Lon Chaney (1er avril 1883 – 26 août

1930), surnommé « l’homme aux mille visages », est un acteur de cinéma américain du temps du muet. Il fut l’un des acteurs les plus polyvalents et les plus impressionnants de l’aube du cinéma. On se souvient de lui surtout pour ses compositions de personnages torturés, souvent grotesques et affectés, ainsi que pour son talent novateur en ce qui

concerne le maquillage de cinéma.

Lon Chaney naquit Leonidas Frank Chaney à

Colorado Springs (Colorado), le fils de

Frank H. Chaney et d’Emma Alice Kennedy, son père avait du sang français mais surtout anglais, tandis que sa mère avait des origines irlandaises. Les parents de

Chaney étaient sourds tous les deux et, dès l’enfance, Chaney montra quelque talent pour la pantomime. Il commença à monter sur les planches en 1902 et tourna avec des troupes de vaudeville et de théâtre. En 1905, il fit la connaissance de la chanteuse Cleva Creighton et l’épousa alors qu’elle n’avait que seize ans. L’année suivante naquit celui qui restera leur unique enfant, Creighton Chaney, qui fut

mieux connu bien plus tard sous le nom de

Lon Chaney, Jr.. La famille Chaney poursuivit les tournées, avant de se fixer en Californie en 1910.

Malheureusement, leur mariage commença

à battre de l’aile et, en avril 1913, Cleva se rendit au Majestic Theatre, situé au centre de , où Lon travaillait à un spectacle, le Kolb and Dill show et, là, elle tenta de mettre fin à ses jours en avalant du bichlorure de mercure. Cette tentative de suicide échoua, mais ruina sa carrière de chanteuse ; le scandale et le divorce qui s’ensuivirent forcèrent Chaney

à quitter le théâtre et à se lancer dans le cinéma.

Durant une période qui demeure imprécise, entre 1912 et 1917, Chaney travailla sous contrat pour les studios Universal ; il incarnait alors de petits rôles. C’est à son talent remarquable pour se grimer qu’il doit de remporter plusieurs rôles au bout d’auditions fort disputées. À cette époque,

Chaney se lia avec le couple de réalisateurs Joe De Grasse et Ida May

Parke, qui lui donnèrent des rôles notables dans leurs films, et qui l’encouragèrent bientôt à jouer des personnages plus noirs.

Chaney épousa en secondes noces à nouveau l’une de ses anciennes collègues de la tournée Kolb and Dill, une danseuse de revue du nom de Hazel Hastings. On sait peu de choses de cette dernière, si ce

n’est que son mariage avec Chaney fut solide. Du fait de leur mariage, le jeune couple obtint la garde du fils de Chaney,

Creighton, qui avait alors dix ans ; jusque-là, depuis le divorce en 1913, l’enfant avait vécu dans différents foyers et pensionnats.

En 1917, Chaney était devenu un acteur de premier plan du studio, mais ce statut ne se reflétait pas dans son salaire. Quand il demanda une augmentation, un exécutif du studio, William Sistrom, lui répliqua : «

Vous ne vaudrez jamais plus que cent dollars par semaine ».

Chaney quitta le studio, et durant l’année qui suivit, il dut se débrouiller avec des

rôles mineurs. Il fallut attendre 1918, et un rôle important dans le film de William

S. Hart, Riddle Gawne, pour que l’industrie cinématographique reconnaisse enfin à leur juste mesure les talents de l’acteur.

En 1919, Chaney perça en jouant "the

Frog" dans The Miracle Man, un film réalisé par George Loane Tucker. Le film ne donna pas seulement à Chaney l’occasion de faire montre de ses dons d’acteur, mais aussi d’apparaître comme un maître du maquillage. Une critique élogieuse et une recette de plus de 2 millions de dollars propulsèrent Chaney au rang de l’acteur de genre le plus important des USA.

Lon Chaney dans Le Fantôme de l’opéra

Parmi les films d’horreur muets les plus mémorables auxquels Chaney participa, on peut citer Notre-Dame de Paris et surtout

Le Fantôme de l’opéra. Son aptitude à se métamorphoser en utilisant des techniques de maquillage de son invention lui valurent le surnom d’homme aux mille visages. Dans un article autobiographique publié en 1925 dans la revue Movie, qui offre un rare aperçu de sa vie, Chaney qualifiait son art d’interprétation extrême4.

Faisant preuve d’une faculté d’adaptation dans la spécialité qui était la sienne, il utilisa également des maquillages dans des films plus conventionnels, d’aventures et policiers, tels que Satan (The Penalty), dans lequel il jouait un gangster amputé. Il

apparaît dans pas moins de dix films de

Tod Browning, dans lesquels il interprète le plus souvent des personnages déguisés et/ou mutilés, dont le lanceur de couteaux de foire Alonzo the Armless dans

L’Inconnu (1927), où il joue au côté de

Joan Crawford. En 1927, Chaney fut le partenaire de Conrad Nagel, Marceline

Day, Henry B. Walthall et Polly Moran dans un film aujourd’hui perdu, pourtant un classique du cinéma d’horreur, le Londres après minuit de Tod Browning, sans doute le plus célèbre des films perdus. Son dernier film (1930) fut un remake sonore de son classique muet Le Club des trois ; il s’agit là de son unique film parlant, et le seul dans lequel il montre autant de talent

à déguiser sa voix. Chaney signa même une

déclaration sous serment selon laquelle cinq des voix principales que l’on entend dans le film (le ventriloque, la vieille femme, le perroquet, la poupée et la fille) lui appartenaient.

Bien que Chaney créa avec ses interprétations de Quasimodo, le sonneur des cloches de Notre-Dame, et Erik, le fantôme de l’Opéra de Paris, deux des personnages les plus affreusement difformes de l’histoire du cinéma, il parvint à travers ces compositions à susciter un certain degré de sympathie et d’émotion de la part du public, pas complètement terrifié ou dégoûté par les malformations monstrueuses de ces personnages, qui ne sont tout compte fait

que les victimes du destin.

"Je voulais rappeler aux gens que ceux qui se trouvent le plus bas de l’échelle de l’humanité peuvent avoir en eux la ressource pour l’abnégation suprême",

écrivit Chaney dans la revue Movie. "Le mendiant raccourci, difforme des rues peut avoir les idées les plus nobles. La plupart de mes rôles depuis Notre-Dame de Paris, Larmes de clown, Le Club des trois, etc. ont eu pour thème l’abnégation et le renoncement. Voilà les histoires que je souhaite faire."

"C’était quelqu’un qui extériorisait notre psyché. D’une certaine façon il pénétrait à l’intérieur des ombres qui se trouvent en

nous ; il était capable d’épingler certaines de nos peurs secrètes et de les restituer à l’écran.", expliqua un jour à son sujet l’écrivain Ray Bradbury. "L’histoire de Lon

Chaney est celle des amours à sens unique.

Il transporte cette partie de vous en plein jour, parce que vous avez peur de ne pas

être aimé, de ne jamais être aimé, vous craignez que quelque chose en vous soit grotesque, que le monde va se détourner de vous."

Ses talents s’étendaient bien au-delà des films d’horreur et du maquillage. Il montrait aussi une grande habilité comme danseur, chanteur et humoriste. En fait, nombreux sont ceux qui ne le connaissaient pas qui furent surpris par sa riche voix de

baryton et ses dons aiguisés d’humoriste.

Chaney et sa seconde épouse Hazel menèrent une vie privée discrète, loin des paillettes d’Hollywood. Chaney fit peu la promotion de ses films et des studios

MGM, renforçant ainsi volontairement une image de mystère, et selon certaines sources, c’est volontairement aussi qu’il

évitait la société hollywoodienne.

Durant les cinq dernières années de sa carrière cinématographique (1925-1930),

Chaney travailla exclusivement sous contrat avec la MGM ; c’est pendant cette période qu’il offrit parmi ses interprétations les plus marquantes. Sa composition d’un instructeur des marines

inflexible dans Tell It to the Marines

(1926), l’un de ses films favoris, lui valut la sympathie du corps des marines US, dont il devint membre honoraire ; il fut le premier de toute l’industrie du cinéma à recevoir cet honneur. Il jouissait

également du respect et de l’admiration de nombreux acteurs débutants, car il avait la réputation d’aider les nouveaux venus sur les plateaux, en leur montrant les ficelles du métier ; sur les tournages, il n’était jamais réticent à l’idée de partager, entre deux prises, ses expériences avec ses partenaires et l’équipe technique.

Pendant le tournage de Thunder en hiver de l'année 1929, Chaney contracta une pneumonie. À la fin de 1929, on décela un

cancer des bronches. Malgré un traitement offensif, son état de santé empira et, sept semaines après la sortie du remake du Club des trois, il fut emporté par une hémorragie à la gorge. Sa mort fut durement ressentie par ses proches, l’industrie cinématographique et par ses admirateurs. Le corps des marines US fournit un aumônier et un garde d’honneur pour ses funérailles.

Son corps est inhumé au cimetière du

Forest Lawn Memorial Park à Glendale,

Californie, près de la crypte de son père.

C’est également là que fut enterrée sa femme, Hazel, dont la mort survint en

1933. Pour des raisons inconnues, la crypte de Chaney ne porte aucune inscription.

En 1957, Chaney fit l’objet d’une biographie filmée portant le titre The Man of a Thousand Faces, dans lequel son rôle

était campé par James Cagney. Bien que l’intrigue était en grande partie fictive, le film constituait un hommage émouvant à

Chaney et il permit à ce dernier de retrouver à titre posthume un regain de notoriété. De son vivant, Chaney s’était vanté qu’il rendrait la tâche difficile à ceux qui voudraient s’atteler à sa biographie, disant qu’« entre les images, il n’y a pas de Lon Chaney ». C’était bien en phase avec le mystère dont il entourait son maquillage et ses interprétations.

Lon Chaney a son étoile sur le Walk of

Fame à Hollywood. En 1994, il eut l’honneur d’avoir un timbre de la poste américaine illustré à son effigie, un dessin du caricaturiste Al Hirschfeld.

Le théâtre du Colorado Springs Civic

Auditorium porte le nom de Lon Chaney.

La maison de Lon Chaney dans la Sierra

Nevada

En 1929, Chaney fit construire une impressionnante cabane en pierre dans un endroit écarté de l’est de la Sierra

Nevada, près de Big Pine, en Californie ; elle servit de retraite à l’acteur. La cabane, dessinée par l’architecte Paul

Williams, existe toujours, et est préservée par l’Inyo National Forest

Service.

Le fils de Chaney, Lon Chaney, Jr., devint à son tour acteur de cinéma après la mort de son père, et se fit surtout remarquer dans des films d’horreur, et spécialement dans Le Loup-garou. Chaney père et fils apparaissent sur des timbres de la poste américaine chacun représenté sous les traits de son personnage fétiche — le fantôme de l’opéra pour l’un et le loup-garou pour l’autre — dans une série où l’on trouve également Bela Lugosi en

Dracula et Boris Karloff en monstre de

Frankenstein et en momie.

Il est mentionné avec son fils dans la chanson de Warren Zevon : Werewolves of

London.

Il est cité dans la chanson des Mountain

Goats : Letter From Belgium, qui apparaît sur l’album We Shall All Be Healed.

Ses pairs le tenaient en haute estime et il lui arrivait souvent de conseiller et d’aider des acteurs débutants. Du reste, il était respecté de tous ceux qui eurent l’occasion de travailler avec lui, que ce soient les techniciens ou les employés de studio.

Après sa mort, la célèbre trousse de maquillage de Chaney fut léguée par sa femme Hazel au Los Angeles County

Museum, où elle est quelquefois montrée au public. Le maquilleur et biographe de

Chaney, Michael Blake, considère la trousse de maquillage de Chaney comme la pièce centrale de l’histoire du maquillage de cinéma.

En 1978, Gene Simmons du groupe de rock

Kiss écrivit une chanson au sujet de Lon

Chaney appelée Man of 1,000 Faces ; cette chanson apparaît sur son premier album solo. Ayant grandi à New York, Simmons fut influencé par les vieux classiques en noir et blanc du cinéma d’horreur.

Filmographie

1913 : The Ways of Fate

1913 : Suspense : A Hobo

1913 : Poor Jake's Demise : The Dude

1913 : The Sea Urchin : Barnacle Bill

1913 : The Blood Red Tape of Charity :

Marx, a Gentleman Thief

1913 : Shon the Piper : Clansman

1913 : The Trap : Lon

1913 : : Russian

Count

1913 : Almost an Actress : Cameraman

1913 : An Elephant on His Hands :

Eddie

1913 : Back to Life : The Rival

1913 : Red Margaret, Moonshiner : Lon

1913 : Bloodhounds of the North :

Mountie

1914 : The Lie : Young MacGregor

1914 : The Honor of the Mounted :

Jacques Laquox

1914 : Remember Mary Magdalen : The

Half-Wit

1914 : : The

Sculptor

1914 : The Menace to Carlotta :

Giovanni Bartholdi

1914 : The Embezzler : J. Roger Dixon

1914 : The Lamb, the Woman, the

Wolf : The Wolf

1914 : : Wood

Dawson

1914 : The Tragedy of Whispering

Creek : The Greaser

1914 : : The Cross

Blood

1914 : The Forbidden Room : John

Morris

1914 : The Old Cobbler : Wild Bill

1914 : The Hopes of Blind Alley :

Vendor

1914 : A Ranch Romance : Raphael Praz

1914 : Her Grave Mistake : Nunez

1914 : By the Sun's Rays : Frank

Lawler

1914 : The Oubliette : Chevalier

Bertrand de la Payne

1914 : A Miner's Romance : John Burns

1914 : Her Bounty : Fred Howard

1914 : The Higher Law : Sir Stephen

1914 : Richelieu : Baradas

1914 : The Pipes o' Pan : Arthur

Farrell

1914 : Virtue Is Its Own Reward :

Duncan Bronson

1914 : Her Life's Story : Don

Valesquez

1914 : Lights and Shadows : Bentley

1914 : The Lion, the Lamb, the Man :

Fred

1914 : A Night of Thrills : Visitor

1914 : Her Escape : Pete

1915 : The Sin of Olga Brandt :

Stephen Leslie

1915 : The Star of the Sea : Tomasco

1915 : : The

Procurer

1915 : The Measure of a Man : Lt. Jim

Stuart

1915 : The Threads of Fate : The

Count

1915 : When the Gods Played a Badger

Game : The Property Man

1915 : Such Is Life : Tod Wilkes

1915 : Where the Forest Ends : Paul

Rouchelle

1915 : Outside the Gates : Perez

1915 : All for Peggy : The Stable

Groom

1915 : The Desert Breed : Fred

1915 : Maid of the Mist : Postmaster

1915 : The Grind : Henry Leslie

1915 : The Girl of the Night : Jerry

1915 : The Stool Pigeon

1915 : An Idyll of the Hills : Lafe

Jameson

1915 : The Stronger Mind : The

Crook's Pal

1915 : The Oyster Dredger

1915 : Steady Company : Jimmy

1915 : The Violin Maker : Pedro

1915 : The Trust : Jim Mason

1915 : Bound on the Wheel : Tom

Coulahan

1915 : Mountain Justice : Mountaineer

1915 : Quits : Frenchy

1915 : The Chimney's Secret : Charles

Harding

1915 : The Pine's Revenge : Black

Scotty

1915 : The Fascination of the Fleur de

Lis : Duke of Safoulrug

1915 : Alas and Alack : The Fisherman

/ Hunchback Fate

1915 : A Mother's Atonement : The

Husband

1915 : Lon of Lone Mountain : Lon

Moore

1915 : The Millionaire Paupers : Martin

- landlord

1915 : Under a Shadow : Jealous

Husband

1915 : Father and the Boys : Tuck

Bartholomew

1915 : Stronger Than Death : Rupert

Spaulding

1916 : Dolly's Scoop : Dan Fisher

1916 : The Grip of Jealousy : Silas

Lacey

1916 : Tangled Hearts : John

Hammond

1916 : The Gilded Spider : Giovanni

1916 : Bobbie of the Ballet : Hook

Hoover

1916 : The Grasp of Greed : Jimmie

1916 : The Mark of Cain : Dick Temple

1916 : If My Country Should Call : Dr.

George Ardrath

1916 : Felix on the Job : Tod

1916 : The Place Beyond the Winds :

Jerry Jo

1916 :

1916 : The Price of Silence : Edmond

Stafford

1917 : The Piper's Price : Billy

Kilmartin

1917 : Hell Morgan's Girl : Sleter

Noble

1917 : The Mask of Love : Marino

1917 : The Girl in the Checkered Coat :

Hector Maitland

1917 : The Flashlight : Henry Norton and Porter Brixton

1917 : A Doll's House : Nils Krogstad

1917 : Fires of Rebellion : Russell

Hanlon

1917 : The Rescue : Thomas Holland

1917 : Pay Me! : Joe Lawson

1917 : Triumph : Paul Neihoff

1917 : The Empty Gun : Frank

1917 : Anything Once : Waught Moore

1917 : Bondage : Bit Role

1917 : The Scarlet Car : Paul Revere

Forbes

1918 : The Grand Passion : Paul Argos

1918 : Broadway Love : Elmer Watkins

1918 : The Kaiser, the Beast of

: Bethmann-Hollweg

1918 : Fast Company : Dan McCarty

1918 : A Broadway Scandal : 'Kink'

Colby

1918 : Riddle Gawne : Hame Bozzam

1918 : That Devil, Bateese : Louis

Courteau

1918 : The Talk of the Town : Jack

Lanchome

1918 : Danger, Go Slow : Bud

1919 : The False Faces : Karl Eckstrom

1919 : The Wicked Darling : Stoop

Connors

1919 : A Man's Country : 'Three Card'

Duncan

1919 : The Miracle Man : The Frog

1919 : Paid in Advance : Bateese Le

Blanc

1919 : When Bearcat Went Dry :

Kindard Powers

1919 : Le Secret du bonheur (Victory)

: Ricardo

1920 : Daredevil Jack

1920 : L'Île au trésor (Treasure

Island) : Pew / Merry

1920 : The Gift Supreme : Merney

Stagg

1920 : Satan (The Penalty) : Blizzard

1920 : Nomads of the North : Raoul

Challoner

1920 : Outside the Law : Black Mike

Sylva / Ah Wing

1921 : For Those We Love : Trix Ulner

1921 : The Ace of Hearts : Mr.

Farallone

1921 : Bits of Life : Chin Chow

1921 : Voices of the City : O'Rourke

1922 : The Trap : Gaspard

1922 : Flesh and Blood : David

Webster

1922 : The Light in the Dark : Tony

Pantelli

1922 : Oliver Twist : Fagin

1922 : Shadows : Yen Sin, 'The

Heathen'

1922 : Quincy Adams Sawyer :

Obadiah Strout

1922 : A Blind Bargain : Dr. Arthur

Lamb / The Ape Man

1923 : All the Brothers Were Valiant :

Mark Shore

1923 : Dans la ville endormie (While

Paris Sleeps) : Henri Santodos

1923 : The Shock : Wilse Dilling

1923 : Notre-Dame de Paris (The

Hunchback of Notre Dame) : Quasimodo

1924 : The Next Corner : Juan Serafin

1924 : Larmes de clown (HE who gets slapped) : Paul Beaumont, aka HE

1925 : The Monster : Dr. Ziska

1925 : Le Club des trois (The Unholy

Three) :

Professor Echo, the ventriloquist, aka

Mrs. 'Granny' O'Grady

1925 : Le Fantôme de l'Opéra : Erik,

The Phantom

1925 : The Tower of Lies : Jan

1926 : L'Oiseau noir (The Blackbird) :

The Blackbird / The Bishop

1926 : The Road to Mandalay :

Singapore Joe

1926 : Tell It to the Marines : Sgt.

O'Hara

1927 : Mr. Wu : Mr. Mandarin Wu /

Mr. Wu's Grandfather

1927 : L'Inconnu (The Unknown):

Alonzo the Armless

1927 : Mockery : Sergei

1927 : Londres après minuit (London

After Midnight) : Professor Edward C.

Burke

1928 : The Big City : Chuck Collins

1928 : Ris donc paillasse (Laugh, Clown,

Laugh) : Tito Beppi, aka Flik

1928 : While the City Sleeps : Dan

Callahan

1928 : À l'ouest de Zanzibar (West of

Zanzibar) : Phroso 'Dead-Legs'

1929 : Loin vers l'est (Where East is

East) : Tiger Haynes

1929 : Thunder : Grumpy Anderson

1930 : Le Club des trois (The Unholy

Three) :

Professor Echo, aka Mrs. 'Grandma'

O'Grady

comme réalisateur

1915 : The Stool Pigeon

1915 : For Cash

1915 : The Oyster Dredger

1915 : The Violin Maker

1915 : The Trust

1915 : The Chimney's Secret

comme scénariste

1914 : The Menace to Carlotta

1914 : The Tragedy of Whispering

Creek

1914 : Her Escape

1915 : The Oyster Dredger

1915 : The Chimney's Secret

Conrad Veidt, de son vrai nom Hans

Walter Conrad Weidt, est un acteur

allemand né le 22 janvier 1893 à

(Allemagne), et décédé d'un infarctus du myocarde le 3 avril 1943 à Hollywood

(États-Unis).

Conrad Veidt est le fils d'un petit fonctionnaire qui quitte le lycée sans le bac car déjà le théâtre l'accapare. Formé

à l'école de , il débute au cinéma en 1916. Après la Première Guerre mondiale, Veidt se fait une spécialité de jouer dans les films dits « d'éducation sexuelle » qui sont très populaires dans la

République de Weimar. Figure emblématique du mouvement expressionniste allemand, il en incarne les tendances morbides à travers une impressionnante galerie de pervers et de

fous meurtriers. Un des éléments les plus importants de l'expressionnisme est sans conteste le jeu des acteurs et Conrad

Veidt excelle. Un de ses rôles les plus célèbres demeure celui de Cesare dans Le

Cabinet du docteur Caligari (1920). Juste par ses cils, ses sourcils, les muscles visibles du visage, un mouvement léger des ailes du nez et de la commissure des lèvres, l'acteur indique d'une manière très suggestive l'éveil contrôlé du médium somnambule, mais aussi un désir d'érotomane sadique. Une autre astuce de son jeu artificiel et intense est le ralentissement évident des mouvements du corps et des détails d'expression, et les contorsions d'un corps dirigé par les mouvements d'épaules. Dans Caligari,

Conrad Veidt se meut avec des gestes félins, se faufilant tel un animal.

Entre 1916 et 1924 Conrad Veidt tourne dans une soixantaine de films, dirigé par, entre autres : Paul Leni, ,

Ewald André Dupont, Reinhold Schünzel et

Friedrich Wilhelm Murnau. Entre 1926 et

1929, Conrad est invité à Hollywood et tourne dans quatre films, dont L'Homme qui rit (1928) mis en scène par son compatriote Paul Leni et également interprété par . Son personnage dans L'Homme qui rit inspirera plus tard celui du Joker, ennemi juré de

Batman. Avec l’arrivée du cinéma parlant,

Conrad Veidt revient en Allemagne et reprend les rôles qui ont fait de lui une

célébrité. En 1930, il campe Raspoutine, le moine démoniaque dans le film éponyme, puis il incarne l’extraordinaire prince

Metternich dans Le Congrès s'amuse

(1931) d'.

Son mariage avec une actrice d'origine juive l'oblige à quitter l'Allemagne dès

1933. Il poursuit une carrière d'acteur en

Grande-Bretagne. Il y tourne plusieurs films sous la direction entre autres, de

Maurice Elvey, Victor Saville et Michael

Powell. Il travaille également en France, notamment avec Jean Dréville pour Le

Joueur d’échecs (1938) aux côtés de

Françoise Rosay. En 1939, il devient officiellement citoyen britannique. En

1940, Conrad Veidt revient aux États-Unis

pour finir les prises de vue du film Le

Voleur de Bagdad, où il joue Jaffar, le cruel vizir. Il s’installe alors définitivement en Californie. Cependant, les cinéastes, peu imaginatifs, le cantonnent dans des rôles de nazi. Il travaille notamment avec pour Il était une fois (1940), Vincent

Sherman pour Échec à la gestapo (1941). Il se spécialise alors dans les personnages germaniques, puis dans les rôles de nazi pendant la Guerre comme dans Casablanca.

De 1916 à 1943, il aura joué dans plus de cent films, dont plusieurs sont devenus de grands classiques.

Filmographie

1916 : Der Weg des Todes : Rolf

1917 : Der Spion

1917 : Die Seeschlacht

1917 : Furcht : Indian Priest

1917 : Wenn Tote sprechen : Richard von Worth

1918 : Das Rätsel von Bangalor : Dinja

1918 : Opfer der Gesellschaft : le juge

Chrysander

1918 : Colomba : Henrik van Rhyn

1918 : Das Dreimäderlhaus : Le baron

Schober

1918 : Journal d'une fille perdue (Das

Tagebuch einer Verlorenen) : Le Dr. Julius

1918 : Jettchen Geberts Geschichte : le docteur Friedrich Köstling

1918 : Es werde Licht! 4. Teil: Sündige

Mütter : Herr Kramer

1918 : Dida Ibsens Geschichte : Erik

Norrensen

1918 : : le Dr

Friedrich Köstling

1919 : Opium : le Dr Richard

Armstrong Jr.

1919 : Nocturno der Liebe : Frédéric

Chopin

1919 : Die Mexikanerin

1919 : Die Japanerin : le secrétaire

1919 : Prostitution (Die Prostitution, 1.

Teil - Das gelbe Haus) : Alfred Werner

1919 : Die Reise um die Erde in 80

Tagen : Phileas Fogg

1919 : Peer Gynt - 2. Teil: Peer Gynts

Wanderjahre und Tod : Un passager

étranger

1919 : Peer Gynt : Un passager

étranger

1919 : Différent des autres (Anders als die Andern) : Paul Körner

1919 : Die Okarina : Jaap

1919 : Die Prostitution, 2. Teil - Die sich verkaufen : Alfred Werner

1919 : Prinz Kuckuck - Die Höllenfahrt eines Wollüstlings : Karl Kraker

1919 : Wahnsinn : Le banquier

Lorenzen

1919 : Cauchemars et hallucinations

(Unheimliche Geschichten) : Der Tod

(framing story) / l'étranger (ép.1) / l'assassin (ép.2) / le voyageur (ép.3) / Le président du club (ép.4) / Le mari (ép.5)

1920 : Künstlerlaunen : Arpad, son enfant

1920 : Nachtgestalten : Le clown

1920 : Satanas : Lucifer / l'ermite /

Gubetta / Grodski

1920 : Le Cabinet du docteur Caligari

(Das Cabinet des Dr. Caligari.) : César

1920 : Der Reigen - Ein Werdegang :

Petre Karvan

1920 : Patience : Sir Percy Parker

1920 : Die Nacht auf Goldenhall : Lord

Reginald Golden / Harald Golden

1920 : Die Augen der Welt : L'amant de Julianne

1920 : Kurfürstendamm : Le diable

1920 : Le Crime du docteur Warren

(Der Januskopf) : Le Dr. Warren / Mr.

O'Connor

1920 : Moriturus : Wilmos

1920 : L'Émeraude fatale (Abend -

Nacht - Morgen) : Brilburn, le frère de

Maud

1920 : Manolescus Memoiren :

Manolescu

1920 : Weltbrand : Christian

Wahnschaffe

1921 : Das Indische Grabmal: Der

Tiger von Eschnapur : Ayan III, le

Maharadjah du Bengale

1921 : Menschen im Rausch : Le professeur Munk, compositeur

1921 : Das Geheimnis von Bombay

1921 : La Marche dans la nuit (Der

Gang in die Nacht) : Le peintre

1921 : Liebestaumel : Jalenko, le Gitan

1921 : Die Liebschaften des Hektor

Dalmore : Hektor Dalmore

1921 : Sehnsucht : le danseur

1921 : Christian Wahnschaffe, 2. Teil -

Die Flucht aus dem goldenen Kerker :

Christian Wahnschaffe

1921 : Der Graf von Cagliostro : Le ministre

1921 : Landstraße und Großstadt :

Raphaël, le violoniste

1921 : La Mort de Danton (Danton)

1921 : Lady Hamilton : Lord Nelson

1921 : Das Indische Grabmal: Die

Sendung des Yoghi : Ayan III, le

Maharadjah du Bengale

1921 : Der Leidensweg der Inge Krafft

: Hendryck Overland

1922 : Lucrèce Borgia (Lucrezia

Borgia) : César Borgia

1923 : Glanz gegen Glück : le comte

1923 : Bride of Vengeance : César

Borgia

1923 : Paganini : Nicolo Paganini

1923 : Wilhelm Tell : Hermann Gessler

1924 : Sous l'inquisition (Carlos und

Elisabeth) : Don Carlos

1924 : Les Mains d'Orlac (Orlacs

Hände) : Orlac

1924 : Le Cabinet des figures de cire

(Das Wachsfigurenkabinett) : Ivan le

Terrible

1924 : À qui la faute? (Nju - Eine unverstandene Frau) : l'amant, un poète

1925 : Liebe macht blind : Le Dr.

Lamare

1925 : Le Comte Kostia : Le comte

Kostia

1925 : Schicksal : Le comte L. M.

Vranna

1925 : Ingmarsarvet : Hellgum

1926 : Les Frères Schellenberg (Die

Brüder Schellenberg) : Wenzel

Schellenberg / Michael Schellenberg

1926 : Dürfen wir schweigen? : Le peintre Paul Hartwig

1926 : Kreuzzug des Weibes : Le

Conseiller d'Etat

1926 : Der Student von Prag : l'étudiant Baudoin

1926 : Die Flucht in die Nacht : Henri

IV

1926 : Der Geiger von Florenz : Le père

1927 : The Beloved Rogue : Le roi

Louis XI

1927 : A Man's Past : Paul La Roche

1927 : The Last Performance : Erik le

Grand

1927 : Gesetze der Liebe

1928 : L'Homme qui rit (The Man Who

Laughs) : Gwynplaine

1929 : Terre sans femme (Das Land ohne Frauen) : Le télégraphiste Dick

Ashton

1930 : Die Letzte Kompanie :

Hauptmann Burk

1930 : Menschen im Käfig : Kingsley

1931 : Der Mann, der den Mord beging

: Le marquis de Sévigné

1931 : Die Nacht der Entscheidung :

Le général Gregori Platoff

1931 : Le congrès s'amuse (Der

Kongreß tanzt) : Le prince de Metternich

1931 : Die Andere Seite : le commandant Stanhope

1932 : Raspoutine (Rasputin, Dämon der Frauen) : Raspoutine

1932 : Der Schwarze Husar : Le

Rittmeister von Hochberg

1932 : : Zurta

1933 : The : Matthias

1933 : Ich und die Kaiserin : le marquis de Pontignac

1933 : F.P.1 : le Major Ellissen

1933 : J'étais une espionne (I Was a

Spy) : Le commandant Oberaertz

1934 : Guillaume Tell : Gessler

1934 : Bella Donna : Mahmoud Baroudi

1934 : Wilhelm Tell : Gessler

1934 : Jew Süss : Joseph

Oppenheimer, le juif Süss

1935 : The Passing of the Third Floor

Back : l'étranger

1935 : King of the Damned : le prisonnier N°83

1937 : Le Mystère de la Section 8

(Dark Journey) : Le baron Karl von

Marwitz

1937 : Under the Red Robe : Gil de

Bérault

1938 : Le Joueur d'échecs : Le baron

1938 : Tempête sur l'Asie : Erich

Keith

1939 : A People Eternal : le juif Matius

1939 : L'Espion noir ()

: Capt. Hardt

1940 : Espionne à bord (Contraband) :

Capt. Andersen

1940 : Escape : Le général Kurt von

Kolb

1940 : Le Voleur de Bagdad (The Thief

of Bagdad) : Jaffar

1941 : Il était une fois (A Woman's

Face) : Torsten Barring

1941 : Whistling in the Dark : Joseph

Jones

1941 : Échec à la Gestapo (All Through the Night) : Franz Ebbing

1941 : La Rose blanche (The Men in

Her Life) : Stanislas Rosing

1942 : : Otto Becker / Le baron Hugo von Detner

1942 : Casablanca : Le Major Strasser

1943 : Un espion a disparu (Above suspicion) : Hassert Seidel

LON CHANEY

LON CHANEY

L’homme aux mille visages.

Le cinéma contemporain a un mal chronique

à regarder vers le passé. Il est pourtant essentiel de remonter aux sources de cet art populaire qui a vu naitre une multitude d’icônes. Les premières stars furent celles du muet. Quand on demande au grand public de citer leurs noms, en ressort les inévitables Charles Chaplin et Buster

Keaton.

Il y a pourtant une autre star qui est tombée dans l’anonymat le plus total. Un acteur qui était une véritable légende dans les années 1920. Un acteur, qui par son jeu unique, a influencé des générations de comédiens jusqu’à nos jours. Son nom : Lon

Chaney, « l’homme aux mille visages », « l’acteur des acteurs ».

Aujourd’hui, il est urgent de redécouvrir

Lon Chaney, de le sortir du ghetto où il a

été enfermé pendant des décennies. Parce que Chaney est une figure essentielle de l’acteur et un modèle d’opiniâtreté. Parce qu’il a révolutionné le transformisme et le rôle de la pantomime au cinéma.

Sur ses cent cinquante six films tournés, seulement quarante et un ont survécus. Si

Lon Chaney est connu c’est surtout pour ses performances de « monstres » dans le

Bossu de Notre Dame et Le fantôme de l’Opéra. On l’a réduit, à tort, à un acteur de films d’épouvantes alors qu’il était un acteur dramatique complet. Redécouvrons ensemble le parcours singulier de Lon

Chaney et les films qui l’ont rendu immortel.

LE THEATRE

Fils de parents sourds-muets, Lon Chaney

(1883-1930) de son vrai nom Leonidas

Frank Chaney apprend tout naturellement

à utiliser ses mains et son corps pour

s’exprimer. Il est ainsi obligé de s’initier au langage des signes et à la pantomime pour communiquer avec sa famille.

Pour divertir les siens, Lon Chaney avait coutume de s’aventurer dans la ville et d’observer les gens. De retour à la maison, il jouait de petits sketches silencieux en mimant les citoyens de la ville et les

événements passés.

En 1895, il rejoint son grand frère au

Colorado Springs Opera House et travaille comme accessoiriste, machiniste et peintre de décors. Dès 1901, il devient acteur de compagnies de théâtre itinérantes et obtient son premier rôle à l’âge de 19 ans.

En 1905, il se marie avec Cleva Creighton

(1889-1967) et divorce en 1915. Ils eurent un fils : Creighton Chaney (1906-1973) qui tentera d’atteindre la gloire de son père sous le nom de Lon Chaney Jr. Suite à une histoire à scandale au sujet de son divorce avec la mère (alcoolique) de son fils, Lon

Chaney est contraint de quitter les planches pour intégrer le 7ème art.

LE CINEMA

En 1912, aidé par son ami Lee Moran, Lon

Chaney intègre les Studios Universal créés la même année par le producteur Carl

Laemmle. Ce nouvel emploi va permettre à cet acteur de théâtre de se familiariser

avec les tournages marathons et expérimentaux de la nouvelle industrie du cinéma muet.

C’est en 1913 que Chaney débute au cinéma dans le film The ways of fate. Il va ensuite jouer dans des comédies

(slapstick), des mélodrames et des westerns où il prête le plus souvent ses traits à des rôles de traître. Parallèlement

à ses interprétations, l’acteur s’intéresse de très près à l’art du maquillage. Avec ses rôles de comique, bandit, aventurier, escroc ou jeune premier amoureux, il acquiert une réputation de comédien à la très large palette grâce à un maquillage approprié qui lui permet d’incarner le personnage dont la compagnie a besoin. Tel

un caméléon, Lon Chaney est capable de se glisser dans n’importe quel rôle et d’interpréter une multitude de figures.

Rapidement, Chaney se fait remarquer grâce à sa formidable capacité à se transformer. Il sait rendre ses personnages réalistes et non stéréotypés en utilisant des gestes précis pour donner de la texture et une profondeur inédite à

« ses figures ». Son talent de maquilleur autodidacte lui permet de gravir rapidement les échelons et de prétendre à des rôles de plus en plus importants.

Pendant cinq ans, il tourne près de 107 films de courts et moyens métrages aux studios Universal dont seulement 11 ont

survécu. Il écrit également en parallèle des scénarios et réalise six courts métrages dans l’année 1915.

En 1918, il obtient sa première chance grâce à William Hart qui lui propose un rôle de méchant face à lui dans le western

Riddle Gawne. Avec ce film Lon Chaney reçoit des éloges pour sa performance et est choisi pour interpréter le personnage de « The Frog » dans un mélodrame appelé

à être une gloire retentissante : The

Miracle Man de George Loane Tucker.

The Miracle Man (1919)

Dans The Miracle Man, Chaney joue un contorsionniste qui se sert de la crédulité des fidèles pour faire fortune en faisant croire à un miracle qui lui permet de remarcher après avoir simulé la paralysie.

C’est l’occasion pour Chaney de montrer

ses dons d’acteur, et d’apparaître comme un maître du maquillage et de la pantomime. Il jouera un double rôle similaire en 1923 dans The Shock et surtout en 1926 dans le magnifique The black Bird. Une critique élogieuse et une recette de plus de deux millions de dollars le propulse au rang de l’acteur de genre le plus important des USA.

Après plus d’une centaine de films chez

Universal, Chaney quitte ce studio pour devenir un acteur indépendant.

The Penalty (1920)

Dans ce mélodrame, Lon Chaney alias

Blizzard joue un criminel des bas fonds de

San Francisco. Etant jeune homme, celui-ci a été victime d’un accident d’automobile, et s’est fait amputé, à tort, des deux jambes par un charlatan. Il grandit dans la violence et l’aigreur en se vengeant sur les riches et les puissants, et en particulier sur le médecin qui l’a mutilé…

Chaney obtient enfin le premier rôle dans un film dont il est la vedette. The penalty est le premier film tourné pour Samuel

Goldwyn à la MGM.

Le réalisateur Wallace Worsley, voulait utiliser des angles de caméra truqués pour que Chaney ressemble à un cul-de-jatte.

Celui ci refusa et conçu un harnais de cuir qui liait ses jambes, derrière lui, contre ses cuisses. Il marchait ainsi sur ses genoux. Ce fut une épreuve très douloureuse, qui réduisait la circulation de ses jambes entraînant des ruptures de vaisseaux sanguins. Ce trucage physique n’était que secondaire par rapport à l’interprétation rageuse de Chaney.

« L’illusion était si complète que le public halluciné par cette création extraordinaire, se demanda si oui ou non

Lon Chaney était amputé des deux jambes

! » John Crawell.

Cela a été le premier des nombreux rôles pour lesquels Chaney a subi une auto-torture atroce pour obtenir l’effet désiré, et qui a abouti à sa réputation de masochiste. Ce genre de contorsion deviendra très vite sa marque de fabrique

: il incarnera à merveille les êtres défavorisés par la nature, les infirmes, les estropiés, les aveugles avec une prédilection pour le grimage pittoresque.

Avant de devenir une star internationale,

Chaney jouera le rôle d’un délicieux vilain dans Victory (1920) de Maurice Tourneur et perfectionnera son art du maquillage avec un double rôle de pirate dans L’Île au trésor (1920) et un rôle de vieux juif dans

Oliver Twist (1922).

Le Bossu de Notre Dame (1923)

Pour sa troisième collaboration avec

Wallace Worsley et sous la commande d’Irving Thalberg et de , Lon

Chaney va devenir une star mondiale grâce

à cette deuxième adaptation du roman de

Victor Hugo à l’écran. Ce film deviendra aussi la marque de prestige que les studios

Universal attendaient.

Carl Laemmle, chef d’Universal, autorisa un budget de 1,5 millions de dollars, un record pour l’époque ! Il fera construire, un des plus couteux décors du cinéma muet en reconstituant le parvis et la façade de la cathédrale Notre Dame en studio. Un plateau gigantesque de 186 sur 280 mètres verra défiler plus de deux cents figurants.

Le jeune producteur Irving Thalberg deviendra, quand à lui, une des personnalités les plus influente du cinéma muet et sera surnommé « le merveilleux garçon d’Hollywood » et offrira, par la suite, à Lon Chaney des rôles sur mesure.

Lon Chaney s’impliqua dans toutes les

étapes du film. De la production au scénario. Il collabora à l’adaptation du roman qu’il connaissait sur le bout des doigts et qu’il voulait porter à l’écran dès

1920. Il fut également concerté pour le choix du réalisateur et dirigea quelque scène pendant le film.

Pour son rôle de Quasimodo, Lon Chaney suivi la description de la créature à travers des notes confidentielles de

Victor Hugo. L’acteur portait sur son dos une bosse en caoutchouc pesant vingt cinq kilos attachée à un harnais de cuir reliée à un grand plastron. Avec cet accoutrement

Chaney était incapable de se tenir debout.

Son torse était recouvert d’une peau tendue, couleur chair en caoutchouc, recouverte de poils d’animaux. La chaleur à l’intérieur du costume était insupportable et l’acteur était toujours trempé de sueur.

Son visage était également recouvert d’un masque en caoutchouc d’une seule pièce qui déformait son œil droit. Un énorme travail fut effectué sur sa dentition et sa mâchoire inférieure après l’essayage de plusieurs prothèses. Après quatre heures de préparation chaque jour, cette transformation soumettait son corps aux pires souffrances. Lon Chaney voulant au final, ressentir physiquement la douleur de

Quasimodo.

He Who Gets Slapped (1924)

L’histoire : Le professeur Baumont (Lon

Chaney), grand scientifique, subit l’humiliation de sa vie : alors qu’il vient d’achever le chef d’œuvre de sa carrière, son ami le Baron le lui vole pour en retirer tous les bénéfices. Devant une audience de barbus universitaires, Baumont tente de se défendre en expliquant qu’il est bel et bien l’auteur de la découverte. Le Baron le traite alors de fou et le gifle en public, ce qui provoque l’hilarité générale de l’assistance. Meurtri, humilié, Baumont retourne péniblement chez lui pour découvrir que sa femme le trompe avec le

Baron. Elle décide alors de le quitter.

Plusieurs années après, Baumont est devenu clown dans un cirque, un clown connu sous le nom de « Celui que l’on gifle

» et qui amuse les foules en se ramassant

des baffes de la part de soixante clowns rieurs. Arrive alors Consuelo, jeune et belle écuyère dont un jeune cavalier et

Baumont tombent amoureux. Quant au

Baron, venu rire aux pitreries de « Celui que l’on gifle », il sympathise alors avec le père de Consuelo, un homme plus soucieux de son compte en banque que de sa fille…

Ce classique du cinéma muet est la toute première production de la

Metro-Goldwyn-Mayer (Irving Thalberg associé à Louis B. Mayer) et l’un des premiers succès commercial et critique du studio. Une réussite totale, un chef d’œuvre qui est du aux talents combinés du réalisateur suédois Victor Seastrom, de son acteur principal Lon Chaney et du duo

légendaire Thalberg / Mayer.

Dans cette dramatique histoire d’amour,

Chaney fait une démonstration saisissante de son talent pour retranscrire les

émotions de son personnage brimé et humilié. Roulement des yeux, grimaces, froncements de sourcils, chacune de ses apparitions est fascinante. Avec ses surimpressions saisissantes, He Who Gets

Slapped est d’une grande beauté plastique qui s’adresse autant à l’œil qu’à l’âme des choses.

Le film se termine de façon tragique et brutale, lorsque Baumont lâche un lion sur le Baron et le père de Consuelo qui se feront dévorer vivants. Un acte de

vengeance ultime qui permet enfin à

Baumont de renverser la situation et de rire du mal de celui par qui son malheur arriva, avant de s’écrouler devant son public à cause d’une blessure mortelle infligée par le père de sa bien aimée.

Déchirant.

Le Fantôme de l’Opéra (1925)

Cette adaptation du roman de Gaston

Leroux est une remarquable réussite grâce

à son casting et à sa réalisation confiée à

Rupert Julian. Le film deviendra, au fil des décennies, la version ultime de l’adaptation du roman à l’écran.

Parmi les séquences les plus marquantes :

- la scène du grand escalier où le grand lustre, de douze mètre de diamètre pesant

8000 kilos, s’écrase sur les spectateurs de l’opéra.

- l’arrivée du fantôme déguisé avec un masque de mort.

- la scène où la jeune fille (Mary Philbin) se glisse derrière le fantôme et enlève son masque. Un des grands moments du cinéma d’horreur.

Comme pour Le Bossu de Notre Dame, le maquillage de Chaney était un exercice d’auto-torture. Il avait mit au point un dispositif inséré dans son nez qui se

propageait dans ses narines pour en relever la pointe. Il s’inséra de fausses dents en saillie auxquelles étaient rattachés de petites broches reliées aux coins de sa bouche. Pour finir, des disques de Celluloïd placés dans sa bouche étaient utilisés pour faire ressortir ses pommettes. Le maquillage de Lon Chaney fut une source d’inspiration pour beaucoup d’autres maquilleurs et notamment pour le créateur de Batman, qui s’est inspiré d’Erik pour concevoir son Joker.

Erik le fantôme qui hante l’Opéra de Paris est probablement le personnage le plus célèbre et certainement le rôle le plus horrible joué par Lon Chaney. Produit par

Carl Laemmele au sein d’Universal (le

studio qui se spécialisera dans les films d’horreur dans les années 30), le film a été mit à l’écart pendant près de deux ans, et a été soumis à d’intenses rafistolages.

D’autre part, de grosses tensions entre

Chaney et Julian n’ont pas facilité le tournage. Alors que beaucoup s’attendait à une catastrophe, le film se révéla être un

énorme succès commercial et critique.

Après Le Fantôme De L’Opéra, Irving

Thalberg engage définitivement Chaney comme acteur à la Metro-Goldwyn-Mayer.

Durant les cinq dernières années de sa carrière cinématographique (1925-1930),

Chaney travailla exclusivement sous contrat avec la MGM. C’est pendant cette période qu’il offrit ses interprétations les

plus remarquables sous la direction de Tod

Browning.

Lon Chaney pouvait changer de visage sans maquillage comme l’atteste ses rares photos !

TOD BROWNING

« J’ai la chance d’avoir à ma disposition un artiste comme Lon qui adopte les apparences et les déguisements des plus grotesques. Plus ils sont grotesques, plus

Lon les aime. Sa souffrance pendant certains de ses trucages, ce n’est pas de la publicité ! Il est capable de faire n’importe quoi par amour envers un film. » Tod

Browning.

Lon Chaney fut l’acteur fétiche de Tod

Browning qu’il rencontra la première fois en 1919 sur le tournage de The Wicked

Darling , le premier long métrage de Tod

Browning dans lequel Chaney joue le rôle d’un truand. En 1920, Browning refait tourner Chaney dans Outside the Law qui le voit déjà endosser un double rôle : celui d’un fidèle serviteur chinois et d’un cruel truand américain. Chaney développera par la suite une panoplie impressionnante de figures d’asiatiques se concrétisant par

Mr Wu en 1927.

Mais ce n’est que cinq ans plus tard, en

1925 que les deux hommes deviendront d’inséparables amis et collaboreront dans une symbiose totale que seule la mort de l’acteur interrompra. Ensemble, ils tourneront huit films qui confirment leur goût commun pour la description des êtres en marge : The unholy three, The black bird, The road to Mandalay, The unknown,

London After Midnight, The big city,

West of Zanzibar et Where east is east.

En grand amateur de cirque et des phénomènes de foire, Tod Browning offre des rôles de composition à Lon Chaney jouant toujours un malfrat, un bandit, un gangster, un hors la loi ou un rebelle. Le cinéaste s’intéressa moins à l’art du maquillage de son acteur qu’à l’extraordinaire agilité de son corps, à la plasticité de son visage et à sa capacité à refléter les émotions les plus extrêmes.

Dans les films de Browning, l’acteur y fait

étalage d’un jeu qui transcende le caractère répulsif de ses personnages, les rendant attachants. Déguisé en vieille femme criminelle dans The unholy three

(1925), borgne dans The road to Mandalay

(1927), le voici manchot dans The unknown

(1927) avant de jouer les vampires aux yeux exorbités dans London After

Midnight (1927).

Chaney alias Singapour Joe dans The road to Mandalay.

Lon Chaney sera toujours l’homme délaissé par la femme qu’il aime en raison de son infirmité. Un personnage tordu, difforme, paralysé, borgne, sans bras et torturé moralement par les affres d’un amour impossible. Dans tous ces rôles mélodramatiques, le comédien parviendra toujours à rendre son personnage attachant et même parfois déchirant, par sa sincérité et sa puissance.

Avec Lon Chaney, Tod Browning dévie la représentation classique du monstre. Ici, nuls effets, nuls oripeaux, nuls trucages.

L’acteur doit trouver, au fond de son corps, la marque d’une probable difformité. Le maquillage n’est là que pour soutenir la prouesse monstrueuse, il n’est pas l’instrument qui va faire « croire ».

Chez Browning, le corps seul est l’instrument de la déviation, et pour parler du handicap, il filme les potentialités de ce même corps. C’est bien l’incertitude qui traverse le corps de Lon Chaney dans les films de Browning, l’incertitude non pas sur ce qu’il devient, mais sur ce qu’il est devenu, l’incertitude non pas sur ce qu’il est, mais sur ce qu’il était. À l’encontre

des comédiens qui jouent le handicap et pensent le jouer vraiment, « L’homme aux mille visages » a suivi son cinéaste sur le versant autrement plus fantastique de la contamination pour délivrer, grâce à ces incarnations monstrueuses, l’insondable secret lovecraftien. En chacun de nous, en notre corps se profile un monstre.

Chaney alias Echo et sa marionnette Nemo dans The Unholy three.

A l’époque où les sentiments qui traversaient un personnage n’étaient exprimés que par le corps de l’acteur, Lon

Chaney, disait vouloir avant tout « examiner l’âme et le cœur du personnage que je joue ». Mais, ajoutait-il, « puisque le

visage d’un homme reflète souvent l’état de son âme et de son cœur, j’essaie de le montrer à travers mon maquillage, qui n’est que le prologue. »

Tod Browning rejoignait Chaney dans sa vision de l’acteur et du personnage. Dans ses films, les péripéties narratives découlent de l’état physique et psychique d’un individu extraordinaire, greffe d’irréalité (le personnage) et de chair

(l’acteur). La fiction se soumet ainsi au personnage et à l’acteur, et non l’inverse.

C’est sur le corps de Chaney que la fiction s’identifie.

The Unholy three (1925)

L’histoire : Le ventriloque Echo (Lon

Chaney) et ses camarades Hercules et

Tweedledee le nain, décident de mettre sur pied une arnaque machiavélique. Ils montent une oisellerie afin de vendre des perroquets doués pour la parole. Mais les talents d’orateur de ceux-ci ne sont en réalité qu’un subterfuge réalisé grâce au talent de ventriloque d’Echo déguisé en

vieille grand-mère, Mrs O’Grady, à la bonté infinie. Les clients déçus de ne pas pouvoir taper la discussion avec leurs perroquets, appellent la grand-mère à la rescousse. Celle-ci rend alors visite à ses clients avec une poussette contenant son petit-fils, Tweedledee déguisé en bébé. Et pendant que grand-mère parvient à faire parler l’oiseau incriminé, bébé procède à des repérages en vue d’un futur cambriolage... Les affaires marchent, jusqu’au jour où l’un de leur casse tourne au drame et laisse un mort derrière eux.

Le nain, le géant et le ventriloque.

C’est le producteur Irving Thalberg qui est

à l’initiative du projet et qui fait se

rencontrer Browning et Chaney. Dans cette production luxueuse de la MGM, Tod

Browning met en scène, comme souvent, des personnages marginaux qui lui tiennent

à cœur. Ici, les artistes de foire sont les criminels et ils paieront au final leur crime. Seul Echo parviendra à s’en sortir.

Irving Thalberg en compagnie de Lon

Chaney et d’ Harry Earles.

Chaney effectue un véritable tour de force en interprétant deux rôles. Le personnage du ventriloque est à la base une doublure. La marionnette Nemo est le double d’Echo le ventriloque, une projection de lui-même. A travers Nemo,

Echo semble démontrer ce que Lon Chaney

fait avec son propre corps : l’animer de gestes et suggérer une voix.

Chaney en Mrs O’Grady dans The Unholy three.

Sa prestation en grand-mère trapue est remarquable, surtout quand Echo, caché derrière une porte, imite par la pantomime et la voix « off » Mrs O’Grady. Caché dans cette arrière boutique, l’acteur nous donne

à voir ses gestes simples au moment où il prépare son rôle comme s’il était dans sa loge. Le jeu de ses expressions faciales reste toujours un élément de fascination majeure, que ce soit pour exprimer la cruauté, le dédain, la tristesse ou l’appréhension. L’éventail ainsi déployé est

d’une immense richesse, surtout que Tod

Browning pousse son acteur à jouer avec les éléments sonores du réel.

The Black Bird (1926)

L’histoire : L’Oiseau noir (Lon Chaney) est un truand notoire qui porte son dévolu sur

Fifi, une jeune et jolie française qu’il rencontre dans le cabaret qu’il fréquente régulièrement. Également courtisée par

Bertie, escroc de son état lui aussi, Fifi

succombe aux avances et au charme de ce dernier. Ensemble, ils décident donc de rendre visite à l’Evêque, frère jumeau estropié de l’Oiseau noir, en vue d’une future union. Mais ce qu’ils ignorent, c’est que l’Évêque et l’Oiseau noir ne sont en réalité qu’une seule et même personne, l’identité du premier servant de couverture au second. Et si la supercherie fonctionne aussi bien, c’est que l’Oiseau noir possède la faculté de se déboîter la hanche et l’épaule afin de se donner un véritable air d’handicapé.

Dans The Black Bird, Lon Chaney incarne tour à tour l’Oiseau Noir et l’Évêque, deux frères, moralement et physiquement dissemblables. Si l’un est un individu

louche et malfaisant, droit et bel homme, l’autre, d’une bonté sans égale, est marqué dans sa chair, estropié. Très rapidement, le spectateur comprend que ces deux personnages ne font qu’un : l’Évêque se transforme en Oiseau Noir, nouveau docteur Jekyll et mister Hyde, couvre et absout les crimes de son « frère ». Le repaire de l’Oiseau Noir est aussi la loge de l’acteur, où le passage d’un personnage

à un autre se réalise. Lors des transformations les deux rôles cohabitent dans un même corps tandis que les voix maintiennent l’illusion de deux corps

(comme Echo dans The Unholy three).

Ce mélodrame atmosphérique est une perle rare, un joyau presque invisible (pas de

diffusions et d’édition DVD existante), un trésor que l’on découvre et que l’on garde jalousement. Cette boîte de pandore renferme la transformation ultime de Lon

Chaney. Et cette transformation nous est montrée étape par étape. Tod Browning explose les limites corporelles de son acteur fétiche et propose au spectateur la primeur de ces transformations. Par deux fois, il filme ce passage d’un état à un autre, de la normalité à la déviance. Nous restons bouche bée devant tant de virtuosité, où la douleur se mélange avec la terreur et la beauté. Un moment de cinéma d’une rare intensité émotionnelle qui vaut toutes les transformations de « monstres » au cinéma. C’est unique car nous touchons à l’essentiel même de la

mutation à l’intérieur même du corps sans artifice et tricherie. Cette mise à nu provoqua chez Lon Chaney des douleurs

éprouvantes dont la moindre erreur lui

était interdite. A la fin du film, les deux frères sont définitivement confondus dans le même corps de l’acteur. Le personnage réel (l’Oiseau Noir) meurt emporté par son frère imaginaire (l’Évêque) et ainsi emporte son secret dans sa tombe.

The Unknown (1927)

L’histoire : Dans un cirque, Alonzo (Lon

Chaney) l’homme sans bras, est

éperdument amoureux de la belle Nanon

(), elle-même courtisée par

Malabar, l’homme fort du cirque capable de tordre des barreaux de fer à mains nues. Mais Nanon a horreur des mains

d’homme qui se baladent sur son corps, ce que Malabar ne parvient évidemment pas à comprendre. Cette phobie est alors saluée par Alonzo qui est en réalité un faux manchot cachant son identité de criminel identifiable grâce à sa main à deux pouces.

Par amour pour sa belle, Alonzo décide de se faire amputer des deux bras...

The Unknown est le sommet du tandem

Chaney/Browning, un chef d’œuvre macabre dans lequel Lon Chaney fait preuve d’un talent saisissant dans le rôle de ce manchot utilisant ses pieds comme des mains C’est au travers de son visage hautement expressif que le film fascine.

The Unknown avait tout pour tomber dans

la bluette romantique, mais le film présente subtilement le triangle amoureux le plus macabre que l’on puisse imaginer.

Tod Browning nous sort de son chapeau un conte cruel dont l’ahurissante trame mélodramatique est exacerbée jusqu’au pathologique. The Unknown se termine en horrible tragédie avec un happy end de rigueur qui n’en reste pas moins amer.

Ce faux film d’infirme, développe le thème de l’autocastration et de la frigidité. Le film devient une étude universelle sur la sexualité comme mise en scène. Simulant la castration pour mieux posséder Manon,

Alonzo est à la fois acteur, spectateur et metteur en scène fixant les rôles de chacun pour contrôler la situation en sa

faveur. Ce qui importe pour lui est le contrôle et le spectacle. En déshabillant

Manon d’un pistolet puis la cernant de couteaux, il se croit maître de son corps dans la magnifique séquence d’ouverture, tel une valse du désir, un cérémonial où tout est artifice.

La scène de déshabillage d’Alonzo est le « twist » de l’histoire et une magnifique mise en abyme du travail de l’acteur

Chaney. Lorsque Cojo le nain enlève les diverses couches vestimentaires d’Alonzo et nous montre l’étrange attirail (un corset) qui garde prisonnier le torse de l’acteur, nous jurons assister à un documentaire. Au-delà du canular, Chaney semble d’une habileté extraordinaire pour

parvenir à se servir de ses pieds comme s’il n’avait plus de bras, puis il devient le plus grand des acteurs lorsqu’il réussit à nous faire croire qu’il a vraiment fini par les perdre.

London After Midnight (1927)

L’histoire : Depuis la mort mystérieuse du riche M.Balfour des choses étranges

arrivent, ce qui a incité Scotland Yard et l’inspecteur Edmund Burke (Lon Chaney) à enquêter. Pendant un temps, il semble que

Burke soit aussi perdu que les autorités locales, surtout lorsque l’héroïne Lucy

Balfour (Marceline Day) est confronté au

« cadavre vivant » de son père. Burke et

Lucy travaillent ensemble dans l’élaboration d’un canular pour piéger le meurtrier de son père. Le meurtrier est prit au piège. Le masque tombe et révèle

Edmund Burke sous les traits du vampire !

London After Midnight est la plus fascinante perte du tandem

Chaney/Browning. Le film a obtenu au cours des années un statut légendaire. Les nombreuses critiques des années 1930 le

considèrent comme une œuvre majeure, nettement supérieur à son remake de

1935, Mark of the Vampire. C’est le film du tandem qui a fait le plus d’entrée, le plus populaire aussi. Inspiré par l’adaptation récente du Dracula de Bram

Stoker à Broadway, le scénario est transposé dans le brouillard londonien.

London After Midnight est sans doute le premier film de Browning où le rapport entre la vérité de la douleur et la facticité de la fiction s’inversent et se déséquilibrent. Ici, tout paraît artificiel, dévalorisé et dévalué par l’artifice. De l’attitude guindée des acteurs à l’éclairage frontal, jusqu’au choix des accessoires. Par le travail de la lumière, le réalisateur tire

le plus souvent les silhouettes vers la statuaire, l’effet, la figurine. Il n’y a plus que des maquettes désertées par le sentiment ou par l’affect. La fiction de fantômes permet à la vérité d’éclater et au meurtrier d’être démasqué.

Pour obtenir des yeux exorbités, Chaney utilisait un appareil qui lui creusait les paupières.

Lon Chaney interprète deux personnages : l’enquêteur et le revenant halluciné. Voir ces deux personnages extrêmes c’est se confronter à la dualité de l’acteur. D’un côté le visage presque nu de l’enquêteur comme s’il s’agissait du visage de Chaney à l’état naturel, et de l’autre un

visage-masque de spectre marqué à l’excès, une figure parodique et grotesquement effrayante.

West of Zanzibar (1928)

L’histoire : Sous le pseudonyme de Phroso, l’illusionniste Flint se produit à Londres dans un numéro de substitution à l’intérieur d’un cercueil, avec son épouse

Anna. Mais celle-ci s’enfuit avec Crane, qu’elle croit aimer. Au cours d’une violente dispute dans les coulisses, Crane précipite son rival par-dessus une rambarde.

Quelques mois plus tard, ayant perdu l’usage de ses jambes, Flint recueille

Maizie, la fille d’Anna, qui vient de mourir... Dix-huit ans ont passé. Devenu «

Dead legs », et vivant au Congo belge à la lisière de la jungle, Flint, en compagnie de ses trois complices Doc, Tiny et Babe, exploite par ses tours la crédulité des indigènes et vole l’ivoire de Crane, qui est

devenu un trafiquant. Il fait revenir dans son antre Maizie, élevée grâce à ses soins dans un bourg de Zanzibar…

La transformation de Phroso, le magicien, en « Dead legs », l’infirme, est un passage accidentel et une révélation pour le personnage qui en profite pour se rebaptiser. Il se donne un nom qui honore l’apparence corporelle que l’accident a créée pour lui, et quitte le monde qu’il habitait. Chaney abandonne le beau visage de Phroso, aux sourcils et aux lèvres soulignés par un maquillage pour apparaître sous les traits vieillissants de « Dead legs

» qui respire la souffrance morale. Ce n’est pas seulement le visage, mais tout le corps qui est prit par un sentiment. Plus de

masque, ni de déguisement, ni de duplicité mais une souffrance se prolongeant du visage jusqu’au corps.

« Je voulais rappeler aux gens que ceux qui se trouvent au plus bas de l’échelle de l’humanité peuvent avoir en eux la ressource pour l’abnégation suprême. Le mendiant raccourci, difforme des rues peut avoir les idées les plus nobles. La plupart de mes rôles depuis Notre-Dame de Paris ont eu pour thème l’abnégation et le renoncement. Voilà les histoires que je souhaite faire. » Lon Chaney.

Si les films tournés par Chaney ne sont pas tous bons, ses performances le sont

toujours !

Le plus grand succès public de Chaney fut

Tell It to the Marines (1926) où il incarna le sergent O’Hara, un personnage héroïque qui deviendra le prototype d’une « armée » de soldats à venir, le genre d’officier brutal au cœur d’or. Stanley Kubrick s’en souviendra pour son film Full Metal Jacket en confiant à Vincent D’Onofrio le rôle d’un odieux marine. Chaney prouva avec

Tell It to the Marines qu’il pouvait tenir un rôle, au-delà du grimage et de la pantomime, par son pur talent d’acteur et son charisme. Un de ses rôles préférés.

Dans Mr. Wu (1927) Chaney joue deux rôles de chinois comme auparavant dans

Outside the Law (1920), Bits of life (1921) et Shadows (1922).

Six heures de maquillage furent nécessaire pour le personnage du grand-père dans Mr. Wu. La plus longue préparation de Lon Chaney pour un rôle.

Laugh, Clown, Laugh (1928) surf sur le succès de He Who Gets Slapped (1924) et en reprend la trame initiale. Lon Chaney joue le rôle d’un clown meurtri par l’amour qu’il porte à sa fille adoptive. Un clown qui masque son propre malheur en faisant rire les autres jusqu’à la tragédie.

UNE FIN DOULOUREUSE

Il ne fait aucun doute que les plus exténuantes performances de Lon Chaney ont affectées sa santé. Quand celui-ci à porté des lentilles de contact, pour simuler la cécité, il a été par la suite obligé de porter des lunettes. Plus grave, les différents harnais qu’il portait pour modeler son corps ont endommagé sa colonne vertébrale irréversiblement.

Chaney et la marionnette Nemo dans The

Unholy three.

En 1929, Chaney commença à avoir des problèmes avec sa gorge. Sur le tournage de Thunder de William Nigh, une histoire

de chemin de fer dans la neige d’Amérique du Nord, un morceau de neige artificielle s’introduisit dans sa gorge. Il est de suite transféré à l’hôpital et ses amygdales lui sont retirées, mais sa gorge est fragilisée.

En 1930, malgré d’extrêmes douleurs, il tourne son premier film parlant sous la pression d’Irving Thalberg. Ce sera The

Unholy Three, un remake de la version muette de 1925. Chaney était contre le parlant, non seulement parce qu’il avait mis fin à la carrière d’autres acteurs dont la voix silencieuse avait déçu le public, mais aussi parce qu’il signifiait la fin de sa spécialité : la pantomime. Contre toute attente, le public et les critiques furent impressionnés par la polyvalence de sa voix

(une voix de baryton modulable) comme ils

l’ont été à celle de son corps. Durant le film Chaney n’imitait pas moins de cinq voix

: celle d’une vieille femme, d’un ventriloque et de son mannequin, d’une fille, et même d’un perroquet. Pour le prouver, il avait dû signer un certificat qui a été reproduit dans la jaquette publicitaire envoyée avec le film.

De nombreux projets lui sont alors soumis.

Tod Browning songa à lui pour le personnage de Dracula qu’il préparait, mais se sera Bela Lugosi qui reprendra le flambeau. Le destin ne devait pas lui permettre de concrétiser ce projet. Moins de deux mois après la sortie du film, le 26 août 1930 à l’âge de quarante sept ans, il décède d’un cancer de la gorge qui lui fit

perdre l’usage de la parole. Un sinistre et ironique coup du sort, pour cet enfant de sourds et muets qui a été forcé de revenir

à la langue des signes pour communiquer avec ses proches à la toute fin de sa vie.

DE L’HOMME AUX MILLE VISAGES

Le parcours de Lon Chaney restera un exemple de persévérance entourée de mystère. Cet homme discret, qui refusait les interviews et les séances de signatures, a su bâtir sa carrière sur des rôles atypiques et singuliers en dehors des modes. Il a démantelé son physique à partir de personnages aux corps difformes. Il a joué sur tous les plans l’acteur qui joue un monstre. Déformé,

détourné, le corps de Lon Chaney a suscité ample curiosité et provoqué, paradoxalement, chez le spectateur, une sorte de sadisme. Le regard s’attarde, s’acharne sur ce corps en souffrance. Car

à chaque prise, l’acteur se courbe, se contorsionne, et met en danger son corps.

L’incomparable élasticité de son visage et la capacité à endosser des rôles qui mettaient en péril son propre corps lui ont valu une mention très spéciale dans l’histoire de la métamorphose au cinéma.

Si l’acteur a utilisé le corps monstrueux pour se cacher, il n’a pu, en revanche, en sortir indemne.

Chaney en pleine séance de maquillage. Le biographe de Chaney, Michael Blake,

considère la trousse de maquillage de celui ci comme la pièce centrale de l’histoire du maquillage de cinéma. « L’homme aux mille visages » n’a pas dévoilé ses secrets.

Cependant, Lon Chaney écrivit l’article sur le maquillage dans l’Encyclopedia

Britannica.

« Lon Chaney était quelqu’un qui extériorisait notre psyché. D’une certaine façon il pénétrait à l’intérieur des ombres qui se trouvaient en nous ; il était capable d’épingler certaines de nos peurs secrètes et de les restituer à l’écran. » Ray

Bradbury.

CONRAD VEIDT

Les films allemands commencèrent à s'exporter à partir des années 1920. Les publics new-yorkais, parisiens et londoniens sont fascinés par ces réalisations étonnantes.

Le cabinet du Docteur Caligari se révélera

être le modèle de tous les films d'après guerre. Certains critiques parleront de « première tentative signifiante d'expression d'un esprit créatif par les moyens du cinéma ». On le pensa émergé tout droit de l'âme allemande au sortir de la guerre, tantôt macabre, tantôt sinistre; une âme torturée par la guerre.

L'expressionnisme allemand était né.

Il existe deux conceptions historiques de l'expressionnisme, et par là même deux périodes qui diffèrent quelque peu en fonction des films considérés.

Certains limitent l'expressionnisme à la période allant de 1913 à 1933, au sein de l'Allemagne, recouvrant ainsi la plus grande partie du cinéma allemand du début du siècle. L'arrivée du régime nazi interdira toutes manifestations de cette esthétique révolutionnaire, jugée alors décadente et mettra fin à cette période faste du cinéma allemand.

L'étudiant de Prague réalisé par Stellan

Rye et Paul Wegener, également acteur, marque le commencement de

l'expressionnisme sur les écrans, celui ci se voit plus apparenté à la tradition du romantisme noir qu'à l'esthétique picturale d'avant-garde des années 1910.

L'année 1933 en marque la fin avec le film

Testament du Docteur Mabuse de Fritz

Lang.

« L'expressionnisme se voit alors étendu à ce que Lotte Eisner appela : l'écran démoniaque; et qu'Henri Langlois nommera finalement : le caligarisme ».

Les critiques qualifièrent, pendant longtemps, d'expressionnistes tous les films allemands des années 1920 à l'exception des films comiques et des films à visée réaliste de la Nouvelle objectivité. Bien que né dans le même contexte historique, le Caligarisme ne met

pas en avant un décor déformé mais plutôt stylisé, il prône une écriture minutieuse et, comme les films expressionnistes, un tournage en studio.

Le caligarisme, bien que très ressemblant

à l'expressionnisme, ne s'y conforme pas véritablement et constitue ainsi un petit espace au sein de ce vaste ensemble.

Certains limitent l'expressionnisme, si l'on s'en tient aux critères fondamentaux qui caractérisent le courant sur une période allant de 1920 à 1924, du film De l'aube à minuit de Karl Heinz Martin jusqu'au film de Paul Leni : Le cabinet des figures de cire.

Toutefois même en ajoutant des films comme Le cabinet du Docteur Caligari ou

Nosferatu, l'ensemble n'est pas suffisant

pour constituer ce que l'on appelle un mouvement.

Le cabinet des figures de cire de Paul Leni

IV. Caligari de Robert Wiene

L'expressionnisme devient populaire après la Première Guerre mondiale et touchera le cinéma avec Le cabinet du Docteur

Caligari en 1919 de Robert Wiene. Le scénario dénonce la toute puissance de l'Etat, il a été écrit par Carl Mayer et

Hans Janowitz. Les décors ont été réalisés par trois peintres : Walter Reimann,

Walter Röhrig et Hermann Warm, tous trois influencés par le courant expressionniste réalisèrent des décors distordus et déformés. Les règles de la

perspective sont abolies, on retrouve une opposition entre les ombres et les lumières, des lignes brisées, de violentes taches noires et blanches. Béla Balasz dit que Caligari est « l'expressionnisme achevé à l'état pur ».

« Le cabinet du Docteur Caligari a créé de nouveaux rapports entre le cinéma et les arts graphiques, entre l'acteur et le décor, l'image et le récit ». Les intellectuels qui juste là ignoraient le cinéma se mirent dès lors à découvrir le septième art. Le cinéma allemand grâce à ce film fut reconnu internationalement et put ainsi conquérir un marché dont les portes étaient fermées suite à la Première

Guerre mondiale.

L'arrivée des nazis en Allemagne et l'émigration de nombreux cinéastes allemands font qu'il est difficile de connaître la genèse de Caligari. Le contenu narratif du film retrace les expériences personnelles et les origines culturelles des auteurs, Janowitz et Mayer.

Janowitz passa ses premières années à

Prague et entama une carrière d'écrivain et d'acteur qui lui permit de rencontrer des expressionnistes et d'écrire dans la revue expressionniste de Max Brod,

Arbradia, avant que la guerre ne commence. Il participa à la guerre en tant que capitaine dans l'armée autrichienne, la mort de son frère lui fera détester les

armes et le poussa du côté des insurgés pendant la révolution allemande.

Il rencontra Carl Mayer pendant une permission en 1918, Mayer était un jeune scénariste, exempté de service militaire suite à des problèmes de santé. « La maîtresse de Mayer, Gilda Langer, qui inspira le personnage de Jane dans

Caligari, suggéra que les deux hommes travaillassent ensemble. »

« Janowitz estimera que sa contribution à la conception du scénario présentait un quadruple aspect :

-l'atmosphère de mystère inspirée des souvenirs de la ville de son enfance, Prague

-l'impression de menace qui caractérisait déjà sa pièce Prager Fastnachtsspiel

-le traumatisme causé par un incident bizarre impliquant le meurtre d'une jeune fille auquel il avait assisté à Hambourg en

1913 -et ce qui compte le plus aux yeux de

Janowitz, la méfiance pathologique à l'égard du pouvoir autoritaire d'une Etat inhumain devenu fou instillée par cinq années et demi de service militaire. »

Mayer et Janowitz assistèrent un jour à un spectacle de foire dans un parc d'attractions de la Kantstrasse à Berlin, dont le clou était un Monsieur Muscle hypnotisé qui inspira l'intrigue de Caligari.

Le nom du personnage principal, « Caligari

» vient du nom d'un officier cité dans une lettre de Stendhal.

Ils mirent six semaines, pendant l'hiver

1918-1919 pour écrire le scénario. Erich

Pommer, directeur de production de la société Decla-Bioscop, acheta le scénario

4000 marks, se réservant le droit de faire des modifications.

Le tournage débuta quatre mois après, le projet fut retirer des mains de Fritz Lang pour qu'il se consacra à son serial : Les

Araignées. Robert Wiene hérita alors du projet.

Meinert confia le scénario à Warm à la fin de l'automne 1919. Warm, le décorateur, rencontra pour la première fois Robert

Wiene, le réalisateur. Warm fut impressionné par l'atmosphère étrange du script et pensa au fil de sa lecture que «

les images du film devaient être éloignées de la réalité et revêtir un style graphique fantastique ». Warm discuta du scénario avec ses collaborateurs Reimann et Röhrig.

Suite à cet entretien Warm dit : «

Reimann, dont les peintures reprenaient la technique des artistes expressifs, finit par me convaincre que le thème appelait un style de décor, de costumes, de jeu d'acteurs et de réalisation expressionnistes. »

Les premières peintures ébauchées furent approuvées par Wiene immédiatement et avec un peu de réflexions par Meinert, voulant que le style du film ait l'air le plus délirants possible, ce qui garantissait un succès de sensation pour le film.

Il fallut moins de deux semaines pour

construire les décors et réunir les costumes et les accessoires. Le tournage se déroula de décembre 1919 à fin janvier

1920.

La comparaison du scénario original et du film achevé permette de voir l'apport de

Robert Wiene contrairement à ce que prétendait Janowitz en disant que son scénario « ne pouvait pas être amélioré ».

Wiene suivit fréquemment les instructions détaillées des scénaristes mais le film s'en

écarte parfois de façon notable, ces modifications ne peuvent être mise qu'à son crédit comme certains changements imposés par le tournage en studio afin d'obtenir un aspect « expressionniste ».

Les décors n'excèdent pas six mètres de

large et de profondeur, ce qui excluait les caravanes de bohémiens, la course-poursuite en attelage de chevaux ou la charrette de Caligari que Mayer et

Janowitz avaient inclus dans le scénario.

Wiene réduisit les décors du champ de foire à une toile peinte. Wiene et ses décorateurs renoncèrent à tout ce qui rappelait technologie moderne car incompatible avec le décor fantastique.

Le film qui devait se dérouler au début du

XXe siècle, une fois achevé, ne donne aucune indication de temps trop précise.

La dramaturgie du scénario a elle aussi été modifiée avec la suppression d'interstices superflus ou de scènes de liaison inutiles.

Toutefois « les deux moments clés du film

( le réveil de Cesare et l'enlèvement de

Janet ) suivent en revanche à la lettre les instructions des auteurs ».

« Pourtant, la réalisation va bien au-delà des descriptions écrites, et elle doit beaucoup à l'interprétation extraordinairement passionnante, à de savantes dispositions et surtout à une parfaite collaboration entre Wiene, les décorateurs et les acteurs. »

« Le jeu de Veidt domine », il nous captive.

Krauss et Veidt composèrent ensemble un style de jeu d'acteurs expressionniste en harmonie avec les décors. Les acteurs utilisèrent un maquillage différent. Les autres interprétations sont également influencées par le théâtre expressionniste

avec des gestes saccadés, des visages tourmentés et une certaine symétrie et un synchronisme dans les mouvements.

Veidt est farouchement opposé au régime nazi, il émigrer en 1933 une semaine après son mariage avec Illona Prager, une femme juive. Il s'installa au Royaume-Uni et est devenu citoyen britannique en 1938.

Il a continué à faire des films en

Grande-Bretagne, notamment trois avec le réalisateur : The Spy in

Black (1939), Contrebande (1940) et Le

Voleur de Bagdad (1940).

Dans les années 1940, il s'installe à

Hollywood, en Californie, et joue dans quelques films, comme les nazis Agent

(1942), dans lequel il avait un double rôle de nazi et de son frère jumeau opposé au nazisme, mais son meilleur rôle reste le

Major Strasser Heinrich dans Casablanca

(1942).

Il mourut subitement d'une crise cardiaque en 1943 en jouant au golf à Los

Angeles. En 1998, ses cendres seront inhumées au crématorium de Golders

Green à Londres.

Conrad Veidt fut marié trois fois, son premier mariage avec Augusta Holl, une artiste célèbre de cabaret connu sous le nom "Gussy," a eu lieu le 18 Juin 1918 et

s’est terminé par un divorce à l'automne suivant. Gussy épousa plus tard l'acteur allemand . Veidt épousera ensuite une femme d'une famille aristocratique allemande, Felicitas Radke, en 1923. Leur fille, Vera Maria Viola, née le 10 août 1925. Son dernier mariage fut célébré en 1933 avec Ilona Prager, appelée

Lily, et qui a duré jusqu'à sa mort.

Bob Kane, créateur de Batman avouera s’être inspiré de Veidt dans L'Homme qui rit pour le super-vilain emblématique The

Joker.

Sur leur album 1979 Dantzig Twist, le groupe français post-punk Marquis de

Sade a écrit une chanson appelée "Conrad

Veidt".

FIN