Slavica Bruxellensia, 8 | 2012, « Migration(S) Et Exil(S) » [En Ligne], Mis En Ligne Le 05 Juillet 2012, Consulté Le 01 Octobre 2020
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Slavica bruxellensia Revue polyphonique de littérature, culture et histoire slaves 8 | 2012 Migration(s) et Exil(s) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/slavica/903 DOI : 10.4000/slavica.903 ISSN : 2034-6395 Éditeur Université libre de Bruxelles - ULB Référence électronique Slavica bruxellensia, 8 | 2012, « Migration(s) et Exil(s) » [En ligne], mis en ligne le 05 juillet 2012, consulté le 01 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/slavica/903 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/slavica.903 Ce document a été généré automatiquement le 1 octobre 2020. Les contenus de Slavica bruxellensia sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 France. 1 SOMMAIRE Edito Edito #8 Dorota Walczak Articles « Un arbre généalogique de déportés » Le thème de l’exil dans l’œuvre d’Adam Zagajewski Anna Czabanowska-Wróbel Concerto pour un exil à propos de Cadeau d’adieu de Vladimir Tasić Alexandre Prstojević La double identité culturelle de Paul Cazin (1881-1963) Danuta Knysz-Tomaszewska L’impossible intégration d’Ivan Šmelёv en France Svetlana Maire Publier en exil : écrivains et imprimeurs polonais à Bruxelles, 1830-1870 Idesbald Goddeeris L’émigration russe et la naissance d’une orthodoxie française 1925-1953 Vasileios Pnevmatikakis Andrej Tarkovskij en France : le dernier exil européen du cinéaste Nicolas Planchard Excellensia Exotisation vs européanité : la bulgarité vue de Bulgarie et des États-Unis Fizika na tăgata (Physique de la tristesse, 2011) de Georgi Gospodinov et Na iztok ot zapada (À l'Est de l'Ouest, 2011) de Miroslav Penkov Marie Vrinat-Nikolov Traduction Traduction de « Lozanka » / « La Lausannoise » (nouvelle tirée du recueil Leksykon intymnyh mist / Lexique de villes intimes, 2011) de Jurij Andruhovič Traduction de l'ukrainien Olga Artyushkina et Anne Delizée Slavica bruxellensia, 8 | 2012 2 Entretien Entretien avec Luba Jurgenson Petra James et Nicolas Litvine Recensions Jan Woleński, L’École de Lvov-Varsovie. Philosophie et logique en Pologne (1895-1939) Sébastien Richard Alain Blum & Yuri Shapoval, Faux coupables – surveillance, aveux et procès en Ukraine soviétique (1924-1934) Brice Thissen Interpretować dalej. Najważniejsze polskie książki poetyckie lat 1945-1989, Kałuża A. & Świeściak A. (dir.) Małgorzata Wesołowska Jean-Paul Bronckart & Cristian Bota, Bakhtine démasqué. Histoire d’un menteur, d’une escroquerie et d’un délire collectif Katia Vandenborre Jaroslav Rudiš, La Fin des punks à Helsinki Morgan Corven et Caroline Vigent Jelle Brandt Corstius, Rusland voor gevorderden Bas Van der Ham Slavica bruxellensia, 8 | 2012 3 Edito Slavica bruxellensia, 8 | 2012 4 Edito #8 Dorota Walczak 1 Depuis l’antique Athènes antiques, « émigration » et « exil » constituent deux termes qui, par leur nature même, entrent en dialogue avec deux autres, tout aussi importants : la « démocratie » et la « citoyenneté ». Ainsi, l’histoire de l’humanité semble-t-elle aussi se partage entre deux pôles : les droits de l’homme d'une part et d'autre part l'atteinte permanente à cette évidence que l'on pourrait considérer comme la norme élémentaire de la vie de tout un chacun, le droit de vivre dans le pays de sa naissance dans le respect de la liberté et de la dignité personnelles. Or nos dictionnaires, nos ouvrages scientifiques, nos périodiques nous rapportent encore d’autres mots qui servent, en français, à définir le sort des hommes à travers les siècles, et dont le sens, les connotations et l’usage agrandissent le champ des interférences, rendant par là même plus ardu encore le débat autour de l’exil et de l’émigration (voire des exils et des émigrations) : par exemple, « migration », « expatriation », « expulsion », « déplacement », « bannissement », « pacification », « ostracisme », « réclusion », « internement », ou encore « refuge », « abandon » et « asile » ; et puis encore « censure » et « liberté d’expression », « émigration intérieure » ou « mutisme forcé ». Sans parler de la mythologie de l’exil et de son expression en confrontation obligée, ni du « choc » avec les récepteurs des différents niveaux, les allochtones, les « naturalisés », les confiants et les méfiants. La fuite du lieu honni ou la recherche de la terre promise, la fuite du lieu inamical ou la recherche du refuge continuent inexorablement, et l’être solitaire réfléchit à son geste. Et ça donne par exemple l'application exemplaire des souvenirs de Józef Czapski ou la désinvolture de ceux de Witold Gombrowicz. De lectures en relectures, les sens et les interprétations se multiplient, et avec eux les critiques. Le thème de ce numéro est complexe ; il s'agit pour nous d'augmenter le nombre de ces sens et de ces interprétations dans le but de multiplier les exemples et de redonner toute son importance au vécu de l'individu isolé, de donner de la voix à celui-ci qui, dans le cadre du monde slave, est bien souvent invisible aux yeux de l’Occident. Le numéro que nous proposons a donc pour but d'entrouvrir le rideau tant réel qu'historique et imaginaire qui voile l'exil (les exils) et l’émigration (les émigrations). Libre donc au lecteur de tenter de reconstruire une image globale en ajoutant les pièces consacrées à Adam Zagajewski (Anna Slavica bruxellensia, 8 | 2012 5 Czabanowska-Wróbel), Vladimir Tasić (Alexandre Prstojević), Paul Cazin (Danuta Knysz-Tomaszewska), Ivan Šmelёv (Svetlana Maire), Andrei Tarkovskij (Nicolas Planchart), les écrivains et imprimeurs romantiques polonais à Bruxelles (Idesbald Goddeeris) et les émigrés orthodoxes russes en France durant l'entre-deux-guerres (Vasileios Pnevmatikakis), mais également à Luba Jurgenson (avec laquelle se sont entretenus Petra James et Nicolas Litvine, nos nouveaux rédacteurs), Georgi Gospodinov et Miroslav Penkov (au sujet de qui Marie Vrinat-Nikolov signe une très belle excellensia) et Jurij Andruhovič (qui signe une nouvelle, traduite en français spécialement pour ce numéro par Olga Artyushkina et Anne Delizée). À vous, Chers Lecteurs, de jouer avec vos capacités de « zoom » et de « grand-angle » pour observer ce thème toujours d’actualité. Je vous souhaite une excellente découverte de ce numéro ! AUTEUR DOROTA WALCZAK Responsable de la Chaire de Polonais, section de Langues et Littératures modernes, option Slaves, de l’Université Libre de Bruxelles (Belgique) ; Rédactrice en chef de Slavica Bruxellensia Slavica bruxellensia, 8 | 2012 6 Articles Slavica bruxellensia, 8 | 2012 7 « Un arbre généalogique de déportés » Le thème de l’exil dans l’œuvre d’Adam Zagajewski Anna Czabanowska-Wróbel NOTE DE L’ÉDITEUR Traduit du polonais par Katia Vandenborre Slavica bruxellensia, 8 | 2012 8 Ces dernières années, la littérature polonaise tente de traiter la question des déplacements forcés pendant la Deuxième Guerre mondiale ainsi que celle des déplacements d’après-guerre, rattrapant d’une certaine façon le retard lié à la Pologne Populaire, dont la censure entravait la liberté d’expression sur ce sujet. Les historiens polonais s’attellent, eux aussi, à rattraper ce retard de plusieurs années, en constituant des documentations sources et des travaux synthétiques sur cette thématique 1. Les générations successives d’écrivains et de poètes, de plus en plus éloignés dans le temps de ces événements qui remontent à la moitié du XXe siècle, recherchent de nouvelles manières de saisir l’expérience collective qui n’a jamais été exprimée. Dans les dernières années du XXe siècle et les premières du XXIe siècle, des créateurs de plus en plus jeunes prennent la parole à ce sujet. N’ayant aucun souvenir personnel, ceux-ci se référent exclusivement à la mythologie familiale, ce qui génère non seulement une perspective autobiographique, mais aussi un discours post-mémoriel, une distance vis- à-vis de ce qu’ont vécus les générations précédentes dans un lointain passé, une attitude ironique, voire une déformation grotesque. Dans l’œuvre du poète et essayiste Adam Zagajewski, le thème de l’exil, compris dans un sens large, englobe deux catégories. Et il est important de noter que, dans les deux cas, il subit une transformation métaphorique et une universalisation. La première catégorie est la thématique de l’émigration qui apparaît en relation avec la situation politique, après l’instauration de l’état de siège au début des années 1980, et cesse naturellement à la fin de cette décade, au moment où la possibilité de revenir au pays devient évidente dans le contexte de liberté politique. La deuxième thématique, celle des déportations juste après la guerre, était inscrite depuis toujours dans la généalogie de Zagajewski et n’attendait que lui. Mais elle ne s’est clairement manifestée que dans les années 1980, au moment où sont nés les poèmes du recueil Jechać do Lwowa (Aller à Lvov 2). Ce sujet – principal objet du présent article – s’accentue justement dans les œuvres que le poète et essayiste a publiées ces dernières années. Cela est lié à un processus naturel qui veut qu’à l’âge mûr, la mémoire revienne vers les souvenirs non seulement personnels, mais aussi vers les sources laissées par les générations qui ne sont plus de ce monde. Ces deux trames se rencontrent chez Zagajewski dans la figure du héros lyrique, représenté à maintes reprises dans ses poésies, et surtout dans les années 1980, comme un voyageur déraciné, comme quelqu’un qui n’appartient pas aux lieux dans lesquels il s’est accidentellement et brièvement trouvé. Émigré ou voyageur ? Dans ses essais autobiographiques écrits après son retour en Pologne en 2002, Zagajewski se distancie par rapport à son portrait d’émigré politique. Il indique des motifs personnels à son départ et ne se présente pas uniquement comme une victime Slavica bruxellensia, 8 | 2012 9 de cette situation, mais il crée aussi l’autoportrait de l’artiste qu’il est devenu pendant son voyage vers Paris. Cette manière de s’auto-représenter, manière la plus éloignée possible de l’image « martyrologique » de victime de l’histoire, s’est formée dans l’œuvre de Zagajewski dès le début, dès qu’il a pris la décision d’émigrer après l’instauration de l’état de siège.