espèce. De même, la langouste, Palinurus elephas, diffère des autres espèces par des δ13C nettement plus élevés. Cette espèce est connue comme ayant un régime alimentaire basé principalement sur la consommation de mollusques (Hunter, 1999 ; Goñi et al., 2001). La plupart des espèces de bivalves échantillonnées ici peuvent représenter des proies pour la langouste et sa signature isotopique est cohérente avec une telle alimentation. Des variations spatiales et saisonnières des ratios isotopiques sont observées pour la plupart des espèces de crustacés. En l’absence d’un patron cohérent pour toutes les espèces, il est difficile d’apporter une explication claire aux différences observées entre les deux récifs. Le régime alimentaire opportuniste de ces espèces peut sans doute expliquer ces variations mais rend complexe leur interprétation. Au contraire, les valeurs de δ13C et de δ15N sont

167 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels systématiquement plus élevées en hiver qu’en été. Le cycle annuel de ces espèces et la reproduction peuvent expliquer ces valeurs. Chez la plupart des crustacés en Méditerranée, la maturation de l’appareil reproducteur a lieu au printemps et en été, et la ponte à la fin de l’été (Hunter, 1999 ; Macpherson et Raventos, 2004). Au niveau métabolique, les périodes de maturation sexuelle nécessitent un investissement énergétique important et donc l’utilisation de l’ensemble des ressources issues de l’alimentation. Sur le plan isotopique, ces périodes se traduisent par une diminution des signatures des organismes, qui excrètent moins de 12C ou de 14N qu’en période d’activité métabolique moins intense. Les signatures plus faibles observées en été pourraient donc être liées à une intensification de l’activité métabolique liée à la période de reproduction des crustacés. Par ailleurs, les crustacés sont généralement les proies principales des prédateurs de plus haut niveau trophique, notamment les poissons (Bell et Harmelin-Vivien, 1983 ; Harmelin-Vivien et al., 1989 ; Relini et al., 2002 ; Stergiou et Karpouzi, 2002 et références incluses). A ce titre, les variations spatiales et saisonnières observées chez les crustacés sont intéressantes car elles permettent de disposer d’un indicateur potentiel d’une variation de l’alimentation des principaux poissons consommateurs de crustacés. Si ces espèces sont sédentaires et ne s’alimentent que sur le même récif, leurs signatures refléteront cette alimentation, et la variabilité spatiale des signatures isotopiques des proies sera propagée aux niveaux trophiques supérieurs. L’autre espèce qui a un comportement alimentaire opportuniste est Holothuria tubulosa. Les valeurs de δ15N élevées observées pour cette espèce semblent la placer à un niveau trophique comparable à celui des carnivores dans les réseaux trophiques des récifs artificiels. Cependant, l’analyse conjointe du δ13C et du δ15N montre que H. tubulosa tire la majeure partie de son alimentation des débris de P. oceanica. Les holothuries sont connues comme étant des dépositivores obligatoires, qui ingèrent de grandes quantités de sédiment pour en retenir les détritus de producteurs primaires et les bactéries associées (Coulon et Jangoux, 1993). Dans la mesure où la MOS des récifs est majoritairement composée de débris de posidonie (cf. chapitre 3), et que des feuilles en épave sont également présentes à la surface des sédiments, l’importance de la MO issue de la production primaire de la posidonie dans l’alimentation de l’holothurie est cohérente. De plus, le calcul du niveau trophique de H. tubulosa en utilisant la posidonie comme ligne de base en diminue la valeur. H. tubulosa occupe alors un niveau trophique légèrement supérieur à celui des filtreurs. Cela pourrait être le signe d’une utilisation de détritus animaux, qui contribueraient à augmenter la valeur de δ15N. De plus, bien que qualifié de « détritivore », il est plus exact de considérer H. tubulosa

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comme un consommateur d’organismes détritivores stricto sensu (bactéries, archées, straménopiles et fungi) dont l’effet sur les signatures isotopiques de la MO est difficile à appréhender et qui pourraient augmenter le δ15N. Enfin, le mode de calcul du niveau trophique est très dépendant du facteur d’enrichissement choisi. L’utilisation d’un facteur plus élevé, pour refléter un fractionnement plus important lié à une digestion moins efficace des détritus réfractaires, entraînerait une diminution du niveau trophique attribué à H. tubulosa.

6.4.3. Prédateurs

Malgré des signatures différentes en azote, quatre espèces peuvent être considérées comme des organismes prédateurs : Echinaster sepositus, Marthasterias glacialis, Palaemon sp. et Hexaplex trunculus. Les valeurs de δ15N mesurées pour ces espèces sont les plus élevées des consommateurs, à l’exception de celles mesurées pour E. sepositus. Cette astérie est considérée comme un consommateur quasi-exclusif d’éponges axinellides, qui pourrait expliquer le δ15N faible de cette espèce (Vasserot, 1961). Bien qu’aucune signature n’ait été déterminée pour les spongiaires dans ce travail, des travaux précédents sur les spongiaires de la baie de Marseille ont montré une signature enrichie en carbone (~ + 3 ‰) et appauvrie en azote (~ - 1 ‰) par rapport à la MOP (Daniela Bănaru et Mireille Harmelin-Vivien, données non publiées). Des valeurs comparables d’enrichissement sont également observées pour le δ13C des éponges du massif des calanques (Topçu et al., 2010). Un tel enrichissement appliqué ici attribuerait aux éponges un δ15N comparable aux filtreurs et un δ13C plus élevé (δ13C ≈ -20 ‰, δ15N ≈ 4 ‰, cf. Fig. 6.1). Ces valeurs pourraient également correspondre à celles des proies consommées par E. sepositus dans l’hypothèse d’une consommation d’éponges. Cependant, les mécanismes à l’origine des signatures isotopiques chez les éponges sont complexes. Chez certaines espèces, l’apport d’azote est accompli dans le cadre d’une symbiose mutualiste avec des bactéries. Les tissus de ces éponges montrent des δ15N très faibles, alors que les éponges non symbiotiques du même site montrent des valeurs nettement plus élevées (de l’ordre de 4 ‰ de différence) (Weisz et al., 2007 ; Deudero et al., 2011). Un tel mécanisme appliqué ici pourrait également expliquer le δ15N plus faible d’E. sepositus. L’autre caractéristique observée pour E. sepositus est la grande différence des valeurs de δ13C entre l’été et l’hiver. Un effet de la taille ne semble pas expliquer cette différence puisque les individus échantillonnés aux deux saisons ont des tailles comparables (données non présentées). Ce profil est cependant le même que celui qui a été observé pour les filtreurs. La consommation de spongiaires, dont les signatures seraient également abaissées par le bloom printanier de pico- et nanophytoplancton pourrait expliquer ces variations. Cependant, seule la

169 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels détermination des éponges effectivement consommées par E. sepositus, de leurs signatures isotopiques, et de l’effet potentiel de bactéries mutualistes permettrait de confirmer avec certitude cette consommation et d’expliquer le faible δ15N d’Echinaster sepositus.

Les niveaux trophiques calculés à partir de leurs δ15N des trois autres espèces de prédateurs sont cohérents avec les résultats des travaux précédents, qui les placent systématiquement parmi les invertébrés de plus haut niveau trophique (Schaal et al., 2010a ; 2010b ; Deudero et al., 2011 ; Rastorgueff et al., 2011 ; Wangensteen et al., 2011).

Les espèces du genre Palaemon sont considérées comme des consommateurs de petits invertébrés benthiques, notamment des crustacés (amphipodes, isopodes, mysidacés) et aussi des petits gastéropodes ou bivalves (Guerao, 1995). La signature observée ici est en accord avec un tel régime alimentaire. Bien que les valeurs de δ15N soient plus élevées pour cette espèce, il n’existe pas une différence nette entre Palaemon sp. et les autres espèces de crustacés et donc pas un niveau trophique. Il est donc probable que cette espèce s’alimente sur les plus petits crustacés (qui n’ont pas pu être échantillonné). La valeur relativement faible du δ15N observée chez les Palaemon sur les récifs artificiels pourrait également refléter la consommation de petits bivalves à δ15N plus faibles que les crustacés.

Le régime alimentaire prédateur classiquement considéré pour Hexaplex trunculus et Marthasterias glacialis est cohérent avec leur position en haut du réseau trophique des invertébrés benthiques des récifs artificiels. Ces deux espèces semblent être principalement des consommateurs de bivalves. H. trunculus peut percer à l’aide de sa radula les coquilles de ces organismes (Morton et al., 2007), alors que M. glacialis écarte les deux valves. Le δ15N élevé observé pour ces deux espèces est cependant nettement plus élevé que celui des bivalves et semble indiquer la consommation d’autres invertébrés benthiques. M. glacialis est ainsi capable de consommer des échinodermes (oursins, et étoiles de mer), des crustacés ou des gastéropodes (Harmelin et Bassemayousse, 2008). H. trunculus peut également consommer des gastéropodes ainsi que les cadavres d’autres animaux (Morton et al., 2007 ; Harmelin et Bassemayousse, 2008). Ce régime alimentaire diversifié est plus cohérent avec les valeurs élevées de δ15N. De plus, la consommation de gastéropodes brouteurs pourrait également expliquer ces signatures. Il est classiquement admis que la production primaire benthique présente des signatures isotopiques plus élevées que la production primaire pélagique. En conséquence, les organismes dépendant de cette production ont également des signatures plus élevées (Nadon et Himmelman, 2006). Cette tendance est confirmée ici par le δ15N plus élevé mesuré pour les petits gastéropodes par rapport aux bivalves, malgré des niveaux trophiques

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comparables, du fait de la différence nette de δ15N entre les productions primaires benthiques et pélagiques. Ces résultats confirment donc que les deux types de production primaire, benthiques et pélagiques, sont des sources de matière qui ont une influence non négligeable sur les réseaux trophiques des récifs artificiels de la baie du Prado.

6.5. Conclusion Les signatures isotopiques des invertébrés montrent que deux sources de MO servent de base aux réseaux trophiques des récifs artificiels. De par l’importance des filtreurs sur les récifs, la MO d’origine pélagique semble être la source principale à la base du réseau trophique (Fig. 6.5). La comparaison des signatures des filtreurs par rapport à celle de la MOP montre que ces organismes exercent une forte sélection et qu’ils ne retiennent de ce pool que la partie ayant un intérêt nutritionnel pour eux. Les signatures faibles sont également le reflet de l’utilisation majoritaire des plus petites cellules phytoplanctoniques, notamment au printemps et en été où leur dominance dans la masse d’eau en fait sans doute un substrat alimentaire moins coûteux à utiliser. Les cellules de plus grande taille (diatomées et dinobiontes) sont également utilisées, mais en moins grande importance et principalement en hiver. Enfin, contrairement aux résultats observés par ailleurs, l’absence de différence notable entre les δ13C des différents groupes de filtreurs montre que le partage des ressources est sans doute moins marqué en milieu oligotrophe que dans des environnements plus productifs. La production primaire benthique semble être également une source importante à la base des chaînes trophiques des récifs artificiels. Elle semble pouvoir représenter un apport de MO complémentaire à la MO phytoplanctonique pour plusieurs espèces de filtreurs. Les débris de producteurs primaires benthiques semblent également contribuer de manière plus ou moins importante à l’alimentation des organismes opportunistes comme G. strigosa. Les feuilles de P. oceanica en épave représentent la part principale de l’alimentation d’H. tubulosa. Ces résultats confirment que la voie détritique est effectivement la voie principale d’intégration de la production primaire de l’herbier de posidonie dans les réseaux trophiques des récifs artificiels. La production primaire benthique semble également représenter une source importante de matière pour les petits gastéropodes brouteurs, et des petits crustacés qui n’ont pas pu être échantillonnés. Les signatures isotopiques élevées mesurées pour les invertébrés prédateurs de plus haut niveau trophique, dont les gastéropodes pourraient représenter une partie de l’alimentation, sembleraient liées à une intégration de cette production primaire benthique à δ15N plus élevé que celui de la production primaire

171 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels pélagique. La consommation de cette production primaire par broutage semblerait donc ne pas être négligeable et permettrait de soutenir en partie les invertébrés de haut niveau trophique. Une des questions clés dans l’étude des récifs artificiels est la capacité de ces structures à soutenir une production primaire et secondaire locale, et à ne pas être uniquement des attracteurs d’organismes issus des écosystèmes adjacents. Les relations trophiques entre les sources de MO et les organismes invertébrés, ainsi que les relations entre organismes permettent de penser qu’il s’établit effectivement des relations de prédation au sein des communautés des récifs artificiels. A partir des productions primaires pélagique et benthique locales, plusieurs niveaux trophiques d’organismes benthiques peuvent trouver les ressources alimentaires dont ils ont besoin, et établir des chaînes trophiques durables au sein de l’écosystème des récifs artificiels. Ces résultats confirment le rôle des récifs artificiels comme support d’une production locale et rejettent fortement qu’elles ne soient rien de plus que des attracteurs et des concentrateurs de biomasse. Ces espèces représentent par ailleurs les proies principales de la plupart des espèces de poissons présentes sur les récifs artificiels. Les résultats à venir sur les relations trophiques et les préférences alimentaires des espèces de poissons des récifs artificiels permettront de clarifier le rôle des récifs artificiels de la baie du Prado pour soutenir la production de biomasse de poissons.

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Fig. 6.5 : Schéma du fonctionnement trophique et de l’utilisation de la MO au sein des chaînes trophiques des invertébrés des récifs artificiels. La taille des flèches est proportionnelle à l’importance de la voie trophique. Les flèches en pointillés et les espèces entre parenthèses correspondent à des groupes qui n’ont pas été échantillonnés mais qui sont déduits des signatures des organismes pris en compte dans ce travail.

173 Chapitre 6 – Invertébrés des récifs artificiels

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Chapitre 7. FONCTIONNEMENT TROPHIQUE DE LA

COMMUNAUTE DE POISSONS DES RECIFS ARTIFICIELS

© Sandrine Ruitton

Planctonophages sur la partie haute d’un module « Panier Acier » - Photo Sandrine Ruitton

175 Chapitre 7 – Communautés de poissons

7.1.Résume du chapitre – Principaux résultats Dans le contexte actuel d’une pression de plus en plus forte sur le littoral méditerranéen, les récifs artificiels s’avèrent un outil précieux de gestion intégrée de la zone côtière (Jensen, 2002 ; Seaman, 2007). En Méditerranée, ils ont dans un premier temps été utilisés pour protéger l’herbier de posidonie et résoudre les conflits d’usage entre les petits métiers et les chalutiers. La mise en place de structures massives et lourdes crée un obstacle à l’utilisation d’arts traînants et empêche le chalutage illégal (Charbonnel et Francour, 1994 ; Sànchez-Jerez et al., 2002). Ils ont par la suite été couplés avec des récifs plus complexes, spécialement conçus pour favoriser la production de biomasse de poissons (Charbonnel et al., 2002). C’est cette capacité de production qui fait des récifs artificiels un outil intéressant de soutien à la petite pêche artisanale côtière, principale activité de pêche dans la zone de Marseille et qui est fortement impactée par la diminution des principales ressources halieutiques qu’elle cible (FAO, 2012). Les études scientifiques se sont attachées à comprendre les mécanismes sous-jacents qui expliquent ces plus fortes concentrations de poissons à proximité des récifs artificiels. Trois principales explications ont été proposées (Harmelin et Bellan-Santini, 1997) : 1. La mise en place de structures artificielles permet de créer des zones abritées, au sein desquelles certaines espèces peuvent trouver un habitat propice aux processus de reproduction et de ponte (Gorham et Alevizon, 1989). 2. Suite à la reproduction, les récifs artificiels, par la complexité de l’habitat qu’ils apportent, permettent de maintenir la fonction d’abri contre la prédation pour les premiers stades de vie des poissons (larves ou juvéniles). Cette fonction d’abri favorise le recrutement, diminue la mortalité des jeunes stades et donc augmente la probabilité que des juvéniles issus des récifs artificiels contribuent à la population reproductrice (Love et al., 2006 ; 2012). 3. Enfin, le déploiement de récifs artificiels permet la mise en place de nouveaux substrats sur lesquelles des espèces fixées (producteurs primaires par exemple) ou avec une forte affinité pour le milieu benthique peuvent trouver un milieu favorable à leur développement. Parmi ces espèces, certaines entrent dans l’alimentation des espèces de poisson et la mise en place de récifs artificiels permet donc une augmentation de la quantité et de la disponibilité des ressources disponibles (Steimle et Ogren, 1982 ; Scarcella et al., 2011).

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Plusieurs travaux ont tenté de mieux caractériser l’importance de ce lien trophique entre les récifs artificiels et les poissons, et le rôle réel qu’ils jouent dans leur alimentation (Pepe et al., 1996; 1998 ; Fabi et al., 2006 ; Leitão et al., 2007 ; Castriota et al., 2012). Ces travaux ont majoritairement été effectués par l’analyse des contenus stomacaux. Cette technique permet une identification des proies consommées par un individu (avec une précision taxonomique qui dépend du stade de digestion) et la comparaison de ces proies avec celles effectivement présentes sur les récifs permet de préciser l’affinité trophique réelle d’une espèce pour une structure (Relini et al., 2002). Pour autant, les difficultés de cette méthode, liées principalement au temps de travail qu’elle implique, au nombre d’échantillon nécessaires, et à la digestibilité différente des proies, limitent son utilisation à l’étude de quelques espèces. En revanche, l’utilisation des isotopes stables du carbone et de l’azote permet de préciser les relations entre un plus grand nombre d’organismes au sein d’un réseau trophique. Les informations apportées par cette méthode restent cependant relatives, dans la mesure où la signature d’un consommateur dépend de celle de son alimentation, et ne permettent pas d’apporter une détermination précise des proies ingérées. L’utilisation couplée de ces deux méthodes présente donc un intérêt fort pour la compréhension du lien trophique entre les poissons et les récifs artificiels, ainsi que l’organisation trophique de la communauté de poissons, car chacune présente des avantages qui peuvent combler certaines limitations de l’autre.

Dans le cadre de ce chapitre, trois grandes questions ont été abordées : 1 La mise en place d’un système de récifs artificiels induit-elle une modification de la structure trophique d’une communauté de poissons ? 2 Dans le contexte scientifique général d’une utilisation de plus en plus importante des isotopes stables du carbone et de l’azote pour caractériser les relations trophiques en milieu marin, comment l’utilisation couplée des isotopes stable du carbone et de l’azote et de l’analyse des contenus stomacaux peut-elle permettre de mieux caractériser les relations trophiques ? 3 Quelles informations les isotopes stables du carbone et de l’azote peuvent-elles apporter sur le fonctionnement trophique des récifs artificiels de la rade du Prado, dans l’espace et dans le temps ?

Pour répondre à ces questions, l’analyse des ratios isotopiques et de l’alimentation a été effectuée sur 32 espèces de poissons échantillonnées sur V3 et V6 en été et en hiver. Une

177 Chapitre 7 – Communautés de poissons partie des résultats fait l’objet d’une publication soumise à Journal of Experimental Marine Biology and Ecology et est l’objet de la première partie de ce chapitre de thèse. L’utilisation des outils récents de caractérisation des signatures isotopiques des communautés, via l’analyse des aires occupées et l’utilisation des métriques de communauté permet également de mieux appréhender les mécanismes trophiques (Layman et al., 2007 ; Jackson et al., 2011). Cette analyse, qui vient en complément des résultats développés dans la publication, est détaillée dans la deuxième partie de ce chapitre. Dans un premier temps, l’analyse des espèces échantillonnées et de leurs effectifs relatifs montre qu’ils sont comparables à ce qui est observé lors des comptages en plongée effectués sur les récifs (Le Diréach et al., 2011 ; Rouanet et al., 2012), ce qui garantit un échantillonnage représentatif de la communauté présente sur les récifs artificiels. Par ailleurs, la communauté de poissons est également comparable à celle décrite en zone rocheuse « naturelle » (Harmelin, 1987 ; Fasola et al., 1997), ce qui confirme que les peuplements de poissons des récifs artificiels ne sont pas différents des peuplements naturels. L’analyse de l’organisation du réseau trophique montre qu’il n’y a pas de modification notable de la structure trophique et de l’alimentation des espèces échantillonnées sur les récifs artificiels par rapport à ce qui est observé en milieu naturel. Les gammes de signatures isotopiques (environ 2 ‰ pour le δ13C et 7 ‰ pour le δ15N) sont comparables à celles observées dans les études menées sur les communautés « naturelles » de poissons en Méditerranée (Jennings et al., 1997 ; Pinnegar et Polunin, 2000 ; Deudero et al., 2004 ; Vizzini et Mazzola, 2009 ). Les poissons présents sur les récifs artificiels se classent en cinq grands groupes trophiques : zooplanctonophages, mésocarnivores de substrat dur, mésocarnivores de substrat meuble, macrocarnivores et piscivores, selon une organisation qui a déjà été démontrée (Bell et Harmelin-Vivien, 1983). L’analyse des niches isotopiques de communauté, développée dans la deuxième partie de ce chapitre, permet également d’apporter des éléments de compréhension sur les mécanismes individuels d’alimentation au sein de chaque groupe. Ainsi, certains groupes présentent une grande homogénéité de leurs signatures isotopiques individuelles (zooplanctonophages, macrocarnivores), témoignant d’une alimentation de l’ensemble des individus sur des proies ayant des signatures isotopiques proches. D’autres, au contraire, ont une niche isotopique très large, témoin d’une alimentation individuelle hétérogène sur des proies avec des signatures isotopiques plus diverses. L’alimentation observée pour les poissons des récifs artificiels reste par ailleurs semblable à celle decrite pour les mêmes espèces, dans la région marseillaise (Bell et Harmelin-Vivien, 1983 ; Harmelin-Vivien et al., 1989 ; Bautista-Vega et al., 2008) ou dans

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d’autres environnements méditerranéens (Quignard, 1966 ; Sala et Ballesteros, 1997 ; Stergiou et Karpouzi, 2002 ; Fanelli et al., 2011 ; Kalogirou et al., 2012 ). Les proies principales des poissons des récifs artificiels sont majoritairement des crustacés (observés dans près de 80 % des espèces), avec des spécificités qui apparaissent en fonction des groupes (zooplancton, caridés ou brachyoures par exemple). Pour la plupart, ces crustacés sont retrouvés aussi bien dans les contenus stomacaux que dans les pochons d’huîtres, ce qui semble montrer une utilisation des ressources alimentaires présentes dans les récifs artificiels du Prado pour beaucoup d’espèces. Les espèces ont également été classées en fonction de leurs signatures isotopiques. Cette classification fait apparaître 6 groupes. Seul le groupe des zooplanctonophages est conservé entre les deux classements. Pour les autres espèces, les regroupements diffèrent entre les deux modes de classement. Ils mettent en évidence une séparation de certains groupes trophiques en plusieurs groupes isotopiques (mésocarnivores de substrat dur, piscivores) aussi bien qu’un regroupement d’espèces appartenant à différents groupes trophiques au sein d’un même groupe isotopique (mésocarnivores de substrat meubles, macrocarnivores et piscivores). Une apparente incohérence entre le niveau trophique des espèces, basé sur les valeurs de δ15N, et leur alimentation semble être à l’origine de ces différences. Cette incohérence est liée principalement à l’effet des signatures des proies et des facteurs de fractionnement différents entre les espèces. Elle plaide pour une interprétation prudente des informations sur les comportements trophiques apportées par les isotopes stables en l’absence de données sur les signatures isotopiques des proies, ou alors d’une utilisation couplée des isotopes stables du carbone et de l’azote avec l’analyse des contenus stomacaux. Enfin, l’analyse statistique des ratios isotopiques des poissons montre une quasi- absence de variations spatio-temporelles, aux échelles de temps et d’espace prises en compte. Seule une espèce (Mullus surmuletus) présente des différences de signatures entre les deux récifs artificiels, mais les métriques isotopiques semblent indiquer peu de variations spatiales. Les variations des signatures isotopiques des sources de MO à la base des réseaux trophiques ne semblent donc pas être propagées au niveau des consommateurs secondaires et tertiaires. En lien avec l’affinité trophique des poissons pour les récifs, cette absence de variations spatiales peut être liée à des phénomènes de déplacement alimentaires des poissons sur l’ensemble de la zone des récifs artificiels, résultant en une homogénéisation spatiale de leurs signatures isotopiques. Les variations temporelles semblent légèrement plus importantes. Des signatures isotopiques moyennes (δ13C ou δ15N) différentes entre les saisons ont été observées pour trois

179 Chapitre 7 – Communautés de poissons espèces (Spicara maena, S.smaris et Scorpaena porcus) ainsi que pour certaines métriques isotopiques. Ces résultats pourraient être le reflet d’une variation de l’utilisation de la MO. Cependant, l’explication des variations saisonnières des signatures isotopiques est complexe, étant donné le nombre de paramètres qui peuvent jouer un rôle, comme par exemple des variations saisonnières de l’alimentation ou des signatures isotopiques des proies. Dans un système ouvert comme celui des récifs artificiels, l’arrivée de nouveaux individus, dont la signature isotopique est liée à l’utilisation de MO issue d’autres chaînes trophiques ne peut par ailleurs pas être exclue. L’effet de la taille dans la variation des signatures semble cependant limité, dans la mesure où il est pris en compte dans le calcul des différences (pas de différences globales de tailles entre les deux saisons et comparaison par ANCOVA lorsque des différences spécifiques existent).

180

Feeding and trophic relationships of fishes on artificial reefs of the French

Mediterranean coast.

Pierre Cresson*, Sandrine Ruitton, Mélanie Ourgaud, Mireille Harmelin-Vivien

Aix-Marseille University, Université du Sud Toulon-Var, UM CNRS 110 MIO Mediterranean

Institute of Oceanography, 13288 Marseille Cedex 09, France.

*author to whom correspondence should be addressed

Tel.: (+33) 491 829 639

Fax: (+33) 491 411 265

E-mail: [email protected]

Article soumis à Journal of Experimental Marine Biology and Ecology.

181 Chapitre 7 – Communautés de poissons

7.2.Abstract A large complex of artificial reefs was deployed in the Bay of Marseilles, North- Western Mediterranean for the enhancement of commercial fisheries stocks. Carbon and nitrogen stable isotope ratios and stomach content analyses were performed on 23 fish species to assess their trophic patterns and the influence of artificial reefs on their diets. Results showed that the deployment of artificial reefs did not modify fish diets and the trophic network structure of the fish assemblage compared with what was observed in the natural environment. Stomach content analyses indicated that artificial structures, with their complex design, provide diverse and abundant food sources for fishes. Ranges of δ13C and δ15N of artificial reef fishes were comparable to those recorded in natural Mediterranean environments with similar trophic groups and organization. However, some discrepancies appeared when comparing isotopic and diet results, which calls for careful interpretation of stable isotope values as a direct indicators of trophic levels.

Keywords: stable isotope, stomach content analysis, fish trophic levels,

7.3. Introduction In a context of multiple human impacts on coastal marine ecosystems, artificial reefs have been widely deployed in marine coastal waters to restore degraded habitats, enhance commercial and recreational fisheries, promote biodiversity and to protect benthic habitats, among other management goals(Jensen, 2002 ; Seaman, 2007). As they represent large-scale experiments, they also provide a way to study ecosystem functioning and to elucidate ecological processes (Miller, 2002).In the Mediterranean Sea, artificial reefs have principally been used as a tool to limit the impact of illegal fisheries in Posidonia oceanica meadows, by the deployment of simple, large and heavy anti-trawling reefs (Sànchez-Jerez et al., 2002). They could also be coupled with more complex devices specifically designed to enhance the aggregation of nektonic species (Jensen, 2002).Fishing pressures are strong on Mediterranean fish populations, since 50 % of the assessed stocks, like mullets or seabreams, are considered overexploited (FAO, 2012). Deployment of artificial reefs can be a useful tool for enhancing fish stocks and sustaining small-scale coastal fisheries, due to the augmentation of fish biomass in the surroundings of artificial reefs (Charbonnel et al., 2002). Such a biomass increase is explained by three main processes. The deployment of artificial structures creates new hard substrata where the benthic prey can settle, increasing food resources and fish

182

feeding efficiency (Steimle and Ogren, 1982 ; Scarcella et al., 2011). The architectural complexity of artificial structures provides shelter from predation for low trophic level organisms and sedentary fishes. Finally, over time, these structures become a mating, spawning and recruitment zone for fishes (Gorham and Alevizon, 1989). The assessment of the trophic relationships which are established between fish and the artificial reef fauna is crucial to understanding the trophic functioning, and numerous works report the importance of artificial reef communities as a food source provider for coastal fishes (Steimle and Ogren, 1982 ; Gorham and Alevizon, 1989 ; Relini et al., 2002). Studies on trophic patterns of Mediterranean fishes have classically and extensively been performed by stomach content analysis (Bell and Harmelin-Vivien, 1983 ; Rosecchi, 1987 ; Morte et al., 2001 ; Šantić et al., 2011) and references in Stergiou and Karpouzi (2002). This technique allows for the identification of the prey actually consumed by a fish and gives a “snapshot” of its recent diet. However, some biases linked with accurate prey identification or different rates of prey digestion may be problematic when using this technique. Moreover, the low temporal resolution of this technique requires a large number of samples to obtain a representative view of the dietary patterns of a species (Hyslop, 1980). Some of these biases can be solved using stable isotope analysis. Isotopic ratios of carbon and nitrogen have also been used to describe the trophic relationships in marine Mediterranean ecosystems (Jennings et al., 1997 ; Pinnegar and Polunin, 2000 ; Deudero et al., 2004). When consuming a prey, a predator integrates the C and N isotopic ratios of its preys into its own tissues. A fractionation process occurs for each trophic level, as 13C of the predator is generally slightly higher than the 13C of its prey (~ + 1 ‰ per trophic level), allowing the use of the carbon isotopic ratio as an indicator of the origin of organic matter. The fractionation factor is higher for 15N (theoretically + 3.4 ‰ per trophic level) and allows the use of the nitrogen isotopic ratio as an indicator of the trophic level of the sample (Post, 2002). The integration of the isotopic ratios of a consumer’s diet into its tissues is a combination of synthesis of new tissues during growth and metabolic turnover of the old tissues. For fish, these processes take a period of a few months to occur (Hesslein et al., 1993). Due to this time lag, stable isotope ratios of a consumer represent integrated information concerning the diet actually assimilated during the past months. Results from stable isotopes and stomach contents are thus complementary, and the combination of these two techniques, which provide both integrated and instantaneous information about feeding patterns, represents a powerful tool for enhancing understanding of trophic relationships (Layman et al., 2012). This combined approach is well-adapted to the

183 Chapitre 7 – Communautés de poissons study of fish trophic relationships in an artificial reef zone in which commercial fisheries are prohibited and where the abundant sampling needed for diet analysis cannot be performed. Through the “RECIFS PRADO” program, 400 artificial reefs were installed in a 220 ha area in the Bay of Marseilles in 2007 and 2008. “RECIFS PRADO” is the largest artificial reef program in the Mediterranean Sea and represents the deployment of a total volume of ~ 27 000 m3 of artificial concrete structures. Its aim is to enhance fish biomass in the surroundings of artificial reefs and consequently to sustain local small-scale coastal fisheries. This program also represents a valuable opportunity to perform a broad study of the global functioning of an artificial reef system in a coastal zone under anthropogenic influences. The present study was performed to determine the trophic structure of the reef- associated fish assemblage and the importance of artificial reef as a food supplier for fishes by the combined use of stable isotope ratios and stomach content analyses. Diets of these species were extensively studied in previous works in nearby rocky environment and seagrass meadow (Bell and Harmelin-Vivien, 1983 ; Harmelin-Vivien et al., 1989 ; Bautista-Vega et al., 2008) or in other coastal rocky environments of the Mediterranean Sea (Sala and Ballesteros, 1997 ; Pinnegar and Polunin,2000 ; Deudero et al., 2004). These data would allow a robust comparison between “natural” and “artificial” diets. Thus, the main questions addressed in this work were:

(1) Does the deployment of this artificial reef system modify the trophic structure of the

fish assemblage and species diet compared to previous data in natural environments?

(2) Are there any differences in space or time at the scale of the study?

(3) How does the coupled use of stable isotope ratios and stomach content enhance

knowledge of fish trophic patterns and allow resolution the issues linked to the use of

one method only?

7.4. Materials and Methods Fish were collected on two artificial reefs in the “RECIFS PRADO” zone in the Bay of Marseilles, France (Fig. 7 1). These large reefs (6 m high, 187 m3) are composed of steel and concrete modules and have been made more complex by the addition of bags filled with dead oyster shells (hereafter named oyster bags) creating shelters for small organisms (Charbonnel et al., 2011).Their size and complexity provide habitats of different sizes suitable for most coastal organisms and allow efficient and standardized sampling procedures. The

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two artificial reefs investigated, one in the north (V3 reef) and the other one in the south (V6 reef) of the zone, were chosen according to differences in distance from organic matter sources, such as the Huveaune River or Posidonia oceanica meadows, and to their management status (Cresson et al., 2012). The whole artificial reef zone is currently a full no- take area but the southern part will be opened to small-scale artisanal fisheries in a few years. V3 and V6 artificial reefs are separated by a distance of nearly 1.3 km and are located at 30 m depth on similar sandy bottom with dead matte of P. oceanica (underlying structure of P. oceanica meadows constituted of rhizomes and roots intermingled with sediments).

Fig. 7.1: Location of artificial reefs (V3 and V6) sampling sites in the Bay of Marseilles

A total of 339 fishes belonging to 32 species were sampled on both artificial reefs by spear fishing and trammel nets in summer and winter 2010. Species for which only one or two individuals were collected were discarded and the resulting 325 fishes belonging to 23 species (Tab. 7.1) were used for isotopic and stomach content analyses. In the laboratory, each fish was measured and weighed before dissection. White dorsal muscle was taken for isotopic analyses before freeze-drying and grinding. In temperate fishes, lipid concentration in white muscle is generally low and this tissue was demonstrated to be the most suitable for stable isotope analysis (Pinnegar and Polunin, 1999).

185 Chapitre 7 – Communautés de poissons

Tab. 7.1: Family, species, mean standard length (SL) and range (minimal and maximal length), mean weight and range (minimal and maximal weight) and number (n indiv) of fishes analysed. n Family Species SL (mm) Mass (g) indiv. Carangidae Trachurus mediterraneus 259 (236-277) 231 (215-245) 5 (Steindachner, 1868) Centracanthidae Spicara maena 131 (104-170) 62 (35-101) 10 (Linnaeus, 1758) Spicara smaris 141 (116-154) 63 (45-104) 9 (Linnaeus, 1758) Labridae Coris julis 109 (68-144) 19 (5-45) 13 (Linnaeus, 1758) Symphodus mediterraneus 109 (95-131) 41 (25-75) 5 (Linnaeus, 1758) Symphodus tinca 158 (115-213) 110 (35-250) 6 (Linnaeus, 1758) Moronidae Dicentrarchus labrax 325 (267-430) 811 (370- 1870) 4 (Linnaeus, 1758) Mullidae Mullus surmuletus 142 (91-216) 75 (20-225) 35 Linnaeus, 1758 Phycidae Phycis phycis 334 (333-335) 668 (650-685) 3 (Linnaeus, 1766) Scorpaenidae Scorpaena notata 112 (68-148) 65 (10-195) 33 Rafinesque, 1810 Scorpaena porcus 142 (84-251) 128 (25-400) 28 Linnaeus, 1758 Scorpaena scrofa 177 (124-217) 275(80-535) 5 Linnaeus, 1758 Serranidae Serranus cabrilla 139(114-169 61(25-105) 20 (Linnaeus, 1758) Soleidae Microchirus variegatus 87 (72-100) 19 (10-30) 7 (Donovan, 1808) Sparidae Boops boops 158 (101-222) 69 (30-195) 33 (Linnaeus, 1758) Diplodus annularis 123 (94-188) 66 (25-185) 48 (Linnaeus, 1758) Diplodus sargus 158 (142-195) 158 (100-285) 5 (Linnaeus, 1758) Diplodus vulgaris 115 (65-173) 76 (10-195) 20 (Geoffroy Saint-Hilaire, 1817) Pagellus acarne 118 (97-190) 47 (20-145) 20 (Risso, 1827) Pagellus erythrinus 147 (115-162) 72 (40-105) 5 (Linnaeus, 1758) Sphyraenidae Sphyraena viridensis 394 (373-414) 355 (295-395) 5 Cuvier, 1829 Synodontidae Synodus saurus 207 (161-235) 115 (40-170) 3 (Linnaeus, 1758) Triglidae Trigloporus lastoviza 148 (102-195) 76 (20-155) 3 (Bonnaterre, 1788)

186

Stable isotope measurements were performed with a continuous-flow isotope-ratio mass spectrometer (Delta V Advantage, Thermo Scientific, Bremmen, Germany). Results are 13 15 expressed in  notation relative to PeeDee Belemnite and atmospheric N2 for  C and  N,

 Rsample  3 13 15 respectively, according to the equationX   110 , where X is C or N and R  Rstandard  is the isotope ratio 13C/12C or 15N/14N, respectively. For both δ13C and δ15N, measurement precision is < 0.1‰ (replicate measurements of internal laboratory standards, acetanilide). Stomachs were removed and stored in 95 % ethanol. Prey items in stomach contents were sorted under a binocular microscope into their lowest possible taxonomic groups and their wet weight was obtained to the nearest 0.01 mg. The relative importance of prey taxa in a fish species’ diet was assessed by the percentage weight of a food type relative to the total weight of all food ingested. To assess the relative importance of the different prey types for the whole fish assemblages collected on the artificial reefs, a cumulative consumed weight was calculated for each prey type by summing prey weights ingested by all fish species. Similarly, the overall occurrence of each prey type was calculated as the percentage of fish species in which this prey was found. Hierarchical clustering based on normalized Euclidean distance and Ward’s criterion was performed first on isotopic ratios to identify species with similar isotopic ratios. The same procedure was applied independently to stomach content results to group together species having similar feeding strategies. The results of the two clustering were compared. After testing for normality (Kolmogorov-Smirnoff test) and homogeneity of variances (Levene test), ANOVA were performed to assess the effect of time (season) and space (artificial reef) on isotopic ratios. Correlation between length and isotopic ratios (13C or 15N) was assessed using linear relationship for species collected in sufficient number (n ≥ 9). When the relationship observed was significant, seasonal and spatial differences were tested using ANCOVA, with body length treated as the covariate. All statistical analyses were performed with Statistica® 9.1 software.

187 Chapitre 7 – Communautés de poissons

7.5. Results

7.5.1. Stable isotope ratios of fishes A large range of mean isotope ratios was measured for fishes collected on the artificial reefs, exceeding 2 ‰ for 13C (-19.73 to -17.66 ‰) and 7 ‰ (7.83 to 14.87 ‰) for 15N (Fig. 7.2). Six groups of species were individualized by hierarchical clustering based on their isotopic ratios (SI1 to SI6). SI1 group comprised three species (Boops boops, Spicara maena and Spicara smaris) and was characterized by the lowest values of both 13C and 15N (Table S1). Three groups (SI2 to SI4) with intermediate δ13C and δ15N values were distinguished. One (SI2) was composed of species belonging to the family Labridae (Coris julis, Symphodus mediterraneus and Symphodus tinca), and exhibited relatively low values for δ13C and δ15N. The three Diplodus species (Diplodus vulgaris, D. sargus and D. annularis) clustered together in the SI3 group, and exhibited relatively high 15N values. The SI4 group, comprising 11 species, was heterogeneous and displayed high 13C (from - 18.36 to -17.66 ‰) and intermediate δ15N values (from 9.76 to 10.73 ‰). Sphyraena viridensis clustered apart in the SI5 group with low δ13C but rather high δ15N (> 11‰). Finally, two species, Dicentrarchus labrax and Trachurus mediterraneus, formed the SI6 group, which was characterized by the highest δ15N ratios (> 13‰).

188

Fig.7.2: Mean isotopic ratios (13C and 15N) of fishes sampled on artificial reefs. Species grouped together by the hierarchical clustering analysis based on stable isotope ratios are represented with similar symbols (square: SI1; circle: SI2; triangles: SI3, diamonds: SI4, black square: SI5; crosses: SI6). Species with similar diet are represented with similar color (black: zooplankton feeders; green: rocky bottom mesocarnivores; red: soft bottom mesocarnivores; purple: macrocarnivores; brown: benthic piscivores; light blue: pelagic piscivores). For graphical convenience, standard deviations are not plotted and the names of some species are abbreviated (S. medit: Symphodus mediterraneus, M. sur: Mullus surmuletus, P. ery: Pagellus erythrinus, P. phy: Phycis phycis)

189 Chapitre 7 – Communautés de poissons

Significant linear relationships between body length and stable isotope signatures were observed for only four species (D. annularis, r = 0.62, p < 0.001 for 15N; Mullus surmuletus, r = 0.51, p < 0.001 for 15N; S notata, r = 0.51, p < 0.001 for 13C; Spicara maena, r = 0.75, p < 0.001 for 13C; r = -0.51, p = 0.01 for 15N). Spatial or seasonal variations of stable isotope ratios were scarce and were observed in only four fish species, either for δ13C or δ15N (Table 7.2). No significant variation for either δ13C or δ15N was observed among fish species in space (reef) or time. A slight spatial difference was observed in M. surmuletus for δ15N with a higher value at V6 than V3. Seasonal variations were observed in three species (Spicara maena for δ13C and Scorpaena porcus and Spicara smaris for δ15N.

Tab. 7.2: Significant spatial or seasonal variations of mean isotopic ratios (δ13C and δ15N) of fishes on Marseilles’ artificial reef (n ≥ 9). S: summer, W: winter. P test significance (*** for p-value ≤ 0.001, ** for p-value ≤ 0.01, * for p-value ≤ 0.05). Post-Hoc: results of post-hoc comparison of means Factor Values (‰) test Statistics P Post-Hoc n indiv Species δ13C S: -19.68 ± 0.27 10 Spicara maena Season ANCOVA 7.69 * S < W W: -19.18 ± 0.12

δ15N

S: 9.57 ± 0.35 28 Scorpaena porcus Season ANOVA 9.03 ** S < W W: 9.94 ± 0.40 S: 9.26± 0.02 9 Spicara smaris Season ANOVA 9.29 * S > W W: 8.42 ± 0.78

V3: 9.83 ± 0.84 35 Mullus surmuletus Reef ANCOVA 4.29 * V3 < V6 V6: 10.03 ± 0.46

7.5.2. Stomach content analysis The analysis of stomach contents revealed the overall importance of crustaceans and fishes as prey for the whole fish assemblage collected on the artificial reefs of Marseilles (Fig. 7.3). Crustaceans were the most frequent prey item consumed (80 % of occurrence), followed by molluscs (61 %) and polychaetes (52 %).

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Fig. 7.3: Percentage of occurrence (full bars) and cumulative weight (hatched bars) of the main taxonomic groups of prey consumed by all the fish species analysed. Preys with minor importance are presented in grey and their names are shortened (Foram: foraminiferans; Bryo: bryozoans; Hydroz: hydrozoans; Cnid: cnidarians)

However, fish was the most important prey by weight, followed by crustaceans and primary producers (macroalgae and P. oceanica). Five feeding groups were identified by hierarchical clustering on stomach contents (Tab. 7.3, Fig. 7.4): “zooplankton feeders”, “soft bottom mesocarnivores”, “rocky bottom mesocarnivores”, “macrocarnivores” and “piscivores”. Feeding group designation took into account not only differences in prey consumed, but prey size (larger in macro- than in mesocarnivores) and habitat (water column, soft and hard bottom). Stomach content analysis generally revealed a similarity of feeding patterns within each cluster identified by stable isotope analysis, but full concordance between feeding and isotopic groups occurred only for zooplankton feeders (Tab.7.3).

191

Chapitre 7 – Communautés de poissons

Fig. 7.4: Hierarchical clustering tree of stomach content analysis. Groups SI1 to SI6 represent the groups formed by the hierarchical clustering on stable isotope ratios

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The three species of the SI1 group (B. boops, S. maena and S. smaris) fed mainly on zooplanktonic crustaceans (particularly copepods), even if slight differences could be observed between them. The diets of S. maena and S. smaris were almost exclusively composed of zooplanktonic crustaceans (> 75 %), whereas B. boops displayed a more diverse diet, including fish eggs, gastropods, macroalgae and P. oceanica in addition to zooplanktonic crustaceans. Rocky bottom mesocarnivores belonged to two different isotopic groups, SI2 for labrids and SI3 for Diplodus spp. Labrid species consumed mainly bivalves and polychaetes, but in different proportions (Tab. 7.3). S. tinca consumed mostly polychaetes and to a lesser extent bivalves and gastropods, while bivalves dominated the diets of C. julis and of S. mediterraneus (86 % and 45 % respectively). The diets of the three Diplodus species (SI3) were more diverse and sessile organisms (macroalgae, ascidians, bryozoans, cnidarians and hydrozoans) were largely consumed. However, each species appeared to rely mainly on one food item, primary producers for D. annularis, polychaetes for D. sargus and, to a lesser extent, ascidians for D. vulgaris. Soft bottom mesocarnivores all belonged to the SI4 isotopic group. Stomach contents of M. variegatus, M. surmuletus, P. acarne, P. erythrinus and T. lastoviza were mainly composed of echinoderms and small benthic crustaceans, along with additional prey like polychaetes or cephalopods (Fig.7.5).

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Chapitre 7 – Communautés de poissons

Tab. 7.3: Weight percentages for prey taxa in stomach content, preys representing less than 1% are presented with + symbol. Trophic group determined by hierarchical clustering on stomach contents. Zoo: Zooplankton feeders, MesoRB: Rocky bottom mesocarnivores, MesoSB: Soft bottom mesocarnivores, Macroc: macrocarnivores, Pisc: piscivores. SI group: group resulting from the clustering analysis on SI ratios. Prim prod: primary producers, Cepha: cephalopods, Gastr: gastropods, Bival: bivalves, Polyc: polychaetes, Zoopk: zooplanktonic crustaceans, Crust: benthic crustaceans, Echin: echinoderms, Ascid: ascidians. Groups with minor contribution were pooled in “Others” and represented by superscript letters (b: bryozoans, c: cnidarians, h: hydrozoans, f: foraminiferans, u: unidentified matter). Trophic Species SI group Prim prod Cepha Gastr Bival Polyc Zoopk Crust Echin Ascid Fish Others group Boops boops Zoo 1 4 - 10 1 - 69 - - - 14 2 c+u Spicara smaris Zoo 1 2 - 20 - - 78 - - - - - Spicara maena Zoo 1 - - - - 9 91 - - - - -

Coris julis MesoRB 2 - - + 86 3 - 11 - - - - Symphodus tinca MesoRB 2 - - 10 21 41 - 8 - - - 29b+f+u S. mediterraneus MesoRS 2 3 - 6 47 + - 6 37u Diplodus annularis MesoRB 3 87 - + + + - + - 2 6 2 b+h+f+u Diplodus sargus MesoRB 3 6 - + 1 86 - - - 7 - - Diplodus vulgaris MesoRB 3 - - 6 - 10 - - 8 47 - 29 b+h

Microchirus variegatus MesoSB 4 - - 11 - 21 - 19 49 - - - Mullus surmuletus MesoSB 4 2 - + 13 13 - 47 24 - - +u Pagellus acarne MesoSB 4 3 - 6 6 7 - 20 56 2 - - Pagellus erythrinus MesoSB 4 - - 32 - - - 45 24 - - - Trigloporus lastoviza MesoSB 4 - 62 - - - - 38 - - - -

Scorpaena notata Macroc 4 - - - 3 - - 97 - - - - Scorpaena porcus Macroc 4 + - - - + - 99 - - - - Serranus cabrilla Macroc 4 - - - - + - 91 - - 9 -

Synodus saurus Pisc 4 ------100 - Scorpaena scrofa Pisc 4 ------15 - - 85 - Phycis phycis Pisc 4 ------4 - - 96 - Sphyraena viridensis Pisc 5 ------+ - - 100 - Dicentrarchus labrax Pisc 6 ------100 - Trachurus mediterraneus Pisc 6 ------1 - - 99 -

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All macrocarnivores also belong to the SI4 group. The main prey observed in S. notata, S. porcus and S. cabrilla were large benthic crustaceans (brachyurans for S. notata and S. porcus, carids for S. cabrilla, Fig. 7.5). The highest discrepancy between isotopic and feeding clustering occurred for piscivores which were part of three different isotopic groups (SI4, SI5 and SI6). Thus, Synodus saurus, Scorpaena scrofa and Phycis phycis (SI4), Sphyraena viridensis (SI5), and Dicentrarchus labrax and Trachurus mediterraneus (SI6) displayed largely different isotopic signatures while all preying mainly on fishes (> 85 %, Tab. 7.3, Fig. 7.5).

Fig. 7.5: Food spectra of nine species belonging to the SI4 group according to similar SI ratios, but to three trophic groups according to different diets.

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Chapitre 7 – Communautés de poissons

7.6. Discussion

7.6.1. Trophic structure of fish assemblages With the exception of gobiids, blennids and pomacentrids which could not be sampled due to their small size, the present study analysed the majority of the fish species observed by underwater visual censuses on the artificial reefs in the Bay of Marseilles(Rouanet et al., 2012). Our sampling could thus be considered to be representative of the whole fish assemblage occupying the artificial reefs, and also to be consistent with natural fish communities. The fish assemblage recorded on the artificial reefs was comparable to those observed in natural Mediterranean environments, and the most abundant species (sparids, scorpaenids, serranids or mullids) included in our study were also dominant in natural rocky habitats (Harmelin, 1987 ; Fasola et al., 1997). Fishes sampled on the artificial reefs of Marseilles displayed a large range of isotopic ratios (~ 2 ‰ for 13C and 7 ‰ for 15N) similar to those observed in previous studies of the entire fish assemblage in natural Mediterranean coastal rocky environments when isotopic ratios of the entire fish community were considered (Jennings et al., 1997 ; Pinnegar and Polunin, 2000). Diets were also consistent with previous studies performed in nearby rocky environments or in other rocky environments in the Mediterranean. Stomach contents and low isotopic values observed for the three species of SI1 group (B. boops, S. smaris and S. maena) placed them at the lowest trophic level on the artificial reefs, in the cluster of secondary consumers specialized on zooplanktonic organisms, as already observed in previous studies (Pinnegar and Polunin, 2000 ; Vizzini and Mazzola, 2009). The different proportions of zooplankton and vegetal material in the diet of the three species may explain the differences of isotopic ratios within this cluster and were consistent with previous results reporting a more opportunistic feeding in B. boops (Fasola et al., 1997 ; Derbal and Kara, 2008). The comparable δ13C ratios between these plankton feeders and S. viridensis (SI5), along with a ~ 3 ‰ higher δ15N, suggest a consumption of zooplanktivorous fishes by this piscivore. Indeed, (Kalogirou et al., 2012) report a high consumption of B. boops and S. smaris by S. viridensis. Species from groups SI2 (labrids) and SI3 (Diplodus spp.), while exhibiting different isotopic ratios, were gathered in the same feeding cluster of rocky bottom mesocarnivores. Labrids mainly consumed small benthic invertebrates like molluscs and polychaetes. C. julis is known to prey on gastropods and crustaceans (Quignard, 1966), juvenile echinoderms (Sala, 1997) or bivalves (Bell and Harmelin-Vivien, 1983). The diets of S. tinca and

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S. mediterraneus are similar and are composed of small crustaceans, bivalves, gastropods and polychaetes (Bell and Harmelin-Vivien, 1983). The rather low isotopic ratios observed for these species were consistent with the consumption of small low trophic level invertebrates, placing these fishes at an intermediate trophic level. Diplodus spp. can be considered as omnivores as they presented a diversified diet, feeding on a large range of prey, from primary producers to fishes and with a high consumption of diverse sessile invertebrates. Omnivory of Diplodus species has previously been well documented (Rosecchi, 1987 ; Sala and Ballesteros, 1997). D. vulgaris and D. sargus are known to be more carnivorous than D. annularis which may consume vegetal material in higher proportions (Rosecchi, 1987 ; Derbal et al., 2007). The 15N recorded in Diplodus spp. was surprisingly high for species consuming small invertebrates and primary producers, as their δ15N was higher than those of carnivorous species like S. porcus. A similar pattern has previously been observed between δ15N ratios measured in Diplodus spp. and S. porcus in Mediterranean rocky environments. In Formentera, Balearic Islands, D. annularis displays a higher δ15N ratio than S. porcus (9.44 ‰ and 8.93 ‰ respectively, Deudero et al. (2004)). In the Bay of Calvi, Corsica, Pinnegar and Polunin (2000) also reported higher δ15N ratios for D. annularis and D. sargus than for S. porcus (8.39, 9.13 and 7.93 ‰ respectively). These authors explained such high δ15N values by the consumption of fishes by Diplodus, but have not analysed fish stomach contents. Such an explanation is likely not pertinent here due to the minor importance of fish in the diet of Diplodus spp collected in the artificial reefs, and is confirmed by other studies on their feeding habits (Bell and Harmelin-Vivien, 1983 ; Sala and Ballesteros, 1997 ; Derbal et al., 2007). The high δ15N values observed for Diplodus spp. may be linked with a high fractionation factor between diet and fish tissues, as the fractionation factor has recently been demonstrated to be more variable than the theoretical 3.4 ‰ per trophic level, and higher for herbivorous fishes (Mill et al., 2007). In Formentera and Calvi, the δ15N ratios of the Diplodus species were ~ 0.5 ‰ higher than those of S. porcus. The difference was higher on the artificial reefs of Marseilles (~ 2.5 ‰), but the δ15N values of the primary producers in the Bay of Marseilles were also ~ 2‰ higher than in the pristine site of the Bay of Calvi, probably due to the impact of anthropogenic nitrogen (Pinnegar and Polunin, 2000 ; P. Cresson, unpubl. data). In spite of the consumption of crustaceans in diverse proportions, fish species of the SI4 group belonged to three trophic groups: soft bottom mesocarnivores, macrocarnivores and piscivores. The soft bottom mesocarnivores (M. variegatus, M. surmuletus, P. acarne, P. erythinus and T. lastoviza) preyed mainly on echinoderms and small crustaceans, along with other diverse prey such as molluscs or polychaetes. This pattern 197

Chapitre 7 – Communautés de poissons is consistent with previous results reporting the consumption of similar benthic and suprabenthic groups of prey, for example by Pagellus spp.(Fehri-Bedoui et al., 2009 ; Fanelli et al., 2011) or Mullus surmuletus (Bautista-Vega et al., 2008) The diet of the macrocarnivores (S. notata, S. porcus and S. cabrilla) was also composed of crustaceans, but of larger individuals (brachyurans and carids), and in larger proportions (more than 90 % of the ingested prey weight) than in the mesocarnivores. The food partitioning previously demonstrated among them could explain their relative isotopic ratios (Bell and Harmelin- Vivien, 1983 ; Harmelin-Vivien et al., 1989 ; Morte et al., 2001). S. porcus and S. notata, which fed mainly on brachyurans, displayed higher 13C ratio than S. cabrilla, which consumed more carids. The future determination of isotopic ratios of consumers, particularly of crustaceans, will allow a better understanding of the isotopic ratios of these diverse carnivorous fishes. Three species of the SI4 group preyed mainly on fishes (S. saurus, S. scrofa and P. phycis). Their δ15N values similar to crustacean-eating species may appear surprising for fish consumers, which are considered to be at the highest trophic level in the Mediterranean (Stergiou and Karpouzi, 2002). This can be explained by the consumption of fishes from low trophic level by S. saurus, S. scrofa and P. phycis. For example, remains of S. maena, C. julis and S. tinca were observed in the stomach contents of P. phycis sampled on the artificial reefs, and previous works have reported the consumption of B. boops, Spicara spp. or C. chromis by S. saurus and S. scrofa in natural environments (Esposito et al., 2009 ; Šantić et al., 2011). Finally, the two species from SI6 cluster were high trophic level piscivores, as confirmed by the predominance of fish remains in their stomach contents and by their high 15N isotopic ratios. T. mediterraneus and D. labrax preyed on fishes from higher trophic levels and are commonly considered as top predators (Pasquaud et al., 2010 ; Rogdakis et al., 2010). However, these species are large range transient fishes and their measured isotopic ratios are likely representative of the consumption of prey from both the artificial reefs and the surrounding environments. All these results showed that the deployment of artificial reefs did not modify the trophic functioning of the fish assemblage compared to natural rocky environments, in situations where there were no, or only slight, differences in fish diets. The trophic groups usually found in Mediterranean rocky environment were identifiable on the artificial reefs, with similar trophic relationships.

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7.6.2. Interest of coupling stomach contents and stable isotope ratios Carbon and nitrogen stable isotope ratios have been widely used to assess trophic patterns in fish communities, sometimes replacing time-consuming stomach content analysis. In this approach, δ15N is commonly considered as a direct indicator of the trophic position of an individual. However, as the δ15N of a consumer results from the isotopic ratio of its diet and from a fractionation factor, this direct interpretation has to be made with caution when no data on these parameters are available. The comparison of results issued from both stable isotope and stomach content analyses remains a useful tool to clarify trophic relationships, especially given that different prey types may present similar isotopic signatures (Layman et al., 2012). Moreover, due to their high trophic position, the isotopic ratio of high trophic level consumers integrate all the variability of the isotopic ratios of the lower trophic level organisms they consume (Chouvelon et al., 2012). In the Mediterranean Sea, piscivorous species are considered to represent the highest trophic level for fishes, displaying a mean value close to 4 (Stergiou and Karpouzi, 2002). In the present study, different isotopic ratios were recorded in the six piscivorous species analysed. Considering their δ15N values, these species appeared to occupy at least two trophic levels. Four species exhibited δ15N between 10 and 11 ‰ (benthic species: S. scrofa, P. phycis, and S. saurus, and one pelagic S. viridensis) and the two others a δ15N higher than 13 ‰ (T. mediterraneus and D. labrax). The diets of the low-δ15N species were mainly based on small or juvenile individuals and on zooplanktivorous species, all of which belong to the lower trophic level fish species (Esposito et al., 2009 ; Šantić et al., 2011 ; Kalogirou et al., 2012). On the contrary, T. mediterraneus and D. labrax, considered as “top predator” species, prey mainly on larger and higher trophic level species. Using the specific 3.8 ‰ fractionation factor proposed for fish muscle δ15N by (Sweeting et al., 2007), D. labrax prey should exhibit δ15N values close to 10 ‰, similar to those of piscivorous and macrocarnivorous fish species. Thus, the similar trophic level value of ~ 4 proposed by (Stergiou and Karpouzi, 2002) for all fish-eating species can be questioned, since “piscivorous” is not always synonymous with “top-predator”, and because some strictly piscivorous species can display a trophic level lower than 4, similar to those of macro- or mesocarnivorous species (Fig. 7.6).

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Chapitre 7 – Communautés de poissons

Fig. 7.6: Mean and standard deviation of theoretical trophic levels and δ15N of fish trophic groups. Theoretical trophic levels were calculated based on values found in the literature (refer to Tab. 7.4 for values and references). Piscivores were divided into two groups so as to take habitat into account, benthic piscivores include S. saurus, S. scrofa and P. phycis (brown triangle), pelagic piscivores include D. labrax, T. mediterraneus and S. viridensis (blue triangle). Meso SB: Soft bottom mesocarnivores (red circle). The rocky bottom mesocarnivores were divided into labrids (white circle) and Diplodus spp. (green circle) according to their different isotopic ratios.

On the contrary, higher trophic level values (4.6) are proposed by Rogdakis et al. (2010) for the largest sea bass D. labrax of a Greek lagoon. The case of Diplodus species also required a careful interpretation of stable isotope ratios as a direct indicator of trophic level. A simplistic interpretation of the high δ15N ratio of these species could place them in a high trophic position, just below the piscivorous D. labrax and T. mediterraneus. Such a position was incongruous with their omnivorous feeding pattern (large amounts of vegetal matter and

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sessile invertebrates, along with diverse other prey). This high δ15N was also surprising in comparison with those of the labrid species, which exhibit a comparable diet (Fig. 7.6). The ~ 11 ‰ value observed for the δ15N of the three Diplodus species was ~ 2 ‰ higher than the value observed for the labrid species. In this case, taking the 3.4 ‰ trophic fractionation factor into account appeared to be misleading (Post, 2002). Recent studies propose higher values for herbivorous species and explain them through the differences in the enzymatic and digestive systems of herbivorous species (Mill et al., 2007). The higher δ15N ratio observed was not equivalent to high trophic level fishes, but was more coherent to the diet actually observed for these species. In this case, due to the effect of trophic fractionation factor, the δ15N was not a direct indicator of the trophic level of the fish. The isotopic ratios measured for a consumer result partly from the isotopic ratios of its diet, so determination of these values can provide insights into the trophic ecology of the species. However two species can exhibit similar isotopic ratios but rely on different food sources, if these sources display the same stable isotopic ratios, or if the fractionation factor compensates for the difference between the sources’ isotopic ratios. A good knowledge of these two parameters is thus crucial for a correct interpretation of the isotopic ratio of a consumer and for determining its trophic position. If not, a coupled approach (stable isotope and stomach content) is needed, as pointed out by different authors (Badalamenti et al., 2000 ; Fanelli et al., 2011 ; Layman et al., 2012). The results obtained in the present study also promote this coupling of techniques, as they brought different information. The use of only one technique can lead to a misinterpretation of the trophic patterns, as shown by the discrepancies observed between clusterings based on isotopic and stomach content data.

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Chapitre 7 – Communautés de poissons

Tab. 7.4: Theoretical trophic level (TL) and δ15N (‰) values for the fish species sampled on the artificial reefs in Marseilles. Superscript letters stand for the reference used for the calculation of TL. Based on isotopic ratios, rocky bottom mesocarnivores were divided into two groups (labrids and Diplodus spp.), piscivores were split in two according to their habitat (benthic and pelagic) Theoretical Trophic groups Species δ15N (‰) Trophic Level Zooplanctivores Boops boops 2.5 a 8.46 Spicara smaris 3.0 a 8.61 Spicara maena 3.2 a 7.83 Mean 2.8 ± 0.3 8.28 ± 0.51

Labrids Coris julis 3.3 a 9.74 Symphodus tinca 3.3 a 9.55 S. mediterraneus 3.2 a 9.17

Mean 3.3 ± 0.1 9.50 ± 0.50

Diplodus spp. Diplodus annularis 3.4 a 11.72 Diplodus sargus 3.4 a 11.54 Diplodus vulgaris 3.1 a 11.59

Mean 3.3 ± 0.2 11.65 ± 1.31

Soft bottom Microchirus variegatus 3.4 b 10.20 mesocarnivores Mullus surmuletus 3.3 a 9.94 Pagellus acarne 3.7 a 10.64 a Pagellus erythrinus 3.3 10.81 Trigloporus lastoviza 3.5 a 9.76 Mean 3.4 ± 0.2 10.30 ± 0.71

Macrocarnivores Scorpaena notata 3.5 a 10.15 Scorpaena porcus 4.0 a 9.74 Serranus cabrilla 3.4 a 9.79 Mean 3.6 ± 0.3 9.89 ± 0.43

a Benthic piscivores Scorpaena scrofa 4.1 10.06 Synodus saurus 4.5 c 10.50 Phycis phycis 4.1 a 10.73 Mean 4.2 ± 0.2 10.30 ± 0.53

d Pelagic piscivores Dicentrarchus labrax 4.3 13.92 Trachurus mediterraneus 3.5a 14.87 Sphyraena viridensis 4.3e 11.07 Mean 4.0 ± 0.5 13.34 ± 2.29 a :Stergiou and Karpouzi (2002); b: Darnaude (2005); c: Soares et al. (2003); d:Rogdakis et al. (2010); e: Barreiros et al.(2002)

7.6.3. Use of artificial reef resources by fishes Understanding the importance of trophic relationships among the multiple factors ruling interactions between fishes and artificial structures has been at the core of numerous studies (Steimle and Ogren, 1982 ; Relini et al., 2002 ; Sànchez-Jerez et al., 2002 ; Fabi et al., 2006). The present study highlighted the importance of the trophic role of crustaceans in

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artificial reef functioning, as they represented the most commonly ingested prey type and the second most important by weight. These results confirm the major role of crustaceans in fish diets on artificial reefs (Relini et al., 2002 ; Leitão et al., 2007), as well as in natural marine environments (Harmelin-Vivien, 1983). The presence of crustacean species, such as Pilumnus hirtellus, Alpheus spp. or Athanas spp. in both stomach contents and oyster bags (P. Cresson pers. obs.), along with direct visual observations, testified to the use of artificial reef food resources. The increase in artificial reef complexity, with oyster bags providing shelter for small invertebrates, increased the quantity of food available to fish, as observed in other sites (Charbonnel et al., 2002). Low spatial variations were detected in the stable isotope ratios of fishes between V3 and V6. While differences in the isotopic ratios of organic matter pools (Cresson et al., 2012) and benthic invertebrates (P. Cresson, unpubl. data) are observed between these two reefs, they were not propagated up to fishes. Located at both ends of the reef zone, V3 and V6 are only ~1 km apart, with numerous other reefs between them. It may be hypothesized that fish movements were widespread and frequent enough to homogenize the isotopic signatures, suggesting a uniform trophic functioning of the artificial reef zone. Temporal variations of stable isotope ratios were limited to three species, but, due to the low number of individuals collected in two species, could be confidently related to diet for Scorpaena porcus only. The proportion of brachyurans in the diet of S. porcus was higher in winter (80 %) than in summer (60 %), which may explain the winter increase in fish δ15N. Such a modification in feeding patterns was previously observed by (Harmelin-Vivien et al., 1989), and linked to both feeding variations and juvenile recruitment in winter. Understanding the seasonal variations of a whole fish assemblage in an open system such as the artificial reef zone is complex. Multiple factors such as fish migration (arrival or departure), ontogenetic diet shifts, modification of physiological status and variations of the isotopic signatures of prey, occur all year round and influence the isotopic ratios of fishes. A full comprehension of the trophic functioning of the artificial reef zone requires the analysis of the isotopic ratios of all fish prey, and particularly of invertebrates.

7.7. Acknowledgments All fishes sampled with trammel nets were taken during experimental fishing by J.-Y. Jouvenel and members of P2A Développement team to whom we are grateful. Thanks are also expressed to B. de Ligondes F. Zuberer, G. Bleton (Scuba diving crew, OSU Pytheas) and to F. Morat for their valuable help during field sampling, especially in winter. Stable 203

Chapitre 7 – Communautés de poissons isotope analyses were performed by P. Richard and G. Guillou (LIENSs laboratory, Université de la Rochelle). We also want to thank the “GIS POSIDONIE” team for providing underwater censuses results and for valuable discussions and comments. English corrections of a previous version of the manuscript were done by Rachel Mackie. This work is part of the ‘‘RECIFS PRADO’’ program developed by the city of Marseilles and was funded by a PhD grant from Agence de l’Eau Rhône-Mediterranée-Corse.

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7.8. Données supplémentaires L’utilisation d’outils mathématiques de caractérisation isotopique des communautés peut apporter des informations complémentaires dans la compréhension des comportements alimentaires des espèces de poissons étudiées, et des groupes isotopiques et trophiques définis précédemment. Ils peuvent également permettre de mieux appréhender les variations spatiales et temporelles de l’utilisation de la MO à l’échelle du peuplement de poissons. Pour cela, deux approches seront utilisées. Dans un premier temps, la caractérisation des surfaces occupées par chaque groupe (isotopique ou trophique) permettra de décrire les mécanismes trophiques spécifiques à chaque groupe. Cette approche se base sur le fait que les signatures isotopiques des organismes sont en grande partie liées à leur alimentation, et donc que l’aire occupée par ces individus dans l’espace isotopique δ13C – δ15N, appelée niche isotopique, reflète la diversité trophique des organismes de la communauté. Il est cependant nécessaire de rester prudent quant à l’utilisation de cette niche isotopique comme un proxy de la niche trophique, voire même de la niche écologique, telle qu’elle a été récemment proposée (Bearhop et al., 2004 ; Newsome et al., 2007 ; Rodriguez et Herrera, 2013). En effet, la similarité des signatures isotopiques n’est pas toujours synonyme d’une alimentation similaire (Layman et al., 2012). Pour autant, la niche isotopique occupée par chacun des groupes de poisson des récifs artificiels (issus des classifications hiérarchiques sur les signatures isotopiques ou sur les contenus stomacaux) sera caractérisée en utilisant les valeurs d’aires des ellipses standard et de la surface totale occupée, chacune de ces surfaces apportant des informations différentes. Les ellipses standard sont l’équivalent bivarié de la moyenne et de l’écart type pour l’approche univariée. Elles apportent une information sur le fonctionnement moyen de chaque groupe, dans la mesure où elles sont peu sensibles aux points extrêmes (Layman et al., 2012). Le développement récent d’estimateurs bayésiens de cette aire permet également de propager l’incertitude liée à l’échantillonnage et de s’affranchir des biais liés aux différences d’effectifs (Jackson et al., 2011). D’un autre côté, l’aire totale, dont le tracé passe par les points les plus extrêmes, permet de tenir compte de l’ensemble des individus pour chaque groupe, et donc d’apporter des informations sur la variation individuelle de l’alimentation de chaque espèce dans le groupe. Dans un deuxième temps, les six métriques isotopiques définies par Layman et al. (2007) seront calculées pour caractériser le fonctionnement trophique global de la communauté de poissons des récifs artificiels et apporter des informations complémentaires

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires sur les variations spatiales et saisonnières de ce fonctionnement. Afin de prendre en compte la variabilité de ces mesures et de s’affranchir des biais liés à l’effectif, ces calculs seront également effectués en utilisant l’approche d’estimation bayésienne de ces indices développée au sein du package SIBER (Jackson et al., 2011). Ces outils (niches isotopiques et métriques de communauté) seront appliqués de manière similaire aux groupes isotopiques et trophiques. En effet, les résultats obtenus précédemment ont montré la complémentarité des informations apportées par les deux classifications, par exemple pour séparer au sein du groupe des mésocarnivores les Diplodus (IS 3) des labridés (IS 2), ou alors pour différencier les piscivores benthiques (intégrés au groupe IS 4) des piscivores pélagiques (IS 5 et IS 6)

7.8.1. Relations trophiques entre les groupes trophiques – ellipses Dans cette partie l’étude des relations trophiques entre les différents groupes est effectuée par l’analyse des surfaces et des recouvrements entre les aires correspondant à chaque groupe. L’analyse des tailles des ellipses et des aires totales permet de mettre en évidence trois types de groupes (Fig.7.7) Deux groupes se caractérisent tout d’abord par des ellipses standard de faible taille, les zooplanctonophages et les macrocarnivores. Pour ces deux groupes, les valeurs centrales (0.65 ‰² pour les deux groupes) et les intervalles de crédibilité à 95 % de la surface de l’ellipse standard sont comparables (entre 0.53 et 0.82 pour les zooplanctonophages, entre 0.54 et 0.76 pour les macrocarnivores). La surface de leur aire totale d’occupation est assez limitée (3.0 ‰² pour les deux groupes), soit 3 à 4 fois la surface de l’aire de l’ellipse. Des différences apparaissent pour les deux groupes de mésocarnivores. L’aire de l’ellipse occupée par les mésocarnivores de substrat meuble (mode : 1.20 ‰², intervalle à 95 % entre 1.2 et 1.43) est plus limitée que celle des mésocarnivores de substrat dur (mode : 4.0 ‰², intervalle à 95% entre 3.47 et 4.76‰). L’aire totale occupée par les mésocarnivores de substrat meuble est également plus faible (8.2‰² contre 28.6 ‰²), mais le rapport entre aire standard et aire totale est assez comparable entre les deux groupes (~7 – 8). Enfin, le groupe des piscivores montre une aire standard (mode : 8.6 ‰², intervalle à 95 % entre 6.93 et 11.2‰²) et une aire totale (31.56 ‰²) beaucoup plus élevées que celles de tous les autres groupes. L’aire totale représente 3 fois l’aire de l’ellipse. Cette aire standard importante semble être liée à la variabilité liée aux piscivores pélagiques (D. labrax, S. viridensis et T. mediterraneus). Le même calcul appliqué en séparant ces espèces des trois

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espèces benthiques (P. phycis, S. scrofa et S. saurus) montre ainsi une variabilité faible pour les espèces benthiques, comparables à celle des zooplanctonophages ou des macrocarnivores, mais confirme la grande différence qui existe pour les trois espèces pélagiques.

Fig. 7.7 : Représentation (a) des différents groupes trophiques dans l’espace isotopique δ13C – δ15N et (b) des aires associées à chaque surface. Dans le graphique du haut, les traits en pointillés représentent la surface totale couverte par chaque groupe, l’ellipse en trait plein l’ellipse standard (SEAc), et le triangle le centroïde du nuage de points de chaque groupe. L’aire totale associée à chaque groupe est représentée dans le graphique (b) par les carrés, les boxplot représentent les intervalles de crédibilité des probabilités à 95, 75 et 50 % associées à l’aire de l’ellipse standard. Pour des raisons graphiques, l’axe des ordonnées est coupé entre 15 et 25‰2, et les ellipses des piscivores benthiques et pélagiques ne sont pas représentées.

L’analyse des zones de recouvrement montre que le groupe des zooplanctonophages est le seul à n’avoir aucune zone partagée avec un autre groupe (Tab.7.5). Les 4 autres groupes sont impliqués dans 6 zones de recouvrement plus ou moins importantes. Le groupe des piscivores occupe ainsi au minimum 68 % de l’aire des 3 groupes de carnivores, et occupe la presque totalité de l’aire des mésocarnivores de substrat meuble. Le recouvrement est également important entre les macrocarnivores et les mésocarnivores de substrat meuble (74 % de l’aire des macrocarnivores).

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires

Tab.7.5 : Pourcentages de recouvrement entre ellipses standard des différents groupes trophiques (une valeur nulle de recouvrement est représentée par un tiret) La valeur correspond au pourcentage de recouvrement du groupe en ligne par le groupe en colonne. Ainsi 92 % et 13 % signifient que l’aire de recouvrement entre mesocarnivores de substrat meubles et piscivores représente 92 % de l’aire des mesocarnivores de substrat meuble, et 13% de l’aire des piscivores. Mésocarnivores Mésocarnivores Zooplanctonophages substrat Macrocarnivore Piscivores substrat dur meuble Zoopk - - - -

Mesoc SM - 13 74 13

Mesoc SD - 44 5 42

Macroc - 40 5 5

Pisciv - 92 81 68

Le même type de calculs a été effectué en utilisant les 6 groupes isotopiques issus de la classification hiérarchique basée sur les signatures isotopiques des poissons (Fig. 7.8) Pour 4 groupes (IS 1, IS 2, IS 4, et IS 5), les aires sont relativement faibles. Les valeurs les plus faibles sont obtenues pour le groupe IS 1, qui regroupe B. boops, S. smaris et S. maena (valeur modale 0.65‰², intervalle à 95 % entre 0.53 et 0.82 ‰², aire totale : 2.93 ‰²). Les deux groupes IS 2 (labridés) et IS 4 (regroupant les mesocarnivores de substrat meuble, les macrocarnivores et les piscivores benthiques) ont des aires standards et des intervalles à 95 % comparables mais le groupe IS 4 diffère par la très grande surface de son aire totale (~ 10 ‰²) soit près de 10 fois la surface de l’aire standard. Le groupe IS 5 (Sphyraena viridensis) montre une aire standard légèrement supérieure (valeur modale 1.67‰², intervalle à 95 % compris entre 0.95 et 3.36 ‰²) et une aire totale à peine plus vaste que son aire standard (2.32 ‰²).

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Fig. 7.8 : Représentation (a) des 6 groupes isotopiques dans l’espace isotopique δ13C – δ15N et (b) des aires associées à chaque surface. Dans le graphique du haut, les traits en pointillés représentent la surface totale couverte par chaque groupe, l’ellipse en trait plein l’ellipse standard (SEAc), et le triangle le centroïde du nuage de points de chaque groupe. L’aire totale associée à chaque groupe est représentée dans le graphique (b) par les carrés, les boxplots représentent l’intervalle de crédibilité à 95, 75 et 50 % des probabilités associées à l’aire de l’ellipse standard

Pour les deux derniers groupes les aires occupées sont beaucoup plus élevées. Le groupe IS 3 (Diplodus spp.) occupe ainsi une aire standard de 3.98 ‰² (intervalle à 95% entre 3.27 et 4.81‰²) et une aire totale de 24.73 ‰² (~ 6 fois l’aire standard). Enfin, l’espace occupé par le groupe IS 6 (T. mediterraneus et D. labrax) est le plus important. L’aire de l’ellipse standard associée à ce groupe est de 11.4 ‰² (intervalle à 95% entre 7.58 et 17.2 ‰²) et l’aire totale est de 27.83‰² (~2 fois l’aire de l’ellipse standard). L’analyse des zones de recouvrement montre à nouveau que le groupe IS 1 ne partage aucune zone avec aucun autre groupe (Tab. 7.6). Il n’y a par ailleurs que trois zones de recouvrement (IS 2 et IS 4, IS 3 et IS 5, IS 3 et IS 6). Les pourcentages de recouvrement représentent une surface assez faible (maximum 25%) sauf pour le recouvrement entre IS 3 et IS 5, qui consituent près de 60 % de la surface du groupe IS 5. 209

Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires

Tab.7.6 : Pourcentages de recouvrement entre ellipses standard des différents groupes (une valeur nulle de recouvrement est représentée par un tiret) La valeur correspond au pourcentage de recouvrement du groupe en ligne par le groupe en colonne. Ainsi 25 % et 59 % signifient que l’aire de recouvrement entre les groupes IS 3 et IS 5 représente 25 % de l’aire du groupe IS 3et 59 % de l’aire du groupe IS 5. IS 1 IS 2 IS 3 IS 4 IS 5 IS 6 IS 1 - - - - - IS 2 - - 9 - - IS 3 - - - 59 7 IS 4 - 9 - - - IS 5 - - 25 - - IS 6 - - 19 - -

7.8.2. Discussion L’apport du calcul des niches isotopiques permet d’apporter des éléments supplémentaires de compréhension des relations trophiques par rapport aux analyses « simples » des ratios isotopiques. L’analyse des ellipses standard permet tout d’abord de confirmer la singularité du groupe des zooplanctonophages. Ce groupe est tout d’abord le seul à être conservé entre les deux modes de construction des groupes. Il est également celui qui montre les aires standard les plus faibles et a une aire totale très proche de l’aire standard. Il est enfin le seul à ne jamais avoir de zone de recouvrement avec aucun autre groupe. Ces résultats montrent une vraie spécificité trophique de ce groupe de poissons, dont l’alimentation est différente de celles des autres groupes, autant par sa nature que par ses ratios isotopiques. Cela dénote également une très faible variation interindividuelle et une relative homogénéité de l’alimentation des espèces de ce groupe. Les 3 espèces de macrocarnivores (S. notata, S. porcus et S. cabrilla) ont également un fonctionnement alimentaire assez spécifique. A ce titre, la surface qu’ils occupent dans l’espace isotopique est réduite. Cependant, leur similarité isotopique avec une partie des piscivores et les mésocarnivores de substrat meuble (i.e. l’ensemble des espèces du groupe IS 4) fait que la quasi-totalité de l’espace qu’ils occupent est commun avec d’autres groupes trophiques, comme le montre la faible aire standard et l’aire totale très élevée observée pour le groupe IS 4. Malgré une niche trophique spécifique, il y a donc recouvrement des niches isotopiques, ce qui contribue à alimenter la discussion sur l’utilisation des niches isotopiques comme proxy de la niche trophique. La comparaison des surfaces occupées par les 2 groupes de mésocarnivores permet également d’apporter des informations intéressantes. Ces deux groupes ont en effet des

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ellipses standard de tailles moyennes mais ont par contre des aires totales 7 à 8 fois plus importantes. Ces valeurs sont le reflet d’une alimentation moyenne relativement conservée, mais surtout d’une variabilité interindividuelle très forte qui contribue à étirer l’aire totale de ces groupes. De plus, la variabilité plus importante observée pour les espèces de substrat dur semble être liée à une plus grande diversité trophique des 3 espèces du genre Diplodus. Le groupe IS 3 montre en effet une aire totale très importante alors que le groupe IS 2 (labridés) occupe peu d’espace. Ces résultats sont également cohérents avec ceux obtenus pour les contenus stomacaux, pour lesquels aucune proie prioritaire ne se dégage chez les Diplodus. La variabilité intraspécifique semble également être plus importante que celle liée au regroupement de plusieurs espèces dans un même groupe trophique. Ceci est dû à deux points extrêmes représentant deux individus de D. annularis échantillonnés sur le même récif à la même saison, et qui ne diffèrent que par leur taille (126 mm pour le δ13C maximal, 159 mm pour la valeur minimale).

Enfin, le groupe des piscivores montre l’occupation la plus importante dans l’espace isotopique. Ce résultat n’est pas surprenant et il vient en appui de la discussion sur la complémentarité des approches entre isotopes stables et contenus stomacaux. Même si ce groupe rassemble des espèces consommatrices de poissons, la diversité des signatures isotopiques des proies induit une très grande hétérogénéité isotopique au sein de ce groupe, et donc une aire isotopique associée très vaste.

La séparation de ce groupe va également dans le sens d’une différence entre les proies consommées par ces piscivores. Les aires associées aux piscivores benthiques sont faibles et sont le reflet d’une alimentation similaire en terme de signatures isotopiques pour ces trois espèces. Ces signatures sont également comparables à celle de l’alimentation des macrocarnivores et des mésocarnivores de substrat meuble, dans la mesure où l’aire du groupe IS 4 est relativement faible.

Concernant les piscivores pélagiques, les aires observées pour S. viridensis sont très faibles, et peu différentes entre elles. Cela confirme le régime alimentaire spécifique et assez conservé entre les individus, basé sur la consommation par cette espèce des poissons zooplanctonophages. Il faut cependant noter que l’intervalle de crédibilité associé à cette espèce est relativement élevé, ce qui est très certainement lié à l’effectif plus faible de ce groupe.

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires

Enfin, les aires observées pour les deux espèces de piscivores pélagiques de haut niveau trophique sur les récifs artificiels (D. labrax et T. mediterraneus) sont les plus élevées. C’est par ailleurs pour ce groupe qu’il y a le plus de recouvrements et que les surfaces concernées sont les plus importantes. Cela n’est en soit pas étonnant pour des espèces de haut niveau trophique, dont l’alimentation est souvent opportuniste et dont la signature isotopique intègre l’ensemble des variations des réseaux trophiques desquels ils dépendent. De plus, du fait du comportement erratique et des capacités de déplacements importants de ces espèces, il est également possible que les signatures isotopiques observées reflètent une alimentation sur d’autres chaînes trophiques que celles des récifs artificiels.

7.8.3. Caractérisation du fonctionnement spatial de la communauté à partir des indices de métriques isotopiques. En préalable à la comparaison des deux récifs par le biais des métriques isotopiques, il a été nécessaire de réaliser une modification des données. En effet, il apparaît que deux espèces n’ont été échantillonnées que sur V6, Trachurus mediterraneus et Sphyraena viridensis. Le régime alimentaire particulier de ces deux espèces apporte une information intéressante dans le réseau trophique et justifie leur maintien dans les calculs. Cependant, les valeurs élevées de δ15N mesurées pour T. mediterraneus et le fait que S. viridensis constitue un groupe isotopique à elle seule biaisent également la comparaison entre les deux récifs. Ce biais a été pris en compte et les comparaisons des métriques isotopiques ont été effectuées entre V3, V6 (avec T. mediterraneus et S. viridensis) et V6 modifié, sans ces deux espèces (Fig. 7.9).

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Fig. 7.9 : Représentation dans l’espace δ13C – δ15N des 5 groupes trophiques observés pour les comparaisons spatiales (V3, V6 et V6 modifié). La manière dont sont calculés les indicateurs « gamme de δ13C » et « gamme de δ15N » est présentée sur le graphique de V3. Les traits pointillés représentent la totalité de l’aire complexe couverte par chaque groupe. Le polygone gris relie les centroïdes de chaque groupe (représentés par des triangles) et son aire est utilisée pour calculer l’aire totale effectivement occupée par la communauté. Le même mode de calcul a été utilisé pour la comparaison des métriques basées sur les groupes isotopiques (figures non présentées)

La comparaison spatiale des métriques isotopiques montre tout d’abord des tendances similaires entre les calculs effectués sur les deux types de groupes formés à partir des données isotopiques ou trophiques (Fig. 7.10). Les valeurs plus élevées observées pour les métriques calculées à partir des groupes isotopiques s’expliquent seulement par la présence d’un groupe isotopique supplémentaire, du fait de la séparation de S. viridensis.

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires

L’analyse des valeurs obtenues pour la gamme de δ15N indique des valeurs plus élevées pour V6. Malgré le retrait des deux espèces de piscivores (T. mediterraneus et S. viridensis), la tendance semble conservée, le mode de la distribution observée pour V6 modifié étant toujours plus élevé que pour V3, même si le recouvrement important observé entre les intervalles à 95 % permet de nuancer la différence observée entre les deux récifs. Concernant la gamme de δ13C, l’ensemble des résultats obtenus, à partir des groupes isotopiques ou trophiques, ainsi qu’avec V6 modifié ou non, montre une quasi-similarité entre les deux récifs. Les deux indicateurs suivants, l’aire standard et la distance moyenne au centroïde, sont utilisés comme des indicateurs de la diversité trophique de la communauté (Jackson et al., 2012). L’utilisation de ces deux métriques en parallèle est intéressante, car la distance moyenne au centroïde, où tous les points de la communauté ont le même poids, est moins sensible aux valeurs extrêmes que l’aire standard, qui est fortement influencée par des valeurs très élevées. L’aire standard montre des valeurs plus élevées pour V6, ce qui semble cohérent dans la mesure où cet indice dépend directement des gammes de δ13C et surtout de δ15N et est donc fortement influencée par la présence des deux espèces de piscivores. Le retrait de ces deux espèces fait diminuer la valeur (V6 modifié), et les plus faibles valeurs de gammes de δ15N contribuent à des valeurs d’aire plus faibles sur V3. La tendance est la même pour la distance moyenne au centroïde mais la moins grande sensibilité aux valeurs extrêmes tend à diminuer les différences, et permet également de nuancer les valeurs obtenues pour l’aire standard.

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Fig. 7.10 : Intervalle de crédibilité des valeurs associées aux métriques isotopiques bayésiennes appliquées aux communautés obtenues sur les récifs V3 et V6, ainsi que sur le récif V6 modifié, pour tenir compte des deux espèces présentes uniquement sur V6 (T. mediterraneus et S. viridensis). Les points noirs et les valeurs représentent le mode de la distribution de probabilité associée à chaque métrique, les aires grisées les intervalles à 95, 75 et 50%. Les métriques sont exprimées en ‰ sauf l’aire totale qui est exprimée en ‰ ².

L’analyse des deux derniers indices (distance au plus proche voisin et son écart-type) permet d’apporter des indications sur l’organisation générale des points dans l’espace

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires isotopique. La distance moyenne au plus proche voisin est un indicateur de la redondance trophique au sein d’un écosystème, des valeurs faibles de cet indice signifiant une proximité plus importante entre les points et donc des signatures isotopiques comparables. Les valeurs obtenues ici semblent relativement élevées et montrent une redondance trophique limitée. Son écart-type mesure la régularité de cette agrégation, des valeurs faibles indiquent une distribution régulière des espèces dans l’espace isotopique. Les valeurs similaires observées ici pour l’ensemble des mesures, sont le reflet d’une distribution assez comparable des organismes dans l’espace isotopique des deux récifs artificiels. L’analyse spatiale des indices de niches trophiques apporte donc des éléments qui viennent en appui de l’hypothèse d’homogénéité spatiale du fonctionnement trophique de la zone des récifs artificiels. La présence de deux espèces supplémentaires de piscivores sur V6 a pour effet principal d’augmenter la gamme de δ15N, et donc aussi l’aire standard ce qui est cohérent avec la manière dont sont calculés ces indices et les informations qu’ils sont censés apporter. Quand ces espèces supplémentaires sont retirées, la gamme de δ15N et l’aire standard restent légèrement plus élevées que sur V3, ce qui pourrait être interprété comme le signe d’une différence spatiale entre les deux récifs. Le recouvrement entre les intervalles est cependant assez important et empêche de conclure à une réelle différence spatiale. Même si des différences ont pu être mises en évidence pour Mullus surmuletus, la seule espèce qui montre des variations spatiales du δ15N, l’analyse de l’ensemble des autres indicateurs montre plutôt une homogénéité spatiale. L’absence de différences observées pour le δ13C et pour la distance au centroïde est le signe d’une similitude du fonctionnement trophique entre les deux récifs. Dans le modèle conceptuel proposé par Layman et al. (2007), la gamme de δ13C est utilisée comme indicateur de l’utilisation de différentes sources de MO dans le réseau trophique. L’absence de différences entre les deux récifs est cohérent avec les résultats énoncés précédemment et confirme l’hypothèse d’un fonctionnement homogène de l’intégralité de la zone des récifs artificiels. Dans la mesure où les gammes de δ13C observés sur les deux récifs sont similaires, il est probable que les sources de MO supportant l’ensemble de la communauté de poissons soient les mêmes, et donc que des déplacements alimentaires des poissons sur l’ensemble de la zone des récifs aient lieu.

7.8.4. Caractérisation du fonctionnement saisonnier de la communauté à partir des indices de métriques isotopiques. Comme pour l’étude du fonctionnement spatial, l’étude de la répartition saisonnière a montré que 5 espèces ont été échantillonées uniquement en hiver (Coris julis,. Dicentrarchus

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labrax, Phycis phycis, Sphyraena viridensis et Trachurus mediterraneus). A l’exception de Coris julis, ces espèces sont des piscivores (D. labrax, P. phycis, S. viridensis et T. mediterraneus). L’apport de ces espèces de haut niveau trophique représente une information importante pour la compréhension de la structure du réseau trophique. De plus, leur présence uniquement à une saison peut être liée à la biologie de l’espèce, comme par exemple pour D. labrax, plus présent en hiver qu’en été (Rouanet et al., 2012). Il est cependant difficile de faire une comparaison directe des deux saisons, d’autant que le retrait de trois de ces espèces retire deux groupes isotopiques (S. viridensis dans le groupe IS 5, T. mediterraneus et D. labrax dans le groupe IS 6). Afin de tenir compte de ces variations, les comparaisons ont été effectuées entre l’été, l’hiver (avec les 5 espèces) et l’hiver modifié (sans les 5 espèces), aussi bien en ce qui concerne les groupes trophiques que les groupes isotopiques (Fig. 7.11). L’analyse des métriques appliquée aux comparaisons saisonnières montre tout d’abord la même tendance d’une valeur plus élevée pour la gamme de δ15N lorsqu’on considère l’hiver non modifié, avec 4 espèces piscivores en plus (Fig. 7.12). Cette augmentation est d’autant plus marquée pour l’analyse des groupes isotopiques, dans la mesure où 3 espèces de piscivores représentent 2 groupes isotopiques. Leur utilisation pour l’hiver rajoute 2 groupes au calcul. Pour autant, malgré le retrait de ces espèces avec des δ15N élevés, la gamme de δ15N conserve une valeur nettement plus importante en hiver qu’en été.

Pour l’analyse de la gamme de δ13C, et contrairement à ce qui avait été observé pour l’analyse spatiale, un profil différent semble apparaître. La valeur observée en été est plus importante que ce qui est observé pour les deux situations en hiver, même si le recouvrement des intervalles de crédibilité tend à nuancer l’importance des différences. Le retrait des espèces piscivores ne semble pas avoir d’effet sur cet indicateur, car V6 et V6 modifié ne sont pas différents.

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires

Fig.7.11 : Représentation dans l’espace δ13C – δ15N des groupes isotopiques utilisés pour les comparaisons saisonnières (été, hiver et hiver modifié). IS 1 : zooplanctonophages ; IS 2 : labridés ; IS 3 : sparidés ; IS 4 : mesocarnivores de substrat meuble et macrocarnivores ; IS 5 : S. viridensis ; IS 6 : D. labrax et T. mediterraneus. Les traits pointillés représentent la totalité de l’aire complexe couverte par chaque groupe. Le polygone gris relie les centroïdes de chaque groupe (représentés par des triangles) et son aire est utilisée pour calculer l’aire totale effectivement occupée par la communauté. Le même mode de calcul a été utilisé pour les comparaisons spatiales basées sur les groupes trophiques (figures non présentées)

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L’aire standard semble plus élevée sur V6 (pour les deux traitements) que sur V3 et est principalement liée aux variations des gammes de δ15N. La différence est plus marquée pour les groupes isotopiques que pour les groupes trophiques. La distance au centroïde montre également la même tendance. Concernant les deux derniers indices, une tendance à des valeurs plus élevées en hiver qu’en été semble apparaître (surtout pour la distance au plus proche voisin), même si le chevauchement entre les intervalles de crédibilité limite la robustesse de ces différences. De manière générale, les principaux indices montrent une variabilité importante entre les deux saisons. La première source de variabilité est la présence des espèces de piscivores uniquement hivernales. Comme pour les variations spatiales, elle agit principalement sur la gamme de δ15N et donc sur l’aire de la niche trophique de la communauté. Son action est plus importante pour le calcul basé sur les groupes isotopiques. L’augmentation de la distance au centroïde, marqueur de la diversité trophique témoigne également de la complexification des réseaux trophiques sur les récifs artificiels en hiver. L’arrivée de nouvelles espèces, avec un niveau trophique plus élevés que celles présentes en été, contribue à diversifier le spectre trophique à cette saison. Pour autant, les valeurs plus élevées pour V6 modifié montrent une différence temporelle dans le fonctionnement des récifs, y compris pour les espèces communes aux deux saisons. Il semble ainsi que ces espèces ont des signatures plus élevées en hiver qu’en été. Ce résultat est cohérent avec ceux obtenus pour Spicara maena et Scorpaena porcus, les deux espèces pour lesquelles des différences significatives ont pu être mesurées. La variation plus faible et opposée (été < hiver) pour la gamme de δ13C, semble également aller dans le sens d’une variation saisonnière de l’utilisation de la MO.

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires

Fig. 7.12 : Comparaison des métriques isotopiques bayésiennes appliquées aux communautés obtenues en hiver et en été, ainsi que pour l’hiver modifié pour tenir compte des deux espèces présentes uniquement en hiver (C. julis, D. labrax, P. phycis, T. mediterraneus et S. viridensis). Les points noirs et les valeurs représentent le mode de la distribution de probabilité associée à chaque métrique, les aires grisées les intervalles à 95, 75 et 50 %. L’ensemble des métriques est exprimées en ‰ sauf l’aire totale qui est exprimée en ‰ ².

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Pour autant, la compréhension des mécanismes qui régissent le fonctionnement saisonnier des signatures isotopiques dans un système ouvert comme les récifs artificiels est complexe. De nombreux facteurs (déplacements des organismes, variations ontogénétiques de l’alimentation ou du métabolisme, modification des facteurs de fractionnement etc.) qui peuvent en plus être liés entre eux peuvent impacter la signature des organismes. Distinguer les effets respectifs de ces facteurs est complexe. Seule l’absence de variations saisonnières des tailles moyennes et des gammes de tailles semble éliminer un effet de ce facteur. (Fig. 7.13).

Fig.7.13 : Variations saisonnières de la longueur standard des poissons échantillonnés sur les récifs. Les lettres représentent les groupes pour lesquelles des différences existent.

Même si les résultats liés à l’utilisation de ces outils de caractérisation des relations trophiques apportent des perspectives intéressantes, ils sont tout de même limités par certains biais qu’il est nécessaire de garder en mémoire lors de l’interprétation des résultats. Le premier biais réside dans la différence d’échelles entre les deux axes (Hoeinghaus et Zeug, 2008). Ainsi, d’un point de vue biologique, une variation de ~1‰ du δ13C et de ~3‰ du δ15N ont une signification similaire, c’est-à-dire une augmentation d’un niveau trophique. Du point de vue du calcul, ce n’est pas le cas, et du fait de sa variation plus rapide, le δ15N a un poids plus important dans les calculs. Il est principalement visible pour les aires standards qui sont fortement influencées par les variations de gamme de δ15N, mais beaucoup moins par les variations de δ13C. Un deuxième point de discussion réside dans le choix des groupes sur lesquels sont effectués les regroupements. De manière identique aux résultats sur l’alimentation apportés par l’analyse couplée des isotopes et des contenus stomacaux, le calcul des métriques

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires isotopiques basées sur l’un ou l’autre des regroupements apporte des informations complémentaires. Le choix par exemple d’effectuer les calculs sur les groupes isotopiques semble par exemple augmenter les différences saisonnières (en utilisant été et hiver modifié, pour annuler l’effet des espèces supplémentaires) pour la gamme de δ15N, alors que ces différences sont moins marquées quand on regarde cet indice calculé sur les groupes trophiques. De la même manière, le calcul des surfaces de recouvrement entre les ellipses montre des recouvrements plus importants entre les groupes trophiques qu’entre les groupes isotopiques. Même si les tendances sont les mêmes, ces différences plus ou moins marquées incitent à une interprétation prudente des résultats obtenus avec ces métriques, et plaident pour une utilisation couplée de plusieurs techniques pour préciser les relations trophiques entre les organismes.

Enfin, un point important de discussion de ces métriques réside dans la difficulté à les comparer avec d’autres données de la littérature. Tout d’abord, la comparaison avec les études utilisant les métriques « simples » proposées par Layman et al. (2007) est complexe, car la plupart d’entre elles se focalisent sur une ou deux espèces et non l’ensemble d’une communauté (Schmidt et al., 2009 ; Swanson et al., 2010 ; Serrano-Grijalva et al., 2011), d’où la difficulté de comparer les indicateurs qui tracent l’étendue trophique (gammes de δ13C, de δ15N et aire totale). De plus, ces métriques sont sensibles à l’effectif de l’échantillon, ce qui rend une comparaison directe hasardeuse, voire impossible.

La mise en place d’indicateurs bayésiens devrait permettre de lever ce biais lié à l’effectif de l’échantillon. Cependant, du fait de son développement récent, peu d’études utilisant cette méthode sont disponibles dans la littérature à l’heure actuelle. De plus, les comparaisons ne sont effectuées là aussi que sur une ou deux espèces et pas sur une communauté dans son ensemble (Jackson et al., 2012 ; Thomson et al., 2012). Bien qu’elle ne soit appliquée que sur 3 espèces, l’étude de Layman et Allgeier (2012) est intéressante car elle utilise les ellipses bayésiennes pour caractériser la niche trophique. Cette étude rapporte notamment une valeur d’aire standard de 0.91‰² (intervalle à 95% entre 0.67 et 1.18) pour Pterois volitans aux Bahamas. En couplant ces résultats isotopiques avec d’autres méthodes (analyse de l’alimentation par les contenus stomacaux notamment), ces auteurs concluent à une relative spécialisation de cette espèce. Ces valeurs sont plus élevées que celles obtenues pour certains groupes trophiques obtenus sur les récifs artificiels (zooplanctonophages et

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macrocarnivores), ce qui permet malgré tout de confirmer l’alimentation très spécifique de ces deux groupes. Une seule étude utilise les métriques bayésiennes à l’échelle d’une communauté (Sellanes et al., 2011). Cette étude, qui compare deux sites soumis ou non à des suintements de méthane présente des valeurs beaucoup plus élevées pour la gamme de δ13C et δ15N, ainsi que pour les mesures de l’occupation de l’espace (aire totale et distance au centroïde) que celles obtenues pour les poissons des récifs artificiels. Ce résultat est normal dans la mesure où l’ensemble de la communauté est pris en compte et pas uniquement les poissons. Il est donc là aussi difficile d’utiliser ces données pour les comparer à celles calculées sur les poissons des récifs artificiels.

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Chapitre 7 – Communautés de poissons – Données supplémentaires

Principaux résultats du chapitre Organisation trophique Proies principales : crustacés zooplanctoniques Zooplanctonophages δ13C et δ15N les plus faibles Cohérence IS - CS  IS 1 Niche isotopique étroite Les zooplanctonophages montrent des signatures isotopiques faibles, cohérentes avec une alimentation sur les crustacés zooplanctoniques, et des niches trophiques étroites, cohérentes avec une alimentation spécialisée sur des proies ayant des signatures isotopiques spécifiques Mésocarnivores de substrat dur  IS 2 et IS 3 Proies principales : bivalves et polychètes Labridés δ13C et δ15N faibles Cohérence IS - CS  IS 2 Niche isotopique de taille faible Incohérence IS – CS, δ15N élevé, sans doute lié à un Diplodus spp Pas de proies principales pour les 3 espèces, δ13C faible, δ15N élevé effet potentiel du facteur de  IS 3 Niche isotopique large fractionnement plus élevé pour les herbivores Deux sous-groupes composent les mésocarnivores de substrat dur. Les labridés ont un régime alimentaire spécialisé sur des petits invertébrés benthiques, d’où des signatures isotopiques faibles et une niche isotopique assez étroite. Les 3 espèces du genre Diplodus ont un régime alimentaire très diversifié, basé sur des invertébrés benthiques mais aussi sur des producteurs primaires, ce qui explique la niche isotopique très importante. Le δ15N élevé est incohérent avec cette alimentation, et pourrait s’expliquer par un facteur de fractionnement potentiellement plus élevé pour les herbivores. Mésocarnivores de Proies principales : petits crustacés, échinodermes substrat meuble Valeurs plutôt élevées de δ13C et δ15N Cohérence IS-CS IS 4 Niche isotopique assez faible δ15N faible en regard du Proies principales : crustacés Macrocarnivores niveau trophique théorique : Valeurs plutôt élevées de δ13C et δ15N IS 4 effet des signatures des Niche isotopique assez faible proies ? Les mésocarnivores de substrat meuble et les macrocarnivores sont regroupés au sein du groupe IS 4 (avec les piscivores benthiques). Ces groupes ont des niches isotopiques étroites, cohérentes avec une alimentation spécialisée. Leur appartenance au même groupe isotopique, malgré des proies différentes, est liée au fait que ces proies ont des signatures isotopiques comparables

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Piscivores  IS 4, 5 et 6

Proies principales : petits poissons benthiques Incohérence IS-CS Piscivores benthiques Valeurs plutôt élevées de δ13C et δ15N Effet de la consommation de IS 4 Niche isotopique assez faible poissons avec des δ15N

Proies principales : poissons zooplanctonophages différents Sphyraena viridensis Valeur faibles de δ13C et δ15N Piscivores = niveau  IS 5 Niche isotopique assez faible trophique 4 ? Cohérence IS – CS Piscivores pélagiques de Proies principales : poissons comportement haut niveau trophique Valeurs les plus élevées de δ13C et δ15N opportuniste ?  IS 6 Niche isotopique très étendue Alimentation ailleurs que sur les récifs ? Le groupe trophique des piscivores est le plus diversifié sur le plan isotopique. Les piscivores benthiques et S. viridensis ont des signatures isotopiques plutôt faibles et une niche isotopique réduite, reflet d’une alimentation spécialisée sur des poissons de bas niveaux trophiques. Attribuer le niveau trophique 4 à ces espèces semble discutable. Les deux espèces de haut niveau trophique ont les signatures isotopiques les plus élevées et une niche isotopique très étendue, reflet d’une alimentation opportuniste, qui intègre l’ensemble des variations des organismes de plus bas niveau trophique. De plus, leur signature isotopique peut être le reflet d’une consommation potentielle de proies issues d’autres écosystèmes.

Utilisation de la MO

Consommations d’espèces de crustacés observées Utilisation des récifs comme source d’alimentation dans les pochons Fonctionnement spatial homogène de la zone des récifs Variations spatiales pour M. surmuletus artificiels Pas de variations observées pour les métriques de Déplacement alimentaires des poissons sur l’ensemble des communauté récifs

Variations saisonnières observées pour S. maena, S. smaris et S. porcus. Légère modification de l’utilisation de la MO entre l’été et Variations saisonnières des métriques isotopiques l’hiver ? (gammes de δ13C, de δ15N et aires totales

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Chapitre 8 – Synthèse

226 Chapitre 8 – Synthèse

Chapitre 8. SYNTHESE ET PERSPECTIVES

© Sandrine Ruitton

Photo Sandrine Ruitton

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Chapitre 8 - Synthèse

Face à la diminution des ressources halieutiques et ses conséquences socioéconomiques fortes, de nombreuses tentatives de gestion des stocks de poissons ont été mises en place à l’échelle de la planète (Pauly et al., 2002 ; Villasante et al., 2011 ; Toonen et Mol, 2013). En milieu côtier, l’implantation de récifs artificiels au sein d’aires marines protégées est considérée comme une solution efficace pour permettre une augmentation des biomasses de poisson et un soutien à la pêche artisanale côtière (Claudet et Pelletier, 2004). De nombreuses zones de récifs artificiels ont ainsi été déployées en zone côtière pour soutenir la petite pêche artisanale. C’est dans ce contexte que s’inscrit le programme RECIFS PRADO, plus grande zone de récifs artificiels en Méditerranée (Beurois et Medioni, 2010). Les récifs artificiels ont fait l’objet de nombreux travaux scientifiques, notamment pour déterminer les facteurs et les mécanismes qui peuvent expliquer les augmentations de biomasse observées autour des zones de récifs artificiels (Grossman et al., 1997 ; Harmelin et Bellan-Santini, 1997 ; Jensen, 2002 ; Seaman, 2007). Le déploiement de récifs permet une augmentation de l’habitat et des abris disponibles pour de nombreuses espèces. Ce rôle a été principalement mis en évidence par l’effet positif important de la complexité des modules récifaux sur l’abondance des poissons et l’efficacité du recrutement (Gorham et Alevizon, 1989 ; Pickering et Whitmarsh, 1997 ; Charbonnel et al., 2002 ; Gratwicke et Speight, 2005 ; Love et al., 2012). Les espèces qui utilisent les récifs artificiels comme abri représentent également des proies pour les poissons. L’augmentation des ressources alimentaires est également une des causes de l’augmentation des biomasses autour des récifs artificiels (Relini et al., 2002 ; Fabi et al., 2006 ; Leitão et al., 2007, 2008). La plupart de ces travaux ont confirmé, par l’analyse des contenus stomacaux, que les poissons s’alimentant sur les récifs artificiels. Une approche comparable a été utilisée dans ce travail et a permis de confirmer une alimentation comparable pour les poissons des récifs du Prado. Cette méthodologie présente cependant des contraintes, liées par exemple au nombre d’individus nécessaires pour obtenir une information robuste ou à l’identification des proies. Mais cette technique n’est pas adaptée pour la plupart des invertébrés. Elle ne permet donc pas la prise en compte de la globalité des réseaux trophiques, depuis les sources de MO jusqu’aux consommateurs de plus haut niveau trophique, au contraire des isotopes stables.

228

8.1.Synthèse :Fonctionnement trophique des récifs artificiels

8.1.1. Caractérisation isotopique et biochimique des sources de MO L’implantation des récifs artificiels en zone côtière les place sous l’influence potentielle de trois types de productions primaires, les productions primaires marines pélagiques et benthiques, et la MO d’origine terrestre. Toutes ces sources se mélangent au sein de deux pools hétérogènes, la MOP et la MOS et peuvent être à la base des réseaux trophiques. Comprendre l’utilisation des sources de MO par les consommateurs des récifs artificiels implique dans un premier temps de caractériser les pools de MO et de comprendre leurs fonctionnements. La possibilité d’utiliser les isotopes stables du carbone et de l’azote pour retracer les réseaux trophiques basés sur ces sources implique également qu’il existe des différences isotopiques entre elles (Peterson et Fry, 1987). De telles différences sont observées ici et justifient l’approche utilisée (Fig. 8.1).

Fig. 8.1 : Représentation des signatures isotopiques des sources et des réservoirs de MO sur les récifs artificiels du Prado. Les cercles représentent les MOP, les triangles les producteurs primaires benthiques et le carré la MOS. Les symboles pleins représentent des données acquises durant cette thèse, les symboles vides des données issues de la littérature (Cortiou : Topçu et al. (2010) ; nanophytoplancton : Rau et al. (1990) ; Frioul : Darnaude et al. (2004) ; Côtière : Mireille Harmelin- Vivien, données non publ.)

229 Chapitre 8 - Synthèse

Les signatures isotopiques et les concentrations biochimiques mesurées dans les deux pools de MO sur les récifs artificiels sont le reflet des productions primaires qui les composent et sont liées à leurs fonctionnements propres. La MOP présente une valeur moyenne de δ13C intermédiaire entre celles des autres sources, et le δ15N le plus élevé. Ces valeurs, ainsi que les concentrations biochimiques mesurées, reflètent l’hétérogénéité de la composition de ce pool. La signature intermédiaire en δ13C est proche de celle de la MOP du site SOMLIT et reflète l’importance de la production primaire phytoplanctonique. Ce résultat se base principalement sur l’utilisation des signatures isotopiques mesurées au site SOMLIT comme un proxy de la signature du phytoplancton. Bien que cette approche soit discutable, l’utilisation d’une MOP du large comme proxy du phytoplancton est largement répandue (voir la revue sur le sujet de Miller et Page, 2012). Elle se base sur le fait que ces MOP sont la plupart du temps en dehors des influences terrestres et qu’elles ne comprennent que peu de détritus phytobenthiques. Elles montrent également des rapports COP8/Chl. a faibles (< 200), caractéristiques d’une matière organique nouvellement synthétisée (Savoye et al., 2003). Pour l’année 2010, près de 75 % des prélèvements effectués à la station SOMLIT ont des rapports COP/Chl. a inférieurs à cette valeur seuil (données SOMLIT, Patrick Raimbault comm. pers.). Le phytoplancton est donc prédominant à cette station et justifie l’utilisation de cette signature comme proxy de celles du phytoplancton. Les variations saisonnières des signatures isotopiques et des concentrations biochimiques sont également le reflet de l’influence de l’écosystème pélagique sur la MOP des récifs. La prédominance des petites classes phytoplanctoniques au printemps contribue ainsi à diminuer le δ13C, le δ15N et les concentrations biochimiques à cette saison. La valeur élevée mesurée pour le δ15N de ce pool, intermédiaire entre celle du Frioul et celle de la MOP côtière, est le reflet des influences terrigènes. Ces influences se traduisent également au niveau des différences observées entre les deux récifs. La prise en compte de la complexité de la composition de la MOP est cruciale pour comprendre l’écologie trophique des filtreurs des récifs artificiels, qui dépendent directement de cette matière en suspension. Le δ13C plus élevé et les concentrations biochimiques faibles mesurées dans la MOS sont cohérents avec le caractère détritique de ce pool. Ces valeurs s’expliquent principalement par une influence forte des débris de P. oceanica, à δ13C élevé et principalement composés de glucides insolubles. L’absence de variations spatiales et saisonnières importantes confirme le

8 COP : Concentration en Carbone Organique Particulaire

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caractère détritique de la MOS et montre que les caractéristiques observées pour ce compartiment reflètent des apports à long terme. Enfin, les réseaux trophiques des récifs artificiels peuvent être alimentés par l’ensemble des producteurs primaires benthiques. Il convient de signaler ici que le microphytobenthos n’a pas été pris en compte dans cette étude, bien qu’il puisse représenter une source importante de MO dans d’autres écosystèmes (Riera, 2008). Il est cependant moins abondant à la profondeur à laquelle sont déployés les récifs, ce qui justifie qu’il n’ait pas été pris en compte. Les résultats obtenus pour le δ15N des producteurs primaires n’ont pas montré de différences nettes entre les espèces et les groupes. Ceci indique une absence de particularité d’acquisition de l’azote et résulte d’une influence forte de l’environnement sur ce paramètre. Les valeurs mesurées sont par ailleurs plus élevées que celles observées pour la production primaire phytoplanctonique, particulièrement le nanophytoplancton. Cette différence permettra de tracer l’utilisation de l’une ou l’autre des sources de MO. Au contraire, des différences importantes ont été observées entre les valeurs de δ13C des quatre groupes de producteurs primaires benthiques (Fig. 8.1). Les signatures isotopiques des producteurs primaires sont principalement conditionnées par les métabolismes d’acquisition du carbone minéral, propres à une espèce ou à un groupe taxonomique. Il n’est donc pas surprenant que les valeurs moyennes de δ13C soient très différentes entre les groupes, même si des variations interindividuelles entraînent des gammes de valeurs importantes. Les chlorobiontes et la magnoliophyte Posidonia oceanica montrent les valeurs de δ13C les plus élevées. Pour ces deux groupes, ces valeurs semblent liées à l’acquisition de carbone - inorganique sous forme de carbonates (HCO3 ), au métabolisme intermédiaire entre photosynthèse C3 et C4 et aux particularités morphologiques des espèces (Invers et al., 1999 ; Touchette et Burkholder, 2000a ; Boudouresque et al., 2006b ; Marconi et al., 2011 ; Raven et Hurd, 2012). Ces deux groupes montrent également les concentrations en glucides insolubles les plus élevées, ce qui est cohérent avec leur morphologie complexe et la présence de composés de structures dans les tissus de ces groupes. Du fait de son métabolisme particulier, Flabellia petiolata se distingue des autres chlorobiontes par des δ13C très faibles. Les rhodobiontes montrent également des δ13C faibles mais également une grande gamme de variation. Ce profil s’explique par la diversité des mécanismes impliqués dans le prélèvement de carbone minéral dans ce groupe. La principale caractéristique biochimique des rhodobiontes est leur concentration élevée en glucides solubles et la présence de composés chimiques de défense contre le broutage (Martí et al., 2004 ; Paul et al., 2006). Enfin, les phéophycées présentent des δ13C intermédiaires par rapport à ceux des autres groupes. Le

231 Chapitre 8 - Synthèse profil biochimique de ces espèces est principalement marqué par des concentrations fortes en lipides et en protéines.

8.1.2. Relations trophiques chez les invertébrés – Effet de la qualité de la MO L’analyse des résultats isotopiques obtenus pour les invertébrés benthiques sur les récifs permet de considérer que deux sources principales de MO sont à l’origine des réseaux trophiques des récifs artificiels de la baie du Prado : la production primaire phytoplanctonique et la production primaire benthique locale (Fig. 8.2). Les résultats des comptages effectués sur les récifs artificiels ont montré que les principaux macroinvertebrés qui colonisent ces modules sont des organismes filtreurs (Le Diréach et al., 2011 ; Rouanet et al., 2012). De plus, la caractérisation de la MOP a montré qu’elle était fortement influencée par la production primaire phytoplanctonique. Il n’est donc pas étonnant de considérer la production primaire phytoplanctonique comme la principale source de MO des réseaux trophiques sur les récifs artificiels. La production primaire phytoplanctonique est la source principale des réseaux trophiques en milieu marin, y compris dans les écosystèmes côtiers, qu’elle soit seule ou complétée par les apports terrigènes dans des systèmes estuariens (Darnaude et al., 2004 ; Grall et al., 2006 ; Carlier et al., 2007b ; Banaru, 2008) et le microphytobenthos dans les estrans (Riera et Richard, 1996). Son utilisation trace ce qui sera appelé la « voie pélagique » dans les réseaux trophiques des récifs artificiels, par opposition à la « voie benthique », basée sur l’utilisation de la production des producteurs primaires benthiques. La signature isotopique en carbone et en azote des organismes filtreurs est cependant plus faible que celles de la MOP des récifs et de celle du site SOMLIT. Ceci dénote d’une utilisation sélective des plus petites cellules pico- et nanophytoplanctoniques, bien que leur petite taille représente un apport carboné plus faible (Dupuy et al., 2000). Les organismes filtreurs ont la capacité d’exercer une rétention plus ou moins sélective des particules qu’ils filtrent, et la qualité nutritionnelle peut être un des facteurs de choix (Ward et Shumway, 2004 ; Riisgård et Larsen, 2010 ; Bracken et al., 2012). A ce titre, il n’est pas étonnant que les filtreurs n’utilisent pas la totalité de la MOP, dans laquelle les concentrations biochimiques sont faibles et où les détritus sont relativement importants, comme l’atteste la part importante des glucides insolubles dans ce pool (Fig. 8.3). Cependant, il faut garder en mémoire l’importance de l’aspect dynamique et tridimensionnel de la MOP et la nécessité de considérer les apports de ce pool comme des flux spatiaux et temporels. Du fait des mouvements des masses d’eaux, les apports de MOP sont permanents et perpétuellement renouvelés.

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Fig. 8.2 : Réseau trophique simplifié des récifs artificiels du Prado. La voie trophique principale, basée sur la production primaire phytoplanctonique, est représentée en bleue. Les figurés avec un point d’interrogation représentent des espèces pour lesquelles le δ13C (gastéropodes) ou le δ13C et le δ15N (spongiaires) sont calculées en fonction des données de la littérature. Prod. Prim : producteurs primaires benthiques. Zoopk : signatures isotopiques mesurées au site SOMLIT pour la classe de taille 0.3 - 1 mm du zooplancton (Mireille Harmelin-Vivien, données non publiées)

233 Chapitre 8 - Synthèse

De plus, les valeurs biochimiques mesurées ici apportent une information « instantanée » sur la qualité de la MO, mais qui ne prend pas en compte le fait que la production primaire de l’ensemble de la colonne d’eau puisse être utilisée par les filtreurs lorsqu’elle sédimente. Enfin, il est nécessaire de tenir compte de la grande plasticité trophique des filtreurs (Coma et al., 2001), et de leur capacité à faire varier leur intensité de filtration pour s’adapter aux variations des disponibilités alimentaires. Cela semble pouvoir être un des éléments d’explication de la prédominance de l’utilisation de ces petites cellules phytoplanctoniques. Malgré un apport nutritionnel faible, elles constituent une source alimentaire importante lors du bloom printanier, perpétuellement renouvelé par les mouvements des masses d’eaux, et sont retenues en plus grande quantité du fait d’une augmentation de l’effort de filtration. Par l’augmentation de la surface de substrat disponible pour l’installation des filtreurs sessiles, les récifs artificiels permettent donc d’augmenter le couplage bentho-pelagique, du fait de l’intensification des flux de MO phytoplanctoniques retenus par ces organismes filtreurs. La deuxième source de MO qui alimente les récifs artificiels provient de la production primaire benthique. Son influence sur les réseaux trophiques est plus complexe à appréhender, malgré les différences isotopiques observées entre les différents producteurs primaires benthiques. Une part importante de cette production primaire est très certainement intégrée indirectement après un mélange au sein d’un pool complexe de détritus. Seules quelques espèces de consommateurs semblent pouvoir être des brouteurs spécifiques. Il est donc probable qu’il y ait peu de consommation sélective d’un groupe ou d’une espèce de producteurs primaires benthiques par des herbivores brouteurs, mais plutôt l’utilisation d’un mélange de MO détritique en suspension ou sédimentée. L’utilisation annexe de cette matière permet effectivement d’expliquer les δ15N plus élevés observés chez certains bivalves, les ascidies et les crustacés, alors que leurs δ13C montrent qu’ils dépendent principalement de la production pélagique. L’utilisation de débris de production primaires a déjà été démontrée pour des ascidies (Kang et al., 2009 ; Schaal et al., 2012) et est courant pour la plupart des petits crustacés dont le régime alimentaire est très large (Nicol, 1927 ; Kyomo, 1999). Seul le δ13C très élevé mesuré pour Holoturia tubulosa permet d’identifier clairement les débris de posidonie comme une source importante de MO pour cette espèce. Elle n’exclue cependant pas l’hypothèse du pool détritique pour la production primaire, dans la mesure où H. tubulosa s’alimente en ingérant de grandes quantités de sédiment et en en retenant les organismes détritivores stricto-sensu (BAFSH, bactéries, archées, fungi, straménopiles hétérotrophes) qui sont capables d’utiliser la MO très réfractaire des feuilles mortes de posidonie.

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Fig. 8.3 : Comparaison des concentrations biochimiques mesurées dans les pools de MO et dans les tissus des producteurs primaires de la zone des récifs artificiels. Chloro : chlorobiontes ; Phéo : phéophycées ; Rhodo : rhodobiontes. Pour la posidonie, une distinction a été faite entre les feuilles (feuilles juvéniles, intermédiaires et adultes) et les débris (feuilles marron et feuilles en épave). Les valeurs représentent les contributions (en %) de chaque classe biochimique au total.

Sur les récifs artificiels, les seuls herbivores stricts qu’il a été possible d’échantillonner sont les petits gastéropodes brouteurs. A niveau trophique équivalent (consommateur de producteurs primaires), leur δ15N est plus élevé que celui des bivalves, ce qui confirme leur utilisation de la production primaire benthique. En l’absence de détermination de leur δ13C, il est difficile de préciser les sources dont ils dépendent. La valeur de δ13C approximée et la valeur de δ15N mesurée laissent cependant penser que les gastéropodes pourraient consommer en majorité des phéophycées. Ce groupe est celui qui montre les proportions les plus importantes en lipides et en protéines sur les récifs (Fig. 8.3) et qui est considéré comme très largement consommé par les organismes brouteurs (Boudouresque et Verlaque, 2007 ; Poore et al., 2012). C’est également chez les phéophycées que le plus grand nombre d’espèces a pu être échantillonné sur les récifs (cf. Tab. 4.4). La présence en quantité importante à toutes les saisons d’espèces habituellement consommées par les brouteurs, comme Halopteris scoparia ou Dictyota dichotoma (Boudouresque et Verlaque, 2007) peut également appuyer cette hypothèse. Considérer une utilisation plus importante des algues brunes par les petits gastéropodes brouteurs est donc cohérente, mais seule la détermination des δ13C mesurés pour ces espèces pourrait confirmer cette consommation. Il existe cependant une différence inférieure à 3 ‰ entre le δ15N des gastéropodes et celui des phéophycées, ce qui pourrait impliquer également la consommation d’autre sources de MO ayant des δ15N plus faibles.

235 Chapitre 8 - Synthèse

Pinnegar et Polunin (2000) proposent ainsi que ces organismes pourraient consommer des bactéries diazotrophes dont le δ15N est nettement appauvri. Bien qu’il soit difficile d’identifier précisément quels producteurs primaires sont effectivement consommés, il est cependant possible d’exclure une intégration importante de trois sources de MO au sein des réseaux trophiques des récifs artificiels. Les δ13C plus faibles mesurés pour les rhodobiontes, pour Flabellia petiolata et pour les apports terrigènes ne sont pas compatibles avec les signatures observées pour les consommateurs sur les récifs. Pour l’ensemble de ces sources, leur faible qualité nutritionnelle semble pouvoir expliquer en partie leur faible intégration dans les chaînes trophiques. La principale caractéristique biochimique mesurée chez Flabellia petiolata est la prépondérance des glucides insolubles, liée à la structure complexe des tissus de cette macroalgue. Pour les rhodobiontes, malgré l’importance des glucides solubles, ce groupe est marqué par des concentrations importantes en composés chimiques de défense (Martí et al., 2004 ; Paul et al., 2006). C’est par ailleurs le groupe le moins consommé par les herbivores au niveau mondial (Poore et al., 2012). Enfin, la caractérisation biochimique de la MOP de l’Huveaune a montré des concentrations biochimiques globalement faibles, et une prédominance de glucides insolubles. Il n’est donc pas étonnant que cette MO n’ait pas une influence prépondérante sur les réseaux trophiques des récifs, même si des résultats récents obtenus dans la rade de Marseille semblent montrer qu’elle peut être consommée par le zooplancton (Daniela Banaru, comm. pers.). Ainsi, les résultats obtenus dans ce travail montrent que la source principale de MO qui soutient les réseaux trophiques des récifs artificiels du Prado est d’origine pélagique. Cependant, les signatures en azote mesurées pour les invertébrés prédateurs (Marthasterias glacialis et Hexaplex trunculus) sont trop élevées pour être expliquées uniquement par la voie pélagique. Elles suggèrent une consommation d’organismes dépendant plus étroitement de la production primaire benthique. Il ne convient donc pas d’exclure la production primaire benthique, même si son importance est relativement faible à ce stade de colonisation des récifs artificiels, et qu’elle entre probablement dans les réseaux trophiques via un pool détritique. Cette plus faible part de l’herbivorie par broutage empêche sans doute d’apporter des conclusions tranchées sur le rôle des concentrations biochimiques comme élément explicatif des choix alimentaires, comme cela a pu être fait dans des systèmes où l’herbivorie est dominante (Schaal, 2009 ; Dromard, 2013). La prise en compte de l’aspect dynamique des apports de MO phytoplanctonique et la consommation minoritaire des sources de faible qualité nutritive montre cependant qu’il est possible d’apporter des éléments de compréhension sur les choix de consommation ou de rejet de certaines ressources.

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8.1.3. Communauté de poissons – Fonctionnement global de l’écosystème « Récifs Artificiels » Les résultats observés pour la communauté de poissons ont permis de séparer cinq groupes d’espèces à partir de l’alimentation, et six à partir des signatures isotopiques. Les poissons des récifs occupent globalement 3 niveaux trophiques. Cette organisation et la gamme de variation observée pour les signatures isotopiques sont comparables à ce qui est observé dans les écosystèmes rocheux naturels (Harmelin, 1987 ; Fasola et al., 1997 ; Jennings et al., 1997 ; Pinnegar et Polunin, 2000).

Les trois espèces de zooplanctonophages (Boops boops, Spicara maena et Spicara smaris) présentent les signatures isotopiques les plus faibles, cohérentes avec une alimentation basée sur des crustacés zooplanctoniques. L’ensemble des indicateurs qui caractérisent ce groupe montre une grande spécificité trophique des zooplanctonophages. Leur position au sein de la « voie pélagique » est cohérente avec cette alimentation. Pour ces espèces de pleine eau, les récifs artificiels ne représentent pas l’origine principale de leurs proies dans la mesure où leur alimentation est principalement pélagique. Il n’est ainsi pas étonnant de les retrouver en grand nombre autour des modules « Filière Haute », conçus pour fonctionner comme des dispositifs concentrateurs de poissons. Cependant, le δ15N moyen de ce groupe (8.28 ± 0.51 ‰) semble plus élevé que ce qu’il devrait être dans le cas d’une consommation exclusive de zooplancton. La présence d’invertébrés benthiques et de débris de producteurs primaires dans les contenus stomacaux de ces espèces peut expliquer ce δ15N et attester d’une utilisation même modeste de la production de biomasse des récifs. L’utilisation accessoire de MO terrigène pourrait également expliquer cette valeur élevée.

Trois autres groupes sont placés à un niveau trophique au-dessus de celui des zooplanctonophages. Il s’agit des mésocarnivores de substrat dur (labridés et sparidés), les mésocarnivores de substrat meuble et les macrocarnivores. La proximité isotopique entre ces deux derniers groupes est liée à une alimentation comparable principalement basée sur les crustacés, avec des tailles différentes de proies en fonction des groupes (petits crustacés pour les mésocarnivores, caridés et brachyoures pour les macrocarnivores). La niche trophique des macrocarnivores est par ailleurs très réduite, ce qui pourrait être le signe d’une alimentation très ciblée sur quelques proies (Harmelin-Vivien et al., 1989). Les deux sous-groupes de mésocarnivores de substrat dur (labridés et sparidés) divergent des autres espèces. Les signatures plus faibles observées pour les labridés sont cohérentes avec une niche isotopique

237 Chapitre 8 - Synthèse restreinte liée à une alimentation majoritairement basée sur les mollusques gastéropodes et bivalves. Au contraire, les sparidés montrent des δ13C comparables à ceux des mésocarnivores de substrat meuble et des macrocarnivores, qui s’expliquent par un régime alimentaire large. La niche isotopique associée à ce groupe est très large, signe de l’utilisation de proies avec des signatures très variables. Le δ15N ne correspond cependant pas avec la consommation d’invertébrés. Il pourrait être lié à un facteur de fractionnement plus élevé, associé à la capacité de ces espèces à adopter un régime alimentaire herbivore (Mill et al., 2007). Malgré ces différences entre groupes, les caractéristiques trophiques de ces poissons indiquent qu’ils dépendent largement des ressources alimentaires présentes sur les récifs artificiels. Les signatures isotopiques mesurées pour ces espèces les placent dans la continuité de celles des invertébrés des récifs (Fig. 8.2). La plupart des espèces observées dans les contenus stomacaux ont également pu être échantillonnées sur les récifs artificiels, notamment au sein des pochons d’huîtres. L’enchevêtrement de coquilles permet de créer des abris pour de nombreuses espèces, notamment de crustacés, qui représentent des proies essentielles pour les poissons dans la plupart des écosystèmes marins « naturels » (Bell et Harmelin-Vivien, 1983 ; Harmelin-Vivien, 1983 ; Morte et al., 2001 ; Stergiou et Karpouzi, 2002 ; Banaru, 2008 ; Fanelli et al., 2011 ; Layman et Allgeier, 2012) et aussi sur les récifs artificiels (Pepe et al., 1996; 1998 ; Relini et al., 2002 ; Fabi et al., 2006 ; Castriota et al., 2012). Cela confirme par ailleurs que la mise en place de récifs artificiels ne semble pas modifier les régimes alimentaires des espèces de poissons. L’observation en plongée de rascasses « en embuscade » sur les pochons semble confirmer que ces dispositifs sont utilisés par ces espèces pour leur alimentation lorsque les crustacés en sortent, notamment la nuit (Fig. 8.4).

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Fig. 8. 4 : Rascasse (Scorpaena notata) sur un pochon d’huîtres. Photo Sandrine Ruitton

La consommation de producteurs primaires par les sparidés montre, comme pour les invertébrés, que si la « voie pélagique » semble prépondérante pour soutenir la biomasse des poissons des récifs, il est également important de prendre en considération la « voie benthique » liée à la production primaire locale. Par ailleurs, malgré l’observation de variations spatiales des signatures isotopiques de la plupart des invertébrés consommés par ces espèces, les méso- et macrocarnivores ne montrent de différences notables de leurs signatures isotopiques entre les deux récifs. La plupart de ces poissons ont des capacités de déplacement importantes (Pastor, 2008). De plus, la proximité entre les récifs peut permettre des créer des étapes où un abri existe et d’éviter de longs déplacements « à découvert ». Il est donc probable que l’alimentation de ces espèces se fasse à l’échelle de l’ensemble de la zone de récifs. L’apport important de ressources alimentaires, constituées aussi bien des petits invertébrés que des producteurs primaires benthiques, permet par ailleurs d’expliquer la prédominance des méso- et macrocarnivores dans les assemblages de poissons associés aux modules « Paniers Acier ». Les labridés et les sparidés sont ainsi les espèces les plus fréquentes sur ces modules et représentent près de 50 % de la biomasse des poissons benthiques (Fig. 8.5).

239 Chapitre 8 - Synthèse

Fig. 8.5 : Abondances et biomasses relatives des espèces de poissons sur les récifs « Panier Acier » pendant les 4 années de suivi (2009-2012). La catégorie « Autres » représente les espèces pour lesquelles l’abondance est inférieure ou égale à 1 %. Les couleurs représentent les groupes trophiques (vert : mésocarnivores de substrat dur ; rouge : mésocarnivores de substrat meuble ; bleu foncé : macrocarnivores ; marron : piscivores benthiques ; bleu clair : piscivores pélagiques. Données GIS Posidonie – Laurence Le Diréach comm. pers.

La biomasse importante des poissons piscivores, benthiques et pélagiques, en fait également des composants majeurs de la communauté de poissons des récifs artificiels (Fig. 8.5). Les piscivores représentent les espèces de plus haut niveau trophique sur les récifs. Bien qu’elles consomment toutes des poissons, ces espèces présentent des signatures isotopiques très variables. L’alimentation des piscivores benthiques semble très spécifique et est basée sur les mésocarnivores de substrat dur, principalement les labres. Au contraire, les piscivores pélagiques montrent une diversité isotopique importante, reflet potentiel d’une alimentation variée. Les valeurs faibles mesurées pour Sphyraena viridensis semblent refléter une alimentation basée principalement sur les poissons zooplanctonophages présents sur les récifs. Au contraire, les valeurs plus élevées mesurées pour Trachurus mediterraneus et Dicentrarchus labrax pourraient être le reflet d’une consommation d’espèces ayant des δ15N plus élevés. Cependant, du fait des capacités de déplacement importantes de ces espèces, il n’est pas possible d’exclure que leurs signatures isotopiques soient le reflet d’une alimentation dans d’autres environnements que les récifs artificiels.

La comparaison des données des niveaux trophiques (NT) issus de la littérature ou calculés apporte également des informations intéressantes sur le fonctionnement de l’écosystème des récifs artificiels (Tab. 8.1). Pour la plupart des espèces, il y a une plus grande cohérence entre les niveaux trophiques théoriques issus de la littérature et les niveaux trophiques calculés en utilisant la production primaire nanophytoplanctonique comme ligne

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de base. Cela permet d’apporter un nouvel élément en faveur de la prédominance de la production primaire pélagique comme source de MO sur les récifs. Pour quatre espèces (Boops boops et les trois espèces du genre Diplodus), il y a une cohérence plus importante entre le NT théorique et le NT calculé à partir du δ15N de la production primaire benthique. Ces résultats montrent également que, même si la production primaire pélagique est prédominante dans les réseaux trophiques des récifs artificiels, la production primaire benthique locale semble également jouer un rôle qu’il est important de prendre en compte. La comparaison des NT théoriques et calculés pour T. mediterraneus montre un profil particulier. C’est la seule espèce pour laquelle les NT calculés sont supérieurs aux NT théoriques. Cela peut signifier que (1) la source principale de matière dont dépend T. mediterraneus a un δ15N plus élevé ou que (2) le facteur de fractionnement associé à T. mediterraneus est plus faible sur les récifs artificiels qu’à l’extérieur. Dans les deux cas, ce calcul montre la capacité de cette espèce à utiliser les ressources alimentaires d’autres écosystèmes. Enfin, il semble que cette approche ne soit pas appropriée pour les piscivores de plus haut niveau trophique (i.e. pour lesquels le NT théorique est supérieur ou égal à 4). Pour toutes ces espèces, les valeurs calculées à partir du δ15N sont plus faibles que les valeurs théoriques calculées à partir de l’alimentation. Certaines différences sont par ailleurs très marquées. Pour S. saurus, il y a ainsi au moins près d’un niveau trophique de différence entre les valeurs théoriques et calculées. Pour ces espèces de haut niveau trophique, il est probable que la méthode de calcul atteigne ses limites et que les biais deviennent prépondérants. L’utilisation d’un facteur de fractionnement unique de 3.4 pour les espèces de tous les niveaux trophiques est discutable et est remise en cause par des travaux récents (Mill et al., 2007 ; Varela et al., 2011). La multiplication de ces biais à chaque niveau trophique peut être un élément d’explication des différences observées. Le fait que les NT calculés soient inférieurs aux NT théoriques semble également montrer que la diminution du facteur de fractionnement observée chez les poissons piscivores conditionne fortement la signature de ces espèces et implique de prendre des précautions pour la détermination du niveau trophique uniquement à partir des valeurs de δ15N.

241 Chapitre 8 - Synthèse

Tab. 8.1 : Comparaison des niveaux trophiques (NT) des poissons des récifs. Le niveau trophique est tiré de données de la littérature (a : Stergiou and Karpouzi (2002) ; b : Darnaude (2005) ; c : Soares et al. (2003) ; d : Rogdakis et al. (2010) ; e: Barreiros et al. (2002). Le NT a également été calculé à partir 15 15 15 15 des valeurs de δ N en utilisant la formule suivante, NTi = 1+ (δ Ni – δ NB) / 3.4, ou δ Ni est la 15 signature isotopique moyenne mesurée pour l’espèce i et δ NB est la signature isotopique de la source de MO dont dépend le poisson, nanophytoplancton (δ15N = 1.77) ou macroalgues (δ15N = 3.91). Les similarités entre NT théoriques et calculés sont mises en évidence par la couleur des cases (bleu : production primaire pélagique ; vert : production primaire benthique)

Groupes trophiques Espèces NT théorique δ15N (‰) NT calculé Nanophyto. Macroalgues Zooplanctono- Boops boops 2.5 a 8.5 3.0 2.3 phages Spicara smaris 3.0 a 8.6 3.0 2.4 Spicara maena 3.2 a 7.8 2.8 2.2 Moyenne 2.8 ± 0.3 8.3 ± 0.5 2.9 ± 0.2 2.3 ± 0.2

Labridés Coris julis 3.3 a 9.8 3.3 2.7 Symphodus tinca 3.3 a 9.6 3.3 2.7 S. mediterraneus 3.2 a 9.2 3.2 2.5 Moyenne 3.3 ± 0.1 9.5 ± 0.5 3.3 ± 0.1 2.6 ± 0.1

Diplodus spp. Diplodus annularis 3.4 a 11.7 3.9 3.3 Diplodus sargus 3.4 a 11.5 3.9 3.2 Diplodus vulgaris 3.1 a 11.6 3.9 3.3 Moyenne 3.3 ± 0.2 11.7 ± 1.3 3.9 ± 0.4 3.3 ± 0.4

Mésocarnivores de Microchirus variegatus 3.4 b 10.2 3.5 2.8 substrat meuble Mullus surmuletus 3.3 a 9.9 3.4 2.8 Pagellus acarne 3.7 a 10.6 3.6 3.0 Pagellus erythrinus 3.3 a 10.8 3.7 3.0 Trigloporus lastoviza 3.5 a 9.8 3.3 2.7 Moyenne 3.4 ± 0.2 10.3 ± 0.7 3.5 ± 0.2 2.9 ± 0.2

Macrocarnivores Scorpaena notata 3.5 a 10.2 3.5 2.8 Scorpaena porcus 4.0 a 9.7 3.3 2.7 Serranus cabrilla 3.4 a 9.8 3.4 2.7 Moyenne 3.6 ± 0.3 9.9 ± 0.4 3.5 ± 0.1 2.8 ± 0.1

Piscivores Scorpaena scrofa 4.1 a 10.1 3.4 2.8 benthiques Synodus saurus 4.5 c 10.5 3.6 2.9 Phycis phycis 4.1 a 10.7 3.6 3.0 Moyenne 4.2 ± 0.2 10.3 ± 0.5 3.5 ± 0.2 2.9 ± 0.2 Piscivores Dicentrarchus labrax 4.3d 13.9 4.6 3.9 pélagiques T. mediterraneus 3.5a 14.9 4.9 4.2 S. viridensis 4.3e 11.1 3.7 3.1 Moyenne 4.0 ± 0.5 13.3 ± 2.3 4.4 ± 0.7 3.8 ± 0.7

Pour les piscivores benthiques et S. viridensis, la consommation d’espèces de poissons présentes sur les récifs témoigne de l’affinité trophique de ces espèces pour les récifs. Ils sont donc le reflet des mécanismes trophiques au sein de l’écosystème des récifs artificiels. Leur position trophique élevée en fait également des intégrateurs du fonctionnement global des

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récifs artificiels. Il est donc intéressant de considérer l’évolution des biomasses de ces piscivores benthiques depuis le déploiement des récifs artificiels (Fig. 8.6). Depuis 2009, une augmentation nette des biomasses est observée pour trois espèces de piscivores benthiques9. C’est par ailleurs pour ces espèces que l’augmentation est la plus notable sur les paniers aciers (Laurence Le Diréach comm. pers.). Cette augmentation de biomasse peut avoir deux explications. Elle peut être liée à la croissance d’individus présents sur les récifs en lien avec l’augmentation des ressources alimentaires, plus disponibles sur les récifs artificiels (Scarcella et al., 2011). L’évolution des pourcentages d’occurrence observés pour ces trois espèces sur l’ensemble des modules semble montrer que l’augmentation de biomasse nette observée en 2012 est plutôt liée à une augmentation du nombre d’individus présents sur les récifs (Fig. 8.6). Cependant, ces trois espèces montrent un comportement sédentaire. Ils sont inféodés aux habitats confinés et il est courant de retrouver systématiquement les mêmes individus aux mêmes endroits sur les récifs artificiels (obs. pers.). L’évolution positive des biomasses pour ces espèces indique ainsi que la production locale de poissons est suffisante pour supporter la production d’une biomasse importante de piscivores benthiques.

Fig. 8. 6: Evolution des biomasses et des pourcentages d’occurrence de trois espèces de piscivores benthiques Scorpaena scrofa, Phycis phycis et Conger conger. Les biomasses sont calculées spécifiquement pour les modules « Panier Acier », alors que les occurrences concernent l’ensemble des types de récifs artificiels. Données GIS Posidonie – Laurence Le Diréach comm. pers.

9 Des analyses isotopiques ont pu être effectuées uniquement sur un individu de Conger conger. Ces données ne sont donc pas suffisamment robustes pour attester de la position du congre au sein du réseau trophique des récifs. Les valeurs obtenues (δ13C = 17.80 ± 0.41 ‰, δ15N = 11.24 ± 0.03 ‰) et les données sur l’alimentation de cette espèce (Bell et Harmelin-Vivien, 1983) permettent cependant de le placer au sein des piscivores benthiques.

243 Chapitre 8 - Synthèse

En ce qui concerne les deux espèces de piscivores pélagiques « top prédateurs » (Trachurus mediterraneus et Dicentrarchus labrax), les signatures isotopiques mesurées et les connaissances sur le comportement alimentaire de ces espèces semblent nettement exclure une dépendance exclusive de ces espèces sur les poissons des récifs. Cependant, elles sont régulièrement observées sur les récifs, ce qui dénote malgré tout une utilisation, même partielle, de la production de biomasse des récifs (Le Diréach et al., 2011 ; Rouanet et al., 2012). Les capacités importantes de déplacement de ces espèces en font certainement une voie importante d’exportation de la production de biomasse des récifs. D’autres organismes de plus hauts niveaux trophiques ont pu être observés dans la zone des récifs artificiels, notamment des grands prédateurs pélagiques comme le thon ou des mammifères marins. Du fait de leurs besoins alimentaires importants et de leurs grandes capacités de capture de poissons, certaines espèces d’oiseaux pourraient représenter localement une voie importante de sortie de la production de biomasse des récifs artificiels (Morat et al., 2011). Enfin, bien que toute forme de capture soit interdite sur les récifs à l’heure actuelle, l’ouverture probable d’une partie de la zone à la pêche représente également une voie d’exportation de la production du système qu’il est nécessaire d’envisager dans le cadre d’un modèle fonctionnel d’écosystème (Fig. 8.7)

244

Fig. 8.7 : Modèle fonctionnel qualitatif des réseaux trophiques établis sur les modules « Panier Acier ». La taille des flèches ou des boîtes n’est pas représentative de l’intensité des flux ou de l’importance des groupes. La couleur des boîtes correspond à la source de MO qui les alimente (bleu : pélagique ; vert : benthique ; marron : détritique terrestre). La zone grisée représente l’écosystème des récifs artificiels. L’exportation de biomasse par migration des poissons benthiques n’est pas représentée. BAFSH : Bactéries, Archées, Fungi, Straménopiles, Hétérotrophes. MOP : Matière Organique Particulaire ; MOS : Matière Organique du Sédiment. Mesocarniv SD : mésocarnivore de substrat dur. Les flèches pointillées vertes et bleues représentent des apports de nutrients inorganiques. Les silhouettes des organismes proviennent du site http://ian.umces.edu/ 245 Chapitre 8 - Perspectives

8.2. Perspectives

8.2.1. Apport des nouvelles techniques en écologie trophique

Bien que les isotopes stables du carbone et de l’azote aient permis de caractériser les sources de MO qui alimentent les récifs artificiels, plusieurs questions subsistent toujours. L’utilisation de la production primaire benthique, principalement sous forme détritique, ne permet pas de préciser s’il existe un choix entre les espèces consommées. La difficulté technique à réaliser des analyses du carbone pour les petits gastéropodes a empêché également de déterminer avec précision leur réelle dépendance sur les phéophycées. Une des techniques récemment développée en écologie trophique consiste à réaliser un séquençage du bol alimentaire et de comparer les séquences ADN amplifiées par rapport à celles d’une banque (Leray et al., 2012). Cette technique présente cependant des limites, notamment liées au choix des amorces qui conditionnent les séquences amplifiées. Par ailleurs, l’utilisation de cette technique chez des organismes prédateurs apporte des résultats ambigus, car les séquences amplifiées peuvent correspondre aux proies effectivement consommées, à l’alimentation des proies, aux organismes en épibiose sur les proies, à l’ensemble des parasites... Pour les organismes de bas niveau trophique, ces biais sont moins limitants même s’ils existent. L’utilisation de cette technique permettrait cependant de confirmer si les phéophycées rentrent bien dans l’alimentation des gastéropodes. Cette technique permettrait également de confirmer ou non que les rhodobiontes et Flabellia petiolata ne représentent pas des sources importantes de MO. D’autres techniques, comme l’analyse des acides gras pourraient également confirmer l’utilisation de la production pélagique, benthique ou terrestre. Les acides gras sont les molécules unitaires des lipides. Certains d’entre eux (acides gras essentiels) ne peuvent pas être synthétisés de novo par les consommateurs et sont donc exclusivement tirés de l’alimentation. La structure de ces acides gras (nombre d’atomes de carbone, nombre d’insaturations) est spécifique d’un type de production primaire et peut permettre de séparer les différentes productions primaires (Chuecas et Riley, 1969 ; Viso et al., 1993). Il est par ailleurs possible de quantifier par chromatographie l’importance relative de chaque type d’acide gras pour quantifier l’importance de la voie trophique dont il provient dans l’alimentation de l’organisme (Nérot, 2011).

246

Il est également possible d’aller plus loin dans l’utilisation des isotopes stables. A l’heure actuelle, une technique prometteuse semble être l’analyse des ratios isotopiques « composés spécifiques » (CS-SIA, ‘Compoud-Specific Stable Isotope Analysis’). Cette approche se base sur le fractionnement différent des acides aminés essentiels ou non essentiels. Les acides aminés essentiels ne sont pas synthétisables par les consommateurs. Ils sont donc extraits sans modification métabolique de l’alimentation et subissent un fractionnement isotopique négligeable. Au contraire, les acides aminés non essentiels sont synthétisés par le consommateur à partir de son alimentation et subissent les fractionnements liés aux métabolismes de digestion de l’alimentation et de synthèse des macromolécules (Fig. 8.8). L’utilisation des isotopes stables du carbone et de l’azote à partir des échantillons de muscle pour déterminer la position trophique des espèces de poissons a montré une certaine limite notamment pour les piscivores, pour lesquels le facteur de fractionnement « universel » de 3.4 ‰ ou l’alimentation dans d’autres zones que les récifs artificiels empêchait la détermination d’un niveau trophique cohérent. L’application d’une telle méthode ici pourrait permettre d’apporter plus de précision dans la détermination de ces valeurs, dans la mesure où ces outils permettent de déterminer des valeurs de niveaux trophiques sans avoir besoin de faire référence au δ15N de la ligne de base (Chikaraishi et al., 2009 ; Miller et al., 2013). Dans ce travail, la MOP a été considérée comme un pool unique hétérogène et sa composition a été déduite de sa signature isotopique par rapport à des valeurs issues de la littérature. Cette approche est classiquement utilisée notamment du fait de la complexité technique de séparer les différentes composantes de ce pool (Riera et Richard, 1996 ; Savoye et al., 2003 ; Tesi et al., 2007 ; Miller et Page, 2012), même s’il est possible de réaliser des signatures isotopiques propres au phytoplancton par exemple (Rau et al., 1990 ; Harmelin- Vivien et al., 2008b). Du fait de l’importance de la production primaire phytoplanctonique dans les réseaux trophiques des récifs artificiels du Prado, une telle approche pourrait être intéressante afin de confirmer de manière certaine l’importance du pico- et nanophytoplancton. Le couplage de ces déterminations de signature isotopiques par classe de taille avec une quantification de la composition de la MOP (par dosage de la chlorophylle et comptage en microscopie et en cytométrie en flux de toute la gamme de taille des cellules) permettrait une avancée théorique importante au niveau de l’utilisation des isotopes stables dans ce genre d’approche.

247 Chapitre 8 - Perspectives

Fig. 8.8 : Application de la méthode des isotopes stables des acides aminés à la détermination du niveau trophique des larves leptocéphales d’anguilles. (a) Schéma théorique de fonctionnement de la méthode. Le δ15N de l’acide aminé essentiel, intégré directement depuis l’alimentation dans les tissus du consommateur subit un fractionnement faible (y), et négligeable par rapport à celui de l’acide aminé non essentiel (x) qui est synthétisé par le consommateur. Redessiné à partir de Chikaraishi et al. (2009) (b) Calibration de cette méthode sur des anguilles d’élevage dont l’alimentation est connue (partie grisée) et des anguilles sauvages. (c) Application de cette méthode pour déterminer la position trophique des anguilles naturelles par rapport à d’autres organismes de leur écosystème naturel. Redessiné d’après Miller et al. (2013)

248

8.2.2. Est-il réellement possible d’extrapoler le fonctionnement trophique des récifs artificiels à celui d’un écosystème de substrat dur naturel ? Même si les récifs artificiels peuvent être considérés comme des substrats durs, il est évident qu’il n’est pas possible de comparer directement le fonctionnement de ce substrat artificiel avec une zone rocheuse côtière. L’organisation de la communauté de poissons et les patterns alimentaires des espèces semblent cependant montrer des similitudes de fonctionnement entre un ssubstrat artificiel et un substrat naturel. La prédominance de la voie pélagique pourrait également s’appliquer aux écosystèmes rocheux naturels qui sont pour la plupart également composés en grand nombre d’espèces de filtreurs, comme des gorgonaires, des éponges ou des ascidies. Les spécificités de ces groupes de filtreurs pourraient cependant modifier l’importance de l’utilisation des différentes classes de taille du phytoplancton, du zooplancton et des débris de producteurs primaires (Kang et al., 2009 ; Topçu et al., 2010 ; Cocito et al., 2013). Cependant, l’extrapolation des résultats des récifs artificiels récemment installés et encore en cours de colonisation à un substrat dur naturel nécessiterait d’autres investigations complémentaires et parfois difficiles à mener. Il faudrait par exemple compléter l’échantillonage pour avoir un panel plus complet des organismes présents ou réaliser le même travail simultanément sur une zone rocheuse naturelle. La compréhension du fonctionnement trophique des récifs artificiels a nécessité un effort d’échantillonnage important pour prendre en compte les variations spatiales et saisonnières du système. Cela a permis de confirmer des influences différentes sur les deux parties de la zone, en lien avec les structures hydrodynamiques précédemment mises en évidence (Castelbon, 1972 ; Pradal et Millet, 2006) et avec l’évolution temporelle des communautés benthiques et pélagiques (Gregori et al., 2001 ; Vizzini et al., 2003). Cela a également permis de mieux comprendre les mécanismes alimentaires utilisés par les filtreurs sessiles et les poissons. Il sera nécessaire de tenir compte de ces paramètres dans la définition des futures mesures de gestion de la zone. Un tel effort d’échantillonnage et d’analyses ne pouvait pas être répété simultanément sur un substrat naturel rocheux proche. Il est donc compliqué d’aller trop avant dans la comparaison des deux systèmes et l’extrapolation du fonctionnement des récifs artificiels au milieu naturel. L’analyse des isotopes stables et des contenus stomacaux des poissons a confirmé le rôle crucial des crustacés dans le transfert de MO depuis les récifs artificiels jusqu’aux poissons (Relini et al., 2002). De manière plus générale, l’ensemble de la petite faune vagile

249 Chapitre 8 - Perspectives du pochon représente une source importante de nourriture pour la plupart des poissons. En milieu rocheux, ces espèces sont cachées dans de multiples anfractuosités naturelles au sein desquelles il aurait été difficile de les échantillonner correctement. Cela aurait impliqué des méthodes destructrices, compliquées à mettre en place dans un substrat naturel. Enfin, malgré la rapidité de colonisation des récifs artificiels, il est impossible de comparer un substrat artificiel « jeune », immergé depuis 4 ans, à un écosystème rocheux naturel dont l’organisation et les espèces qui le composent résultent de mécanismes qui ont duré des centaines d’années. Il est ainsi impossible de comparer un substrat artificiel en phase de colonisation avec un écosystème naturel coralligène qui a atteint un stade mature. Dans le futur, il serait nécessaire de suivre et de comprendre l’évolution des récifs artificiels face à des changements liés à des impacts naturels ou anthropiques. Quoi qu’il en soit, le fonctionnement trophique des récifs artificiels se rapproche de celui d’un écosystème de substrat dur naturel, dans la limite des organismes présents à ce stade de colonisation. Les organismes observés sur les récifs artificiels du Prado, en particulier les poissons et les invertébrés benthiques sont typiques et très comparables à ceux que l’on retrouve dans les zones rocheuses naturelles à cette profondeur. Les grandes voies d’utilisation et de circulation de la MO mise en évidence ici sont donc certainement très proches de celles des zones naturelles. Ce champ de récifs constitue un terrain d’étude très intéressant, de par la possibilité d’étudier un système bien délimité dans l’espace mais également de par l’accessibilité des organismes à échantillonner.

8.2.3. Quantification des flux de matière et d’énergie sur les récifs artificiels. Par l’utilisation des isotopes stables du carbone et de l’azote de l’ensemble des composantes de l’écosystème des récifs artificiels du Prado, il a été possible d’apporter une vision qualitative des relations trophiques établies entre pools de MO et organismes (Fig. 8.7). L’approche isotopique ne permet pas de quantifier l’intensité des flux de matière et d’énergie. Cependant, cette thèse s’inscrit dans un plus vaste programme de suivi du fonctionnement des récifs artificiels. Le travail de suivi réalisé par le GIS Posidonie permet de compléter l’approche qualitative des isotopes stables par un jeu de données très important sur la quantification des peuplements des récifs artificiels (Le Diréach et al., 2011 ; Rouanet et al., 2012). Ces données seront cruciales pour apporter des éléments décisifs de réponse à la question principale relative au fonctionnement des récifs artificiels : ces structures sont-elles exclusivement des concentrateurs de biomasse ou bien la production primaire (pélagique et

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benthique) qu’elles fixent est-elle suffisante pour produire de la biomasse ? Un premier élément de réponse pourra être apporté par la comparaison des flux de carbone entre un écosystème de matte morte et la communauté des récifs artificiels (Fig. 8.9). Le travail réalisé sur la colonisation des faces des récifs pourra permettre de déterminer l’augmentation de production liée aux macroalgues qui utilisent le récif artificiel comme substrat et l’augmentation de la production primaire pélagique retenue par les filtreurs sessiles. L’ensemble de ces données, qualitatives et quantitatives pourra également servir de base par la suite à la construction d’un modèle d’écosystème. Les données de suivi de la biomasse et de l’abondance des différents groupes permettront de quantifier les importances relatives des « boîtes » et des flux entre les boîtes, déterminés par les isotopes stables. Ces modèles pourront être à la base de scénarios de gestion et de prévision de leurs effets sur le fonctionnement du système.

Fig. 8.9 : Comparaison théorique entre la production d’un écosystème de matte morte (à gauche) et un écosystème de récifs artificiels (à droite). PPB1 : production primaire benthique de la matte morte. PPB2 : production primaire benthique des macroalgues colonisant les récifs artificiels.

8.2.4. Et dans l’avenir ? Comment vont évoluer les communautés des récifs artificiels ? Par rapport à des substrats rocheux naturels, les récifs artificiels représentent des écosystèmes jeunes, présents dans le milieu depuis un temps très court et voués à évoluer. Les récifs artificiels sont des substrats dynamiques dont l’évolution est d’autant plus rapide que leur immersion est récente (Wahl, 1989). Au moment des prélevements utilisés dans ce travail, les récifs artificiels du Prado pouvaient être considérés comme étant à la fin de leur stade de colonisation pionnière. Les peuplements des récifs ne sont pas matures. La structure démographique et la composition des peuplements vont se modifier. Dans d’autres systèmes

251 Chapitre 8 - Perspectives de récifs artificiels, des suivis sur plusieurs années ont montré une évolution de nombreux paramètres biotiques et abiotiques autour des récifs. Les données isotopiques et biochimiques obtenues dans ce travail pourront servir de base à des analyses similaires dans les années à venir. Sous l’effet du plus grand nombre d’organismes et de leurs rejets, la nature du sédiment se modifie (Cheung et al., 2010). Une augmentation des concentrations en azote et en phosphore a ainsi pu être observée autour des récifs artificiels (Dewsbury et Fourqueran, 2010). La détermination des concentrations biochimiques et des signatures isotopiques du sédiment autour des récifs artificiels pourra permettre de vérifier si un tel phénomène se produit ici. La nature et la composition chimique des producteurs primaires sur et à proximité des récifs peuvent également se modifier. Les rejets d’azote dans les fèces privilégient des espèces à croissance plus rapide et augmentent la quantité d’azote dans les tissus (Dewsbury et Fourqueran, 2010). La comparaison des profils biochimiques des macroalgues pourra permettre de vérifier cette hypothèse. Une telle augmentation pourrait également amener une modification des comportements alimentaires des brouteurs face à des substrats alimentaires de meilleure qualité. Cela pourrait amener une modification des réseaux trophiques, et une augmentation de l’importance de l’herbivorie dans le système.

Ce travail représente une première approche de l’utilisation couplée de plusieurs techniques, désormais classique, pour comprendre le fonctionnement trophique d’un système de récifs artificiels. Il a permis de mettre en évidence l’importance de la production primaire planctonique, mais aussi l’utilisation de la production primaire benthique locale. Il a aussi confirmé le rôle de l’apport alimentaire de ces structures pour la plupart des espèces de poissons qui les fréquentent. Ce travail a mis en évidence certaines difficultés liées aux particularités des techniques utilisées, par exemple pour déterminer les niveaux trophiques de certaines espèces de poissons ou pour discriminer les espèces de producteurs primaires consommées. Il est probable que le développement et l’utilisation de nouvelles techniques pourront apporter des réponses à ces questions. Les données obtenues dans ce travail sont également le reflet du fonctionnement des récifs artificiels à un stade initial de leur colonisation. Elles pourront servir d’éléments de comparaison pour de prochaines études visant à mieux comprendre les changements à venir dans le fonctionnement de ces structures hautement évolutives que sont les récifs artificiels. Elles permettent également de mieux comprendre comment les récifs artificiels peuvent être un outil de soutien aux pêcheries artisanales.

252 Chapitre 9 – Références bibliographiques

Chapitre 9. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Photo Sandrine Ruitton

253 Chapitre 9 – Références bibliographiques

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281

Chapitre 10. COMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES PRINCIPALES

Publication acceptée

Cresson P, Ruitton S, Fontaine M-F, Harmelin Vivien M. 2012. Spatio-temporal variation of suspended and sedimentary organic matter quality in the Bay of Marseilles (NW Mediterranean) assessed by biochemical and isotopic analyses. Marine Pollution Bulletin 64: 1112-1121 Publication soumise

Cresson P, Ruitton S, Ourgaud M., Harmelin Vivien M. Feeding and trophic relationships of fishes on artificial reefs of the French Mediterranean coast. Soumis à Journal of Experimental Biology and Ecology

Communications orales

Cresson P, Ruitton S, Ourgaud M, Fontaine M-F, Harmelin-Vivien M. 2012. Caractérisation isotopique et biochimique des pools de matière organique à l’origine des réseaux trophiques sur les récifs artificiels de la baie du Prado (Marseille). Congrès des doctorants 18/19 avril. Marseille. Cresson P, Ourgaud M, Ruitton S, Harmelin-Vivien M. 2012. Impact de l’implantation d’un système de récifs artificiels sur les comportements trophiques des téléostéens dans la baie de Marseille. 5èmes rencontres de l’ichtyologie en France. 27-30 mars. Paris, France Cresson P, Fontaine M.F, Ruitton S, Harmelin-Vivien M. 2011. Variation saisonnière de la matière organique en suspension et du sédiment dans la baie de Marseille: approches isotopiques et biochimiques. 5 ème journées Jeunes Chercheurs de la Société Française des Isotopes Stables. 12-14 octobre, Brest. 3 ème prix de la meilleure présentation Dubois M. , Bentahar I., Antonioli P , Astruch PA , Bonhomme P. , Bonhomme D. , Chevaldonné P, Cresson P., Harmelin-Vivien M, Le Diréach L. , Medioni E., Ruitton S. , Perez T. 2011. Integrated coastal zone management in the French Mediterranean: A large- scale Artificial Reefs programme in the Bay of Marseille. World conference on marine biodiversity. 26-30 September. Aberdeen, Ecosse.

Poster

Cresson P, Ruitton S, Ourgaud M, Fontaine M-F, Harmelin-Vivien M. 2012. How organic matter sources are integrated into trophic networks of an artificial reef system? A case study from French Mediterranean coastal zone. Eighth International conference on applications of stable isotopes techniques to ecological studies (ISOECOL). 20-24 Août. Brest, France.

282 Chapitre 10 – Communication scientifiques

283

284

Résumé L’installation de récifs artificiels est une des solutions classiquement proposées en zone côtière pour soutenir la petite pêche artisanale. C’est dans ce but qu’a été déployé dans la baie de Marseille le plus grand ensemble de récifs artificiels de Méditerranée. Ce système offre une opportunité de comprendre le fonctionnement trophique de telles structures. Cela implique (1) de caractériser les sources de matière organique (MO) marines, benthiques et pélagiques, ainsi que terrigènes, (2) de déterminer leur utilisation par les consommateurs et (3) de suivre leur devenir au sein des réseaux trophiques. Ces questions ont été appréhendées par le biais de trois approches méthodologiques couplées. Les isotopes stables du carbone et de l’azote sont un outil puissant, classiquement utilisé pour suivre l’origine et le devenir de la MO. D’autre part, la caractérisation biochimique élémentaire (glucides, lipides et protéines) de ces mêmes sources apporte des informations sur la nature et la qualité alimentaire de la MO à disposition des consommateurs. Enfin, l’analyse des contenus stomacaux des poissons permet de préciser leur alimentation et leur position trophique. Les sources de MO présentent des différences de compositions isotopiques et biochimiques qui sont le reflet de leurs fonctionnements différents. La MO particulaire en suspension est un pool très variable, influencé par les apports terrigènes et marins, et soumis aux forçages climatiques. Son utilisation sélective par les organismes filtreurs, prépondérants sur les récifs, en fait la source principale de MO des réseaux trophiques sur les récifs artificiels. La production primaire benthique, très hétérogène dans sa composition et ses caractéristiques isotopiques et biochimiques, est principalement caractérisée par une qualité nutritionnelle faible. Elle contribue aux réseaux trophiques des récifs plus par le biais des détritus qu’elle produit que par une consommation directe, limitée. Enfin, la MO du sédiment est un pool détritique, peu variable, marqué par une qualité nutritionnelle faible. Les récifs artificiels ne semblent pas modifier la structure et le fonctionnement des communautés naturelles de poissons, et leur offrent des ressources alimentaires variées et importantes. Les isotopes stables et les contenus stomacaux des poissons confirment l’utilisation de la faune locale par les petits carnivores qui sont eux-mêmes les proies des espèces piscivores. L’ensemble des résultats acquis confirment la capacité des récifs artificiels à être des producteurs de biomasse, notamment de poissons, à partir des productions primaires phytoplanctonique et benthique locale. Mots clés : isotopes stables ; composition biochimique ; récifs artificiels ; réseaux trophiques ; pools de MO ; zones côtières

Abstract Artificial reefs are a classical tool used in coastal zone to sustain small scale fisheries. In the Bay of Marseilles, the largest Mediterranean artificial reef system was deployed for this purpose. This system offers a valuable opportunity to better understand the trophic functioning of artificial reefs. This implies (1) to characterize the organic matter (OM) sources, (2) to determine how they are used by low trophic level consumers and (3) to follow their fate in the trophic networks. All these issues were assessed by three coupled methodological approaches. Carbon and nitrogen stable isotope ratios are a powerful tool, classically used to follow OM sources through trophic networks. Their biochemical composition (carbohydrate, lipid and protein contents) would bring data on their potential nutritional qualities for consumers. Finally, stomach content analyses allow explaining the trophic position of fishes living on the artificial reefs and their variations. OM sources display isotopic and biochemical differences reflecting their particular composition and functioning. Suspended particulate OM (POM) is highly variable, under the influence of marine and terrestrial inputs, and controlled by climatic forcing. POM, selectively used by filter-feeder invertebrates, dominant on artificial reefs, represents the main source of carbon of the artificial reef food webs. The benthic primary production is very heterogeneous isotopically and biochemically, and exhibits mainly high insoluble carbohydrates contents. Benthic primary production is integrated into trophic networks mainly in the form of detritus, while its direct consumption is limited. Eventually, the sediment organic matter is a detrital pool, characterized by a low variability and a poor nutritional quality. Artificial reefs do not appear to modify the organization and the functioning of natural fish communities, and provide them diversified and important food resources. Stable isotope and stomach content analyses confirm the consumption of artificial reef invertebrates by small carnivorous fishes, preyed themselves by piscivorous predators. All these results confirm that artificial reefs can efficiently increase fish biomass by local production based on phytoplanktonic and local benthic OM sources.

Keywords: stable isotope analyses; biochemical composition; artificial reefs; trophic networks; organic matter pools; coastal zones