L'oeuvre Poétique De Rosa Bailly – La Pologne Et La Montagne
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Annales Academiae Paedagogicae Cracoviensis Folia 49 Studia Romanica III (2008) Anita Pytlarz L’oeuvre poétique de Rosa Bailly – la Pologne et la montagne Depuis des siècles la Pologne et la France sont liées par diverses relations: politi- ques, économiques et culturelles. Il y a toujours eu des personnes qui ont travaillé sans relâche pour créer cette importante œuvre développant l’amitié entre ces deux pays. L’une de ces personnes était Rosa Dufour-Bailly (1890–1976), journaliste, tra- ductrice, poétesse. Son dévouement et son amitié pour la Pologne ont rempli toute sa vie1. ‘Ses ferventes actions menées dans les années 1919–1939 au sein de l’Asso- ciation ‘Les Amis de la Pologne’2 dont elle était la fondatrice et l’aide apportée aux Polonais3 pendant la seconde guerre mondiale ont fait que pendant presque 60 ans, Rosa Bailly a été dans son pays le symbole de la Pologne. 1 R. Bailly est l’auteur de nombreuses œuvres sur la Pologne: Petite histoire de la Pologne (1916), La Pologne renaît (1918), Comment se renseigner sur la Pologne (1919), Au coeur de la Pologne (1936), Histoire de l’amitié franco-polonaise (1939), Histoire de Varsovie (1968), etc. Elle écrit aussi un cycle d’articles destinés aux touristes qui veulent visiter la Pologne; elle présente dans la presse l’histoire de Cracovie, de Poznań, de Vilnius et d’autres villes polonaises ainsi que leurs monuments. ‘Różyczka’ traduit aussi des choix de prose et de poésie polonaise; entre autres des poèmes de son amie poétesse M. Pawlikowska-Jasnorzewska et de J. Tuwim. C’est grâce à elle que les Français ont la possibilité de lire sa traduction de Mariette et les gnomes de M. Konopnicka et les extraits du Dernier Poste Avancé d’Elisabeth Dorożyńska. 2 En 1919 pour restituer à la Pologne sa vraie place dans le monde, Rosa Bailly fonde une Association ‘Les Amis de la Pologne’ avec l’appui des plus célèbres et éminentes personnalités françaises comme p. ex. le maréchal F. Foch, J. Joffre, R. Poincaré, le général M. Weygand. Rosa en devient la Secrétaire Générale. Cette organisation devient très vite la plus vivante des associations de ce genre, tant par le nombre de ses adhérents, que par la diversité de ses travaux. Elle ouvre aussi son Bureau de Presse appelé ‘Ampol’ qui envoie deux fois par semaine des informations sur la Pologne à la grande presse régionale et à la presse belge. En 1921 Rosa Bailly devient rédactrice en chef du mensuel portant le même titre que l’Association – ‘Les Amis de la Pologne’. Voir: A. Pytlarz, ‘Rosa Bailly – sa vie et les liens d’amitié tissés avec la Pologne’, Synergies Pologne 2006, nr 3, p. 69–84. 3 Recherchée à Paris par la Gestapo R. Bailly s’installe à Toulouse et elle fait tout son possible pour amé- liorer le sort des réfugiés polonais; elle les aide dans les démarches administratives, dans la recherche de travail, elle envoie des colis aux internés des camps militaires, aux malades, etc. 38 Anita Pytlarz Les Polonais ont beaucoup apprécié l’œuvre de ‘Różyczka’ (la petite rose – comme l’appelait T. Boy-Żeleński4) en lui décernant, en 1936, la Médaille de l’Ordre National de la Pologne. Rosa devient aussi titulaire de nombreuses autres décora- tions polonaises. Le 30ème anniversaire de la mort de Rosa Bailly est l’occasion rêvée pour rap- peler au public non seulement son dévouement ardent pour la cause polonaise mais aussi son œuvre poétique autrefois très appréciée et aujourd’hui oubliée. L’oeuvre poétique de Rosa Bailly ‘Agir pour la Pologne’ devient la devise de Rosa Bailly. Sans défaillance et tou- jours avec une ardeur intacte, elle se dévoue corps et âme à notre pays. Il faut cependant souligner qu’il y a deux grands amours, deux inspirations essentielles qui animent la vie de R. Bailly: la Pologne et la poésie, surtout la poésie liée à la montagne. Chaque année, ayant travaillé jusqu’à l’épuisement à l’œuvre du développement de la fraternité franco-polonaise, elle va en été reprendre des forces dans la solitude pyrénéenne. C’est là qu’elle écrit ses poèmes. En 1933, R. Bailly écrit Montagnes Pyrénées, son premier volume de poèmes. Il est accueilli avec ferveur par Francis Jammes qui lui écrit: ‘Je m’arrête, je ne peux continuer cette lecture de Montagnes Pyrénées sans laisser monter, vers vous, un cri d’admiration. Le vieux poète n’hésite point; c’est à vous qu’il décerne le plus beau laurier dans votre génération. Ce livre restera’5. Cependant l’édition de ses poèmes pose de grands problèmes. Finalement, ses premiers recueils de poésie sont imprimés par ses propres soins et envoyés à ses amis et à quelques journaux. Grâce à sa détermination le lecteur et la critique découvrent Rosa-poétesse. L’Académie des Lettres Pyrénéennes lui décerne son prix annuel6. Georges Goyau7 de l’Académie Française déclare: ‘Ces beaux rythmes où la vision pittoresque donne souvent l’élan à d’extatiques contemplations, le visible menant à l’invisible’8. Ses poèmes sont très bien accueillis: ‘Voici un recueil de poèmes digne de l’immense sujet qu’il embrasse, recueil unique, recueil complet, et par dessus tout, 4 Tadeusz Boy-Żeleński (1874–1941), écrivain, poète, critique littéraire et théâtral, traducteur, chevalier de Légion d’Honneur. 5 ‘Quelques appréciations sur Montagnes Pyrénées’, Rękopisy Biblioteki Zakładu Narodowego im. Ossolińskich we Wrocławiu – Manuscrits de la Bibliothèque de l’Institut National des Ossoliński à Wrocław (Rkps Ossol.) nr 14509/II, p. 69. 6 R. Bailly à J. Dufour, le 15 juillet 1953, Rkps Ossol. nr 14519/II, p. 141. 7 Georges Goyau (1869–1939), historien et essayiste français, spécialiste de l’histoire religieuse. En 1922 il est élu membre de l’Académie Française. 8 ‘Quelques appréciations...’, op. cit., p. 70. L’oeuvre poétique de Rosa Bailly – la Pologne et la montagne 39 recueil admirable car jamais je n’ai lu des poèmes capables, comme ceux-ci, de traduire et de faire sentir les émotions, les sensations, les joies innombrables que l’on peut éprouver devant le spectacle de nos montagnes. Nul n’est allé plus loin, plus intensément, plus mélodieusement dans la découverte des beautés pyrénéennes’ – déclare Louis Ducla9. Après Montagnes Pyrénées viennent Fête de la terre, Alpes, Gavarnie ô mer- veille, Pastorale de la Maladette. F. James qui suit de près la création poétique de Rosa Bailly lui conseille: ‘assez de montagnes’. Mais elle suit son chemin, elle a besoin de crier son enthousiasme pour les montagnes. Finalement, F. James, capable d’ailleurs d’apprécier un génie si différent du sien, accueille les volumes suivants, toujours consacrés à la montagne, avec la même admiration. Dans l’avertissement lancé au lecteur dans Pastorale de la Maladette, Rosa Bailly prévient: ‘Cet ouvrage n’est pas un recueil, il y a un thème, une volonté de composition’. Il en est de même pour tous ses livres. Le thème de Montagnes Pyrénées c’est ‘la joie dans ses diverses modulations montagnardes, l’élan, l’allé- gresse allant jusqu’à l’extase’. Dans les Alpes elle décrit ‘l’acheminement d’une âme de la douleur à la paix religieuse’. C’est la joie, la douleur et la mélancolie et tout le drame que son âme porte, qui impose une telle image des chaînes alpestres. Une fois son cœur est ‘un soleil d’amour, un rossignol qui chante dans ce triste bois, qu’il enchante’, une autre fois, c’est la douleur qui l’envahit. Mais heureuse- ment, cette dernière ne peut arrêter son cœur ‘dans sa course à la joie’. Son élan, sa volonté de vivre pleinement dans l’Univers provoquent en elle le désir d’arracher le secret de la Nature: Je saurai, m’y penchant, s’il faut, jusqu’au vertige, Ce que veut dire le torrent. Je comprendrai le geste de tes plans, Je saurai déchiffrer les courbes de tes lignes10. Dans ses poèmes s’étendent les paysages les plus sereins: le calme d’un lac, le bourdonnement d’une cascade, l’empourprement d’un sommet. La poétesse revient aussi à son thème favori, à l’âme solitaire qui découvre Dieu dans la beauté de la nature. Elle écrit: J’ai si longtemps aimé les monts aux nobles lignes Et j’ai tant contemplé leur figures insignes, En oubliant leur Créateur. […] La joie que je cueillais comme une fleur des près, Déjà menacée par l’été, Elle est entière en Vous, seigneur …11 9 Louis Ducla (1893–1984), fils de Victor Ducla, fondateur (avec son père) de l’Académie des Lettres Pyréné- ennes, poète, écrivain palois. En 1917 il crée l’Association Régionaliste du Béarn et du Pays Basque. 10 R. Bailly, Fête de la terre, Paris 1934, p. 131. 11 Ibidem, p. 155. 40 Anita Pytlarz En escaladant les montagnes, Rosa monte toujours plus haut, plus près de Dieu, elle se noie dans le bonheur humain qui la comble. La sérénité du soir devient le thème dominant de la Pastorale de la Maladette. La poétesse sait nous ‘introduire dans l’analyse des paysages les plus pittoresques et les plus sereins à la fois’12. Elle nous aide à découvrir la beauté de l’âme des montagnards: Que je suis bien avec vous, montagnards aragonais Taciturnes, droits et fiers comme chêne en la forêt. Quand la fumée de vos toits vient se mêler aux nuées, Que je suis bien près de vous, âmes si hautement nées! … Nous ne parlons pas beaucoup, mais à quoi bon se redire Une amitié aussi vraie que cet air que l’on respire, La confiance absolue comme au soleil de demain?13 R.