"Comédie Humaine"
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LE MONDE DE LA COMÉDIE HUMAINE CLEFS POUR L'ŒUVRE ROMANESQUE DE BALZAC GASTON de ZÉLICOURT Le Monde de la Comédie humaine Clefs pour l'œuvre romanesque de Balzac Avant-propos de LUC DEC AUNES SEGHERS Couverture : KNACK - Phot. : Viollet. Si vous désirez être tenu(e) au courant de nos activités d'éditeur, veuillez nous envoyer votre nom et votre adresse, sur carte postale ou carte de visite, aux Editions Seghers, B.P. 503, 75725 Paris Cedex 15 : notre bulletin «Informations Seghers» et nos catalogues vous seront adressés gratuitement et sans engagement. La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est Illicite (alinéa 1 de l'Article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. TOUS DROITS DE REPRODUCTION, D'ADAPTATION ET DE TRADUCTION RÉSERVÉS POUR TOUS PAYS. © ÉDITIONS SEGHERS, PARIS, 1979. A PAULA Avant-propos La passion de Balzac ne m'est venue que sur le tard ; mais elle fut violente et despotique. Tout à coup je fus pris, happé, emporté. En ce temps-là, je prenais chaque jour le métro, et il m'arriva plus d'une fois de laisser passer la station où je devais descendre, voire de me retrouver à quelque terminus, tant l'absorption était complète. A dire vrai, toutes les œuvres de Balzac n'exercèrent pas sur moi un égal envoûtement ; il y eut de nettes préférences. Balzac est si mul- tiple et varié qu'il peut intéresser plusieurs races de lecteurs ; et chacun prend, dans La Comédie humaine, ce qui convient à sa nature pro- fonde. A moins d'être un lecteur indifférent, donc sans passions, je ne crois pas qu'on puisse vraiment aimer tout Balzac : les uns iront de préférence au Lys dans la vallée, par exemple, les autres aux Illusions perdues, cependant que certains esprits mystiques choisiront Louis Lambert ou Séraphita. C'est une question d'affinités électives. Mais comment choisir vite et à coup sûr quand on aborde ex abrupto le monde touffu de La Comédie humaine ? Aussi, lorsque Gaston de Zélicourt me proposa son travail sur Balzac, et dès qu'il m'en eut exposé le principe, il me parut du plus grand intérêt d'éditer ce catalogue analytique de tous les romans et de toutes les nouvelles qui composent La Comédie humaine, dans lequel les œuvres se trouvent en somme résumées, et de telle façon que le lecteur nouveau de Balzac peut aisément saisir l'intrigue, le climat et les intentions morales ou sociales de chacune d'elles. Et sans doute, du fait de ces résumés, la substance profonde des œuvres échappe-t-elle en grande partie ; mais ce traitement laisse appa- raître à nu, dans leur vigueur élémentaire, les structures, les ressorts, les articulations des intrigues, et c'est, selon moi, avoir entre les mains un magnifique excitateur de lecture. Car les résumés de Gaston de Zélicourt sont écrits dans le mouvement et l'esprit du romanesque. Et je doute que tout vrai lecteur — c'est-à-dire tout individu capable de ressentir une fiction comme une réalité, et donc d'en subir la prégnante fascination — puisse lire la plupart de ces analyses autrement que comme de brefs et ardents scénarii, d'authentiques nouvelles dans les- quelles sont préservés les pouvoirs de la narration. Et c'est très important. Car la première vertu, au sens quasi physique du mot, de La Comé- die humaine, c'est précisément la dynamique de la fiction, cette tension des faits, cette relation formidable entre action et caractères. Les romans de Balzac sont pour la plupart de véritables « romans feuil- letons » aux intrigues sombres et tortueuses, aux épisodes convulsifs, des mélodrames absolus. Mais, contrairement à la loi du genre, ces romans populaires finissent mal. Les méchants sont récompensés, les bons presque toujours écrasés, vaincus, — punis ! Et cela apparaît dans les récits de Balzac avec de plus en plus de constance. A cet égard, le classement chronologique, adopté par Gas- ton de Zélicourt pour ses analyses, permet de bien saisir le mouvement profond qui entraîne, en la modifiant, La Comédie humaine, au fur et à mesure de son exécution. En cette lecture abrégée, où les projets se livrent nus et les figures sans le masque du style, j'ai été frappé de découvrir le sens fondamental de ce mouvement semblable à celui du maelstrom d'Edgar Poe : on s'aperçoit qu'il s'agit d'une progressive descente aux enfers. Aux enfers de l'homme, bien entendu. Le cynisme des actions, la cruauté des sévices infligés aux faibles, aux innocents (par exemple dans Le Cousin Pons ou La Cousine Bette) révèlent le pessimisme grandissant de l'auteur. On dirait que le visionnaire Balzac a plongé des regards toujours plus lucides au plus profond de cette humanité qu'aucune crainte ni aucun respect d'autrui ne retient plus sur la pente de la cupidité et de la jouissance à tout prix. Pessimisme très proche de celui d'un Baudelaire, le Baudelaire des Journaux intimes («Le monde va finir..., etc. »). Et l'on verrait très bien, en exergue à La Comédie humaine, cette phrase écrite en 1599 par Matéo Aleman : « Ils volent tous, mentent tous, trompent tous, nul ne fait ce qu'il doit... Tu ne trouveras nul homme pour l'homme, nulle chose pour la chose, nous vivons tous nous épiant l'un l'autre, comme le chat avec la souris, et avec la couleuvre l'araignée, laquelle voyant l'autre sans méfiance, se laisse glisser d'un fil et, lui saisissant la tête, la serre fortement et ne s'en sépare que de poison elle ne l'ait tuée . » A moins qu'on ne préfère celle-ci, de l'étonnant anarchiste Ernest Cœurderoy : « Notre société n'est rien, hélas ! qu'un labyrinthe de tra- hison, un cirque de carnage, où chacun cherche à conserver sa tête 1. Mateo Aleman, Vida de Guzman de Alfarache, 1 partie, livre II, chapitre IV. aux dépens de celle des autres. Malheur à celui qui croirait apaiser les loups et les chacals en implorant leur clémence . » En fait, ces romans populaires qui finissent mal, qui finissent de plus en plus mal, sont la forme obscure, bourgeoise, démocratique de la tragédie. Les dieux s'en sont allés, les hommes restent, et crè- vent, comme le dira cet autre désabusé, Leconte de Lisle, accroupis sur le tas d'or qu'ils ont conquis par ruse et par férocité. Toute gran- deur démise, toute charité congédiée, il ne subsiste à la fin que l'enfer médiocre des fauves. Balzac ou l'Humanité déchaînée ! 18 décembre 1978. Luc DECAUNES. 2. Ernest Cœurderoy, « Deux mots qui valent bien deux volumes », préface à Jours d'exil (1853). Présentation Proust avait de La Comédie humaine une connaissance extrêmement subtile ; Blaise Cendrars l'avait lue une dizaine de fois de bout en bout ; et, à vingt ans, Radiguet considérait Balzac « comme le plus grand de nos romanciers ». « Il est même unique, ajoutait-il, je ne puis me détacher de lui. » Loin de s'amoindrir avec les années, le prestige de Balzac n'a cessé de s'amplifier en France et à l'étranger. Editions nouvelles, articles, études, colloques et séminaires, d'un côté, adaptations pour le cinéma, la radio, la télévision, de l'autre, viennent témoigner jour après jour de l'extraordinaire fascination que continue d'exercer sur nous le monde fictif qu'il a créé. C'est que La Comédie humaine est une œuvre grandiose, aux dimensions d'un univers. Jaillie sous la poussée d'une véritable ébullition créatrice, que venaient amplifier et compliquer les besoins d'argent, cette œuvre, à la fois si ordonnée et si débraillée, demande à être étudiée dans son ensemble pour être comprise. Le présent ouvrage se propose de faciliter une telle approche en fournissant au lecteur une analyse de chacun des quatre-vingt-dix titres qui composent La Comédie humaine. Cette suite de quatre-vingt-dix radiographies devrait permettre, croyons-nous, de « feuilleter > en quelque sorte l'immense production balzacienne de façon à en avoir une sorte de lecture globale. Une appréhension totale de l'œuvre s'impose en effet ; n'en connaître que des fragments, c'est se condamner à ignorer l'essentiel du grand écrivain. Aucun de ses ouvrages ne contient à lui seul la quintessence de sa pensée ; la lecture d'un roman isolé risque donc de susciter des conclusions contraires à celles qu'inspirerait l'ensemble ; car Balzac n'est pas l'auteur de romans séparés, il est l'architecte d'un monument historique : La Comédie humaine. Victor Hugo, déjà, avait dit : « Tous ses livres ne forment qu'un livre, livre vivant, lumineux, profond, où l'on voit aller et venir et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d'effaré et de terrible mêlé au réel, toute notre civilisation contemporaine. » Or, beaucoup de ses lecteurs actuels continuent à ne connaître de lui que certains romans, les plus célèbres d'ailleurs, sans pouvoir en saisir toutes les significations ni, surtout, toutes les résonances, faute d'une vue d'ensemble et des corrélations qu'elle révèle. Cette vue panoramique nécessaire, notre travail doit aider à l'ac- quérir, et aussi à dominer un problème de lecture.