1. INTRODUCTION: JUSTIFICATION ET ORGANISATION DU PLAN DE GESTION

Le Parc National du qui existe depuis 50 ans et couvre un territoire essentiel de la chaîne du Haut Atlas, n'a jusqu'à cette année, jamais bénéficié d'une quelconque politique d'aménagement et de gestion. Cette absence et les contextes écologiques et sociaux de ce parc, ont amené celui-ci à perdre progressivement de sa valeur patrimoniale. Cette zone se trouvent soumise de plus en plus intensément à un certain nombre de contraintes, qui aujourd'hui handicapent sérieusement l'avenir du PNT. Ce sont principalement:

- absence de planification et de programmes de travail, - mauvaise coordination, - mauvaise perception du parc par les populations locales (usagers et autorités) - surexploitation des ressources naturelles (surpâturage, coupes abusives,...) - phénomènes d'érosion avec perte des sols, - pauvreté de certains groupes sociaux montagnards, - impacts du tourisme, - absence de formation du personnel, - insuffisance des moyens.

L'absence de planification est, parmi d'autres, la plus forte contrainte à une bonne gestion des aires protégées.

Dans ce contexte, un plan de gestion offre la meilleure stratégie pour aborder positivement les contraintes, et en diminuer les effets nocifs. C'est un "outil" à présent universellement reconnu, dont chaque parc national doit être doté, destiné à devenir l'instrument de base du gestionnaire, afin de contrôler, gérer et valoriser les ressources du Parc, en relation avec les modes de vie des populations locales. Encore faudra-t-il que ce "gestionnaire" soit doté de véritables pouvoirs et moyens de travail, notamment qu'il soit entouré par une équipe pluridisciplinaire et performante. En d'autres termes, un bon cadre institutionnel est fondamental.

Le plan de gestion et d'aménagement se veut un document-guide, planifiant et contrôlant la gestion et l'aménagement des ressources du Parc National, l'allocation des ressources budgétaires, les différentes formes d'utilisation de l'espace, et le réseau d'infrastructures nécessaires à sa valorisation et à sa conservation à long terme. C'est par conséquent un document de travail devant guider et faciliter l'ensemble des activités de développement et actions d'aménagement à entreprendre dans le Parc. Il constitue le "bio-outil" de base quotidien du gestionnaire. La perception claire des valeurs du Parc National, ainsi que la définition des objectifs qui lui sont fixés, sont indispensables à l'élaboration d'un plan de gestion réaliste puisque les actions qui y sont définies et précisées tendront à réaliser progressivement ces objectifs. Mais la pertinence de ces objectifs dépend de la qualité du "diagnostic-évaluation" préalable.

Dans le temps et avec les moyens qui étaient impartis au Projet, il n'était pas possible de travailler sur la totalité des espaces concernés, ni sur la totalité des domaines biologiques, écologiques et socio-économiques, tributaires entre autre, des phénomènes de saisonnalité . Dans ces conditions il était difficile de percevoir dans leur globalité l'ensemble des relations liant les hommes et les ressources qu'ils utilisent. Le plan de gestion proposé ici est donc forcément incomplet.

5 Quoiqu'il en soit, tout plan de gestion étant un outil évolutif, on l'affinera au fur et à mesure de l'avancement de la connaissance des mécanismes qui régissent le fonctionnement des communautés naturelles et rurales.

Un certain nombre d'études complémentaires aideront le gestionnaire à compléter cette connaissance, et le programme de suivi écologique servira d'indicateur de tendances lui permettant d'adapter la gestion à d'éventuels changements.

L'essentiel, en l'état actuel des choses, est de démarrer le plus rapidement possible un certain nombre d'actions prioritaires, afin d'affirmer l'existence du Parc et de créer une dynamique régionale.

Le plan de gestion est aussi un outil important de promotion, utile pour la recherche de financement. Il doit offrir la garantie d'une continuité des actions entreprises dans l'espace et dans le temps, en particulier par rapport à l'hypothèse d'un changement du personnel gestionnaire.

L'organisation de ce plan de gestion est structurée comme suit:

 Introduction,  Présentation du Parc Historique, Cadre général, Contexte humain, économique, législatif et institutionnel  Description du Milieu et Analyse des Valeurs du Parc Milieux physiques Valeurs Biologiques et Ecologiques Valeurs Paysagères et Culturelles  Activités Humaines, et Exploitation des Milieux Démographie, Organisation sociale Utilisation de l'espace Systèmes de production  Enjeux et Objectifs, Contraintes et Zonage Objectifs long, moyen et court terme Contraintes, impacts et facteurs Limites et zonation  Organisation Administrative Proposée Principes Organigramme  Programmes d'Aménagement et Actions Surveillance et contrôle Conservation, réhabilitation habitats et espèces Lutte anti-érosive Préservation patrimoine culturel Appui socio-économique à la Conservation organisation des populations et institutions . forêts et produits production agro-pastorale ressource eau . écotourisme mesures sociales et développement Formation Education, communication, sensibilisation Suivi écologique et Etudes  Coût et Calendrier des Actions  Bibliographie, Annexes et Cartes

Avant de devenir pleinement opérationnel, le plan de gestion doit être approuvé par le Gouvernement et les administrations concernées, car de nombreuses activités (y compris en zone périphérique) impliquent d'importantes décisions.

6 2. PRESENTATION GENERALE DU PARC ET DE SA REGION

2 . 1 . L E P A R C N ATIONAL DU TOUBKAL

2.1.1. Historique de la création du Parc

Au Maroc, l'idée de créer des réserves et des parcs nationaux a commencé à prendre forme dès les années trente, à l'initiative d'un certain nombre d'institutions et d'administrations, s'inquiétant de la dégradation des ressources naturelles. Parmi les administrations il y a lieu de citer les Eaux et Forêts, ayant déjà pour mission de conserver les forêts et de gérer la faune sauvage depuis un Dahir de 1917 sur les forêts et un Dahir de 1923 sur la chasse. Parmi les institutions, l'Institut Scientifique Chérifien et la Société des Sciences Naturelles du Maroc, ont le plus oeuvré en faveur de la création d'aires protégées.

A titre d'exemple, une réunion tenue à Rabat en 1933 concluait: "la Société des Sciences Naturelles du Maroc décide de poursuivre en accord avec l' Administration des Eaux et Forêts et l'Institut Scientifique Chérifien, la création au Maroc de réserves naturelles (Zoologiques et Botaniques) et de Parcs Chérifiens, choisis en application des principes suivants ...etc.". Par ailleurs, on émettait le souhait de la création d'un organisme autonome placé sous la direction des services précités, en vue de la création et de la gestion de ces réserves. Un voeu était formulé: "la Société des Sciences Naturelles du Maroc émet le voeu que les pouvoirs publics prennent toutes mesures utiles pour procéder à la création au Maroc de réserves territoriales ou parcs chérifiens, en vue d'y conserver la nature dans son état primitif, ou de l'y ramener, en assurant la conservation des espèces animales et végétales exposées à disparaître. Elle suggère à l'autorité supérieure la création d'un Comité consultatif composé de personnes qualifiées appartenant tant à l'administration qu'aux établissements et sociétés scientifiques, dont le but serait de la seconder dans cette création."

Quelques années plus tard les dispositions législatives allant dans le sens de ces voeux et donc dans le sens de la conservation de la nature allaient voir le jour. C'est ainsi qu'en date du 11 septembre 1934 était promulgué le Dahir sur la création des parcs nationaux, et que le 26 septembre de cette même année 1934, un arrêté viziriel fixait la procédure à suivre en vue de leur création. Conforme à l'article 6 du Dahir de 1934, il était crée un Comité consultatif des parcs nationaux (arrêté du 20 mars 1946).

En 1937, venant à l'appui d'une proposition faite par un officier des Eaux et Forêts, l'Institut des Hautes Etudes Marocaines émet le voeu de la création du PNT. L'objectif de cette création était à l'époque de préserver le massif montagneux le plus élevé de l'Afrique du Nord Française pour ses caractéristiques géologiques, faunistiques, paysagères et son potentiel touristique. Plus précisément, il s'agissait de préserver:

1) les plus belles forêts de chêne vert et de genévrier thurifère de la région de Marrakech, 2) les plus hauts sommets de l'Atlas (Toubkal 4 167 m, ...), 3) des régions pittoresques du versant sud, dont le lac Ifni. 4) la faune de la région (mouflon, aigles, truite du lac Ifni, ...).

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L'assiette géographique du PNT était choisie de manière à avoir la plus faible incidence possible sur les activités agricoles et pastorales des populations concernées. C'est ainsi que le PNT est essentiellement un parc de haute montagne, avec une faible superficie boisée et très peu de vallées cultivables et irrigables.

Après les procédures administratives d'usage et notamment une enquête de commodo et incommodo, le PNT a vu le jour en 1942 (arrêté viziriel du 15/01/42), couvrant une superficie de 38.470 ha.

Il faut noter que la situation juridique du Parc est homogène puisque on y trouve uniquement du domaine forestier, situé sur les terres des tribus Goundafa, Rheraïa, Ourika et Glaoua. Vis à vis des droits d'usage, les tribus riveraines conservaient dans le Parc les droits de ramassage du bois mort et de pâturage des troupeaux sauf durant les mois d'hiver. Toutefois, des exceptions étaient ménagées pour les douars limitrophes du Takherkhort, de l'Angour et de l'Inghemar, du Dôme d'Ifni et du Tifnout, du versant sud de l'Ouanoukrim.

On remarquera que la législation du PNT, découlant du dahir de 1934 sur les Parcs Nationaux, se démarquait de celle des parcs nationaux dit "classiques", et appliquée en d'autres pays du monde, où la plupart des activités humaines sont interdites. En effet, la norme était que l'aspect des terrains du Parc devait être conservé en l'état, constaté au moment de sa création.

Bien plus tard, parmi les propositions faites ultérieurement par les AEF de Marrakech, figuraient la création d'une "aire sauvage" centrale d'environ 4 000 ha, protégée de toute influence humaine, ainsi qu'une seconde aire centrale, la Réserve du Takherkhort, constituée pour la protection du mouflon à manchettes. De ces deux aires, seule la seconde a vu le jour.

Sur le plan institutionnel, la gestion du PNT était confiée aux services des Eaux et Forêts, qui disposait déjà d'un réseau de postes forestiers.

Par la suite le PNT a subi de telles déprédations (surpâturage, destruction de la flore, disparition de la faune, ...) que la Commission internationale des parcs nationaux ne l'a plus retenu en tant que Parc national et il fut donc soustrait de la "liste des Nations-Unies des parcs nationaux et réserves analogues".

A ce jour cette situation n'a pas évolué.

2.1.2. Cadre général

Le Parc National de Toubkal se situe dans la partie centrale du Haut Atlas, entre les vallées du N'Fiss à l'Ouest et celle de l'Ourika à l'Est. C'est la portion qui correspond à l'Adrar n'Dern (montagne des montagnes). Il s'agit en effet d'une zone qui offre les plus hauts sommets de l'Afrique du Nord. Elle est la mieux explorée, la plus accessible et la plus pittoresque de tout le Haut Atlas.

Le Parc National du Toubkal s'individualise par ses caractéristiques particulières et originales:

- Sur le plan géomorphologique, les crêtes déchiquetées ou subhorizontales, au relief rigoureux, sont constituées à peu près partout de matéri