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A Monsieur Lucien Morel d'Arleux, Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie des VII et XV arrondis- sements de , bien cordial hommage. IL A ÉTÉ IMPRIMÉ DE CET OUVRAGE 25 exemplaires sur Vélin d'Arches numérotés de 1 à 25 Les résidences des Archevêques de Paris

Pl. 1

EXTRAIT DU PLAN DE LA VILLE DE PARIS par Lattré, 1765 ROBERT DE COURCEL

Les résidences des Archevêques de Paris

IMPRIMERIE DES ORPHELINS-APPRENTIS D'AUTEUIL 40, RUE LA FONTAINE, PARIS-16

Il y a un siècle, en cette Année Sainte 1950, que les Arche- vêques de Paris résident dans le Faubourg Saint-Germain. M. Lucien Morel d'Arleux, Président de la Société d'His- toire et d'Archéologie des VII et XV arrondissements de Paris, qui a, dans son domaine, la garde morale du Faubourg Saint- Germain, a pensé que la Société se devait de ne pas laisser passer cette date dans le silence. Telle est l' origine de la présente étude qui se propose de rechercher par quelles suites de vicissitudes les Archevêques de Paris, succédant à une longue lignée d'Êvêques, ont, après avoir, pendant si longtemps, résidé à côté de leur Cathédrale, été amenés à établir leur demeure dans le Faubourg Saint-Germain. Une partie de cette étude a fait l'objet d'une causerie donnée au cours de la réunion de la Société qui, grâce à l'aimable entre- mise de M Jacques Cochin, Vice-Présidente de la Société, s'est tenue dans l'hôtel de M. et M Denys Gochin, rue de Babylone, n° 51, le 13 Mai 1950. Les propriétaires de cette charmante demeure avaient bien voulu accepter de recevoir la Société chez

eux ; les souvenirs qui unissent l'hôtel Cochin à l'Archevêché

de Paris rendaient leur accueil particulièrement précieux. Le marquis d'Ormesson, Ambassadeur de France, prononça à la suite de cette causerie, des paroles empreintes d'une bien- veillante amitié à l'égard de son auteur et d'une grande élévation de pensée sur le sujet qui venait d'être présenté. S. Exc. Mgr Roncalli, Nonce Apostolique à Paris, avait bien voulu se rendre à l'invitation du Président de la Société ; accédant au désir que lui en exprima M. Morel d'Arleux, il charma la nombreuse assistance par une allocution pleine de finesse et de nuances délicates, dans laquelle il évoqua la figure de Mgr Antonio Garibaldi, dont il est question dans la présente étude et rappela quelques souvenirs de sa récente visite en Algérie. Les paroles du Nonce et de l'Ambassadeur, le cadre dans lequel elles furent dites, ont donné à cette réunion, un charme tout particulier qu'il sera permis de noter ici, au seuil de cette étude. La documentation sur laquelle s'appuient les pages qui suivent a été puisée principalement aux Archives Nationales et à la Bibliothèque des Archives de l'Archevêché de Paris ; nous ne saurions oublier l'accueil si obligeant que nous y avons reçu. Pl. II

I. — Le Palais Archiépiscopal des origines à 1831

C'est à l'ombre de l'église Cathédrale qu'est née la première résidence des chefs du diocèse de Paris et c'est près de l'église Saint-Étienne, première Cathédrale de Paris, qui, on le sait, s'élevait à la fois sur l'emplacement de la façade occidentale de la cathédrale actuelle et sur une partie du parvis, que fut édifié l'hôtel épiscopal. Lorsque Maurice de Sully, évêque de Paris, commença en 1 163, à construire une nouvelle Notre-Dame sur l'emplacement de l' église Saint-Étienne et de l'église Notre-Dame qui lui faisait suite à l'est, il bâtit également, ou rebâtit, un nouvel évêché, et ce nouvel évêché, il le plaça entre la façade méridionale de la nouvelle cathédrale et le petit bras de la Seine. Il semblait alors que l'évêque ne pouvait demeurer qu'auprès de son église cathé- drale et que sa demeure devait communiquer directement avec celle-ci (1). C'est sur les fondements mêmes de l'enceinte gallo-romaine que s'élevait la demeure de l'évêque de Paris. Viollet-le-Duc a fait observer (2) que la plupart des palais épiscopaux ont été cons- truits le long des murailles ou sur les murailles mêmes de la cité ;

(1) Voir : Victor MORTET, Étude historique et archéologique sur la Cathédrale et le Palais épiscopal de Paris du VI au XII siècle. Paris, Picard, 1888, un vol. in-8°. Marcel AUBERT, La Cathédrale Notre-Dame de Paris, notice historique et archéo- logique. Paris, Firmin Didot, 1945, un vol. in 8°, p. 20.

(2) VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire raisonné de l'Architecture Française du XI au XVI siècle. Paris, A. Morel, T. VII, 1869, p. 11-17. et il note qu 'il a découvert en 1845 et 1846, lors des travaux de la grande restauration de Notre-Dame, les fondements d'un palais qui peuvent passer pour une structure gallo-romaine ; l'hôtel de l' évêque de Paris était donc assis sur les fortifications qui défen- daient l' île mère de Pans ; il comprenait alors, à son extrémité orientale, une chapelle à deux étages dont l'abside était orientée vers l'est, puis en revenant vers l'ouest une haute tour ou donjon qui contenait les cloches et dont les étages voûtés en ogive furent, dans la suite, convertis en prisons écclésiastiques de l'Officialité. Une grande salle, appelée plus tard salle synodale, venait ensuite, toujours vers l'ouest, salle servant aux cérémonies royales et qui fut, sinon construite, du moins reconstruite par l'évêque Matiffas de Bucy, dont la statue en marbre blanc est placée derrière le maître-autel de Notre-Dame, dans le déambu- latoire ; de style ogival, cette salle était divisée en deux par une rangée de colonnes et chacun de ses angles extérieurs était flanqué de tourelles en encorbellement, ses murs étaient surmontés de créneaux, ce qui donnait à l'édifice un caractère à moitié militaire. Déjà l'évêque Guillaume d'Auvergne (1228-1249) avait fait agrandir l'évêché et des accroissements successifs furent apportés par Pierre d'Orgemont, au début du XV siècle, puis au siècle suivant par Êtienne de Poncher, et par François de Poncher, son neveu et successeur, qui fit élever le bâtiment situé à l'est et dans le prolongement de la chapelle. Les Gondi, évêques et archevêques au nombre de quatre, firent également des agrandissements et l'un d'eux fit même cons- truire un corps de logis qui reliait l'hôtel primitif à l'église Saint- Denis-du-Pas située au chevet de la cathédrale. C'est alors, par une bulle de Grégoire XV, en date du 20 octobre 1622, que l'évêché de Paris, jusque-là dépendant de l'archevêché de Sens, est érigé en archevêché et que l'hôtel épiscopal devient le palais archiépiscopal. Une gravure d'Israël Silvestre, conservée au cabinet des Estampes et datée de 1658, donne la vue générale de l'Arche- vêché de Paris, avec sa grande salle et ses contreforts, le donjon carré, la chapelle et le bâtiment qui lui fait suite ; au premier plan, le petit bras de la Seine, le Pont-au-Double, l 'Hôtel-Dieu, le tout dominé par la masse imposante de la cathédrale. Le Cardinal de Noailles (1695-1 729) fit démolir la partie du palais qui servait d'habitation à ses prédécesseurs et construire en 1697, un bâtiment disposé en équerre. Et c'est à l' archevêque Christophe de Beaumont que l'on doit le Salon des Princes, ainsi que le grand escalier à double rampe qui y conduisait et qui fut dessiné par l'architecte Pierre Desmaisons (1). Vint la Révolution ; le palais de l'Archevêque, qui était alors Antoine-Léonor Leclerc de Juigné, est confisqué, en vertu de la loi du 2 novembre 1789 ; l'Assemblée Constituante y tient ses séances ; le corps électoral du département de la Seine s'y réunit ; il devient une dépendance de l'Hôtel-Dieu, appelé alors l'hôpital de l'Humanité. Enfin, le Concordat ayant été signé et ratifié, un décret des Consuls de la République, en date du 18 germinal an X déclare :

« La maison ci-devant occupée par l'Archevêque de Paris et le jardin y attenant sont mis à la disposition de l'Archevêque de Paris... »

Mgr de Juigné, démissionnaire à la suite du Concordat du 1 5 juillet 1801, est remplacé par Jean-Baptiste de Belloy, évêque de Marseille, où il avait succédé à Mgr de Belsunce ; âgé alors de 92 ans, il devait recevoir le chapeau en 1803. Mais le palais archiépiscopal allait être revêtu d'une nouvelle et surprenante dignité. Sur l'ordre de Napoléon, le comte de Montalivet, ministre de l'Intérieur et Bigot de Préameneu, ministre des Cultes, étudient les mesures à prendre pour agrandir l'Arche- vêché, y apposer une nouvelle façade, y construire un grand escalier ; un décret impérial du 10 février 1810, daté du Palais

(1) Arch. Nat., F. 19 Rapport de l'architecte Godde, 21 octobre 1837. — Les plans de Pierre Desmaisons sont conservés au Cabinet des Estampes, Topographie de la France, Seine. Paris, IV arrondissement, 16e quartier. Notre-Dame, IX Archevêché. des Tuileries, ordonne la construction de vastes écuries, d'un quai nouveau, d'un jardin, d'une grille de clôture. Quelques mois plus tard, une autre décision impériale donne l'explication de ces transformations ; le décret du 8 novembre 1810, daté du Palais de Fontainebleau porte : « Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie et Protec- teur de la Confédération du Rhin, médiateur de la Confédération Suisse, etc. Vu l'article 15 du Sénatus Consulte du 17 février dernier portant « qu'il sera préparé pour le Pape des Palais dans les différents lieux de l'Empire où il voudrait résider, et qu'il en aura nécessairement un à Paris et un à Rome », sur le rapport de notre ministre des Cultes, nous avons décrété et décrétons ce qui suit : ARTICLE PREMIER. — Le Palais du Pape à Paris sera l'ancien Palais de l'archevêché, avec les embellissements et les augmentations en terrains et bâtiments, conformément à notre décret du 10 février dernier, et avec le mobilier dont l'achat a été ordonné par le même décret. ART. 2. — L'Archevêque de Paris ne pourra demeurer dans ce Palais que pendant le temps qu'il ne sera point occupé par le Pape. ART. 3. — Notre ministre des Cultes est chargé de l'exécu- tion du présent décret. Napoléon ». (1)

Ainsi Napoléon veut que Paris devienne la capitale à la fois politique et religieuse de l'Empire d'Occident ; déjà il a fait transporter à Paris les archives du Vatican ; le Vatican lui- même y sera transféré avec le Pape et le Sacré-Collège et c 'est l'ancien hôtel épiscopal de Maurice de Sully, transformé en palais pontifical, qui sera la résidence du Pape.

(1) Arch. Nat., A. F. IV (3806). Sous la direction de l'architecte Poyet s'exécutent les travaux ordonnés par l'Empereur ; un quai est tracé sur le pourtour oriental de l'île : ce sera le quai Napoléon ; une superbe grille entoure le jardin qui s'étend maintenant jusqu'au « Terrain », l'ancienne « Motte aux Papelards », qui occupe la pointe orientale de l'île ; le petit quartier qui s'étendait au chevet de la cathédrale est Chanoinesses, s'élèvent les nouvelles écuries et remises pouvant rue Bourdaloue, rue de l'Abreuvoir, rue Bossuet, avec la petite église Saint-Denis-du-Pas, qui est démolie ; sur l'espace compris entre les rues actuelles du Cloître-Notre-Dame, Massillon et Chanoinesse, s'élèvent les nouvelles écuries et remises pouvant recevoir 40 chevaux et 20 voitures. Entre 1809 et 1812, la dépense afférente à ces divers travaux se monte à 1 million 75.000 francs ; une somme de 300.000 francs est affectée à l'achat du mobilier du palais papal qui, du temps du cardinal de Belloy, était estimé 14.329 francs (1). Mais si le Palais est prêt, l'hôte fait défaut ; au comte de Chabrol, préfet de la Seine, que Napoléon a envoyé à Savone pour inciter et inviter le Pape à renoncer au Vatican de Rome pour établir la Papauté au Vatican de Paris, Pie VII répond tranquillement : « L'Empereur s'amuse, ce me semble, à bâtir des prisons pour les Papes (2) ». Le rêve de Napoléon demeura un rêve ; une gravure de Blanchard aîné, d'après le dessin de Courvoisier, conservée au Cabinet des Estampes, permet de voir l'énorme masse de la construction napoléonienne étendue entre la pointe de l'Ile de la Cathédrale. On peut ajouter que si le Pape fit défaut au Vatican de Paris, l' Archevêque manqua aussi au Palais archiépiscopal. En 1808, date de la mort du cardinal de Belloy et 1817, date de la nomi- nation du cardinal de Talleyrand-Périgord, il y eut bien deux

(1) Arch. Nat., F. 19 Rapport présenté au Ministre de l'Intérieur, 19 déc. 1817. Paul MARMOTTAN, Le Palais de l'Archevêché sous Napoléon (sa transformation de 1809 à 1815). Paris, Jouve, 1921, un vol. in-8°. (2) Victor BINDEL, Un rêve de Napoléon. Le Vatican à Paris. Paris, Éditions Alsatia, 1942, un vol. in-8°.