Le Valtin - Le Grand-Valtin
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- 1 - - 2 - Illustré par 12 Dessins et Gravures de Henri LALEVÉE Peintre et Graveur Petit-fils de l'Auteur - 3 - - 4 - - 5 - Le Valtin - Le Grand-Valtin Pages d'histoire locale ________________ À mes bons amis Petits et Grands- Valtinois Avant - propos Pourquoi l’idée m’est-elle venue de ressusciter le passé du plus humble village de la montagne vosgienne ?... Le Valtin m’est cher à plus d’un titre. Sa chaume de Sérichamp n’est-elle pas le berceau de ma famille dans les deux lignes paternelle et maternelle ? J’affectionne pour la grâce incomparable de ses sites le terroir haut perché de la montagne où j’ai passé vingt-huit ans de ma carrière enseignante dans la paix des grandes sapinières- J’aime ses habitants simples, généreux, hospitaliers, fidèles mainteneurs des traditions des aïeux. J’envie leur fière indépendance ; j’admire la force tranquille de leurs bras, la sérénité de leur vie, la juste mesure de leurs propos. Je compte parmi les Valtinois beaucoup d’amis : ceux qui m’accueillent si chaleureusement quand je monte là- haut ; ceux qui dorment dans le petit enclos proche de l’église où je ne manque pas d’aller aussi leur rendre visite. C’est un devoir d’amitié et de reconnaissance que je remplis à l’égard des uns et des autres en condensant en ces pages ce que j’ai recueilli sur l’histoire de leur petite patrie. J’ai pensé que la belle leçon de ténacité donnée par ces ”marcaires” des Hautes-Vosges parvenus, à force de courage et de labeur, à tirer leur subsistance d’un sol si aride que seul le sapin y pouvait vivre à côté du roc valait d’être connue de leurs descendants. Il m’a paru aussi que cette histoire d’une communauté pastorale – parcelle de la communauté nationale – dans ses origines, son développement au cours des siècles, ses luttes pour le mieux-être, sa vie rude traversée de tant d’épreuves et de souffrances méritait une petite place à côté de la grande histoire. Cette place au surplus ne sera point usurpée. Dernière commune vosgienne encore occupée par - 6 - l’Allemand à la fin de novembre 1944, Le Valtin ne devait-il pas rester sous le joug de l’ennemi jusqu’aux premiers jours de février 1945 et se signaler ainsi à la sympathie de la France entière ?... C’est dans cette intention que j’ai recherché de longue main les éléments de cette étude. Ils me sont venus en premier lieu des archives communales et des registres paroissiaux antérieurs à la Révolution, documents précieux que M. Émile Weisrock, maire du Valtin, a bien voulu mettre à ma disposition. Je l’en remercie très amicalement. J’ai puisé aussi aux archives départementales, à celles de Meurthe-et-Moselle, du Haut-Rhin, de la commune de Ban-sur-Meurthe (aujourd’hui détruites) et consulté les papiers de famille et anciens titres en ma possession. Des renseignements empruntés à divers historiens locaux, en particulier au remarquable ouvrage de Pierre Boyé : Les Hautes-Chaumes des Vosges (Rerger-Levrault Édit. 1903) sont venus compléter cette documentation dont je me suis fait une règle d’indiquer toujours la source. J’ai glané ainsi dans les annales du Valtin des faits et gestes riches d’intérêt qu’il eut été dommage de laisser tomber dans l’oubli. On voudra bien me permettre de les présenter sous forme de simples notes sans prétention littéraire. Dans les pièces d’archives dont on trouvera au long de ce travail maints extraits – qui m’ont paru nécessaires à l’intelligence de l’exposé – l’orthographe du texte original a été scrupuleusement respectée. Une reconstitution comme celle que j’ai tentée eût exigé une plume plus experte que la mienne. Je ne m’en dissimule ni les imperfections, ni les lacunes. Je souhaite cependant que le lecteur y trouve un peu du plaisir que j’ai eu d’en rassembler les matériaux et de les mettre en œuvre. Puisse-t-elle – en lui apprenant son passé – lui faire connaître et aimer le beau pays Valtinois ! Puisse-t-elle surtout retenir au village les fils de vingt générations de montagnards trop enclins, de nos jours, à déserter la terre des ancêtres ! Je n’en veux pas d'autre récompense. - 7 - Coup d'œil pittoresque N’eussiez-vous visité Le Valtin qu’une fois, vous ne pouvez évoquer vos souvenirs sans que se représentent à vos yeux des rocs et des sapins, des ”rupts” et des cascades, un coin privilégié de la montagne où la main de l’homme a tout juste effleuré l’œuvre de la nature sans la marquer de son empreinte. Blotti au fond d’une étroite cuvette dominée par une falaise de rochers abrupts qui dévalent en éboulis jusqu’aux premières maisons, le petit village couronné de vastes forêts de résineux se situe – à 700 mètres d’altitude – au pied des Hautes-Chaumes, non loin du col de la Schlucht, à la jonction des ruisseaux de la Combe et du Rambach qui forment la Meurthe naissante. À l’orient, un mince ruban de prés parfaitement plan conduit tout droit la riviérette jaseuse au défilé du Rudlin où le paysage se relève jusqu'au col du Luschbach qui ferme l’horizon. Cadre grandiose. Le site, sauvage au premier abord, est marqué d’une séduction et d’une grâce pittoresques. La teinte vert sombre des forêts s’opposant au vert glauque de la prairie, la grisaille des rochers, le rouge des toits composent un ensemble harmonieux et poétique nuancé diversement suivant l’heure changeante. Il s’enrichit chaque printemps de l’or des jonquilles dans le val et des genêts sur les pentes. Le clair tintement des sonnailles du bétail au pâturage anime ce décor rustique d’une note pastorale. Vêtue pendant de longs mois d’hiver d’un somptueux manteau de neige, la nature prend alors un aspect de féerie. Tel est Le Valtin, vallée alpestre enchâssée dans le massif vosgien. Tournant le dos au village, dirigeons-nous maintenant vers l’ouest par le sentier de chèvre qui remonte hardiment le ruisseau du Rambach dont les cascatelles bondissent au fond du ravin. Retournons-nous un instant pour jouir encore du merveilleux tableau de maître que nous laissons derrière nous : Dans une double boucle de la route blanche, le moutier rustique au minuscule cimetière, les toits pressés du Valtin gisent à nos pieds. Au delà, une profonde dépression glaciaire – aux flancs boisés jusqu'à la base d’un côté, hérissée de l’autre d’escarpements rocheux – s’allonge rectiligne. Là-bas, tout au creux du sillon, la chapelle du Rudlin pointe la délicate silhouette de son campanile. Plus loin, entre des coulées de sapins bleus, le couloir se prolonge en remontée Jusqu’à la ferme blanche du Luschbach juchée, tout près du ciel, dans une échancrure de la crête. Perspective magnifique sous les feux du soleil qui - 8 - dispense sur le tableau des faisceaux lumineux baignés de poussière d'or que bordent des moires violettes et des lisières d’ombre. Le spectacle est unique... Il émeut l’âme autant que les sens... Comme elles sont loin les mesquines contingences de la vie !... * Rejointe la route à lacets qui gravit la côte, elle nous mène à une sorte de col qui marque la ligne de partage des eaux de la Meurthe et de la Petite Meurthe. Nous sommes au Grand-Valtin. Devant nous – sous un ciel largement ouvert – se découvre un agreste vallon aux pentes moyennes, vaste clairière que la forêt ceinture de toutes parts. Assises le long de la route de Gérardmer qui traverse le hameau dans toute sa longueur ou, pour le plus grand nombre, étagées au flanc droit de la montagne, s’essaiment, entre huit cents et mille mètres, deux douzaines de maisons. Pour qui vient du Valtin, le contraste est saisissant ; là, un paysage de la haute montagne au relief rudement sculpté, un village sans horizon dont les maisons se rassemblent au pied de leur église comme pour demander protection ; ici, un large et gracieux tableau champêtre tel qu’on en voit dans les vallées inférieures, des fermes blanches aux toits rouges piquées çà et là, qui rient au soleil dans la verdure des prés, une nature d’un modelé moins pittoresque peut-être, mais qui porte un visage plus souriant et plus jeune. La croupe des Hautes-Chaumes, le "gazon” du Tanet ceignent l’horizon du côté de l’est. Là-haut, le hêtre dispute au sapin la royauté de la montagne. Au printemps renaissant, ses bourgeons, les premiers éclos, sèment d’îlots vert tendre la houle sombre des sapins. Puis ceux- ci bourgeonnent à leur tour et les deux teintes se fondent dans une harmonieuse symphonie. * Si vous avez le cœur solide et le pied montagnard, nous terminerons en touristes ce tour d’horizon sur la chaume de Sérichamp, au sommet du contrefort qui sépare les vallées de la Meurthe et de la Petite Meurthe. Partis du Grand-Valtin, nous monterons là-haut par la forêt silencieuse et recueillie où les sapins de cent pieds dressent leurs sveltes colonnades traversées de rais lumineux qu’on dirait venus d’un vitrail d'église. - 9 - Paysage de neige au Valtin - 10 - Une demi-heure d’escalade et la chaume assise sur une croupe mollement arrondie se dévoile brusquement. Au centre d’une grande clairière verte inondée de soleil, la ferme nous apparaissait – il y a quelques années encore – comme un de ces joujoux de la Forêt Noire aux vives couleurs. Où sont-elles les magnifiques bêtes qui, jadis, paissaient là placidement, le mufle à terre, toutes clochettes carillonnantes, et vous regardaient passer de leurs grands yeux étonnés et rêveurs ?..