N°: 5 – 4ème année – 1437H / 2966 Amz / 2016G

Economie et Développement

Processus d’organisation territoriale de la Région de «Senhaja Sraîr» jusqu’à la fin du Protectorat espagnol (1956)

ADARDAK Charif : Doctorant en Economie, Gestion et Développement Durable (F.S.J.E.S. Tanger)

Résumé :

La Région de Senhaja Sraîr est parmi les Régions berbères qui ont connu, avant l’avènement du Protectorat en 1912, un modèle d’organisation territoriale développé, qui est celui de la confédération tribale. Dorénavant, la Région a subi un changement spatial dû à l’intervention espagnole pour administrer et maintenir l’ordre dans le Nord du Maroc depuis 1912 jusqu’au 1956.Cette intervention a bouleversé les relations socio- économiques qui existaient entre les tribus de Senhaja Sraîr, et entre celles- ci et leurs voisins, comme elle a participé à la disparition de la Confédération et de l’identité des Senhaja Sraîr.

Dans cet article, on a essayé de présenter l’organisation sociale et politique des tribus de Senhaja Sraîr avant le Protectorat, ainsi que l’enchainement chronologique de l’intervention espagnole sur le plan territoriale jusqu’à l’indépendance du Maroc.

Mots clés : Confédération de Senhaja Sraîr, , Berbères, kif, organisation territoriale, Protectorat espagnol…

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Abstract:

Senhaja Sraîr area is among the Berber regions that experienced, before the advent of the Protectorate in 1912, a developed model of territorial organization, which is the tribal Confederacy. Since that time, the region submitted to a spatial change due to the Spanish intervention to administer and maintain order in northern from 1912 until 1956.This intervention upset the socio-economic relations that existed between Senhaja Sraîr tribes, and between them and their neighbors, as it participated in the disappearance of the Senhaja Sraîr Confederacy and identity.

In this article, we have tried to present the social and political organization of the Senhaja Sraîr tribes before the Protectorate, and the chronological concatenation of Spanish intervention in their territory until the independence of Morocco.

Key words: Senhaja Sraîr Confederacy, Rif, , kif, territorial organization, Spanish Protectorate…

Introduction

Il existe au Nord du Maroc trois Régions qui portent le nom de Senhaja, à savoir: Senhaja Mesbah (qui se divise en deux parties: Senhaja eddel- صنهاجة غدو -Senhaja Gheddou ,( صنهاجة الشمس-et Senhaja chems صنهاجة الظل Les deux premières Régions sont totalement . صنهاجة سراير-et Senhaja Sraîr arabisées ; pourtant, Senhaja Sraîr qui se trouve au Haut Rif Central est majoritairement amazighophone (berbèrophone), vu l’existence d’une proportion très importante de la population qui parle encore un dialecte .الشلحة -berbère appelé localement : chelha

Historiquement, ces Régions qui se trouvent au Nord de la rivière d’Ouergha, étaient liées entre elles ethniquement, socialement et économiquement avant l’avènement du Protectorat, en 1912, qui les a divisé entre la France et l’Espagne. De ce fait, Senhaja Mesbah et Senhaja Gheddou se trouvaient sous le Protectorat français, et Senhaja Sraîr était sous le Protectorat espagnol. Désormais, les relations entre ces trois Régions

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ont été bouleversées et une nouvelle organisation territoriale coloniale a vu le jour, pour créer des nouvelles relations pour ces Régions avec d’autres.

Vu leur position stratégique au milieu des montagnes du Rif, les tribus de la confédération de Senhaja sraîr tissaient des relations avec celles du littoral (, , Mestasa, Mtioua), du Rif ethnique (, Bni Ouriaghel, Bni Itteft, Baqioua), de Ghomara et de Jebala, chacune selon sa situation géographique. Ainsi, cette Région a joué un rôle primordial lors du Protectorat espagnol, où elle a connu des transformations sur le niveau administratif, social et économique.

Dans cet article, on a essayé d’exposer le processus du développement de l’organisation territoriale de la Région de Senhaja Saîr, avant et durant le Protectorat espagnol.

I. Avant le protectorat espagnol

Dans le Haut Rif Central, autour jbel Tidighin, le plus haut sommet des montagnes du Rif, se regroupent un ensemble des tribus qui partagent la même origine ethnique, langue, géographie, histoire, culture, traditions et mode de vie.

Tous les chercheurs qui ont travaillé sur cette Région, en l’occurrence Grilli (1926), Coon (1931), Quecedo Ortiga (1931), Renisio (1932), Maurer (1968), Erola (1952), Ibañez (1959)… se sont mis d’accord sur l’appartenance de la majorité des tribus du Haut Rif Central à la confédération des tribus de Senhaja Sraîr, en l’occurrence : Ay Bounsar, Ayt Khennous, Ayt ahmed, Zerkat, Ay Bchir, Taghzout, et Ay Bouchibet. Cependant, il y avait une controverse sur la question d’appartenance des tribus d’Ayt Mezdouy, Ayt Seddat, Ktama et à cette confédération tribale.

Pour résoudre ce différend, on a adopté une approche d’analyse globale : ethnique, géographique, linguistique, sociale, économique, religieuse, politique et culturelle.

Ethniquement, Ibn Khaldoun consière Ktama comme une tribu berbère à part entière qui partage avec celle de Senhaja l’appartenance au lignage

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berbère nommé « Branès » (Chahada, 2000). En outre, la population de la tribu d’Ayt Seddat est d’origine berbère senhaji avec l’existence des sous- douars peuplés par les chorfa khmalcha arabophones. Concernant la tribu d’Ayt Mezdouy, Maurer stipule que cette tribu est d’origine rifaine par ses habitants venus de Bni Ouriaghel (Maurer, 1968), mais en réalité la plupart de cette population est d’origine berbère senhaji avec l’existence d’une population immigrée venue des tribus limitrophes de Bni Ouriaghel et Bni Ammart. Pour la petite tribu de Targuist, une grande partie de sa population est d’origine rifaine (Maurer, ibidem), avec l’existence d’une partie d’origine arabe.

Géographiquement, Ktama et Ayt Seddat appartiennent au massif de Senhaja Sraîr. Cependant, Targuist et Ayt Mezdouy n’y appartiennent pas et elles forment ensemble un bassin vaste.

Linguistiquement tous les douars d’Ayt Mezdouy parlent chelha (Tasenhajit), la langue berbère des Senhaja Sraîr, à l’exception des douars d’Ay Bouzemmour et Ay Boudjay qui parlent le berbère rifain. De même, tous les douars d’Ayt Seddat parlent chelha à l’exception des sous-douars peuplés par les chorfa khmalcha, en l’occurrence Azaghar qui appartient au douar de Tiseghra, Tighanimin qui fait partie du douar de Tidouin et Ihajiouen qui appartient au douar de Talarouaq. De surcroit, chez les Ktama majoritairement arabisés, on trouve que tous les douars de la fraction d’Abdelghaya parlent chelha à l’exception du douar d’Izdad et une partie du douar Sahel (il s’agit des sous-douars suivants : Aghbal, Azer Mezdi, Achkour et Ifersioua), comme on trouve dans la fraction de Souahel (arabophone) un douar qui parle chelha qui est Talghount, et dans la fraction d’Amzaz (arabophone) le douar d’Ighmad parle aussi chelha. Pour Targuist, tous les douars parlent le dialecte arabe mêlé du berbère senhaji sauf le lignage d’Izeggaghen au douar d’Ayt Azza qui parle le berbère rifain.

Socialement, ces quatre tribus partagent avec les autres tribus de Senhaja Sraîr les mêmes valeurs et mode de vie sauf pour les maisons à toit à double pente, qui caractérisent l’architecture des Senhaja Sraîr, qui se trouvent, en plus des sept tribus de Senhaja Sraîr, dans les tribus de Ktama, Ayt Seddat

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et une partie d’Ayt Mezdouy. Dans le reste de cette dernière et dans toute la tribu de Targuist, on trouve une architecture assimilée à celle des maisons rifaines. De plus, la ville de Targuist, crée en 1926 par les militaires espagnols, où on trouve une population majoritaire d’origine senhaji est devenue la capital des tribus de Senhaja Sraîr.

Economiquement, le souk de la ville de Targuist représente le carrefour commercial des Senhaja Sraîr venant essentiellement des tribus d’Ayt Mezdouy, Targuist, Ay Bounsar, Ayt Khennous Ay Bchir et Ayt Ahmed. Ainsi, le souk du centre d’, chef lieu d’Ayt Seddat, attire une partie de la population de Ktama aussi. En outre, la culture du cannabis propagée dans les sept tribus de Senhaja Sraîr est la seule ressource actuelle pour les Ktama, Ayt Seddat et une partie des Ayt Mezdouy, et deux douars de la tribu de Targuist à savoir Guermelloul et Taourirt.

Religieusement, les tribus de Targuist, Ayt Mezdouy et Ayt Seddat étaient encadrées par la zaouia des Khmalcha qui régissait d’autres tribus de la Confédération des Senhaja Sraîr, à savoir Ayt Ahmed, Ay Bounser, Ayt Khennous et Zerquet.

Politiquement, les tribus qui connaissaient la présence de zaouia des Khmalcha (Ayt Ahmed, Ay Bounser, Ayt Khennous, Zerquet, Ayt Seddat, Ayt Mezdouy et Targuist) étaient encadrées et gérées au niveau politique par les chioukh de cette zaouia dont l’un d’eux, Sidi Mohamed El Kbir, est reconnu par Dahir du Sultan comme Pacha des Senhaja. Ils gouvernent la montagne, fractionnée en 4 circonscriptions : 1- Ktama, 2- Taghzout et Bni Bouchibet, 3- Bni Ahmed et Bni Bchir, 4- Bni Bounsar, bni Khennous, Bni Seddat et Zerkat (Maurer, ibid). Actuellement, et à cause de l’introduction de la culture du kif dans toute la Région de Senhaja Sraîr à partir des années soixante du 20ème siècle, le pouvoir des Khmalcha est substitué par celui des « beznassa » (trafiquants des drogues).

Culturellement, ces quatre tribus partagent avec les autres tribus de Senhaja Srair les mêmes rituels, traditions, musiques (le type appelé lhayt)…

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Grosso-modo, on peut conclure que les tribus d’Ayt Seddat, Ayt Mezdouy, Ktama, Targuist font partie, par ordre d’exactitude, de la Confédération des tribus de Senhaja de Sraîr.

Carte 1 : Carte de la Confédération de Senhaja Sraîr

Source : Adaptation propre à partir du Diccionario Español-Senhayi (Ibañez, 1959)

Selon des documents espagnols non publiés et des propos recueillis du terrain (2012), la population de la Région de Senhaja Sraîr se reconnaissait à l’époque ainsi :

- « Asenhaj » : masculin singulier ; - « Tasenhajt » : féminin singulier ; - « Isenhajen » : masculin pluriel ; - « Tisenhajin » : féminin pluriel.

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Au fil du temps, cette population, comme toutes les sociétés berbères, a connu un changement social en passant d’une « nation senhaji » à une société segmentaire, d’où l’extinction de l’identité senhaji en faveur des identités tribales suivantes :

Tableau 1 : Liste des adjectifs d’appartenance à chaque tribu de Senhaja Sraîr

Tribus Masculin Féminin Masculin Féminin Singulier singulier pluriel pluriel Ktama Akoutam Takoutamt Ikoutamen Tikoutamin Taghzout Aghzout Taghzout Ayt Taghzout Ayt Taghzout Ayt Seddat Aseddat Taseddat Ayt Seddat Ayt Seddat Ayt Khennous Akhennous Takhennoust Ayt Khennous Ayt Khennous Ay Bounsar Abounsar Tabounsart Ay Bounsar Ay Bounsar Ayt Ahmed Ahemdi Tahemdit Ayt Ahmed Ayt Ahmed Ay Bouchibet Abouchibet Tabouchibet Ay Bouchibet Ay Bouchibet Ay Bchir Abchir Tabchirt Ay Bchir Ay Bchir Ayt Mezdouy Amezdouy Tamezdouyt Ayt Mezdouy Ayt Mezdouy Zerquet Azerquet Tazerquett Ayt Zerquet Ayt Zerquet Targuist Atarguist Tatarguist Ayt Targuist Ayt Targuist

La théorie de la société segmentaire a été appliquée à plusieurs sociétés berbères à la suite notamment des travaux d’Ernest Gellner (1969) et Raymond Jamous (1981). En outre, Edward Evan Evans-Pritchard, Décret une société segmentaire comme étant organisée par des mouvements de « fission » et de « fusion » (Ben Salem, 1982).

Ce phénomène de société segmentaire se présente clairement dans la Région de Senhaja Sraîr. Les sous-douars se veulent acquérir une identité propre indépendante du douar origine, comme le cas du sous-douar de Tahia Izem qui revendique une identité administrative et territoriale indépendante du douar d’Iâttaren dans la tribu d’Ay Bounser. Ainsi le tribalisme laisse sa place au douarisme (appartenance au douar), par exemple les descendants du douar de Tamadit s’identifient en dehors de leur tribu (Ayt Bounser) en tant que des Ayt Tmadit et non pas des Ay Bounser. En outre, dans la même

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tribu, la population des douars d’Iâttaren, Tahia Izem, Amaaktan, Tamadit, Zerkat et Amdarfou ne s’identifient pas en tant que des Ay Bounsar à l’intérieur de ladite tribu, en précisant que seulement les douars de Louda, Adouz, Mrad et Iberqchichen sont des Ay Bounser. Le phénomène de segmentarité dans la Région de Senhaja Sraîr ne s’arrête pas au niveau des sous-douars, mais il le dépasse pour toucher les antennes de ces derniers ; comme c’est le cas des haoumas (antennes) d’« Iâyyaden » et « Tagant » qui appartiennent au sous-douar d’ « Ifersioua », qui appartient à son tour au douar de « Sahel » dans la fraction d’Abdelghaya, tribu de Ktama. Ces deux haoumas, qui sont descendants des berbérophones actuellement arabisés, revendiquent une identité administrative et territoriale indépendante du sous-douar d’Ifersioua.

Lors de notre travail du terrain (2014-2016), on a noté qu’au sein de la tribu de Ktama, la population de la fraction d’Abdelghaya (berbérophones) appelle la population des autres fractions de la tribu par leur appartenance à la fraction, en l’occurrence mzazi, souahli… cependant, ces fractions (arabophones) appellent les ktama berbérophones « leqbila», c'est-à-dire la tribu en arabe, chose qui nous laisse supposer que la fraction d’Abdelghaya ou bien les berbérophones de Ktama sont le peuple autochtone de cette tribu et les autres ne sont que des immigrés installés depuis longtemps dans la Région, sachant que leur dialecte est un mélange de l’arabe et du berbère senhaji (chelha) et la toponymie de leur territoire est berbère.

Actuellement, les Senhaja Sraîr sont considérés par les autres comme des Jbala par les Rifains, des Rifains par les Jbala, et des Jbala du Rif par ceux qui veulent leur donner une identité mixte (jebli-rifaine). Ainsi, on trouve des Senhaja Sraîr qui s’identifient en tant que Rifains, et des autres en tant que Jeblis ou Jeblis du Rif ; Cependant, il y en a encore ceux qui s’identifient en tant que Senhajis, notamment les vieux et les intellectuels. Dernièrement, la création de l’Association « Amazighs de Senhaja du Rif » à Targuist, le 27 mai 2012, a participé à la montée de la reprise de la conscience identitaire senhaji.

Sur le plan politique ; le pouvoir central « makhzen » n’était guère présent dans cette Région qui faisait partie de ce qu’on appelle bled siba, comme c’était le cas de toutes les tribus berbères dans les montagnes marocaines. De ce fait, chaque groupe s’administrait et se gouvernait lui-même selon une organisation territoriale tribale, régie par le droit coutumier berbère izerfan,

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et dont la jemaâ était le noyau dur de toute politique touchant l’Homme et l’Espace.

Les petits groupes dont est formée la société berbère peuvent être classés selon leur degré d’importance : le plus simple est le hameau ou le village ; les villages s’associent fréquemment pour former l’unité à laquelle nous donnons habituellement dans notre terminologie administrative le nom de sous-fraction ; plusieurs sous-fractions ou une dizaine de villages constituent un petit état élémentaire que l’on désigne généralement par le terme de fraction… ; une réunion des fractions, trois ou quatre, parfois huit ou dix, prend le nom de tribu ; un groupe de tribus ou une masse considérable de fractions – vingt ou trente – celui de confédération (Montagne, 1930).

Dans la conception berbère, le village représente l’Etat et la jemaâ son gouvernement (Gaudio, 1962). Cette jemaâ ne se limitait pas au dchar (hameau) seulement, mais il y avait celle de fraction et celle de taqbilt (tribu). Et si l’organisation tribale était avancée, on formait la jemaâ de la confédération des tribus, comme c’était le cas dans les montagnes du Rif de la confédération des tribus d’Iquelâayyen (Gueliaa), celle de Ghomara et enfin celle de Senhaja Sraîr.

Concernant l’organisation sociale et politique traditionnelle des Senhaja de Sraîr, on distingue entre deux types du groupement, ceux de petite taille et d’autres de grande taille, ainsi que les leffs (Maurer, 1968) :

- Les groupements de petite taille :

a) La famille : c’est le groupe le plus réduit, elle ne correspond pas exactement à la notion de foyer telle que celle-ci a été définie et utilisée lors du recensement de population de 1960 par exemple. Elle comprend les parents et les enfants, souvent même ceux qui sont mariés avec leurs propres enfants ; la famille habite une maison, une ferme… Cette cellule sociale est déjà une unité de travail ; défrichement, entretien et utilisation d’un bassin d’eau ou d’une séguia… Elle est connue sous le nom de « ddekhla » dans la Région de Senhaja Sraîr.

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b) Le clan familial : on pourrait également le définir comme le lignage, c’est-à-dire le groupement des familles ayant pour origine le même ancêtre, dont on connait le nom bien qu’on soit souvent à la 5ème ou à la 10ème génération… Ce lignage, nommé haouma en arabe, se traduit par spatialement par un type d’habitat, quartier de village ou hameau isolé, ainsi que par un regroupement des terres de cultures. Le quartier habité par un clan prend également le nom de firqa ou plus souvent celui de haouma, terme très utilisé aussi bien dans les vallées berbérophones que dans les autres… les clans, outre les terres de cultures permanentes, mettent en valeur dans les montagnes des lots de matorral où s’organisent les cultures temporaires sur brûlis. C’est également dans ce cadre social que très souvent sont aménagés les cercles irrigués avec leurs séguias et les tours d’eau. Donc le clan est ainsi une unité de mise en valeur agricole. Il est aussi une unité de combat, soit pour la défense, soit pour la guerre extérieure sous la direction de son chef. c) Le douar : c’est un groupe social fondamental qui se compose d’un ou plusieurs clans… il a généralement une mosquée, un ou plusieurs lettrés ou fqih qui dirigent l’école coranique (mesied). Le douar est également une forme d’habitat sédentaire ; les haoumas sont rassemblées géographiquement en un village ou bien dispersées sous forme de hameaux isolés. L’expression de dchar (pl. dchoura)- et non celle de douar- est d’ailleurs partout utilisée dans la Région de Senhaja Sraîr. Le douar est aussi une unité administrative, politique, économique. Les chefs de familles se réunissent quand un besoin s’en fait sentir, à la mosquée et forment un conseil, la jemaâ. Le conseil élit son chef, mouquaddem ou jari, et traite des questions diverses : paiements et recouvrement des tributs, répartition des terres et des pâturages, distribution et régime des eaux, désignation des arbitres pour les eaux et les questions agricoles, désignation également des représentants du douar à la jemaâ de la fraction. Il arrive qu’il ait exceptionnellement une jemaâ pour deux douars, parfois plus ; c’est le cas signalé dès 1932 par E. Maldonado dans Bni Bounser pour les douars d’Iaattaren et Amaakdan… Certaines terres du douar sont considérées comme bien appropriées, mais les autres, formant le bled jemaâ, sont gérées

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par la jemaâ. Certains travaux se font en commun dans le cadre du douar, comme la corvée d’entraide, la tiwizi.

- Les groupements de grande taille :

a) La fraction ou le canton : correspond presque toujours à une unité géographique bien individualisée, une vallée ou une section de vallée, ailleurs, un long versant, un bassin ou une partie de bassin limitée par de profondes vallées. Ce groupement est dirigé par une jemaâ ou conseil des 40, dit Aît Arbain, constitué en fait de 2 ou 3 délégués par douar. Ces représentants appelés individuellement amghar (pl. imgharen) se réunissent le jour du souk, à proximité de celui-ci. Ils élisent un chef appelé lui-même amghar ou Cheikh. Leurs décisions sont d’ordre politique ou judiciaire plus qu’économique, ils approuvent, par exemple, une déclaration de guerre, juge en cas de crime ou d’adultère. La fraction a, cependant, une unité économique, puisque chacune a un souk ; c’est ainsi que pour les Ktama, E. Blanco Izaga signale les souks Makhzen pour les Abdelghaya, Bab Saquia pour Amzaz, Imatten à , Arguiouen pour les Bni Tmim, Taria enfin à Souahel.

b) La tribu : cette unité politique comprend un nombre variable de fractions. Targuist et Bni Mezdouy sont constituées d’une seule fraction, de même que les Bni Bounsar et les Bni Khennous. Plus souvent il y en a deux comme à Taghzout, dans les Bni Bouchibet, Bni Bchir et Zerquet ; mais certaines tribus rassemblent trois fractions comme le cas des Bni Seddat et Bni Ahmed. De plus, on peut trouver cinq fractions comme chez les Ktama. Un conseil de tribu, appelé jemaâ, regroupe à raison d’un ou plusieurs notables, les délégués de chaque fraction. Ces derniers appelés encore imgharen (sing. amghar) choisissent parmi eux le chef de la tribu, le Caïd… A. Mouliéras (1895) signale dès la fin de XIXème siècle comment se faisait ce choix qui était ensuite entériné par le gouvernement central (makhzen), à la suite d’un voyage à la cour du nouvel élu ou bien d’un envoi de cadeaux au Sultan. Les imgharen ainsi réunis discutent de la paix, de la guerre, des traités et des alliances. Ils rendent également justice dans les cas les plus graves. Mais il peut y

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avoir à côté de ces conseils de notables des rassemblements plus vastes, dans les grandes circonstances, rassemblement des hommes en armes de la tribu, appelé agraou et installé près d’un des marabouts les plus fréquentés. Au total, cependant, la tribu est un organisme moins vivant que la fraction.

c) La confédération des tribus : le rassemblement des délégués de plusieurs tribus est beaucoup plus rare ; il ne se produit qu’en cas de guerre, le plus souvent dans le cadre de la confédération… en dehors de cette manifestation d’unité, d’ailleurs très espacées, le lien n’est maintenu par aucune institution commune.

- Les leff : ce sont des alliances qui, dans les tribus et les fractions unissent les habitants pour « former deux partis opposés d’égale force, capable de soutenir leurs membres dans la paix et dans la guerre » (R. Montagne, 1930). Ces alliances sont restées très vivantes dans toute la Région étudiée jusqu’à l’occupation européenne. Dans ce sens, E. Mouliéras les signale à la fin du XIXème siècle et montre comment elles divisent les fractions et même les douars à l’intérieur d’une même tribu… un réseau d’alliances très complexe couvre ainsi le haut Rif central (Senhaja Sraîr) et prend naturellement toute son importance au moment des guerres… les douars de la tribu de Targuist se partagent en deux camps, mais deux d'entre eux restent neutres. Les deux fractions de Taghzout, El Kelâa et Sahel sont ennemies. Dans les Bni Seddat, Talarouak s’oppose au reste de la tribu, mais trouve des alliances dans les tribus voisines… Cette division en leff oppose ainsi non seulement les fractions entre elles, mais également les douars, certains d’entre eux au sein d’une même fraction essayant par ce moyen de dominer les autres.

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Tableau 2 : exemple des leff au niveau du douar Lahçen de la tribu d’Ayt Mezdouy

Llef (A) : lignage d’Oulad Benaissa Llef (B) : lignage d’Oulad Brahim Majorité du douar de Lahçen Minorité du douar de Lahçen Moitié du douar de Touzzelt Douar d’Ihouçen Moitié du douar d’Iaazzouzen Douar d’Allal (tribu de Zerquet) Douar d’Alemsa Douar d’Azalim Source: (Jahhah, 2015).

Tableau 3 : exemple des leff tribaux dans la Région de Senhaja Sraîr

Llef (A) : llef Zerquet Llef (A) : llef Ayt Seddat Tribu Fraction Douar Tribu Fraction Douar - Quitoun - Hmaid Niveau Ayt Zerquet - - Ifellihen Talarouak - interne Seddat - Ikherrouden - Allal - Lmaalmin Bni - Imch-houden Targuist - - - Ayt Aazza Gmil - Khlouqt Niveau Bni - Akhzouz Ay - Andarfou - - externe Boufrah Bounser - Amaakdan Ayt - Ikhadiren - Khennous - Bouydren Source :(Jahhah, 2015).

Grâce à l’organisation sociale adoptée avant la pénétration coloniale, toutes les familles étaient représentées dans ces institutions sociales, cependant les femmes, les cadets, les musiciens et les forgerons n’ont pas (en pratique) le droit d’être désignés comme membre d’une institution, même si en théorie tout le monde peut participer à la gestion économique, politique et sociale d’un groupe quelle que soit sa dimension (Sakrouhi, 1982 et Boudouah, 1985).

Pour les Senhaja de Sraîr, et vu la rareté des références bibliographiques parlant de cette minorité ethnique berbère sise au Haut Rif Central, on n’a

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pas pu savoir les leaders qui régnaient la Région à l’époque. Pourtant, Au XIIème siècle, sous les Almohades, apparait un Meftah Ben Aamar, caid des Senhaja des Bni Bounsar (Renisio, 1932). Cependant, le même personnage est considéré comme un caid des Senhaja de Gheddou (Maurer, 1968).

Dans les hautes vallées qui descendent du Tidighin, ce sont tous les guerriers en armes qui viennent assister aux délibérations du village, du « khoms » ou de la tribu, l’assemblée prend alors le nom d’ « agraou » (Montagne, 1930). Le rassemblement des hommes en armes, agraouu, se tenait au souk Had Bni Bounsar ; là, où sortait le drapeau de guerre de la confédération ; mais en dehors de ces manifestations d’unité, d’ailleurs très espacées, le lien n’est maintenu par aucune institution commune (Maurer, 1968). Ces rassemblements se tenaient dans un marabout des khmalcha notamment celui de « Sidi Hadj Ouafeq » et la zaouïa de Boughileb à Zerquet, et à zaouïa d’Al Qanatir à Bni Bounser (Jahhah, 2015).

La discorde et le tumulte y éclateraient sans doute bien vite si les marabouts de la famille des Khemalcha n’exerçaient leur arbitrage entre les parties hostiles. Grâce à leur rôle pacificateur, ces chefs religieux ont colonisé à leur profit tout le pays et ont jeté un réseau de zaouïas sur la montagne ; ils sont d’ailleurs habiles dans l’art de susciter des intrigues pour pouvoir aussitôt, grâce à leur baraka, arrêter les conflits (Montagne, 1930).

Jouant le rôle de médiateur dans les incessants conflits entre leff et tribus, ils imposent leur autorité politique, qui a renforcé à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle leur participation à la lutte contre les Espagnoles. L’un d’eux, Sidi Mohamed El Kbir, est reconnu par Dahir du Sultan comme Pacha des Senhaja. Ils gouvernent la montagne, fractionnée en 4 circonscriptions : 1- Ktama, 2- Taghzout et Bni Bouchibet, 3- Bni Ahmed et Bni Bchir, 4- Bni Bounsar, bni Khennous, Bni Seddat et Zerkat (Maurer, 1968).

La zaouïa des Khemalcha (en berbère Ikhemlichen), appartenant à la confrérie Nasiria, jouait un rôle prépondérant dans la Région de Senhaja Sraîr, où elle était présente sur le plan géographique dans les tribus suivantes : Ayt Ahmed, Ay Bounsar, Ayt Seddat, Ayt Khennous, Zerquet, Ayt Mezdouy et Targuist. Ainsi, sa présence s’étendait vers les tribus de la mer d’origine senhaji comme Bni Boufrah et Bni Gmil.

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Au moment de la révolte de Bouhmara (1902-1909), usurpateur venu de l’est, le pouvoir central les considère comme les véritables chefs de la confédération Senhaja de Sraîr. Dans toute son étendue, ils dirigent les conseils et placent les moqaddem sous leur domination (Maurer, 1968).

II. Sous le Protectorat espagnol

Après la signature de la convention du protectorat à Fès le 30 mars 1912 entre le Makhzen marocain et la France, cette dernière céda le Nord du Maroc (à l’exception de Tanger) à l’Espagne suite à la convention signée par les deux puissances colonisatrices le 27 novembre 1912 et qui fut approuvée par les autorités espagnoles le 2 avril 1913 (Bouyeqran, 2015). Immédiatement après, le Sultan Moulay Youssef nomma son cousin Moulay el Mehdi comme khalifa du Sultan sur la Région du Nord (à l’exception de Tanger) jusqu’à sa mort en 24 octobre 1923, après son fils Moulay El- Hassan lui succéda à partir du 8 novembre 1925 jusqu’à l’indépendance.

Pourtant, La colonisation des montagnes du Rif n’était pas assez facile pour l’Espagne qui entama une longue guerre face aux autochtones berbères, en affrontant premièrement les moujahidines du leader « Chrif Amezian » au Rif , puis ceux du leader « Ahmed Raissouni » au Rif occidental, et enfin ceux du leader emblématique « Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi » entre 1920 et 1926.

En 11 décembre 1918, l’Espagne découpa, par un Décret royal, sa Région du Protectorat en deux parties : le Rif à l’Est ; et Jbala à l’Ouest, et détermina la rivière de Badès comme une frontière entre les deux parties (Grilli, 1926). Ce découpage reflète l’ignorance des espagnols de la géographie de la Région ; parce que la rivière de Badès découpe la tribu de Bni Itteft en deux parties, l’une fait partie du Rif et l’autre de Jbala, et elle ne s’étend pas à la frontière avec le Protectorat français. Ainsi, ce découpage a considéré la Région de Senhaja Sraîr comme une partie de Jbala, chose qui explique la considération de la population de Senhaja Sraîr comme des jbalas par les rifains (stricto sensu), même s’ils parlent le tamazight et appartiennent à la même province du Rif à l’époque espagnole et à la province d’Al-Hoceima après l’indépendance et le rattachement au Maroc.

La montée de Mohamed Ben Abdelkrim El-Khattabi en scène à partir de 1920 cessa le projet espagnol de découpage territorial de son protectorat et

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changea l’organisation politico-sociale dans le territoire soumis à l’autorité d’El-Khattabi. En quelques années, il bouleverse la vie traditionnelle de la montagne (Hart, 1954). Le vieux système politique avec ses assemblées est éliminé ; une administration de type arabe, avec Caïds nommés, choisis parmi des Bni Ouriaghel (la tribu d’El-Khattabi), étrangers donc au haut pays central, est mise en place par tout ; le droit du chraa se substitue au droit coutumier ; des Cadis nommés rendent la justice (Maurer, 1968).

Après les victoires des moujahidines face aux forces espagnoles à « Dhar Oubaran », « Ighriben » et « Anwal », El-Khattabi a proclamé la création de la République du Rif (1921-1926), présidée par lui-même. Durant cette période, la Région de Senhaja Sraîr a fait partie de cette République autoproclamée.

Concernant l’organisation de la fonction militaire à l’époque d’El-Khattabi, l’âge de recrutement était entre 20 et 50 ans. Et les grades militaires étaient ainsi : Caïd de mil (ou bien Caïd du quartier), Caïd du tabour (constitué de 500 guerriers), Caïd de deux cent cinquante, Caïd de cent, Caïd de cinquante, moukkaddem de vignt cinq et moukaddem de douze (Messari, 2012).

El-Khattabi créa trois tribunaux dans la Région de Senhaja Sraîr; à Targuist, Taberrant et Ktama. Le chef de la révolution rifaine nomma le caîd « Omar ben Allouch Ouriaghli » pour gérer le tribunal de Targuist, et le caîd « Hammadi ben Haj Said » pour gérer le tribunal de Taberrant avant d’être changé pour sa mauvaise gestion (Skirej, 2010). Ainsi, il nomma « Mohamed Kouiyes » » en tant que Caïd de la tribu de Zerquet avant d’être renvoyé de ses fonctions et incarcéré, et « Ahmed Ktami » caîd de Ktama, comme il donna ses ordres pour nommer des caîds pour les tribus de Bni Bchir et Bni Ahmed et autres (Skirej, ibidem).

Après la résignation d’El Khattabi, le chef de la République Rifaine, le 27 mai 1926 à Chaib (prononcé Tchaib et devenu Tchaif après) dans le territoire de la tribu de Targuist, l’Espagne créa à la fin de cette année-là ; le noyau de la première ville dans la Région de Senhaja Sraîr dénommée à l’époque Corona (la couronne en français) - actuellement Targuist- et ce en construisant des casernes militaires pour contrôler les tribus de Senhaja Sraîr. Ces derniers continuaient à combattre les espagnoles jusqu’au 8 juin 1927 après la fuite de leur leader « Sliten » (Adardak, 2015).

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Le 10 juillet 1927, le Général Sanjurju déclara la fin des opérations militaires au Rif (Rudibert Kunz & Rolf-Dieter Müller, trad. 1996), et l’Espagne commença son intervention publique dans la Région de Senhaja Sraîr qui fut le dernier territoire occupé par les espagnoles au Nord du Maroc.

Afin de respecter ses engagements pris dans l'accord de 27 novembre 1912, le gouvernement espagnol a dû organiser dans son protectorat un régime politico-administratif double qui inclut une administration marocaine renouvelée (le makhzen marocain khalifien) et autre espagnole (Haut- Commissariat) qui intervient pour secourir celle marocaine.

L’autorité espagnole induit une administration nouvelle, centralisée, représentant le Sultan par l’intermédiaire de son khalifa de Tétouan (Maurer, 1968). Après la domination du territoire, elle divisa son protectorat en cinq Régions, chacune d’elle se trouvait sous le contrôle d’un contrôleur Régional, rattaché directement à la Direction des Affaires Indigènes, auquel se rattachaient des contrôleurs des tribus auxquels les Caïds -les plus hautes autorités marocaines- étaient impliqués d’agir. Ainsi, les unités internes des tribus étaient sous l'autorité d'autres personnalités de rang inférieur, comme le Cheikh dans les fractions, qui travaillaient pour le compte du Caïd. Aussi, il y avait un ou plusieurs khalifas qui remplaçaient le Caïd en cas de son absence (Villanova, 2010).

Dans les zones urbaines, depuis le début du Protectorat et avec le développement attendu des villes, les autorités espagnoles ont décidé d'organiser un système spécifique pour les gérer. L'action du gouvernement a été réalisée par Pachas dans les villes et par les Caïds dans les petits centres urbains. La gestion administrative a été confiée à des conseils locaux ou municipaux (Juntas de Servicios Municipales y Vecinales) formés par les autorités marocaines, des élus marocains et espagnols représentant la population, et des élus techniques du Haut-Commissariat. Les contrôleurs locaux étaient chargés de contrôler l'activité du Pacha et des conseils (Villanova, 2010).

Pour des raisons militaires, le Haut-commissariat procéda, par le Décret du 31/12/1927, à la distribution de toutes les tribus en fonction des besoins de l'action de contrôleur, et regroupées autour de trois offices généraux

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d'intervention situé à Tétouan, et Melilla, et deux offices du secteur situé dans Chaouen et Villa Sanjurjo, qui dépendait de l’office central de Tétouan et Melilla respectivement (Villanova, 2010). Les tribus de Senhaja Sraîr dépendaient de l’office du secteur de Villa Sanjurjo.

Dans chacune des Régions du Protectorat, on trouvait ainsi un contrôleur territorial dont les fonctions couvraient, entre autres, le contrôle des entités municipales, l'administration politique, la sécurité et l'ordre public, le contrôle de la Mekhaznia (police indigène), la santé et la bienfaisance, etc. Ce contrôleur territorial (ayant grade de lieutenant-colonel) exerçait son commandement depuis un Bureau central dont dépendaient les différents Bureaux de district (sous le commandement d'un capitaine) ; de ceux-ci dépendaient à leur tour d'autres Bureaux auxiliaires d'Information (ayant à leur tête un lieutenant-contrôleur). Le tout constituait un réseau dense de contrôle politique et social couvrant la totalité du territoire, et ce jusqu'aux plus petits douars (Nieto, 1994).

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Tableau 4 : Répartition des bureaux du contrôle dans la Région de Senhaja Sraîr (1927)

Secteur du Rif Tribu Bureaux Principaux Bureaux d’information Targuist Chaib (Tchaif) Beni Bchir Bab Ztout Beni Ahmed Admam Taghzout Taghzout Beni Bounsar Zarkat Badou Sidi Ahmed Sounni Ktama Had Ikaouen Beni Seddat Imasinen Source : DAC 31/12/27 (Villanova, 2003).

Ce modèle rencontra des difficultés durant son implantation vu la non reconnaissance ni du pouvoir de makhzenkhalifien ni celui de l’autorité espagnole par les tribus berbères, d’où l’idée du directeur des interventions civiles qui proposa en 1928 l’arabisation des berbères pour faciliter l’unification des tribus sous un pouvoir central (Villanova, 2010).

Pour les centres urbains de population initialement venus l'émigration espagnole dans le Rif, l’autorité espagnole a créé les conseils locaux (Juntas Vecinales) comme c’était le cas pour Targuist en 1929 (Nieto, 2013).

Pour des raisons militaires, les autorités espagnoles, selon DAC 01/01/1929, ont transformé les bureaux du secteur en bureaux centraux, mais sans modifier sa juridiction territoriale.

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Tableau 5 : Répartition des bureaux du contrôle dans la Région de Senhaja Sraîr (1929)

Secteur du Rif Tribu Bureaux de Contrôle Bureaux d’information

Targuist Chaib (Tchaif) Beni Bchir Bab Ztout Beni Ahmed Admam Taghzout Taghzout Beni Bounsar Zarkat Badou Sidi Ahmed Sounni Ktama Had Ikaouen Abdelghaya Source : DAC 01/05/29 (Villanova, 2003).

Mais au cours de la période républicaine, le régime de contrôleur a été modifié par l'introduction et l'extension de l’intervention civile. Le Décret du 29/12/1931 établi six Régions, trois «civiles» (Jebala occidental, Jebala oriental et l’Oriental) et trois "militaires" (Jebala Central, Ghomara-Chauen et Rif) (Villanova, 2010). De ce fait, la Région de Senhaja Sraîr était considérée une Région militaire, puisqu’elle appartenait à la Région du Rif.

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Tableau 6 : Les voix électorales dans le conseil local de Targuist

Conseil Local Musulmans Israelites Espagnoles Total (Junta Vecinal) Targuist 1 1 3 5 Source : élaboration à partir du DV 23/09/31 (Villanova, 2003).

La fin des campagnes militaires, et le caractère civil que voulait imposer le gouvernement de la Deuxième République dans l'administration du Protectorat, a été reflété dans un nouveau règlement municipal où les Conseils des Services Locales (Juntas de Servicios Locales) ont été transformés en Conseils Municipaux ; tout en maintenant les Conseils locaux pour les populations intermédiaires, et il a créé une troisième catégorie pour les villages administratifs mineurs surgis autour des camps militaires dans la Région appelée : Conseils Locaux Consultatifs (Juntas Locales Consultivas): comme le cas de et entre autre. Il faut signaler que la ville d’Al-Hoceima et celle de Targuist sont passées en 1935

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du statut de conseil local à celui du conseil municipal. Dans les années quarante, l’autorité espagnole a procédé à la structure finale de cette Administration locale; et Il a éliminé la distinction entre les conseils municipaux (Juntas Municipales) et les conseils locaux (Juntas Vecinales), en renforçant sa dépendance à l'égard de la délégation Affaires indigènes par la création d'un nouvel organisme appelé Inspection des entités municipales. En 1942, les Conseils Municipaux du Protectorat étaint : Tetuán, Tánger, Larache, Alcazarquivir, Arcila, Villa , Villa Sanjurjo, Xauen, Targuist, Puerto Capaz et Segangan ; et les Conseils Locaux Consultatifs étaient : , Karia Arkemán, Zeluán, Monte Arruit, Castillejos y Rincón del Medik (Nieto, 2013).

Ce changement de statut de la ville de Targuist est venu suite à l’évolution de sa population, à son rôle primordial comme un centre de contrôle des tribus de Senhaja Sraîr, et aussi à son emplacement stratégique sur la route reliant Melilla et Tétouan.

Tableau 7 : Evolution de la population de Targuist (1935-1955)

Année 1935 1940 1950 1955 Ville Targuist 1.187 1.283 3.033 3.121

Source : (Villanova, 2003).

Le Dahir du 14 janvier 1935 a approuvé les règles d'organisation des communautés autochtones et les règles de gestion et la disposition de ses actifs, et a clairement explicité le droit à la protection et l'intégration des jemaâs dans le domaine de l'administration makhzenienne, celles-ci seraient créés par un Décret de vizir et seraient dotées par le pouvoir nécessaire pour gérer les biens et les intérêts de leurs groupes sous les yeux du contrôleur et dans la limite de la tutelle makhzenienne. En plus, le Caïd et le Cheikh seraient, respectivement, les présidents de la jemaâ de tribu et celle de la fraction, et le reste des membres seraient désignés par un Décret de vizir. Alors, même si le président de la jemaâ fixe la date de l’assemblée et l’ordre du jour, il doit avoir l’approbation préalable du contrôleur qui y assiste obligatoirement, et même s’ils adoptent à la majorité des voix les accords, ces derniers nécessitent l’approbation du Grand Vizir assisté par le délégué

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des Affaires Indigènes et un conseil de tutelle formé par ces deux autorités, cinq hauts fonctionnaires du Haut-commissariat – quatre de caractère technique et un politique-, et un notable musulman désigné par le Grand Vizir. Alors, vu que les décisions sont prises par vote, la présence de la majorité des membres de l’autorité espagnole limite la capacité du makhzen.

Selon le Décret du 26/06/1934, qui a prévu l'unification de l'action intervenant et la création d'interventions de service dans la délégation des Affaires autochtones (DAI), la division précédente est devenu obsolète, et le Décret du 15/02/1935 distribua les tribus dans cinq Régions (Ouest, Jebala, Ghomara, Rif et l'Est) en maintenant le même régime du contrôleur. Cette division restait inchangée à peine jusqu'à la fin du Protectorat, sauf pour l'intégration de Beni Said dans la Région de Jebala, la création d'une sixième Région éphémère ; celle de Tanger (Cette Région a été créé après l'occupation de la zone internationale de Tanger par les troupes khalifiennes en 1941 dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. En 1943, il a été intégré dans la Région de Jebala et en 1945, après la victoire des Alliés, l'Administration Espagnole-Khalifienne a dû quitter la Région, qui a retrouvé son ancien statut international) (Villanova, 2010).

Il faut noter que les noms des Régions (territoires) à la fin du Protectorat étaient ainsi : Lucus, Jebala, Chaouen, Rif et Kert.

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En décembre 1936, le Contrôleur Régional du Rif a proposé d’organiser le contrôle de la Région de Senhaja en deux parties : Senhaja du Nord qui regroupe les tribus de Targuist, Beni Mezdouy, Zerquet, Beni Bounsar et Beni Khennous, avec un bureau principal à Targuist ; et Senhaja du Sud qui regroupe les tribus de Beni Bchir, Beni Ahmed, Beni Bouchibet et Taghzout, avec un bureau principal à Taberrant (Villanova, 2003). La tribu de Beni Seddat et celle de Ktama étaient considérées, à part entière, comme étant un bloc tribal indépendant de la Région de Senhaja même s’elles appartiennent à la Confédération de Senhaja Sraîr, et ce problème persiste encore puisqu’on trouve des Beni Seddat qui prétendent être des Ktamis même si leur tribu est indépendante de celle de Ktama, sachant que les autorités espagnoles ont nommé l’actuel centre d’Issaguen (chef-lieu de la tribu de Beni Seddat) à l’époque coloniale « Ketama », ce qui a participé à la perte de l’identité senhaji chez les Beni Seddat et les Ketami et qui a créé une confusion entre l’appartenance tribale et administrative chez les Beni Seddat.

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Les Décrets du vizir du 13 mai 1935 et 07 mars 1936 ont prévu 12 jemaâs pour la fraction et une pour la tribu ; mais la guerre civile espagnole a paralysé définitivement le processus. Après la fin de cette guerre armée, le Haut-commissariat a choisi d'organiser les conseils ruraux selon le Décret du 18 aout 1942. Il créa un nouveau système d'organisation territoriale des interventions, il s’agit des Cercles, qui exerçaient leurs travaux sur plusieurs tribus, où se trouvaient des bureaux locaux d’intervention (Villanova, 2010), les tribus de Senhaja Sraîr avec celle de Bni Ammart formaient la circonscription de Senhaja. En 1943, les Régions se transformèrent en territoire, et la Région Occidentale devint territoire de Lucus ; Ghomara devint Chauen et l’Oriental devint Kert (Villanova, 2010).

En 1942, le contrôle de toute la Région de Senhaja Sraîr (à l’exception de Ktama et Ayt Seddat) se faisait du centre de Targuist à qui ont été liés deux bureaux auxiliaires, celui de Taberrant et de Louta Sanit. Cependant, le contrôle des tribus de Ktama et Ayt Seddat se faisait du centre de Telata de Ketama à qui était lié le bureau auxiliaire de Had Ikaouen.

Tableau 8 : Répartition des bureaux du contrôle dans la Région de Senhaja Sraîr (1942)

Secteur du Rif Tribu Bureaux de Circonscription Bureaux Auxiliaires

Targuist Targuist Beni Bchir Louta Sanit Beni Bouchibet Taberrant Ktama Telata Had Ikaouen Source : élaboration à partir de la division politico-administrative 1942 (Villanova, 2003).

Ces conseils ruraux sont annulés par le Dahir du 25 octobre 1952 qui abroge le Dahir du 14 janvier 1935, et qui approuve le règlement sur l'organisation et le fonctionnement des conseils de fraction et les jemaâs. Cette réforme crée des conseils de fractions, présidés par le Cheikh, pâle image des anciens conseils de jemaâ dont les pouvoirs étaient bien plus importants. La levée des impôts, le tertib, est la principale fonction de ces conseils. Des officiers espagnols, contrôleurs, à la tête de leurs bureaux, doublent cette

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administration, tandis qu’un peu partout camps militaires et casernements contrôlent les points stratégiques (Maurer, 1968).

Carte 5 : Tribus et fractions de la confédération de Senhaja Srair en 1952

Source : élaboration propre à partir de la carte des communes rurales et fractions dans le Rif Central (Maurer, 1968).

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Tableau 9 : Répartition des tribus et fractions de la Région de Senhaja Sraîr (1952)

Tribu (taqbilt) Fraction Village (dchar) - Griha - Tamlougit Amzaz - Ouhchiyet - El Khoms - Ighmad - Iaminet - Arguiouen - Zaouiat Es-sunni Bni Tmim - Talemques - Asmartas - Barnas - Bni Hassan - Tafelchout Ikoutamen - Iguerouan (Ktama) - Bouflou - El Azib Es-souahel - Takkoucht - Achqara - Meziaz - Taria - Talghount - Tamsaout - Marguen - Abkayer Tamsaout - Zaouiat El Ghemri - Aguersif - Azghar - Asoual

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- Ait Aaksi (Bni Aaissi) - Ait Ahmed Abdelghaya - El Makhzen - Asammar - Es-sahel - Izdad - Azila - Aguersif Aarabi - Tighissa - Aain El Bida - Stah - Bougherda

- Imassinen Ed-douriyyin Ayt Seddat - Imaziouen - Ouareg - Tala Rouaq - Tidouin - Tamedda Tala Rouaq - Tisseghra - Tacht - Imougzen - Admam Ait Iaalahoum et - Imaachren Youkren - Mazouz - Tighza - Tafsout - Iqraren Outil - Outil Ayt Ahmed - Amazzer - Tafornout - Tamiannest - Irebji Lehlaf et Ait - Asensou Zennouba - Tafza - Boumsahel - Aouni

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- Azrou Izeggaghen - Zaouiat Almou - Zaouiat Izourdaz - El Kalaa - Ait Ikhlef El Kalaa - Ai Bekkar - Iouertiten Taghzout - Tiririn - Igouraren Es-sahel - Tazarin - Taria Mezzit - Taria Ait Meryem - Tamayelt - El Khandaq El Foqi - Taourart - Bni Aayyach - Taberrant Ay Bouchibet - Ibezzazen - Aazib Abdelali Es-souahel - Taria - Et-teffah

- Aallal - Oursan - Iguermalet - Aghennouy Aallal et Iguermalet - M’dar - Iguedman - Timilout Zerquet - Tiferouas - El Quitoun - Ifellihen - Hmayed Ifellihen et - Isiaamaren Messoumet - Ikherrouden - Afrag Iaich - Aouni

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- Bellehkem - Bounjel - Almou n Tizirt - Taounza - Tatiacht - Fedelmana - Taynit Tatiacht - Bousaleh - Taferka - Bouaamara - Tizi Ay Bchir - Iouriten - Tasasnout - Taizirt - Bouhadi Outil - Zaouiat Tafart - El Quoraa - Imsed - Outil - Tamadit - Amaakdan - Iaattaren - Louda Ay Bounser Ay Bounser - Iberqchichen - Adouz - Amrad - Zarkat - Amdarfou

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- Tizi khettab - Igraymiyyen - Ledday - Tamseyyet - Taroua Ayt Khennous Ayt Khennous - Ait Tayman - Ighoryan - Ikhadiren - Iaaraben - Tigraou - Bouydren - Ai Bouzemmour - Ai Boudjay - Iaazzouzen - Touzzelt Ayt Mezdouy Ayt Mezdouy - Bouaadi - Alemsa - Lahsen - Zaouiat Et-teffah - Ihoussen - Chorfa Taourirt - Iguer Melloul - Taourirt - Messaadia Targuist Targuist - Merraha - Ait Aaissa - Maalmin - Ait Aazza

Source : élaboration propre à partir du Dahir khalifien du 25 octobre 1952

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À la fin de 1934, et dans le cadre des nombreuses réformes administratives républicaines, le Dahir du 26/12/1934 a organisé les centres des Cadis de Sharia dans les tribus, les circonscriptions et les Régions, et a établi un kadi kodat (Cadi de Cadis) à Tétouan. Le lendemain, le Décret Viziriel du 27/12/1934 a établi cinq centres des Cadis Régionaux et onze de circonscriptions. La délimitation territoriale des centres des Cadis des Régions a coïncidé exactement avec les Régions qui établiraient le Décret du 14/01/1935, mais étonnamment, les circonscriptions des Cadis ne correspondaient pas à toute autre structure du makhzen ou du Haut- commissariat (Villanova, 2010).

Quatre ans plus tard, les autorités franquistes ont procédé à réorganiser la justice musulmane, modifiant les pouvoirs des tribunaux et établissant une nouvelle hiérarchie. Le Dahir du 19/10/1938 a éliminé les Cadis des circonscriptions et a regagné leurs pouvoirs pour Caïds de place, des tribus et des villes. Un Décret viziriel du même jour établi sept centres des Cadis de ville et quarante-six des tribus; une organisation qui est complètement subordonnée au contrôleur. Par exemple, les tribus de Senhaja Srair (à

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l’exception de Ktama et Bni Seddat), qui avait eut deux bureaux intermédiaires, ont été regroupées en deux centres des Cadis de tribu (Villanova, 2010) : celui de Senhaja du Nord à qui appartenaient les tribus de Targuist, Bni Mezdouy, Zerquet, Bni Khennous et Bni Bounsar ; et un autre de Senhaja du Sud à qui étaient attachées les tribus de Bni Bchir, Bni Ahmed, Bni Bouchibet et Taghzout. Ainsi, les tribus de Ktama et Bni Seddat ont été rassemblées en un centre des Cadis, celui de Ktama. De ce fait, la Région de Senhaja Sraîr possédait à cette époque-là trois centres des Cadis.

En 1950, Beni Bchir a passé de l’autorité du Cadi de Senhaja du Sud à celle de Senhaja du Nord. Le contrôleur territorial du Rif a observé l’existence des difficultés de communication entre Taghzout (résidence du Cadi de Senhaja du Sud) et Beni Bchir, pour des raisons d’éloignement. Par contre, cette tribu se trouve près de Targuist (résidence du Cadi de Senhaja du Nord) et il y a des moyens de transport (Villanova, 2003).

Conclusion

Les espagnols sont venus essentiellement pour exploiter le pays, notamment en instaurant divers impôts (tertib, patente, droits d’entrée aux souks, etc.)…leur but était aussi d’écouler les produits manufacturés fabriqués dans la métropole et dans les autres pays européens, en vue d’intégrer les paysans rifains déshérités dans le circuit d’échange capitaliste. Pour ce faire, la colonisation a concentré le gros de ses efforts sur le réseau des souks hebdomadaires existants, en procédant à leur déplacement de façon à les accoler aux camps militaires nouvellement installés (El Sabri, 1999).Et malgré les efforts pour administrer et maintenir l’ordre dans son Protectorat au Nord du Maroc, le régime espagnol n’a pas pu développer la Région comme c’était le cas pour celle du Protectorat français pour des facteurs internes, à savoir la déclaration de la Deuxième République en 1931 et la fin du régime monarchique, et la guerre civile entre 1936 et 1939 ; ainsi pour des facteurs externes, en l’occurrence la 1ère et la 2ème guerre mondiale et la résistance des autochtones berbères.

Cependant, l’indépendance de la Région du Protectorat espagnol au Nord du Maroc le 7 avril 1956, et son intégration avec l’ancienne zone du Protectorat français, n’a pas apporté des mutations profondes quant à l’organisation territoriale de la Région de Senhaja Sraîr qui appartient

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depuis ce temps-là à la Province du Rif, conformément au Dahir n° 1-56- 133 du 8 rebai I 1376 (13 octobre 1956) modifiant le Dahir du 1er joumada I 1376 (16 décembre 1955) relatif à l’organisation provinciale du Royaume (Bulletin Officiel n° 2296, 26/10/1956), cette Province qui est devenue Province d’Al-Hoceima conformément au Dahir n° 1-59-351 du 1er joumada II 1379 (2 décembre 1959), relatif à la division administrative du Royaume (Bulletin Officiel n° 2458, 4/12/1959).

Après soixante ans de l’indépendance, un déséquilibre considérable existe dans la Province d’Al-Hoceima entre le territoire de la tribu de Bni Ouriaghel à l’Est, qui contient 3 municipalités (, et ) et 3 centres urbains (Bni Hdifa, Sidi Bouafif et Tamasint), et celui de la confédération des tribus de Senhaja Sraîr à l’Ouest, où se trouve une seule municipalité (Targuist) et un seul centre urbain (Issaguen) ; sachant que la ville d’Al-Hoceima fait partie du territoire de la tribu de Bakkioua (Ibeqqouyen).

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