INSTITUT KURD E DE PARIS

Bulletin de liaison et d’information N°376 JUILLET 2016 La publication de ce Bulletin bénéficie de subventions des Ministères français des Affaires étrangères et de la Culture ————— Ce bulletin paraît en français et anglais Prix au numéro : France: 6 € — Etranger : 7,5 € Abonnement annuel (12 numéros) France : 60 € — Etranger : 75 €

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• ROJAVA : LA « RÉGION FÉDÉRALE » S’ÉLABORE PROGRES - SIVEMENT TANDIS QUE LA LUTTE POUR MANBIJ SE POURSUIT

D’IRAK : GRANDES MANŒUVRES PRÉ-REFE - RENDUM À KIRKOUK

• KURDISTAN : NÉCESSAIRE (ET INTROUVABLE ?) UNITÉ KURDE

: LA REPRISE DE LA LUTTE ARMÉE AU KURDSITAN SUSCITE DES TENSIONS RÉGIONALES

• TURQUIE : APRÈS L’ÉCHEC DU PUTSCH MILITAIRE, LE COUP D’ÉTAT CIVIL PEUT-IL ÊTRE ARRÊTÉ ?

ROJAVA : LA « RÉGION FÉDÉRALE » S’ÉLABORE PROGRESSIVEMENT TANDIS QUE LA LUTTE POUR MANBIJ SE POURSUIT ardi 5 juillet la ville de avait été publié le projet de Rojava », a réitéré la position des Qamishlo a été déclarée « contrat social » proposé comme autorités de la Région fédérale capitale de la nouvelle future Constitution pour la par rapport à la Syrie en décla - M Région fédérale procla - Région fédérale. Ce document rant que l’instauration de cette mée dans le nord de la mentionne tous les groupes eth - Région ne vise nullement à divi - Syrie par les Kurdes du PYD niques vivant au Rojava et leur ser le pays, mais tout d’abord à (Parti de l’unité démocratique) et accorde des droits culturels, poli - assurer l’autonomie de celle-ci, leurs alliés des Forces démocra - tiques et linguistiques. Il doit tout en proposant une bonne tiques syriennes (FDS) le 17 mars encore être discuté dans l’en - solution pour la gouvernance de dernier. Les représentants des semble du Rojava avant d’être l’ensemble du pays: «Nous pen - autorités de la Région fédérale approuvé. Après quoi, des élec - sons que le système fédéral est la ont justifié le choix de cette ville tions générales auront lieu dans meilleure forme de gouverne - par sa population multi ethnique les trois mois, élections dont des ment pour la Syrie», a-t-elle et multi confessionnelle, bien comités électoraux ont déjà com - déclaré. «Nous voyons que dans représentative de celle de l’en - mencé la préparation. de nombreuses régions du semble de la Région, qui com - monde, un cadre fédéral permet prend entre autres Kurdes, Le 13, Hediye Yusuf, co-prési - aux gens de vivre en paix et Arabes, Turkmènes et chrétiens. dente de l’Assemblée constituan - librement à l’intérieur des fron - Le vendredi précédent 1 er juillet, te du « système fédéral du tières territoriales du pays. Les • 2 • Bulletin de liaison et d’information n° 376 • juillet 2016 habitants de la Syrie peuvent cial des Nations Unies, Staffan toujours âprement disputé entre aussi vivre librement en Syrie. de Mistura, à propos de la popu - les FDS et les djihadistes. Le 3, Nous ne permettrons pas que la lation kurde de Syrie: celui-ci a Daech avait avancé dans un Syrie soit divisée; tout ce que en effet publiquement déclaré quartier du sud de la ville et nous voulons est la démocratisa - que les Kurdes représentaient repris un village au Nord-ouest tion de la Syrie ; ses citoyens doi - 5% de la population du pays, un de celle-ci, et les combats étaient vent vivre en paix, et jouir et ché - chiffre manifestement très sous- intenses autour du silo de la rir la diversité ethnique des évalué, puisque malgré l’absence ville. Les FDS affirment ne pas groupes nationaux qui habitent de statistiques récentes, experts avoir reculé, mais il est clair que le pays». Hediye Yusuf a égale - et géographes s’accordent à l’es - les combats sont très durs. Le 31, ment fait remarquer que si les timer à environ 15%. Les respon - les FDS ont annoncé contrôler États-Unis et d’autres membres sables kurdes n’ont pu que mani - 40% de la ville et poursuivre leur de la coalition anti-Daech coopé - fester leur étonnement et faire avancée. raient militairement avec les état de leur espoir que l’envoyé FDS, aucun n’avait politique - spécial des Nations Unies pren - Comme cela était déjà clair après ment soutenu l’établissement de drait soin à l’avenir de recueillir les différents attentats qui ont eu leur région fédérale. Les autori - les données nécessaires à l’ac - lieu récemment en Europe, le fait tés prévoient donc de poursuivre complissement dans de bonnes que les djihadistes perdent du l’action diplomatique en ce sens conditions de sa mission… terrain sur le plan militaire ne – dans le cadre de celle-ci, est signifie malheureusement pas ainsi prévue d’ici trois mois l’ou - Ces avancées institutionnelles qu’ils ne constituent plus un verture d’un bureau de représen - dans l’établissement concret de danger hors des territoires qu’ils tation du Rojava aux États-Unis. la Région fédérale se poursui - contrôlent. Cela a été encore vent en parallèle avec la guerre démontré à Qamishlo avec l’at - La nécessité de mieux faire contre les djihadistes de Daech. tentat suicide le plus meurtrier connaître la situation des Kurdes Depuis le début du mois et suite dans la ville depuis le début de la en Syrie a été démontrée par la à l’opération lancée sur Manbij guerre civile en Syrie en mars teneur des déclarations faites le début juin, de violents combats 2011. Revendiqué par Daech, il a 29 juin dernier lors d’une confé - se sont déroulés à l’intérieur de fait le 27 au moins 48 victimes et rence de presse par l’envoyé spé - cette ville, dont le contrôle est plus de 140 blessés. KURDISTAN D’IRAK : GRANDES MANŒUVRES PRE-REFERENDUM À KIRKOUK n Irak comme en Syrie, Kurdistan d’Irak. Il prévoit la par - mination pour la Région du les Kurdes sont en pre - ticipation des peshmergas et le Kurdistan, la question du devenir mière ligne contre Daech. paiement de leur solde par les de la province de Kirkouk est reve - E Les peshmergas ne ces - Américains pour la durée de l’opé - nue sur le devant de l’actualité. Si sent de repousser des ration, et spécifie qu’ils se retire - le Kurdistan devait se séparer de attaques des djihadistes : à ront des territoires repris à Daech l’Irak, qu’adviendrait-il de Makhmour le 2, à l’ouest de une fois celle-ci terminée. Kirkouk ? Les Kurdes souhaitent Kirkouk deux jours plus tard, puis Cependant, ce dernier point étant intégrer la province à leur Région encore le 23. Le 21, c’est à Tell Afar, très sensible, le ministre des pesh - et voient la ville, qu’ils appellent la à l’ouest de Mossoul, que Daech a mergas a précisé le 23 que ce « Jérusalem kurde », comme sa utilisé des obus de mortier au chlo - retrait ne concernerait bien que « capitale naturelle », mais les re et que plusieurs peshmergas ont l’opération et la région de autres composantes de la popula - dû être hospitalisés. Mais il semble Mossoul, et en aucun cas l’en - tion, Turkmènes et Arabes, sont que la grande opération pour semble des territoires repris à d’avis plus partagés. Le gouverne - reprendre Mossoul s’approche : le Daech depuis 2014 – ni ceux dont ment régional du Kurdistan (GRK) 31, l’ancien gouverneur de les peshmergas avaient pris le ne cesse de répéter que les droits Mossoul a déclaré qu’elle pourrait contrôle à cette date pour empê - des populations turkmènes et être lancée en septembre. Dès le 12 cher Daech de s’en emparer : on arabes sunnites seraient mieux res - juillet, en préparation, un accord pense évidemment à la région de pectés dans la région du Kurdistan militaire ( Memorandum of Kirkouk… que dans un Irak chiite, espérant Understanding ) avait été signé avec que la province décidera majoritai - l’approbation de Bagdad entre les Alors que Massoud Barzani a pro - rement de s’intégrer au GRK. Et, États-Unis et la Région du posé un référendum d’auto déter - alors que l’on craint que l’attaque n° 376 • juillet 2016 Bulletin de liaison et d’information • 3• sur Mossoul ne provoque un nou - qu’une réunion de donateurs à donnant les moyens légaux de vel afflux de déplacés, jusqu’à Washington a promis 5,2 mil - créer des régions semi-autonomes deux millions, les autorités de la liards de dollars pour aider à la dotés de pouvoirs politiques et province se préoccupent du demi- reconstruction des zones reprises administratifs importants, une million de déplacés ayant fui à Daech, le dirigeant sunnite décision qui pourrait permettre Daech et qui se trouvent toujours Mashaan Al-Juburi a été jusqu’à aux sunnites de créer une Région sur leur territoire, en majorité des recommander aux donateurs similaire à celle du GRK. Le dépu - Arabes sunnites des régions de internationaux d’éviter de verser té kurde Arafat Karim a déclaré à Tikrit, Baiji, et Al-Anbar. Bien que leur aide au gouvernement mais ce propos qu’il s’agissait du pre - ces zones aient été depuis libérées de contacter directement les auto - mier pas vers «un système post- des djihadistes, seulement 20.000 rités locales concernées ! Peut-être fédéral, c’est-à-dire une confédéra - familles sont jusqu’à présent ren - en réponse, le ministre irakien des tion». L’Irak pourrait-il ainsi tenter trées chez elles. De nombreux Déplacements et des migrations a de proposer aux Kurdes une alter - déplacés se plaignent du manque déclaré le 26 à l’agence turque native «confédérale» à l’indépen - d’assistance du gouvernement Anatolie qu’environ un million de dance? central pour les réinstaller, et les déplacés avaient regagné leur autorités provinciales accusent à domicile… mais qu’il en restait Quoi qu’il en soit, la tenue même demi-mot Bagdad d’utiliser la plus de 3,7 millions. d’un référendum d’autodétermi - situation pour poursuivre la poli - nation n’est toujours pas assurée. tique d’arabisation engagée par En prévision du référendum, cha - A l’occasion de l’Aïd (fête de fin de Saddam Hussein – d’autant plus cun prend ses positions de départ: Ramadan) le 6, Massoud Barzani a que le Ministre de l’intérieur ira - ainsi Massoud Barzani a-t-il reçu à renouvelé son appel aux partis kien leur a déjà demandé deux Erbil le 7 juillet – pour la première politiques kurdes à se réunir pour fois d’attribuer des cartes de rési - fois depuis 16 ans ! – les dirigeants en discuter, exprimant aussi l’es - dents locaux aux déplacés. La du Front turkmène irakien (FTI), poir d’une avancée vers une solu - province a fini par lancer le 5 un avec lequel les relations étaient jus - tion au blocage politique et institu - ultimatum au gouvernement cen - qu’à présent plutôt tendues. Cette tionnel interne de la Région, qui tral pour qu’il «rapatrie» les formation politique de Kirkouk dure depuis octobre 2015. C’est déplacés sous un mois. Si la qui regroupe six partis turkmènes que, comme vient de le rappeler la constitution de 2005 statue qu’un défend officiellement (comme le Commission électorale du Irakien déménageant dans une gouverneur kurde de la province, Kurdistan, si elle peut technique - autre province peut y obtenir la Najmaddin Karim) la création ment organiser une telle consulta - résidence (et donc y voter), son d’une région semi-indépendante, tion sous quatre mois, elle ne peut article 140 prévoit un processus même si certains de ses membres juridiquement lancer le processus particulier dans les régions arabi - sont en faveur d’un rattachement avant que le Parlement ne le lui ait sées de force sous le régime baa - au Kurdistan. Une semaine plus officiellement ordonné par le vote thiste, comme Kirkouk : les ex- tard, le 13, ce sont les groupes poli - d’une loi: tant que le Parlement «colons» arabes doivent regagner tiques arabes de Kirkouk réunis au n’est pas remis en fonction, l’orga - leur région d’origine avec une sein du «Conseil de la République nisation du référendum est donc indemnité puis un référendum arabe d’Irak», qui ont rendu impossible. C’est ainsi que, le 12 doit décider du devenir de la publique une feuille de route pour juillet, le Gouvernement n’a pu région. Cependant, ce processus, la province qui donnerait des pou - prolonger comme il l’aurait sou - qui aurait dû se terminer en 2007, voirs administratifs égaux à ses haité la loi anti terroriste qu’il utili - n’est toujours pas arrivé à son trois principaux groupes ethniques se dans sa lutte contre Daech. terme, et le référendum n’a jamais et lui apporterait aussi une autono - Votée en 2006 et déjà renouvelée été organisé. On comprend donc mie élargie par rapport à pour deux ans, cette loi expirait le la méfiance des autorités de Bagdad… mais dans le cadre d’un 16. Consulté, le Conseil de la Kirkouk, qui indiquent par maintien en Irak. Cette position du Choura (sorte de Conseil d’Etat ailleurs qu’un accord avec Conseil pourrait avoir un impact consultatif), a finalement rendu Bagdad prévoyait bien que les important sur le résultat de toute une décision de non-renouvelle - déplacés regagnent leurs régions consultation: si la ville de Kirkouk ment, proposant comme substitut d’origine une fois Daech chassé. elle-même compte 50% de Kurdes, l’usage d’autres lois du Code La corruption pourrait aussi être sa population comprend aussi 20% pénal. Six partis de la Région en cause : alors que l’Union d’Arabes. Est-ce un hasard ? Le 26, kurde avaient publié une position Européenne vient d’attribuer à le Parlement irakien a approuvé commune pour s’opposer à toute l’Irak une aide de 104 millions un projet de loi augmentant les prolongation sans passage par le d’euros pour les déplacés, et compétences des provinces et leur Parlement. • 4 • Bulletin de liaison et d’information n° 376 • juillet 2016

KURDISTAN : NÉCESSAIRE (ET INTROUVABLE ?) UNITÉ KURDE lors que les Kurdes sont de la consultation de 2005, 99% Dohouk) défend l’élection au suf - confrontés à des oppor - des votants s’étaient prononcés frage universel – que, majoritaire, tunités politiques qui pour le « Kurdexit ». Une enquête il était certain de remporter – d’un A sont autant de défis, menée récemment par le cher - président aux pouvoirs impor - l’unité intra-kurde appa - cheur Deniz Ciftci sur les inten - tants. Aucun des deux camps ne raît plus que jamais comme une tions de vote dans la Région disposant d’assez de sièges au nécessité. Prenant la parole à Erbil montre que les différences portent parlement pour faire valoir son samedi 30 juillet durant une visite essentiellement sur la résolution point de vue, le status quo s’est au MERI (Middle East Research des problèmes politiques internes: imposé, mais au prix d’impor - Institute ), Mustafa Hijri, secrétaire 92% des votants se prononce - tantes tensions politiques général du Parti Démocratique du raient pour l’indépendance en cas internes, encore attisées par la Kurdistan d’Iran (PDKI), l’a rap - de nouveau référendum, mais à grave crise financière causée par pelé pour ce qui est du Kurdistan Sulaimaniya, un nombre plus le non-versement par Bagdad de oriental (Kurdistan d’Iran ou important des personnes interro - sa dotation budgétaire au Rojhelat ): «Nous avons besoin de gées souhaite que les problèmes Kurdistan, prévue par la l’unité kurde pour nous battre politiques internes soient résolus Constitution. Suite à des manifes - pour les droits civils et humains d’abord, en particulier la réactiva - tations et attaques de ses locaux des Kurdes en Iran». Pourtant, tion du parlement et la question où certains de ses cadres ont trou - cette unité apparaît d’autant plus de la présidence. Sinon, ils ne se vé la mort, le PDK a accusé le difficile à trouver que les enjeux rendraient pas aux urnes. mouvement Gorran d’avoir insti - politiques sont élevés. En cause gué les violences et, le 11 octobre bien sûr d’importants désaccords Il est vrai que les différends se 2015, a interdit à Yusuf internes entre forces politiques sont accumulés depuis un an, Mohammed Sadiq, Président du kurdes, mais aussi des acteurs lorsque la question de la prolon - parlement et membre de ce parti, extérieurs qui n’hésitent pas à les gation du mandat présidentiel n’a de regagner son poste à Erbil. utiliser pour leurs intérêts, et ce pu être résolue par la discussion Deux jours plus tard, le Premier d’autant plus que le rôle des entre partis politiques. Le mandat ministre Nechirvan Barzani Kurdes s’accroît dans un Moyen du président Massoud Barzani, (PDK) a suspendu de son gouver - Orient de plus en plus instable. déjà prolongé de deux ans par le nement les ministres Gorran, les L’appel à un referendum d’auto - parlement en 2013, est arrivé de remplaçant par la suite par des détermination lancé en février nouveau à expiration le 19 août membres de son parti. Le parle - dernier par le président Massoud 2015. La région se trouvait alors ment d’Erbil est donc hors session Barzani a probablement inquiété en pleine guerre contre Daech, depuis 10 mois, sans que les nom - de nombreux pays, et amplifié ces alors que le parlement d’Erbil breuses réunions des différents manœuvres visant à diviser les devait réviser la constitution qui partis politiques aient pu dégager Kurdes. Le Premier ministre ira - seule permettrait de décider la un compromis. Le PDK voulait un kien, Hayder Al-Abadi, a déclaré marche à suivre. Le Conseil de la nouveau cabinet excluant Gorran, que le moment choisi était «inop - Choura a émis l’avis que le prési - tandis que le président du parle - portun», le consul iranien a expri - dent actuel devrait rester en fonc - ment refusait de démissionner, mé l’opposition de son pays, et les tion jusqu’à de prochaines élec - l’UPK tentant de jouer les média - Etats-Unis ont réaffirmé leur sou - tions. Alors que la force de loi de teurs. Le 17 mai dernier, après un tien à un Irak fédéral… Et il est cet avis consultatif était mise en rapprochement UPK-Gorran offi - caractéristique que l’ancien cause par l’UPK et Gorran, le PDK cialisé par une cérémonie, les Premier ministre irakien Nouri a fait valoir qu’un vide politique deux partis ont annoncé la fusion Al-Maliki, membre du parti chiite juste à ce moment mettrait la prochaine de leurs groupes parle - Da’wa, ait le 17 juillet choisi de Région en danger, d’autant plus mentaires. Le 22 juin, ils ont visiter non pas Erbil, mais qu’il y avait désaccord sur le type annoncé former un nouveau Sulaimaniya, pour y rencontrer de régime à adopter : UPK et comité avec leurs membres pour des représentants de l’UPK et du Gorran (surtout puissants dans la créer des blocs de coalition dans parti d’opposition Gorran. province de Sulaimaniya) veulent les parlements d’Irak et du un président aux pouvoirs res - Kurdistan, et le 11 juillet, ils ont Si les politiques sont divisés, treints désigné par le parlement, annoncé la création à l’assemblée l’opinion publique est claire dans alors que le PDK (plutôt implanté provinciale de Sulaimaniya d’une son soutien à l’indépendance: lors dans les provinces d’Erbil et de coalition nommée «Hiwa» n° 376 • juillet 2016 Bulletin de liaison et d’information • 5•

(Espoir). Les désaccords concer - tion est adossée à la frontière ira - résoudre les problèmes est de nent aussi le contenu du référen - nienne… s’asseoir et négocier, mais cela dum: le PDK a annoncé le 18 sou - n’aura pas de résultats sans pré - haiter y inclure, en même temps Nul n’est plus conscient de la paration ». que la question de l’indépendan - nécessité de l’unité que les pesh - ce, la constitution provisoire. mergas actuellement en lutte Signe positif? Durant le mois de Gorran a déclaré lors d’une contre Daech sur un front de plus juillet, les positions semblent réunion avec l’Union Islamique de 1000 km: le 7 juillet, certains s’être quelque peu assouplies de du Kurdistan ( Yekgirtû-î Islamî ) d’entre eux postés sur le front de part et d’autre: dès le 4, l’UPK, que son leader, Nawshirwan Kirkouk ont déclaré à la chaîne de jouant les médiateurs, indiquait Mustafa, était d’accord pour rem - télévision kurde NRT qu’ils sou - que Gorran était prêt au compro - placer le Président du parlement haitaient que les responsables mis avec le PDK, notamment et soutenir le référendum. Mais politiques mettent fin à leurs pour sur la question du Président quid de la constitution ? Le PDK luttes internes et s’asseyent à une du parlement. A la fin du mois, le souhaite qu’elle donne beaucoup même table pour résoudre leurs chef de cabinet de la Présidence de pouvoirs au Président, Gorran différences, comme cela s’est fait du Kurdistan, le Dr. Fouad y est opposé… sur le champ de bataille: « Nous Hussein, a rencontré à sommes Kurdes de Jalawla [près Sulaimaniya le secrétaire général Ces tensions internes à la Région de Khanaqîn, à la frontière ira - du bureau politique de l’UPK, du Kurdistan vont de pair avec nienne] à Kobanê », a déclaré l’un Mala Bakhtyar, puis par deux fois des orientations différentes au d’entre eux. Le même jour, plu - le coordinateur général de niveau régional, notamment pour sieurs partis de la Région du Gorran, Nawchirwan Mustafa. Le les relations avec le « Rojava » Kurdistan d’Irak ont aussi lancé samedi 30, le Président du parle - (Kurdistan de Syrie): contraire - un appel à un retour aux négocia - ment a annoncé qu’il était prêt à ment au PDK, l’UPK reconnait tions pour résoudre les différends quitter son poste si cela pouvait l’administration PYD du Rojava, politiques au Kurdistan irakien: faire baisser les tensions et rame - qui a un bureau à Sulaimaniya, « [Les partis politiques] doivent ner un système de gouvernance tandis que le PDK conserve des être unis et solidaires » a déclaré plus stable et démocratique. De liens privilégiés avec le Conseil Mahmoud Sangawi, un membre son côté, Sarbast Lezgin, un diri - National Kurde de Syrie (CNK), du Bureau politique de l’UPK. Ali geant du PDK, déclarait que son formé en octobre 2014 et compre - Hussein, membre de la direction parti était prêt à négocier un nou - nant 15 partis, qui est dans l’op - du PDK, a déclaré de son côté: vel accord inter-partis qui per - position au PYD. Conséquence, si « Nous espérons que tous les [par - mettrait de réactiver le les relations avec la Turquie sont tis] tiendront compte des intérêts Parlement. Dans l’intérêt de la bonnes pour le PDK, installé au du peuple du Kurdistan », alors Région du Kurdistan, on ne peut nord du Kurdistan irakien, elles que Karwan Hashim, un membre qu’espérer que ces déclarations sont plus tendues avec l’UPK et du Conseil national de Gorran, seront rapidement suivies d’effets Gorran, dont la zone d’implanta - déclarait: « La seule façon de concrets.

IRAN : LA REPRISE DE LA LUTTE ARMÉE AU KURDISTAN SUSCITE DES TENSIONS RÉGIONALES e commandant en second intervient quelques jours après que Parallèlement, le représentant du des Gardiens de la le GRK a demandé la fin des bom - GRK à Téhéran, Nazim Dabbagh, a Révolution iraniens, le bri - bardements iraniens sur son sol. Le déclaré avoir été informé par les L gadier général Hossein GRK a réagi avec force en condam - autorités iraniennes que ces déclara - Salami, a le 2 juillet lancé nant ces remarques et menaces, tions ne visaient pas la Région du un avertissement apparemment des - «contraires aux relations amicales» Kurdistan mais les groupes menant tiné aux responsables politiques du entre Iran et Kurdistan d’Irak. Deux des attaques contre l’Iran. Cet inci - Kurdistan irakien, pour qu’ils «res - jours plus tard, les consuls iraniens dent s’est produit au moment où des pectent leurs engagements à l’égard au Kurdistan ont tenté de désamor - discussions reprenaient entre le GRK de la sécurité de l’Ouest de l’Iran», cer les tensions en réduisant ces et la République islamique à propos menaçant dans le cas contraire de échanges acerbes à un «malenten - d’un projet de pipeline qui permet - lancer des opérations sur le territoire du», ajoutant que «le gouvernement tra à la Région du Kurdistan d’ex - du Gouvernement régional du iranien ne menacerait jamais la porter vers l’Iran 250.000 barils par Kurdistan (GRK). Cette déclaration Région du Kurdistan ». jour. Le pétrole parti de Koya sera • 6 • Bulletin de liaison et d’information n° 376 • juillet 2016 raffiné à Kermanshah, au Kurdistan de missiles et d’artillerie. Selon par la police en milieu de mois, et d’Iran. Bien que ce projet ait été l’agence Kurdpa , des unités de la bri - deux autres le 24 près de Chaldoran lancé en 2014, après que le gouver - gade Al Qods ont également repris (Chaldiran) par des garde-frontière, nement central ait cessé de payer le la pose de mines au Kurdistan ira - tandis que 3 autres étaient grave - budget fédéral au GRK, Bagdad y a nien près de la ville de Meriwan. Il ment blessés. Parallèlement, la exprimé son soutien, à condition que s’agit de mines russes, petites mais répression des intellectuels se pour - le pétrole de Kirkouk soit inclus très dangereuses, qui viennent suit : le 27, le lettré sunnite kurde dans le «deal». Du point de vue du s’ajouter aux centaines d’engins non Shahram Ahmadi a été condamné à GRK, ce pipeline permettrait de explosés datant de la guerre Iran- mort lors d’un procès qui n’a duré diversifier les voies d’exportation Irak. Le dimanche 10, le PDKI a que quelques minutes et a confirmé par rapport à Ceyhan en Turquie, et appelé par des tracts distribués la sentence rendue en 2012 par la peut-être d’obtenir des paiements dans plusieurs villes du Kurdistan Cour révolutionnaire. Ahmadi avait plus rapides : les paiements de d’Iran et sur les médias et réseaux été arrêté en 2009 durant la visite au Ceyhan passent par Bagdad d’où sociaux les commerçants à baisser Kurdistan d’Iran du Guide suprême des délais très importants. Un autre leur rideau toute la journée du 13 en Ali Khamenei, et avait été blessé par point devant être discuté entre signe de protestation contre la poli - arme à feu lors de son arrestation. Kurdes et Iraniens est la gestion de tique de terreur de l’Etat. Le PDKI a Le 18, le Président iranien Rouhani leur frontière commune. indiqué que de nombreuses arresta - s’est à son tour rendu en visite offi - tions de civils innocents – estimés à cielle au Kurdistan d’Iran, où il a été Suite à ces échanges, le Parti démo - une trentaine – avaient eu lieu accueilli par un très petit nombre cratique du Kurdistan d’Iran durant les derniers jours, et que des d’habitants et par… des slogans de (PDKI) a annoncé dès le 3 qu’il allait Gardiens de la révolution lourde - protestation. Sa visite a été ponctuée renforcer la sécurité de ses bases au ment armés avaient été déployés en d’affrontements entre protestataires Kurdistan d’Irak, et répondrait à nombre dans toutes les villes du et forces de sécurité dans plusieurs toute attaque iranienne. Il a égale - Kurdistan. Cette journée de grève villes du Kurdistan, mais aussi du ment annoncé qu’il allait rencontrer correspond également à l’anniver - Balouchistan et d’Ahwaz. le KCK (une organisation fondée saire de l’assassinat en 1989 par des par le PKK pour coordonner les envoyés de la République islamique Ce même jour, Amnesty International partis suivant les propositions de du leader du PDKI Abdulrahman a lancé un avertissement à l’Iran à « confédéralisme démocratique » Ghassemlou. propos de sa politique à l’égard des d’Abdullah Öcalan) pour renforcer prisonniers, accusant le régime de leur coopération. Celle-ci pourrait Parmi les exemples de la répression profiter des problèmes de santé des suivre avec le PJAK (Parti pour une vécue au quotidien par les résidents prisonniers politiques pour les vie libre au Kurdistan), membre du du Kurdistan d’Iran, on peut citer le contraindre au silence en leur KCK, qui compte environ 3000 problème récurrent des kolbars. Il déniant les soins médicaux. Dans combattants, dont la moitié sont des s’agit de porteurs kurdes transpor - son rapport intitulé «La santé en femmes. Le 6, diverses sources ont tant pour vivre des charges entre otage: déni de soins médicaux dans fait état d’un renforcement du dis - Iran et Irak. Considérés par les poli - les prisons iraniennes» ( Health taken positif militaire frontalier iranien ciers iraniens comme des contre - hostage: Cruel denial of medical care in face à la ville kurde irakienne d’Haji bandiers, ils sont régulièrement Iran’s prisons , accessible en ligne), Omran. L’Iran a remplacé la police arrêtés et parfois exécutés. Selon l’organisation rend compte de nom - des frontières par des troupes d’in - l’agence HRANA ( Human Rights breux cas d’abus intentionnels à fanterie des Gardiens de la révolu - Activists News Agency ), deux kolbars l’égard de prisonniers politiques et tion, lourdement armées de tanks, de la région de Sardasht ont été tués de conscience.

TURQUIE : APRÈS L’ÉCHEC PUTSCH MILITAIRE, LE COUP D’ÉTAT CIVIL PEUT-IL ÊTRE ARRÊTÉ? a tentative de coup d’État les événements ont fourni à celui- cela montre que le chemin suivi qui s’est produite dans la ci une parfaite opportunité pour par le gouvernement après l’échec nuit du 16 au 17 juillet accélérer encore sa marche vers un des militaires putschistes avait L n’a pas ralenti le train pouvoir toujours plus total. En déjà été engagé durant les quinze des mesures de contrôle rendant compte des événements jours précédents. prises en continu par le gouverne - du mois, il importe donc de ne pas ment AKP sur les ordres du prési - oublier ce qui s’est passé avant Ainsi, tard le soir du jeudi 30 juin, dent Erdoğan. Bien au contraire, cette fameuse nuit du 16 au 17, car le parlement turc a voté une loi n° 376 • juillet 2016 Bulletin de liaison et d’information • 7• restructurant le système judiciaire, tions provoquées par les opéra - ayant déclaré: « Il est inacceptable dont le contenu a fait craindre aux tions militaires au Kurdistan de que le Parlement européen se livre opposants à Erdoğan qu’il n’ag - Turquie. Signée par son président à la propagande pour une organi - grave encore sa mainmise sur Denis de Kergolay, la lettre déclare sation terroriste qui prend pour celui-ci: la nouvelle loi révoquait notamment: «Un exemple impor - cibles quotidiennement des en effet la plupart des 711 juges de tant concerne la ville fortifiée de citoyens turcs ». la Cour suprême d’appel et du Sur, centre historique de Conseil d’Etat (instance compéten - Diyarbakir, déclaré site de conser - Le jeudi 14, le gouverneur provin - te pour les plaintes des citoyens vation historique depuis 2012 et cial a imposé un couvre-feu conti - contre le gouvernement), donnant […] site du patrimoine mondial nu sur 16 villages de la région de aussi à Erdoğan le pouvoir de par l’UNESCO depuis 2015, [où] Silvan, tandis que le ministère de nommer un quart des juges de ce selon une loi adoptée fin mars l’Intérieur ordonnait de démettre Conseil. Ce vote faisait suite aux 2016, la grande majorité (plus de les deux co-maires de la ville de importants changements apportés 80%) des bâtiments doit être Mazıdağı dans la province de le mois précédent à la composition expropriée. […] Des zones impor - Mardin, accusés de soutenir les du Haut Conseil des juges et pro - tantes ont été rasées au bulldozer rebelles kurdes. Un procureur a cureurs, qui nomme également et transformées en terrains vagues lancé une enquête après qu’un une partie des juges du Conseil et en rues vides, dans des quartiers véhicule municipal aurait été utili - d’Etat, avec le transfert de 3.700 où se trouvaient des centaines de sé le 9 juillet dans une attaque à la juges et procureurs. Le CHP (Parti sites du patrimoine culturel. Plus voiture piégée sur une gendarme - républicain du peuple, opposition de vingt-cinq mille personnes ont rie qui avait tué deux soldats et kémaliste) a annoncé qu’il allait dû trouver refuge en dehors de la blessé 12 autres. Durant les 12 der - lancer un appel contre cette loi ville. Des dizaines de monuments niers mois, 22 maires, tous devant la Cour constitutionnelle, historiques ont été endommagés membres du Parti démocratique mais il a peu de temps pour le ou détruits, y compris l’église St. des régions (DBP), ont été empri - faire, car une fois les nouvelles Guiragos, dont la restauration sonnés et 31 autres démis pour nominations effectuées par le Haut exemplaire avait reçu en 2015 un leur soutien présumé au PKK – Conseil, même un appel recevant Prix européen du patrimoine attri - avec lequel le DBP nie toute colla - une réponse positive ne pourra les bué conjointement par l’Union boration. annuler. Pourtant, la justice fonc - européenne et Europa Nostra ». Les tionne déjà bien dans le sens sou - auteurs demandent à l’UNESCO Dans la nuit du 15 au 16 juillet, haité par le Président turc. Pour ne de rappeler à ses obligations le une partie de l’armée turque a prendre qu’un exemple, six ensei - pays hôte du Comité du patrimoi - lancé une tentative de coup d’Etat gnants de l’université de Mersin ne mondial et invitent les autorités militaire contre le gouvernement ont vu le 8 leur contrat supprimé, compétentes en Turquie à respec - élu de M. Erdoğan. Les forces certains inculpés des charges deve - ter les droits de l’homme des habi - aériennes semblent y avoir joué un nues habituelles de «insulte au tants et les normes de réhabilita - rôle important, les événements président» ou «propagande terro - tion du patrimoine en adoptant ayant commencé vers 22h par des riste» simplement pour des mes - «une approche participative et survols d’hélicoptères et d’avions sages sur les médias sociaux criti - d’étroite coopération avec les militaires à Ankara et Istanbul. quant la politique du gouverne - municipalités concernées, les orga - Des tanks sont également apparus ment! L’un d’eux a été inculpé nisations professionnelles et les dans les rues et des soldats ont pris comme président d’une ONG sou - habitants». Malheureusement, la position à Taksim et sur les ponts tenue par la municipalité HDP Turquie n’est guère connue pour du Bosphore à Istanbul. Les mili - d’Akdeniz. Les accusés risquent son approche participative vis-à- taires putschistes ont pris le de 15 à 20 ans de prison… vis de ses citoyens. Le 11, l’organi - contrôle de la télévision publique sation Human Rights Watch a rap - jusqu’à 2h du matin, diffusant un Toujours le 8, deux jours avant pelé que le pays n’avait toujours communiqué proclamant la loi l’ouverture à Istanbul de la 40 ème pas autorisé l’accès des enquêteurs martiale et un couvre-feu sur tout session du Comité du Patrimoine des Nations Unies à sa région le territoire. À Ankara le parle - Mondial, l’organisation Europa kurde. Par contre, la Turquie a ment turc, le palais présidentiel et Nostra , Fédération européenne des vivement réagi le 12 à une exposi - la résidence du Premier ministre organisations du patrimoine cultu - tion photographique sur les YPJ et ont été bombardés par plusieurs rel basée à La Hague, a écrit à YPG (combattants kurdes de Syrie, avons de chasse, ainsi que le quar - Mme Irina Bokova, Directrice femmes et hommes) organisée au tier général des Forces spéciales à générale de l’UNESCO, pour atti - Parlement européen, le porte- Gölbaşı par un hélicoptère qui a rer son attention sur les destruc - parole présidentiel Ibrahim Kalin tué 57 policiers. Cependant le pré - • 8 • Bulletin de liaison et d’information n° 376 • juillet 2016 sident Erdoğan, en vacances dans Aucun des partis d’opposition ne versités publiques comme privées, un hôtel de la station balnéaire de s’est solidarisé avec les putschistes. et a interdit les voyages des uni - Marmaris, a échappé (semble-t-il Dès le lendemain de la tentative, les versitaires à l’étranger « pour évi - de justesse) à l’arrestation et pro - deux co-présidents du HDP, Figen ter la fuite de complices ». bablement à la mort, réussissant Yüksekdağ et Selahattin Demirtaş, Continuant et amplifiant les finalement à regagner Istanbul en ont publié une déclaration intitulée mesures de rétorsion prises avant avion vers 4h30 malgré deux tenta - « La seule solution est une politique la tentative de putsch, l’université tives d’interception par des avions de démocratie ! »: « Dans ces jour - d’Istanbul a privé de leur poste 95 putschistes. Depuis l’aéroport, il a nées difficiles et critiques que tra - universitaires. Le 23, le premier appelé sur son téléphone portable verse la Turquie, quelle que puisse décret présidentiel après l’imposi - ses partisans à descendre dans la en être la raison, personne ne doit tion de l’état d’urgence a ordonné rue, accusant du putsch le réseau se substituer à la volonté du la fermeture de 1.043 écoles pri - des partisans du prédicateur peuple. Le HDP est opposé à toute vées, 1.229 associations caritatives Fetullah Gülen, son ancien allié en forme de coup d’État en toutes cir - et fondations, 19 syndicats, 15 uni - exil aux Etats-Unis depuis 1999. À constances et par principe. La versités et 35 institutions médi - Istanbul et Ankara des affronte - Turquie doit immédiatement adop - cales, toutes suspectées de liens ments ont opposé militaires put - ter une démocratie pluraliste et avec les gülénistes. Le décret a schistes et loyaux et partisans libérale, la paix intérieure et exté - aussi fait passer la durée de garde d’Erdoğan. Vers 5h30, des F-16 rieure, les valeurs et conventions à vue de 4 à 30 jours. M. Erdoğan a loyalistes ont bombardé des chars démocratiques universelles. Il n’y a indiqué convoquer une réunion du rebelles aux abords du palais pré - pas d’autre chemin que celui d’une Conseil militaire suprême pour le sidentiel. politique de démocratie ». Mais 28 au palais présidentiel (et non au Erdoğan ne semble pas avoir choisi GQG de l’armée comme d’habitu - Au petit matin, 200 militaires put - cette voie. Dès le 17, il a parlé de de). Le décret doit être approuvé schistes se sont rendus aux forces réintroduire la peine de mort – le par le Parlement à la majorité loyalistes. D’après des chiffres HDP précisant qu’il s’y opposerait. simple (que les députés AKP pos - donnés dès le lendemain par le Puis le 20, le Conseil des ministres a sèdent) pour prendre force de loi. chef d’état major des armées, 104 instauré pour trois mois un état putschistes ont été abattus et plus d’urgence qualifié par le président Très vite mis en cause par de 2.800 militaires arrêtés, dont le Erdoğan de « nécessaire pour éra - Erdoğan, le prédicateur Fetullah général Erdal Özturk, comman - diquer rapidement tous les élé - Gülen a nié le 18 toute implication dant de la 3e armée. Le Premier ments de l’organisation terroriste dans la tentative de coup d’État ministre Binali Yildirim a de son impliquée dans la tentative de coup qui, si elle n’a impliqué qu’une côté chiffré le bilan des affronte - d’État », qui permettra au président minorité de militaires, semble ments à 265 morts et 1.440 blessés, de suspendre les droits élémen - avoir dépassé un groupe unique. dont un nombre indéterminé de taires et de légiférer par décrets Une frange kémaliste de l’armée civils, et a annoncé l’arrestation de sans passer par le parlement. Le pourrait s’y être trouvée en com - 2.839 militaires. Le 27 juillet, l’état- vice-Premier ministre turc, Numan plicité objective avec des groupes major des forces armées a établi le Kurtulmuş, a annoncé que la gülénistes, mais l’organisation compte de personnel militaire Turquie, en application de son brouillonne de l’opération pourrait impliqué dans le putsch à 8.651 article 15, dérogerait durant cet état aussi signifier que les putschistes militaires (soit 1,5% environ des d’urgence à la Convention euro - ont agi pour devancer une purge effectifs) disposant de 35 avions péenne des droits de l’homme. en préparation contre eux dont ils dont 24 avions de combat, 37 héli - auraient été informés tardivement. coptères, 37 chars, 246 véhicules Fin juillet, le nombre de personnes Vu la rapidité et l’ampleur des blindés et trois navires de la mari - suspendues ou arrêtées depuis le arrestations lancées dès le lende - ne. La cause principale de l’échec coup était estimé à 50.000: soldats, main de la tentative ratée, l’hypo - des putschistes est clairement que policiers, juges, fonctionnaires, thèse d’une telle purge paraît vrai - l’ensemble de l’armée ne les a pas enseignants… 99 généraux (sur les semblable. Dès le surlendemain de suivis. Les autorités judiciaires ont 360 que compte le pays) ont été la tentative de putsch, l’agence annoncé que 2.745 juges dans tout formellement inculpés pour leur d’Etat Anatolie annonçait que les le pays allaient être démis de leurs rôle dans la tentative, 14 autres procureurs avaient lancé dans tout fonctions. D’après la chaîne de étant toujours en détention. Le le pays des mandats contre 2.745 télévision turque NTV, Alparslan Haut Conseil de l’Education turc a juges et procureurs. Comme l’ont Altan, l’un des 17 juges de la Cour suspendu 4 recteurs d’université, écrit de nombreux universitaires constitutionnelle, a été placé en ordonné la démission de 1.577 dans une lettre diffusée par le détention. doyens de facultés, dans des uni - HDP et adressée le 24 à Federica n° 376 • juillet 2016 Bulletin de liaison et d’information • 9•

Mogherini et Thorbjørn Jagland, PKK, est détenu depuis 1999, et qué les émeutiers soutenant l’AKP, Secrétaire Général du Conseil de prévu d’inciter le PKK et les alévis dont les plus extrémistes ont lyn - l’Europe: « Les listes de personnes à attaquer les autres Turcs, provo - ché de malheureux conscrits, à arrêter étaient prêtes avant quant une guerre civile dans le exprimant son inquiétude que les même que le Coup d’Etat n’ait été pays (le HDP a d’ailleurs demandé quartiers alévis, kurdes et de lancé», précisant également: l’accès à l’île pour vérifier l’état de gauche ne deviennent des cibles « Certains rapports font état que santé d’Öcalan, au secret depuis pour leur violence et déclarant : les personnes emprisonnées ne plusieurs mois). Le même docu - « La menace de coup d’État ne peuvent trouver d’avocat, person - ment déclare que le PKK devait prendra pas fin aussi longtemps ne n’osant accepter de les défendre lancer des attaques contre le HDP. que la question kurde ne sera pas de peur de se trouver inclus à son Le co-président du HDP, résolue dans la paix, qu’une tour dans la purge ». Le tour pris Selahattin Demirtaş a parlé de démocratie institutionnelle et une par les événements est donc extrê - « tentative de coup de putschistes constitution libérale ne seront pas mement inquiétant, et comme l’ont contre des putschistes », caractéri - en action. Mais je pense qu’il y a écrit plusieurs organes de la presse sant la politique d’Erdoğan une très faible probabilité [que cela internationale « peut-être plus pré - comme «un coup d’Etat civil pour se produise] parce que l’AKP a occupant que la tentative de coup gouverner la société par des élec - toujours utilisé ces opportunités d’Etat elle-même ». La réponse tions tenues suite à la guerre, à la pour consolider son propre pou - d’Erdoğan, très disproportionnée, violence, à des bombardements voir et non en faveur de la démo - ressort clairement d’un « putsch des villes – tout autant illégal que cratie ». civil », faisant aussi appel aux la tentative des putschistes de informations les plus délirantes, prendre le pouvoir par des En effet, des mandats d’arrêt ont comme cette circulaire diffusée moyens militaires, avec des chars été émis le 25 contre 42 journa - dans toutes les provinces par le et des fusils ». Il a également relevé listes, puis de nouveau le 27 contre bureau de la sécurité générale que la guérilla kurde s’était abste - 47 ex-employés du quotidien accusant les gülenistes d’avoir pré - nue de profiter de la situation pour Zaman . Le lundi 26, Erdoğan avait paré une attaque sur l’ile d’Imrali renforcer ses positions sur le ter - reçu les partis d’opposition… à où Abdullah Öcalan, le leader du rain. Demirtaş a également criti - l’exclusion du HDP. Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti Plus de 30 morts dans un attentat suicide 5 juillet 2016 dans la ville syrienne d'H assëké^^^^fl

05.07.2016 www.fr.sputniknews.com Daech ont été délogés entièrement d'Hassaké en juillet 2015. La ville est contrôlée principalement n kamikaze s'est fait exploser dans la ville par les Forces démocratiques syriennes (FDS), Ud'Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, fai­ kurdes pour l'essentiel. sant au moins une trentaine de morts et plu­ La Syrie est le théâtre d'un conflit armé sieurs blessés. depuis mars 2011. Selon l'Onu, dont les dernières L'explosion a eu lieu dans le quartier d'AI- statistiques remontent à 18 mois faute de don­ Salakhia, a rapporté une source kurde à Sputnik. nées, cette guerre a déjà fait plus de 250.000 Le kamikaze aurait utilisé une ceinture d'explosifs, morts et poussé des millions de personnes à l'exil. a précisé la source. En 2014, le groupe djihadiste Daech a com­ Selon l'agence SANA, l'explosion aurait fait mencé à intensifier son activité dans la région du quatre morts et au moins 15 blessés dont certains Proche-Orient en cherchant à créer un califat sur grièvement. les territoires irakiens et syriens tombés sous son Les terroristes de Daech ont revendiqué l'at­ contrôle. Selon les données de la CIA, près de taque. 30.000 personnes venant de 80 pays du monde La ville d'Hassaké, à majorité kurde, se trouve combattent aujourd'hui dans les rangs du groupe Une explosion à Hassaké, capture d’écran à 612 kilomètres de Damas. Les terroristes de Daech. • de □@dilkocer

£ t M m à t VENDREDI l eR JUILLET 2016 Entre les Kurdes et l’EI, Ankara piégé par le conflit en Syrie Le gouvernement turc ne peut à la fois mener une guerre Istanbul - correspondante totale contre le PKK et contenir la menace djihadiste e 29 juin a été déclaré jour de tentats non revendiqués mais tou- et policières, et par des accrocha* d’exercer une pression trop forte deuil national en Turquie. A jours attribués d’office à Torganisa- gés presque quotidiens dans les sur les djihadistes ou chercher L Istanbul et ailleurs, les om- tion Etat islamique (El) par les maquis du pays kurde. une sortie de conflit avec le PKK et niprésents drapeaux rouges trap- autorités que sur les intentions Moment de basculement pour trouver un modus vivendi avec pés de l’étoile et du croissant ont d’Ankara vis-à-vis des djihadistes. la Turquie, premier d’une succès- ses alliés kurdes syriens. Rien été mis en berne mercredi pour sa-^ La Turquie a rejoint la coali- sion d’attaques attribuées à TEI n’indique, au contraire, que la luer la mémoire des 41 personnes tion internationale contré TEI mais jamais revendiquées, fatten- Turquie ait choisi cette voie, tuées dans le triple attentat perpé- en août 2015, à la suite de l’atten- tat de Suruç et ses suites ont per-. Par ailleurs, les opérations que tré la veille à l’aéroport Atatürk tat de Suruç, à la frontière syro- mis à Ankara de défendre l’idée les forces turques mènent à un d’Istanbul. Cës démonstrations de turque, le 20 juillet, qui avait qu’elle se trouvait confrontée à rythme plus soutenu contre les deuil collectif ne suffisent pas à visé des militants pro-Kurdes une menace terroriste identifiée cellules djihadistes - qui ont masquer le trouble qui travaille un sur le point de se rendre dans la dans un même mouvement aux prospéré sur son territoire à la fa- pays affecté en profondeur par les ville kurde syrienne de Kobané. rebelles kurdes et à TEI. Bien que le veur de la guerre qui fait rage en débordements du conflit syrien. Ayant fait 32 victimes, cette atta- discours officiel qui relayait cette Syrie voisine, où la Turquie sou- Le premier ministre, BinaliYildi- que était intervenue peu après conception du conflit en cours ait tient des groupes armés d’inspi- rim, Ta annoncé dans la nuit de que la branche légale du mouve- placé les uns et les autres sur le ration islamiste contre les Kur- mardi à mercredi : l’attentat porte- ment kurde avait obtenu un suc- même plan, la Turquie a montré des et le régime de Damas - et la raitla« marque de Daech». Aucune cès historique aux élections gé­ quelles étaient ses priorités. réponse graduée d’Ankara aux nérales de juin, empêchant tirs de roquette vers son terri- l’AKP, le parti conservateur au Base arrière.des djihadistes toire depuis des positions de TEI La Turquie pouvoir, de gouverner seul. Engagé dans une guerre totale proches de sa frontière n’indi- L’aile armée du mouvement contre le PKK sur son propre terri- quent pas encore une volonté a toujours affiché kurde, le Parti des travailleurs du toire, Ankara n’est pas à propre- réelle de changer de cap. La Tur- son hostilité Kurdistan (PKK), avait alors dé­ ment parler intervenu contre TEI quie est, depuis le déclenche- aux avancées noncé l’attentat de Suruç comme en Syrie. Au contraire, la Turquie ment du conflit syrien, une voie une manipulation d’Ankara de­ s’est montrée systématiquement d’accès vers la Syrie et une base des forces kurdes vant être vengée par les armes, hostile aux avancées des forces arrière de fait pour les djihadis- face à l’EI rompant ainsi le processus de paix kurdes syriennes face aux djiha- tes. Les conséquences de cette en cours avec l’Etat turc depuis distes. Placées de fait sous le con- réalité ne peuvent être renver- revendication n’a pourtant été 2013. Dans les jours suivant, le sud- trôle du PKK, dénoncées comme sées immédiatement. émise par cette organisation djiha- est du pays, à majorité kurde, som- « terroristes » par Ankara, elles se Aussi, si les efforts spectaculai- diste, généralement prompte, brait dans une nouvelle guerre trouvent être les meilleures al- res d’Ankara pour renouer des comme pour Orlando et Magnan- qui, un an plus tard, s’est traduite liées au sol de la coalition interna- liens avec Israël et la Russie dé- ville, à s’arroger la responsabilité par la destruction de quartiers en- tionale contre TEI en Syrie. notent déjà d’un redéploiement de tous les actes, même isolés, tiers dans des affrontements de Combattre à la fois TEI et l’un de de sa stratégie régionale, le piège commis en son nom. En Turquie, rue entre forces turques et guérilla ses pires ennemis, le PKK, est im- syrien dans lequel s’est enferrée c’est la confusion qui prévaut, kurde, par des attentats réguliers possible. La Turquie est donc mise la Turquie pourrait être plus dé- aussi bien sur les causes de tels at- du PKK visant des cibles militaires. en demeure de choisir: éviter licat à désamorcer. - (Intérim.) m 1 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

i C ^ l ï O T l d C MERCREDI 6 JUILLET 2016 BAGDAD, APRÈS L’HORREUR

ÉDITORIAL bruit d’avions ou d’hélicoptères qui se rap­ nord, sera à son tour la cible de l’alliance M prochent. Pas moyen d’esquiver le souffle, des forces de la reconquête: armée ira­ omment se refuser à la banalisa­ puis la boule de feu qui se dégagent du ca­ kienne, puissantes milices chiites, forces tion? L’attentat au camion piégé mion piégé, bourré d’explosifs, que les kurdes, l'ensemble appuyé par l’aviation perpétré, samedi 2 juillet, en plein tueurs en série de l’organisation dite « Etat américaine. Mais l’EI dispose de cellules C islamique » (El) ont garé un peu plus tôt terroristes ici et là, qu’elle peut encore acti­ cœur de Bagdad, la capitale irakienne, a fait près de 220 morts et autant de blessés. Il a dans la rue. Rien n’a été laissé au hasard. ver. Elle va sans doute perdre «la guerre détruit des immeubles sur plusieurs mè­ Les extrémistes sunnites ont choisi une des des villes». Elle ne sera plus un erzatz tres, réduit à néant nombre de commerces artères les plus commerçantes d’un quar­ d’Etat, elle redeviendra un mouvement de et ravagé un peu plus encore une ville satu­ tier chiite, au moment où les familles font guérilla. La défaite militaire de l’EI ne met­ rée de violences. Mais les bilans humains et les courses pour la fête de la fin du rama­ tra pas fin à sa pratique du terrorisme dji- matériels ne disent pas toute l’horreur dan. Ils ont choisi de tuer ou de mutiler le hadiste. d’une des pires formes de terrorisme qui plus d’enfants et de femmes possible. Celle-ci se nourrit de la faillite d’un Etat soit. On sait leurs « raisons ». L’EI est sur la dé­ central majoritairement contrôlé par les C’est comme avec la torture. Pour se figu­ fensive. Il est progressivement chassé des chiites d’Irak (la branche minoritaire de l’is­ rer l’ampleur du crime, il faut entrer dans territoires qu’il a saisis en Irak et en Syrie à lam) et qui a marginalisé la minorité sun­ les détails. Il faut regarder les images de l’été 2014. Il vient de perdre, fin juin, la nite du pays. En multipliant ces dernières cette artère commerçante du quartier de grande ville sunnite de Fallouja, à quelque semaines les attentats dans des quartiers Karrada, où, ce soir-là, au moment de la 60 kilomètres de Bagdad, après avoir dû cé­ chiites, l’EI entend susciter la réplique des rupture du jeûne de ramadan, déambu­ der plusieurs autres localités importantes. milices chiites contre les sunnites. Il perpé­ laient des centaines de passants en famille. Cette reconquête permet de démanteler tue ainsi cette guerre civile religieuse qui Ici, on n’a pas assez d’argent pour disposer peu à peu ces structures para-étatiques de lui permet de se présenter comme « protec­ d’un générateur pour l’air conditionné à la l’EI qui en font un mouvement terroriste à teur » des sunnites d'Irak... maison. Le soir, la population échappe à la part, prétendant administrer des villes et . La vraie victoire sur l’EI ne viendra chaleur estivale de Bagdad en envahissant un territoire. Elle diminue aussi son poten­ qu’avec l’instauration à Bagdad d’un pou­ lés rues. Les commerces sont ouverts, les tiel militaire et économique. Elle brise son voir respectueux de l’équilibre des forces enfants sont dehors. aura d’invincibilité. ethniques et religieuses en Irak. Ce n’est pas Les assassins ne préviennent pas. Il n’y a Bientôt, la « capitale » de l’EI en Irak, la gagné. ■ pas de sirènes, pas d’avertissements, pas de grande et belle ville de Mossoul, plus au

IHIfllHHil 5 JUILLET 2016 majeur de la politique de Défense française. Un tabou est d'ores et déjà levé. Un tel scénario Des troupes n’avait jusqu'à présent été évoqué que par des françaises au voix isolées, jamais par un groupe de députés. Depuis le mois de septembre 2014, les Rafale et les Mirage frappent dans le cadre de l’opération sol en Irak : la Chammal afin de « renverser le rapport de force » entre Daech et les unités de l’armée régulière fin d'un tabou ? irakienne. Mais il s'agit d'une opération aérienne. Les unités françaises opérant sur le terrain à 05 juillet 2016 leparisien.fr vies humaines que les actuelles frappes aériennes, Bagdad ou à Erbil appartiennent aux forces spé­ les parlementaires se montrent plus va-t-en ciales et effectuent des missions de formation armi les propositions de la commission sur les guerre que le ministère de la Défense. Pour auprès de leurs homologues irakiens, ainsi moyens de lutte contre le terrorisme, celle d’« l'heure, Jean-Yves Le Drian, lui, n'envisage pas P qu’auprès des peshmergas kurdes. Par cette intervenir militairement plus massivement, y l’option d'une guerre au sol. ♦ E.P. proposition impliquant l’engagement d’unités compris au sol » en Irak ( proposition numéro 32) d’infanterie, stratégie forcément plus coûteuse en marquerait, si elle était adoptée, un tournant

2 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

International^eUt £lork Suites f r id a y , ju l y i , 2016 Erdogan in his labyrinth

in the shadow of the Syrian war. Kurd­ dogan’s own creation. ish territorial inroads and self-govern­ Prickly and erratic, he has perceived ment in northern have awoken enemies everywhere — in the press the darkest specter in the Turkish (whose freedom he has stifled), among psyche: a border-straddling Kurdistan. former business allies, in the secular ISIS, by comparison, has been an ob­ that resists his increasingly un­ ject of ambivalence. Erdogan has bridled attempts to advance an Islamist Roger played a double game. agenda. TUming his back on years of at­ For a long time he allowed ISIS re­ tempted reconciliation with the , Cohen cruits to move across Turkey and over he has adopted an uncompromising the border to the Islamic State’s Syrian brutality. Seeing his power threatened, stronghold of Raqqa. Given a choice be­ he was prepared to countenance vio­ tween the terrorists of the Islamic State lence to instill an atmosphere of fear in Pity the Turkish president, Recep in northern Syria and what, for him, are the run up to last year’s November Tayyip Erdogan, in his labyrinth. the Syrian-Kurdish terrorists of the election, so that he could emerge as It’s a large labyrinth. As he drifts P.K.K.-affUiated Democratic Union strongman-savior. from room to room — and there are Party, or P. Y.D (and its associated mili­ Borrowing from Vladimir Putin’s about 1,000 of them in his new Ankara tia, the Y.P.G.), the Turkish president playbook, Erdogan has gone through palace — Erdogan no doubt has time to has no doubt who is more menacing. the alternating-office routine — in his reflect on Turkey’s travails and per­ ISIS has had anti-Kurdish uses for case, prime minister to president — in haps ponder how events can escape the ______Erdogan. By con­ order to render the Constitution pliant control of even the most megalomani- Turkey's des­ trast, the Kurdish en­ to his appetite for power. Forsaking di­ acal ruler. clave in northern plomacy for braggadocio, he has gotten Here’s a sobering thought: Erdogan, cent into vio­ Syria, known as Ro- into fights with Israel, with Egypt, with the would-be leader of the Sunni world, lence is of Er- java, is only trouble Russia, to the point that Turkey’s econ­ after 13 years in power, alone in his vast dogan's own from a Turkish per­ omy was reeling and he found himself palace with his neo-Ottoman dream in creation. The spective. That the obliged to apologize to Russia and settle shreds and Turkish society polarized to airport attack Y.P.G. has, in effect, differences with Israel in recent days. the point of violence. was in many been America’s most Above all, Erdogan has contrived to Erdogan blamed unspecified ‘ ‘ terror­ ways a blood­ effective ground turn TUrkey — the poster child of mod­ ist organizations” for the vile attack at force against ISIS erate democratic Islam not so many bath foretold. Istanbul Ataturk airport that killed 42 complicates Er- years ago — into a divided and com­ people. His prime minister, Binali dogan’s position. Tur­ bustible country where the Erdogan Yildirim, tentatively blamed the Islam­ key is a NATO ally opposed to Amer­ personality cult grows daily at the ex­ ic State, or ISIS. This was a clearer ica’s anti-ISIS Syrian-Kurdish alliance. pense of freedom. It was typical of the statement from the government than Welcome to the Middle East. I hope Erdogan order that access to Twitter last October when a terrorist attack in everything is clear in this Kurdish al­ and Facebook was cut off for hours in Ankara that killed 103 people, the dead­ phabet soup (I have not even mentioned the aftermath of the airport attack. liest in modern Turkish history, was at­ Thrkey’s Kurdish-dominated Peoples’ In doing all this, Erdogan knew that tributed to a “cocktail” of jihadi Islam­ Democratic Party, or H.D.P., out of de­ he has the United States and Europe ists and Kurdish militants — whatever ference to you, dear reader.) If all is fog, where he wants them. For strategic rea­ that means. please at least retain the following : sons (military for America; refugees Most of the victims then were Kurds. Erdogan has found himself in a ter­ for Europe), they need Erdogan more Mystery still surrounds the bombing. rible neighborhood, his.country desta­ than he needs them. So he does what he For Erdogan, the word “terrorist” bilized by more than five years of war wants — with dire consequences. chiefly denotes the Kurdish militants of in Syria and the millions of refugees Funny how the “zero problems” for­ the outlawed Kurdistan Workers’ pouring across the border. He has been eign policy of early “neo-Ottomanism” Party, or P.K.K., which has fought an in­ frustrated, with reason, by President morphed into a very problematic real­ termittent insurgency against Turkey Obama’s unwillingness to back with a ity: Erdogan has reaped the bitter har­ since the 1980s. coherent policy his statement in 2011 vest of his machinations. In Ttirkey’s southeast, many towns that President Bashar al-Assad of Syria I grieve for the victims of the terror­ are under curfew. Erdogan is waging a must “step aside.” But, in the end, Tur­ ist attack at Ataturk airport. It was in relentless campaign against the Kurds key’s descent into violence is of Er- many ways a bloodbath foretold.

3 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti International-NeUi |jork Suites Tuesday, july 5, 201s. country’s unlucky geography near a con­ vulsing Middle East. 'While Mr. Erdogan has seemed to have nine lives, wriggling Making new enemies, out of every crisis, he now finds himself cornered by conflicts on many fronts, in­ cluding deep divisions in his own society that he has helped create. and angering allies “Erdogan is still the most popular po­ litical leader, but there is unease in the group, but that appears to have brought population,” said Soli Ozel, a Turkish col­ ISTANBUL new problems: Turkish officials say umnist and professor at Kadir Has Uni­ they believe that the Islamic State was versity in Istanbul. “A lot of people are responsible for the suicide attack that thinking this is an untenable situation.’ ’ Turkish leader is mired killed 44 people last Tuesday in Istan­ Mr. Erdogan, 62, is one of the most tal­ in disputes as he seeks bul’s main airport, a major artery of ented politicians Turkey has ever known, Turkey’s already strained economy. rising from a poor neighborhood in Istan­ to expand his power He has helped reignite war with Kurd­ bul to the heights of power, where he has ish separatists in Turkey’s southeast, won election after election since 2002. He BY SABRINA TAVERNISE leaving hundreds of civilians dead in succeeded where others had failed in fighting that began last summer. He tearing down TUrkey’s rigid, classist sys­ Turkey’s president, Recep Tayyip Er- alienated Moscow last fall by shooting tem of government, sending the med­ dogan, strode onto a stage a month ago, down a Russian fighter jet that he said dling military back to its barracks and looking down upon a sea of a million had strayed into Turkish airspace. opening up the bureaucracy, long deeply fans waving red Turkish flags. They He had grown so alone that this past suspicious of Turkey’s pious underclass. were celebrating the 15th-century con­ week, he moved to make peace deals In his early years as prime minister, quest of what is now Istanbul by the Ot­ with Russia over the jet’s downing and the economy soared and, as incomes rose toman sultan Mehmed II, the golden with . Israel over its killing of several moment of Turkey’s Islamic ancestors Turkish activists on a Gaza-bound flo­ “Erdogan is still the most triumphing over the Christian West. tilla in 2010, after railing against both popular political leader, “The conquest means going beyond countries to voters. the walls that the West thought were im­ “I think this is an indicator of how des­ but there is unease in the pervious,’ ’ Mr. Erdogan said as the crowd perate they are,” said Cengiz Candar, a population.” roared. “The conquest means a 21-year- visiting scholar at the Stockholm Uni­ old sultan bringing Byzantium to heel.” versity Institute for Turkish Studies. The spectacle, complete with a fight­ Where Mr. Erdogan once held up Tur­ sharply, so did his popularity. But his crit­ er-jet sky show and a reenactment of the key as a model of Muslim democracy, he ics — and even some of his admirers — conquest with fireworks and strobe now frequently attacks democratic in­ say he became so absorbed in battling his lights, projected the image of unity and stitutions. The editor in chief of Tur­ enemies, real and perceived, that he lost command, of a nation marching togeth­ key’s largest daily has fled the country, his way. He became distracted, they say, er toward greatness, drawing on the and another is on trial on charges of re­ by delusions of imperial grandeur and in achievements of a glorious past. But vealing state secrets. The president has the process badly damaged institutions that soaring vision is being grounded by grown intolerant of criticism, purging critical for a functioning democracy. sobering realities. his oldest allies from his inner circle and Even a former friend, who like others Mr. Erdogan, who long professed a replacing them with yes-men and, in feared being identified, said he had foreign policy of “zero problems with some cases, relatives. (His son-in-law is known Mr. Erdogan for 40 years but no neighbors,” seems to be mired in dis­ the energy minister.) longer recognized him. putes with just about everybody and Mr. Erdogan hints darkly in near-daily Mr. Erdogan’s advisers point out that just about everywhere. Kurdish and Is- speeches on Turkish television that for­ institutions like the free press and judi­ eign powers are plotting to destroy him, ciary were never all that free to begin and he has moved from a modest house with. They say that his.government has in central Ankara to a grandiose, Per­ genuinely been in danger, a claim West­ sian Gulf-style palace on the edge of the ern officials corroborate, and that city. Brown and pink buildings for his changes in the judiciary aim to fix a staff dot meticulously landscaped broken system. grounds so enormous that staff mem­ Ilnur Cevik, one of Mr. Erdogan’s bers are driven around in minibuses. chief advisers, said the rapprochement Now he has set his sights on a new tar­ with Russia and Israel was part of a get: transforming Turkey’s parliamen­ strategy to turn the page and might tary system of government into a presi­ soon be followed by similar measures to dential one, a change his critics say could quiet some of the storms Mr. Erdogan POOL PHOTO BY MURAT CETINMUHURDAR soon open the door to his seizing the title has raised, like with Egypt, with which President Recep Tayyip Erdogan has stirred of president for life. On the night of the Mr. Erdogan fell out in 2013 over the resentments with Turkey’s neighbors. airport bombing, the Parliament, which ouster of that country’s first democrat­ his party controls, worked until 5:45 a.m. ically elected president. to pass sweeping legislation that will There was good news on the media lamic State militants have struck Tur­ help pave the way by purging hundreds front, too: On Thursday night, a journa­ key 14 times this year, killing 280 people of judges from Turkey’s top two courts. list and a human rights activist were re: and sowing new fears. The economy has “The ship is going very fast toward leased from jail. suffered, too, as the violence frightens the rocks,” said Ergun Ozbudun, a liber­ “We have to kind of change gears re­ away tourists. al constitutional expert who once garding foreign policy, regarding the At the same time, Mr. Erdogan has be­ defended Mr. Erdogan. ‘ ‘Pray for us.’ ’ press, regarding many issues in Turkey, come increasingly isolated, frustrating The story of how Turkey, a NATO and I think Mr. Erdogan will start doing old allies like the United States by refus­ member with the éighth-largest econo­ that,” Mr. Gevik said, seated in a spa­ ing for years to take firm measures my in Europe and a population the size of cious palace room recently outfitted so against the Islamic State. He has re­ Germany’s, ended up here is as much that it smelled like the interior of a new cently gotten serious about the militant about Mr. Erdogan as it is about the car. “We have to show our true face to 4 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

the American public. We are completely misunderstood at the moment.” A political outsider, Mr. Erdogan helped found the Justice and Develop­ ment Party, a diverse and inclusive grass-roots political machine that turned out to be very good at winning elections, not because it cheated but be­ cause its members worked hard. “He really listened to his friends,” said Dengir Mir Mehmet Firat, another of the party’s founders. “He was pa­ tient. He would consult with a rich and varied spectrum of people. When he saw violence, he knew how to step back.” To gain control of Turkey’s bureaucra­ cy, Mr. Erdogan struck an alliance with an opaque religious group led by an Is­ lamic preacher, Fethullah Gulen, filling the ranks of the police and the judiciary with their highly educated members. A rally to mark the 563rd anniversary of the conquest of Istanbul in May. President Recep Tayyip “I told him I didn’t think any part of Erdogan’s popularity may ultimately hinge on an economy that is seen as faltering. the state should be left to the control of people with a certain ideology,” said Mr. Firat, a Kurd who has since left the in some sense he is the consequence of Hursit Kulter, the first such disappear­ party. “His answer was, ‘We will not be Turkish society — he is our creation,” ance since 2001. harmed by those who look toward said Hakan Altinay, the director of the ‘ ‘Erdogan today has been captured by Mecca.’ We were not an Islamist party European School of Politics at Bogazici the patriotic forces of Turkey,” said — we were a democratic party. But he University in Istanbul. “We have Dogu Perincek, the head of a nationalist was already drifting away.’ ’ learned that even though we have the political party close to the military, who , That was because he could: With the hardware of democracy — institutions, was jailed, for conspiring against the military out of the picture, the major elections — our software is not good. We state but recently released. check on his power had been removed. are too attuned to status, too willing to, Mr. Erdogan’s Achilles’ heel is the But Islam was not his undoing. Abso­ submit to authority.’ ’ economy. While loyal, his voters care lute power was. As Mr. Erdogan grew Today, many say, Mr. Erdogan has about their pocketbooks more. Incomes more popular, winning broad pluralities simply adopted the bad habits of former have stagnated in recent years and for­ and even majorities in each successive Turkish leaders he came to power to de­ eign direct investment, a key indicator election, he began to behave with a kind feat. He needs allies, so he has struck an of economic direction, has been declin­ of Bolshevism, believing that he was the alliance with the military — the chief of ing, not counting real estate purchases. very embodiment of the people, former staff was a witness at his daughter’s “We have an ulcer, not cancer,” Atilla officials said. wedding — and extreme nationalists Yesilada, a financial consultant in Istan­ Others argue that Turkey’s problems are now resurgent. That is deeply trou­ bul, said of the economy. “But all signs are-as much about the country as they bling to human rights advocates who point toward sicker.” are about Mr. Erdogan. have documented the missing-person “We treat Erdogan as the cause, but case of a Kurdish politician from Simak,

REUTERS Suicide bombing kills at least 16 in northeast Syria Tue July 5, 2016 REUTERS

A SUICIDE BOMB blast claim ed by Islamic State killed at least 16 people in the mostly Kurdish-controlled city of Hasaka in north­ eastern Syria on Tuesday, the monitoring group the Syrian Observatory for Human Rights said. The group has targeted areas ot Hasaka province in the past, including The attacker detonated his explosives at a bakery. Several other people another city, Qamishli. But bomb attacks in Hasaka city itself have been were wounded and the death toll was likely to rise because of the number rarer in recent months. of serious injuries, the British-based Observatory said. The YPG, which controls most of Hasaka province, captured large areas of Three children and two women were among those killed, it said. territory from Islamic State in northeastern Syria last year and is involved Islamic State said in an online statement that one of its members carried in a U.S.-backed offensive that has advanced against the jihadists further out the attack, and that it targeted the Kurdish YPG militia. west near the Turkish border. •

5 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti

.M o n d e diplomatique N° 748 - 63e année. Juillet 2016

L a s a l e g u e r r e d u p r é s id e n t E r d o g a n

D e v a n t les menées guerrières du palais, le peuple a fait entendre ses craintes d’un retour aux années noires « L’homme qui se prend de la décennie 1990. Ce qui se produit aujourd’hui dépasse pourtant en atrocité tout ce que nous avons connu. pour un sultan » Dans la ville de , par exemple, des centaines de personnes ont été brûlées vives dans leurs caves, tandis Dans sa soif croissante de pouvoir, le président turc a lancé une que le vieux quartier de Sûr, à Diyar- bakir, a été totalement rasé (lire le chasse aux sorcières contre ses opposants. L ’un des principaux reportage ci-dessus). responsables de la gauche témoigne de sa dérive autocratique. Un sentiment d’inquiétude et de détresse s’empare de la société, qui voit sa sécurité quotidienne mise en péril. L’espace dévolu à la vie démo­ P ar S elahattin D emirtaç * cratique se réduit comme peau de chagrin à mesure que l’on muselle les voix de l’opposition. Les détenteurs du pouvoir instaurent un régime de plus en plus autoritaire pour resserrer T J A v ie politique turque s’est encore Nous ne plierons pas face aux leur contrôle et perpétuer leur règne. rapprpchée du gouffre qui menace de l’en­ manœuvres qui visent à déférer nos Telle est la situation en Turquie gloutir lorsque, le 20 mai 2016, le vote élus devant des tribunaux transformés aujourd’hui. d’un amendement temporaire à la Consti­ en machines de guerre à la solde du tution a entraîné la levée immédiate de Parti de la justice et du développe­ Et, pendant ce temps, que font les l’immunité parlementaire de plusieurs ment (AKP). Nous poursuivrons institutions européennes ? On attend dizaines de députés. L’article adopté ce notre combat pour la justice et pour toujours qu’elles expriment une jour-là bafoue non seulement la Constitu­ l’égalité, main dans la main avec les condamnation un tant soit peu ferme tion elle-même, mais les principes univer­ autres forces démocratiques de Tur­ et audible. Non seulement elles igno­ sels du droit et de la démocratie. quie, en nous dressant contre les rent les destructions en cours, mais Introduit sur ordre du président Recep poursuites dont nos députés sont la elles refusent ouvertement d’entamer Tayyip Erdogan, l’amendement visait prin­ cible et contre les arrestations dé nos les démarches qui pourraient peut- cipalement le Parti démocratique des peu­ élus locaux (3). Le pays qui, fût-ce être empêcher les exactions. Les orga­ ples (HDP) (1), le groupe d’opposition le de manière formelle, discutait il n’y nisations internationales ne font guère plus dynamique au Parlement. Pas moins a pas si longtemps de l’harmonisation mieux : après trois mois de tergiver­ de 417 chefs d’accusation ont été établis de ses normés démocratiques avec sations, le Haut-Commissariat des contre 53 députés du HDP pour des propos l’Union européenne est à présent Nations unies aux droits de l’homme tenus lors de réunions publiques. En d’au­ assourdi par le fracas des blindés a appelé Ankara à créer une commis­ tres termes, ils sont poursuivis exclusive­ et de l’artillerie dans les villes kurdes sion d’enquête indépendante sur les ment pour leur usage du droit fondamental et par les vociférations de M. Erdo­ tueries de Cizre. Aucune mesure à la liberté d’expression. M. Erdogan a ainsi gan, apparemment convaincu qu’il concrète n’a en revanche été prévue franchi un pas supplémentaire dans sa ten­ lui suffit de hurler de plus en plus fort pour enjoindre à la Turquie de res­ tative de bannir le HDP du Parlement et de depuis son palais pour asseoir sa pecter les traités internationaux dont la vie démocratique. légitimité. elle est signataire (4). Le chef de l’État considère notre parti comme un obstacle à l’instauration d’un Une guerre de facto, aux consé­ L’Europe regarde ailleurs alors que pouvoir autocratique. Parce que notre for­ quences funestes, se déchaîne une des valeurs aussi universelles que la mation constitue la principale plate-forme fois encore contre les villes kurdes, démocratie et les droits humains sont pour les forces populaires et démocra­ menaçant de réduire en poussière piétinées en Turquie. Les Européens tiques turques en général, et pour le mou­ l’unité de la société. Cette guerre se s’inquiètent de la crise des réfugiés, vement politique kurde en particulier, il mène avec des armes lourdes et des tandis que les Américains se soucient entend la réduire au silence. chars qui tirent sur des maisons. Des surtout de la guerre contre l’Organi­ Il veut faire barrage à toute oppo­ centaines de civils, des centaines de sation de l’État islamique (OEI). sition et bâillonner les voix qui, au membres des forces de sécurité Certes, ce sont des dossiers cruciaux. Parlement (2), dénoncent les viola­ turques et un nombre inconnu de mili­ Mais pourquoi négliger la situation tions des droits humains perpétrées ciens kurdes ont perdu la vie depuis des Kurdes de Turquie, à laquelle ils dans les régions à majorité kurde. juillet 2015 afin que le parti de sont étroitement liés ? On peine à M. Erdogan puisse gagner des voix comprendre ce silence devant les vio­ supplémentaires et assurer l’avène­ lations des droits fondamentaux par * Coprésident du Parti démocratique des peuples ment d’un système présidentiel, quitte M. Erdogan et par T AKP, qui utilisent (HDP), président du groupe parlementaire de cette à précipiter le pays tout entier dans les rescapés de la guerre en Syrie formation politique à la Grande Assemblée de Turquie et député d ’Istanbul depuis juin 2015. une spirale de destruction. comme arme de chantage (5). 6 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

régimes despotiques. La seule issue passe par un modèle démocratique Î —/E p r o c e s s u s de paix entamé fin Trente ans de conflit 2012 avait apporté à tous une grande séculier et pluraliste qui mette les dif­ bouffée d’oxygène (6). La route était férents peuples et confessions sur un 10 août 1920. Le traité de Sèvres prévoit la encore longue, mais un grand pas pied d’égalité, avec des administra­ création d’un Kurdistan autonome. avait été franchi vers une réconcilia­ tions locales plus fortes et autonomes, 24 juillet 1923. Le traité de Lausanne conduit tion durable entre peuples turc et et un éventail plus large et plus solide à l’abandon des droits kurdes. kurde. Cependant, en avril 2015, le de droits collectifs et individuels. 27 novembre 1978. Création du Parti régime d’Ankara a soudain décidé de Aux élections de juin 2015, notre des travailleurs du Kurdistan (PKK) durcir les conditions de détention de par M. Abdullah Ôcalan, «Apo». M. Abdullah Ôcalan, dirigeant histo­ parti a réussi à réunir 13 % des voix, rique du Parti des travailleurs du Kur­ grâce à un programme qui promou­ Août 1984. Début de l’insurrection du PKK. distan (PKK) et architecte du proces­ vait cette vision à la fois pour la Tur­ Octobre-novembre 1992. L’armée turque lance sus de paix, à qui toute visite et tout quie et pour les pays du Proche- une offensive en territoire irakien, causant contact avec l’extérieur ont été brus­ Orient. Nous avons assuré une plusieurs milliers de victimes civiles. représentation aux citoyens armé­ quement interdits. Cette stratégie de 15 juillet 1993. Interdiction du Parti populaire niens, yézidis, arabes et assyriens, aux la tension a abouti au déclenchement, du travail (HEP, créé en juin 1990). Les députés à l’été 2015, de l’offensive militaire travailleurs, aux universitaires, à la kurdes se regroupent au sein du Parti dans la région kurde. jeunesse et aux femmes, aux alévis et de la démocratie (DEP), qui sera lui aussi dissous aux sunnites, aux Turcs et aux en 1994. Il en ira de même de tous les partis Le président ne veut surtout pas Kurdes. Bref, c’est le pays dans toute politiques prokurdes jusqu’en 2013. sa diversité qui est entré au Parle­ que le dialogue puisse se rouvrir. Pas Mars 1995. Offensive militaire majeure de l’armée ment, main dans la main, avec sur les question pour lui de retourner à la turque (35 000 soldats) destinée à écraser table des discussions ou de mettre fin lèvres des chants de paix. les bases arrière kurdes dans le nord de l’Irak. à une guerre sans laquelle son trône Six millions d’électeurs ont accordé Février 1999. M. Ôcalan est capturé au Kenya par risquerait de lui échapper. On en est leur voix à ün avenir commun, et le les services secrets turcs, américains et israéliens. arrivé au point où, en Turquie, le sim­ HDP est devenu le point de conver­ Il est condamné à mort en juin, mais la sentence sera commuée en prison à perpétuité. ple fait, de plaider pour la paix est gence où se matérialisent les espoirs considéré comme un délit. En de paix. Les peuples du pays en ont 9 février 2000. Le PKK annonce la fm de la lutte témoigne le sort de ces quatre univer­ retiré la conviction qu’ensemble ils armée. sitaires poursuivis pour «propagande pouvaient soigner la démocratie terroriste» et démis de leurs fonctions Avril 2002. Le PKK prend officiellement le nom turque en souffrance. de Congrès pour la liberté et la démocratie ' pour avoir lu en public une pétition au Kurdistan (Kadek), abandonne les références réclamant la fin des opérations mili­ Oui, nous étions l’avenir de la Tur­ au marxisme-léninisme et affirme sa volonté de taires dans les villes du Sud-Est (7). quie. Mais il y existait aussi une autre pacifier et de légaliser les revendications kurdes. fraction : celle qui s’accroche à un M. Erdogan n’hésite pas non plus Juin 2004. Reprise de la guérilla du PKK, qui passé d’oppression et qui a échoué à annoncera un cessez-le-feu en septembre 2006. à aligner dans son viseur les Kurdes apporter quelque bienfait que ce soit syriens qui ont héroïquement com­ au peuple. Notre succès aux élections Mars 2013. Après l’engagement de pourparlers battu l’OEI et, avec le soutien de la avec le gouvernement turc en décembre 2012, coalition internationale, obtenù des du 7 juin 2015 a privé l’AKP natio­ le chef rebelle appelle à une trêve qui se veut avancées significatives sur le terrain. naliste et sectaire de son régime de historique. Ankara a ainsi fermé toutes les fron­ parti unique (9). Il a introduit un grain Octobre 2013. Création du Parti démocratique tières susceptibles d’être franchies par de sable dans les rouages du système des peuples (HDP). les combattants kurdes du Parti de de M. Erdogan, l’homme qui Se prend pour un sultan. En vertu de quoi le Septembre 2015 - juin 2016. Investies par des l’union démocratique (PYD, forma­ miliciens kurdes, plusieurs villes du Sud-Est sont président a présenté notre parti tion sœur du PKK en Syrie), bien que reprises par les forces turques. ces derniers n ’aient jamais tiré une comme un ennemi qui mérite d’être seule balle en direction de la Turquie. écrasé à n’importe quel prix, nous qualifiant de « terroristes », déclarant mort et enterré le processus de paix et replongeant le peuple dans la féraient totalement. Parce que nous ^ J o u s d e m a n d o n s la levée immé­ diate de l’état de siège des villes guerre civile des années 1990. nç luttions pas seulement pour les kurdes, avant qu’il ne soit trop tard Kurdes : nous luttions pour tout le et que la violence en Turquie Q monde. n’atteigne des niveaux incontrôlables. k _ J o n h o s t il it é tient aussi a notre Nous appelons les deux parties à engagement en faveur de l’égalité des Peut-être l’Occident croit-il tou­ mettre fin à la guérre. Car, aussi ethnies et des sexes, antithèse absolue jours pouvoir faire des affaires avec longtemps que prévaut le langage des du profil sectaire et «mâle dominant» M. Erdogan. Mais voyez seulement armes, la sphère démocratique de l’AKP. Cette incompatibilité est le sort de M. Ahmet Davutoglu, le continue de se réduire, permettant à apparue au grand jour durant les premier ministre congédié par son M. Erdogan de s’ériger eh seul garant négociations de paix, quand les repré­ maître (10). Le président turc n’a aucune notion de la justice, ou de la de la stabilité nationale. sentants du régime trouvaient systé­ matiquement des objections à toutes démocratie, ou des droits humains ; il Au Proche-Orient, dont les fron­ nos exigences, nous demandant par n’a de considération que pour lui- tières ont été dessinées sur un coin de exemple : « Qu ’est-ce que la question même et pour son omniscience, nappe il y a un siècle (8), il semble des femmes a à voir avec le processus convaincu qu’il peut à lui seul forger impossible de s’extraire de l’alterna­ de paix kurde ? » Ils trouvaient cela l’avenir du pays et de la région entière tive mortelle entre l’OEI et des étrange, parce que nos mentalités dif­ pour le siècle à venir. 7 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

M. Erdogan est en train d’instaurer peuple (CHP, kémaliste de centre gauche, 25,3 %) Henry Laurens, « Comment l’Empire ottoman et le Parti d’action nationaliste (MHP, ultra­ fut dépecé », Le Monde diplomatique, avril 2003. un système présidentiel « à la turque » nationaliste panturquiste, 11,9 %). (9) En obtenant 12,9% des voix et 80 députés au mépris de la Constitution de son (3) Selon la représentation internationale du aux élections législatives du 7 juin 2015, le HDP pays. Il ambitionne de graver cet état Mouvement des femmes kurdes (IRKWM), a contrarié!’ambition de M. Erdogan, qui souhaite de fait dans le marbre de la loi ; c’est quelque 4500 responsables et élus locaux du instaurer un régime présidentiel à la place de HDP ont été arrêtés ; 950 d’entre eux étaient l’actuel régime parlementaire. Faute de réunir pourquoi il a levé l’immunité parle­ toujours derrière les barreaux fin avril 2016. trois cinquièmes des députés (330), il ne peut mentaire de nos députés. Mais il ne (4) La Turquie a ratifié la convention organiser un référendum pour modifier la Consti­ lui sera pas aisé de mener cette der­ européenne des droits de l’homme en 1954 et le tution. En convoquant de nouvelles élections en novembre 2015, il a obtenu une majorité absolue nière étape à son terme. L’opposition pacte international relatif aux droits civils et politiques en 2003. pour l’AKP, mais toujours pas de majorité démocratique, que ce soit au sein du qualifiée. (5) Le 18 mars 2016, TUriion européenne et Parlement ou au-dehors, ne cédera la Turquie ont signé un accord par lequel cette (10) Tour à tour conseiller diplomatique de pas à ce coup de force. dernière s’engage à limiter l’afflux de migrants M. Erdogan (2003-2009), ministre des affaires (essentiellement des réfugiés syriens) vers étrangères (2009-2014) puis premier ministre, M. Davutoglu a été poussé à la démission en SELAHATTIN DEMIRTAf. l’Union. mai 2016 et remplacé par un fidèle parmi les (6) En décembre 2012, le gouvernement fidèles du président. Erdogan a pris l'initiative de négociations directes avec le PKK, son dirigeant emprisonné Abdullah (1) Ce parti regroupe depuis 2013 des formations Ôcalan et plusieurs personnalités kurdes, dont (Toutes les notes sont de gauche et écologistes, dont plusieurs sont issues certaines sont aujourd’hui des élus du HDP. Une de la rédaction.) du mouvement kurde. trêve a été conclue en 2013 et les deux parties (2) Le 1er novembre 2015, le HDP a obtenu se disaient proches d’un accord global en 2014. 10,7 % des voix et 59 députés aux élections légis­ (7) MM. Muzaffer Kaya et Kivanç Ersoy, et latives. Il était précédé par le Parti de la justice Mmes Meral Carnet et Esrà Munger. et du développement (AKP, islamo-conservateur, 49,5 % des suffrages), le Parti républicain du (8) Allusion aux accords Sykes-Picot. Lire

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D a n s l e s v il l e s k u r d e s d é v a s t é e s p a r l’a r m é e t u r q u e La sale guerre du président Erdogan Depuis l’automne 2015, les représailles menées par

les forces turques après les combats avec les miliciens En cette matinée printanièré, l’atmosphère reste tendue à Silopi. Les passages fréquents des du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ravagent véhicules blindés de la police turque et l’hélicoptère le sud-est de la Turquie. De nombreuses villes ont été qui tournoie dans le ciel rappellent que la guerre n’est jamais loin. Des files d’attente se sont formées détruites, et les témoignages recueillis sur place devant deux écrivains publics, venus avec leur table pliante et leur machine à écrire. Ces temps-ci, ijs font état de graves exactions contre la population. ont plus de travail qu’à l’accoutumée. On vient les voir pour un formulaire lié à la destruction de sa maison, pour une lettre au directeur de là prison, P ar notre envoyée spécia le pour la déclaration d’un décès.

L a u r a -M ai G averiaux * «journaliste. Mme Riskyie Seflek; la soixantaine, habite au cœur de la zone où se sônt déroulés les combats. «Le char qui se trouvait derrière la maison visait la mosquée. Mais l’obus a traversé le salon!» Sous soleil inonde la grande place de Silopi, ville Dans tout le pays, des attentats visent réguliè­ son voile blanc orné de dentelle, que les femmès de 80000 habitants du sud-est de la Turquie, à rement les forces de l’ordre, y compris à Istanbul kurdes portent à mi-chevelure, elle a le regard moins de quinze kilomètres des frontières avec l’Irak ou à Ankara, et renforcent la répression, qui fatigué. Elle nous reçoit dans le jardin, avec son et la Syrie. Entre décembre 2015 et janvier 2016, provoque de nouvelles représailles. Ainsi, le 10 juin, mari, leurs filles et leurs petits-enfants. L’un des les forces de sécurité turques ont durement attaqué une organisation radicale dissidente du PKK, les garçons a apporté des vêtements neufs, que la la population et les combattants du Parti des travail­ Faucons-dé la liberté du Kurdistan (TAK), revendiquait famille inspecte : « C’est pour Temer, mon petit-fils, leurs du Kurdistan (PKK), une formation qui se l’explosion d’une voiture piégée contre des policiers explique gravement M™ Seflek. Il a 16 ans, il est en réclame du confédéralisme démocratique (lire l’article à Istanbul. Quelques jours plus tôt, le gouvernement prison. Avant, il est resté à l ’hôpital pendant trois page 3) et revendique l’autonomie des territoires avait fait voter une loi facilitant la levée de l’immunité semaines, parce qu’une balle a traversé sa hanche. » majoritairement kurdes. Les combats se sont de certains parlementaires afin de museler les L’adolescent n’était pas un milicien. Il se serait trouvé déroulés à huis clos : plusieurs fois soumise à de cinquante-neuf députés du Parti démocratique des pris au piège des combats comme tous lés habitants longs couvre-feux, comme bien d’autres villes, Silopi peuples (HDP) (lire le témoignage de M. Selahattin de Silopi, reclus dans leur ville transformée en souri­ a été isolée pendant trente-sept jours. Demirta§ en première page et ci-dessous). cière. 8 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

Des témoignages comme celui-ci, nous en avons recueilli plusieurs dans toutes les villes du Kurdistan turc que nous avons visitées. Partout, c’est le même constat. Le processus de paix entre les autorités et le PKK; entamé en 2009 pour mettre fin à un conflit qui a débuté en 1984 et fait plus de quarante mille morts, n’est plus. Pour le président turc Recep ïayyip Erdogan et son nouveau premier ministre, M. Binali Yildirim, nommé le 24 mai 2016, « il n’y a plus aucun dialogue possible avec le PKK ». Leur vocabulaire est sans ambiguïté : «nettoyage », « purge », « victoire totale ».

Au printemps 2013, les pourparlers avaient conduit au repli des combattants kurdes vers l’Irak; mais ils n’ont pas résisté à l’évolution de la guerre civile en Syrie. La tension est remontée durant la bataille de Kobané, qui a opposé les forces kurdes syriennes proches du PKK et l’Organisation de l’État islamique (OEI) (1). Dans les villes kurdes, de nombreuses manifestations ont dénoncé la passivité du gouvernement turc, accusé de collusion avec l’OEI. Le 20 juillet2015, un attentat attribué à cette dernière a fait trente-trois morts et une centaine de blessés parmi des jeunes socialistes turcs et kurdes rassemblés au centre culturel de Suruç, près de la JAN SCHMIDT-WHITLEY. - « Retour à Cizre », 2016 frontière syrienne, et en route pour aider à la recons­ truction de Kobané. Les manifestations ont redoublé; deux jours après l’attentat, le PKK, accusant Ankara Il en va de même des poursuites engagées contre sont les mêmes qu’il y a vingt ans, et des groupes de complicité avec les djihadistes, tuait deux deux journalistes du quotidien Cumhuriyet, incar­ se revendiquant du Jitem ont une activité soutenue policiers à Ceylanpinar, dans le Sud, près de la cérés puis condamnés pour «divulgation de secrets sur les réseaux sociaux. Ils publient des photogra­ frontière syrienne. Il n’en fallait pas plus pour que d ’État» après avoir diffusé une vidéo suggérant que phies de combattants kurdes déchiquetés par les les autorités turques annoncent une «guerre contre les services secrets turcs, livraient des armes aux obus ou brûlés à l’essence. Le corps des femmes le terrorisme» censée cibler à la fois l’OEI et le PKK, islamistes syriens (2). Certains témoignages font fait l’objet d’un acharnement particulier. mais dirigée surtout contre les forces kurdes. aussi état de la présence de djihadistes aux côtés des forces gouvernementales pendant les combats. La Fondation turque pour les droits de l’homme « Ils ne parlaient pas turc, peut-être azéri. Ils avaient (TIHV) avance d ’ores et déjà le chiffre de 300 à de longues barbes et ressemblaient aux hommes 400 tués et de 600000 déplacés. Dès la fin «Ici, c’est devenu de Daech», rapporte M. Abdülkerim F. (3), habitant janvier 2016, Amnesty International accusait un territoire occupé» de Sür, qui dit avoir surpris des hommes faisant la l’offensive du gouvernement turc de mettre en prière dans son salon. Après avoir fui sa maison danger «la vie de près de 200000 personnes» ; parce qu’il ne supportait plus les gaz lacrymogènes l’organisation y voyait une «sanction collective». À Dès septembre, les principaux bastions kurdes qui saturaient l’air depuis des semaines, il y était Sür - la vieille ville fortifiée de Diyarbakir, elle-même ont connu des échauffourées qui sont allées en revenu pour chercher ses papiers d’identité. considérée comme la capitale du Kurdistan turc -, s’aggravant. À Silopi, début décembre, les groupes Rien ne permet d’étayer ces allégations. En la moitié ouest a été vidée de ses habitants. Détruite du Mouvement de la jeunesse patriotique révolu­ revanche, de nombreux observateurs et diplomates à 70 % (5), elle reste difficilement accessible. Le tionnaire (YDG-H) ont d’abord creusé des tranchées ont critiqué la facilité avec laquelle les candidats au 1er avril, au lendemain d’un attentat qui avait coûté dans les rues et dressé des barricades «pour se djihad, tout comme les camions chargés de pétrole la vie à sept policiers et peu de temps avant sa protéger de la police turque», tout en déclarant de contrebande, pouvaient franchir la frontière avec démission, le premier ministre Ahmet Davutoglu s’y l’autonomie de la ville. Les jeunes miliciens ont vite la Syrie. En outre, les forces spéciales du PÔH et est rendu pour une visite encadrée par un impres­ été relevés par des combattants aguerris venus du JÔH (police et gendarmerie) ont participé aux sionnant service d’ordre. Il a vanté le plan de réhabi­ d’Irak, notamment du mont Kandil, où se trouve le opérations, comme en témoignent les inscriptions litation urbaine voulu par le président Erdogan pour commandement du PKK. Ces insurrections urbaines racistes et sexistes qu’ils ont laissées, avec leur les zones détruites : «Nous ferons de Sür la nouvelle ont provoqué l’intervention de dix mille soldats de signature, sur les murs des villes. Ainsi peut-on lire, Tolède!», s’est-il écrié. Applaudissements de l’infanterie turque appuyés par des blindés et des à Silopi : «Ma chère Turquie, au nom de Dieu, nous l’assemblée triée sur le volet. Plus loin, les jeunes hélicoptères. Partout, des blocus ont été instaurés te nettoyons : nous sommes le JÔH, nous sommes serveurs restaient debout devant l’écran de télévision de manière permanente pour laisser le champ libre venus vous envoyer en enfer!» Ou, dans les ruines d’un restaurant, médusés, impassibles. C’était leur à la répression. «Les couvre-feux se sont de Cizre, ces appels au viol des femmes kurdes : ville, leur vie, qu’on promettait de raser, dans une transformés ên machine à détruire les villes», déclare «À notre tour de vous éduquer! - PÔH » ; « Les filles, clameur triomphante. le député Ferhat Encü, membre du HDP. Lorsqu’une nous sommes là, où êtes-vous ? - JÔH». phase de combats urbains se termine et que les Le discours terminé et les officiels repartis, les miliciens du PKK se retirent, les municipalités kurdes Selon les informations recueillies sur place habitants de Diyarbakir sont retournés à leur routine se retrouvent en première ligne face aux représailles auprès de journalistes locaux et d’élus HDP, il est contraignante, faite de. contrôles à chaque du pouvoir. De nombreux maires affiliés au HDP on aussi très probable que le Jitem, le service de rensei­ carrefour - et encore : quand ils peuvent regagner été arrêtés, comme, à Silopi, Mme Emine Esmer gnement et d’antiterrorisme de la gendarmerie, ait leur maison. «Ici, c ’est devenu un territoire occupé!», refait son apparition, alors qu’on le pensait dissous. emprisonnée et poursuivie pour «incitation à k lance, agacé, M. GafurS. Ce professeur de littérature rébellion armée contre le gouvernement». Ce groupe clandestin, organisé en cellules est pourtant d’un naturel calme. Tous les matins, il composées de gendarmes, de militaires et de franchit les barrages policiers à l’entrée de Sür pour Beaucoup d’habitants du Sud-Est ont acquis membres du groupe ultranationaliste des Loups aller faire la classe dans l’une des deux seules écoles la conviction que M. Erdogan était lié à l’OEI et qu’il gris (4), a commis de nombreux massacres de qui n’ont pas été brûlées. Chaque jour, il est fouillé, existerait même un accord avec cette organisation Kurdes pendant les années 1990. Il a signalé son contraint de se mettre torse nu et de répondre aux pour faire barrage à la revendication kurde. L’attentat passage par ces inscriptions sur les murs de Sür : questions des mêmes policiers, qui le connaissent. perpétré en octobre 2015 lors d’un meeting du HDP «Les loups sont appâtés parle sang, tremblez!» Il a assez de moyens pour vivre dans la ville à Ankara, qui a fait 97 morts sans que ses auteurs moderne; avec plus de dix ans de métier, il pourrait soient arrêtés ou identifiés, a renforcé ce soupçon. Les méthodes employées contre les civils kurdes même demander à être muté. Mais il s’y refuse :

9 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

Les Kurdes pris dans la guerre régionale ARMÉNIE AZERBAÏDJAN Ankara TURQUIE Erzurum

B o ta ri *Van Répartition historique Diyarbakir de la population kurde c Cizre $jlop IRAN Majoritaire Mixte Ceyla-P'n,r ^ /////////?. Territoire autonome o ■ :*c des Kurdes selon le traité •Alep ^ 1 Tal1 ' de Sèvres en 1920 iRaqqa oeir Qayyarrah Situation en juin 2016 SYRIE lEzzor Sharqat Région sous contrôle O Affrontements entre Al-Qaïm du gouvernement régional Turcs et Kurdes du Kurdistan (Irak) ■ ■ O Principaux fronts kurdes Zone sous contrôle contre I'OEI IRAK des Kurdes de Syrie Attentats commis par le PKK 300 km ■ Principaux sites et d’autres organisations Fallouja tenus par i'OEI Principaux bombardements turcs AGNES ETIENNE Sources : Syrian Civil War Map ; Institute for the Study of War ; Michael Mehrdad Izady, « Gulf/2000 Project », 2014.

levée du blocus. Sa priorité a été d’organiser la «Je n’abandonnerai pas ces enfants. Sür est déjà pas rare que ceux qui viennent chercher des objets distribution de vivres depuis un entrepôt désaffecté, personnels sous les gravats de leur, maison y décou­ le district le plus pauvre de Diyarbakir. Ils passent à quelques rues de Cudi. Elle a été ralliée par des les mêmes examens que les autres écoliers de vrent des restes de cadavres. Parmi les exactions militants progressistes de l’ouest de la Turquie, Turquie; mais les autres n'ont pas de bombes qui que l’on rapporte, commises pendant soixante-dix- engagés contre la dérive autoritaire de leur gouver­ tombent sur leurs maisons. Où est l’égalité entre neuf jours d’isolement complet, les «sous-sols de nement, et par d’autres venus du Rojava même. les Turcs de l’Ouest et les Kurdes dans le système la sauvagerie» ont particulièrement marqué les éducatif? Tous ces enfants peuvent devenir esprits. Deux cas au moins sont recensés; dans M. Ferid B., qui a eu la moitié du visage ingénieurs. Il faut seulement leur en donner la l’un comme dans l’autre, une trentaine de personnes emportée par un éclat d’obus, a raconté aux chance. » Le professeur S. appartient à cette ont été prises au piège d’immeubles bombardés membres de l’association la première «sale guerre», génération qui a connu les brimades de la police des jours durant, parfois des semaines. Les forces celle des années 1990, entre l’armée et les forces quand elle parlait kurde dans la rue, ou qui voyait turques barraient le passage aux secours, laissant kurdes. Il a passé de nombreuses années èn prison ses grands-parents renvoyés de l’hôpital parce qu’ils les blessés succomber les uns après les autres. À pour son engagement dans les rangs du PKK. Il y ne pouvaient s’exprimer en turc. Aujourd’hui, comme la fin des «opérations antiterroristes», on n’a retrouvé a lu des dizaines de livres d’histoire sur la Révolution tous les habitants du Kurdistan turc, il subit à que des corps calcinés, dont ceux d’enfants. Les française. «Je ne sais pas si la France a fait une nouveau une restriction de ses mouvements. proches des victimes ont dû fournir des échantillons révolution du peuple ou une révolution bourgeoise. d’ADN pour les identifier, lis sont repartis avec un Mais nous, au Kurdistan, nous avons compris qu’il sac en plastique, «cinq kilos d'os et de chair brûlés», fallait réformer la révolution! La démocratie kurde Immeubles raconte un jeune de 17 ans, hébété, à propos de est féministe, écologiste, basée sur l ’autonomie son père. locale. C’est pour cela qu’ils traînent les cadavres effondrés, suppliciés de nos femmes dans les rues, qu’ils Lorsqu’on pénètre dans la cave de la rue détruisent notre environnement et arrêtent nos corps calcinés Bostanci, encore accessible le 24 mars, l’odeur des maires. » corps brûlés persiste dans l’atmosphère confinée; Dans l’obscurité des couvre-feux, cette nouvelle Depuis la reprise de la guerre, toutes les routes l’air est irrespirable. Des traces au sol dessinent une guerre et ses punitions collectives laissent la du Botan (nom que les Kurdes de Turquie donnent forme humaine. Là, ce qui ressemble à un bout d’os à leur région) sont jalonnées de barrages. Le passage population désemparée et creusent encore le fossé des voyageurs dépend du bon vouloir des policiers. d’enfant, oublié dans la cendre. Le confinement qui qui sépare le Kurdistan du reste de la Turquie. Ges derniers mois, il faut compter sept heures pour frappe les Kurdes dè Turquie depuis plus de huit L aura-M aï G averiaux. aller en car de Diyarbakir à Cizre, contre quatre mois a atteint un paroxysme dans cet ossuaire qui heures en temps normal. Depuis décembre 2015, ne sera même pas un lieu de mémoire : depuis notre passage, il a été rasé. Si le plan de transformation des couvre-feux, qui peuvent durer plusieurs (1) Cette ville kurde de Syrie a été en partie conquise par I’OEI semaines, entrent en vigueur en fonction du nivéau urbaine annoncé par le pouvoir en avril est mis en à partir de septembre 2014, puis reprise début janvier 2015 par les de violence ou de l’humeur des autorités. Nous oeuvre, toutes ces caves, comme les autres traces forces kurdes, qui ne cessent depuis de progresser vers le sud. avons pu entrer à Cizre après les combats. Nous y susceptibles de prouver que des crimes de guerre (2) Le rédacteur en chef, Can Dündar, a été condamné à cinq ans ont été commis, seront emportées par les bulldozers et dix mois de prison, et le chef du bureau d’Ankara, Erdem Gül, avons découvert un paysage dévasté, des habitants à cinq ans. Libérés après trois mois sur une décision de la Cour traumatisés et une sécurité aléatoire. Du quartier et les grues. constitutionnelle, ils pourront attendre libres leur procès en appel. de Cudi, situé sur la rive gauche du Tigre, il ne restait (3) Certaines des personnes rencontrées ont souhaité que leur que des carcasses d’immeubles effondrés, témoins L’association Rojava Solidarity, qui regroupe nom de famille ne soit pas mentionné. des volontaires de tout le Kurdistan turc désireux du pilonnage, systématique de leurs colonnes (4) Dont était membre M. Mehmet Ali Agca, qui tira sur le pape porteuses par les obus de char, Quatre-vingts pour de venir en aide aux populations du Rojava (le Jean Paul II en 1981. Toujours en activité, les Loups gris ne rechignent cent de la surface résidentielle serait détruite. Kurdistan syrien), avait été très active à Kobané. pas à Faction violente et tentent d’infiltrer les milieux politiques. Intervenant cette fois dans son propre pays, elle a (5) Chiffre établi par la municipalité de Diyarbakir, 1er mars 2016. Plusieurs mois après la levée du blocus, il n’est pu accéder à Cizre le 9 mars, une semaine après la 10 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti

Economist JULY 9th 2016 KURDISTAN Dream on hold Despite a string of military successes, the Kurds are nowhere near independence

J u ly 9th 2016 | ERBIL http://www.economist.com

PESHMERGA militiamen pile armchairs and sofas high on a removal van as they decamp AN OPPORTUNITY SQUANDERED from the dam above Mosul to the plain below. Mosul, ’s second city and the nerve centre of Had they matched IS’s unity and determination, Islamic State (IS), lies in their sights. Thanks to the Kurds could have erased the lines the coalition arms, training and air power, the pesh- Western powers drew on the map after dissolv­ merga, Iraqi Kurdish troops whose name means ing the Ottoman empire, and declared a unified “one who confronts death”, now surround it on Kurdistan. Instead, on either side of Iraq’s north­ three sides. Together with Baghdad’s army, they ern border with Syria, Kurdish militias now train are also closing in from the fourth side, the their guns on each other, hungry for control of south. “Whatever we take, we hold,” says a the territories and oilfields they have captured intelligence officer, surveying IS from IS or the Assad regime. The People’s dugouts from a trench on the front line. Protection Units (YPG) hold Rojava as well as bases in Mount Sinjar, west of Mosul, on Iraq’s For 28,000 square kilometres (11,000 square side of the border. Opposing their advance, Mr miles) behind him, Kurdish flags now fly over the Barzani has cobbled Syrian Kurdish exiles into remains of deserted and destroyed Sunni Arab his own “Rojava Force”. “We’re upholding Sykes- villages and towns. Time and again, the pesh­ Picot borders," says one of its commanders merga have chased the jihadists out. In Syria, wryly, using the shorthand for the partition of the too, Kurdish forces boast similar gains. Thanks region into various Arab states but not a Kurdish to the war on IS, they control some 600km of one. President of the Kurdistan Region Syria’s 800km northern border with Turkey. In Masoud Barzani March they declared their own autonomous In Iraqi Kurdistan, the core of their putative state- region there, Rojava. In Turkey and even in Iran, but also makes him dependent on the Turks. in-waiting, the two dynasties that fought a nasty Kurdish armed groups have ended years of Loth to lose influence, Iran is helping Mr civil war back in the 1990s are also at logger- ceasefire and taken up arms. Rarely in their cen­ Talabani’s men finance a second pipeline from heads again. At a highland checkpoint on their tury-old bid for statehood has the dream of carv­ its refineries in Kermanshah to the oilfields of old demarcation line, the smiling portraits of the ing a Kurdistan from the rumps of four states Kirkuk, which Mr Talabani’s forces control. two old clan leaders, Mr Barzani and Jalal appeared so nearly within reach. Talabani, face each other some 300 metres In this section Harder power is at play too. Iran and Turkey are apart. But their men now appear to be hell-bent training, arming and directing rival Kurdish mili­ on reviving hostilities. From Erbil, their capital, Mayhem in all four has helped their cause. In tias, say Kurdish intelligence chiefs from both Mr Barzani's forces expel dissenters eastward. Iraq the area ruled by the Kurdistan Regional sides. Mr Barzani echoes Turkey in describing The banished include the Speaker of the KRG’s Government (KRG) has been beyond the effec­ the YPG as the Syrian arm of the PKK, the parliament, who dismisses Erbil as “occupied” tive control of Baghdad since 1991; only Kurds Kurdish armed group waging a bombing cam­ and wants parliament moved to “liberated” over 40 now speak Arabic there. Having struck paign against the Turkish state. For three months Sulaymaniyah, Mr Talabani’s base in the east. oil, the KRG’s leaders sell it independently of earlier this year, Mr Barzani joined Turkey in Partisan satellite channels fan the flames. In Baghdad, exporting it through their own pipeline closing the border. He imposed a siege on the June the offices of Rudaw, a pro-Barzani news to Turkey. “Iraq is over,” says Heman Hawrami, a YPG at the height of its war with IS. “Our wound­ agency, was firebombed. Barham Salih, a former confidant of the KRG's president, Masoud ed came to the borders and were forced to go KRG prime minister, warns that “Kurdistan is back,” protests the YPG's political representative Barzani. “Statehood is the only practical solu­ degenerating into warlordism and corrupt fief- tion.” in Sulaymaniyah. doms.” Yet if so, why do they delay declaring it? In a ref­ While Mr Barzani works with Turkey to thwart the Such rivalries make it all the easier for regional erendum in 2005, 99% of KRG voters chose PKK and its ally the YPG, Mr Talabani (with a powers to turn the Kurds into their pawns. In Kexit. A decade on, Kurdish officials say they nod from Iran) helps build them up. Both armed 1996 Mr Barzani’s men rode the tanks of their need a second vote, but will not name a date. groups operate from his territory, and the PKK is former murderer, Saddam Hussein, into said to have helped him bolster his hold on Sulaymaniyah. Mr Talabani needed Iran’s forces Infighting is the main reason for delay. Having Kirkuk. Some say their mission to join up the to win it back. Today Iraq is preoccupied with its taken back control of their territory in Iraq and disparate Kurdish dots fits in with Iran’s hopes of own fighting, and the chief puppeteers are again Syria, the Kurds have proved incapable of shar­ pushing west to the Mediterranean like Darius I, Turkey and Iran. Trade follows geopolitics: Erbil’s ing it. The alphabet barely has enough letters to an ancient Persian king. huge malls offer Turkish brands, whereas cover the acronyms of all their quarrelsome fac­ shelves in Sulaymaniyah are stacked with tions. A Syrian analyst counts 45 in Rojava In the meantime, the rivalry between Turkey and Iranian goods. Turkey’s pipeline through Erbil alone. In Iraq there are almost as many. Iran is prising Kurdistan apart. Neither country gives Mr Barzani control of KRG oil revenues, wants to allow the birth of a Kurdish state >• 11 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti

>■ that could inspire and lend material assis­ tance to their own Kurdish separatists. Western support for the Kurds, too, has its limits. Since 1991, when the UN set up a modest Kurdish haven in Iraq’s snow-capped mountains, Western powers have been the Kurds’ guaran­ tors.

TROUBLE WITHIN

But in their single-minded focus on IS, they have turned a blind eye to Kurdish infighting, sent copious arms and provided the air cover to expand Kurdish control in Syria and Iraq. A slew of Arabic towns have acquired Kurdish names. (Kobani, the Kurdish name for Ain al-Arab, is said to derive from the mispronunciation of Company, after the railway contractors who worked there.) “The US is subsidising Kurdish bad practices,” says Bilal Wahab, a Kurdish aca­ demic in Sulaymaniyah. idential term, before succumbing to hubris. No walked out. Returning exiles educated in the Kurdish nervousness is entirely understandable. sooner did he begin exporting oil than Baghdad West are leaving again, along with a larger illegal Twice over the past century, in 1922 and 1946, cut off the money it used to transfer to help fund flow. In lieu of salaries, some peshmerga are Kurds have declared their own state only to see the KRG, some $10 billion annually. said to have sold their American weapons to IS. stronger powers crush it within months. Even so, they might have done more to prepare their insti­ Oil prices have also plummeted. As the coffers Yet the KRG is worth saving. It retains a surpris­ tutions for government. Too often, the leaders of emptied, the critics brayed. Since parliamentari­ ingly tolerant multi-faith air, where ministers sip the KRG have replicated the bad practices of ans gathered to debate the future of the presi­ vodka and orange on a Ramadan afternoon in their neighbours. Having taken control of the pro­ dency last year, Mr Barzani’s party has boy­ restaurants playing Lebanese love songs. It has duction and sale of oil, the Barzanis seem bent cotted parliament, denying it a quorum; he has generously opened its gates to 1.8m refugees on concentrating power in their own hands. “La also barred its Speaker from Erbil. On the and displaced people who thronged to the KRG Familia” is the nickname Kurds have given to the streets, the security forces silenced protests by from more miserable parts of the Middle East. president, his son and intelligence chief, opening fire. In effect, Mr Barzani now rules a Masrour, and his nephew and prime minister, one-party state under the faction he has led for Ironically, Baghdad may yet provide a breathing- Nechirvan. Journalists and judges, who might 37 years. His rule has been without a mandate space. When Mr Barzani went it alone with his oil have been able to hold them to account, collect for the past year. exports, some Baghdad officials said good rid­ salaries to do their bidding. And since Mr Barzani dance, counting up the savings from cutting the began selling his own oil he has dispensed with His finances are a shambles, too. The tiny KRG KRG’s subsidies. As their economic crisis inten­ the need for a budget. Parliamentary requests to (population around 5m) has an astonishing $20 sifies, though, Kurdish officials are heading back scrutinise the accounts are ignored. “I’m not billion of debt, and its banks have exhausted to Baghdad to seek a share of its IMF loan and allowed to ask,” says Taha Zangana, the deputy their liquidity, says Qubad Talabani, the deputy continued payments for the displaced. They oil minister. prime minister and son of Jalal, appointed to stand a good chance of getting them. The devise a reform programme. In a bid to survive, Talabanis, who have long adopted a more prag­ As long the revenues kept rolling in, no one quib­ he says he has halted 4,000 projects worth $5 matic approach to Baghdad than the Barzanis, bled much. The KRG posted solid growth for billion, built up arrears with contractors and 1.4m advocate a final attempt to make Iraq work. After years. Its rulers built luxury hotels and apart­ government employees and beneficiaries, and all, says the redundant Speaker of the Kurdish ments, fancying they were creating a second cut salaries by up to 75%. The region has parliament, “we don’t need another failed Dubai. In 2013 Mr Barzani won cross-party sup­ plunged into recession. The oil companies have state.” port for a two-year extension of his second pres­ downsized sharply; Total, a French firm, has

metr®news 10 JUILLET 2016 Turquie : au moins 8 morts dans deux attaques dans le Sud-Est, attribuées au PKK

Avec AFP-10 juillet 2016 localités du sud-est de la http://www.metronews.fr Turquie. Ces attaques ont Kurdistan (PKK). état de 4 morts et 13 blessés. L'explosion d'une voiture piégée Déflagrations au moment où été attribuées au PKK. a fait cinq morts dans le centre de la passaient des véhicules de police ATTTENTATS - Au moins 7 Deux attaques simultanées. Au ville de Diyarbakir, a précisé un res­ Une autre explosion quasi- civils et un policier ont été moins huit personnes - sept civils et ponsable de la sécurité à l'AFP simultanée a tué trois civils dans la un policier - ont été tuées dans deux tués dans deux explo­ Quelque 12 personnes dont 5 poli­ localité de Kiziltepe, au sud de la attaques à la bombe, ce mercredi ciers ont été blessées, a annoncé le ville de Mardin, a indiqué le respon­ sions quasi-simultanées, soir, dans le sud-est de la Turquie. gouvernorat de Diyarbakir, chef-lieu sable de la sécurité, requérant l'ano­ l'une à Diyarbakir et Des attentats attribués à l'insurrec­ du sud-est à majorité kurde. Un pré­ nymat. Elle a par ailleurs fait 25 tion du Parti des travailleurs du l'autre à Kiziltepe, deux cédent bilan de cette attaque faisait blessés, selon la 12 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

-* télévision NTV. Les images dif­ credi a été particulièrement meur­ selon une source de sécurité locale. demi dans le sud-est de la Turquie. fusées par les télévisions ont mon­ trière dans le Sud-Est à population Un engin artisanal a été actionné à Ces derniers mois, le gouvernement tré d'importants dégâts subis par les majoritairement kurde distance au passage d'un convoi a mené des opérations militaires bâtiments environnants et les véhi­ Des attaques contre l'armée militaire à Uludere, à proximité de la contre le PKK pour déloger les com­ cules stationnés à proximité. se multiplient depuis la fin du frontière irakienne, a-t-on indiqué de battants kurdes des zones urbaines. Les deux attaques à la bombe cessez-le-feu même source. Le conflit a fait plus de 40.000 morts ont eu lieu lors du passage de véhi­ Cinq soldats turcs avaient été Les attaques contre l'armée se depuis le début de la rébellion cules de police, selon l'agence de tués et huit autres blessés dans un sont multipliées depuis la fin, en juil­ kurde, en 1984. • presse Dogan. La journée de mer­ attentat à la bombe en matinée attri­ let 2015, du cessez-le-feu, qui avait bué lui aussi à la rébellion du PKK, tenu pendant près de deux ans et

- RUDAW 12 July 2016 US to provide direct military and financial support to Peshmerga

ByRudaw.net 12/7/2016 advances towards Erbil the US stepped in and showed its commit­ ment to protect Kurdistan. RBIL, Kurdistan Region- E A Memorandum of Understanding on the military coor­ “Today I authorized two operations in Iraq - targeted airstrikes to pro­ dination between the Kurdistan Region and the United States was tect our American personnel, and a humanitarian effort to help save signed in Erbil, the capital of the Kurdistan Region, on Tuesday. thousands of Iraqi civilians who are trapped on a mountain without food This is a landmark agreement for and water and facing almost certain the Kurdistan Region, forming a death,” said US President Barack Obama on August 7, 2014. partnership with the United States separate from Baghdad. The memo­ randum is intended to encompass “To stop the advance on Erbil, I’ve the war against the Islamic State, directed our military to take targeted strikes against ISIL [ISIS] terrorist with the liberation of Mosul an initial focus. convoys should they move toward Acting Minister of Peshmerga Affairs Karim Sinjari and US acting the city,” he added. Assistant Secretary of Defense Elissa Slotkin signed a “President of the Kurdistan Region Memorandum of Understanding in Erbil on Tuesday. Photo: Barzani, in the Washington Post a Masoud Barzani received the US Courtesy of Kurdistan Regional Presidency few days after Obama’s presidential department of defense delegation headed by Elissa Slotkin, the acting order, affirmed the importance of for­ between Slotkin and the Kurdish the frontlines, collaboration between eign participation in the fight against Assistant Secretary of Defense for officials was preparation for the the Peshmerga, coalition and Iraqi terrorism and expressed his appre­ International Security Affairs. This operation to liberate Mosul from the forces, and also US support for the meeting was followed by a tele­ ciation for the support the US had Islamic State (ISIS) and the role of Peshmerga. given to Kurdistan and asked phone conversation between the Peshmerga in the battle. Americans to again help the Kurds. President Barzani and [US Carter affirmed the US commitment Secretary of Defense] Ashton The American delegation stressed and continued support for the “We are the United States’ staunch Carter,” reads a statement issued by their position that the Peshmerga Peshmerga forces and expressed the Kurdistan Region Presidency. allies in the region, and we have the are a crucial force in the upcoming his delight with the cooperation only force in the area with the major offensive. “The Peshmerga between Peshmerga and Iraqi In the memorandum, the United means and will to protect thousands forces will play an essential role in forces and their progress on the bat­ of lives from the horrors that these States committed to provide more the Mosul operation just as they tlefield. military and financial support to the terrorists bring. But we cannot do it have played similar roles in other alone,” said President Barzani on Peshmerga forces on the frontlines operations against ISIS,” said In return, Barzani thanked Carter for August 10, 2014. and also to provide support for the Slotkin during the meeting. supporting the Peshmerga forces in Peshmerga in the war against the the fight against ISIS, especially Islamic State, with particular focus “We are thankful to our friends on For President Barzani, the main direct US support to the Peshmerga. on the Mosul operation. Capitol Hill and in the White House concern is to be prepared for after for the support that they have given the battle. He acknowledged the Also on Tuesday, Barzani received us over the years. Only because the “The memorandum makes refer­ “urgency of the liberation of Mosul Canadian Defense Minister Harjit ences to military and financial sup­ situation is absolutely urgent do we and used the opportunity to reiterate Sajjan in Erbil, where the two dis­ port to the Peshmerga forces and humbly ask our friends to help us his position of the extreme impor­ cussed the war against the Islamic again.” also to some of the details of the tance of planning for post liberation State and Canada’s contribution to Mosul operation,” according to the Mosul,” reads the Presidency’s the fight, including preparation for Presidency statement. Since the beginning of the war with statement. the liberation and post-liberation of ISIS, there has been a steady traffic Mosul. The agreement was signed by the of US high level military and civilian A day earlier, on Monday, President delegations to the Kurdistan Region KRG acting Minister of Peshmerga Barzani discussed the situation dur­ The American commitment and sup­ and US-KRG [Kurdistan Regional Affairs Karim Sinjari and the US act­ ing a telephone call with the US port to the Kurdistan Region and the Government] relations entered a ing Assistant Secretary of Defense Defense Secretary Ashton Carter. Peshmerga goes back to beginning Elissa Slotkin. new phase in their strategic and They conferred over latest develop­ of the war on ISIS. A day after special relationship. ■ ments in the fight against ISIS on Islamic State militants made The main focus of the meeting 13 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti irat cetinmuhurdar / presidential palace /reuters palace /presidential cetinmuhurdar irat

n apprenant l’attentat des aliments ! » Erdôl et Erdogan UNE OBSESSION, dien Milliyet. De toute façon, il nous d’Istanbul, Erdogan a ne se quittent plus, car le maître a avait prévenus... » A la veille des d it : « Pas d ’images ! » TOUT CONTRÔLER une peur bleue du poison. L’ange En un an, ont été élections du 7 juin 2015, le prési­ Et pas d’infos en dehors gardien est nommé recteur de fermés, en Turquie, dent avertit en effet les journalistes des annonces officielles. l’académie des sciences médicales 15 chaînes frondeurs : « Sij’étais un dictateur, Dans le monde de Tayyip d’Istanbul, ce qui fait sursauter le de télévision, vous ne pourriez pas écrire tout - un prénom qui signifie corps médical et universitaire. Tant cinq journaux, cela ! » Un an plus tard, alors que en turc « l’Agréable » -, pis, le président déteste ces sommi­ une station de radio le nombre de nos confrères embas­ on n’est pas citoyen mais sujet.tés. Et Des gêneurs qui se gaussent de et un hebdomadaire. tillés est plus important en Tur­ croyant, comme les anciens élèves ses diplômes truqués. Car Erdogan Motif invoqué : quie qu’en Chine, son plus proche Ede l’école d’imams où le président a "apologie aurait menti sur son cursus. Il ne du terrorisme". conseiller, Yigit Bulut, éructe après laissé un pieux souvenir. Croire en disposerait pas du beau parche­ l’attentat : « Cela ne vous grandirait Allah et en Erdogan devait assurer min qui sanctionne quatre années pas d ’écrire sur l’explosion ! » le bonheur du peuple. d’études supérieures : seulement de Hélas : 45 morts. Plus de 200 en trois simplettes années de collège. EFFARANTES COMPLICITÉS un an, 17 attentats. Bien sûr, les Ce mensonge risque de remettre vidéos circulaient déjà sur Inter­ en cause son trône présidentiel. C’est Erdogan, surtout, que cette net. Erdogan a coupé Twitter et Pour compenser, il accumule les tragédie ne grandit pas. Les kami­ Facebook. Tout contrôler, c’est titres de docteur honoris causa à kazes de l’Etat islamique, d’ori­ son obsession. Le syndrome des l’étranger. Le 44e lui a été attribué gine tchétchène, ouzbek et kir- autocrates sur le déclin qui ne par l’université de Kampala, en ghize, étaient passés il y a peu par contrôlent plus rien. Mais tout Ouganda. Ça ne compte pas ! La Raqqa, fief syrien de Daech. C’était craque. L’aéroport scintillant, rumeur court, le Web s’amuse, il au temps où les services secrets miroir de la moderne résurrection faut bien se détendre entre deux turcs livraient secrètement des ottomane, est une flaque de sang drames. cargaisons d’armes à l’Etat isla­ dans laquelle se reflète l’impuis­ La censure s’accélère. En un an, mique. Voilà un an, une vidéo sance d’une nation déchiquetée. on ferme 15 chaînes de télévision, divulgue cette complicité effa­ La domination fantasmée par le cinq journaux, une station de radio rante. De braves douaniers turcs, faux sultan vire à la dépendance et un hebdomadaire. Motif invo­ peu au fait des tractations occultes, du tyranneau terrorisé. A l’aube qué : « apologie du terrorisme ». avaient consciencieusement per­ qui suit cette nuit affreuse, les cinq Quatre-vingt-cinq pour cent des quisitionné les camions à la fron­ goûteurs - médecin et chimistes - télés et 60 % des agences de presse tière turco-syrienne. Plus tard, les chargés de tester en permanence répercutent la voix de leur maître. malheureux seront virés. L’enquête les repas du président s’affolent. « Erdogan est le seul patron de de Can Dündar et Erdem Gül, du Cevdet Erdôl, toubib personnel presse de Turquie, résume Ufuk quotidien Cumhuriyet, révèle une du président, grommelle : « Les Sanli, ex-directeur (limogé) du site affaire d’Etat. Les deux journalistes attentats se font aussi par la voie économique et financier du quoti­ sont inculpés d’espionnage et > 14 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

> condamnés à cinq ans de prison. Ils ne doivent leur liberté provisoire, en attendant le procès en appel, qua une courageuse décision de la Cour suprême. Quelques juges résistent encore au pays dAtatürk. L’alliance secrète entre un homme d’Etat, chef de la Tur­ quie, et l’homme qui déstabilise les Etats, Al-Baghdadi, « calife » autoproclamé de Daech, a donc enfanté le chaos annoncé. Erdogan entonnait en 2 0 11 l’air du « zéro problème avec les voisins », mais, quelques mois plus tard, il deve­ nait plus urgent pour lui de tuer les Kurdes que de vaincre l’Etat > > islamique. Entre septembre 2014 et janvier 2015, il veut laisser mourir Kobané sous la mitraille de Daech, avant de se raviser sous une pres­ sion maximale américaine. Dans l’est de la Turquie, il n’hésite pas à l’hébergement ou des convoiements, rallumer les flammes d’une guerre et que tous ces réseaux soient brus­ civile qui avait fait 40 000 m orts en "IL EST INVRAISEMBLABLE QUE quement rayés d ’un trait de plume », trente ans. « Dans la ville de Cizre, nous expliquait récemment un des centaines de personnes ont été DAECH AIT BÉNÉFICIÉ DES BONS ancien officier des renseignements brûlées vives dans leurs caves, tan­ turcs. Les faits lui donnent raison. dis que le vieux quartier de Sur, à SOINS D'AGENTS HAUT PLACÉS ET L’attentat de l’aéroport était plani­ Diyarbakir, est totalement rasé », fié. L’intégriste tchétchène Akhmet témoigne, dans les colonnes du QUE TOUS CES RÉSEAUX SOIENT Chataïev, cerveau de l’opération, Monde diplomatique, Selahattin mais aussi des explosions de mars Demirtas, coprésident du Parti de RAYÉS D'UN TRAIT DE PLUML" dernier, au cœur de Taksim, et de la démocratie des peuples (HDP), janvier, devant la mosquée Bleue, le parti kurde légal, et député d’Is­ coordonne la terreur depuis sa base véhicules de police, au cœur d’An­ tanbul. Les leaders de son mouve­ de Daech en Syrie. Il a effectué de kara. Les Faucons imitent Daech, ment, troisième force politique du nombreux séjours en Turquie sans pourtant leur pire ennemi : voi­ pays depuis juin 2015, sont m ena­ être inquiété. La vérité oblige à dire ture piégée et femme kamikaze. cés, leur immunité parlementaire que, du côté européen non plus, il L’attaque fait 36 morts. Pendant ce est suspendue. Fait troublant : dans ne risquait pas grand-chose. Le dji- temps-là, le grand parti kémaliste, la répression antikurde de Diyarba­ hadiste a été admis au droit d’asile le Parti républicain du peuple (CHP) kir, les forces turques sont appuyées en Autriche en 2003. A ce titre, en voit ses permanences brûlées par par des milices hétéroclites. La UNE MONNAIE 2010, Amnesty International s’op­ les fans d’Erdogan. Un jeune député, population identifie des djihadistes, D'ÉCHANGE, pose, quand on repère l’homme aux dont la maison est assiégée par les mais aussi les loups gris, nervis de LES RÉFUGIÉS frontières de l’Union, à la demande salafistes prorégime, envoie femmes la vieille faction ultranationaliste. Six milliards d’extradition des autorités russes et enfants à l’étranger pour les pro­ Erdogan fait flèche de toute haine. d’euros, c’est qui connaissent sur le bout des ce qu'a promis téger. Le 8 juin dernier, lors de l’en­ Le feu appelle le feu. Ce n’est doigts le parcours du terroriste. la chancelière terrement des victimes d’un autre plus seulement le PKK, traqué à Aujourd’hui, la police turque Merkel à Erdogan attentat, un provocateur dépose, en Diyarbakir, qui réplique. Sa nou­ annonce avoir mis hors d’état pour contenir guise d’avertissement, une balle aux velle branche radicale, les Faucons de nuire plusieurs dizaines de Irakiens et Syriens pieds du leader du CHP, Kemal Kili- de la liberté, revendique l’attentat sur son territoire. djihadistes. Mince bilan et défi çdaroglu. Il semble que les assassins du 17 mars dernier contre des Ci-contre : compliqué : les recrues de l’Etat soient partout. islamique s’ébrouent librement Et pour cause : les trois années dans l’énorme foule des réfugiés pendant lesquelles les services - officiellement 3 millions - qui d’Erdogan ont soutenu et conseillé se pressent en Turquie. les djihadistes ont permis aux très mal nommés fous d’Allah, lesquels ont la tête tactique, de s’implanter RETOURNEMENT DIPLOMATIQUE durablement en Turquie. « Il est Les réfugiés ! Ils sont la sinistre invraisemblable que l’Etat isla­ monnaie d’échange de l’accord mique ait bénéficié des bons soins signé en mars dernier avec d ’agents haut placés, de collabora­ l’Union européenne. Pour qu’il les teurs occultes, de relais dans une contienne sur son territoire et leur foule de domaines, qu’il s’agisse de interdise de prendre la mer vers les > 15 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

> rivages grecs, Angela Merkel pro­ met à Erdogan près de 6 milliards d’euros, l’accès sans visa des Turcs à l’espace Schengen et la réouver­ ture des négociations d’adhésion. C’est ouvrir d’un côté la porte que l’on condam ne de l’autre : un son­ dage révèle en effet que 10 % des Turcs refusent de considérer l’Etat RÉCONCILIÉS Après avoir été islamiste comme une organisation près d'en découdre, terroriste... Mais la chancelière Vladimir Poutine aux abois a pour Tayyip, mâle et Recep Tayyip défenseur des frontières, les fai­ Ergogan - ici, blesses d’une Gretchen entichée > au G20,à Antalya, > d’Orient. Elle ferme mollement le 16 novembre 2015 - ont laissé les les yeux sur sa propagande en Alle­ intérêts économiques magne. Laisse les sbires d’Erdogan l'emporter. traîner en justice un humoriste germanique qui se paie la tête du grand Turc. Bronche à peine quand les milices de l’AKP m ade in Germany menacent les dépu­ tés allemands d’origine turque qui ont osé voter la résolution du Bundestag reconnaissant le géno­ LE TSAR ET LE SULTAN cide arménien. Par exemple, Sevim ntre Vladimir russe vers l’Europe entière. Du côté Dagdelen, députée Die Linke, qui Poutine et Recep via la Turquie : ce turc, les arguments Tayyip Erdogan, qui contribuerait ne manquent pas dénonce, au lendemain de l’atten­ la politique à accroître la non plus. Le plus tat de l’aéroport, « la stratégie de du coup de dépendance grand cauchemar manipulation des communautés menton a vécu. Les énergétique du Vieux d'Erdogan est de voir turques à l’étranger ». Autant invi­ E intérêts l'emportent Continent envers l’émergence d’un Etat ter à la prudence ceux qui gobent de nouveau. En la Russie. Poutine kurde en Irak et en la sincérité du retournement diplo­ novembre 2015, le tsar a lui-même avancé Syrie, puis en Turquie. matique d’Erdogan, désormais et le sultan semblaient un autre motif : la Or, Moscou a noué une rabiboché avec Israël et avec la prêts à en découdre. brouille avec Ankara alliance militaire avec Russie (lire, p. 45 et ci-dessous). L'aviation turque abat risquait de provoquer les Kurdes de Syrie, Aux naïfs, tel le sénateur UDI Yves un avion de combat des tensions avec en leur fournissant les populations des armes contre les Pozzo di Borgo pâmé d’admiration russe à la frontière avec la Syrie. Aussitôt, turcophones dans djihadistes de Daech. devant « l’hommefort» d’Ankara, Vladimir Poutine l’ensemble du Cette aide a permis rappelons cette récente historiette. impose des sanctions Caucase, dans la aux combattants Le 4 octobre 2015 à Strasbourg, le et promet des région de l’Oural et en kurdes de passer sur président turc tient un meeting représailles. Erdogan Crimée. Géographie la rive occidentale électoral pour se rallier les voix de vient finalement oblige : la Turquie de l’Euphrate et de la diaspora. Sur la scène du Zénith, de présenter contrôle le détroit franchir ce que le il invite 12 000 de ses concitoyens ses « excuses », du Bosphore, ce régime turc considère à voter pour l’AKP, son parti, aux selon Moscou, ses qui lui permettrait comme une ligne législatives. Après l’hymne turc et « re g re ts », selon en cas de guerre rouge. Pour Erdogan, de bloquer l’accès il est vital de s’assurer la Marseillaise, un imam psalmo­ Ankara. Les deux partenaires ont en de la Méditerranée que cette alliance die le Coran. Femmes et hommes effet toutes les raisons à la flotte russe. est provisoire. Sur sont soigneusement séparés. Yasin de se réconcilier. Les La réconciliation l'autre front, l’origine Sayin, l’un des organisateurs de sanctions imposées va également des kamikazes de l’événement, est responsable par Moscou ont permettre à Poutine l’aéroport - issus du d’une Union des jeunes démo­ remis en cause de reprendre son terrorisme caucasien - crates turcs européens. Des mil­ un vaste projet travail de sape contre confirme l'importance liers de Turcs ont été acheminés de gazoduc pour l'Otan dont la Turquie des liens renoués avec de Suisse et d’Allemagne en car acheminer du gaz est membre à part Moscou. ■ JULIEN LAC0RIE par l’organisation islamiste. Les participants sont censés cogiter « contre le terrorisme ». Mais les recycler le sang des attentats en réfugiés syriens... en espérant djihadistes de Daech ne sont pas solidarité antiterroriste, Erdogan qu’une fois Turcs ils voteront évoqués une seule fois. Comme se pose non seulement en inter­ pour sa présidence à vie ! Une fois dans le ciel de Syrie et les rues de locuteur majeur sur la question encore, l’exalté qui comparait les Diyarbakir, toutes les attaques se des réfugiés, mais aussi sur celle minarets aux baïonnettes se pro­ concentrent contre les Kurdes. du djihadisme. Ultime cynisme, clame la solution alors qu’il a créé Huit mois plus tard, habile à il annonce la naturalisation des le problème. ■ m.g. Marianne/8 au 14 juillet 2016 16 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

£ t l i l l O l l i l e SAMEDI 9 JUILLET 2016 La Turquie face à un nouvel été sans touristes En plus des ISTANBUL (TURQUIE) - correspondante attentats et e calme règne sur la place de Sultanahmet, dans le de Unstabilité centre historique d’Is­ régionale, le tanbul. A deux pas de la tourisme a aussi Lmosquée Bleue et de Sainte-So­ phie, de rares groupes de touristes pâti en 2016 de étrangers écoutent distraitement l’embargo russe leurs guides leur parler de la vie quotidienne dans la Constantino­ Affecté par le climat de violence ple ottomane, et de l’histoire des qui règne dans le pays, le secteur a vieilles pierres qui jalonnent l’es­ également eu à pâtir de la dété­ planade. Les terrasses des cafés en­ rioration des relations entre la vironnants sont désertes, les ser­ Russie et la Turquie, après que la veurs ont les yeux dans le vide et chasse turque a abattu un avion les vendeurs de souvenirs ont mauvaise mine. de combat russe au-dessus de la «Je suis dans ce métier depuis frontière turco-syrienne, le 24 no­ trente-cinq ans et je n’ai jamais vu vembre 2015. une situation aussi catastrophi­ que», regrette Tuncay Günç, assis, Reconstruire l’image du pays entre les présentoirs couverts de Décidée au titre des sanctions pri­ babioles pour touristes, alignés ses par la Russie à l’encontre dÀn- kara, l’interdiction faite aux voya­ devant sa boutique, qui occupe Le Grand Bazar d’Istanbul, le 25 mai. murad sezer / reuters pourtant l’un des meilleurs em­ gistes russes de vendre des pro­ placements d’Istanbul. «L’atten­ duits à destination de la Turquie a privé les plages du sud du pays des tat de l'aéroport d'Atatürk nous a d’après l’Union des hôteliers tou­ fessionnels pour compenser les achevés. Je n’ai rien gagné depuis nombreux touristes russes qui s’y pressent chaque été. Avant la crise ristiques de Turquie, une baisse pertes de Tannée en cours. six mois, cette année est perdue qui n’a pu être limitée que par une Sixième destination mondiale pour tous ceux vivent du tou­ diplomatique, les citoyens russes constituaient le deuxième contin­ réduction drastique des prix des­ avant 2016 en nombre de voya­ risme», déplore-t-il, tandis qu’un tinée à attirer la clientèle locale. geurs, elle pouvait également ta­ imposant véhicule blindé de la gent de ressortissants étrangers à se rendre en Turquie, avec près De son côté, l’Association des bler sur les touristes originaires police effectue une manoeuvre à agences de voyages turques envi­ d’Arabie Saoudite et des pays du proximité. M. Gunç était à son de 4,5 millions d’entrées en 2014. sage déjà des pertes de 35 % à 40 % Golfe, plus dépensiers que la clien­ poste le 12 janvier, quand, à une Entre menaces internes et ten­ pour Tannée en cours. tèle européenne et réputés moins cinquantaine de mètres de son sions internationales, le secteur, Ces tendances négatives affec­ sensibles aux risques sécuritaires. établissement, un terroriste a fait qui représentait 31 milliards de tent par ailleurs un secteur en­ Du fait de la nature de sa cible et sauter sa ceinture d’explosifs au dollars de revenus, soit 4,4 % du detté à hauteur de milliards de de son caractère sans précédent, pied de l’ün des deux obélisques PIB national en 2015, et emploie 17 dollars . milliards d’euros). l’attentat qui a frappé l’aéroport qui ornent la place, tuant dix tou­ 8 % de la population active, a (15 «Les entrepreneurs les plus soli­ Atatürk pourrait cependant peser ristes, en majorité allemands. abordé la saison estivale sous les des attendent une éventuelle négativement sur le nombre de Frappant le cœur touristique pires auspices. D’après les statisti­ amélioration, mais les plus faibles voyageurs en provenance du d’Istanbul, cet attentat attribué à ques publiées en juin par le minis­ ont déjà misfm à leurs activités », monde arabe. Caisse de réso­ l’organisation Etat islamique (El) tère turc de la culture et du tou­ explique Esra Lèvent, directrice nance des tensions régionales, le par les autorités turques n’était risme, le nombre des arrivées de l’agence de voyages haut de pays reste tributaire d’incertitu­ que le premier d’une série d’atta­ de touristes étrangers enregistré gamme IDEE Travel, qui a connu des géopolitiques dont rien ne si­ ques tantôt revendiquées par les pour mai 2016 a chuté de 35 % par cette année la diminution la plus gnale la résolution à court terme. rebelles kurdes du PKK - et visant rapport à mai 2015, soit le déclin le importante de ses clients étran­ «Le tourisme ne peut fonctionner des cibles militaires et policières -, plus important jamais enregistré gers depuis sa création, il y a que. dans un pays en paix. C’est tantôt attribuées aux djihadistes depuis le début des années 1990. vingt-sept ans. toute l'image de la Turquie qui doit et frappant des cibles civiles. Le Les paquebots de croisière, l’une Amorcé fin juin, le retour à la nor­ être reconstruite», résume Esra dernier en date, qui a fait 45 morts des branches les plus prometteu­ Lèvent. - (Interim) m le 28 juin à l’aéroport international ses, se sont quant à eux reposi­ male des relations entre Moscou et d’Atatürk, et dont les autorités ont tionnés sur l’ouest de la Méditer­ Ankara - l’embargo russe sur les fait porter la responsabilité à l’EI, a ranée, en raison de l’instabilité de voyages en Turquie a été levé - ne donné un nouveau coup particu­ l’ensemble de la région. suffira pas à maintenir à-flot le sec­ lièrement dur aux acteurs turcs du Les premiers mois de Tannée teur cet été. Les réservations s’ef­ tourisme, entraînant de nombreu­ ont également vu le taux d’occu­ fectuent en général de longue date, ses annulations de séjour. pation des hôtels chuter de 16,2 % et c’est sur 2017 que tablent les pro­

17 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti international jNeUi fjork tintes monday, july 11,2016 Iran glorifies its casualties in Syria at the recent Tehran International Book shadi wrote a week ago, using an Arabic TEHRAN Fair allowed ordinary Iranians to pose word for infidels. Over 3,700 people said as “defenders of the shrines,” photo­ they liked the post. Hard-liners try to bolster graphed sitting on a military motor­ Mr. Shemsadi continued, “They died cycle in front of a billboard showing a while defending the pure Mohammedan pro-Assad mission and pulverized city street in Syria. Islam and the holy shrines and also stifle talk of compromise The main focus, however, is on social maintaining the national security of our media. country, and ascended to the heavens.” Facebook and Twitter are blocked by Mr. Shemshadi regularly posts im­ BY THOMAS ERDBRINK the state in Iran, but the photograph­ ages of those killed in action, like Abbas The first news report, to a nation usu­ sharing app Instagram is freely access­ Daneshgar, who died at 23 in 2015, and ally kept in the dark about military mat­ ible. Previously used mostly by middle- two 21-year-olds, one Iranian and one ters, was shockiftg: 13 Iranian soldiers, class Iranians showing off new puppies Afghan, both named Mostafa Mousavi all with links to the Islamic Revolution­ or vacations on the Caspian Sea, the app and seen holding up guns. ary Guards Corps, had been killed in an is now suffused with images of “mar­ Some scenes are of eyeryday life on ambush near the Syrian city of Aleppo. tyrs” and young men proudly wielding the front. In May, Mr. Shemshadi posted What followed this spring may have machine guns. a picture of a man he called ‘ ‘martyr Bel- been even more surprising. Details One of the more prominent Instagram basi,’ ’ cutting the hair of another fighter. about the soldiers appeared extensively accounts is run by a reporter for Iranian In hindsight, a bad omen, he wrote in a in the Iranian news media, which not state television, ,Hassan Shemshadi, caption. “The fighters who have re­ only gave the names of the dead but li­ who honors Iranian fighters and turned from the battle of Khan Hunan onized them with sweeping life stories. Afghans in the Iran-backed Fatemiyoun say that whomever that was barbered Poster-size portraits were plastered all brigade! by martyr Belbasi was martyred.” over their hometowns. Mr. Shemshadi’s more than 90,000 fol­ Mr. Shemshadi declined to be inter­ For years, Iran covered up its military lowers are treated to selfies and other viewed for this article., activities in Syria and Iraq, so the gov­ shots from the front lines in Syria. There He is not shy about describing Iran’s ernment could deny any official involve­ are pictures of him doing a stand-up for military activities in the region, a free­ ment on the ground. Coffins arrived state television in front of an armored dom of expression that would have to be with the bodies of soldiers who went vehicle, of his passport and boarding permitted at the highest levels of the gov­ unidentified, referred to only as “de­ pass for a flight to Damascus, and of the ernment. At a conference in Mashhad in fenders of. the shrines” of the Shiite star officer of the Revolutionary February, for instance, Mr. Shemshadi saints. When the bodies began to come Guards, Gen. QassemSoleimani. said that Iran was directly involved in home in larger numbers, the state news But most of Mr. Shemshadi’s posts the Syrian conflict and that there was a media began calling them “volun­ concern the increasing number of Irani­ danger that its Russian allies could one teers.” an casualties in Syria and Iraq. Since he day stop supporting Mr. Assad. No longer. Now every Iranian killed in started posting news of soldiers’ deaths “They may abandon us,” Mr. Shem­ action is named, his picture published, in 2015, he has published a total of 346 shadi said, as seen in videos of the event his valor lauded in elaborate tributes in mini-obituaries of Iranians and Iranian- posted on the Shajar.ir website. “We the hard-line news media and on Insta- backed Afghans in Syria and Iraq. That cannot live in fear of what might hap­ gram accounts dedicated to the fighters. is a large majority of the 400 or so Irani­ pen. We should move forward.” The reason for the change, analysts say, an and Afghan soldiers thought to have Iran is in Syria and Iraq not only to de­ is not some newfound dedication to died so far in the conflicts there. fend the shrines, Mr. Shemshadi said. transparency but a rift between the Ira­ “In the name of the Lord of the Mar­ “It is wrong to have a one-dimensional nian establishment’s hard-liners, who tyrs and the honest, the defenders of the view of what we are doing in Syria,” he control the military, and the moderates. shrine, Asadollah Ebrahimi and Saheb said. Iran provides national security for The hard-liners, they say, want to pre­ Nazari both from # Fatemiyoun, Mehdi the Syrians, too, and “we are there to vent any decline in Tehran’s absolute Asgari from #Karaj, Mehdi Bidi from show the real Islam,” meaning the support for Syria’s president, Bashar al- # Tehran, Mohammad Amin Karimian Shiite strain. Assad, and to undermine the moder­ from #Mazandaran were martyred by ates, who they fear might be open to a takfiri terrorists in Syria,” Mr. Shem­ political settlement in which Mr. Assad would step down. The Revolutionary Guards see publi­ cizing the sacrifices of the fallen as a way to build domestic support for the current Syria policy and squelch any talk of compromise. The Instagram ac­ counts have attracted tens of thousands of followers, most of them supporting the military effort. ‘ ‘By being open about our role, we can prevent a diplomatic solution in Syria,” said Hamidreza Taraghi, a hard-line po­ litical analyst close to Iran’s leaders. “First, we must defeat all terrorists in the battlefield. Only after that can we negotiate with them.” Hard-liners are promulgating Iran’s military successes — and even setbacks DAVOUD GHAHRDAR — in a variety of ways, including news At the Tehran International Book Fair, ordinary Iranians could pose as “defenders of the reports and documentaries. An exhibit shrines” astride a military motorcycle in front of a billboard showing a battered Syrian street.

18 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

International ;XeUt £1ork Suites ju l y 13 ,2 0 16 Uncharted waters for Turks

ISTANBUL

Many watch with unease as Erdogan tries to sculpt a new national identity

BY SABRINA TAVERNISE Umit Engin, the owner of a small book­ store in the tangle of back streets in this city’s ancient Beyoglu district, sat in his tidy shop reading on a quiet afternoon recently. Business has fallen sharply over the

MEMO FROM ISTANBUL

past year, since the bomb attacks star­ ted and the flow of tourists slowed, and Mr. Engin, 42, who is deeply worried about Turkey’s future, spends his days A nearly empty restaurant in the Taksin neighborhood of Istanbul last month. Business has fallen glancing up at the street, hoping for cus­ sharply over the past year, as bomb attacks have dissuaded tourists from coming. tomers. ‘ ‘We feel lost,’ ’ he said. ‘ ‘There’s no en­ ergy now. Where it will go from here, we Kemalists, it’s not about secular pro­ ish identity was inevitable. Kemalism is do not know. We are waiting for some­ testers — it’s our own test. And mostly, a rigid, early 20th-century revolutionary thing, but we don’t know what it is.’ ’ we are not passing.” ideology that forged a modern state. But He paused, adding wryly, “it’s like Liberals like Mr. Engin say they feel it also repressed pious peasants from the ‘Waiting for Godot,” ’ referring to the hopeless. Mr. Erdogan crushed the 2013 heartland, along with ethnic minorities existentialist play by Samuel Beckett. street protests. Opposition swelled like Kurds. The fact that the Turkish “Waiting for Turkey.” again after his party lost its majority in identity is evolving is natural. Turkey is living through strange days. Parliament in an election in June 2015, So far, Turkish society looks about the Bombings are now regular events in its but he outmaneuvered everybody by same. Women have not been required to large cities. Its society is so polarized calling a snap election. wear head scarves, and while an order that some people speak darkly of armed In the protests, “we tried everything, to do so seems unlikely, some liberals civil conflict. An old war with Kurdish but we got nothing,” Mr. Engin said. “In like Mr. Engin worry that it could hap­ separatists has been reignited, inflam­ fact, we lost many things. We lost pen, particularly in light of Mr. Er- ing the country’s southeastern border friends. Now it’s impossible to organize dogan’s recent exhortation for Turkish region at a time when countries just such protests. People think the result women to have more children. Pious south of it, Syria and Iraq, are convulsing will be the same.” Turks like his vision, perhaps more for with violence and existential questions. As Turkey drifts further into un­ the combative stance he takes against But the most profound changes have charted waters, some Turks are wonder­ the West than for his references to the . been in the shape of society itself. And for ing where their country is going — and Ottoman past. that, the country has its bombastic pres­ what it will look like when it arrives. “Europe is cracking, but Turkey is ident, Recep Tayyip Erdogan, to thank. The changes have been so profound still on its feet,” said Mahmoud Atlas, a Mr. Erdogan is tearing up the rigid that some argue that the nation — foun­ 47-year-old cleaning company owner secularist system imposed by Mustafa ded by the elite as a project that papered from Mersin who attended a large Ram­ Kemal Ataturk in the 1920s, empowering over ethnicity and religion to create the adan dinner in Istanbul where Mr. Er­ the long-oppressed Islamic underclass concept of a modern Turk — will have to dogan spoke last month. “Sorry, but the and making Turkish society far more pass through a period of uncertainty U.S. and Europe can’t break him,” he equal by carrying out economic policies and possibly chaos to find itself again. said of the president. that lifted poorer areas. But along the “Who are we, and what are we .doing Mr. Erdogan’s working-class roots way, Mr. Erdogan has grown increas­ here together?” said Cengiz Candar, a also have broad appeal. “He’s coming ingly autocratic and his inner circle in­ Turkish intellectual, explaining his from below, like us,” Emre Bozkurt, 22, creasingly rich, and many Turks, includ­ country’s predicament. “We used to be said. “He can sit and have tea with poor ing some from his own base, are worried the secular republic. Now, we don’t people. These things make us love him. about what he is erecting in place of the know what we are. What project brings When people look at him, they see them­ old system he is dismantling. us together? What social contract?” selves.” “It’s like ‘The Lord of the Rings’: We Mr. Erdogan is offering a narrative. He Mr. Erdogan and his party have reli­ have the ring now, but we have become speaks with swagger and soaring state­ ably received 40 percent to 50 percent of slaves to it,” said one young Islamic ac­ ments about the glory of Turkey’s Otto­ the vote for most of his nearly 15-year tivist, referring to money and power, man past, playing down the eight-decade tenure. Much of that support comes from who shut down her Twitter account secular interlude called Kemalism. He pragmatic voters who are more inter­ after being attacked by pro-government talks in rapid-fire speeches about what ested in their pocketbooks than politics. bloggers for criticizing the crackdown ■ he plans to achieve by 2023 — Turkey’s “They fear an economic crisis more on street demonstrations in 2013 that centennial — and sometimes seems to than anything else,” Hakan Altinay, the grew into a major protest movement want to replace Ataturk himself. director of the Eurtjpean School of Poli­ against Mr. Erdogan. “It’s not about In some ways, a search for a new Turk­ tics at Bogazici University in Istanbul, 19 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

said of the government. “The deal is: landscaped parks, complete with artifi­ said, adding that as a member of Tur­ You don’t mess with how I govern you, cial streams, a lake and a nearby sub­ key’s Shiite minority, he feels discrimi­ and I deliver you the goods. But if I don’t way stop. But as the party has become nation. “It wasn’t like this at the begin­ deliver, you send me an overdue bill visibly wealthier and corruption allega­ ning,” he said. with compounded interest.” tions have surfaced, Ms. Akarsu said Mr. Engin compared these days to a There were signs of discontent at a she had stopped voting for it. “They storm that is buffeting Turkish people. Ramadan dinner late last month in Ba- have changed, and so has my view of He said there would be damage, but how saksehir, a suburb far from Istanbul’s them,” she said, packing up her thermos much remained to be seen. ancient center that has long been a bas­ of tea. “I don’t believe they are telling “We have to wait for it to finish, for the tion of support for Mr. Erdogan and his us the truth about things anymore.” air to clear,’ ’ he said. Justice and Development Party. Kurtulus Turan, a textiles business­ He said he did not know whether that Emine Akarsu, 48, an architect, man, said he used to like Mr. Erdogan’s would take a month or a decade, but he praised the party for helping to trans­ party for its pro-business stance. But believed change would come because form the district from a trash-strewn now the president seems to speak ex­ “things can’t go on like this.” • field into rows of pastel high-rises and clusively for Sunni Turks, Mr. Turan

LE FIG ARO jeudi 7 iuillet 2016 Naturaliser les réfugiés syriens : la nouvelle ANALYSE tactique d’Erdogan ? Delphine Mlnoui

est la première fois entretenir un sentiment d’incertitude, permettant d’acquérir une écrasante que Recep Tayyip mêlé à la peur d’être « expulsable » majorité pour amender la Constitution Erdogan aborde du jour au lendemain. et remporter un référendum sur le ouvertement le sujet. Cette déclaration présidentielle système présidentiel (en remplacement Ce week-end, illustre une réelle prise de conscience de l’actuel système parlementaire), qu’il et après des mois turque d’un conflit syrien qui est parti appelle de ses vœux! dé rumeurs sur fond de polémique, pour dîner - et du besoin de plancher D’autres motifs, géopolitiques et le président turc a officiellement sur une politique d’intégration. Au économiques, sous-tendent ce choix. annoncé son intention d’octroyer des début de l’insurrection anti-Assad, en À l’heure de la crise des migrants et passeports turcs aux réfugiés syriens. mars 2011, Ankara avait d’abord misé des différends politiques qui l’opposent « La Turquie aussi est votre nation ! sur un départ rapide du président à l’Eürope, la délivrance dè passeports Ne l’oubliez pas ! Vous avez beaucoup syrien. Aujourd’hui, la violence du turcs s’inscrit dans une volonté du pays souffert, vous avez beaucoup perdu... conflit a tué les rêves d’un retour de redorer son blason, en consacrant Parmi nos frères syriens, ily en a imminent au pays. D’où cette décision, la Turquie comme un pays beaucoup ici qui souhaitaient avoir la prise en septembre 2014, d’ouvrir les d’émigration. À lire entre les lignes nationalité turque. En leur offrant notre portes des écoles turques aux petits des derniers discours présidentiels, aide et notre soutien, nous allons donner il est également bon à nos frères cette citoyenneté ! » , a-t-il Cette mesure né devrait concerner de rappeler que cette déclaré devant un groupe de réfugiés mesure, dont on ne réunis dans la ville de Élis, qu’une minorité de réfugiés connaît pas encore à la frontière syrienne. « hautement qualifiés » les détails, ne devrait La décision a aussitôt été applaudie I concerner qu’une par de nombreux Syriens de Turquie. réfugiés. D’où, encore, l’annonce faite minorité de réfugiés « hautément En plus dé cinq ans de conflit, ils sont début 2016, d’un droit au travail qualifiés » et économiquement déjà quelque 2,7 millions à en avoir fait leur accordé aux réfugiés. bien intégrés. terre d’exil. « C’est une très bonne Mais les nationalistes du parti En fait, cette annonce ultramédiatisée nouvelle », se réjouit de prime abord d’opposition MHP ne l’entèndent n’apporte finalement rien de nouveau Muaaz Keftaro, qui tient une pâtisserie pas de la même façon. Pour eux, la par rapport à l’actuelle loi turque, qui syrienne dans le quartier Fatih, le « présence des Syriens sur leur territoire permet déjà à tout étranger résidant en Petit Damas d’Istanbul » où réside une doit se limiter au court terme. Turquie depuis cinq ans de demander la grosse communauté syrienne. Selon cet Le parti républicain CHP dénonce, lui, nationalité turque (à condition de ex-avocat de Damas, qui a fui son pays le manque de clarté des autorités sur répondre à certains critères, il y a un an et demi, « ce nouveau statut leurs réelles intentions. Quant aux notamment financiers). De quoi faire nous garantira les mêmes droits que les opposants pro-kurdes du HDP, ils déchanter les réfugiés syriens. «Tout Turcs : accès à l’éducation, au travail, accusent le pouvoir de vouloir ceci n’est qu’un coup médiatique. Tout aux soins ». À ce join, seuls 10 % bouleverser l’équilibre démographique comme les permis de travail, dont seules environ vivent dans des camps. Les dupays. quelques centaines ont été octroyées à ce autres bataillent au quotidien pour Pour nombre d’analystes, il pourrait jour, et l’accès aux écoles, rendu difficile s’intégrer à la société et au marché même s’agir d’une manoeuvre politique à cause de la barrière de la langue et de du travail. Leur situation est en effet d’Erdogan, obsédé par une nombreuses restrictions administratives, ambiguë : la Turquie ne les considère augmentation de ses prérogatives: Une cettè nouvelle mesure ne s’adresse qu’à pas juridiquement comme des réfugiés fois naturalisés, les réfugiés constituent unpetit groupe de Syriens», regrette mais comme des « invités ». De quoi un potentiel « réservoir d’électeurs » lui Muaaz Keftaro.

20 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti LE FIGARO vendredi 15 juillet 2016 La laborieuse campagne de Ninive m ntrp Driprh 1 L A ' " 1 préiude à la reconquête de Mossoul, l’offensive de l’armée irakienne, épaulée par des milices sunnites, avance, village après village.

SAMUEL FOREY # (SSamForey MAKHMOUR, KHARABA

IRAK L’été approche. Aussi régulier, - rj . violent, implacable qu’une tempête f .W y rgS d’équinoxe, il brûlera, pendant de lon­ gues semaines, les mythiques plaines de Ninive, le cœur de l’ancien Empire as­ syrien, aujourd’hui aux mains de l’État islamique. La reconquête commence. Elle est lente, laborieuse. Elle a pour nom «les opérations de libération de Ninive ». Elle est commandée par le gé­ néral Najim Abdullah al-Jibouri. Dans sa base de Makhmour, il fume,'le regard las, les cernes lourds. «L’ennemi est en déroute. Son moral s’effondre. Leurs chefs sont tués, un par- Le nombre de douilles abandonnées un. Il y a de moins en moins de combat­ mercredi sur le terrain pour reprendre tants étrangers, de plus en plus de locaux aux djihadistes de l’EI les abords inexpérimentés, apeurés. On en finirait Makhmour de la base aérienne de Qayyarah, plus vite si les règles d’engagement pour à 35 kilomètres au sud de Mossoul, les frappes aériennes n ’étaient pas aussi témoigne de la violence contraignantes, notamment chez les Fran­ Klrkou des combats. çais. » Paris, qui participe à la coalition MAHMOUD AL-SAMARRAI/AFP internationale contre l’État islamique menée par les États-Unis, bombarde ré­ Faloudja □ ® Bagdad gulièrement les djihadistes (voir page 4). Najim al-Jibouti commande un dis­ IRAK positif complexe, révélateur des fractu­ res béantes d’un Irak fragmenté. Les bataille contre Daech en territoire ara­ 5000 5000 soldats de la 15e division de l’ar­ be sans qu’ils n’y puissent prendre part. soldats irakiens mée irakienne se sont installés en fé­ Les marines observent, conseillent, as- sont installés depuis février dans vrier à Makhmour, ville au pied d’une sistènt et parfois, agissent aux côtés des la ville de Makhmour. Ils préparent barre rocheuse, la frontière occidentale forces irakiennes. l’offerisive pour reconquérir Mossoul, du très autonome Kurdistan irakien. À l’armée irakienne de conquérir, as­ tombée aux mains de TEI en juin 2014. Au-delà, vers l’ouest, s’ouvre la plaine sistée de milices sunnites, les villages de de Ninive, majoritairement arabe sun­ la plaine de Ninive. Tâche difficile; La comme les traces que Daech a laissées nite. C’est le timide retour, dans le nord campagne a commencé fin mars, labo­ en deux ans d’occupation de la plaine de de l’Irak kurdo-sunnite, d’une armée rieusement. Conquérir est difficile, Ninive. Les «Réquisitionné» écrits sur irakienne qui a laissé un mauvais sou­ contrôler est complexe. Fin avril, les les murs des plus belles maisons de ces venir. Le souvenir d’une force inféodée premiers villages tombent. Mahana, à hameaux solitaires, les «On restera», au pouvoir chiite, responsable, sous l’ouest de Makhmour, est pris le 27. slogan apparu à l’heure de gloire de l’ancien premier ministre Maliki, d’im­ Deux cents militants sont tués, selon le l’organisation à l’été 2014, les tunnels placables répressions dans les territoi­ commandement irakien. Deux jours piégés, les tranchées profondes. res sunnites, à coups de bombarde­ plus tard, les djihadistes contre-atta- «R faut avancer village par village, ments aveugles et d’exactions brutales. quent. Cette fois-ci, les soldats irakiens prendre son temps pour assurer ses posi­ Une armée dont les soldats ont fui pi­ tiennent bon. L’offensive s’oriente en­ tions», explique le colonel Firas. L’offen­ teusement, en juin 2014, face aux djiha­ suite vers le sud. Khardan, village aux sive a continué vers le sud. Makhmour, le distes pourtant dix fois inférieurs en maisons inachevées, balayé par un sable Kurdistan sont loin derrière. L’armée nombre, livrant Mossoul et tout l’ouest poudreux, tombe quelques jours après irakienne s’enfonce dans les terres du de l’Irak à Daech. Mahana. « Daech a envoyé 36 kamikazes «Daechstan», assistée de l’aide irrégu­ pour reprendre la position. Ils ont tous été lière des avions de la coalition. L’horreur simple de la guerre tués», affirme le colonel Firas, l’officier C’est un paysage étrange, rempli de L’armée irakienne, pour revenir, a dû de communication de la 15e. Quelque chaleur et de poussière, où des vÜlâges composer. À Makhmour, en territoire chose reste de cette furieuse attaque ka­ déserts, marqués par la guerre, figés kurde, elle doit partager une base avec mikaze: dans la mosquée, une écla­ dans la solitude, sont balayés sans répit les pechmergas, les combattants kurdes boussure sombre jaillit sur, le mur ver­ par un souffle ardent. Le long des pistes irakiens et les 200 soldats américains dâtre. C’était un homme. Le djihadiste d’un sable lourd, qui retombe comme du 26e corps expéditionnaire des mari­ s’est fait sauter plutôt que d’être pris par de la pluie, les carcasses d’engins, nes. Les pechmergas tiennent position, les soldats de l’armée irakienne. Le broyés par l’aviation, gisent comme des reçoivent les déplacés, assurent les ar­ corps a disparu. L’éclaboussure reste, squelettes d’animaux desséchés. On y rières, frustrés de voir l’armée mener la l’odeur aussi. Elle persistera longtemps, voit des scènes d’une horreur simple. 21 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

Une unité de l’armée irakienne a pris sein Zeidan, originaire de ce village. Le pistes, suffisamment grandes pour ac­ position dans la plus belle maison du cheikh Fellah a tenu à ce que son village cueillir des gros-porteurs, l’endroit village de Kharaba. L’un des pick-up soit libéré par les hommes de son clan. sera un centre opérationnel essentiel arbore un drapeau en hommage à Zei­ Membre de la garde rapiprochée du mi­ pour la reprise de Mossoul, « capitale » nab, figure chiite. Un soldat se rafraîchit nistre, Abou Ibrahim, le treillis ajusté, irakienne de l’État islamique occupée sous un jet d’eau, sur le seuil de la mai­ le sourire prompt, a fui Hajj Ali il y a par les djihadistes depuis deux ans. son. Devant lui, en contrebas, un cada­ deux ans, avant de revenir pour parti­ La campagne des villages va continuer vre de djihadiste, à moitié consumé, les ciper, avec son clan, à la reconquête de tout l’été, à la recherche d’un ennemi membres dans des positions absurdes son village. L’armée irakienne a cou­ invisible. Soldats et miliciens errent comme un pantin désarticulé, des liens vert leur avancée, avec ses blindés et dans les mêmes maisons vides, s’empa­ aux pieds et aux poings, achève de se son artillerie. « La collaboration se passe rent des mêmes villages déserts, que les dessécher au bord de la piste, dans l’in­ très bien, Dieu merci. Ensemble, nous fantômes des djihadistes semblent enco­ différence des visiteurs de passage. aidons les villageois à fuir la zone», re hanter, par une inscription sur un poursuit Abou Ibrahim. mur, une tache de sang à terre, le ton­ Un ennemi invisible Au loin, vers l’ouest, le fleuve Tigre, nerre,,au loin, d’un canon. Au cœur du L’armée progresse maintenant dans un chapelet de villages, puis la base aé­ danger constant de cette guerre diffuse, Hajj Ali, un gros bourg au bord du Tigre. rienne de Qayyarah. La zone a été re­ face à l’ennemi commun, la camaraderie « Les djihadistes nous bombardent cha­ prise par une charge de blindés de l’ar­ des combattants semble faire exister que matin et chaque soir», dit Abou mée irakienne, le plus important brièvement le rêve d’un Irak uni, qui Ibrahim. Il fait partie du clan sunnite du déploiement de ces forces depuis l’in­ s’efface dès que le péril s’éloigne. ■ «cheikh Fellah», du nom de l’actuel vasion du Koweït par les troupes de ministre de l’Agriculture, Fellah Hus­ Saddam Hussein en 1990. Avec ses deux.

LE FIGARO

nonce de François Hollande, Paris a-t-il Paris accroît son soutien en Irak voulu rétablir ce déséquilibre ? Dans son discours au ministère de la Défense, le chef de l’État a parlé de renforcer « les pour reprendre Mossoul Irakiens » dans la perspective de la recon­ quête de Mossoul. Il n’ a pas été plus précis.

ALAIN BARLUET * (Sabarluet Opération « Chammal » ET GEORGES MALBRUNOT * (SMalbrunot Ce que Ton sait, c’est que cette bataille de Mossoul sera conduite Comme à Faloudja, le mois dernier, par l’unité antiterroriste LA FRANCE va renforcer son soutien aux (Iraqi Counter Terrorism Forces, ICTF), forces irakiennes et redéployer son por­ un groupe d'élite étroitement pris en te-avions Charles-de-Gaulle pour- lutter charge par les États-Unis, dont certains contre le groupe État islamique (El) et at­ éléments sont formés par les forces spé­ teindre un objectif majeur : la reprise de la ciales françaises. ville de Mossoul, au nord de l’Irak. L’an­ Dans la guerre pour libérer Faloudja de nonce française intervient quelques joins Daech, l’ICTF était épaulée par des élé­ après celle des États-Unis, qui vont en­ ments de la police fédérale ainsi que par la voyer 560 soldats supplémentaires à « Mobilisation populaire », des miliciens Qayyarah, à 60 kilomètres au sud de la Des soldats de la 11e brigade parachutiste apprennent i chiites souvent proches de l’Iran. Mais « capitale » de Daech en Irak.'; c’était des commandos des forces spécia­ « Nous allons encore intensifier le aux membres du service antiterroriste irakien (ICTF) concours de l’armée de terre pour soutenir à identifier et neutraliser les explosifs les australiennes qui étaient au sol avec T ICTF, pour guider les avions qui frap­ les Irakiens dans la perspective de la recon­ (Ici à Bagdad, en avril). quête de Mossoul», a déclaré François paient les cibles djihadistes. Pour la libé­ Hollande mercredi dans un discoins au ration de Mossoul, s’ajouteront au dispo­ ministère de la Défense. « Daech recule, sitif les combattants kurdes. D’après nos perd ses bastions, il faut frapper fort », a informations, plusieurs milliers de mem­ déclaré le chef de l’Etat, après avoir rap­ bres de l’ICTF terminent actuellement pelé la contribution apportée à la coalition une formation en Jordanie, sous l’égide internationale par la France, notamment des États-Unis, pour être déployés pro­ 320 chainement en Irak, où ils conduiront la avec des frappes aériennes. « Il faut frap­ per et détruire ceux qui nous ont agressés membres bataille de Mossoul. ici », a-t-il ajouté en rappelant que les des forces spéciales et des militaires. Par ailleurs, a annoncé François Hol­ principaux attentats perpétrés Tan der­ français sont chargés de la formation lande, le Charles-de-Gaulle et son groupe de la 6e division de l’armée irakienne aéronaval (GAN) seront de nouveau dé­ nier sur le sol français avaient été conçus à ployés au sein de l’opération « Cham­ Mossoul et à Raqqa, fief de Daech en Syrie. mal » à l’automne. Cela a déjà été le cas à Paris déploie quelque 400 militaires en conseil et d’accompagnement, pas des forces combattantes. deux reprises dans le cadre de la lutte Irak, dont 320 membres des forces spé­ contre Daech en Irak et Syrie, une pre­ ciales, et des militaires chargés de la for­ « Le gouvernement irakien se plaignait mière fois au début 2015 et une deuxième mation de la e division de l’armée ira­ d’une chose, déclarait récemment au Fi­ 6 au lendemain des attentats de novem­ kienne à Abou Ghraib. Cent soixante sont garo à Bagdad un expert militaire occi­ bre 2015. Il s ’ agira du dernier engagement dental. Avec les Kurdes, les forces spéciales détachés auprès de l’armée irakienne à du porte-avions avant un arrêt technique Bagdad et autant auprès des pechmergas, françaises font delà désignation de frappes majeur de dix-huit mois, à compter du les combattants kurdes qui sont engagés djihadistes, les commandos français sont début 2017, pour moderniser ses équipe­ dans la bataille en cours pour la libération sur la ligne de front avec les pechmergas ments et changer ses deux réacteurs nu­ de Mossoul. Il s’agit donc de militaires contre Daech, ce qui n’est pas le cas à Bag­ cléaires. ■ exerçant des missions de formation, de dad avec l’armée irakienne: » Avec l’an­ 22 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

Viande DIMANCHE 17 - LUNDI 18 JUILLET 2016 PUTSCH EN TURQUIE En Turquie, M. Erdogan mate une tentative de coup d’Etat Des affrontements à Ankara

et Istanbul entre mutins, soldats ISTANBUL

* Harbiye loyalistes et partisans du président Alibeykoy Pont « Fatih Sultan Mehmet» turc ont fait au moins 90 morts Siège et plus de 10 0 0 blessés du groupe Osmanbey ; \ de médias Dogarr Pont du Bosphore dans la nuit de vendredi à samedi Commandement ISTANBUL - correspondante central de la police es tirs sporadiques et des bruits d’explosions étaient Aéroport Détroit toujours audibles à Ankara Atatürk du Bosphore èt à Istanbul, samedi 16 juillet à l’aube, mais le Q Lieu investi par les putschistes \ 2 km gouvernement turc a fait sa­ 0 Lieu de rassemblement en soutien au pouvoir d’Erdogan voir qu’il avait repris le contrôle du pays, Débranlé par une tentative de coup d’Etat fo­ ANKARA QG des services secrets menté par un groupe d’officiers dans la nuit de vendredi à samedi et qui est resté circons­ crit à ces deux villes. Samedi matin, le bilan Palais était d’au moins 90 morts et 1154 blessés. présidentiel Le président Recep Tayyip Erdogan, qui avait trouvé refuge dans la station balnéaire d'état- Parlement de Marmaris, sur la côte égéenne, au plus major .fort des affrontements entre les militaires loyalistes et le groupe de putschistes, est ren­ Siège de la chaîne tré en vainqueur à Istanbul au petit matin. publique TRT Attendu par un groupe de fidèles à l’aéro­ District de Gôlbasi port international Atatürk à Istanbul, où son, QG des forces - iNBUL avion a atterri aux environs de 4 h 30, heure spéciales locale, le numéro un turc a promis que les in­ surgés - une cinquantaine d’officiers de la 2 km gendarmerie et de l’armée de l’air - «paie­ raient cher leur trahison ». «L'Etat parallèle a sa part dans le soulèvement», a-t-il affirmé, été arrêtées samedi à l’aube. La situation res­ noire. Son exil américain sert à enjoliver le en référence au prédicateur Fethullah Gülen, tait incertàiné en revanche autour des ponts récit officiel d’une Turquie assiégée par des son ennemi juré, qui vit depuis 1999 en exil sur le Bosphore, à Istanbul, toujours contrô­ «forces obscures», des «agents» à la solde éri Pennsylvanie aux Etats-Unis. La puis­ lés par les insurgés, malgré un ultimatum de des puissances étrangères (lés Etats-Uhis sante confrérie Gülen a pourtant été amoin­ l’armée de l’air promettant d’envoyer les surtout), avides de démantèler le pays. drie par la purge drastique exercée contre chasseurs bombardiers pour les en déloger. Prise par les insurgés dans la soirée, la elle depuis 2013 par le gouvernement isla- «Le coup d’Etat a été déjoué, la situation est chaîne publique TRT a été reprise par les mi­ mo-conservateur, persuadé que les adeptes redevenue normale», s’est félicité, samedi à litaires loyalistes dans la nuit, tandis que le de Gülen veulent le renverser. l’aube, Nuh Yilmaz, le porte-parole des servi­ chef d’état-major, le général Hulusi Akar, qui Jadis meilleur allié de Recep Tayyip Erdo­ ces secrets (MIT). Dirigés par Hakan Fidan, un était détenu par les putschistes, a pu être li­ gan, l’imam Gülen, dont le mouvement gère fidèle lieutenant du président turc, les servi­ béré. Mille cinq cent soixante-trois person­ encore des centaines d’écoles à l’étranger (en ces ont été l’une des premières cibles du Afrique notamment), est devenu sa bête nes mêlées à la tentative de coup d’Etat ont putsch manqué. Leur QG à Ankara, situé non 23 Revue de Presse-Press Review Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti

loin du palais présidentiel, a essuyé une atta­ que aérienne, lorsque des hélicoptères pilotés L’avion d’Erdogan approché par des F-16 par les putschistes ont bombardé le bâtiment, Au début de la tentative de coup d’Etat, deux F-16 pilotés par des putschistes se dès les premières heures du soulèvement. sont approchés de l’avion ramenant à Istanbul le président Recep Tayyip Erdo­ Tout a commencé vers 22 heures lorsque gan, en vacances à Marmaris. «Leur radar a accroché l’appareil ainsi que les deux des blindés militaires ont pris position à l’aé­ autres F-16 qui l’escortaient», a dit à Reuters un ancien officier de l’armée, au fait roport d’Istanbul, autour des ponts sur le des événements tout en déclarant «ignorer pourquoi ils n’ont pas tiré». Bosphore, dans les environs du palais prési­ M. Erdogan a affirmé que les putschistes avaient tenté de s’en prendre à lui à dentiel à Ankara. Peu après, des militaires ont Marmaris. Selon la chaîne de télévision CNN Turk, vingt-cinq militaires descen­ fait irruption dans les locaux de la chaîne pu­ dant d’hélicoptères ont investi l’hôtel de Marmaris où il séjournait, mais le prési­ blique TRT, dont ils se sont emparés. Dans un dent turc venait de quitter les lieux. communiqué publié sur le site de l’état-ma- jor, les putschistes ont dit s’être rendus « tota­ roport d’Istanbul, autour des ponts sur le qu’une vague de répression s’abattait sur les lement maîtres du pays ». Leur but, expli­ Bosphore, dans les environs du palais prési­ militants de son parti. Cet épisode est encore quaient-ils, était de « restaurer l’ordre consti­ dentiel à Ankara. Peu après, des militaires ont perçu aujourd’hui par les islamo-conserva- tutionnel, la démocratie, les droits de l'homme fait irruption dans les locaux de la chaîne pu­ teurs comme un traumatisme duquel ils ne et les libertés», ils se prononçaient contre blique TRT, dont ils se sont emparés. Dans un se sont jamais vraiment remis. l’« autoritarisme ». « Tous nos accords et enga­ communiqué publié sur le site de l’état-ma­ A chaque fois, lors des putschs précédents, gements internationaux restent valides. Nous jor, les putschistes ont dit s’être rendus « tota­ l’armée était unie dans sa décision de renver­ espérons que nos bonnes relations continue­ lement maîtres du pays ». Leur but, expli­ ser le pouvoir civil. Rien de tel ne s’est pro­ ront avec les autres pays », disait le texte. Fikri quaient-ils, était de «restaurer l’ordre consti­ duit cette fois. Très vite, les putschistes sont ISik, le ministre de la défense, a immédiate­ tutionnel, la démocratie, les droits de l’homme apparus comme représentatifs d’un courant ment dénoncé «un piratage» du site. et les libertés», ils se prononçaient contre hyperminoritaire, tandis que la majorité des l’« autoritarisme ». « Tous nos accords et enga­ militaires demeurait fidèle au Parti de la jus­ « JE SUIS LE COMMANDANT EN CHEF » gements internationaux restent valides. Nous tice et du développement (AKP, islamo- Alors que des combats étaient en cours au espérons que nos bonnes relations continue­ conservateur au pouvoir), lequel jouit d’une centre d’Ankara, la capitale, on apprit bientôt ront avec les autres pays », disait le texte. Fikri large assise populaire. que le général Hulusi Akar, le chef d’état-ma- ISik, le ministre de la défense, a immédiate­ Il est vrai qu’une fois aux manettes Recep jor, était retenu eh otage par les putschistes. ment dénoncé « un piratage» du site. Tayyip Erdogan et son fidèle allié Fethullah Pendant quelques heures, la confusion fut Gülen ne souhaitaient qu’une chose : faire totale et le gouvernement sembla dépassé «JE SUIS LE COMMANDANT EN CHEF » rentrer au plus vite les militaires dans leurs par la situation. Le président fut décrit par le Alors que des combats étaient en cours au casernes. De cette façon, ils tenaient leur re­ journal Milliyet comme ayant pris le chemin centre d’Ankara, la capitale, on apprit bientôt vanche sur cette élite en épaulettes qui de l’aéroport Atatürk, à Istanbul. Des ru­ que le général Hulusi Akar, le chef d’état-ma­ s’était tellement opposée à l’avènement de meurs allèrent jusqu’à évoquer une de­ jor, était retenu eh otage par les putschistes. l'islam politique en Turquie. mande d’asile en Allemagne. Pendant quelques heures, la confusion fut Vint ensuite'le temps des règlements de Quelques minutes plus tard, Recep Tayyip totale et le gouvernement sembla dépassé comptes et de grands procès retentissants Erdogan apparut, le visage défait, sur la par la situation. Le président fut décrit par le (de 2008 à 2013), quand des centaines d’offi­ chaîne CNN Türk. Lors de cette courte inter­ journal Milliyet comme ayant pris le chemin ciers furent condamnés à de lourdes peines view réalisée, parle biais de Facetime, il ex­ de l’aéroport Atatürk, à Istanbul. Des ru­ de prison pour avoir cherché à renverser le pliqua que le soulèvement avait lieu « hors de meurs allèrent jusqu’à évoquer une de­ gouvernement. Une fois brouillé avec le pré­ la chaîne de commandement». Et de réaffir­ mande d’asile en Allemagne. dicateur Güleri, en 2013, il n’était plus possi­ mer : « Je suis le commandant en chef. » C’est à Quelques minutes plus tard, Recep Tayyip ble d’affronter les ennemis Sur deux fronts. ce moment-là qu’il appela la population à Erdogan apparut, le visage défait, sur la M. Erdogan a donc tout fait pour se rappro­ descendre «sur les places et dans les aéro­ chaîne CNN Türk. Lors de cette courte inter­ cher des militaires. En avril, les condamna­ ports » en signe de soutien. Il semble qu’il ait view réalisée, par le biais de Facetime, il ex­ tions de 275 «putschistes» ont été cassées été entendu. Une foule s’est rassemblée pliqua que le soulèvement avait lieu « hors de par la Haute Cour d’appel, la réconciliation place Taksim, à Istanbul, pour protester con­ la chaîne de commandement». Et de réaffir­ semblait totale. tre le putsch. D’autres manifestants pro- mer : « Je suis le commandant en chef. » C’est à Quel courant au sein de l’armée a pu croire Erdogan, massés sur un des ponts qui en­ ce moment-là qu’il appela la population à qu’un putsch était possible ? Qui ? Combien ? jambe le Bosphore, ont bien essayé de traver­ descendre «sur les places et dans les aéro­ Pourquoi ? Très peu d’informations ont filtré ser malgré l’interdiction proférée par les ports» en signe de soutien. Il semble qu’il ait sur l’identité des auteurs du soulèvement, putschistes qui bloquaient la circulation été entendu. Une foule s'est rassemblée pas un visage, pas un grade, pas un nom de dans les deux sens, de l’Europe vers l’Asie et place Taksim, à Istanbul, pour protester con­ famille. Les autorités parlent d’une cinquan­ inversement. Mal leur en a pris. tre le putsch. D'autres manifestants pro- taine d’officiers, issus de la gendarmerie et Au moment où les manifestants se met­ Erdogan, massés sur un des ponts qui en­ d’une partie de l’armée de l’air (d’où l’emploi taient en route, les gendarmes ipsurgés qui jambe le Bosphore, ont bien essayé de traver­ des hélicoptères). tenaient le pont ont tiré dans la foule. Plu­ ser malgré l’interdiction proférée par les De cette épreuve, le président turc va res­ sieurs personnes ont été blessées lors de putschistes qui bloquaient la circulation sortir plus populaire que jamais. Si un réfé­ cette fusillade, un homme y aurait perdu là dans les deux sens, de l’Europe vers l’Asie et rendum est convoqué demain pour la mise vie. Les autorités avancent un bilan de 90 inversement. Mal leur en a pris. en place du système présidentiel fort dont il morts. Selon le parquet de Gôlbasi, dans la Au moment où les manifestants se met­ rêve, nul doute qu’il obtiendra une large banlieue d’Ankara, 42 personnes - des civils taient en route, les gendarmes ipsurgés qui majorité des voix, tant, dans son ensemble, et des policiers - ont été tuées au cours tenaient le pont ont tiré dans la foule. Plu­ la population, y compris ses détracteurs, d’affrontements particulièrement violents sieurs personnes ont été blessées lors de réprouve le recours à la violence. ■ loin du palais présidentiel, a essuyé une atta­ cette fusillade, un homme y aurait perdu là MARIE JÉGO que aérienne, lorsque des hélicoptères pilotés vie. Les autorités avancent un bilan de 90 parles putschistes ont bombardé le bâtiment, morts. Selon le parquet de Gôlbasi, dans la dès les premières heures du soulèvement. banlieue d’Ankara, 42 personnes - des civils Tout a commencé vers 22 heures lorsque et des policiers - ont été tuées au cours des blindés militaires ont pris position à l’aé­ d’affrontements particulièrement violents

24 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti International;XeUt£lork Suites Monday, july is, 2016 Turkish president reasserts his power ISTANBUL Now the country is left to consider what the lasting consequences of the Thousands are detained military uprising will be. The most ur­ EUROPEAN PRESSPHOTO AGENCY as Erdogan tightens grip gent question is this: Has Mr. Erdogan For Mr. Erdogan, the failed coup appears to Emerged even more powerful or is he be ending in a triumph of political Islamism. after coup attempt fails now a weakened leader who must ac­ commodate his opponents? That much of the country, including Istanbul, the streets are sealed off. Ar­ BYTIM ARANGO opponents who have bitterly opposed mored vehicles with water cannons sud­ AND CEYLAN YEGINSU his government, stood against a military denly materialize, as do police officers with tear gas canisters. Standing atop a bus outside his mansion coup as a violation of democracy raised “It was nice here today,” said Ali in Istanbul on Saturday night, President hopes that Mr. Erdogan would seize the Tuysuz, 19, who was selling watermelon Recep Tayyip Erdogan, victorious after . moment to reach across Turkey’s many slices on Saturday in Taksim. “People putting down a coup attempt by rene­ political divides and unite the country. are happy and buying watermelon. My gade factions of the military, told his fol­ Yet it was becoming clearer, as the tray was emptied three times. President lowers, “We only bow to God.” weekend progressed, that the moment Erdogan will protect the country.” The symbolism was stark. The infor­ was for Mr. Erdogan and his religiously The role that mosques played in mobi­ mal rally harked back to his earlier days conservative followers a triumph of po­ lizing citizens to gather in the streets as as an up-by-the-bootstraps populist and litical Islamism. the coup was unfolding was decisive, Islamist leader who often spoke from While secular and liberal Turks, by but it unsettled many secular Turks, the tops of buses. And his message, and large, opposed the coup, it was Mr. nonetheless, who called it a historic cloaked in the language of Islam, had Erdogan’s supporters who flooded the sidestep of Turkey’s secular principles, the effect of underscoring how much streets and gathered at Istanbul airport in which religion was meant to be sepa­ T\irkey has changed in recent decades. on Saturday morning to push out the oc­ rate from politics, The military men, once the guardians cupying army, yelling religious slogans On Sunday, Turkey’s nearly 85,000 of the country’s secular traditions who and chants in support of Mr- Erdogan, mosques, in unison, blared from their successfully pulled off three coups last not democracy itself. loudspeakers a prayer traditionally re­ century, were being rounded up and After Mr. Erdogan’s speech on Satur­ cited for martyrs who have died in war, tossed in jail. day, thousands of his supporters and called for people to continue to rally The Islamists, meanwhile, were dan­ marched down Istiklal Street in Istanbul against the coup plotters. cing in the streets. to Taksim Square, waving Turkish flags “Most of the people who went out in That is where, Mr. Erdogan said on and shouting in support of their presi­ the streets to oppose the coup d’état did Sunday, they will remain. dent. It felt like a rollicking street carni­ not use democratic language,” said “This week is important,” he told a val. The square was filled with women in Ozgur Unluhisarcikli, the director of the crowd gathered at Istanbul’s Fatih head scarves, a truck played a song Ankara office of the German Marshall Mosque for a funeral for a victim of the about Mr. Erdogan, and passing motor­ Fund of the United States, a research or­ weekend’s violence. “We will not leave ists werè honking and waving flags. ganization. the public squares. This is not a 12-hour That they were able to gather at all in He added that “there are people for affair.” public was in and of itself significant, whom Islam plays a big role in their The coup attempt seems to have been and amply demonstrated that Turkey is, lives in Turkey. And there are people for decisively quashed, with nearly 6,000 these days, for Mr. Erdogan and his sup­ whom Islam plays no role.” military personnel now in Custody. At porters. As Turks wait to see in which direc­ least 265 people were killed in the When other groups, like gay and les­ tion their mercurial and powerful leader clashes, and funerals for many of them bian organizations, or labor unions, try will steer the country in the wake of the were taking place on Sunday. to gather in public spaces in central coup, Mr. Erdogan on Sunday struck some conciliatory notes. ‘ ‘If they have guns and tanks, we have faith,” Mr. Erdogan said. “We are not after revenge. So let us think before tak­ ing each step. We will act with reason and experience.” Nigar Goksel, the Turkey analyst for the International Crisis Group, said that going forward, “there are two scenar­ ios.” ‘ ‘ Either Erdogan utilizes this incident to redesign institutions in Ankara to his own benefit,” Ms. Goksel said. “Or he takes the opportunity with the solidar­ ity that was extended to him by the op­ position and different segments of soci­ ety to reciprocate by investing more genuinely in rule of law and legitimate forms of dissent.” A crowd that included relatives of military and police personnel killed in the coup attempt gathered Mr. Erdogan’s own history suggests at a mosque in Ankara, TUrkey, on Sunday. Nearly 6,000 military personnel are now in custody. that this is unlikely. Each time he has 25 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

faced a challenge to his power, from InternationaljNeUi£lork Suites Monday, july is, 2016 street protests three years ago to a cor­ ruption investigation that went after his inner circle, he has sidelined his en­ emies and become more autocratic. Already, even as the government has A stunning night that arrested thousands of soldiers and of­ ficers suspected of taking part in the failed coup, there are signs that it using the moment to widen a crackdown on perceived enemies. Alongside the mili­ ‘felt like doomsday’ tary, the government also dismissed thousands of judges, who would seem­ ingly have had no role to play in a mili­ tary revolt. “Now the government has a free hand tb design the bureaucracy as they like, and they will,” Mr. Unluhisarcikli said. “All in all, Turkey will become a country where power is more consoli­ dated and dissent will be more diffi­ cult.” As the purge of the military continued on Sunday, one of those arrested was Gen. Bekir Ercan Van, the chief of the Incirlik air base, from where the United States military flies missions over Iraq and Syria against the Islamic State. Over the weekend, Gen. Van ap­ proached Amefican officials seeking asylum, but was refused, according to a person with knowledge of the matter who spoke on the condition of anonym­ ity because of the sensitive nature of the subject. The Greek prime minister, Alexis Tsipras, told Mr. Erdogan that asylum Soldiers who were involved in the attempted coup surrendering on the Bosporus Bridge in claims by eight Turkish officers who Istanbul on Saturday. “All of these guys will go to prison for life,” one official said. fled to northern Greece in a helicopter and were detained on charges of illegal quarters building held by coup plotters. entry would be examined swiftly. Tur­ Mr. Erdogan, who had frequently talked key has demanded their extradition. ISTANBUL of conspiracies afoot to undermine his As the drama of the coup attempt BY TIM ARANGO power, was back in control, seemingly played out Friday and into Saturday as powerful as ever, and perhaps even morning, for a moment it looked as AND CEYLAN YEGINSU more paranoid. though Mr. Erdogan was on the verge of Thousands of soldiers and officers The attempted coup, as it unfolded, being toppled from power. He spoke to purged from the military. A helicopter suggested an alarming unraveling for a the nation from the Facetime app on his shot down over the capital. Hundreds of country that is seen in the West as a cru­ iPhone, just after he narrowly escaped people lying dead on city streets. cial partner in the fight against terror­ being captured by the coup plotters at a As dawn broke Saturday, the citizens ism and an anchor of stability in a region seaside hotel. Then, around 3:30 a.m., of Turkey emerged sleep-deprived and full of trouble. he flew in to Istanbul, the surest sign yet angst-ridden after a night of violence The United States has sought close co­ that the coup was failing. that felt more like life in war-stricken operation with Turkey in the fight But more sq than his dramatic arrival neighbors like Syria or Iraq. against the Islamic State, while Europe at the Istanbul airport, his confident And trying to assert control was Pres­ has relied on Turkey to help stem the speech on Saturday on top of the bus ident Recep Tayyip Erdogan, targeting flow of refugees from war-torn countries seemed to emphatically declare that he plotters in the previous night’s coup and of the Middle East to the Continent. was back in charge. other perceived enemies of the state. “The whole night felt like doomsday,” Celebrations by his supporters con­ The embattled president, after a con­ said Sibel Samli, an independent film tinued on Sunday, with jubilant crowds fusing absence in the early hours of the marching through the streets of Istan­ producer in Istanbul. “People flocked to coup, appeared early Saturday to speak the markets to get bread, eggs and wa­ bul. to the nation. He exhorted his followers “Look around you,” one of them, ter. People were going to cash machines with the FaceTime app from his cell­ to draw oùt cash.” Eytan Karatas, 37, a mechanic, said. phone, resorting to the kind of medium “Look at these people. We are the real A steamy Friday night was just getting he has long sought to suppress. going when the first hint came that some­ soldiers of this country, and we have a That stunning scene, televised na­ chief.” thing was not right: The military sealed tionwide, at first seemed an embarrass­ off two bridges across the Bosporus. ment for a leader who presents himself Karam Shoumali contributed reporting Then fighter jets and helicopters as all-powerful, and suggested his end. began flying low over Istanbul and An­ from Istanbul, and Niki Kitsantonis But it was actûally the turning point, from Athens. kara, rattling residents enjoying a night as Mr. Erdogan called on his followers to on the town, and sporadic gunshots take to the streets and gather at the air­ rang out. port in Istanbul, which the military had Suddenly, Ihrks were transfixed by shut down, to resist the coup. their cellphones, or the televisions in By Saturday afternoon, after a stand­ bars and restaurants, trying to figure off in Ankara, the capital, the govern­ out what was going on. No one seemed ment had wrested back an army head­ to know where the president was. 26 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

As rumors swirled that the military was maneuvering to thwart a terrorist plot, or that a hijacked airliner was in the sky, many Turks, given their na­ tion’s history of military meddling in politics, began to wonder if a coup was afoot. Soon enough, they had their answer: The prime minister, Binali Yjldirm, spoke on television and said a renegade faction within the military was trying to mount a coup. And a military group, later calling it­ self the Peace at Home Council — a ref­ erence to a mantra of Turkey’s secular founder, Mustafa Kemal Ataturk — is­ sued a statement saying it had seized control of the country. NICOLE TUNG FOR THE NEW YORK TIMES ASURREAL EVENING Thousands gathered near the Parliament building in Ankara on Sunday in support of Presi­ dent Recep Tayyip Erdogan. At least 265 people, mostly in the security forces, were killed. And so began a surreal evening that stretched until daybreak, punctuated by violence that killed at least 265 people, Mosque preachers joined Mr. Er- Because this move will allow us to clean most of them members of the security dogan’s call to resist. “We will not let up the armed forces, which needs to be forces, as various factions fought for Turkey fall!” men shouted in the con­ completely demi.” control. servative Istanbul neighborhood of The night seemed to encapsulate the Istinye on Saturday morning, firing PLOTTERS LACKED SUPPORT many dramas and conflicts that have guns in to the air. “God is great!” It was becoming clear, by the time Mr. roiled Turkey in recent years: street The scariest hour was the one just be­ Erdogan arrived in Istanbul, that those protests; the bitter fight between Mr. fore Mr. Erdogan’s jet landed in Istanbul behind the coup did not have enough Erdogan, an Islamist, and a onetime after 3 a.m. Fighter jets flew low over support within the military, even as the ally, the Muslim cleric Fethullah Gulen, Istanbul, setting off sonic booms that whole episode exposed deep divisions whom the president late in the night' felt like airstrikes. within the military that had not been so blamed for the coup attempt; and rising Gunfire crackled throughout the city apparent:1 political violence and terrorism. and in Ankara, where soldiers had seized While the Turkish military has a his­ Ms. Samli had been sitting with civilian cars to use as barricades. Several tory of intervening in politics — it car­ friends at a rooftop bar of a chic hotel on explosions were reported at Parliament, ried out three coups in the past five de­ the European side of Istanbul when a and a helicopter used by the plotters was cades — Mr. Erdogan and his allies had helicopter passed low over their heads. blown from the sky, officials said. systematically sought to coup-proof the “We didn’t think anything of it at first A helicopter landed at the offices of army through a series of sensational tri­ because we knew the city was on high CNN Turk, and soldiers, apparently als, and it was thought not able to mount terror alerts following recent attacks,” coup plotters, tried to seize the station a takeover of the government. she said. “Then we started getting the during a live broadcast. Officials said the main plotters were calls and WhatsApp notifications about “Around 3 a.m. we heard loud fighter from the gendarmerie, a military-style the start of a military coup. People were jets and explosions,” said Ms. Samli, the police force; the air force; and some ele­ calling one another telling them go film producer in Istanbul. “That’s when ments of the land forces. Several gener­ home.” I felt scared. And this morning, every­ als and colonels were arrested — none The first signs that the coup might not one is in shock. Everyone is trying to were high-level figures recognizable to succeed emerged as it became clear work out what happened.” the public — and thousands of rank-and- that the military failed to secure impor­ Late in the night, as the sounds of war file officers and soldiers were rounded tant government buildings, or to seize mixed with muezzins at mosques ex­ up Saturday in a purge that is likely to elected officials, normally the first ac­ horting people to go into the streets and go on for some time. tions of a putsch. Later it was learned people chanting “Allahu akbar,” or “All of these guys will go to prison for that the conspirators had sought out Mr. “God is great,” Turkey’s cities felt like life,” said Ilnur Cevik, an aide to Mr. Er­ Erdogan at the seaside town of besieged communities in Iraq or Syria. dogan, in a telephone interview on Sat­ Marmaris, where he was apparently va­ When Mr. Erdogan landed in Istan­ urday. cationing, but were too late. bul, chaos was still gripping Istanbul And then Mr. Erdogan himself ap­ and Ankara, with more explosions and Safak Timur and Karam Shoumali con­ peared, from an undisclosed location, gunshots, but his very appearance tributed reporting. and spoke to the nation on FaceTime. seemefl to signify that the conspiracy Once again—as he did when he sought was relching its end. to face down a widespread street revolt In characteristic fashion, as he has in 2013 and to win elections, for himself as when confronted with street protests president and in Parliament for his Is­ and a corruption investigation, he lamist Justice and Development Party— vowed to root out the conspirators. Mr. Erdogan relied on his power base of “This attempt, thjs move, is a great Turkey’s religious conservatives. favor from God to us,” he said. “Why?

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LE FIGARO kmdU8juille^01£ Pourquoi le coup de force Ces cinq heures militaire a échoué où le destin du

tains auraient alors été remplacés par pays a failli DÉCRYPTAGE des partisans de l’imam Fethullah Gülen, Delphine Minou! l’intellectuel musulman alors proche <®DelphineMinoui d’Erdogan. Mais depuis la rupture, en basculer CORRESPONDANTE A ISTANBUL 2013, entre les deux hommes, le gouver­ nement pro-AKP s’est lancé dans une RETOUR sur cette nuit où la reprise en « ASSURER et restaurer l’ordre constitu­ chasse antigüleniste au sein de l’armée, main de la situation a fait bon ménage tionnel, la démocratie, les droits de mais aussi de la police et de la justice. avec la communication du gouverne­ l’homme et les libertés. » Lues à la télévi­ « Ce 15 juillet, les gülenistes ont ainsi tenté ment. sion publique le soir du coup d’État raté, leur dernière chance car ils se savaient les promesses des putschistes faisaient condamnés », poursuit la journaliste. Vers21h30 étrangement écho à celles des auteurs ►Des coups de feu retentissent à Anka­ des précédents coups de force de 1980, « Ni coup d’État ni dictature » ra. Des hélicoptères et des avions mili­ mais aussi de 1960 et 1971, lorsque les Auteur d’un livre sur la guerre entre des taires survolent à basse altitude la capi­ militaires s’imposèrent pour «protéger gülenistes et l’AKP, l'écrivain Ahmet Sik tale, ainsi qu’Istanbul où les deux la République» et «l’unité nationale». livre quelques détails intéressants sur son principaux ponts sur le Bosphore sont Mais dans un pays historiquement fa­ compte Twitter : selon ses sources au sein fermés à la circulation. milier des renversements de pouvoir, ce des renseignements turcs, une opération putsch avorté contre le président isla- anti-Gülen dans les rangs de l’armée À22h05 . mo-conservateur Recep Tayyip Erdo- avait été planifiée dès le matin du ►Le premier ministre, Binali Yildirim gan a exposé au grand jour les divisions 16 juillet. Un mandat d’arrêt visant plu­ déclare que des militaires tentent de et les faiblesses d’une armée qu’on disait sieurs militaires avait même été approu­ prendfe le pouvoir. « Sans l’aval de la traditionnellement kémaliste et laïque. vé par Erdogan. Le contrôle renforcé chaîne de commandement, ils n’y par­ Que s’est-il passé dans la nuit du 15 au dont ils faisaient l’objet aurait alors per­ viendront pas. Ils paieront le prix le plus 16 juillet ? Alors que le puzzle des événe - mis de «déceler des mouvements inhabi­ élevé, jure-t-il. Ce gouvernement élu par ments se reconstitue peu à peu, les ob­ tuels» dès la,veille, mais «sans compren­ le peuple ne partira que lorsque le peuple servateurs s’accordent à dire qu’il s’est dre immédiatement ce qui se passait ». Cet lui dira de le faire. » Quelques minutes agi d’une opération orchestrée par un enchaînement d’événements renforce après, dans un communiqué envoyé par groupe d’officiers de rang intermédiaire les soupçons de certains sur un «coup», e-mail aux télévisions, l’armée annonce qui ont échoué à convaincre les géné­ sinon monté, du moins «sciemment avoir pris le pouvoir pour «protéger raux en chef de les suivre et qui ne sont ignoré» par le président, pour justifier l’ordre démocratique et les droits de pas parvenus à entraîner la majorité de une radicalisation du pouvoir et faire ar­ l’homme ». l’armée derrière eux. rêter des milliers de militaires et déjugés. Souscrivant à la thèse, avancée par L’histoire retiendra également .ce pa­ Vers22h20 Erdogan en personne, selon laquelle un radoxe ; Recep Tayyip Erdogan, si hostile ►Une prise d’otages de militaires est complot fomenté par les pro-Gülen (du aux réseaux sociaux, a en partie sauvé sa annoncée par CNN Turk à l’état-major nom de son ex-allié politique, auquel il présidence ' grâce à l’âpplicat.ion de l’armée à Ankara. Le chef d’état- livre une lutte sans merci depuis 2013) a FaceTime. Intervenant rapidement à la major est lui-même « otage » des été déjoué, les analystes estiment que les télévision via son smartphone, il a appelé putschistes. Des tanks ont pris posi­ putschistes auraient voulu agir dans la les Turcs à descendre dans les rues pour tion à l’entrée de l’aéroport d’Is­ précipitation avant la réunion du Conseil «résister» au putsch. À travers le pays, tanbul. militaire suprême, prévue début août. les principales artères et places publiques Une purge contre les gradés gülenistes se sont rapidement remplies de monde. À22h50 était en effet prévue à l’occasion de ce Le chef de l’État a aussi bénéficié d’un ►Erdogan est sain et sauf, dit une sour­ sommet annuel. «Aujourd’hui, il s’agit appui renforcé des mosquées, qui, des ce proche de la présidence. Le président' moins d’un conflit entre une armée laïque heures durant, ont relayé son message, est dans un hôtel de Marmaris où il passe et un pouvoir islamiste - comme on l’a vu en dehors des créneaux habituels réser­ ses vacances. Vers 23 heures, peu avant en Égypte en 2013 - qu’une lutte d’in­ vés à la prière. que la chaîne de télévision publique fluence entre deux clans politiques», ob­ Plus étonnant pour un observateur in­ TRT, où des putschistes ont pénétré, ne serve une journaliste turque. Les temps ternational, les putschistes ont échoué à cesse d’émettre, un présentateur lit un ont en effet changé depuis la victoire mobiliser l’ppppsition,; qui, des républi­ communiqué de l’armée annonçant pârlèïnentaire, en 2002, de l’AKP, le cains dü Œ P au parti dé gauche prokur- l’instauration de la loi martiale et un parti d’Erdogan. Nommé premier mi­ de HDP, s’est éleyée centre le coup couvre-feu sur l’ensemble du pays. Une nistre ;en2003, ce dernier s’est rapide­ d’État, bien qu’étant fermement aqti-, nouvellé Constitution va être préparée. ment distingué par sa volonté de mini­ Erdogan. Mais la popularité du hashtag La liberté des citoyens sera garantie par' miser le pouvoir de l’armée et de « Ni coup d’État ni dictature » sur Twitter un « Conseil de paix ». décapiter sa chaîne de commandement. et Facebook illustre l’inquiétudé des mi­ En 2010, de hauts gradés militaires ont litants démocrates pour les jours et les Vers 23 h 10 été arrêtés et poursuivis en justice. Cer­ semaines à venir. ■ ►Une source proche de la présidence de la République confirme que les putschis­ tes n’ont pas reçu l’aval du commande­ ment. « Le président et le gouvernement sont toujours en place », ajoute-t-il. Sur Twitter, le premier ministre Yildirim ap­ pelle les Turcs à « rester calme ».

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À23h25 Juste avant minuit incapables de le faire dans de nombreux Erdogan, depuis son hôtel, apparaît Un haut responsable militaire déclare secteurs ». « Les forces loyalistes, encore sur CNN Turk via l’application FaceTime que les putschistes « n’ont pas un large confrontées à des difficultés dans certains et dénonce une tentative de coup d’État soutien au sein de l’armée ». Au même mo­ secteurs d’Ankara et d’Istanbul, prennent par « une minorité au sein de l’armée ». ment, un hélicoptère militaire survolant le dessus », dit-il. « Je ne pense absolument pas qu’ils réussi­ Ankara ouvre le feu. Et des chars tirent ront. » Erdogan appelle les Turcs à des­ également autour du Parlement, à l’inté­ À0h45 cendre dans la rue. Dans les mosquées, rieur duquel sè sont cachés des députés. ►Le premier ministre affirme qu’«il. les imams font de même. C’est probable­ n’y a pas d’inquiétude à avoir, le gouver­ ment le basculement de la crise. Erdogan Vers0hl5 nement est toujours aux affaires ». Il in­ annonce qu’il rentre à Ankara. Il accuse Un responsable gouvernemental af­ vite lui aussi la population à descendre « une structure parallèle », allusion à firme que les putschistes se sont empa­ dans la rue. Au même moment, le com­ l’organisation de son ennemi Gülen, rés de « quelques tanks » et qu’ils ont mandant de la première armée turque d’être derrière le coup de force. « ordonné à leurs hommes de prendre le (les forces terrestres responsables d’Is­ contrôle de la rue, mais qu’ils se montrent tanbul et d’une partie de l’ouest du

LE FIGARO kmdU8juille^01£ Fethullah Gülen. l’homme à abattre

RÉSEAU ? Confrérie ? Difficile de « Le mouvement Gülen donne l’ap­ qualifier une entité qui, officielle­ parence d’un groupe socio-religieux ment, n’existe pas en tant que telle. mais, en réalité, l’élément métaphysi­ Les Turcs l’appellent cemaat, c’est- que n’est pas très important. C’est une à-dire « la communauté ». Ses sym­ organisation rationnelle, centralisée, pathisants préfèrent le mot hizmet hiérarchisée, extrêmement disciplinée (« service ») pour désigner leur allé­ et surtout, tournée vers des buts politi­ geance au prédicateur Fethullah ques », explique un juriste qui a dé­ Gülen, exilé aux États-Unis depuis couvert Gülen à l’université. Il a « lu 1999. C’est ce vieil homme malade, à tous ses textes, écouté toutes ses cas­ la fine moustache blanche, que le settes », participé à des rencontres président turc Recep Tâyyip Erdogan avec d’autres sympathisants avant de accuse d’avoir ourdi la tentative de rompre tous ses hens et d’adhérer à putsch la plus.spectaculaire de l’his­ F AKP, raison pour laquelle il souhaite toire de cette République, qui en a rester anonyme. « Il y a bien eu, à pourtant vu d’autres. Pour la justice, partir de 2002, une collaboration entre il est le fondateur et dirigeant de la l’AKP et Gülen, mais c’était une allian­ FETÔ/PDY (la Structure de l’État pa­ ce de raison contre un ennemi com­ rallèle /Organisation terroriste mun: l’establishment kémaliste (du Fethullahçi), soupçonné d’avoir nom du fondateur de la Turquie laïque, consacré ces 40 dernières années à Mustafa Kemal Atatürk) et sa tutelle sur la vie politique, via l’armée. Des procès ont été lancés contre la vieille L’ennemi juré garde militaire. Cela arrangeait Erdo­ du président est bien gan qui craignait un coup d’État, et plus qu’un imam cela arrangeait Gülen qui voulait créer un Vide et le remplir avec ses fidèles. » à la larme facile Cette collaboration a fini par voler en éclats, pour devenir confronta­ infiltrer tous les échelons de la police, tion. Depuis deux ans et demi, des armée, justice, bureaucratie, tous les Fethullah Gülen, en 2013 milliers de policiers, juges, procu­ lieux de pouvoir et d’argent, des mé­ dans sa résidence de Saylorsburg, reurs, journalistes et hommes d’affai­ dias aux entreprises, du caritatif à en Pennsylvanie, selahattin sevi/ afp res ont été poursuivis pour apparte­ l’éducation, en s’appuyant pour cette nance présumée à la FETO/PDY. dernière stir un vaste réseau d’écoles ment. C’était avant, quand se récla­ L’armée était restée relativement en Turquie et dans le monde, des mer de Gülen ne valait pas condam­ épargnée mais un Conseil militaire États-Unis à l’Europe et l’Afrique. nation, quand le Parti de la justice et suprême, programmé début août, Né il y a 75 ans à Erzurum, dans du développement (AKP, au pouvoir) devait purger les commandements d e . l’est de l’Anatolie, l’ennemi juré du semblait s’accommoder, voire même leurs « gülenistes » présumés. président est bien plus qu’un imam à s’appuyer sur ces représentants in­ Fethullah Gülen, s’il a effectivement la larme facile, qui prêche officielle­ formels, fortunés et hyperactifs de la manigancé ce coup de force - qui ment un islam modéré, le dialogue Turquie à l’étranger. Mais depuis s’apparenterait alors un Suicide spec­ interreligieux, les sciences, l’alliance qu’une enquêté anticorruption a visé taculaire -, a pu vouloir prendre les avec l’Occident, la démocratie, les son pouvoir et ses proches à l’hiver devants. Ce qu’il nie évidemment, droits de l’homme. Ses fidèles sont 2013, Recep Tayyip Erdogan accuse avançant « la probabilité qu’il s’agis­ nombreux, mais impossible à dé­ Fethullah Gülen d’avoir juré sa perte. se d’ùn putsch monté de toutes pièces nombrer. « Nous ne donnons pas de Et l’imam insaisissable est devenu, à (par Erdogan) pour traduire des gens carte de membre », ironisaient à une son tour, l’obsession personnelle du devant la justice ». ■ époque les figures de son mouve- chef de l’État. A. A. (À ISTANBUL) 29 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

pays) assure que ce n’est qu’un «petit lon le premier ministre, « la situation est Une heure après, le premier ministre groupe au sein de l’état-major de la lre largement sous contrôle » de l’état-major. ordonne à l’armée d’abattre les avions armée » qui est derrière le coup de for­ et les hélicoptères des putschistes. ce. De son côté, le patron des forces spé­ À 2 heures ► À 5 heures ciales affirme que ses hommes ne font Depuis les États-Unis, le mouvement ► pas partie des putschistes. de l’opposant Gülen « condamne toute Quelques poches de résistance sont intervention armée ». encore signalées à Istanbul et Ankara, À 1 heure mais la télévision publique émet de nou­ ►On apprend qu’un avion de chasse turc Peu avant 3 heures veau. Des soldats putschistes ont été lynchés par la foule. F116 a abattû un hélicoptère utilisé par les ►Erdogan est accueilli par une foule putschistes à Ankara. 17 policiers ont éga­ nombreuse à l’aéroport d’Istanbul. Son lement été tués. Au même moment, à Is­ avion a été approché par deux F-16 pilo­ À 7 heures ►On apprend que 754 militaires ont déjà tanbul, des soldats tirent sur la foule qui tés par des putschistes, apprendra-t-on protestait contre le coup de force. dimanche. A son arrivée à Istanbul, Er­ été arrêtés en lien avec le coup de force, dogan promet « le nettoyage » de l’ar­ tandis que le chef d’état-major, le général Peu avant 2 heures mée. Au même moment, plusieurs di­ Hulusi Hakar, est libéré par des putschis­ tes à Ankara. 200 d’entre eux retranchés ►Les services de renseignements an­ zaines de putschistes remettent leurs armes à la police au centre d’Istanbul. à l’état-major à Ankara se rendent. ■ noncent « le retour à la normale ». Et se­ G.M.

LE FIGARO Le soutien embarrassé des Occidentaux à leur « allié turc »

après l’arrestation de son commandant, ADRIEN JAULMES i f (SAdrienJaulmes accusé de complicité avec les putschis­ tes. Mais ont rappelé la dépendance des LE COUP D’ÉTAT avorté contre Erdo­ Occidentaux envers le bon vouloir turc; gan vient compliquer encore un peu Les Américains n ’ont reçu l’autorisa­ plus les relations entre les Occidentaux tion d’utiliser cette base pour leurs opé­ et un allié turc déjà problématique. Dès rations aériennes contre l’État islami­ samedi matin, Américains et Européens que qu’en juillet 2015, Erdogan ayant ont officiellement condamné le putsch auparavant opposé son refus, malgré et apporté leur soutien à Erdogan. Mais l’appartenance de la Turquie à l’Otan. aucun chef d’État occidental n’a appelé personnellement le président turc, et Pas de « chèque en blanc » les tensions sont vite apparues. Les réàctions européennes étaient elles Le ton est rapidement monté entre les aussi empreintes d’un certain malaise. États-Unis et la Turquie après les accu­ La crise syrienne d’abord, puis celle des sations portées samedi par Erdogan réfugiés ensuite ont levé les ambiguïtés contre Fethullah Gülen, prédicateur is­ § sur le double jeu des autorités turques lamiste vivant en exil aux États-Unis. < en politique étrangère. La longue com- « J’en appelle à l’Amérique, j ’en appelle g plaisance de la Turquie vis-à-vis des au président Obama », a dit le président 2 groupes djihadistes combattant en Sy- turc samedi dans un discours. « Mon­ ü rie, État islamique compris, s’est inflé- sieur le Président, je vous le dis person­ * chie, mais Erdogan continue de consi - nellement, expulsez ou remettez-nous ü dérer la lutte contre les partis kurdes et cette personne qui vit sur 400 ares de ter­ 5 contre Bachar el-Assad plus importante res en Pennsylvanie », a-t-il ajouté sans z que celle menée contre Daech. prononcer le nom de Gülen. « Je vous ai Le secrétaire d’État américain, John La perspective d’une répression de dit qu’il préparait des coups d’État, mais Kerry, vendredi, à Moscou. grande ampleur inquiète aussi les capi­ on ne m ’a pas écouté. Aujourd’hui, après tales européennes. Le ministre des Af­ le putsch, je vous le dis une nouvelle fois, fions ou accusations publiques attribuant faires étrangères Jean-Marc Ayrault a remettez cet homme à la Turquie. » aux États-Unis un rôle dans le coup réclamé le respect de l’État de droit en Les médias pro-AKP, le parti d’Erdô- d’État avorté sont complètement fausses Turquie, et refusé tout « chèque en gan, laissaient quant à eux entendre que et portent préjudice à nos relations bila­ blanc » au président Erdogan. Il a aussi les États-Unis et la CIA étaient les insti­ térales ». Kerry a assuré que Washing­ admis que « des questions se posaient » gateurs du coup d’État, réflexe assez ton aiderait Ankara à enquêter sur le à propos de la fiabilité de la coopération courant en Turquie, l’un des pays du putsch, mais a invité le gouvernement turque en matière de lutte contre l’État Moyen-Orient où le sentiment anti­ turc à fournir des preuves contre Gülen. islamique. Mais les autorités turques, américain est le plus fort. Outre l’ac­ N’excluant pas le principe d’une éven­ qui ont bénéficié en mars dernier d’un cueil fait à Gülen sur le territoire améri­ tuelle extradition, Kerry a demandé à la accord léonin avec l’UE en échange de cain, les autorités turques reprochent Turquie de déposer une demande en la fermeture de la frontière maritirfie de aussi à Washington son soutien aux bonne et due forme au département l’Europe aux migrants clandestins, dis­ Kurdes syriens et irakiens, et accusent américain de la Justice. posent d’un moyen de rétorsion instan­ les Américains de l’apporter aussi aux La fermeture de la base aérienne tané. Le dilemme est le même pour les séparatistes kurdes de PKK. d’Incirlik après le début du coup d’État Européens et les Américains ; si là Tur­ Le secrétaire d’État américain John a aussi ajouté aux tensions turco-amé- quie d’Erdogan est loin d’être un allié Kerry a répondu aü ministre turc des ricaines. Les autorités turques ont réta­ fiable, personne ne souhaite l’avoir Affaires étrangères que « les insinua- bli dimanche les activités sur la base comme antagoniste. ■ 30 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti M y il Libération Lundi 18 Juillet2016

HlWlimBHBim La société turque MMMI a démocratie.» toujours plus divisée SOKMET CETDŒAY du quotidien «Cumhuriyet» A près l’éch ec d u p u tsch , désapprouve la politique d’Erdo- la remise en question du pouvoir le fossé demeure entre gan», rappelle le romancier Ahmet d’Erdogan.» Altan. Ce dernier souligne qu’Erdo- lespartisansdu gan n’a eu de cesse de vouloir éta­ PounnoiiiMldbuB»- p resid en t isla m o - blir un système présidentiel à la inimité contra l’am iée? conservateur et place du système parlementaire en «L’opposition contre le coup d’Etat se s o p p o sa n ts, q u i vigueur depuis la création de la Ré­ militaire n’implique pas un soutien redoutent qu’Eraogan, publique en 1923. Un régime prési­ inconditionnel au régime d’Erdo­ so r ti ren forcé d e s dentiel qui lui permettrait d’élargir gan», précise le journaliste Ahmet événements, accentue sa là palette de ces pouvoirs, avec tous Sik. Une très grande majorité de les risques de dérives autocratiques l’opinion publique s’est opposée à mainmise sur les que cette réforme comporterait. la tentative de putsch. Mais seuls les institutions du pays. partisans du pouvoir ont manifesté Une tentative de coup leur soutien à Erdogan. «Certes, il rois jours après un coup d’Etat militaire était-elle appelle à défendre la démocratie. d’Etat manqué, l’heure du prévisible? Mais ce n’est pas en frappant les pe­ Pour Eser Karakas, professeur bilan a sonné en Turquie: tits soldats putschistes et en criant T d’économie à l’université d’Is­ 265personnes tuées, 1440blessées, “Allah akbar” qu’on peut sauver une tanbul, la réponse ne fait aucun 2839 militaires arrêtés, 2745 juges démocratie, qui d’ailleurs n’existe doute. «Les milieux kémalistes l’évo­ et procureurs suspendus de leurs pas», rétorque Mehmet Tezkan, quaient depuis longtemps, affirme- fonctions et249 membres de hautes commentateur politique de la t-il. La revue américaine “Foreign juridictions arrêtés. L’unanimité chaîne d’information NTV. des premières heures n’â pas effacé Policy” l’avait également prévu dans une polarisation politique qui reste son édition du mois de mai 2016.» Pourquoi la tentative Les responsables de l’AKP (317 siè­ très marquée. D’un côté, un pouvoir de coup d’Etat a-t-elle ges sur550 au Parlement turc, soit turc qui «fête la démocratie» et, de échoué? la majorité absolue), exprimaient l’autre, une opposition qui craint un La Turquie a une longue expérience eux aussi leurs craintes de voir un «renforcement de Vautoritarisme». des coups d’Etat militaires. «Celui jour les militaires fomenter un coup de vendredi était l’œuvre d’ama­ d’Etat. Quelles sont les causes teurs. Ou bien il y a eu des de ce putsch raté ? tbm l éHfwMWt a d éd " " * * * manœuvres qu’on ne connaît pas en­ Certes, lorsque Recep Tayyip Erdo- c«t acte militaire? core et qui seraient le résultat d’une gan et son parti islamo-conserva- mise en scène du gouvernement qui Une réunion du Haut Conseil mili­ teur, l’AKP, arrivent au pouvoir cherche à renforcer son pouvoir», taire était programmée pour les en 2003, le pays est en pleine dé­ observe Can Atakli, chroniqueur de derniers jours de juillet Et c’est jus­ confiture sur le plan financier. Er- Sozcu. Pour réussir un coup d’Etat, tement ce Haut Conseil qui dogan parvient à rétablir une cer­ chacun sait d’expérience qu’il faut taine stabilité. Mais depuis trois devait procéder à de nouvelles no­ minations au sein de l’armée et à d’abord neutraliser les responsa­ ans, l’homme du «miracle» écono­ bles politiques. Erdogan et son Pre­ mique est la figure la plus critiquée toute une série de licenciements. Les militaires proches de Fethullah mier ministre, Benali Yildirim, de Turquie, dénoncé pour sa dérive ainsi que d’autres ministres, ont pu, autocratique et islamiste. «Ankara Gülen, l’ennemi juré de Recep Tayyip Erdogan, savaient qu’ils ne tout au long de la tentative de n’arrive plus à gouverner la Tur­ putsch, faire des déclarations pu­ quie», écrivait le 4 juillet Sezin manqueraient pas d’être écartés de l’armée turque. «Les putschistes ont bliques. Et revient souvent cette Oney. Cette politologue citait no­ idée du complot («on ne voyait plus tamment; «la crise syrienne, la dété­ fait un dernier pas pour tenter de garder leurs positions dans l’ar­ Erdogan depuis une semaine»). Les rioration des relations avec Moscou, putschistes ont omis deux détails : Bruxelles, Washington, Téhéran et mée», selon Ahmet Sik, journaliste spécialiste de la confrérie Gülen. le poids politique du Président et sa Bagdad». Voilà pour le mondeexté- «Les piètres performances diploma­ capacité à mobiliser les masses po­ rieur. A l’intérieur du pays, Kadri tiques, politiques et désormais éco­ pulaires. «Ce n’est pas en bloquant Gürsel, journaliste du site indépen­ nomiques sont autant de facteurs la circulation sur les ponts avec des dant Diken, attire l’attention sur qui expliquent cette tentative de avions de combats F16 ou des hélicos «les violations des droits de l’homme coup d’Etat militaire», estime Ne- qui survolent la capitale et Istanbul en général et celles de la liberté de la cati Dogru, chroniqueur au quoti­ qu’on peut renverser un gouverne­ presse en particulier. Ou encore les dien kémaliste, Sozcu. Et d’ajouter : ment élu», estime le docteur Yusuf opérations de ratissage dans les ré­ Kaplan, proche de l’exécutif. gions kurdes». Sociaux-démocrates, «les changements politiques envers militants de gauche, kurdes, alévis, Israël, la Russie, ou encore la Syrie, partisans de la laïcité... «C’est toute sont des échecs de politique étran­ une moitié de la société turque qui gère qui n’ont cessé de contribuer à 31 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti International iXeUt ïlork Suites Tuesday, july 19,2016 Democracy in Turkey?

poses. Its involvement in the coup at­ Mustafa Akyol tempt seems very likely, and the Ameri­ Contributing Writer can government should take note. What will come next in Turkey? First, there will be a major crackdown on the ISTANBUL I hâve lately been a fre­ coup plotters and the Gulenist move­ quent critic of President Recep Tayyip ment. Already, some 6,000 people have Erdogan and his increasingly authorit­ been arrested, including some high- arian government. But a military re­ ranking judges who are suspected of gime, like the kind a group of coup-plot­ Gulenist affiliations. Some figures in the ters tried to bring about on Friday government are suggesting that they night, would have been not only illegit­ want to bring back the death penalty. imate but also far more repressive and Of course, the government has the bloody. The people of Turkey, including right to pursue the people involved in many of Mr. Erdogan’s political oppo­ this attack on Turkey and bring them to nents, rightly rejected that. People demonstrating in support of Presi­ justice. But this must be justice with due So has democracy carried the day in dent Erdogan in Turkey on Saturday. process — not a ferocious witch hunt. Turkey? It’s still too early to tell. Moreover^ while the state should be There are many lessons to be taken purged of pro-coup elements, this from this astonishing episode. First of democratic politics. (Egypt’s secular­ shouldn’t be used as a pretext to pack all, this is not the old Turkey anymore, ists, unfortunately, didn’t learn this. state institutions, in particular the judi­ where tanks could take the streets and They cheered on a military coup three ciary, with Erdogan partisans. (Already the military could scare people into years ago that resulted in a far more vi­ more than 2,000 judges have been fired.) bowing down, as it did in 1960,1971,1980 olently repressive government.) One thing is certain: This experience and again in 1997, when its leaders de­ At the same time, Friday’s coup at­ will make Mr. Erdogan more powerful cided that .elected governments were tempt nmkes clear that Mr. Erdogan’s and more popular. He has emerged as not in line with the country’s founding longstanding worries about a “parallel the victorious defender of the nation vision. No, this time people took to the state” have not been unfounded after against a conspiracy — a real one this streets and confronted the rebellious all. Yes, most of the conspiracy theories time — and his bond with votérs has soldiers. Perhaps more decisive was Mr. Erdogan and his supporters have deepened. Less certain is how the pres­ the fact that a majority of the military, peddled recently — about Western or ident will use his power. the police and other state institutions Zionist plots — Eire more fiction than If Mr. Erdogan is prudent, he will ap­ didn’t go along with the plot. fact. But as the famous quote says, preciate the support he received from There was another striking aspect of “Just because you’re paranoid doesn't the secular opposition — including the the long night: It disproved some of Mr. mean they Eiren’t after you.” main pro-Kurdish party — and stop Erdogan’s paranoid narratives. For ------The attempted seeing them as his enemies. This could years the president, an Islamist, has ac­ Erdogcin heis coup will also force be an opportunity for national unity cused secular forces of plotting to un­ Turkey to reckon with Emd reconciliation after years of divis­ a choice dermine or overthrow him. But when the Gulenist move­ ive rule. His government has already the tanks rolled out, the opposition betw een ment, a secretive Is­ begun a pragmatic shift in foreign parties, business associations and em bracin g lamist group that the policy in recent weeks, improving dam­ mainstream news media all took a dear the opposi­ government immedi­ aged relations with Israel and Russia. If stance against the attempted takeover. tion or be­ ately pointed to as re­ the government follows the sEime prag­ In fact, it Weis CNNTurk, a television coming even sponsible for the in­ matic course inside Turkey, the country channel that belongs to the media more author- surrection on Friday can move towards a better future. group that Mr. Erdogan’s supporters itariEm. night. The Gulenists But if Mr. Erdogan uses his newfound attacked two years ago for “insulting have long had a power to build a more authoritarian po- the president,” that played a major role clandestine presence litical system and to increase the power in helping him. In the heat of the mo­ within the judiciary and the police. For of the presidency and undermine ment, Mr. Erdogan, speaking from an its part, the movement and its leader, checks and balances, Turkish democra­ undisclosed location, appeared on the Pennsylvania-based Fethullah Gu- cy is in jeopardy. If he keeps the country CNNTurk screens via his iPhone’s len, denied being behind the plot, but Mr. on the divisive course of the past few FaceTime app. He called on the people Gulen also admitted that he could not be years, the near futùre looks grim. Mr. . to resist and this, many believe, was a sure his followers were not involved] Erdogan will have averted all the coups decisive moment in averting the coup. It is not just the government but also and won all the wars. But the peace that All of this shows that Turkish society m£my independent, secular observers Turkey needs will still be far away. has internalized electoral democracy, who are unconvinced by this denial. The and Turkey’s secularists, despite their Gulenist movement is widely suspected mustafa AKYOL is the author of “ Islam objections to the Erdogan govern­ of infiltrating and plotting to exploit Without Extremes: A Muslim Case for ment’s Islamism, seek solutions in state institutions for its sectarian pur­ Liberty.”

32 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti International ycU» jjork etrnes Tuesday, july 19,2016______Optimism masks a familiar melancholy in Istanbul

ISTANBUL

BY TIM ARANGO When the army cut off traffic in Istanbul on Friday night by shutting two bridges in the opening moments of a coup, the municipality ordered ferries to work overtime. City trucks blocked roads near army barracks. Buses and subways op­ erated free of charge, and local officials and mosque preachers helped mobilize government supporters to the streets. And when President Recep Tayyip Er­ dogan finally emerged in public, after uncertain hours in which he narrowly missed being seized at a seaside hotel by soldiers trying to topple his governrilent, he flew, not to the capital Ankara, but to Istanbul, where he remained throughout the weekend and on Monday. Ankara may be the seat of Turkey’^ government, but it was Mr. Erdogan’s A pro-government demonstration outside City Hall in Istanbul on Sunday. Events in the city grip on Istanbul, a city he once gov­ proved crucial in fending off the coup attempt against President Recep Tayyip Erdogan. erned as mayor, that was crucial in put­ scrapers and faux-Ottoman shopping ting down the coup. mosque in the city. In the failed coup’s aftermath, it was in He has also built up the police force, malls to define an evolving cityscape, the streets, mosques and public squares much of which is based in Istanbul. By was reshaped by Mr. Erdogan’s Islam­ in Istanbul that his Islamist supporters stocking the force with loyalists and ist government, which created a glisten­ raucously celebrated, and where Mr. Er­ purging suspected enemies, he created ing image of the city that is now dogan consolidated his hold on power. a counterweight to the military, which threatened by instability. The two cities, in many ways, repre­ has a history of carrying out coups The government embraced Thrkey’s sent Turkey’s deep divisions: Istanbul against civilian governments. Ottoman and Islamic past as a mythical owns the hearts of the Islamists, and is And it was largely the police special time of harmony, and reimagined Istan­ Turkey’s showcase to the world, while forces that defended the government bul as Turkey’s true capital, investing Ankara is a special place for secular over the weekend, confronting the rene­ heavily in public works projects, new Turks. gade military factions. shopping malls and office buildings. An­ “Istanbul’s becoming almost the In the days before the attempted kara took a back seat. second capital of the country has been coup, a palpable sense of melancholy “I think the city was presented as this very instrumental in preventing the could be felt when walking through the perfect dream without its problems,” coup,” said Yusuf Muftuoglu, who was city, whose singularity is measured in said Kaya Gene, a novelist and essayist an adviser to former President Abdul­ numbers: seven hills, two continents, who wrote about “huzun” after the re­ lah Gul, and briefly for Mr. Erdogan. the capital of three former empires. cent terror attack on Istanbul’s main The drama of the failed coup mostly Turks call it “huzun,” a rich, Arabic- airport, which left dozens dead. “Maybe played out across two urban spaces and it was a lie, but we miss it.” rooted word that means melancholy the skies overhead — Istanbul, the Now, he said, “is the return of the real and a lot more: loss, sadness, spiritual sprawling megacity that symbolizes the Istanbul.” anguish. Turkey’s most famous novel­ country’s past as the seat of Islamic em­ By that he meant a city whose mood is ist, Orhan Pamuk, used it to describe pire, and Ankara, the utilitarian capital, more in sync with its unstable past of Istanbul in the dreary years after the a onetime Anatolian backwater built up military coups, political violence and by modern Turkey’s secular founder, fall of the Ottoman Empire. economic crisis. In recent years the gov­ Mustafa Kemal Ataturk. The word is back in the city’s lexicon ernment built an image of Istanbul as an Much of the violence occurred in An­ now, as years of optimism about Tur­ urban wonderland of fascinating his­ kara, where different factions of the key’s growing power on the world stage tory and great architecture and cuisine, armed forces battled over government give way to anxiety over terrorism and and tourism boomed. buildings. But the events in Istanbul internal conflicts. Mr. Gene said that, like many other proved crucial in fending off the coup. It After the coup was dècisively put liberals and intellectuals, he bought in was there that two private news chan­ down, and Mr. Erdogan’s supporters to the vision. “A past was reinvented, nels broadcast anti-coup coverage and flooded the streets and city squares and repackaged as this great, multicul­ gave a platform to elected leaders, in­ over the weekend to celebrate, a sense tural history where there are no con­ cluding Mr. Erdogan. of buoyancy returned to the streets, but flicts,” he said. During his time in power Mr. Erdogan the joy masked a deep uneasè that has Even before the failed military coup, has spent far more time in Istanbul than enveloped the city. all that was clouded by spillover from previous presidents and has overseen Istanbul, where ancient mosques and the Syrian civil war — terrdrism and a the construction of Turkey’s largest churches jostle with gleaming sky­ flood of refugees, hundreds of thou­ 33 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti sands in Istanbul alone — that set the 1994 when he turned to religion, and city on edge. “I think the city was presénted blamed secular Turks for the country’s “Everything is being Arabized,” said as this perfect dream without polarization because they are “arro­ Karaca Borar, who owns an antique shop its problems. Maybe it was a gant and disrespectful.’ ’ on one of the crooked, cobbled streets in Now that they are moving in to his European Istanbul, and supplied many lie, but we miss it.” neighborhood he is worried that “in five of the items that fill a nearby museum to 10 years this place is going to turn into owned by Mr. Pamuk that is based on his has Turkey’s health care system. “Ev­ Amsterdam.” novel ‘ ‘ Museum of Innocence.’ ’ erything is new and shiny,” he said. . Mr. Gene, meanwhile, has been think­ He said he was tired of hearing the Ar­ More important, he said, he can freely ing of writing a book on what he calls the abic greeting of “salaam aleikum” on the express his religion, something he was , “New Istanbul,’ ’ a chronicle of the ‘ ‘arti­ streets, and tired of so many Syrians in unable to do when Turkey’s old secular ficial, distant new neighborhoods” that general. (It is a widely shared sentiment : elite ruled the country for decades. have built up in the city’s outer reaches When Mr. Erdogan recently said Turkey He said when he was in the military, during Mr. Erdogan’s tenure. should offer citizenship to Syrians, a the guardian of secularism, he had to Mr. Erdogan once enjoyed the sup­ right-wing secular newspaper called Syr­ conceal his religiosity. “I had to lie that I port of many of Istanbul’s intellectuals ians “vermin” in a front-page headline.) prayed five times a day,” he said. “I had and elites, some of whom now call him a Asked about the mood of the city, to find à secret corner to pray.” dictator, even though they opposed a which before the coup attempt had The city’s most conservative district coup. They once thought him capable of faced several devastating terror attacks is Fatih, in the old city, across the healing the country’s divides, and blamed on the Islamic State, Mr. Borar Golden Horn waterway that divides basked in the optimism that flowed said, “terrible, terrible, terrible.” European Istanbul. through Istanbul. “We’re not happy,” he said. “I’m not There, Mr. Erdogan spoke at a funeral Now, in the aftermath of the coup at­ at ease.” on Sunday, and rallied his supporters to tempt, they Eire left to wonder if Mr. Er­ He continued, “We were the only secu­ keep gathering in the city’s public dogan will turn more autocratic or, per­ lar, decent country in a bad region. Now, squares. It is also where three suicide haps, seize the time to patch up we are like one of those Arab states.” attackers who carried out the airport relations with segments of the society With so many threats, even the weath­ bombings lived in an orange apartment he has alienated. er can trigger panic, a clap of thunder building. That will become clearer in the days sending people scampering for cover. But the area is far from homogeneous. and weeks ahead. For now, Turks are People walking the streets are scruti­ In one gentrifying enclave of Fatih, in a' simply trying to msike sense of their nized for what they are wearing and what neighborhood called Balat, shabby-chic dizzying weekend. they are carrying. A backpack could be a cafes and quirky antique shops have The morning after the coup attempt, bomb. A sweater or jacket in summer­ sprouted on the narrow streets, raising Mr. Gene woke early and went for a time could conceal a vest of explosives. tensions and testing the limits of social ,/alk along the Bosporus. “In the back­ Nowadays, it seems, all of Turkey’s diversity. ground was the waterway,” he wrote in old conflicts — most prominently the di­ “Istanbul used to be like a village,” an essay for The New York Times, “a vide between religious and secular said Hikmet Bardok, 63, a longtime res­ burning sun and two bridges that spEin Turks — and many new ones, are com­ ident. “I don’t recognize it anymore. A two continents, where just hours before ing to the fore. lot of people who live here are poor. And tanks had been firing shots.” The most dramatic was the long night these rich people are coming in an look­ of uncertainty as fighter jets buzzed the ing for places to park their Ferrari.” Ceylan Yeginsu and Safak Timur con­ sky, gunfire echoed across the city, and Mr. Bar.dok said he quit drinking in tributed reporting. protesters mobilized as the military tried to secure the city. But even before that, Turkey’s trau­ mas were playing out across Istanbul, in bitter conversations about politics, in painful decisions to move away or in to gated communities, in smatterings of protests quickly put down by the police, and in new debates over the use of pub­ lic spaces. Three years ago, protesters in Gezi Park, in Taksim Square in European Istanbul where Mr. Erdogan’s support­ ers rallied over the weekend, rose up to oppose plans to convert the park into a shopping mall. The protests became a widespread challenge to his rule, which is growing increasingly autocratic. It produced no lasting political changes, but it did save the park. But maybe not for long. In recent comments that seemed designed to pro­ voke his enemies, Mr. Erdogan said he could revive the plan. On a recent afternoon, Ali Erdogan, a retired military man in his late 60s who Mourners at the funeral of a victim of the coup attempt in Ankara, Turkey, on Monday. Western, is not related to the president, sat on a allies have urged the Turkish government not to abandon the rule of law amid the crackdown. bench in Gezi Park, where the city has planted new trees, blossoming with pink flowers, and told how his life had improved since Mr. Erdogan came to power more than a decade ago. He pulled out his card for retirees for free rides on Istanbul’s subway, which has bëen modernized in recent years, as 34 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti l î î m i l l V Libération M ardi 19 Juillet 2016

Tournant Pour la première fois, les militaires se sont vu signifier par les citoyens que 1ère des coups d’Etat était terminée. Le putsch aura Par aussi mis au jour une institution schizophrène, CÉLIANMACÉ tiraillée par■ de forts" courants souterrains. Envoyé spécial à Istanbul

f est un vieux monsieur en costume qui si­ rote un thé en souriant dans un kiosque C de taxis d’Istanbul. Il est professeur d’université, et des coups d’Etat, «il en a vécu d’autres». Cèlui qui a fait trembler la Turquie dans la nuit de vendredi à samedi, faisant plus dé 300 morts selon un nouveau bilan, lui rappelle le putsch de 1960. «Il s’est déroulé en dehors de la chaîne de commandement : l’armée était divisée, alors que depuis les années 70, les militaires veillent à leur unité, remarque le professeur en lissant sa cravate. Mais cette fois, des soldats ont attaqué d’autres soldats. C’est inquiétant. Ce coup manqué, mal préparé, va jeter le discrédit sur l’institution.» La puissante armée turque (la deuxième de l’Otan, en termes d’effectifs) n’a jamais été une armée comme les autres. Elle s’est toujours mêlée de poli­ tique, et a longtemps été considérée comme la gar­ dienne des valeurs fondamentales de la république. Le communiqué laconique des putschistes, dans la nuit de vendredi, martelait d'ailleurs les mêmes références kémalistes (inspirées par Mustafa Ke- Scene de vengeance, mal, le fondateur de la Turquie moderne et laïque) samedi à Istanbul, que lors des coups d’Etat de1960,1971,1980et1997. à l'encontre de soldats i Pourtant, le président Recep Tayyip Erdogan a aus­ soupçonnés d’avoir participé f sitôt pointé la responsabilité de la confrérie güle- au coup d'État militaire. niste - du nom de Fetbullah Gülen, puissant imam S. SAMILOGLU/AFP turc exilé aux Etats-Unis depuis 1999- dans la ten­ tative de putsch (lire Libération de lundi). Or, idéo­ duel entre Erdogan et Gülen, anciens alliés devenus La gestion de cette répression va constituer un logiquement, gülenistes et kémalistes sont difficile­ les pires ennemis, rappelle Ali Bayramoglu. L’acte I, nouveau test pour le Président Par qui va-t-ü rem­ ment compatibles : l’origine du coup de force reste en 2010, a été la tentative de Gülen d’infiltrer les placer ces milliers de militaires, de magistrats et donc, pour le moment, énigmatique. Il a en tout cas services de renseignement, ce que Erdogan n’a pas de policiers écartés? «J’aimerais vous dire par des révélé une armée schizophrène, tiraillée par de vio­ permis, lançant une première vague d’épuration. personnes compétentes, mais les tendances para­ lents courants' souterrains. «Contrairement L’acte II a été les dossiers de corruption vi­ noïaques du chef de l’Etat plaident plutôt pour des à ce que beaucoup de commentateurs disent, sant Erdogan et sa famille, révélés en2014 fidèles de l’AKP [le parti islamo-conservateur au le coup n’était pas mal organisé, commente par des écoutes orchestrées par les magis­ pouvoir]», répond Ah Bayramoglu. Ali Bayramoglu, chroniqueur du quotidien Yeni Sa- trats gülenistes. On vient de vivre l’acte ni, avec la fak et spécialiste des questions de défense. C’était tentative désespérée de la confrérie de survivre à «PARTIR EN EUROPE» du sérieux. Ils ont failli tuer Erdogan, ils ont bom­ l’acharnement du Président.» L’armée pourrait bien se cabrer, mais Erdogan est bardé le Parlement et les services de renseignement, Les représailles judiciaires, fulgurantes, donnent désormais en position de force. Le Président a les ils ont presque réussi à couper les réseaux sociaux, une indication de l’ampleur de cette lutte. Selon mains libres pour imposer, si ce n’est des fidèles, ils ont kidnappé le chef d’état-major! Pendant quel­ les médias progouvemementaux, 6000 militaires au moins des soldats loyalistes au gouvernement ques heures, la Turquie aurait pu basculer.» Selon sont en garde à vue. Quelque 103 généraux et ami­ civil en place. «Il se construit sa propre armée, ça le journaliste, le putsch est bien l’œuvre des militai­ raux ont été arrêtés, alors que le pays en compte mefait peur, critique Semet, 26 ans, qui travaille res gülenistes, qui auraient pu rallier à leur action 372. «C’est énorme : presque 30% des hauts gradés dans une ONG et devrait bientôt effectuer son ser­ des officiers ultranationalistes ulcérés par la dérive sont touchés ! Et ce n’est pas que quantitatif, le ré­ vice militaire de quinze mois (obligatoire pour tous religieuse du chef de l’Etat: une alliance de circons­ seau güleniste avait noyauté des postes clés. Les les hommes turcs). Et puisque les gens votent pour tance dirigée contre un ennemi commun. chefs des forces de sécurité intérieure, des comman­ lui, il n’y a rien à faire. Je pense à partir en Europe» dos, du recrutement militaire, de plusieurs grandes Au gré des réformes et des purges, une nouvelle «PIRES ENNEMIS» bases du pays, ont été mis aux arrêts», détaille configuration de l’armée turque se dessine. Les «Le vernis du putsch était kémcdiste, l’influence l’éditorialiste. En quarante-huit heures, «2545ju­ blocs gülenistes, kémalistes, ultranationalistes, güleniste, mais du coup, il n’y avaitpas de projet ges et procureurs» ont aussi été destitués, ajoute- sont peu à peu rabotés. Au profit d’une institution politique, analyse Benjamin Gourisse, maître de t-il. La rapidité de la réaction du gouvernement plus neutre. C’est l’autre tournant historique de conférences à Paris-Dauphine, qui a travaillé sur ne laisse aucun doute, selon Benjamin Gourisse : ce coup d’Etat raté : le peuple turc a clairement si­ l’armée turque. C’est aussi la raison de son échec. «Les listes étaient prêtes.» Ce sont d’ailleurs peut- gnifié aux militaires, vendredi, que c’en était fini Il y avait un grand vide social: aucun parti politi­ être ces listes, et l’imminence des arrestations, qui des renversements du pouvoir par la force. Para­ que, aucune force civile ne l’ont soutenu par exem­ ont conduit les putschistes à passer à l’acte. doxe de l’histoire, l’autocrate Recep Tayyip Erdo­ ple, ce qui est une première.» Le putsch aurait donc Contiennent-elles uniquement des noms de güle­ gan, qui façonne une Turquie à sa main, restera eu pour unique objectif de détrôner le maître du nistes ? Ou bien Erdogan en profite-t-il déjà pour peut-être comme celui qui a mis fin à la tutelle de pays depuis treize ans. «Il s’inscrit surtout dans un frapper plus largement toute opposition ? l’armée sur la République. 35 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

International Crisis Grou 20 Ju ly 2016 Turkey’s PKK Conflict: The Death Toll

By Berkay Mandiraci I @BerkayMANDIRACI 20 Ju ly 2016 http://blog.crisisgroup.org/

xactly one year ago, on the afternoon of 20 July 2015, an Islamic State E(IS) suicide bombing tore through the majority Kurdish town of Suruç in south-eastern Turkey, killing 33 and injuring over 100 people, mostly young activists en route to support reconstruction efforts in the Syrian Kurdish town of Kobani. tary for their own losses, relying on the fact that a relatively clear dis­ tinction between militants and civilians was possible in a conflict that Just three hours later in the nearby province of Adiyaman, militants mainly took place in rural settings. We were generally cautious about of the Kurdistan Workers’ Party (PKK) accusing Turkey of abetting the the use of figures presented by either side for the opposing party’s IS attack, killed 23-year old Müsellim Ünal, a corporal in the Turkish losses, since these were often inflated to mobilise support and legiti­ military. PKK militants killed five more security officials in the following mise further action. week. As the fighting moved to urban areas during the current conflict The two-and-a-half-year ceasefire between Turkey and the PKK - cycle, the line between PKK militants and civilians became increasingly internationally listed as a terrorist organisation - had broken down. blurred. The difficulty of distinguishing between civilians and militants Since then, the PKK conflict has entered one of the deadliest chapters led Crisis Group to create an additional category for “youth of unknown in its three-decade history. Over the past year, more than 1,700 people affiliation”, covering male and female casualties, aged 16-35, who were have been killed, according to Crisis Group’s interactive, open-source killed in curfew zones or areas of clashes, but who were not claimed by database of the casualties, published online in English and Turkish the PKK’s military wing (People’s Defence Forces, or HPG) or its urban today. youth wing (, or YPS). A fragile ceasefire, which had already been faltering, collapsed as The visualised dataset for casualties since July 2015 utilises a the region was engulfed in the unpredictable mayhem of clashes and more complex methodology, systematically tracking casualty data toge­ security operations, resulting in the displacement of more than 350,000 ther with other indicators such as urban versus rural casualties; types civilians and massive urban destruction in some south-eastern districts. of attacks targeting security forces; age of civilian casualties; break­ A year later, whole swathes of Turkey’s majority Kurdish south east down of security force casualties into police, soldiers, village guards; have been devastated, bombings have struck at the heart of the coun­ breakdown of PKK militant deaths into HPG, YPS, and TAK (Kurdistan try’s largest metropolitan centres, and the PKK conflict is inextricably Freedom Falcons, the PKK’s affiliate responsible for attacks in the west linked with conflicts in the Middle East, especially the war in Syria. of Turkey). The data also accounts for curfews enforced by security Though dynamics have changed considerably, the past year officials in majority Kurdish-speaking south-eastern districts, specifying contains echoes of what had been the worst period of the PKK conflict the duration of the curfew and the minimum number of individuals in the early 1990s. Then, information was hard to obtain and there were confirmed dead during these operations. many obstacles to travel in the region. Now the problem is that informa­ ONE OF THE MOST VIOLENT FLARE-UPS IN THREE DECADES tion is tightly controlled, travel is limited for some, and it can take months to work out what exactly happened even in high-profile inci­ The July 2015 flare-up of the PKK conflict is one of the most violent dents. episodes in its 32-year history. The most significant indicator for this is the number of state security force members killed, usually accurately TRACKING THE DATA reported by military sources and subsequently covered in Turkish International Crisis Group has long worked to track the rising cost media. of violence using open-source data, including reports from Turkish-lan- Based on its open-source casualty database, between 20 July 2015 guage media, local Kurdish rights groups and the Turkish military. In and 19 July 2016, Crisis Group confirmed the deaths of at least: the last bout of violence, from June 2011 to March 2013, Crisis Group was able to confirm the deaths of 920 people. 307 civilians Crisis Group is now making public in real time the death toll since 582 security force members 20 July 2015, based on its open-source methodology. The goal of this 653 PKK militants project is to draw attention to the rising human cost of the conflict, trace the trends of the conflict and demonstrate how the tactics of the 219 “youth of unknown affiliation" parties are evolving. We aim to present a clear, impartial, factual Since August 2015, security forces have imposed a total of 85 cur­ account of what is happening in the conflict, and where violence is fews of different durations in 33 majority Kurdish south-eastern districts taking place to guide policymakers, researchers and public opinion in to ensure government control over areas where members of the Turkey and beyond. This is an important task, as casualty figures are Kurdish political movement have declared self rule, and where PKK generally politicised by all parties as they present competing narratives. militant presence grew significantly. This resource should be viewed within the framework of Crisis Group’s calls for de-escalation of the PKK conflict. The Turkish military and PKK both maintain their own count of the overall casualties during the last escalation cycle. The Turkish military Crisis Group first started formally tracking the casualty toll of the on 24 May 2016 claimed that since July 2015, 4,949 PKK militants have 32-year conflict during the July 2011-March 2013 cycle of violence. We been killed. The HPG, the military wing of the PKK, claimed on 2 May used the casualty information released by the PKK and the Turkish mili­ to have killed a total of 1,557 police and soldiers since July 2015, **

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* * while for the same period Crisis Group confirmed a total of 465 OVERALL CASUALTIES IN THE CONFLICT SINCE 1984 security force members dead. The PKK conflict in Turkey is commonly estimated to have killed WHAT THE NEW INFOGRAPHIC SHOWS around 30,000-40,000 people since 1984. The overall toll of the conflict is difficult to determine given the limitations on accurately veri­ The new infographie illustrates changing conflict dynamics in the fying death claims. To reflect this ambiguity and minimise the risk of course of the year, including more large-scale attacks in the west of inflation or underestimation, caution in citing the overall death toll is in Turkey, a rise in single PKK attacks creating more casualties, a return order. to rural clashes in the last two months, and a rise in HPG militant deaths - as opposed to YPS militants in June 2016. Notable also is Over the years, Turkish media and academia have all too often that one-third of all recorded casualties are concentrated in the dis­ simply cited overall death toll figures voiced by politicians and military tricts of Sur, and Cizre, of which the latter two are directly representatives. As described in a forthcoming report by Noah neighbouring Kurdish-inhabited areas of Syria. Arjomand, an academic at Columbia University, even these figures varied: in December 1997, Suleyman Demirel, then Prime Minister, While the bulk of the PKK conflict has remained highly localised in said 37,000 people had been killed in the insurgency; in January 2005, the country’s majority Kurdish south east, since January 2016 violence then Prime Minister Recep Tayyip Erdogan said the PKK had killed has increasingly spread to the west of Turkey. Two bombings by TAK 40,000; in September 2008, the chief of general staff said it was struck Ankara on 17 February and 13 March 2016, killing a total of 38 44,042; in February 2013, a parliamentary commission report estima­ civilians and 28 security officials. A TAK suicide bomber also detonated ted the total death toll at 35,576. herself outside of the Great Mosque in Bursa, a city in north west Turkey, injuring thirteen on 27 April. This was followed by a May 2016 The same study shows that the breakdown of annual death toll attack in Istanbul’s Sancaktepe district that narrowly missed a bus full figures announced by the parliament and gendarmerie (rural police) of police. TAK also claimed responsibility for a car bomb attack on a between 1984 and 2009 are divergent, too. The difference was highest police bus on 7 June in central Vezneciler district of Istanbul killing after Turkey launched two large-scale operations into northern Iraq in seven police officers and four civilians. 1997, accompanied by huge claims of PKK casualties in pro-govern­ ment media: the overall toll reported by parliament was 3,419 killed, Between 1 February and 19 July 2016, of the 312 security force the gendarmerie said 8,234. Confirming casualties during this incursion members killed, 150 were victims of improvised explosive device (IED) was particularly difficult since, in contrast to reporting from Turkey’s attacks (48 per cent), while in the four months prior (October 2015- south east, local human rights organisations did not have the means to January 2016) of the total of 115 security force deaths, 33 were from verify deaths occurring during these military operations due to limited IED attacks (29 per cent). This suggests the PKK is engaging in more access to northern Iraq. high-profile attacks, killing more security forces with single IED attacks, which has resulted in an increase in monthly security force ccording to Turkish military figures compiled by Arjomand, the ratio casualties since March 2016 (a daily average of 1.8 between March A of PKK militants reported killed by the military has tended to 2016 and June 2016; compared to a daily average of 1.3 between increase considerably compared to security force casualties in years of November 2015 and February 2016). cross-border military operations against the PKK. For most years, the rate of PKK militants killed is, according to military-issued figures, two valuated together with the urban vs. rural casualty information and to four times higher than state security forces killed during low-inten­ Ethe location of casualties, the data also indicates that the PKK is sity years of the conflict. However, a significant hike in the ratio can be withdrawing its militants from urban centres and focusing its strikes in observed during high-intensity conflict periods involving incursions of rural areas. May 2016 was the first month since November 2015 in the military into northern Iraq, with the peak being the year 1997, when which the number of total rural deaths was higher than total urban Turkish military claimed that 14.6 times more PKK militants than mem­ deaths (57 per cent of security force casualties occurred in rural areas bers of state security forces were killed. in May 2016, as opposed to 33 per cent in April and 13 per cent in February). In June 2016, the ratio of rural security force casualties In the current round of escalation that began in July 2015, the increased to 62.5 per cent. This clearly shows that the PKK is withdra­ Turkish state claims to have killed around ten times more PKK militants wing from urban areas and shifting back to its traditional rural tactics. than it has lost security forces. Similarly, the PKK also claims to have Besides intensified military operations of state security force members killed around ten times more state security forces than it has lost mili­ against militants in urban centres, growing public resentment among tants. Crisis Group’s casualty count of the last year reflects the secu­ Kurds against PKK actions in restive districts around the country’s rity force-to-militant ratio at 1.16, while the same ratio was 1.75 for south east could be one of the reasons for this change in tactics. Crisis Group’s casualty count for the 2011-2013 escalation cycle. However, Crisis Group’s open-source methodology does not always 30 per cent of confirmed casualties have been in Cizre, Sur and allow for an accurate account of PKK militant deaths, which PKK-linked Nusaybin. Over the last year, fighting has been focused in mainly four sources often only announce weeks, months, or even years later. provinces: §irnak, Diyarbakir, Mardin and Hakkari. The highest number Moreover, means of verifying PKK militant deaths in cross border of casualties were recorded in §irnak’s Cizre district, followed by incursions into northern Iraq are particularly limited. Despite these Diyarbakir’s Sur district, and Mardin’s Nusaybin district. Casualties in methodological limitations, it is safe to say that PKK claims for the these three districts comprised 30 per cent of the total casualties since number of state security forces killed, as well as state figures for PKK July 2015. members killed are inflated. As a human rights activist in Diyarbakir In March, April and May 2016, a sharp drop in the number of told Crisis Group in January 2016: “Our cities in the region would be deaths among “youth of unknown affiliation” has paralleled a rise in flooded with corpses and we would constantly hold funerals if the num­ casualties claimed by militias of the PKK’s youth wing, the YPS. ber the state announces for PKK members killed was correct”. Deaths among “youth of unknown affiliation” peaked in early February, Given these limitations and ambiguities, the precise figure for the when military operations in Cizre saw over 100 deaths in a single overall casualty toll of the conflict is impossible to confirm, whether by week. YPS deaths rose sharply in the following weeks, peaking in referring to Turkish state sources, or by using reports of human rights March and April. This could be an indication of two dynamics: either NGOs close to the Kurdish movement - who have collected data with the PKK’s young militants are increasingly joining the YPS, or the PKK differing methodologies for different years. Furthermore, the number of has begun reporting these deaths to give the appearance that its unresolved murders, extrajudicial killings and forced disappearances “resistance” is embraced by a broader group of youth in conflict areas. occurring especially in the 1990s - the conflict’s most deadly period - Since February 2016, casualties suffered by YPS and HPG mili­ is unknown. In order to avoid the risk of using inflated figures or exclu­ tants have been relatively close in numbers, an indication that the two ding unrecorded casualties, the safest option is to refer to the conflict’s PKK wings have been engaged in fighting (HPG/YPS killed: February overall toll as “tens of thousands of deaths”. Such caution should guide at least 13/23; March at least 28/37; April at least 50/59; May at least the use of any data on conflict casualties, where even seemingly accu­ 21/21). Casualty figures for June 2016 indicate that HPG casualties rate estimates may be flawed. • are rising, with the balance tipping considerably toward HPG militant ♦ ♦ ♦ casualties (HPG/YPS killed: June at least 45/3).

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international INeüi |jork tin tes ju l y 2 1,2 0 16 Turkey wants cleric living

attempt. Hirkish officials declined to comment in US. extradited on the content of the meeting, but before returning to Ankara on Tuesday night, ISTANBUL successfully the judiciary and the police. Mr. Erdogan said that the government “They are a state within a state,” he was poised to announce “an important Erdogan is putting blame said. “They have infiltrated many decision.” places.” The Turkish authorities have moved for coup attempt squarely In the past, Mr. Gulen has been em­ rapidly to purge state institutions of on Gulen, a former ally braced by American officials as a mod­ suspected followers of Mr. Gulen. erate Islamic leader: someone who pro­ Nearly 60,000 soldiers, police officers, motes interfaith dialogue, leads a judges and civil servants have been sus­ BYTIM ARANGO worldwide network of charities and sec­ pended and detained across the coun­ AND BEN HUBBARD ular schools, favors good relations with try, and 6,300 members of the military are in detention, with nearly 1,000 ac­ Turkey’s president, Recep Tayyip Er­ Israel and opposes harder-line Islamist cused of having connections to the coup dogan, says that a mild-mannered movements like the Muslim Brother­ 'plot. Muslim cleric living in self-imposed ex­ hood and Hamas. The Defense Ministry also sacked ile in rural Pennsylvania was pulling the In Turkey, his supporters have long more than 200 military court judges and strings of a coup attempt last week that filled the ranks of the police, judiciary prosecutors on Wednesday. almost succeeded in taking over the and, to a lesser extent, the military, Meanwhile, Turkey’s internet watch­ state, and killing Mr. Erdogan himself. something Mr. Gulen has encouraged in dog blocked access to the WikiLeaks Now, Mr. Erdogan says that many speeches. Having fled the country in website after it published thousands of thousands of Turkish citizens — sol­ 1999 as Turkey’s old secular elite emails linked to the accounts of the rul­ diers, police officers, bureaucrats, charged him with trying to overthrow the state, he landed in the United States, ing Justice and Development Party. teachers, judges, lawyers and many A government official said the de­ more professions — are all part of the where a former C.IA. official helped cision was due to the violation of pri­ cleric’s movement and must be pun­ him get permanent residency. vacy and the publication of illegally ob­ ished. Tens of thousands of people have The darker suspicions of his move- ' tained data. already been arrested or suspended ment have emerged as a central plotline The actions followed by a day the gov­ from their jobs in the four days since the in the aftermath of the failed military ernment’s suspension of more than coup failed, after a night of violence that coup in Turkey, with Mr. Erdogan accus­ 15,000 members of-the Education Min­ plunged the country into chaos. ing him of being the mastermind of the istry, its forcing more than 1,500 universi­ Mr. Erdogan and the cleric, Fethullah conspiracy. ty deans to resign and its revoking the li­ Gulen, have been adversaries in recent Turkish officials on Tuesday, includ­ censes of 21,000 private-schoolteachers. years, and Turkey has said before that ing Prime Minister Binali Yildirim, Mr. Gulen must be extradited by the raised the pressure on the United States The Turkish military, in a statement, United States. Now, though, Mr. Erdogan to hand over Mr. Gulen, promising to blamed the “Fethullah Terrorist Organ­ appears determined to get him back, a send evidence of his role in the plot. ization” for the coup plot and said the matter that threatens to aggravate rela­ The White House said on Tuesday plotters had held at gunpoint the mili­ tions between the two NATO allies. that it received an electronic file from tary’s chief of staff, demanding that he But who is Mr. Gulen? And is it possi­ Turkey on the matter, though it was un­ sign a document supporting the coup, ble he is behind such a vast conspiracy? clear that it was a formal extradition re­ which he refused to do. James F. Jeffrey, a former American quest. Mr. Gulen, a mystic preacher of the ambassador to Turkey now at the Wash­ “The Department of Justice and the Sufi branch of Islam who lives in a se­ ington Institute for Near East Policy, Department of State will review those cluded compound in the Poconos, in called the organization a “cultlike” materials consistent with the require­ Pennsylvania, has become a central movement and said no one really had ments of the extradition treaty between point of tension between the United solid information about its size and aims. the United. States and Turkey that’s But many experts on Turkey, Mr. Jeffrey been on the books for more than 30 Nearly 60,000 soldiers, police included, say the followers of Mr. Gulen years now,” said Josh Earnest, the have sought to gain power within Turkey White House press secretary. officers, judges and civil bÿ infiltrating state institutions, most On Tuesday, Mr. Erdogan and Mr. servants have been suspended Obama spoke by telephone, with Mr. or detained in Turkey. Obama offering help to investigate the coup, but giving no indication in a state­ ment by the White House of a willing­ States and Turkey. One Turkish official ness to promptly send Mr. Gulen back. said he believed the United States Mr. Yildirim said Turkey was intent played a role in the coup, an accusation on destroying the Gulen movement “by Secretary of State John Kerry dis­ its roots.” missed on Sunday as “irresponsible.” The government has moved quickly, Still, in a front-page column on Tuesday, raising concerns that it is more inter­ the editor in chief of a pro-government ested in silencing all opposition than newspaper wrote, “The U.S. Tried to rooting out those behind the coup. Assassinate Erdogan !” On Wednesday, Mr. Erdogan chaired At the very least, the prospect of a an extraordinary national security, contentious extradition process is likely CHARLES MOSTOLLER FOR THE NEW YORK TIMES meeting in the capital, Ankara, and is to complicate relations between the al­ Fethullah Gulen says he had nothing to do expected to announce a set of measures lies at a time when the United States is with the failed coup attempt in Turkey. that will prevent a repetition of the coup relying on Turkey as a crucial partner in 38 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

the fight against the Islamic State. Referring to the United States, Mr. Yildirim said, “we would be disappoint­ ed if our friends told us to present proof even though members of the assassin organization are trying to destroy an elected government under the direc­ tions of that person.” He added, “At this stage there could even be a questioning of our friendship.’ ’ Mr. Kerry has said TUrkey, as part of the extradition process, must provide evidence that withstands scrutiny in an American court — something analysts say Turkey does not have. On Tuesday, Mr. Gulen again denied any involvement. “Turkish President Recep Tayyip Er- dogan today once again demonstrated he will go to any length necessary to so­ lidify his power and persecute his crit­ ics,’ ’ Mr. Gulen said in a statement. “ It is ridiculous, irresponsible and false to suggest I had anything to do with the horrific failed coup. I urge the U.S. gov­ ernment to reject any effort to abuse the extradition process to carry out political vendettas.” Turkish officials may be certain about Mr. Gulen’s actions and motives, but the nature of his movement has long con­ Fethullah Gulen, who lives in self-imposed exile in Pennsylvania, has denied involvement in founded analysts and diplomats in Tur­ the coup attempt He has been embraced by American officials as a moderate Islamic leader. key, partly because the organization is opaque and individuals do not openly declare allegiance to it. sentia, on all charges. which overthrew four elected govern­ Mr. Jeffrey, the former ambassador, Jenny White, a professor at the Stock­ ments last century. A series of sensa­ said it would have been hard for Gulen holm University Institute for Turkish tional trials, which were overseen by followers, as Islamists, to infiltrate the Studies who has studied the Gulen Gulen-affiliated judges and prosecutors armed forces, which have been a movement, said it was centered on a stronghold of secularism in Turkey. and were later determined to have re­ global network of secular schools. The ' In diplomatic cable written in 2009 lied, in part, on fabricated evidence, goal, she said, is to create a ‘ ‘golden gen­ and made public by WikiLeaks, Mr. Jef­ sent hundreds of officers to prison and eration of young people who are edu­ seemed to have secured civilian control frey detailed how Mr. Gulen came to ex­ cated in science but have Muslim eth­ over the military. ile in the United States. He left Turkey in ics.” But three years ago, the two men had 1999 after being charged with plotting to The group is socially conservative, a bitter falling out as Mr. Gulen opposed overthrow the state. The charges, Mr. but religious texts do not play a large the leader’s increasingly autocratic Jeffrey wrote, were based on a sermon role for the movement. Whije women tendencies. Mr. Erdogan accused Mr. Mr. Gulen had given in which he said are active in the movement, they are not Gulen of orchestrating a corruption in­ that “our friends, who have positions in included in decision making. quiry of top officials close to Mr. Er­ legislative and administrative bodies, Mr. Erdogan and Mr. Gulen were once dogan, using the same prosecutors who should learn its details and be vigilant Islamist allies, at war with Turkey’s old had targeted the military. all the time so thëy can transform it and secular elite. After Mr. Erdogan’s Islam­ Ever since, they have been enemies, be more fruitful on behalf of Islam in or­ ist party, Justice and Development, and this week the government acceler­ der to create a nationwide restoration.” came to power more than a decade ago, ated its efforts to purge the state of any­ Mr. Gulen was later acquitted, in ab­ they teamed up to tame the military, one it believes is affiliated with Mr. Gu- len, or directly involved in the coup. Ibrahim Kalin, Mr. Erdogan’s spokes­ man, said on Tuesday that the United States should turn him over to TUrkey. Some Turks have long suspected that Mr. Gulen was an American agent, and inflaming the conspiracy theories is the fact that Graham E. Fuller, a former C.I A. official who was once stationed in Istanbul, wrote a letter to support Mr. Gulen’s application for residency. Mr. Fuller, in an interview with The New York Times in 2014, said he did so on his own, not on behalf of the Ameri­ can government. In the letter, he said he wrote, to the effect, “of all the movements I’ve stud­ ied, this one is probably least likely to be a security threat.’ ’

One of the Turkish officers who fled to Greece by helicopter last week was escorted from a CeylanYeginsu contributed reporting. courthouse in Alexandroupolis on Thursday, after being found guilty of illegally entering the country. 39 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

Atatürk d’Istanbul. Ces derniers mois, la police turque a démantelé plusieurs cellules de TEI dans le pays. Les forces de sécurité sont aussi ci­ blées par les combattants du PKK, le Le rouleau Parti des travailleurs du Kurdistan. La trêve entre le mouvement kurde et le pouvoir, qui tenait depuis trois ans, a été rompue en août 2015, après un compresseur attentat massif à Suruç, une ville pro­ che de la frontière syrienne, attribué à TEI mais jamais revendiqué. De quelle marge de Erdogan manœuvre l’opposition

dispose-t-elle? Elle est ténue. Tous les partis qui dé­ Aucun contre-pouvoir noncent l’autoritarisme d’Erdogan, n’a assez de poids pour en premier lieu le Parti républicain du peuple (CHP, fondé par Atatürk), résister aux représailles ont condamné la tentative de putsch. du président turc, «Ils n’ont pas eu le choix, ils ne pou­ dans un pays ciblé vaient pas faire autre chose quètde par l’Etat islamique. respecter l’ordre institutionnel, s$ns pour autant manifester un soutienm- près les purges, les mesures press à Erdogan. C’est toute la perver­ d’urgence. Le président turc, sité de la situation. Ils sont ARecep Tayyip Erdogan, devait aujourd’hui tétanisés», en annoncer plusieurs à l’issue d’un explique Jean Marcou. conseil de sécurité nationale qui se Cette unanimité s’est tenait mercredi. Cinq jours après propagée aux syndicats, aux associa­ l’échec du putsch, près de tions d’entrepreneurs et jusqu’aux 60 000personnes ont déjà été ciblées médias d’opposition. Les Kurdes du par le pouvoir. La violence de la re­ Parti démocratique des peuples ont prise en main a été condamnée par été plus mesurés. Tout en condam­ plusieurs pays européens, dont l’Alle­ nant le putsch, la coprésidente du magne, qui a dénoncé des mesures parti, Figen Yüksekdag, a dénoncé le «contraires» à l’Etat de droit. climat de «coup d’Etat civü» instauré par Erdogan ces derniers mois. Jusqu’où ira Erdogan? H n’a de toute évidence aucune inten­ Quelles conséquences tion de renoncer à une purge massive, sur la région? à tous les niveaux de l’Etat. Dans la Pour l’instant, quasiment aucune, foulée des arrestations et suspensions hormis la fermeture, samedi, de la massives de policiers, Lors d’un base dlncirlik (sud), d’où partent des soldats, magistrats et rassem blem ent en chasseurs de la coalition qui vont journalistes, il s’est atta­ soutien à Recep Tayyip bombarder l’EI en Syrie. La base a été qué mercredi à l’université. Cher­ Erdogan, mardi rouverte le lendemain. Sans surprise, cheurs et professeurs ont interdiction sur la place Taksim à laSyrie de Bachar al-Assad aurait été d’effectuer des missions à l’étranger Istanbul, u au:!? ravied’un renversement d’Erdogan, jusqu’à nouvel ordre. Les cibles sont KONSTANDINIS. RUTERS opposant déterminé du président sy­ toujours les mêmes : les sympathi­ rien. Al’inverse, le Qatar, qui soutient sants présumés du prédicateur temps été alliés, le Parti de la justice et plusieurs groupes rebelles en Syrie, FethullahrGülen (lirepage ci-contre), du développement [AKP, le parti isla- s’est félicité de l’échec du putsch. Mais accusé par Erdogan d’avoir fomenté mo-conservateur d’Erdogan, ndlr] la principale évolution de la diploma­ la tentative de coup d’Etat. «Tradi­ sait très bien où sont les sympathisants tie turque depuis 2011 et le début du tionnellement, les gülenistes sont in­ de Gülen», poursuit Jean Marcou. soulèvement contre Al-Assad est in­ fluents dans les universités. Il faudra tervenue avant le putsch. Début voir si les mesures qui viennent d’être Ces purges représentent- juillet, Ankara s’est excusé auprès de annoncées se limiteront à des vérifica­ elles un risque Moscou, principal allié du régime sy­ tions et des remises à plat des nomina­ pour la Turquie? rien, pour avoir abattu un avion mili­ tions, ou si elles iront plus loin», expli­ Oui. Le premier est de fragiliser les taire russe en 2015. La manœuvre vise que Jean Marcou, professeur à forces de sécurité et de s’exposer en­ aussi bien à permettre un retour des Sciences-Po Grenoble. core plus aux attaques de l’Etat isla­ touristes russes en Turquiequ’à tenter La Turquie est coutumière des pur­ mique (El), dont le califat est aux por­ d’infléchir la position de Moscou, qui ges. Début 2014, après la brouille en­ tes de la Turquie. Les jihadistes ont soutient en Syrie les Kurdes du Parti tre Erdogan et Gülen, un quart des ef­ commis trois attentats à Istanbul de­ de l’union démocratique (PYD), le fectifs de la police avait été soit puis le début de l’année. Le dernier, pendant syrien du PKK, tout en bom­ réaffecté, soit mis àpied. «Dans la me­ le 28 juin, a tué 41 personnes et blessé bardant des rebelles opposés à Bachar sure où Erdogan et Gülen ont long­ plus de 239 autres dans l’aéroport al-Assad et soutenus par Ankara. LUC MATHIEU 40 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

Le Point 2289 | 21 juillet 2016

ment est pris pour cible. Dans la nuit sans étoiles, hélicoptères et avions de combat balaient inlassa­ L’ordre régné a Ankara blement le ciel des deux métro­ poles. Au bord de la panique, des Assaut. A Ankara, dans habitants se ruent sur les épiceries la nuit du 15 au les plus proches en quête d’eau et 16 juillet, des civils de nourriture, avant de retirer s'emparent des blindés quelques économies aux distribu­ et chassent les teurs de billets, assiégés. putschistes. Au total, Mais Recep Tayyip Erdogan le coup d’Etat militaire n’entend pas céder aussi facile­ avorté aura fait ment un pouvoir qu’il monopo­ 265 morts, dont lise depuis plus d’une décennie. 104 militaires. Déterminé, il sonne la mobilisa­ tion : « J’appelle les habitants de notre pays à se diriger vers les places, les aéro p o rts» pour défier les putschistes. L’appel est général. Sur leurs portables, des expatriés reçoivent par erreur un message, signé d’un certain « RTErdogan », les exhortant à sortir dans la rue pour défendre leur « liberté» et leur «démocratie». Turquie. Chauffés à blanc par les mina­ rets qui enjoignent les fidèles de En déjouant battre le pavé, les partisans du pré­ une tentative de sident turc fondent par milliers sur les centres-villes, faisant fi de putsch, Erdogan la loi martiale et du couvre-feu dé­ a montré qu’il crétés quelques heures plus tôt. En foule compacte, soudés, ils se tenait les rênes du dirigent vers les casernes m ili­ taires. Des détonations fendent pays. Au passage, l’air. L’armée ouvre le feu sur les les freins a manifestants. Alors que dans le ciel noir le vol son autoritarisme des avions de chasse fait trembler sont tombés... les murs des habitations, toute la tatrice Tijen Karas, le visage impas­ nuit, les manifestants traquent sible, lit sous la contrainte d’une inlassablement les partisans du DE NOTRE CORRESPONDANT À ISTANBUL arme le communiqué d’un groupe coup d’Etat, prenant d’assaut un à QUENTIN RAVERDY militaire putschiste. Le Conseil de un les chars de l’armée déployés dans les rues, se hissant sur lesblin- a scène est devenue iconique la paix dans le pays annonce avoir pris le contrôle de la Turquie pour dagespoury agiter frénétiquement en Turquie. Sur le plateau de la les drapeaux de la République chaîne CNN Türk, la présenta­ « restaurerl’ordre démocratique». Au L même moment, les insurgés re­ turque. Aux côtés des policiers, ils trice montre à la caméra son smart­ libèrent d’une même main les phone. A l’écran, via l’application tiennent en otage le chef d’état-ma- chaînes de télévision occupées par FaceTime, le pays découvre à jor au siège de l’armée. les putschistes. l’image-de piètre qualité-levisage Les yeux vissés à leur écran de Cette nuit-là, des dizaines de de son président, Recep Tayyip Er­ télé, les Turcs découvrent ■ ■ ■ manifestants vont mourir dans des dogan, seul, dos aumur. Sorti brus­ ■ ■ ■ avec effroi ce qui se trame : heurts avec les soldats. Mais, à quement de ses vacances sur la côte des chars bloquent les ponts de la l’aube, les putschistes sont vain­ méditerranéenne, le leader turc, ville d’Istanbul, l’aéroport interna­ cus. Les scènes de lynchage font le restésilencieuxjusque-là,s’adresse tional Atatürk est encerclé par les tour des télévisions. Sur l’un des au pays: «Il y a en Turquie un gou­ putschistes et, à Ankara, le Parle- ponts surplombant le Bosphore, à vernement et un président élus par le Istanbul, la foule déchaînée aurait peuple. Et si Dieu le veut, nous allons égorgé l’un des soldats. surmonter cette épreuve. » « J ’appelle les habitants de notre pays à se Au matin, la ville se réveille hé­ A Ankara, plus tôt dans la soi­ diriger vers les places, les aéroports» pour bétée. Dans les rues restent çà et là rée, sur l’antenne de la TRT, la quelquesvéhiculesmihtairesaban- > chaîne publique turque, la présen­ défier les putschistes. Recep Tayyip Erdogan 41 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

>■ donnés, derniers vestiges des com­ bats de la veille. Les artères sont quasi désertes. Cafetiers et petits commerçants balaient leurs de­ vantures et soulèvent leurs épais rideaux de fer, comme si, hier soir, le pays n’avait pas tremblé. Sur l’Is- tiklal, la principale artère piétonne de la ville, des touristes marchent d’un pas pressé vers les navettes de l’aéroport, avec l’intention de quit­ ter le pays au plus vite.

Précipitation. Après sept heures d’affrontement, le bilan est lourd: 265 personnes ont péri et plus d’un m illier sont blessées. La situation est «entièrement sous contrôle», assure pourtant le Pre­ mier ministre, Binali Yildirim, alors qu’à travers le pays plusieurs Qui est le putschiste en chef? casernes ne se sont pas encore ren­ dues. Qu’importe : le coup d’Etat Le pouvoir le présente comme le chef des « traîtres ». a échoué. «Leur action a été montée Akin Oztürk (photo), 64 ans, ancien commandant des forces dans la précipitation, ils étaient mi­ aériennes du pays, aurait fomenté le coup d’Etat manqué. noritaires, ils n’ont p a s su g a g n er le Un homme clé au sein de l’armée. Membre du Conseil militaire soutien du reste de l’armée. Sans forces suprême depuis août 2015, il avait opérationnelles,ilsnepouvaientréus- connaissance de toutes les décisions sir», analyse à chaud Ahmet Insel, stratégiques et de toutes les politologue à l’université de Gala- nominations prises au sein de tasaray. Surtout, «ils ont sous-estimé l’institution. Dans le collimateur la résistance du gouvernement et la des autorités depuis un an en raison capacité d’Erdogan à mobiliser ses de ses liens présumés avec le prédicateur soutiens, une chose qu’on n’avait pas en exil Fethullah Gülen, il avait été vue auparavant, lors des autres coups invité à présenter sa démission le d ’Etat». 30 août. Face à la purge annoncée, lui Dans la matinée, l’agence de et ses hommes auraient décidé de passer presse progouvernementale à l’acte. Avant ses déboires, l’officier aux cheveux grisonnants, Anadolu épingle déjà sur son site jadis attaché militaire en Israël, était régulièrement cité en les portraits des « traîtres » : le exemple. Présent dans l’armée depuis quarante ans, ancien noyau des officiers à l’origine du pilote de chasse avec 5 800 heures de vol à son actif, il exhibait mouvement. Selon la presse de nombreuses décorations décernées par l’Otan et son corps turque, la plupart des noms figu­ d’origine. Il est désormais sous les verrous avec 34 autres raient dans une « fournée » à évin­ généraux. Erdogan a prévenu : «Ils paieront un prix élevé pour cer lors d’une réunion du haut £ leur trahison. » m H. N. conseil militaire, en août prochain. « A l’instar d’Akin Oztürk, ancien général des forces aériennes, au vi­ restations. En une matinée, près ; cembre 2013. Depuis, ses fidèles de 3 000 soldats et officiers sont ap­ sage sévère, mis au ban depuis sont traqués sans relâche au sein quelque temps et annoncé sur le préhendés aux quatre coins du des institutions du pays. pays. Les images de militaires dé­ départ. Une date butoir qui aurait Pour le président Erdogan, la précipité le déclenchement de faits, les mains en l’air, font le tour mutinerie porte une nouvelle fois des télévisions. Et la traque conti­ l’opération. Le pouvoir turc les ac­ la signature des «gulénistes» et cuse d’être des sympathisants ou nue. Fait notable, 2745 juges sont prend sa source à 5 000 kilomètres également suspendus de leurs fonc­ des membres de la confrérie de Fe- delà, dans l’Etat américain ■ ■ ■ thullah Gülen, un mouvement is­ tions. Le pouvoir a-t-il profité du lamique influent, notamment ■ ■ ■ de Pennsylvanie, où réside coup raté pour éliminer des gê­ dans les m ilieux de la police, de la en exil Fethullah Gülen, qui a pour­ neurs ? Sa vengeance ratisse en tout justice ou de l’éducation. Ancien tant vivement condamné cette ten- cas très large... allié de l’AKP et de Recep Tayyip tative de putsch. Qu’importe, Au sein de l’armée, la nouvelle Erdogan, Gülen a perdu les bonnes Erdogan veut sa tête et ordonne à purge illustre la volonté du pré­ grâces d’Ankara en dévoilant une Washington de l’extrader. Mais les sident Erdogan de mettre au pas vaste affaire de corruption écla­ putschistes ne seront pas les seuls une institution qui a longtemps boussant les plus hauts sommets à « payer le prix » de la trahison. Le dicté le cours de la vie politique. A de l ’Etat entre le 17 et le 25 dé- pouvoir déclenche une vague d’ar­ quatrereprises(i96o,i97i,i98oet »-

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>- 1997), celle-ci s’est arrogé le pou­ voir en fomentant un coup d’Etat. Erdogan ne l’a pas oublié. En Les juges dans 1997, alors maire d’Istanbul, il voit son mentor, le chef du gouverne­ le collimateur ment, , poussé vers la sortie par la hiérarchie mi­ L’échec des putschistes permet litaire, peu encline à voir la Répu­ à Erdogan de réaliser une vaste blique laïque d’Atatürk dirigée par purge contre les juges, en pre­ une formation islamiste, pourtant mière ligne depuis des années victorieuse dans les urnes. dans des affaires de corruption Arrivé au pouvoir en 2003, Victoire. A Istanbul, concernant ses proches. Des Erdogan s’emploie ainsi pendant le 16 juillet, des juges qui ont souvent bloqué une décennie à dompter l’armée. manifestants, tous ses dérives autocratiques. Le Pour amadouer les officiers, le nou­ bords politiques lendemain de la tentative de veau président et sa formation confondus, célèbrent putsch, Alparslan Altan, l’un islamo-conservatrice, l’AKP, l’échec du coup d’Etat. des 17 juges de la Cour consti­ lancent de vastes réformes démo­ tutionnelle, a ainsi été placé en cratiques qui enchantent les pays Les partisans d’Erdogan envahissent détention pour des raisons qui occidentaux. n’ont pas été précisées et sans Sonne ensuite l’heure de la neu­ les places et clament haut et fort leur victoire. que le moindre lien avec tralisation. A travers une série de Les muezzins chantent sans discontinuer. les militaires ait été démontré. lois, l’AKP démilitarise les Ce juge de la Cour constitu­ institutions politiques et pu­ tionnelle - la juridiction su­ bliques. Le coup de grâce inter­ prême en Turquie - n’est pas le v ie n t en 2013, lorsque le seul à se retrouver dans le colli­ gouvernement modifie le règle­ mateur du pouvoir. Dans la ment intérieur de l’armée et le sa­ foulée, 2 745 juges dans tout cro-saint article 35 qui confie aux le pays (sur un total de 15 000) soldats le devoir de «préserver et ont été démis de leurs fonc­ protéger la R épublique». La justifi­ tions. Même si certains juges cation légale du coup d’Etat tombe. ont pu être liés aux putschistes, Enfin, le pouvoir lance une vague il s’agit d’abord, pour Erdogan, de procès et décapite une partie de de reprendre la main sur la hiérarchie militaire kémaliste, l’ensemble du système judi­ remplacée progressivement par ciaire turc, ce qu’il cherche à des officiers plus dociles. Erdogan faire depuis des mois. Il y a promet désormais de poursuivre quelques semaines, le Parle­ le «nettoyage» de l’armée. le lendemain du ment turc a en effet adopté un putsch. projet de loi visant à réformer « Sultan ». Au lendemain du les plus hautes juridictions du putsch manqué, tout semble sou­ prise qu’il a sur les gens et combien pays et à rogner sur une partie rire au locataire du fastueux pa­ ceux-cicroienten lui. Ilestvenu à leurs de leurs prérogatives. Selon le lais Aksaray d’Ankara. Dans la côtés, malgré le danger. Cela pèsera texte, la plupart des 711 magis­ capitale comme à Istanbul, ses par­ pour l’avenir», affirme, un peu in­ trats qui siègent dans deux tisans envahissent les places et cla­ quiet, un membre influent de l’AKP des principales juridictions ment haut et fort leur victoire. Les sous couvert d’anonymat. «L e coup du pays, le Conseil d’Etat et muezzins chantent sans disconti­ d’Etat aurait été une catastrophe la Cour de cassation, devaient nuer. Erdogan triomphe devant la majeure pour le pays, mais son échec être révoqués. Le nombre des foule. Même les trois partis d’op­ accroît aussi les risques d’autorita­ magistrats devrait être réduit, position turque - y compris les risme et de concentration des pou­ et les nouvelles nominations prokurdes du HDP -, si virulents v o irs» , renchérit le politologue seront décidées par le Conseil face aux dérives autoritaires du ré­ Ahmet Insel. supérieur des juges et des gime, confortent sa légitimité en En ligne de mire: le projet de procureurs, qui doit passer pro­ dénonçant la tentative de coup changement de Constitution, des­ chainement sous le contrôle tiné à doter le pays d’un régime d’Etat. Cerise sur le gâteau, le « Sul­ du ministère de la Justice, qui, présidentiel fort. « Jusque-là, il avait ces dernières semaines, a muté tan », régulièrement décrié par les du mal à faire accepter cette idée à chancelleries occidentales, savoure 3 700 juges et procureurs. l’opposition, mais aussi à la base de Enfin, la loi votée au Parlement les déclarations de soutien de ses son parti; mais, avec cette victoire, il partenaires américains et euro­ accorde à Erdogan le pouvoir aun boulevard devant luipourse tail­ de nommer lui-même un quart péens, qui voient en lui, face à la ler un pouvoir sur mesure. » Et de des juges au Conseil d’Etat ■ R. G. menace putschiste, un rempart conclure: «Tout le monde est per­ démocratique. Erdogan sort ren­ dant, sauf Erdogan. » ■ forcé de l’épreuve. «On a vu l’em- Le Point 2289 | 21 juillet 2016 | 43 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de Prensa-Basin Ôzeti 2Uu La confrérie Gülen, galaxie aux contours flous

Gülen est appelé «Hocafendi», ou groupes scolaires du mouvement, Entièrement «maître respecté». Le culte de sa affirme que l’objectif est de faire dévolu à son chef personne est très développé chez sortir de ces écoles «de bons citoyens ses partisans. «Ils le perçoivent plutôt que de bons musulmans». Fethullah Gülen. le tentaculaire comme une quasi-divinité, un diri­ Elles ne sont pas réservées à la com­ geant de l’islam contemporain qui munauté turque : 40 % des élèves mouvement va émanciper la société turque, puis Gülen en France ne sont pas turcs, la vingtaine d’entreprises liées à islamiste est un celles d’autres pays musulmans», comme plus de la moitié des ensei­ Gülen, ciblées par Ankara depuis la écrit l’universitaire américain gnants. «L’intégration des enfants tentative de putsch militaire avortée coupable idéal aux Christopher Holton dans une étude turcs, ici comme ailleurs, est une di­ de vendredi soir. à charge contre Gülen, considérant mension. absolument essentielle yeuxd’Erdogan. qu’il contribuéà «civiliser lejihad». dans le système Gülen, souligne Sa- Communisme. La dimension de Le site internet qui porte son nom rier. Les élèves n’ont d’aüleurs pas le développement humain et écono­ onspirateur désignas par affiche la vie, les œuvres et les pen­ droit de parler le turc à l’école, hors mique est très présente dans la phi­ Erdogan pour justifier ses sées du saint homme, à toutes les des cours de langue.» losophie et les écrits de Fethullah Cpurges massives depuis le étapes dé son parcours, dans tous A la fin de leur scolarité, les enfants Gülen, qui «considère que le bon putsch avorté de vendredi, les parti­ ses rôleset en diverses circonstan­ des établissements Hizmet peuvent musulman doit être un homme d’af­ sans de Fethullah Gülen sont la ci­ ces. Depuis son exil aux Etats-Unis, plus facilement obtenir des bourses faires accompli et encourage ses ble depuis plus de trois ans de la ré­ où il a fiii en1999les militaires laïcs d’études dans les meilleures univer­ adeptes à faire des affaires et du pression en Turquie. Accusé par le turcs, l’ancien prédicateur continue sités. Puis les millions d’anciens élè­ commerce», écrit Bayram Balci, du président turc de former un «Etat d’inspirer et de veiller sür son im­ ves, sortis depuis trois décennies de CNRS-Sciences-Po, dans un article parallèle», et considéré même mense créature. milliers d’écoles, contribuent à leur sur le mouvement Gülen, présenté comme une organisation terroristé, La première ambition du mouve­ torn à l’éducation et la formation de lors d’une conférence en mars à le mouvement du prédicateur exilé ment qu’il a lancé dans les an­ nouvelles générations. Tous se doi­ Bichkek (Kirghizistan). Le cher­ aux Etats-Unis apparaît comme un nées 70 était l’émergence d’un vent de verser par la suite une partie cheur a longtemps travaillé sur les coupable idéal, par sa nature et ses nouvel homme musulman. C’est de leurs revenus au mouvement, écoles Gülen en Asie centrale, zone activités difficiles à cerner.. pourquoi l’éducation est à la base pour contribuer aux œuvres socia­ de prédilection du mouvement au Communauté ou confrérie reli­ du réseau Gülen. Un système péda­ les et de charité. La stratégie d’inté­ lendemain de l’éclatement de gieuse, organisation sociale, multi­ gogique, sem­ gration des partisans Gülen en Eu­ l’Union soviétique. C’est dans cette nationale économique, réseau d’in­ blable à d’autres rope et aux Etats-Unis attire des région que se sont implantées les fluence, le «mouvement», comme écoles d’élite, exilés turcs, qui à leur tour font car­ premières écoles Gülen hors de préfèrent l’appeler ses adeptes, est utilisé dans rière et réussissent dans les affaires, Turquie au début années 90, avec tient de tout cela à la fois. Il em­ ses établisse­ apportant plus d’influence et de re­ pour projet dè remplacer le com­ prunte aux jésuites son élitisme et m ents. «Une venus au mouvement. Celui-ci munisme par l’islam. son opacité, au calvinisme son en­ quinzaine d’élè­ veille d’ailleurs à mettre en relation Organisation tentaculaire, le réseau couragement à l’entreprise socio­ ves par classe, les entrepreneurs avec ses réseaux compte de nombreux détracteurs économique et son accent sur un enseigne­ éducatifs et sociaux. Il organise des dans la société turque, qui redou­ l’éducation et le travail, et aux ment tutorial rencontres et des débats consacrés tent l'influence de cette confrérie is­ francs-maçons la solidarité entre personnalisé, au dialogue entre les religions et lamiste opposée à la laïcité. Enne­ adeptes. une implication les cultures ou à des questions so­ mis d’hier, laïcs et gülenistes se Hizmet («le service»), comme le des parents, un ciales (emploi, retrouvent aujourd’hui mis dans le nomment les membres et sympa­ apprentissage discrimina­ même sac par Erdogan. thisants de la galaxie Gülen, compte des langues dès tions, pauvreté), des millions d’adeptes à travers le le primaire, mais pas d’enseigne­ et développe monde, même si aùcun n’a une ment religieux», résume Nihat Sa­ des activités de carte d’adhérent. Le mouvement iler. Actif dans le réseau Hizmet, ce charité. gère près de 2000 établissements Turc né en France, où il existe deux Ses ressources d’enseignement dans plus sont estimées de 140 pays sur les cinq continents : à50 milliards de des centres de réflexion et de re­ dollars (45 mil­ cherche, des médias, des associa­ liards d’euros). tions humanitaires et sociales ainsi /oient comme u n Mais en réalité, que des maisons d’édition et des li­ uasi-divimte, ui elles restent très brairies. Des industries et des éta­ 5 difficiles à éva­ blissements financiers sont liés au liiummumarenanv luer. Les ré­ réseau par les cadres et entrepre­ seaux gülénistes transnationaux re-. neurs qui y travaillent. Il dispose «uwiUHUunniy présentent un atout pour la surtout des fondations solides de IWHWlilümbHIKBB diplomatie et les exportations tur­ toute entreprise d’influence : un ques. L’immobilier et les établisse­ chef inspiré, une philosophie, des ■a société turquem m ments financiers aux mains des structures diverses, un système de uis celles d’autres gülenistes ont été identifiés ces der­ financement et un plan de dévelop­ M ÊtlÈÊÊÈÈÈM nières années par le camp Erdogan, pement. t mays mmusu depuis la brouille entre les deux hommes, autrefois alliés. Bank Exil. Fondateur, animateur et ins- CHRISTOPHER HOLTON Asya, l’un des principaux établisse­ pirateur du mouvement, Fethullah universitaire américain ments financiers turcs, fait partie de 44 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

ALTERNEîl JULY 16, 2016______A Critical Turning Point in Washington's Partnership With Iraqi Kurds The Kurdish peshmerga are our "boots on the ground."

By David L. Phillips, Stan Salett adjusted its approach. It finally realized the www.alternet.org / July 16, 2016 critical importance of expanding its train and equip activities in support of Kurdish peshmer­ argely unnoticed by U.S. media, security ga. Both the Republican and Democrat Party platforms need to endorse this position. Lcooperation between the United States and the Kurdistan Regional Government (KRG) is Peshmerga have sacrificed in service of U.S. dramatically expanding. More than military interests. According to a recent article in assistance, however, Iraqi Kurds need budge­ Newsweek, nearly 1,400 peshmerga have been tary assistance to stabilize their administration killed and 7,500 wounded fighting ISIS since and political support to realize their national August 2014. They are our "boots on the aspirations. ground." It is well past time that the Kurds get the respect and support they need and Events are moving quickly. Last week, a memo­ randum of understanding on military coopera­ deserve. tion between the KRG and the United States The U.S. must urgently clarify the nature and was signed in Erbil, the capital of the Kurdistan extent of military aid. Moreover, the broader region. The signing was followed today with an US-KRG relationship needs clarification. announcement of a visit to Kurdistan by The KRG is providing for more than 1 million Barzani has promised a referendum on inde­ General Joseph Votel, the head of the United refugees and IDPs on its territory. It is also pendence. If Baghdad is unable or unwilling to States Central Command and the highest rank­ bearing the cost of fighting ISIS. Beyond the fulfil its constitutional commitments to the ing officer to visit the KRG. President Masound $415 million already pledged, the KRG needs Kurds, the U.S. should not stand in the way as Barzani recently met a Defense Department additional and consistent budgetary support. Kurds take steps to assert their national aspira­ delegation headed by Elissa Slotkin, Acting tions. Assistant Secretary of Defense for he KRG also deserves political support. The Partnership must go beyond military meas­ International Security Affairs. TKurds are the largest population in the world without a country of their own. There ures. The KRG needs money and political sup­ These visits, agreements reached, and recent are at least 40 million Kurds today living in port, as conditions in Iraq deteriorate. U.S. commitments to provide direct military Iraq, Iran, Turkey and Syria. Kurdish national Supporting the Kurds is in America's national aid and financing of $415 million is further evi­ rights have been promised many times by the interest. It also provides an opportunity to dence of the importance of the Kurds and their international community, and often denied, rights the wrongs of history. □ Peshmerga fighting forces in the fight against cruelly and with great loss of life. The 1920 ISIS, and potentially the coming battle for Treaty of Sevres pledged a referendum, but Mosul. commitments were never fulfilled. David Phillips is director of the program on peace­ The KRG has been requesting heavy and offen­ building and rights at Columbia University's Iraqi Kurds want Baghdad to implement the Institute for the Study of Human Rights. He served sive weapons since ISIS attacked the Kurdistan 2005 Iraqi constitution, which commits to as a senior adviser to the State Department dur­ region in 2014. A little more than a year ag­ decentralization and autonomy for Kurdistan. on June 16, 2015—a majority of the U.S. ing the Clinton, Bush and Obama administrations. Baghdad has failed to act on its constitutional Senate voted to support directly arming the commitments, pushing the Kurds toward inde­ Stan Salett is president of the Philanthropic Kurds as an amendment to the Defense pendence. Network and was recently head of research for a Authorization Act co-sponsored by Senators humanitarian aid project in Iraq. Barbara Boxer and Joni Ernst. Sixty votes were Baghdad is deeply dysfunctional. It can barely Ed. note: The authors of this piece served on needed to overcome White House opposition manage to contain the spiral of sectarian vio­ Columbia University's Task Force, State-Building and the measure failed. lence, no less clear, hold and build on territo­ ries occupied by ISIS. A suicide attack the other in Iraqi Kurdistan. A year later the Obama administration has week tragically killed more than 300 people.

Associated Press cross-border strikes against Kurdish rebel positions in northern Iraq, killing Turkish Jets Strike 20 alleged militants. Wednesday’s strikes come as Turkey’s military is reeling from a failed coup by a faction within the armed forces and appear to be an attempt to show that the forces Kurdish Rebels in Iraq are on top of security matters. Authorities have rounded up close to 9,000 people — including 115 generals, 350 Following Failed Coup officers and some 4,800 other military personnel for alleged involvement in the takeover. Officials on Wednesday raised the death toll from the attempted coup to 240 gov­ July 20,2016 / (ANKARA, Turkey) — / Associated Press ernment supporters. At least 24 coup plotters were also killed. The government says a U.S .-based Muslim cleric was the mastermind behind the TURKEY’S STATE-run news agency says Turkish jets have carried out failed take-over and has demanded his extradition. O

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21 July 2016 Published in Cairo by AL-AIIRAM established in 1875 WCCfZCtf/ The puzzle of the US-Kurdistan deal The US military pact with autonomous Kurdistan violates Iraq’s integrity and moves the Iraqi Kurds closer to permanent separation from the rest of the country, writes Salah Nasrawi

of the value of the Peshmergas’ sacrifices and a contribution to stability and the Issue No. 1304, 2 1 luly, 2016 http://weekly.ahram.org.eg defense of liberty, democracy and humanity,” KRG spokesman Safeen Dizayee was quoted as saying by ARA n a surprise move, the United States I News. last week signed a military agreement Fishar News, an outlet close to with the Kurdistan Region Government Masoud Barzani, the de facto leader of (KRG) in northern Iraq which would the KRG, reported that under the agree­ allow W ashington to establish close ment the US army would establish five military and security ties with the region military bases in Iraqi Kurdistan. which is seeking independence from Fishar News reported that one US Iraq. air base would be built in Harir some 70 The pact, signed by Elissa Slotkin, km north of Erbil, the KRG provincial US acting assistant secretary of defence capital. The base would be used to host for international security affairs and the American jet fighters and helicopters as KRG’s interior minister, is unpreceden­ well as military advisers. ted and breaks new ground in US rela­ Another military base will be esta­ tions with the Iraqi Kurds. blished in Alton Kopri south of Erbil Following Carter’s visit to Iraq last Framework Agreement for a By and large, the little-publicised and will be used to store light weapons, week, Washington said an additional Relationship of Friendship and but critical partnership deal will have while two other bases will be built in 560 tro o p s w ould be deployed to Iraq to Cooperation between the United States far-reaching implications for Iraq’s fra­ KRG-controlled areas in Mosul, the help secure an air base 60 km south of of America and the Republic of Iraq,” gile ties with its self-ruled Kurdish com­ media outlet said. Mosul that had recently been captured Washington pledged “full respect for the m unity. A stunning surprise is that the US by Iraqi forces. sovereignty of Iraq”. It is the first time the government will be allowed to build the fifth military The United States says its assistance The United States also undertook of Iraq’s northern autonomous enclave base in Halabja on the border with to Iraq and the Peshmergas is essential that it “shall not use Iraqi land, sea and has signed a political, military and neighbouring Iran, according to the in gaining ground in the war against IS air as a launching o r transit p o in t for financial cooperation pact with a foreign Fishar News report terrorists and retaking Mosul before attacks against other countries; nor seek country bypassing the central govern­ The outlet said the deal had a term Obama’s presidential term expires in or request permanent bases or a perma­ ment in Baghdad. o f 20 years and could be renewed upon N ovem ber. nent military presence in Iraq.” The pact is a clear violation of agreement by the two parties. Obama clearly hopes the recapture W ashington may argue that the Iraq’s 2005 Constitution, ironically draf­ urditan24.net, a Kurdish-language of Mosul will allow him to hand on a military deal does not translate ted under the supervision of the US K television network owned by the more stable Iraq to his successor, even into backing for Kurdish independence Occupying Authority. The constitution KRG, said Kurdistan would receive th o u g h th e US is expected to m aintain from Iraq, yet it could certainly spell gives the central government the exclu­ some $450 million in financial assis­ substantial military forces in Iraq. trouble for efforts to keep the country sive power to sign agreements with tance in addition to unspecified military While this could provide a sum­ together. foreign countries. assistance from the US. mary of the thinking behind the US Barzani has been seeking to secede The deal is also in breach of the The Iraqi government has remained mission in Iraq, the question remains of from Iraq, and he has declared his 2008 US-Iraq Agreement which paved tight-lipped on the controversial deal how the US-KRG deal could affect the intention to hold a referendum on sepa­ the way for the United States to pull its which came on the heels of a previously larger picture, including Kurdish aspira­ ration “before the US elections” in troops out from Iraq and set the terms unannounced visit by US Defense tions to leave Iraq. N ovem ber. for future bilateral relations. Secretary Ashton Carter to Baghdad. U ltimately, the move will put The vote on self-determination Announcing the deal on 12 July, a Baghdad’s silence has prompted Washington’s mark on the struggle could be an attempt to put more pres­ spokesman for the KRG said the agree­ speculation about pressure being put on between the KRG and the Baghdad sure on his opponents and sceptics and ment would allow the United States to it by W ashington, w hich is helping the government, and it highlights how build up a de facto situation making a provide the Iraqi Kurds with further Iraqi security forces and the Kurdish Washington is siding with the Kurds in case for Iraqi Kurdistan’s independence. military and financial support in the Peshmergas to retake Mosul from IS. a long-simmering dispute. While the United States has sup­ fight against the Islamic State (IS) But the deal drew criticism from Thus, a primary reason for concern ported Kurdish autonomy within a uni­ group. Iraqi Shia lawmakers who said it viola­ about Washington’s motives behind the fied Iraq, it has refrained from expres­ mid Sabah said the main purpose O ted Iraq’s sovereignty and constitution. deal is its detrimental effect on the cen­ sing public support for Kurdistan’s sta­ of the agreement was to shore up “Our government is [functioning like] a tral Iraqi government’s authority and tehood. Kurdish Peshmerga capabilities in pre­ scarecrow that is not respected by either the balance of power between Baghdad Last month, the US reiterated its paration for the long-awaited offensive Kurdistan or America,” said Shia MP and Erbil enshrined in the constitution. support for “a whole [and] unified to retake Iraq’s second-largest city of Hanan Al-Fatlawi in a statement. Iraq’s Constitution makes it clear Iraq”. “W e believe that a strong, plura­ Mosul from IS militants. Another Shia lawmaker, Iskandar that “the federal government shall have listic, unified Iraq is good for the Iraqi security forces have launched Witwit, said an agreement that was not exclusive authority” in “formulating region,” State Department Spokesman an operation against IS in Mosul and endorsed by the government and the foreign policy and diplomatic represen­ John Kirby said in response to Barzani’s succeeded in retaking some villages parliament was “in clear breach of the tation; negotiating, signing and ratifying independence plans. south of the city. The US expects constitution”. international treaties and agreements; But Washington’s military agree­ Kurdish Peshmergas to take part in the Washington has recently stepped negotiating, signing and ratifying debt ment with the KRG has cast doubt, if assault by opening another front east up its efforts to help the Iraqis to take policies; and formulating foreign sove­ not eliminated, that commitment alto­ and n o rth o f Mosul. back Mosul from IS. In April, US reign economic and trade policy.” gether. W ith this deal, the political Neither the KRG nor the Pentagon President Barack Obama approved The greatest irony is that influence of Baghdad in Kurdistan is released details about the military agree­ plans to allow US troops to assist Iraqi Washington has infringed on the same now expected to wane in favour of ment, but Kurdish officials hailed it as a forces on the ground. They had pre­ document it signed to ensure its respect increasing Kurdish separatist historic breakthrough for the Iraqi viously been limited to advising at the of Iraq’s integrity and unity following its tendencies. • Kurds. headquarters which are further from the exit from the country. It is “a recognition and appreciation battle. Under the 2008 “Strategic 46 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti ___ July 22, 2016 E L w m II After approving constitution, what's next for Syria's Kurds? The Kurds have declared a federation in northern Syria despite continuing objections by the Syrian oppo­ sition, while the Syrian Democratic Forces are about to finish the battle to liberate the city of Manbij.

Sardar Mila Drwish July 22, 2016 Attendees o f a pre­ www.al-monitor.com paratory conference Sûriya Fedral a Demokratik to announce a fede­ eriya Jiyana hevbe§ ü Biratiya Gela ral system discuss a "Democratic AZIANTEP, Turkey — The regulatory committee of the Rojava-Northern Syria d jw Jl AJ' 4JJLSÜÏ14 Federal System for Democratic Federal System Constituent Assembly has approved the final draft Gof an 85-article "social contract" that would serve as a constitution for Syria's Rojava - Northern Kurdish regions. Syria " in the

47 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti Observateur L’OBS/N°2698- 21 juillet 2016 Après le coup d’Etat avorté, ^président Erdogan a lancé une purge parmi les officiers, notamment ceux soupçonnés d’être proches de la confrérie de l’imam Fethullah Gülen. Magistrats, fonctionnaires, policiers sont aussi visés. Une reprise en main qui présage du pire de la part d’un régime déjà autoritaire

+ DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL GUILLAUM E PERRIER

» + réussir. Pourtant, l’armée turque a une solide expé­ rience des coups d’Etat, elle sait com m ent il fau t faire! » De fait, l’armée a rarement raté son coup avant ce 15 juillet. En soixante ans, elle a pris le pouvoir aux civils à trois reprises, en 1960,1971 et 1980, la plupart du temps avec le soutien d’une majorité de la popula­ tion et de la classe politique. En 1997, encore, elle a envoyé les chars dans les rues d’Ankara et a poussé le gouvernement islamiste de l’époque à démissionner. L e visage tuméfié, l’oreille Mais, cette fois, tout indique que l’opération, mal pré­ recouverte d’un gros panse­ parée, a été lancée dans la précipitation. « T ou tes les ment, les mains liées dans le conditions n’étaient pas réunies, loin de là. Il n’y avait dos, le général à la retraite pas de consensus au sein de l’armée, pas de soutien des Akin Oztürk, flanqué de vingt- partis politiques, aucune légitimité institutionnelle... », six de ses acolytes, n’en mène note Lèvent Unsaldi. Si les officiers putschistes ont pas large au moment d’être déclenché cette opération en urgence, c’est parce qu’ils déféré devant un juge à se savaient menacés. Le Conseil militaire suprême Ankara. Au lendemain du annuel, qui s’ouvre le 1er août, devait acter un certain putsch avorté contre le gou­ nombre de promotions et de mutations. En amont vernement turc, il a échappé de cette réunion, le gouvernement avait l’intention de de peu au lynchage. Dehors, procéder à « des arrestations massives de militaires le une foule de partisans du pré­ week-end du 16 juillet », croit savoir Metin Gürcan, sident Recep Tayyip Erdogan expert indépendant des questions militaires et ancien réclame vengeance. A quelques dizaines de mètres de conseiller stratégique de l’armée. «Les comploteurs ont là, l’avenue est encore barrée par des tanks abandon­ eu vent de ce projet. Du coup, ils ont m is leur plan à exé­ nés par les putschistes en déroute, après une nuit d’in­ cution dans l’impréparation et la précipitation. La ten­ certitude. En boucle sur les chaînes de télévision, cette tative de coup d’Etat était prévue pour une date ulté­ image du général Oztürk, ancien chef de l’armée de rieure et elle a été avancée », complète-t-il. l’air et présenté comme le principal instigateur du Autant que le coup de force lui-même, c’est l’ama­ coup d’Etat manqué, est le coup de grâce pour une teurisme des putschistes qui a surpris les observateurs. armée turque qui, en quelques heures, a perdu tout le Pour espérer réussir, les militaires rebelles devaient prestige dont elle jouissait auprès de la population. Les neutraliser le chef de l’Etat et prendre le contrôle très soldats, jadis intouchables, sont tombés de leur pié­ rapidement, afin de semer le doute dans l’esprit de ses destal. La deuxième armée de l’Otan, en nombre partisans. En vacances dans un hôtel de la station bal­ d’hommes, vacille sur ses fondements. «Le système de néaire de Marmaris, Recep Tayyip Erdogan a été valeursmilitaire,le sens del’honneurpropre aux soldats, informé du danger vingt minutes avant qu’une tout cela a été jeté à terre. L’armée est touchée au cœur, escouade de gendarmes ne lance l’assaut « Ils étaient au plus profond de son identité, estime Lèvent Unsaldi, venus pour m e tuer », a affirmé le président dimanche, sociologue à l’université d’Ankara et spécialiste des dans une allocution télévisée. Mais il a pu se dérober questions militaires. Cette intervention était ridicule, et dans sa fuite appeler « son » peuple à descendre dans pathétique. Elle avait très peu de chances de »> les rues du pays pour mettre en échec les putschistes. 48 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti Des soldats se rendent, Autre faiblesse qui s’est révélée décisive, les insurgés sur le pont du Bosphore, représentaient un groupe minoritaire au sein des forces armées. C ’est principalement au sein de l’armée de l’air et de la gendarmerie qu’ils se sont organisés, ce qui leur a permis de mobiliser des hélicoptères de combat ainsi que des avions de chasse F 16 dans le ciel d’Ankara. C’est l’un de ces appareils qui aurait bombardé le bâtiment de l’Assemblée nationale, provoquant d’importants dégâts et un choc symbolique sans précédent. Plu­ sieurs bases aériennes ont ainsi été utilisées par les mutins : Eskisehir, Konya, mais aussi Incirlik, une base utilisée par l’Otan. La marine, elle, s’est sagement tenue à l’écart Traditionnellement très nationalistes et farou­ chement opposées au gouvernement islamo-conser- vateur, les forces navales ont déjà été sévèrement pur­ gées de toute dissidence après deux tentatives de putsch dans les années 2000. Quant à l’armée de terre, la plus puissante, qui constitue près de deux tiers des effectifs, elle s’est très tôt placée du côté du gouverne­ ment. Sans relais au sol, les avions et les hélicoptères ne pouvaient pas atteindre, seuls, leur but. « C ’es t le général Umit Dündar, commandant de la première armée d’Istanbul, quiaprévenuErdogan de l’imminence du danger », affirme Metin Gürcan. Pendant ce temps, à Ankara, le chef de l’état-major, Hulusi Akar, et son adjoint se trouvaient déjà pris en otage par les putschistes, contraints de signer leur reddition, une arme sur la tempe. Mais eux aussi ont finalement refusé de céder aux menaces. L’identité du cerveau de ce complot ne fait aucun député de l’opposition. Çiçek a passé cinq ans derrière doute pour les autorités turques. Les putschistes les barreaux, accusé d’avoir rédigé un document détail­ seraient liés à la confrérie de l’imam Fethullah Gülen, lant la marche à suivre pour déstabiliser le gouverne­ exilé aux Etats-Unis. Cet ex-allié proche de Récep ment. La signature au bas de ce manifeste putschiste Tayyip Erdogan est devenu son pire ennemi depuis n’était pourtant pas la sienne. De fausses preuves, selon 2012. Le pouvoir le tient pour responsable de la lui, destinées à écarter les officiers kémalistes. « N ou s révélation des affaires de corruption en décembre 2013 avons averti à de nombreuses reprises que ce groupe s’or­ et l’accuse d’avoir fondé un « Etat parallèle » pour le ganisait au sein de l’armée, mais le pouvoir ne nous a pas renverser. Le noyautage de l’armée par les partisans de écoutés, déplore Dursun Çiçek. En dix ans, ils sont deve­ Gülen est-il crédible ? Plusieurs anciens officiers l’affir­ nus beaucoup plus forts et organisés. Maintenant, ment. Ainsi, le général à la retraite Erhan Pamuk, Erdoganjoue les victimes, mais laplus grandepart de la ancien commandant de l’armée de l’air, estime que responsabilité lui revient. » Selon ce fervent adorateur depuis dix ans ils seraient majoritaires parmi les offi­ de Mustafa Kemal « Atatürk », fondateur de la Répu­ ciers et les sous-officiers. «Lespro-Gülen se sont orga­ blique turque laïque, ce sont les mêmes officiers qui nisés pour occuper les postes clés : les départements du ont « imaginé ces complots, organisé les grands procès personnel, le renseignement et la formation dans les et supervisé les tribunaux spéciaux chargés déjuger les écoles militaires. Cela fait plus de trente ans qu’ils ont anciens militaires », ces dernières années. entamé leur infiltration. Avec le temps, en écartant les D’autres observateurs se montrent plus sceptiques officiers laïques kémalistesgrâce à défaussés accusa­ sur l’explication donnée par le pouvoir. « I l n’y a san s tions, ils ont pu s’installer aux postes stratégiques, juge doute pas que desgülénistes, mais aussi pas mal de kéma­ l’ancien général. Les auteurs de ce putsch sont les mêmes listes ou d’officiers ralliés par opportunisme, estime que ceux qui ont essayé de nous faire accuser il y a Lèvent Unsaldi. J e m e m éfie d e ce m yth e, a lim en té pa r quelques années en fabriquant défaussés preuves. » Cet le gouvernement, d’une main invisible au service d’une ancien haut gradé a lui-même été pris dans le vaste puissance étrangère. » D’ailleurs, la liste des arrestations, coup de filet lancé en 2008 au sein des forces armées. qui s’allonge d’heure en heure, ressemble de moins en Après plusieurs putschs manqués, le gouvernement moins à celle d’un groupuscule minoritaire. Plusieurs islamo-conservateur s’était lancé dans une purge sans milliers de militaires, dont 112 généraux et amiraux précédent de l’institution militaire, grâce aux affaires - soit le tiers des effectifs -, ont été arrêtés et accusés et Balyoz. A l’époque, Gülen et Erdogan d’appartenir à l’« organisation terroriste » de Fethullah étaient du même côté. «Après trois ans passés en pri­ Gülen. Pour l’économiste Mehmet Altan, une voix cri­ son, j ’ai finalem ent été libéré en 2014 et innocenté en tique du régime d’Erdogan, les gülénistes et les kéma­ 2015 », précise le général Pamuk. listes ont possiblement formé une coalition pour tenter Dursun Çiçek est du même avis. « Tous les putschistes de mettre en minorité les proches du gouvernement au sont proches de Gülen, en collaboration avec la CIA et sein de l’état-major. Mais surtout, insiste-t-il, « le pu tsch Israël », affirme cet ancien colonel de la marine, devenu est devenu possible parce que la Turquie était sortie Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

depuis plusieurs mois de l’ordre constitutionnel et n’était plus un Etat de droit. Quand le système civil ne respecte plus le droit, il est plus facile défaire naître un autre mou­ vement anticonstitutionnel ». La victoire sur les putschistes a vite pris des allures de revanche. Environ 20 000 personnes ont été arrê­ tées. La purge a été lancée en un temps record, des listes de suspects étaient prêtes pour mettre aux arrêts les fonctionnaires accusés de sympathie pour l’orga­ nisation de Fethullah Gülen. Outre les milliers de mili­ taires, ce ne sont pas moins de 3 0 0 0 magistrats, 8500 employés des forces de police, la moitié des pré­ fets ou encore 1500 fonctionnaires du ministère des Finances qui ont été arrêtés ou placés en garde à vue depuis le 15 juillet. Une épuration qui vient s’ajouter à celle qui avait déjà été lancée en 2014, avec des milliers de limogeages. Les titulaires d’un passeport vert, réservé aux fonctionnaires, ont été interdits de sortie du territoire et se sont vus enjoindre de regagner leur poste dès lundi matin. Tous les programmes de recherche universitaire, les bourses à l’étranger pour qui alimente les craintes de voir le chef de l’Etat turc les chercheurs ont été suspendus, et une liste de jour­ exploiter la situation à son profit. La Cour constitu­ nalistes réputés proches de Gülen circule déjà. Meh- tionnelle s’était opposée à lui à plusieurs reprises ces met Altan, qui figure sur cette liste, craint qu’« un nou­ derniers mois, notamment en faisant libérer des jour­ veau coup d’Etat [se produise] car ce nouveauprocessus nalistes de prison contre son avis. Débarrassé de tous n’est pas du tout démocratique. On le voit avec l’arresta­ ses adversaires et soutenu inconditionnellement par tion des juges de la Cour constitutionnelle ». Deux hauts ses électeurs, Erdogan aura plus que jamais les mains magistrats, qui avaient été nommés par l’ancien pré­ libres. De quoi imposer un régime présidentiel à sa sident Abdullah Gül, font partie des gardés à vue, ce main. Une sorte de coup d’Etat légal. □

THE DAILY STAR July 22, 2016

vote fell to under 11 percent, with Erdogan targeting the party and accusing it of being Turkey Kurdish leader the political wing of the PKK. "In the face of the coup, we supported democracy," said Demirtas. 'against both coup and "B ut w e have n o t s u p p o rte d E rd o g a n n o r th e ir (th e A K P 's) policies. In reality, w e th in k that it is the errors made by Erdogan that led Erdogan' to the realisation of this coup." - 'NO CONFIDENCE IN AKP' - The coup came almost a year to the day By Stuart W illiams (AFP) Jul 22, 2016 after the breakdown of a truce declared by the www.dailystar.com.lb/ PKK that had held for two and a half years. There has been no let-up in the fighting since. A NKARA : Turkey's main pro-Kurdish party The violence - which has seen almost 500 strongly opposes the failed coup against members of the Turkish security forces killed in President Recep Tayyip Erdogan but will keep a year - brought to an end a peace process that up its opposition to the "oppression" of the had raised hopes for a final deal to end the Turkish strongman, its leader says. conflict. Selahattin Demirtas, the co-chairman of the The PKK wants greater autonomy and rights Peoples' Democratic Party (HDP), told AFP in for Turkey's estimated 20 million Kurds. an interview there was no contradiction between Erdogan has described the peace process as now Selahattin Demirtas, the co-chairman of strongly opposing last week's putsch as well as being in the "freezer". the Peoples' Democratic Party (HDP), Erdogan's rule. The PKK is outlawed as a terror group by The HDP is highly suspicious that a state of speaks during an intervieiv ivith AFP on Ankara, the EU and United States. But Turkish emergency declared by the authorities could be July 22, 2016 in Ankara officials have made no link between the PKK and used for a wider crackdown beyond the coup the coup, which Erdogan blames on the US- plotters, he said. "Turkey was already afflicted by Erdogan's based preacher Fethullah Gulen. Demirtas added that the chances of resu­ oppression and the putsch would only have made Demirtas said time would tell if the state of ming the peace process to end the over three- things worse." emergency declared by Erdogan would be used decade insurgency of the Kurdistan Workers' Demirtas and the HDP turned into a major for an even wider crackdown against all oppo­ Party (PKK) are weak so long as its jailed leader headache for Erdogan and the ruling Justice and nents, with tens of thousands of people already Abdullah Ocalan is sidelined. Development Party (AKP), with his natural cha­ sacked or detained. "In Turkey, we never have never seen a coup risma helping scoop over 13 percent of the vote The HDP - which draws its support from bring stability and democracy. All coups are bad for the HDP in June 2015 legislative polls. many, but not all, of Turkey's estimated 20 mil­ and damaging for the country," Demirtas said, In a snap re-run of the elections in lion Kurds as well as liberal Turks - voted against speaking at HDP headquarters in Ankara. November the same year, the HDP's share of the the state of emergency when it was •+

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** put to parliament. emergency because we have no confidence in the from the outside world since the peace process "The government said that the stateof AKP on this subject." ru p tu re d . emergency will only be aimed at the coup plot­ - 'INCLUDE OCALAN' - "The lawyers of Abdullah Ocalan and his ters. But we are only going to be able to check Demirtas, who has faced an uphill struggle family have the right to know the state of health that in a few days," said Demirtas. in the last months to distance the HDP from the and security of Abdullah Ocalan," he said. "If the authorities start to ban speeches, PKK in voters' perceptions, was downbeat about "But I don't think we should think that a demonstrations or opposition media under cover the prospect of the peace process resuming after government will return to the peace process of any operation against the putschists... we will th e coup. when it does not authorise even that. understand that the use of the state of emergency He said the key lay on the island of Imrali "The peace process has to be resumed. And is being abused." off Istanbul, where the PKK's leader is serving a so the fighting ends, Abdullah Ocalan has to be He added: "We voted against the state of life sentence and cut off from communication put back into the circuit." •

19 juillet 2016______Pourquoi les Kurdes n’ont pas soutenu le putsch ?

poursuit-il. Bayram B aid, spédaliste de la L'armée turque n'a en effet jamais été encline à Turquie, et Dlawer Ala'Aldeen, prési­ négocier en faveur de la cause kurde, menant une dent du Middle East Research Institute politique ultrarépressive dans les années 70 et après le coup d'État militaire de 1980. « La bête noire du (Meri), décryptent pour « L'Orient-Le mouvement national kurde a toujours été l'armée », Jour » l'attitude des Kurdes lors du confirme Bayram Balci, chercheur à Sciences Po putsch en Turquie. (Paris) et spécialiste de la Turquie. Selon lui, il était inacceptable pour les Kurdes de soutenir le coup Caroline HAYEK | OLJ 19/07/2016 d'État, car cela aurait été leur pire cauchemar que http://www.lorientlejour.com/ de voir l'armée arriver au pouvoir, leur préférant même M. Erdogan. Un drapeau turc sur un château à Sur dans la ombreux sont ceux qui haïssent profondé­ LOCAUX ATTAQUÉS N région de Diyarbakir (à majorité kurde). Sertac ment Recep Tayyip Erdogan. M ais plus nom­ Le HDP n'a cependant pas appelé ses partisans à KayarIReuters breux encore sont ceux qui craignent bien davan­ descendre dans la rue, la nuit du putsch, après que tage l'arrivée au pouvoir de l'armée turque. Le soir le président turc a exhorté ses partisans à le où la Turquie a vécu des scènes dignes des plus soutenir physiquement, place Taksim, à Istanbul, matie de la Turquie », précise-t-il. Les Kurdes n'ont grands polars, tous les ennemis du chef de l'AKP, ou sur la place Kizilay, à Ankara, via la chaîne pas cru en la sincérité des généraux car « tout l'in­ dont les Kurdes, à travers le HDP (parti prokurde) CNN Turk. Cette décision lui a valu d'être sous le térêt des militaires était de neutraliser des ennemis et, plus étonnant encore, le PKK (Parti des travail­ feu de nombreuses critiques et de voir ses locaux potentiels et augmenter leurs soutiens », ajoute-t-il. leurs du Kurdistan), ont unanimement condamné attaqués durant la nuit et au lendemain du coup SATISFAITS le coup d'État. Le 15 juillet en fin de soirée, une d'État échoué. « Il y a une réaction exagérée de cer­ Pour Bayram Balci, le HDP et le PKK doivent être tains partisans de l'AKP, qui s'en sont pris non pas partie de l'armée turque a tenté de perpétrer un assez satisfaits de l'échec du coup d'État car cela « aux militaires putschistes mais aux quartiers putsch, mais après de longues heures d'incertitude, aurait été plus compliqué pour eux » en cas d'ar­ généraux du HDP. Le parti a une raison évidente marquées par une froideur de la sphère diploma­ rivée au pouvoir des militaires. « Cependant, pour de ne pas soutenir le coup d'État mais également de tique d'abord, suivie d'un soutien unanime, le gou­ le PKK, on peut imaginer qu'une situation de condamner ce genre d'agissements », estime M. vernement au pouvoir a finalement repris la situa­ chaos aurait été profitable à leur stratégie, car plus Ala'Aldeen. Les autres partis d'opposition n'ont tion en main. il y a de chaos au Moyen-Orient, plus il en sort ren­ pas non plus appelé leurs supporters à manifester. « forcé », précise toutefois M . Balci. Un premier temps silencieux, le HDP a publié un Si le HDP l'avait fait, il y aurait eu des affronte­ communiqué, juste après la déclaration d'un autre ments entre les deux partis, ce qui les aurait « Une démocratie défectueuse peut évoluer en une parti d'opposition, le M HP (Parti du mouvement détournés de leur but, c'est-à-dire empêcher les démocratie entière avec le temps, alors qu'une loi national, ultranationaliste), condamnant les putschistes. » militaire peut uniquement évoluer vers ce qu'on a putschistes et affirmant son opposition totale « à d é jà v u d a n s le p assé, c'est à d ire u n e d ic ta tu re et u n Des Kurdes, de tous partis confondus, ont toutefois toutes sortes de coups d'État, quelles que soient les ethno-nationalisme. C'est pourquoi une mauvaise répondu à l'appel du président. « Le PKK a égale­ c irco n stan ces ». démocratie est préférable à la loi militaire », estime ment dénoncé le coup d'État qu'il considère comme M. Ala'Aldeen. Pourquoi les Kurdes ont-ils décidé de soutenir le mauvais, mais a estimé que la politique du parti au président turc alors même que celui-ci leur mène pouvoir était tout aussi mauvaise et non démocra­ Même s'ils ont condamné le putsch militaire, le une véritable guerre devenue plus intense en 2015, tique », rappelle M. Ala Al'deen. Selon le Haaretz, HDP et le PKK ne vont pas pour autant enterrer la pendant et après les élections législatives de juin ? les militaires maintenus en détention « n'ont - entre hache de guerre avec le président Erdogan. « Le fait Si le HDP a dénoncé le coup d'État, c'est qu'il « a autres - pas digéré la politique de répression systé­ qu'il ait échoué n'est pas une bonne chose non plus, souhaité soutenir la démocratie, aussi imparfaite matique contre les Kurdes ». Or pour l'expert car le contrecoup va être une forme de passage en soit-elle », confie Dlawer Ala'Aldeen, président du kurde, cette affirmation est discutable. L'armée force d'Erdogan. Il est désormais lancé dans une Middle East Research Institute (Meri) et ancien aurait effectivement dit cela au moment du coup telle politique de vengeance que, malheureuse­ ministre de l'Éducation et de la Recherche scien­ d'État car elle « voulait neutraliser les Kurdes en ment, cela ne va pas aller en s'arrangeant », conclut tifique du Kurdistan irakien (2009-2012). « En général et apporter un terrain politique éthique. M . B alci. aucun cas, les Kurdes n'auraient souhaité revivre Cependant, ils ont également mis en avant le retour ♦ ♦ ♦ les périodes passées (où l'armée était au pouvoir) », au kémalisme, aux valeurs turques et à la supré-

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jfeltoiide JEUDI 21 JUILLET 2016 ______Ankara accentue la pression sur Washington La Turquie, déjà en froid avec son allié américain, l’accuse d’avoir une responsabilité dans le putsch manqué

ISTANBUL - correspondante putschistes auraient été ravi­ taillés en vol grâce au soutien du L e sort du prédicateur m u­ général Bekir Ercan Van, com­ sulman Fethullah Gülen, mandant de la base' d’Incirlik accusé par la Turquie (sud), depuis laquelle décollent d’avoir fomenté le putsch les avions de la coalition, dirigée manqué dans la nuit du 15 au par les Etats-Unis, chargés de 16 juillet, était au centre de l’appel bom barder les positions de TEI téléphonique entre le président en Irak et en Syrie. des Etats-Unis, Barack Ôbama, et son homologue turc, Recep La coalition clouée au sol Tayyip Erdogan, mardi 19 juillet. Arrêté le 16 juillet, le général Van, Installé en Pennsylvanie depuis apparu entre-temps sur des pho­ 1999, titulaire d’une carte verte de tos le visage tuméfié, aurait re­ résident, permanent, le religieux connu sa participation au coup, est dèvenu la bête noire du nu­ d’Etat, Au moment de son arres­ tation, la base a été privée d’élec­ méro un turc, qui réclame son ex­ Manifestation contre l’imam Gülen, accusé par le pouvoir d’avoir : tradition. Barack Obama a promis tricité et l’espace aérien de la fomenté le putsch, à Istanbul, le 18 juillet, alkis konstantinidis/reuters l’aide américaine dans l’enquête Turquie fermé à tous les vols mi­ sur le coup d’Etat raté, tout en in­ litaires, ce qui a paralysé l’action sphères de la société - armée, jus­ lui porte un coup fatal. sistant sur le respect du droit. de la coalition dont les avions tice, police, éducation, médias -, Car, aux yeux de nom breux of­ Mardi, la Maison Blanche et le dé­ n’ont pas pu prendre lés airs pen­ au mépris de l’Etat de droit.car les ficiels comme pour les Turcs de la partement d’Etat ont reconnu dant quarante-huit heures. L’es­ arrestations se font sur « listes » et rue, «l’Amérique» est l’ennemi: avoir reçu d’Ankara des docu­ pace aérien a bien été rouvert di­ les prévenus n’ont pas accès à un Washington, c’est sûr à leurs ments concernant le prédicateur. manche mais l’électricité n’a avocat, Washington répugnera yeux, a joué un rôle central dans «Je ne peux pas dire actuellement toüjours pas été rétablie, con­ certainement à répondre positi­ le putsch manqué. «Les Améri­ qu'une demande formelle d'extra­ traignant les Américains à utili­ vement à la demande de son allié cains ont tenté d’assassiner Erdo­ dition nous ait été présentée», a ser des générateurs. turc. De plus, M. Gülen, dont le sta­ gan, c’est eux qui ont planifié le toutefois expliqué Josh Earnest, le Ce qui se passe à Incirlik est suivi tut a été particulièrement scruté putsch », écrivait mardi Ibrahim porte-parole de la Maison Blanche. à la loupe depuis Washington. « Le par les autorités américaines Karagül, l’éditorialiste vedette statut de la base d'Incirlik est un Extradition peu probable en 2008, lorsqu’il â reçu sa carte du quotidien progouvernemen­ élément particulièrement trou­ «Nous avons envoyé quatre dos­ verte, a reçu le droit de séjourner tal Yeni Safak. «A travers l’organi­ blant dans la mesure où l’Alliance aux Etats-Unis jusqu’en 2018. sation de Gülen, les Américains siers aux Etats-Unis en vue de l’ex­ atlantique [OTAN] y a entreposé ont tout organisé, ils voulaient tradition du terroriste en chef», a, Lundi, M. Yildirim a assuré que, des armes nucléaires tactiques, ce déclencher une guerre civile», as­ pour sa part, déclaré le premier sans extradition, la relation turco- que les Etats-Unis ne confirment ni sure le journaliste. ministre turc, Binali Yildirim, lors américaine aurait du plomb dans ne démentent. Si c’est vrài, nous Répété à l’envi, le thème du d’une session du Parlement turc. l’aile. C’est déjà le cas. Envenimée faisons face à un gravy problème. «Nous avons plus de preuves qu’ils par la coopération du Pentagone complot américain prépare le Washington va devoir s’assurer de terrain au marchandage que le n’en veulent», a-t-il ajouté, enjoi­ avec les Kurdes de Syrie, qui com­ la pleine coopération des autorités président Erdogan a en tête: gnant aux Etats-Unis de ne pas battent l’organisation Etat islami­ turques et faire en sorte que les puisque l’administration améri­ protéger « ce traître », que (El) aux côtés des Kurdes du équipements militaires améri­ caine porterait une responsabi­ L’imam Gülen, 75 ans, qui dirige Parti des travailleurs du Kurdis­ cains soient bien protégés, ce qui lité dans le putsch, elle doit li­ la puissante confrérie des Fethulla- tan (PKK, autonom iste, interdit semble désormais être le cas après vrer le prédicateur. hci (adeptes de Fethullah), est une en Turquie), la relation entre les les mesures d’isolement interve­ La thèse d’une implication des source de friction récurrente entre deux partenaires s’est sérieuse­ nues samedi», écrit James StaVri- Etats-Unis est nourrie en Tur­ Washington et Ankara. Le prési­ ment dégradée ces dernières an­ dis dans la revue Foreign Policy quie par le fait que les avions des dent Erdogan l’accuse dorénavant nées. La tentative de coup d’Etat datée du 19 juillet. d’être le cerveau du soulèvement Cet amiral à la retraite, qui fut de d’une partie de l’armée, ce que l’in­ 2009 à 2013 le commandant su­ téressé nie. Pour plaider sa cause prême des forces alliées en Eu­ aux Etats-Unis, le gouvernement rope, s’inquiète de «l’impact du turc a loué les services de l’avocat coup d’Etat manqué sur le rôle de lobbyiste Robert Amsterdam, qui personnes50000 suspendues ou en détention provisoire la Turquie au sein de l’OTAN». Se­ accuse le prédicateur d’être mêlé à Les autorités turques ont suspendu ou placé en détention provisoire lon lui, les Etats-Unis doivent «se des opérations de blanchiment. environ 50000 soldats, policiers, juges, fonctionnaires et ensei­ montrer ouverts aux demandes L’extradition semble peu proba­ gnants depuis l’échec du putsch. Mardi 21juillet, les autorités [d’extradition], dans le respect des ble. Avec les purges massives dé­ ont annoncé le renvoi de 15000 agents dépendant du ministère de lois internationales, comme dans clenchées récemment par le prési­ l’éducation. Ont aussi été mis à pied 492 employés de la Direction n’importe quel autre cas ». a dent Erdogan dans toutes les des affaires religieuses, la plus haute autorité musulmane du pays. MARIE IÉGO 52 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

Y*A.VOICE of AMERICA Ju ly 24, 2016 Exclusive: Kurdish PM Says Mosul Operation Still in ‘Planning Stage’

V O A News Ju ly 24, 2016 http://www.voanews.com/ Prime Minister of the Kurdistan Regional RBIL, IRAQ — In a lengthy and wide-ranging Government in interview, Kurdistan Regional Government I Iraq, Nechirvan Prime Minister Nechirvan Barzani spoke to VOA's Barzani (L) Ali Javanmardi at his office in Irbil about plans with speaks to VOA's the U.S. to regain control of the Iraqi city of Mosul A li Javanmardi from Islamic State fighters, as well as about (R) about various Kurdish independence and the attempted coup in regional issues. Turkey. This conversation was translated from Kurdish and edited for clarity and length. ON M OSUL and no one else. ... The protocol has been signed VOA: Once your borders are set, do you think VOA: What role will the Kurds play in reclaim­ by both sides. Additionally, the agreement covers your two principal neighbors, Iran and Turkey, ing Mosul from Islamic State militants? the cooperation and coordination between both will oppose your independence? sides for liberation of Mosul and other regions Nechirvan Barzani: Mosul is close to Irbil and Barzani: Whatever decision we arrive at — inde­ captured by Daesh [Islamic State], Dohuk, and can greatly impact Kirkuk. Therefore, pendence or confederation — Baghdad will the liberation of Mosul is very important for VOA: There was a report that Qasem remain our strategic partner. We will discuss these Kurdish Regional Government [KRG]. Our Soleimani, the commander of Iran's problems with Iraq. At this stage, neither Ankara Peshmerga forces will have the central role, and Revolutionary Guards Quds Force, asked nor Iran will be the deciding factor. We will solve we coordinate with Baghdad, the international Nouri al-Maliki, president of Iraq's ruling the problems through negotiations with Baghdad. coalition, and particularly the United States. We Islamic Dawa Party, to block the U.S.-KRG ON THE ATTEMPTED COUP IN TURKEY are at the planning stage. agreement, and that he does not want U.S. mil­ V O A : The failed military coup in Turkey that VOA: There is a great deal of anxiety about itary bases in Iraqi Kurdistan. How much coor­ led to vast arrests. What is your position? more refugees coming to Kurdistan once the dination did you have with Baghdad on this agreement? Mosul operation starts. What preparations are Barzani: I am happy for the victory of the people. underway? Barzani: I am unaware of this information. I do not If you look at the history of military coups in Barzani: As you know, the KRG is experiencing a believe it is correct. Turkey, you will find ... all military coups have had dreadful consequences for the Kurds. The KRG is serious economic crisis. In spite of that, we have VOA: Is Baghdad aware of the content of this happy that the Turkish people kept in power a created a center within the KRG Ministry of agreement? government that received its legitimacy from its Interior that is in contact with the United Nations to plan for the flood of refugees. We have selected Barzani: We informed Baghdad in advance. I nation. think the U.S. had also informed Baghdad of this certain regions to create camps for refugees. ON IRAN Recent estimates indicate about 500,000 new agreement. The agreement is not new. It is the result of many meetings and months of exchange VOA: One of the important problems for KRG refugees will come to the KRG. We are working are the activities of Iran's Kurdish Peshmerga with Baghdad and looking forward for assistance of views between us and the Americans. and their confrontation with the Revolutionary from the international community. At this time, we VOA: You previously indicated that Islamic Guards in Iranian Kurdistan. Many of the anticipate receiving refugees from Makhmur and State resistance has weakened. What is your Revolutionary Guard commanders — among Shargat. plan if IS is defeated? them Mohsen Rezaee — as well as some VOA: How long do you anticipate the opera­ Barzani: It is possible following the liberation of Islamic Republic authorities have claimed that tion in Mosul to last? Mosul that Daesh will not have any territory to these activities are supported by Saudi Arabia continue its "caliphate." But in my view, Daesh will through Kurdistan. They claim that Saudi Barzani: In the operation to liberate Fallujah, remain a terrorist organization, only their tactics Arabia has created a training center for Diyalah ... we anticipated much more resistance. may change. Now, we have territorial confronta­ Kurdish Democratic forces of Iran in KRG and If the trends are what we have seen, I do not think tion with Daesh, but [after their defeat] it will cre­ that you ignore it. How true are these accusa­ the operation will take long. At this time though, ate secret cells and will start a guerrilla war in Iraq. tions? liberation plans are not ready yet. Iraq has no military solution for the dilemma of Barzani: These claims have no foundation. Saudi V O A : W hy is the operation still in the planning Daesh. It is necessary that this phenomenon be Arabia, like other countries, has a consulate here phase? studied thoroughly from a political aspect in the and acts within the set protocol with Iraq, and is hope of finding a solution to eliminate it. Barzani: There are two reasons ... From the mili­ engaged in diplomatic practice. The accusation tary and security point of view, who will control the ON KURDISH INDEPENDENCE that the Saudis sponsor a training center here is city in the future? The control of the city must be far from the truth. Our friendly relations with Iran VOA: Assuming that the political problem of carefully evaluated. In my view, who controls the are very important for us. In the past, we have Islamic State is eliminated, what is the future city after the liberation is of utmost importance. proven that we have been a factor of stability, both of Kurdistan's independence efforts? Aside from this, the Iraqi Army is not adequately for Iran and Turkey, and in the past for Syria. This ready and could take months to get ready. Barzani: The independence of Kurdistan is the is the framework of our foreign policy. right of our people. Choosing our destiny is a legit­ VOA: What is the content of the KRG's agree­ ON THE KURDISH ECONOMIC CRISIS imate right and will remain a goal for us and all the ment with the United States regarding Mosul? Kurdish people. What is important for us after V O A : A final question: On the streets of Irbil, Barzani: The agreement contains two parts: The Daesh is Kurdistan's borders. We will decide the people talk about the economic crisis facing first is devoted to the financial contribution of the extent of our borders by what has been liberated the KRG. What steps have you taken to United States to the Peshmerga; and the second with the blood of our Peshmerga. ... Whether we address this? part is a military protocol between the United remain with Iraq or be independent or be a part of Barzani: Certain events caused this crisis for the States and the KRG. According to this, the military a federation or confederation, our priority will KRG. First, in 2014, without any previous F> contribution should be given directly to the KRG remain the delineation of our boarders. 53 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

O consultation, Baghdad cut our budget. other. In addition, the price of oil dropped consid­ through Baghdad. Unfortunately Kurdistan has no Second, the wa r with Daesh. We have a 1,100-km erably, increasing the seriousness of the crisis. priority in Baghdad. ♦ We have tried to stop this crisis. ... We have border with Daesh. Up to now, we have lost 1,500 VOA's Persian News Network contributed to this reduced our government expenses. However, we Peshmerga and more than 8,000 have been report. injured. Third, there is the arrival of 1.5 million need foreign assistance to ride out this crisis. We refugees and internally displaced persons from are discussing remedies with the World Bank, the Syria and inside Iraq. These followed one after the IMF and Baghdad. All these efforts must go

La ville d'Alep avant et après la guerre

Clémence M nillochon 1810712016 http://wivw.easyvoyage.com

R aconter les horreurs d'un conflit, l'isolement, la peur et l'exil est necessaire pour prendre conscience des enjeux de notre monde. Les mémoires des guerres modernes sont des éléments de notre histoire, de notre identité, et aujourd'hui notre regard doit se porter vers la Syrie. Grâce à un photographe syrien, Hannah Karim, découvrez le visage d'une ville dévastée par la guerre.

Plus de 60 civils ont été tués vendredi 8 juillet par des bombardements dans la ville d'Alep, dans le nord de la Syrie, et dans la province d'Idlib, dans le nord-ouest, a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Cette escalade des violences est intervenue quelques heures avant l'expiration à minuit locale, d'une trêve de 72 heures décrétée par le régime à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan. Les groupes dji- hadistes étaient exclus de cette mesure.

De par sa durée, déjà plus de cinq ans, comme par son intensité (au moins 300 000 morts et plus de 7 millions de réfugiés et de déplacés), le conflit syrien pose ainsi un défi sans précédent. Des zones entières, sous con­ trôle de l'organisation Etat islamique, sont aussi inaccessibles et empêchent les chercheurs de venir étudier le conflit. En août 2013, des chercheurs du CNRS ont été les derniers à se rendre à Alep, la capitale de la rébellion, dans le nord du pays, mais ils ont dû quitter la ville en catastrophe. des Mamelouks et des Ottomans qui ont lais­ Alep, qu'il a quitté en mai pour se rendre au sé leur empreinte sur la ville : la Citadelle, la festival de Cannes. Il a depuis choisi de Alep est l'une des plus vieilles villes du Grande Mosquée du Xlle siècle et plusieurs reprendre ses études en France. Depuis 4 ans monde à avoir été constamment habitée madrasas, palais, khans et bains publics des les bombardements ne cessent d'augmenter, depuis le Vie millénaire av. J.-C. Le centre de XVIe et XVIIe siècles. dans le chaos de la guerre et la frénésie du la ville a été classé au patrimoine mondial de terrorisme, la paix n'est plus qu'un vague l'humanité par l'Unesco en 1986. Alep a suc­ Une grande partie de la ville est contrôlée par souvenir à Alep. ♦ cessivement subi la domination des Hittites, des rebelles islamistes, Alep est désertée et des Assyriens, des Akkadiens, des Grecs, des gravement endommagée. Hannah Karim, Romains, des Omeyyades, des Ayyoubides, cinéaste et photographe amateur, a grandi à 54 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

XfcîllOTldt MARDI 26 JUILLET 2016 LA REPRISE EN MAIN DU PRESIDENT ERDOGAN Autopsie d’un coup d’Etat avorté en Turquie

ANKARA, ISTANBUL - envoyés spéciaux

M ené par un petit groupe de militaires, le récent coup d’Etat en Turquie a échoué rapidement, avec un lourd bilan de 290 morts. Ces quel­ ques heures, entre la soirée du vendredi 15 juillet et l’aube du lendemain, n’en repré­ sentent pas moins un tournant pour le pays. Le président, Recep Tayyip Erdogan, qui conti­ nue à mobiliser ses partisans dans les rues parce que, selon lui, « le danger n’est pas fini », en sort renforcé. Mais les institutions dü pays sont ébranlées, à commencer par l’armée. Un tiers des 358 généraux turcs ont été ar­ rêtés ou font l’objet d’une enquête. Les forces engagées dans le putsch étaient pourtant très limitées. «En tout et pour tout une demi- douzaine de F-16, une dizaine d’hélicoptères, une quarantaine de blindés et moins de cinq cents hommes», souligne un expert m i­ litaire occidental installé à Ankara. Comme nombre de ses pairs, il est stupéfait de l’« amateurisme » des putschistes. Retour sur les mbments-clés de ce coup d’Etat et sur ses nombreuses zones d’ombre. Et notamment sur le rôle des « gülenistes », les membres de la confrérie de Fethullah gülénistes. Les photos montrent qu’il a été Stambouliotes soht dans la rue. Les terras­ Gülen. Ce dernier, réfugié aux Etats-Unis de­ sérieusement tabassé avant ses «aveux». ses des cafés et des restaurants sont bon­ puis 1999, longtemps un allié d’Erdogan, est «La pénétration des gülénistes au sein de dées. Au Club maritime de Moda, un quar­ devenu l’un de ses plus farouches adversai­ l’institution militaire avait commencé depuis tier branché de la rive asiatique, le général res. Ankara l’accuse d’avoir ourdi le putsch. longtemps, mais elle s’est amplifiée avec l’arri­ de l’aviation Mehmet Sanver marie sa fille. vée au pouvoir d’Erdogan, qui les a utilisés Tout le gratin des forces aériennes a été con­ pour reprendre en main l’armée», explique le vié. Pas moins de huit généraux sont pré­ Un coup d'Etat sans troupes général retraité Ahmet Yavuz. sents, dont Abidin Unal, le commandant en Il est 16 heures, le 15 juillet, quand Hakan Lèvent Turkkan a convoqué le patron de chef de l’arm ée de l’air. Au beau m ilieu de la Fidan, le directeur du MIT, les services se­ l’armée de terre, Salih Zeki Colak, et son ad­ fête, des hélicoptères atterrissent dans le crets turcs, avertit le chef d’état-major, le gé­ joint pour une réunion dans le bureau du gé­ jardin du Club maritime. Des commandos néral Hulusi Akar, «du risque imminent d’un néral Akar. Il est 21 heures. Un groupe d’hom ­ armés font irruption au milieu des convi­ coup d’Etat».Il y avait eu quelques alertes ces mes des forces spéciales avec à sa tête un des ves et s’emparent des généraux, lesquels derniers mois, mais cette fois cela semble sé­ comploteurs, le général Mehmet Disli, fait ir­ sont conduits jusqu'aux hélicoptères. Le rieux. Etrangement, pourtant, cet homme ruption dans la pièce, demandant aux trois général Unal est emmené sur la base d’Akin- lige de Recep Tayyip Erdogan n’aurait pas ap­ généraux de rejoindre le mouvement. Le chef cilar. C’est de là que partiront les F-16 en­ pelé le président... pour ne pas le déranger d’état-major refuse, ainsi que le chef de l’ar­ voyés par les conjurés bombarder le Parle­ pendant ses vacances. Ni le premier minis­ mée de terre, dont l’appui serait crucial, càr ment, les abords du palais présidentiel, le « C’est mon beau-frère qui tre, Binali Yildirim, elle représente 65 % des effectifs. Menacés, quartier général du MIT. m’a donné la nouvelle, vers 20 heures, et je frappés, ils sont emmenés à la base aérienne A 22 heures, les Stambouliotes assistent, in­ n’arrivais pas à y croire », a raconté plus tard dAkincilar, le quartier général des putschis­ terloqués, au déploiement de plusieurs véhi­ le président, qui refuse de demander la dé­ tes en lointaine périphérie d’Ankara. Ces der­ cules militaires, dont des chars, sur les deux m ission de son maître espion. niers n’ont donc pas réussi à faire basculer la ponts qui enjambent le Bosphore. Armes Le chef d’état-m ajor et les responsables des direction de l’armée. Nombre de soutiens automatiques en main, de jeunes appelés différentes armes interdisent les vols mili­ leur ont fait faux bond même s’ils ont encore empêchent la circulation. Ils expliqueront taires comme tout mouvement de blindés. des appuis dans la gendarmerie et les forces plus tard avoir cru participer à une opération Mais les ordres ne sont pas partout respec­ spéciales engagées contre les rebelles kurdes antiterroriste. La rumeur commence à cou­ tés. Bien des officiers supérieurs, y compris dans le Sud-Est. Les mutins n’en persistent rir qu’un putsch est en cours. Pour ceux qui son propre aide de camp, Lèvent Turkkan, pas moins dans « une opération qui ressemble ne sont ni sur les ponts ni à l’aéroport, où des sont en effet impliqués dahs le complot et à un attentat-suicide», selon l’expression du véhicules militaires ont aussi été déployés, la décident de précipiter les choses. journaliste Ahmet Sik, auteur de plusieurs nouvelle a l’air d’une mauvaise blague. «je suis le fils d’un pauvre fermier et, comme enquêtes sur les réseaux gülénistes. j’étais un bon élève à l’école, la confrérie m’a poussé dans les études jusqu’à l'académie mi­ Les ponts d’Istanbul EchecàMarmaris litaire», a reconnu après son arrestation Le premier objectif des putschistes aurait Lèvent Turkkan, adm ettant ses liens avec les En ce vendredi spir estival, la plupart des dû être de s’emparer de Recep Tayyip Erdo- 55 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti

gan en vacances à Marmaris, dans le sud- ouest du pays. «Dans les coups d’Etat précé­ dents, en i960, en 1971 et en 1980, l'armée en­ trait en opération à 3 heures du matin, arrêtait en pyjama le premier ministre comme les prin­ cipaux responsables des partis et, quand le pays se réveillait, la loi martiale avait été pro­ clamée, interdisant de sortir dans les mes », ra­ conte Mehmet Dulger, ancien conseiller de Suleyman Demirel, premier ministre conser­ vateur déposé en 1980, puis de M. Erdogan. Dès que se précisent les informations sur le « coup », le président fait évacuer sa famille et se prépare à résister. «Il m'a dit de s'organi­ ser pour que le peuple soit dans la me», a ex­ pliqué Nihat Ozturk, le maire du district, un m em bre du Parti de la justice et du dévelop­ pem ent (AKP), la form ation politique du pré­ sident. Les militants affluent, entourant l’hô­ tel. Des proches suggèrent à Erdogan de se réfugier à Rhodes, une île grecque à un quart d’heure d’hélicoptère. Il s’y refuse, même si la situation semble de plus en plus grave. Un appel du général Umit Dundar, com­ Recep Tayyip Erdogan (à droite) et son prédécesseur, Abdullah Gül, portent, le 17 juillet, mandant de la Ve armée, celle d’Istanbul, le cercueil d’une victime de la tentative de coup d’Etat, bulent kilic/afp change la donne. « Vous êtes le président légi­ time et je vous suis loyal », affirme-t-il, lui de­ dents, c’était une brochette de généraux qui tendu, vers 22 heures, les F-16 voler en rase- mandant de le rejoindre à Istanbul, où il est se présentait sur les ondes de la télévision mottes au-dessus de la ville, il n’y croyait en m esure «d’assurer sa sécurité». Un héli­ publique. Les putschistes n’ont rien compris pas. Comme bon nombre d’Ankariotes, y coptère emmène aussitôt M. Erdogan et sa aux changements du pays en se contentant compris les diplomates. «J’ai pensé que garde rapprochée vers l’aéroport de Dala- d’occuper TRT sans vouloir ni pouvoir blo­ c’était un exercice pour la parade du 30 août man tout proche, où attend l’avion présiden­ quer les chaînes satellitaires et imposer le [Fête de la victoire]», raconte l’un d’eux. tiel. «C’était à un quart d’heure près», a ra- black-out aux réseaux sociaux. Le coup Puis il a fallu se rendre,à l’évidence. « J’ai en­ ' conté le chef de l’Etat. Trois hélicoptères par­ d’Etat a été suivi et commenté en direct. C’est levé mon survêtement et mis de bons habits tis de la base de Cigli, près d’Izmir, avec des aussi, voire d’abord, pour cela qu’ila échoué. au cas où je serais arrêtée, comme me militaires putschistes, arrivaient sur zone. Nul ne sait où est Erdogan. Des Tweet assu­ l’avaient conseillé mes parents qui l’avaient «Le commandant nous a dit que l’on allait rent qu’il aurait demandé l’asile à l’Allema­ été en septembre 1980», raconte une jeune arrêter un chef terroriste et il nous a demandé gne. « l’essayais sans succès tous les numéros universitaire de gauche, kurde et alévi (secte de nous préparer s’il le fallait à mourir en de ses proches, raconte Hande Firat, une des progressiste issue du chiisme). martyr», a expliqué Serkan Elçi, un jeune sol­ journalistes vedettes de CNN Turk, la grande Des combats éclatent autour de la direc­ dat, mutin à son insu. Une fois qu’il est arrivé chaîne d’information en continu du groupe tion générale de la sécurité et du centre d’en­ sur place, ses supérieurs lui annoncent: Dogan, plusieurs fois ciblée par le pouvoir. traînement des forces spéciales de la police. «C’est un coup d’Etat pour la patrie.» Mais Finalement l’un d’eux répond: ils sontàDala- Le premier ministre, Binai Yildirim, lance un l’avion présidentiel a déjà décollé. Resté à man, à l’aéroport, et nous décidons de faire premier message sur la chaîne NTV, dénon­ Istanbul, Ali Yazici, l’aide de camp du prési­ l'interview aussitôt via Facetime. » çant «l’action d'un petit groupe de factieux». dent, accusé de liens avec les putschistes, La camera montre sur l’écran du portable Il avait tenté de rejoindre la capitale depuis aurait essayé plusieurs fois d’obtenir le nu­ de la journaliste le visage décomposé du pré­ Istanbul mais son convoi, qui a pris une méro d’identification du vol, mais les hom­ sident, encore sous le choc. Mais son verbe route détournée, aurait été pris sous le feu, à mes de la sécurité présidentielle se sont mé­ est toujours aussi enflammé pour dénoncer une centaine de kilom ètres au nord. fiés. Escorté par deux F-16 loyalistes, l’avion «la tentative d’un groupe minoritaire de l’ar­ Les putschistes sont dans une situation est un moment approché par un F-16 des mée qui paiera un lourd prix pour avoir utilisé toujours plus difficile et ils décident de putschistes qui s’éloigne. contre le peuple les chars et les armes du peu­ jouer le tout pour le tout. Première bombe ple». Il appelle les Turcs à descendre dans la dans le jardin du Parlement. Les députés rue face aux militaires. Il est oh20. C’est le cherchent l’abri mais il n’a jamais servi, La bataille des télévisions moment où tout bascule. Deux heures plus même lors des coups d’Etat précédents. Nul «Les forces armées ont pris le pouvoir pour tard, pour se venger, un petit groupe de m u­ ne sait où est la clé. On la trouve finalement, faire face aux menaces pesant sur la Républi­ tins attaque le bâtiment de CNN Turk. m ais il n’y a pas d'électricité. q u e» : il est 23 heures, la présentatrice ve­ Vers 3 heures, les F-16 - arrivés de Diyarbakir dette de TRT, la télévision publique, Tijen (Sud-Est) - , engagés contre la guérilla kurde et Karas, lit la proclamation du fantomatique Bombardements à Ankara équipés pour les bombardements nocturnes, «Conseil pour la paix dans la nation». Une Ils sont une centaine de députés de tous les frappent à nouveau. Au moins sept bombes cinquantaine de putschistes se sçmt empa­ partis retranchés dans les bâtiments de la touchent le bâtiment. Un autre avion lance rés des studios à Istanbul. «Ils m'ont mena­ Grande Assemblée nationale, fermée pour le une roquette sur le palais présidentiel. Mais cée de leurs armes, je n’avais pas le choix », a-tj week-end. Ils sont arrivés par petits groupes, les jeux sont faits. Venus d’Eskisehir, des F-4 elle expliqué. Le texte reprend des extraits rasant les murs, alors que des combats spo­ bombardent la base d’Akincilar, le quartier gé­ des discours de Mustafa Kemal, le fondateur radiques continuent au quartier général des néral rebelle, et rendent la piste inutilisable. de la République, et les grands thèmes des forces armées tout proche. putschistes de i960. «C’est un simple vernis. «J'ai hésité un moment car je craignais que Ils n’avaient ni des objectifs clairs ni un pro­ tous les députés présents soient arrêtés mais A l’assaut des chars gramme, et pas de vrais leaders», ironise il fallait être là pour montrer que nous défen­ Après l’appel lancé par le chef de l’Etat, Haluk Ozdalga, dissident de l’AKP et ancien dions la démocratie avec nos corps », expli­ dans tout le pays, les imams se mettent à président de la commission Union euro- que Murat Emir, député d’Ankara du CHP psalmodier la salat, un chant funéraire qui péenne-Turquie au Parlement. (Parti républicain du peuple, gauche, la prin­ est aussi un appel à la mobilisation des Dans les coups d’Etat militaires précé­ cipale force de l’opposition). Quand il a en­ croyants. L’ordre émane de la Direction aux 56 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

affaires religieuses qui gère le réseau des imams, lesquels sont en Turquie des fonc­ tionnaires d’Etat. Répondant à l’appel lancé du haut des mi­ narets, les partisans du président prennent la rue. Deux heures après l’intervention de M. Erdogan, une foule tente de franchir à pied lé pont Fatih-Sultan-Mehmet, bravant l’interdiction des militaires. Les appelés ti­ rent et dix-huit personnes sont blessées. Un homme et son fils de i6ans sont tués. Il s’agit du publicitaire Erol Olçak, un ami de longue date du président Erdogan, connu pour avoir mené la plupart dès campagnes électorales de l’AKP. Aux premières lueurs de l’aube, le coup d’Etat a échoué. Les jeunes appelés, mains en l’air, se rendent à la police. Sur le pont Fatih-Sultan-Mehmet, la foule réclame ven­ geance. Les militaires sont frappés à coups de pied, de ceinture, de couteau, sous les yeux des policiers impuissants. Plusieurs qu'ils allaient me tuer. » soldats - on parle de cinq - sont lynchés. éléments factieux. » Le cejrveau de la cons­ Sur la place Taksim, dans la partie euro­ Bulent Kilic, le photographe de 1AFP, présent piration est alors désigné) il s’agit du prédi­ péenne de la ville, où des soldats et des sur le pont à ce moment-là, témoigne : «J’ai cateur Fethullah Gülen ef des membres de vu un simple soldat être attaqué à coups de chars ont aussi été déployés, des centaines sa confrérie. pied et de couteau. Il était déjà mort. Autour de personnes tentent de résister. C’est en ce La population est félicitée pour être «des­ de lui, des gens criaient: “Jetez-le par-dessus lieu, hautement symbolique, que s’étaient cendue par millions » dans la rue. Une consi­ le pont." Alors un type m’a arraché mon cas­ rassemblés les opposants à Recep Tayyip gne: « Rester maître des rues», car «un nou­ que et m ’a frappé avec. D'autres ont com­ Erdogan (alors premier ministre) au prin­ vel accès de fièvre est toujours possible», mencé à me frapper aussi. “Jetez-le par-des­ temps 2013 pour dénoncer un projet immo­ écrit le numéro un turc sur son compte bilier voulu par la municipalité. sus le pont" ai-je entendu dire. J’ai pensé Twitter un peu plus tard. Le hashtag « Nous Sur Taksim, la foule, en rage, vitupère sommes les,vigies» (#nôbetteyiz) est un contre les soldats: «Regagnez vos bases! succès sur Twitter. Ironiquement, il a été Nous ne voulons pas de vous ici!» «DANS LES Paniqués, emprunté à l’opposition. Au printemps les appelés tirent en l’air puis dans le tas. Les 2013, il avait servi de cri de ralliement aux PRÉCÉDENTS manifestants se mettent à courir. De violents opposants de M. Erdogan, rassemblés COUPS D’ÉTAT, accrochages entre loyalistes et putschistes autour du parc Gezi, sur la place Taksim. ont lieu un peu plus loin, à Harbiye, autour Depuis la nuit tragique, les appels des L’ARMÉE AGISSAIT de l’immeuble de la radio, il y a trois morts. imams n’ont jamais cessé. Chaque soir, la Des chasseurs survolent les immeubles au salat retentit du haut des minarets, tandis LA NUIT ET, plus près, dans un bruit assourdissant. que les militants de l’AKP occupent durable­ ment les places des grandes villes. «Cette QUAND LE PAYS SE Le triomphe d'Erdogan marche doit continuer, avec la bénédiction de RÉVEILLAIT, LA LOI Samedi, des centaines de soldats se Dieu, jusqu’à la dernière annonce que je vous rendent aux forces de sécurité. L’acte final ferai », a dit M. Erdogan, le 22 juillet, en sor­ MARTIALE ÉTAIT s’est joué sur les coups de 4 heures du matin tant dfe la mosquée de son gigantesque pa­ à l’aéroport Atatürk d’Istanbul, où l’avion lais présidentiel, à Ankara. Le triomphe du PROCLAMÉE» du président Erdogan a atterri. A ses parti­ chef de l’Etat n’a pas de limites. Pour la pre­ MEHMETDULGER sans, nombreux à être venus l'accueillir, il mière fois, l’opposition kémaliste du CHP, les ancien conseiller de déclare: «Ce soulèvement est un don de ultranationalistes du MHP, le parti prokurde Recep Tayyip Erdogan Dieu. Il nous aidera à nettoyer l’armée de ses HDP se sont ralliés à sa cause. Uné vague de purges sans précédent est déclenchée, avec arrestations, tabassages, dénonciations, confessions. Ce sont Erdogan « prête » la place Taksim à la gauche 10 000 militaires, membres des services, ma­ gistrats qui sont ainsi arrêtés ; par ailleurs, AGITANT ELLE AUSSI LES COULEURS NATIONALES au des putschistes. Mais le président, Recep Tayyip Erdo­ milieu de l’immense foule hérissée de drapeaux m as­ gan, se pose désormais en rassembleur de la nation et 58 000 fonctionnaires sont mis à pied, les sée sur la place Taksim, au cœur d’Istanbul, la jeune a accepté de la rendre pour un soir au CHP, héritier universitaires ont interdiction de quitter le femme ne cache pas son émotion. «C’est la première proclamé de M ustapha Kemal, le fondateur de la Ré­ territoire, plus de 10000 passeports de ser­ fois depuis Gezi que nous pouvons à nouveau manifes­ p u b liq u e . vice sont annulés. Les arrestations se font ter ici», explique Melis, jeune informaticienne. Elle « Ce jour est un jour d'unité, un jour où nous nous le­ d’après des listes préétablies. Des mandats est là, comme les quelque 10 0 0 0 0 personnes réu­ vons contre les coups d’Etat et les régimes dictato­ d’arrêt ont été délivrés contre 42 journalistes. nies, à l’appel du CHP (Parti républicain du peuple, so­ riaux», m a rtè le K em al K ilicdaroglu, le d irig e a n t d e ce Samedi, le premier décret de l’état d’ur­ cial-démocrate et principale force d’opposition) pour parti. Les chaînes progouvernementales ont même gence a été publié au Journal officiel II pro­ dénoncer les militaires putschistes. «Ni diktat, ni dic­ diffusé en direct son discours. Il a publié une «décla­ longe le délai de garde à vue à trente jours (au tature : la démocratie. » ration de Taksim » condamnant la tentative de coup Mais cette place est un symbole. Depuis l’écrase­ d ’E tat e t a p p e la n t à la ré c o n c ilia tio n n a tio n a le . lieu de quarante-huit heures), ordonne la ment du grand mouvement de protestation du prin­ La m ain tendue vers l’AKP (Parti de la justice et du ferm eture de 1125 associations, de 35 hôpi­ te m p s 2013 lancé pour la protection du parc Gezi, Tak­ développement, islamo-conservateur) inquiète les taux, de 15 universités, de 19 syndicats, de sim, qui en avait été le cœur, est interdite aux m ani­ m ilita n ts . H elin, je u n e u n iv e rsita ire , s o u p ire : «Eux et 934 écoles dont les biens sont confisqués. festations, alors mêm e que depuis des décennies elle nous sommes contre les militaires putschistes. Mais Sorti de l’épreuve en héros, le président turc est le lieu des grands cortèges de la gauche. Depuis nous et les islamistes avons des rêves diamétralement se fait désormais appeler «généralissime». ■ une semaine, elle avait été occupée par les partisans opposés pour l'avenir de ce pays. » a MARIE JÉGO ET MARC SEMO du pouvoir islamo-conservateur y célébrant l’échec M . SE. 57 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

Leaders The Economist July 23rd 2016 Erdogan’s revenge Turkey’s president is destroying the dem ocracy that Türks risked their lives to defend

M UCH is unknown about tarianism and th en against the ch aos o f the M iddle East. In the the attempted military early years of government under Mr Erdogan’s Justice and De­ coup in Turkey on the night of velop m en t (a k ) party, the country became the model of a Ju ly 15th. W h y w as it b o tch ed so prospering, stable Muslim democracy. It sought peace with the badly? How far up the ranks did Kurdish minority, and the economy grew healthily thanks to the conspiracy reach? Were the sensible reforms. The e u opened membership negotiations putschists old-style secularists, with Turkey in 2005. as their initial communiqué sug­ But since m ajor protests in 2013 against plans to build over gested; or were they followers of an exiled Islamist cleric, Feth- Gezi Park in Istanbul, and then a corruption scandal, Mr Erdo­ u llah G ulen, as the governm ent claim s? gan has become ever more autocratic. His regime has jailed But two things are clear. First, the people of Turkey showed journalists, eviscerated the army and cowed the judiciary, all great bravery in coming out onto the streets to confront the sol­ in the name of rooting out the “parallel state” Mr Erdogan diers; hu ndreds died (see pages 14-15). O pp osition parties, no claims the Gulenists have built. As a cheerleader for the over­ matter how much they may despise President Recep Tayyip Er- throw of Syria’s president, Bashar al-Assad, he turned a blind dogan, united to denounce the assault on democracy. Better eye to the passage of jihadists through Turkey. Mr Erdogan the flawed, Islamist-tinged strongman than the.return of the wants a new constitution to allow himself to become an exec­ generals for the fifth time since the 1960s. utive president, though he hardly lacks power. He has aban­ The second, more alarming conclusion is that Mr Erdogan is doned all caution to achieve it, not least by letting peace talks fast destroying the very democracy that the people defended with the Kurds break down. Turkey now faces a double insur­ with their lives. He has declared a state of emergency that will gency: by the Kurds and the jihadists. last at least three months. About 6,000 soldiers have been ar­ rested; thousands more policemen, prosecutors and judges Autocrats R Us have been sacked or suspended. So have academics, teachers Handled more wisely, the failure of the coup might have been and civil servants, though there is little sign they had anything the dying kick of Turkey’s militarists. Mr Erdogan could have to do with the coup. Secularists, Kurds and other minorities become the magnanimous unifier of a divided nation, unmuz­ feel intimidated by Mr Erdogan’s loyalists on the streets. zling the press, restarting peace talks with Kurds and building The purge is so deep and so wide-affecting at least 60,000 lasting, independent institutions. Instead he is falling into people-that some compare it to America’s disastrous de- paranoid intolerance: more like the Arab despots he claims to Baathification of Iraq. It goes far beyond the need to preserve despise than the democratic statesman he might have become. the security of the state. Mr Erdogan conflates dissent with Granted, the a k party has won every election since 2002. treachery; he is staging his own coup against Turkish plural­ But Mr Erdogan’s view of democracy is distinctly m aj oritarian: ism. Unrestrained, he will lead his country to more conflict though only about half of Turks vote for him, he thinks he can and chaos. And that, in turn, poses a serious danger to Turkey’s do what he wants. It w ill be principally for Turks themselves to neigh bou rs, to Europe and to th e W est. check their president, by peacefully resisting his power grabs and backing his opponents at the ballot box. One more earthquake Turkey’s Western friends must urge Mr Erdogan to exercise The failed putsch may well become the third shockto Europe’s restraint and respect the law. But w hat if he will not listen? Tur­ post-1989 order. Russia’s annexation of Crimea and invasion of key is a vital ally in the war against is. It controls the south-east­ eastern Ukraine in 2014 destroyed the idea that Europe’s bor­ ern approaches to Europe, and therefore the flow of every­ ders were fixed and that the cold war was over. The Brexit refer­ thing from natural gas to Syrian refugees. Europe cannot endum last month shattered the notion of ineluctable integra­ change geography, but it can make itself less vulnerable, start­ tion in th e European U nion. N ow th e coup attem pt in TUrkey, ing w ith a p roper system to control th e e u ’s extern al frontiers and the reaction to it, raise troubling questions about the re­ and handle asylum-seekers. And although Mr Erdogan holds versibility of democracy within the Western world—which many cards, he is not immune from pressure. Just before the Turkey, though on its fringe, once seemed destined to join. coup he patched up relations with Israel and Russia. The turmoil is unsettling n a t o , the military alliance that Mr Erdogan’s greatest success—the economy—has become underpins Europe’s democracies. Without evidence, Mr Erdo­ his weak point. Many tourists are now too frightened to visit, gan’s ministers blame America for the coup; they have de­ so the current-account deficit will only gape wider. To stay manded that it extradite Mr Gulen, who lives in Pennsylvania, afloat the country needs foreign investment and loans, so it or risk TUrkey turning its back on the West. Electricity to the must reassure foreigners that it is stable. With Mr Erdogan act­ military base at Incirlik, a hub of American-led air operations ing like a vengefUl sultan, that w ill be hard. against Islamic State (is), was cut off for a time. Were Turkey an The repercussions o f the p u tsch w ill b e felt for a long tim e. applicant today, it would struggle to qualify for n a t o ; yet the The coup-makers killed many fellow Turks, discredited the alliance has no means to expel a mem ber that goes bad. army, weakened its ability to protect the frontier and fight ter­ With the second-largest armed forces in n a t o , TUrkey has rorists, rattled n a to and removed the restraints on an auto­ been the forward bastion of the West, first against Soviet totali­ cratic president. A terrible toll for a night of power-lust. ■

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After the coup, the counter-coup

ANKARA, GAZIANTEP AND ISTANBUL The failed putsch w as the bloodiest Itirkey has seen; the backlash is as worrying

HE brutality of the soldiers’ power- yet: more than 230 people died, among ing a putsch. But when they started digging Tgrab still horrifies many Turks. Each them 145 civilians who had taken to the into corruption in Mr Erdogan’s entourage, day brings fresh footage and stories of streets to confront the rebellious soldiers. the Gulenists were treated as a “parallel what took place during the long, bloody The government’s backlash has been state” to be extirpated. The defeat of the lat­ night betw een July 15th and 16th: one m o­ harsh, too. “This uprising is a gift from God est coup seems to have opened the way for bile-phone video shows a group of by­ to us because this will be a reason to Mr Erdogan’s counter-coup. standers near the presidential palace in cleanse our army,” declared Recep Tayyip Mehmet Simsek, the deputy prime Ankara overwhelmed by the blast of an air Erdogan, Turkey’s Islamist-tinted presi­ minister, declares reassuringly: “Some of strike; another captures a man diving to dent, a few hours after he triumphantly re­ these measures might seem like a whole­ the ground between the tracks of a tank to turned to Istanbul to reclaim the country. sale purge, but they are aimed at minimis­ avoid being crushed, rising to his feet, then He proved as good as his word. On July ing the aftershocks after the earthquake.” falling again to save himself from another 20th the government declared a state of Thrkey’s Western allies are pleading for re­ one; a third records soldiers shooting emergency for at least three months. straint (see next story). down unarmed protesters. Roughly 6,000 servicemen have been ar­ The identity of the plotters, and their Stories are told of how the rebels kid­ rested, among them about 100 generals motives, remain murky. They had impres­ napped their commanders. The chief of and admirals. Nearly 8,000 policemen sive resources at their disposal: F-16 fighter- general staff, General Hulusi Akar, was told have been sacked; almost 3,000 judges jets, aerial refuelling tankers, helicopter by his aides to sign a declaration of martial and prosecutors have been suspended or gunships and transporters, and tanks. law. W hen he refused, they tightened a belt detained. University academics, teachers Units took over parts of Istanbul and Anka­ around his neck, but he would not yield. and civil servants-including some 250 ra, but commandos missed capturing Mr He survived the ordeal. from the prime minister’s office-have Erdogan at an Aegean resort by less than an This was hardly the first time that Turk­ been pushed out. hour. The rebels bombed the police and in­ ish soldiers had tried to seize power. Altogether more than 60,000 people telligence-service headquarters in Ankara, Forged in military revolt, modern Turkey have been purged for suspected links to but did not knock them out. has seen the generals topple four govern­ Fethullah Gulen, a Muslim cleric exiled in ments since the 1960s, sometimes ruling di­ America. His movement emphasises edu­ Face time with Erdogan rectly, sometimes indirectly (see chart on cation; but his devotees are accused of in­ Crucially, an air strike on the TUrksat satel­ next page). Even w hen civilians have been filtrating the government and fomenting lite broadcast station in Ankara failed to in charge, the army has lurked in the back­ the coup. Mr Gulen was for years an ally of put it out of service. This meant that, even ground as the self-appointed guardian of M r Erdogan, never more so than w hen Gu- though the coup-makers took over the secularism against Islamists and other rad­ lenist prosecutors were busy purging the state broadcaster, private television net­ icals. The latest putsch was the bloodiest military “deep state” on charges of foment­ works continued to operate freely. The ►►

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The Economist July 23rd 2016 Briefing Turmoil in Turkey

► turning-point came when Mr Erdogan, hitherto a critic of internet activism, called Turkey's tumult Erdogan elected president * a television station with his phone’s video GDP per person app to urge followers to take to the streets. % change on previous year Recep Tayyip Erdogan becomes prime minister • □ MILITARY RULE C 3 CIVILIAN GOV'T As crowds surrounded pockets of rebel Turkey denies use of territory for US invasion of Iraq t| soldiers, the coup began to collapse. One US-led coalition against Iraq launches air strikes from Turkish bases Türkish ex-officer said it was madness to stage a coup at ten in the evening when the streets were still crowded. “Coups have to be carried out w hen everyone is asleep, so they wake up and it’s all over.” So badly was the coup botched, and so well has it played into Mr Erdogan’s hands, that many of his opponents now think it was choreographed by the governm ent all along. A more likely explanation is that it was a desperate, almost suicidal attempt to preclude an expected wave of arrests and •C o u p Turkey applies for full membership of the EEC * | EU membership demotions in the army this summer. Offi­ • "S o ft" coup Turkey enters EU customs union * negotiations launched cials in Ankara acknowledge they had a list • Failed coup EU agrees on a deal with Turkey to restrict flow of refugees into Europe * Sources: The Conference Board; United Nations; press reports; The Economist of officers suspected of plotting the coup but failed to nip it in the bud. “The network had been mapped as part of an investiga­ ests, violently suppressed, in 2013. As w ith previous challenges to his rule, tion that, to be frank, did not consider an The longer Mr Erdogan whips up his al­ the coup attempt has left Mr Erdogan stron­ actual coup very likely,” says one. liance of Islamists and nationalists the ger, or at least more autocratic. For years, he TUrks’ sacrifice in defence o f their insti- greater the danger of ethnic and sectarian suspected an unholy alliance of foreign tutions-not just supporters of the ruling violence-including against secularists, lib­ and domestic foes of conspiring to topple Justice and Development (a k ) party but erals, Alevis and Kurds. In the south-east­ him. Now that he has survived a real coup, also of the opposition-offered Mr Erdogan ern city of Diyarbakir, a Kurdish strong­ Mr Erdogan may give free rein to his au­ a perfect opportunity to heal a country b e­ hold, activists are bracing for a round-up. thoritarian instincts and seek new execu­ set by growing terrorist violence and politi­ “I’m waiting for the knock on the door,” tive powers. cal divisions over his autocratic manner. says one Kurdish journalist after a k activ­ How far w ill he go? Som e are not stick­ The entire parliamentary opposition and ists blacklisted her on social media. ing around to find out. The day after the what was left of the free media, which Mr Another concern is that Turkey’s securi­ coup attempt, a newly wed couple swept Erdogan despises, denounced the plotters. ty forces are being dangerously hollowed incongruously into a restaurant near Tak­ “There was some level of dialogue, a level out by the purges at a time when they are sim Square, alarmed and elated in equal of solidarity we have not seen in years, confronted by the twin menaces of Kurd­ measure. They had decided to go ahead something that could have been built on,” ish and jihadist attacks. “We would not with their wedding despite the previous says Nigar Goksel of the International Cri­ have such losses to the officer corps if we night’s gunfire, explosions and roar of sis Group, a think-tank. Instead Mr Erdogan had fought a conventional war for eight fighter jets. But they were fed up: in a few has squandered the opportunity, prefer­ years,” says Haldun Solmazturk, a former days they would be leaving for Germany. ring to expunge his enemies, real or imag­ brigadier-general. They were not expecting to come back. ■ ined, and extend his power. Every night, crowds of distinctly Islam­ ic flavour gather in town squares to hold vigils and deter any other would-be Turkey and the world putschists. In the southern city of Gazian- tep, where during the coup the governor blockaded the local army base with lorries Running out of friends and other vehicles, loudspeakers broad­ cast music reflecting the lurches of Turkey’s modern history: the drumbeat of Otto- BRUSSELS, CAIRO AND ISTANBUL man-era Janissaries, the national anthem Recep Tayyip Erdogan drifts away from America, NATO and the EU of the ardently secular Kemalists and Is­ lamic mantras set to techno beats. “Yallah. VER the decades Turkey’s relations an m p from President Recep Tayyip Erdo­ Bismillah. Allahu akbar,” intones the Owith America, its principal military gan’s Justice and Development (a k ) party, crowd. Many give the four-finger salute ally, have w ithstood coups, skirmishes even suggested that American army offi­ first used by Islamists in Egypt after the with Greece (a fellow n a t o ally) and the cers disguised as Turkish ones had taken army overthrew their elected president. invasion of Cyprus in 1974. Of late, how­ part in the fighting. For a time the govern­ Crowds hold up effigies of Mr Gulen. ever, the friendship has grown testier, par­ ment cut off electricity to Incirlik air base, One banner in Taksim Square in Istanbul ticularly over the civil war in Syria and the from which America conducts air raids called him “Satan’s dog”, proclaiming: “We American-led campaign against Islamic against is. Some of the planes that took will hang you and your dogs with your State (is). With the failed coup, ties are part in the failed coup were said to have ow n leashes.” Mr Erdogan says he m ay in­ close to openly hostile. been stationed there; the Tlirkish com­ deed reinstate the death penalty. Hé has One Tlirkish minister, Suleyman Soylu, mander of the base was arrested. resurrected a project to build a mosque in claimed (with no evidence) that America A more contentious issue is the pres­ Istanbul’s Taksim Square and convert a was behind the putsch. Pro-government ence in America of Fethullah Gulen, the nearby park into a replica of an Ottoman media teemed with conspiracy theories. In head of an Islamist movement that was barracks-a plan that sparked mass prot­ Yeni Safak, a daily newspaper, Aydin Unal, once allied with Mr Erdogan but has be- ►►

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16 Briefing Turmoil in Turkey The Economist July 23rd 2016

► corne his nem esis. TUrkey w ants Mr Gulen ly go farther. extradited (he denies involvement in the Under the terms of the deal most arriv­ coup, and denounces it). If America insists als in Greece were supposed to be returned on evidence to satisfy its courts-beyond a to TUrkey to have their asylum claim s pro­ four-volume dossier provided by Turkey- cessed. But asylum adjudicators in Greece “even questioning our friendship may be often refuse to send migrants back. The un­ brought to the agenda here,” warned Binali folding chaos in Turkey presents them with Yildirim, the prime minister. a fresh argument not to deport anyone. The reaction from America has been The groaning camps on Greek islands hold just as blunt: it is Turkey that is endangering around 9,000 asylum-seekers, and are ties with America and the West. “Public in­ swelling daily. sinuations or claims about any role by the Moreover, Turkey may be less willing to United States in the failed coup attempt are accept returns if it does not win visa-free utterly false and harmful to our bilateral re­ access to the e u ’s Schengen passport-free lations,” said John Kerry, America’s secre­ zone. European officials had hoped for a tary of state. In other remarks, he warned breakthrough in the autumn, but Euro­ Mr Erdogan against using the coup as an ex­ pean governments (and the European Par­ cuse to clamp down on his opponents. A liament) that must sign off on the visa deal wide-ranging purge, he said, “would be a will be less minded to overlook Mr Erdo­ great challenge to his relationship to Eu­ gan’s excesses. rope, to n a t o and to all o f us.” The accession process, which has never Were Turkey applying for n a t o m em ­ been easy, is also on the rocks. At a summit bership today, it would have little chance Lost in interpretation this w eek e u foreign ministers declared of success. Under the terms of n a t o ’s firmly that Mr Erdogan’s threatened re- “membership action plan”, applicants are stalled accession bid, accelerate the aboli­ introduction of the death penalty would required “to have stable democratic sys­ tion of short-term visas for Turkish tourists kill Turkey’s candidacy. Germany, the most tems, pursue the peaceful settlement of and businessmen, and fund Turkish efforts important advocate of the migrant pact, territorial and ethnic disputes, have good to support refugees. The deal was heavily was particularly tough. A spokesman for relations with their neighbours, show criticised, in part because it relied on the Angela Merkel, the chancellor, condemned commitment to the rule of law and human e u designating Turkey a “safe country” for the “revolting scenes of caprice and re­ rights, establish democratic and civilian refugees. Now its first two elements, at venge” against Turkish soldiers; Mr Erdo­ control of their armed forces, and have a least, may be in jeopardy. gan’s subsequent purges of judges raised market economy.” As things stand, Turkey Mr Erdogan would be wise not to create “profound and w orrisom e questions”. only ticks the last box. The Washington more enemies than he already has. For this The challenge for Europe is to find a treaty, which established n a t o in 1949, al­ reason, some e u officials believe he will way to argue that Mr Erdogan remains a lows for a member to leave after giving 12 honour the migrant deal. Moreover, Mr Er­ credible partner in managing migration months’ notice, but there is no provision dogan no longer enjoys the leverage he did without tempering its criticism of his for expelling one. last autumn, when thousands of refugees growing authoritarianism. Some worry America’s defence secretary, Ash Car­ were crossing from Türkey to Greece every that the next wave of asylum-seekers to Eu­ ter, makes no secret of his distaste for Mr Er­ day. The western Balkan route that most rope will be Turkish citizens. dogan. He was infuriated by Turkey’s refus­ migrants followed on their way to Europe’s The upheaval in TUrkey m atters to the al to allow American aircraft to strike is heart is now closed, and word has spread Arab world, w here Mr Erdogan has played from Incirlik until this time last year. If the quickly. Even with the full co-operation of an influential role. Mainstream Syrian re­ base again becomes a bargaining chip, the Turkish gendarmerie and coastguard, bel groups, squeezed around Aleppo, fear calls from Congress to abandon it for an­ migrants would have little reason to try abandonment by TUrkey. Newspapers in other one elsewhere will grow louder. their luck in Greece, for they could not easi- Egypt-a country run by Abdel-Fattah al- In recent months tensions have run Sisi, a general w ho seized pow er in a coup high over America’s de facto alliance with and has been bitterly at odds with Mr Erdo­ the Syrian Kurdish militia known as the Big ally, big problem gan over his support for the M uslim Broth- People’s Protection Units (y p g ). It is regard­ Military personnel erhood-ran hopeful headlines announc­ ed by America as the most effective ground Selected NATO countries, 2015, m ing that the TUrkish president had been force against is in Syria; but it is seen by Tur­ 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 overthrown. With no hint of irony, they key as closely related, if not identical, to the now denounce his crackdown. Kurdistan Workers’ Party (p k k ), which has Can allies persuade Mr Erdogan to resumed its decades-long insurgency for change course? Intriguingly, just before the autonom y inside Turkey. coup attempt he acted to end two dip­ Several American pundits ask whether lomatic rows. In June he struck a deal with TUrkey is still a reliable ally. Among their Israel to normalise relations, which had reasons for doubting it are Mr Erdogan’s broken down in 2010 after Israeli forces disregard for democratic liberties, his self- killed nine TUrkish citizens trying to breach harm ing Syria policy and his penchant for a naval blockade of Gaza. Mr Erdogan also stirring up the a k party’s religious base apologised to Russia for shooting down a with crude anti-American rhetoric. Russian fighter jet in November when it Turkey’s relations with the e u , by far its briefly entered Turkish airspace (hence the largest trading partner, have been no less nervousness of Syrian rebels). But neither fraught. In March, in exchange for Turkish Israel nor Russia can substitute for Turkey’s efforts to reduce the flow of refugees and military ties with America, or its economic other migrants to Greece, the e u made sev­ ones with Europe. Whether Mr Erdogan re­ eral promises. It agreed to revive Turkey’s alises that is another matter. ■

61 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti Letters The Economist July 23rd 2016

issued or ratified, its constitu­ As such, Mr Barzani has tion. Therefore its draft consti­ remained president until the Politics in Kurdistan tution is not in force. The draft constitutional deadlock can be envisaged a presidential, resolved. Given that the Kur­ distan region is at war with Patriotic Union of Kurdistan, French-style system, under It is true that the president of Islamic State, providing the the Kurdistan region, Masoud which the position of presi­ which later formed a new boots on the ground for the Barzani, is in office beyond the party, Goran, demanded that dent would constitutionally be limited to two terms. coalition effort, it is the view of mandate originally agreed to the president should be di­ many if not most in Kurdistan by all parties, but this is pri­ rectly elected by the people, But in 2013, the very same faction that had previously that the president, as com­ marily because of a constitu­ which is what happened in mander-in-chief of the Pesh- tional disagreement (“Dream 2009. Mr Barzani received 70% demanded popular elections merga, is providing much on hold”, July 9th). Mr Barzani of the vote in a direct election. to elect the president came up needed stability. heads the Kurdistan Democrat­ Four years later, his mandate with a new demand: the presi­ ic Party and it wants popular was extended for another two dent should be elected by the parliament. Goran blocked the SAFEEN DIZAYEE elections to determine who years by a majority vote in Spokesperson of the Kurdistan should be president. Kurdistan’s parliament. ratification of the constitution and has prevented the draft, Regional Government There is some background Subsequently, political Erbil to this. In June 2005 Mr Barzani deadlock has developed, but previously the subject of an was elected president by the your readers were not told all-party agreement, from Kurdish parliament for the first why. The Kurdistan region had being sent to the public for time. A faction within the drafted and agreed on, but not ratification.

i a C r o i x 27juillet2016 Syrie: un attentat fait 44 morts et 170 blessés dans une attaque suicide anti-kurde

La Croix (avec AFP), le 27/07/2016 www.la-croix.com

n attentat, qui visait visiblement Uces positions kurdes, a causé la m o rt d e 44 personnes et en a blessé 170 m ercred i 27 juillet à Qamichli, selon un bilan de la télévision offi­ cielle syrienne. Confirmant les événe­ ments, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme avait auparavant fait état de 14 m o rts. « Le plus gros attentat jamais perpétré dans la ville »

Les images de la zone touchée révèlent un quarti­ er dévasté, une chaussée recouverte de débris et des immeubles gravement endommagés. Un cor­ respondant de l’AFP, citant une source des forces de sécurité kurdes (Assayech), fait état « du plus Des Syriens non loin du lien de l'attentat de Qamishli, le 27 juillet 2016. / DELIL gros attentat jamais perpétré dans la ville » de SOULEIMAN/AFP Qamichli. Les dégâts seraient très importants et il y aurait des corps ensevelis sous les décombres. kurdes à Qamichli », avant de revendiquer offi­ devenue l’un des camps de base des Kurdes, Cette même source a indiqué que l’attentat avait ciellement l’attentat. plusieurs organismes, comme celui chargé des été perpétré par un kamikaze qui s’était fait affaires de défense y ayant élu domicile. exploser à bord d’un gros camion, près d’un point DES HÔPITAUX DÉBORDÉS de contrôle proche de la « zone autonome » Des affrontements opposent dans cette région kurde et de son organisme chargé des questions Le bilan devrait continuer à s’alourdir dans les Kurdes et troupes de Daech, mais les forces gou­ de défense. Si les premières informations évo­ heures qui viennent. Les hôpitaux sont déjà vernementales syriennes y sont aussi présentes, quaient un double attentat, c’est parce que l’ex­ débordés par le grand nombre de victimes. Des rajoutant des difficultés pour les forces kurdes, plosion du camion aurait provoqué celle d’un appels aux dons de sang ont d’ailleurs été lancés pilonnées sur deux fronts. Par ailleurs, la Turquie réservoir de gaz, entraînant deux déflagrations par le gouverneur de la province concernée. bombarde également leurs positions. Cela n’em­ distinctes. pêche pas les Kurdes, en première ligne dans le Qamichli est située au nord-est de la Syrie. Sa combat contre Daech, d’avoir obtenu de L’agence de propagande Amaq, liée à Daech, a proximité avec la frontière turque en fait un probants succès face à l’organisation terroriste rapporté mercredi qu’un « kamikaze à bord d’un endroit clé du conflit syrien. Les Kurdes ont dans le nord et l’est du pays. Le groupe djihadiste camion piégé a pris pour cible les QG des (forces) établi dans la province de Hassaké environnante avait répliqué par plusieurs attentats-suicides. • une « administration autonome ». La ville est 62 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti

( Ctribunc Ju ly 27, 2016 Islamic State suicide attack in mostly Kurdish Syria town kills 44

In this photo released by the Syrian official news agency SANA, Syrians carry the body of a victim from a building damaged in twin bombings in the Kurdish town of Qamishli, Syria, on July 27, 2016. (Handout)

July 27, 2016 Associated Press and deeply divided capital. Government forces people running away from a mushroom of gray http://www.chicagotribune.com and allied troops haVE tightened the noose on smoke rising over the town and others running the main rebel enclave in the city of Aleppo, amid wrecked or burnt cars. Other footage sho­ suicide bomber riding an empty livestock urging fighters there to surrender. Humanitarian wed the damage reaching side streets. Residents Atruck laden with explosives blew himself groups have warned of a major catastrophe if were carrying bloodied bodies on stretchers up Wednesday in a crowded district in the pre­ the siege on the rebel-held parts of Aleppo away from the scene while some climbed over dominantly Kurdish town of Qamishli in nor­ continued. the rubble, clearly searching for survivors. thern Syria, causing massive destruction and Kurdish officials said the IS militants targe­ amishli resident Suleiman Youssef, a wri­ killing 44 people in a new attack claimed by the ted Qamishli in retaliation for the ongoing Qter, told The Associated Press by telephone Islamic State group. offensive they lead against Manbij, an IS stron­ tnat he heard the first explosion from a few Residents and activists describe a huge ghold east of Qamishli. miles away. He said the blasts leveled several explosion in the western district of the town The predominantly Kurdish Syria buildings to the ground and many people were Kurds call the capital of their self-declared Democratic Forces, backed by airstrikes and trapped under the rubble. autonomous enclave in northern Syria. training from the U.S.-led coalition, have been "Most of the buildings at the scene of the Hours after the early-morning explosion, the main force fighting IS on the ground in nor­ explosion have been heavily damaged because rescue workers continued to search for survi­ thern Syria. Kurdish forces have also been the of the strength of the blast," he said. vors under the rubble of buildings, some of most successful ground force in terms of reclai­ Initial media reports said the first explosion them totally leveled by the powerful blast. Most ming territory and towns from IS over the past was followed by an explosives-packed motor­ of the victims were civilians, who were linge­ two years. cycle a few minutes later in the same area. But ring in the district that also houses a station for In recent weeks, the Islamic State group has later reports and footage showed a massive the Kurdish security forces. It was not immedia­ come under increasing military pressure in Iraq flame erupting, apparently from a gas canister, tely clear if any Kurdish fighters were among and Syria, losing Fallujah in Iraq and Palmyra after the initial explosion. those killed. in Syria. Its fighters are currently being besie­ Husen, the media activist and photojourna­ "Terror is all I saw among the residents ged in Manbij. list, said fires erupted in some buildings and when I first arrived. I was shocked at the extent n retaliation, the militant group has claimed a overturned cars. She said the explosives-laden of destruction in the homes and shops," said Iseries of attacks it said were against members vehicle was believed to be an empty livestock Decile Husen, a 23-year old media activist who of the international coalition that have been truck that went off in the main street, named works with the Kurdish ANHA Hawar news fighting against it. The recent attacks in after the nearby town of Amuda. agency, who got to the scene shortly after the Germany and France were claimed by the The commander of the Kurdish security 9.30 a.m. explosion. group, which had urged its supporters around forces, Joan Ibrahim, vowed to avenge the "One home was reduced to rubble. Nothing the world to take the war outside of Iraq and "dirty" attack, which he said came in retaliation was left of it," she said. Syria. for the siege imposed by the SDF on Manbij. Qamishli, near the Turkish border, is mainly In a statement published by the IS-linked "We promise (our people) that we will take controlled by Kurds but Syrian government Aamaq news agency, the group said it carried revenge from Daesh and its allies for martyrs, forces are present and control the town's airport. out the attack in Qamishli, describing it as a and wounded and for Qamishli," Ibrahim said truck bombing that struck a complex of Kurdish The Kurds, Syria's largest ethnic minority, in a recorded video message posted on the secu­ offices. In a later statement, it said the suicide have carved out a semi-autonomous enclave in rity forces' Facebook Page, using the Arabic bombing was in retaliation for the U.S.-led airs­ Syria's north since the start of the civil war in acronym for IS. ■ trikes in Manbij, threatening the Kurds specifi­ 2011, where they run their own affairs. cally with more attacks. Separately, Syria's state news agency SANA reported a total blackout in nearby The extremist group has carried out several bombings in Kurdish areas in Syria in the past. Aleppo province, blaming rebel groups for hit­ ting the main power station in the provincial Syrian state TV broadcast footage showing

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liTinillk Samedi2 3 e t D im anche 2 4 Ju illet 2016 i R n B l m i

Meetings, rondes à moto... la ferveur des Des partisans du parti au supporteurs de l’AKP ne pouvoir, jeudi, faiblit pas et inquiète. sur le pont du Bosphore, p h o t o Par PETROS CÉLIAN MACE GIANNAKOURIS. AP Envoyé spécial à Istanbul pays syllabe par syllabe ont le pouvoir de met­ peuple d’Erdogan qui domine Taksim. Une ela fait une semaine que leur chef est tre la foule en transe. revanche sur les m anifestations de 2013 apparu, au milieu de la nuit, sur récran Entre 20 heures et 5 heures du matin, le peu­ contre son autoritarisme, qui se déroulaient Cd’un téléphone pour leur ordonner de ple de l’AKP règne sur la ville. Dans le quartier sur cette même place. sortir dans les mes. Immédiatement, les sup­ très conservateur de Fatih, des centaines de Toute la nuit, des jeunes à moto, à scooter ou porteurs de l’AKP, le parti islamo-conserva- manifestantes portent le tchador. Beaucoup sur des mobylettes de livraison effectuent des teur au pouvoir, se sont élancés. Par milliers, de religieux qui, depuis les mosquées, inci­ rondes dans la ville pour clamer leur victoire ils ont fait face aux soldats qui tentaient de tent les croyants à tenir les rues, sont aussi et leur amour d’Erdogan. Ivres d’un senti­ • renverser leur président. A leurs côtés, bar­ présents. La circulation est entièrement blo­ ment de puissance nouveau, ces bruyants rant la route aux chars, des citoyens turcs de quée. Des familles pique-niquent sur le bas- convois s’aventurent parfois dans des quar­ tous horizons politiques, révoltés par cette côté des routes, tandis que des jeunes survol- tiers d’opposition. Gazi, bastion de la gauche tentative de coup d’Etat. Mais alors que ces tés agitent frénétiquement un drapeau géant populaire peuplé de Kurdes et d’Alévis, en est derniers sont rentrés chez eux le lendemain en criant: «A llah b ism illa h , A lla h a k bar!» un. Ici, les petites mes n’ont pas de nom, mais de cette nuit sanglante, les partisans de Recep Le point d’orgue de la soirée est bien des numéros. Dimanche, «en viron Tayyip Erdogan, eux, reviennent chaque soir sûr l’apparition du Président sur 4 0 0 fa n a tiq u e s [supporteurs de sur les lieux du «crime contre la démocratie». l’écran géant, vers minuit Avec l’AKP, ndlr] sont entrés dans le A Istanbul, leur ferveur ne diminue pas. Au son allocution retransmise quartier, protégés parla po­ contraire, sciemment entretenue par l’AKP, en multiplexe dans toutes lice, soi-disant pour sécuri­ elle ne fait qu’augmenter. Chaque soir, les scè­ les villes du pays, Erdogan s e r G azi», témoigne Ha- nes de liesse sont les mêmes. En direction de galvanise ses troupes en run, 58 ans. « C e rta in s la mairie, du centre de police, des ponts de la état d’adoration. Le chef avaient des couteaux, ville ou de la place Taksim - des lieux où les de l’Etat sait qu’il est en d ’autres des pistolets, j ’ai putschistes ont été repoussés le 15 juillet -, train d’écrire le chapitre le vu les armes. Ils criaient des kilomètres de bouchons se forment. Les plus important de son pro­ “Nous allons couper la tête klaxons sonnent quasiment en continu, des pre mythe. Alimentant la lé­ desAlévis”. On aurait dit jeunes dansent sur le toit des camionnettes, gende, des speakers font des hommes de Daech.» les drapeaux sont omniprésents. Tous les l’éloge de la résistance démocra­ Harun et son fils sont sor­ transports publics sont gratuits, et des cars tique incarnée par le président élu, tis pour les chasser de la me. amènent les familles des quartiers éloignés. cet homme qui, «par la grâce de Dieu», est Au même moment, sa sœur Bedriyeaété tou­ Ces rassemblements, à l’origine spontanés, toujours debout pour les guider. chée à la cuisse par une balle, sur son perron. sont devenus des meetings de plus en plus or­ Dans Istiklal, la grande rue qui mène à la Depuis, les habitants de Gazi, en particulier ganisés. Désormais, chaque place dispose de place Taksim, le contraste est net entre la les jeunes, surveillent les entrées du quartier. son écran géant, de son éclairage, de sa sono, masse des manifestants de l’AKP et les pro­ «La tension est permanente. Depuis quelques de son animateur. Trois chansons y sont dif­ meneurs de ce riche quartier «européen» à la années, on nous fa it la vie dure, mais mainte­ fois commerçant, touristique et festif. Tous nant, on craint le pire, raconte Nesli, étu­ fusées en boucle: Olürüm Türkiyem («ma Turquie, je mourrai pour toi»), chère aux ul­ les soirs, les familles pauvres d’Istanbul, ban­ diante de 19 ans. Les heurts avec la police sont deau rouge ou vert sur le front, remontent fiè­ quotidiens, les blessés aussi.» A Gazi, Taksim tranationalistes; Ceddin deden, une marche rement l’avenue en chantant des slogans reli­ ou Fatih, chaque nuit depuis une semaine, les militaire ottomane; et D om bra, un air tradi­ tionnel d’Asie centrale remixé pour la campa­ gieux. Depuis que les bars et les clubs ont fractures du pays se réveillent. En excitant ses gne électorale d’Erdogan. Même entonnés rouvert, elles croisent des étudiants, des artis­ fidèles, Erdogan joue avec le feu : peu à peu, pour la dixième fois de la nuit, les tons graves tes et des créatures nocturnes qui appartien­ ses opposants sont en train de devenir ses en­ nent à un autre monde. Désormais, c’est le nemis. ♦ de D o m b ra scandant le nom du maître du

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X’e A llo u â t MERCREDI 27 JUILLET 2016 Erdogan tend la main à l'opposition et poursuit les purges Le président turc a reçu les chefs de deux partis qu’il essaie de convaincre d’adopter sa réforme constitutionnelle

ISTANBUL - correspondante «L’exclusion du e gouvernement turc invite HDP de la scène les trois partis d’opposition politique turque, représentés au Parlement à L «travailler à une nouvelle Consti­ surtout après la tution », a déclaré le premier mi­ tentative de coup nistre Binali Yildirim, lundi 25 juillet. Promettant, dans un d’Etat, est une premier temps, «un petit change­ réaction stupide» ment» constitutionnel, le pre­ mier ministre n’a donné aucun SELAHATTIN DEMIRTAS détail sur la nature de celui-ci. président du HDP (prokurde) Favorable à l’idée d’une nouvelle Constitution pour remplacer l’ac­ part, dimanche 24 juillet, au tuelle, issue du coup d’Etat mili­ grand rassemblement organisé taire de 1980, l’opposition en a place Taksim, à Istanbul, par le longtemps débattu avec lé Parti CHP et auquel des élus de l’AKP de la justice et du développement ont participé sans aller jusqu’à re­ (AKP, au pouvoir depuis 2002, ma­ prendre les slogans scandés par la joritaire au Parlement), sans ré­ foule sur la laïcité. Mais, au-delà sultat. Jusqu’ici, les kémalistes du de cette unité de façade, bien des Parti républicain du peuple (CHP, Turcs sont inquiets depuis l’ins­ social-démocrate, qui suivent tauration de l’état d’urgence, alors l’idéologie fondée par Mustafa que les purges se poursuivent à Kemal, dit Atatürk), les nationalis­ un rythme soutenu. tes du Parti d’action nationaliste (MHP) et les-députés prokurdes 13165 fonctionnaires arrêtés du Parti démocratique des peu­ L’union affichée place Taksim ples (HDP) s’opposaient au projet s’est poursuivie lundi par une de régime présidentiel fort voulu rencontre de M. Erdogan et de son Lors d’une manifestation de soutien au gouvernement, par le président du pays, Recep premier ministre avec Kemal à Ankara, le 17 juillet. Tayyip Erdogan, dont ils dénon­ Kiliçdaroglu, le président du CHP, cent l’autoritarisme. Aussi le pre­ et avec Devlet Bahçeli, le chef du mier ministre s’est-il bien gardé, été entendu? Rien n’est moins 1000 écoles et 15 universités ont MHP. Fait inédit, les deux chefs de lundi, de la moindre allusion au sûr, à en juger par les mandats été ferm ées et 1125 associations l’opposition ont fait le déplace­ renforcement des pouvoirs du d’arrêt émis lundi contre 42 jour­ ont été dissoutes. Dans le cadre de ment jusqu’au palais présidentiel, «grand homme» (l’un des sur­ nalistes, dont 11 auraient déjà l’état d’urgence, le délai de garde à où ils avaient juré de ne jamais nom s de M. Erdogan). Pour le pré­ trouvé refuge à l’étranger. Tous vue a été prolongé à trente jours. mettre un pied. Mais c’était avant sident et son équipe, il s’agit de ti­ sont accusés d’avoir entretenu, de L’ONG Amnesty International a la tentative de putsch. rer parti de l’esprit de consensus près ou de loin, des liens avec la dénoncé les privations de nourri­ Selahattin Demirtas, le prési­ né de la tentative de putsch raté. confrérie du prédicateur Fethul- ture et d’eau, les injures, les mena­ dent du parti prokurde HDP, Aux premières heures du soulè­ lah Gülen, désigné par le prési­ ces et, «dans les cas les plus gra­ n’avait, en revanche, pas été in­ vement, dans la soirée du ven­ dent Erdogan comme le cerveau ves », des coups, des viols et l’usage vité, alors qu’il avait condamné dredi 15 juillet, alors que les chas­ de la tentative de putsch. de la torture envers les prévenus. avec virulence le coup de force. seurs des putschistes bombar­ Survenu dans la nuit du ven­ Ankara a beau démentir, les ima­ «L’exclusion du HDP de la scène ges de militaires aux visages con­ daient Ankara, la capitale, les par­ dredi 15 au samedi 16 juillet, ju­ politique turque, surtout après la tusionnés, apparues dans les mé­ tis d’opposition et leurs militants gulé assez rapidement, le soulève­ tentative de coup d’Etat, est une dias ces derniers jours, en disent ont pris fait et cause pour le prési­ ment d’une partie de l’armée con­ réaction stupide», a dénoncé long sur la façon dont les aveux dent légitimement élu contre les tre le pouvoir civil est la plus grave M. Demirtas. Le HDP pourra, lui sont obtenus des putschistes. ■ militaires factieux. m enace que le président Erdogan aussi, prendre part aux discus­ MARIE JÊGO «Entre un président légitime et ait eue à surmonter en treize ans sions sur la Constitution, a fait sa­ Un général putschiste, la question passés au pouvoir (trois mandats voir le premier ministre Yildirim. ne se posait pas», explique de premier ministre et un en tant Pendant trois heures, les hôtes Süleyman Ôztürk, 50 ans, militant que président). du président ont discuté de de toujours du CHP, d’ordinaire Depuis lors, 13165 fonctionnai­ l’après-coup d’Etat. M. Kiliçdaro­ plutôt critique de la politique diri­ res (militaires, policiers, magis­ glu a évoqué le manifeste en giste et autoritaire du num éro un trats, juges) ont été arrêtés ou pla­ dix points élaboré par son parti turc. Comme des centaines de cés en garde à vue, 58000 person­ pour inciter le gouvernement à se milliers de Turcs, Süleyman a pris nes ont été mises à pied, près de conformer à l’Etat de droit. A-t-il

65 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti LE FIGARO jeudi 28 juillet 2016 Les curieux liens d’Erdogan avec l’armée Près de quinze jours après une tentative de putsch, le Conseil militaire suprême se réunit ce jeudi pour réformer une armée que le président turc ne parvient pas à contrôler, malgré de précédentes purges.

ANNEANDLAUER ISTANBUL

TURQUIE La question va hanter, ce jeudi, le Conseil militaire suprême (YAS), grand rendez-vous annuel au cours duquel l’ar­ mée renouvelle ses commandements: pourquoi Recep Tayyip Erdogan qui, de­ puis fin 2013, présente l’imam en exil Fethullah Gülen comme une « menace pour la sécurité nationale » - au point de limoger ou de faire arrêter des milliers de policiers, juges, procureurs, journalistes et hommes d’affaires soupçonnés de lui obéir - avait-il jusqu’alors épargné les forces armées? Comment des officiers aujourd’hui accusés de tentative de putsch ont-ils pu progres­ Recep Tayyip Erdogan et le général Hulusi Akar, chef d'état-major des armées, ser dans la hiérarchie militaire, y compris oui avait été fait prisonnier par les putschistes durant la tentative de coup d'État après 2013, alors que le président turc dési­ (ici, à Ankara en février 2016). limit bektas/ reuters gnait Gülen comme le leader d’une « orga­ nisation terroriste armée » ? « Pourquoi ne massif. L’armée, elle, restait étrangement m’a répondu ; “Nous faisons le nécessaire. pas avoir commencé par nettoyer l’armée, là préservée. Un « oubli » qui surprend, au vu Nous avons mis en retraite 15 personnes lors où c’était le plus dangereux ? », résume du nombre de militaires arrêtés après la du dernier YAS [de 2015] et nous en mettrons Mustafa Uzun, commerçant d’Istanbul et tentative de putsch (près de 9 000, dont 14 de plus en retraite lors du prochain YAS”. fidèle partisan de Tayyip Erdogan. plus du tiers des généraux turcs). Ils pensaient qu’ils n’étaient que 29 ! », a ra­ Nihat Ali Ôzcan, ancien major de l’ar­ conté Zeki Üçok, reprochant à l’état-major mée de terre et analyste au centre de re­ Boulevard aux putschistes d’avoir bloqué certaines enquêtes. cherches Tepav, avance une raison prati­ « Si l’on tient compte des politiques de nomi­ Pourquoi un tel aveuglement ? Dursun que : « Dans le civil, il est très simple de nation, des durées de service, de l’agence­ Çiçek, élu du Parti républicain du peuple limoger ou de promouvoir quelqu’un. Mais ment hiérarchique... Jl a fallu aumoins trois- (CHP, opposition), ancien colonel de mari­ dans une structure pyramidale comme l’ar­ quatre ans pour mettre ce plan de putsch en ne, avance deùx explications ; « D’abord, il mée, c’est une autre paire de manches. Ilfaut action », commente le chercheur Nihat Ali faut savoir que ces gens étaient doués de ca­ des preuves pour écarter un haut gradé, en Ôzcan. Autant d’années pendant lesquelles pacités hors du commun pour se dissimuler. particulier un général. » L’explication le Conseil militaire suprême (YAS) n’a en Nous avions des soupçons mais rien de très pourrait suffire si l’armée turque n’avait rien « nettoyé » les commandements. Au concret, indique ce militaire incarcéré pen­ déjà subi une purge massive. A partir de contraire : selon Ahmet Zeki Üçok, ancien dant quatre ans dans le cadre du procès Er­ 2007, sous les noms de procès Ergenekon procureur militaire qui a conduit en 2009 la genekon. Surtout, ni le gouvernement ni puis Balyoz, des centaines de militaires ont première enquête sur les réseaux de l’imam l’état-major ne les croyaient capables d’une ainsi été arrêtés, jugés et condamnés pour Gülen au sein de l’armée turque, les der­ tentative de coup. Ils les voyaient comme un « tentative de putsch». Ceux-là n’étaient nières réunions du YAS ont ouvert un bou­ groupe religieux qui cherchait à tirer les fi­ pas accusés d’agir au nom d’un prédicateur levard aux putschistes du 15 juillet. Le ma­ celles en s’infiltrant dans l’appareil d’État. » musulman, comme c’est le cas aujourd’hui gistrat à la retraite en veut pour preuve la Selon d’autres observateurs, les envies de avec Fethullah Gülen. Au contraire, il leur liste des généraux arrêtés depuis le coup purges du président Erdogan ont pu se était reproché d’avoir comploté contre un manqué, dont on ignore toutefois s’ils ont heurter à la réticence de l’état-major, sou­ gouvernement islamiste en brandissant tous joué un rôle et, même lorsque tel est le cieux de l’efficacité de ses forces engagées l’idéologie kémaliste, celle du fondateur de cas, lesquels ont agi au nom de Gülen ou dans une guerre intense contre le Parti des la Turquie laïque, Mustafa Kemal Atatürk. pour d’autres motivations idéologiques ou travailleurs du Kurdistan (PKK), dans le À l’époque, le gouvernement Erdogan et intérêts particuliers. Sud-Est anatolien. Les chefs de Târmée l’imam Gülen, doté de puissants réseaüx Reste que les chiffres avancés par l’an­ turque ont aussi pu avoir à cœur de ne pas dans la faiagistrature, avaient noué une al­ cien procureur donnent à réfléchir. Selon répéter les épisodes traumatisants des pro­ liance contre la vieille garde militaire. L’in­ lui, 70 % des généraux 1 étoile promus lors cès Ergenekon et Balyoz, qui avaient porté carcération de centaines de gradés a généré du YAS de 2015 sont aujourd’hui incarcérés. un coup sévère à l’institution militaire. un appel d’air, dont ont profité les soldats Même sort pour 23 % des généraux 2 étoiles Recep Tayyip Erdogan n’a-t-il pu affiliés à Gülen. C’est en tout cas la thèse que et 34 % des généraux 3 étoiles promus Tan­ contrecarrer le complot qui se préparait défend aujourd’hui Recep Tayyip Erdogan, née dernière.' Ahihet Zeki Üçok livre des dans les forces armées, Ta-t-il sous-esti­ qui accuse les magistrats des procès Erge­ ratios similaires pour les YAS de 2014 et mé, ou a-t-il attendu que ses ennemis sor­ nekon et Balyoz d’avoir agi sur ordre du 2013. Il estime que l’état-major n’a pas vu tent de leur tanière pour purger cette ar­ prédicateur. Car entre-temps, fin 2013, ou pas voulu voir les velléités putschistes de mée en laquelle il n’a jamais eu totalement l’alliance avec l’imam a tourné au vinaigre certains de ses généraux, amiraux et offi­ confiance ? Les réponses manquent enco­ après l’éclatement d’un scandale de cor­ ciers, et ce malgré plusieurs enquêtes dont re. Elles seront pourtant cruciales pour ruption qui a fait vaciller le pouvoir d’Erdo­ celle d’un procureur d’Izmir, Ôkan Bato, comprendre les erreurs, négligences ou gan. Depuis, le président assure que Fethul­ qui devait mener le 16 juillet à plusieurs ar­ complicités qui ont mené au coup d’État lah Gülen ajuré de le renverser et promet de restations (certains y voient d’ailleurs Tune avorté du 15 juillet. ■ nettoyer l’Etat des « güle nistes ». Ces deux des raisons du déclenchement du putsch dernières années, la justice et la police ont dans la nuit du 15 au 16). « Un membre de effectivement fait les frais d’un nettoyage l’état-major auquel j’avais donné ces listes

66 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti International Jîeü» |jork tintes july 23-24,2016 ernment could so quickly identify so many alleged traitors. The answer, Turkish officials say, is that they had been preparing for this for years. Turkey plot sped up a Mr. Erdogan’s supporters are fairly candid on that point, saying that before the attempted coup, the government had been compiling lists of military of­ long-expected purge ficers and other officials who were sus­ pected of loyalty to Mr. Gulen. But since they did not have sufficient evidence to ANKARA,TURKEY judge the guilt or innocence of those convict them in court, they planned to charged, the kind of extrajudicial pro­ sideline them over time, Mr. Simsek, the Intelligence service spent cess that might further stoke divisions, deputy prime minister, told reporters on turning citizens against each other. Thursday. years compiling dossiers Mehmet Simsek, Turkey’s deputy “We knew a lot, but either we didn’t prime minister, said on Thursday that have enough legal basis or the time” to on thousands of citizens he expected senior figures would be em­ remove the Gulenists from government, powered to form committees to make he said. BY BEN HUBBARD, TIM ARANGO rulings on the people in their sectors. Those efforts got a boost earlier this AND CEYLAN YEGINSU Trying to grasp for historic parallels year, when Turkey’s intelligence ser­ to the upheaval,historians and analysts vice captured a secret communications Night had fallen and the weekend had have compared this purge to Mao channel uséd by Mr. Gulen’s followers, begun, but the head of Turkey’s spy Zedong’s cultural revolution in China in revealing tens of thousands of names agency remained at work in the main the 1960s and 70s, and to the Islamic and identification numbers, according security compound in Ankara, strug­ revolution in Iran in 1979. to a Turkish security official who spoke gling to track reports of strange military “Mao and the Iranian revolution are on condition of anonymity to discuss in­ activities across the country. the ones that come to mind,” said Henri telligence matters. Suddenly, a roar of gunfire erupted as J. Barkey, a longtime expert on Turkey Those included 600 military officers a fleet of choppers blasted the gates of who is the director of the Middle East whose names were shared with the the compound. As guards fired into the Program at the Woodrow Wilson Inter­ armed forces so that they could be side­ air, a helicopter tried to land beside the national Center for Scholars. “But these lined when the m ilitary announced new agency while others dropped ropes to were revolutions. You expect this.” promotions in August. But Mr. Gulen’s send down commandos, according to an He added, “So the interesting ques­ followers learned that they had been un­ official who was inside at the time. tion is, Is Erdogan having his own revo­ covered and planned the coup to pre­ More than a sudden attack on the gov­ lution? He is going to completely re­ empt their sidelining, officials said. ernment, the attempted coup this structure the Turkish state.” The coup was scheduled to begin at 3 month has emerged as a turning point in That has raised fears of a prolonged a.m. on July 16, a date chosen partly be­ a yearslong struggle for control of the witch hunt reminiscent of the McCarthy cause the head of the Air Force, Gen. Turkish state. The battle lines were era in the United States in the 1950s. Abidin Unal, and other commanders clear: allies of President Recep Tayyip Already, the country’s education sys­ were attending a wedding in Istanbul Erdogan against à collection of ad­ tem is stretched, with tens of thousands the night before, according to officials. versaries, including members of the of teachers fired and every single uni­ But on the afternoon of July 15, the military and followers of Fethullah Gu- versity dean, more than 1,500 in total, spy agency received reports of strange len, a Muslim cleric who leads a secret­ forced to resign. activity at a military facility in Guver- ive religious movement from his self-ex­ “We were given no information as to cinlik, in southwest Turkey. That even­ ile in Pennsylvania. what will happen next,” said Ugur ing, the intelligence chief, Hakan Fidan, The attempted coup was sudden, but Tanyeli, dean of the faculty of architec­ shared what he knew with the chief of agents inside the intelligence service ture at Bilgi University in Istanbul. “We the General Staff, Gen. Hulusi Akar, had long feared that à fifth column was were just asked to resign, and we with his deputy, and with the head of the taking shape in Turkey and had spent resigned.” army in a meeting at their head­ years compiling dossiers on tens of Many have wondered how the gov­ quarters, the security official said. >- thousands of citizens, scrutinizing their pasts for any hints of rebellion or links to Mr. Gulen. As dramatic and violent as the night was, the aftermath has been equally stunning. Mr. Erdogan has imposed a sweeping purge, labeling tens of'thou­ sands of civil servants and others as po­ tential enemies of the state. While most Turkish officials say that followers of Mr. Gulen spearheaded the plot, it rem ains unclear whether the at­ tempt was ordered up by -Mr. Gulen himself and how much support the plot­ ters received from other parts of Turk­ ish society. Mr. Gulen has denied any in­ volvement. In the short term, the purge has threatened to cripple a state already deeply divided and infected with wide­ spread distrust and uncertainty. But in the long term, it could mean a complete — almost revolutionary — re­ ordering of the state. There is already talk of devising a committee system to Turkish soldiers detained after the failed coup arrived at a court in Istanbul on Wednesday.

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> He apparently did not notify Mr. Er­ dogan, who said in a television inter­ view this week that he learned about it hours later from his brother-in-law. Whenever he found out, it was just in time: He managed to elude a team of commandos dispatched to capture him while he was vacationing in the resort town of Marmaris. The putschists apparently realized that their plot had been uncovered, so they hastily began the coup on Friday night, coordinating moves across the country through the messaging plat­ form WhatsApp, according to security officials. As the army closed off bridges in Istanbul and fighter jets set off sonic booms over the city, renegade soldiers attacked government sites across the capital, Ankara, including the military

headquarters, where they captured the NICOLE TUNG FOR THE NEW YORK TIMES three top military officers who had been A portrait of President Recep Tayyip Erdogan at a demonstration on Monday in Ankara. briefed that afternoon. Guards repelled the attack on the intelligence head­ quarters. “The sense at the Prime Ministry was that if this was in the chain of command, nothing could be done,” said Cemalettin Hasimi, a senior adviser to Prime Min­ ister Binali Yildirim. Once it became clear that the army leadership had not endorsed the mili­ tary action, Mr. Hasimi tried to head to Parliament, only to learn that it had been bombed, leaving a hole in the roof and rubble in the corridors, he said. Mr. Erdogan called his supporters to the streets in an address over FaceTime that was aired on CNN Turk, and civil­ ians, the police and loyal army units mo­ bilized and put down the coup. Mr. Erdogan returned. And the purges began not just of those in the Gu- len movement, but of government crit­ ics of all stripes. Some academics who A moment of silence in Taksim Square in Istanbul as the national anthem was played in this year signed a petition protesting the government’s war against Kurdish honor of people killed resisting the coup attempt. Since the plot failed, tens of thousands of militants were suspended from their people have been arrested or suspended from their jobs. jobs this past week. Steven A. Cook, a Turkey expert at the Council on Foreign Relations, asked a simple question: “Who is going to run ‘ ‘We know these people, this religious in a number of Turkish cities, calling the the universities? They will open in six sect,” said Metin Feyzioglu, the head of failure of the coup a victory for Turkish or seven weeks.” Turkey’s bar association and member of democracy. No one seems to know. Oiit of Turkey’s chaos has come more “The purge of the education system Turkey’s main secular party, who said — that’s the most remote from grabbing that he had long believed the Gulenists power and more popularity for Mr. Er­ dogan, who has used the moment to gal­ a tank or a plane and doing a coup,’ ’ said had stocked the country’s judiciary. vanize his constituency of the country’s Emma Sinclair-Webb, the Ttirkey direc­ The worry, he said, is that the purge religious masses. Seemingly speaking tor for Human Rights Watch. “I don’t will broaden to include secular Turks for all who gathered at one rally, Faruk know how the country will be govern­ and others. “We are afraid it is becom­ Akkaya, who works in the tourism in­ able at this point.’ ’ ing a real madness, a witch hunt,” he dustry, said: “We’ll stay here until Re- Government official say that the said. cep Tayyip Erdogan tells us to go purge is a necessary security measure Mr. Hasimi, the presidential adviser, home” to prevent future violence. But its speed said he had long distrusted the Gu­ and scale have worried many. lenists but had never suspected they Turkey’s political opposition r- secu­ would mount a violent coup. Ben Hubbard reported from Ankara, and Tim Arango and Ceylan Yeginsu larists, nationalists and Kurds — pub­ ‘ ‘We are not making up these stories,’ ’ from Istanbul licly sided with the government against he said. “This is not some Jason Bourne the coup, and it is now watching warily. trilogy,” he said. “We have these Many opponents of Mr. Erdogan have massive cells, networks, and they have little sympathy for the Gulen move­ a bank, they have massive financial re­ ment, which for years made common, sources.” cause with the president’s Islamist po­ Since the coup was put down, Mr. Er- litical movement. dogan’s followers have held large rallies

68 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti International ^eUt £lork Suites july 23-24,2016 Who was behind the coup attempt?

When Mr. Erdogan and his Islamist Mustafa Akyol Justice and Development Party, or A.K.P., came to power in 2002, they felt Contributing Writer threatened by the hard-core secularists who have dominated Turkey’s military since the days of Ataturk, the father of SARAJEVO, BOSNIA AND HERZEGOVINA the Turkish republic. Mr. Erdogan The bloody coup attempt in Turkey viewed the Gulenist cadres in the state last week, which cost more than 200 as an asset, and an alliance was born. lives, brought the world’s attention to The Erdogan. government supported the group that President Recep Tayyip Gulenist police officers, prosecutors Erdogan declared responsible: the Is­ and judges as they went after secular­ lamic community led by Fethullah Gu- ists. Starting in 2007, hundreds of secu­ len, a Turkish cleric who has lived in larist officers and their civilian allies self-imposed exile in Pennsylvania were jailed. This witch hunt was driven since the late 1990s, by Mr. Erdogan’s political agenda, but Mr. Gulen strongly denies the the Gulenists were even more aggres­ charges. Some in the West seem to think sive than the A.K.P. More worrying : that this is yet another of the many Some of the evidence turned out to be bizarre conspiracy theories peddled by Pro-government supporters protesting on overblown. Two secular journalists and the road leading to the Bosporus Bridge Mr. Erdogan. But this is not merely pro­ a police chief who exposed the fake evi­ paganda. There are good reasons to be­ dence, and blamed the “The Imam’s in Istanbul on Thursday. lieve the accusation is correct. The Gulen community is built around Army,” were soon themselves im­ prisoned on bogus charges. one man: Fethullah Gulen. His follow­ officers as Gulenists. One plotter even ‘ ‘ How can they justify using fake evi­ ers see him not merely as a learned reportedly confessed to acting under dence to blame innocent people?” I cleric, as they publicly claim, but the orders from the Gulen movement. once asked my disillusioned Gulenist “awaited one,” as I have been told in Given the Gulen community’s hier­ friend. ‘ ‘Since their end goal is so private. He is the Mahdi, the Islamic archical structure, all of this makes Mr. version of the Messiah, who will save great,” he said, referring to the move­ Gulen a prime suspect. Of course, the the Muslim world, and ultimately the ment’s global, apocalyptic ambition, truth can come out only in a fair trial. world itself. Many of his followers also ‘ ‘they think all means are justified.’ ’ Unfortunately, Turkey is not good at believe that Mr. Gulen sees the Prophet It eventually became clear why the those — especially given Mr. Erdogan’s Muhammad in his dreams and receives Gulenists had been so fervent in their control over the judiciary and the fero­ orders from him. persecution of the secularists: They wanted to replace them. Many of the of­ cious polarization in the country today. Besides Mr. Gulen’s unquestionable But the United States government can authority, another key feature of the ficers who reportedly took part in last week’s coup attempt had been pro­ try to negotiate with its Turkish coun­ movement is its cultish hierarchy. The terparts to extradite Mr. Gulen, as Tur­ Gulen movement is structured like a moted thanks to a major purge of the military in 2009 that supposedly saved key’s government is now requesting, pyramid: Top-level imams give orders on the condition of a fair trial. to second-level imams, who give orders Mr. Erdogan from a coup. By 2012, the old secularist guard had That would ensure justice, improve-, to third-level imams, and it goes on like Turkish-American relations and help that to the grass roots. been quelled and the Gulenists and the A.K.P. were left more or less alone to calm the dangerous zeal in Turkey. It What does the group do? Its most may even be necessary to help many of visible activities include opening run Turkey. It took less than two years before the two Islamist groups de­ the innocent people in the Gulen com­ schools, running charities that provide munity to know what they are really in­ veloped distrust and, ultimately, social services to the poor and main­ volved in — and to begin new lives as enmity. This tension came to a head in taining “dialogue centers” that preach free individuals. love, tolerance and peace. There is December 2013, when Gulenist police nothing wrong with that, of course. I officers and prosecutors arrested mustafa akyol, b a se d in Istanbul, is the dozens of government officials in a cor­ personally have spoken many times at author of “Islam Without Extremes: A ruption investigation, most likely in the Gulen institutions as a guest, and met Muslim Case for Liberty.” modest, kind, lovable people. hope of toppling Mr. Erdogan, who con­ But, as one disillusioned Gulenist told demned the inquiry as a “coup at­ me last year, “there is a darker side of tempt.” At the time, this sounded like a the movement, and few of its members self-serving exaggeration. know it as it is.” For decades, the move­ But the bloody plot of July 15 is far ment has been infiltrating Turkey’s more destructive than anything Turkey state institutions, like the police, judi­ has seen in recent years. Notably, the ciary and military. Many believe that plot came as Mr. Erdogan was sup­ some Gulenists, taking orders from posed to be planning a major purge of ' their imams, hide their identities and suspected Gulenists from the military. try to rise through these institutions in The military’s chief of staff, who op­ order to capture state pdwer. posed the coup, identified the rebellious

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i a C r o ix jeudi 21juillet 2016 droit. « Presque quotidiennement de nouvelles mesures sont prises, qui sont contraires à un mode d’ac­ Involution de la TUrquie tion respectant l’État de droit et qui ne respectent pas la nécessité de la proportionnalité » de la réaction en pareille situation, a déclaré à la inquiète l’Europe presse Steffen Seibert. Malgré les affirmations du pre­ mier ministre turc Binali Yildirim, selon lesquelles la purge serait ef­ _ _ Depuis la tentative de fectuée dans « lesadre du droit » et coup d’État, le gouvernement sans aucun « esprit de vengeance », turc a licencié ou suspendu l’ampleur de la Dépression est in­ près de 50 000 employés quiétante. Après avoir accusé le du secteur public et arrêté réseau du prédicateur Fethullah 10 0 0 0 autres. Gfilen, ancien allié du parti au pou­ ___ La répression contre voir AKP, d’être à l’origine du coup des pans entiers de la société d’État, le gouvernement a licencié provoque l’inquiétude des ou suspendu près de 50 000 em­ dirigeants européens. ployés du secteur public et arrêté 10 000 autres, selon un comptage Pour son premier retour à An­ du quotidien Hûrriyet, soit 4 % de kara depuis la tentative de putsch l’ensemble de Ta fonction publique. de vendredi, le président turc Re­ cep Tayyip Erdogan avait promis L'inquiétude de une « décision importante ». Dans un pays secoué par une purge l’Europe vis-à-vis de massive, les rumeurs allaient bon la dériveuutoritaire train sur la teneur de cette an­ nonce, qui devait être effectuée Près de 60 000 personnes ont été de la Turquie ne date après un conseil de sécurité na­ arrêtées, limogées ou suspendues depuis pas d ’hier. tionale qui n’était pas terminé à l’heure où nous bouclions cette la tentative de putsch contre le président édition - réunissant des haute Erdogan dans la nuit de vendredi à Environ 9 000 militaires, ma­ responsables militaires et des mi­ samedi, soit 4 % de la fonction publique. gistrats et policiers font l’objet nistres liés à là défense et à la Sé­ d’une procédure judiciaire, parmi curité intérieure. Les hypothèses lesquels 26 généraux et amiraux. les plus probables, à savoir le réta- Les purges opérées par L’épuration a aussi touché le mi­ blissementde la peine de mort, un nistère de l’éducation, un secteur changement constitutionnel vers le pouvoir turc touchent de où le réseau Gülen est particu­ un régime présidentiel ou un État larges secteurs de la société, lièrement influent, avec la sus­ d’urgence généralisé à l’ensemble pension de~15 200 employés. Le du.pays, ne devraient pas rassurer de l’armée aux médias en Conseil de renseignement supé­ une Europe inquiète de la voie au­ rieur a annoncé hier que toutes tocratique suivie par la Turquie. passant par les universités. les missions à l’étranger des uni­ Peu après l’annonce du coup versitaires turcs étaient interdites d’État vendredi dernier, lés parte­ jusqu’à nouvel ordre. naires européens ont fait part de La reprise en main autoritaire La répression s’étend même leur rejet d’un renversement du du président Erdogan menace au-delà des frontières du pays, la pouvoir direct-appelé au respect Turquie ayant demandé au Cam­ des institutions démocratiques. de plus en plus l’avenir de la bodge la fermeture d’écoles sup- Mais une fois le coup étouffé et le relation de la Turquie avec posément liées à Fethullah Gülen, spectre d’une guerre civile entre tandis que l’Azerbaïdjan a déjà fait l’armée et les partisans du Parti l’Europe. fermer une université et une chaîne de la justice et du développement de télévision pour le même motif. (AKP) - au pouvoir -'éloigné, la dé­ La promesse d’Erdogan d’éliminer mocratie turque n’en semble pas l’inquiétude des dirigeants euro­ l’État de droit en Turquie. Hier, le le « virus » factieux du pays frappe moins menacée. La vaste batterie péens. porte-parole de la chancelière al­ les suspects jusqu’après leur mort: de mesures de répression enga- Lundi, la haute représentante de lemande Angela Merkel à dénoncé mardi, l’Agence des affaires reli­ gée par le pouvoir contre des pans la diplomatie européenne, Fede- les mesures du gouvernement gieuses (Diyanet), la plus haute au­ entiers de la société a provoqué rica Mogherini, a appelé à protéger comme « contraires » à l’État de torité islamique turque, a annoncé qu’elle refuserait les obsèques reli­ gieuses aux putschistes tués. repères Après des mois de répression de l’Alliance atlantique, marte­ Pour l’Europe, la ligne rouge à contre des médias et oppo­ lant qu’être membre de « l’Otan ne pas franchir est celle du réta­ sants turcs, le président améri­ comporte des exigences en ma­ blissement de îa peine de mort, Des relations turco- cain, Barack Obama, avait dé­ tière de démocratie ». évoqué par le président Erdogan américaines agitées noncé en avril « le chemin très pour punir les putschistes. En inquiétant » emprunté par son Le nœud des tensions 2004, Ankara avait décidé d’abolir Alliés historiques au sein de homologue turc. turco-américaines se fixe dé­ la peine capitale en vue d’entamer l’Otan, Washington et Ankara sormais sur le sort du prédi­ les négociations d’adhésion avec sont en désaccord à propos du • Lundi, le secrétaire d’État, cateur musulman en exil aux l’Union européenne. L’abolition combat international contre le John Kerry, a réagi aux purges États-Unis, Fethullah Gfilen, de la peine capitale èn toutes cir­ djihadisme. Washington s’in­ impressionnantes dans l’ar­ accusé par Ankara d’avoir fo­ constances est effectivement une quiète aussi de la dérive au­ mée, la police et la magistra­ menté le putsch avorté. Le obligation inscrite dans la Conven­ toritaire du président, Recep ture et il a clairement menacé gouvernement turc réclame à tion européenne des droits de Tayyip Erdogan. Ankara sur son avenir au sein Washington son extradition.

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l’homme. Non seulement aucun ment contre la confrérie Gülen, lemand Der Spiegel. gnements turcs à des rebelles is­ État membre de l’Union ne peut ont abouti à de nombreux procès Le pouvoir a multiplié les re­ lamistes syriens. Très médiatisé, exercer la peine de mort, mais expéditifs. cours judiciaires dès que les jour­ ce procès s’est déroulé à huis clos, « aucun pays ne peut adhérer à La Turquie a également fait peu nalistes abordaient des sujets sur la demande des parties ci­ l’Union européenne s’il introduit la de progrès sur la liberté d’infor­ considérés comme tabous, comme viles, dont ont fait partie le prési­ peine de mort », a menacé la chef mation. Jusqu’à 2014, le pays dé­ la question kurde ou les liens dent Recep Tayyip Erdogan et les de la diplomatie de l’UE Federica tenait le record mondial du plus troubles avec les groupes rebelles services de renseignements turcs Mogherini, rejointe notamment grand nombre de journalistes em­ en Syrie. En mai dernier, deux (MIT). À la sortie du tribunal, Can par les voix allemandes et fran­ prisonnés, selon les comptes te­ Dündar a échappé de peu à une çaises. « Un pays qui à un moment nus par Reporters sans frontières. Jusqu'à 2014, tentative d’assassinat, un homme veut avoir une relation avec l’UE, La libération conditionnelle de la armé tentant de faire feu sur lui. y compris pour des négociations majorité d’entre eux n’était guère le pays détenait Depuis le coup d’État, une ving­ d’adhésion, ne peut pas introduire qu’une mesure cosmétique : la le record mondial du taine de médias se sont vu retirer la peine de mort dans son droit », a Turquie est restée dans les bas- leur licence, accusés de liens avec martelé à son tour François Hol­ fonds du classement sur la liberté plus grand nombre les gülenistes, et 25 sites d’infor­ lande mardi. de la presse. La scène médiatique dejournalistes mations ont été bloqués, rejoi­ L’inquiétude de l’Europe vis- turque a perdu son pluralisme et gnant une liste déjà longue des à-vis de la dérive autoritaire de son indépendance historiques, emprisonnés, selon sites censurés. Selon Amnesty In­ la Turquie ne date pas d’hier. Of­ de nombreux médias étant ra­ Reporters sans ternational, 34 journalistes ont vu ficiellement candidate à l’entrée chetés par des hommes d’affaires leur carte de presse annulée. dans l’UE depuis 1999, la Turquie- proches du pouvoir qui n’hésitent frontières. Si le pouvoir turc cherche légiti­ de Recep Tayyip Erdogan a, dans pas à licencier leurs plumes les mement à punir les coupables de la un premier temps, réalisé des ré­ plus critiques vis-à-vis d’Erdogari. tentative de coup d’État, la répres­ formes démocratiques, notam­ D’autres, comme le quotidien güle- journalistes du quotidien d’oppo­ sion en cours risque d’éloigner de ment en revoyant le rôle d’une niste Zaman et l’agence de presse sition Cumhuriyet, Can Dündar plus en plus la Turquie d’un État de armée historiquement très auto­ Cihan en mars 2016, ont été pla­ et Erdem Gül, ont été condamnés droit, compromettant gravement nome vis-à-vis du pouvoir ou en cés directement sous tutelle d’ad­ respectivement à cinq ans et dix ses chances d’adhésion à l’UE. refondant le code pénal. Mais les ministrateurs de l’État. Plusieurs mois et à cinq ans de prison par un Olivier Bories purges successives, contre l’ar­ journalistes étrangers ont été ar­ tribunal. En 2014, ils avaient levé mée à partir de 2007 avec le pro­ rêtés ou expulsés, comme le cor­ le voile sur des livraisons d’armes cès Ergenekon ou plus récem­ respondant de l’hebdomadaire al­ de la part des services de rensei­

DIMANCHE 10 ^ LUNDI 11 JUILLET 2016 Quelques mots d'Aynur (en kurde) La musicienne nomade, installée à Amsterdam, chante dans sa langue aux Suds, à Arles

MUSIQUES DU MONDE Dersim (Tunceli), située dans l’est En2005, elle coup moins douloureux que ne le de la Turquie. «C’est là, sur les chantait dans une fut l’exil, vécu à l’âge de 15 ans, pré­ n 2009, lors de l’Anhée de hauts plateaux, quand je chantais cise la chanteuse, lorsqu’elle a dû la Turquie en France, en gardant les troupeaux, que ma scène sidérante quitter la province de Dersim avec paraissait chez Actes Sud vobc s’est formée », raconte-t-elle. ses parents et s’est retrouvée à Is­ E « Je la considère comme Tune des d’intensité un superbe ouvrage du photogra­ tanbul, quand la situation s’est ag­ phe turc Attila Durak, Ebru, reflets meilleures chanteuses kurdes », de «Crossing gravée entre les Kurdes et le gou­ de la diversité culturelle en Tur­ nous déclare depuis Montréal le the Bridge», le vernement turc. «Je ne pouvais quie. Dans le CD qui l’accompa­ musicien et vidéaste Mercan plus parler ma langue, je devais ca­ gnait, écho de la richesse musi­ Dede. Il avait invité Aynur dans sa film de Fatih Akin cher ma religion, mes croyances. J’étais dans un autre monde. » En cale des peuples formant la mo­ création La Tentation d'Istanbul, qu’elle espérait intégrer -, les cho­ Hollande, conclut la chanteuse, saïque turque, un chant, une voix présentée au Festival de Saint-De­ ses ont empiré, nous déclare émergeaient tout particulière­ nis en 2006. «je vois les choses différemment, aujourd’hui Aynur. «Je suis née j’ai mûri. A l’intérieur de moi- m ent: Ahmedo, interprété et C’était un an après la sortie de kurde et alévie [un courant chiite composé par la chanteuse kurde Crossing the Bridge, le film docu­ même, je ne me sens pas vraiment de l’islam]. Mais en Turquie une en exil, mais plutôt comme une Aynur, qui se produira en concert mentaire du cinéaste allemand seule langue et une seule religion le mardi 12 juillet au festival Les d’origine turque Fatih Akin, où nomade ». ■ sont reconnues, alors qu’il y en a PATRICK LABESSE Suds, à Arles. Aynur chantait dans une sé­ une multitude. La situation se dé­ Ahmedo est une chanson quence sidérante d’intensité, fil­ grade au lieu de s'améliorer. Je ne d’amour désespéré, reprise (or­ mée à l’intérieur d’un hammam peux pas faire de concerts dans ma thographiée Ehmedo) sur l’envoû­ du XVIIIe siècle. «Chacun devrait propre langue. » Les Suds à Arles (Bouches-du- tant album Hawniyaz. Paru respecter la langue, la culture ou la Rhône) le 12 juillet àigh30, Cour de récemment chez Harmonia La goutte d’eau de trop religion de l’autre», disait-elle l’Archevêché, accompagnée par Mundi, le disque a été enregistré En , lors de son passage au dans le film, évoquant notam­ 2011 Salman Gambarov (piano), Cemil par un quartet de haut vol réunis­ Festival de d’Istanbul, une ment ce concert, au début de sa Qoçgirî (luthtenbûr). Hawniyaz, sant Aynur, Kayhan Kalhor, lé partie du public Ta sifflée et carrière, où quelqu’un lui avait ar­ avec Kayhan Kalhor (kamancheh), maestro iranien de la vièle à pique contrainte de quitter la scène. raché son saz (luth) des mains Salman Gambarov, Cemil Qoçgiri. kamancheh, le pianiste azéri Sal­ «trois fois de suite», parce qu’elle C’était la goutte d’eau de trop. Elle 1 CD Latitudes/Harmonia Mundi. man Gambarov et le joueur de chantait en kurde. a décidé de quitter la Turquie et luth tenbur Cemil Qoçgiri, d’ori­ Après une période où les autori­ s’est installée à Amsterdam. Elle gine kurde alévie - à l’instar dAy- tés turques se montrèrent un peu navigue depuis entre sa ville d’ac­ nur. La jeune fille est née Aynur plus ouvertes et souples - quand la cueil, l’Allemagne, d’où elle pour­ Dogan, en 1975, à Çemisgezek, Turquie commençait à faire les suit sa carrière, et Istanbul. dans la région montagneuse du yeux doux à l’Union européenne Ce nomadisme s’avère beau­

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L’EXPRESS 27 juillet 2016 HAMIT BOZARSLAN: LA TURQUIE, OTAGE D'ERDOGAN

Après le coup d'Etat militaire raté, le président turc mène une purge sans précédent dans l'appareil d'Etat. Tandis que la société se fragmente, le pays tourne de plus en plus le dos à l'Europe, explique ce directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, spécialiste du Moyen-orient et de la Turquie.

Beaucoup de questions restent PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN ROSSO "Le régime est devenu encore sans réponse. Pour PHOTOS : SAMUEL KIRSZENBAUM POUR L'EXPRESS Erdogan, la politique est syn­ une sorte de bateau 27 JUILLET 2016 onyme de revanche et de http: //www.lexpress.fr vengeance. Ses opposants les ivre. Les mécanismes plus radicaux ont désormais la de contrôle d'équilibre même logique, y compris chez Depuis le coup d'Etat militaire raté, plus de 60 000 personnes certains militaires: l'adversaire ont disparu". dans l'armée, la justice, l'enseignement et les médias ont été est un traître, un ennemi de arrêtées ou limogées. Le président Recep Tayyip Erdogan est-il l'intérieur qu'il faut combattre. en train d'instaurer une dictature personnelle? Quitte, désormais, à faire couler le sang. Contrairement aux coups de force précédents [1960, Cette tentation existe. Manifestement, avant le putsch avorté, des 1971, 1980], cette tentative de putsch se caractérise par une brutal­ dizaines de milliers de personnes étaient fichées en tant qu'op­ ité extrême. La société turque est en train de se diviser profondé­ posants. La légalité de ce fichage de masse pose question. Mais qui ment. Chaque sujet donne lieu à une importante polarisation, que ce va contrôler sa conformité avec la loi? Les juges sont les premiers à soit la crise avec la Russie, la question des réfugiés syriens ou le con­ avoir été purgés. Ces limogeages ont aussi pour objet de frapper flit kurde. l'imagination des quelque 3 millions de fonctionnaires, désormais interdits de quitter le pays sans raison professionnelle et qui vivent Le régime est devenu une sorte de bateau ivre. Les mécanismes de dans l'angoisse. Des signaux de cette dérive étaient déjà là. Lors des contrôle et d'équilibre, qui caractérisent les démocraties, mais aussi élections législatives de juin 2015, le Parti de la justice et du certains régimes autoritaires, ont disparu. On assiste à une désinsti- développement (AKPJ, avec lequel Erdogan dirige le pays depuis tutionalisation de l'Etat. La légitimité a été transférée des institu­ 2003 , a perdu la majorité absolue. tions en tant que telles à Erdogan, lequel se présente comme le sauveur. Une absolue allégeance à sa personne transforme l'Etat dans sa totalité. Ce dernier est pris en otage. Certains font le rap­ Les négociations entre l'AKP et les partis d'opposition pour former prochement avec la Chine des années 1966-1967, au début de la un gouvernement de coalition ont été délibérément conduites vers Révolution culturelle imposée par Mao Zedong, qui a laminé la une impasse, afin de provoquer de nouvelles élections anticipées. bureaucratie. Cinq mois plus tard, alors que la Turquie se trouvait dans un état de violence et de tension extrêmes, l'AKP triomphe à nouveau dans les "ERDOGAN EST LE SEUL REPÈRE" urnes. Depuis la tentative du coup d'Etat du 15 juillet, la tendance s'accélère: le président vient d'instaurer l'état d'urgence pour une Pourquoi a-t-il parlé de rétablir la peine de mort? durée de trois mois. A la différence de la loi française, cela signifie que la Cour constitutionnelle ne peut plus intervenir durant cette La peine de mort a été abolie en 2004, dans le cadre des négociations période. Autrement dit, Erdogan possède désormais quasiment les d'entrée dans l'Union européenne. Mais Erdogan, lui, y a toujours été pleins pouvoirs. favorable. Après le coup d'Etat, il a expliqué à la télévision qu'il ne voyait pas pourquoi on devrait nourrir les criminels en prison. A ses Après l'avoir mise au pas, le président semblait avoir fait la paix yeux, une tentative de coup d'Etat le visant personnellement est le avec l'armée. Que s'est-il passé? pire des crimes. ^

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Pourquoi les gens le suivent-ils?

Il existe un bloc hégém onique autour de l'AKP, constitué par une bourgeoisie puritaine d'origine provinciale qui a émergé il y a une vingtaine d'années en profitant des sommes faramineuses se rap­ portant aux marchés publics. Une partie de la population défa­ vorisée le soutient aussi parce que ce parti l'a convaincue que la pau­ vreté n'était pas une question politique ni même sociale, mais de charité. Les réseaux municipaux ou proches du parti fonctionnent à plein. L'AKP bénéficie, enfin, des faveurs des Turcs sunnites, ultra- conservateurs. Pour eux, Erdogan est le seul repère dans un monde qui perd les siens, et qui est menacé par les conséquences de la guerre en Syrie, avec les attentats meurtriers de Daech ou de la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

L'allégeance des partisans est fondée sur la peur de l'instabilité économique et politique, que la Turquie a connue naguère. Résultat: la société est de plus en plus fragmentée. Les Kurdes votent désor­ mais majoritairement pour le parti kurde, les Alévis [proches des chiites, quelque 20 % de la population] pour le Parti républicain du peuple (opposition) et les Turcs sunnites soit pour l'AKP, le seul parti qui leur permet de s'assumer comme couche dominante, soit pour Tultraradical Parti d'action nationaliste. Ceci ne peut qu'ag­ graver la polarisation. Hamit Bozarslan: l'Etat. Ils constituent un réseau de légitimation de son discours, Comment expliquez-vous l'obsession d'Erdogan à l'égard de l'i­ "la légitimé a été insistant sur l'obligation de lui mam Fethullah Gülen, âgé de 75 ans, exilé aux Etats-Unis depuis obéir. Leur rôle était le même à 1999? transférée des l'époque ottomane. Cependant, institutions à l'appel à la mobilisation est nou­ Quand Erdogan a été nommé Premier ministre en 2002, il n'avait veau. Erdogan, qui se voit comme pas de cadres, ni intellectuels ni bureaucratiques. Gülen, qui avait Erdogan, lequel l'homme providentiel, ne se con­ fondé une communauté religieuse, laquelle allait prendre le nom de se présente comme tente pas de vouloir contrôler Hizmet ("service'', "volontariat"), était alors son allié, notamment l'appareil d'Etat. Dans son esprit, contre le pouvoir de l'armée [NDLR : rétive aux islamistes, celle-ci le sauveur". le chef doit fusionner avec la s'est toujours présentée comme défendant les valeurs laïques nation. D'où ces bains de foule, qui héritées du fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal sont des démonstrations de force. Atatürk]. Les religieux accompagnent cette démarche. Tandis que les écoles d'imams et de prédicateurs forment la nouvelle génération Présentes depuis la fin des années 1980, les écoles gülénistes ont religieuse qu'Erdogan appelle de ses voeux. formé des générations de fonctionnaires. Elles ont permis à Erdogan de s'emparer de l'Etat et de le faire fonctionner, il faut l'admettre, Comment définiriez-vous aujourd'hui la nature du pouvoir per­ avec une certaine efficacité jusqu'en 2011, notamment dans la phase sonnel d'Erdogan? de rapprochement avec l'Europe. Sans le gülénisme, T"erdoganisme" n'aurait pas eu de cerveau. Or ses partisans ont investi en masse les Erdogan, comme Gülen au demeurant, est le partisan de la synthèse ministères de l'Intérieur, de la Justice et de l'Education. Ils avaient dite turco-islamiste. Il définit la nation turque par l'islam. Dans le leur propre agenda, qui limitait la marge de manoeuvre du chef du même temps, il imagine l'islam à partir de l'hégémonie turque. Cette gouvernement. Gülen, par exemple, était très prudent en matière de dimension nationaliste s'accentue ces derniers temps. Les déconv­ politique étrangère, s'opposant à tout aventurisme. Erdogan, lui, se enues en matière de politique étrangère sont interprétées comme la voyait déjà leader du monde musulman. La rupture est consommée volonté de l'Occident d'empêcher les Turcs de remplir leur mission 2013 en décembre , lorsque les procureurs liés à Gülen commencent historique, qui consiste à unifier et protéger, voire à incarner l'is­ à s'intéresser aux proches d'Erdogan dans des affaires de corrup­ lam... Les cercles très proches d'Erdogan vont jusqu'à dire que la tion. Ce conflit est d'autant plus violent qu'il est fratricide. Première Guerre mondiale, qui n'aurait pas été une guerre intra- européenne mais une guerre de l'Europe contre l'Empire ottoman, "LE CHEF DOIT FUSIONNER AVEC LA NATION" n'est pas terminée... Dans la paranoïa actuelle, les ennemis de l'in­ térieur rejoignent ceux de l'extérieur. Le ministre du Travail, Cette communauté est-elle si puissante? Süleyman Soylu, a déclaré que les Etats-Unis étaient impliqués dans l'organisation du coup d'Etat raté. S'il est vrai que les gülénistes sont très présents en 2013, ils ne le sont plus guère aujourd'hui. Le pouvoir a fermé leurs institutions La Turquie est-elle en train de tourner le dos définitivement à parascolaires et saisi les organes de presse qui leur étaient favor­ l'Europe? ables. Près de 15 000 fonctionnaires, soupçonnés d'appartenir au mouvement, ont été mutés ces dernières années. Certains pro­ Oui. Les déclarations contre l'Union européenne sont innombrables. cureurs ont dû quitter le pays. Il est possible que quelques-uns des Dans la crise des réfugiés, Erdogan pense avoir les moyens de mener généraux ayant participé au coup d'Etat soient proches de Gülen, une politique de chantage: la Turquie accepte de les maintenir sur bien que les relations de ce dernier avec les militaires n'aient jamais son territoire à condition que l'Union ne se mêle pas de ses affaires été bonnes. Mais je ne crois pas que ce soit la bonne clef de lecture intérieures et des droits de l'homme. En 2015, la presse pro-AKP pour comprendre ce qui s'est passé au sein des cadres de l'armée, parlait d'inonder l'Europe de réfugiés. Je ne vois pas comment, dans encore très kémalistes. les circonstances actuelles, surtout si le gouvernement rétablit la peine capitale, le Parlement européen pourrait ratifier l'accord per­ Pourquoi les imams ont-ils appelé les fidèles à descendre dans mettant aux ressortissants turcs de voyager sans visa en Europe. A la rue soutenir le président? terme, la rupture, quels que soient les accords ponctuels qui peuvent être signés, me paraît irréversible. ■ En Turquie, près de 130 000 fonctionnaires religieux dépendent de

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TRIBUNE______llilittlll) 28 JUILLET 2016 Turquie : du putsch militaire amateur au coup d’Etat civil d’Erdogan

Par Kendal Nezan, Président de PInstitut kurde de Paris

28 juillet 2016 www.liberation.fr

Dans un pays qui a une riche expérience de coups d’Etat, le putch du 15 juillet semblait très improvisé, rappelant bizarrement la piteuse tentative d’août 1991 à Moscou contre le président Gorbatchev.

16 juillet, au lendemain du coup d'Etat raté en Turquie, des scènes de lynchages ont enée par une coterie de généraux, de été rapportées par des médias et agences de presse, et relayées notamment sur les Mbrigade et de division, sans soutien réseaux sociaux. populaire, sans programme ni leadership identifiables, la tentative du putsch du 15 désobéissance et à la résistance des autorités Daech en Syrie. De quoi alimenter toute juillet a avorté. Son échec semble en grande civiles et militaires légitimes diffusés et mag­ sorte de spéculations sur les commanditaires partie dû au refus, au péril de leur vie, du nifiés par les nombreuses chaînes de télévi­ supposés du putsch. chef des états-majors des armées, le général sion privées a paru sinon étrange, du moins Akar, de son adjoint et du chef de l’armée de très amateur, rappelant bizarrement la L’explication la plus souvent évoquée, et terre de donner aux putschistes la caution piteuse tentative de putsch d’août 1991 à bien plausible, est qu’à quelques jours de la du haut commandement et à l’engagement Moscou contre le président Gorbatchev. réunion du Conseil suprême militaire, qui décisif de général Dundar commandant la allait entériner leur vaste épuration annon­ 1ère armée basée à Istanbul aux côtés du On ignore encore qui étaient les véritables cée, les officiers qui grâce à des fuites (cal­ gouvernement. La division dans les rangs de chefs de cette rébellion et quels étaient leurs culées?) se savaient visés et listés se seraient l’armée a permis aux forces spéciales aguer­ objectifs, leurs projets. On sait d’ores et déjà coalisés pour tenter leur chance et se débar­ ries de la police, acquises à un régime qui les qu’elle n’était pas circonscrite aux grandes rasser de ce président Erdogan détesté à la a toujours chouchoutées, de mater la rébel­ métropoles turques, comme Ankara, fois par des laïcs et par les zélateurs du lion en coopération avec les unités militaires Istanbul et Izmir, et qu’elle a bénéficié du prédicateur Gülen. loyales. Le soutien des milliers de manifes­ soutien actif des principales garnisons tants civils descendus dans les rues, souvent basées au Kurdistan, engagées dans la Bulletin quotidien du «grand aux cris d’Allah Akbar, à l’appel lancé sur guerre contre les Kurdes et surveillant la nettoyage en cours» CNN Turk par le président Erdogan, repris frontière syrienne où la politique du prési­ et répercuté par les haut-parleurs de toutes dent Erdogan suscite une sourde hostilité. La série d’événements qui a suivi l’échec du les mosquées du pays, a eu une portée plutôt Ainsi, ce sont six avions F16 partis de la base putsch montre qu’ils avaient raison au moins morale et symbolique. aérienne de Diyarbakir sous le prétexte sur un point: les listes de purge étaient fin d’aller frapper les camps du PKK qui sont prêtes. Une purge qui ne concerne pas que Dans un pays qui a une riche expérience de venus bombarder à Ankara de nombreux les miliaires rebelles, mais des dizaines de coups d’Etat, débutant d’habitude au petit édifices gouvernementaux dont le palais milliers de personnes dans l’appareil de matin avec le contrôle total des médias et présidentiel. Ils ont bénéficié du soutien l’Etat. l’arrestation concomitante des principaux d’avions ravitailleurs de la fameuse base responsables politiques et syndicaux, cette d’Incirlik commandée par un général turc Le bilan d’étape de la première semaine de tentative de putsch lancée en pleine soirée rebelle. Or, cette base où sont entreposées répression est éloquent: 13 165 gardés à vue, que l’on pouvait suivre quasiment en direct des armes nucléaires tactiques de l’Otan 8 500 incarcérations, plus de 80 000 fonc­ sur ses écrans tout comme les appels à la abrite aussi le dispositif aérien allié contre tionnaires, dont près de la moitié des **

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** enseignants, mis à pied. Parmi eux, le Carte blanche aux solidement structurée et combative. L’échec quart des magistrats du pays dont deux tortionnaires du putsch renforce, pour un temps, le prési­ membres de la Cour constitutionnelle, de dent turc. Mais son pouvoir reste fragile et il dizaines de membres du Conseil d’Etat, de Pour mener à bien cette gigantesque chasse n’est pas à l’abri de soubresauts et d’actes de la Cour de cassation. Un millier d’écoles, 16 aux sorcières, le gouvernement procède par vengeance. universités privées, 39 chaînes de radio et décrets ayant force de loi autorisés par l’état de télévision, 45 quotidiens et 3 agences de d’urgence promulgué pour une période de «Une intelligence supérieure» presse ont été fermés, leurs biens con­ trois mois reconductible. Le premier de ce derrière Gülen fisqués. 1 550 doyens de facultés démis de décret institue au sein de chaque adminis­ leurs fonctions, 1 200 associations et fonda­ tration des commissions d’épuration dont La Turquie, elle, est plus affaiblie que tions, une vingtaine de syndicats interdits, les décisions validées par le ministre de jamais. L’économie bat de l’aile, le tourisme une centaine de résidences universitaires tutelle seront irrévocables et sans recours est sinistré. La société fatiguée, fracturée, fermées et confisquées. juridiques possibles. Le décret étend à polarisée. L’armée, qui dans cette mésaven­ trente jours le délai de la garde à vue ture a perdu sa superbe, 42% de ses Par son ampleur, sa célérité et son arbi­ comme lors du coup d’Etat de 1980. Ceux généraux et amiraux, est humiliée et trau­ traire, cette répression massive rappelle qui ont vu le piteux état du général Oztürk, matisée. Sur le plan diplomatique, la situa­ celle consécutive au terrible coup d’Etat mil­ ancien chef de l’armée de l’air, au visage tion n’est guère meilleure. Faute d’autres itaire de 1980. A ceci près qu’il s’agit cette tuméfié et à l’oreille couverte de bandage options, les alliés ont, souvent tardivement fois d’un coup d’Etat civil mené de main de après une nuit de garde à vue, sont horrifiés et du bout des lèvres, apporté leur soutien maître par le président élu du pays qui par cette carte blanche donnée aux tortion­ au régime truc. Mais les relations turco- chaque jour, directement ou par le biais de naires turcs de triste réputation. Pour américaines restent très tendues. Le prési­ chaînes de télévision qui désormais lui sont empêcher tout recours devant la cour de dent turc ne cesse d’affirmer dans ses dia­ toutes soumises, harangue longuement ses Strasbourg, la Turquie a suspendu son tribes qu’il y a «une intelligence supérieure» partisans et le bon peuple qu’il félicite pour engagement de respecter la Convention derrière la puissante confrérie Gülen dont le leur mobilisation et à qui il présente le bul­ européenne des droits de l’homme. chef est depuis 1999 exilé aux Etats-Unis, letin quotidien du «grand nettoyage en autrement dit et compris par les Turcs, c’est cours». Après l’élimination des «gülenistes traîtres à bien Washington qui manipule le prédica­ la patrie» viendra sans doute le tour des teur pour empêcher les ambitions régionales La purge vise d’abord tous ceux qui sont «traîtres kurdes complices du PKK», y com­ de la Turquie «tout comme il soutient les soupçonnés d’appartenance ou de sympa­ pris des députés, des maires et d’autres élus milices kurdes du PYD en Syrie pour nuire à thie envers la confrérie Gülen, accusée par du Parti démocratique des peuples (HDP), nos intérêts». le pouvoir turc d’avoir ourdi la tentative de bête noire du régime. Le Parti d’action putsch nationaliste (MHP) d’extrême droite, qui a Quant à l’Union européenne qui, obnubilée voté l’état d’urgence, est en voie de vassali­ par la crainte d’un nouvel afflux massif de Cette confrérie, créée dans les années 70, à sation. Il ne restera plus pour la vitrine de la réfugiés, s’est jusqu’ici montrée fort accom­ un moment où les Américains avaient démocratie turque que le vieux Parti répub­ modante envers un régime de plus en plus encouragé, dans l’ensemble du monde licain du peuple (CHP), fossilisé et peu dan­ autoritaire et répressif, elle devrait dans le musulman, l’islam politique comme anti­ gereux pour le pouvoir car son audience se contexte actuel suspendre toutes les négoci­ dote idéologique contre les mouvements de limite au littoral égéen, à la minorité alévie ations d’adhésion en cours jusqu’au rétab­ gauche nationalistes et anti-impérialistes. et à ce qui reste de la vieille élite kémaliste. lissement à Ankara d’un régime décent, Elle a prospéré dans les années 80-90 et a respectueux des droits de l’homme et des mis en place un vaste réseau d’écoles et Débarrassé de ses ennemis intérieurs, libertés publiques. d’œuvres sociales en Turquie, dans le investi de super-pouvoirs présidentiels, le Caucase, en Asie centrale et même en sultan Erdogan pourra enfin régner sans Enfin, il serait temps de commencer à Afrique. Considérée comme vecteur de dif­ partage et se consacrer à sa «mission réfléchir sérieusement à la question de la fusion de l’influence culturelle turque, divine» de réislamisation de la Turquie et pertinence de l’appartenance de la Turquie à soutenue par les pouvoirs publics, elle a été fermer ainsi la longue parenthèse laïque l’Otan. Alliance militaire de défense des la meilleure alliée de l’AKP dans sa conquête imposée par Atatürk. Il pourra faire con­ démocraties occidentales, celle-ci, dans ses du pouvoir et tout au long du processus de struire à loisir de nouvelles mosquées, dans principes fondateurs, exige notamment de la mise au pas de l’armée, de la police et de un pays qui en compte déjà 85 000, dans la ses membres de favoriser, outre le plural­ la haute magistrature turque dominées moindre école, la moindre caserne, la moin­ isme politique, le règlement pacifique des depuis les années 20 par une élite kémaliste, dre administration. Les écoles de formation conflits à l’intérieur de leurs frontières et laïque et anticléricale. Ce n’est qu’en décem­ d’imams et prédicateurs (Imam-Hatip), qui avec leurs voisins afin de limiter les risques bre 2013, lorsque, estimant que leur allié sous son pieux régime sont passées de 60 de confrontations armées déstabilisatrices. Erdogan devenait trop arrogant et peu 000 élèves à 950 000, pourront prospérer La relance en juillet 2015 du conflit kurde, reconnaissant, que la confrérie a décidé de davantage et truffer les rangs d’une armée qui aurait pu être réglé par l’octroi d’un croiser le fer avec lui en lançant une vaste traumatisée et leur insuffler leur ferme foi statut d’autonomie respectant les frontières, campagne contre la corruption de sonclan et islamique. montre que telle n’est pas l’approche du de son gouvernement. Du meilleur allié à pouvoir turc qui a par ailleurs entretenu qui nombre de ministres ne manquaient pas Le succès du putsch aurait sans doute pendant des années une coupable con­ de rendre visite lors de leurs déplacements plongé le pays dans une guerre civile, car, nivence avec les mouvements djihadistes aux Etats-Unis, le puissant prédicateur contrairement aux précédents gouverne­ syriens et refusé, jusqu’à il y a un an, à ses Gülen est ainsi devenu la bête noire ments turcs renversés par des coups qui alliés l’utilisation de ses bases aériennes d’Erdogan qui le stigmatise depuis comme avaient une assise électorale hétérodoxe et dans leur guerre contre Daech. ♦ le chef d’une organisation terroriste. clientéliste peu militante, le gouvernement d’Erdogan dispose d’une base idéologisée

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N E W S ! 26 Ju ly 2016 Can Syria's Kurds realise territorial ambitions?

By Lina Sinjab BBC News 26 July 2016 http://www.bbc.com

hen the Syrian protest movement started W in 2011, it was young Kurds in Amouda, in the north of the country, who took to the streets, calling for freedom and democracy. President Bashar al-Assad soon announced he ■ Kurdish populated would recognise some of the rights demanded by ■ Kurdish militia control TURKEY the Kurds and allowed them to register as citi­ ■ IS control zens and hold an identify card, a right they have SYRIA- been deprived of since 1962. ■ Government control IRAQ But the Kurds rejected the concessions, saying □ Rebel control they would wait to get their rights once all Syrians achieved freedom and democracy. Five years on the scene is different. As the war has dragged on in Syria, Kurdish groups have taken the opportunity to gain more power. TURKEY oDiyarbakir The PYD (the Democratic Union Party) declared self-administration in the Kurdish region of Syria in November 2013. Qamishli Other Kurdish parties formed the Kurdish Azaz Kobanet^®urLIC o Dohuk National Council, which is part of the main anti- oHassakéh Assad opposition group, the Syrian National Coalition. Irbilo oRaqqa The PYD is close to the Kurdistan Workers' Party - the PKK - which is banned in Turkey and regarded by many Western governments as a IRAQ terrorist organisation. SYRIA "The PYD had popularity on the ground as they 100km were addressing the Kurdish population's con­ 100 miles cerns. They are pragmatic and organised, unlike Source: ISW other Kurdish parties who failed to deliver," says □□s Farooq Haji Mustafa, a Syrian Kurd journalist and fighting. not allowed into certain parts of Tal Abyad and families of the Kurdish fighters now inhabit their founder of the Barchav Centre for Media and Some have gone so far as to accuse them of houses. The ones who were allowed back needed Freedom, in Gaziantep, southern Turkey. being another face of the Syrian regime. a Kurdish guarantor before they could get to "The Kurds were attacked by some Islamist Shero Alo is an opposition activist from Ifrin in their own towns," he said. groups like Jabhat al-Nusra, therefore they felt Aleppo province in the north of Syria. He was owever, a PYD spokesman, Dr Juan Mustafa, they were not part of the Syrian revolution. They part of the Kurdish opposition but had to leave told the BBC that Kurdish forces had not thought they should seize the opportunity and his town due to, he said, threats from the PYD. H protect Kurdish interests. carried out any abuses. "They threatened, arrested and beat us up during "There are no violations at all in Tal Abyad. All the "The PYD delivered and were supported by our protests. Anyone who opposes them is sent families who left came back," he said. regional and international agreements since they to prison. Some have been jailed for two or three were the only force that is reliable in the fight years," Mr Alo said. "When Syrian Democratic Forces enter a town or against Islamic State," he added. an area it is due to calls from the families to come This view is shared by some Arab activists who and liberate them from the atrocities of IS." 'DRIVEN OUT' say they witnessed abuses in Tal Abyad, a pre­ But Mr Haji Mustafa says the PYD is a totalitarian dominantly Arab town on the outskirts of Raqqa, The PYD/YPG have previously acknowledged party, doesn't like opposition to its rule and has captured from IS last year by the YPG, the mili­ what they called some "isolated incidents" of acted violently against some in their community. tary wing of the PYD. forced displacements. The PYD later came to form the Syrian "When the PYD entered Tal Abyad in 2015, they A picture of alleged abuses has not emerged in Democratic Forces, along with some Arab tribes, pushed all the Arabs out of their homes," said the current battle for Manbij - a predominantly and it's the SDF which has become one of the Ahmad Haj Saleh, who has been documenting Arab city held by Islamic State fighters near their main powers inside Syria fighting so-called the activities of the PYD since 2015. stronghold of Raqqa. Islamic State (IS) - with support from Western "They looted and tortured and imprisoned peo­ This offensive is being carried out by forces coalition forces. ple. They used a hole to bury people alive in the including the US-backed SDF and SDF-allied But there is criticism of the SDF over how they same place that Islamic State fighters used to Manbij Military Council (MMC). have mass graves. have allegedly acted towards Kurdish opponents MMC spokesman Shervan Darwish says they are and civilians in areas in which they have been "Most of the Arabs who were pushed out were doing everything they can to protect *»

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*♦ civilians while they push IS out of the city. are partners in the fight against IS - and Russia Ismail Sharif is a Kurdish journalist from Amouda. He wants a democratic and united Syria and left "We have nothing to do with who will rule Manbij But it alarms Damascus and the Turkish govern­ his town due to fears of reprisal attacks from the - or how it will be ruled. The civil council will ment, a foe of President Assad. PYD. decide there," he said. Recent reports say that Algeria is brokering talks He still believes it is hard for them to create a "We are here to protect the civilians and to free between Damascus and Ankara over a common Kurdish state and to split the country. their city. It is up to them how to rule it after." Kurdish threat. "Unfortunately now there is a proxy war and 'COMMON THREAT' Although some believe that the Syrian govern­ there are many dictators in Syria. I don't think ment helped facilitate the PYD's role in the north The PYD has made calculations in its own long­ there will be a division of Syria," he said. at the start of the conflict, the fact that the group term interest. It seized control over most territo­ has become more powerful now makes "The PYD cannot rule one area from Kobani to ries with a Kurdish population in Syria and now Damascus wary. Ifrin with many Arab towns and villages in the considers them as a federal region. middle. Turkey does not want a Kurdish state on its own It has presented itself as a partner for the inter­ border and the PYD is linked to the PKK - which "They cannot continue ruling across this area national community in fighting terrorism and just Ankara blames for many attacks in Turkey. without an agreement between all Syrians in a recently announced a constitution that would free and democratic country that ensures equal govern what it calls Rojava - the Kurdish areas of NEED FOR CONSENSUS and full rights for all its citizens." ■ Syria - as well as other parts of northern Syria in While the Kurds have proven to be reliable in the partnership with some Arab tribes there. fight against IS in the north of the country, there his territorial expansion and new power for is some unease about their ambition to separate Tthe PYD has been supported by the US - who entirely from the rest of Syria.

/ffP Syrie: I'EI ignore l'ultimatum des forces arabo-kurdes à Minbej

Beyrouth, 23 juiletl 2016 (AFP) Les forces arabo-kurdes avaient affirmé jeudi avoir lancé leur ultimatum de 48H dans le but de préserver la vie des civils encore présents. LE GROUPE Etat islamique (El) a ignoré samedi la fin de l'ultimatum que Cette annonce était intervenue deux jours après des raids de la coalition inter­ lui avaient lancé deux jours plus tôt des forces arabo-kurdes pour que ses nationale ayant tué une cinquantaine de civils près de Minbej selon un bilan de combattants évacuent la ville syrienne de Minbej (nord) où il sont l'OSDH. assiégés. Indignée, l'opposition syrienne avait appelé la coalition à suspendre ses frappes "La période de 48 heures est terminée" et les jihadistes "n'ont pas répondu" à en Syrie le temps de mener une enquête alors que des militants syriens et des cette offre de repli, a indiqué à l'AFP un commandant du Conseil militaire de ONG avaient fait part de leur colère. Minbej sous le couvert de l'anonymat. Le porte-parole de la coalition internationale, le colonel Chris Garver, a affirmé Les combattants de l'EI ont au contraire attaqué les positions des Forces vendredi que l'EI "utilisait des civils comme boucliers humains et comme démocratiques syriennes (FDS), une alliance militaire arabo-kurde syrienne appâts" à Minbej pour "attirer sur eux le feu" des forces arabo-kurdes. soutenue par Washington, a affirmé ce responsable. Par vidéo-conférence depuis Bagdad, il a expliqué que la coalition avait reçu, Il a précisé que l'EI "n'aura plus d'occasions comme celle-là" de fuir cette cité, après les frappes de mardi, "des informations (...) selon lesquelles il y aurait pu point de passage important sur l'axe qui permet au groupe jihadiste d'acheminer y avoir des civils mêlés avec les combattants de l'EI”. de l'approvisionnement depuis la Turquie vers les régions qu'il contrôle en Syrie. La première phase de l'enquête de la coalition s'achèvera "d'ici une semaine et Un commandant des FDS à l'intérieur de Minbej a confirmé à l'AFP que des demi", a-t-il dit. combats étaient en cours samedi, principalement "près des bâtiments de la M. Garver a aussi indiqué que la résistance des jihadistes était plus intense à Sécurité dans le centre". Minbej que lors des récentes campagnes dans les villes irakiennes de Ramadi Des bombardements aériens de la coalition internationale dirigée par les Etats- et Fallouja, reprises par les forces progouvernementales avec l'appui de la coali­ Unis ont également visé des positions de l'EI, selon l'Observatoire syrien des tion. droits de l'Homme (OSDH). La résistance jihadiste va croissante à mesure que les FDS se rapprochent du La coalition a elle affirmé avoir procédé vendredi à neuf frappes près de Minbej. coeur de la ville, "ce qui est assez différent de que ce que nous avions vu à Ramadi et Fallouja", a dit le colonel Garver. "C'est une lutte comme nous "L'EI résiste farouchement aux tentatives des FDS de progresser à l'intérieur de n'avions pas vue auparavant", selon lui. la ville et pousse des enfants vers la ligne de front malgré la fin de l'ultimatum", a précisé le directeur de l'OSDH Rami Abdel Rahmane. Ailleurs en Syrie, où le conflit a tué plus de 280.000 personnes depuis cinq ans, au moins huit civils sont morts samedi dans des frappes aériennes sur la ville Le commandant du Conseil militaire de Minbej, composante des FDS, a assuré de Jisr al-Choughour (nord-ouest), selon l'OSDH. que ses forces allaient "intensifier" leurs attaques contre l'EI et cherchaient à établir "des passages sécurisés" pour que des civils sortent de Minbej. L'Observatoire a également fait part de la mort de six autres civils de la même famille, dont quatre enfants, dans un raid sur un petit village de la province cen­ - 'BOUCLIERS HUMAINS' - trale de Hama. •

REUTERS largely Kurdish southeast on Wednesday, security sources said. Two Turkish soldiers The bomb was detonated by remote control as the vehicle passed through a highway near Siirt, in southeast Turkey, the sources said. killed in bomb attack Members of the outlawed Kurdistan Workers Party (PKK), which has waged a three-decade insurgency against the Turkish state, frequently target military and security force cars and trucks with roadside bombs. in Kurdish southeast Air-backed operations had been called in to target militants in the region, the sources said. Troop reinforcements and helicopters had been dispatched, they July 27,2016 by Seyhmus Cakan in Diyarbakir REUTERS said. Two soldiers were killed and one wounded when a roadside bomb det­ The mainly Kurdish southeast has been scorched by some of the worst fighting onated by Kurdish militants hit a passing military vehicle in Turkey's since the height of the insurgency in the 19 9 0 s, after a ceasefire between the state and the PKK fell apart in July last year. •

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TIME Ju ly 26 - A gu. 1, 2016 Vol 188 No 5______wasn’t until the next morning, after Erdogan had rallied his SPECIAL REPORT supporters to the streets, that it became clear the attempt had failed. Some 280 people were killed, according to the Presi­ dent, including 10 0 he called coup participants. Turkey’s The attempted coup came after a year in which Turkey’s reputation as an oasis of stability in the chaotic Middle East has crumbled. Conflict reignited between the government long and Kurdish separatists in July 20 15. The country has been rocked by a devastating series of attacks against civilians blamed on both ISIS and Kurdish militants, culminating in the ISIS assault on Istanbul’s main airport in June. The night of traumas deepened political divisions in Turkey, where rival camps already viewed each other with increasing distrust as Erdogan gathered more and more power. Now, as he clamps the soul down further in an effort to reassert control, the coup attempt By Jared Malsin/Istanbul has deepened anxieties about the suddenly uncertain future of this NATO member and longtime U.S. ally. WHEN TURKISH MILITARY OFFICERS SET IN MOTION AN attempted coup d’état on the night of July 15 , lawmakers in the o n t h e n i g h t of the coup attempt, Tanal was at a bar- capital, Ankara, were quick to rush to the parliament building. association office in Ankara when he heard fighter jets flying As explosions rocked the capital and President Recep Tayyip low over the capital. He checked social media and saw that sol­ Erdogan was nowhere to be seen, it appeared the lawmakers diers had blocked bridges in Istanbul. He soon heard of an at­ might be making their last stand in defense of Turkey’s de­ tack on the intelligence headquarters in Ankara and thought he mocracy. Before heading to government headquarters, oppo­ stood a better chance of avoiding arrest at the fortified parlia­ sition lawmaker Mahmut Tanal brought a copy of the Turkish ment complex with other MPs. Still, he brought a bag of items constitution. Another, Orhan Atalay from Erdogan’s ruling he might need in prison—including that copy of the constitu­ Justice and Development Party (AKP), grabbed his gun. tion. “I’m a lawyer and a member of the human-rights commit­ That might have been the better choice. Turkish and U.S. tee in parliament,” he says. “I know what’s needed in jail.” officials now believe the attempted coup was a serious and In a different part of the city, Atalay of the ruling AKP was well-armed bid for power that came within a hairbreadth of at home when he heard an explosion. After making calls, he succeeding. The coup plotters commanded tanks, helicopters learned that a coup attempt was under way. He took his gun and F-i6s. They opened fire on crowds, invaded television and, as he got into his car, heard yet another explosion, this studios and shelled the main parliament building. By his own time at a nearby police headquarters. “I saw the flames with account, Erdogan narrowly avoided capture and possibly ex­ my own eyes,” he says. ecution, fleeing minutes before troops raided his hotel in the Lawmakers from three parties soon gathered in the main seaside town of lylarmaris, where he had been on vacation. It parliament hall while leaders of the fourth, the pro-Kurdish Peoples’ Democratic Party, sent messages expressing solidar­ ity. Speaker Ismail Kahraman delivered a defiant address, de­ claring the parliament still in session. But even as he spoke,

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LightBox Soldiers involved in the attempted coup surrender on the Bosporus Bridge in Istanbul early on July 16; thousands of suspected plotters were later rounded up

Photograph by Gokhan Tan— Getty Images

78 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti lawmakers heard an explosion, an ap­ ‘This parent bombing nearby. Ten minutes uprising is later there was a second blast, this time a direct attack on the parliament build­ a gift from ing, prompting shouting and chaos in­ God to us side the chamber. because At about the time the MPs were this will be evacuating the main parliament cham­ a reason ber, Erdogan made his first public state­ to cleanse ment since the coup attempt had gotten our army.’

under way. He appeared not in a TV stu­ 1* » PRESIDENT RECEP dio or a government office but via video TAYYIP ERDOGAN, chat on a newscaster’s phone, in a mo­ addressing the ment that suggested a tenuous grasp on people of Turkey in the early hours power. He nevertheless struck a defiant of July 16 tone, urging the Turkish public to take to the streets to oppose the coup. “I am also on my way,” he said. Crowds of protesters soon re­ sponded. In Ankara, they assembled on But the aftermath of the insurrec­ the street outside the parliament, facing tion threatens to worsen long-standing People in Istanbul clamber onto tanks. In Istanbul, Turkey’s largest city, disagreements between Ankara and tanks and challenge soldiers taking 270 miles northwest of the capital, the Washington over democratic reform in part in the attempted coup on coup plotters deployed tanks blocking Turkey and tactics in the fight against the night of July 15 two key bridges spanning the Bosporus ISIS across the border in Iraq and Syria. Strait that separates the European and Following the coup attempt, Turkish Asian sides of the city. Hundreds of authorities hastily restricted airspace ington is concerned that Erdogan may around Incirlik air base, where a tanker protesters gathered in the vast plaza of grow increasingly illiberal in the after­ took off that refueled planes comman­ Istanbul’s Taksim Square. In the center math of the coup. “We have an interest deered by the coup plotters, appar­ of the square, soldiers ringed a statue, in Turkish democracy writ large,” says ently without the knowledge of the U.S. facing out toward protesters who jeered the State Department official. forces also stationed there. Some pro­ in their faces. With sporadic gunfire Those fears are already coming true. government media and officials have in the background, the crowd chanted Erdogan has begun purging the state of advanced conspiracy theories that the a universal Muslim call and response: thousands of soldiers, police, judges and U.S. had covertly or overtly backed the “Takbir—Allahu akbar!” or “God is other civil servants accused of links to coup—charges Washington denies. great! The greatest!” the coup plot. But he went beyond those The airspace restrictions briefly After evading the coup plotters, involved with the insurrection—the halted operations in the U.S.-led bom b­ Erdogan flew not to the capital but to government also sacked some 20,000 ing campaign against ISIS. Though U.S. Istanbul, where he served as mayor employees of the Ministry of Educa­ operations have since resumed, Ameri­ from 1994 to 1998 and where he enjoys tion and demanded the resignation of can officials privately worry about fu­ a broad base of popular support. Land­ 1,577 university deans. Academics have ture access to the base in southern Tur­ ing at Istanbul’s Ataturk International key, which is also where NATO’s largest been barred from traveling abroad, ac­ Airport between 4:00 and 4:30 in the nuclear arsenal is stored. And Wash- cording to state media. And on July 20, morning, Erdogan delivered another Erdogan declared a three-month state fiery address, confirming that he re­ of emergency. mained in power and denouncing the ‘W E W ILL The government blames the coup on coup as an act of treason—one he would CONTINUE TO Fethullah Gulen, an influential Turkish not forgive. “They will pay a heavy price CLEANSE THE religious leader who has lived in self- for this,” he said. “This uprising is a gift imposed exile in Pennsylvania since from God to us because this will be a VIRUS FROM 1999 and fell out with Erdogan in 20 13. reason to cleanse our army.” ALL STATE The government says Gulen’s followers institutions : established a vast network within state THOUGH U.S. SECRETARY OF STATE institutions, which it is now trying to RECEP TAYYIP ERDOGAN, President of Turkey, John Kerry initially responded cau­ speaking to mourners at a funeral for victims eliminate. Erdogan has demanded that tiously to the early reports of the coup of an unsuccessful military coup the U.S. extradite Gulen, who denies attempt, President Obama later issued any role in the coup plot. White House a statement saying Washington “agreed officials say they are skeptical of the ac­ that all parties in Turkey should support cusations but are not ruling them out. the democratically elected government Erdogan’s harsh reaction is perhaps of Turkey, show restraint and avoid any to be expected given how close he came violence or bloodshed.” A senior State to losing his office—and potentially his Department official said later that the life. But the latest measures have fueled decision on the U.S. response had been fears that he is using the coup attempt made quickly. “It was not a hard call for to suppress critics who had no connec­ us to stand up for Turkish democracy tion to the insurrection. “I hope and I and rule of law and against the notion of wish that the party in power learns a use of force to take power.” lesson,” says Tanal, the opposition law­

79 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti maker. “The regime they are running gan looks to be settling scores with has made a lot of mistakes.” THE RISK REPORT enemies both real and imagined. a s t h e s u n r o s e on July 16 , silence Europe’s Turkey How will Europe respond? fell over Ankara and the sheltering MPs problem Events in Turkey have exposed began to peer out of the parliament By Ian Bremmer ugly truths about Europe. It’s headquarters. Everywhere in the com­ harder to defend liberal democ­ pound there were security men, includ­ EARLIER THIS YEAR, THE E.U. racy when multiple E.U. members ing some the lawmakers recognized reached a deal with Turkey to slow refuse to accept small numbers and others they didn’t. “Everybody was the flow of refugees. As a condi­ of migrants according to a quota scared of each other,” says Tanal. Some tion, the E.U. promised to allow system set by majority vote of police he had previously known walked Turks visa-free travel to Europe E.U. states. Or when xenophobic him to his car. To his surprise, the ve­ in exchange for President Recep voices rise in liberal countries like hicle was intact, unscathed by the shell­ Tayyip Erdogan’s promise to ob­ France, Italy and Denmark. ing. He drove home in the morning sun. serve principles of democracy and Even in defense of liberal de­ The coup attempt has yielded a polit­ human rights. So far the deal re­ mocracy, there is sometimes a ical paradox. It prompted a moment of mains in place, but Erdogan says case for compromise. But the next unprecedented unity as the vast major­ it can’t continue unless Europe chapter of Turkey’s history—and ity of Turks—including some opposed keeps its promises on travel. The Europe’s response—will tell us to the government—came together over E.U. says the offer is valid only just how deep Europe’s leaders the course of a long night to resist an when Erdogan enacts changes. will bury their principles to avoid attack on democracy. But unless Erdo- Then came Turkey’s failed the next crisis. gan joins them in that unity, Turkey’s coup. Those outside Turkey who divisions will only deepen. “The people saw brave citizens face down Erdogan says did what they needed to. They stood by tanks on live TV might think it he will purge the govèrnment. They showed political represented a clear-cut win for de­ Turkey of maturity,” says Nigar Goksel, a senior mocracy. There’s no denying that those involved analyst on Turkey at the International Erdogan’s party has a real man­ in the coup Crisis Group in Istanbul. “Now the date. But thousands have been ar­ ball is in the court of the government rested since the coup, and 2,745 to reciprocate.” —With reporting by judges have been removed. Erdo­ MASSIMO CALABRESl/WASHINGTON □

jactiv.ouest-france.fr « j u i l l e t 2016 Quel avenir pour la Turquie après le coup d'État avorté ?

Par Recueilli par Gilles KERDREUX. référendum au bon moment en fonction des son­ 18 juillet 2016 http://jactiv.ouest-france.fr dages ! Des conséquences sur la question kurde ? Cengiz Aktar est profes­ seur de sciences politiques à Le régime arrivera à contrôler le pays, sauf Istanbul. Il est pessimiste sur les Kurdes. Ils n'ont aucune stratégie vis-à-vis de l'avenir de la Turquie après le cette question. Tant que les Kurdes représentent Pendant le coup d'État, le président en la seule chance crédible pour combattre Daech, coup d'État avorté. visioconférence sur smartphone. © Reuters la Turquie continuera à gueuler mais elle n'aura aucune prise sur le terrain. La question kurde Avec l'échec de ce coup reste le talon d'Achille de l'État. Il n'y pas d'autres d'État, peut-on dire que la solutions qu'une volonté de partager le pouvoir, Ces relations ne correspondent plus à rien. démocratie a été sauvée ? de sortir de la centralité, de discuter d'égal à égal On fait semblant des deux côtés. La période de Quelle démocratie ? La démocratie turque avec les Kurdes. préadhésion est morte et enterrée depuis belle se réduit comme une peau de chagrin depuis Un risque de division croissante entre les lurette. des années. Un coup d'État n'est jamais souhai­ laïcs et les religieux ? Et avec les États-Unis ? table mais c'est une bévue de dire que la démo­ Il n'y a aucune alternative politique capable Erdogan cherche par tous les moyens à cratie a été sauvée ! D'autant qu'il y a beaucoup de galvaniser toutes les voix des mécontents. obtenir l'extradition du chef religieux et opposant à dire. On commence déjà à parler de pseudo­ Beaucoup de gens qui ne voient plus du tout leur Fethullah Gülem. Ils font du forcing en fermant la coup d'État. Le régime va l'utiliser, et a déjà com­ avenir en Turquie partent quand ils en ont les base militaire d'Incirlik utilisée par tous les alliés mencé avant même la fin des événements, pour moyens. On assiste à une fuite des cerveaux. pour lutter contre Daech. purger l'armée et la justice. Il y a déjà eu plus de Les laïcs cherchent à survivre ailleurs. Pourtant Fethullah Gülem a condamné le 2 000 juges mis à la porte depuis samedi matin. Et les réfugiés syriens ? coup d'État ? Le président Erdogan ne va-t-il pas être Ça complète le tableau. Le régime fait de Oui, mais le régime a décidé qu'il avait été de nouveau tenté de changer la constitution l'ingénierie démographique. Ils les installent fomenté par les militaires proches de lui. pour aller vers un régime plus présidentiel ? dans des contrées habitées par les Kurdes et les Je vous sens pessimiste... Bien sûr. Il va tout faire pour rester au pou­ Alévis pour changer la composition ethnique et Derrière une apparente stabilité, la Turquie voir à vie. Il va se présenter comme un recours religieuse. C'est très dangereux. va rester une source d'instabilité pour les décen­ unique pour sauver la démocratie. Et va installer Quelles conséquences sur les relations nies à venir d'abord pour elle-même, pour la un régime présidentiel à la Poutine. Il suffit d'un entre la Turquie et l'Union européenne ? région immédiate et pour l'Europe. ■

80 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti Le Point ÉDITORIAUX Le vrai coup d’Etat de Recep Erdogan

L’homme fort de la Turquie vise à construire un Etat AKP et à supprimer tout contre-pouvoir. Par Nicolas Baverez a Turquie vient de connaître un double coup d’Etat. Le pre­ disparition de tout contre-pouvoir parlementaire ou judiciaire L mier, militaire, a fait long feu. Le second, politique, a été comme de toute opposition. L’Etat de droit se trouve déman­ conduit de main de maître par Recep Erdogan. Il est en passe telé et la société quadrillée par la mise en place d’une terreur de lui assurer un contrôle total sur la Turquie, qui n’aura échappé larvée, sur fond de menace du rétablissement de la peine de à la dictature militaire que pour basculer dans une démocra- mort, abolie en 2004. Le suffrage universel subsiste, mais à l’état ture islamique. de fiction. Toutes les structures d’une démocrature islamique La tentative de coup d’Etat militaire semble largement im­ se mettent en place : idéologie de l’Etat-AKP érigée en vérité ab­ provisée. Le lourd bilan- 240 morts parmi les civils et les forces solue ; culte de la personnalité d’Erdogan ; contrôle de la société fidèles au président Erdogan, 104 décès du côté des putschistes et des médias ; mise sous tutelle de l’économie par des oligarques et plus de 1400 blessés - témoigne de sa violence. Pour autant, liés par un pacte de corruption à l’AKP. Avec des conséquences le soulèvement militaire était voué à l’échec dès lors que l’ar­ majeures pour la Turquie et le reste du monde. mée était divisée, que la haute hiérarchie - notamment le gé­ Au plan économique, le pays va droit au krach. Son dévelop­ néral Hulusi Akar, chef d’état-major- était hostile à l’opération, pement, marquéparunecroissancede3,8 %, est tiré par la consom­ que sa planification montrait une impréparation totale, que la mation et par les dépenses publiques. Le financement est assuré prise de contrôle des ponts, des aéroports ou de la télévision par la dette extérieure, avec des taux à 10 ans qui atteignent près d’Etat laissait fonctionner les réseaux sociaux et les mosquées, de 10 %. D’où un double déficit budgétaire (4,5 % du PIB) et cou­ qui jouèrent un rôle clé dans la mobilisation de la population. rant (4% du PIB). Ce modèle de développement, qui repose sur Ce coup d’Etat du XXe siècle a été désarmé par les technologies une bulle spéculative dans la construction et l’immobilier, ne du XXIe siècle - l’ironie de l’Histoire voulant que Recep Erdo­ peut qu’imploser avec la chute de la livre et les sorties massives gan, grand pourfendeur des réseaux sociaux, fût sauvé par son de capitaux. Après le Brexit, ce nouveau choc politique renforce smartphone et l’application FaceTime - et par l’émancipation les incertitudes sur l’économie mondiale. de la société civile turque, que le régime AKP cherche à Les implications internationales sont encore plus impor­ tantes. La Turquie joue un rôle clé dans la situation du Moyen- asservir. Comble du paradoxe, tous les opposants au président Orient, la guerre contre l’Etat islamique et l’accueil des réfugiés Erdogan, y compris les Kurdes, ont dénoncé le coup d’Etat comme une atteinte inacceptable à la démocratie, tandis que syriens, dont 3 millions ont trouvé asile sur son sol. Elle appar­ Recep Erdogan l’utilisait pour liquider les libertés. tient à l’Otan et abrite la base aérienne d’Incirlik, vitale pour Le putsch est indéfendable. Mais le véritable coup d’Etat est les opérations de la coalition. La constitution d’un axe des au­ le fait de Recep Erdogan. Il vise à construire un Etat AKP et à tocrates avec Vladimir Poutine conforte le chaos au Moyen- supprimer tout contre-pouvoir. Il se traduit par la proclama­ Orient et affaiblit la lutte contre l’EI, d’autant que les adversaires tion de l’état d’urgence - qui peut se justifier -, mais surtout prioritaires de Recep Erdogan sont plus que jamais les Kurdes. par une épuration sans précédent et sans lien avec le soulève­ Un nouveau front à haut risque s’ouvre aux frontières de l’Union ment d’une minorité de l’armée. En une semaine, 13 000 m ili­ européenne, tout en fragilisant l’Otan du fait de l’exacerbation taires, policiers et magistrats ont été emprisonnés et plus de des tensions avec les Etats-Unis autour de la demande d’extra­ 60000 fonctionnaires démis de leurs fonctions. Plus de 2 000 en­ dition de Fethullah Gülen. seignants ont été mis à pied, les 1 5 7 7 recteurs et doyens d’uni­ La Turquie peut prétendre être un partenaire au sein de coa­ versités publiques et privées contraints à la démission, les litions ad hoc, mais certainement pas un allié de l’Occident. Pour universitaires ont reçu l’interdiction de se rendre à l’étranger sa part, l’Union européenne doit clarifier rapidement sa straté­ et ceux qui s’y trouvaient l’injonction de rentrer sans délai. Les gie vis-à-vis d’Ankara. La Turquie doit être aidée financièrement radios et télévisions n’ayant pas fait allégeance à l’AKP se sont pour l’accueil des réfugiés syriens, mais il doit être mis fin sans vu retirer leurs licences. délai à la candidature d’entrée dans l’Union ou à la libéralisation Au lendemain d’un coup d’Etat mort-né, qu’Erdogan a qua­ des visas. La construction européenne peut moins que jamais lifié de «don de Dieu», la Turquie n’a plus rien d’une démocra­ s’élargir à une démocrature islamique au moment où elle orga­ tie. La révision de la Constitution va légaliser l’autocratie et la nise sa séparation d’avec la plus vieille démocratie du monde. A terme, l’autocratie et la radicalisation religieuse couperont la Turquie de la modernité et en referont l’homme malade de l’Eu­ Toutes les structures rope. Les putschistes ont permis à Erdogan de prendre en otage d’une démocrature islamique la société turque ; l’Union et l’Otan n’ont aucune raison de le lais­ se mettent en place. ser en faire de même avec l’Europe et la démocratie ■

81 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti Le Point 2290 | 28 juillet 2016

Répression. Quelques heures Quelques heures^ après le putsch manqué, Répression. Hommage. Le président les arrestations se multiplient après le putsch manqué, (ici, le 16 juillet, à Ankara;. turc Erdogan (au centre) les arrestations se multiplient et son prédécesseur, (ici, le 16 juillet, à Ankara). J j Abdullah Gül (à dr.), aux obsèques des victimes du putsch avorté à Istanbul, le 17 juillet.

Turquie, le deuxième coup d’Etat dogan que le maître d’Ankara juge sonnes, majoritairement des sol­ Vengeance. Arrestations, responsable du putsch qui a voulu dats, placées en garde à vue. Un à purges, limogeages, Recep sa peau. « Un virus qui, tel un cancer, un, les ministères publics ont été s’est propagé à l’ensemble de l’Etat. » expurgés. En l’espace de quelques Tayyip Erdogan a juré la perte C’est comme cela, quelques heures heures, sans motif réel avancé, de ceux qui ont osé le défier... à peine après le coup d’Etat plus de 50 ooo fonctionnaires ont surréaliste qui a tenté de le mettre été licenciés, dont plus de et muselle le pays. àterre, que le sultanislamo-conser- 20 ooo rien que dans l’Education Vers la dictature ? vateur a décrit ses anciens alliés de­ nationale. La presse n’est pas épar­ vant la foule de ses partisans réunis gnée. A travers le pays, plusieurs à la mosquée Fatih d’Istanbul, en dizaines de journalistes, accusés de «rouler» pour le mouvement DE NOS ENVOYÉS SPÉCIAUX ARMIN AREFI mémoire des victimes. « Comment le gouvernement a-t-il güléniste, sont traqués par la po­ (À ANKARA) ET QUENTIN RAVERDY lice. Et, pour mieux débusquer les (À ISTANBUL) pu rassembler 6o ooo nomsenapeine deu x jo u rs ?» demande Lam i Oz- « traîtres » sans s’embarrasser des e vieil homme attend depuis gen, le patron de la Confédération entraves de la justice, «infiltrée» plusieurs heures derrière des syndicats de travailleurs du selon lui, Recep Tayyip Erdogan a les grilles de fer dressées par la instauré pour trois mois l’état d’ur­ L service public (KESK), s’indignant gence, une première en seize ans. police devant le palais de justice de là répression qui a suivi l’échec d’Ankara. En compagnie de Niché dans les combles de l’uni­ de l’étrange tentative militaire de sa femme voilée, il fait les cent pas. versité Marmara d’Istanbul, le bu- prise du pouvoir dans le nuit du «M onfils ne savait rien du coup qui se reaud’IbrahimKaboglucroulesous r 5 juillet. « S ’il avait des noms, pour­ préparait. Il a juste suivi les ordres la paperasse. Le professeur de droit quoi n’a-t-ilpas arrêté toutes ces per­ de sa hiérarchie/» A quelques mètres constitutionnel s’inquiète des sonnes avant le putsch?» Derrière chiffres des purges qui montent en du couple, indifférents, des dizaines un modeste petit bureau apparte- flèche. «Qui sont tous ces gens ? de- d’habitants d’Ankara s’impa­ nant à la centrale, au cœur mande-t-il. Onnenous donne que des tientent en n’apercevant toujours d’Ankara, le leader syndical dé­ gros chiffres mais on ne sait rien. C ’est pas le bus qui les ramènera chez coche calmement ses ■ ■ ■ eux. Le patriarche ne désespère pas sûr qu’il y a parmi eux des arresta­ et jure à qui veut l’entendre: ■ ■ ■ flèches contre l’exécutif tions d’enseignants sympathisants de « On souffre terriblement On dit qu’il turc: «Le gouvernement prétexte le la confrérie. M ais il doit aussi y a voir est torturé et n’a rien à boire ni à man­ coup d’Etatpourfaire taire toute voix des professeurs laïques qui ont simple­ g er!» Rien n’y fait. Le nom de son discordante. » Mais le « Sultan » fait ment osé critiquer la politique du gou­ la sourde oreille. Fort du soutien fils figure sur laliste des 6o ooo per­ vernement.» En revanche, cet contraint de l’ensemble de l’oppo­ universitaire respecté à l’allure soi­ sonnes soupçonnées d’appartenir sition face aux putschistes, il a déjà à l’«Etat parallèle» güléniste, du gnée est inflexible sur un point: sonné la revanche. Un tiers des gé­ «Renvoyer autant de gens de cette fa ­ nom de cette confrérie religieuse néraux et amiraux de l’armée ont autrefois alliée à Recep Tayyip Er­ çon est illégal.» Et l’homme de re­ été arrêtés. Plus de io ooo per­ douter l’avenir: «Qui remplacera

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Tayyip Erdogan perd pour la pre­ tous ces gens ? Sur quels critères seront l’artillerie turque ait bien ponctuel­ mière fois sa majorité absolue au sélectionnéslesnouveauxenseignants? lement frappé des positions djiha- Parlement. La faute au parti Leur qualification ou leur apparte­ distes en Syrie. «C ela n’était qu ’une prokurde HDP, qui fait une entrée nance politique ?» Cadre du parti is- gesticulation visant à convaincre l’opi- retentissante àl’Assemblée entant lamo-conservateur de l’AKP, Uzeyir nionintemationaledesaguerrecontre que groupe politique, chipant par Isik se montre toutefois intransi­ le Parti des travailleurs du Kurdistan là même les sièges nécessaires aux geant :«Unou20ooo,çan’a pas d’im­ [le PKK, bête noire d’Ankara, islamo-conservateurs de l’AKP pour portance, les institutions du pays NDLR].» En effet, la majorité des asseoir leur pouvoir. A sa tête, le doivent être nettoyées. » frappes de l ’armée turque se fringantSelahattinDemirtas,jeune concentrentdanslesud-estdupays, Faisant fi du déluge de critiques avocat kurde de 43 ans, endosse le occidentales, Recep Tayyip Erdo- costume d’opposant numéro un bastion du PKK. A l’abri des regards, gan contre-attaque: «Aucun de ces au vieillissant Sultan de 62 ans. Re­ des villes entières sont assiégées. pays n’a vécu ce que nous avons vécu, cevant dans le QGultrasécurisé du De longs et sanglants œuvre-feux ils n’ont pas étéconfrontés à une tenta­ parti à Ankara, protégé par un ca- sont imposés. Les civils ne sont pas. tive deputsch visant à détruire l’Etat. » mion antiémeute, Ertugral Kürkçü, épargnés. En représailles, les re­ Raillé en Occident pour sa «folie des l’un de ses cadres fondateurs, ex­ belles kurdes multiplient les atten­ grandeurs»-i\ s’est fait construire tats contre les forces de sécurité. plique comment la « m a g ie » du à Ankara un immense palais de HDP a opéré. «Erdogan ne nous pre­ L’engrenage infernal de la violence 500 pièces -,1e natif duquartierpo- nait pas au sérieux, se félicite, tout est lancé. Ce climat de tension, Er­ pulaire de Kasimpasa, sur la rive sourire, cet ancien révolutionnaire dogan entend le traduire dans les européenne d’Istanbul, tient enfin à la barbe grise. Or, en se posant en urnes, acculant les électeurs à un sa revanche. Ultime provocation, leader des opprim és - les Kurdes, les choix tranché d’avance: lui ou le il évoque un rétablissement de la jeunes, les femmes et tous les démo­ chaos. Son adversaire, Selahattin peine de mort en Turquie, suspen­ «En tant crates -, Demirtas est devenu la meil­ Demirtas, est pris au piège. due en 2004, provoquant l’émoi que Kurde, Demirtas s’est retrouvé leure alternative à Erdogan. D ’autant dans les chancelleries. Le Sultan qu’il est le seul membre de l’opposition dans une situation impossible, pris en peut se réjouir. Il y a un an tout à oser s’opposer publiquement à lui » étau entre le pouvoir et le PKK, dont il juste, il était au plus bas. Blessé dans son orgueil, le maître ne pouvait se démarquer vis-à-vis de d’Ankara disparaît - médiatique- son électorat», souligne un diplo­ Riposte. Le 7 juin 2015, Recep ment-pendanttrois jours, du 7 au mate occidental. 10 juin. Ses opposants jubilent. ' Après avoir affaibli le camp Pourtant, dans l’ombre, il prépare prokurde, le président turc sariposte. Le terrible attentat contre convoque de nouvelles élections un rassemblement de jeunes m ili­ le i ernovembre. En l’espace de cinq tants prokurdes à Suruç, le 20 juil- : mois, le HDP a perdu près de 1 m il­ let 2015, demeure le prétexte parfait. lion de voix. « Ceci n’est pas de la po­ L’attaque abeau avoir étéperpétrée litique mais le règne de laforce, enrage parundjihadistedel’Etatislamique, Ertugrul Kürkçü. C ’est un véritable coup d ’Etat civil de la p a rt d ’un gou- Erdogan décrète sans attendre une vemementillégitime ! » Rien n’y fait : guerre totale contre le terrorisme... l’AKP a bel et bien récupéré sa ma­ sous toutes ses formes. «Il n’a ja- jorité. L’affront est lavé. Cadre du maisfrappél’Etat islamique !»s'écrie, parti islamo-conservateur, Uzeyir écœuré, Ertugrul Kürkçü, bien que Isik s’en amuse : «Lesgens ont voulu changer de chaîne de télévision. Qu’est-ce qu’ils y ont vu ? Du terro­ Symbole. A Istanbul, le 17 juillet, Recep Tayyip Erdogan et l’ex-président turc, Abdullah Gül (à g.), portent le cercueil risme, de la guerre. M ais les Turcs d’une victime de la tentative de coup d’Etat. Erdogan a qualifié de « cancer » le putsch qui l’a visé. sont intelligents, ils ont observé nos résultats, ils sont très vite revenus sur notre chaîne.» En l’espace de quelques heures, Si la victoire politique d’Erdo- gan est incontestable, son pays a sans motif réel avancé, définitivement sombré dans le plus de 50 000 fonctionnaires chaos. La Turquie vit désormais au ont été licenciés. rythme des attentats. Près de 15 at­ taques - attribuées à Daech ou à des groupes liés au PKK - en l’es­ pace d’un an, qui coûtent la vie à plus de 280 personnes et plongent la société tout entière dans la ter­ reur. Et c’est à l’opposition d’en payer le plus lourd tribut. «L es a t­ tentats de Daech ont principalement Angoisse. Des familles de personnes arrêtées patientent devant le palais de justice d’Istanbul, le 20 juillet. La publi­ visélesKurdes, lesmilitantsde ■ ■ ■ cation d’une liste de 60 000 « gülénistes », considérés com m e traîtres à Erdogan, fait craindre des représailles.

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auj ourd’hui totalement désarçon­ née par l’arrivée massive de réfu­ giés fuyant le conflit syrien. Là-dessus, le maître d’Ankara s’est tout d’abord montré étrangement humain, lui qui a accueilli sur son territoire pas moins de 2,7 millions de Syriens. «Nous avons servi débou­ chera l’Europe», aime à rappeler le chef de l’Etat turc. Cette épée de Damoclès qui pend au-dessus de l’Union, Erdogan sait en jouer et la marchander. Si Bruxelles n’accède pas à ses demandes, la Turquie n’aura d’autre choix que d’ouvrir ses frontières et de dire « a u revoir aux réfugiés syriens», selon les propres mots du président, qui ren­ chérit : «Il n’y a pas écrit “idiot”sur notre front.» Le chantage paie. Le Alternative. Selahattin Demirtas (au centre) lors d’un meeting, le 5 juin. Principal opposant à Erdogan et prokurde, leader turc réussit à conclure un il doit se démarquer du PKK, à qui sont attribués quelques-uns des récents attentats en Turquie. étonnant deal avec Bruxelles : 6 mil­ liards d’euros et une relance du gauche et les démocrates, rappelle partie civile. Et en mai de cette an­ processus d’adhésion contre le ren­ Lami Ozgen derrière son épaisse née, Can Dündar et Erdem Gül sont voi en Turquie de tous les migrants moustache noire, en pointant, sur condamnés à cinq ans de prison arrivés illégalement en Europe le mur, les photos des 28 membres pour divulgation de secrets d’Etat. après l’accord. « Cette diplomatie de de son syndicat tués dans l’atten­ «La cargaison d’armes dans le camion bazar nous abeaucoup choqués, avoue tat d’Ankara. Lapolice en avait étéin­ était recouverte de médicaments, ra­ un diplomate occidental. Les Turcs formée aupréalàblepar les services de conte aujourd’hui Erdem Gül. Il aiment les rapports deforces et se sont renseignement turcs, mais elle a laissé était de notre devoir de révéler que la dit qu’ils pouvaient demander a l’Eu­ faire. Au contraire, le gouvernement Turquie interférait dans les affaires rope un prix très élevé parce que nous en a profitépourfairepression sur l’op­ syriennes. » Quelques heures avant avions besoin d ’eux. M a is il fa u t dire position et interdire tous nos rassem­ l’énoncé du verdict, Can Dündar que cet accord a fonctionné. » blem ents.» est la cible d’une tentative d’assas­ Unenouvellefois,Erdoganbran- sinat par un inconnu, devant le tri­ « Démocrature». Incontour­ dit haut et fort le prétexte de la lutte bunal qui doit le juger. «Je ne connais nable pour l’Occident, débarrassé contre le terrorisme pour museler pas cette personne, mais je connais très de ses principaux opposants, le reis ses derniers opposants. Deux jour­ bien ceux qui nous prennent pour (« chef», en turc) a devant lui une nalistes du quotidien kémaliste cible », déclarera-t-il, dans une allu­ voie royale pour s’atteler à son der­ Cumhuriyet, Can Dündar et Erdem sion à peine voilée au chef de l’Etat. nier chantier : son régime présiden­ Gül, vont pourtant le mettre en dif­ Mais le Sultan voit beaucoup tiel,quiluipermettrade concentrer ficulté. En mai 2014, ils publient plus grand. Son coup de maître, il tous les pouvoirs entre ses mains. une enquête accusant le gouver­ le réserve à son meilleur ennemi : Et réaliser son rêve : demeurer à la nement d’avoir livré, via ses ser­ le Vieux Continent. «Cela fait cin­ tête du pays jusqu’en 2023, année vices secrets, des armes à des quante-trois ans que l’Europe nous fa it du centenaire de la République djihadistes syriens. Le président attendre à la porte», souligne sur la turque. A en croire les sondages, enrage: « C elu i qui a p u b lié cette in­ chaîne France 2 4 celui qui a engagé une majorité de Turcs, hostiles à formation va payer le prix fort, je ne le processus d’adhésion à l’UE il y l’idée d’une « démocrature » àlaEr- vais pas le lâcher comme ça!» Pro­ a treize ans. Sauf que la donne a dogan, y seraient opposés. Mais, en messe tenue, Erdogan se porte changé. L’Europe demeure revêtant le costume de «sauveur de la démocratie turque», le rescapé du coup d’Etat a marqué de précieux points. Le cadre islamo-conserva- Son régime présidentiel permettra teurU zeyirlsik en est convaincu: g à Erdogan de réaliser son rêve : demeurer « Une fois le ménage terminé dans les | institutions,l’heureseravenuedechan- $ à la tête du pays jusqu’en 2023, année ger le système. Parce qu ’en Turquie il § y a trop de décisionnaires. N ous n’en | du centenaire de la République turque. avons besoin que d ’un seul. »m 8

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84 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti ______InternationalffcUt jjork Shnes Friday, july 29, 2016______Turkish Army, a pillar of society, fractures

ISTANBUL

After failed coup, chaos within military mirrors splits seen across nation

BYTIM ARANGO AND CEYLAN YEGINSU As a rebel faction of Turkey’s military began a violent attempt to topple the elected government, the country’s top officer, Gen. Hulusi Akar, was held at gunpoint in his office in the capital and told for the first time about what was happening. “Sir, the operation is starting,” a coup- plotting officer said, according to General Akar in testimony that was leaked to the Turkish news media and verified by a se­ nior. Turkish official as authentic. “We Weapons and clothing on the Bosporus Bridge that were abandoned by troops involved in will round up people, battalions. Brigades the coup attempt this month. Officials said this week that 1.5 percent of the army had joined are on their way. You will see a bit later.” the revolt, or about 8,600 soldiers. General Akar replied: “What the hell are you saying? What operation? Are youamaniac? Never!” sands of foot soldiers charged. More than the Turkish military and to each, the ur­ The plotters hoped to secure General 1,500 officers were dishonorably dis­ ban elite and pious poor, it was a symbol Akar’s participation in the conspiracy, charged this week in advance of a meet­ of Turkish identity. but his refusal was decisive in ensuring ing of the Supreme Military Council in Alp Konak, who works at a hotel in that this coup attempt would fail — un­ Ankara on Thursday where leaders were Istanbul, explained how even within his like those in Turkey in 1960, 1971 and expected to decide on promotions and a family, the military was able to bridge 1980, which were supported up and broader restructuring of the military. differences between brothers. He said down the chain of command. Meanwhile, images on social media of he is liberal, but his brother is very reli­ Now, as President Recep Tayyip Er- conscripts being slapped and taunted gious, and his wife wears a head scarf. dogan wages an extensive purge and have shocked a country that venerates “But the time we.all got really close crackdown — jailing and suspending the common foot soldier, as have allega­ and came together was after we com­ tens of thousands of state employees, tions by Amnesty International that pleted our military service, because we and on Wednesday ordering the closing military detainees have been tortured. were all doing it for the future of our of more than 100 media outlets — the “With its main pillar, the military, country,” he said. “We all believed in it.” military that has long served as a unify­ broken, the Turkish state will no longer Now, those who support and oppose ing force for the country is deeply di­ be able to check a divided society or ef­ Turkey’s divisive president, Mr. Er­ vided, diminished and discredited. fectively counter security threats,” said dogan, feel as though they had been de­ Nearly half of the top generals and ad­ Halil Karaveli, a senior fellow at the ceived. They thought the military had mirals are jailed or dismissed, and thou- Central Asia- Institute and been depoliticized, stripped of those Silk Road Studies Program. who would undermine democracy to That is a blow, not just to the country, wield the power of force. but also to NATO, of which Turkey is a But they were wrong. member. The Turkish military is a key “That is what is so devastating about ally in fighting terrorism, reining in the the coup attempt, the treachery in­ Islamic State, and in controlling the mi­ volved,” said Soner Sencan, 31, a grant tide that has overwhelmed hairdresser in Istanbul, who* said his Europe. Chaos within the military sym­ closest friends were ones he met in the bolizes not only its waning power within military. “Now no one will trust each the country — and the rise of the police, other and the most powerful, unified which Mr. Erdogan built up as a bulwark force of this country is broken.” to the military — but its diminished reli­ Within the diminished military ranks, ability as a partner to the West. the officer corps is badly split, mirroring But it is perhaps the psychological perhaps, society at large. Among the blow that is greatest for a nation that is rank-and-file, there is a sense of betray­ Gen. Hulusi Akar, Turkey’s top officer, so badly splintered. Religious and secu­ al — both from soldiers and their famil­ refused to cooperate, dooming the coup. lar, rich and poor, everyone served in ies — and many seem to have been

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dragged in to the plot by being told they were conducting an exercise. “These kids did not know anything,” said Nazli Tanburaci Altac, a lawyer in Ankara who is representing detained conscripts. Speaking of her clients, she said, “The only thing they say is, ‘Those we considered as brothers, fathers, threw us in to the fire and went away. They told us there was an exercise.’ ” The Turkish military, the second largest in NATO, has a budget of roughly $20 billion a year and counts an army of more than 500,000 soldiers. The author­ ities said this week that 1.5 percent of the army had joined the coup attempt, or about 8,600 soldiers, although it was not

clear how many willingly took part. CHARLES MOSTOLLER FOR THE NEW YORK TIMES The failed coup upended à key as­ In the wake of the coup, the Erdogan government has sought to remove officers and govern­ sumption about Turkey, one hailed as ment officials connected to Fethullah Gulen, a Muslim cleric living in exile in Pennsylvania. one of Mr. Erdogan’s prime accomplish­ ments : that the days of coups were over. Through' a series of sensational trials, waned after Mr. Erdogan came to power. ing to have less reason to fear a state based partly on fabricated evidence, “We knew that the Fethullah Gulen whosè military is killing each other.” many secular military officers were organization was trying to access the Yet Mr. Erdogan is likely to once jailed on charges of plotting a coup. military,” he said. “Although we tried to again move aggressively to permanent­ But it was this effort to secure civilian convince people that the Gulenists were ly depoliticize the military. Many be­ control from the military that backfired, causing trouble in state institutions, we lieve that Mr. Erdogan’s ultimate goal is dragged in to the plot by being told they weren’t able to convince anyone.” to stock the military with religious allies were conducting an exercise. He did not oppose the purging now of — Islamists he can rely on, as opposed “These kids did not know anything,” suspected Gulenists from the armed to the Gulenists. said Nazli Tanburaci Altac, a lawyer in forces, but he worried about who would Already, the government has moved Ankara who is representing detained replace them. Many leaders in Turkey’s in the wake of the coup to bring the gen­ conscripts. Speaking of her clients, she staunchly secular military worry that darmerie, a military-style police force said, “The only thing they say is, ‘Those Mr. Erdogan will fill the vacancies with that participated in the coup plot, and we considered as brothers, fathers, religious allies. thé Coast Guard under control of the In­ threw us in to the fire and went away. “This was a big trauma,” he said, re­ terior Ministry, not the military. Some They told us there was an exercise.’ ” ferring to the failed coup; “And I hope secular former officers, who had been The Turkish military, the second we woh’t sow the seeds of bigger trau­ banished in recent years after the trials, largest in NATO, has a budget of roughly mas in the future.” have already been brought back. $20 billion a year and counts an army of For now, the question is how Turkey’s But whatever happens, the overall in­ more than 500,000 soldiers. The author­ military moves forward, with so many stitution will be deeply damaged for ities said this week that 1.5 percent of the threats to the nation’s security. some time. army had joined the coup attempt, or One of the generals àrrested, Gen. “Now the army is a tarnished force,” about 8,600 soldiers, although it was not Adem Huduti, the commander of Tur­ said Hulya Kocaoglu, 55, an administra­ clear how many willingly took part. key’s Second Army, was leading the tive assistant in Istanbul whose sons The failed coup upended à key as­ fight against Kurdish militants in the have served. “How do you know who is sumption about Turkey, one hailed as southeast, for example, and also respon­ good and bad? Now you fear that when one of Mr. Erdogan’s prime accomplish­ sible for security at the border with Syr­ your child goes they could get involved ments : that the days of coups were over. ia. with the wrong crowd and be brain­ Through' a series of sensational trials, “What in fact amounts to the collapse washed or sacrificed.’ ’ based partly on fabricated evidence, of the state is above all an invitation to many secular military officers were Kurdish separatism,” said Mr. Karaveli, Safak Timur contributed reporting from jailed on charges of plotting a coup. the senior fellow at the Central Asia- Istanbul, and Ben Hubbard from Anka­ But it was this effort to secure civilian Caucasus Institute. “The Kurds are go­ ra, Turkey. control from the military that backfired, analysts say. As secular officers were pushed from the armed forces, they were replaced by Islamists connected to Fethullah Gulen, a Muslim cleric in self- imposed exile in Pennsylvania who the government has said was the master­ mind of the coup attempt. At the time, Mr. Gulen was seen as an ally of Mr. Er­ dogan’s. As the Turkish authorities have star­ ted to name commanders suspected of leading the coup, many of them were, of­ ficers who rose in the rankk to replace those secular officers sent to jail in re­ cent years, according to an analysis by Kadri Gursel, a Turkish j ournalist. Ismail Hakki Pekin, who served as the head of military intelligence until 2011, said that the secular, nationalist officers BRAM JANSSEN/ASSOCIATED PRESS had long tried to keep Gulenists out of the At a site in eastern Turkey on Wednesday was a sign that read “Traitors’ Cemetery” in front military but that their ability to do so of unmarked graves that had been designated for plotters of the failed coup.

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InternationalffcUt jjork Suites Friday, july 29, 2016 software to sift through open-source in­ formation. The Pentagon-led effort has that country’s ability and willingness to caused turf war tensions with the C.I.A. deploy military and other security in Jordan, but supporters of the pro­ US. secures forces to seal its long border with Syria. gram have prevailed, sending names Many senior Turkish officers have and other leads back to foreign capitals been detained in a post-coup crack­ for investigation. down, leading American officials to The latest trove of documents was trove of data worry that "nirkish counterterrorism ef­ collected in various locations in the re­ forts will be weakened. gion around Manbij, where Syrian Defense Secretary Ashton B. Carter, Kurdish and Arab fighters, backed by on Islamic among others, has repeatedly criticized American Special Operations com­ Turkey for not doing to enough to stem mandos, have battled Islamic State the flow of fighters across its frontier. fighters at a crucial junction between State fighters That complaint had only recently star­ the Turkish border and Raqqa, the Is­ ted to fade as the Turkish authorities re­ lamic State’s de facto capital in Syria. WASHINGTON sponded to attacks in their country “The operation in Manbij is about linked to the Islamic State. shutting down the main- corridor from Information could help American intelligence agencies esti­ Raqqa and then out, in which some of the mate that nearly 43,000 fighters from attackers that launched the Paris attacks coalition on battlefield more than 120 countries — including 250 we know traveled through that route,” and stem militants’ flow Americans among 7,400 Westerners — Mr. McGurk said, referring to the Islamic have gone or tried to go to Syria and State’s assault on Paris in November. Iraq since 2011. BY ERIC SCHMITT While Turkey ’s border tightening and “W e want to make sure that other intelligence and law enforcement The United States is poring over a vast all that information is measures have by some estimates cut in trove of new intelligence about Islamic disseminated in a coherent way State fighters who have flowed into Syr­ half the monthly flow into Syria and ia and Iraq and some who then returned Iraq, American analysts say as many as among our coalition partners.” to their home countries, information 500 to 1,000 fighters a month are still that American officials say could help pouring in, with hundreds of others fight militants on the battlefield and pre­ heeding the Islamic State’s call to go to “By shutting that down, you make it vent potential plotters from slipping in­ affiliates in Libya or Afghanistan in­ harder for them to kind of plan the larger- to Europe. stead, or remain at home and carry out scale, kind of more coordinated attacks.’ ’ American-backed Syrian Kurdish and attacks from there. The Syrian Observatory for Human Arab militias have seized more than Earlier this month, a top United Na­ Rights, based in Britain, has reported .10,000 documents and 4.5 terabytes of tions official said that nearly 30,000 of that more than 100 civilians have died in digital data in recent weeks while fight­ those foreign fighters remained in Syria airstrikes in and around Manbij since ing insurgents in Manbij in northern Syr­ and Iraq — far more than Western intel­ late May, when the American-backed ia, near the Turkish border, a major hub ligence agencies had estimated. The of­ militias started their offensive against for Islamic State fighters entering and ficial, Jean-Paul Laborde, a United Na­ Islamic State fighters there. leaving Syria, American officials said. tions assistant secretary general and The documents recovered in Manbij An initial American review of the ma­ head of its counterterrorism committee, recall an American commando raid in terial offers new du es about “foreign told reporters in Geneva that as the Is­ the summer of 2007 on a suspected fighters, the networks, where they’re lamic State loses territory in Iraq and Qaeda safe house in the Iraqi town of from,” according to Brett McGurk, Pres­ Syria, “we are seeing them return, not Sinjar, near the Syrian border. That as­ ident Obama’s special envoy for com­ only to Europe but to all of their coun­ sault yielded documents containing in­ bating the Islamic State. Other officials tries of origin, like Tunisia, Morocco.” formation about Syrian smuggling net­ said the information included the fight­ American military and intelligence works used to move foreign fighters into ers’ identities, countries of origin, routes analysts are combing through the docu­ Iraq to fight for A1 Qaeda. The most sig­ into Syria and the illicit networks that ments and electronic data recovered in nificant discovery was a collection of recruited and ferried, them to the region. Manbij, hoping to add to their growing biographical sketches that listed homet­ Those details are being shared with al­ knowledge of the rosters of Islamic owns, dates of birth, aliases and other lies to help stanch the flow of militants. State fighters and to help identify, locate details for more than 700 fighters “We want to make sure that all that and attack fighters in Syria and Iraq. brought into Iraq since August 2006. information is disseminated in a coher­ In a speech Wednesday at Fort Bragg, American officials later used the infor­ ent way among our coedition partners,” N.C., Mr. Carter described Manbij as “a mation to pressure the fighters’ home Mr. McGurk said last week, dining a key transit point for external plotters countries to crack down on the flow. meeting of foreign and defense minis­ threatening our homelands. And there American officials express confi­ ters in Washington, “so that we can we’re already beginning to gain and ex­ dence that the latest cache will yield track the networks from the core and all ploit intelligence that’s helping us map similar insights. the way to wherever the dots might con­ their networks of foreign fighters.” “We are learning more about Daesh nect, whether that is in Europe or in Another use of the documents is, as at all levels from this,” said Col. Chris­ North Africa or Southeast Asia” Mr. McGurk said, to alert foreign intelli­ topher Garver, a spokesman for the It is the largest single trove seized in gence and counterterrorism services United States military in Iraq, using an the fight against the Islamic State since across Europe, the Mideast and North Arabic acronym for the Islamic State. Delta Force commandos raided the Africa, even as a spate of terrorist at­ “We’ve learned about how they or­ home of a top Islamic State financier in tacks in France and Germany — some ganize their governance structures to eastern Syria in May 2015. That opera­ apparently inspired by the Islamic State ensure they can completely control all tion carried off laptops, cellphones and — have roiled Europe. aspects of daily life, from religious prac­ other Materials that led to airstrikes Any information from the Manbij tice, to education to tax collection and against top terrorist leaders and opened trove would augment the activities of a management of central services.’ ’ a valuable window into how the group sensitive intelligence-coordination cen­ “We have a better understanding of manages its finances, brokers hostages ter at a military base in Jordan called how Daesh facilitates foreign fighter for ransom and delegates duties within Operation Gallant Phoenix. movements into and out of Syria and its self-proclaimed caliphate. At the base, military, counterterror­ Iraq, which gives us valuable insight in­ The latest seizure comes as a failed ism and law enforcement agencies from to stopping the flow of foreign fighters coup in Turkey has cast new doubts on several countries use publicly available into the region,” Colonel Garver said. •

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Observateur °2699 28 2016 N ju ille t Turquie GRANDEUR ET DECADENCE DE L’EMPIRE GÜLEN Derrière la tentative de coup d'Etat se joue une lutte à mort entre le président turc et son ennemi juré, Fethullah Gülen. Cet imam a tissé depuis plus de trente ans un puissant et mystérieux réseau aux ramifications mondiales, qui menace le pouvoir dErdogan

+ DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À ISTANBUL, GUILLAUME PERRIER m EMIN OZMEN/LE JOURNAL

aucune lumière au bout du tunnel », soupire ce journa­ n tant que journaliste, me liste âgé d’une trentaine d’années. voici détenu et accusé de Ziya travaillait depuis plusieurs années au service du coup d’Etat. Que mon der­ puissant groupe de presse Zaman, la vitrine moderne nier appel pour une Tur­ de la confrérie Gülen. Jusqu’en 2013, « Zaman » était quie démocratique soit le premier quotidien turc, avec un tirage de près d’un entendu ! » Le brouillon de million d’exemplaires, et Ziya accompagnait fréquem­ message Twitter est prêt ment les voyages présidentiels ou ministériels. Mais, à être envoyé à Amnesty le 4 mars 2016, c’est sous les coups des policiers qu’il a International, à Human été chassé de son propre bureau. «Le journal a été saisi Rights Watch et à des par la force, et le gouvernement a placé un administra­ défenseurs de la liberté teur à sa tête. La police était sans merci, se souvient Ziya de la presse. S’il est arrêté, Dès le lendemain, la ligne éditoriale avait changé, pour Ziya (1) n’aura plus qu’à devenir totalement progouvemementale. Tous les jour­ poser le doigt sur l’écran nalistes ont été virés. Je pensais alors que c’était le pire de son smartphone pour l’envoyer. Depuis l’échec de qui pouvait nous arriver. » la tentative de coup d’Etat, dans la nuit du 15 au 16 juil­ let, et les accusations lancées par le pouvoir contre la “L’ÉTAT PARALLÈLE” confrérie de Fethullah Gülen, ce journaliste turc vit dans l’angoisse d’une arrestation imminente. La police Accusés de conspiration, traqués, écartés de la fonc­ antiterroriste peut enfoncer sa porte à tout moment. tion publique du jour au lendemain, arrêtés, cloués Cloîtré avec sa famille dans son appartement, dans au pilori par les médias favorables à Erdogan, les un quartier modeste de la périphérie d’Istanbul, Ziya sympathisants de la confrérie de Fethullah Gülen se n’ose plus mettre un pied dehors et ne communique disent victimes d’une gigantesque « chasse aux sor­ plus que par une messagerie cryptée. « Je suis ter­ cières ». Celle-ci n’a pas commencé au soir du coup rifié. Il y a une vague de haine dans les rues contre la d’Etat manqué, le 15 juillet, mais en décembre 2013. A communauté Gülen. Les partisans du gouvernement l’époque, les révélations d’affaires de corruption dans pourraient nous lyncher. Le putsch était un crime, mais l’entourage direct du président Recep Tayyip Erdo­ la réponse ne doit pas être de même nature. Je ne vois gan et les enquêtes lancées par des procureurs et »+

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nomme « l’Etat parallèle », on trouve aussi de grandes compagnies turques, une banque (Asya) dont tous les avoirs ont été confisqués, des journaux et des chaînes de télévision. Lundi 25 juillet, les autorités ont lancé un mandat d’arrêt contre 42 journalistes, à leur tour dans le collimateur. Dans l’armée, le nombre d’officiers et de soldats accu­ sés d’avoir pris part au coup de force dépasse les 10000. Un tiers des généraux et des amiraux est aux arrêts. Au cours des gardes à vue, plusieurs des putschistes auraient avoué leur appartenance à la nébuleuse Gülen. C’est le cas du lieutenant-colonel Lèvent Türk- kan, aide de camp du chef d’état-major, qui, après avoir pris ce dernier en otage, aurait proposé de le mettre directement en communication avec Fethullah Gülen, l’imam exilé aux Etats-Unis, chef spirituel de la com­ munauté. Dans l’aviation, qui a joué un rôle prépon­ dérant dans la tentative de putsch, « une bonne moitié des officiers seraient des gulénistes », estime le géné­ ral à la retraite Erhan Pamuk. Ce dernier a officié de longues années sous les ordres d’Akin Oztürk, le lea­ der présumé des putschistes du 15 juillet. Il décrit un homme conservateur, calculateur, ancien officier du renseignement promu à la tête de l’armée de l’air, qui fichait ses rivaux et plaçait des hommes dociles aux postes clés. L’entrisme discret du réseau aurait com­ mencé dès 1986, selon le journaliste chevronné Rusen Çakir, auteur d’une enquête sur le sujet àl’époque. Bar­ rés par les officiers kémalistes, les adeptes de Gülen ont noyauté, selon lui, les services de renseignement et de ressources humaines, et influencé les concours de recrutement pour les académies militaires.

»-► des policiers, prétendument acquis au H izm et - CHUTE BRUTALE « Service », le nom utilisé par ses sympathisants pour désigner la confrérie de Gülen - ont sonné comme Expatrié aux Etats-Unis depuis une dizaine d’années, une déclaration de guerre. Depuis 2011, le journal Mithat est diplômé de l’école militaire de Kuleli, à « Zaman » était déjà devenu très critique envers l’ac­ Istanbul, l’une des plus prestigieuses, l’une de celles qui tion gouvernementale, dénonçant la corruption et l’au­ ont aussi été visées par les descentes de police. Dans toritarisme. Des milliers de magistrats et de membres l’orbite du mouvement Gülen depuis ses 15 ans, il a été des forces de sécurité, deux institutions largement poussé, avec des dizaines de ses camarades, à intégrer infiltrées par les gulénistes, ont été limogés dans la fou­ l’armée. «Je suis issu d’une famille modeste d’Anatolie, et lée. Mais le conflit n’a fait que se durcir. En mai dernier, grâce à eux j’ai pu terminer dans les 15 premiers sur deux les services de renseignement turcs ont placé le mou­ millions de candidats à l’université », raconte-t-il. Mais, vement Gülen en tête de leur liste des menaces pour la dans les années 1990, l’armée s’inquiète déjà d’une pro­ sécurité nationale. Les principaux cadres de la confré­ lifération des « métastases gulénistes », pour reprendre rie se sont exilés, en Europe et aux Etats-Unis. Et le la terminologie employée ces jours-ci par Recep Tayyip gouvernement d'Ankara s’est lancé dans une « dégu- Erdogan. Mithat renonce à une carrière en uniforme lénisation » de l’appareil d’Etat. et part enseigner la biologie dans une école turque au La purge est massive depuis le 16 juillet. Elle vise Kenya pour rembourser sa dette morale à la confrérie, plus de 60 000 fonctionnaires : un tiers des 7500 juges avant de s’installer aux Etats-Unis, où il côtoie parfois et procureurs, 2 9 0 0 0 personnes dans l’Education le maître. Fondé sur l’excellence et la solidarité exem­ nationale, 8 700 au ministère de l’Intérieur... Des cen­ plaire de ses élèves, l’enseignement à la sauce Gülen taines d’autres officiant aux ministères des Transports, a formé, depuis trente ans, une nouvelle élite que l’on de la Famille ou des Sports, à la direction des Affaires retrouve dans tous les secteurs stratégiques. Comme religieuses, dans les Douanes, au Trésor, ont été sus­ Mithat, Sait a joué le rôle de « grand frère », il a encadré pendus. Un bon millier d’établissements scolaires, des étudiants dans les foyers et les groupes de prière autant de fondations et d’associations, des hôpitaux, liés au mouvement, notamment pour entrer dans les des universités et même un club de chasse ont été sai­ académies militaires. Ce brillant ingénieur compte des sis depuis le putsch et sont passés sous le contrôle de amis de promotion et d’anciens élèves en nombre dans l’Etat. Dans cette liste qui compose ce que le pouvoir la police, la magistrature et la diplomatie. U connaît

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aussi un pilote de chasse, parmi deux qui ont été arrê­ alors maire d’Istanbul, en 1996. La rencontre a lieu au tés la semaine dernière. « J ’ai adh éré à ce m o u vem en t mariage de la star du football turc, Hakan Sükür, dis­ parce qu’il représente pour moi une éthique de vie, des ciple de Gülen. valeurs. M ais je n’aijam ais soutenu les coups d’Etat», se Dès les années 1990, les écoles du mouvement com­ défend-il. Sait, employé dans un centre de recherche mencent à essaimer à l’étranger, dans les pays turco­ universitaire à Istanbul, s’attend pourtant à être ciblé phones d’Asie centrale, puis dans les Balkans et en à son tour par les purges. Il envisage de quitter le pays Afrique. Un réseau mondial d’entrepreneurs et d’ensei­ comme l’ont déjà fait des centaines gnants pieux et disciplinés exporte de personnes depuis le 15 juillet. les marchandises et les valeurs La descente est brutale pour la turques aux qüatre coins du monde. confrérie qui, depuis plus de trente Des écoles d’élite ouvrent, de la Nor­ ans, avait patiemment tissé sa toile. vège au Vietnam en passant par la Fondé au début des années 1970, Zambie et la France. On en compte dans une mosquée d’Izm ir autour aussi 150 aux Etats-Unis, où Gülen de Fethullah Gülen, un imam alors est venu s’installer en 1999, poussé trentenaire, le mouvement est avant à l’exil par les militaires qui s’in­ tout religieux. Inspiré par la pen­ quiètent de son influence grandis­ sée de Said Nursi, cheikh de l’école sante (voir encadre). « C’est engrande « nourdjou », d’inspiration soufie, partie grâce à la communauté que la il organise un cercle de jeunes mili­ Turquie a pu se prévaloir à une époque tants islamiques, d’abord au niveau de son fam eux “softpower”», constate local, avant de s’étendre en Turquie. Le journaliste Nedim Sener. g Ziya, l’ex-journaliste de « Zaman ». La période d’ouverture qui suit le Avec Erdogan, arrivé au pouvoir en départ de la junte militaire dans les années 1980 lui 2003, la coopération s’intensifie. Les entrepreneurs permet de se rapprocher du pouvoir. Il noue des gulénistes, qualifiés de « calvinistes de l’islam », orga­ liens avec de hauts dirigeants, comme Bülent Ecevit, nisent l’agenda des visites à l’étranger des dirigeants plusieurs fois Premier ministre et leader du centre turcs et conquièrent des marchés. Le journal « Zaman » gauche. Il fraternise avec Recep Tayyip Erdogan, devientle porte-voix du gouvernement islamo-conser- vateur (AKP). Les jeunes diplômés entrent en masse dans la police, la justice et les services de renseigne­ ment. Le leader turc, alors Premier ministre, a besoin d’alliés pour mettre au pas les militaires kémalistes qui Coup de froid entre se dressent toujours sur son chemin. « Le mouvement Gülen ojfte deux visages, estime le Ankara et Washington journaliste d’investigation Ahmet Sik. L’un e st sédu i­ sant pour l’Occident : l’éducation, la tolérance, le dialogue entre les religions... L’autre est une organisation crimi­ nelle au sein de l’appareil sécuritaire et judiciaire, quipra­ Menaçant l’administration américaine de représailles, tique les écoutes illégales et monte des dossiers avec de Erdogan a vigoureusement réclamé l’extradition de Fethullah faux documents. Ils sont entrés dans le cœur et le cerveau Gülen, exilé aux Etats-Unis depuis 1999, bien que l’imam turc de l’Etat. » Sik l’a appris à ses dépens en 2011. Il s’ap­ ait démenti avoir eu un rôle dans la tentative de coup d’Etat prêtait à publier un livre d’enquête sur l’infiltration des qu’il a condamnée « dans les termes les plus forts ». Le hommes de Gülen dans la police, « l’Armée de l’imam ». prédicateur bénéficie d’une carte verte de résident, obtenue Mais avant même sa publication, le manuscrit fut saisi, grâce à l’appui de deux anciens dirigeants de la CIA, dont et son auteur jeté en prison. Pendant un an, il partagera Graham Fuller, qui a pris sa défense après la tentative de la même cellule qu’un autre journaliste, Nedim Sener, putsch du 15 juillet. Ce « détail » attise, à Ankara, les soupçons adversaire acharné de « l’imam caché ». Pour celui- de collusion entre l’administration américaine et la confrérie, ci, ce sont les policiers et les juges gulénistes qui ont voire conforte le pouvoir turc dans son idée d’un soutien monté les affaires Ergenekon et Balyoz, deux grands américain au plan de coup d’Etat. Gülen jouit depuis procès lancés en2007 et 2010 contre des dizaines d’of­ longtemps d’une image respectable à Washington qui voit en ficiers kémalistes de l’armée, accusés de tentatives de lui l’expression d’un islam moderne et pacifique. U est installé coup d’Etat « C e so n t a u ssi eu x q u i so n t derrière l’as­ dans un vaste complexe dans la campagne de Pennsylvanie, à sassinat du journaliste arménien Hrant Dink en 2007, deux heures de New York, entouré d’un petit cercle de fidèles un événement qui a préparé la purge de l’armée, accuse et de cadres du mouvement qui dirigent un réseau d’écoles et Nedim Sener. A l’époque, l’AK P a soutenu ces opérations. de fondations dans tout le pays. Durant ses années fastes, la Erdogan et Gülen coopéraient étroitement. M ais quand confrérie Gülen a organisé des dizaines de voyages en la confrérie a commencé à se retourner contre le pou­ Turquie pour s’attirer les faveurs des sénateurs et des voir, les choses o n t changé. » Aujourd’hui, l’ex-âllié est membres du Congrès américain, pour un coût total de près devenu un traître. C ’est une lutte à mort que se livrent d’un million de dollars. le président turc et l’imam de Pennsylvanie. □ (1) Le prénom a été modifié.

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International ffcUt jjork Situes Tu e s d a y , j u l y 26 ,20 16 Hold coup leader accountable covert empire from his mansion in ru­ Ibrahim Kalin ral Pennsylvania, hoping to persuade him to join in their rebellion, according to General Akar. Since the 1980s, the Gulenists, a reli­ On July 15, a rogue faction within T\ir- gious cult whose members present key’s military attempted to suspend the themselves as peaceful educators, have Constitution, impose martial law and always had a dark side. They have in­ enforce a nationwide curfew. As troops filtrated the Turkish judiciary and secu­ and tanks blocked traffic crossing from rity forces and manipulated the system Asia to Europe over the Bosporus to their advantage. They also fabric­ Bridge in Istanbul, a number of govern­ ated evidence, engaged in illegal ment buildings including the Parlia­ wiretapping and leaked government ment, the Presidential Palace and the documents to smear their opponents. intelligence headquarters were heavily They own a number of charter assaulted. During a series of coordinat­ schools and companies across America ed attacks, more than 240 civilians and and have been accused of engaging in police officers in Istanbul and Ankara financial fraud and violating immigra­ were shot by snipers, run over by tion and campaign finance laws. tanks, shelled by assault helicopters The United States should extradite and killed by bombs dropped from hi­ Fethullah Gulen, a Turkish citizen, to jacked aircraft. Meanwhile, the rogue Turkey, as is allowed under an existing faction seized a public broadcaster and treaty. Turkey has already provided a held an anchorwoman at gunpoint to number of legal documents to Ameri­ announce that they were now in those responsible to justice. can authorities and will send more as charge. Several thousand military officers further evidence is collected. The Prime Minister Binali Yildirim called and their accomplices in law enforce­ United States should not let this man the coup illegal and, in consultation ment and the judiciary have been sus­ exploit its laws to avoid facing a fair with President Recep Tayyip Erdogan, pended or arrested for having links to and legitimate accounting in Turkey. ordered the police and othér security the coup. Their removal from public Fethullah Gulen’s claim that he has forces to stop the coup plotters. Soon af­ posts makes the Turkish government had nothing to do with'this coup at­ terward, Mr. Erdogan appeared on tele­ stronger and more transparent. At tempt is as credible as his claim that he vision to call on the people to resist the least 1,200 rank-and-file soldiers, who has had nothing to do with hundreds of power grab. When Mr: Erdogan’s mes­ weren’t charged, have already been re­ Gulenist schools, banks, companies and sage was aired live on CNNTurk, a leased from custody. A team of 70 pros- media outlets that operate under his di­ private TV channel, the junta soldiers __;___ :____ ecutors is investigat­ rect orders. A due legal process will es­ invaded its premises as well. Millions Fethullah Gu­ ing the case. The tablish his role in this failed rebellion. It heard the call and defied the rebels. Op­ claim that this was a does not make sense for any country to position leaders also deplored the coup len master­ fake coup is no more condemn the coup without taking ac­ and called for resistance. minded the credible than the tion against the lead putschist. In the meantime, an elite military failed coup. laughable claim that Today, the people of Turkey are more squad was sent to the hotel on the Turk­ The United the 9/11 attacks were united than at any time in recent his­ ish Riviera where Mr. Erdogan was va­ States must orchestrated by the tory. In any democracy, citizens are cationing, to kill him and his entire fam­ send him United States. bound to disagree. But our nation’s re­ ily. Having survived the assassination back to Testimony and evi­ sponse to the July 15 assault proved attempt, Mr. Erdogan escaped on his of­ Turkey to dence obtained from that democracy, freedom and the rule of ficial jet, which reached Istanbul safely coup plotters point to law are nonnegotiable in Turkey. As the after the pilot deceived rogue F-16s face justice. Fethullah Gulen as Turkish people mourn the dead, nur­ patrolling the airspace. the leader of the coup ture the wounded and take pride in In the wake of the bloody coup at­ attempt, which was what we accomplished together, they tempt, the government, acting on the planned and staged by his followers also demand justice, closure and reas­ recommendations of civilian and mili­ within the army. Lèvent Turkkan, aide- surances that never again shall we wit­ tary leaders, exercised its constitution­ de-camp to the chief of staff for Turkish ness such a crisis. al mandate to declare a three-month aimed forces, Gen. Hulusi Akar, con­ state of emergency. Adopted by coun­ fessed to being a member of the Gu- ibrahim kaun is the spokesmanfor Presi­ tries like France and Belgium in re­ lenist group after he was arrested, dent Recep Tayyip Erdogan of Turkey. sponse to terror attacks, this measure adding that he executed orders from is intended to expedite the legislative his Gulenist superiors. Generals lead­ SHARE YOUR THOUGHTS process and provide the authorities ing the coup also urged General Akar to Send a letter, withyourphone number and with legal tools necessary to bring speak to Fethullah Gulen, who runs a email address, to [email protected].

91 Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti International ÿfcUt jjork Simeg Wednesday, july 27,201e I want democracy for Turkey Sept. 11 attacks by A1 Qaeda to brutal Hizmet, in particular, has been the Fethullah Gulen executions by the Islamic State to the target of the president’s wrath. In 2013, kidnappings by Boko Haram. Mr. Erdogan blamed Hizmet sympath­ In addition to condemning mindless izers within the Turkish bureaucracy violence, including during the coup at­ for initiating a corruption investigation SAYLORSBURG, PA. During the at­ tempt, we have emphasized our commit­ that implicated members of his cabinet tempted military coup in Turkey this ment to preventing terrorists’ recruit­ and other close associates. As a result, month, I condemned it in the strongest ment from among Muslim youth and scores of members of the judiciary and terms. “Government should be won nurturing a peaceful, pluralist mind-set. the police forces were purged or arres­ through a process of free and fair elec­ Throughout my life, I have publicly ted for simply doing their jobs. tions, not force,” I said. “I pray to God and privately denounced military inter­ Since 2014, when Mr. Erdogan was for Türkey, for Turkish citizens, and for ventions in domestic politics. In fact, I elected president after 11 years as till those currently in TUrkey that this have been advocating for democracy prime minister, he has sought to trans­ situation is resolved peacefully and for decades. Having suffered through form Turkey from a parliamentary de­ quickly.” four military coups in four decades in mocracy into an “executive presiden­ Despite my unequivocal protest, sim­ Turkey — and having been subjected cy,” essentially without checks on his ilar to statements issued by all three of by those military regimes to harass­ power. In that context, Mr. Erdogan’s the major opposition parties, Turkey’s ment and wrongful imprisonment — I recent statement that the failed coup increasingly authoritarian president, would never want my fellow citizens to was a “gift from God” is ominous. As Recep Tayyip Erdogan, immediately endure such an ordeal again. If some­ he seeks to purge still more dissenters accused me of orchestrating the putsch. body who appears to be a Hizmet sym­ from government agencies — nearly He demanded that the United States pathizer has been involved in an at­ 70,000 people have been fired so far — extradite me from my home in Pennsyl­ tempted coup, he betrays my ideals. and to crack down further on Hizmet vania, where I have lived in voluntary Nevèrtheless, Mr. and other civil society organizations, he exile since 1999. Turkey’s pres­ Erdogan’s accusa­ is removing many of the remaining im­ Not only does Mr. Erdogan’s sugges­ tion is no surprise, pediments to absolute power. Amnesty tion run afoul of everything I believe in, ident has not for what it says wrongly ac­ International has revealed ‘ ‘credible’ ’ it is also irresponsible and wrong. about me but rather reports of torture, including rape, at de­ cused me of My philosophy — inclusive and plur­ for what it reveals tention centers. No wonder Mr. Er­ alist Islam, dedicated to service to hu­ instigating a about his systematic dogan’s government suspended the man beings from every faith — is anti­ coup attempt. and dangerous drive European Convention on Human thetical to armed rebellion. For more Now he is toward one-man rule. Rights and declared a state of emer­ than 40 years, the participants in the cracking Like many Turkish gency. movement that I am associated with — citizens, the Hizmet down on all Turkey’s president is blackmailing called Hizmet, the Turkish word for movement’s partic­ his enemies. the United States by threatening to “service” — have advocated for, and ipants supported Mr. curb his country’s support for the inter­ demonstrated their commitment to, a Erdogan’s early ef­ national coalition against the Islamic form of government that derives its le­ forts to democratize State. His goal: to ensure my extradi­ gitimacy from the will of the people and Turkey and fulfill the requirements for tion, despite a lack of credible evidence that respeqts the rights of all citizens membership in the European Union. and virtually no prospect for a fair trial. regardless of their religious views, po­ But we were not silent as he turned The temptation to give Mr. Erdogan litical affiliations or ethnic origins. En­ from democracy to despotism. Even be­ whatever he wants is understandable. trepreneurs and volunteers inspired by fore these new purges, Mr. Erdogan in But the United States must resist it. Hizmet’s values have invested in mod­ recent years has arbitrarily closed Violent extremism feeds on the frus­ ern education and community service newspapers; removed thousands of trations of those forced to live under in more than 150 countries. judges, prosecutors, police officers and dictators who cannot be challenged by At a time when Western democracies civil servants from theii; positions; and peaceful protests and democratic poli­ are searching for moderate Muslim taken especially harsh measures tics. In Turkey, the Erdogan govern­ voices, I and my friends in the Hizmet against Kurdish communities. He has ment’s shift toward a dictatorship is po­ movement have taken a clear stance declared his detractors enemies of the larizing the population along sectarian, against extremist violence, from the state. political, religious and ethnic lines, fuel­ ing the fanatics. For the sake of worldwide efforts to restore peace in turbulent times, as well as to safeguard the future of de­ mocracy in the Middle East, the United States must not accommodate an auto­ crat who is turning a failed putsch into a slow-motion coup of his own against constitutional government.

fet h u lla h g u le n is an Islamic scholar, preacher and social advocate.

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DESi'ellîonde RELIGIONS LE MONDE DES RELIGIONS JUILLET-AOUT 2016 Le 20 avril, des dizaines de milliers de yézidis se rassemblaient pour leur Nouvel An au sanctuaire de Lalish en Irak. Des célébrations tiraillées entre le deuil et un puissant réveil spirituel amorcé depuis les persécutions par l’État islamique. Par Jérémy André, photos de Sebastian Castelier pour Le Monde des Religions IRAK u temple de Lalish, lieu saint du yézidisme* niché dans une vallée du Nord de l’Irak, NOUVEL AN YEZIDI une règle est scrupuleusement observée : l’interdiction de fouler le seuil de la porte du temple. À l’exception des grandes fêtes, Aoù les mouvements de foule rendent cette règle inap­ LA FERVEUR plicable. Et cette année, pour Sere Sal, le « Nouvel An», les 19 et 20 avril 2016, le sacrosaint temple débordait littéralement de fidèles. Une affluence record, assure, au jugé, le clergé yézidi, alors qu’en 20 15, le «Mercredi ENDEUILLÉE rouge » - autre nom de cette fête - n’avait été que l’ombre de lui-même, le traumatisme des crimes perpétrés par -> -> l’État islamique autoproclamé durant Tété 2014 étant encore trop vif (voir encadré). Fondé au XII0 siècle dans le nord-est Le deuil et la renaissance sont au cœur de ces festivi­ du Kurdistan irakien, tés qui s’ouvrent justement sur le culte des morts. Dans le temple de Lalish chaque village, au matin du mardi 19 avril, les femmes est le sanctuaire le plus important du fleurissent le cimetière, avant de rentrer chez elles pour culte yézidi. préparer le mets consacré de la nouvelle année : des œufs Le 19 avril, des mèches à huile y sont cuits et colorés, tels ceux des célébrations de Pâques allumées pour le chez les chrétiens. Une pratique antédiluvienne en Mé­ Nouvel An. sopotamie : on retrouve des œufs semblables dans des tombes parfois vieilles de cinq millénaires, à Sumer et Babylone. Typique de cette religion qui mêle survivances pré-islamiques et emprunts aux monothéismes, Sere Sal virevolte ainsi entre époques et cultures. Sa date même illustre un cas complexe de syncrétisme : fixée au troi­ sième mercredi d’avril, elle existe aussi dans le calendrier

Le deuil et la renaissance sont au cœur de ces festivités qui s’ouvrent sur le culte des morts.

du zoroastrisme*, mais les yézidis l’établissent pour leur part en fonction du calendrier julien*, hérité de la Rome antique et du christianisme ancien.

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LE PAON, OISEAU-SOLEIL À Lalish, le Nouvel An se prépare dans l’après-midi du mardi. Des dignitaires yézidis se rassemblent sous une loggia de pierre rustique dans la petite cour intérieure du temple principal, autour de Baba Sheikh (« Père Sheikh »). Le chef spirituel du yézidisme est assis en tailleur, tout de blanc vêtu, jusqu’au nuage de barbe qui flotte aux flancs de son visage joufflu et raviné par l’âge. « Je félicite tous les yézidis, en Irak et à l’étranger», et «souhaite la libération de l’ensemble des femmes et enfants encore dé­ tenus par Daech », murmure-t-il aux micros des chaînes locales venues recueillir ses vœux pour l’année à venir. Pendant ce temps, le sanctuaire résonne des impré­ cations des fidèles entassés dans la cour extérieure, ju­ chés sur les toits et sur des surplombs de la montagne, grouillant dans les ruelles du sanctuaire, jusque dans les arbres. Dans les hauteurs de la vallée, à la sortie

-> d’un autel réservé aux vieilles filles, Rona, «peut-être Plusieurs enfants participent aux célébrations organisées par des ONG 60 ans», hésite-t-elle, contemple ce défilé ininterrompu. dans un camp de déplacés à Sharya. Parqués derrière un cordon de sécurité, « Je fais le Nouvel An à Lalish depuis que j’ai l’âge de cette ils affichent des slogans pacifistes pour mobiliser les visiteurs officiels. petite fille, se souvient-elle en désignant une enfant qui marche à peine. Nous venions à pied. » Originaire d’un petit village du Sinjar, elle porte la coiffe ronde et la robe blanche typique des femmes de cette montagne située à 180 km à l’ouest de Lalish, où vivaient près de 500000 yézidis, l’écrasante majorité de la communauté. Elle en a été chassée par l’État islamique le 3 août 2014, et vit désormais dans un camp de déplacés près de Zakho, à la frontière avec la Turquie. Des pétards éclatent, la foule frémit. Mais au lieu d’un vent de panique, ils déclenchent des vagues de ferveur. Les bras levés, tous invoquent le soleil qui disparaît der­ rière la montagne. Car le Nouvel An est aussi et surtout la fête de Tawsi Melek, l’Ange-Paon - la roue de l’oiseau royal évoquant les rayons du soleil. Comme nous l’ex­ plique Shivan Darwesh, enseignant à l’université de Duhok et spécialiste de l’histoire du yézidisme, «cette figure centrale doit être rapprochée des divinités solaires antiques de la région, comme Tammuz à Babylone ou Mithra dans le monde iranien. Sere Sal commémore le Au matin du 20 avril, une famille yézidie déguste les œufs dans la vallée avant de rendre hommage aux saints du sanctuaire. jour de la création, où Tawsi Melek, envoyé par Dieu, a séparé le ciel et la terre, à Lalish même, et ainsi ouvert le monde, fermé jusqu’alors comme les œufs que l’on dis­ tribue ce jour-là.» dain une bousculade : de jeunes hommes brandissent une bannière figurant deux portraits, un homme en uni­ Rona a été chassée du Sinjar par forme et une jeune femme au regard sombre. « Olala Nadia Mourad! Olala Sheikh Khairy ! », scandent-ils de l’État islamique en août 2014, et vit désormais dans un camp de déplacés Des pétards éclatent, la foule frémit. à la frontière avec la lûrquie. Mais au lieu d’un vent de panique, ils Le soleil s’est couché sur le dernier jour de l’année 6765. déclenchent des vagues de ferveur. Brusquement, les membres du conseil spirituel dirigé par Baba Sheikh se lèvent. Accompagnés de porteurs de vasques en métal débordant d’huile enflammée, ils toute leur force. Tristement célèbre, la femme en effigie mènent vers la sortie une procession anarchique, des est Nadia Mourad, 25 ans, ancienne esclave sexuelle centaines de corps entremêlés qui, sans prendre garde, de Daech. La photographie a été prise lors de son audi­ piétinent le seuil interdit pour bondir dans l’arène hu­ tion par le conseil de sécurité de l’ONU. L’autre cliché maine de la cour extérieure. L’assemblée rugit, la cohue montre Sheikh Khairy Khedir, commandant des unités ondule et flamboie autour des prêtres, comme un phénix de résistance du Sinjar, fauché par un obus de mortier le qui battrait des ailes. Pour chaque jour de l’année à venir, 22 octobre 2014 en défendant la montagne. Le martyr a eu l’honneur d’être enterré à Lalish même, tel un saint, 366 mèches sont alors dispersées devant le temple. Au dans une humble tombe de pierre plus fleurie qu’un -» milieu de cette constellation de flammes survient sou-

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Dans un élan de ferveur, plusieurs milliers de pèlerins se pressent devant le temple pour invoquer Tawsi Melek, l’Ange-Paon, oiseau-soleil. Les femmes ont préparé les traditionnels œufs colorés, qui symbolisent le monde fermé avant l’intervention de Tawsi Melek.

O UN CALVAIRE SANS FIN -» bosquet. Chants, prières et hommages se succèdent ainsi dans l’obscurité rougeoyante. C’est un titre choc, comme si The Economist «AUJOURD’HUI, JE SUIS SEUL» présentait la nouvelle tendance de la Silicon La nuit passe et l’aurore embrase finalement le ciel du Valley. «Le retour de l’esclavage», annonçait «Mercredi rouge», le 20 avril, premier jour de l’année fièrement ce numéro d’octobre 2014 de Dabiq, le 6766 du calendrier yézidi. La paisible vallée sacrée va magazine de propagande de l’autoproclamé État vibrer d’une activité plus frénétique encore que celle de islamique. Les extrémistes justifiaient ainsi la la veille, des milliers de familles venant rendre hom­ déportation de milliers de yézidis accusés d’être mage aux saints du sanctuaire et pique-niquer aux alen­ des « adorateurs du diable » - la figure de Tawsi tours. Dans le temple même, vers midi, l’apparition d’un Melek étant associée dans la théologie yézidie au chanteur yézidi, Dakhil Osman, déclenche une explosion serpent noir de la sagesse, sculpté sur la porte du d’hystérie collective. temple de Lalish. Depuis août 2014, après la prise Mais le fond des cœurs est encore lourd. À l’écart des par l’EI du Sinjar, montagne où vivaient plus de jeunes en furie autour de la star, Saïd Elias Bechir, seul, 500 000 yézidis, près de 5000 ont été exécutés, traîne dans le vide un sourire de pierrot. Sinjarite, il 7000 faits prisonniers. Extermination des arrive du camp de Sharya, à une cinquantaine de ki­ hommes, viols systématiques, mariages forcés, lomètres, où sa famille s’est réfugiée. «Je suis là pour endoctrinement des jeunes garçons, détention prier Dieu de libérer les yézidis encore prisonniers de inhumaine des femmes et des enfants : ces crimes Daech, confesse-t-il. Mon meilleur ami, Khassan, avec «pourraient constituer un génocide», estim e un qui j’étudiais l’économie et le management à l’université rapport du Haut-Commissariat aux Droits de de Mossoul, est entre leurs mains. [...] Tous les ans, je l’homme de l’ONU paru en mars 2015. Près de passais Sere Sal avec lui et tous mes amis. Aujourd’hui, deux ans après le début de la tragédie, plus de je suis seul. » 3000 yézidis demeurent captifs des terroristes, À Sharya même, sur le terrain vague au milieu du selon les autorités du Kurdistan d’Irak. camp, c’est le message qu’ont souhaité faire passer des organisations locales réunies sous le parrainage de l’Union européenne. «Je ne célébrerai pas cette fête sans ma sœur», «Je fêterai le retour de mon père», peut-on (? ) LEXIQUE lire sur des feuilles de couleur distribuées aux enfants Yézidisme avant notre ère). Centrée sur le culte de du camp, qui n’ont pu se rendre à Lalish, faute d’argent. Deyazd, «dieu» en persan, religion Mazda et sur une théologie dualiste Parqués derrière des barrières, ils ont interdiction de se monothéiste perpétuée par des tribus opposant le Bien et le Mal, elle est joindre aux officiels, mais finissent par forcer le passage. kurdes. Elle comprendrait environ 600 000 devenue le culte officiel de l’Empire perse dans l’Antiquité. Il resterait 200 000 Des soldats kurdes les dispersent à coup de claques et fidèles, présents principalement au Nord de l'Irak, mais aussi en Syrie, en Turquie, zoroastriens dans le monde, en leur jetant à la figure des œufs colorés. Cette généra­ en Arménie et en Géorgie. Outre au dieu principalement en Iran et en Inde. tion-là attendra sans doute quelques années encore pour suprême, Xwede, les yézidis rendent un Calendrier julien goûter pleinement aux joies du Nouvel An. i culte à sept anges, dont le principal, Tawsi Calendrier solaire établi par Jules César Melek, l’Ange-Paon, est une divinité en 46 avant notre ère, il reste employé par solaire mésopotamienne très ancienne. les chrétiens orthodoxes et des minorités Zoroastrisme religieuses du Moyen-Orient, et retarde de Religion monothéiste instaurée par le 13 jours sur le calendrier grégorien qui l’a prophète Zoroastre (IIe ou Ier millénaire remplacé en Occident au XVIe siècle.

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DESielÏÏonde RELIGIONS LE MONDE DES RELIGIONS JUILLET-AOUT 2016

Nation sans véritable État, les Kurdes, environ 35 millions de personnes, forment le plus-* grand peuple apatride au monde. Par Louise Gamichon

LES KURDE

HISTOIRE UNE MOSAÏQUE RELIGIEUSE

n sait peu de choses des Kurdes contrairement aux pays voisins qui pré­ ch rétien s se divisent entre catholiques, avant que les h istorien s et voya­ fèrent le hanafisme, réputé plus souple. assyriens, chaldéens et syriaques. En­ O geurs arabes ne commencent à La grande majorité des Kurdes (80 %) viron 150 000 chrétiens vivraient dans évoquer clairement ce peuple, au départ est musulmane sunnite. le Kurdistan irakien. très réticent à embrasser l’islam. Les C’est néanmoins un sun­ Ce n’est pas C ertain s K urdes se ré ­ Kurdes descendent des Mèdes, peuple nisme relativement hété­ la religion clament pour leur part indo-européen de la branche perse, qui rodoxe, moins conformiste du yézidisme, religion fondèrent un vaste empire au VIIe siècle et empruntant à différentes qui unifie les dérivée du zoroastrisme. avant notre ère. Au XVIe siècle, l’Empire con fréries soufies, qui se dé­ Kurdes, mais la Il y en aurait environ ottoman et la Perse se disputent les fa­ veloppe dans la région. Le langue. 500 000 au Kurdistan ira­ veurs des montagnards kurdes, qui se reste des Kurdes de confes­ kien, 150000 en Syrie et rallient au premier. En contrepartie sion musulmane se partagent entre le 1 0 0 0 0 0 en Turquie. Une petite com m u­ de la surveillance de la frontière, ils chiisme et l’alévisme, une dissidence du nauté de Kurdes shabak (adeptes d’un obtiennent une autonomie relative chiisme encore très vivante en Turquie. syncrétisme dérivé du chiisme et du jusqu’au XIXe siècle. Aujourd’hui, les yézidism e) vit par ailleu rs d ans le nord Kurdes sont écartelés entre quatre pays : 750 000 YÉZIDIS de l’Irak (60 000 personnes). Enfin, les la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. La situation des Kurdes d’Iran est parti­ Kurdes comptaient une petite commu­ Gagnés par l’islamisation, les Kurdes culièrement atypique : étant, aux deux nauté juive de 25 000 personnes, qui a refu sen t n éan m o in s toute form e d’ara ­ tiers, sunnites, ils constituent une cependant quitté le territoire en 1949- bisation. Ils conservent leur langue, double minorité, ethnique et religieuse, 1951 pour se rendre en Israël. leurs coutumes et se différencient d’où leur persécution par le régime. Une Ainsi, ce n’est pas la religion qui jusque dans l’école de jurisprudence autre partie des Kurdes, au contraire, se unifie la communauté kurde, mais la islam ique qu’ils adoptent, le chaféism e, rattache au christianisme. Ces Kurdes langu e. I

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DATE 1920 Peu après la Première Guerre mondiale, les Alliés souhaitent redessiner les frontières d’un Empire ottoman affaibli. Arméniens, Arabes, Assyriens et Kurdes se voient donc promettre des États indépendants, inscrits dans un accord très défavorable aux Turcs. Le traité de Sèvres, signé en 1920, indique qu’un territoire autonome est réservé aux Kurdes dans le sud-est de l’Anatolie, ce qui constitue une forme de reconnaissance de la part de la communauté internationale. En 1923, un nouvel accord (le traité de Lausanne) viendra finalement annuler cette promesse, laissant les Kurdes divisés

Un peuple dispersé sur quatre pays. Entre 1925 et 1931, plusieurs sur quatre pays révoltes menées par des chefs soufis en Turquie et en Iran sont durement réprim ées, au point que le gouvernement turc interdit les confréries soufies durant des mois. En Turquie, en Syrie et en Iran, la langue kurde est ponctuellement proscrite au nom des nationalismes. Ces mesures ne font que renforcer le patriotisme ku rd e.

PERSONNAGE MOT SALADIN

KURDISTAN Salah al-Din al-Ayyoubi (1138-1193), Bien que les Kurdes n’aient jam ais grand héros musulman connu pour disposé d’un gouvernement central, avoir reconquis Jérusalem aux mains l’idée d’un territoire unifié par la des croisés, est d’origine kurde. Il culture et la langue kurde remonte au s’illustre tout d’abord lors d’une Xe siècle. Vers 1150, le sultan Ahmad intervention en Égypte, alors Sandjar crée une province appelée dominée par le califat chiite de la « K u rdistan », littéralem en t « Pays dynastie fatimide et que les des Kurdes », divisée entre diverses croisés convoitent. Après principautés qui ne sont jam ais ce succès militaire en parvenues à s’entendre. 1169 et la mort de son Depuis la chute de l’Empire oncle la même année, ottoman, en 1923, seuls les Kurdes Saladin devient vizir ° d’Irak sont parvenus à obtenir une de la région où il quasi-indépendance entre 1991 et impose définitivement 2003. Grâce à un statut fédéral reçu le sunnisme. après la chute de Saddam Hussein, À la tête d’une armée composée essentiellement de guerriers ils disposent d’une importante force kurdes, il poursuit ses conquêtes et reprend Tripoli aux Normands, armée : les peshmergas, qui luttent s’empare de la Syrie et envoie son frère conquérir le Yémen. Lorsque aujourd’hui activement contre les croisés violent une trêve établie en 1186, le redoutable guerrier Daech en Irak. En mars 2016, les fait le siège de Jérusalem. À sa mort en 1193, le royaume est immense. Kurdes de Syrie ont proclamé Saladin deviendra une figure de proue des nationalistes arabes leur autonomie dans une région au XIXe siècle. L’aigle, emblème du guerrier, figure aujourd’hui située au nord du pays. sur le drapeau égyptien.

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