Dictée du lundi 20 janvier 2020 : Balzac, Le Lys dans la vallée (1835).

Le Lys dans la vallée est une œuvre singulière au sein de la Comédie Humaine. Le roman prend la forme d'une confession écrite à la première personne par le héros, Félix de Vandenesse. Le récit, qui comporte peu de rebondissements, est celui de l'idéalisation d'une femme, Mme de Mortsauf, d'une passion et d'une province, la Touraine. Le narrateur raconte ici, dans une longue lettre destinée à sa future femme, le souvenir de Mme de Mortsauf, qu'il a beaucoup aimée et décrit les lieux où elle vivait.

Un jeudi matin, je sortis de Tours, j’arrivai dans Poncher en levant le nez à chaque maison et je gagnai la route de Chinon. Pour la première fois de ma vie, je pouvais m’arrêter sous un arbre, marcher à mon gré, sans être questionné par personne. Pour un pauvre être écrasé par les différents despotismes qui, peu ou prou, pèsent sur la jeunesse, le premier usage du libre arbitre apporte à l’âme je ne sais quel épanouissement (…) Là, se découvre une vallée qui commence à Montbazon, finit à la Loire, et semble bondir sous les châteaux posés sur ces / ses doubles collines ; une magnifique coupe d’émeraude au fond de laquelle l’Indre se roule par des mouvements de serpent. A cet aspect, je fus saisi d’un étonnement voluptueux que l’ennui des landes ou la fatigue du chemin avait préparé. — Si cette femme, la fleur de son sexe, habite un lieu dans le monde, ce lieu, le voici … A cette pensée je m’appuyai contre un noyer sous lequel, depuis ce jour, je me repose toutes les fois que je reviens dans ma chère vallée. Sous cet arbre confident de mes pensées, je m’interroge sur les changements que j’ai subis pendant le temps qui s’est écoulé depuis le dernier jour où j’en suis parti. Elle demeurait là, mon cœur ne me trompait point : le premier castel que je vis au penchant d’une lande était son habitation. Quand je m’assis sous mon noyer, le soleil de midi faisait pétiller les ardoises de son toit et les vitres de ses fenêtres. Sa robe de percale produisait le point blanc que je remarquai dans ses vignes sous un hallebergier. Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, ’’ le lys de cette vallée’’ où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. L’amour infini, sans autre aliment qu’un objet à peine entrevu dont mon âme était remplie, je le trouvais exprimé par ce long ruban d’eau qui ruisselle au soleil entre deux rives vertes, par ces lignes de peupliers qui parent de leur(s) dentelle(s) mobile(s) ce val d’amour, par les bois de chênes qui s’avancent entre les vignobles sur des coteaux que la rivière arrondit toujours différemment, et par ces horizons estompés qui fuient en se contrariant.

Si vous voulez voir la nature belle et vierge comme une fiancée, allez là par un jour de printemps, si vous voulez calmer les plaies saignantes de votre cœur, revenez-y par les derniers jours de l’automne ; au printemps, l’amour y bat des ailes à plein ciel, en automne on y songe à ceux qui ne sont plus. Le poumon malade y respire une bienfaisante fraîcheur, la vue s’y repose sur des touffes dorées qui communiquent à l’âme leurs paisibles douceurs.

En ce moment, les moulins situés sur les chutes de l’Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante, les peupliers se balançaient en riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient, les cigales criaient, tout y était mélodie. Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine ; je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l’aime comme un artiste aime l’art ; je l’aime moins que je ne vous aime, mais sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus.(…)

1. Hallebergier : "orthographe propre à Balzac pour albergier, « variété d'abricotier».

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 Peu ou prou = Plus ou moins.

Origine :Nous savons tous que 'peu' veut dire "pas beaucoup" ou "en faible quantité". Qu'en est-il de 'prou' ? Cet adverbe qui signifie 'beaucoup' ou 'assez', date du XIIè siècle, il vient du nom 'prou' qui voulait dire 'profit. Au XVIIe siècle, on disait "avoir prou de quelque chose" pour dire qu'on en avait beaucoup. Depuis, le mot est tombé en désuétude et n'est plus utilisé que dans notre expression apparue vers 1600, alors qu'un peu avant, on disait "ni peu ni prou" pour dire "ni peu ni beaucoup". Jean de la Fontaine, dans "le paysan qui avait offensé son seigneur" () écrivait : « Or buvez donc, et buvez à votre aise ; Bon prou vous fasse ! Holé, du vin, holé ! »

 Quand « ou » coordonne deux noms au singulier, le verbe se met au singulier ou au pluriel selon les cas :

– il se met au singulier si l’un des deux noms exclut l’autre. ex : Le président de la République ou le Premier ministre présidera la réunion.

– il se met au pluriel si l’on peut dire « l’un et l’autre » ou « l’un comme l’autre ». ex : La fatigue ou l’imprudence sont à l’origine de bien des accidents.

Si « ou » unit deux synonymes, le verbe se met bien sûr au singulier. ex : Élisabeth Ire ou la Reine vierge a régné quarante-quatre ans.

N.B. Le même raisonnement vaut pour l’accord du verbe après « ni » : il se met au singulier si l’un des deux noms coordonnés par « ni » exclut l’autre. Dans les autres cas, il se met généralement au pluriel.

Ex : Ni Philippe ni Jérôme n’a été élu président de la République. Ni la mer ni la montagne ne m’attirent.

 Comment s’écrit le mot vertu ?

L’orthographe du mot vertu, au pluriel des vertus, peut être surprenante car, bien que ce mot soit un nom féminin, il ne se termine pas par un e muet et s’écrit comme il se prononce. On trouve d’autres noms féminins ayant la même caractéristique, comme tribu, glu et bru. -Que signifie ce mot ? Le mot vertu vient du latin virtus et désigne une qualité morale impliquant une conduite irréprochable.

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Le Lys dans la vallée : résumé

1827 : Félix de Vandenesse accepte de " livrer " son passé à Natalie de Manerville.

Au sortir d'une enfance malheureuse et solitaire, Félix, qui a vingt ans rencontre dans un bal à Tours une jeune femme dont la beauté l'émeut au point de l'égarer. Métamorphosé, il inquiète ses parents qui l'envoient à la campagne où il retrouve avec émerveillement l'inconnue dans une vallée au creux de laquelle coule l'Indre. (Elle était le lys de cette vallée). Il fait alors la connaissance au château de Clochegourde de Blanche de Mortsauf, de son mari et de leurs deux enfants. Le comte de Mortsauf, marqué par les épreuves de l'émigration, fait souffrir son entourage par une irascibilité maladive. Des liens spirituels se créent entre Félix et la comtesse Blanche que Félix est autorisé à appeler Henriette ; celle-ci se confie au jeune homme mais refuse d'entendre parler d'amour.

Henriette et Félix se plaisent à communiquer par le langage des fleurs. Le bonheur se poursuit pendant plusieurs mois et connaît son apogée dans la scène des vendanges. Octobre 1814 : Félix quitte Clochegourde pour Paris. Henriette lui remet une lettre où elle lui prodigue des conseils qui s'appuient sur son expérience de la société. Par sa fidélité à sa compétence, Félix se fait apprécier du roi et devient maître des requêtes au conseil d'Etat.

1817 : un congé de six mois le ramène en Touraine. Félix et Henriette renouvellent leur engagement et vivent des instants précieux. Le comte étant tombé malade, ils le soignent tous deux pendant près de trois mois avec un dévouement qui renforce la haute conscience qu'ils ont d'eux-mêmes.

Retour de Félix à Paris. Ici Félix succombe aux charmes d'une riche et belle Anglaise, lady Arabelle Dudley. La nouvelle de leur liaison parvient jusqu'à Mme de Mortsauf qui cesse d'écrire à Félix qui se précipite à Clochegourde où elle l'accueille avec froideur et exprime ses propres doutes envers l'existence qu'elle a menée jusque là.

A Paris les liens entre Félix et Arabelle se resserrent un moment puis se défont rapidement. Apprenant qu'Henriette est mourante, Félix se rend une nouvelle fois à Clochegourde. Après un bouleversant combat intérieur, la jeune femme meurt, vertueuse. Félix rentre à Paris. Il rencontre peu après Natalie de Manerville dont il s'éprend.

Réponse de Natalie à Félix. Incapable de rivaliser avec le souvenir des deux femmes exceptionnelles, Natalie préfère ne pas s'engager dans une union vouée, selon elle, à l'échec.

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Biographie de BALZAC (1799 - 1850)

1) Une mère indifférente

1799 Naissance d'Honoré Balzac à Tours le 20 mai. Il est le fils de Bernard-François Balssa, directeur des vivres de la 27ème région militaire et d'Anne-Charlotte Sallambier originaire d'une famille bourgeoise parisienne. La mère de Balzac a trente-deux de moins que son mari. Son patronyme est emprunté à une vieille famille noble, les Balzac d'Entraigues. A la naissance d'Honoré, la famille ne s'est pas encore "emparée" de la particule.

1800 29 septembre, naissance de sa sœur Laure

1802 18 avril, naissance de sa sœur Laurence. Utilisation pour la première fois de la particule " de Balzac"

1804 Mis en nourrice dès sa naissance, Balzac est confié à partir de cette année-là à la pension Le Guay de Tours. L'indifférence froide de sa mère, l'apathie de son père causeront au jeune Honoré une mélancolie inguérissable.

1807 Il est pensionnaire au collège de Vendôme. Il y restera jusqu'en 1813. Naissance d'Henri, son frère, un enfant que la mère de Balzac a conçu avec Jean de Margonne, Chatelain de Saché.

1814 Installation de la famille Balzac à Paris

1816 Il s'inscrit à la faculté de droit et devient clerc de notaire dans l'Etude de maître Guillonet Merville. Il utilisera cette expérience pour créer Derville dans la Comédie humaine

2) Les années d'initiation

1819 Déménagement de la famille Balzac à Villeparisis. Balzac est reçu bachelier en droit mais, malgré le souhait de ses parents, il refuse de devenir notaire.

1820 Mariage de Laure avec Eugène Surville

Mariage de Laurence avec M. de Montzaigle

1822 Balzac devient l'amant de Mme de Berny, qu'il connaît depuis deux ans. Laure de Berny lui apportera la tendresse et l'affection dont son enfance l'avait privé. Elle est de quinze ans son aînée et sera à la fois sa confidente, sa protectrice et puis son amante. Leur liaison durera dix ans.

1824 Du droit d'aînesse Histoire impartiale des jésuites Annette et le criminel

1825 Code des gens honnêtes.

1828 Après s'être essayé éditeur, puis imprimeur et enfin fondeur de caractères, Balzac connaît la faillite. Toute sa vie, malgré les gains importants dus à la publication de ses nombreux romans, Balzac sera poursuivi par les créanciers, qu'une gestion brouillone et

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un goût immodéré pour le luxe multiplient à ses trousses.

1829 , premier roman signé Balzac Mort de son père (19 juin) Physiologie du mariage. Cet ouvrage connaît un large succès et vaut à Balzac d'être admis dans les salons littéraires. Il fréquentera notamment ceux de Mme de Récamier et de Mme de Girardin qui lui permettront de rencontrer Victor Hugo, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas et le peintre Delacroix.

3) Les années fécondes

1830 Publication de la première série Scènes de la vie privée, et collaboration au feuilleton des journaux politiques. Il va bâtir roman après roman une oeuvre qui prend en 1841 le nom de Comédie humaine Il voyage en val de Loire avec Laure de Berny.

1831 (août). Balzac muliplie les aventures féminines : la duchesse d'Abrantès, La comtesse Guidoboni-Visconti…

1832 Première lettre de "l'Etrangère" Mme Hanska, l'épouse d'un comte ukrainien qui se passionne pour son œuvre. Contes drolatiques, I

1833 Contes drolatiques, II Le Médecin de Campagne Eugénie Grandet

1834 A Genève début de sa liaison avec Mme Hanska. Histoire des Treize La Recherche de l'absolu

1835 Le Le Contrat de mariage Séraphita En décembre, il reprend la revue La Chronique de Paris. Six mois plus tard, la publication est suspendue, il laissera une somme énorme dans ce fiasco.

1836 Le lys dans la vallée. Madame de Mortsauf doit plusieurs traits à Madame de Berny qui meurt cette année-là

1837 , I Il achète les Jardies à Sèvres César Birotteau Contes drolatiques, II

1838 Il séjourne en février chez Georges Sand à Nohant. Il adhère à la Société des gens de lettres

1839 Il est élu président de la Société des gens de lettres Il prend la défense du notaire Peytel, accusé de meurtre mais ne parvient pas à empêcher sa condamnation

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1840 Balzac fonde une nouvelle revue, la revue parisienne et connaît un nouvel échec. Il est obligé de revendre sa propriété les Jardies à Sèvres

1841 Le curé du Village Traite avec son éditeur pour la publication de la Comédie Humaine Parution en feuilleton de la Fausse Maîtresse

4) Les années "Hanska"

1842 Balzac apprend la mort du comte Hanski, il fera tout pour revoir Mme Hanska.

1843 Il retrouve Mme Hanska et séjourne à Saint-Petersbourg entre juillet et octobre. Il espère pouvoir l'épouser mais elle se montre moins empressée que lui et doit d'abord régler des démarches administratives pour obtenir l'héritage de son mari.

1844 Etablissement du "catalogue des ouvrages que contiendra la Comédie Humaine" Splendeur et misères des courtisanes, Honorine, Modeste Mignon

1845 Le mariage avec Mme Hanska monopolise toute son attention. Il écrit de moins en moins

1846 Petites misères de la Vie conjugale et La Cousine Bette

1847 Publication du Cousin Pons

1848 Il tente une dernière fois d'entrer à l'Académie française et connaît un nouvel échec. Nouveau départ pour l'Ukraine en septembre. Il y arrive malade Parution en feuilleton de l'Envers de l'histoire contemporaine, II.

1849 Il passe toute son année en Ukraine chez Mme Hanska

1850 Mariage avec Anne Hanska en Ukraine le 14 mars Retour à Paris le 20 mai Il meurt d'épuisement le 18 Août à Paris

1855 Mme de Balzac publie Les Paysans ( écrit en 1844 et inachevé)

1856 Charles Rabou publie Le Député d'Arcis ( écrit en 1847 et inachevé)

1876 Publication de ses œuvres complètes en 24 volumes

1882 Mort de Mme de Balzac

Cet amoureux des femmes, ce défenseur de l’égalité des sexes bien avant l’heure, sincèrement choqué par le peu de droits et de liberté qui étaient les leurs à son époque.

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Balzac et les femmes :

Probablement née de la froideur de sa mère Fortunée à son égard, sa passion pour le beau sexe le suivra toute sa vie, le perdra ou le sauvera, selon les points de vue.

Sa mère donc, une belle femme entourée d’admirateurs, férue de sciences occultes qui le met dès sa naissance en nourrice où il sera maltraité avec sa sœur Laure, avant la pension.

Dans Le lys dans la vallée, il s’interroge : "Quelle disgrâce physique ou morale, me valait la disgrâce de ma mère ? Etais-je donc l’enfant du devoir, celui dont la naissance est fortuite" ?

Homme à femmes Balzac ? Il leur dédie au moins un quart des pages de la Comédie humaine. Toutes les femmes, les anonymes ou celles qui ont traversé son existence.

Il y a d’abord Madame de Berny dans sa prime jeunesse qui a l’âge d’être sa mère. Il est séduit par le parfum d’ancien régime qui flotte autour d’elle dont le père était le professeur de harpe de Marie Antoinette. Elle veut n’être que sa muse, il veut être son amant et y parvient. De lui elle accepte tout, elle pardonne tout : ses dettes, ses infidélités, ses mensonges.

Laure d’Abrantès devient sa deuxième compagne alors qu’il voit toujours Laure de Berny, il a 30 ans, attend la gloire et surtout l’argent. Tout arrive : avec la parution de la Peau de chagrin, il flambe, s’achète une calèche, un groom, organise des soupers, ne rembourse pas des dettes et se ruine à nouveau. Il travaille comme un bagnard quand il rencontre Henriette de Castries, fille d’une grande famille. Elle a du bien, c’est l’essentiel, il tombe sous le charme, elle le trouve "boudiné, pataud, édenté", mais bon…

Plus tard parmi d’autres liaisons avec des inconnues, il y aura Zulma Garraud et surtout, Eveline Hanska. Madame Hanska qui le lit du fond de son château glacial d’Ukraine, s’enflamme pour lui et lui écrit. Celle qui signe ses lettres "l’Etrangère" s’engage dans une liaison épistolaire qui va durer dix sept ans. Quand elle le rencontre, elle le trouve "si laid, si grassouillet". Ce qui ne l’empêchera pas de l’épouser bien des années plus tard alors qu’il ne restera plus au romancier que quelques mois à vivre.

Entre faillites spectaculaires et succès littéraires, ainsi va la vie d’Honoré de Balzac, travailleur acharné, amoureux fou qui nommait les femmes de sa vie Laure, prénom de sa mère et de ses sœurs et dont L’auteur trace un portait contrasté, à la fois sympathique et cynique. En amant qui profite impunément des charmes de madame de Berny en aimant ailleurs tout en acceptant qu’elle relise et corrige son travail, en parfaite secrétaire bénévole.

En homme d’affaires raté qui cherche toujours à ménager ses intérêts, ne choisit les femmes qu’il aime que dans une classe qui peut potentiellement lui apporter renommée et fortune. Même si celle-ci se refusera toujours durablement à lui.

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