Perspective Actualité en histoire de l’art

2 | 2012 Antiquité/Moyen Âge Antiquity/Middle Ages

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/perspective/75 DOI : 10.4000/perspective.75 ISSN : 2269-7721

Éditeur Institut national d'histoire de l'art

Édition imprimée Date de publication : 15 décembre 2012 ISSN : 1777-7852

Référence électronique Perspective, 2 | 2012, « Antiquité/Moyen Âge » [En ligne], mis en ligne le 24 juin 2013, consulté le 01 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/perspective/75 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ perspective.75

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Antiquité Ofrir, vénérer, bâtir, conserver... de l'Acropole à l'Asie Mineure, l'archéologie et l'histoire de l'art antique éclairent les objets, les images et les échanges d'un monde méditerranéen élargi. Moyen Âge Comment mesurer l'art médiéval, entre indiviualités et communautés, culture des hommes et culte de Dieu ? Manuscrits, icônes et architecture à la lumière d'approches nouvelles.

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SOMMAIRE

Penser l’art antique : alliances et résistances disciplinaires Anthony Snodgrass

Antiquité

Débat

Texte et image dans l’Antiquité : lire, voir et percevoir Susanne Muth, Richard Neer, Agnès Rouveret et Ruth Webb

Travaux

L’archéologie de la Macédoine : état des recherches et nouvelles perspectives Hariclia Brécoulaki

L’Acropole d’Athènes en chantier : restaurations et études depuis 1975 Bernard Holtzmann

Actualité

L’art des peintures murales du Bronze récent : de l’Égée à la Méditerranée orientale Christos Boulotis

L’offrande céramique dans les lieux de culte Olivier de Cazanove

Publier l’architecture militaire grecque : entre évolution et tradition Marie-Christine Hellmann

Rituels et sanctuaires étrusques, d’une archéologie des tombeaux à une archéologie des cultes Martin Bentz

Bâtiments et décors : nouvelles recherches sur l’architecture antique en Asie Mineure Jacques des Courtils

Recent approaches to the study of Roman portraits Barbara E. Borg

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Choix de publications

Moyen Âge

Débat

Archéologie du bâti : du mètre au laser Gerardo Boto-Varela, Andreas Hartmann-Virnich, Norbert Nussbaum, Nicolas Reveyron et Andrew Tallon

Travaux

Vieux clichés et nouveaux mythes : Constantinople, les icônes et la Méditerranée Michele Bacci

The architecture of the mendicant orders in the Middle Ages: an overview of recent literature Caroline Bruzelius

Actualité

Synthèses et nouveautés autour du « premier art chrétien » Ivan Foletti

Ut pictura notarum figura : la notation neumatique à la lumière des images et vice-versa Eduardo Henrik Aubert

Le portrait au Moyen Âge Martin Büchsel

Choix de publications

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Penser l’art antique : alliances et résistances disciplinaires Reflecting on ancient art: alliances and resistance between disciplines

Anthony Snodgrass

1 Existe-t-il une différence fondamentale entre l’étude de l’art « ancien » – qu’il soit préhistorique, antique ou médiéval – et l’histoire de l’art des époques ultérieures ? De nombreux arguments semblent suggérer que oui : en nature, comme en quantité, les sources documentaires sont plus lacunaires que pour les périodes suivantes ; faisant usage de matériaux plus fragmentaires, elle repose davantage sur la connaissance du contexte ; elle fait largement appel à des hypothèses invérifiées ; sur le plan pratique, elle a traditionnellement été pratiquée par des spécialistes d’un autre genre ; enfin, l’évolution des paradigmes intellectuels et la généralisation des approches théoriques ont peut-être eu moins d’influence sur ses interprétations (encore que ceci reste à débattre). Je m’efforcerai dans ce texte d’examiner certaines de ces prétendues différences, avec un intérêt particulier pour l’art de l’Antiquité classique, considéré notamment du point de vue du monde anglo-saxon.

2 Ces différences ne supportent pas toutes un examen plus rapproché ; les regarder de plus près ne fait que confirmer la complexité des divergences et des concordances entre les différents champs de l’histoire de l’art, allant de la préhistoire à l’art le plus actuel. Ainsi, l’idée – d’ailleurs erroné – selon laquelle l’histoire de l’art traditionnelle de l’Antiquité classique n’a pas subi l’emprise de la théorie est due en partie au consensus tacite de certains de ses praticiens. En réalité, la discipline a toujours reposé sur le connoisseurship, une approche qui, bien que se prêtant difficilement aux discussions théoriques, s’appuie sur des présupposés d’ordre théorique. À la différence de l’archéologie classique, l’étude de l’art de la préhistoire offre peu d’occasions de pratiquer le connoisseurship, et privilégie plutôt une approche théorique. Ces deux disciplines somme toute assez différentes ont pour seul trait commun d’avoir été traditionnellement pratiquées par des gens se définissant eux-mêmes comme des archéologues, et non comme des historiens de l’art. Cette caractéristique partagée les situe de fait hors du champ de l’histoire de l’art du Moyen Âge, alors que ce dernier

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pourrait présenter des points communs avec l’étude de l’Antiquité classique. Or il dispose depuis longtemps de son propre quota d’historiens de l’art spécialisés, qui sont distincts des archéologues du Moyen Âge. Concernant l’histoire de l’art de la Renaissance et des temps modernes, le connoisseurship a longtemps prévalu, comme pour l’Antiquité. L’absence de documentation, qui caractérise l’étude de la préhistoire, trouve des parallèles encore plus récents dans l’art non européen. Et ainsi de suite. Il semble émerger de tout cela bien plus qu’une simple dichotomie des approches mais, au contraire, un réseau complexe de similitudes et de divergences qui interfèrent les unes avec les autres. 3 Pour autant, le principe d’une histoire de l’art pratiquée uniquement par des archéologues demeure problématique, allant même, dans le domaine de l’Antiquité classique, jusqu’à susciter des remises en question personnelles. L’un de ses éminents représentants, feu Martin Robertson, professeur d’art et d’archéologie classiques, a notamment fait de ce sujet le thème central de sa conférence inaugurale à la chaire Lincoln de l’université d’Oxford, il y a tout juste cinquante ans . Son discours cristallise l’oscillation entre histoire de l’art et archéologie qui caractérise l’étude de l’Antiquité classique dans la seconde moitié du XXe siècle. 4 Le titre choisi, « Entre archéologie et histoire de l’art », se voulait le reflet de sa position personnelle, mais il est apparu très vite qu’il entretenait bien plus d’affinités avec la seconde discipline qu’avec la première. Incapable de se dire archéologue au sens généralement reconnu du terme, il trouvait du réconfort dans le fait que les activités de ses illustres prédécesseurs à cette chaire, John D. Beazley et Bernard Ashmole, relevaient également d’une démarche orientée par l’histoire de l’art. S’il exprimait aussi des doutes concernant cette dernière discipline, ceux-ci portaient non pas tant sur sa valeur que sur la capacité de l’Antiquité classique à embrasser une approche entièrement historique. Lorsque les sources littéraires pertinentes sont, selon ses mots, « pitoyables » et les sources épigraphiques « très limitées », la seule voie possible reste l’étude directe des œuvres d’art – ce qui, comme il l’admet volontiers, conduit naturellement au connoisseurship et non pas à l’histoire. En l’occurrence, il pensait certainement à la sculpture car, aujourd’hui encore, la découverte majeure d’une sculpture grecque originale – les bronzes de Riace trouvés en 1972, pour citer un exemple majeur – a toutes les chances de semer le trouble chez ceux qui s’efforcent de rédiger une synthèse cohérente de l’histoire de l’art antique classique. L’examen direct d’une œuvre peut, dans de tels cas, déjouer l’histoire. 5 Robertson se tourne alors, avec un certain soulagement, vers la peinture sur vase grecque – à partir duquel la création d’une discipline proche de l’histoire à proprement parler peut être envisagée – et vers le travail de Beazley dans ce domaine. Il résume l’accomplissement de cet érudit en des termes révélateurs : « Beazley a fait évoluer l’étude de la peinture sur vase d’une branche de l’archéologie à une branche de l’histoire de l’art » , un indice clair, s’il en est, de l’estime supérieure de Robertson pour l’histoire de l’art. Prônant le connoisseurship et l’exercice des jugements de valeurs comme la pratique la plus estimable de l’étude de l’art, il affirme que « la chasse aux trésors est en soi louable ». 6 Les principaux éléments de cette position devaient connaître une postérité remarquable. L’application de la pensée structuraliste à l’art antique, et notamment à aux peintures sur vase grecques, a largement contribué à enrichir la discipline, sans pour autant détruire ses fondements . Forte de cette approche, l’archéologie classique

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pouvait désormais aborder une série de questions inédites et plus intéressantes, tout en demeurant une branche spécialisée de l’histoire de l’art. 7 La critique de ces valeurs héritées est venue d’ailleurs, d’abord essentiellement de la part d’archéologues d’autres champs – notamment ceux qui s’associaient au « processualisme » des années 1960 et 1970 –, qui considéraient que leur travail consistait justement en partie à éradiquer de leur discipline les jugements de valeur, le connoisseurship et, de fait, la chasse au trésor (il régnait le sentiment que l’archéologie classique entretenait des relations trop étroites avec le marché des antiquités) . Toutefois un certain degré de tolérance prévalait : si l’ensemble des individus partageant l’étiquette d’« archéologue » n’étaient pas forcément toujours d’accord, à partir du moment où chacun s’en tenait à son champ bien défini et n’empiétait pas sur les autres, la complémentarité pouvait l’emporter, et le modèle unitaire pouvait être conservé. Même ceux qui, comme moi, cherchaient, de l’intérieur, à faire pleinement intégrer l’archéologie classique à la discipline archéologique dans son sens plus large étaient en quelque sorte satisfaits. 8 Puis, de manière inattendue, ce beau compromis s’est trouvé menacé vers la fin du XXe siècle. Sous l’influence du postmodernisme, l’étude de l’art des époques plus récentes connaissait d’importantes mutations. En histoire de l’art de l’Antiquité classique, le temps semblait également venu de reconsidérer la structure même de ce champ, y compris – et même en particulier – son alliance institutionnelle avec l’archéologie. Voilà que l’on reprochait à cette « branche spécialisée de l’histoire de l’art » non pas de se faire passer pour de l’archéologie, mais de prétendre à être une histoire de l’art véritable. En remettant en cause ce lien, l’on se demandait pourquoi l’histoire de l’art antique devrait rester rattachée à une discipline qui n’est de toute évidence pas son pendant naturel. Pourquoi la primauté de l’attribution et de la chronologie devrait-elle persister, en dépit des intérêts de l’observateur, qu’il soit ancien ou moderne ? Une œuvre d’art ne devrait-elle pas bénéficier, au contraire, d’une indépendance et d’une ouverture propice à la réinterprétation comparables à celles dont bénéficient aujourd’hui les textes anciens ? La date et le lieu de sa fabrication doivent-ils constituer le noyau de son étude, alors que son histoire ultérieure et sa réception, jusqu’à nos jours y compris, sont au moins aussi importants ? 9 Il s’agissait avant tout d’une revendication visant à poser l’histoire de l’art antique classique comme un domaine à part, en le privant largement de son héritage. Les étiquettes employées auparavant par convenance pour désigner des œuvres d’art ou des artistes d’après le nom de leurs anciens propriétaires (le « Faune Barberini », les « Marbres d’Elgin », le « Peintre de Berlin ») servaient désormais à renseigner les contextes secondaires des œuvres, devenus bien plus importants. L’attribution de lieux et de dates d’origine était écartée, les méthodes associées au connoisseurship dépréciées. En 2001 est paru un ouvrage sous le titre Classical Art : From Greece to Rome, qui, couvrant toute la période allant d’Alexandre le Grand à Hadrien balayait d’un coup la chronologie traditionnelle de l’histoire de l’art antique classique . Ce nouvel affront fut considéré comme plus radical que tous les précédents, et la réaction fut encore plus féroce, comme en témoigne un ouvrage comme The History of Greek Vases de John Boardman . Des alliances se formèrent ensuite avec d’autres mouvements plus réactionnaires et aux motivations divergentes, à l’instar de la doctrine récente de « Musée universel ». Celle-ci, apparue pour la première fois dans une déclaration publiée en 2002 signée notamment par des conservateurs de musée , se prononce

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contre la restitution d’œuvres d’art à leur pays d’origine. Affichant un goût postmoderne prononcé pour les « histoires » alternatives, elle franchit un pas supplémentaire pour enlever des mains des archéologues l’histoire de l’art antique.

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Antiquité

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Antiquité

Débat

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Texte et image dans l’Antiquité : lire, voir et percevoir Art and text in Antiquity: to read, see and perceive

Susanne Muth, Richard Neer, Agnès Rouveret et Ruth Webb Traduction : Aude Virey-Wallon et Géraldine Bretault

NOTE DE L’ÉDITEUR

Ce texte résulte d’un échange de courriels.

1 Le rapport entre texte et image a toujours joué un rôle primordial dans l’étude de l’art de l’Antiquité. En effet, la perte de la quasi-totalité de la peinture antique (surtout avant les découvertes à Pompéi et Herculaneum au XVIIIe siècle) a obligé les savants, artistes et commanditaires de la Renaissance à avoir recours aux textes, comme les Images de Philostrate ou la Calomnie d’Apelle de Lucien, pour reconstruire à la fois une conception de l’art antique et des peintures réelles. Ce recours aux textes était à la fois rendu possible et encouragé par le grand nombre d’auteurs grecs, puis romains, qui ont écrit sur les arts visuels, à commencer par Homère et son évocation célèbre et toujours débattue du bouclier d’Achille (Iliade, 18). L’exemple d’Homère fut déterminant puisque la description d’œuvres d’art (ekphrasis selon le vocabulaire moderne) était devenue un élément incontournable pour les poètes épiques d’abord, puis pour les auteurs de poésie de toute sorte. Parallèlement à ces évocations poétiques des œuvres d’art – intégrées parfois à l’œuvre elle-même –, on trouve à partir de l’époque classique (Ve siècle avant J.-C.) des réflexions poussées sur la nature de l’image, son rapport au monde et son impact sur le spectateur. Platon considérait la peinture comme l’exemple même de l’apparence vide et trompeuse ; les auteurs d’épigrammes hellénistiques réfléchissaient sur le travail de déchiffrement entrepris par le spectateur ; et – phénomène très important mais trop souvent négligé – les auteurs de l’Antiquité tardive et de Byzance menaient une réflexion intense sur l’image et son rapport au divin dans le cadre de débats sur l’image religieuse qui ont trouvé leur point culminant dans l’iconoclasme byzantin. À ces textes s’ajoute la collection d’anecdotes sur l’art et les artistes recueillies par Pline dans son Histoire naturelle.

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2 Les premiers historiens de l’art à exploiter ces sources – notamment les descriptions poétiques et rhétoriques de l’Antiquité – les ont vues et lues comme des ouvertures transparentes permettant un accès direct et sans encombrement à l’art. Les tentatives aux XVIIIe et XIXe siècles de reconstruire le bouclier d’Achille ou de Hercule selon les descriptions données par la poésie épique sont des témoignages éloquents de cette attitude. De même, les savants allemands du XIXe siècle blâmaient les qualités « rhétoriques » de Philostrate qui les empêchaient de concevoir l’image décrite. Même les premiers recueils de sources écrites sur la peinture et la sculpture antiques, comme le « Recueil Milliet » publié par Adolphe Reinach en 19211, organisaient les extraits dans l’ordre chronologique selon l’artiste concerné, mélangeant ainsi sources philosophiques et littéraires, écrites par des auteurs que séparaient des siècles entiers. Ainsi se mettait en place un jeu de miroirs dans lequel la position privilégiée accordée au texte comme source conduisait à son démantèlement et au refus de lire le texte comme tel. 3 Nous sommes plus conscients aujourd’hui de l’importance du contexte et du genre de nos sources écrites. Paradoxalement peut-être, une attention plus grande accordée à la nature du texte a suscité des lectures bien plus fructueuses pour l’histoire de l’art, qui soulignent l’expérience du spectateur, ce que la parole peut communiquer bien plus aisément. L’apport d’approches inspirées par l’anthropologie, qui reconnaissent que les sociétés ont des manières différentes d’appréhender les images et les textes, représente une autre grande révolution – d’où, a mon sens, la difficulté soulevée par la formulation « art et texte » privilégiée par certains chercheurs, qui suppose une conception stable de l’art de l’Antiquité à nos jours. Il convient ici de revenir à l’exemple byzantin, qui montre la place très particulière de l’image au sein d’une société dans laquelle l’accès au divin donné par l’image primait sur le rôle de l’artiste. Le changement de focalisation pour attribuer autant, voire plus, d’importance au spectateur qu’à l’artiste, est allé de concert avec la naissance des théories de la réception et de la performativité dans la seconde moitié du XXe siècle.

4 Actuellement, les études évoluent vers une conception dialogique et interactive du rapport entre texte et image plutôt que hiérarchique. Cette vision est fondée sur des pratiques antiques qui tendaient à juxtaposer paroles (pour modifier le terme) et images, que ce soit dans le banquet grec, le triomphe romain ou l’église byzantine. Elle s’appuie également sur le fait que, selon certains théoriciens antiques, chaque énoncé pouvait provoquer une image dans l’esprit de l’auditeur. Ces conceptions antiques effacent souvent les distinctions entre texte et image qui peuvent nous sembler si nettes. L’image pouvait aussi être accompagnée de paroles, que celles-ci soient écrites, comme dans le cas des inscriptions, ou suscitées dans l’esprit du spectateur. Dans cette interaction, ce dernier est appelé à jouer un rôle central qui peut être actif, comme dans le cas du déchiffreur du sens de l’image qui figure dans plusieurs textes, ou plus passif, comme dans la conception d’Alfred Gell, pour qui le spectateur se trouve envoûté par la puissance de l’image. Mais, en fin de compte, ces deux postures ne sont peut-être pas si contradictoires : le déchiffreur est poussé par l’image à y trouver un sens, puis l’envoûtement résulte d’un travail d’interprétation et d’identification des forces qui ont produit l’image, interprétation certes spontanée mais qui n’existe pas moins [Ruth Webb].

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Ruth Webb. Quelles ont été, à votre avis, les principales avancées dans l’étude de la relation entre le texte et l’image ces dernières années, et quelles sont les perspectives les plus prometteuses pour la recherche ? Susanne Muth. La comparaison entre texte et image constitue depuis toujours un élément essentiel de la recherche sur les images antiques2, comme dans les sciences humaines plus largement3. Les intérêts et les objectifs de ce rapprochement ont toutefois changé au fil du temps. Alors que le texte et l’image ont longtemps été perçus comme des moyens d’expression concurrents, et par là même examinés dans un rapport plus ou moins explicitement hiérarchique, s’est dessinée récemment une nouvelle approche chez les spécialistes d’images antiques : image et texte sont désormais analysés avant tout dans leur juxtaposition et leurs interactions, alors que l’on tente de saisir leur potentiel selon leurs spécificités médiales respectives4. De toute évidence, cette vision nouvelle est aussi la conséquence d’une recherche de plus en plus centrée sur la contextualisation. Dans les espaces matériels de la vie quotidienne antique comme dans les situations ritualisées, textes et images agissaient généralement de concert, en tant que deux supports distincts d’une communication cohérente. Les sociétés de l’Antiquité employaient ces deux médiums de façon identique pour façonner culturellement leur espace de vie : au cours du symposion grec, par exemple, on récitait des textes tout en contemplant des images peintes sur la céramique de luxe ; sur les forums romains, inscriptions et décors sculptés distinguaient conjointement les monuments ; dans les tombes, l’éloge du défunt pouvait figurer à la fois dans une épigramme funéraire et sur les ornements figuratifs du sarcophage, etc. Ce n’est pas la rivalité des médiums, mais plutôt leur dialogue au service d’un message plus complexe qui présidait à l’emploi de l’image et du texte. En focalisant davantage notre regard sur cette coexistence et cette coopération, définies par le contexte, on constate combien l’interaction entre ces deux médiums présente des facettes variées, et combien leur efficacité respective au sein de ce dialogue pouvait être exploitée de façon plurielle : image et texte pouvaient se renforcer, se mettre en valeur ou se contredire, et ils pouvaient ensemble transmettre des idées précises par la répétition, la complémentarité ou le contraste – exhortant le lecteur, l’auditeur ou le spectateur à des modes de réception sans cesse renouvelés. Ainsi la bravoure (virtus) de l’empereur romain pouvait être vantée sur une inscription par un mot unique définissant cette vertu ; l’image, à l’inverse, devait montrer une scène plus complexe illustrant certes la vaillance, mais ouvrant en même temps un éventail plus large de qualités (prévoyance, énergie, courage, sens du commandement, aspiration à la victoire, supériorité, etc.), qui assure une caractérisation plus exhaustive de l’empereur – le spectateur étant incité à la déchiffrer lui-même à travers les différentes accentuations et appréciations5. Un message ciblé et précis sous la forme de la communication linguistico-verbale et un message plus ouvert, et qui exige un effort d’interprétation sous une forme visuelle – c’est précisément par ce dialogue et cette interaction des médiums que leurs limites respectives pouvaient être compensées, permettant ainsi d’atteindre des possibilités de communication plus étendues et polymorphes. Pour les recherches futures, il paraît donc intéressant d’analyser le fonctionnement de chacun des médiums avant tout dans la perspective d’une interaction entre texte et image : il sera alors possible de mettre en évidence de façon d’autant plus subtile et

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différenciée les limites, mais aussi les chances et potentialités inhérentes au fonctionnement des deux formes d’expression, et par conséquent de mieux comprendre leur emploi dans les civilisations antiques. En effet, plusieurs découvertes archéologiques étudiées par Zahra Newby, Ruth Newby-Leader, Richard Neer, Michael Squire, Katharina Lorenz et moi-même, entre autres, montrent nettement combien ces médiums étaient utilisés à dessein dans une interaction de leurs potentiels communicatifs propres. Ainsi, dans les tombes de l’Empire romain, les différents aspects de l’éloge funèbre étaient habilement répartis, entre l’épigramme funéraire et les reliefs ornant le sarcophage, afin de formuler les termes du discours de façon percutante : alors qu’une épigramme célébrait des vertus précises, les images du sarcophage présentaient un panégyrique chargé d’émotion6. Les témoignages intermédiaux, dans lesquels l’image et le texte sont combinés directement sur un même support artistique, exploitent au mieux cet échange entre le linguistico-verbal et le visuel, comme en témoignent la céramique attique de luxe associant scène peinte et inscription, ou encore les monnaies romaines alliant figure et légende7. Agnès Rouveret. L’avancée la plus considérable dans l’analyse des relations entre texte et image pour la période antique trouve son origine dans le renouveau profond suscité par les recherches qui se sont développées autour des années 1960-1970 dans l’ensemble des disciplines relevant des sciences humaines et sociales. On a ainsi assisté à la déconstruction de la notion même de texte, à de multiples tentatives pour « penser » l’image et en décrypter les mécanismes de façon rationnelle et « systémique », tout en soulignant la part irréductible du non-verbal qui la caractérise. L’exploration de ces nouvelles voies s’est appuyée sur des corpus clos et homogènes tels ceux que nous évoquons plus loin à propos de la « cité des images » et des langages hybrides élaborés en milieu étrusque et italique. Un des effets collatéraux de ces recherches est d’avoir plutôt renforcé la dichotomie entre les deux ordres d’évidence, alors même qu’elles valorisent l’analyse de l’image en tant que telle, en rupture avec la tradition héritée du XIXe siècle, qui tendait à en faire une « illustration » du texte. Ainsi, par un paradoxe qui n’est qu’apparent, la déconstruction du rapport entre texte et image a renforcé et diversifié les études consacrées à ce thème. De fait, le savoir constitué par la tradition des études classiques s’est fondé sur le lien entre les textes (quels qu’en soient les supports matériels) et les traces encore visibles – et progressivement mises au jour – des monuments antiques et de leurs décors. Ce savoir constitutif de l’archéologie classique s’est donc construit sur le contraste entre le verbal et le visuel, et sur une perception autoptique des vestiges du passé. L’histoire des découvertes et les recherches historiographiques menées au sein des disciplines composant les sciences de l’Antiquité représentent un premier facteur de progrès dans l’exploration des rapports entre texte et image et dans la constitution des savoirs nés de leurs interactions. On peut citer quelques exemples : les conflits entre historiens et « antiquaires » aux XVIIIe et XIXe siècles au sujet de l’histoire ancienne, analysés dans un texte fondateur d’Arnaldo Momigliano8, l’impact de la découverte en 1506 du groupe statuaire identifié avec le « Laocoon », que Pline l’Ancien (Histoire Naturelle, 36 et 37) considérait comme supérieur à tous les chefs- d’œuvre de la peinture et de la sculpture (opus omnibus et picturae et statuariae artis praeferendum) ; les recherches des peintres de la Renaissance pour transcrire en

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images les descriptions de tableaux de Lucien ou de Philostrate l’Ancien, la Calomnie d’Apelle constituant sans doute l’exemple le plus célèbre de cette recherche de visualisation des chefs-d’œuvre perdus de la peinture antique. La tendance encore dominante dans l’historiographie contemporaine donne la primauté au texte sur l’image. Cette dernière garde en effet une part irréductible à la transposition verbale tandis que le texte semble établir un dialogue plus direct et familier entre l’Antiquité et le lecteur contemporain. En outre, les textes antiques transmis par la tradition manuscrite ou grâce à l’archéologie invitent à cette confrontation entre les textes et les images. À côté des domaines de la littérature et de l’histoire de l’art qui seront abordés en réponse à la deuxième question, le rapport entre texte et image peut être évalué à travers les vestiges de la culture matérielle. Il s’agit d’un vaste domaine où la nature et la fonction des supports créent soit des cas d’espèce (peintures, graffiti, inscriptions dans les rues et dans les lieux publics des cités vésuviennes, peintures « liturgiques » de Délos, ostraka inscrits et figurés 9), soit des formes récurrentes susceptibles d’être mises en série, ainsi dans l’expression monumentale du pouvoir à Rome10, ou dans les lieux de la vie privée : vaisselle inscrite accompagnant les jeux du symposion ; allusions lettrées dans l’espace domestique romain11. Ces recherches sur la culture matérielle confirment l’omniprésence des textes et des images dans l’espace urbain antique et permettent d’aborder les mécanismes qui règlent leur coexistence12. Elles s’intéressent à l’imaginaire social dans les pratiques et les rituels de la « cité des images » comme à propos du « pouvoir des images » dans la Rome augustéenne13. Plusieurs ouvrages14 insistent sur le fait que notre vision de la dichotomie entre textes et images est conditionnée par des comportements culturels et religieux bien postérieurs à l’Antiquité gréco-romaine. Il en va de même pour le rôle de la tradition orale et écrite par rapport aux choses vues et perçues dans l’écriture de l’histoire, comme l’a montré Francesco De Angelis à propos d’Hérodote et de Pausanias15. En parallèle avec ces travaux, l’intérêt porté aux autres cultures du monde classique et de ses marges a conduit à constituer des corpus autonomes d’images et à en dégager les logiques de fonctionnement en prenant appui sur des approches fondées sur des modèles contemporains, par exemple la sémiologie et l’analyse des langages hybrides (sabir, pidgin, créole) qui se forment dans les situations de contact entre populations de langues et de cultures différentes 16. C’est une voie qui a été suivie pour l’analyse des tombes peintes de Paestum17. De même, la constitution du corpus des images étrusques ces quinze dernières années a donné lieu à des approches comparatives et à plusieurs stratégies d’interprétation pour définir l’imaginaire social et cerner le contenu eschatologique des représentations funéraires18. Parmi les perspectives ouvertes par les recherches en cours et à côté des travaux consacrés aux rapports multiples entre image et religion, renforcés par la publication de corpus tels que le Thesaurus Cultus et Rituum Antiquorum (ThesCRA) 19, il me semble que l’on doit mettre l’accent sur l’apport des approches cognitives liées à l’image et à toutes les formes de visualisation. Ces recherches permettent de cerner de façon beaucoup plus fine les formes d’expression de l’intériorité et de la subjectivité dans l’Antiquité, qui mettent en jeu des conceptions très particulières de l’image, de la mémoire et de l’imagination. De telles enquêtes sont directement liées aux travaux qui explorent les liens entre « art and text », et entrent en résonance avec d’autres thématiques en plein développement comme la notion de performance ou les

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échanges entre le visuel et l’auditif, voire l’olfactif. Ces travaux prennent également appui sur le renouveau des études consacrées à la rhétorique et aux pratiques d’apprentissage et de transmission des savoirs dans l’Antiquité20. Richard Neer. Jusque dans les années 1990, les discussions portant sur le texte et l’image dans l’Antiquité classique étaient largement de nature sémiologique. La « science normale » consistait à classer et à mettre en relation différents systèmes de signes, quoique de manière relativement informelle. Dans ce domaine comme ailleurs, Jean-Pierre Vernant s’est illustré en tant que pionnier et source d’inspiration, aux côtés de François Lissarrague et Jesper Svenbro. Les chercheurs anglophones en ont pris bonne note, notamment à travers deux recueils parus en 1994 et 1996, le premier édité par Robin Osborne et Simon Goldhill, et le second par Jaś Elsner21. Au même moment, des travaux importants sur les inscriptions voyaient le jour (à l’exemple du Corpus of Attic Vase Inscriptions de Henry Immerwahr), alors même qu’émergeaient de nouvelles sources textuelles (parmi lesquelles les poèmes récemment découverts de Posidippe)22. Depuis cette époque, la sémiologie pure a pratiquement disparu de l’ensemble des domaines de recherche. Mais de la même manière que les dinosaures ont subsisté sous la forme d’oiseaux, la sémiologie a évolué pour donner corps aux media studies. L’objet de cette discipline ne vise pas tant la classification de systèmes de signes que la matérialité des médias et leur mise en réseau. Ce changement dénote l’attention nouvelle qui est accordée aux corps et aux perceptions sensorielles, à la phénoménologie et à la technologie. Pour bien des chercheurs travaillant sur ce sujet, la distinction entre le texte et l’image est peut-être moins importante à établir que celle entre la vue et l’audition, par exemple entre les systèmes d’écriture et les statues d’un côté, et les chants et la musique de l’autre. Les meilleurs travaux – je pense à ceux de William J. T. Mitchell sur l’« imagetexte » ou ceux de Jacques Rancière sur la « phrase-image »23 – ne récusent pas la distinction entre le mot et l’image, mais ils insistent pour que la taxonomie soit comprise comme une abstraction formelle et ils soutiennent que les catégories logiques sont inopérantes en dehors de la vie courante. Dans cette perspective, Lissarrague était un media theorist avant la lettre, dont les travaux actuels sur le corps et l’iconicité sont formidables. Il est tout de même significatif que l’héritier des recueils de Goldhill, Osborne et Elsner soit Art and Inscriptions in the Ancient World, paru en 2007 et édité par Zahra Newby et Ruth Leader-Newby : le passage de « texte » à « inscriptions » dans le titre en dit long24. La vue et l’audition ne sont pas les seuls éléments pertinents de recherche ; c’est l’ensemble du spectre sensoriel qui est à débattre. Même les ouvrages qui semblent au premier abord relever d’un courant plus traditionnel, comme les excellents Image and Text in Graeco-Roman Antiquity et The Iliad in a Nutshell de Michael Squire 25, vont dans cette direction, à l’instar des travaux de jeunes spécialistes comme Alexandra Pappas et Ann Patnaude. Dans cette même idée, je citerai le livre dense et éblouissant de James Porter, The Origins of Aesthetic Thought in Ancient Greece paru en 2010 26, qui offre une théorie historique des médias sous les traits d’une philologie du futur, et que tous ceux qui s’intéressent à l’art grec devraient lire.

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Ruth Webb. Ce débat porte précisément sur la relation entre texte et image. Si nous partons de la terminologie art et texte utilisée par plusieurs chercheurs, notamment anglophones, quelles en sont les conséquences ? Agnès Rouveret. Le changement est important puisque le rapport « art and text », explicitement posé dans deux ouvrages parus à deux ans de distance, le premier de Goldhill et de Osborne sur la culture grecque, et le second de Elsner sur la culture romaine27, puis par celui de Liz James consacré à Byzance28, s’inscrit dans un périmètre plus circonscrit que celui défini par le thème général de texte et image. Il touche avant tout l’histoire de l’art et l’histoire littéraire, deux domaines entre lesquels la culture antique, depuis Homère, a établi d’étroites corrélations résumées par la célèbre comparaison : ut pictura poesis29. Les sources écrites constituent la plupart du temps des textes fondateurs. Ainsi le bouclier d’Achille décrit par Homère au chant XVIII de l’Iliade constitue-t-il une matrice de référence qui infuse toute la tradition littéraire (et figurée) postérieure jusqu’à l’Antiquité tardive. Le corpus des œuvres composées pour le théâtre constitue un deuxième ensemble essentiel pour évaluer la diffusion de la culture savante et lettrée dans un plus vaste public et pour cerner les jeux entre le visuel et le verbal dans l’espace de la représentation et de la « performance »30. La tradition philosophique de Platon à Aristote relayée par les grandes écoles de pensée de l’époque hellénistique constitue un autre ensemble fondamental, auquel on joindra l’important corpus des textes rhétoriques qui éclairent les formes et les pratiques de diffusion des savoirs au sein des élites. Pour l’archéologie classique et l’histoire de l’art gréco-romain, on évoquera le De Architectura de Vitruve, l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien, la Périégèse de la Grèce de Pausanias et les descriptions (ekphraseis) de Lucien, des Philostrates et de Callistrate. On soulignera pour l’ensemble de ces textes le rôle essentiel des éditions scientifiques, avec traduction et commentaires. La publication de corpus comme le Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae (LIMC) pour les mythes, ou Pompei : pitture e mosaici (PPM) 31 pour les décors domestiques romains, apporte également un soutien considérable au développement des travaux dans ces domaines. En près de vingt ans, les débats entre spécialistes autour de certains textes et monuments significatifs ont ouvert beaucoup de pistes et permis de définir un certain nombre de « cas d’école ». On peut citer la question de la visibilité de la colonne trajane par le public32, la signification de la fresque dionysiaque de la Villa des Mystères33 ou le statut que l’on doit accorder à la description d’objets d’art, d’Homère à l’époque byzantine, par rapport à la définition de l’ekphrasis présentée dans les manuels de rhétorique34. En matière d’ekphrasis, on note l’importance de certains thèmes particulièrement adaptés aux jeux entre le verbal et le visuel fondés sur les effets de miroir (Narcisse) ou de mise en abyme (poème 64 de Catulle sur les noces de Thétis et Pélée). Chacun nécessiterait une analyse approfondie de la bibliographie qui excède de loin les limites de cette intervention. Depuis la publication des nouvelles épigrammes de Posidippe de Pella en 200135, le genre épigrammatique a donné lieu à de nombreuses recherches qui ont profondément renouvelé notre connaissance des premières formes de critique d’art, développées dans le milieu des cours hellénistiques, notamment à Alexandrie, entre la fin du IVe siècle et le IIIe siècle avant J.-C., dans le dialogue et l’émulation entre poètes et artistes. Cette découverte papyrologique renforce de façon décisive notre

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connaissance des premiers auteurs de traités sur l’art identifiés depuis la fin du XIXe siècle à partir des sources latines, essentiellement l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien. Avec Posidippe nous disposons d’un texte en langue grecque contemporain de la création des premières histoires de l’art. Or deux parties du recueil, les andriantopoiika (poèmes sur les sculpteurs) et les lithika (poèmes sur les pierres) reposent sur le thème des collections. Ces dernières sont à la fois des collections réelles, constituées par les souverains, et des créations fictives destinées à mettre en scène la multiplicité des discours suscités par les œuvres d’art dans les milieux lettrés36. On peut suivre ainsi de façon beaucoup plus fine l’évolution du vocabulaire technique relatif aux arts entre le IIIe siècle et le Ier siècle après J.-C., en parallèle avec la réception de ces discours critiques par les élites romaines entre la fin de la République et l’Empire. Des passerelles nouvelles sont établies entre les périodes et permettent de tisser des liens plus étroits entre la littérature descriptive hellénistique et les recueils des rhéteurs grecs de l’époque impériale. « À quoi sert l’ekphrasis ? », la question posée par Goldhil37 ouvre sur une multiplicité de réponses en fonction du point de vue adopté et des scénarios mis en jeu par les rhéteurs eux-mêmes, qui y ont enfermé toutes les ressources de leur art d’écrire, mais aussi d’enseigner et de persuader. Ce n’est pas esquiver la difficulté que de proposer d’y voir une forme d’encyclopédie de leur savoir et de leur pratique, un conservatoire des genres littéraires et des formes de style, une mise en scène du rapport idéal entre maître et disciple, et un prodigieux trésor de citations des grandes œuvres du passé et des liens qui les rattachent les uns aux autres à l’image de la toile d’Arachnè. En parallèle, la mise en évidence de formes discursives sur l’art qui définissent le bagage idéal de l’homme cultivé – celui qu’en d’autres temps on appelait l’honnête homme – permet d’aborder l’analyse des œuvres d’art contemporaines à l’aide d’un vocabulaire critique précis et normé. Ainsi les épigrammes de Posidippe de Pella permettent de souligner l’impact profond des créations artistiques qui caractérisent l’art de l’époque d’Alexandre et de ses successeurs immédiats. Le poète les qualifie lui-même d’« art nouveau » par rapport aux formes classiques plus anciennes qu’il juge dépassées. C’est là une vision inédite de l’histoire de l’histoire de l’art, puisque les données jusqu’ici connues et transmises par les filtres romains privilégiaient la vision classicisante d’un art dont l’excellence appartenait au passé, un schéma rétrospectif sur lequel l’histoire de l’art moderne s’est construite. Les découvertes archéologiques, en particulier dans le domaine de la peinture macédonienne, permettent d’établir un parallèle étroit entre ces notions critiques et les œuvres elles-mêmes. En retour, notre regard sur la peinture romaine de la fin de la République est modifié par cette connaissance plus fine de l’histoire de la critique hellénistique autour de thèmes comme les variations d’échelle, les classements par genre, la notion même de tableau ou l’espace fictionnel38. Susanne Muth. Alors que la formule « texte et image » met l’accent en premier lieu sur les structures du contenu sémantique de la communication et sur le potentiel du verbal et du visuel, le rapprochement « art et texte » souligne davantage le côté formel et esthétique du phénomène39. La dimension formelle et esthétique peut jouer un rôle évident, notamment dans la mise en scène des textes. L’exemple le plus célèbre est fourni par les calligrammes,

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ces poèmes disposés en forme de dessin40 dans lesquels la présentation du texte manifeste une qualité plastique. Or la conception esthétique des inscriptions portées sur les vases attiques41 et la disposition des inscriptions sur les sculptures grecques42 montrent, elles aussi, que les textes ne cessent d’exploiter le potentiel du support visuel. Inversement, face à la conception formelle des images, il convient de s’interroger sur leur qualité textuelle, comme ce fut le cas récemment lors de la discussion féconde sur les Tabulae Iliacae43. De telles observations révèlent que la question de la dimension esthétique et formelle dans la mise en scène de l’image et du texte ouvre un champ passionnant aux investigations futures : elles offriront une vision élargie sur les imbrications plurielles et sur les interactions entre les systèmes de communication verbaux et visuels dans les civilisations antiques – et par là même sur le rapport des sociétés antiques au texte et à l’image, un rapport à la fois extrêmement complexe, expérimental et ludique. On pourra y puiser d’autres arguments percutants contre une polarisation simplificatrice de ces deux systèmes médiaux, une opposition qui imprègne encore maints débats archéologiques. Richard Neer. « L’art » est, de toute évidence, une catégorie bien plus large que « l’image », comprenant la poésie, la musique, le théâtre et l’architecture ; il existe également un art de penser, un art de la politique, un art de la guerre. Prendre la question au pied de la lettre signifierait par conséquent une modification si radicale des termes que tout serait différent. Cette réponse, qui peut sembler évasive, reflète la manière dont j’interprète la question : autrement dit, quelle conséquence découle du fait de considérer ou non les « images » antiques comme de « l’art » ? Or cette question dépend entièrement de ce que nous entendons par « image », qui dépend à son tour de l’expérience – ce qui fait l’objet de la question suivante. Je trouve pour ma part significatif que le terme invariant dans ce débat soit « texte », tandis que le terme fluctuant ou sujet à caution est « art » ou « image ». Pourtant, le « texte » est une catégorie très vaste, et en aucun cas homogène ; il suffit de songer aux dissemblances entre les hiéroglyphes égyptiens, l’écriture cunéiforme des Sumériens, les caractères chinois et l’alphabet grec, et aux différentes modalités d’association de chacun de ces ensembles à des images, qui ne fonctionnent pas comme des écritures. Je me soucie moins de statuer sur le juste binôme – art et texte ou image et texte – que d’étendre l’éventail des références et d’en approfondir la description. Le texte comme l’image doivent être compris dans un champ élargi, en insistant sur leurs phénoménologies, leurs matrices institutionnelles, leurs ressources matérielles et les idéologies de leur discrimination – en parallèle des classifications sémiologiques plus traditionnelles.

Ruth Webb. Nombre d’études portant sur le texte et l’image visent à nous aider à comprendre l’expérience de l’observateur ancien et le processus de visualisation – autrement dit de la culture visuelle – dans l’Antiquité. Dans quelle mesure est-il possible d’appréhender l’expérience des Anciens, et quels outils et approches sont les plus pertinents selon vous à cet égard ? Agnès Rouveret. C’est une question cruciale, qui rejoint les questionnements d’autres chercheurs, par exemple les réflexions et les propositions de Gilles Sauron sur l’« archéologie du regard »44. On peut toujours reprocher aux analyses

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contemporaines de plaquer des préoccupations, voire des modes de perception qui nous sont propres sur des réalités anciennes. Mais ce conditionnement est d’une certaine façon inévitable. Ainsi si l’on regarde les questions que nous abordons dans ce débat, on constate que l’évolution des problématiques met l’accent sur la question de la « lecture » des images marquée par l’approche sémiologique et les travaux sur la communication, sur la question de la réception des images en fonction des contextes concernés et, plus récemment, sur la culture visuelle et les formes de visualisation qui sont marquées par le développement des sciences cognitives. Nos approches actuelles sont enfin également conditionnées par les traditions propres à chaque milieu scientifique européen et extra-européen, comme notre propre débat le met en évidence, à commencer par la difficulté à traduire en français l’expression « art and text ». Même s’il s’agit d’une remarque évidente, on doit souligner la place omniprésente des images dans la création et la culture contemporaines afin de bien marquer la distance irréductible qui nous sépare de la situation antique, en particulier en matière de reproduction et de diffusion du texte et de l’image45, une distance que le caractère fragmentaire de la documentation disponible rend encore plus frappante. Le vocabulaire lié au champ de la vision et de la perception est conditionné par l’histoire même du regard et de la représentation de l’espace, comme Erwin Panofsky l’a démontré de façon magistrale. Il est aisé de montrer, à propos de termes comme « perspective » ou « paysage », comment les traductions modernes peuvent introduire des notions non pertinentes (ou fortement biaisées) par rapport au texte original. Je pense néanmoins que nous disposons de fils conducteurs dans les textes et les images conservés. Depuis près d’un quart de siècle, la sophistication des méthodes d’analyse est allée de pair avec la progression des connaissances. Il faut souhaiter que le dialogue interdisciplinaire puisse être encore approfondi afin de dépasser les discours clos au sein des traditions disciplinaires sans pour autant banaliser les contenus. Ces approches croisées devraient permettre de dégager des éléments de l’univers imagé définissant telle ou telle période. Cette exigence de la recherche trouve des terrains d’application privilégiés dans des périodes qui ont porté un regard rétrospectif sur leur propre histoire en jouant avec les formes acquises : ainsi en est-il de l’art et de la littérature à l’époque hellénistique ou des œuvres rhétoriques de la seconde sophistique, un terme qui se réfère au précédent illustre des sophistes de l’époque de Périclès. Ce trait peut expliquer la multiplication des travaux sur les Imagines de Philostrate, qui apparaissent comme une sorte de conservatoire de toutes les formes d’intertextualité et de visualisation. Comme le souligne Norman Bryson : « Les descriptions montrent le sujet en transit à travers les interstices où le monde, les images et le langage se chevauchent »46. Étant donné le caractère fragmentaire des documentations littéraires et iconographiques conservées, la constitution de corpus numériques permettant d’interroger de façon croisée textes et images représente une voie riche de perspectives pour découvrir des convergences entre les deux ordres d’évidence. C’est une voie qui est en train d’être explorée grâce au corpus numérique Callythea 47, consultable sur l’Internet, qui met en interaction les mythes attestés dans la poésie hellénistique avec un ensemble de représentations figurées.

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De telles études devraient permettre de résoudre au moins en partie les apories soulignées non sans humour par Paul Zanker à propos des représentations mythologiques des sarcophages romains48 : grâce aux connaissances accumulées par des générations de savants, nous possédons un savoir encyclopédique sur les mythes et leurs interprétations et nous pouvons établir entre les images des corrélations qu’un visiteur de l’époque antonine n’aurait jamais imaginées. En revanche, nous sommes incapables de nous représenter les libres associations que ce même visiteur pouvait éprouver, au fil des circonstances et de son humeur, devant la multiplicité des images décorant les chambres funéraires. Susanne Muth. Compte tenu des diverses manières de percevoir du spectateur antique face aux images, nous ne pourrons jamais reconstituer autrement que par bribes la réalité historique relative à sa façon d’aborder et de côtoyer les images. À cet égard, un postulat méthodologique me semble particulièrement utile et éprouvé, celui du « spectateur implicite »49, c’est-à-dire des structures immanentes à l’image que son auteur a intégrées à dessein pour orienter et provoquer certaines formes de perception et de réception. S’offre à nous alors une perception de l’image correspondant à la réception idéale escomptée par son producteur, et à la force communicationnelle dont il souhaitait l’investir. En interrogeant dans ce sens les témoignages antiques de la culture visuelle, nous parviendrons au moins à reconstituer les structures conventionnelles de la perception et de la vision dans les cultures de l’Antiquité. Les objets archéologiques attestant un dialogue entre les formes de communication visuelles et verbales m’apparaissent ici particulièrement précieux : qu’il s’agisse de ceux dans lesquels l’image et le texte sont directement associés, comme la bravoure de l’empereur romain exaltée visuellement et textuellement déjà évoquée, de ceux dans lesquels l’un des deux systèmes s’empare des qualités de l’autre et tente de les employer, à l’instar des imbrications formelles et esthétiques des systèmes médiaux tels les calligrammes cités à l’instant, ou encore de ceux dans lesquels le fonctionnement d’un système trouve écho dans le second pour être ensuite expérimenté conjointement dans un médium « étranger » comme l’ekphrasis50. Dès lors qu’on les interroge sur l’approche du spectateur ou du lecteur implicite, ces diverses manifestations de l’intermédialité fournissent des informations extrêmement instructives sur la culture visuelle de l’Antiquité, sur son haut degré de sensibilité, son goût de l’expérimentation et sa propension à jouer avec les potentialités et qualités des différentes expressions artistiques. Si nous parvenons à appréhender et à analyser les images antiques en suivant cette voie, alors nous pourrons aussi accéder à une nouvelle compréhension, historiquement plus conforme, de l’art complexe et inventif de la communication visuelle dans les sociétés antiques, en dépassant toutes les perspectives univoques et étroites qui ont marqué jusqu’à présent les recherches archéologiques relatives aux images antiques. Richard Neer. Trop souvent, « l’expérience de l’observateur ancien » n’est qu’un alibi, un moyen pour les historiens de l’art d’éluder la responsabilité de leurs propres jugements esthétiques en les rattachant à la recherche historique ou anthropologique. Au lieu de clairement fonder leurs arguments sur leur propre perception informée des artefacts, ils prétendent les fonder sur ce que les anciens devaient percevoir. Dans la mesure où elle est spécifiquement antique, et non contemporaine, où c’est « la leur » et pas « la nôtre », cette expérience de l’artefact

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ne peut être vérifiée par comparaison à la nôtre. Toute affirmation énoncée à propos de, ou sur la base d’une expérience par convention invisible et invérifiable doit être considérée avec une méfiance salutaire. La principale question reste de savoir comment nous élaborons un corpus d’images anciennes – des archives. Car les images dépendent de l’observateur. Toutes les choses – et seules celles-là – que les personnes considèrent comme des images en sont (pour eux) ; l’« expérience » est un critère de l’identité. Prenez la grotte Chauvet, où l’absence de documentation historique est totale : aucune ontologie historique de l’image n’y est possible, ni aucune reconstitution indépendante d’une « expérience de l’observateur ancien ». Nous reconnaissons certaines marques sur la paroi de la grotte comme des représentations picturales uniquement sur la base de l’expérience naïve qui est la nôtre, ce qui présuppose une forte corrélation entre notre expérience et celle de l’aurignacien. Cela tient en particulier pour acquis une expérience bien précise, qui consiste à voir une image comme telle. En résumé, notre capacité à voir des représentations figurées comme telles est préalable à tout argument que nous pourrions avancer au sujet de leur perception dans l’Antiquité. Cependant, il n’est pas rare que les spécialistes fassent état d’une différence radicale entre les expériences, les visualités et les ontologies anciennes et contemporaines de l’image. Les anciens, dit-on, avaient une perception des images radicalement différente de la nôtre. Ils ne les voyaient pas du tout comme des images, en réalité, mais comme des agents ou des êtres divins. Cette position extrême n’est pas compatible avec l’idée que le seul fait de reconnaître une image ancienne comme telle sous-entend une similitude essentielle de l’expérience de l’observateur. Si elle était différente au point que l’ontologie même de l’image est en jeu, alors rien ne saurait nous permettre de reconnaître des images anciennes, ni d’associer des descriptions textuelles d’expériences visuelles anciennes avec tout artefact particulier que nous serions amenés à découvrir lors de fouilles. L’historicisme extrême est aveugle. Je ne suggère en aucune façon que les connaissances historiques ne peuvent pas ou ne devraient pas modifier notre propre expérience ; au contraire, la recherche iconographique est capitale. Le fait est que notre expérience, partagée et partageable, est une condition nécessaire et suffisante de l’image vue comme telle. Il pourrait être tentant de qualifier cette manière de voir comme anhistorique ou anachronique. Au contraire, c’est la condition préalable à toute histoire ou chronologie des images. Nous ne devons pas avoir peur d’utiliser nos propres yeux, d’accepter la preuve visuelle pour ce qu’elle est, ni de reconnaître sa provenance. C’est notre expérience, et pas celle des anciens, qui fait foi. L’histoire de l’art et l’archéologie sont bien plus proches de la critique d’art, et bien plus « esthétiques », qu’elles ne veulent bien l’admettre !

Ruth Webb. Y a-t-il des points de vue ou des modèles de pensée particuliers associés à d’autres périodes de l’histoire de l’art ou dans d’autres disciplines qui ont nourri vos réflexions sur la relation entre texte et image dans l’Antiquité ? Susanne Muth. Pour les discussions futures sur le rapport entre texte et image dans les cultures antiques, deux perspectives me semblent d’une importance primordiale.

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D’une part, on peut signaler l’analyse critique plus poussée de la prédétermination par les sciences historiques de notre propre regard sur le rapport texte et image, un regard que nous risquons aisément et inconsciemment de transposer sur les phénomènes de l’Antiquité. Récemment, Michael Squire a montré de façon très éloquente et marquante pour l’archéologie et l’histoire de l’art combien la conception antique du rapport entre texte et image est fondamentalement différente de celle des temps modernes (et par conséquent aussi de notre tradition actuelle)51. D’autre part, la réflexion approfondie sur les structures et les mécanismes concrets de la conception des œuvres de tout type, et ce dans l’optique du producteur, a également enrichi le débat actuel. Les expériences de ceux qui conçoivent et exécutent eux-mêmes peuvent justement nous sensibiliser – nous qui interprétons ces productions – à différentes questions, notamment concernant les possibilités d’exploiter et de combiner les potentialités, les hasards et les limites des différents médiums de l’expression artistique. L’analyse de Scott McCloud, théoricien de la bande dessinée, me semble particulièrement passionnante pour notre débat car il aborde les possibilités et les stratégies de cette forme d’art, expliquant avec les moyens qui lui sont propres le jeu entre image et texte et les options qu’offre ce croisement52. Certes, ses observations ne peuvent se transposer directement aux expériences des sociétés antiques. Toutefois, elles nous apprennent à porter un regard infiniment sensible et différencié sur les multiples facettes de l’association entre texte et image, ce qui ne peut que profiter à notre interprétation de ces deux formes d’expression dans l’Antiquité. Agnès Rouveret. Selon les corpus abordés, les sources d’inspiration ont été différentes au sein des sciences humaines. Pour moi, la sémiologie a été déterminante, tout comme l’anthropologie, l’analyse littéraire et l’analyse filmique. En ce qui concerne l’histoire de l’art, la comparaison avec toutes les autres périodes de l’histoire de l’art, y compris la plus contemporaine, est une source de réflexion majeure dans la mesure où la tradition classique a fondé une partie essentielle de sa réflexion sur les rapports entre la littérature et l’art. La comparaison avec les autres périodes permet bien sûr de mieux appréhender les transformations profondes de notions en apparence identiques. Ainsi l’usage plus ou moins extensif de la notion de « description » ou de « récit ». Mais on peut aussi prendre appui, par exemple à propos du rapport entre l’objet et son spectateur, sur l’apport des recherches les plus contemporaines pour mieux évaluer les textes ou les images antiques qui mettent en scène ce même rapport. On pourrait également citer les recherches sur la couleur et la polychromie. La pratique de l’archéologie de terrain me semble enfin indispensable pour appréhender au plus près les contextes de production et de réception des œuvres et des monuments, mais aussi pour soumettre les textes à une forme d’archéologie qui en met au jour les stratifications. Grâce à cette confrontation permanente entre l’archéologie et l’objet, nous pouvons serrer au plus près les limites de nos hypothèses et les soumettre à une perpétuelle vérification. Richard Neer. Question difficile ! Je pourrais me contenter de citer les noms habituels – Friedrich Kittler, Lydia Liu, Niklas Luhmann, William J. T. Mitchell, Jacques Rancière… – ou je pourrais vous parler de travaux importants qui sont actuellement menés, au croisement des théories du cinéma (cinema studies) et de la

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philosophie. L’ouvrage à paraître de Dan Morgan, Late Godard and the Possibilities of Cinema, en est un brillant exemple, tout comme Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard est la méditation la plus approfondie à ma connaissance sur les interactions entre le mot, l’image, la technologie et la société. Je pourrais décrire également comment, à la revue Critical Inquiry, nous avons récemment apporté notre soutien à une conférence majeure sur la bande-dessinée, organisée par Hilary Chute, à laquelle participaient Alison Bechdel, Daniel Clowes, Robert Crumb, Art Spiegelman, Chris Ware et d’autres, et comment nous cherchons avec les artistes à utiliser les nouvelles technologies pour juxtaposer et intégrer les médias, les pratiques artistiques et les connaissances. Nous avons beaucoup à apprendre. Je ne peux toutefois m’empêcher de penser que suivre les autres disciplines tend à conduire à la provincialisation de l’étude de l’Antiquité, même si, tel Solon en voyage vers l’Égypte, on assiste à des conférences à l’autre bout du monde pour en rapporter un savoir exotique. Nous ne pouvons plus nous comporter ainsi. Compte tenu des nouvelles technologies et de la crise économique, les années à venir ne manqueront pas d’introduire des changements significatifs dans les recherches en sciences humaines. L’étude de l’Antiquité classique, justifiée par la fiction rebattue d’un « patrimoine commun », n’a pas d’avenir si elle ne parvient pas à s’inscrire dans des conversations et des débats plus vastes. Quelles approches ou quels modèles l’étude de l’Antiquité a-t-elle à apporter aux autres disciplines et aux autres domaines de l’histoire de l’art ? Quel intérêt l’étude de l’Antiquité recèle-t-elle pour les disciplines émergentes ou nouvelles ? Pour ne citer qu’un exemple, les épigraphistes de l’Antiquité classique ont mis au point un système de publication enviable. Ainsi, une jeune chercheuse comme Ann Patnaude peut associer des méthodes issues de l’histoire de l’art et des statistiques pour observer quelles relations thématiques, stylistiques ou autres les marqueurs ethniques relevés dans des textes grecs (par exemple, des graphies) entretiennent avec les monuments figuratifs sur lesquels ils apparaissent (par exemple, des statues et des vases peints). Une approche holistique de ce type serait pratiquement impensable dans l’étude d’une période comme la Renaissance italienne. En somme, nous avons la possibilité d’analyser le mot et l’image selon des modalités difficilement accessibles à nos confrères, grâce à la nature particulière de nos archives. Il nous faut en tenir compte lorsque nous formulons des sujets de recherche. Le prochain défi à relever consistera à resituer ces travaux dans une perspective comparatiste, à la fois chronologiquement (par exemple si l’on compare l’époque archaïque et l’époque classique en Grèce), au croisement des disciplines (par exemple, entre l’art grec et l’art de la Mésoamérique) et à travers les médias (en comparant le rapport des systèmes alphabétique, hiéroglyphique et logographique avec les cultures visuelles locales). À Chicago, le Center for Global Ancient Art poursuit des telles recherches. Déboucheront-elles sur la formation d’une nouvelle discipline, ou simplement sur une énième diversion interdisciplinaire ? C’est ce que nous verrons, et lirons.

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NOTES

1. Adolphe Reinach, Textes grecs et latins relatifs à l’histoire de la peinture ancienne, Agnès Rouveret éd., , (1921) 1985. 2. Les auteurs suivants présentent une analyse brillante et une synthèse de l’histoire des recherches sur les images antiques : Michael Squire, Image and Text in Graeco-Roman Antiquity, Cambridge, 2009, p. 15-89 ; Jaś Elsner, Katharina Lorenz, « The Genesis of Iconology », dans Critical Inquiry, 38/3, 2012, p. 483-512. 3. De nombreux auteurs offrent une discussion fondamentale et plus générale sur le rapport entre texte et image dans la perspective de l’histoire de l’art et de la médiologie (Medienwissenschaft) : William J. Thomas Mitchell, Iconology : Image, Text, Ideology, Chicago, 1986 ; William J. Thomas Mitchell, Picture Theory : Essays on Verbal and Visual Representation, Chicago, 1994 ; Peter Wagner, « Introduction : Ekphrasis, Iconotexts, and Intermediality – the State(s) of the Art(s) », dans Peter Wagner éd., Icons – Texts – Iconotexts : Essays on Ekphrasis and Intermediality, Berlin, 1996, p. 1-40 ; Dave Beech, Charles Harrison et al. éd., Art and Text, Londres, 2009 ; John Dixon Hunt, Art, Word and Image : Two Thousand Years of Visual-Textual Interaction, Londres, 2010. 4. Voir à ce sujet : Luca Giuliani, Bild und Mythos : Geschichte der Bilderzählung in der griechischen Kunst, Munich, 2003 ; Susanne Muth, Gewalt im Bild : das Phänomen der medialen Gewalt im Athen des 6. und 5. Jahrhunderts v. Chr., Berlin/New York, 2008 ; Susanne Muth, « Ein Plädoyer zur medientheoretischen Reflexion – oder : Überlegungen zum methodischen Zugriff auf unsere historischen Primärquellen », dans Alexandra Verbovsek et al. éd., Methodik und Didaktik in der Ägyptologie : Herausforderungen eines kulturwissenschaftlichen Paradigmenwechsels in den Altertumswissenschaften, Paderborn, 2011, p. 327-346 ; Zahra Newby, Ruth Leader-Newby, Art and Inscriptions in the Ancient World, Cambridge, 2007 ; Katharina Lorenz, Bilder machen Räume : Mythenbilder in pompeianischen Häusern, Berlin, 2008 ; Squire, 2009, cité n. 2, p. 202-293 et 300-428 ; Michael Squire, The Iliad in a Nutshell : Visualizing Epic on the Tabulae Iliacae, Oxford, 2011 ; Nikolaus Dietrich, Figur ohne Raum ? Bäume und Felsen in der attischen Vasenmalerei des 6. und 5. Jahrhunderts v. Chr., Berlin/New York, 2010. 5. Pour des références générales sur ce sujet, voir : Tonio Hölscher, « Die Geschichtsauffassung in der römischen Repräsentationskunst », dans Jahrbuch des Deutschen Archäologischen Instituts, 95, 1980, p. 265-321 ; Susanne Muth, « Bild & Text auf römischen Münzen. Zur Seltenheit einer scheinbar naheliegenden Medienkombination », dans Peter von Möllendorf et al. éd., Ikonotexte – Duale Mediensituationen, (colloque, Gießen/Rauischholzen, 2006), publié en ligne : www.uni- giessen.de/cms/fbz/fb04/institute/altertum/philologie/dokumentationen/ikonotexte-duale- mediensituationen/ikonotexte_programm/bild-und-text-auf-romischen-munzen. 6. On trouvera plus de détails à ce sujet dans Susanne Muth, « Im Angesicht des Todes. Zum Wertediskurs in der römischen Grabkultur », dans Andreas Haltenhoff, Andreas Heil, Fritz- Heiner Mutschler éd., Römische Werte als Gegenstand altertumswissenschaftlicher Forschung, Munich/ Leipzig, 2005, p. 262-264 ; Muth, 2011, cité n. 4, p. 334-337 ; Susanne Muth, Ivana Petrovic, « Medientheorie als Chance – Überlegungen zur historischen Interpretation von Texten und Bildern », dans Birgit Christiansen, Ulrich Thaler éd., Ansehenssache : Formen von Prestige in Kulturen des Altertums, Munich, à paraître. Pour d’autres exemples saisissants, voir : Newby, Leader-Newby, 2007, cité n. 4 ; Squire, 2009, cité n. 2, p. 202-293 (grotte de Sperlonga, maison dite de Propertius à Assise) ; Katharina Lorenz, « Image in Distress ? The death of Meleager on Roman sarcophagi », dans Janet Huskinson, Jaś Elsner éd., Life, Death and Representation : Some New Work on Roman Sarcophagi, Berlin, 2011, p. 305-332 ; Richard Neer, The Emergence of the Classical Style, Chicago, 2011, p. 40-46 (monuments funéraires archaïques) et p. 78-85 (statues des Tyrannoctones).

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7. Sur l’association entre image et inscription sur les vases attiques, voir : François Lissarrague, « Paroles d’images : remarques sur le fonctionnement de l’écriture dans l’imagerie attique », dans Anne-Marie Christin éd., Écritures II, Paris, 1985, p. 71-95 ; François Lissarrague, Un flot d´images : une esthétique du banquet grec, Paris, 1987, en particulier p. 119-133 ; Georg Gerleigner, « Das Rätsel der Sphinx : Zur Verwendung von Schrift in der griechischen Vasenmalerei », dans Von Möllendorf et al., 2006, cité n. 5, publié en ligne : www.uni-giessen.de/cms/fbz/fb04/institute/ altertum/philologie/dokumentationen/ikonotexte-duale-mediensituationen/ ikonotexte_programm/das-ratsel-der-sphinx/at_download/file ; voir aussi prochainement Georg Gerleigner, Writing on Archaic Athenian Pottery : Studies on the Relationship Between Images and Inscriptions on Greek Vases, thèse, Cambridge University, 2012. Sur le rapport entre légendes et figures sur les monnaies romaines, voir Hölscher, 1980, cité n. 5 ; Muth, 2006, cité n. 5. 8. Arnaldo Momigliano, « Ancient History and the Antiquarian », dans Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 13, 1950, p. 285-315, reproduit dans Arnaldo Momigliano, Studies in Historiography, Londres, 1966, p. 1-39 [trad. fr. : « L’histoire ancienne et l’Antiquaire », dans Problèmes d’historiographie ancienne et moderne, Paris, 1983, p. 244-293]. 9. Ainsi à titre d’exemples dans une vaste bibliographie : Martin Langner, Antike Graffitizeichnungen : Motive, Gestaltung und Bedeutung, (Palilia, 11), Wiesbaden, 2001 ; Charlotte Roueché, Performers and Partisans at Aphrodisias in the Roman and Late Roman Periods : A Study based on Inscriptions from the Current Excavations at Aphrodisias in Caria, Londres, 1993 ; Charlotte Roueché, « Images of performance : new evidence from Ephesus », dans Pat Easterling, Edith Hall éd., Greek and Roman Actors. Aspects of an Ancient Profession, Cambridge, 2002, p. 254-282 ; le corpus épigraphique d’Aphrodisias, publié en ligne : http ://insaph.kcl.ac.uk/iaph2007 ; à propos des Compitalia à Pompéi et à Délos : Claire Hasenohr, « Les Compitalia à Délos », dans Bulletin de Correspondance Hellénique, 127, 2003, p. 167-249 ; William Van Andringa, Quotidien des dieux et des hommes : la vie religieuse dans les cités du Vésuve à l’époque romaine, (BEFAR, 337), Rome, 2009, p. 8-21, 94-99, 171-180 ; Lara Anniboletti, « Compita vicinalia a Pompei : testimonianze del culto », dans Vesuviana, 2, 2010, p. 77-138 ; à propos des ostraka voir en dernier lieu Hélène Cuvigny et al. éd., Didymoi : une garnison romaine dans le désert oriental d’Egypte, II, Les textes, LeCaire, 2012. 10. Voir Frédéric Hurlet, « Représentation(s) et autoreprésentation(s) de l’aristocratie romaine », dans Perspective, 2012-1, p. 159-166. 11. Lissarrague, 1987, cité n. 7 ; Evelyne Prioux, Petits musées en vers : épigramme et discours sur les collections antiques, Paris, 2008. 12. Newby, Leader-Newby, 2007, cité n. 4. 13. La Cité des images : religion et société en Grèce antique, (cat. expo., Lausanne, Institut d’archéologie et d’histoire ancienne/Paris, Centre de recherches comparées sur les sociétés anciennes, 1984), Paris, 1984 ; Paul Zanker, Augustus und die Macht der Bilder, Munich, 1987 [trad. angl. : The Power of Images in the Age of Augustus, Ann Arbor, 1990]. 14. Par exemple Squire, 2009, cité n. 2. 15. Francesco De Angelis, « Dei luoghi e della memoria. Pausania, Filopemene e la fruizione della Periegesi », dans Orietta D. Cordovana, Marco Galli éd., Arte e memoria culturale nell’età della Seconda Sofistica, Catania, 2007. 16. Certains chercheurs ont eu également recours aux modèles linguistiques pour analyser la réception des modèles grecs par les élites romaines, ainsi Andrew Wallace Hadrill, Rome’s Cultural Revolution, Cambridge/New York, 2008. 17. Angela Pontrandolfo, Agnès Rouveret, Le tombe dipinte di Paestum, Modène, 1992. 18. Bruno D’Agostino, Luca Cerchiai, Il mare, l’amore, la morte : gli Etruschi, i Greci e l’immagine, Rome, 1999 ; Mario Torelli, Il rango, il rito e l’immagine : alle origini della rappresentazione storica romana, Milan, 1997 ; Natacha Lubtchansky, Le Cavalier tyrrhénien : représentations équestres de l’Italie archaïque, (BEFAR, 320), Rome, 2005.

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19. Édité par le J. Paul Getty Museum en collaboration avec la Fondation internationale pour le Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae ( LIMC), le Thesaurus Cultus et Rituum Antiquorum (ThesCRA), publié entre 2004 et 2012, comprend huit volumes et un index. 20. Ruth Webb, Ekphrasis, Imagination and Persuasion in Ancient Rhetorical Theory and Practice, Ashgate, 2009. 21. Simon Goldhill, Robin Osborne, Art and Text in Ancient Greek Culture, Cambridge/New York, 1994 ; Jaś Elsner, Art and Text in Roman Culture, Cambridge/New York, 1996. 22. Guido Bastianini, Claudio Gallazzi, Posidippo di Pella Epigrammi (P.Mil.Vogl/VIII, 309), (Papiri dell’Università di Milano, 8), Milan, 2001. 23. William J. T. Mitchell, Picture Theory, Chicago, 1994 ; Jacques Rancière, Le Destin des images, Paris, 2003. 24. Newby, Leader-Newby, 2007, cité n. 4. 25. Squire, 2009, cité n. 2 ; Squire, 2011, cité n. 4. 26. James Porter, The Origins of Aesthetic Thought in Ancient Greece : Matter, Sensation and Experience, Cambridge/New York, 2010. 27. Goldhill, Osborne, 1994, cité n. 21 ; Elsner, 1996, cité n. 21. 28. Liz James, Art and Text in Byzantine Culture, Cambridge, 2007. 29. Andrew Laird, « Ut figura poesis : writing art and the art of writing in Augustan poetry », dans Elsner, 1996, cité n. 21, p. 75-102. 30. Froma Zeitlin, « The Artful Eye : Vision, Ekphrasis and Spectacle in Euripidean Theatre », dans Goldhill, Osborne, 1994, cité n. 21, p. 138-196 ; Simon Goldhill, « Placing theatre in the history of vision », dans Keith N. Rutter, Brian A. Sparkes éd., Word and Image in Ancient Greece, Édimbourg, 2000, p. 161-179. 31. Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae ( LIMC), Zurich, 1981-1999 ; Pompei : Pitture e mosaici, 10 vol. , Rome, 1990-2003. 32. Salvatore Settis éd., La colonna Traiana, Milan, 1988 ; Paul Veyne, « Conduites sans croyance et œuvres d’art sans spectateurs », dans Diogène, 1988, p. 1-22 ; Paul Veyne, La Société romaine, Paris, 1991, plus particulièrement « Propagande expression roi, image idole, oracle » et « Post- scriptum », p. 311-342 ; Francesco De Angelis, « Sublime Histories, Exceptional Viewers : Trajan’s Column and its Visibility », dans Jaś Elsner, Michel Meyer, Art and Rhetoric in Roman Culture, Cambridge, à paraître. 33. Gilles Sauron, La Grande Fresque de la villa des Mystères à Rome, Paris, 1998 ; Paul Veyne, François Lissarrague, Françoise Frontisi-Ducroux, Les Mystères du Gynécée, Paris, 1998 ; Stéphanie Wyler, « Des images dionysiaques aux limites du religieux : le cubiculum 4 de la Villa des Mystères », dans Sylvia Estienne et.al. éd., Image et religion dans l’Antiquité gréco-romaine, (Collection du Centre Jean Bérard, 28), Naples, 2008, p. 449-459. 34. Voir Webb, 2009, cité n. 20 ; Michel Costantini, Françoise Graziani, Stéphane Rolet éd., Le Défi de l’art : Philostrate, Callistrate et l’image sophistique, Rennes, 2006 ; Shadi Bartsch, Jaś Elsner éd., Essays on Ekphrasis, numéro spécial de Classical Philology, 102, 2007. 35. Bastianini, Gallazzi, 2001, cité n. 22 ; Colin Austin, Guido Bastianini, Posidippi Pellaei quae supersunt omnia, Milan, 2002 ; Kathryn Gutzwiller éd., The New Posidippus : A Hellenistic Poetry Book, Oxford, 2005 ; Évelyne Prioux, Regards alexandrins : histoire et théorie des arts dans l’épigramme hellénistique, (Hellenistica Groningana, 12), Louvain/Paris/Sterling (VA), 2007 ; Évelyne Prioux, « Les ‘Poèmes sur les bronziers’ de Posidippe de Pella : traduction française et réflexions autour de cinq articles récents », dans Perspective, 2007-1, p. 49-53. 36. Voir Prioux, 2008, cité n. 11 ; Kathryn Gutzwiller, « Apelles and the painting of language », dans Revue de philologie, de littérature et d’histoire anciennes, 83/1, 2009, p. 39-63 ; Évelyne Prioux, Agnès Rouveret éd., Métamorphoses du regard ancien, Nanterre, 2010, ainsi que les travaux du projet CAIM (« Culture antiquaire et invention de la modernité ») soutenu par l’Agence nationale

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de la recherche dans le cadre du programme « La Création : acteurs, enjeux, contextes » (2008-2012) : www.anr-caim.fr. 37. Bartsch, Elsner, 2007, cité n. 34, p. 1-19. 38. Agnès Rouveret, « La couleur retrouvée. Découvertes de Macédoine et textes antiques », dans Sophie Descamps-Lequime éd., Peinture et couleur dans le monde grec antique, Paris, 2007, p. 69-79 ; pour l’espace domestique romain : voir les actes du colloque international consacré à la Villa de Boscoreale, Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles et Musée royal de Mariemont, 21-23 avril 2010, à paraître sous la direction d’Alix Barbet, Eva Dubois-Pèlerin et Annie Verbanck- Piérard. 39. Ce rapprochement n’est possible qu’à condition d’utiliser ces termes dans une acception plus restreinte. En effet, « texte », « art », et en somme aussi « image », peuvent aussi être définis dans un sens plus large qui souligne alors davantage leurs points communs (image en tant que forme visuelle du « texte » ; texte en tant que manifestation de l’« art », etc.). 40. À ce sujet voir Squire, 2009, cité n. 2, p. 165-168 ; Squire, 2011, cité n. 4, p. 231-235. 41. Sur les fonctions visuelles des inscriptions sur la céramique attique, voir : Lissarrague, 1985, 1987, cité n. 7 ; François Lissarrague, « Epiktetos egraphsen. The writing on the cup », dans Goldhill, Osborne, 1994, cité n. 21, p. 12-27 ; François Lissarrague, « Publicity and performance. Kalos inscriptions in Attic vase-painting », dans Simon Goldhill, Robin Osborne éd., Performance Culture and Athenian Democracy, Cambridge, 1999, p. 359-373 ; Gerleigner, 2006, 2012, cité n. 7. 42. Sur les inscriptions dans la sculpture grecque, voir : Newby, Leader-Newby, 2007, cité n. 4 ; Katharina Lorenz, « ‘Dialectics at a Standstill’. Archaic kouroi-cum-epigram as I-box », dans Manuel Baumbach, Ivana Petrovic, Andrej Petrovic éd., Archaic and Classical Greek Epigram Culture, Cambridge, 2010, p. 131-148 ; Nikolaus Dietrich, « Framing archaic sculpture : between ornament and script », dans Michael Squire, Verity Platt éd., Framing the Visual in Greek and Roman Culture, Cambridge, à paraître. 43. Squire, 2011, cité n. 4, p. 158-196 et 235-246. 44. Gilles Sauron, Quis deum ? L’expression plastique des idéologies politiques et religieuses à Rome, (BEFAR, 285), Rome, 1994, p. 1-23. 45. Susan E. Alcock, Robin Osborne, Classical Archaeology, (Blackwell Studies in Global Archaeology, 10), (Oxford, 2007), Malden (MA), 2012, plus particulièrement l’introduction, p. 6-7. 46. « The descriptions show the subject in transit across the interstices where world, pictures and language overlap » (Norman Bryson, « Philostratus and the imaginary museum », dans Goldhill, Osborne, 1994, cité n. 21, p. 279). 47. Sur Callythea, réalisé dans le cadre du projet ANR CAIM (cité n. 36), voir la présentation en ligne : www.cn-telma.fr/callythea/index ; Pascale Linant de Bellefonds, Anne-Violaine Szabados, « Le corpus numérique Callythea. Textes hellénistiques et images antiques sur la mythologie », dans Lettre de l’INSHS, 15 janvier 2012, p. 22-24, publié en ligne : www.cnrs.fr/inshs/Lettres- information INSHS/lettre_infoINSHS_15.pdf. 48. Paul Zanker, Björn Christian Ewald, Mit Mythen leben : Die Bilderwelt der römischen Sarkophage, Munich, 2004, p. 42. 49. Sur le concept du « spectateur implicite » : Luca Giuliani, « Kleines Plädoyer für eine archäologische Hermeneutik, die nicht mehr verstehen will, als sie auch erklären kann, und die nur soviel erklärt, wie sie verstanden hat », dans Marlies Heinz, Manfred K.H. Eggert, Ulrich Veit éd., Zwischen Erklären und Verstehen : Beiträge zu den erkenntnistheoretischen Grundlagen archäologischer Interpretation, Münster/New York/Munich, 2003, p. 18-21 ; Wolfgang Kemp, « The work of art and its beholder : the methodology of the aesthetics of reception », dans Mark A. Cheetham éd., The Subjects of Art History, Londres, 1998, p. 180-196 ; Guy M. Hedreen, « Involved spectatorship in Archaic Greek art », dans Art History, 30, 2007, p. 217-246. On trouvera davantage de détails sur la fortune du postulat du « spectateur implicite » dans Susanne Muth, « Überflutet von Bildern. Die Ikonophilie im spätantiken Haus », dans Paul Zanker, Richard Neudecker éd.,

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Lebenswelten : Bilder und Räume in der römischen Stadt der Kaiserzeit, Wiesbaden, 2005, p. 227-229 ; Muth, Petrovic, à paraître, cité n. 6 ; Katharina Lorenz, « The ear of the beholder. Spectator figures in Pompeian painting », dans Art History, 30/5, 2007, p. 665-682 ; Katharina Lorenz, « The anatomy of metalepsis : visuality turns around on late fifth-century pots », dans Robin Osborne éd., Debating the Athenian Cultural Revolution : Art, Literature, Philosophy and Politics 430-380 B.C., Cambridge, 2007, p. 116-143. 50. Voir à ce propos, et sur Philostrate en particulier, Webb, 2009, cité n. 20. Voir aussi Luca Giuliani, « Die unmöglichen Bilder des Philostrat : Ein antiker Beitrag zur Paragone-Debatte ? », dans Pegasos, 8, 2006, p. 91-116. Pour une approche plus large, voir Hartmut Boehme et al. éd., Übersetzung und transformation :transformationen der Antike, I, Berlin/New York, 2007, p. 401-424 ; Squire, 2009, cité n. 2, p. 416-427. 51. Squire, 2009, cité n. 2. 52. Scott McCloud, Understanding Comics : The Invisible Art, New York, 1993. Je remercie Luca Giuliani de m’avoir conseillé cet ouvrage stimulant.

INDEX

Keywords : ekphrasis, image, intermediality, semiology, art and text Mots-clés : ekphrasis, image, intermédialité, sémiologie, texte et image Index chronologique : 400, 300, 200, 100, 100 avant J.-C., 200 avant J.-C., 300 avant J.-C., 400 avant J.-C. Index géographique : Grèce, Rome, Italie

AUTEURS

SUSANNE MUTH

Professeur d’archéologie à la Humboldt-Universität, elle étudie les images dans l’Antiquité grecque et romaine, à travers notamment les mythes et la représentation de la violence.

RICHARD NEER

David B. and Clara E. Stern Professor of Humanities, Art History and the College à l’University of Chicago, il dirige Critical Inquiry et publie sur l’art grec, le cinéma et l’esthétique.

AGNÈS ROUVERET

Professeur d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, elle est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la peinture et sur les théories artistiques dans l’Antiquité.

RUTH WEBB

Professeur de grec à l’université 3, elle a publié Demons and Dancers : Performance in Late Antiquity (Cambridge, 2008) et Ekphrasis, Imagination and Persuasion in Ancient Rhetorical Theory and Practice (Farnham, 2009).

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Antiquité

Travaux

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L’archéologie de la Macédoine : état des recherches et nouvelles perspectives Archaeology of Macedonia: a state of the art and new perspectives La arqueología de Macedonia : estado de la investigación y nuevas perspectivas Die Archäologie Makedoniens : Forschungslage und neue Perspektiven L’archeologia della Macedonia : stato degli studi e nuove prospettive

Hariclia Brécoulaki

NOTE DE L'AUTEUR

Nota Bene : l’abréviation AEMTh sera employée pour la série Το αρχαιολογικό έργο στη Μακεδονία και στη Θράκη (To archaiologikó ’ergo sti Makedonía kai Thráki).

1 La recherche archéologique réalisée depuis trente-cinq ans sur la Macédoine antique a permis de retracer la longue histoire de l’espace grec septentrional, depuis la fin de l’âge du Bronze jusqu’à la conquête romaine en 168 avant J.-C. Dans ce large territoire, dont les nombreux sites archéologiques sont souvent identifiés à des villes historiques mentionnées dans les inscriptions et dans les sources écrites, ont été découverts de vastes nécropoles, des sanctuaires, des complexes urbains denses et des installations agraires. À partir de 1977, date à laquelle furent mises au jour les tombes royales à Aigai, ville appartenant à l’antique royaume des Témenides, l’histoire et la culture de la Macédoine ont suscité un regain d’intérêt et ont provoqué une série de débats qui n’a cessé d’être alimentée par la multiplication des fouilles et l’étude des objets découverts. La richesse extraordinaire des sépultures princières de la nécropole archaïque d’Archontiko, les nombreuses tombes et les vestiges urbains mis au jour dans la région de Pydna et d’Aiané, les nouvelles informations sur la première architecture du palais royal d’Aigai, ainsi que l’exploration systématique des nécropoles, du réseau urbain et du palais royal de Pella, qui a éclairé la physionomie de la capitale macédonienne,

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représentent des exemples remarquables de la recherche récente sur le « vieux royaume » macédonien.

2 Si la Macédoine antique et notamment la personnalité d’Alexandre le Grand fascinent toujours les savants et le grand public1 – comme l’ont montré les grandes expositions organisées au cours des années 20002 – les découvertes de cette dernière décennie en Macédoine ont également ouvert de nouvelles pistes de recherche sur des périodes et des aspects de cette civilisation moins bien connus et explorés. Les époques mycénienne (XVe-XIIe siècles avant J.-C.) et géométrique (Xe-VIIe siècles avant J.-C.), en particulier, sont mieux connues grâce à l’étude d’une trentaine de sites de la Haute Macédoine (région de Kozani), où l’on a trouvé des céramiques caractéristiques dans les tombes à fosse de l’âge du Bronze récent, ainsi que l’extraordinaire groupe de fragments de vases de l’« hypogée » de Méthone, daté de la période géométrique, qui porte des inscriptions, des dipinti et des marques de fabrique. Ces découvertes reflètent d’une part l’homogénéité culturelle de l’âge du Bronze récent en Grèce et d’autre part l’activité précoce des échanges commerciaux et culturels de la Macédoine avec l’Égée et la Méditerranée orientale. Par ailleurs, elles contribuent de manière décisive à nos connaissances sur les dialectes macédoniens, et sur le développement de la graphê et des débuts de la littérature grecque. 3 La construction de nouveaux musées en Macédoine (à Aiané, Amphipolis, Véroia, Dion et Pella), le réaménagement de musées anciens à Thessalonique, la mise en valeur des sites archéologiques3 et la restauration d’une série de monuments d’importance majeure4 contribuent à valoriser le riche patrimoine macédonien et à le mettre à disposition du grand public et des chercheurs. La présentation annuelle de l’activité archéologique en Macédoine et en particulier des résultats des fouilles, publiés dans les actes du colloque Το αρχαιολογικό έργο στη Μακεδονία και στη Θράκη (AEMTh) 5, offre une issue immédiate aux découvertes récentes sur les différents sites macédoniens (GATZOLIS, 2012) ; depuis 2011, une bibliographie éclectique sur la Macédoine antique est accessible en ligne par Oxford Bibliographies Online ( HATZOPOULOS, ANDRIANOU, 2011). En outre, des études de synthèse sur la Macédoine antique publiées régulièrement dans la série Meletémata du Centre d’antiquité grecque et romaine (KERA, Fondation nationale de la recherche) occupent une place importante parmi les nombreuses monographies et ouvrages collectifs parus cette dernière décennie et qui traitent de sujets très variés : l’histoire, les institutions et la langue (HATZOPOULOS, 2001 ; MARI, 2002 ; KREMYDI-SICILIANOU, 2004 ; KREMYDI-LIAMBI, 2005 ; FOURNIER, HAMON, 2006 ; GUIMIER-SORBETS, HATZOPOULOS, MORIZOT, 2006 ; NIGDELIS, 2006 ; TIVERIOS, 2008 ; GRAMMENOS, 2011) ; la géographie historique (HATZOPOULOS, 2006 ; SOUEREF, 2012) ; les cultes, les rites et les croyances (HATZINIKOLAOU, 2011) ; l’architecture funéraire et publique (GUIMIER-SORBETS, HATZOPOULOS, MORIZOT, 2006 ; KYRIAKOU, 2006 ; KALAITZI, 2007 ; MARC, 2012a, 2012b) ; l’artisanat (TZANAVARI, 2002 ; BARR- SHARRAR, 2008 ; ANDRIANOU, 2009 ; ZIMI, 2011) ; les arts (ADAM-VÉLÉNI, 2010 ; COHEN, 2010), et en particulier la peinture (BRÉCOULAKI, 2006 ; IGNATIADOU, 2010 ; SAATSOGLOU-PALIADELI, 2004 ; TSIMBIDOU-AVLONITI, 2005) et la sculpture (DESPINIS, STEFANIDOU-TIVERIOU, VOUTIRAS , 2003, 2011). Nous signalons enfin la publication de la céramique du grand tumulus d’Aigai par Stella Drougou (DROUGOU, 2005), le nouveau guide du musée d’Aigai par Angeliki Kottaridi (KOTTARIDI, 2011a) et les deux Companions sur la Macédoine antique (LANE FOX, 2011 ; ROISMAN, WORTHINGTON, 2010).

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4 Dans le présent article sera abordée la recherche archéologique réalisée depuis 2000 sur la Macédoine historique – comprise entre le Nestos à l’est, la chaîne du Pinde à l’ouest et le mont Olympe au sud – avec un état critique de la bibliographie couvrant la période comprise entre l’âge du Bronze récent et la conquête romaine, et divisée en aires géographiques qui correspondent aux trois régions administratives grecques suivantes : la Macédoine occidentale (nomes de Florina, Grévéna, Kastoria et Kozani), la Macédoine centrale (nomes de Chalcidique, Émathie, Kilkis, Pella, Piérie, Serrès et Thessalonique) et la Macédoine orientale (nomes de Drama et Kavala).

La Macédoine occidentale

5 L’activité archéologique des dernières années a révélé un grand nombre de sites archéologiques, surtout dans les circonscriptions de Kozani et de Grévéna, et plus particulièrement dans les régions de Polimilos, de Mavropigi et sur le cours moyen de l’Haliakmon. Au sein de ces circonscriptions, des fouilles ont été menées dans des sites déjà connus et explorés plus ou moins systématiquement, comme ceux d’Anarrachi ou de Kastri à Polineri et à Aiané, ce qui fait de cette région une des mieux explorées du territoire de la Macédoine antique.

6 Les vallées et les plaines autour de l’Haliakmon, le plus long fleuve du territoire grec, ont vu naître une multitude de sites à l’âge du Bronze, dont plusieurs se sont transformés par la suite en des villes importantes (KARAMITROU-MENTESIDI, 2004a). En effet, le programme de sauvetage mené durant la dernière décennie a révélé plus d’une trentaine de sites le long du cours moyen de l’Haliakmon, d’Aiané à Velvento (KARAMITROU-MENTESIDI, 2010a, 2010b, 2010c), dont certains, comme Loggas à Élati, Ktio à Diporo et Mavropigi, ont conservé des vestiges d’habitation datant de l’époque préhistorique à l’époque hellénistique (KARAMITROU-MENTESIDI, 2006a, 2009b ; KARAMITROU- MENTESIDI, THEODOROU, 2009b). Grâce à ces nouvelles découvertes et aux travaux de Georgia Karamitrou-Mentesidi qui portent sur une aire géographique et chronologique assez étendue, la physionomie historique de la Haute Macédoine a pu être reconstituée de manière plus complète (KARAMITROU-MENTESIDI, 2008a, 2008b).

Présence mycénienne

7 Un des aspects les plus intéressants de la recherche actuelle en Macédoine occidentale est la confirmation des influences et de la présence mycénienne par la mise au jour d’objets et de céramique caractéristique – cette dernière s’étant développée parallèlement à l’émergence et à la diffusion de la céramique locale à décor mat (KARAMITROU-MENTESIDI, 2003, 2011). Dans l’ensemble de la circonscription de Kozani, des objets mycéniens ont en effet été identifiés sur vingt-huit sites, aussi bien en contexte domestique que dans des tombes. Sur le site de Leivadia à Aiané, des tombes à fosse situées dans le cimetière provenant de l’âge du Bronze récent, explorées lors de fouilles systématiques menées de 2003 à 2010 par Karamitrou-Mentesidi, ont confirmé l’existence des établissements mycéniens, notamment dans le cours moyen de l’Haliakmon (KARAMITROU-MENTESIDI, 2000, 2009a). Signalons parmi les témoignages de cette présence mycénienne l’embouchure d’un pithos comportant une inscription en linéaire et une idole mycénienne d’Aiané ; deux coupes de type mycénien à pied haut (dite « Coupe de Nestor ») trouvées récemment à l’intérieur d’une tombe à ciste

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recouverte de dalles en pierre sur le site d’Agios Konstandinos à Dimitra (KARAMITROU- MENTESIDI, THEODOROU, 2009a ) ; des fragments de céramique mycénienne trouvés au nord du site de Polimilos (KARAMITROU-MENTESIDI, 2009a) ; et une épée mycénienne en bronze déposée au musée d’Aiané provenant, selon toute vraisemblance, d’une tombe d’Élati dans la région de Kozani, et qui serait comparable aux épées mycéniennes déjà trouvées à Aiané et dans la région de Grévéna (KARAMITROU-MENTESIDI, 2006a, 2011). D’après Karamitrou-Mentesidi, la céramique faite à la main, dite macédonienne à décor mat ou dorique, que l’on trouve souvent avec des objets mycéniens, est probablement issue de la céramique mésohelladique de Grèce méridionale des XIX-XVIe siècles avant J.-C. Elle semble provenir d’un atelier d’Aiané, centre de production majeur dont les œuvres ont été identifiées dans de nombreuses régions en Haute Macédoine (KARAMITROU-MENTESIDI, 2008a, 2011), comme le suggèrent les fouilles récentes des sites de Gefira à Panagia, de Kriopigado à Voion et de Vrysi à Pontokomi (KARAMITROU-MENTESIDI, 2009a, 2009b ; KARAMITROU-MENTESIDI, LOKANA, 2009).

Aiané archaïque et classique

8 Dans l’Aiané archaïque, une partie de la nécropole du VIe siècle avant J.-C. a systématiquement été fouillée et des édifices funéraires de la première moitié du Ve siècle avant J.-C ont été découverts. À Leivadia, à sept cents mètres au nord de l’ancienne ville qui s’étend sur la colline de Megali Rachi, connue pour ses cimetières archaïques et classiques, des vestiges architecturaux importants, comme les tambours des colonnes doriques, attestent l’existence de tombes à caractère monumental. La somptuosité de la nécropole est à l’image de la croissance d’Aiané, capitale du royaume d’Elimiotide (KARAMITROU-MENTESIDI, 2008b, 2009c). Parmi les trouvailles récentes les plus intéressantes, on peut citer la statuette en terre cuite d’une femme enceinte ; l’anse à décor plastique d’une hydrie en bronze datée de la seconde moitié du VIe siècle avant J.- C. ; et la main d’un kouros en marbre de petite dimension qui enrichit la collection sculpturale d’Aiané et témoigne de la présence de ce type de statuaire. Notons enfin le groupe d’une centaine de phiales à libations en bronze percées d’un trou, et une stèle funéraire portant l’inscription « Klétagori » (ΚΛΕΤΑΓΟΡΗ), nom attesté pour la première fois en Haute Macédoine (KARAMITROU-MENTESIDI, 2009c, 2010c).

9 Les fouilles dans le secteur des bâtiments publics d’Aiané – où ont été découverts trois grands édifices à un étage flanqués de portiques, ainsi que des maisons au riche mobilier (KARAMITROU-MENTESIDI, 2008a, 2008b) – ont apporté des éléments nouveaux sur la phase classique des bâtiments de la terrasse médiane (Stoiko Ktirio), identifiée comme l’agora (KARAMITROU-MENTESIDI, 2010c) et dont l’occupation fut ininterrompue du Ve siècle avant J.-C. à la basse époque hellénistique. Les bâtiments publics et privés découverts jusqu’à présent reflètent l’existence d’une cité organisée dès la fin de l’époque archaïque et à l’époque classique, munie de ses propres ateliers de céramique, de métallurgie, de coroplathie et de sculpture, et bénéficiant de relations culturelles et commerciales directes avec le reste du monde grec. La mise au jour des sépultures archaïques et classiques au grand cimetière du site de Keramario à Paliouria apporte, en outre, un contre-témoignage important aux hypothèses d’isolement culturel et social de cette région à ces époques. D’autres trouvailles révélées sur les sites de Ktio et de Panagia à Diporo – notamment de la céramique locale et importée de l’Attique et de Corinthe de la fin du VIe et de la première moitié du Ve siècle avant J.-C. – suggèrent

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l’activité d’ateliers de poterie locaux à l’époque archaïque ainsi que l’existence de réseaux de potiers dans la région de Grévéna (KARAMITROU-MENTESIDI, 2009b, 2010c).

Périodes classique et hellénistique : la culture matérielle en Haute Macédoine

10 Un grand nombre des sites explorés au cours de ces dernières années en Haute Macédoine préserve des vestiges de la basse période classique et de la période hellénistique, aussi bien dans les nécropoles que dans les espaces urbains et ruraux. Les recherches menées par Karamitrou-Mentesidi dans la nécropole royale et le cimetière est d’Aiané ont sensiblement augmenté le corpus déjà connu des tombes hellénistiques et ont apporté de nouveaux éléments sur le style particulier de l’atelier de céramique d’Aiané actif entre le IVe et le Ier siècle avant J.-C. (KARAMITROU-MENTESIDI, 2004b, 2006b, 2007b, 2009c).

11 De nombreuses sépultures hellénistiques, datées entre le IVe et le IIe siècle avant J.-C., ont également été mises au jour dans de nouveaux sites à Kozani et à Grévéna. Des objets d’usage quotidien ou de luxe (vases en céramique, vaisselle en bronze, boucles d’oreilles en or, monnaies de l’époque de Cassandre, de Démétrios Poliorcète et d’Antigone Gonatas) accompagnaient les défunts des cimetières de Mavropigi et de la colline d’Ai-Markos à Kozani, fouillés dans les années 2008-2009 ; ces derniers dépendaient en effet de l’habitat hellénistique de la colline de Kastro d’où proviennent des fragments de stèles inscrites, déposées à l’origine au sanctuaire d’Apollon situé au sommet de la colline. Dans une des tombes d’Ai-Markos, la déposition de phalara (ornements pour le harnais) et d’une bride de cheval révèle les activités équestres des habitants de ces régions montagneuses jusqu’alors inconnues. Des sépultures du IVe et IIIe siècle avant J.-C. ont été également repérées dans le cimetière du site de Mikro Livadi à Mavropigi. Parmi les offrandes, une monnaie en argent de Thèbes (426-395 avant J.-C.) et une d’Argos d’Amphilochie (milieu du IVe siècle avant J.-C.), témoignages des liens entre l’Éordée et la Grèce méridionale, nous permettent de retracer l’étendue des relations et des échanges intra-grecs. 12 Les recherches récentes dans la région de l’antique Éordée, et plus particulièrement sur le site de Kouri à Anarrachi, ont conduit à la découverte d’un ensemble de vases à boire en argent du dernier quart du IVe siècle avant J.-C., composé d’un canthare, d’une louche et d’une phiale, contenant quatre vases de plus petites dimensions, un autre canthare et trois skyphoi à anses et pied, décorés en bas-relief doré de palmettes, de fleurs de lotus et de rinceaux. L’ensemble de ces vases a été trouvé dans la couche de destruction d’un habitat hellénistique composée essentiellement de pierres et de fragments de pithoi. Le nom du propriétaire « Antiochou » (ΑΝΤΙΟΧΟΥ) est inscrit en pointillé au-dessous du bord du canthare, placé à l’intérieur de la phiale. Ce groupe de vases en argent se distingue par ses formes peu communes, par la finesse de sa technique de dorure et par l’inscription au nom du propriétaire. D’après Karamitrou- Mentesidi, il est probable que ces vases soient le produit d’un atelier local, postulat que conforte le grand nombre de vases métalliques, majoritairement en bronze, mis au jour dans ces régions, ainsi que l’activité des ateliers de métallurgie, de coroplathie et de céramique (KARAMITROU-MENTESIDI, 2009d).

13 Dans la centaine de tombes fouillées du grand cimetière du site de Keramario à Paliourias, dont le mobilier est similaire à celui des nécropoles d’Aiané (vases de

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fabrication locale, armes métalliques, bijoux, vases de bronze) et où les mêmes rites sont attestés, notons la présence d’un canthare à lèvre coulée (provenant de la tombe 33) qui est le premier vase en métal découvert dans les régions de Grévena et Kozani. Ce type du IVe siècle avant J.-C, a été trouvé par ailleurs dans le sud-ouest de la Grèce, en Épire, en Italie, en Macédoine (Dervéni, Pydna) et en Thrace (KARAMITROU-MENTESIDI, 2006a). Les fouilles récentes viennent enrichir le corpus général de la vaisselle métallique attribuée à des ateliers corinthiens, mais la multiplication des témoignages et les traces de la présence d’ateliers locaux de toreutique en Macédoine semblent corroborer l’hypothèse d’une production locale. 14 L’existence de réseaux de production suggérée par ces objets est également étayée par des vestiges d’habitations d’époques hellénistique et romaine également repérés par Karamitrou-Mentesidi. Sur les sites de Gefira et Vromoneria à Panagia et dans le secteur nord de Polimilos, les fouilles ont révélé le réseau urbain organisé de ce qui a été identifié comme la ville antique d’Éviia ainsi que son existence aux époques hellénistique et romaine, avec des habitations, des réseaux d’adduction d’eau, des murs, des espaces de culte domestiques renfermant plusieurs types d’objets (perriranthérion, stèles avec Zeus Hypsistos, Athéna et cavalier), des ateliers de métallurgie, de coroplathie, de céramique et de taille de pierre, et des tombes hellénistiques. À l’intérieur d’un des ateliers de potier est préservé un four aux dimensions monumentales, qui témoigne d’une remarquable technologie antique (KARAMITROU- MENTESIDI, 2006c). Sur les sites de Ktio et de Panagia à Diporo et d’Agios Konstandinos à Dimitra, les fouilles ont livré des vestiges d’habitation et des constructions de l’époque hellénistique avec des ateliers de potiers, selon toute vraisemblance des établissements ruraux saisonniers (KARAMITROU-MENTESIDI, 2009b). À Agios Konstandinos, un établissement rural de 750 mètres carrés, bien organisé, composé de onze chambres enduites de mortier et d’espaces annexes, a également été découvert (KARAMITROU- MENTESIDI, THEODOROU, 2009a). Les fouilles récentes sur le site de Kastri à Polineri, dans le nome de Grévéna, ont mis au jour les vestiges d’une citadelle organisée et fortifiée qui se déploie au centre de la région de Tymphée (KALLINI, 2004). Un grand nombre de constructions y a été repéré : des bâtiments en pierre, un temple, un portique et des vestiges appartenant à d’autres structures (DROUGOU, KALLINI, 2000, 2001 ; DROUGOU, 2007). Le complexe de l’acropole y aurait existé à partir de 300 avant J.-C. et jusqu’à la conquête romaine (DROUGOU, KALLINI, TRAKATELLI, 2009a, 2009b). Les études sur cette partie de la Macédoine, envisageables en particulier grâce aux fouilles menées par Karamitrou- Mentesidi et son équipe, portent ainsi sur des vestiges de la culture matérielle, révélateurs de réseaux d’échanges intra-grecs complexes et de technologies sophistiquées.

La Macédoine centrale

15 De nombreuses fouilles ont été entreprises cette dernière décennie dans de nouveaux établissements en Macédoine centrale (sites de Kastro à Neokaissareia et Moschohori de Piérie, Angélochori d’Émathie, Asomata et Tzamala au mont Bermion, Hérakleion, au pied de l’Olympe), tandis que des recherches systématiques se sont également poursuivies sur des sites déjà bien connus. En Piérie, les fouilles de l’antique Méthone ont considérablement renouvelé notre regard sur cette plus ancienne ville fondée pendant la deuxième colonisation grecque en l’Égée septentrionale, notamment par la

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découverte des premiers vestiges des bâtiments de l’époque archaïque en Basse Macédoine. Dans la région de Pella, la présence d’une aristocratie guerrière particulièrement opulente a été éclairée par l’exploration systématique de la nécropole occidentale d’Archontiko, qui a mis en lumière un grand nombre de sépultures archaïques. Dans le cœur du « vieux royaume » macédonien, en Émathie, les grands travaux de restauration et d’anastylose du palais royal d’Aigai ont permis de redécouvrir ce monument impressionnant. Dans la région de Thessalonique, les fouilles dans l’ancienne ville de Kalindoia ont révélé un des plus anciens et des plus monumentaux Sebasteia (temples du culte impérial) connus de l’Empire, accompagné d’un ensemble de sculptures d’un très haut niveau artistique, qui reflète la situation florissante de cette région à l’époque impériale.

Habitat et vestiges funéraires à l’âge du Bronze et à l’âge du Fer

16 Bien que les données restent encore fragmentaires, l’organisation de l’habitat a davantage été éclairée par les nouvelles recherches, notamment celles de Liana Stefani, sur la période de l’âge du Bronze dans des établissements et des nécropoles situés près du littoral du golfe Thermaïque, aussi bien qu’à des altitudes plus élevées sur le mont Bermion (STEFANI, 2002, 2003). Dans la région de Piérie, à l’ouest de Katérini, les fouilles récentes du site Kastro à Neokaissareia ont conduit à la découverte d’une habitation qui existait de l’âge du Bronze à l’époque hellénistique, et qui comble ainsi les lacunes de la recherche archéologique dans cette zone de la basse Macédoine. À peu de distance vers l’ouest de Kastro, à Moschohori, une tombe à fosse de l’âge du Bronze récent a été trouvée, reflétant les mêmes rites funéraires locaux que ceux constatés dans le reste de la Macédoine (GIAMATZIDIS, JUNG, 2008). À Angélochori d’Émathie furent également trouvés des vestiges de maisons rectangulaires en briques crues avec ossature de bois enduite d’argile, dotées en leur centre d’espaces à ciel ouvert et de nombreux entrepôts (STEFANI, 2000, 2003, 2007). D’autres fouilles récentes dans des sites déjà connus, comme Archontiko (PAPANTHIMOU-PAPEFTHIMIOU et al., 2002 ; PAPANTHIMOU-PAPEFTHIMIOU, PILALI- PAPASTERIOU, 2003), Anchialos (TIVERIOS, 2009b) et Palatiano (ANAGNOSTOPOULOU-POLICHRONI, 2001), ont également mis au jour des bâtiments juxtaposés en briques crues, souvent regroupés en îlots. Les fouilles systématiques des dernières années dans la Toumba de Thessalonique (ANDREOU, 2009, 2010) ont précisé les connaissances sur les activités et les formes de l’habitat de la fin de l’âge du Bronze récent grâce à la découverte de deux nouveaux bâtiments (B et E).

17 L’étude par Stelios Andreou et son équipe de l’organisation et des utilisations de l’espace de l’habitat a montré l’absence de changements notables pendant les XIIe et XIe siècles avant J.-C. Dans l’espace 2B, les multiples restaurations de pavements en reflètent un usage extensif (ANDREOU, EFKLEIDOU, 2007, 2008). Sur le pavement de l’hélladique récent IIIC (XIIe-XIe siècle avant J.-C.), une grande quantité de restes de coquillages de la famille murex trunculus permet de penser que cet espace était un lieu de production de la pourpre (VEROPOULIDOU, ANDREOU, KOTSAKIS, 2008). Durant le XIIe siècle, le stockage des biens s’effectuait dans des paniers, des fosses et des pithoi, tandis qu’au début de l’âge du Fer ancien, les possibilités de stockage semblent se restreindre, comme cela a été observé pour les bâtiments de l’habitat d’Assiros (WARDLE, WARDLE, 2007). Une désaffection pour les sépultures est attestée dans l’espace B1, cette pratique funéraire semblant changer radicalement avec le début de l’âge du Fer, comme en

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témoignent les nombreux cimetières de cette période dans la région. Signalons également des vestiges de l’âge du Bronze récent dans le nome de Serrès à Sidirokastro sur le site de Faia Petra (VALLA, 2005).

18 Grâce à des fouilles de sauvetage effectuées par les 17e et 27e éphories des antiquités préhistoriques et classiques lors de grands travaux routiers, il a été possible d’explorer plusieurs sites dans des régions montagneuses de la Macédoine et d’enrichir nos connaissances sur la disposition de l’habitat et sur l’organisation des agglomérations au début de l’âge du Fer. Des établissements ruraux ont été fouillés au pied du mont Bermion, dans la région de Tzamala (KOTTARIDI, 2002, 2009a) et dans les sites d’Asomata (KOUKOUVOU, 2000 ; KEPHALIDOU, 2009) et de Lefkopetra (STEFANI, 2002). Un important bâtiment en pierre de plan ellipsoïdal de la fin du VIIIe siècle avant J.-C. a été découvert dans l’antique Hérakleion, au pied de l’Olympe (POULAKI-PANDERMALI, 2001). De nombreuses sépultures de la fin des âges du Bronze et du Fer ont été mises au jour sur des sites systématiquement fouillés, comme Archontiko (CHRYSOSTOMOU, CHRYSOSTOMOU, 2008) et Pella (AKAMATIS, 2009), mais aussi sur d’autres sites moins connus dans la région de Thessalonique : Nea Philadelphia, dont la nécropole organisée en classes sociales fut utilisée sans interruption du IXe au VIIe siècle avant J.-C. (MISSAILIDOU-DESPOTIDOU, 2004, 2008) et Palio Ginaikokastro, près de la rive du fleuve d’Axios, où est attestée la pratique systématique de la crémation des morts et où les offrandes funéraires relativement modestes permettent d’identifier le sexe des défunts (SAVVOPOULOU, 2001, 2004).

Méthone pendant les périodes géométrique et archaïque

19 Une des recherches les plus intéressantes de ces dernières années, menées par Manthos Besios et son équipe dans la région de la Macédoine centrale, est l’exploration systématique des vestiges issus des périodes géométrique et archaïque dans l’ancienne ville de Méthone, située sur les collines au nord de Nea Agathoupoli, à l’embouchure de l’Haliakmon (BESIOS, 2003, 2010). Le site, avec son port naturel le plus sécurisé du golfe Thermaïque, fut continuellement habité du Néolithique récent jusqu’en 354 avant J.-C., date de sa conquête par Philippe II ; il représente le plus ancien établissement des Grecs du Sud sur le littoral de la Grèce du Nord. Bien que le site fût déjà connu dans les années 1970, les fouilles systématiques n’ont été entreprises qu’à partir de 2003. L’habitat de Méthone s’organise sur le plateau de deux collines dans la partie nord, qui atteignait la mer dans l’Antiquité. La colline est est plus basse que la colline ouest qui, en forme de plateau, est considérée comme l’acropole. Grâce à une épaisse couche de dépôts d’environ deux mètres, accumulée après la destruction de Méthone en 354 avant J.-C., les constructions plus anciennes de l’époque archaïque ont été protégées. Pour la première fois ont été mis au jour des bâtiments privés et ce qui semble être l’agora de l’époque archaïque en Basse Macédoine, qui comprend différentes phases de construction allant du début du VIe au Ve siècle avant J.-C. et qui suggère l’existence d’un centre commercial et artisanal florissant.

20 Les fouilles se sont concentrées sur le lot 274, où fut découvert un « hypogée » datant du Géométrique récent et dont l’importance s’est avérée considérable à plusieurs égards. La structure de 3,50 mètres sur 4,50 mètres, située sur le sommet érodé de la colline est, ne fut jamais achevée à cause de l’instabilité des couches géologiques de la colline. Le fossé creusé fut donc rempli de boue et de différents matériaux vers 700

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avant J.-C., date qui coïncide avec celle que rapporte Plutarque à propos de la fondation de Méthone par les Érétriens. Deux murs de terrasse furent construits au-dessus du fossé, le premier durant la première moitié du VIIe siècle avant J.-C. et le second vers le début du VIe siècle avant J.-C, mais la plupart des objets appartiennent à la phase de remplissage du fossé entre 730 et 690 avant J.-C. Parmi les trouvailles les plus significatives figure un ensemble de 191 fragments de céramique (dont une majorité provenant d’amphores et de vases à boire) portant des inscriptions, des graffitis et des marques de commerce (BESIOS, TZIFOPOULOS, KOTSONAS, 2012). La plupart de ces inscriptions se trouvent sur des tessons de vases d’importation, mais il existe également plusieurs fragments de fabrication locale qui portent des marques et même, pour quelques-uns, des signes alphabétiques, indiquant que Méthone fut une des premières villes où l’alphabet grec fut employé. D’après Manthos Besios, Ioannis Tzifopoulos et Antonis Kotsonas, les vases d’origines très variées de l’« hypogée » confirment le témoignage de Plutarque sur la fondation de la ville et le développement précoce de la colonie de Méthone en tant que centre commercial majeur, ce qu’atteste par ailleurs la très grande quantité d’amphores de transport de type méthonien (Methonean amphorae). La plupart des tessons de céramique de Méthone sont incisés ou gravés après cuisson, mais il existe de rares exemples où les marques sont indiquées après cuisson. La plupart portent des symboles non-alphabétiques (lignes, croix, flèches, étoiles), des marques, des graffitis et rarement des dipinti, probablement des signes de propriété et/ou de commerce. On retiendra de ces fouilles l’extraordinaire groupe de neuf vases, préservant des inscriptions complètes ou fragmentaires avec les noms des propriétaires, et surtout un skyphos eubéen comportant une inscription où le nom du propriétaire, Akesandros (ΑΚΕΣΑΝΔΡΟ) est suivi d’une épigramme qui se termine par un rythme iambique : « J’appartiens à Akesandros ; [celui qui me volera] perdra ses yeux/son argent » (BESIOS, TZIFOPOULOS, KOTSONAS, 2012).

21 Les neuf vases de l’hypogée portant des inscriptions proviennent de la couche la plus basse du fossé et leur datation se situe dans les trente dernières années du VIIIe siècle avant J.-C. Bien que Méthone soit une colonie d’Érétrie où l’emploi de l’écriture érétrienne aurait dû être d’usage, la variété de la forme des lettres sur ces neuf vases montre qu’il ne s’agit pas ici d’une écriture locale. Une réévaluation plus nuancée s’avère donc nécessaire, en particulier pour des sites situés dans des carrefours ou sur des routes du commerce majeures comme Kommos et maintenant Méthone, où plus d’une écriture et plus d’un dialecte devaient logiquement exister en même temps. Les résultats de ces recherches sur Méthone vont contribuer de manière décisive à mieux aborder une série de questions concernant la langue grecque en Macédoine, la colonisation grecque, le commerce de la céramique, les « alphabets » de Méthone et l’introduction de l’alphabet en Grèce, les dialectes de Méthone et les dialectes grecs, enfin les contextes du développement de la graphê et les débuts de la littérature grecque6.

Les régions d’Émathie et de Pella aux périodes archaïque et classique

22 Dans la région d’Émathie, à Aigai, les fouilles dans la partie nord-ouest de la ville ont permis la découverte de la nécropole archaïque, vestige d’importance majeure pour retracer le fil historique de l’habitation dans l’ancienne capitale du royaume

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macédonien et qui fut largement étudiée par Angeliki Kottaridi. Le riche mobilier qui accompagnait les défunts a enrichi nos connaissances sur la vie et les rites des Macédoniens, sur leurs échanges commerciaux et culturels avec le reste du monde grec, et sur les activités artisanales locales (KOTTARIDI, 2009b). Grâce à une série de fouilles de sauvetage dans la région des monts Piériens, plusieurs sites ont été explorés et, dans certains cas, ont été identifiés à des villes anciennes. Deux nécropoles archaïques ont été fouillées sur le plateau du site de Sfikia, qui longe la vallée de l’Haliakmon, et qui correspond selon toute vraisemblance à l’ancienne ville de Levéi, l’ancien centre des Macédoniens d’après Hérodote (KOTTARIDI, 2004b). Ces trouvailles associées à l’exploration d’une série des sites sur la Via Egnatia (Lefkopetra, Kalipetra, Arapis, Galanovrisi, Asomata et Tzamala), offrent une vue assez complète de la vie dans les zones montagneuses de l’ancienne Macédoine entre l’âge du Bronze ancien et la période romaine. L’exploration systématique de la région de Lefkopetra a apporté de précieux témoignages pour les époques archaïque et classique : au moins sept grands bâtiments furent achevés et plusieurs activités artisanales furent pratiquées, comme en témoignent les fours à céramique et les vestiges de métallurgie (STEFANI, 2003, 2007).

23 Les fouilles dans la région de Pella réalisées et publiées par Pavlos et Anastasia Chrysostomou ont également ouvert de nouvelles perspectives pour la recherche archéologique en Macédoine, en particulier grâce aux découvertes de la nécropole occidentale d’Archontiko, où plus de quatre cent soixante tombes datant de l’époque archaïque ont été mises au jour (CHRYSOSTOMOU, CHRYSOSTOMOU, 2003a, 2003b, 2004, 2005, 2006). Les sépultures archaïques sont surtout des tombes à fosse renfermant des ensembles funéraires dont la diversité et la richesse reflètent d’une part l’importance que la communauté accordait aux rites funéraires, et d’autre part une structure sociale hétérogène composée d’une aristocratie guerrière qui pouvait produire et avoir l’usage d’objets d’une richesse exceptionnelle (CHRYSOSTOMOU, 2011). Pavlos Chrysostomou a réparti les sépultures d’hommes en quatre catégories, selon leur mobilier funéraire, constitué en général d’armes en fer (pointes de lance en fer, poignards, épées de différents types), de casques de bronze, de vases et de parures (des feuilles d’or paraient leur armement et leurs vêtements), d’objets divers à caractère symbolique (imitations en fer de chars, de meubles, de broches ; CHRYSOSTOMOU, CHRYSOSTOMOU, 2007a). Parmi le riche mobilier, notons deux boucliers composés de petits disques (du type cardiophylax) et six boucliers argiens avec leur brassard orné de représentations mythologiques en relief. Les défunts de troisième et de quatrième catégories portaient un epistomeion sur la bouche, des lamelles qui scellaient leurs yeux, des diadèmes en or ou un masque d’or qui dissimulaient le visage (CHRYSOSTOMOU, CHRYSOSTOMOU, 2007b, 2009) décoré de représentations d’êtres fabuleux, d’animaux, de motifs végétaux ou géométriques à caractère symbolique. Cette pratique fut également attestée dans les sépultures de femmes, où la tête était ceinte d’un diadème en or ou d’un bandeau de cuir orné de rosettes en or.

Les régions de Thessalonique, de Chalcidique et de Serrès entre le VIe et le IVe siècle avant J.-C.

24 Dans la région de Thessalonique, les recherches les plus récentes ont révélé sur le site de Karabournaki un atelier de traitement des métaux – du fer en particulier – daté du VIIe et du VIe siècle avant J.-C. Deux fossés faisaient partie des constructions de l’atelier

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et de nombreux vestiges métalliques associés à ces activités furent trouvés parmi lesquels une boucle d’oreille à double anneau en or avec trois ornements suspendus à décoration granulée, un des rares exemples attestés en Grèce de cette technique après la fin de l’époque mycénienne (TIVERIOS, MANAKIDOU, TSIAFAKI, 2006, 2008 ; TIVERIOS, 2009a). Dans la nécropole de Souroti, en plus des cinq cents tombes découvertes jusqu’à présent, d’autres sépultures datant du VIe siècle avant J.-C. y ont été repérées grâce aux fouilles de 1999 menées par Konstandinos Soueref et son équipe (SOUEREF, 2009).

25 Dans la région de la Chalcidique, à Aphytis, où se trouvait la colonie des Érétriens, les fouilles récentes ont révélé des vestiges de structures à caractère public datant des époques géométrique, archaïque et classique. Dans la nécropole située au-delà des limites de la cité antique, le mobilier des tombes daté du VIe au IVe siècle avant J.-C., se compose surtout de céramique locale ou importée – éclairant les relations commerciales d’Aphytis avec le monde égéen –, de figurines en terre cuite, de vases en bronze et de bijoux (MISSAILIDOU-DESPOTIDOU, 2006).

26 Les fouilles de sauvetage menées entre 1999 et 2005 à Nea Kalliktrateia ont livré de nombreux vestiges d’habitation et des assemblages funéraires (tombes à ciste, sarcophages en tuf ou en terre cuite, tombes à tuiles ou à fosse, inhumations dans des vases), dont la plupart datent du IVe siècle avant J.-C. Différents secteurs d’une cité d’époque classique édifiée en terrasses ont été mis au jour, ainsi que des bâtiments publics, des rues, des maisons et des parties de muraille, situés à l’est et au sud de la ville antique. D’après le témoignage des monnaies, les fouilleurs Artemis Bilouka et Ioannis Graikos ont supposé la présence à Nea Kallikrateia de la troisième colonie d’Érétrie, celle des Dikaiopolitai, fondée au milieu du Ve siècle avant J.-C. (BILOUKA, GRAIKOS, 2009).

27 À Iérissos, les fouilles menées systématiquement dans la nécropole d’Akanthos ont révélé plusieurs tombes datées entre le Ve siècle avant J.-C. et l’époque romaine (PAPASTATHIS et al., 2008). Il s’agit de tombes à fosse et à ciste recouvertes de tuiles, comprenant un sarcophage en terre cuite, des cendres issues des incinérations effectuées sur place et des sépultures d’enfants. Dans certains cas, des chevaux et des chiens ont été ensevelis à côté de leur maître. Parmi les vases importés d’Attique, de Corinthe et d’Ionie, nous signalerons le fragment d’un skyphos attique portant l’inscription gravée Agathodémonos (ΑΓΑΘΟΔΑΙΜΟΝΟΣ), probablement une invocation à un dieu protecteur de l’oikos. Durant la fin du IVe siècle avant J.-C., une partie du cimetière fut occupée par des ateliers de potiers et des espaces de stockage. 28 Encore plus à l’est, dans la région de Serrès, les fouilles menées entre 2006 et 2008 dans l’ancienne Bergé ont permis de localiser la nécropole et l’emplacement de l’habitat antique présent sur le territoire du village moderne de Neos Skopos de l’époque archaïque à l’époque romaine (PERISTERI, 2008, 2009). Bergé, située sur la rive est du fleuve Strymon, autrefois navigable, fut un emporion majeur et une colonie de Thasos. Des maisons avec des espaces de stockage et des dépendances domestiques y ont été mises au jour. Outre la céramique de table et de stockage, les vases à figures noires et à figures rouges, les amphores, les figurines de terre cuite, les bijoux, et autres objets et outils variés, notons la présence de vases importés de Thasos, produits dans l’atelier d’un potier de l’époque archaïque de Phari, et des monnaies en argent issues d’un atelier de Thasos (PERISTERI, 2008). Les fouilles de l’ancienne Argilos dirigées depuis les années 1990 par Zissis Bonias et Jacques Perrault, ont été poursuivies jusqu’à 2010 par

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Dimitra Malamidou, révélant sur la zone littorale une partie de l’enceinte de la fin du VIe siècle avant J.-C., des voies pavées qui menaient de la côte vers l’intérieur de la cité et des installations à caractère commercial (MALAMIDOU, SALONIKIOS, 2005). Des édifices étaient disposés de part et d’autre d’une large voie dallée reliant le port à l’acropole, au pied de la colline. Au sommet de la colline fut découvert un bâtiment monumental de quatorze mètres de côté, construit sur deux étages, dont le rez-de-chaussée avait été occupé par une huilerie, la mieux conservée de l’Antiquité classique (PERRAULT, BONIAS, 2005).

De la période hellénistique à la conquête romaine

29 Une série de nouvelles découvertes et recherches viennent enrichir nos connaissances sur l’archéologie de la Macédoine pour la période comprise du IVe siècle avant J.-C et la conquête romaine. Dans le centre du « vieux royaume » macédonien, à Aigai, nous nous arrêterons sur les grands travaux de restauration et d’anastylose du palais royal amorcés au printemps 2007, qui ont permis de mettre en valeur ce monument exceptionnel et d’élucider des aspects importants relatifs à sa datation et aux phases probables de sa construction et sa forme. À l’occasion de ces travaux, les fondations et les abords ont été fouillés systématiquement par Kottaridi et son équipe ; plusieurs éléments architecturaux ont été mis au jour et ceux qui se trouvaient dispersés dans le site ont été inventoriés (KOTTARIDI, 2011b, 2011c, 2011d). La restauration des sols sur une superficie de 1 450 mètres carrés a également apporté de nouvelles découvertes, dont la plus importante est l’identification du thème de la mosaïque de la salle G, où est figuré l’enlèvement d’Europe, iconographie qui, d’après Kottaridi, reflète la politique de Philippe II, ce dernier portant le titre de « stratège de l’Europe ». Les récentes découvertes relatives aux fondations ont remis en cause la datation du palais, qui a maintenant été placée au début de la seconde moitié du IVe siècle avant J.-C. sous le règne de Philippe II, écartant ainsi les hypothèses antérieures qui considéraient le palais soit comme une résidence d’Antigone, soit comme une construction de Cassandre. Ainsi, le palais d’Aigai, qui aurait été achevé avant celui de Pella, représente le meilleur témoin de l’architecture macédonienne du IVe siècle avant J.-C., en raison des modifications minimales qu’il a subies pendant ses deux siècles d’existence, lesquelles se limitent à la construction du couloir extérieur nord et au remaniement de certaines salles du péristyle annexe. Kottaridi, pour justifier la datation haute du monument, s’est appuyée sur une série d’arguments qu’ont apportée la fouille systématique des fondations et l’étude minutieuse de l’appareil des murs, comme l’appartenance du péristyle occidental à la même phase de construction que le corps du bâtiment principal, et les caractères typologiques et stylistiques du palais en général, qui trouvent leurs meilleurs parallèles avec les édifices du milieu du IVe siècle tels que le temple d’Athéna Pronaia à Delphes, la tholos d’Épidaure, le temple d’Athéna Aléa ou le mausolée d’Halicarnasse. En outre, nous retrouvons les décors végétaux et géométriques originaux attestés sur les mosaïques dans les créations de la cour royale de l’époque de Philippe II (klinés chryséléphantines et le bouclier de la tombe de Philippe II), ainsi que sur le trône de la tombe d’Eurydice.

30 Pour la construction du palais, qui s’étend sur environ 12 000 mètres carrés, plus de 20 000 mètres cubes de pôros ont été transportés à Aigai depuis les carrières du mont Bermion (KOUKOUVOU, 2012). Le soin accordé au choix des matériaux et à la finesse

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d’exécution se reflète dans la texture lisse des stucs qui recouvraient l’appareil des murs et les éléments architecturaux, dans le décor en relief des tuiles et des antéfixes, et enfin dans la qualité exceptionnelle des mosaïques. 31 Parmi les nouveaux éléments issus des recherches récentes de Kottaridi sur l’architecture du palais, notons la structure à deux étages des portiques de la façade, ornée de colonnes doriques au rez-de-chaussée et de piliers à demi-colonnes ioniques adossées au premier étage, éléments qui constituent les antécédents d’une forme architecturale particulièrement prisée à la période hellénistique. Les vestiges des banquettes des portiques de la façade, dont la présence suggère l’accueil de nombreux visiteurs, prouve l’existence d’une porte monumentale unique du palais, laquelle était simple et non triple, comme les travaux antérieurs l’ont laissé entendre. Comme l’affirme Kottaridi, dans la conception architecturale du palais se trouvent assimilés les règles et les principes du monde pythagoricien et de l’univers platonicien : « Le plan du palais reposait sur le triangle d’or pythagoricien 3, 4, 5. Le 4 en tant que chiffre, avec ses puissances et ses multiples, mais aussi comme figure géométrique régulière (le carré), joue un rôle fondamental dans les calculs des dimensions. Le nombre φ, la ‘divine proportion’, est le ‘facteur commun’ qui unit les éléments de ce palais » (KOTTARIDI, 2011d, p. 293).

32 Kottaridi a également dirigé les fouilles récentes à Aigai qui ont permis de mettre au jour une grande partie de l’enceinte fortifiée classique et hellénistique avec son portail nord-ouest et ses tours au sud-ouest du secteur qui rassemblait les tombes des reines. D’après sa datation, ce mur, qui est le plus ancien mur macédonien connu jusqu’à présent (KOTTARIDI, 2004a), fut construit sous le règne de Philippe II et aurait remplacé celui construit sous le règne de Perdicas II (454-413 avant J.-C.). Sur le même site, les fouilles ont livré des vestiges d’un grand bâtiment archaïque tardif, utilisé du VIe au IIIe siècle avant J.-C. En 2008, dans le sanctuaire d’Eukleia de l’agora d’Aigai, au sein du remblai d’une construction énigmatique constituée d’un large fossé et de blocs de pôros rectangulaires, une sépulture peu commune de la fin du IVe siècle avant J.-C. fut mise au jour. Il s’agit d’un vase en bronze contenant une pyxide, à l’intérieur de laquelle étaient déposés les os d’un jeune homme, enrobés dans un tissu en pourpre et en fibres d’or, avec une couronne de chêne en or similaire à celle trouvée dans la tombe royale III d’Aigai (PALIADELI et al., 2008a, 2008b). D’après la fouilleuse Chrysoula Paliadeli, le défunt aurait pu être un membre de la famille royale. 33 En Émathie, sur le site de l’ancienne Miéza, un grand bâtiment à caractère public (agora) a été découvert, à proximité du théâtre et d’une tombe macédonienne comportant une façade d’ordre ionique, elle-même proche de la tombe du Jugement dernier (ALLAMANI, KOUKOUVOU, PSARRA, 2002, 2009). La façade d’une autre tombe macédonienne parée d’éléments architecturaux d’ordre corinthien vient enrichir la typologie des façades du corpus des tombes macédoniennes (LILIMBAKI-AKAMATI, ΤROCHIDIS, 2005). Les fouilles se sont également poursuivies dans le sanctuaire de la Mère des dieux à Lefkopetra, le plus important complexe architectural fouillé jusqu’à présent à Kalipétra, qui exista de la fin du IVe siècle au milieu du IIe siècle avant J.-C. (STEFANI, 2003, 2007). À partir du IIe et jusqu’au IVe siècle après J.-C., le culte de la Mère des dieux fut transféré dans un temple à 700 mètres de distance, d’où les chercheurs ont retiré un des matériels épigraphiques les plus riches de la Macédoine romaine (PETSAS et al., 2000).

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34 Nos connaissances sur l’ancienne ville de Pella se sont davantage enrichies sur la forme et le fonctionnement des habitations et des bâtiments publics, l’activité de ses ateliers, le système de fortification et les cimetières, confirmant le niveau de vie élevé des habitants de cette ville (LILIMBAKI-AKAMATI, 2005, 2006, 2007a ; LILIMBAKI-AKAMATI, AKAMATIS, 2003 ; LILIMBAKI-AKAMATI et al., 2011). Un établissement de bains en usage du dernier quart du IVe à la fin du IIe siècle avant J.-C fut découvert. Il s’agit d’un luxueux édifice aux sols ornés de mosaïques, avec vasques et piscine, muni d’un des plus anciens exemples de chauffage au sol connus dans le monde grec (LILIMBAKI-AKAMATI, AKAMATIS, 2007). Une autre trouvaille intéressante de cette dernière décennie sur ce site est la tombe à ciste monumentale du début du IIIe siècle avant J.-C., où figurent des personnages de philosophes de grandes dimensions (LILIMBAKI-AKAMATI, 2007b ; LILIMBAKI- AKAMATI et al., 2011). Ces œuvres à l’iconographie particulière, qui témoignent du niveau intellectuel d’un groupe d’habitants de Pella s’adonnant à la philosophie et aux sciences, viennent enrichir le corpus de la peinture funéraire macédonienne. Le caractère polyethnique de la société hellénistique de Pella se reflète en outre dans l’architecture d’une tombe monumentale à huit chambres taillée dans la roche, dont l’étude fut récemment publiée par Lilimbaki-Akamati (LILIMBAKI-AKAMATI 2008a) et dont la forme composite se retrouve à Rhodes, à Chypre et en Égypte. 35 En Piérie, grâce à la construction de grandes routes en Grèce du nord ces dernières années, plusieurs fermes, des villas rurales et des manufactures ont été localisées (ADAM-VÉLÉNI, 2009 ; ADAM-VÉLÉNI, POULAKI, TZANAVARI, 2003), comme cet ensemble du IVe siècle avant J.-C. dans la région de l’antique Leibéthra, à Komboloi (au pied de l’Olympe), composé d’une villa rurale et d’une industrie vinicole. Des vestiges hellénistiques ont été récupérés sur le site de Krania, qui proviennent vraisemblablement d’un atelier de production d’amphores et d’une villa rurale hellénistique à Tria Platania. Dans le site de la source d’Athéna a été mise au jour une ferme en usage entre le Ier et le IVe siècle après J.-C. Dans le cimetière localisé à environ un kilomètre au nord-ouest de l’habitat fortifié de Pydna, à Makgygialos, ont été fouillées vingt tombes à fosse avec kliné en bois datées entre le IVe et le IIIe siècle avant J.-C. (BESIOS, ATHANASSIADOU, 2001). Notons que de nombreuses klinés portaient une décoration en ivoire, sur lesquelles étaient souvent déposées des couronnes en bronze doré. Parmi un autre groupe de tombes datées du IIIe siècle avant J.-C. aux dimensions plus réduites (parcelle 691), le décor de la kliné de la tombe 18 aux figurines en terre cuite est également remarquable (BESIOS, 2010).

36 À Dion, le centre religieux des Macédoniens, les recherches entreprises par Dimitris Pandermalis et Seleni Pignatoglou se poursuivent dans le temple de Démeter, l’agora, le temple d’Asclépios et la ville hellénistique (PIGNIATOGLOU, 2003, 2006, 2009). La reprise des fouilles en 2003 fut marquée par la découverte du sanctuaire hellénistique de Zeus Hypsistos (PANDERMALIS, 2003, 2009). Au centre du téménos fut trouvé l’autel et immédiatement au nord, avec une orientation inhabituelle puisqu’il est tourné vers le sud, le naos du dieu, qui comportait une aile sur chacun des trois côtés. À l’intérieur fut retrouvée la statue de culte de Zeus Hypsistos, assis en majesté sur son trône et tenant le sceptre et la foudre. Des inscriptions placées devant le piédestal évoquent des offrandes faites à Zeus, tandis que d’autres rapportent les noms des dignitaires de la colonie romaine de Dion et permettent d’assimiler le culte de Zeus Hypsistos avec celui de Jupiter Optimus Maximus. La présence dans le sanctuaire de nombreux aigles en marbre, les « messagers » de Zeus, est tout à fait remarquable. Ce nouveau sanctuaire se

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situe à environ cinq cents mètres au nord de l’ancien sanctuaire de Zeus olympien et semble avoir joué un rôle important à l’époque de la colonie romaine de Dion. 37 Les recherches entreprises lors de la construction du métro à Thessalonique ont conduit à la découverte d’une grande partie du cimetière est daté de la fin du IVe siècle avant J.-C. au VIe siècle après J.-C., ainsi que de vestiges architecturaux de bâtiments d’époque romaine. Les tombes hellénistiques sont localisées surtout dans la partie occidentale du cimetière. La présence dans deux tombes du IIIe et du IIe siècle avant J.-C. d’un riche mobilier orné de couronnes de chêne en or a été particulièrement remarquée. Mais la découverte la plus intéressante dans cette région reste le grand complexe architectural de l’ancienne Kalindoia daté du Ier siècle après J.-C., situé à l’est de Thessalonique et largement étudié par Konstandinos Sismanidis (SISMANIDIS, 2003b, 2004, 2005, 2006, 2008a, 2008b, 2009). Déployé longitudinalement, il présente plusieurs pièces dont les trois premières correspondent à un temple de culte impérial, le Sébasteion de la ville, où étaient vénérés Zeus, la déesse Rome et l’empereur. Il s’agit de l’un des plus grands et des plus anciens Sébasteia connus de l’Empire puisqu’il fut fondé à l’époque d’Octave Auguste dont le culte est confirmé par les inscriptions. Ce complexe se trouvait à peu près au centre de la ville antique et occupait la partie ouest de l’agora. Neuf autres grandes pièces rectangulaires qui remplissaient des fonctions publiques ont été également mises au jour ainsi qu’une grande exèdre rectangulaire (1,10 mètre sur 0,80 mètre), qui servait de base pour des statues placées tout au long du mur du fond de la chambre Z’. Les fouilles ont également livré des tombes à chambre luxueuses, un grand nombre d’inscriptions et des fragments de sculptures en marbre de qualité remarquable (portraits d’empereurs, tête de Méléagre, torse d’un échanson adolescent). 38 En Chalcidique, à Kalithéa, les nouvelles fouilles réalisées dans le cadre des travaux de mise en valeur du site ont complété nos connaissances du temple de Zeus Ammon, daté de la seconde moitié du IVe siècle avant J.-C. Nous signalerons en particulier la mise au jour de deux séries parallèles de socles monumentaux à l’est du temple qui appartenaient au même complexe architectural que celui-ci (TSIGARIDA, VASILEIOU, 2005 ; TSIGARIDA, VASILEIOU, PATIS, 2007). Dans la partie sud de la ville moderne de Nea Potidea, identifiée comme l’ancienne Cassandreia, a été découverte la plus grande partie d’un bâtiment monumental romain qui occupe un espace d’environ 400 mètres, avec un atrium et un impluvium orné d’une mosaïque, entourés d’un portique et de nombreuses chambres. La phase romaine du bâtiment se situe entre le Ier siècle avant J.-C. et le Ier siècle après J.-C., avec une phase antérieure durant la période hellénistique. Parmi les trouvailles les plus intéressantes, notons une statue d’Artémis et une plaque votive en marbre où est figuré un Héraclès allongé de la première moitié du IIIe siècle après J.-C. (KOUSOULAKOU, MISAILIDOU-DEPOTIDOU, 2006 ; MISAILIDOU-DEPOTIDOU, GERMENIS, 2008). Les recherches récentes dans la péninsule de Cassandra ont mis au jour plusieurs sites anciens (Mendé, Aphytos, Siviri) qui datent de l’incorporation par Philippe II de la Chalcidique dans le royaume macédonien. Ces sites sont associés à une production céramique et particulièrement à celle des amphores du groupe de Parméniskos, employées à la période hellénistique pour le commerce des biens de la péninsule de Cassandra (TSIGARIDA, PAPADIMITRIOU, 2009, TSIGARIDA, VASILEIOU, 2008). Sur le site de l’ancienne Stratoniki, à l’extrémité nord du golfe d’Akanthos, les fouilles se sont poursuivies sur l’agora, qui fut en usage de l’époque hellénistique à la période romaine tardive. Nous retiendrons de ces fouilles la découverte, dans l’aile nord du forum, d’un

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grand nombre de fragments de verre, d’ustensiles et de monnaies en bronze qui semblent confirmer l’identification de cet espace comme atelier et boutique de médicaments et/ou de cosmétiques, entre le IIe et la fin du IIIe siècle après J.-C. (TRAKASOPOULOU-SALAKIDOU, 2004a, 2004b). Les fouilles de sauvetage menées par Penelope Malama dans les années 1999-2002 à l’occasion de l’élargissement de l’axe routier Amphipolis-Drama ont permis de localiser le cimetière est de la ville utilisé entre la seconde moitié du Ve siècle avant J.-C. et l’époque impériale tardive. Plus de 800 tombes composent ce vaste cimetière qui reflète la longue vie de la ville et éclaire les aspects importants de son évolution (MALAMA, 2001). Parmi celles du secteur Γ, qui datent de l’époque hellénistique, signalons des tombes à ciste portant sur leurs parois un décor peint composé de guirlandes végétales polychromes avec palmettes et volutes, des zones architecturales peintes imitant l’appareil d’un mur et des sujets figurés (MALAMA, 2007).

La Macédoine orientale

Les régions de Kavala et de Drama

39 Les travaux récents sur la Macédoine orientale, moins nombreux que ceux sur la Macédoine occidentale et centrale puisque cette région ne comprend que deux nomes, se sont surtout concentrés dans les régions de Kavala, de Thasos et de Drama. Dans la région de Kavala, le site de Kanoni, identifié à l’ancienne ville de Fagris, a été exploré à l’occasion des fouilles de 2003 dirigées par Maria Nikolaidou-Patera (NIKOLAÏDOU-PATERA, PATERA 2005). Une cinquantaine de tombes de types divers ont été mises au jour, dont la plupart sont datés de la seconde moitié du IVe siècle avant J.-C. Il s’agit de tombes à fosse, à ciste ou recouvertes de tuiles, et de deux larnakes. On y a également découvert un sarcophage en terre cuite qui remonte à la fin du Ve siècle avant J.-C. environ et un pithos de l’âge du Bronze récent contenant une sépulture. Parallèlement, une construction souterraine a été explorée ; elle est composée d’un complexe de couloirs communiquant entre eux et aboutissant à un grand espace au plafond conique. Il s’agit vraisemblablement d’une espèce de citerne qui servait à recueillir l’eau pour les besoins de la ville. Enfin, une villa rurale datée du Ier siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C., composée d’une dizaine de pièces, fut découverte sur le littoral d’Orfanio.

40 La reprise à partir de 2004 des fouilles dans l’ancienne ville de Philippes dirigées par Nikolaidou-Patera et Ioanna Patera a permis de révéler un nouveau site à deux cents mètres en dehors du mur ouest de la ville. Elles ont livré une grande quantité de céramique, datée entre l’âge du Bronze récent jusqu’à la fin de l’Antiquité, ainsi que des vestiges de constructions, appartenant probablement à un four, datés entre le Ier et le IIIe siècle après J.-C. Les recherches dans le cimetière est de la ville ont mis en lumière une cinquantaine de tombes, dont la majorité remonte à la période romaine, entre le milieu du Ier et le IIe siècle après J.-C. (NIKOLAÏDOU-PATERA, AMOIRIDOU, PATERA, 2006). Parmi les trouvailles les plus intéressantes, signalons un groupe de tombes de la période hellénistique (IIe siècle avant J.-C.) et en particulier une tombe à ciste monumentale en marbre, destinée à la sépulture d’une jeune fille, avec de riches offrandes (bijoux et outils de cosmétique). Les travaux se sont également poursuivis dans l’ancien théâtre de la ville de Philippes (KARADEDOS, KOUKOULI-CHRYSSANTHAKI, 2006a ; KOUKOULI- CHRYSSANTHAKI, KARADEDOS, 2006).

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41 Sur le sommet de la colline à l’est du site moderne de Nea Karvali et de la circonscription de Kavala – identifiée comme l’ancienne Akontisma, mentionné dans les sources littéraires romaines comme une escale sur la Via Egnatia – fut mis au jour un établissement fortifié dont la première phase de construction est datée vers la fin du IVe siècle avant J.-C. Parmi les constructions préservées, signalons le mur, formé de grands blocs, dont la face extérieure de la partie sud, une tour et un portail, ainsi que les faces extérieures nord et ouest existent encore. L’entrée principale de l’établissement était protégée par deux tours fortifiées. Une autre strate de la Via Egnatia a été identifiée à l’ouest de Nea Karvali, sous la forme d’un établissement fortifié daté de la fin du VIe au milieu du IVe siècle avant J.-C. Il s’agit probablement d’un des comptoirs commerciaux qu’avaient fondés les Thasiens pour l’exploitation du bois et des métaux à l’intérieur du pays. Durant les travaux routiers de la Via Egnatia moderne, des vestiges architecturaux (fragments d’un bâtiment, fondations d’une tour, deux enceintes funéraires et deux murs) datés entre la fin du Ier et le milieu du IVe siècle après J.-C. ont été repérés sur le site de Lithochori à Nestos. L’exploration du cimetière, en usage entre le Ve siècle avant J.-C. et le IVe siècle après J.-C., a livré plusieurs sépultures où étaient attestés des ensevelissements de chevaux, pratique fréquente dans l’ancienne Thrace. La découverte la plus importante de la fouille est constituée par l’ensemble des fragments d’un char, avec des frises en relief et en bronze qui faisaient partie de son décor original. Enfin, dans le site préhistorique de Dikili-Tash, les fouilles ont repéré des phases d’habitation de la colline pendant les périodes historiques, à partir du IVe siècle avant J.-C.

42 Dans la région de Drama, lors des fouilles de sauvetage du site de Kavakia à Potamoi dirigées par Penelope Malama et Konstandinos Darakis, ont été explorés les vestiges architecturaux d’un établissement rural à plusieurs espaces domestiques et agricoles (MALAMA, DARAKIS, 2005). Enfin, sur la colline connue sous le nom d’« acropole », à cinq kilomètres de Platania, a été découverte une enceinte fortifiée de forme ellipsoïdale, ainsi que l’entrée ouest du mur et la voie qui traversait obliquement l’acropole. Le site fut habité sans interruption de l’époque préhistorique à l’Antiquité tardive.

Thasos

43 Sur le site préhistorique de Liménaria ont été découverts les vestiges de deux ateliers de production d’amphores pour le commerce du vin, actif entre le IVe siècle avant J.-C. et les premières années de l’Empire. Dans l’un des ateliers, on a même identifié une phase archaïque. À Liménas, la fouille du théâtre amorcée par Zissis Bonias s’est achevée en 2000 avec la mise au jour de la partie supérieure du koilon du théâtre et de l’ensemble du portique. Après les sondages effectués sur la partie supérieure du koilon, on a pu constater l’installation d’une nécropole protobyzantine après l’abandon du monument, aux Ve-VIe siècles après J.-C. (BONIAS, 2000). Des fouilles dans le secteur nord- ouest du rempart de l’ancienne ville de Thasos (GRANDJEAN, 2011) ont révélé une partie de l’ancienne nécropole avec des sépultures datées des périodes classique, hellénistique et romaine tardive (KOZELJ, SGOUROU, WURCH-KOZELJ, 2005). Signalons les riches tombes de la fin du Ve et du début du IVe siècle avant J.-C. et une sépulture de jeune fille datée du IVe siècle avant J.-C., accompagnée de très riches offrandes (bijoux en or, diadème en or, appliques en or décorant les vêtements).

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44 Des études récentes se sont également concentrées sur l’exploration des carrières de marbre de l’île (KOZELJ, WURCH-KOZELJ, 2009). À Thasos, une des villes anciennes les mieux explorées, les recherches récentes ont également apporté de nouvelles connaissances sur son urbanisme et sur ses espaces monumentaux. Signalons en particulier la reprise de l’exploration archéologique des abords sud de l’agora en 1996 par Jean-Yves Marc, qui a permis d’une part le dégagement complet d’un complexe monumental comprenant plusieurs édifices en bordure de la place publique (le macellum, la Cour à cent dalles et l’édifice à magazins) et d’autre part l’unification de la zone archéologique et la mise en relation de ces différents édifices, qui se caractérisent par des fonctions commerciales et artisanales (MARC, 2012a, 2012b). La fouille des abords sud de l’agora de Thasos nous invite ainsi à réévaluer la place de la Macédoine dans le renouvellement des modes urbanistiques au seuil de l’époque hellénistique (MARC, 2012a, p. 236).

45 Grâce à la multiplication des fouilles de sauvetage et au grand nombre de recherches effectuées au cours de cette dernière décennie en Macédoine – malgré le fait que dans certaines régions les données restent encore fragmentaires et que la recherche archéologique progresse souvent de manière inégale selon les sites –, il est possible d’esquisser de manière de plus en plus complète la physionomie historique de cette région très importante, sous plusieurs aspects, pour notre appréhension de la culture et de la civilisation grecques. Des travaux récents menés dans cette région, il ressort que la plupart des sites explorés ont été habités sans discontinuité de la préhistoire et à la fin de l’Antiquité. Les nouveaux témoignages de l’âge du Bronze récent plaident en faveur d’une homogénéité culturelle de la civilisation mycénienne entre la Macédoine et le reste du monde grec, tandis que la richesse du mobilier et la monumentalité des édifices mis au jour dans les nombreux sites explorés aux alentours de l’antique cité d’Aiané montrent que, dans la région de la Haute Macédoine, il y eut très tôt des villes organisées à un haut degré d’urbanisation. En outre, la découverte de l’« hypogée » de Méthone avec ses vases aux inscriptions extraordinaires ouvre de nouvelles pistes de recherches dans plusieurs domaines, et incite à reconsidérer le caractère et le rôle de cette ville comme centre panhellénique. Il semble en effet significatif de retrouver l’une des épigrammes les plus anciennes dans cette partie du monde grec. La richesse et la variété des trouvailles issues des fouilles récentes, mais aussi le grand nombre de publications parues ces dernières années, permettent d’établir un état des lieux en faisant apprécier l’ampleur du parcours historique et culturel de la Macédoine ancienne, et annoncent de nouvelles perspectives de recherche. Enfin, soulignons le rôle majeur que joua la Macédoine, carrefour culturel de la Grèce et centre actif de production artistique depuis au moins l’époque de Philippe II, dans le développement des arts, de l’architecture et de l’urbanisme de la période hellénistique.

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BIBLIOGRAPHIE

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– ZIMI, 2011 : Eleni Zimi, Late Classical and Hellenistic Silver Plate from Macedonia, Oxford, 2011.

NOTES

1. BOSWORTH, BAYNHAM, 2000 ; HEWCKEL, TRITLE, 2003 ; WHEATLEY, HANNAH, 2009 ; Carney, OGDEN, 2010 ; FREEMAN, 2011. 2. « Alexander der Grosse und die Öffnung der Welt », Mannheim, Reiss-Engelhorn-Museum, 2009-2010 ; « Exposición Alejandro Magno: El encuentro con Oriente », Madrid, Centro de Exposiciones Arte Canal 2010-2011 ; « The Immortal Alexander the Great », Amsterdam, Hermitage Museum, 2010-2011 ; « Hercules to Alexander: The Legend of Macedon », Oxford, Ashmolean Museum, 2011 ; « Au royaume d’Alexandre le Grand : La Macédoine antique », Paris, Musée du Louvre, 2011-2012. 3. Les sites archéologiques les plus imposants sont à Aigai (Lilimbaki-Akamati 2008b), à Aiané (KARAMITROU-MENTESIDI, 2009a), à Dion (PANDERMALIS, 2005), à Édessa (CHRYSOSTOMOU, 2006), à Europos (SAVVOPOULOU, GIANNAKIS, 2008), à Florina (LILIMBAKI-AKAMATI, AKAMATIS, 2005, 2006), à Pella (LILIMBAKI-AKAMATI, 2008c), à Pétrès (LILIMBAKI-AKAMATI, 2008d), à Palatiano (KOTSIDOU, 2008), à Philippes. 4. Ont été restaurés ces dernières années le palais royal d’Aigai ( KOTTARIDI, 2011c), le théâtre et les tombes de Miéza (POULAKAKIS, 2008 ; LILIMBAKI-AKAMATI, ΤROCHIDIS , 2005), les tombes monumentales de Pella (LILIMBAKI-AKAMATI, 2008b), le sanctuaire de la Mère des dieux à Lefkopetra, les tombes de Korinos (GIANNAKIS, KALOGÉRIDES, BESIOS, 2000), l’acropole de Leibethra

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(POULAKI-PANDERMALI, BACHLAS, 2004), la tombe de Finikas à Thessalonique (TSIMBIDOU-AVLONITI, 2009), la tombe de Fagris à Kavala (LEONDARIS, PLIMAKIS, CHALKAKIS, NIKOLAÏDOU, KARADEDOS, 2008), le sanctuaire de Zeus Ammon à Kalithea (Achilara et al., 2008), le théâtre de Philippes (KARADEDOS, KOUKOULI-CHRYSSANTHAKI, 2006b). 5. Dans le dernier volume, paru en 2011, sont publiés les travaux qui ont eu lieu au cours de 2008 : Polixeni Adam-Veleni, Katérina Tzanavari éd., dans AEMTh, 22, 2008. 6. Sujets abordés dans la conférence « Panhellenes at Methone: graphê in Late Geometric and Protoarchaic Methone, Macedonia (ca 700 BCE) », organisée par le Centre de la langue grecque à Thessalonique, 8-10 juin 2012.

RÉSUMÉS

Grâce à la multiplication des fouilles de sauvetage et au grand nombre de recherches effectuées au cours de cette dernière décennie en Macédoine, il est possible d’esquisser d’une manière de plus en plus complète la physionomie historique de cette région très importante pour notre appréhension de la culture et de la civilisation grecques. L’extraordinaire richesse des sépultures princières de la nécropole archaïque d’Archontiko, le grand nombre de tombes et de vestiges urbains mis au jour dans la région de l’ancienne Pydna et d’Aiané, et les nouvelles données sur l’architecture du palais royal d’Aigai représentent des exemples remarquables de la recherche récente dans le « vieux royaume » macédonien. Les nouveaux témoignages de l’âge du Bronze récent établissent une série d’indices en faveur d’une homogénéité culturelle de la civilisation mycénienne entre la Macédoine et le reste du monde grec. La richesse du mobilier et la monumentalité des édifices mis au jour aux alentours de l’antique cité d’Aiané montrent que, dans la région de la Haute Macédoine, il y eut très tôt des villes organisées selon une urbanisation élaborée. La découverte de l’« hypogée » de Méthone, avec ses vases aux inscriptions extraordinaires, incite à reconsidérer le caractère et le rôle de cette ville en tant que centre panhellénique. La richesse et la variété des trouvailles issues des fouilles récentes, mais aussi le grand nombre de publications parues ces dernières années, ouvrent de nouvelles perspectives, et permettent d’établir un état des lieux et d’apprécier l’ampleur du parcours historique et culturel de la Macédoine ancienne.

Thanks to the increasing number of rescue archaeology missions and the many studies undertaken on Macedonia within the past decade, we now have ever more complete vision of the historical contours of this region that is vital for our understanding of Greek civilization and culture. The extraordinary wealth found in the royal sepultures from the Archaic necropolis of Architoniko, the large number of tombs and urban artifacts unearthed in the area of former Pydna and Aiane, and new information on the architecture of the royal palace of Aigai are all remarkable examples of recent research on the “old kingdom” of Macedonia. New archaeological material from the Late Bronze Age provides evidence in favor of the cultural continuity of Macedonia with the rest of the Greek world. The rich furnishings and monumental buildings discovered around the ancient city of Aiane suggest that elaborately planned urban centers developed early in Upper Macedonia. The discovery of the “hypogeum” in Methone, with its vases covered in remarkable inscriptions, has led to a reconsideration of the nature and role of this city as a Pan-Hellenic center. The splendor and variety of discoveries made during recent archaeological missions as well as the numerous studies published over the past years, while

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making it possible to establish a state of the art, open new horizons and amply suggest the breadth of the historical and cultural trajectory of ancient Macedonia.

Gracias a las múltiples excavaciones de rescate y las nutridas investigaciones realizadas a lo largo de la última década en Macedonia, es posible esbozar una fisionomía histórica cada vez más completa de una región fundamental para nuestra comprensión de la cultura y civilización griega. La extraordinaria riqueza de las sepulturas principescas de la necrópolis arcaica de Archontiko, las numerosas tumbas y vestigios urbanos excavados en la región de la antigua Pidna y de Aiane, así como la aportación de nuevos datos sobre la arquitectura del palacio real de Aigai son ejemplos relevantes de la investigación reciente en el “antiguo reino” macedonio. Los nuevos testimonios de la Edad de Bronce reciente aportan una serie de indicios a favor de una homogeneidad cultural de la civilización micénica entre Macedonia y el resto del mundo griego. La riqueza del mobiliario y la monumentalidad de los edificios sacados a la luz en los alrededores de la antigua ciudad de Aiane demuestran que, en la región de la alta Macedonia, se dieron muy temprano ciudades con una elaborada urbanización. El descubrimiento del “hipogeo” de Metone y de sus jarrones, excepcionales por sus inscripciones, incita a reconsiderar el carácter y el papel de dicha ciudad como centro panhelénico. La riqueza y variedad de los hallazgos procedentes de las excavaciones recientes y las numerosas publicaciones de los últimos años abren nuevas perspectivas, permiten establecer un estado de la situación y apreciar la amplitud del recorrido histórico y cultural de la antigua Macedonia.

Dank der Häufung von bestandsrettenden Ausgrabungen und der großen Anzahl an Untersuchungen während des letzten Jahrzehnts in Makedonien ist es möglich, die historische Physiognomie dieser so bedeutsamen Region für das Verständnis der griechischen Kultur und Zivilisation immer deutlicher nachzuzeichnen. Der außergewöhnliche Reichtum der königlichen Gräber der archaischen Nekropole Archontiko, die große Zahl der Gräber und urbanen Ruinen in den alten Regionen von Pydna und Aiane, sowie die architektonischen Erkenntnisse über den Königspalast von Aigai stellen herausragende Beispiele der aktuellen Erforschung des „alten Königreichs“ Makedoniens dar. Die neuen Zeugnisse der jüngeren Bronzezeit erweisen sich als eine Serie von Indizien, die die Idee einer kulturellen Homogenität der mykenischen Zivilisation zwischen Makedonien und Griechenland stützen. Der Reichtum des Mobiliars und die Monumentalität der Bauten, die in der Nähe der antiken Stadt Aiane zutage gebracht wurden, bezeugen, dass es in der Region von Hochmakedonien sehr früh organisierte Städte mit einer komplexen Urbanisierung gegeben hat. Die Entdeckung des „Hypogäums“ von Methone, mit seinen herausragenden beschriebenen Vasen, gibt Anlass, den Charakter und die Rolle dieser Polis als panhellenistisches Zentrum zu begreifen. Der Reichtum und die Vielfalt der jüngsten Grabungsfundstücke, aber auch die große Anzahl der in den letzten Jahren erschienenen Veröffentlichungen eröffnen neue Perspektiven, die eine aktualisierte Bestandsaufnahme ermöglichen und den bedeutsamen historischen und kulturellen Verlauf des antiken Makedoniens herausstellen.

Grazie alla moltiplicazione degli scavi di salvataggio e al gran numero di ricerche condotte in Macedonia nell’ultimo decennio, è possibile delineare secondo una traccia sempre più precisa la fisionomia storica di questa regione assai importante per la nostra comprensione della cultura e della civiltà greche. La straordinaria ricchezza delle sepolture principesche della necropoli arcaica di Archontiko, il gran numero di tombe e di vestigia urbane portate alla luce nella regione dell’antica Pidna e di Aianè, e i nuovi dati sull’architettura del palazzo reale di Aigai costituiscono esempi notevoli delle ricerche recenti nell’“antico regno” macedone. Le nuove testimonianze dell’età del Bronzo recente offrono una serie di indizi a favore di una omogeneità culturale della civilità micenea tra la Macedonia ed il resto del mondo greco. La ricchezza del mobilio e la monumentalità degli edifici rinvenuti nei pressi dell’antica città di Aianè mostrano che, nella

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regione della Macedonia superiore, vi furono molto presto delle città organizzate secondo un’elaborata urbanistica. La scoperta dell’“ipogeo” di Metone, con i suoi vasi dalle iscrizioni straordinarie, incitano a riconsiderare il carattere e il ruolo di questa città in quanto centro panellenico. La ricchezza e la varietà dei rinvenimenti degli scavi recenti, ma anche il gran numero di pubblicazioni apparse negli ultimi anni aprono prospettive nuove, e permettono di fissare uno stato della questione e di apprezzare l’ampiezza del parcorso storico e culturale dell’antica Macedonia.

INDEX

Index géographique : Aiané, Macédoine Keywords : Aiani, archaeology, Macedonia, material culture, site Mots-clés : archéologie, culture matérielle

AUTEUR

HARICLIA BRÉCOULAKI

Chercheur à l’Institut des recherches historiques (Fondation nationale de recherche scientifique), au département d’Antiquité grecque et romaine (KERA) à Athènes. Ses principaux axes de recherche concernent la peinture ancienne depuis la Préhistoire jusqu’à la période romaine, l’histoire de la couleur et des matériaux picturaux dans l’art grec, la culture matérielle et la création artistique en Macédoine durant les périodes classique et hellénistique.

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L’Acropole d’Athènes en chantier : restaurations et études depuis 1975 The Acropolis of Athens: conservation and research since 1975 La Acrópolis de Atena en obras : restauraciones y estudios desde 1975 Die Akropolis von Athen als Baustelle : Restaurationen und Studien seit 1975 L’acropoli di Atene in cantiere : restauri e studi dal 1975

Bernard Holtzmann

1 On a pu croire un temps que l’Acropole d’Athènes allait cesser d’être un sujet majeur dans l’étude de la Grèce ancienne : après la restauration extensive des monuments du Ve siècle par Nicolaos Balanos entre 1895 et 1940 et le réaménagement du musée par Yannis Miliadis de 1953 à 1964 (BROUSKARI, 1974), le site semblait avoir atteint un équilibre durable et la recherche ses limites. Parallèlement, le tourisme de masse, dont le spectacle Son et Lumière inauguré en mai 1959 avait symboliquement marqué l’avènement, prenait le pas sur l’érudition et la ferveur qui avaient caractérisé depuis deux siècles le rapport de l’Occident avec ce haut lieu, où il avait peu à peu renoué avec la part la plus lumineuse de ses origines.

2 Cependant l’urgence apparut bientôt de conjurer des menaces nouvelles : l’érosion du site en raison de sa fréquentation intensive, la pollution atmosphérique provoquée par l’exubérance de la ville moderne, mais surtout les dommages que l’incurie de Balanos commençait à infliger aux bâtiments antiques qu’il avait restaurés en utilisant des scellements de fer non isolés, dont la corrosion commençait à faire éclater les marbres. Avec la constitution, en mars 1975, du Comité pour la Conservation des Monuments de l’Acropole (CCMA), une nouvelle phase de l’histoire moderne de l’Acropole a commencé, qui n’est pas encore achevée, mais dont la réalisation a d’ores et déjà amené un renouvellement considérable des connaissances : les études géomorphologiques et topographiques du site (plateau et pentes), la restauration des quatre bâtiments antiques majeurs, les inventaires exhaustifs de blocs antiques errants, les reclassements effectués à l’occasion de l’installation du nouveau musée (FILETICI, 2003) ont fourni à la recherche quantité de données nouvelles qui expliquent l’abondance de

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la bibliographie récente sur tous les aspects de ce vaste sujet (Dyabola, www.db.dyabola.de). 3 Cette activité scientifique est stimulée par la politique de communication très généreuse menée d’emblée par le CCMA, dont Charalambos Bouras est depuis l’origine la cheville ouvrière : outre cinq colloques internationaux organisés jusqu’ici (Restoration 1977, 1985, 1990, 1995, 2002), deux revues informent régulièrement sur l’état des travaux (Anthemion, Restoration News), que retracent également des publications indépendantes (ECONOMAKIS, 1994 ; MAVROMMATIS, 2002 ; MALLOUCHOU-TUFANO, 2006 ; IOANNIDOU, LEMBIDAKI, 2011). D’autre part, le service pédagogique dirigé par Cornelia Hadziaslani jusqu’en 2011 (Anthemion, passim ; HADZIASLANI, 1992) a su, par des procédés ingénieux, intéresser à l’histoire et au devenir de l’Acropole le monde scolaire grec. 4 Les recherches ainsi diffusées ont donné lieu jusqu’ici à trois synthèses (HURWIT, 1999 ; SCHNEIDER, HÖCKER, 2001 ; HOLTZMANN, 2003).

L’Acropole avant 480

5 Dans la longue histoire de l’Acropole, les périodes antérieures au Ve siècle ont été révélées par la fouille systématique du plateau, réalisée entre 1885 et 1890, qui est allée presque partout jusqu’au rocher, en sorte qu’il faut se contenter des observations et des trouvailles faites alors pour essayer d’en saisir quelque chose. Si la publication commentée (BUNDGAARD, 1974) des dossiers de Georg Kawerau, architecte de la fouille, a permis de compléter quelque peu la publication succincte de Panagiotis Kavvadias, la documentation n’en reste pas moins généralement floue et de plus sujette à caution : on a fait observer dernièrement (STEWART, 2008, p. 389-393) que les remblais exigés par l’extension et le remodelage du plateau au Ve siècle n’ont pu être fournis que partiellement par la terre disponible sur place et que l’on a dû en apporter en grande quantité d’un peu partout, en sorte qu’on ne peut, en toute rigueur, rien déduire des objets qui y ont été trouvés pour l’histoire du site… Or il s’agit surtout de tessons de céramique particulièrement mobiles, si bien que n’échappent au doute que les cinq tombes d’enfant trouvées sur le plateau et datées de la fin de l’Helladique moyen, peu avant 1600 avant J.-C.

6 Pour la période suivante, dite mycénienne (1600-1100), l’ouvrage de Spyros Iakovidis continue à faire autorité (MOUNTJOY, 1995), bien que l’existence d’une muraille impressionnante, toujours visible aux extrémités est et ouest de l’Acropole, n’implique pas forcément la présence, entièrement hypothétique, d’un palais comparable à ceux de Mycènes et Tyrinthe (HOLTZMANN, 2003, p. 34-37). En renforçant l’unité topographique de cette colline au sommet presque plan, elle lui confère en tout cas une fonction défensive. 7 Sa fonction religieuse n’apparaît que bien plus tard, au VIIIe siècle, avec des offrandes peu nombreuses, mais dont le type et la qualité attestent l’existence d’un sanctuaire important (SCHOLL, 2006). Cependant, l’emprise topographique et le faciès architectural de celui-ci nous échappent complètement, les plus anciens vestiges architecturaux ne datant au plus tôt que de la fin du VIIe siècle. Il s’agit ici du premier dossier majeur que les recherches en cours commencent à faire évoluer, car les inventaires de blocs errants sur le plateau et sur ses pentes ont fourni assez d’éléments nouveaux pour qu’il soit possible de reprendre le problème que posent ces bâtiments disparus, sans ancrage

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au sol sauf un. En ce qui concerne les sept petits édifices, qu’il vaut mieux ne pas appeler « trésors » puisque le seul texte susceptible de les concerner les qualifie du terme très neutre d’oïkèmata qui n’indique aucune fonction précise, l’étude en cours (KLEIN, 1991) apportera sans doute un reclassement et de nouvelles datations. Quant aux blocs de grand module, traditionnellement connus sous le nom d’« architecture H », ils font l’objet d’une discussion périodiquement relancée (HOLTZMANN, 2003, p. 75-81) : appartiennent-ils à un ou bien à deux temples ? Une seule fondation est connue, entre le Parthénon et l’Érechtheion, mais une autre pourrait se trouver sous le Parthénon. L’architecte Manolis Korrès, avec l’autorité que lui donnent vingt-cinq ans de fréquentation quotidienne du site et ses nombreuses observations nouvelles, a redonné crédit à la thèse de deux temples (KORRÈS, 1997) : le premier au sud, sous le Parthénon actuel (vers 570-560), le second (vers 520) sur la fondation visible. Cependant, les remarques très précises faites dernièrement par Konstantin Kissas, qui a inventorié entre 1994 et 2006 plus de vingt mille fragments de toute espèce, vont plutôt dans le sens d’un temple unique construit au début du VIe siècle et plusieurs fois modernisé au cours de ce siècle (KISSAS, 2008).

8 C’est au premier état de ce temple qu’appartiendrait peut-être la toiture laconienne en marbre de Naxos, dont les fragments connus sont passés de quarante-sept en 1904 à cent soixante-deux aujourd’hui ; quatre seulement étant inachevés, il faut abandonner l’hypothèse d’une toiture qui n’aurait jamais été posée : ce devait être des pièces en surnombre destinées à en remplacer éventuellement d’autres. Ce raffinement très coûteux, qui n’était jusqu’ici connu à cette date qu’à l’oïkos des Naxiens de Dèlos, montre en tout cas qu’il s’agissait d’un bâtiment de prestige. Ce serait là un premier témoignage de la façon attique d’intégrer des traits ioniens insulaires dans un style architectural qui reste essentiellement dorique jusqu’au dernier quart du Ve siècle. Les huit colonnes ioniques connues sur l’Acropole avant cette date sont en effet des supports isolés d’offrandes (MCGOWAN, 1997) : la plus grande n’est connue que par deux fragments de chapiteau en calcaire qui permettent de lui restituer des dimensions colossales (2,10 mètres sur 1,15 mètre) et une hauteur d’environ onze mètres, ce qui en fait un signal aussi spectaculaire que la colonne des Naxiens à Delphes, peut-être installée sur la tombe de Kécrops (KORRÈS, 1998).

9 Tous ces bâtiments archaïques étaient ornés de décors sculptés (SANTI, 2010) dont l’attribution à un bâtiment précis et la datation posent parfois problème ; les grands frontons anciens en calcaire et les premiers frontons en marbre, dont la composition et la date (520 ou 500 ?) sont particulièrement disputées, font aujourd’hui l’objet d’une nouvelle étude. Parmi le matériel votif en terre cuite, les plaques à relief ou seulement peintes ont été étudiées dernièrement (VLASSOPOULOU, 2003 ; SCHULZE, 2004). Pour la sculpture votive en marbre, qui constitue le grand apport de la fouille de la fin du XIXe siècle et dont l’ensemble sans pareil reste essentiel pour la connaissance de l’art archaïque, le grand catalogue de Hans Schrader, Ernst Langlotz et Walter-Herwig Schuchhardt n’a pas été remplacé, mais des volumes récents ont complété ou renouvelé l’illustration de ces œuvres célèbres (TRIANTI, 1998 ; KARAKASI, 2001), tandis que des études de détail (SCHMALTZ, 2009 ; VLASSOPOULOU, 2011) ont mis en valeur l’importance de la polychromie (BRINKMANN, 2003, no6-127) et que le reclassement des fragments sculptés dans les réserves du nouveau musée a permis de compléter diverses statues (JACOB, 2011). Plus que l’appréciation esthétique des quelque deux cents statues de jeune fille (coraï) plus ou moins bien conservées, c’est désormais leur identité (KEESLING, 2003 ;

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STIEBER, 2004), – la déesse elle-même, une desservante du culte, une figure idéale ? – et celle des dédicants, connue par les inscriptions gravées sur les bases (KISSAS, 2000), qui suscite l’étude : l’instauration de la démocratie en 508 a-t-elle retenti sur la production de sculptures votives ? 10 Depuis un siècle, les objets trouvés dans les remblais antiques de l’Acropole, la plupart mutilés, ont été considérés comme des témoignages du saccage du sanctuaire par les Perses en 480-479, enfouis car profanés, mais sur place car appartenant à la divinité. On disposait ainsi d’un terminus ante quem essentiel pour dater le passage de l’archaïsme au « style sévère » préclassique, c’est-à-dire pour fixer le moment crucial où la sculpture grecque entame son aventure singulière en s’affranchissant de ses modèles orientaux. Cette assurance a d’abord été ébranlée à propos de l’Éphèbe de Critios, premier chef- d’œuvre du nouveau style, considéré jusque-là comme de très peu antérieur à 480 : on s’est efforcé de prouver (HURWIT, 1989) que le contexte de fouille où il a été retrouvé n’était pas celui du « Perserschutt », expression accréditée depuis 1887 pour désigner le remblai contenant les œuvres mutilées ; les Athéniens auraient donc eux-mêmes décapité cette statue au plus tard quarante ans après sa consécration… Même si la chose reste très peu vraisemblable, le doute ainsi introduit sur la validité du terminus ante quem traditionnel s’est trouvé renforcé par l’étude minutieuse des données connues de la fouille (LINDENLAUF, 1997 ; STESKAL, 2004) : en fait, il n’y a de « Perserschutt » assuré que la fosse où ont été retrouvées en 1886 quatorze statues de corè archaïques. Toutes les autres trouvailles proviennent de remblais antiques hétérogènes, dont les plus récents peuvent dater de 430 environ, et qui, de plus, ont souvent été perturbés ultérieurement : les œuvres datées jusqu’ici de peu avant 480 peuvent dès lors théoriquement dater de peu après. On a donc pu soutenir récemment (STEWART, 2008) que le début du « style sévère » se situait non pas dans la décennie 490-480, mais dans la décennie 480-470, le second groupe des Tyrannoctones de Critios et Nèsiotès, installé sur l’Agora en 477-476, en constituant le manifeste fondateur. Le « style sévère » serait alors l’invention de ces deux Athéniens à la suite de la rupture provoquée par la catastrophe de 480-479, et non pas le résultat de l’évolution générale de la sculpture grecque. 11 Hormis les travaux de restauration minimaux indispensables à la reprise de l’activité religieuse, il ne se passe rien sur l’Acropole avant les années 470-460 : la thèse traditionnelle d’une muraille nord aussitôt reconstruite sous l’autorité de Thémistocle, tandis que le reste du plateau serait resté sans défense, est désormais contestée (LAMBRINOUDAKIS, 1999 ; HOLTZMANN, 2003, p. 91-95 ; STESKAL, 2004) : les travaux entrepris par Cimon concernent très vraisemblablement l’ensemble du site (DI CESARE, 2004), avec l’extension maximale de la terrasse sud (KORRÈS, 2004) jusqu’au bord d’une rupture de pente presque verticale et l’inclusion dans la muraille nord, bien visible depuis le nouveau centre public de la ville, de l’entablement du temple archaïque et de tambours de colonne du Pré-Parthénon pour perpétuer le souvenir du saccage perse. Derrière ces murs de terrasse qui donnent au plateau sa forme définitive ont été entassés de quarante à cinquante mille mètres cubes de remblais, en partie apportés de la ville basse (STEWART, 2008), tandis qu’un mur d’enceinte en calcaire du Pirée, long de plus de sept cents mètres et haut d’au moins quatre mètres, isolait visuellement le sanctuaire de la ville. Tous ces travaux annoncent la volonté de reconstruire les bâtiments du sanctuaire ; les circonstances politiques ayant empêché Cimon de le faire, ce sera la tâche de Périclès.

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Les bâtiments en marbre de l’Acropole classique

Le Parthénon

12 Avec la reconstruction de l’Acropole durant la seconde moitié du Ve siècle, la situation documentaire change du tout au tout : les textes et les monuments limitent le champ des hypothèses, ce qui ne veut pas dire que tout ait été dit, l’abondante bibliographie concernant le Parthénon en témoigne. Peu de temps avant que ne commence, en 1983, la restauration de celui-ci, toujours en cours aujourd’hui, un congrès lui a été consacré (BERGER, 1984a) qui, loin de clore les débats, les a au contraire relancés.

13 La question complexe du financement du Parthénon a fait l’objet de plusieurs études qui en ont démêlé l’écheveau (GIOVANNINI, 1990, 1997 ; POPE, 2000) ; le coût des travaux a été évalué dernièrement (MONACO, 2008) à 700-800 talents pour le bâtiment, soit probablement un peu moins que celui de la statue chryséléphantine d’Athèna qu’il abrite (705-996 talents). Les recherches métrologiques suscitées par ce bâtiment bien conservé et d’une maîtrise technique fascinante (HASELBERGER, 2005) continuent : le module employé pourrait être, plutôt qu’un pied, la coudée de 0,49 mètre ; c’est du moins l’unité qui donne le plus de mesures en nombres entiers (BERGER, 1984b). Quant aux proportions, on a depuis longtemps constaté la fréquence du rapport 4/9 ; mais on a aussi relevé dans le plan nombre d’intervalles épimores 4/5, 6/7, 8/9, etc. (SONNTAGBAUER, 1998). Cependant, Korrès a souligné « la résistance incomparable du bâtiment aux divers essais théoriques de le réduire à des systèmes numériques parfaits et à des proportions harmonieuses » (KORRÈS, 1994, p. 79-80) : il a montré que divers remaniements avaient été effectués au cours de la construction, comme il arrive fréquemment dans l’architecture grecque ancienne, ce qui rend illusoires ces recherches fondées sur le présupposé d’une cohérence absolue. Il a découvert d’autre part que la grande salle orientale où était installée la statue colossale d’Athèna n’était pas, comme on le croyait jusqu’ici, seulement éclairée par l’ouverture de l’imposante porte centrale à deux battants, mais que les nefs latérales étaient éclairées par deux grandes baies (KORRÈS, 1984). Il a aussi retracé, par une suite de dessins didactiques qui ont été exposés dans différentes villes d’Europe et sont devenus célèbres, les étapes de l’extraction, du transport et de la mise en place d’un bloc de marbre jusque sur le site du Parthénon (Pentélique..., 1995). 14 Les nombreuses observations nouvelles faites durant la préparation (Restoration, 1985, 1990) et la réalisation de la restauration des différentes parties du bâtiment rendent désormais nécessaire un volume de synthèse qui complétera, pour l’architecture, la grande publication en trois volumes d’Anastasios Orlandos (ORLANDOS, 1976-1978). En attendant, deux volumes collectifs, où le Parthénon est envisagé sous tous ses aspects, présentent commodément l’état des questions, l’un par une équipe grecque où figurent Manolis Korrès, Charalambos Bouras, Angelos Delivorrias et Fani Mallouchou-Tufano (TOURNIKIOTIS, 1994) ; l’autre, qui fournit une bibliographie presque exhaustive, a été réalisé par une équipe américaine (NEILS, 2005).

15 La fonction du Parthénon continue à être discutée. Elle est pour le moins hybride, puisque sa salle ouest, le Parthénôn proprement dit, n’a jamais eu de fonction religieuse : c’est le coffre-fort de la cité, placé sous la protection d’Athèna. La salle est,

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en revanche, présente le dispositif d’un temple, agencé de manière à mettre le mieux possible en valeur la statue colossale réalisée sous la direction de Phidias (LAPATIN, 2001) en lui procurant un espace intérieur d’une ampleur inusitée. Cette Athèna Parthénos, bien connue par les textes et par de nombreuses reproductions réduites plus ou moins simplifiées (LEIPEN, 1971 ; NICK, 2002), est-elle une statue de culte, comme on l’a encore dernièrement affirmé (NICK, 2002) ? Certainement pas, car elle ne se prête, par ses matériaux et par ses dimensions, à aucun des rituels dont fait l’objet la primitive statuette en bois d’Athèna Polias, conservée dans la salle est de l’Érechtheion ; elle n’a en outre ni personnel, ni autel, ni offrandes explicites. C’est l’illustration extrême d’un phénomène bien attesté depuis le Ve siècle : la mise en place, auprès des statues de culte anciennes, dont le rituel (CHRISTOPOULOS, 1992 ; ROBERTSON, 2004) entretient l’aura numinale auprès des fidèles, de représentations de la divinité qui en donnent une image plus satisfaisante esthétiquement (PLATT, 2011, p. 83-114 ; HOLTZMANN, à paraître).

16 Le décor sculpté du Parthénon, par son abondance et sa qualité exceptionnelles, sa place dans l’évolution de la sculpture grecque et le problème irritant que pose son démembrement depuis 1802, est l’élément le plus médiatisé de l’Acropole. Après les trois catalogues détaillés (frontons, métopes, frise ionique) publiés par Frank Brommer entre 1963 et 1977, qu’est venu couronner un ouvrage de synthèse destiné à un plus vaste public (BROMMER, 1979), trois volumes ont complété la documentation de ces ensembles (BERGER, 1986 ; PALAGIA, 1993 ; BERGER, GISLER-HUWILER, 1996), tandis que Alexandros Mantis (MANTIS, 1997) entreprenait la recomposition des métopes centrales du côté sud en utilisant les dessins dits de Carrey pour identifier divers fragments sculptés retrouvés à l’occasion de l’inventaire des marbres errants en contrebas de la terrasse sud de l’Acropole, dans la zone de l’Asclèpieion. Divers raccords et identifications de fragments ont d’autre part été réalisés (DESPINIS, 1982 ; BESCHI, 1995). Dernièrement, un album consacré à la partie du décor sculpté conservée au British Museum (JENKINS, 2007) se signale par la qualité de son illustration, qui révèle des détails jusqu’ici imperceptibles et rend justice à la vivacité étonnante du marbre du Pentélique, fût-il meurtri (PASQUIER, 2007a).

17 La frise ionique, dite des Panathénées, est l’élément le plus original des sculptures du Parthénon : incongrue sur un bâtiment dorique, paradoxale quant à son emplacement, énigmatique quant à son sens, elle ne cesse de solliciter l’ingéniosité des chercheurs (QUEYREL, 2008) et la curiosité du public (www.parthenonfrieze.gr). Plusieurs publications en ont reproduit le déroulement et évoqué les principaux aspects (JENKINS, 1994 ; NEILS, 2001 ; DELIVORRIAS, MAVROMMATIS, 2004). Plus que sa place dans l’histoire de l’art grec, à l’interface des styles sévère et riche (LEIBUNDGUT, 1991 ; HOLTZMANN, 2003, p. 121-144), c’est l’identification de son sujet qui a suscité des propositions nouvelles, l’opinion commune selon laquelle on avait là une représentation de la procession des Panathénées, apparaissant de plus en plus contestable. Les mythes, les événements historiques, les institutions de la cité ont été proposés comme clefs de lecture, sans parvenir jusqu’ici à rendre compte de l’ensemble du visible. Dans l’état actuel de la question, c’est l’interprétation de Jerome J. Pollitt (POLLITT, 1997) qui paraît la plus vraisemblable : la frise évoquerait les trois aspects que Périclès met en avant pour définir le mode de vie athénien, dans la célèbre oraison funèbre retranscrite par Thucydide (II, 35-46) : la formation militaire, représentée par les exercices de la cavalerie, très développée par Périclès ; les concours qui stimulent la mentalité agonistique, représentés par les courses d’apobates ; l’activité religieuse, représentée

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par des préparatifs de sacrifice et par la remise du nouveau péplos d’Athèna, le jour de la fête nationale – une démarche esthétique typique du Ve siècle : non pas la reproduction du réel (mimèsis), mais la mise en composition d’éléments du réel pour créer une réalité supérieure, harmonisée.

Les Propylées

18 Les livres de William Bell Dinsmoor et de son fils (DINSMOOR JR., 1980, 2004) ont marqué une étape importante dans la connaissance du site, le premier en fournissant une étude exhaustive des états antérieurs au bâtiment de Mnésiclès ; le second en présentant les observations accumulées sur ce dernier par Dinsmoor Sr. depuis 1908, parmi lesquelles l’observation de raffinements semblables à ceux du Parthénon (convexité des lignes horizontales, inclinaison des verticales, renflement des colonnes doriques) et l’existence d’acrotères au fronton est. Cependant l’étude est restée incomplète sur certains points (HOLTZMANN, 2007), en sorte qu’il faut attendre la nouvelle publication d’ensemble que prépare Tasos Tanoulas, qui a dirigé la restauration des Propylées de 1989 à 2010 (TANOULAS, 1994). L’élément le plus instructif de celle-ci aura été la confection à l’ancienne de deux chapiteaux ioniques du passage central : à partir des soixante-dix-huit fragments conservés des six chapiteaux originaux, il aura fallu vingt- sept mois à deux ouvriers pour tailler ces pièces qui pèsent chacune 2,2 tonnes (TANOULAS, 2006). Une fois le passage central construit en moins de cinq ans, un décret daté de 434-433 liquidera à moindres frais le projet des Propylées : les grandes salles latérales du côté est ne seront pas réalisées, car celle du sud aurait nécessité un arasement du rocher considérable faisant disparaître une grande partie de la terrasse attribuée par la recherche moderne à Artémis Brauronia, vraisemblablement à tort (HOLTZMANN, 2003, p. 151-152).

Le temple d’Athèna Nikè

19 Ce petit temple ionique, construit peu avant 425, a connu, entre 2001 et 2010, son troisième remontage complet. Ce fut l’occasion de revoir à la lumière du jour l’état antérieur découvert par Balanos en 1936, dont Ira Mark a exploité la documentation restée inédite (MARK, 1993). Ce sanctuaire très modeste, construit vers 448-445, n’aura pas duré bien longtemps (GILL, 2001) : il a disparu lors du remodelage complet du flanc ouest de l’Acropole par Mnèsiclès, qui a créé là un paysage architectural sans pareil. Le choix de l’ordre ionique, plus gracile, a été commandé par l’étroitesse du site, quand bien même surélevé et agrandi pour être de plain-pied avec les Propylées. La restauration, dirigée par Dèmosthénès Giraud (GIRAUD, 1994), a rendu à cette chapelle élégante une partie de son fronton est, complétant ainsi sa silhouette. La frise présente la particularité, rare dans l’art grec, de représenter en partie des scènes de bataille historiques : la présence de Perses est assurée sur le côté sud ; les combats des côtés nord et ouest sont plus difficiles à reconnaître. Ces scènes sont particulièrement bien venues pour un édifice consacré à Athèna apportant la Victoire, un culte caractéristique de l’Athènes impérialiste. Peu avant son effondrement final face à Sparte – avant 415 ou vers 406 ? –, ce sanctuaire éminemment politique fit l’objet d’un embellissement spectaculaire, avec un parapet sculpté établi en bordure de la terrasse

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(BROUSKARI, 1999), où le maniérisme attique éclos au Parthénon trouve son expression la plus achevée.

L’Érechtheion

20 Réduit à l’état d’une coquille vide et rendu très fragile par les vicissitudes de son histoire postantique, l’Érechtheion a bénéficié d’un traitement d’urgence : c’est par lui que les restaurations actuelles ont commencé (1979-1987). Un tome d’Anthemion (2012) a résumé dernièrement les diverses interventions ponctuelles réalisées depuis, qui portent surtout sur la protection contre la pollution atmosphérique et la restauration des caissons à décor peint du plafond du baldaquin aux caryatides. La mort prématurée du responsable des travaux, Alexandros Papanikolaos, a retardé la publication, désormais imminente, du volume de synthèse final qui complétera la publication exemplaire de 1927, dirigée par Gorham Phillips Stevens, l’un des meilleurs connaisseurs de l’Acropole. L’aspect général du bâtiment s’en est trouvé amélioré sur trois points : la façade est a retrouvé son intégrité par l’adjonction du moulage de la colonne et de l’entablement de l’angle nord, conservés au British Museum ; l’encadrement de la fenêtre méridionale de la façade ouest a été complété ; le remplacement des caryatides originales par des moulages a permis de se passer des supports intermédiaires en métal qui déparaient le baldaquin sud, dont la fonction est désormais élucidée (SCHOLL, 1995) : loin d’être une tribune, suivant l’appellation moderne traditionnelle, c’est un espace interdit (abaton) où l’on déposait ou jetait des offrandes au héros Kécrops, dont ce baldaquin original signalait la tombe, située en contrebas. Quant aux caryatides, qui tenaient chacune une coupe pour une libation funéraire, elles reprennent une formule architecturale apparue au VIe siècle dans des bâtiments de prestige de tout petit module, où des colonnes seraient trop chétives. À cette élégante excroissance correspond au nord un baldaquin de même plan, mais plus vaste et plus haut, qui s’avère être beaucoup plus que le « porche nord » : l’hèrôon d’Érechthée, l’Érechtheion proprement dit, qui a fini par donner son nom à l’ensemble du bâtiment parce qu’il en est la partie la plus originale, tout comme le Parthénon doit son nom à sa grande salle ouest (HOLTZMANN, 2003, p. 171-174).

21 Le décor sculpté est formé de deux ensembles très différents. Les six caryatides (LAUTER, 1976) exécutées avant 415 puisqu’elles apparaissent dans le descriptif du bâtiment rédigé en 409 avant la reprise des travaux, sont d’un style beaucoup plus retenu que la frise, dont nous connaissons par les fragments de comptabilité conservés le nom de certains exécutants – une différence qui illustre la polarité stylistique qui règne dans l’Athènes postpéricléenne et que représentent en sculpture deux élèves de Phidias, le conservateur Alcamène et le maniériste Agoracritos. Le nombre de fragments de la frise, aisément reconnaissables par leur petite taille et par leur revers aplani, puisqu’il s’agit de statuettes en ronde-bosse fixées par des agrafes au fond en calcaire gris-bleu d’Eleusis, continue à croître (TRIANTI, 2012) sans que l’énigme du sujet représenté s’en trouve résolue : la plupart des personnages sont immobiles ou en mouvement calme, la majorité sont des femmes ; une scène de départ semble probable.

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Bâtiments et monuments ultérieurs

22 Outre les quatre édifices en marbre qui subsistent, des bâtiments de service en matériaux moins nobles ont existé, difficiles à dater, car il n’en reste que les fondations en calcaire. Du côté nord, à trente mètres à l’ouest de l’Érechtheion, c’est d’abord la « maison des Arrhéphores », qui a dû être plus que cela : le siège du personnel religieux. Ses fondations massives, conservées sur presque cinq mètres de hauteur contre la muraille nord, ont été soigneusement remblayées en 2006- 2007 pour les préserver des intempéries (ENGLEZOS, 2007). Un peu plus loin vers l’ouest, le « Bâtiment nord-ouest », recouvert aujourd’hui par une baraque de chantier, reste également mystérieux (TANOULAS, 1992) : serait-ce un corps-de-garde, à proximité de l’entrée du sanctuaire ?

23 En contrebas de la façade ouest du Parthénon, le rocher a été arasé pour créer une grande cour devant une halle adossée à la muraille sud, la Chalcothèque, construite vers 375 (LA FOLETTE, 1986), pour abriter des offrandes. Du côté du Parthénon, les neufs degrés taillés dans le rocher ne sont pas un escalier d’accès à celui-ci, mais un présentoir à offrandes, comme l’indique l’existence de trente-huit cavités, surtout pour stèles. Plutôt que de restituer au-dessus de ces neuf degrés rupestres huit degrés construits de manière à atteindre le niveau du Parthénon (BECKER, 2004), il paraît plus vraisemblable de supposer là l’existence d’un mur de terrasse marquant une césure nette entre les deux zones (HOLTZMANN, 2003, p. 197-198), qu’implique au demeurant l’existence d’une clôture et d’une porte du côté nord de la cour de la Chalcothèque. 24 Devenu presque aussitôt, par la dureté des temps qui ont succédé à son bref apogée, un lieu de mémoire où il était malséant d’ajouter ou de modifier quelque chose, le sanctuaire n’a connu que des aménagements architecturaux minimes et tardifs. Sous Auguste (BURDEN, 2000), l’Érechtheion, dont la partie ouest avait été gravement endommagée par un incendie, est restauré, de même que le socle de l’Athèna Promachos en bronze, tandis qu’en 19 avant J.-C. est construit devant le Parthénon un petit monoptère ionique dédié par la cité à Rome et Auguste (SCHÄFER, 1998), probablement à l’occasion de la troisième visite du Prince à Athènes, après la restitution par les Parthes des enseignes romaines perdues dans le désastre de Carrhes, en 53. C’est alors aussi qu’ont dû être réalisés des moulages des caryatides de l’Érechtheion, dont des copies ornent le forum d’Auguste, à Rome. Enfin, c’est probablement sous Claude qu’est installé devant les Propylées le grand escalier de marbre qui remplace la rampe classique. 25 Ce faciès architectural presque inchangé jusqu’à la fin de l’Antiquité ne doit pas leurrer : entre les monuments classiques, l’espace du sanctuaire était saturé de stèles inscrites de toute espèce (HOLTZMANN, 2003, p. 190-195) et d’offrandes sculptées, parfois pittoresques, comme le Cheval de Troie de Strongylion (D’AGOSTINO, 2007), certaines assez célèbres pour avoir été copiées, comme la Suppliante Barberini, œuvre de Deinoménès d’Argos, dont cinq fragments de l’original sont désormais connus (DESPINIS, 2008). La tête méconnue d’une statue colossale a été attribuée dernièrement à l’Artémis Brauronia de Praxitèle, dont ce serait ainsi le seul fragment d’original conservé (DESPINIS, 1994 ; PASQUIER, 2007b). Cependant, dès la seconde moitié du IVe siècle, la sculpture votive traditionnelle (KEESLING, 2005) est concurrencée par l’essor rapide (KEESLING, 2007) des statues-portraits en bronze dédiées par la cité (KRUMEICH, 2007) ou par d’autres groupes sociaux pour honorer un personnage méritant, au point de dominer le paysage

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statuaire du sanctuaire à la fin de l’époque hellénistique : sur les quelque trois cents statues honorifiques connues depuis le début du IVe siècle, une centaine date du Ier siècle avant J.-C. Cette politisation spectaculaire de l’espace sacré, attestée par les bases inscrites de statues presque toutes disparues, fait aujourd’hui l’objet d’une recherche intensive (KRUMEICH, WITSCHEL, 2010). Pour l’époque impériale, la situation est différente : bon nombre de portraits en marbre ont survécu, la plupart mutilés (DONTAS, 2004). 26 De ce grouillement de statues, certaines assez éphémères, émergent quelques monuments plus ambitieux en rapport avec la dynastie attalide de Pergame, grande bienfaitrice d’Athènes au IIe siècle : si deux statues colossales, réattribuées à Marc Antoine, ont disparu sans laisser de traces (DI CESARE, 2010), on a pu restituer avec certitude un pilier votif semblable à celui dressé devant les Propylées sur la terrasse inférieure nord, qui sera réattribué à Agrippa (QUEYREL, 2003) : portant comme ce dernier un quadrige en bronze, il était situé à l’angle nord-est du Parthénon (KORRÈS, 2000) et sera réattribué, lui, à un empereur julio-claudien. Aussi bien les Attalides ont- ils été les seuls monarques hellénistiques autorisés à dresser dans le sanctuaire une offrande de prestige, appelée par les modernes « la petite offrande attalide » ou plus familièrement « les petits Galates », pour la distinguer de l’offrande dressée sur l’Acropole de Pergame. Cette offrande spectaculaire a fait dernièrement l’objet d’une publication nouvelle, à la lumière d’éléments de sa base identifiés par Manolis Korrès (STEWART, 2004) : d’après les mortaises creusées dans leur face supérieure pour les fixer, les nombreuses figures en bronze de cet ensemble formé de quatre groupes de combattants mesuraient environ les deux tiers de la taille naturelle.

Institutions financières et agonistiques

27 Deux institutions importantes liées à l’Acropole ont bénéficié depuis une génération de l’intérêt général pour la gestion des sanctuaires d’une part, pour l’activité agonistique d’autre part.

28 La gestion du sanctuaire est bien connue à partir de la remise en ordre financière dont témoigne le premier décret de Callias, en 434 (MARGINESU, 2010). Les biens mobiliers de la déesse – parure de la statue de culte, mobilier cultuel et offrandes diverses – sont administrés par une commission annuelle de dix membres qui produit chaque année, à sa sortie de charge, un inventaire gravé sur une stèle de marbre de tous ces objets précieux, la plupart en or, argent et ivoire, conservés dans divers locaux à l’accès contrôlé (presque six cents dans le Parthénon). Ce système ayant été pratiqué jusqu’à la fin du IVe siècle, ce sont environ cent trente très grandes stèles, dont on a retrouvé de très nombreux fragments (HARRIS, 1995), qui étaient exposées dans un endroit inconnu du sanctuaire. 29 Les Panathénées, fête nationale des Athéniens, étaient elles aussi gérées par des commissions de dix membres : hiéropes pour les Petites Panathénées annuelles ; athlothètes pour les Grandes Panathénées, qui donnaient lieu, tous les quatre ans, à des concours très développés de type olympique, institués en 566, ouverts aussi aux Grecs non-Athéniens. Tous les aspects de cette fête complexe, qui culminait avec la procession aboutissant sur l’Acropole à la remise à la déesse de son nouveau péplos et à un sacrifice d’une centaine de vaches, ont été étudiés durant les dernières décennies

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(Goddess…, 1992 ; NEILS, 1996). Un rassemblement de tous les testimonia littéraires et épigraphiques a permis de retracer l’histoire millénaire de l’institution, qui survécut encore quelque temps à l’interdiction des cultes païens, en 392 après J.-C. (SHEAR, 2001). Il est désormais établi (MANSFIELD, 1994) qu’il faut distinguer entre le péplos annuel tissé par les Ergastines, qui était porté par la statuette de culte d’Athèna Polias, et le péplos quadriennal, une grande tapisserie historiée tissée par des spécialistes, qui servait de voile au bateau traîné durant la première partie de la procession. Il est admis aussi que l’hécatombe, sacrifice de cent victimes, était un idéal que la commission d’organisation n’atteignait que rarement, soit par manque de crédits, soit faute de bétail (ROSIVACH, 1991). L’articulation générale des concours panathénaïques (PALAGIA, CHOREMI-SPETSIERI, 2007) et, plus particulièrement, leur programme musical original (KOTSIDU, 1991) sont bien connus. Quant aux amphores panathénaïques, les vases contenant l’huile offerte en prix aux vainqueurs des concours athlétiques et musicaux, leur forme et leur décor ont peu évolué entre 566 et le début du Ier siècle avant J.-C. Sur les quelque cent trente- huit mille vases produits durant cette période, environ quatre cents ont été retrouvés (BENTZ, 1998).

L’Acropole médiévale et moderne

30 L’Acropole postantique se trouve dans la même situation documentaire que l’Acropole archaïque : ses vestiges sont minimes, les témoignages rares et peu précis. C’est que pendant tout le XIXe siècle, on s’est efforcé d’en faire disparaître les traces, au profit de l’état classique : Heinrich Schliemann, en 1875, finança la démolition de son élément le plus spectaculaire, la haute tour médiévale faite de blocs antiques remployés. Quelques études récentes ont cependant retracé les étapes de cette longue histoire (HOLTZMANN, 2003, p. 241-273). La période byzantine (VIIe-XIIe siècle) est connue surtout grâce au Parthénon, transformé en église de la Vierge (KARDELLIS, 2009) au prix d’une inversion qui a mutilé la façade est (POLLINI, 2007), tandis que la période franque (XIIIe-XVe siècle) l’est grâce aux Propylées, transformés en château-fort des ducs d’Athènes (TANOULAS, 1997).

31 Avec la domination turque (1456-1833) commence le temps des voyageurs occidentaux, très peu nombreux et mal renseignés jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Le séjour à Athènes que fait en 1674 le marquis de Nointel, ambassadeur de Louis XIV auprès de la Sublime Porte, reste une étape importante dans la reconnaissance de l’Acropole, devenue une citadelle interdite aux étrangers. Les dessins du décor sculpté du Parthénon que réalise avec une longue-vue l’un des deux peintres qui accompagnent l’ambassadeur constituent l’unique témoignage précis antérieur à la catastrophe de 1687 ; c’est donc sur eux que reposent toutes les attributions de fragments errants de ce décor, notamment la reconstitution des métopes centrales du côté sud. Ces dessins, conservés à la Bibliothèque nationale de France (BNF), continuent à être désignés sous le nom de « dessins de Carrey », bien que l’historien Albert Vandal ait prouvé dès 1900, dans sa biographie du marquis de Nointel, qu’ils ne pouvaient être l’œuvre de ce peintre originaire de Troyes et que Charles Picard, dans tous ses écrits sur le Parthénon, l’ait appelé plus justement l’Anonyme de Nointel. Or cet anonymat vient d’être levé avec certitude (DE RYCKE, 2007) : ces dessins ont été réalisés par Arnould de Vuez, jeune

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peintre originaire de Saint-Omer qui a fait ensuite carrière à Lille, ce qui explique les quelques annotations en flamand qui figurent sur ses dessins. 32 Treize ans plus tard, le 26 septembre 1687, l’artillerie de Morosini (SACCONI, 1991), dirigée par des officiers français et allemands, faisait du Parthénon une ruine béante exposée à toutes les déprédations (Explosion, 1990), qui culmineront avec l’entreprise de lord Elgin, ambassadeur d’Angleterre et membre de la Société des Dilettanti. Les travaux entrepris par Alessia Zambon sur le fonds Fauvel de la BNF, très peu exploité jusqu’ici, éclaireront le rôle exact de cet agent artistique du comte de Choiseul-Gouffier, ambassadeur de France établi depuis 1786 à Athènes, qui allait devenir le meilleur connaisseur des antiquités d’Athènes et le principal adversaire de l’équipe patronnée par lord Elgin. 33 La question épineuse du retour éventuel à Athènes des « marbres Elgin » du Parthénon, relancée avec éclat en 1982 par Mélina Mercouri, alors ministre de la Culture de Grèce, a provoqué nombre de publications, les unes documentaires et historiques, les autres plus engagées, voire polémiques. Par-delà l’ouvrage qui donne l’information de base (CLAIR, 1998), des sources documentaires inédites ou tombées dans l’oubli ont été étudiées, comme les dossiers de dessins et de correspondance de lord Elgin conservés au British Museum (GALLO, 2009) ; les papiers de Lusieri, agent d’Elgin à Athènes jusqu’en 1821, conservés à Broomhall, le château d’Elgin en Écosse (WILLIAMS, 2002) ; les relevés faits pour Elgin par l’architecte sicilien Sebastiano Ittar (BUSCEMI, 2008). La controverse elle-même reste vive (KING, 2006 ; HITCHENS, 2008) même après l’inauguration du nouveau musée de l’Acropole, qui ôte un argument pratique important aux tenants de leur non-restitution : il y a désormais à Athènes un musée destiné à accueillir dignement cet ensemble. Un petit fragment de la frise des Panathénées a d’ailleurs été rendu par l’université de Heidelberg en 2006 (Nostoi), un autre par le Vatican.

Le nouveau musée et la fin des restaurations

34 Après une très difficile et longue gestation marquée par quatre concours d’architecture et une construction retardée par des batailles juridiques d’arrière-garde, le nouveau musée de l’Acropole, situé au bas de son versant sud, a ouvert ses portes en juin 2009. Une politique généreuse d’horaires et de prix a contribué à en faire un succès populaire : il a accueilli 1,3 million de visiteurs en 2010, bien plus que l’Acropole elle- même. À ce bâtiment original conçu par Bernard Tschumi (TSCHUMI, 2009), qui a poussé à l’extrême la volonté de faire bénéficier toutes les œuvres de la lumière naturelle, les critiques, surtout locales, n’ont pas manqué : inadéquation du site, du bâtiment, de la présentation… Il n’en reste pas moins qu’avec ses quatorze mille mètres carrés d’exposition, soit dix fois plus que l’ancien musée blotti dans l’angle sud-est du site, ce bâtiment d’une monumentalité très retenue a permis de recomposer des ensembles jusqu’ici disjoints, de déployer la sculpture votive archaïque dans l’espace au lieu de la plaquer contre des murs, de faire revenir du Musée national des documents essentiels – inscriptions, vases et petits bronzes – qui donnent une idée plus juste de ce qu’était le sanctuaire antique (HOLTZMANN, 2010 ; CASKEY, 2011).

35 Dans le bilan très succinct des travaux de restauration entrepris depuis trente ans sur l’Acropole, Maria Ioannidou (Ioannidou, 2005), leur directrice jusqu’en 2011, a fourni un

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tableau très complet du calendrier des interventions déjà planifiées par des études préliminaires : il s’étend jusqu’à l’année 2020, à moins que la dureté des temps ne provoque un ralentissement, leur financement n’étant assuré que jusqu’en 2013, en grande partie par des fonds de l’Union européenne. 36 Les trois interventions qui ont dominé la décennie 2000-2010 (Ioannidou, 2010) – sur la colonnade nord du Parthénon, le passage central des Propylées et le temple d’Athèna Nikè – étant terminées, les seuls travaux d’envergure concernent désormais le Parthénon, où la restauration du côté ouest a nécessité l’implantation d’un socle en béton pour la grue mobile établie précédemment du côté nord. Alors que le dépôt de toutes les métopes ouest était initialement prévu, comme du côté est, ce qui aurait entraîné le démontage de tout le fronton, jamais touché jusqu’ici, il a été décidé de s’en tenir aux angles, de manière à pouvoir déposer aussi les deux premières métopes des côtés nord et sud, qui, n’ayant pas été martelées par les Chrétiens, méritent particulièrement d’être mises à l’abri. De ce côté, la tâche la plus délicate sera de remplacer le linteau en béton de la porte ouest par un linteau en marbre, dont les blocs étaient les plus massifs du Parthénon. Après quoi, il restera à compléter dans la mesure du possible la colonnade sud et les murs nord et sud, ce qui mènera probablement au- delà de 2020. 37 Ces travaux amélioreront certainement la résistance du bâtiment et son aspect, mais apporteront peu de connaissances nouvelles. Il n’en va pas de même de l’étude en cours des sept cent quarante mètres de murailles extérieures tardives (Manidaki, 2006), où les remplois antiques sont nombreux. Certains, particulièrement flagrants, ont déjà été identifiés, mais il en reste certainement beaucoup à découvrir. Après l’inventaire, maintenant achevé, des blocs errants, c’est le dernier gisement d’informations sur l’Acropole antique qui reste à exploiter. 38 Tous ces travaux, menés avec les techniques les plus avancées et la déontologie la plus stricte, contribuent à maintenir l’Acropole dans l’actualité et à soutenir les études qui la concernent, au moment même où la place de l’Antiquité classique dans la civilisation européenne s’amenuise inexorablement. Sans doute ne s’est-on jamais autant ni si bien occupé de l’Acropole, mais nous exalte-t-elle encore, comme elle le faisait jadis, quand on l’aimait – parce qu’on la connaissait moins ? Il faut en prendre son parti, à chaque époque son Acropole : d’abord esthétique, puis politique, et maintenant technique…

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RÉSUMÉS

L’Acropole d’Athènes est depuis bientôt quarante ans engagée dans un processus de restauration systématique qui a insufflé aux études la concernant une dynamique nouvelle. Des problèmes s’en trouvent renouvelés, des idées reçues contestées : pour l’époque archaïque, la question de l’ « architecture H » (un ou deux temples d’Athèna ?) est relancée, le terminus ante quem (480 avant J.-C.) fourni par le « Perserschutt » remis en cause ; pour l’époque classique, la fonction du Parthénon et le sujet de la « frise des Panathénées » font à nouveau problème, tandis que la fonction des deux baldaquins de l’Érechtheion est, elle, élucidée. La topographie (remodelage périphérique du plateau par Cimon ; aménagement de la terrasse de la Chalcothèque) et les institutions (commissions de gestion des biens de la déesse et d’organisation des concours lors des Grandes Panathénées) sont plus précisément étudiées ; l’importance de la statuaire honorifique à partir du IVesiècle commence à apparaître. L’histoire ultérieure du site, notamment aux époques médiévale (château-fort des Propylées) et turque (le désastre de 1687 et ses conséquences), est mieux connue, la question des « marbres Elgin » du British Museum posée en termes nouveaux par l’inauguration d’un nouveau musée de très grande envergure.

For nearly forty years now, the Acropolis of Athens has been undergoing a systematic project of conservation that has breathed new life into studies on the subject. Some issues have been revitalized, other settled ideas called into question: for the Archaic period, the question of “H architecture” (one or two temples of Athena?) has been revived, and the terminus ante quem provided by the “Perserschutt” (480 BCE) has been challenged; for the Classical period, the function of the Parthenon and the subject of the Parthenon Frieze are once again subject to debate, while the function of the two porches at the Erechteion has been elucidated. The topography (remodeling of the edge of the plateau by Cimon; construction of the platform for the Chalkotheke) and the institutions (commissions for managing the goods attributed to the goddess and for organizing events during the Great Panathenaic Games) have been studied more precisely; the importance of honorific statues beginning in the fourth century BCE is beginning to come to the fore. The later history of the site, especially during the medieval (the fortress built on the Propylaea) and Turkish periods (the disaster of 1687 and its consequences), is now better known, and the question of the “Elgin marbles” in the British Museum is being posed in new terms since the inauguration of a new museum of great breadth.

Desde hace casi cuarenta años, la Acrópolis de Atenas está metida en un proceso de restauración sistemática que influye en los estudios emprendidos sobre ella hasta infundirles una dinámica nueva. Se replantean algunos problemas, se refutan ciertas ideas asentadas : de la época arcaica, se vuelve a plantear el asunto de la “arquitectura H” (¿uno o dos templos en Atenas ?), se cuestiona el terminus ante quem (480 antes de Cristo) proporcionado por el “Perserschutt” ; de la época clásica, surgen nuevas preguntas sobre la función del Partenón y el tema del “friso de las Panateneas”, mientras que la función de los dos pórticos del Erecteión ya ha quedado elucidada. Se están estudiando más precisamente la topografía (remodelación periférica de la meseta por Cimón ; acondicionamiento de la terraza de la Chalkoteka) y las instituciones (comisiones de gestión de los bienes de la diosa y de organización de los concursos en ocasión de las Grandes Panateneas) ; empieza a emerger la importancia de la estatuaria honorífica a partir del s. IV. Se conoce mejor la historia posterior del lugar, sobre todo en la época medieval (fortaleza de los

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Propileos) y turca (desastre de 1687 y sus consecuencias) y se aborda en renovados términos la cuestión de los « mármoles de Elgin » del British Museum a través de la inauguración de un nuevo museo de gran magnitud.

Die Akropolis von Athen befindet sich seit fast vierzig Jahren in einem Prozess systematischer Restaurierung, der ihrer wissenschaftlichen Erforschung eine neue Dynamik verliehen hat. Die Fragestellungen haben sich erneuert, bisher anerkannte Ideen wurden neu hinterfragt. Für die archaische Epoche steht die Frage der H-Architektur (ein oder zwei Athena-Tempel?) neu zur Debatte; der terminus ante quem (480 v. Chr.) durch den „Perserschutt“ wird angezweifelt. Für die klassische Epoche stellen die Funktion des Parthenons und das Thema des Fries‘ der Panathenäen neue Probleme dar, während die Funktion der zwei Baldachine des Erechtheions aufgeklärt wurde. Genauere Studien wurden der Topographie (die periphere Umgestaltung des Plateaus durch Cimon; die Terrassenanlage der Chalkothek) und den Institutionen (die Verwaltungskommissionen für den Besitz der Göttin und die Organisation der panathenäischen Wettkämpfe) gewidmet; die Bedeutung der Kultstatuen ab dem 4. Jahrhundert beginnt ebenfalls, besser erforscht zu sein. Die nachfolgende Geschichte des Ortes, insbesondere während des Mittelalters (die Festungsanlage der Propyläen) und der türkischen Herrschaft (das Desaster von 1687 und seine Konsequenzen), ist besser bekannt, während die Rolle der Elgin Marbles des British Museum durch die Einweihung eines neuen, umfassenden Museums eine Neubewertung erfährt.

L’Acropoli di Atene è da ormai quasi quarant’anni oggetto di un restauro sistematico che ha iniettato nuova linfa negli studi. Dei problemi vengono così rinnovati, dei preconcetti ridiscussi : per l’epoca arcaica, la questione della “H-Architektur” (uno o due templi di Atena ?) è riproposta, il terminus ante quem (480 a.C.) fornito dalla colmata persiana rimesso in discussione ; per l’epoca classica, la funzione del Partenone e l’argomento del “fregio delle Panatenee” pongono nuovamente problema, mentre il ruolo della loggia e del portico dell’Eretteo è adesso chiarito. La topografia (rimodellamento periferico dell’altopiano ad opera di Cimone ; sistemazione della terrazza della Calcoteca) e le istituzioni (commissioni di gestione dei beni della dea e di organizzazione dei concorsi durante le Grandi Panatenee) sono studiate più in dettaglio ; l’importanza della statuaria onoraria a partire dal IV secolo comincia a delinearsi. La storia successiva del sito, in particolare per le epoche medievale (castello fortificato dei Propilei) e turca (il disastro del 1687 e le sue conseguenze), è adesso meglio conosciuta, mentre la questione dei “marmi Elgin” del British Museum è posta in termini nuovi in seguito all’inaugurazione di un museo di grandissima levatura.

INDEX

Index géographique : Grèce, Athènes Mots-clés : architecture, sculpture, offrande, sanctuaire, Athèna Keywords : architecture, Athena, offering, sanctuary, sculpture

AUTEUR

BERNARD HOLTZMANN

Ancien élève de l’École normale supérieure (Ulm) et ancien membre de l’École française d’Athènes, professeur émérite d’archéologie grecque, Bernard Holtzmann a participé aux fouilles de Thasos, dont il étudie la sculpture. Il est aussi l’auteur d’un ouvrage de synthèse et de plusieurs articles concernant l’Acropole d’Athènes.

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Antiquité

Actualité

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L’art des peintures murales du Bronze récent : de l’Égée à la Méditerranée orientale Wall painting in the Late Bronze Age: from the Aegean Sea to the eastern Mediterranean

Christos Boulotis Traduction : Florence Lozet

RÉFÉRENCE

Manfred Bietak, Nanno Marinatos, Clairy Palyvou, Taureador Scenes in Tell el-Dab’a (Avaris) and Knossos, Vienne, Verlag der Osterreichischë Akademie der Wissenschaften, 2007. 176 p., 138 fig., 17 pl. en n. et b. et en coul. ISBN: 9-783-70013-780-1; 75,80 €. Barbara Niemeier, Wolf-Dietrich Niemeier, « Aegean Frescoes in Syria-Palestine: Alalakh and Tel Kabri », dans Susan Sherratt éd., Wall Paintings of Thera: Proceedings of the First International Symposium, Petros M. Nomikos Conference Centre, Thera, Hellas, 30 August-4 September 1997, Athènes, Petros M. Nomikos, The Thera Foundation, 2000, II, p. 763-802. 1013 p. ISBN: 9-780-96086-580-2; 100 €. Constance von Rüden, Die Wandmalereien aus Tall Mišrife/Qaţna im Kontext überregionaler Kommunikation, (Qaţna Studien, 2), Wiesbaden, Harrassowitz, 2011. 278 p., 59 fig., 70 pl. en n. et b. et en coul. ISBN : 9-783-44706-444-6 ; 88 €.

1 L’art des peintures murales, par définition subordonné à l’art architectural auquel il s’articule de façon étroite, appartient sans conteste à la catégorie des arts de prestige, dont le rôle va au-delà de la simple fonction décorative. Ainsi, dans la région méditerranéenne, il caractérise en premier lieu, pour le deuxième millénaire, les centres palatiaux égéens (minoens, mycéniens) et, d’une manière générale, les localités régionales occupées par les élites. L’exemple le plus typique en est le site portuaire d’Akrotiri à Santorin ; ces dernières années la richesse de sa fresque a élargi de façon

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spectaculaire nos connaissances sur la production picturale en mer Égée. D’autre part, cet art caractérise les civilisations palatiales du Proche-Orient et de l’Égypte, mais à des degrés inégaux. Il est vrai qu’on pourrait considérer cette pratique picturale comme allant parfaitement de soi dans des sociétés qui l’ont utilisée en tant que support et porte-parole de l’idéologie dominante. Des fouilles récentes cependant, dans divers sites palatiaux du littoral du nord-ouest de la Syrie au delta du Nil, ont mis au jour, des fresques figuratives considérées comme « étrangères » au contexte culturel local, tout en révélant des traits égéens ou « égéisants » dans l’iconographie, le style ou encore la technique al fresco parfois associée à la technique al secco. Il s’agit de l’abondant matériau découvert dans les deux palais (F et G) de Tell el-Dab’a/Avaris, dans la partie orientale du delta du Nil, qui remonterait, à en croire la proposition la plus récente de Manfred Bietak, responsable des fouilles, aux premières années de la XVIIIe dynastie1 ; du plancher peint et de quelques fragments de fresques du palais cananéen de Tel Kabri (aujourd’hui en Israël), datant de 1700-1600 avant J.-C. ; et enfin des fragments de compositions murales du palais de Qaţna, dans le nord-ouest de la Syrie, datées du milieu du XIVe siècle avant J.-C. Il conviendra cependant de prendre encore en compte au nombre du matériau pictural de ces sites les peintures murales du XVIIe ou du XVIe siècle avant J.-C. de Tell Atchana/Alalakh, elles aussi au nord-ouest de la Syrie (la Turquie actuelle) – lesquelles étaient connues depuis plus longtemps.

2 Ces découvertes totalement inattendues sont venues raviver le vieux débat sur le type, l’intensité et la fréquence des contacts entre la mer Égée et la Méditerranée orientale, d’autant plus que la diffusion de l’art des peintures murales, art fixe par excellence, laisse supposer, dans une première approche interprétative, le déplacement des peintres eux-mêmes. 3 Parcourant d’est en ouest la scène historique de ces deux mondes, on remarque en premier lieu à partir des données archéologiques et, de manière connexe, sur la base de sources orientales écrites, de multiples contacts que les peintres ont entretenus, variables selon les périodes et les régions. En témoignent les influences culturelles fertiles de toutes sortes venues le plus souvent de l’Orient vers la mer Égée, s’accordant avec l’ordre consacré selon lequel Ex Oriente Lux (« la lumière vient de l’Est »). Dans ce cadre on observe une mobilité intense et continue à des échelles géographiques plus ou moins grandes, en particulier au cours du Bronze récent (à partir du XVIIe-XVIe siècle avant J.-C.). Le mouvement constant des commerçants et des artisans, l’échange des matières premières, des produits et des objets précieux, ainsi que des missions diplomatiques organisées entre palais donnèrent lieu à une diffusion progressive non seulement des connaissances technologiques, mais aussi des idées et des croyances (religieuses, etc.), de l’iconographie et des symboles. Le chercheur d’aujourd’hui a donc le sentiment de voir se créer sous ses yeux une sorte d’« esprit international » cohérent entre les différentes cultures ; ainsi, en dépit de l’identité propre à chacun, se trouvait partagé, tout au moins parmi les élites, un socle culturel commun, une sorte de koinè culturelle. Cela s’applique en premier lieu, pour des raisons géographiques évidentes, au monde de la Méditerranée orientale – au point que le terme de « koinè méditerranéenne orientale » s’est historiquement et solidement établi. Cependant, tout indique que les cultures palatiales égéennes de la Crète minoenne et de la Grèce mycénienne ont constitué à plusieurs égards le versant occidental – européen, dirons- nous – de cette koinè. C’est dans cette optique que William Stevenson Smith, entre autres, a examiné les convergences iconographiques dans l’art des deux mondes dans

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son ouvrage de 1965 Interconnections in the Ancient Near East2, dans lequel il s’est attaché plus particulièrement à la décoration murale des centres palatiaux. 4 En effet, au sein de l’éventail géographique et culturel complexe que forme l’Orient avec la mer Égée, l’art des peintures murales est l’un des cas les plus troublants, les plus énigmatiques et les plus controversés pour ce qui est de l’identité, de la provenance, du genre et des modalités selon lesquelles se sont exercées toutes sortes d’influences ; de même pour les scénarios historiques que recèle chacune d’elles. 5 Récemment, deux monographies exemplaires sont venues s’inscrire dans cette orientation : la première, rédigée par Manfred Bietak, Nanno Marinatos et Clairy Palyvou, est consacrée aux fresques représentant des jeux de taureaux de Tell el-Tab’a, tandis que l’autre, écrite par Constance von Rüden, porte sur les fresques de Qaţna. Nous prendrons également en compte le travail effectué sur le matériau pictural de Tel Kabri et d’Alalakh, auquel Barbara et Wolf-Dietrich Niemeier ont dédié il y a plusieurs années, entre autres travaux, un article de synthèse d’une portée primordiale.

Les peintures murales égéennes et « égéisantes » de l’Égypte et du Proche-Orient

6 La question des relations picturales entre l’Orient et le monde égéen ne date pas des découvertes de Tell el-Dab’a/Avaris, de Tel Kabri et de Qaţna. Charles Leonard Woolley en s’appuyant sur le style et la technique al fresco des peintures murales découvertes en 1939 au niveau VII du palais de Yarim-Lim à Alalakh, avait déjà souligné des similitudes avec les fresques minoennes du palais de Cnossos, connues dès l’aube du XXe siècle. Persuadé de leur antériorité sur les fresques crétoises, il postulait en outre que la Crète minoenne devait ses meilleurs exemplaires de fresques à l’Orient, d’où seraient venus des artistes expérimentés, invités à faire le voyage par mer pour décorer les palais des rois minoens3. Ce point de vue garde à ce jour ses partisans, alors que la majorité des chercheurs soutiennent la thèse d’un trajet d’influences picturales exactement opposé, précisément de la Crète vers l’Orient, postulat que les découvertes de ces dernières années, mentionnées ci-dessus, sont venues renforcer.

7 Le plancher peint et les quelques fragments de peintures murales découverts dans le palais cananéen de Tel Kabri entre 1987 et 1991 ont été examinés, consignés et interprétés par les Niemeier comme des œuvres attestant clairement l’activité sur place des peintres égéens errants, dont l’identité et le style seraient reconnaissables à l’iconographie spécifique associée à la technique al fresco. Mais plus que dans le plancher peint articulé en sortes de dalles de marbre veinées et décorées de motifs floraux (NIEMEIER, NIEMEIER, 2000, fig. 2-8), le trait égéen caractéristique de ces peintures murales est particulièrement manifeste dans les quelques fragments d’une frise miniature qui, selon la restauration proposée (NIEMEIER, NIEMEIER, 2000, fig. 9-13), présente des similitudes frappantes avec la célèbre frise miniature de la maison dite « de l’Ouest » à Akrotiri (Santorin). Celle-ci a pour thème le récit détaillé d’un voyage maritime dans différentes villes côtières4. On en a notamment conclu que les peintres à l’origine de cette frise du palais de Tel Kabri venaient des îles des Cyclades, voire du site d’Akrotiri lui-même. En particulier, la présence parmi les fragments d’une hirondelle en miniature (NIEMEIER, NIEMEIER, 2000, fig. 12) renforce cette hypothèse, d’autant plus que les hirondelles constituent par excellence le thème conventionnel et familier de la

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tradition picturale d’Akrotiri, à la fois dans la céramique et dans les peintures murales, tout en étant, extrêmement rares ailleurs dans l’art égéen et totalement étrangères à l’art oriental. Poursuivant cette ligne interprétative, le couple Niemeier a soumis à un réexamen le vieux matériau pictural d’Alalakh provenant des fouilles de Woolley, que l’on peut consulter aujourd’hui à l’Ashmolean Museum d’Oxford, pour en conclure que, sur le plan pictural aussi bien technique, celui-ci trahit fortement une origine minoenne. De plus, en proposant que la représentation d’un griffon ailé ainsi que d’une tête de taureau de face surmontée d’une hache à double tranchant entre les cornes soit bien fidèle aux modèles égéens, les Niemeier en ont rendu le caractère crétois encore plus manifeste (NIEMEIER, NIEMEIER, 2000, fig. 14-15, 17-22). L’étude de la chronologie leur a permis de confirmer la thèse selon laquelle les peintures murales d’Alalakh ne sont pas antérieures aux crétoises, mais qu’elles renvoient peu ou prou au même horizon temporel que les premiers spécimens de fresques à Cnossos. 8 La question du mouvement des peintres égéens vers l’Orient a pris un tournant radical avec la découverte, à partir de 1992, d’un très riche matériau pictural dans la forteresse palatiale égyptienne de Tell el-Dab’a. Manfred Bietak et ses collaborateurs y ont constaté une relation directe avec les ateliers de peinture du palais de Cnossos. La majorité des fragments de peintures murales ont été retrouvés dans des dépôts secondaires, à l’avant de la rampe qui mène au palais F, puis sur la plate-forme en face du palais G. Dans leur monographie récente, Bietak, Marinatos et Palyvou ont choisi de publier ceux d’entre eux qui appartiennent à une plus large composition miniature représentant des jeux de taureaux (palais F) : ils forment une entité thématique cohérente, aisément reconnaissable malgré son degré élevé de fragmentation (BIETAK, MARINATOS, PALYVOU, 2007, fig. 59A-60) et prête à des comparaisons directes avec des peintures similaires de Cnossos. Les examens iconographiques, stylistiques et sémantiques approfondis du thème des jeux de taureaux en Égypte et en mer Égée, tendent principalement à démontrer que des peintres de la cour de Cnossos, envoyés en mission, se trouvaient au palais de Tell el-Dab’a. Notons qu’on a retrouvé, outre l’application de la technique al fresco, des fragments de peintures murales en relief caractéristiques de la technique employée à Cnossos. La composition même des scènes de jeux de taureaux, auxquelles sont associés des motifs picturaux tels que palmiers et demi-rosettes opposées, a été interprétée par Bietak et Marinatos comme l’expression d’une idéologie royale. Marinatos a en particulier soutenu que dans le cadre général de la koinè culturelle de la Méditerranée orientale, cette composition illustre des croyances sur le lien symbolique de l’institution royale à une divinité féminine solaire, dont elle recherche le reflet iconographique également dans l’art minoen (c’est une thèse qu’elle a continué à développer dans son récent ouvrage5). Convaincus du caractère cnossien de la fresque de Tell el-Dab’a dans laquelle on reconnaît différentes mains de peintres, Bietak et ses collaborateurs sont même allés jusqu’à prétendre que la décoration de la salle du trône du palais F serait presque identique à celle de la salle du trône de Cnossos, avec des griffons en disposition héraldique (BIETAK, MARINATOS, PALYVOU, 2007, fig. 36). Mais cette interprétation reste sujette à caution car on ne sait pas quelle motivation a conduit les peintres cnossiens jusqu’au palais de Tell el-Dab’a. L’isolationnisme traditionnel de l’Égypte et son iconographie strictement figée loin des pénétrations étrangères ont conduit Bietak à rechercher un « scénario » historique, au sens propre du mot, que nous verrons plus tard. Le catalogue raisonné de la totalité des fragments sous la direction de Bietak et Marinatos, leur numérisation, les propositions de reconstitutions des diverses scènes selon l’efficace méthode de l’architecte Palyvou,

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ainsi que leur analyse technologique par Ann Brysbaert, contribuent à constituer une monographie en tout point exemplaire pour étudier non seulement le matériau de Tell el-Dab’a, mais aussi l’art des peintures murales de cette période en général. 9 Avec les quelques fragments découverts en 2000 dans les ruines du palais de Qaţna, qui dateraient du milieu du XIVe siècle avant J.-C, les éléments égéens font une ultime apparition attestée dans l’art des peintures murales orientales. Révélant, à n’en pas douter, un esprit syro-égéen mixte, comme l’a soutenu de façon très convaincante Rüden dans sa monographie, il apparaît en l’occurrence impossible d’accepter la participation des peintres égéens dans la décoration du palais. En effet, dans les compositions miniatures qui décoraient l’espace N, s’il apparaît bien des motifs égéens caractéristiques tels que le dauphin (RÜDEN, 2011, pl. 14, 63), le fond corallien pour le rendu d’un paysage aquatique (pl. 12-13, 63), la bande aux feuilles (pl. 6, 26a) ou encore la double spirale en opposition (pl. 1-2, 27), ceux-ci sont combinés avec des éléments iconographiques étrangers à l’art égéen tels que la tortue ou les palmiers dattiers sur le feuillage desquels les fruits sont clairement représentés (pl. 12a, 30b). Le dauphin lui- même a été rendu avec une couleur brune, ce qui le distingue de ses semblables égéens. Toutefois, la différence principale par rapport à la peinture égéenne réside dans les principes de composition tout à fait atypiques qui reflètent à l’évidence des choix locaux (RÜDEN, 2011, pl. 54).

10 Ce que l’on constate dans l’iconographie mixte vaut également, toutes proportions gardées, pour la mise en œuvre de la technique al fresco. Cette dernière, ainsi que le commente abondement Rüden, présente à la fois des convergences et des divergences par rapport aux pratiques égéennes. C’est également ce que constate Brysbaert lorsqu’elle analyse les fragments des peintures murales de Qaţna, ayant aussi examiné celles de Tell el-Dab’a. Elle en conclut que d’un point de vue technique, le matériau de la peinture murale de Qaţna trahit une importante influence égéenne et que s’y trouve imprimé le génie de la « koinè de la Méditerranée orientale »6. Le catalogue raisonné de tous ces fragments, leur numérisation et la présentation systématique par Tika Weisser du processus de conservation et de préparation à l’exposition rendent cette monographie comparable en de nombreux points à celle de Tell el-Dab’a. Elle constitue à coup sûr un précieux instrument pour ce qui concerne plus particulièrement les relations picturales entre l’Égée et la Syrie, la portée et les moyens probables de la pénétration de l’iconographie égéenne au Proche-Orient, et la présence crétoise dans les archives palatiales de la région.

Mobilité picturale et recherche de scénario historique

11 Derrière les peintures murales « égéennes » ou « égéisantes » du Proche-Orient et de l’Égypte se cache sans doute une réalité historique, mais nous ne sommes témoins que de ses reflets au niveau artistique. Quelle est pourtant cette réalité et comment peut- on, munis des données actuelles, s’en approcher ? La question se pose encore de savoir si le scénario historique est unique pour tous les cas ou s’il en existe plusieurs, d’autant plus que les peintures murales en question se trouvent en quantités inégales selon les localités, qu’elles n’ont pas toutes le même degré de relation avec l’Égée et que leur réalisation s’étale sur une période de plus de trois siècles. Jusqu’à présent, les chercheurs se sont divisés en deux groupes distincts. D’un côté, ceux que nous appellerons les « égéocentristes » qui reconnaissent dans ces peintures murales

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orientales non seulement des influences égéennes, mais aussi un rôle joué par les peintres égéens au niveau local. On compte parmi eux Bietak et ses collaborateurs pour les peintures murales de Tell el-Dab’a, et les Niemeier pour celles de Tel Kabri et d’Alalakh également. De l’autre, il y a ceux qui considèrent qu’on a exagéré les analogies iconographiques, stylistiques et techniques, et qui cherchent à identifier les supports probables par lesquels l’iconographie égéenne fut transmise en Orient : les objets transportables comme la céramique et, surtout, les représentations imagées des tissus ; ces derniers, piliers de l’économie égéenne avec l’huile, ont été en effet des produits de commerce recherchés. L’approche interprétative de Rüden se situe dans une position intermédiaire. En effet, si elle admet que des peintres égéens ont été actifs en Méditerranée orientale, s’agissant des peintures murales de Qaţna en particulier, elle estime en revanche qu’elles ont dû être exécutées avant celles produites au XIVe siècle avant J.-C., car elles présentent des traits propres à l’esprit syro-égéen. Elle laisse toutefois ouverte la possibilité d’une transmission des motifs égéens dans l’art des peintures murales syrien par le biais des objets importés.

12 L’intense mobilité des peintres égéens dans leur propre cadre géographique, avec Cnossos y jouant un rôle décisif en tant que principal centre politique et religieux de l’époque et berceau vivace de l’art des peintures murales7, favorise a priori la possibilité de missions plus lointaines encore au Proche-Orient et en Égypte ; d’autant plus que des relations multiples existent entre les deux mondes et sont avérées par les documents d’archives orientaux. Du reste, le spectre chronologique de l’apparition des éléments égéens dans les peintures murales orientales coïncide largement avec l’âge d’or de la propagation de cet art en mer Égée. La mobilité des artisans et des artistes au sein des palais orientaux fut, en effet, une pratique bien établie qui se reflète même dans les textes d’archives de la région. Il est particulièrement intéressant de ce point de vue qu’un document d’Ougarit, dont la version originale remonte au milieu du deuxième millénaire avant J.-C ou peut-être même plus tôt, parle de la déesse Anat qui, s’apprêtant à bâtir un palais pour son frère Ba’al, s’adresse au dieu-artisan Kothar-wa- Hussus dont le « siège » se situe dans la lointaine Crète (Kaptar). Malgré son caractère mythologique, ce texte et bien d’autres témoignages écrits viennent inscrire le monde égéen, et en particulier la Crète minoenne, dans le système d’échanges d’artisans parmi les centres palatiaux de l’époque. Les peintres égéens envoyés en mission pour le compte de la cour pourraient eux-mêmes être considérés comme une sorte de valeur d’échange potentielle et précieuse dans le contexte plus large de la pratique bien établie des échanges d’« objets de prestige ». L’importance accordée à leurs œuvres peintes dans les palais étrangers, telles qu’on les voit selon les codes politico- idéologiques de l’Orient, provient sans doute en grande partie du fait qu’ils ont été recrutés par les autorités locales en tant qu’artistes étrangers et « exotiques ». Il est vrai que l’importé et l’exotique, par nature, confèrent plus de poids, comme cela se produisait avec les objets précieux offerts comme cadeaux diplomatiques entre souverains de l’époque8. 13 Si les peintures murales d’Alalakh et de Tel Kabri nous transportent dans la période où les premiers peintres itinérants de l’Égée au Proche-Orient étaient actifs, les peintures murales de Qaţna, en revanche, à l’esprit syro-égéen si caractéristique, semblent receler l’écho d’une influence extérieure et de son assimilation au XIVe siècle avant J.-C. Bietak a proposé avec conviction un scénario historique pour les peintures murales de Tell el-Daba : selon lui, elles ont été réalisées environ cinquante ou cent ans après les

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peintures murales d’Alalakh et de Tel Kabri ; elles ont été exécutées par des peintres de Cnossos qui, en mission pour le palais, accompagnaient une princesse minoenne destinée à devenir la femme de Pharaon, afin de décorer les appartements de sa nouvelle patrie égyptienne avec des thèmes crétois familiers. Pour soutenir son hypothèse en faveur des mariages de pharaons avec des princesses étrangères, et du jeu d’alliances comme outil officiel de la politique étrangère égyptienne, Bietak rapporte des cas attestés dans la correspondance d’Amarna qui se réfèrent aux règnes de Touthmôsis III, d’Aménophis III et d’Akhenaton, et d’autres cas présents dans la correspondance entre Ramsès II et Hattusili III, empereur hittite. Touthmôsis III lui- même, on le sait, avait eu différentes épouses syriennes. 14 Après avoir été critiqué dans ses premières publications pour cette interprétation, Bietak a proposé d’envisager un scénario alternatif : l’exécution des peintures murales serait due à un événement de première importance tel que, par exemple, une rencontre au niveau élevé de la cour ou encore la visite à Tell el-Dab’a de personnalités de haut rang, dont le statut et l’origine seraient ainsi, pour l’occasion, mis en scène et exprimés de manière honorifique à travers la thématique picturale spécifique.

15 Si la présence d’éléments égéens dans l’art des peintures murales du Proche-Orient et de l’Égypte est considérée par la majorité des chercheurs comme un fait indiscutable, l’élucidation des cas individuels reste en suspens à ce stade de l’enquête. Paradoxalement, la création et l’expansion de la koinè de la Méditerranée orientale, tout en justifiant pleinement cette diffusion des éléments iconographiques et des connaissances techniques égéens, laissent une visibilité moindre au travail même des peintres égéens. De nombreux faits demeurent obscurs s’agissant des peintures murales d’Alalakh, pour celles de Tell Kabri, mais aussi pour celles de Tell el-Dab’a. La question se pose de savoir si, en effet, elles sont l’œuvre des seuls peintres égéens itinérants ou si les artistes locaux y ont également participé – voire des peintres levantins travaillant à côté des maîtres égéens. Dans ce contexte, l’application de chaque technique est un critère prédominant pour déterminer l’identité des peintres, mais il doit être utilisé avec la plus grande prudence. C’est ainsi que l’utilisation de la technique al fresco associée à des éléments al secco, considérée comme éminemment égéenne, semble moins déterminante dès lors que l’analyse récente des peintures murales du palais mycénien de Pylos a montré leur exécution al secco9– technique généralement considérée comme orientale, comme on le voit dans le cas typique des peintures murales du palais de Mari. Par ailleurs, hormis les peintures de Mari du XVIIIe siècle avant J.-C, et celles d’Alalakh, de Tell Kabri et Tell el-Dab’a, on ne sait que très peu de chose sur l’histoire des peintures murales levantines.

16 À réévaluer constamment le matériel déjà connu, on ne peut échapper à la tentation de superposer les hypothèses. Ce sont là des ouvertures permettant de mieux aborder les questions relatives aux relations entre peinture orientale et peinture égéenne ; elles n’attendent que les futures fouilles que l’on effectuera dans les principaux centres palatiaux de l’Orient.

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NOTES

1. À l’origine, les fresques avaient été datées de la période tardive des Hyksos. Voir Manfred Bietak, « Minoan wall-paintings unearthed at ancient Avaris », dans Egyptian Archaeology, 2, 1992, p. 26 ; Manfred Bietak, « Die Wandmalereien aus Tell el-Dab’a/’Esbet Helmi, erste Eindrücke », dans Ägypten und Levante, 4, 1994, p. 55-58. 2. William Stephenson Smith, Interconnections in the Ancient Near East, New Haven, 1965. 3. Charles Leonard Wooley, A Forgotten Kingdom, Londres, 1953, p. 74-75. 4. Christos Doumas, The Wall-Paintings of Thera, Athènes, 1993, fig. 26-48. 5. Nanno Marinatos, Minoan Kingship and the Solar Goddess: A Near Eastern Koinè, Urabana, 2010. 6. Pour un aperçu des similitudes et des différences techniques dans l’exécution des peintures murales orientales et égéennes, voir Ann Brysbaert, Technology and Social Agency in Bronze Age Aegean and Eastern, thèse, university of Glasgow, 2004; Ann Brysbaert, The Power of Technology in the Bronze Age Eastern Meditteranean: The case of the Painted Plasters, (Monographs in Mediterranean Archeology, 12), Londres, 2008. 7. Christos Boulotis, « Travelling Fresco Painters in the Aegean Late Bronze Age: the Diffusion Patterns of a Prestigious Art », dans Susan Sherratt éd., Wall-Paintings of Thera: Proceedings of the First International Symposium, Petros M. Nomikos Conference Centre, Thera, Hellas, 30 august-4 September 1997, Athènes, 2000, II, p. 844-858. 8. Se reporter en particulier à Carlo Zaccagnini, Lo scambio dei doni nel Vicino Oriente durante i secoli XV-XIII, Rome, 1973. Pour les pratiques similaires dans l’espace égéen, mettant en premières places le palais et les liens avec l’Égypte, voir Christos Boulotis, « Nochmals zum Prozessionsfresko von Knossos : Palast und Darbringung von Prestige-Objekten », dans Robin Hägg, Nanno Marinatos éd., The Function of the Minoan Palaces, (colloque, Athènes, 1984), Stockholm, 1987, p. 145-156. 9. Hariclia Brécoulaki et al., « Characterization of organic media in the wall-paintings of the ‘Palace of Nestor’ at Pylos, Greece: evidence for a secco painting technique in the Bronze Age », dans Journal of Archeological Science, 39, 2012, p. 2866-2876.

INDEX

Index géographique : Proche-Orient Keywords : Aegeus, artistic transfer, iconography, wall painting Mots-clés : Égée, iconographie, peinture murale, transfert artistique

AUTEURS

CHRISTOS BOULOTIS

Académie d’Athènes, Centre de recherche sur l’Antiquité

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L’offrande céramique dans les lieux de culte Ceramic offerings in sacred spaces

Olivier de Cazanove

RÉFÉRENCE

Carmela Angela Di Stefano éd., Demetra : la divinità, i santuari, il culto, la leggenda, atti del I Congresso internazionale, (colloque, Enna, 2004), (Biblioteca di « Sicilia Antiqua », 2), Pise/ Rome, Fabrizio Serra, 2008. 304 p., 340 fig. en n. et b. ISBN : 978-8-86227-038-0 ; 185 €. Simona Fortunelli, Concetta Masseria éd., Ceramica attica da santuari della Grecia, della Ionia e dell’Italia atti convegno internazionale, (colloque, Pérouse, 2007), Venosa, Osanna, 2009. 784 p., fig. en n.et b. ISBN : 978-8-88167-262-2 ; 60 €. Juliette de La Genière, Giovanna Greco éd., Il santuario di Hera alla Foce del Sele : indagini e studi 1987-2006, (Atti e Memorie della Società Magna Grecia, 4, 2008-2010), Rome, Società Magna Grecia, 2010. 2 vol. , 794 p., 143 fig. en n. et b. ISBN : 978-8-87689-269-1 ; 160 €.

1 La céramique antique est traditionnellement prise en considération par les spécialistes de deux manières très différentes. Les musées ou les particuliers possèdent des collections de beaux vases, intacts ou peu s’en faut, qui constituent la base pour toute étude sur la forme, le style et l’iconographie de ceux-ci : bref, le savoir-faire du potier, l’art du peintre, la culture partagée des images. Il suffit de rappeler que les indispensables corpus de référence pour la céramique peinte, ceux de John D. Beazley et d’Arthur D. Trendall pour ne citer qu’eux1, sont issus d’une connaissance approfondie des fonds muséographiques et d’une fréquentation assidue de ces derniers, mais aussi d’une attention constante portée au marché de l’art. Ces objets de collection viennent en très grande majorité, on le sait bien, de tombes vidées voire pillées, dont les contenus ont été vendus ; ils sont, à des degrés divers, décontextualisés. Les fouilles anciennes fournissent de vagues indications de provenance, les fouilles clandestines par définition aucune. Même les fouilles récentes de nécropoles correctement documentées, si elles reconstruisent avec soin la disposition des objets dans la tombe et

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leur association, renseignent peu sur la vie antérieure de l’objet déposé auprès du mort, si celui-ci en avait eu une.

2 D’un autre côté, la céramique trouvée en fouille, dans les contextes non-funéraires, est le plus souvent réduite à l’état de tessons. À ce matériel, bien moins séduisant, on a demandé des informations de nature différente : à mesure que la stratigraphie s’imposait comme la méthode archéologique par excellence, la céramique est devenue le fossile datant essentiel. Cette avancée scientifique, en soi incontestable, ne s’est pas faite sans inconvénients. On a probablement eu trop tendance à considérer le tesson pour la donnée chronologique dont il était porteur (pour le terminus post quem qu’il était susceptible de fournir à la strate de terrain dans laquelle il se trouvait), en perdant quelque peu de vue le vase auquel il avait appartenu, la fonction de celui-ci et sa localisation exacte (par exemple dans une salle à manger, une cuisine, etc.). Cet excès a été heureusement corrigé, ces dernières années, par des études portant sur le vaisselier, entendu comme le répertoire des formes fonctionnelles et comme l’expression de manières de table qui prennent place dans des moments et des lieux déterminés. 3 On pourrait être tenté de penser que ces deux approches opposées concernent deux sortes de céramique qui n’ont finalement pas grand-chose à voir l’une avec l’autre, de sorte que leurs protocoles d’étude respectifs s’appliqueraient à des objets distincts : d’un côté la céramique peinte, venue du monde grec ou de ses périphéries, trouvée majoritairement dans les tombes ; de l’autre la céramique simplement vernie ou commune, dont on suit l’évolution jusqu’à l’époque romaine et qui provient de lieux de vie (habitats, entrepôts, sanctuaires) et surtout des dépotoirs qui se forment immanquablement à proximité de ceux-ci. En réalité, il n’existe pas de cloison étanche entre les deux catégories. Par exemple, deux vases signés par Euphronios (comme peintre pour l’un, comme potier pour l’autre) – le cratère avec la mort de Sarpédon et la coupe avec la prise de Troie (l’Ilioupersis) – restitués par des musées américains à l’Italie respectivement en 2008 et 1999, provenaient tous deux de fouilles clandestines effectuées à Cerveteri, en Étrurie méridionale, dans les dernières décennies du XXe siècle. Tandis que le cratère (entier) vient sans doute d’une tombe, la coupe (partiellement recomposée à partir de nombreux fragments) était à coup sûr une offrande dans un sanctuaire. Non seulement une dédicace à Herclé figurait sous le pied, en langue étrusque notée dans un alphabet cérétain, mais encore les fouilles entreprises au lieu-dit San Antonio, d’où la rumeur disait provenir les fragments de la coupe, ont mis au jour un sanctuaire imposant, avec deux temples de la fin de l’archaïsme et d’autres attestations du culte d’Herclé, l’Hercule étrusque. 4 L’analyse des fragments attiques à figures noires et rouges du sanctuaire de San Antonio à Cerveteri par Maria Antonietta Rizzo (FORTUNELLI, MASSERIA, 2009, p. 369-387) est l’objet de l’une des quarante contributions réunies dans les actes du colloque intitulés la Ceramica attica da santuari della Grecia, della Ionia e dell’Italia, qui s’est déroulé en 2007 à Pérouse et a été publié deux ans plus tard. Cet intérêt spécifique porté à la céramique en contexte cultuel est novateur, il ouvre des pistes de recherche nouvelles et il permet de poser ou de reformuler des questions anciennes. Par exemple, pourquoi et sur quels vases met-on une inscription de dédicace ? Y a-t-il un rapport ou non entre la forme et l’iconographie du vase et le culte pratiqué ? Existe-t-il des phénomènes de commande ? Comment distinguer le vase-offrande, le vase qui sert au rite, par exemple à la libation et la vaisselle du tout-venant – et d’ailleurs ces distinctions ont-elles un

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sens ? Le vase est-il offert pour lui-même ou pour son contenu alimentaire, liquide ou solide ? Repère-t-on des différences entre les faciès céramiques de sanctuaire et d’habitat ? Si l’on prolonge la réflexion en prenant en compte la céramique non figurée, plus modeste ou récente, deux autres volumes récemment publiés, en Italie également, sont aussi particulièrement intéressants. Il santuario di Hera alla Foce del Sele : indagini e studi 1987-2006, la publication en deux tomes épais des nouvelles fouilles à l’Héraion du Sele près de Paestum menées pendant vingt ans (1987-2006) par Juliette de La Genière et Giovanna Greco (LA GENIÈRE, GRECO, 2010), prend idéalement la suite de l’édition monumentale de Paola Zancani Montuoro et Umberto Zanotti Bianco2. Comprenant une série de chapitres dédiés aux classes de matériel, l’ouvrage présente aussi leurs contextes de découverte à l’intérieur même du sanctuaire, dont les bothroi. Les actes d’un colloque sur Déméter tenu à Enna en 2004 et publié en 2008, Demetra : La divinità, i santuari, il culto, la leggenda ( DI STEFANO, 2008), font eux aussi la part belle à la documentation archéologique.

Céramique et culte démétriaque

5 Le culte démétriaque, en particulier dans sa forme thesmophorique – du nom de fêtes en l’honneur de Déméter – est un observatoire privilégié pour l’étude de la céramique en contexte cultuel parce que les dépositions de vases y prennent un caractère spectaculaire, aisément repérable, dont l’intentionnalité est évidente. Les fouilles de Piero Orlandini entreprises à partir de 1963 sur la colline sableuse de Bitalemi à Gela en Sicile et présentées dans les actes de colloques sur Déméter (DI STEFANO, 2008, p. 173-186) révélaient, pour l’époque archaïque, des rangées de coupes achromes soigneusement disposées à l’envers sur le sol, des œnochoés empilées, également à l’envers, des dépôts de vases isolés ou en petits groupes et en majorité, une fois encore, l’embouchure vers le bas. À la deuxième phase du lieu de culte, datable du Ve siècle avant J.-C., appartenaient des statuettes et un couvercle de céramique portant une double inscription : hiara thesmophoro / ek tas Dikaios skanas (« consacré à Déméter, de la tente de Dikaiô », selon l’interprétation d’Orlandini). On sait que les femmes célébrant les Thesmophories vivaient entre elles le temps de la fête dans des tentes.

6 Le thesmophorion de Bitalemi, qui n’a pas fait l’objet, à ce jour, d’édition intégrale, offre une documentation archéologique si exceptionnelle qu’il a suscité de nombreuses exégèses, dans des directions très diverses, au nombre desquelles on citera au moins les études de Uta Kron et de Lorenz Baumer3. La reprise de l’exploration en 2000 d’un autre sanctuaire démétriaque, celui de Parapezza à l’angle sud-est de l’enceinte de Locres Épizéphyrienne (en Italie méridionale, dans la Calabre actuelle) a permis de documenter en détail et in situ des assemblages céramiques plus remarquables encore (voir l’article de Claudio Sabbione et Margherita Milanesio Macri « Recenti scoperte al Thesmophorion di contrada Parapezza a Locri Epizefiri », dans DI STEFANO, 2008, p. 193-220). Le long des côtés nord et sud d’un édifice presque carré, des kotyles, qui devaient être à l’origine au nombre de mille deux cents environ, sont empilées horizontalement en longues files parallèles et superposées dans deux tranchées étroites. À la même période (vers la fin IVe et le début IIIesiècle avant J.-C. selon les fouilleurs), l’autel situé à quelques mètres au sud-est est lui aussi retaillé par une tranchée étroite, dans laquelle sont disposées en ordre quatre cent cinquante autres kotyles. Des tuiles portant le timbre thesmophorou rendent certaine l’identification de ce

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lieu de culte comme un thesmophorion, que Paolo Orsi avait déjà sondé à la fin du XIXesiècle.

7 Dans les actes de colloque sur Déméter qui font le point sur les fouilles récentes, Sabbione et Milanesio Macri proposent prudemment une explication : « une célébration solennelle des Thesmophories, dans laquelle toutes les offrandes sont placées le long de la chapelle »4. Il faudrait alors penser à 1200 participantes, si chaque femme déposait son gobelet, voire 1650, si les tranchées de l’édifice carré et du temple ont été utilisées simultanément. 8 Malgré les différences que relèvent Sabbione et Milanesio Macri avec la situation de Bitalemi, il s’agit là de deux sanctuaires où la céramique est disposée de manière signifiante, fournissant ainsi un modèle pour d’autres contextes cultuels moins immédiatement lisibles : celui de Licata Mollarella sur la côte méridionale de la Sicile (voir l’article de Ernesto De Miro, « Thesmophoria di Sicilia », dans DI STEFANO, 2008, p. 59-68) ; celui de Pontecagnano en Campanie du Sud où, dans le sanctuaire septentrional, on retrouve des rangées de vases à l’envers le long des murs ainsi que des conduits à libation ; et même celui de Pyrgi. Au sud de ce célèbre sanctuaire consacré à Ino-Leucothea avec ses deux grands temples, se trouvait en effet un secteur cultuel moins monumental (appelé le « sanctuaire méridional »), avec différentes chapelles et aménagements apparemment disposés sans ordre, où de la céramique attique a été retrouvée en grand nombre. À proximité du piazzale ouest, la présence d’une coupe et d’une lampe déposées à l’envers ainsi qu’une inscription de dédicace sur une kylix, laissent supposer un culte à Déméter.

La distribution des offrandes

9 Au-delà du cas particulier que constitue le culte démétriaque, et des possibilités que celui-ci offre en termes d’exégèse, on voit tout le profit qu’il y a à resituer, avec le plus de précision possible, graphiquement et topographiquement, les trouvailles dans l’espace du sanctuaire : céramique bien sûr, mais aussi récipients, armes et parures de métal, statuettes en terre cuite, etc. Aujourd’hui, « l’analyse spatiale intrasite », pour utiliser notre jargon archéologique, doit devenir une obligation pour qui veut étudier correctement un lieu de culte. Elle seule permet d’établir des cartes de distribution qui nous font connaître la polarisation des pratiques de dévotion à l’intérieur du sanctuaire, la spécialisation des édifices et des autres aménagements, la fréquence de tel type de demande ou d’activité. À vrai dire, cette exigence actuelle avait été ressentie, voilà plus d’un siècle, par quelques remarquables précurseurs. On reste admiratif devant le croquis jusque-là inédit sur lequel Giacomo Boni localise minutieusement l’ensemble des trouvailles qu’il fait en 1899 dans le lieu de culte archaïque du Lapis Niger, aux marges du forum romain, croquis publié pour la première fois dans l’article de Patrizia Fortini tiré de l’ouvrage sur la céramique attique (Patrizia Fortini, « L’area sacra del niger Lapis. Nuove prospettive di ricerca », dans FORTUNELLI, MASSERIA, 2009, p. 63-89). Boni a mis en place des statuettes de kouroï en bronze, des osselets, des terres cuites architecturales et un célèbre fragment de cratère attique à figures noires. Attribuable au cercle du peintre de Lydos (vers 570-560 avant J.-C.), celui-ci représente le retour d’Héphaïstos dans l’Olympe monté sur un mulet ithyphallique ; il est situé avec une grande précision sur le plan Orsi juste au pied du cippe portant l’inscription archaïque du Lapis Niger. En 1983, il a fourni à Filippo

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Coarelli un argument supplémentaire pour identifier Lapis Niger et Volcanal (tous deux, d’après les sources antiques, situés dans le comitium), et pour soutenir que l’assimilation entre Héphaïstos et Vulcain était faite à Rome dès cette époque. C’est là poser le problème délicat, déjà évoqué, de l’adéquation de l’iconographie au lieu de culte dans lequel elle se trouve et à la divinité qui y est vénérée. Les réponses ne peuvent être apportées qu’au cas par cas.

Cultes chtoniens ?

10 Il suffit de feuilleter les ouvrages recensés ici pour observer l’importance qu’y prennent ce qu’il est convenu d’appeler les cultes chtoniens (de la terre et du monde souterrain). Qu’il existe des rites spécifiques et des aménagements spéciaux qui mettent directement en contact les humains avec le monde d’en bas est indéniable. Cela dit, si les archéologues rencontrent ou pensent rencontrer si souvent du chtonien, c’est aussi pour une raison triviale : parce qu’ils fouillent en général au ras du sol, et plus souvent encore au niveau des fondations. D’où une attention soutenue, presque une sur- attention, portée aux structures enterrées ou excavées. Cela explique également le succès des concepts grecs d’eschara (autel à terre) et de bothros (autel sous terre), ainsi que du concept latin de mundus (autel souterrain) dont on a voulu retrouver des attestations archéologiques un peu partout, souvent de manière forcée. On sait, de façon beaucoup plus prosaïque, que le sanctuaire est périodiquement nettoyé ; que le mobilier et les offrandes hors d’usage, obsolètes ou cassées – ou tout simplement lorsqu’il faut libérer de la place pour des travaux, des restructurations, de nouvelles constructions, etc.– finissent dans des fosses-dépotoirs. La céramique, comme les autres offrandes, n’est donc trouvée qu’exceptionnellement (presque jamais en fait) in situ ou en position de chute, mais quasiment toujours dans des fosses, des puits, des strates de remblai, etc.

11 Entre 1935 et 1937 ont été fouillés de part et d’autre du temple de l’Héraion du Sele deux puits, l’un à bouche carrée et l’autre rectangulaire, chemisés par des plaques calcaires et remplis de mobilier, surtout céramique. Les croquis détaillés d’Umberto Zanotti Bianco ont été publiés. Ses coupes stratigraphiques portaient d’emblée la légende bothros, une interprétation qui n’a jamais été remise en question. Toutefois, les études récentes, en particulier les précieuses analyses de Bianca Ferrara dans le volume sur les nouvelles recherches à l’Héraion (LA GENIÈRE, GRECO, 2010, p. 311-349) ainsi que dans un colloque napolitain publié en 2008, Doni agli dei, et dans une monographie de 20095, parlent plus prudemment de deux « aires cultuelles », chacune organisée autour d’« un modeste autel avec à côté un puits votif ». L’enjeu est effectivement de savoir si les vases retrouvés accumulés dans les bothroi présumés y ont été jetés directement (et se trouvent par conséquent en position primaire) ou bien s’il s’agit d’objets mis au rebut, qu’ils aient servi ou non auparavant à des actions rituelles (et sont donc en position secondaire). L’oscillation entre ces deux possibilités est récurrente. Elle conditionne une bonne partie du débat sur les offrandes – pas seulement en céramique d’ailleurs – sur leurs modalités de présentation et sur leur sens dans de nombreux sanctuaires. À l’Héraion du Sele, les deux aires cultuelles avec bothroi sont mises en place au IVesiècle avant J.-C. Elles reflèteraient, selon Paola Zancani Monutoro suivie par Giovanna Greco (LA GENIÈRE, GRECO, 2010, p. 581), une orientation chtonienne du culte à l’époque lucanienne, au IVe siècle avant J.-C. Sans entrer ici dans cette discussion, on

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observera du moins que la céramique des puits couvre en réalité une bonne partie des époques républicaine et impériale, sans solution de continuité. La fréquentation cultuelle se poursuit sur le site, même sous des formes réduites, comme le prouvent aussi les monnaies qui appartiennent, dans leur grande majorité, à la période coloniale, exception faite de celles trouvées sur l’emplacement de l’« édifice carré » détruit à la fin de l’époque lucanienne. Paestum devient en effet une colonie latine en 273 avant J.- C. et le restera jusqu’à la guerre sociale en 90 avant J.-C.

Le vase comme objet et comme contenant

12 On touche ici un autre problème, lui aussi récurrent posé par la compatibilité entre les datations céramiques, issues de mises en séries typologiques et stylistiques, et celles des autres classes de matériel, les monnaies par exemple, mais aussi les datations archéométriques. Idéalement, la fouille devrait être, pour les spécialistes concernés, le moyen d’ajuster leurs chronologies en les confrontant. En réalité, ces dernières demeurent largement indépendantes. Après tout, dit-on, un objet pouvait circuler pendant une durée plus ou moins longue avant d’être déposé en offrande ou mis dans une tombe. Il était d’autant plus longtemps conservé qu’il était plus précieux. On a fait un large usage de cet argument, qui permet d’expliquer comment un vase peut être de plusieurs décennies antérieur au contexte dans lequel il se trouve, voire de deux siècles, comme les coupes ioniennes B2 des bothroi de l’héraion du Sele.

13 Quels dons de prestiges étaient dignes d’être conservés longtemps ? Cette question permet d’aborder, pour conclure, le statut de l’offrande céramique dans le sanctuaire, et sa fonction de « marqueur ». À vrai dire, il n’existe pas plus de statut spécifique de celle-ci qu’il n’y a une catégorie qui serait la céramique en soi. Elle entre en concurrence avec d’autres matériaux, d’ailleurs plus précieux comme le métal, pour la fabrication de récipients, vaisselle de table et de cuisine, vases spécialisés… L’abondance de céramique, fine ou figurée, hors contexte funéraire ne signifie pas pour autant, pour l’archéologue, qu’il est en présence d’un sanctuaire. La présence de céramique de prix n’est pas nécessairement un indicateur de lieu de culte et l’incertitude demeure. Un cas emblématique est celui de l’Incoronata « grecque » de Métaponte. L’abondance et l’exceptionnelle qualité de la céramique du VIIesiècle avant J.-C. qui y a été découverte depuis 1970 ont récemment suggéré une interprétation cultuelle du site, alors que celle-ci avait été longtemps laissée de côté au profit d’autres explications (village, centre artisanal, emporion…). 14 En fait, si l’on cherche une catégorie de céramique qui serait exclusivement cultuelle, c’est à l’autre bout de l’échelle des valeurs qu’on la trouvera : non pas dans la vaisselle de luxe, mais au contraire parmi les récipients les plus petits réalisés en argile commune, généralement non vernie. Les vases miniatures, sauf rares exceptions, ne se trouvent que dans les lieux de culte, y compris domestiques, ainsi que dans la sphère funéraire. Il faut cependant dépasser l’équation « small pots, poor people », comme le disait joliment (et avec un point d’interrogation dubitatif…) Gunnel Ekroth dans une contribution de 20036. La miniaturisation comporte une dimension symbolique : l’objet reproduit – pas toujours – des formes du répertoire courant, mais en si petit qu’elles en perdent toute fonction pratique. Les vases miniatures sont néanmoins susceptibles de contenir une très petite quantité de nourriture ou de liquide et c’est ainsi, en effet, qu’on les interprète d’habitude, comme servant à présenter des prémices – à l’instar

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des kernoi qui juxtaposent plusieurs cupules et pouvaient donc avoir plusieurs contenus, chacun très réduit. Kernoi et vases miniatures sont parfois associés, comme au thesmophorion de Contrada Petraro à Entella en Sicile, un autre sanctuaire récemment fouillé, qui fait l’objet d’une présentation préliminaire par Francesca Spatafora dans les actes de colloques sur Déméter (DI STEFANO, 2008, p. 273-296). Dans ce cas-là, comme sans doute dans beaucoup d’autres, c’est paradoxalement le contenu, même s’il était infime, qui compte. 15 La leçon vaut de manière plus générale. Même si de nombreux vases sont donnés pour eux-mêmes, pour leur valeur et leur décor, beaucoup d’autres ne sont que le négatif – l’enveloppe – de toutes ces offrandes périssables qui devaient être si courantes dans les lieux de culte et qui ont irrémédiablement disparu.

NOTES

1. John D. Beazley, Etruscan Vase-Painting, Oxford, 1947; John D. Beazley, Attic Black-Figure Vase- Painters, Oxford, 1956; John D. Beazley, Attic Red-Figure Vase-Painters, Oxford, 1963; Arthur Dale Trendall, Red Figure Vases of South Italy and Sicily, Oxford, 1967-1983; Arthur Dale Trendall, The Red- Figured Vases of Paestum, Rome, 1987; Arthur Dale Trendall, Alexander Cambitoglou, The Red- Figured Vases of Apulia, Oxford, 1978-1992. 2. Paola Zancani Montuoro, Umberto Zanotti Bianco, Heraion alla Foce del Sele, Rome, 1951-1954. 3. Uta Kron, « Frauenfeste in Demeterheiligtümern. Das Thesmophorion von Bitalemi. Eine archäologische Fallstudie », dans Archäologischer Anzeiger, 107, 1992, p.611-650 ; Lorenz Baumer, « Fin d’un culte ? Sur la fermeture des sanctuaires de Déméter en Grande Grèce et en Grèce », dans Mémoires de la religion grecque, Paris, 2010, p.119-143. 4. « [...] una solenne celebrazione delle Tesmofonie, nella quale tutte le offerte vengono posizionate a ridosso del sacello » (Sabbione, Milanesio Macri, dans DI STEFANO, 2008, p.203). 5. Bianca Ferara, « Il sistema dei doni votivi nei bothroi del santuario di Hera alla foce del Sele », dans Giovanna Greco, Bianca Ferrara éd., Doni agli dei : il sistema dei doni votivi nei santuari, Naples, 2008, p.77-111 ; Bianca Ferrara, I pozzi votivi nel santuario di Hera alla foce del Sele, Naples, 2009. 6. Gunnel Ekroth, « Small pots, poor people?: The use and function of miniature pottery as votive offerings in Archaic sanctuaries in the Argolid and the Corinthia », dans Bernhard Schmaltz, Magdalene Söldner éd., Griechische Keramik im kulturellen Kontext: Akten des Internationalen Vasen- Symposions in Kiel vom 24. bis 28.9.2001, (colloque, Kiel, 2003), Münster, 2003, p.35-37.

INDEX

Mots-clés : céramique, lieu de culte, offrande, sanctuaire, vase Keywords : ceramic, offering, religious site, sanctuary, vase

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AUTEUR

OLIVIER DE CAZANOVE

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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Publier l’architecture militaire grecque : entre évolution et tradition Publishing on Greek military architecture: between change and tradition

Marie-Christine Hellmann

RÉFÉRENCE

Marina Cipriani, Angela Pontrandolfo éd., Paestum : Scavi, Ricerche, Restauri, I, Le mura : il tratto da Porta Sirena alla Postierla 47, (Tekmeria, 8.1), Paestum, Pandemos, 2010. XX-410 p. et 1 poch. de 9 pl. dépl., fig. en coul. et n. et b. ISBN : 978-8-88774-418-1 ; 100 €. Yves Grandjean éd., Le Rempart de Thasos, (Études thasiennes, XXII), Athènes, École française d’Athènes, 2011. 651 p. et 1 poch. de 11 pl. dépl., 451 fig. en coul. et n. et b. ISBN : 978-2-86958-228-6 ; 120 €. Janet Lorentzen, Felix Pirson, Peter Schneider éd., Aktuelle Forschungen zur Konstruktion, Funktion und Semantik antiker Stadtbefestigungen, Kolloquium 9-10 Februar 2007 in Istanbul, (Byzas, 10), Istanbul, Yayinlari, 2010. VIII‑297 p., fig. en coul. et n. et b. ISBN : 978-6-05560-705-0 ; 50 €.

1 Très visibles dans le paysage, en Grèce métropolitaine comme en Asie Mineure et dans l’ensemble des colonies grecques, les fortifications ont tôt attiré l’attention des pionniers de l’archéologie, qu’il s’agisse d’enceintes urbaines ou de villes fortes, de forteresses et de tours dans le territoire appartenant à chaque cité-État. Les contributeurs aux trois ouvrages récents que nous croisons ici n’omettent donc pas de rappeler les travaux réalisés aux XVIIIe et XIXe siècles, à l’instar de Silke Müth, qui a constaté la grande exactitude du relevé de la muraille de Messène, effectué en 1828 par les architectes français de l’expédition scientifique de Morée (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 59). Pourquoi alors l’étude de ce genre de monument, qui ne demande pas, habituellement, des fouilles de grande ampleur, a-t-elle longtemps été

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délaissée au profit de celle des temples et des édifices religieux, ou encore des temples- tombeaux et des théâtres ? C’est surtout depuis le dernier quart du XXe siècle que les recherches sur les fortifications grecques se sont de nouveau multipliées, lorsque des historiens et des archéologues spécialisés ont saisi l’immense intérêt de ces vestiges, jusque-là investis par quelques ingénieurs militaires ou architectes : tous ont compris que les murailles sont par excellence des constructions « politiques », au sens étymologique du terme ; depuis leur élévation jusqu’à leur destruction puis reconstruction éventuelle, elles reflètent les événements majeurs qui jalonnent la vie d’une polis1, comme le rappelle Judith Ley à propos des remparts érigés sur la côte nord- ouest de la Grèce (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 45-55).

Les pratiques de la recherche

2 Il est vrai que la préparation de la publication exhaustive des recherches conduites sur une muraille antique a bien des raisons pour être ralentie : d’une part elle nécessite des connaissances très spécifiques (en architecture comme dans la question des techniques de la guerre et, plus généralement, en stratégies de défense active ou passive), d’autre part, la longueur de la plupart des murailles grecques (celle de Messène fait neuf kilomètres), parfois complétées par des constructions alentour, exige du temps pour leur examen, sans même parler de la maîtrise de l’escalade – ce n’est pas le cas pour l’enceinte de Poseidonia-Paestum, qui s’étend dans une plaine de la Campanie, mais une bonne partie de celle de Thasos s’accroche à l’acropole, et nombre de remparts évoqués dans l’ouvrage dirigé par Janet Lorentzen, Felix Pirson et Peter Schneider (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010) obligent à grimper, sur des monts de Grèce comme de Turquie.

3 Qu’un rempart soit publié dans son ensemble (il en est ainsi de la monographie d’Yves Grandjean, centrée sur Thasos) ou bien – c’est une méthode plus récente, appelée à se développer – par tronçons (voir l’ouvrage de Marina Cipriani et Angela Pontrandolfo, qui traite de la partie sud-est de l’enceinte de Paestum, dans le cadre d’un programme international en cours, ainsi que les trois articles consacrés à Messène dans les actes du colloque d’Istanbul2), la constitution d’une équipe ne sera pas de trop pour venir plus aisément à bout de l’observation directe, des photographies et des relevés des murs, du classement des divers objets tirés des sondages et de la compréhension, essentielle, des rapports du rempart avec les grandes voies urbaines, comme avec quantité de structures adjacentes ou d’éléments associés : des petits sanctuaires (à Thasos, à Paestum), des tombes (surtout à Paestum), des résidences et des greniers, et jusqu’aux bras des « ports fermés »3, puisque dans les villes côtières les extrémités du circuit défensif pouvaient délimiter des ports militaires où étaient alignés des hangars (néôria) pour les bateaux de guerre, si représentatifs d’une puissance maritime. Le niveau de la mer étant aujourd’hui plus élevé que dans l’Antiquité, il faudra plonger pour dessiner et photographier les installations submergées, quand les clichés aériens n’y suffisent pas, notamment dans le cas du port de Thasos (GRANDJEAN, 2011, p. 321-347).

4 Il n’est pas non plus possible d’ignorer l’apport des textes littéraires et épigraphiques. Parmi les inscriptions grecques qui traitent d’architecture, en donnant des indications sur des parties non conservées comme sur les techniques de construction ou les différents états des murs, la catégorie des Mauerbauinschriften est particulièrement riche et intéressante, surtout si l’on y ajoute les signatures et les marques alphabétiques gravées, qui peuvent elles aussi renseigner sur la date, la façon de

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travailler des équipes de carriers ou de maçons, et même sur les dédicants. Alors que les sources écrites font défaut à Paestum, Thasos est une mine pour les documents épigraphiques (une sorte de cahier des charges, des noms de personnes et des marques en tout genre : GRANDJEAN, 2011, p. 581-605), qui font suite à l’examen des données littéraires, indispensable pour tenter de dater les différentes phases de construction de la muraille. 5 Enfin, lorsque la maçonnerie fait la part belle à la pierre de taille – ce qui est le cas pour les murs grecs présentés dans nos trois publications, alors que les inscriptions et quelques rares élévations conservées révèlent l’emploi massif de la brique, crue ou cuite, dans ce secteur de l’architecture grecque, sous l’influence de l’Orient –, on ne saurait omettre, de nos jours, de rechercher les carrières utilisées et les traces d’outils qui renseignent sur les techniques d’exploitation. À Thasos, c’est même une spécialité des architectes Tony Koželj et Manuela Wurch-Koželj (voir par exemple GRANDJEAN, 2011, p. 607-612), mais les Allemands n’ont pas été en reste à Messène (voir l’équipe de Müth dans LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 78-80).

Méthodologie actuelle des approches

6 Depuis quelques décennies, l’archéologie classique adopte peu à peu de nouvelles méthodes de publication des vestiges architecturaux, particulièrement pour l’habitat. On évite désormais d’étudier l’architecture des maisons en la séparant des objets retrouvés, car une publication commune apparaît plus adaptée à l’interprétation de la fonction des espaces, des échanges et des circulations jusque dans les rues alentour, afin de pouvoir reconstituer le mode de vie et, si possible, de déterminer le niveau social des habitants. Ceux qui ont à publier des fortifications grecques participent de plus en plus à ce mouvement, dans une perspective qui se veut globalisante. Néanmoins, en Allemagne, l’étude des murailles reste le plus souvent centrée sur des questions techniques et constructives, dans la lignée des anciennes publications de Milet4 ou d’Héraclée du Latmos5, à cette différence près qu’aujourd’hui, les ingénieurs et les architectes allemands préfèrent multiplier les articles qui se succèdent rapidement, en traitant de tel ou tel point particulier (ainsi, les contributions données dans LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010 font suite à d’autres articles et précèdent des travaux annoncés, ou même déjà publiés en 2012, par exemple sur Pergame et sur Karasis6).

7 L’évolution des méthodes est plus nette dans les autres pays. Il n’est pas indifférent qu’Yves Grandjean ait publié une grosse synthèse sur l’habitat de la porte du Silène à Thasos avant de passer aux portes suivantes et à toutes les tours de la muraille, pour aboutir à une véritable étude d’histoire urbaine : on comprend alors mieux quel genre d’habitants et de petits artisans étaient établis près du rempart thasien – toujours à une certaine distance car la préservation d’un espace non construit, le long de la face interne du rempart, était devenue pour ainsi dire une règle dans tout le monde grec7 –, et pourquoi l’évacuation des eaux pluviales, à la hauteur des fortifications, était un problème majeur de l’urbanisme grec, relevé à Thasos comme à Paestum et en Asie Mineure. À Paestum, ce sont les cultes locaux (à commencer par celui d’Athéna), la voirie et l’enceinte qui s’éclairent réciproquement8, de nombreuses pages, dispersées dans l’ouvrage de Cipriani et Pontrandolfo (CIPRIANI, PONTRANDOLFO, 2010), reproduisant le matériel (vases, figurines, lampes, restes animaux) récupéré dans les fouilles à côté

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de la muraille. On notera que si nos collègues allemands restent plus traditionnels dans leurs procédés d’investigation des murs, leurs publications, axées avant tout sur l’architecture, favorisent les « regards croisés » dans un large arc chronologique et un vaste champ géographique. Afin de prévenir les risques de la spécialisation grandissante, il n’est en effet pas inutile, pour un architecte-archéologue du monde grec, de jeter un coup d’œil sur les soixante-cinq mètres de murailles hittites en briques fraîchement reconstruites dans la ville basse de Hattusha, comme sur certains murs du Bas-Empire à Antioche-sur-l’Oronte, ou encore sur des fortifications byzantines en Anatolie élevées à coups de remplois, comme le signalent les actes du colloque d’Istanbul (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 27-43, 239-260, 261-282).

Sites anciens et nouveautés

8 Nos trois publications le montrent bien : si les modes de lecture de l’architecture militaire grecque évoluent, les remparts et les forteresses étant de plus en plus considérés comme des éléments majeurs de l’organisation urbaine ou du territoire, et de moins en moins comme des monuments en soi, les fortifications examinées au XXIe siècle constituent rarement des nouveautés. En général connues depuis longtemps et même anciennement publiées, mais d’après des critères qui ne sont plus les nôtres, ces constructions sont désormais revues à la lumière de nouvelles fouilles, d’approches interdisciplinaires, largement pratiquées de nos jours, et par comparaison avec d’autres publications qui ont permis d’accroître sans cesse nos connaissances. Parmi les publications récentes de murs nouvellement dégagés, au moins l’une d’elles est d’ores et déjà un ouvrage de référence : celle (en grec) des murailles hellénistiques de Rhodes9, en partie mises au jour par des fouilles d’urgence qui ont révélé le « système rhodien » de courtines à salles voûtées servant de casemates, dont l’ingénieur Philon de Byzance a parlé dans son traité de fortification, vers la fin du IIIe siècle avant J.-C. L’étude menée sur la porte d’Éetioneia au Pirée, qui fermait le port par l’ouest en étant flanquée de deux tours rondes (un ouvrage techniquement très intéressant, qui avait disparu puis a réapparu, à la faveur de travaux urbains) a elle aussi bénéficié d’une belle petite édition en grec moderne, qui mériterait une meilleure diffusion10.

9 Dans les actes du colloque d’Istanbul, il faut encore signaler l’article original de Timm Radt (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 195-217), qui décrit une grande place forte sur les pentes du mont Karasis en Turquie ; cette probable création séleucide, vers 200 avant J.-C. (d’après un éléphant sculpté sur une porte), avait échappé jusqu’en 1994-1995 aux prospections des archéologues. Le relief des lieux, parfois très escarpé, a commandé le tracé des murs et le renforcement des défenses aux points les plus exposés (avec un avant-mur ou proteichisma, des tours à chambre de tir placée très haut, des casemates). Des ateliers, des fermes et des petites habitations ont été retrouvés à mi-hauteur, et c’est le sommet du mont, à mille mètres, qui concentre les édifices les plus remarquables : en plus des multiples tours, des citernes et d’une imposante résidence à tour et cour péristyle, comme on en voit ailleurs en Cilicie occidentale, il y avait là un long grenier à céréales (ca 13 x 60 mètres) exceptionnellement bien conservé jusqu’au couronnement des murs, percés de jours pour l’aération, dans un bel appareil isodome. Il reste à comprendre la raison d’être de cette forteresse aux techniques de construction très soignées (avec des marques de

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carriers qui suggèrent que les artisans n’avaient qu’un vernis de culture grecque11), alors qu’il n’existait aucune agglomération séleucide à protéger dans la région. 10 Sur les sites anciennement connus, la multiplication des sondages constitue désormais un préalable à l’étude des murs proprement dits, comme le montrent toutes les publications de ces dernières années. La chronologie incertaine de nombreux remparts reste le problème central des études d’architecture militaire grecque, car on avait tendance, naguère, à s’en tenir à une classification réductrice et trop générale des appareils de murs12. Alors qu’une stratigraphie parlante est le meilleur moyen pour serrer les datations, il arrive que les sondages ne livrent aucun indice, comme à Pergame, ainsi que le montre Lorentzen (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 119) ; dans ce cas, il convient d’affiner les comparaisons techniques entre les différents secteurs de la muraille concernée et d’examiner conjointement les murs de villes de la même région, où la datation est mieux fondée. Mais les connaissances progressent vite et il faut suivre les mises à jour : dans sa communication de 2007, publiée en 2010, Lorentzen considérait l’enceinte d’Éphèse comme l’une des rares sûrement datées (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 119 et no43), or les Autrichiens sont maintenant revenus sur cette idée13.

Parties et éléments constitutifs des murailles

11 Ce qui ne change pas, si l’on rapproche les publications récentes et celles de la fin du XIXe siècle ou de la première moitié du XXe siècle, ce sont les parties des murailles qui font l’objet d’une attention toute spéciale, après les habituelles remarques sur le tracé, à l’aide d’un éventail de comparaisons régulièrement élargi. Pour le tracé, de nombreux remparts sont concernés par la notion fondamentale de Geländemauer ou mur territorial, introduite par l’architecte Armin von Gerkan ; ces « circuits larges » englobent un espace plus important que la surface bâtie de la ville, comme on peut le voir dans l’ouvrage dirigé par Yves Grandjean et dans les actes de colloque d’Istanbul (à Messène, Priène, etc.). Pour améliorer la défense, un mur transversal, le diateichisma, a donc assez souvent été élevé. Alexander Sokolicek résume sa thèse consacrée aux diateichismata, soutenue en 2003 et publiée seulement en 2009, avec une mise à jour partielle14 : c’est surtout aux époques classique et hellénistique que ce procédé a été utilisé, avec un rapport différent au plan urbain et une fonction différente selon les villes (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 219-237).

12 Après les états successifs ou les renforcements des courtines, et leurs éventuels ouvrages en avancée (plusieurs sections d’un proteichisma à Thasos), les tours sont les éléments les plus importants du système défensif. Le tronçon étudié dans la publication de Paestum n’en possède qu’une, alors qu’elles ont été multipliées et diversifiées sur le reste de l’enceinte, comme à Thasos et en Asie Mineure, sachant que les tours de plan quadrangulaire, les plus faciles à construire, sont restées partout les plus fréquentes. Thasos se distingue par une superbe tour-porte monumentale, dont la façade urbaine est ornée d’une architecture décorative, le tout ayant pu être restitué d’après les blocs gisant à terre. 13 Le site de Thasos offre une autre particularité, celle des portes protégées par des divinités sculptées. La Porta Sirena (surmontée d’une clé de voûte sculptée en forme de sirène) est la mieux conservée en hauteur et la seule des quatre portes de Paestum encore en fonction. Mais alors que dans la grande majorité des villes grecques, depuis

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l’époque archaïque, les principales artères urbaines sont en concordance avec les portes de la ville, Messène fait exception. Partout, plusieurs portes ont bénéficié de reconstructions et d’adjonctions (bastions, escaliers, et même finalement une herse à Paestum, etc.) ; toutefois, la plus fascinante est sans conteste la porte d’Arcadie à Messène, qui s’ouvre sur une cour ronde aux murs présentant un magnifique parement broché sur une taille en bossage. C’est pourquoi la valeur de ce bossage ainsi que celle des portes à cour sont étudiées respectivement par Jürgen Giese et Ute Schwertheim (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 85-95 et 97-106).

Fonction et sémantique des murailles

14 Dans nos trois publications, comme dans d’autres récemment parues, les maçonneries des murs sont encore et toujours analysées très en détail, évidemment en raison de leur esthétique, puisque pour les Grecs une muraille devait servir à l’« ornement » de la cité 15. Tout nouvel arrivant – a fortiori si ce sont des ennemis – devait être d’emblée impressionné par la vue de ces murs représentatifs des capacités et, en conséquence, de la puissance et de l’autonomie des habitants ; ceux-ci, de leur côté, devaient pouvoir s’identifier à leurs remparts, surtout dans les colonies, face aux indigènes. Cette sémantique des fortifications, sur laquelle insiste aussi la publication thasienne, constitue un thème central du colloque de l’Institut allemand d’Istanbul, subtilement analysé par Uli Ruppe à partir du cas de Priène (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 141-163) et par Eric Laufer à propos des murailles de Pednelissos, de Sillyon et d’Adada, qui relèvent du standard de la basse époque hellénistique en Pamphylie- Pisidie (au sud-ouest de la Turquie ; LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 165-195). Elles semblent avoir eu pour principale fonction, non de défendre, mais de conforter les habitants dans leur sentiment d’être au « niveau » des autres cités (LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 165-193).

15 Des responsables du patrimoine culturel veillent aujourd’hui à la conservation et, si possible, à la restauration des remparts antiques. Mais la présentation de ces symboles de la ville est de plus en plus souvent l’affaire d’équipes spécialisées, distinctes de celles qui ont en charge la publication, d’où, parfois, des voix discordantes. Seule la publication de Paestum se préoccupe longuement des questions de restauration, grâce à l’expertise des architectes Paolo Vitti et Ottavio Voza (CIPRIANI, PONTRANDOLFO, 2010, p. 289-353) : il s’agit de prévenir les dégradations tout en conservant à la ruine sa valeur de document historique. Il est vrai que le site de Paestum possède une certaine expérience en la matière, puisque différents états de restauration sont visibles le long de l’enceinte, en particulier au sud-est sur la tour 27, qui fut dotée d’un toit et transformée en pigeonnier au XIXe siècle.

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NOTES

1. Voir précisément Rune Frederiksen, Greek City Walls of the Archaic Period, 900-480 BC, (Oxford Monographs on Classical Archaeology), Oxford/New York, 2011. L’auteur a tenté de centrer son propos sur ces rapports entre polis et fortifications, mais cet essai aurait cependant besoin d’être transformé (voir par exemple la recension de John K.Papadopoulos, en ligne sur Bryn Mawr Classical Review : http://bmcr.brynmawr.edu/2012/2012-05-08.html). 2. LORENTZEN, PIRSON, SCHNEIDER, 2010, p. 57-106. 3. Cette expression, connue par le Pseudo-Skylax et par Strabon, s’applique en grec à un port « pouvant être fermé », en principe par une estacade à chaîne tirée de part et d’autre du goulet d’une rade aménagée en port militaire. Il faut relever que l’étude des ports antiques, qu’ils soient militaires ou commerciaux, tend à devenir une spécialité en soi. 4. Armin von Gerkan, Milet, II, 3, Die Stadtmauern, Berlin, 1935. 5. Fritz Krischen, Milet, III, 2, Die Befestigungen von Herakleia am Latmos, Berlin/Leipzig, 1922. 6. Mais il est alors parfois malaisé de bien suivre les nouveautés, les compléments et les repentirs. 7. Comme en témoignent des inscriptions et l’existence de ce couloir de circulation sur plusieurs sites : Marie-Christine Hellmann, L’Architecture grecque, 3, Habitat, urbanisme et fortifications, (Les manuels d’art et d’archéologie antiques), Paris, 2010, p. 323. 8. Il en va de même dans une autre publication italienne récente, pour un site très proche de Poseidonia-Paestum : Giuliana Tocco Sciarelli éd., Velia, La cinta fortificata e le aree sacre, Milan, 2009. 9. Melina Filimonos-Tsopotou, Rhodos, I, I ellinistiki ochyrôsi tis Rhodou, (Dimosievmata archaiologikou Deltiou, 86), Athènes, 2004. 10. Giorgos Steinhauer, I ochyrôsi kai i pyli tis Ietionias, Le Pirée, 2004. 11. Par comparaison avec les marques relevées à Pergame, selon l’ingénieur Manfred Bachmann, « Machtdemonstration und Kulturimpuls, die Festung auf dem Karasis », dans Felix Pirson, Ulrike Wulf-Rheidt éd., Austauch und Inspiration : Kulturkontakt als Impuls architektonischer Innovation, Kolloquium 2006 in Berlin,(Diskussionen archäologischen Bauforschung, 9), (colloque, Berlin, 2006), Munich, 2008, p. 67-81. En Occident, la paléographie des marques de la muraille de Vélia a conforté la datation hellénistique : Luigi Vecchio, « I contrasegni alfabetici sui blocchi », dans Tocco Sciarelli, 2009, cité n. 8, p. 135-139. 12. Robert L.Scranton, Greek Walls, Cambridge, 1941. 13. Selon Alexander Sokolicek, la porte de Magnésie, l’une des entrées principales de la ville d’É phèse, n’appartenait pas aux fortifications de Lysimaque comme on l’a longtemps cru, mais remonte à la seconde moitié du IIe siècle avant J.-C. (Alexander Sokolicek, « Chronologie und Nutzung des Magnesischen Tores von Ephesos », dans Jahreshefte des österreichischen archäologischen Instituts, 79, 2010, p. 359-381). 14. Diateichismata, Zu dem Phänomen innerer Befestigungsmauern im griechischen Städtebau, (Ergänzungshefte zu den Jahresheften des Österreichischen Archäologischen Institutes, 11), Vienne, 2009 (mais plusieurs notices sont à réécrire ; celle de Marseille, et celle de Thasos, où le diateichissma n’est pas un ajout mais date bien du tout début du Vesiècle, quand fut mise en place l’enceinte). 15. Aristote, Politique, 1331 a.

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INDEX

Keywords : construction techniques, fortification, restoration, urban planning, written sources Mots-clés : fortification, restauration, sources écrites, techniques de construction, urbanisme

AUTEUR

MARIE-CHRISTINE HELLMANN

Maison de l’archéologie et de l’ethnologie René-Ginouvès, Nanterre (CNRS, UMR 7041)

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Rituels et sanctuaires étrusques, d’une archéologie des tombeaux à une archéologie des cultes Archaeology of Etruscan rituals and sanctuaries, from tombs to devotional practices

Martin Bentz Traduction : Pierre Rusch

RÉFÉRENCE

Nancy Thomson de Grummond, Ingrid Edlund-Berry éd., The Archaeology of Sanctuaries and Ritual in Etruria, (Journal of Roman archaeology, Supplementary series, 81), Portsmouth (RI), Journal of Roman Archaeology, 2011. 167 p. ISBN : 978-18-878-2981-6 ; 87 $ (69 €). Daniele Federico Maras, Il dono votivo: gli dei e il sacro nelle iscrizioni etrusche di culto, (Biblioteca di « Studi Etruschi », 46), Pise/Rome, Fabrizio Serra, 2009. 514 p., fig. en n. et b. ISBN : 978-8-86227-087-8 ; 495 €. Lammert B. van der Meer éd., Material Aspects of Etruscan Religion, Proceedings of the International Colloquium Leiden, May 29 and 30, 2008, (Babesch supplements, 16), Louvain/ Paris/Walpole (MA), Peeters, 2010. 164 p., fig. en n. et b. ISBN : 978-9-04292-366-9 ; 65 €. Lammert B. van der Meer, Etrusco ritu: Case Studies in Etruscan Ritual Behaviour, (Monographs on Antiquity, 5), Louvain/Walpole (MA), Peeters, 2011. 167 p. ISBN : 978-9-04292-538-0 ; 78 €.

1 Les recherches en étruscologie ont depuis toujours offert une place centrale à la religion et aux rituels, dont la littérature ancienne révèle déjà l’importance. Rappelons seulement la remarque fréquemment citée de Tite-Live (HR, V, 1, 6), selon laquelle les Étrusques étaient un peuple « qui tenait plus que toute autre nation à l’observation des rites religieux, parce qu’il excellait dans la science du culte », ainsi que le jugement d’Arnobe (Adv. gent. II, 26), pour qui l’Étrurie est « la mère et l’origine de toutes les

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superstitions ». Tous les domaines de la société étrusque étaient gouvernés, selon ces auteurs, par la doctrine connue sous le nom de disciplina etrusca.

2 Les recherches modernes se divisent en plusieurs champs analysés selon les méthodes de la linguistique, des sciences de la religion et de l’archéologie. Elles portent sur le panthéon étrusque, les divinités et leur mode de représentation, sur les rituels religieux tels qu’ils peuvent être reconstitués grâce aux inscriptions, aux sources littéraires, aux images et aux découvertes archéologiques, ainsi que sur les sanctuaires où s’accomplissent ces actes religieux, caractérisés par une architecture et une décoration plus ou moins somptueuses. 3 Si la religion étrusque est étudiée depuis fort longtemps, c’est seulement récemment, depuis la seconde moitié du XXe siècle, que l’intérêt s’est porté sur les sanctuaires. Contrairement à la Grèce, où les fouilles des grands sanctuaires tels que Delphes et Olympie commencèrent au XIXe siècle, donnant lieu à des découvertes dont la publication rapide orienta la recherche, l’étruscologie resta longtemps une pure « archéologie des tombeaux ». 4 En 1975, Ambros Josef Pfiffig publia une tentative de synthèse, souvent critiquée dans le détail, sur la religion et les dieux étrusques1, à laquelle succédèrent vers le milieu des années 1980 les travaux pionniers de Giovanni Colonna et d’Ingrid Edlund-Berry sur les sanctuaires2. Dès 1992 se tint à Paris un colloque dont le sous-titre est : « État de la recherche sur la religion étrusque »3, dont les travaux, souvent cités, faisaient le point sur tous les aspects de la question. 5 De nombreuses études systématiques sont parues depuis sur le thème des dieux, de leur fonction et de leur représentation. La rédaction, étalée sur plus de trente ans, du Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae (LIMC) et les recherches menées à cette occasion donnèrent lieu à des progrès décisifs dans l’iconographie des dieux et des mythes. De nouvelles interprétations d’œuvres essentielles telles que le foie de Plaisance4 offrirent une image plus claire du panthéon étrusque, régulièrement enrichie par de nouvelles découvertes épigraphiques. Le Thesaurus Cultus et Rituum Antiquorum ( ThesCRA)5, conçu comme le prolongement du LIMC, aborde plusieurs aspects du rituel mais sans faire preuve d’une approche aussi systématique. Depuis vingt-cinq ans paraissent régulièrement des volumes du Corpus delle stipi votive in Italia (« Corpus des dépôts votifs »), qui présentent les résultats des recherches menées dans les sanctuaires6. D’autres types d’ex-voto ont fait l’objet de monographies, tandis que de nombreux musées ont publié des catalogues sur les découvertes livrées par les sanctuaires étrusques ou italiques7. 6 Outre les travaux sur les dieux et les cultes, l’étude plus spécifique des sanctuaires a également progressé ces trente dernières années. Les résultats des grands chantiers, déjà anciens, de Pyrgi et Gravisca sont publiés régulièrement leurs résultats8 ; Monica Miari a étudié systématiquement tous les lieux de culte, généralement de petite taille, de l’Étrurie padane9 et de nombreuses découvertes, ainsi que les relectures de monuments connus depuis longtemps et dont il sera question plus loin, ont également relancé la discussion. On observe depuis peu une nouvelle tendance à la systématisation, qui donne lieu à une série de monographies synthétiques, d’ouvrages collectifs et de colloques qui se succèdent à un rythme effréné10. Il faut désormais se demander vers quoi tendent ces nouvelles recherches et si l’élargissement des corpus matériels permet d’ouvrir des perspectives inédites.

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7 Les ouvrages récents présentés ici participent de diverses manières à la discussion. Il dono votivo : Gli dei e il sacro nelle iscrizioni etrusche di culto de Daniele Frederico Maras publié en 2009 est un travail fondamental comprenant toutes les inscriptions votives étrusques, assorties de commentaires utiles sur la langue, les dieux, les objets inscrits et les acteurs impliqués. Il est pour les chercheurs un outil extrêmement utile où se trouvent résumées des décennies de recherches. Ce même caractère méthodique est également présent dans Etrusco ritu : Case Studies in Etruscan Ritual Behaviour de Lammert B. van der Meer (2011), qui, au moyen de méthodes à la fois linguistiques, historiques et archéologiques, présente des études de cas des différents types de rituels : familiaux, funéraires, publics. Son livre tente d’effectuer une « coupe transversale » de la société étrusque, ce qui n’avait pas été fait jusqu’à présent. Une approche plus ouverte, moins systématique et essentiellement fondée sur une méthode archéologique se dessine dans les deux actes de colloques (Material Aspects of Etruscan Religion, dirigé par Van der Meer, et The Archaeology of Sanctuaries and Ritual in Etruria dirigé par Nancy Thomson de Grummond et Ingrid Edlund-Berry) qui se complètent parfaitement et proposent un état des découvertes archéologiques récentes et des nouvelles discussions concernant des monuments ou des pratiques déjà connus.

Découvertes et typologie des sanctuaires

8 Le point de départ pour la définition et la typologie des sanctuaires étrusques reste aujourd’hui encore le catalogue d’exposition réalisé en 1985 par Giovanni Colonna, Santuari d’Etruria11. Les sanctuaires nouvellement découverts étudiés ces dernières années ont d’une part révélé des formes architectoniques jusqu’alors inconnues, et d’autre part ont conduit à réévaluer la typologie et la fonction de ces espaces. La distinction entre sanctuaires urbains, suburbains, extra-urbains ou ruraux n’est plus suffisante ; il faut décrire chacun individuellement selon sa situation et sa fonction particulières. Nombre des contributions dans les deux actes de colloques proposent justement des cas d’étude permettant de saisir les particularités des différents sites. Ainsi, les sanctuaires urbains de grands temples dans des métropoles comme Tarquinia, évoqués par Giovanna Bagnasco Gianni (DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011, p. 45-54), ont d’autres formes et d’autres fonctions que ceux d’une ville comme Marzabotto, étudiés par Giuseppe Sassatelli et Elisabetta Govi (VAN DER MEER, 2010, p. 17-28) ou ceux de petites colonies comme Cetamura, analysés par De Grummond (GRUMMOND, EDLUND- BERRY, 2011, p. 68-88), dont certains ne peuvent être désignés comme « urbains ». Des sanctuaires extra-urbains peuvent également présenter des caractères tout à fait différents du seul fait de leur taille ou de leur situation : à proximité d’un port, comme celui de Gravisca étudié par Lucio Fiorini et Mario Torelli (VAN DER MEER, 2010, p. 29-50), ou près d’une frontière territoriale, comme celui de Poggio Colla décrit par Gregory P. Warden (DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011, p. 55-67). Comme celui de Campo della Fiera examiné par Simonetta Stopponi (DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, p. 16-44), d’autres pouvaient servir de sanctuaire fédéral. Le rapport du sanctuaire au paysage, par exemple sa situation au sommet d’une colline, sur un versant, auprès d’une source ou dans un réseau de voies, doit aussi être pris en considération.

9 Enfin, les chercheurs discutent à nouveau la structure interne des sanctuaires, dont les formes varient de la simple aire clôturée ou de la construction rudimentaire, aux ensembles complexes. Le temple de Marzabotto avec son parvis, ses propylées et ses

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bâtiments annexes étudiés par Giuseppe Sassatelli et Elisabetta Govi (VAN DER MEER, 2010, p. 20-25), le conglomérat de plusieurs édifices et périmètres cultuels à Gravisca analysés par Lucio Fiorini et Mario Torelli (VAN DER MEER, 2010, p. 29-50) ou le vaste site nouvellement mis à jour à Campo della Fiera en sont des preuves. Les récentes découvertes permettent en tout cas d’effectuer des différenciations beaucoup plus fines, qui formeront la base d’études générales et ouvriront ainsi une nouvelle compréhension des sanctuaires. 10 La découverte la plus significative est sans aucun doute celle du sanctuaire de Campo della Fiera, qui fut actif depuis l’époque archaïque jusqu’à l’Empire romain, et dont Simonetta Stopponi a fourni la première description détaillée (DE GRUMMOND, EDLUND- BERRY, p. 16-44). D’après les résultats obtenus, il s’agit sans aucun doute du sanctuaire fédéral des Étrusques, du Fanum Voltumnae si longtemps recherché. Maintes spéculations savantes sur sa situation et sa configuration peuvent désormais être classées. Les fouilles à ce jour ont dégagé une large voie pavée, une enceinte sacrée, un édifice cultuel avec un autel monumental, un trésor et de nombreuses offrandes votives. On ne peut qu’espérer que les fouilles reprendront bientôt et donneront lieu à une publication circonstanciée. 11 Autrefois, la discussion sur les temples et les constructions cultuelles était fortement tributaire de la notion de « temple toscan » défini par Vitruve, auquel aucun édifice réel ne correspond vraiment. Le temple récemment découvert à Marzabotto, par prospection géophysique, dont Sassatelli et Govi nous donnent les détails (VAN DER MEER, 2010, p. 20-25), est un vaste édifice périptère du Ve siècle avant J.-C., présentant une colonnade impaire à l’arrière. Dans le temple de l’Ara della Regina à Tarquinia que Bagnasco Gianni a étudié (DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011, p. 45-54), les recherches ont permis de différencier, pour la première fois de manière convaincante, trois phases de construction. La première se distingue par l’édification d’une cella dotée d’un profond vestibule, la seconde par l’adjonction de prolongements latéraux et de colonnes engagées, et la troisième par la création de salles postérieures et d’une grande terrasse sur le devant12. Même l’aspect du temple de Jupiter sur le Capitole à Rome, construit à l’initiative des rois étrusques et longtemps cité comme l’exemple princeps du temple toscan, se trouve remis en question par les nouvelles fouilles d’Anna Mura Sommella. Depuis leur publication, au moins quatre plans et autant de reconstitutions, très différents les uns des autres, ont été proposés13. 12 Outre les grands temples, il existe d’autres formes d’édifices cultuels que les chercheurs tentent d’identifier. Par exemple, le bâtiment rectangulaire de Poggio Colla n’a pas été reconstitué avec certitude jusqu’à présent, mais il comporte manifestement dans ses dernières phases une grande cour. L’édifice cultuel de Cetamura présente également une forme trapézoïdale inhabituelle, avec des salles annexes. Dans le sanctuaire de Gravisca, des enceintes tracées sur un plan rectangulaire irrégulier ont été trouvées par Fiorini et Torelli (VAN DER MEER, 2010, p. 29-50), dont certaines comportent un portique, des cellas simples et parfois un vestibule. L’analyse des toitures et des revêtements de terracotta s’annonce aussi très importante14. 13 Ces nouvelles observations montrent que l’étude scientifique des édifices cultuels étrusques en est encore à ses débuts et recèle un potentiel important. La diversité des formes, leur apparition dans le cadre des contacts culturels avec les Phéniciens et les Carthaginois, de même qu’avec les colonies grecques du sud de l’Italie, offrent de

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nombreuses pistes ; les reconstructions sur lesquelles nous nous appuyons doivent toutefois faire l’objet d’un questionnement critique.

La reconstruction du rituel

14 La représentation des dieux dans les sanctuaires étrusques est moins présente que dans les temples grecs ; la signification et la fonction de ces images sont aussi moins claires, comme l’a montré Katherine Rask (DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011, p. 89-112). Les objets votifs, qui présentent relativement peu de variantes, ne sont pas d’un grand secours pour identifier les divinités auxquelles était destiné le culte ; il faut pour cela se rapporter aux inscriptions, qui ont été récemment soumises à une révision systématique (MARAS, 2009). Les noms des dieux et leurs surnoms, en particulier, permettent petit à petit de préciser les contours de certaines divinités quasi inconnues à ce jour, et dont nous ne connaissons généralement pas l’aspect puisqu’elles ne figurent dans aucun mythe. La tentative de Maurizio Harari d’interpréter des dieux et des personnages mythiques représentés dans la sculpture architecturale, au moyen de comparaisons iconographiques, afin de déchiffrer en quelque sorte le génome plastique des sanctuaires, n’est pas moins stimulante (VAN DER MEER, 2010, p. 83-104).

15 La publication accélérée d’anciens matériaux votifs, ainsi que l’emploi de méthodes de fouille et d’observation plus précises conduisent à une meilleure compréhension des rites qui s’accomplissaient dans les lieux de culte15. L’intérêt s’est alors davantage porté sur le public qui fréquentait ces sanctuaires ; l’analyse des objets votifs et des inscriptions a permis notamment de caractériser les pratiques de l’un et l’autre sexe, ou des différents groupes sociaux (MARAS, 2009). Certains sanctuaires étaient manifestement fréquentés plutôt par des femmes, d’autres majoritairement par des hommes comme l’a prouvé Helen Nagy (DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011, p. 113-126). À Cetamura se réunissaient de simples artisans, public étudié par De Grummond (DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011, p. 68-88), alors qu’on retrouvait un public international à Gravisca comme le montrent Fiorini et Torelli (VAN DER MEER, 2010, p. 29-50). La nature des offrandes peut également être révélatrice. Les plus luxueuses, par exemple, témoignent de la présence d’un public issu des élites locales. Francesco Roncalli et Ingrid Krauskopf ont également éclairé le rôle des prêtres dans le rituel par des études iconographiques (VAN DER MEER, 2010, p. 117-126 et 127-154).

16 L’activité majeure dans les sanctuaires est le sacrifice aux dieux16. Les autels nécessaires à cet effet font l’objet de fouilles et de nombreuses études typologiques à l’image de celle de Stephan Steingräber, Silvia Menichelli et Friedhelm Prayon (VAN DER MEER, 2010, p. 51-74 et 75-82). Non moins important est l’examen de la vaisselle cultuelle utilisée pour les sacrifices et l’alimentation rituelle. Auparavant, les recherches s’intéressaient surtout à la céramique de luxe, importée à grands frais, mais elles délaissaient la production plus modeste, d’origine souvent locale, qui n’est pas moins riche d’enseignements. Il est nécessaire de distinguer plus nettement les objets utilisés dans les sacrifices, ceux qui servaient aux repas rituels, ceux qui constituaient eux-mêmes des ex-voto et ceux destinés à l’usage profane. L’étude du rôle du vin dans le rituel notamment par Lisa Pieraccini (DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011, p. 127-138) apporte sur ce sujet de nouvelles lumières, même s’il conviendrait de différencier par une méthode plus rigoureuse, à partir des images, l’usage rituel du vin et de la vigne comme élément décoratif. Pendant des décennies, les chercheurs ont examiné les objets votifs

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d’argile et de bronze principalement sous un angle typologique, iconographique et stylistique. Leur interprétation dans le contexte du site de leur découverte, comme celle de Maria Bonghi Jovino ou celle de Warden, de De Grummond et de Nagy, livre cependant des résultats plus significatifs sur les dieux, le culte et les personnes impliquées (VAN DER MEER, 2010, p. 5-16 ; DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011, p. 55-67, 68-88 et 113-126). Les observations de Warden sur la manière de déposer les objets intacts ou délibérément brisés sont à ce sujet particulièrement instructives (DE GRUMMOND, EDLUND- BERRY, 2011, p. 55-67). Enfin, l’aspect performatif du rituel est révélé par la présence d’un lieu de rassemblement dans de nombreux temples qui prenait parfois la forme d’un théâtre, ce trait étant confirmé par de nombreux témoignages littéraires comme le montre Giovannangelo Camporeale (VAN DER MEER, 2010, p. 155-164).

17 À la différence des sanctuaires, les rites sacrés ou profanes – il serait artificiel de vouloir marquer ici une distinction rigoureuse – qui se déroulent dans d’autres contextes de la société étrusque n’ont pas été systématiquement étudiés, bien qu’il existe des travaux ciblés à leur sujet. C’est pourquoi Van der Meer dans Etrusco ritu : Case Studies in Etruscan Ritual Behaviour apporte à l’étruscologie une contribution originale et innovante, qui étudie sur un même plan les inscriptions, les sources littéraires, l’iconographie et les découvertes archéologiques en vue d’éclairer les rituels familiaux, funéraires et publics. Il faut certainement donner raison à l’auteur lorsqu’il conclut que les Étrusques, malgré le lieu commun antique rapporté au début du présent article, n’étaient ni plus religieux, ni plus attachés aux rites que d’autres peuples. De nombreux rituels familiaux, les rites de passage à l’occasion de la naissance, l’initiation des enfants et des adolescents, le mariage, etc. peuvent désormais être reconstitués et se révèlent en partie empruntés, du moins dans leur représentation picturale, à d’autres cultures. Les rituels funéraires demandent à être étudiés séparément, au sein de leurs époques respectives, mais ils intègrent toujours les caractéristiques d’un culte des ancêtres et différentes formes de sacrifice. Les rituels publics, quant à eux, en raison de l’absence des libri rituales, sont difficiles à reconstruire. Ils couvrent des pratiques aussi différentes que les actes de fondation des villes, qu’on peut se représenter désormais grâce aux découvertes de Marzabotto, les festivals et les processions périodiques, les cérémonies d’investiture ainsi que les célébrations calendaires. Ces études de cas seront certainement contestées sur tel ou tel point de détail, mais elles donnent ensemble une image vivante de la société étrusque.

18 Il a fallu que l’intérêt traditionnellement fort de l’étruscologie pour l’étude des tombeaux s’amenuise et que les nouvelles découvertes et les idées spectaculaires dans ce domaine se fassent plus rares pour que se dessine un élan créatif et ininterrompu dans les recherches sur les sanctuaires et les cultes étrusques. La publication en 1997 des actes du colloque de 1992, déjà évoquée, suggère que l’on ressentait déjà le besoin de rassembler de nombreuses recherches individuelles. Depuis, de multiples questions plus précises ont été traitées et résolues, et de nouveaux matériaux ont été découverts et diffusés. Ces résultats, par exemple sur le Campo della Fiera près d’Orvieto, sur Marzabotto et Tarquinia, ou sur les sanctuaires plus petits, sont en mesure de transformer profondément notre image des cultes étrusques même si ces nombreux éléments sont trop récents pour pouvoir déjà être analysés de manière globale et

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systématique. La phase de consolidation d’une nouvelle « archéologie des cultes » ne semble pas encore close. Au contraire, plusieurs questions inédites surgissent à présent, et d’anciennes certitudes, comme celles concernant l’aspect des temples, doivent être rediscutées. Une nouvelle archéologie des cultes est donc en train de voir le jour, mais elle est encore loin d’être achevée.

19 Ce besoin d’un bilan intermédiaire, et non d’un point final, se traduit également dans la bibliographie très utile et détaillée, classée par sites, des travaux sur les sanctuaires étrusques dans The Archaeology of Sanctuaries and Ritual in Etruria ( GRUMMOND, EDLUND- BERRY, 2011, p. 143-165). On se rend compte ici que des colloques bien organisés, malgré leur multiplication presque inflationniste17, jouent un rôle important et montrent le potentiel énorme des recherches sur les sanctuaires et les rituels, constituant la base de nouveaux travaux. Concernant le rituel et sa place dans les autres domaines de la société étrusque, les monographies systématiques de Maras (MARAS, 2009) et de Van der Meer (VAN DER MEER, 2011) représentent un progrès qualitatif, qui appelle maintenant des travaux d’approfondissement, à partir notamment des matériaux archéologiques.

NOTES

1. Ambros J. Pfiffig, Religio etrusca, Graz, 1975. 2. Santuari d’Etruria, Giovanni Colonna éd., (cat.expo., Arezzo, Sottochiesa di San Francesco, 1985), Florence/Milan, 1985; Ingrid Edlund-Berry, The Gods and the Place: Location and Function of Sanctuaries in the Countryside of Etruria and Magna Graecia (700-400 BC), Stockholm, 1987. 3. Françoise Gaultier, Dominique Briquel éd., Les Plus Religieux des Hommes : état de la recherche sur la religion étrusque, actes du colloque international, Galeries nationales du Grand Palais 17-19 novembre 1992, (colloque, Paris, 1992), Paris, 1997. 4. Lammert B. van der Meer, The Bronze Liver of Piacenza, Amsterdam, 1987. 5. Thesaurus Cultus et Rituum Antiquorum (ThesCRA), 1-8, Los Angeles, 2004-2012. 6. Corpus delle stipi votive in Italia, dont plus de vingt volumes sont parus depuis 1986, parmi lesquels huit concernent des sites étrusques. 7. Plusieurs de ces publications portent sur les bronzes. Par exemple, voir : Cristina Cagianelli éd., Bronzi a figura umana, (Monumenti musei e gallerie pontificie, cataloghi, 5), cité du Vatican, 1999 ; Fritzi Jurgeit, Josef Riederer, Die etruskischen und italischen Bronzen sowie Gegenstände aus Eisen, Blei und Leder im Badischen Landesmuseum Karlsruhe, Pise/Rome, 1999 ; Alessandro Naso, I bronzi etruschi e italici del Römisch-Germanisches Zentralmuseum, Mayence/Bonn, 2003. 8. Quatorze volumes sont parus à ce jour depuis 1993 dans la série Gravisca : scavi nel santuario greco. 9. Monica Miari, Stipi votive dell’Etruria padana, Rome, 2000. 10. Nancy T. de Grummond, Erika Simon éd., The Religion of the Etruscans, Austin, 2006 ; Margarita Gleba, Hilary Becker éd., Votives, Places and Rituals in Etruscan Religion : Studies in Honor of Jean MacIntosh, Leyde, 2009 ; VAN DER MEER, 2010 ; DE GRUMMOND, EDLUND-BERRY, 2011 ; les actes des colloques « Les cultes publics et privés chez les Étrusques, et leurs effets sur la politique et l’économie » à Vienne en 2008 et « Le Fanum Voltumnae et les sanctuaires communautaires de l’Italie antique » à Orvieto en 2011, n’ont pas encore été publiés.

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11. Santuari d’Etruria, 1985, cité n. 2. 12. Sur les terrasses, voir Jon Albers, « Tempel, Terrasse und Altar. Untersuchungen zum etruskischen Temenos », dans Anna Kieburg, Annette Rieger éd., Neue Forschungen zu den Etruskern, (BAR International Series, 2163), Oxford, 2010, p. 73-81. 13. On a ainsi imaginé le temple du Jupiter Capitolin doté de salles postérieures comme à Tarquinia, ou bien formant un édifice périptère, ou bien encore comme un bâtiment de moindres dimensions érigé sur un second podium. Voir Anna Mura Sommella, « Le recenti scoperte sul Campidoglio e la fondazione del Tempio di Giove Capitolino », dans Rendiconti : Atti della Pontificia accademia romana di archeologia, 70, 1997-1998, p. 57-79 ; Anna Mura Sommella et al., « Primi risultati delle indagini archeologiche in Campidoglio nell’area del Giardino Romano e del Palazzo Caffarelli », dans Bullettino della Commissione archeologica comunale di Roma, 102, p. 263-364 ; Margherita Albertoni, Isabella Damiani éd., Il tempio di Giove e le origini del Colle Capitolino, Milan, 2008 ; Gabriele Cifani, Architettura romana arcaica, Rome, 2008, p. 80-108 ; Anna Mura Sommella, « Il tempio di Giove Capitolino : una nuova proposta di lettura », dans Annali della Fondazione del Museo ‘Claudio Faina’, 16, 2009, p. 333-372 ; John W. Stamper, « The Temple of Capitoline Jupiter in Rome. A new Reconstruction », dans Hephaistos, 16-17, 1998-1999, p. 107-138. 14. Pour l’époque archaïque, voir maintenant : Nancy Winter, Symbols of Wealth and Power. Architectural Terracotta Decoration in Etruria and Central Italy, 640-510 B.C., Ann Arbor, 2009. 15. Parallèlement aux recherches purement archéologiques, de nouveaux efforts sont faits pour comprendre les textes rituels. Voir par exemple deux monographies récentes sur la « momie » de Zagreb : Lammert Bouke van der Meer, Liber Linteus Zagrabiensis : The Linen Book of Zagreb, Louvain, 2007 ; Valentina Belfiore, Il liber linteus di Zagrabia : Testualità e contenuto, Pise, 2010. 16. Sur cette question, voir Luigi Donati, Simonetta Rafanelli, « Il sacrificio nel mondo etrusco », dans ThesCRA, 1, Los Angeles, 2004, p. 136-182. 17. Les mêmes articles sont parfois inutilement republiés, au mieux seulement traduits en une langue différente, à l’occasion de ces manifestations à répétition.

INDEX

Keywords : archaeology, etruscology, material culture, sanctuary, ritual Mots-clés : archéologie, culture matérielle, étruscologie, rituel, sanctuaire

AUTEURS

MARTIN BENTZ

Universität Bonn

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Bâtiments et décors : nouvelles recherches sur l’architecture antique en Asie Mineure Buildings and decors: new research on ancient architecture in Asia Minor

Jacques des Courtils

RÉFÉRENCE

Elaine K. Gazda, Diana Y. Ng éd., Building a New Rome: The Imperial Colony of Pisidian Antioch (25 BC-AD 700), (Kelsey Museum publication, 5), Ann Arbor (Michigan), Kelsey Museum of Archaeology, 2011. 220 p., 168 fig. en n. et b., DVD. ISBN: 978-0-97418-734-1; $ 35 (27 €). Veronika Scheibelreiter-Gail, Die Mosaiken Westkleinasiens: Tessellate des 2. Jahrhunderts v. Chr. bis Anfang des 7. Jahrhunderts n. Chr, (Sonderschriften des Österreichisches archäologischen Institutes in Wien, 46), Vienne, Österreichisches Archäologisches Institut, 2011. 712 p. ISBN: 978-3-90030-560-4; 139 €. Bonna Daix Wescoat, The Temple of Athena at Assos, (Oxford Monographs on Classical Archaeology), Oxford, Oxford University Press, 2012. 344 p., 212 fig. en coul. et n. et b. ISBN : 978-0-19814-382-6 ; 110 £ (136 €).

1 Inaugurée au XVIIIe siècle par l’expédition des Dilettanti, la recherche sur l’architecture antique de l’Asie Mineure est encore aujourd’hui d’une grande vitalité. L’exceptionnelle prospérité culturelle qu’a connue cette région tout au long de l’Antiquité gréco- romaine en a fait un champ d’étude inépuisable et en constant renouvellement. Les savants français des XIXe et XXe siècles, architectes pour la plupart, incarnés par Louis Robert (même s’il n’était pas architecte), y ont apporté une contribution importante, mais l’absence d’une institution permanente aussi forte que l’École française d’Athènes ou l’École française de Rome a eu pour conséquences une continuité moins soutenue de la recherche et une visibilité moindre des résultats. Ce déficit scientifique n’a pas été

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entièrement compensé par l’existence de travaux certes mémorables, comme les fouilles de Bernard Haussoulier, d’Ernest Leroux et d’Emmanuel Pontremoli à Didymes à la fin du XIXe siècle, ou plus récemment la fouille du temple ionique hellénistique du Létôon de Xanthos par Erik Hansen et Christian Le Roy1. Les événements politiques ou des circonstances fortuites ont parfois imposé l’abandon de travaux prometteurs, comme ceux de Félix Sartiaux à Phocée, d’Yves Béquignon et Alfred Laumonier à Téos, de Roland Martin à Claros – ces derniers ayant heureusement repris depuis peu sous la conduite de Jean-Charles Moretti – ou encore de Laurence Cavalier et Didier Laroche à Smyrne au début des années 2000. L’aspect un peu chaotique de ces recherches traduit cependant le bouillonnement de l’activité qui règne en Asie Mineure et qui impose un suivi particulièrement attentif de la production scientifique internationale. Nous voudrions en donner ici un aperçu, en attirant l’attention sur trois excellents ouvrages rédigés par des chercheurs internationaux, couvrant une période chronologique large, abordant des vestiges architecturaux de natures variées et qui enrichissent, par des approches différentes, notre connaissance de l’architecture gréco-romaine en Asie Mineure.

2 L’ouvrage de Bonna DaixWescoat, The Temple of Athena at Assos, est la publication intégrale du célèbre temple d’Athéna à Assos et de son décor, remontant à l’époque archaïque. Celui dirigé par Elaine K. Gazda et Diana Y. Ng, intitulé Building a New Rome : The Imperial Colony of Pisidian Antioch, est un recueil de textes actualisant les connaissances sur les monuments et l’urbanisme de la ville romaine d’Antioche de Pisidie. Enfin, le livre de Veronika Scheibelreiter-Gail, Die Mosaiken Westkleinasiens : Tessellate des 2. Jahrhunderts v.Chr. bis Anfang des 7. Jahrhunderts n.Chr, est un corpus raisonné des mosaïques d’Asie Mineure occidentale de la fin de l’époque hellénistique à l’époque tardo-antique. De l’architecture au pur décor mosaïqué en passant par la mise en perspective des monuments d’une ville, le parcours ici proposé devrait permettre de mesurer la vitalité des recherches actuelles sur l’architecture de l’Asie Mineure antique, en mettant en résonance certaines de ses caractéristiques les plus marquantes : d’une part son éclectisme, d’autre part son évolution esthétique.

Éclectisme

3 En réalité, la publication de Wescoat n’est pas la première à porter sur le fameux temple d’Athéna2. L’intérêt du présent ouvrage ne réside pas seulement dans un réexamen extrêmement attentif et prudemment critique des données connues, mais aussi dans la possibilité qu’a eue l’auteur d’accéder aux résultats des fouilles menées par Ümit Serdaroğlu de 1980 à 1982 et d’y être associée de 1983 à 1987. Wescoat en a profité pour réexaminer l’ensemble du matériel architectural ainsi que la décoration qui en est indissociable, et elle les met en perspective avec beaucoup de rigueur afin de situer le temple et son décor dans l’histoire de l’art grec archaïque. Or le trait le plus marquant de cet édifice, selon elle, est son éclectisme, voire son incohérence. Son plan est rare, certaines de ses proportions le sont aussi, et l’on peut même observer des traits stylistiques contradictoires, les uns plutôt caractéristiques de la première moitié du VIe siècle, les autres de la fin du même siècle. La particularité la plus inhabituelle réside toutefois dans sa parure sculptée car, si l’édifice ne disposait pas de frontons décorés, il n’en présentait pas moins une opulence décorative inédite dans l’ordre dorique : les métopes des deux façades et du pronaos étaient sculptées, et l’architrave

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affichait sur les deux façades ainsi que sur une partie des longs côtés un décor de bas- reliefs représentant des scènes de banquets et des animaux réels (taureaux et autres) ou fabuleux (sphinx). De plus, à l’époque archaïque, c’est le seul temple d’ordre dorique construit sur la côte de l’Asie Mineure et la raison de ce choix stylistique est loin d’être évidente. Aussi, la gageure qu’a relevée Wescoat en travaillant sur ce temple était particulièrement risquée, car elle s’est confrontée à la fois aux caractéristiques internes du temple et à ses rapports stylistiques avec les édifices contemporains, cet aspect étant à son tour rendu complexe par l’absence de critère matériel de datation et par l’incohérence des comparaisons entre les styles existants.

4 L’auteur montre que le matériau, la main-d’œuvre et l’architecte du temple d’Assos sont locaux, sans l’ombre d’un doute. Le choix de l’ordre dorique, lui, relève certainement d’une volonté de se démarquer de l’ambiance ionique qui dominait alors en Asie Mineure. Le tableau doit être toutefois doublement nuancé : d’une part, aucun modèle ni prototype n’est repérable et, d’autre part, le temple d’Assos révèle tout de même une forte influence des traditions artistiques de l’Asie Mineure. Du point de vue de l’architecture comme de la sculpture, cet édifice possède quelques points communs avec le temple H de l’Acropole d’Athènes, mais il présente également des affinités avec les édifices du Péloponnèse et de Sicile. L’utilisation même de l’ordre dorique est peut- être due à une volonté d’innover, mais l’exécution est locale et la meilleure explication est sans doute de l’attribuer à un architecte travaillant sans modèle précis et s’essayant au dorique sans en saisir toutes les finesses. En outre, certains détails (la crépis, le plan du sèkos) trouvent des affinités avec l’ionique d’Asie Mineure et avec l’iconographie sculptée ou vasculaire de cette région. Seul le bas-relief de la lutte d’Héraclès et du Triton renvoie clairement aux frontons de pôros de l’Acropole d’Athènes, mais tout le reste appartenant au bestiaire familier des artistes grecs de l’Est. On serait même tenté d’aller un peu plus loin que Wescoat et d’interpréter certains traits comme étant spécifiquement locaux : les proportions réduites de l’édifice, l’estompement de la crépis et la présence de motifs répétitifs créant une frise discontinue (sur l’architrave) sont des caractéristiques que l’on retrouve précisément dans l’architecture du nord-est de l’Asie Mineure (« frises » en terre cuite des simas de Phocée, Larissa) et de Lesbos (Assos était une colonie de Méthymna). En somme, s’il n’était pas dorique, le temple d’Assos s’inscrirait particulièrement bien dans l’ambiance artistique du nord-ouest de l’Asie Mineure, que l’on peut qualifier d’éolique mais qui révèle ici toute sa complexité (les sculptures présentent en effet des traits stylistiques phrygiens et surtout lydiens). 5 À Antioche de Pisidie, la prégnance du substrat anatolien apparaît moins nettement, mais cette ville romaine n’y est pas moins sensible. Son urbanisme régulier date probablement de ses origines séleucides, mais la ville fut ensuite profondément remaniée lorsqu’elle reçut sous Auguste une colonie romaine et fit l’objet d’un programme urbanistique dont les paraphernaux de l’empire accaparèrent le premier plan. La présence du temple d’Auguste révèle la double nature de cette ville : il apparaissait au visiteur antique dans l’écrin d’un portique à étage en demi-lune adossé au rocher taillé. L’étude nouvelle proposée par Benjamin Rubin dans Building a New Rome (GAZDA, NG, 2011, p. 33-60), illustrée d’une reconstitution en 3D, permet d’apprécier la mise en scène impériale du temple, qui semble avoir été en réalité consacré à Jupiter Optimus Maximus, à Auguste et au génie de la colonie. Or la réaffectation du temple à ces trois divinités apparaît, dans sa forme tripartite, comme peu romaine et fortement teintée d’hellénisme anatolien : Rubin y voit l’influence d’une élite locale gréco-

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phrygienne qui aurait réussi à préserver son influence dans la jeune colonie. La mise en scène du temple trouve des échos dans plusieurs sanctuaires indigènes anatoliens (disposition en terrasse du Létôon de Xanthos), même si la stricte axialité du dispositif est davantage romaine que grecque et fournit le point focal du réaménagement de la ville qui comprend aussi deux plateiai caractéristiques de l’Orient romain, dont une terminée par un majestueux nymphée. Le temple extra-urbain du dieu Mên est également typique de ces sanctuaires indigènes qui ont été maintenus et même promus à l’époque grecque puis à l’époque romaine. Une véritable voie sacrée, ponctuée d’inscriptions rupestres, amenait le pèlerin à ce sanctuaire situé sur un sommet proche de la ville et réaménagé au IIe siècle après J.-C.

6 L’analyse urbanistique et architecturale d’Antioche permet aussi de fournir une nouvelle image de son théâtre. Il faut abandonner l’hypothèse d’une extension de cet édifice qui aurait empiété sur le tracé d’une rue et obligé à faire passer celle-ci dans un tunnel, au profit d’une vision plus simple et dynamique de ce monument qui fut transformé en arène vers la fin du IIIe siècle après J.-C., comme cela est souvent le cas au même moment dans les théâtres d’Asie Mineure – région qui a accueilli un nombre infime d’arènes véritables. Hima B.Mallampati et Ünal Demirer proposent aussi un rapprochement intéressant entre le plan en hémicycle et la décoration sculptée du théâtre et du temple de Jupiter, deux monuments majeurs de la cité pouvant être associés au culte impérial (GAZDA, NG, 2011, p. 61-84). Enfin, Adrian J.Ossi montre que l’iconographie de l’arc d’Hadrien et de Sabine, dont il propose une nouvelle restitution, comporte des réminiscences de l’arc d’Auguste ainsi que des allusions iconographiques au culte de Mên, autre exemple intéressant d’association de cultes de natures diverses à des fins politiques, honorant aussi bien un empereur « importé » (tout en renvoyant à son glorieux prédécesseur) qu’une divinité indigène traditionnelle. 7 Les mosaïques de l’Asie Mineure occidentale permettent de détecter sur une durée encore plus longue l’éclectisme immanent à cette région du monde antique. Comme le montre la courageuse synthèse de Scheibelreiter-Gail, qui fournit et décrit la totalité de la documentation aujourd’hui disponible, l’Asie Mineure a mis au point un art remarquable de la mosaïque au cours de la période hellénistique, tout particulièrement à Pergame, si bien que l’un de ses grands noms, Sôsos, eut l’honneur d’être le seul mosaïste nommément cité par Pline (NH, XXXVI, 25, 184), à propos de son fameux asarôtos oikos. C’est une des premières régions qui expérimente les tesselles polygonales, puis les tesselles cubiques dès le IIe siècle avant J.-C. Dans ce contexte, on voit apparaître au Ier siècle avant J.-C. des sols cimentés avec un décor linéaire très simple dessiné au moyen de tesselles. Cette innovation est à mettre au compte de l’installation de Romains ou du moins d’Italiens. La variété des techniques qui se développent ensuite témoigne d’une grande liberté et du caractère local des ateliers : on voit en effet apparaître des sols réalisés en tessellatum aussi bien qu’en techniques mixtes de diverses natures (opus sectile, opus signinum …). L’une des qualités du livre de Scheibelreiter-Gail, bien ordonné mais qui souffre de la surabondance de la documentation, est précisément de montrer qu’à côté des exemples des maisons de la pente à Éphèse, numériquement dominantes parce que bien conservées et bien fouillées, le reste de la côte de l’Asie Mineure, du nord au sud, présente des mosaïques nombreuses mais isolées qu’il est actuellement impossible de rattacher à des courants repérables, et ce en raison de la qualité inégale des fouilles et des publications. Toutefois, quelques tendances artistiques se dessinent : avec les influences occidentales

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déjà signalées arrivent les décors linéaires en noir sur blanc, caractéristiques de l’Occident romain et retrouvés évidemment en abondance à Éphèse. Les ateliers locaux vont rapidement faire évoluer ce style en y ajoutant des couleurs, sans qu’il soit possible, comme le souligne prudemment Scheibelreiter-Gail, de détecter là une tendance linéaire qui pourrait fournir un critère de datation. 8 L’auteur rend compte aussi d’une évolution dans la composition des mosaïques, marquée par l’abandon progressif des constructions graphiques focalisées sur un tableau placé au centre de la pièce, séparé du pied des murs par des bandes de sol en mortier brut sans mosaïque, qui avaient fleuri à l’époque hellénistique. Progressivement, la mosaïque s’est étendue à toute la superficie des pièces, mais sa bordure extérieure était généralement faite en tesselles uniformément blanches, donnant l’illusion d’un tapis décoré posé sur un sol clair. Cette mise en œuvre des décors va à son tour évoluer entre le IIIe et le IVe siècle, de façon à diverger fortement de celle pratiquée dans les ateliers levantins, qui ont conservé plus fidèlement les traditions hellénistiques. Les mosaïques d’Asie Mineure occidentale voient alors en effet disparaître la bordure blanche et le décor s’étendre à la totalité de l’espace au sol. Cette évolution s’accompagne de l’enrichissement et de la multiplication de décors géométriques de plus en plus foisonnants. Ceux-ci fournissent parfois un cadre à des éléments figurés de petite taille inscrits dans des médaillons et se subdivisant en tapis, chacun caractérisés par une série de motifs donnés dans un cadre rectangulaire où l’on voit notamment se multiplier les décors cordés avec des effets illusionnistes de volume. Le présent livre illustre abondamment cette évolution, caractéristique de l’Asie Mineure.

Évolution des décors dans l’architecture

9 Des décors pour les dieux qui ornent le temple d’Assos aux décors privés des maisons tardo-antiques, en passant par les décors politiques des monuments impériaux d’Antioche, les livres qui nous intéressent ici présentent une gamme assez convenue des possibilités décoratives de l’architecture antique. Dans le même temps, ils fournissent aussi l’occasion de réfléchir sur les risques d’une analyse trop extérieure qui s’en tiendrait à l’identification de tendances aisément repérables et bien connues ailleurs. L’Asie Mineure développe à l’époque archaïque une floraison décorative qui doit sans doute beaucoup à sa prospérité économique ainsi qu’à ses contacts avec l’Orient : motifs végétaux (lotus, palmettes), animaux (réels ou mythiques), décors abstraits (ove, rais de cœur, astragales). Tous n’ont pas été créés sur place mais beaucoup ont été assimilés et se sont multipliés très tôt. D’un bout à l’autre de son histoire, la parure décorative s’étend et s’enrichit, pour répondre, entre autres, à une demande de plus en plus privée que Scheibelreiter-Gail nous invite à ne pas traiter de façon trop linéaire. Si le luxe décoratif est d’abord réservé aux dieux et devient progressivement accessible aux hommes, comme le prouvent les mosaïques et les peintures qui se multiplient à partir de l’époque hellénistique et envahissent désormais progressivement toutes les surfaces, Scheibelreiter-Gail montre bien qu’à l’époque tardo-antique, les églises et les bains en bénéficient presque autant que les maisons particulières.

10 Au-delà de la rémanence déjà soulignée de traits indigènes, qui infléchit évidemment le cours des arts, la confrontation des trois ouvrages ici considérés permet de détecter,

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sous les tendances générales des époques parcourues, un certain particularisme de l’Asie Mineure. L’architecture archaïque de cette région trouve en quelque sorte dans le temple d’Assos l’exception qui confirme la règle de son époque, par l’emploi hétérodoxe qui est fait de l’ordre dorique : nous avons affaire à un architecte imaginatif qui butine dans les réalisations de son temps les éléments d’un édifice hors norme, dont Wescoat démontre avec excellence que les critères d’analyse architecturale habituels aboutissent à des résultats contradictoires (WESCOAT, 2012, p. 204-231). Le décor sculpté du temple lui-même n’est que faussement ionisant : assurément, la frise continue est une forme décorative propre à plusieurs temples ioniques de l’époque hellénistique, mais par la suite on la trouve dans des édifices très divers, comme le Parthénon (dorique) ou le monument des Néréides (ionique). Nous n’avons toutefois pas affaire ici à une véritable frise, car chaque bloc de l’architrave se présente comme un panneau sculpté indépendant et sans continuité. Seule la juxtaposition des blocs donne l’illusion d’une frise continue tout comme dans les simas moulées en terre cuite de la même époque. De plus, comme le souligne Wescoat (WESCOAT, 2012, p. 232-235), on ne peut parler ici de programme iconographique puisque les images sont empruntées à des répertoires divers et sans grand rapport entre eux (sphinx, Pholoé, fauves, banquet). Il s’agit donc de pures « images pour les dieux », en aucun cas d’un programme religieux analogue à ceux des tympans de nos cathédrales. 11 Totalement différente et assurément plus convenue est l’utilisation qui est faite de l’architecture à l’époque impériale dans une colonie romaine comme Antioche. Un véritable programme est mis au service des empereurs dans une visée de propagande réfléchie et gravée dans la pierre des bâtiments et des statues. Les articles réunis dans le livre de Gazda et Ng montrent bien l’aspect à la fois social (rapports entre colons et indigènes) et politique (culte impérial) de cette utilisation cohérente, programmée et à grande échelle de l’architecture et de sa décoration ainsi que d’un urbanisme focalisé sur le temple du culte impérial (GAZDA, NG, 2011, p. 61-84). Cette pratique se retrouve évidemment ailleurs dans le monde romain, mais elle prend un relief particulier en Asie Mineure du fait de la vitalité des traditions et de la culture gréco-indigène qui y fleurissaient avant l’irruption de la colonie romaine. 12 Enfin, avec le développement précoce de l’art de la mosaïque sur la côte de l’Asie Mineure se prépare l’extraordinaire épanouissement de l’époque tardo-antique, décrit dans l’ouvrage de Scheibelreiter-Gail. Les mosaïques envahissent alors littéralement les maisons (les plus luxueuses en tout cas) et sont un peu moins présentes dans les édifices publics civils. Ce dernier ouvrage n’évoque que marginalement les aspects architecturaux, qui ne sont pas son sujet, mais il met de ce fait encore plus en avant la luxuriance décorative des mosaïques qui caractérise au premier chef cette époque sans lendemain et aboutit pour ainsi dire à une subversion de l’architecture traditionnelle, puisque le décor y prend très largement le pas sur l’art de la construction, alors plutôt en retrait. Les thèmes des décors privilégient les allusions épicuriennes à l’abondance et à la vie tranquille tout en conservant quelques évocations mythologiques qui leur sont liées (cortèges marins ou dionysiaques) mais, curieusement, il s’avère difficile de détecter de véritables programmes, ces choix semblant davantage liés à un simple souci de décoration. 13 Éclatée tout au long de son histoire en ateliers de construction locaux, que ni les royautés hellénistiques ni l’empire romain n’ont homogénéisés, l’Asie Mineure offre aux chercheurs un champ unique par sa richesse et sa variété. Les trois ouvrages ici

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considérés montrent qu’elle peut être appréhendée par des biais divers et que chaque démarche offre des apports légitimes et féconds. Dans le domaine antique, où une certaine conception contemporaine de l’archéologie tend parfois à disqualifier l’histoire de l’art, il est réconfortant de constater que l’étude de l’architecture a encore une ample matière et fournit toujours des fruits savoureux.

NOTES

1. Erik Hansen, Christian Le Roy, Le Temple de Léto au Létôon de Xanthos : étude architecturale, (Fouilles de Xanthos, XI), Aarhus, 2012. 2. Joseph T. Clarke, Francis H. Bacon, Robert Koldewey, Investigations at Assos : Drawings and Photographe of the Buildings and Objects Discovered during the Excavations of 1881-1882-1883, Londres, 1902-1921 ; Ursula Finster-Hotz, Der Bauschmuck des Athenatempels von Assos : Studien zur Ikonographie, Rome, 1984.

INDEX

Mots-clés : architecture, dorique, ionique, opus tesselatum, urbanisme Keywords : architecture, doric, ionic, opus tesselatum, urban planning

AUTEURS

JACQUES DES COURTILS

Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3, I.U.F.

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Recent approaches to the study of Roman portraits Approches récentes à l’étude du portrait romain

Barbara E. Borg

REFERENCES

Jane Fejfer, Roman Portraits in Context, (Image & Context, 2), Berlin, Walter De Gruyter, 2008. 592 p., 336 fig. in b/w, 40 pl. in color. ISBN: 978-3-11018-664-2; 114.95 €. Klaus Fittschen, Paul Zanker, Petra Cain, Katalog der römischen Porträts in den Capitolinischen Museen und den anderen kommunalen Sammlungen der Stadt Rom, II, Die mannlichen̈ Privatportrats̈ , 2 vols., Berlin, Walter De Gruyter, 2010. 488 p., 232 fig. ISBN: 978-11-022886-1; 149 €. Massimiliano Papini, Antichi volti della Repubblica: la ritrattistica in Italia centrale tra iv e ii secolo AC, (Bullettino della Commissione archeologica comunale di Roma., Supplementi, 13), 2 vols., Rome, “L’Erma” di Bretschneider, 2004. 558 p., 202 fig. in b/w, 194 fig. in color. ISBN: 978-8-88265-282-1; 450 €. Rittrati: le tante facce del potere, Eugenio La Rocca, Claudio Parisi Presicce, Annalisa Lo Monaco eds., (exh. cat., Rome, Musei Capitolini, 2011), Rome, Musei Capitolini, 2011. 431 p., 350 figs. in b/w and color. ISBN: 978-8-89058-535-7; 59.95 €. Roland R. R. Smith, Roman Portrait Statuary from Aphrodisias, (Aphrodisias, 2), Mainz, Philipp von Zabern, 2006. 338 p., 27 fig. and 163 pl. in b/w. ISBN: 978-3-80533-527-0; 76.80 €.

1 Roman portraiture is among the most exciting art that Roman culture has to offer, and not only because of the staggering artistic skills and beauty that characterize the best examples. While its study originated in an interest in the “real” personality of the subject, it has long been noted that the physical appearance and character of a person were just two of the possible elements that determined a portrait1. Indeed, the commemorative and eulogistic intent of Roman portraiture demanded that the person always be depicted in what the ancients considered a positive way, and much artistic

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license was accorded to accomplish this goal. As Pliny the Younger suggested (Letters 3.10), these “improvements,” which were not limited to – and sometimes even contradicted – physical beautification, were aimed at (positive) moral or ethical characterization.

2 This aspect has intrigued scholars for the last forty years or so. Recently, in a brilliant contribution by Eugenio La Rocca to the 2011 exhibition catalogue Rittrati: le tante facce del potere, the author discussed the major implications of these insights for our understanding of what a portrait can and cannot be or do, and rightly questions the existence of any “objective,” non-manipulative representation of an individual (p. 21-29). What has dominated research on Roman portraiture in recent years, however, are enquiries into the actual messages that specific portraits or elements of portraiture convey, and into the social practices that surround them2. While the study of portraiture has often been regarded as the realm of a small group of specialists with little relevance to historical studies at large, recent research has made it clear beyond a doubt that portraits are an important source of information on the value systems and social norms of a given time and place, and thus contribute substantially to Roman social history. Communicating this insight to a wider audience is the aim of the exhibition catalogue that accompanied the second of a series of five yearly exhibitions called “I Giorni di Roma”, which singled out portraiture to demonstrate the development, distinct nature, high standard, and cultural relevance of Roman art. 3 The five volumes chosen for review here are in many ways representative of the direction recent research has taken, as well as being, in my view, superb contributions to the field, whatever their flaws might be3. As such, even the older ones among them remain on the cutting edge of their field and offer compelling reflections that have yet to be fully explored.

Traditional approaches and questions: filling the gaps

4 The recent shift in interest reflects a general trend in classical archaeology to increasingly regard itself as an intrinsically historical discipline. It must not be forgotten, however, that such an approach only became possible, and methodologically sound, after other questions had been resolved, most notably the identification of members of the imperial family and the dating of portraits, two aspects that are prerequisites for any historical interpretation. Significantly, three of the volumes discussed here address dating issues at some length, although the 2010 volume by Klaus Fittschen, Paul Zanker, and Petra Cain, Katalog der römischen Porträts in den Capitolinischen Museen und den anderen kommunalen Sammlungen der Stadt Rom: Die männlichen Privatporträts, may prove to be the last large-scale contribution to this field of study focusing almost exclusively on dating issues. Fittschen and Zanker have led the way in establishing a sound methodology for these enquiries, and they have used their series of catalogues on portraiture in the municipal collections of Rome, published intermittently since 1983, to summarize the state of the art and promote cutting-edge research. The size and diversity of the museums’ holdings, often discussed in comparison with numerous sculptures in other collections, have thus rendered the catalogues proper methodological handbooks. The long-awaited final volume of the series is devoted to the collections’ 188 portraits of adult male privates from the Republic to the sixth century CE. The particular challenge in their dating, especially in

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those cases when they are anonymous and out of context, is the limited range of different hairstyles achievable with short hair and the degree to which these hairstyles tend to deviate from that of the emperor4. Given this frequent lack iconographic dating criteria, comparisons of technical and stylistic details across a wide collection of examples is therefore essential to achieving plausible results.

5 In his 2004 book Antichi volti della Repubblica: la ritrattistica in Italia centrale tra IV e II secolo AC – a work that is clearly indebted to the German tradition of scholarship in that it draws heavily on stylistic analysis5 – Massimiliano Papini offers a study of republican portraiture from the fourth to the second century BCE. Though his assumption of a linear development of style might invite doubts in some instances6, his explicit discussion of methodologies, both previous ones and his own, and his efforts to refer to as much context as there is available to support his argument leaves the reader grateful that he has taken the risk. The result is by far the most comprehensive and best- supported approach to this important body of material so far. 6 There are still desiderata when it comes to provincial portraiture. As Roland R. R. Smith and his co-authors demonstrate throughout their 2006 publication Roman Portrait Statuary from Aphrodisias, stylistic and iconographical choices in the provinces can differ markedly from those in Rome. As in the volume by Fittschen, Zanker, and Cain, some catalogue entrances read almost like manuals of how to analyze and interpret portraits of non-Roman origin. The outstanding level of sophistication and methodological rigor applied by the authors of all three publications (FITTSCHEN, ZANKER, CAIN, 2010; PAPINI, 2004; SMITH, 2006) render their results more than plausible; those who engage with their arguments in more detail will see that stylistic analysis is based not on vague subjective impressions of similarity, as is sometimes insinuated, but on the meticulous study of changing aesthetic and technical preferences, and that such analysis does not necessarily need to assume linear developments, which clearly did not exist in the imperial period. 7 Another long-standing issue has also resurfaced recently, namely the highly controversial debate about the origins of Roman verism7. Papini, in Ritratti: le tante facce del potere (Ritratti…, 2011, p. 33-43), and Jane Fejfer in her 2008 book Portraits in Context (FEJFER, 2008, p. 262-270) both return to the idea, abandoned for some time, that the choice of hyper-realistic old faces for much of late Republican portraiture depended on highly regarded ancestral wax masks and portraits. While simultaneously eschewing those aspects of the traditional argument that have rightly been refuted by Heinrich Drerup8, both authors bring fresh ideas about contexts to bear on their subject. According to Fejfer, these wax portraits were elaborated from casts made from the living face, while Papini maintains that they derived from death masks; both, however, draw on Polybius and others who described them as extraordinarily realistic. While Fejfer believes that the verism of Roman marble portraits is a result of the fierce competitive climate present at the very end of the republic, Papini’s monograph supports his view that verism has a much longer Italian tradition.

Current approaches and new trends

8 What all five volumes (though FITTSCHEN, ZANKER, CAIN, 2010 to a rather limited extent9) have in common that marks them out as products of recent scholarship is their contextual approach and socio-historical impetus. Papini studies Republican

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portraiture in all media, including not only the predominant terracotta but also bronze sculpture, painted portraits, Etruscan sarcophagi, gemstones, and coins. Moreover, through a detailed analysis of literary texts as well as archaeological contexts, he attempts to restore them to their original historical, political, social, and cultural frameworks. One of his guiding questions, on the impact of Greek portraiture on Italian and Roman images, goes back to the nineteenth century, but Papini’s interest is utterly modern. Building on the insight that identity is a matter of self-perception and self- fashioning, he argues that the Italians drew upon Greek ideas and skills in such a way, and to the extent, that they helped to express local identities and ideologies. While the patrons of Etruscan cinerary urns preferred a lifestyle of Dionysiac tryphe and adopted styles similar to that of the Ptolemies, so he argues, most central Italian portraiture was closely affiliated to the more austere Seleucid royal portraits, and to philosopher portraits.

9 The other volumes under review all deal (predominantly) with material from the imperial period. Fejfer’s Roman Portraits in Context is the first attempt at a comprehensive treatment of the questions raised by Roman portraiture as an historical source, taking “context” to cover an extraordinary breadth of issues, from the statues, busts, herms, and clipei to which the portrait heads were attached, the materials used and techniques applied, the inscriptions that often accompanied the likenesses, and the locations chosen for their display, to the motivations and social practices surrounding their commissioning and choice of style, their dedication, and their subsequent treatment. To cover all these issues, she draws on an enormously wide range of primary evidence, including inscriptions, literary sources, and portraits in different media and from all parts of the Roman Empire. 10 As noted, Ritratti: le tante facce del potere follows in the wake of Fejfer’s book, and a similar approach also characterizes Bert Smith’s Roman Portrait Statuary from Aphrodisias. In contrast to the majority of existing excavation catalogues, roughly half of Smith’s volume – one in a series of ongoing publications on excavations in the ancient city – is devoted to general insights gained from the material, and their wider implications. All of his portraits come from a single city, and many of them can be named and/or recontextualised in their original display environment. The author makes the most of an ideal situation. His observations on the identity and social background of those depicted, the use of different styles and costumes, and the choice of display locations not only shed light on the social practices at Aphrodisias, but also inform the use of portraiture in provincial cities more generally and thus substantially enrich a number of methodological and historical reflections10. 11 For all the books under review, the physical (re-)contextualisation of portraits is of primary concern, and it has contributed substantially to our understanding of how portraits worked as vehicles for communication. If there is an insight worth singling out, it is the fact that, very often, we are actually looking at late antique display contexts when we study archaeological evidence, an aspect explicitly addressed in Smith, but which merits much more attention in future research. Of course, it is impossible in the present review to do justice to the full range of issues brought to light by the current publications. The remainder of the review will therefore focus on one aspect that has attracted much recent attention and controversy.

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Bodies and costumes

12 One such element is the body on which a portrait was mounted, and its role in contributing to the overall message of a monument. Fejfer, of all the authors, addresses the widest range of different materials and formats, as well as the factors that determined these choices (FEJFER, 2008, p. 152-261 and 439-445). Of special interest is her discussion of abbreviated formats (p. 228-261) and her observations on the use of herm shafts (p. 228-233). Based on her analysis of the Nemi herms during their recent restoration (see pl. 34-35), she identifies criteria that allow a distinction to be made between herm portraits and busts even when the herm itself is not preserved, and demonstrates that herms were far more common than is usually acknowledged11. While they were popular in the West during the late Republic and first century CE, they were used in the Greek East into the later second century and maintained strong connotations of Greekness.

13 Likewise, costumes, often neglected in earlier studies due to their repetitive nature, have attracted much attention in recent scholarship. Smith and his co-authors rightly insist that this repetition in fact reflects the limited number of roles in society and indicates a public consent about norms and values. Patrons carefully selected topoi from this repertoire in order to express “individual combinations of shared values” ( SMITH, 2006, p. 25, emphasis in the original). In Ritratti: le tante facce del potere, Matteo Cadario provides an excellent overview of the repertoire, conveniently illustrated with photographs of statues, on which the different parts of dress are labeled (Ritratti…, 2011, p. 209-221). The following catalogue entries (3.1-18) contain a wealth of important observations and intriguing interpretations, for instance Cadario’s discussion of several statues with red togas (cf. the color illustration of cat. 3.9), most likely referring to the ornamenta triumphalia bestowed on their patrons. 14 Smith even organizes his catalogue according to costume, a choice that is not entirely convincing or helpful, but which allows him and his co-authors to discuss in detail the meaning of different types of dress. Especially when read in conjunction with Fejfer’s extensive analysis of the same material (FEJFER, 2008, p. 181-227; 331-351; 440-445), it becomes clear how much the choice of dress (or the lack of it) also depends on a local context and ideology. The toga statue, for instance, which is so widespread in the West and embodies the ideal of the Roman citizen actively involved in business, administration, and cult, is largely absent in the East, where the Greek himation is worn as a token of local pride even by eastern Roman citizens who held offices in Rome (FEJFER, 2008, p. 196-197; Smith, 2006, passim).

15 The meaning of dress in female statues, as well as the significance of nude statues and representations of humans in the guise of gods, is still very contentious. It has long been observed that women are typically depicted according to body types modeled on Greek statues from the classical to the early Hellenistic period, mostly created for goddesses (FEJFER, 2008, p. 335-348)12. The reasons for such representational choices are not always clear, but Fejfer makes some intriguing observations and suggestions (p. 335-348). For instance, she observes a preference – in the West only – for closely wrapped bodies in the early period, while a more open body language revealing more of the woman’s form becomes prevalent from the second century onwards. Pointing to the fact that women were often praised for their pietas and that their main public role was related to cult practices, she further proposes that the way in which they were

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portrayed may often have been a reflection of their affinity to a specific (local) deity, with whom the original statue type may have been associated. 16 Nude male statues have also long been an object of controversy. In Roman Portrait Statuary from Aphrodisias and in an earlier monograph from 2005 13, Chris Hallett has treated them at length and proposes to distinguish two different kinds of nudity: athletic, which is very rare, and “heroic.” The latter was primarily used in the early imperial period for members of the imperial family, who were often also depicted according to divine statue types. To explain heroic nudity in privates, he points to the funerary realm, where the deceased were sometimes addressed as heroes in inscriptions. 17 But what does this “heroism” actually mean? The question is obviously related to that concerning humans assimilated to gods or heroes in statues, busts, and reliefs. While one group of scholars interprets such images as an indication of heroization, divinization, or apotheosis, the majority, including those in the present volumes, now consider them a poetic device used to suggest that the subject possessed the same positive character traits as the hero or divinity to whom they were assimilated. Fejfer points out the lack of a clear divide between portraits in formam deorum and female statues depicted using classical body types, and also notes a considerable number of examples from semi-public and public contexts (FEJFER, 2008, p. 124-128). The latter are discussed in an excellent and highly effective contribution by Annalisa Lo Monaco in Ritratti: le tante facce del potere ( Ritratti…, 2011, p. 335-349), which draws on both archaeological and written evidence. She stresses that the privates portrayed in formam deorum in fact emulated the imperial family and their imagery, and that imperial freedmen, who were sometimes not only enormously powerful but also very close to the emperor, may have had a leading role in this. In the previous essay, Stefano Tortorella discusses visual representations of imperial divi and divae and their apotheosis, linking them to actual practices as known from written sources and archaeological contexts (Ritratti…, 2011, p. 303-313), while the following fifteen catalogue entries again provide detailed analyses of interesting examples. 18 All books under review here, including the exhibition catalogue, are full of original research and fresh ideas on key questions and controversies. They are also lavishly illustrated, mostly with images of outstanding quality. While all are key publications in their field, it is with Fejfer’s monograph and Ritratti: le tante facce del potere in particular that the subject of Roman portraiture has come to occupy a central place in a narrative of Roman cultural history that is relevant and accessible to a wide audience, ranging from students and scholars of the ancient world to the interested public.

NOTES

1. For a history of scholarship see Jan Bažant, Roman Portraiture: A History of Its History, Prague, 1995; Barbara E. Borg, “Jenseits des mos maiorum: Eine Archäologie römischer Werte?” in Andreas

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Haltenhoff, Andreas Heil, Fritz-Heiner Mutschler eds., Römische Werte als Gegenstand der Altertumswissenschaft, Munich, 2005, p. 47-75. 2. Most notably, portraits of women have received much attention, with interesting and important results that deserve to be reviewed on their own, including Kathrin Schade, Frauen in der Spätantike – Status und Repräsentation: Eine Untersuchung zur römischen und frühbyzantinischen Bildniskunst, Mainz, 2003; Annetta Alexandridis, Die Frauen des römischen Kaiserhauses: Eine Untersuchung ihrer bildlichen Darstellung von Livia bis Julia Domna, Mainz, 2004; Jennifer Trimble, Women and Visual Replication in Roman Imperial Art and Culture, Cambridge, 2011. 3. For this reason, and bearing in mind the constraints of word count, I have considered it legitimate to skip over such flaws, and to focus on aspects that render these publications important contributions to the field. I shall also refrain from referring to other publications than the books under consideration here when these provide extensive bibliographies on the issues at stake. 4. Roland R. R. Smith, « Cultural choice and political identity in honorific portrait statues in the Greek East in the second century A.D. », in Journal of Roman Studies, 88, 1998, p. 56-93. 5. It is surely no coincidence that his PhD thesis, on which the book is based, was written at Tübingen. 6. See Sheila Dillon’s review of the book, in Journal of Roman archaeology, 20, 2007, p. 428-431. 7. For a vast bibliography on the subject, see Ritratti..., 2011, p. 42-43. 8. Heinrich Drerup, « Totenmaske und Ahnenbild bei den Römern », in Römische Mitteilungen, 87, 1980, p. 81-129. 9. That the one volume stands out is surely partly due to the nature of the evidence, but also to the fact that the volume was conceptualized and largely finished in the late 1980s (FITTSCHEN, ZANKER, CAIN, 2010, p. vii). 10. For an extended review of this book, see Barbara E. Borg, « Aphrodisians on display: the public image of a local élite », in Journal of Roman Archaeology, 20, 2007, p. 583-588. 11. In doing so, she provides valid criticism of Timothy A. Motz’s The Roman Freestanding Portrait Bust: Origins, Context, and Early History, dissertation, University of Michigan, Ann Arbor, 1993, in which the author proposes that almost all early busts would have belonged to herms. 12. The few examples of statues dressed in the matronly stola cease during the first century CE (FEJFER, 2008, p. 331-335). 13. Christopher H. Hallett, The Roman Nude: Heroic Portrait Statuary 200 BC-AD 300, Oxford, 2005.

INDEX

Geographical index: Italie Keywords: Aphrodisias, portrait, Roman art, Roman Empire, Roman history Mots-clés: Aphrodisias, art romain, Empire romain, histoire romaine, portrait

AUTHORS

BARBARA E. BORG

University of Exeter

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Choix de publications Selected readings

1 – Sandrine ALEXANDRE, Nora PHILIPPE, Charlotte RIBEYROL éd., Inventer la peinture grecque antique, Lyon, ENS Éditions, 2012.

Sous ce titre volontairement ambivalent sont réunies, en un volume riche, à l’illustration soignée et de belle qualité, les contributions de onze spécialistes issus de disciplines variées (littérature antique, anglaise, philosophie, sciences dures, histoire et histoire de l’art) invités à se pencher sur « l’invention » de la peinture grecque au fil des âges, une peinture aujourd’hui définitivement perdue ou peu s’en faut pour nous, à quelques célèbres exceptions récentes près (décor des tombes macédoniennes, par exemple) à travers l’histoire artistique, littéraire et philosophique de ses réceptions antique, moderne et contemporaine. Un vaste corpus de textes antiques et modernes de peintres, écrivains ou historiens de l’art (du XVe au XXIe siècle) est mobilisé à l’appui de cette réflexion collective qui s’inscrit légitimement dans l’horizon intellectuel des travaux d’Agnès Rouveret (voir Perspective, 2006-1), très présents et souvent cités. La publication vient après une journée d’étude qui s’est tenue à Lyon, à l’ENS, en février 2008.

2 Le jeu sur le double sens du mot inventer, issu du latin invenire – « imaginer » mais aussi « trouver » – guide le propos des auteurs et donne à la publication son architecture matérielle et épistémologique. La présentation de données matérielles inédites ou non est délibérément circonscrite à deux articles, au demeurant passionnants, de Philippe Walter (sur les origines préhistoriques de l’art) et de Sophie Descamps-Lequime (sur la couleur des bronzes grecs.) 3 La réflexion générale est organisée en deux grands moments précédés d’un prologue (Philippe Walter) et ponctués de deux articles charnières (Sophie Descamps-Lequime ; Marie Gautheron). « L’invention antique » réunit tout d’abord trois contributions autour d’auteurs, d’anecdotes ou de textes fondateurs (Vie d’Apollonios de Tyane et La Galerie de tableaux de Philostrate, anecdote de l’invention de l’art par le potier Butadès de Sicyone, par exemple). Les « Renaissance(s) de l’invention » aux XVe et XIXe siècles sont l’objet des quatre articles suivants. Ils font une large part à la réception anglaise de la peinture antique aux XVIe et XIXe siècles par des poètes, esthètes et historiens de l’art,

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mais croisent aussi les regards sur la peinture ancienne de trois personnalités du monde savant ou artistique du XIXe siècle (Raoul-Rochette, Hittorf et Ingres), héritiers chacun à leur manière des antiquaires des siècles précédents et confrontés à la réapparition des couleurs perdues de la Grèce antique, à la faveur de sa vaste exploration archéologique tout au long du siècle. Il y avait là matière à une double (ré)invention de la peinture grecque. Les uns et les autres ne se sont pas privés d’en poser les termes, encore prégnants aujourd’hui, à bien des égards. 4 « L’épilogue » de cette étude aux voix multiples revient à un artiste contemporain, Pierre Antoniucci, invité à donner sa propre lecture de la peinture grecque, manière d’ekphrasis picturale bienvenue. Au texte s’ajoute un court-métrage intitulé « Visite à la peinture antique dans l’atelier de Pierre Antoniucci », réalisé par Philippe Nora et inséré dans l’ouvrage sous la forme d’un DVD. 5 L’ambition d’un tel ouvrage était grande. Pari tenu et l’on ne peut que se réjouir du dynamisme de la jeune équipe qui en a conçu le projet et conduit la réalisation [Ph. Jockey].

6 – Holger BAITINGER, Waffenweihungen in griechischen Heiligtümern, Mayence, Verlag des Römisch-Germanischen Zentralmuseums, 2011.

On retrouve dans de nombreux sanctuaires grecs des armes ou des fragments d’armes en bronze ou en fer. Le sanctuaire de Zeus à Olympie, en particulier, a livré des milliers de fers de lance, de casques, de boucliers, de pièces d’armure, etc. qui ont fait l’objet de nombreuses monographies, mais sur lesquels l’auteur de cet ouvrage a aussi produit un travail de synthèse. Cette étude, formant une sorte de manuel sur les consécrations d’armes dans toute la Grèce, est née des travaux de l’auteur sur les matériaux trouvés à Olympie. Quiconque s’intéresse à ce thème devra désormais s’y reporter. D’une part, il s’agit d’un compendium complet et fort utile de tous les sites et de toutes les découvertes, avec les indications bibliographiques correspondantes, d’autre part ce volume d’une agréable concision offre les principales informations sur les modes de dépôt, sur les donateurs, sur les occasions et les motifs de telles consécrations [M.Bentz].

7 – Gunnar BRANDS, Martin MAISCHBERGER éd., Lebensbilder : Klassische Archäologen und der Nationalsozialismus, (Menschen, Kulturen, Traditionen, 2), Rahden/Westf., Verlag Marie Leidorf, 2012.

Contrairement à l’archéologie préhistorique, l’archéologie classique allemande ne s’est jusqu’ici que très imparfaitement occupée de son histoire sous le troisième Reich. On considérait généralement que la discipline ne s’était pas laissée embrigader, et qu’il ne s’y était trouvé occasionnellement que quelques nationaux-socialistes convaincus, qui avaient cependant su faire la distinction entre leurs convictions personnelles et leur activité scientifique. Le recueil qui présente les biographies d’archéologues classiques sous le national-socialisme –un deuxième volume est prévu– vise à combler cette

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lacune par une approche nuancée, fondée sur les faits. Le projet ne comporte pas une histoire systématique de l’époque, il la raconte à travers des biographies qui présentent aussi bien des personnes persécutées par le régime, que des complices passifs et des acteurs politiques. À cela s’ajoutent, pour compléter le tableau, des contributions sur certains archéologues étrangers étroitement liés à l’archéologie allemande. Les contributions sont fondées sur des recherches bibliographiques, mais aussi sur des matériaux d’archives inédits et sur des enquêtes menées auprès de témoins directs. Elles fournissent un tableau souvent neuf et très nuancé des personnalités, des parcours professionnels, des contraintes et des désespoirs de ces hommes de science, mais aussi de l’influence exercée par les événements politiques sur le travail archéologique [M. Bentz].

8 – Alessandro CONTI, Tetti di terracotta : la decorazione architettonica fittile tra Etruria e Lazio in età arcaica, Atti delle giornate di studio, (Officina etruscologia, 5), (colloque, Rome, 2010), Rome, Officina Edizioni, 2011.

Dédié à Francesca Melis, éminente spécialiste des terres cuites architecturales d’Italie centrale récemment disparue, cet ouvrage rassemble les actes de deux journées d’étude consacrées aux grands décors architecturaux de l’Étrurie et du Latium à l’époque archaïque. La première a été suscitée par la publication de Nancy A.Winter, Symbols of Wealth and Power, Architectural Decoration in Etruria and Central Italy, 640-510 B. C., Ann Arbor (MI), 2009, la seconde par la publication de l’ouvrage Il tempio arcaico di Caprifico di Torrecchia (Cisterna di Latina) : I materiali di contesto, Rome, 2010, sous la direction de Domenico Palombi, qui étudie le décor en terre cuite de l’un des toits les plus complets qui nous soient parvenus, celui du temple archaïque de Caprifico di Torrecchia près de Velletri, variante du système décoratif « Veio-Roma-Velletri », incluse dans l’ouvrage de Winter.

9 Complément indispensable de cette véritable somme sur les décors architecturaux de première phase déjà signalée dans ces colonnes (Perspective, 2012-2, p. 279), les contributions réunies dans ces actes présentent de nouvelles pièces et de nouveaux ensembles, plus ou moins exceptionnels, découverts, identifiés ou publiés après sa parution. Parmi ces nombreux documents nouveaux, on retiendra plus particulièrement le remarquable chien en terre cuite découvert sur le plateau de piazza d’Armi à Véies, interprété par Gilda Bartoloni comme faisant très vraisemblablement partie, avec une figure en vêtement long, d’un groupe acrotérial ornant le toit d’une résidence princière voisine de l’oikos dédié au culte gentilice. 10 Certains points de l’ouvrage de Winter sont aussi discutés. Anette Rathje revient sur la datation et l’aspect des différents édifices de Murlo, Anna Maria Moretti Sgubini et Laura Ricciardi défendent la solution du toit unique contre celle des deux toits proposée pour l’édifice de la nécropole d’Ara del Tufo à Tuscania. D’autres points sont développés : Vincenzo Bellelli attire l’attention sur l’importance de la présence d’artisans ioniens, actifs également dans le domaine de la peinture sur plaque et de la peinture sur vase, dans l’évolution des terres cuites architecturales cérétaines, ainsi que sur la place de la légende héracléenne, véritable instrument de propagande politique, dans le décor des sanctuaires de la cité et de son territoire dans la seconde

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moitié du VIesiècle avant J.-C. ; Anna Mura Sommella propose, à la faveur d’une nouvelle attribution (une tête féminine coiffée d’un tutulus conservée à la Ny Carlsbeg Glyptotek de Copenhague, inv. H.I.N. 26), une relecture globale du décor architectural du temple de Sant’Omobono à Rome. 11 Rassemblées à la fin de l’ouvrage, les interventions de la seconde journée mettent en évidence l’activité intense d’une officine opérant dans le triangle Véies, Rome, Velletri- Caprifico et ses liens avec les autres officines actives dans le même secteur, voire en dehors de celui-ci [F. Gaultier].

12 – Astrid FENDT, Archäologie und Restaurierung: Die Skulpturenergänzungen in der Berliner Antikensammlung des 19. Jahrhunderts, (Transformationen der Antike, 22), Berlin/Boston, 2012.

Ces dernières années s’est fait jour un intérêt croissant pour la naissance et la perception des collections européennes d’antiquités. Cela ne concerne pas seulement l’acquisition des œuvres et leur exposition dans différents contextes, mais aussi l’histoire de leur restauration. Il fut un temps où l’on retirait tous les ajouts postantiques apportés aux sculptures, considérant qu’ils empêchaient de voir l’original. Un cas célèbre est celui des statues d’Égine, conservées à la Glyptothèque de Munich, dont les reconstitutions effectuées par le sculpteur Thorvaldsen avaient été supprimées il y a soixante ans et furent à nouveau exposées l’an dernier (à partir de moulages).

13 Le travail monumental d’Astrid Fendt présente et analyse pour la première fois d’une manière complète l’histoire de la restauration d’une des plus grandes collections de sculptures, celle de Berlin. Le premier volume suit l’histoire de la restauration à travers les sculpteurs, les restaurateurs, les archéologues qui y prirent part, dans leur succession chronologique du XVIIIe jusqu’à la fin XIXe siècle ; il dégage les principes, les intentions et les conditions spécifiques dans lesquels ce travail s’est effectué à chaque stade, puis s’intéresse à ses aspects plus constants, comme la technique, le travail de documentation, l’exposition, en les comparant aux pratiques d’autres musées. Les deuxième et troisième volumes dressent l’inventaire complet du fonds, en illustrant par des photos et des dessins les traces de restauration et les ajouts. Cet ouvrage apporte une base entièrement nouvelle à toute discussion future sur la question de la restauration des sculptures [M. Bentz].

14 – Kathleen M. LYNCH, The Symposium in Context. Pottery from a Late Archaic House near the Athenian Agora, (Hesperia Supplement, 46), Princeton, American School of Classical Studies at Athens, 2011.

En 1993, lors de la fouille des fondations d’un temple romain au nord de l’agora d’Athènes, les archéologues ont trouvé les restes d’une maison d’époque archaïque. Lors de la saison suivante, ils ont dégagé le contenu d’un puits qui avait servi de dépotoir à cette maison. Tous les objets mis au rebut, 233 en tout, forment un très riche ensemble qui provient d’une unique maison et dont la chronologie est finement établie.

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On dispose ainsi d’un ensemble de données exceptionnelles sur la poterie utilisée dans une maison athénienne. Outre la vaisselle domestique on rencontre une série de vases de banquet dont l’auteur étudie en détail l’iconographie et l’usage au symposion. Une étude exemplaire de céramique en contexte qui ouvre d’importantes perspectives [F.Lissarague].

15 – Richard NEER, The Emergence of the Classical Style in Greek Sculpture, Chicago/Londres, Chicago University Press, 2010.

Ce livre tente d’expliquer l’émergence du style classique terme traditionnellement employé à propos des sculptures réalisées en Grèce du milieu à la fin du Vesiècle avant J.-C. Pourquoi les statues classiques diffèrent-elles si radicalement des kouroï qui peuplaient le paysage archaïque ? C’est une question qui préoccupait déjà Ernst Gombrich en 1961. Toutefois, Neer ne se contente pas d’avancer de nouvelles réponses ; il parvient à donner une vision différente du territoire. Le premier chapitre s’ouvre avec le kouros d’Aristodikos mais place le lecteur sur la route d’Anavysos, sous le soleil dans une ambiance de figues murissantes, d’abeilles et de cigales bourdonnant, plutôt que dans le musée. Il nous invite à regarder ce que les anciens regardaient, attirant notre attention sur la « chevelure rousse flamboyante » de la statue. La description est absolument sensuelle, à dessein. En guise d’introduction, un préambule défend vigoureusement un mode d’analyse qui met l’accent sur la manière dont la sculpture (non seulement à travers ses deux ou trois dimensions, ses matériaux et sa posture, mais aussi les techniques engagées dans sa production) affecte l’observateur. Ce faisant, il déconstruit subtilement les méthodologies alternatives de l’histoire de l’art et de l’archéologie, préférant se référer au travail de Vernant sur le langage, qui vise à souligner l’importance de l’absence autant que de la présence. Son argumentation enlevée lui permet d’exposer sa conviction selon laquelle l’art et l’archéologie classiques partagent un attachement constant au concept de style (l’étude sur le terrain étant la plus esthétique des méthodes).

16 Pour ce qui concerne la sculpture du Vesiècle, Neer suggère qu’il n’y a pas d’évolution radicale dans sa destination ou sa fonction. Les textes anciens sont mis à contribution (avec un optimisme quelque peu forcé parfois, pour ce qui est de leur datation) pour montrer que l’expérience du thauma ou « émerveillement », et des qualités afférentes, est essentielle pour comprendre ce que même les images les plus anciennes signifiaient, et à quel point elles émouvaient ceux qui les observaient ; et que c’est ce besoin de continuer à produire des « merveilles qui captent le regard » qui entraîne l’évolution des styles. Ses explications sur la manière dont les sculpteurs y parvenaient sont plus ou moins convaincantes, mais toujours stimulantes. Au terme de l’ouvrage, nous avons suivi une réflexion approfondie sur les contraintes et les possibilités imposées et induites par chacun de ces exemples, au lieu de les considérer simplement comme représentatifs d’une « période de regard » [C.Vout].

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17 – Jennifer TRIMBLE, Women and Visual Replication in Roman Imperial Art and Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 2011.

L’ouvrage de Trimble est issu de sa thèse (1999) sur les grands et les petits types de statues féminines d’Herculanum. Depuis, elle a publié deux articles sur ces types dans le Journal of Roman Archaeology (2000 et 2009), le second étant une critique de Herculaneum Women : History, Contexts and Identities, un ouvrage de Jens Daehner paru à la suite d’une exposition à la Villa Getty en 2007. L’exposition portait sur deux statues qui donnent leur nom à ces types, toutes deux découvertes dès le XVIIIe siècle à Herculanum, dans ce qui s’est révélé par la suite être le théâtre et aujourd’hui conservées au Staatliche Kunstsammlungen à Dresde. Leur association en tant que paire résulte de l’histoire de leur excavation puis de leur conservation, contrastant avec leur statut ancien –soit deux exemples des plus célèbres corps féminins en marbre à avoir subsisté depuis l’Empire romain. Ce qui est exceptionnel à leur sujet, c’est leur datation : elles sont antérieures à bien d’autres, qui datent du IIesiècle après J.-C. Dans son ouvrage, Trimble s’intéresse au grand type de femme d’Herculanum, et réalise l’inventaire des 202 objets qui constituent ce corpus, qu’elle utilise individuellement et collectivement pour interroger les questions de reproduction et de ressemblance.

18 La reproduction est un sujet d’actualité. En effet, les excellentes monographies de Gazda (2002), Perry (2005) et Marvin (2008) entre autres ont fait des questions de l’imitation une vertu essentielle de la romanité de l’art romain, tandis que des recueils d’articles de Junker et Stähli (2008) ainsi que d’Elsner et de Trimble elle-même (2006) ont élargi ces questions à la Grèce et à d’autres cultures. L’ouvrage de Trimble surfe sur cette vague, réunissant un vaste ensemble de données qui sont scrupuleusement analysées tant pour leurs similitudes que pour leurs dissemblances. Cette approche minutieuse, fortement archéologique, débouche sur un récit implacable, de ceux qui savent donner vie à des débats souvent plutôt philosophiques, illustrant et interrogeant en même temps ce que l’on entend par « réplique » [C.Vout].

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Archéologie du bâti : du mètre au laser “Archéologie du bâti”: from measuring rod to laser beam

Gerardo Boto-Varela, Andreas Hartmann-Virnich, Norbert Nussbaum, Nicolas Reveyron et Andrew Tallon Traduction : Vanessa Capieu, Marianne Dautrey et Géraldine Bretault

NOTE DE L’ÉDITEUR

Ce texte résulte d’un échange de courriels.

1 Née au début XIXe siècle et renouvelée dans les années 1980, l’archéologie du bâti entre à nouveau dans un de ces mouvements browniens qui bouleversent une science, la faisant devenir elle- même. Le mètre, le relevé manuel et l’échafaudage ont été l’essentiel de la pratique, et ils en restent le cœur : le contact physique avec l’édifice est irremplaçable. Mais aujourd’hui, la collaboration des sciences exactes et des technologies de pointe l’ont profondément transformée : l’archéométrie qui identifie, quantifie et date, le laser-scanner qui enregistre tout d’un seul faisceau, l’ordinateur qui manipule d’un clic des milliers de tonnes de maçonneries… La diversité des approches fonde une herméneutique de l’architecture entre l’art et la nécessité.

2 Tous ces chercheurs d’horizons si divers, travaillant ensemble sur le monument, sont au cœur des matériaux, c’est-à-dire de sa mémoire immédiate. La matière serait-elle donc l’essence de l’archéologie ? La civilisation japonaise – à l’origine du « patrimoine immatériel de l’humanité » – fait s’envoler des certitudes à peine acquises. Le grand temple shinto d’Ise, bâti à la fin du VIIe siècle, est reconstruit tous les vingt ans. La matière en est toujours neuve, éternelle jeunesse de bois ; seule l’architecture – un objet mental – est originelle, vieille de treize siècles : elle se prête à une archéologie hors matière. Il était temps pour Perspective d’interroger des spécialistes sur cette question cruciale : où en sommes-nous de l’archéologie du bâti ? [Nicolas Reveyron]

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Nicolas Reveyron. L’archéologie du bâti relève-t-elle de ce que les sciences littéraires appellent, dans la lignée de Jacques Derrida, le « déconstructionnisme » ? 3 Andreas Hartmann-Virnich. Le concept littéraire du déconstructionnisme n’est guère opérant pour l’analyse d’une structure bâtie qui diffère de l’écrit comme produit fini d’un acte créatif mental, généralement individuel, tout en fonctionnant à son tour avec la « déconstruction » de ses composantes. « Nous devons plus que jamais déconstruire, analyser la réalité de l’occupation du lieu, du mur, de l’arc ou de l’enduit »1 : si l’étude archéologique du bâti cherche, par la distinction des composantes de son objet, à déterminer l’origine, la date, la nature, la syntaxe technique et architecturale, et le sens du vocabulaire constructif originel, elle intègre aussi, et surtout, les témoins matériels directs et indirects des mutations et des métamorphoses au cours du temps, qui assimilent le bâti plutôt à un organisme vivant qu’à un texte, et son analyse archéologique à l’examen médical, sans d’ailleurs prendre part aux mesures thérapeutiques de l’architecte. Outre les transformations volontaires « positives » (ajout de matière : construction) et « négatives » (enlèvement de matière : ravalement, destruction, démontage, etc.), qui modifient l’apparence et la structure d’un édifice selon une intention voire un concept que l’analyse archéologique peut tenter de déceler en en étudiant les éléments, le bâti subit aussi les vicissitudes du temps, les détériorations accidentelles d’origine anthropique ou naturelle – tant « positives » que « négatives » – qui modifient à leur tour l’état d’un édifice2. La notion de « diagnostic » en archéologie préventive, comme celle de « pathologie » ou de « maladie » pour définir les altérations progressives, traduit le rapport que l’archéologie entretient avec son objet à un moment précis de sa « vie » – qui est non rarement, hélas, le dernier.

4 Gerardo Boto-Varela. Ni l’origine étymologique ni les prémisses épistémologiques de la « déconstruction » n’ont de lien direct avec l’archéologie du bâti, du moins telle qu’elle est pratiquée en Espagne et en Italie3. On sait que Derrida a imaginé le terme herméneutique de « déconstruction » à partir de deux concepts énoncés par Heidegger – destruktion et abbau – pour décrire la façon dont il disséquait et dépassait la tradition philosophique précédente. 5 Dans les milieux académiques anglo-saxons et, dans une moindre mesure, latins, le terme a communément acquis un sens vulgarisé de décomposition. En revanche, de nombreux penseurs considèrent la « déconstruction » comme un procédé heuristique très utile, applicable à l’analyse de discours aussi bien textuels (littéraires, philosophiques ou herméneutiques) que visuels. La perspective déconstructionniste est supposée aborder les récits de façon à en extraire des contenus subtilement cachés. La déconstruction réussirait à mettre en lumière ces significations inattendues en révélant la distanciation qui existe entre le critique et le texte analysé, mais aussi entre le texte (ou l’image) et son auteur. Cet écart dément l’idée que l’auteur se projette automatiquement et directement dans son œuvre. De même, il rejette la possibilité d’une signification unique et incontestable de l’image ou du discours. Pour exprimer cette distance, les disciples de Derrida ont invoqué la notion de fissure, cet espace exigu qui existe entre l’œuvre et son cadre socioculturel. La possibilité de pénétrer dans ces fissures et, à travers elles, de parvenir à une meilleure compréhension, est le seul point commun entre le déconstructionnisme et l’archéologie du bâti. Néanmoins, les principes épistémiques et les objectifs de l’une ou l’autre analyse sont clairement distincts. Pour l’archéologie du bâti, les fissures sont le témoin des modifications réalisées, par ajout ou par suppression, sur une construction ; elles sont par conséquent

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la marque de changements historiques, fonctionnels, technologiques et même sociaux sur les édifices. 6 L’archéologie du bâti, à travers ses analyses stratigraphiques, cherche à démonter virtuellement les phases de construction d’un édifice et les projets architecturaux le concernant. Comme dans un film – qui est un récit diachronique – l’archéologie du bâti cherche à visionner les processus et les modifications de l’édifice en rembobinant son histoire. Cette métaphore du rembobinage renvoie à l’idée d’une dé-construction (ab- bau) des projets, processus et phases dont l’édifice rend compte. L’archéologie du bâti affirme sa volonté de dé-construire les structures architecturales dans le but de construire une connaissance archéologique (activités effectuées sur des matières), qu’elle expose verbalement. Pour autant, cette formulation et cette pratique ne sont pas rattachées à l’essence de la pensée de Derrida. La déconstruction, avec plus ou moins de bonheur, a tenté de dépasser les phénomènes linguistiques pour parvenir à exhumer les références narratives latentes dans les supports visuels. En son temps, elle a cherché à mettre en évidence la dimension de récit que renferment toutes les expressions culturelles, en tentant de dévoiler la textualité qui existe en marge de la structure linguistique. Implicitement, le déconstructionnisme souligne que la rhétorique visuelle et textuelle a toujours été plus déterminante que la grammaire. 7 Dans l’architecture en tant que procédé technologique, il n’y a ni textualité ni récit. L’archéologie du bâti propose une méthode pour la lecture des surfaces murales, autrement dit du support matériel des édifices. Pour cette raison même, elle ne peut faire appel à l’argument central de la théorie de Derrida. Il est évident que les murs sont lisibles et que leur histoire peut y être déchiffrée, bien qu’ils soient privés de textualité. Mais il est également évident que si la textualité était présente sur les murs, à travers des images peintes, par exemple, l’autopsie archéologique ne pourrait pas y être effectuée. Derrida a affirmé : « Comme il ne peut exister aucun art qui ne soit textualisé […] le texte existe dès lors que la déconstruction s’applique aux domaines dits artistiques, visuels ou spatiaux. Il y a texte parce que les arts visuels cachent toujours un brin de discours quelque part »4. La lecture d’images murales et la lecture du mur sont donc incompatibles. 8 Norbert Nussbaum. L’archéologie du bâti ne semble pas avoir été touchée par les théories et les pratiques de la déconstruction ; c’est en tout cas le constat que l’on peut faire au regard de l’état de la recherche en architecture dans le domaine germanophone. Il n’y a qu’à suivre, par exemple, les débats menés par l’association Koldewey – collectif de travail allemand composé de chercheurs dans l’archéologie du bâti, qui fait autorité en la matière – ou à lire les contributions de la revue Architectura, qui se présente comme le forum de référence le plus important pour les archéologues du bâti : on n’y trouvera pas une seule discussion où les questions soulevées soient formulées en rapport avec la formation du postulat déconstructionniste5. Et il y a de bonnes raisons à cela. 9 En Allemagne, à l’intérieur du champ des différents domaines scientifiques, l’histoire de l’archéologie du bâti est marquée de manière décisive par des architectes chercheurs, dont les intérêts heuristiques les ont conduits à opposer à l’historiographie, fondée sur les textes des historiens issus des sciences humaines, une image de l’histoire qui choisit les monuments comme ses sources premières et en fait l’objet de ses discussions. Dans cette perspective, la recherche en archéologie du bâti revient à explorer, documenter et dessiner des reconstructions, à conserver et

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compléter des fragments et, dans certains cas, à reconstituer ce qui a été perdu. Replacer des objets dans les contextes plus vastes de l’histoire culturelle n’est en règle générale pas la préoccupation des architectes chercheurs, ces derniers rejetant cette tâche bien trop volontiers sur leurs collègues des facultés de philosophie, versés dans l’écriture. Pourtant les historiens de l’art qui pratiquent eux-mêmes la recherche dans le champ de l’archéologie du bâti se comptent sur les doigts d’une main, de sorte que, si la recherche sur le bâti est une discipline présente dans nombre d’universités techniques, elle est presque absente de tous les instituts d’histoire de l’art. Il résulte tout aussi logiquement de cette situation que les études de cas monographiques dominent de manière écrasante la littérature spécialisée. En outre, l’on a porté trop peu d’attention sur la théorisation de la discipline ou sur l’élaboration d’un modèle méthodologique, à moins qu’il ne s’agisse d’approfondir l’exactitude ou les nombreuses et diverses implications techniques de la compréhension de l’objet. Il manque aux chercheurs en architecture d’être partie prenante dans le discours des sciences humaines – essentiellement celui de la philosophie et de la linguistique – pour pouvoir prendre une initiative susceptible de donner une impulsion nouvelle. Les historiens de l’art, quant à eux, ne voient pas l’intérêt de procéder à un renouvellement de la discipline qui interroge son propre discours ; ils préfèrent exploiter les résultats de la recherche en architecture, le plus souvent comme de simples consommateurs, et ils ne les travaillent qu’à des fins propres, en vue de situer historiquement des artefacts déjà interprétés d’un point de vue esthétique. 10 L’abîme entre les deux mondes est aussi profond qu’ancien6. En Allemagne, les idées d’un Derrida apparaissent aux protagonistes de l’archéologie du bâti aussi étranges qu’inadéquates pour leur propre agir. Dans l’espace germanophone, la recherche sur le bâti est très éloignée des disciplines qui cherchent, en se démantelant elles-mêmes, un dénominateur commun pour la recherche en histoire culturelle. En lieu et place de ce démontage prévaut une autolimitation qui prend la forme d’un positivisme pragmatique. 11 Andrew Tallon. Il n’existe aucun rapport, du point de vue des spécialistes américains de l’architecture médiévale, entre le déconstructionnisme et l’archéologie du bâti. Il serait même difficile d’imaginer une pratique de l’histoire de l’art qui soit moins perméable aux différentes permutations théoriques de l’œuvre de Derrida. 12 Bien entendu, une réponse aussi catégorique mérite quelque explication. Aux États- Unis, la pratique de l’archéologie monumentale, dans la lignée de la tradition empirique fondée en France et en Grande-Bretagne, fut adoptée sans réserve dès le début du XXe siècle. Arthur Kingsley Porter, Kenneth John Conant, Charles Seymour et Sumner Crosby devinrent les chefs de file du mouvement ; beaucoup leur emboîtèrent le pas, dont Robert Branner et Jean Bony. La génération suivante de spécialistes – notamment Sheila Bonde, Caroline Bruzelius, William Clark, Peter Fergusson, Clark Maines et Stephen Murray – poursuivit ses investigations sur les édifices européens selon la même tradition réfléchie. 13 Or l’archéologie monumentale pratiquée aux États-Unis ne correspondait pas à l’identique à celle menée en Europe, comme en témoigne l’absence d’un terme équivalent dans la langue anglaise. Il s’agissait d’une manière générale – puisqu’il y a bien entendu des exceptions – d’une variante plus concentrée, correspondant à ce qui pouvait être accompli sur l’édifice dans l’intervalle des mois d’été ou, idéalement, d’une

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année sabbatique. Dans ce contexte, les photographies et les dessins revêtent une importance peu commune. 14 Aujourd’hui on parle d’archéologie du bâti, terme qui ne connaît pas non plus d’équivalent en anglais7. C’est une pratique qui exige une proximité encore plus grande avec l’édifice, condition souvent impossible à remplir lorsque le temps est limité. Prenons le cas d’un doctorant américain : dans la plupart des cas, elle ou il ne sera pas en mesure de passer plus d’une année sur le terrain. Or l’édifice doit être maîtrisé – dans ses aspects historique, spatial, structurel, esthétique –, et vite. Une connaissance des archives lui est essentielle, mais, faute de temps, le relevé pierre à pierre (ou une présence régulière sur les échafaudages lors des restaurations, qui ne coïncident pas toujours avec l’année de recherche sur le terrain), l’est forcément moins. 15 Les bases théoriques européennes de l’archéologie du bâti, qu’elles soient derridiennes ou autres, n’ont pas encore complètement franchi l’océan, alors que les techniques, en dépit du problème soulevé ci-dessus, connaissent un succès croissant8. Or ces mêmes techniques prennent racine plutôt dans la tradition ancienne importée d’Europe au début du XXe siècle – ce qui donne lieu à une cohabitation paradoxale. Certains tenants de la « Nouvelle histoire de l’art » des années 1980 et 1990 ont ainsi accrédité une opposition fâcheuse entre l’empirisme traditionnel et des approches théoriques avant- gardistes comme le déconstructionnisme ; c’est dans cet esprit que Michael Camille a pu écrire avec sa causticité habituelle que les historiens de l’architecture médiévale « rétifs à l’interdisciplinarité […] courent toujours après leur mètre »9. Bien que nouvelles, les techniques de l’archéologie du bâti se sont retrouvées obsolètes du fait de leur association à l’empirisme – et ont donc échappé, aux États-Unis, pour le meilleur ou pour le pire, à l’attention des théoriciens.

Nicolas Reveyron. L’interdisciplinarité en archéologie du bâti (archéologie, archéométrie, tracéologie, physique, chimie, architecture, histoire de l’art, stylistique...) est-elle une chance pour l’histoire de l’art ou un risque de dilution épistémologique ? 16 Andreas Hartmann-Virnich. L’archéologie du bâti et son ancrage interdisciplinaire ne sont pas une chance pour l’histoire de l’art mais une nécessité, car ils participent à un incontournable renouvellement de ses méthodes. D’innombrables exemples démontrent l’apport fondamental de la datation dendrochronologique des boulins, tirants, chaînages, architraves et autres coffrages de voûte à l’analyse chrono- typologique des formes architecturales, à l’instar de la crypte de Saint-Germain d’Auxerre, du massif occidental de la cathédrale de Trèves, de la cathédrale de Spire, du donjon de Loches, de la galilée de Saint-Philibert de Tournus, de Sainte-Marie d’Ottmarsheim et de tant d’autres. Il en va de même, dans une moindre mesure, pour les datations au radiocarbone des matériaux de construction10 et de la stratigraphie des couches archéologiques associées aux fondations. Dans le domaine de la recherche sur les charpentes et les constructions à pans de bois, la dendrochronologie et la dendrologie ouvrent en outre l’approche archéologique sur la dimension paléoenvironnementale11. L’analyse physico-chimique des matériaux et l’étude des traces d’outil sont indispensables pour déterminer ou préciser la date des composantes d’une construction, pour identifier les remaniements, les reprises en sous-œuvre et les ravalements, et pour consolider la critique d’authenticité.

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17 Une connaissance la plus précise possible de la réalité matérielle d’un objet est la condition préalable pour l’étude stylistique et chrono-typologique des formes, indépendamment de celle des sources historiques dont le rapprochement concret avec un état identifiable de l’édifice en question est souvent conjectural, comme dans le cas des dates de consécration. L’exemple de l’abbatiale de Saint-Gilles, « datée » par une inscription faisant état d’une fondation en 1116, et que les résultats des fouilles et de l’étude archéologique des élévations, doublées d’une analyse géologique et tracéologique des pierres d’appareil, obligent désormais d’attribuer à un prédécesseur de l’édifice actuel12, démontre l’urgence d’une révision systématique des références chronologiques généralement admises, pour étayer les bases mêmes de l’histoire de l’architecture. 18 Gerardo Boto-Varela. Je crois que, comme à d’autres moments dans le passé, l’histoire de l’art a actuellement l’opportunité de repenser certains de ses principes fondamentaux et de ses procédés analytiques. L’argument central des études archéologiques, mais aussi des explorations chimiques et historiques, est de privilégier l’étude de la matérialité de l’œuvre. Toutes les disciplines que vous mentionnez – la physique, la géologie, l’archéométrie, la topographie – concentrent leurs recherches sur les supports matériels des images et des architectures. On pourrait croire que l’histoire de l’art, injustement accusée de pratiquer des observations taxonomiques et épidermiques, manque de rigueur académique et d’objectivité, car elle examine souvent la morphologie des édifices et des représentations. Dans différents pays, en Europe, on reproche à l’histoire de l’art d’accorder plus d’importance au document qu’au monument, ou d’admettre des argumentations fondées sur des comparaisons formalistes et l’expertise visuelle. La revendication légitime de l’archéologie du bâti et de sa crédibilité scientifique s’est accrue parallèlement à la simplification des bases conceptuelles de l’histoire de l’art. 19 Si, d’un côté comme de l’autre, les archéologues et les historiens de l’art s’interrogent sur le crédit analytique et argumentaire des autres spécialistes dans l’examen des édifices, la base de toutes ces connaissances est (et doit toujours être) indiscutablement empirique13. Cependant, l’analyse et l’interprétation « archéologique » d’un édifice ne fournissent pas toutes les réponses sur les causes effectives – historiques et idéologiques – qui ont motivé sa construction. Les archéologues privilégient l’analyse de l’ordre stratigraphique des murs et des voûtes, ainsi que la connaissance des techniques de construction et leurs fondements sociaux. L’histoire de l’art prend désormais en compte ces perspectives et considère, de plus en plus fréquemment, les particularités géologiques des constructions, les enduis et les revêtements. Pour cela, des études sont réalisées sur la morphogenèse spatiale des édifices, c’est-à-dire sur la définition de la topographie et de la volumétrie pour les différentes phases architecturales14. De plus, l’histoire de l’art étudie depuis longtemps la configuration de l’espace, ses modifications et son utilisation par des individus et des communautés, que ce soit pour y mener des activités protocolaires ou quotidiennes15. Cet examen diachronique de l’architecture, qui analyse les édifices en tant que des organismes en mutation permanente, aussi bien formelle que fonctionnelle, et jamais comme des réalités matérielles abouties et statiques, doit compléter l’étude synchronique des programmes visuels. Toutefois, il reste encore à cerner les défis et les apports des études réelles interactives – pour aller plus loin que l’interdisciplinarité théorique – qui

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croisent l’histoire de l’art et d’autres champs de recherche comme l’archéologie ou l’histoire de la musique. 20 Dans les circonstances actuelles, l’identité disciplinaire et épistémologique de l’histoire de l’art en contact avec d’autres spécialités peut se trouver renforcée16. Dans les dernières décennies, la tâche des historiens de l’art a été sous-estimée, et leur absence dans de nombreux projets administratifs a privé la société de connaissances inestimables. C’est en effet un apport fondamental de l’histoire de l’art que sa capacité à lire la sémiologie d’espaces précis, et à comprendre l’articulation d’un bâtiment et la configuration des lieux au sein des espaces intérieurs, qui sont eux-mêmes la raison d’être de l’ossature architecturale. L’histoire de la construction – celle des architectes – peut certes analyser les critères et les casuistiques qui sont intervenus dans le processus d’édification, mais la construction n’est au final que l’armature dont l’architecture a besoin pour pourvoir en bâtiments ses usagers. Voilà pourquoi il ne suffit pas d’examiner la matérialité archéologique des édifices pour comprendre le sens de ces espaces ou leurs emplois divers au sein d’une cathédrale ou d’une église. 21 Andrew Tallon. Avant l’explosion récente des sous-disciplines archéologiques, les casquettes étaient moins nombreuses, et tout historien de l’art se devait de les porter toutes à la fois ; la présence d’une seule personne aux commandes était le gage d’une plus forte cohérence intellectuelle. Aujourd’hui, on peut être tenté de maîtriser une discipline supplémentaire et de l’appliquer à de nouveaux objectifs, mais la barre est alors placée d’autant plus haut : il faut conserver une vue d’ensemble tout en observant un bâtiment depuis des distances parfois infinitésimales17. 22 La seule voie ouverte est celle de la collaboration, dont les succès chassent le spectre de la dilution épistémologique. Citons quelques cas récents, à l’exemple de la décennie de collaboration internationale autour de Christian Sapin à la cathédrale d’Auxerre ou le programme en cours de Jean-Paul Deremble et Arnaud Timbert à la cathédrale de Chartres, financé par le Centre international du vitrail18. Sur un plan personnel, les collaborations que j’ai pu entreprendre avec mes collègues – qu’ils soient historiens de l’art, architectes de restauration ou ingénieurs – nous ont permis de nous aventurer sans crainte dans des interstices qui dépendent de connaissances spécialisées19. Par exemple, la littérature en histoire de l’art sur les arcs-boutants est copieuse, mais, bien trop souvent, les hypothèses avancées sur le comportement structurel posent problème20. De même, les études qui dérivent des disciplines de l’ingénierie structurelle et de l’histoire de la construction souffrent fréquemment d’un manque de fondements en histoire et en archéologie de la construction21. Grâce à une collaboration avec John Ochsendorf et Maria-Katerina Nikolinakou, ingénieurs du Massachusetts Institute of Technology, nous avons pu établir des liens directs et significatifs entre les résultats fournis par la méthode de la statique graphique et les problèmes structurels d’une série d’édifices majeurs du XIIe siècle22.

23 Norbert Nussbaum. Selon moi, aucune interdisciplinarité réelle n’a été suffisamment développée. En effet, la plupart des spécialistes, qui contribuent à la recherche dans l’archéologie du bâti depuis leur domaine de compétence, considèrent cette discipline voisine comme une science auxiliaire, dont ils exploitent les résultats à chaque fois en vue de leurs propres questionnements. Jusqu’à présent, le partage entre don et appropriation reste le plus souvent déséquilibré : les sciences analytiques de l’ingénierie et de la nature donnent comme on assure une prestation de service ; quant aux historiens du bâti, ils s’approprient leurs résultats comme des mandants de

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missions très spécifiques qui exploitent le travail de leurs mandataires, lui-même exécuté selon des procédés le plus souvent standardisés. Une interdisciplinarité authentique supposerait de développer communément de nouveaux questionnements et de dépasser le partage entre les disciplines. Cela nécessite de la part des chercheurs des compétences de fond et une expertise poussée de leur propre discipline autant que la capacité de dépister les points de jonction entre les disciplines et de les franchir dans une démarche créative. Les avantages comme les risques de la collaboration résultent de cette exigence capitale. Une réelle convergence des intérêts de la recherche peut offrir aux sciences systématiques les moyens d’historiciser leur logique formelle (par une histoire des matériaux de construction, des supports du dessin et des technologies de la construction), tandis que les disciplines historiques peuvent compléter leur ordonnancement diachronique et synchronique en recourant à des paramètres radicalement extérieurs à la traditionnelle histoire des formes (les styles de la technologie, les répercussions plastiques du plan et de la construction). 24 Ces derniers temps, nombre de signes très prometteurs annoncent de tels transferts de savoir par-delà les limites des spécialités23. Cette tendance ne peut qu’avoir des retombées positives puisque la complexité de la construction, un art qui s’exerce collectivement, exige un éventail de compétences bien plus large que celui nécessité par les objets d’art ou – cela va sans dire – par l’écriture. En archéologie du bâti, le risque qu’une association de diverses disciplines, fût-elle seulement nominale, devienne la voie d’une dilution de la praxis scientifique reste largement maîtrisable, car l’évidence des résultats de la recherche, démontrables à partir de l’objet, rend la discipline moins sujette à des définitions imprécises ou à des énoncés spéculatifs que les autres disciplines qui travaillent sur des sujets conceptualisés.

Nicolas Reveyron. L’archéologie du bâti peut-elle participer à l’interprétation des édifces étudiés, particulièrement des édifces religieux dont le projet repose sur une identité ecclésiologique, une spiritualité spécifque et une liturgie complexe ? 25 Norbert Nussbaum. Il serait erroné de supposer que l’archéologie du bâti produit exclusivement des résultats objectifs découlant d’états de fait neutres. Au début de toute étude sur le bâti, il y a une orientation qui circonscrit les questions à élucider, sans quoi les études sur le bâti se prolongeraient à l’infini et ad libitum. Dans la plupart des cas, la formulation des objectifs de la recherche a pour perspective la conservation des monuments : le conservateur attend certains éclaircissements sur la nature des structures architecturales qui nécessitent une transformation. Dans les rares cas où l’on a affaire à une enquête purement scientifique, cet intérêt infléchit justement la direction de la recherche. C’est pourquoi toute campagne initiée dans l’archéologie du bâti relève d’une emprise intentionnelle qui, à son tour, suppose une intention interprétative.

26 L’archéologie du bâti problématise donc depuis toujours ses recherches, mais il est vrai que, souvent, elle ne divulgue pas ses problématiques dans l’espace des débats critiques, comme il se doit selon la méthode scientifique de l’enseignement supérieur. L’archéologie du bâti prend ici trop souvent la position d’une discipline appliquée de l’histoire de l’architecture : sur le point d’élaborer une méthode propre, elle se replie sur son propre pragmatisme.

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27 En effet, les problématiques de l’archéologie du bâti s’intriquent avec les controverses soulevées par la signification évolutive d’une structure. Le sens donné à l’architecture sacrée spécifiquement abordé dans votre question, qu’il soit spirituel ou social, qu’il relève de l’esthétique ou de l’économie de l’espace, oriente l’interprétation des résultats. Qu’une plaque de fondation découverte dans une église soit analysée comme la substruction de l’emplacement d’un autel, d’une pierre baptismale, d’une épitaphe, d’une chaire, d’une tombe ou encore d’un baldaquin, par exemple, dépend de la lecture globale de la topographie intérieure d’un bâtiment et de son interprétation sociale. 28 Cela vaut pour un résultat pris individuellement tout comme pour la présentation de l’ensemble des vestiges : le sens de l’archéologie historique du bâti est la mise en évidence de concepts architecturaux, de leur réalisation et de leur modification au fil de l’histoire et des traditions. Ces trois aspects ont tous, directement et de manière déterminante, partie liée avec la reconstitution interprétative des objectifs de la construction et de leur transformation. 29 Andrew Tallon. S’il n’était pas possible d’utiliser l’archéologie du bâti pour obtenir une meilleure vue de la situation dans son ensemble, il y aurait, me semble-t-il, peu d’intérêt à y recourir. Prenons l’exemple du scanner 3D laser, une technologie de pointe qui peut servir à mieux comprendre la situation d’ensemble de la cathédrale de Chartres24. 30 Le volume structurel de la cathédrale de Chartres témoigne du désir de son concepteur d’impressionner, d’atteindre le sublime par le biais du gigantisme ; en même temps, il permet l’éclosion d’un monde intérieur où règne l’ordre céleste. Or la perfection rectiligne est sans cesse menacée par la réalité de la gravité et des vents. Une arcade ou une voûte est construite sur un cintrage en bois, puis libérée : à mesure que le bâtiment s’adapte par déformation à cet ensemble de forces nouvellement libérées, une marque indélébile laisse son empreinte sur l’enveloppe. Les premières expérimentations de l’architecture gothique, qui se pliaient et se déformaient avec une fluidité surprenante, avaient appris au maître d’ouvrage de la cathédrale de Chartres qu’il lui faudrait déployer des moyens importants pour que son édifice demeure fidèle à ses plans. 31 Comme le montre une coupe transversale de la nef, générée à partir d’une étude au laser réalisée en 2011 dans le cadre du programme de recherche « Mapping Gothic France »25, le bâtiment a à peine bougé, contrairement à la grande majorité de ses contemporains. Sa stabilité est due à un ensemble exceptionnel d’arcs-boutants, ainsi qu’à une série de tirants en fer placés dans les reins des voûtes des bas-côtés de la nef et du chœur, qui témoignent d’un système esthétique de rectilinéarité auquel on accordait une importance considérable. 32 Cette régularité manifeste doit cependant être considérée dans un contexte particulier, qui dépasse la simple esthétique : les constructeurs de Chartres ne recherchaient rien de moins que la perfection, la mesure à la fois de l’homme et du ciel, évaluée dans les deux cas par un seul outil : le fil à plomb26. La construction en pierres de l’église- bâtiment, par assimilation métonymique avec les « pierres vivantes » de l’Église (1 Pierre 2 :4-5), est appelée à répondre à un niveau de perfection en adéquation avec la perfection morale exigée de tout membre de l’Église27. Le scan au laser, qui génère un milliard de points de données dans l’espace, met en lumière une qualité imperceptible par des moyens conventionnels : une perfection rectilinéaire exceptionnelle dont la signification n’est pas de l’ordre de la construction mais du spirituel28.

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Andreas Hartmann-Virnich. L’exemple de l’abbatiale de Saint-Gilles-du-Gard illustre l’apport du relevé et de l’étude archéologique des élévations à la connaissance fondamentale du projet architectural, expression des intentions changeantes de la communauté religieuse. Plusieurs éléments révèlent l’impact des usages, des fonctions et des conceptions liturgiques29 : la priorité donnée dès le début du chantier à l’environnement monumental de la tombe du saint, inscrit dans un espace ecclésial beaucoup plus vaste qu’initialement prévu au détriment du cloître, dont l’amputation d’un tiers réduisait d’autant le cadre de la vie religieuse ; l’organisation complexe des accès, escaliers, passages et cloisonnements, aujourd’hui disparus, pour réguler la circulation distincte de la communauté et des visiteurs ; enfin, l’existence de décors peints, jusqu’alors inconnus. Aux cryptes de Saint-Germain et Saint-Étienne d’Auxerre, la vision d’ensemble d’une histoire monumentale complexe qui accompagne l’évolution des fonctions liturgiques et funéraires fut entièrement renouvelée grâce aux analyses de la construction, des matériaux et des décors peints, associées aux fouilles archéologiques et aux datations archéométriques30. Il en va de même pour la cathédrale gothique auxerroise, dont le relevé pierre à pierre, l’analyse constructive et l’étude archéologique des charpentes sont venus à l’appui de l’étude des sources écrites en illustrant, entre autres, les modifications apportées au projet initial à la faveur de la création de chapelles en vue de répondre au besoin d’espaces individuels pour la dévotion privée31. À l’abbaye de Saint-Claude (Jura), une étude archéologique complète du sous-sol et des élévations a permis de restituer, à partir de l’analyse de traces souvent ténues, l’évolution des circulations entre les églises du monastère médiéval32.

33 Gerardo Boto-Varela. Il s’agit ici de savoir si l’archéologie du bâti fait montre des mêmes aptitudes et convictions dans l’examen du monument et dans l’interprétation des documents, si on peut glisser de la matérialité à l’herméneutique. Indubitablement, il est fondamental d’étudier les pierres à la lumière des textes et de concrétiser l’information des documents (interventions, chronologies, protagonistes) dans une analyse systématique de la nature et des spécificités physiques de la construction. Les deux domaines d’étude sont indissociables. De même, il est indispensable de justifier la vocation esthétique d’un bâtiment historique. Cette dimension s’avère centrale – et jamais fortuite – dans des constructions conçues pour accueillir des activités liturgiques et cultuelles, et qui revêtent une fonction de représentation idéologique. La question est, par conséquent : quelle est la discipline intéressée et à même de conjuguer tous ces plans ?

34 Après avoir analysé la matérialité des structures et des revêtements, après avoir disséqué le processus de construction et déterminé la stratigraphie des interventions sur l’édifice, après avoir étudié les matériaux et les façons de construire, après avoir interprété les sources d’approvisionnement matériel de la fabrication et l’organisation sociale et productive qu’elles révèlent, et, pour aller plus loin, après avoir formulé une proposition palliative aux éventuelles pathologies de la construction, à qui revient-il d’éclairer les raisons idéologiques, spirituelles et – en dernière instance – culturelles pour lesquelles une église ou un palais ont été construits selon une certaine topographie ? Qui explique les raisons et les intentions d’une construction ? Il me semble fondamental de comprendre ce que font exactement un historien de l’art et un archéologue en architecture lorsqu’ils étudient des bâtiments historiques. En d’autres

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termes, il nous faut savoir quelle est la responsabilité de l’un et de l’autre – ou de l’un face à l’autre – dans le monde de la connaissance. 35 L’histoire de l’art expose les besoins fonctionnels variables d’un édifice sacré en accord avec la morphogenèse spatiale. Elle justifie l’espace et non seulement l’ossature architecturale ; elle analyse et explique la sémantique et la fonctionnalité des lieux, l’articulation des espaces scéniques et, surtout, l’art de créer loci sancti. Il s’avère indispensable de tenir compte de ces questions et de transmettre à l’ensemble de la société actuelle que les espaces scéniques cultuels ou politiques perdent tout sens et toute utilité sans organisation scénographique et sans protocoles rituels. Nous sommes à même d’expliquer qu’une église offre une mise en scène afin qu’une communauté puisse mener en son sein tous les actes cérémoniels et de représentation lui permettant de reconnaître son identité et son office. Historiens de l’art et archéologues doivent donner une lecture de l’édifice, du texte spatial et monumental, dans son contexte historique et culturel.

Nicolas Reveyron. L’archéologue travaille avec les technologies les plus pointues et les plus complexes sur des bâtis réalisés d’abord par des savoir-faire empiriques et infra-scientifiques. Quelle légitimité y a-t-il d’étudier ces édifices avec des moyens que les constructeurs n’avaient pas ? N’y a-t-il pas un risque de surinterprétation des faits, voire de contresens ?

36 Andrew Tallon. Au milieu du XVIe siècle, le maître d’œuvre Rodrigo Gil de Hontañón affirmait : « Ces choses sont parfois difficiles à comprendre si l’on manque d’expérience et de pratique, ou si l’on n’est pas maçon soi-même, ou si l’on n’a jamais assisté à la fermeture d’une voûte d’ogives »33. La coupe transversale et les différents outils de modélisation structurelle semblent nous permettre d’accéder à la « culture de l’échafaudage » exclusive de Hontañón. Pour autant, pouvons-nous être certains que les intuitions que nous fondons sur ces observations sont à rapprocher de celles des bâtisseurs du Moyen Âge ?

37 Robert Branner écrivait avec prescience en 1961 : « Nous devons impérativement établir une distinction entre les réalités structurelles telles qu’elles sont comprises de nos jours, et ce que les maîtres gothiques pensaient qu’ils étaient en train d’accomplir » 34. Comme pour lui répondre, l’ingénieur Jacques Heyman écrivit quelques années plus tard que « l’approche technique n’apportera qu’un faible éclairage sur les raisonnements de l’architecte médiéval. Notamment, on sera tenté de conclure que l’architecte médiéval devait forcément penser de la même manière que l’ingénieur moderne »35. 38 Prenons à cet égard l’exemple de la cathédrale de Chartres. Une coupe transversale de la nef révèle une masse triangulaire de maçonnerie sous le toit de chacun des bas-côtés – que l’on appelle le mur-boutant. Ce terme est problématique, car il révèle la présence persistante du rationalisme structurel : un élément en pierre aligné derrière les retombées des voûtes était forcément destiné à contrebuter des poussées. Selon le discours structurel dominant sur le gothique, qui veut que les arcs boutants aient évolué à partir des simples éperons triangulaires masqués derrière les toits des bas- côtés dans les premiers édifices gothiques, comme à Saint-Martin-des-Champs, le mur sous combles à Chartres était forcément de nature résiduelle, un signe clair de

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l’incompétence structurelle (ou d’une peur de l’échec inhibante) de son architecte, étant donné leur retrait physique par rapport à l’action des voûtes principales. Il était donc logique dans ce contexte que Robert Mark et William Clark, dont les modèles structurels photoélastiques corroboraient cette supposition latente, aient pu considérer ces murs comme « superflus »36. Cette conclusion revenait en réalité à sous- estimer le bâtisseur : ces murs étaient peut-être superflus du point de vue limité du soutien de la voûte principale – mais non pas pour le renforcement latéral, le soutien du toit, ni l’indépendance structurelle du système de contre-butement à partir du mur. En réalité, bien loin d’être incompétent, le maître d’ouvrage de Chartres a imaginé un système brillant – quoique massif – pour résoudre un problème courant dans les édifices soutenus par des arcs-boutants. Un arc typique, dont le rôle principal est de transmettre la poussée des voûtes vers la culée, exerce une certaine pression contre le mur gouttereau en raison de son propre poids : il « repose » contre le mur. Cette poussée, de l’ordre de plusieurs tonnes par arc-boutant, pouvait être problématique au moment de leur construction, en amont de celle des voûtes, car elle pouvait entraîner le mur gouttereau vers le vide du vaisseau central. À Chartres, ce problème est écarté grâce aux murs triangulaires, sur lesquels reposent les sommets des arcs. 39 Il est tentant de croire que les dernières techniques de modélisation structurelle – ou, d’ailleurs, le dernier assemblage de données laser – offrent l’accès, de manière infaillible, à une vérité sur le bâtiment ou sur ses constructeurs. Toutefois, la vérité est à chercher ailleurs : la valeur de telles techniques est au final tributaire de la qualité de l’interprétation qui en est donnée. Ceux qui se chargent de ce travail d’interprétation doivent à tout prix tenir compte de l’appel à la prudence de spécialistes tels que Hontañón, Branner et Heyman, et doivent sans cesse veiller à enrichir – et à questionner – les nouvelles techniques en s’appuyant sur les méthodes traditionnelles permettant d’appréhender un bâtiment dans toute sa multivalence. 40 Gerardo Boto-Varela. Michel Foucault a introduit le facteur déformant du hasard dans le récit historique traditionnel – actualisé par le structuralisme – qui, depuis des siècles, mettait l’accent sur la causalité. Celle-ci avait été comprise, jusqu’à Foucault, comme la raison d’être nécessaire et indiscutable de la succession progressive des événements historiques. Ce débat entre la contingence du hasard (humain et dans la vie en général) et la logique de causes inévitables (naturelles ou sociales) caractérise les analyses historiques aussi bien que les recherches autour de la matérialité architecturale. 41 Les explorations les plus minutieuses, rendues possibles grâce au scanner 3D, à la topographie et à la photogrammétrie, parviennent à décrire de façon très détaillée des déviations, des inflexions et des discontinuités sur les murs et les voûtes. Grâce à ces technologies, nous avons aujourd’hui une connaissance des édifices très détaillée, presque comme s’ils étaient fractaux, pour faire un rapprochement avec la physique ou la géologie. La question est de savoir si les fractures, pas toujours perceptibles à première vue, sont dues à des causes physiques (comme le mouvement des sous-sols ou la modification des charges), à des causes fonctionnelles (comme la révision d’un projet architectural) ou – si l’on doit conférer une marge interprétative, aussi petite soit-elle – au hasard et à l’improvisation des constructeurs. Nous, les historiens de l’art et les archéologues en architecture, interprétons les édifices en assimilant les irrégularités à des symptômes d’erreurs tectoniques. Nous lisons dans les modifications les indices de problèmes ou de motivations physiques ou fonctionnelles.

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42 La symptomatologie et la pensée indiciaire à la recherche de causes sont deux des formulations introduites récemment dans l’analyse architecturale. Les technologies ont permis de progresser dans la recherche déductive et dans la discrimination des raisons d’être des édifices, et de reconstituer leurs espaces cultuels ou représentationnel37. De même que l’anthropologie médico-légale a recours à l’étude des isotopes ou les chercheurs qui travaillent sur les tissus anciens font appel au carbone 14 ou à la palynologie, les archéologues en architecture exhument les dépôts d’information contenus dans les structures architecturales. Si nous pensons pouvoir imputer tous les symptômes, indices et preuves à une cause, quelle qu’elle soit, leur étude est justifiée. Il est plus délicat d’assumer la projection sur le passé de spéculations ou de surinterprétations déliquescentes comme celles associées à la métrologie géométrique, que certains, en Espagne par exemple, s’évertuent à ériger en vérité quasi absolue38. 43 Andreas Hartmann-Virnich. En 2001, dans les actes du premier des colloques quinquennaux de Cottbus dédiés aux méthodologies et finalités du relevé dans la Bauforschung, Manfred Schuller publia un article polémique contre une attitude crédule à l’égard des nouvelles technologies, au détriment de l’auscultation directe de l’objet, dénonçant l’exaltation de la seule « précision » des mesures en lieu et place de celle de l’analyse du bâti39. À l’appui de ce constat, le même auteur illustra le potentiel et les performances du relevé manuel dans une synthèse magistrale parue l’année suivante40. 44 Une inadéquation des problématiques archéologiques courantes et des moyens technologiques investis pour le relevé des structures en question peut en effet conduire à une contre-performance41. Il est également vrai que, si l’utilité de la visualisation tridimensionnelle numérique pour la mise en espace virtuelle et la vérification des hypothèses n’est plus à démontrer42, l’adaptation des technologies 3D aux besoins de l’étude structurelle et stratigraphique est rarement problématisée au sein du débat méthodologique43. Mise au service d’une réflexion perspicace, la « haute technologie » s’est toutefois établie comme partenaire obligée de l’archéologie du bâti, la précision des mesures étant indispensable à l’analyse de la forme plus ou moins régulière ou imprécise de l’objet architectural étudié, de ses altérations, ou bien des désaxements et des défauts d’angle et d’aplomb, dont le caractère fortuit ou intentionnel, le lien avec le concept et la construction initiale – ou, au contraire, avec des altérations et modifications postérieures – ne peuvent être appréhendés, caractérisés et expliqués sans une définition exacte de la position des éléments étudiés. L’intérêt de la méthode de relevé dépend alors de la nature des résultats escomptés : si l’analyse métrologique submillimétrique d’une maçonnerie en blocage n’a guère de sens, elle peut venir à l’appui de l’étude des micro-variations dimensionnelles d’un appareil standardisé. 45 Norbert Nussbaum. Le risque de surinterprétation ne devient préjudiciable que lorsque la logique propre des technologies qui accompagnent et sous-tendent l’archéologie du bâti voile les procédures historiques ou les recouvre au point de les rendre méconnaissables. Certains traditionnalistes parmi les archéologues du bâti rejettent le recours en particulier aux méthodes d’investigation et de mesure numériques, soutenant que l’on ne pourrait approcher l’artefact que dans la perspective d’une compréhension de ses conditions de production. C’est là une mauvaise compréhension de l’herméneutique historique. De même que la connaissance de la peinture dépend des rayons infrarouges, de la radioscopie, de l’analyse des pigments et de la dendrochronologie pour pouvoir dater historiquement un tableau et

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analyser ses couches picturales, de même l’historien du bâti a besoin d’analyses des matériaux de construction, de procédés endoscopiques, de mesures radar et de nombre d’autres technologies encore pour éclairer de manière évidente l’anatomie d’une construction sans produire de destruction. 46 Les renforts de la technologie livrent des indications fondamentales pour l’interprétation d’un résultat, parce qu’ils accroissent la portée et l’acuité de la perception sensible. Il serait plus qu’absurde de ramener notre instrumentation à l’arsenal historique de la situation de référence et ainsi de le réduire par force, car l’acquisition de connaissances par le biais de l’empirisme n’exige pas que l’analyste s’adapte à son objet. Un archéologue du bâti a aussi peu besoin d’être tailleur de pierre ou charpentier qu’un médecin d’être lui-même malade ou un criminaliste, criminel. Il lui faut cependant posséder une connaissance historique exacte des arts du bâtiment et être en capacité d’interpréter les traces qu’ils laissent derrière eux. Ainsi doit-il être avant toute autre chose un bon historien. Tous les moyens pouvant contribuer à l’interprétation de ces traces sont les bienvenus, à la condition et seulement à cette condition qu’ils donnent lieu à des hypothèses plausibles dans le cadre d’un contexte historique vérifiable. Aussi faudrait-il considérer d’un œil sceptique l’analyse assistée par ordinateur d’un plan dessiné datant du haut gothique si ses conclusions aboutissaient à identifier comme schéma de proportion (Proportionsfigur) principal et déterminant un pentagone, parce que, compte tenu des techniques de construction géométrique au Moyen Âge, ce polygone ne pouvait être reproduit qu’en employant de très grands moyens et encore, seulement de manière approximative. 47 Se manifeste ici, une fois de plus, la nécessité d’une interaction interdisciplinaire dans l’archéologie du bâti qui, plus que toutes les autres disciplines historiques, est tributaire d’un savoir extrêmement vaste de l’histoire culturelle. Ce que Vitruve recommandait aux architectes – en quelque sorte la maîtrise de la ratiocinatio et de la fabrica – vaut également pour celui qui entend mener une recherche historique dans le domaine de l’architecture.

NOTES

1. Christian Sapin, « L’église dans tous ses états, 30 ans d’archéologie des sites et édifices religieux », dans Jean Chapelot éd., Trente ans d’archéologie médiévale en France : un bilan pour un avenir, Caen, 2010, p. 195-211, en particulier p. 206. 2. Voir, à titre d’exemple, les réflexions historiographiques et méthodologiques à partir des travaux fondateurs d’Edward Harris (« The Laws of Archaeological Stratification », dans Norwegian Archaeological Review, 10, 1979, p. 84-94 ; Principles of Archaeological Stratigraphy, Londres/San Diego, (1989) 1997, en particulier p. 56 sq.), exposées par Gian Pietro Brogiolo dans son article liminaire du premier volume de la première revue dédiée spécifiquement à l’archéologie du bâti : Gian Pietro Broglio, « Prospettive per l’archeologia dell’architettura », dans Archeologia dell’architettura, 1, 1996, p. 11-15, en particulier p. 14.

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3. Gian Pietro Brogiolo, « Dall’Archeologia dell’architettura all’Archeologia della complessità », dans Pyrenae, 38/1, 2007, p. 7-38 ; Gian Pietro Brogiolo, Aurora Cagnana éd., Archeologia dell’architettura: metodi e interpretazoni, Florence, 2012. 4. « [...] because there cannot be anything, and in particular any art, that isn’t textualized [...] there is text as soon as deconstruction is engaged in fields said to be artistic, visual or spatial. There is text because there is always a little discourse somewhere in the visual arts » (Jacques Derrida, « The Spatial Arts: an Interview with Jacques Derrida », entretien réalisé par Peter Brunette et David Wills le 28 avril 1990 à Laguna Beach (CA), publié dans Deconstruction and the Visual Arts: Art, Media, Architecture, Cambridge, 1994, p. 9-32, en particulier p. 15). Voir aussi, Jacques Derrida, The Truth in Painting, Chicago, 1987, p. 9. 5. Dans cette perspective, les extraits de textes proposés sur la page d’accueil du site de l’association Koldewey sont éloquents pour leur caractère programmatique et parce qu’ils font référence : www.koldewey-gesellschaft.de/de/bauf/bauforschung.htlm. 6. Depuis 2009, date de sa création, la revue Insitu: Zeitschrift für Architekturgeschichte s’efforce de créer un lien entre les deux mondes. 7. En réalité, le mot « archéologie » et ses différents dérivés ont invariablement conservé leur connotation « souterraine », liée au sous-sol. Preuve s’il en est, voir l’article sur l’archéologie sur le site anglais de Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Archaeology. 8. Voir, en particulier, la quatrième partie du dernier ouvrage en anglais traitant d’études empiriques de l’architecture médiévale : Robert Bork, William Clark, Abby McGehee éd., New Approaches to Medieval Architecture, Farnham, 2011. 9. « [...] fearful of interdisciplinarity [...] still run for the measuring rod » (Michael Camille, « Art History in the Past and Future of Medieval Studies », dans John van Engen éd., The Past and Future of Medieval Studies, Notre Dame [IN], 1994, p. 371). Voir Michael Davis, « Sic et Non: Recent Trends in the Study of Gothic Ecclesiastical Architecture », dans Journal of the Society of Architectural Historians, 58/3, 1999, p. 414-423. 10. Voir l’exemple de la datation des mortiers confirmant la date carolingienne de Saint-Martin d’Angers : Daniel Prigent, La Collégiale Saint-Martin d’Angers, Paris, 2006, p. 12-13. 11. Voir Frédéric Épaud, De la charpente romane à la charpente gothique en Normandie : évolution des techniques et des structures de charpenterie aux XIIe-XIIIe siècles, Caen, 2007. 12. Voir Andreas Hartmann-Virnich, « L’inscription de la fondation de l’abbatiale de Saint-Gilles- du-Gard : étude de cas d’un problème archéologique », dans Rosa Alcoy et al. éd., Mélanges d’histoire de l’art offerts en hommage à Xavier Barral I Altet, Paris, 2012, p. 132-139 ; Andreas Hartmann-Virnich, Heike Hansen, « Saint-Trophime in Arles und Saint-Gilles-du-Gard. Neuere und aktuelle archäologische Forschungen zu den romanischen Kirchenbauten und ihren Skulpturenfassaden an der provençalischen Via Egidiana », dans Bernd Nicolai éd., Santiago de Compostela: Pilgerarchitektur und bildliche Repräsentation in neuer Perspektive = Arquitectura de peregrinación y representaciones iconológicas desde una nueva perspectiva = Pilgrimage Architecture and Pictorial Concepts in a New Perspective, (colloque, Berne, 2010), à paraître. 13. En Espagne, les travaux réalisés par Albert López Mullor, Luis Caballero Zoreda, Pedro Mateos et Agustín Azkarate sont fondamentaux : Luis Caballero Zoreda, « Sobre límites y posibilidades de la investigación arqueológica de la arquitectura. De la estratigrafia a un modelo histórico », Dans Arqueologia de la Arquitectura, 1, 2002, p. 83-100 ; Agustín Azkarate, « Archeologia dell’Architettura in Spagna », dans Archeologia dell’Architettura, 15, 2010, p. 17-28 ; Maria de los Ángeles Utrero Agudo, « Archeology. Archeologia. Arqueología. Hacia el análisis de la Arquitectura », dans Esther de Vega García, Martiń Morales éd., Arqueología aplicada al estudio e interpretación de edificios históricos: últimas tendencias metodológicas, Madrid, 2010, p. 11-24. 14. Gerardo Boto-Varela, « Morfogénesis espacial de las primeras arquitecturas de San Isidoro. Vestigios de la memoria dinástica leonesa », dans Pedro Luis Huerta éd., Siete Maravillas del románico español, Aguilar de Campo, 2009, p. 151-191 ; Gerardo Boto-Varela, « In Legionenssy regum

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cimiterio. La construcción del cuerpo occidental de San Isidoro de León », dans Monumentos singulares del románico: nuevas lecturas sobre formas y usos, Aguilar de Campoo, 2012, p. 93 -135. 15. Anne Baud éd., Espace ecclésial et liturgie au Moyen Âge, Lyon/Paris, 2010. 16. Gerardo Boto-Varela, Artemio M. Martínez-Tejera, « Historiar la arquitectura medieval. Intersecciones epistemológicas de la Historia del Arte y la Arqueología de la Arquitectura », dans Arqueología de la Arquitectura, 7, 2010, p. 263-275. 17. Voir les commentaires à ce propos dans Nicolas Reveyron, « L’apport de l’archéologie du bâti dans la monographie d’architecture », dans In Situ : revue des patrimoines, 2, 2002, publié en ligne : http://insitu.revues.org/1200. 18. Christian Sapin éd., Saint-Étienne d’Auxerre, la seconde vie d’une cathédrale : 7 ans de recherches pluridisciplinaires et internationales, Paris/Auxerre, 2011 (voir le compte rendu de ce livre dans le présent volume, p. 418) ; Arnaud Timbert éd., La Cathédrale Notre-Dame de Chartres : matériaux et techniques de construction, Rennes, à paraître. 19. Voir Andrew Tallon, Maxime l’Héritier, « La cathédrale de Bourges enchainée : le défi de la structure gothique au XIIIe siècle », à paraître. 20. Par exemple Jacques Henriet, « La cathédrale de Sens : le parti du premier maître et les campagnes du XIIe siècle », dans Bulletin Monumental, 140, 1982, p. 81-174, en particulier p. 133-140. 21. Par exemple, Juan P. Valcárcel et al., « Structural behavior of Gothic vaults », dans Carlos A. Brebbia éd., Structural Studies, Repairs and Maintenance of Heritage Architecture VIII, Wessex, 2003, p. 241-250. 22. Maria-Katerina Nikolinakou, John Ochsendorf, Andrew Tallon, « Structure and form of early Gothic flying buttresses », dans Revue européenne de Génie Civil, 9/9-10, 2005, p. 1191-1217. 23. Voir par exemple Hiltrud Kier, Norbert Nussbaum éd., Interdisziplinäre Beiträge zu St. Maria im Kapitol zu Köln, (colloque, Cologne, 2007), (Colonia Romanica, 24), Cologne, 2009 ; Altenberger Dom- Verein, Norbert Nussbaum éd., 1259: Altenberg und die Baukultur im 13. Jahrhundert, (Veröffentlichungen des Altenberger Dom-Vereins. 10), Regensbourg, 2010 ; Andrea Pufke éd., Die karolingische Pfalzkapelle in Aachen: Material, Technik, Restaurierung, (Arbeitsheft der rheinischen Denkmalpflege, 78), Worms, 2012. 24. Voir Andrew Tallon, « La structure de la cathédrale de Chartres », dans Timbert, à paraître, cité n. 18. Pour plus de renseignements sur la technique, voir Andrew Tallon, « Archéologie spatiale : le bâtiment gothique relevé (et révélé) par laser », dans Arnaud Timbert, Stéphanie Daussy éd., Architecture et sculpture gothiques : renouvellement des méthodes et des regards, Rennes, 2012, p. 63-75. 25. « Mapping Gothic », une base de données d’images, de textes et de cartes sur la formation du gothique en France aux XIIe et XIIIe siècles, entrepris en collaboration avec Stephen Murray (Columbia University, USA) et soutenu par la Andrew Mellon Foundation, peut être consulté à Erreur ! Référence de lien hypertexte non valide. 26. Cette idée est évoquée dans Isaïe 28:17 et 34:11 ; Zacharie 1:16 et 4:9-10. Voir Andrew Tallon, « La perpendicularité : vers une architecture de perfection », dans La Cathédrale Saint-Étienne de Bourges, (colloque, Bourges, 2012), Orléans, à paraître. 27. Voir Andrew Tallon, « Reading Gothic Structure », à paraître. 28. Le badigeonnage des murs répondait à des motifs autres qu’esthétiques. Voir Arnaud Timbert, « Recevoir et produire la lumière : la polychromie d’architecture (XIIe-XVIe s.) », dans Nicolas Reveyron éd., De verres et de pierres : la lumière dans l’architecture du Moyen Âge, (colloque, Lyon, 2011), à paraître. 29. Une synthèse monographique à paraître dans le Bulletin monumental est en cours de rédaction.

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30. Christian Sapin éd., Archéologie et architecture d’un site monastique : 10 ans de recherche à l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre, Auxerre/Paris, 2000, p. 181-302 ; Christian Sapin, « À l’origine du chantier gothique : la crypte romane, approche archéologique », dans Sapin, 2011, cité n. 18, p. 97-112. 31. Dans Sapin, 2011, cité n. 18, voir : Heike Hansen, « La chronologie relative des cinq portails », p. 211-232 ; Götz Echtenacher, Heike Hansen, Sylvain Aumard, « Construction et chronologie », p. 117-155 ; Stefan King, « Les charpentes des principaux vaisseaux », p. 183-207 ; Kristina Krüger, « Les chapelles : chronologie, fondation et aménagement », p. 233-252. 32. Sébastien Bully, « Famille d’églises et circulations. Le cas de l’abbaye de Saint-Claude (Jura) du Ve au XVIIIe siècle », dans Baud, 2010, cité n. 15, p. 75-89. 33. « These things may be difficult to understand if one lacks experience and practice, or if one is not a stone mason, or has never been present at the closing of a rib vault » (Sergio Sanabria, The Evolution and Late Transformation of the Gothic Mensuration System, thèse, Princeton University, 1984, vol. II, p. 91). 34. « We must make a distinction between structural realities as they are now understood, and what Gothic masters thought they were doing » (Robert Branner, Gothic Architecture, New York, 1961, p. 20). 35. « [...] the engineering approach will throw very little light on the ratiocinations of the medieval architect. In particular there will be a temptation to conclude that the medieval architect must have thought in the same way as the modern engineer » (Jacques Heyman, « On the rubber vaults of the Middle Ages and other matters », dans Gazette des Beaux-Arts, 6 e série n° 71, 1968, p. 177-178). 36. Robert Mark, William Clark, « Gothic Structural Experimentation », dans Scientific American, 251, 1984, p. 183. 37. Les travaux de l’équipe de Agustin Azkarate sur la cathédrale de Vitoria ont le mérite d’intégrer dans un seul itinéraire des lectures chrono-typologiques et archéologiques. Les phases stratigraphiques ont été identifiées à partir de variables technico-constructives, analysées et mises en forme dans une cartographie géo-référencée en trois dimensions : www.catedralvitoria.com/descripcion_emplazamiento.php. 38. José Miguel Merino de Cáceres, « Metrología y simetría en las catedrales de Castilla y León », dans Pedro Navascueś Palacio, Jose ́ Luis Gutierreź Robledo éd., Medievalismo y neomedievalismo en la arquitectura española: las catedrales de Castilla y León, Ávila, 1994, p. 9-52 ; José Miguel Merino de Cáceres, « Métrica y composición en la arquitectura cisterciense: Santa María de Sacramenia », dans Segovia cisterciense: estudios de Historia y Arte sobre los monasterios segovianos de la orden del Císter, Ségovie, 1991, p. 107-124 ; Juan Francisco Esteban Lorente, « La metrología y sus consecuencias en las Iglesias de la Alta Edad Media Española. I.: San Juan de Baños, Santa Lucía del Trampal, San Pedro de la Nave, Santa María de Melque, San Miguel de Escalada y San Cebrían de Mazote », dans Artigrama, 20, 2005, p. 215-254. 39. Manfred Schuller, « Mehr denken statt nur messen », dans Ulrich Weferling, Katja Heine, Ulrike Wulf éd., Messen, Modellieren, Darstellen: Von Handaufmass bis High Tech, I, Aufnahmeverfahren in der historischen Bauforschung, Mayence, 2001, p. 213-226. 40. Manfred Schuller, Building Archaeology, (Monuments et sites, 7), Munich, 2002. Voir nos propres réflexions à ce sujet : Andreas Hartmann-Virnich, « Transcrire l’analyse fine du bâti : un plaidoyer pour le relevé manuel dans l’archéologie monumentale », dans Yves Gallet éd., « Ex quadris lapidibus » : la pierre et sa mise en œuvre dans l’art médiéval : mélanges d’Histoire de l’art offerts à Eliane Vergnolle, Turnhout, 2011, p. 191-202. 41. Voir récemment Tillmann Wallner, « Technologische Verschwendung im Gebäudeaufmass », dans Katja Heine et al. éd., Erfassen, Modellieren, Visualisieren: Von Handaufmass bis High Tech, III, 3D in der historischen Bauforschung, Mayence, 2011, p. 160-164. 42. Outre l’ouvrage déjà cité, voir Christian Père, Juliette Rollier-Hanselmann éd., Arch-I-Tech 2010, (colloque, Cluny, 2010), (Archéovision, 5), Bordeaux, 2011 ; Francoiş de Mazieres,̀ Mireille

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Grubert éd., Le Relevé en architecture ou l’éternelle quête du vrai, (colloque, Paris, 2007), Lyon, 2011, p. 114-129. 43. Voir à titre d’exemple : Ismael García-Gómez, Miren Fernández de Gorostiza López de Viñaspre, Amaia Mesanza Moraza, « Láser escáner y nubes de puntos. Un horizonte aplicado al análisis arqueológico de edificios », dans Arqueología de la arquitectura, 8, 2011, p. 25-44.

INDEX

Keywords : archéologie du bâti, religious architecture, cathedral, mechanics of construction, 3D modeling Mots-clés : archéologie du bâti, architecture religieuse, cathédrale, mécanique du bâti, restitution 3D

AUTEURS

GERARDO BOTO-VARELA

Enseigne l’histoire de l’art médiéval à l’université de Gérone. Directeur du groupe de recherche Templa, il est éditeur scientifique de la revue Codex Aquilarensis.

ANDREAS HARTMANN-VIRNICH

Professeur d’histoire de l’art et archéologie médiévale à Aix-Marseille Université AMU. Il dirige l’axe de recherche « Archéologie monumentale et funéraire ».

NORBERT NUSSBAUM

Professeur d’histoire de l’art et de conservation du patrimoine urbain et directeur du département d’architecture à l’Institut d’histoire de l’art de l’université de Cologne.

NICOLAS REVEYRON

Professeur d’histoire de l’art et d’archéologie du Moyen Âge à l’université Lumière Lyon-II. Il dirige le laboratoire de recherche Archéométrie et archéologie.

ANDREW TALLON

Enseigne l’histoire de l’art et l’architecture médiévale au Vassar College (USA). Il travaille entre autres sur la représentation virtuelle des espaces.

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Moyen Âge

Travaux

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Vieux clichés et nouveaux mythes : Constantinople, les icônes et la Méditerranée Old clichés and new myths: Constantinople, icons, and the Mediterranean Alte Klischees und neue Mythen : Konstantinopel, die Ikonen und das Mittelmeer Vecchi clichés e nuovi miti : Costantinopoli, le icone e il Mediterraneo Viejos tópicos y nuevos mitos : Constantinopla, los iconos y el mediterráneo

Michele Bacci Traduction : Renaud Temperini

1 Au début des années 1990, les études relatives à l’art byzantin se sont multipliées considérablement. À cette période, le regain d’intérêt pour cette aire chrono-culturelle, qui intervenait en particulier aux États-Unis grâce à la fois à la création d’un grand nombre de postes d’enseignement dans cette matière, à la présence d’éminents spécialistes comme Ernst Kitzinger et Kurt Weitzmann, et au rôle de véritable pôle d’attraction joué par le Dumbarton Oaks Center for Byzantine Studies de Washington, avait en effet permis à l’histoire de l’art byzantin d’acquérir une place de premier plan au sein des études d’histoire de l’art, et plus particulièrement de celles sur le Moyen Âge. Il était de plus en plus manifeste que l’analyse des expressions figuratives dans le monde byzantin (toujours plus mises en avant que la décoration ou l’architecture) requérait, plus que tout autre champ, une approche méthodologique libérée de l’insistance traditionnelle sur les aspects purement stylistiques, et que même l’analyse iconographique et iconologique se révélait insuffisante pour comprendre en profondeur la signification des images, surtout religieuses, du christianisme oriental.

2 À la fin des années 1970 et au cours des années 1980, l’enrichissement des connaissances sur les icônes et sur les programmes figuratifs ecclésiastiques des périodes byzantines moyenne (843-1204) et tardive (1204-1453) a conduit les chercheurs à aborder des thèmes qui n’avaient jusqu’alors pas été pris en considération de manière aussi systématique. La publication d’œuvres auparavant ignorées ou mal reproduites, comme les icônes du Sinaï et de Chypre, la constitution d’une

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documentation analytique sur les programmes figuratifs conservés en Grèce, en Yougoslavie, en Bulgarie, en Italie méridionale et en Asie Mineure, ainsi que la rédaction de catalogues approfondis sur les manuscrits enluminés conservés à Venise, à Athènes ou sur le mont Athos, ont contribué sensiblement à élargir le champ d’investigation ouvert aux byzantinistes et ont imposé la nécessité de formuler de nouveaux cadres théoriques. Dans les pages qui suivent, nous essayerons d’esquisser quelques réflexions sur les développements des recherches sur l’art byzantin menées ces vingt dernières années, en mettant l’accent sur quelques thèmes privilégiés par les études, notamment le rôle de Constantinople, l’icône comme genre pictural et les interactions artistiques de Byzance avec d’autres cultures. 3 Dans le domaine de la décoration monumentale, s’est dessinée à partir de la seconde moitié du XXe siècle une tendance à se détacher d’une analyse portée exclusivement sur des qualités formelles, comme celle qui domine dans l’ouvrage de référence d’Otto Demus sur la décoration byzantine en mosaïque (DEMUS, 1948). Cet ouvrage se distingue pourtant par quelques observations pionnières sur le rapport entre figuration et espace, que John Sherman a exploitées par la suite dans un tout autre contexte, au sein de son ouvrage Only Connect ( SHERMAN, 1992). Le travail de Christopher Walter sur la relation entre l’art et le rite au sein de l’Église byzantine (WALTER, 1982), quant à lui, offre une clé de lecture indiscutablement novatrice, qui met en exergue la nécessité d’interpréter les programmes décoratifs en liaison étroite avec le contexte rituel qui les accueillait, et avec les célébrations auxquelles ils étaient associés. En Allemagne, une forte impulsion en ce sens a été donnée, plus tôt encore, par les recherches – à vrai dire assez isolées – de Demetrios Pallas, auteur d’un livre fondamental sur les formes de représentations et de réception des cycles de la Passion (PALLAS, 1965), qui suscita dès le début des années 1980 les travaux de Hans Belting sur l’Imago Pietatis (BELTING, 1981).

4 La valorisation croissante du rapport entre figuration et rite s’inscrit certainement dans le cadre de la « redécouverte du contexte » qui caractérise de manière générale les investigations en histoire de l’art à la fin des années 1970 et dans les années 1980, mais la spécificité de la figuration byzantine, en sa qualité d’art essentiellement religieux, fait que l’on accorda dès cette période une attention particulière à des thèmes comme la liturgie ou les manifestations dévotionnelles, sur lesquels, en général, d’autres champs de la recherche mettaient moins l’accent. Les études de Robin Cormack se situent dans cette lignée. Dans Writing in Gold (CORMACK, 1985), et en particulier dans son analyse du programme de l’Enkleistra de Saint-Néophyte à Paphos, l’auteur met en garde contre une lecture trop mécanique de la décoration monumentale, conçue comme une sorte de scénographie liturgique. Il s’agit selon lui plutôt d’analyser le rôle joué par le commanditaire et inspirateur du programme (en l’occurrence le moine chypriote Néophyte) par sa formation culturelle, par ses intentions, par ses inclinations dévotionnelles particulières et dans son interaction constructive avec les artistes, mais aussi de lire les choix iconographiques et compositionnels comme des stratégies de communication visant un public dont l’interprète moderne doit reconstituer, ne serait- ce que dans ses grandes lignes, la physionomie.

De nouveaux cadres pour l’étude des icônes

5 Dans ce contexte, le laboratoire le plus débordant d’idées fut constitué par les études de plus en plus nombreuses sur la peinture d’icônes. Une forte impulsion en ce sens fut

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sans conteste donnée par les campagnes photographiques menées au monastère Sainte- Catherine du mont Sinaï dans les années 1950 et 1960, organisées par les universités du Michigan, de Princeton et d’Alexandrie sous la direction de Kurt Weitzmann à la suite d’une première publication due à Maria et Georgios Sotiriou (SOTIRIOU, SOTIRIOU, 1956-1958). Ces campagnes avaient pour objectif la constitution d’un catalogue complet des icônes, dont ne fut publié, en 1976, que le premier volume, consacré aux œuvres les plus anciennes, datables entre le VIe et le Xe siècle (WEITZMANN, 1976). Weitzmann, qui jusqu’alors s’était surtout intéressé à la miniature et aux arts décoratifs, avait auparavant publié quelques articles importants (rassemblés plus tard dans WEITZMANN, 1982) sur un groupe d’icônes remontant aux XIIe et XIIIe siècles, et caractérisées par des éléments stylistiques qui apparaissaient alors en contradiction avec les catégories taxonomiques traditionnelles de l’histoire de l’art. À mi-chemin entre références à Byzance et stylèmes occidentaux (alternativement perçus comme français, vénitiens, toscans, voire anglais), ces éléments suggéraient la paternité d’artistes de culture « latine » actifs en Méditerranée orientale ; on a formulé à leur propos l’expression, violemment critiquée par la suite, d’« art des Croisés ».

6 Il reste difficile de savoir si l’intérêt de Weitzmann pour ce domaine inexploré, qui se manifeste à travers toute une série de contributions publiées dans les années 1980, a retardé ou relégué au second plan le projet de catalogue des icônes du Sinaï, jamais réellement mené à terme. Un tournant est sans aucun doute marqué par la publication, sous les auspices de la communauté du Sinaï, d’un volume collectif agrémenté d’excellentes illustrations en couleurs (MANAPHĒS, 1990) et contenant une section abondante consacrée aux icônes datables entre le VIe siècle et l’époque post-byzantine, confiée aux chercheurs grecs Georgios Galavaris (ancien élève de Weitzmann à Princeton), Doula Mouriki, Nikolaos Drandakis et Manolis Borboudakis. Les moines du Sinaï s’inscrivaient par ce projet dans la continuité d’initiatives analogues entreprises par d’autres monastères grecs orthodoxes antiques, par exemple celui de Saint-Jean- l’Évangéliste à Patmos, qui, quelques années plus tôt, avait publié ses trésors dans un élégant volume paru chez le même éditeur, l’Ekdotiki Athinon (KOMINIS, 1988), onze ans après le premier catalogue de ses icônes réalisé par Manolis Chatzidakis (CHATZIDAKIS, 1977). Le modèle de ces publications était assurément le catalogue monumental des icônes post-byzantines conservées en l’église San Giorgio dei Greci, à Venise, par Chatzidakis également (CHATZIDAKIS, 1975). Au cours des années 1990 et 2000, de nombreuses initiatives similaires se sont ajoutées à ces premières réalisations : plusieurs monastères du mont Athos ont autorisé ainsi la publication de leurs collections (PAPADOPOULOS, 1990 ; Vatopaidi, 1996 ; PAPADOPOULOS et al., 1998 ; KYRIAKOUDIS, 1998) et, en 1997, une exposition mémorable, organisée à Thessalonique, a permis d’enrichir notre connaissance des œuvres conservées sur ce site (Treasures..., 1997). Une série d’expositions et de monographies a offert par la suite la possibilité d’approfondir notre savoir sur les icônes de Corfou (VOKOTOPOULOS, 1990), de Zante (ACHEIMASTOU- POTAMIANOU, 1997), de la Crète (Eikones..., 1993), de la région de Thessalonique (PAPAZOTOS, 1997 ; GEORGIEVSKI, 1999 ; TSIGARIDAS, 2000), de Chypre (PAPAGEORGIOU, 1992 ; SOPHOCLEOUS, 1994, 2006) et de plusieurs autres régions. On a pu en outre observer, ces dernières années, un regain d’intérêt pour les icônes du Sinaï, avec la monographie d’Alexeï Lidov (LIDOV, 1999) et, surtout, la présentation au public des icônes elles-mêmes à l’occasion de plusieurs manifestations organisées en Europe et aux États-Unis,

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essentiellement avec la grande exposition monographique de Malibu en 2007 (Holy Image..., 2007). 7 La multiplication de ce genre de publications a permis aux spécialistes de s’interroger sur l’éternel problème du rapport entre la forme et la fonction qui, en ce qui concerne les icônes, a souvent été pensé comme une relation résolument étroite et contraignante. Les recherches sur l’insertion des icônes dans l’espace liturgique et sur le développement de l’iconostase – une cloison décorée d’icônes qui fermait le chœur – à la période byzantine moyenne ont été particulièrement actives entre les années 1980 et 1990, pour atteindre ensuite leur apogée avec les volumes de synthèse Ikonostas (LIDOV, 2000) et Thresholds of the Sacred ( GERSTEL, 2006), qui, dans une large mesure, ont ramené à sa juste valeur l’importance attribuée à ce thème lors des décennies antérieures. L’attention accordée à l’iconostase se recoupe de manière significative avec l’étude du thème iconographique de la Déisis, une figuration du Christ flanqué de la Vierge et de Jean-Baptiste qui est étroitement associée aux icônes destinées à décorer l’épistyle du templon, barrière en marbre ou en métal qui séparait la nef de l’autel. Les recherches mettent en évidence une tendance générale à la transformation de ce dernier en un véritable « mur figuratif » ; cette évolution semble toutefois s’être produite selon une chronologie et des modalités discordantes, sur la base de facteurs divers, telles que la fonction et la situation géographique de l’édifice sacré, les spécificités liturgiques et rituelles qui lui étaient associées, et les différentes formes d’interaction entre le clergé et les laïcs. Malgré cela, on a souvent interprété l’intégration des icônes dans l’espace rituel comme une démonstration du caractère normatif de ce type d’images dans la pensée iconophile qui s’imposa après le rétablissement du culte des images, en 843. Pour synthétiser à l’extrême, on a vu dans ce phénomène une tentative plus ou moins voilée de la part de l’Église byzantine de saper la force sémantique autoréférentielle de l’effigie de culte et son attrait en tant qu’incarnation d’un personnage sacré, à travers son insertion dans une séquence paratactique d’images où elle perdait sa valeur spécifique pour se transformer en élément d’une composition plus ample, à tonalité narrative (BELTING, 1990).

8 Les multiples destinations fonctionnelles des icônes ont été examinées de manière approfondie et selon différentes approches : on s’est interrogé sur leurs origines, dans le sillage d’un important article d’Ernst Kitzinger (KITZINGER, 1954) et de découvertes dans le Sinaï (SOTIRIOU, SOTIRIOU, 1956-1958 ; WEITZMANN, 1976, 1982) ; on les a lues en rapport avec la pratique du pèlerinage (VIKAN, 2011), comme objets de dévotion et images miraculeuses (LIDOV, 1996), et comme bannières processionnelles et instruments rituels (ŠEVČENKO, 2011 ; PENTCHEVA, 2006a). De nombreuses considérations prégnantes, déjà présentes en partie dans les études de Weitzmann, furent développées par Cormack dans Writing in Gold ( CORMACK, 1985), dans son court texte « Icons in the Life of Byzantium » (dans VIKAN, 1988), puis, plus amplement, dans le volume Painting the Soul (CORMACK, 1997). Les recherches par les théologiens byzantins relatives à la théorisation de l’icône en tant qu’image de culte se sont surtout concentrées, de leur côté, sur l’iconoclastie et les controverses qu’elle a engendrées ; les historiens de l’art ont bénéficié d’un apport important avec la publication du recueil d’études Iconoclasm, sous la direction de Anthony Bryer et Judith Herrin (BRYER, HERRIN, 1977), et la réédition revue et augmentée du volume d’André Grabar, L’Iconoclasme byzantin ( GRABAR, [1957] 1984).

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9 Dans les années 1990 et 2000, l’iconoclastie fut de plus en plus souvent décrite comme un événement fondamental et décisif, et on lui a accordé un espace grandissant dans les synthèses sur l’art byzantin et sur l’histoire de l’icône. Parmi celles-ci se distinguent Byzantine Art and Architecture de Lyn Rodley (RODLEY, 1994) ; Byzance médiévale, 700-1204, de Anthony Cutler et Jean-Michel Spieser (CUTLER, SPIESER, 1996) ; Early Christian and Byzantine Art de John Lowden (LOWDEN, 1998) ; le volume de Cormack pour l’Oxford History of Art (CORMACK, 2000) ; Le arti di Bisanzio. Secoli VI-XV d’Ennio Concina (CONCINA, 2002) ; le texte de Thomas Mathews, dans lequel la partie consacrée à l’époque des Paléologues est nettement plus synthétique que la discussion des périodes précédentes (MATHEWS, 1998) ; L’Art byzantin de Jannic Durand (DURAND, 1999) ; Le Grand Livre des icônes sous la direction de Tania Velmans (VELMANS, 2002) ; et l’introduction à l’histoire de la peinture d’icônes confiée aux meilleurs byzantinistes russes (ZACCHAEUS, 2002). Toutefois, on doit surtout à Charles Barber le développement d’études approfondies sur les interactions entre la théorie et la pratique de l’icône aux VIIIe et IXe siècles dans Figure and Likeness (BARBER, 2002), et sur le contexte médio-byzantin, jusque-là moins exploré, dans Contesting the Logic of Painting (BARBER, 2007).

L’icône comme Kultbild selon Hans Belting

10 L’interprétation de l’icône comme genre à part, irréductible aux catégories traditionnelles de l’histoire de l’art en vertu d’une prédominance supposée de la fonction sur la forme et de l’incarnation sur la représentation, a conduit à sa caractérisation comme objet figuratif substantiellement anesthétique ou anti- esthétique. Tel était, dans une large mesure, le concept fondamental qui imprégnait l’ouvrage de Hans Belting paru en 1990, Image et culte (BELTING, [1990] 1998). L’éloquent sous-titre, Une histoire de l’image avant l’époque de l’art, exprimait d’emblée, en termes radicaux, sa thèse de fond, à savoir la possibilité d’écrire et de suivre dans ses vicissitudes séculaires l’histoire d’un genre figuratif, l’image de culte (Kultbild), qu’il fallait soustraire, aussi bien du point de vue fonctionnel que du point de vue formel, à la catégorie des objets artistiques. L’année précédente, le chercheur américain David Freedberg avait déjà insisté sur ce point dans Le Pouvoir des images ( FREEDBERG, [1989] 1998), dans lequel il avait toutefois adopté une perspective synchronique et une clé d’interprétation de type anthropologique et psychologique. Selon l’auteur, l’effigie religieuse prenait les traits d’une forme anthropomorphe archétypique afin de suggérer la présence effective de la personne représentée et d’inciter le spectateur à entrer en relation avec l’image comme avec un être vivant. Une telle aptitude, jugée innée chez l’homme, avait pour conséquence que l’art, entendu comme une figuration capable de susciter une appréciation esthétique, devait s’interpréter comme le résultat de la répression et de la sublimation de la réactivité naturelle envers la représentation d’un corps. L’icône orientale, caractérisée par sa destination cultuelle spécifique et par sa forme de portrait, était en ce sens promue au statut de paradigme par excellence des images « non artistiques ».

11 Le projet de Belting, qui reconnaissait dans sa préface l’apport de Freedberg, consistait à déterminer historiquement, dans un sens évolutif et dialectique, la catégorie du Kultbild en le transformant en une sorte de préhistoire de l’histoire de l’art, qui résumait en soi l’antithèse entre le Moyen Âge et l’époque moderne. De ce point de vue,

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entre l’Antiquité tardive et les XIVe et XVe siècles, la production figurative – en l’occurrence, celle de l’Orient chrétien – avait été en substance appelée à remplir une fonction fondamentale consistant à évoquer la présence, dans le lieu de culte, du personnage sacré, de manière à permettre aux fidèles de l’honorer, de le respecter et de lui adresser des prières et des invocations. L’art et le goût esthétique n’existaient pas en tant que tels et, même s’ils apparurent d’une manière ou d’une autre, ils restèrent en tout état de cause subordonnés à la simulation par l’image de la manifestation du sacré. Les solutions compositionnelles et iconographiques adoptées (par exemple le recours au fond doré, le portrait en buste, la pose frontale, l’accent mis sur le regard de la personne représentée, l’introduction d’attributs, etc.) servaient plutôt à atteindre ce but spécifique qu’à suggérer une idée de beauté conditionnée par le topos rhétorique de la splendeur de la divinité. De plus, les risques de dérive idolâtrique, interprétables comme une conséquence extrême de la réactivité envers les icônes, ont été endigués par la hiérarchie ecclésiastique byzantine grâce à l’intégration des effigies sacrées au sein des programmes décoratifs très articulés des espaces de culte, en les privant de leur autoréférentialité d’origine. 12 Environ la moitié de l’ouvrage, consacrée à Byzance (chap. IV-XIII), relate l’histoire du processus par lequel l’icône, symbole du Kultbild comme catégorie figurative anti- esthétique, fut prise dans un code fixe de schémas et de typologies, tandis que l’autre moitié, consacrée à l’Occident latin entre le XIe et le XVIIe siècle (chap. XIV-XX), suit une à une les étapes de la métamorphose progressive de l’effigie sacrée en produit artistique. Cette transformation se résume plus ou moins de la manière suivante : émancipation de l’image du culte de la relique (XIe et XIIe siècles) ; influence de l’icône byzantine et affirmation de la peinture sur bois (XIIIe siècle) ; implication dans les pratiques dévotionnelles et adoption de thèmes iconographiques nouveaux insistant sur l’aspect humain du Christ et des personnages sacrés (XIIIe et XIVe siècles) ; emploi des peintures à sujet religieux comme contrepartie de la prière et de l’implication dans la piété personnelle, introduction de schémas à contenu intimiste, naissance d’une production de qualité et développement du collectionnisme, naissance du « tableau » comme objet décoratif, et affirmation d’une nouvelle peinture de sujet non religieux (XVe et XVIe siècle) ; émergence de la Réforme, à laquelle répond l’Église catholique, qui confine l’icône au domaine de la piété populaire et accueille l’art – autrement dit le bagage de nouveaux thèmes et de nouvelles images perçus non plus comme des évocations des puissances célestes, mais comme des représentations descriptives de personnages historiques et d’événements passés – dans l’espace sacré. 13 En un certain sens, l’interprétation sans aucun doute provocatrice de Belting avait été stimulée par son expérience de byzantiniste, ainsi que par la charge pour ainsi dire subversive associée aux études qui s’étaient développées, durant les décennies précédentes autour des icônes. Cependant, son retentissement dans le champ des études byzantines fut mitigé à tel point qu’un ouvrage aussi fondamental que The Icons of Their Bodies de Henry Maguire (MAGUIRE, 1996), pouvait se permettre de faire abstraction des travaux de Belting pour proposer une lecture novatrice des stratégies de communication byzantines liées au thème complexe de la représentation du corps des saints. Si l’idée avancée par Belting d’une image émancipée des critères de classification esthétique apparaissait très séduisante dans le climat de révolution numérique du début des années 1990, paradoxalement, elle a provoqué une séparation arbitraire de l’image par rapport aux objets, faisant ainsi oublier sa nature matérielle et

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engendrant un processus curieux de fétichisation postmoderne du Bild, conçu comme catégorie autonome, autoréférentielle et réfractaire à toute influence extérieure, y compris celle de son contexte de réception. La provocation semble avoir été ressentie surtout par les occidentalistes, tandis que l’impact sur les études byzantines s’est révélé de bien moindre intensité, peut-être parce que ces dernières en constituent, au fond, le point de départ. Une exception notable est sans doute offerte par le catalogue de l’exposition de Hildesheim, Byzanz : Die Macht des Bilder (Byzanz..., 1998), qui, de plusieurs manières (notamment par son titre), manifeste une certaine fascination pour les thèses de Belting.

Émancipation et contextualisation

14 De manière générale, la byzantinologie n’a pas vu se développer de courant d’étude comparable à la Bildwissenschaft allemande (voir HORNUFF, 2012), qui s’est dans une large mesure référée à l’œuvre de Belting ; nous n’avons en tout cas pas observé de tendance, parmi les chercheurs, à s’y identifier en des termes analogues. L’attention accordée aux aspects fonctionnels de l’image et à ses interactions avec diverses manifestations de piété, de ritualité, de mise en scène du pouvoir, et ainsi de suite, ne diminue certes pas ; mais elle s’inscrit surtout dans la continuité des recherches menées dans les années 1980, à travers la multiplication de travaux qui, parallèlement à la reproduction d’une quantité croissante d’œuvres souvent inédites, mettent en évidence des aspects toujours nouveaux de l’utilisation des images à Byzance du point de vue socioculturel, économique, juridique, littéraire, dévotionnel et liturgique. Le plus haut degré de synthèse de toutes ces recherches a été atteint à l’occasion de la grande exposition d’icônes de la Vierge organisée par le musée Benaki d’Athènes en 2000-2001 (Mother..., 2000 ; voir VASSILAKI, 2005). De façon significative, l’accent mis sur le caractère central de l’icône dans l’expérience artistique et religieuse de Byzance engendre, par contrecoup, un processus singulier d’émancipation progressive vis-à-vis des images, de façon à dépasser l’autoréférentialité visuelle associée à la figuration. Ainsi, Bissera Pentcheva offre, dans son premier ouvrage (PENTCHEVA, 2006a), une bonne synthèse sur l’implication des icônes mariales dans la mise en scène rituelle du pouvoir impérial et leur rôle dans la construction de l’identité collective de Constantinople ; dans une série d’études ultérieures, elle formule en revanche l’idée selon laquelle l’icône, conçue comme « objet performatif », constituerait une forme de communication recourant non pas tant au sens de la vue qu’à une évocation synesthésique délibérée, et en particulier à l’intervention de facteurs tactiles (PENTCHEVA, 2006b, 2010).

15 Ce processus d’émancipation atteint davantage sa maturité dans le cas des recherches mises en avant à Moscou par Alexeï Lidov dans les années 1990 et 2000, lesquelles se développent autour de l’organisation d’une série de congrès importants. Au départ, le choix des thèmes s’inscrit délibérément dans le sillage du courant de l’art in context qui s’affirme dans les années 1980, en y ajoutant l’apport des matériaux russes, jusqu’alors largement méconnus des spécialistes non russophones. Le premier ouvrage de Lidov, consacré à Jérusalem dans l’art russe (BATALOV, LIDOV, 1994), part d’une approche fondamentalement iconographique, mais le sujet conduit alors, de manière inévitable, à prendre en considération les problématiques du rapport entre figuration et formes de réification du sacré. Le deuxième ouvrage du chercheur russe (LIDOV, 1994) analyse quant à lui le thème de l’implication des images dans les formes rituelles, tandis que le

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troisième (LIDOV, 1996) propose une série d’études novatrices sur les effigies réputées miraculeuses, envisagées sous leurs aspects légendaires, cultuels et figuratifs. Ce dernier ouvrage marque clairement l’affranchissement des recherches de Lidov et d’un vaste groupe de chercheurs, russes et internationaux, des méthodologies traditionnelles, et il les oriente vers une interprétation plus interdisciplinaire, nourrie des apports de l’histoire du culte et de l’anthropologie religieuse. Ce phénomène conduit les chercheurs à prendre conscience de la nécessité de renoncer à mettre l’accent exclusivement sur l’icône – conçue comme objet artistique servant à l’expression du culte et obéissant par là même à des stratégies de communication distinctes par rapport aux images investies de qualités artistiques autonomes – pour aborder de manière plus générale le thème de la matérialité religieuse. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, au congrès suivant (LIDOV, 2003), les travaux ne se concentrent plus sur des aspects figuratifs, mais bien au contraire sur le problème des reliques et de leur insertion dans les formes rituelles, ainsi que sur leur éventuelle interaction avec les icônes. Quelques années plus tard, la perspective s’inverse en passant des objets, artistiques ou pas, à l’espace qui les contient : dans les volumes consacrés à ce qu’il est convenu d’appeler la hierotopy – c’est-à-dire l’étude des formes de création des espaces sacrés –, sont analysés des éléments tels que la mise en scène des environnements rituels, leur articulation interne, leur éclairage, l’interaction entre aspects occasionnels et stables de la scénographie liturgique, et l’implication dans le rite d’objets, d’images, de reliques, de livres et d’ornements conçus comme manifestations d’une intention expressive précise, jugée non moins efficace et non moins raffinée que les formes de créativité mises en valeur par l’histoire de l’art traditionnelle (LIDOV, 2006, 2009).

16 On peut sans conteste voir en cela la volonté de constituer une sorte d’esthétique alternative qui, en Russie, prend un sens tout à fait particulier en sa qualité de réaction contre l’approche méthodologique promue, à l’époque soviétique, par Viktor Lazarev, fondée sur l’appréciation des valeurs formelles et résolument indifférente vis-à-vis de la mise en évidence de la fonction religieuse des icônes et de la décoration monumentale. Avec la disparition de l’Union soviétique, les chercheurs russes sont conduits à reformuler leurs orientations méthodologiques, d’une part en retrouvant l’ancienne tradition de Nikodim Kondakov et de ses élèves, qui avait inauguré les études sur l’icône comme genre artistique, et d’autre part en explorant de nouveaux champs d’investigation et en exploitant les possibilités ouvertes par le débat historiographique international. 17 Les études byzantines bénéficient en outre des répercussions de la fin de la Guerre froide ; plus que tout autre domaine du savoir, elles avaient souffert de la division de l’Europe en deux blocs opposés consécutive à la Seconde Guerre mondiale. L’enfermement de la bibliographie dans des logiques régionales, la diversité des langues utilisées et le manque de traductions avaient posé des limites objectives aux possibilités d’échanges et d’interaction, et avaient favorisé la constitution d’un grand nombre d’écoles locales, souvent incapables de communiquer entre elles. En Occident, et surtout aux États-Unis, la valeur de ce domaine de recherche correspondait, d’une certaine manière, à une sorte d’intérêt stratégique, fondé sur le principe en vertu duquel il fallait explorer les racines de la culture russe, alors affrontée quotidiennement, dans le monde byzantin. Toutefois, dans le même temps, cette expérience culturelle avait continué à être perçue, dans l’enseignement de l’histoire

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générale de l’art, comme un phénomène sui generis, nettement distinct de la culture européenne et régi par des logiques fondamentalement opposées à celles du monde occidental. 18 Le climat de dialogue qui s’instaura dans les années 1980, puis la chute du bloc de l’Est, ont favorisé ainsi sans aucun doute le regain d’intérêt pour les études byzantines que l’on a pu observer au cours des années 1990 – même si cette attirance semble avoir progressivement diminué, en Europe occidentale et aux États-Unis, ces dix dernières années. La possibilité d’accéder plus aisément aux recherches de nos collègues travaillant en Russie et en Europe de l’Est et d’établir une documentation plus détaillée sur les monuments (en particulier par le biais de photographies en couleur) semble ouvrir de nouvelles perspectives pour la recherche dans ce domaine.

Une ouverture au grand public

19 Au lendemain de la chute du mur de Berlin, le grand public a lui aussi montré un goût de plus en plus vif pour les manifestations artistiques d’un monde à peu près inconnu de la plupart des spectateurs. Pour répondre à ses attentes, une série d’expositions de plus en plus riches et imposantes voit le jour, en quelques années seulement, à Ravenne (Splendori..., 1990), Paris (Byzance..., 1992), Londres (Byzantium..., 1994), Copenhague (Byzantium..., 1996), New York (Glory…, 1997), Hildesheim (Byzanz..., 1998) et Munich (Archäologische..., 1998 ; Schatzkammerstücke..., 1998). Le succès de l’exposition de Thessalonique (Treasures..., 1997) encourage les musées d’Athènes à s’affirmer comme les lieux d’accueil privilégiés d’importantes expositions byzantines capables d’attirer des visiteurs venus de différents pays européens, à commencer par Mother of God (Mother..., 2000). La Russie elle-même s’inscrit dans cette tendance avec la grande exposition de Saint-Pétersbourg en 2000 (Sinai..., 2000). Les années 2000 ont d’ailleurs été scandées par plusieurs expositions thématiques qui se proposaient de faire mieux connaître le patrimoine des diverses régions de l’ancien œkoumène byzantin : entre autres, celle de Rome consacrée à la Bulgarie (Tesori..., 2000), ou encore celle des Thermes de Cluny dédiée à la Macédoine (Trésors..., 1999).

20 Un rôle de première importance a été joué par les grandes expositions tenues au Metropolitain Museum of Art à New York (Glory..., 1997 ; Byzantium..., 2004) et à la Royal Academy de Londres (Byzantium..., 2008), dont les imposants catalogues rendent compte de l’évolution de la recherche mais aussi, d’une certaine manière, des ambiguïtés et des contradictions de la discipline. En premier lieu, ces événements ont offert l’occasion d’affirmer définitivement que l’expression artistique du monde byzantin ne coïncidait pas nécessairement avec l’omniprésence de l’icône : une forte visibilité était en effet accordée à des productions de typologies diverses, parmi lesquelles se distinguaient de nombreux objets d’usage courant, des produits de luxe, des bijoux, des objets liturgiques, des tissus et des éléments décoratifs. Ce phénomène est le fruit d’une approche archéologique renouvelée de l’art byzantin, manifeste, entre autres, dans la grande exposition de Thessalonique sur la vie quotidienne à Byzance (Everyday..., 2002), dans le volume de Maria Parani sur sa culture matérielle byzantine (PARANI, 2003), ou encore dans de grands catalogues, comme celui de Brigitte Pitarakis relatif aux enkolpia (PITARAKIS, 2006). En parallèle, on voit se développer, à partir des années 1990, un courant d’études mettant l’accent sur les questions d’ordre sociologique, la valeur documentaire des monuments artistiques et les motivations des commanditaires, ainsi

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que la position sociale et la formation des artistes (voir KALOPISSI-VERTI, 1992 ; VASSILAKI, 1997 ; BACCI, 2007a).

21 L’un des aspects particulièrement mis en lumière par les expositions du Metropolitan Museum of Art est l’extrême complexité sémantique du mot « Byzance » et son inadéquation substantielle à expliquer tous les phénomènes que l’on classe traditionnellement sous cette étiquette. On voit ainsi apparaître toutes les difficultés liées à la fluidité de ses frontières géographiques : le réseau d’interactions artistiques dont Constantinople est considérée comme la capitale (malgré la quantité limitée de monuments et d’objets parvenus jusqu’à nous attribuables avec certitude à ses ateliers) s’étend dans toutes les directions : vers le sud, jusqu’en Nubie et en Éthiopie ; à l’est, vers la zone syro-palestinienne et le Caucase ; au nord, en direction des Balkans et de la Russie ; à l’ouest, jusqu’en Italie et même bien au-delà. Autant de raisons qui incitent à se demander jusqu’à quel point la catégorie « Byzance » peut se révéler utile à la compréhension des spécificités de chacune des expériences qu’on lui rattache et si, dans la polarité entre le centre et la périphérie, on ne risque pas une perception plus nuancée du premier que de la seconde. De fait, le vieux dilemme sur le rapport controversé entre la capitale et les provinces, présent dès les débuts de l’historiographie byzantiniste, ne semble pas encore trouver de solution consensuelle. 22 La même remarque peut s’appliquer au cadre chronologique de l’art byzantin. L’exposition Byzantium : Faith and Power (Byzantium..., 2004), à New York, a refusé délibérément de considérer que l’expérience byzantine s’était achevée avec la chute de Constantinople en 1453, et a prolongé son parcours jusqu’en 1551, date de la première utilisation consciente du terme « byzantin » en référence à l’ancien empire d’Orient. D’ailleurs, l’insistance traditionnelle à l’époque ottomane sur la continuité de la culture d’origine byzantine auprès des communautés chrétiennes orthodoxes a toujours favorisé l’idée selon laquelle la fin de l’Empire n’avait pas marqué de véritable rupture sur le plan culturel grâce à la persistance de l’imaginaire byzantin dans la vie religieuse. L’organisation d’expositions et de monographies spécifiquement consacrées à l’art post-byzantin, en Grèce et ailleurs, ne fait assurément que renforcer cette même idée (voir par exemple Eikones… 1993 ; Da Candia..., 1993 ; CHATZIDAKIS, 2009).

23 Par ailleurs, l’exposition de la Royal Academy de Londres (Byzantium..., 2008), qui prenait pour point de départ la fondation de Constantinople, en 330 après J.‑C., montre bien à quel point la constitution de Byzance est labile du point de vue culturel et historico-artistique. Byzance plonge sans aucun doute ses racines dans le répertoire figuratif de l’Antiquité tardive, mais les spécialistes risquent souvent d’accorder une importance excessive à cet élément lorsqu’ils suggèrent plus ou moins explicitement l’idée d’une survie substantielle, inattaquable et immuable de formes antiques pendant le large millier d’années de domination de Byzance sur la moitié orientale de l’Empire romain. Cette thèse est à l’origine de mille clichés qui, pour des raisons parfois obscures, demeurent présents dans le débat historico-artistique et en particulier dans l’étude de territoires frontaliers comme l’Italie du Sud, Venise, la Russie ou la côte syro- palestinienne. Malgré la prise de distance d’une bonne partie des historiens de l’art actuels, l’analyse des données stylistiques a toujours recours à des instruments méthodologiques inadéquats. L’insistance sur les hybridations italo-byzantines, gréco- islamiques, gréco-russes et balcano-gothiques, qui s’est développée ces dernières années en corollaire au débat sur le multiculturalisme contemporain, considère implicitement comme allant de soi l’homogénéité et l’intégrité interne des différentes

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cultures, et décrit des relations qui ne sont au fond pas très éloignées de ce que l’histoire de l’art traditionnelle décrivait en parlant d’influence (BACCI, 2008). Face à la réapparition de problèmes qui avaient souvent été formulés, bien qu’en des termes différents, dès les toutes premières études dans ce domaine, il serait souhaitable d’accorder une attention accrue au développement de l’historiographie byzantine tout au long des XIXe et XXe siècles, un champ d’investigation qui n’en est à ce jour qu’à ses débuts (SPIESER, 1991, 2005 ; BERNABÒ, 2003 ; SCHELLEWALD, 2008, 2010 ; STAMATOPOULOS, 2009 ; FOLETTI, 2011).

La géographie artistique byzantine

24 La topographie de la ville de Constantinople de même que les architectures qui nous sont parvenues ont été étudiées de manière analytique (voir, entre autres, MATHEWS, 1971 ; PESCHLOW, 1977 ; BELTING, MANGO, DOURIKI, 1978 ; MANGO, DAGRON, 1990 ; MANGO, 1990, 1993 ; STRIKER, DOĞAN KUBAN, 1997 ; NECIPOĞLU, 2001 ; MAGDALINO, 2007). Il reste en revanche beaucoup plus difficile de définir, pour chaque époque, les orientations formelles et les formules compositionnelles utilisées pour la décoration monumentale, les icônes ou les arts décoratifs : le critère fondamental d’attribution d’une œuvre aux manufactures de Constantinople demeure essentiellement qualitatif (et donc essentiellement subjectif) et se fonde sur le présupposé selon lequel la présence de formes appartenant à un registre élevé et de matériaux précieux serait en soi l’indice d’une origine métropolitaine. Ce présupposé explique par exemple une certaine tendance à considérer comme provenant de la capitale les icônes caractérisées par une facture jugée plus raffinée et une utilisation plus variée et plus élégante des couleurs. Quoi qu’il en soit, les monuments de Constantinople sont aujourd’hui bien mieux étudiés qu’il y a quelques décennies, mais il reste encore beaucoup à faire. Ainsi, si nous disposons à ce jour d’excellentes illustrations de la Kariye Camii, de ses mosaïques et de son architecture, grâce aussi aux résultats d’un long travail de restauration (OUSTERHOUT, 2002 ; Restoring..., 2004), il nous manque encore une étude détaillée susceptible de mieux nous faire connaître son commanditaire, Théodore Métochite. Une lecture systématique de ses abondantes œuvres littéraires pourrait nous en apprendre beaucoup sur sa culture, ses inclinations, ses influences littéraires et sa sensibilité religieuse, celle-là même dont on peut percevoir un reflet dans la décoration de Saint- Sauveur-in-Chora.

25 En parallèle aux études sur Constantinople, notre connaissance de la production artistique des provinces et des différents territoires du « commonwealth » byzantin s’est remarquablement approfondie, en dépit du fait que l’ancien projet de publication d’un corpus de la peinture monumentale byzantine en Grèce se soit traduit, dans les faits, par la seule parution d’un volume consacré à l’île de Cythère (CHATZIDAKIS, BITHA, 1997). On a malgré tout publié en Grèce de nombreux travaux monographiques sur des complexes figuratifs individuels, par des spécialistes comme Manolis Chatzidakis, Doula Mouriki, Maria Vassilaki, Nano Chatzidakis, Nikolaos Drandakis, Anastasia Drandaki, Mary Aspra-Vardavakis, Titos Papamastorakis, Stella Papadaki-Oakland, Sophia Kalopissi-Verti, Maria Panagiotidi et Panagiotis Vokotopoulos. Les études de Catherine Jolivet-Lévy (JOLIVET-LÉVY, 1991, 2001) et de Natalia Teteriatnikov (TETERIATNIKOV, 1996) ont contribué de manière déterminante à la reproduction et à l’analyse des programmes figuratifs encore visibles dans les églises de Cappadoce, d’un point de vue

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non seulement iconographique mais aussi socioculturel. La recherche s’est aussi fortement développée en Russie ; je me limite ici à mentionner en passant le débat, suscité par l’ouvrage très discuté de Olga Etinhof (ETINHOF, 2005), sur la définition de l’art des icônes de la Russie pré-mongolienne en termes d’appartenance immédiate à l’espace de diffusion de la culture byzantine. En Serbie, en Macédoine et en Bulgarie, les nombreux cycles d’époque byzantine moyenne ou tardive ont été décrits et reproduits dans des articles publiés par des revues spécialisées comme Zograf et Zbornik radova vizantološkog Instituta ; depuis quelques années, on dispose également à ce sujet d’ouvrages de synthèse (SUBOTIĆ, 1997 ; VELMANS, KORAĆ, ŠUPUT, 1999 ; KORUNOVSKI, 2006). À Chypre, les travaux d’Athanasios Papageorgiou (PAPAGEORGIOU, 1992), de Sophocles Sophocleous (SOPHOCLEOUS, 1994, 2006), de Nikolaos Gioles (GIOLES, 2003) et de Charalampos Chotzakoglou (CHOTZAKOGLOU, 2005) ont attiré l’attention des spécialistes sur une grande quantité de monuments, tandis qu’en Géorgie, les activités de l’Institut d’histoire de l’art Giorgi Chubinashvili de Tbilissi se sont concentrées sur la reproduction de monuments locaux (voir, entre autres, l’important travail sur les icônes de Nino Č ičinadze : ČIČINADZE , 2011), ce à quoi il convient d’ajouter quelques nouvelles études sur certains aspects particuliers de l’art géorgien et sur certaines régions de la côte orientale de la mer Noire, depuis l’Abkhasie jusqu’au Tao-Klarjeti et au Pont (EASTMOND, 1998, 2004 ; GIVIASHVILI, KOPLATADZE, 2004 ; KHROUSHKOVA, 2006 ; IAMANIDZÉ, 2011). Il reste cependant des régions, par exemple l’Albanie, le Monténégro et la Crimée, dont le patrimoine n’a pas encore bénéficié d’une reproduction adéquate ; les lacunes ne font en outre qu’augmenter à mesure que l’on s’intéresse à la période byzantine tardive. 26 En tout état de cause, l’approfondissement de nos connaissances sur la production artistique et les témoignages parvenus jusqu’à nous de régions auparavant peu ou mal explorées a provoqué le développement de nouvelles interprétations, qui ont peu à peu déplacé le centre de gravité de l’analyse historiographique. On est ainsi passé de l’évocation constante – et mythifiée à bien des égards – de Constantinople, à la mise en valeur de la Méditerranée (et plus précisément la Méditerranée orientale), en sa qualité d’espace dynamique d’interaction culturelle : tel était le thème fondamental de la session « Fluid Borders » du congrès du Comité international d’histoire de l’art (CIHA) organisé à Melbourne en 2008, et d’une série de volumes dominés par le motif de la rencontre et des convergences (HUNT, 1998-2000 ; HOURIHANE, 2007 ; MERSCH, RITZERFELD, 2009 ; voir WOLF, 2009, sur les possibilités et les limites d’une histoire comparée des traditions artistiques de la Méditerranée). Cette tendance s’est accentuée en premier lieu dans le contexte des études sur l’époque protobyzantine, grâce à la publication d’un grand nombre de témoignages provenant du Proche-Orient par des spécialistes de l’art hébraïque, israéliens ou non (pour qui le concept d’art byzantin est fondamentalement lié à la période comprise entre la reconstruction constantinienne de Jérusalem vers 325 et la conquête arabe en 634 ; voir les synthèses d’URMAN, FLESHER, 1994 ; FINE, 2005), par des archéologues franciscains actifs en Palestine (PICCIRILLO, 2002) et par des islamologues qui ont mis en évidence la forte dette de l’art islamique primitif, en Syrie et en Palestine, envers la production byzantine de l’époque. Une exposition organisée il y a peu au Metropolitan Museum of Art (Byzantium..., 2012), plus petite mais non moins significative que les précédentes, a été consacrée à la complexité des imbrications gréco-arabes durant le haut Moyen Âge.

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27 Un autre domaine de recherche très productif de ce point de vue a été l’étude des interactions entre la peinture italienne du XIIe et du XIIIe siècle et l’art byzantin, traditionnellement condensé dans la formule « manière grecque » (HUTTER, 1984 ; PACE, 2000 ; BACCI, 2007b). Le champ privilégié d’analyse des interactions artistiques transconfessionnelles et transreligieuses a toutefois été celui des œuvres d’art produites par et pour les Croisés en Palestine, entre 1099 et 1271, puis dans les territoires sous domination franque, vénitienne ou génoise, en Orient et en mer Égée. Le concept d’« art des Croisés », formulé par Weitzmann à propos d’un groupe important d’icônes conservées dans le Sinaï, a été sévèrement critiqué par des spécialistes venus d’horizons divers. Certains ont proposé d’y lire une « langue franque » destinée à être reçue par des observateurs aux traditions culturelles et aux origines géographiques variées (BELTING, 1978 ; PACE, 1993), tandis que d’autres ont voulu revendiquer, pour ainsi dire, l’« orientalité » de plusieurs de ces objets, en rapportant leurs éléments de divergence par rapport aux canons byzantins à l’intervention d’artistes non occidentaux, appartenant aux communautés chrétiennes indigènes des régions levantines. D’un côté, on a mis en évidence l’importance des peintres chypriotes (MOURIKI, 1985-1986 ; PAPAMASTORAKIS, 2004) ; de l’autre, on a précisé la physionomie artistique spécifique des Arabes chrétiens, grâce à la publication des icônes et des cycles picturaux des XIIe et XIIIe siècles conservés en Israël, au Liban et en Syrie (KÜHNEL, 1987 ; HUNT, 1991 ; CRUIKSHANK DODD et al., 2001 ; CRUIKSHANK DODD, 2004 ; GEORGOPOULOU, 2004 ; HÉLOU, 2006 ; IMMERZEEL, 2009 ; ZIBAWI, 2009), et à la naissance d’une revue spécialisée, Eastern Christian Art in Its Late Antique and Islamic Contexts. La spécificité de l’art des Croisés en tant que tel a surtout été défendue par le chercheur américain Jaroslav Folda (FOLDA, 1995, 2005), qui l’a redéfinie non plus comme l’expression d’une tendance stylistique reconnaissable, comme Weitzmann l’avait fait, mais en termes sociologiques, comme la production réalisée par des maîtres européens occidentaux, grecs ou latins de deuxième ou de troisième génération, ou encore par des Arabes chrétiens, pour satisfaire les exigences et les attentes de commanditaires latins. 28 Ce regain d’intérêt a inévitablement stimulé l’établissement d’une documentation de l’art des communautés arabes chrétiennes, y compris dans les régions sous domination des Mamelouks, comme celle de Mossoul en Irak (SNELDERS, 2010) et celle d’Égypte (BOLMAN, 2002 ; SKALOVÁ, GABRA, 2003 ; ZIBAWI, 2003). Chypre, qui se distingue par la coexistence, dans les mêmes espaces, de monuments grecs, latins, arméniens et arabes chrétiens, a commencé à son tour à être analysée non plus exclusivement comme une sorte d’avant-garde byzantine en Orient, mais plutôt comme un observatoire privilégié des interactions artistiques de la fin du Moyen Âge : la publication annoncée de nouveaux travaux sur les églises de Famagouste apportera une contribution importante à ce domaine d’étude (CARR, 2005 ; WALSH, EDBURY, COUREAS, 2012). Par ailleurs, la parution d’un cycle inédit de fresques conservées en l’ancienne église dominicaine de Pera à Constantinople, a bien mis en évidence la manière dont des artistes grecs pouvaient travailler pour des commanditaires latins (WESTPHALEN, 2007). Les études sur le cycle paléologue abrité en la cathédrale de Gênes ont, quant à elles, permis de démontrer que ces mêmes artistes étaient prêts à adapter leur répertoire figuratif en fonction des exigences de commanditaires et de spectateurs occidentaux (NELSON, 1985, 2007). Enfin, il faut signaler la multiplication d’études novatrices sur la peinture monumentale et la peinture sur bois en Grèce continentale après la quatrième croisade (VOKOTOPOULOS, 2007), ainsi que sur le panorama artistique de la Crète entre le XIVe et le

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XVe siècle, qui ont permis d’explorer les échanges artistiques du point de vue non seulement des tensions formelles, mais aussi des rapports interpersonnels noués à l’intérieur des ateliers, entre des artistes grecs immigrés de provenance constantinopolitaine et d’autres immigrés d’origine vénitienne, et dont témoignent certains documents d’archives (CONSTANTOUDAKI-KITROMILIDES, 2001, 2009 ; VASSILAKI, 2009 ; Hand of Angelos, 2010 ; Origins…, 2009). 29 Ce type d’étude se révèle extrêmement innovant en ce qu’il contribue, d’une part, à démystifier la légende d’un art byzantin réfractaire à tout apport extérieur, en particulier occidental, et, d’autre part, à mettre en lumière les limites du concept d’« hybridation ». Il est en effet patent que l’appropriation d’éléments appartenant à d’autres cultures est conditionnée par de multiples facteurs, comme la destination d’usage et les modalités de réception de l’œuvre, ses caractéristiques techniques, ses modalités d’exposition dans l’espace, les inclinations et les finalités de ses commanditaires, les attitudes de ses bénéficiaires (en particulier le clergé qui administrait l’édifice sacré auquel étaient destinés une icône ou un tableau d’autel) et, enfin, l’expérience personnelle et la formation des artistes. Pour comprendre les contextes spécifiques de production caractérisés par la présence simultanée d’« agents » appartenant à des traditions culturelles diverses, la combinaison de compétences variées semble aujourd’hui de plus en plus nécessaire : plutôt que de se recroqueviller sous l’égide de définitions géographiques de moins en moins actuelles, ou de se laisser bercer à l’excès par les vagues d’une mer perçue, d’une manière un peu trop rhétorique, comme la métaphore de l’interaction transculturelle, il apparaît souhaitable de commencer à considérer plus la production byzantine comme l’une des nombreuses manifestations de l’art du Moyen Âge, avec ses spécificités mais aussi avec son ouverture à des expériences venues d’ailleurs.

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RÉSUMÉS

Le présent article propose un bilan des études menées ces vingt dernières années en histoire de l’art byzantin, ainsi qu’une réflexion générale sur les objectifs de la discipline, son rapport avec les tendances les plus récentes de la recherche en histoire de l’art, son ouverture vers de nouveaux horizons et la nécessité de se confronter à la survivance de clichés anciens. L’accent est mis avant tout sur la définition problématique de « l’art de Constantinople », sur la périodisation et, en particulier, sur l’icône en tant que genre artistique. Cette dernière, érigée en paradigme d’une forme de figuration alternative par rapport aux catégories traditionnelles de l’histoire de l’art, est devenue ces dernières années un objet privilégié de la recherche. Les études byzantines ont réagi a cette attention portée à l’icône – réifiée, à partir de Image et Culte de Hans Belting, en moyen artistique autonome et en outil épistémologique dans la recherche sur la figuration et ses dynamiques internes – par une émancipation progressive de celle-ci et par l’ouverture de nouvelles perspectives d’analyse, notamment en ce qui concerne les manifestations esthétiques associées aux rites. En dernier lieu, la recherche récente a entraîné l’érosion graduelle de l’espace artistique byzantin en favorisant une définition plus complexe des interactions, des échanges et des imbrications entre les différentes cultures méditerranéennes. La partie finale de cet article se propose d’examiner l’utilité et les limites de cette dernière approche.

The present article presents a state of the research on Byzantine art undertaken over the past twenty years, as well as a general reflection on the objectives of the field, its relationship with the most current trends in art historical research, its opening up to new directions, and the need to challenge old but persistent clichés. Focus is placed in particular on the problematic definition of “Constantinopolitan art,” on periodization, and especially on the consideration of the icon as an artistic genre. The icon, which has been elevated to the status of a paradigm of a type of alternative figuration at odds with traditional categories of art history, has become a favored research topic over the past years. Byzantine studies have reacted to attention placed on icons – objectified, beginning with Hans Belting’s Image and Cult, as an autonomous means of artistic expression and an epistemological tool used in research on figuration and its internal dynamics – by a gradual withdrawal from the topic and by turning to new analytical perspectives, especially with regards to aesthetic phenomena associated with rites. Lastly, research has led to a steady erosion of the geographical space of Byzantine art by fostering a more complex understanding of the interactions, exchanges, and overlap between different Mediterranean cultures. The final part of the article examines the usefulness and limitations of the latter approach.

Der vorliegende Artikel stellt eine Bilanz der in den letzten zwanzig Jahren entstandenen Untersuchungen im Bereich der Geschichte der byzantinischen Kunst vor und bietet generelle Überlegungen zur Zielsetzung der Disziplin, ihre Bezüge zu aktuellen Forschungstendenzen der Kunstgeschichte und ihre Öffnung gegenüber neuen Horizonten, sowie die Notwendigkeit, sich der Langlebigkeit alter Klischees zu stellen. Ein besonderes Augenmerk gilt der problematischen Definition der „Kunst von Konstantinopel“, besonders ihrer Periodisierung und der Ikone als künstlerisches Genre. Die Ikone als Paradigma einer alternativen Form der Figuration in Bezug auf die traditionellen Kategorien der Kunstgeschichte hat in der Forschung der letzten Jahre einen privilegierten Platz eingenommen. Dieses Interesse für die Ikone, welches sich seit Hans Beltings Bild und Kult als autonomes künstlerisches Mittel und als epistemologischer Gegenstand für die Erforschung der Figuration und ihrer internen Dynamik verfestigt hat, führte in der Byzanzforschung zu einer progressiven Emanzipation der Ikone und zur Öffnung neuer Forschungsperspektiven z. B. in Bezug auf die Verbindung zwischen ästhetischem und rituellem Ereignis. Schließlich haben die aktuellen Untersuchungen auch zu einer graduellen Auflösung der Grenzen des byzantinischen Kunstraums geführt, indem sie eine komplexere Definition der

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Interaktionen, Transfers und Verflechtungen der unterschiedlichen mediterranen Kulturen voranstellen. Der letzte Teil des Artikels widmet sich dementsprechend dem Nutzen und den Beschränkungen dieser neuen Herangehensweise.

Questo articolo propone un bilancio degli studi nell’ambito della storia dell’arte bizantina negli ultimi venti anni e contemporaneamente una riflessione generale sugli obiettivi della disciplina, il suo rapporto con le più recenti tendenze della ricerca storico-artistica, la sua apertura verso nuovi orizzonti e la necessità di confrontarsi con il perdurare di antichi clichés. L’accento viene posto in modo particolare sulla problematica definizione dell’arte costantinopolitana, sull’altrettanto ambigua periodizzazione e, in modo ancora più specifico, sul genere dell’icona, assurta negli ultimi anni a oggetto di studio privilegiato e a paradigma di una forma di figuratività alternativa rispetto alle tradizionali categorizzazioni della disciplina storico-artistica. La tesi di fondo è che all’enfasi sull’icona da questo punto di vista, che, a partire da Bild und Kult di Hans Belting, ha portato alla sua sostanziale ipostatizzazione in un mezzo artistico autonomo e al suo utilizzo come strumento epistemologico per la ricerca sulla figuratività e le sue dinamiche interne, gli studi bizantini hanno reagito con un processo di graduale emancipazione dall’icona stessa e con l’apertura di nuove prospettive di analisi, in particolare riguardo le forme di manifestazione estetica mediate dal rito. Infine, la ricerca recente ha portato alla progressiva erosione dello spazio artistico bizantino a favore di una più complessa definizione delle interazioni, scambi e intrecci tra le diverse culture mediterranee : la parte finale di questo articolo pone in evidenza l’utilità e i limiti di questo approccio.

El presente artículo propone un balance de los estudios llevados en los últimos veinte años sobre la historia del arte bizantino, así como una reflexión general en torno a los objetivos de la disciplina, su relación con las tendencias más recientes de la investigación en historia del arte, su apertura hacia nuevos horizontes y la necesidad de confrontarse a la supervivencia de antiguos tópicos, recalcando en la problemática definición del “arte de Constantinopla”, en la periodización y sobre todo en el icono como género artístico. Paradigma de una forma de figuración alternativa con relación a las categorías tradicionales de la historia del arte, el icono se ha convertido desde hace unos años en un objeto privilegiado de investigación. Esta focalización en el icono – asentado, a partir de Imagen y Culto de Hans Belting, en medio artístico autónomo y herramienta epistemológica para la investigación sobre la figuración y sus dinámicas internas – ha conllevado en los estudios bizantinos su emancipación progresiva y la apertura de nuevas perspectivas de análisis, más específicamente por lo que respecta a las manifestaciones estéticas relacionadas con los ritos. Asimismo, la investigación reciente ha acarreado la gradual erosión del espacio artístico bizantino al favorecer una definición más compleja de las interacciones, intercambios e imbricaciones entre las distintas culturas mediterráneas. Por último, el artículo se dedica a examinar la utilidad y los límites de dicho enfoque.

INDEX

Mots-clés : art byzantin, géographie artistique, icônes Keywords : artistic geography, byzantine art, icon

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AUTEURS

MICHELE BACCI

Professeur ordinaire d’histoire de l’art du Moyen Âge à l’université de Fribourg (Suisse). Ses recherches portent sur les différentes formes de construction, de perception et de mise en scène des images, des objets et des lieux sacrés dans les traditions religieuses médiévales d’Occident, de Byzance et du monde méditerranéen.

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The architecture of the mendicant orders in the Middle Ages: an overview of recent literature L’architecture des ordres mendiants au Moyen Âge : panorama des études récentes Die Architektur der Bettelorden im Mittelalter : Panorama der aktuellen Forschung L’architettura degli ordini mendicanti nel Medioevo : panorama degli studi recenti La arquitectura de las órdenes mendicantes en la Edad Media : panorama de los estudios recientes

Caroline Bruzelius

1 This essay is an overview of the main themes in recent literature on mendicant buildings in the Middle Ages1. A number of books on the architecture of the friars have appeared in the past twenty years. These are dominated by three broad types of analysis. The first focuses on an individual site, either a church alone or a convent as a whole (a few examples are GAI, 1994; BARCLAY LLOYD, 2004; CERVINI, DE MARCHI, 2010; DE MARCHI, PIRAZ, 2011). The second category consists of the survey that covers a region and/or an extended chronological period (DELLWING, 1970, 1990; SCHENKLUHN, 2000, 2003; COOMANS, 2001; VOLTI, 2003; TODENHÖFER, 2010). A third type of study was introduced in 1946 by Giles Meersseman with a ground-breaking article on the legislation and architectural practice of the Friars Preacher (MEERSSEMAN 1946), an approach that has since been applied to specific orders, to a particular building (such as the Jacobin convent in Toulouse: SUNDT, 1987), or to the entire phenomenon of mendicant building practice (VOLTI, 2004). An additional and deeply interesting current of research concerns the administration and labor force of mendicant building sites and their decoration (VOLTI, 2003, p. 57-67, 2004, p. 61-63; CANNON, 2004).

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2 Legislation on architecture was generated by the need to reflect the concept of poverty in the architectural structures of the new orders. Expanding buildings became increasingly necessary because of the rapid growth of the religious communities and their lay followers, a process that regulations were only intermittently able to control; the lavish decorations on the interiors were often the result of pressures from local confraternities, guilds, and private patrons. In addition, hostility from the secular clergy meant that preaching in parish churches or public spaces became increasingly difficult. Panayota Volti’s wide-ranging article of 2004 provides a subtle contextualization and expansion of the theme of buildings and legislation, utilizing new types of evidence such as Bernard Guy’s De fundatione et prioribus conventuum provinciarum Tolosanae et Provinciae ordinis Praedicatorium, Bonaventure’s encyclical letters and his Determinationes questionum, and visual imagery (including Giotto di Bondone’s Apparition at Arles from the upper church at the basilica of San Francesco in Assisi) to examine how regulations played out in practice (VOLTI, 2004, p. 57-59).

3 Whereas the study of an individual site is often the result of archaeological excavation or (less frequently) a multi-disciplinary analysis of structures as well as furnishings (including tombs and paintings), the broad overview continues the tradition of long- established models for the analysis of monastic architecture, especially that of the Cistercian order. This type of study emerged around the middle of the twentieth century and concentrated on the identification of systematic approaches to architectural planning and design, especially typologies of building. The broad overview often includes full pages of church plans arranged by type, which is of course useful for understanding the diffusion and meaning of certain architectural concepts and their possible symbolic associations (SCHENKLUHN, 1985, 2000; COOMANS, 2001), as well as the evolution of distinct local architectural variants (DELLWING, 1970, 1990). But how often and in what way were the concepts embedded in a ground plan comprehensible to the contemporary user of the space in the Middle Ages? Surely plans were developed in relation to the effective functioning of a building rather than its symbolism, especially in a world in which the two-dimensional representation of architectural space, the drawing or plan, seems to have been exceedingly rare. The tendency to create taxonomies of medieval architecture can distort the central point of architectural space, which is that it must be useful as well as (if possible) an effective statement of ideals or meaning. 4 Overviews often depend upon the work of local scholars and archaeologists (sometimes the authors of the surveys themselves) who, through deep acquaintance with a region and its history, can elucidate the histories of individual sites. In taking on the synthetic approach, these authors have been able to engage with the international character of the mendicant orders while at the same time identifying strong local characteristics (regional social and economic factors, materials, feudal or communal systems), which they can then set within the international context. Yet one of the difficulties with the synthetic study is that the granularity of the ongoing process of construction at any one site (see more on this below) tends to be absent – even when this process over time is the key to understanding what we see now. Achim Todenhöfer’s excellent recent book on the mendicant churches of Saxony, however, is a superb blending of both approaches: he provides detailed analyses of individual sites as well as a broad, synthetic overview (TODENHÖFER, 2010).

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5 Panayota Volti’s stimulating and thorough study of mendicant architecture in northern France and Flanders also reflects this type of expanded approach, especially important because the author focuses on entire convents (not only churches) within their urban setting. Her interests range from the liturgical and decorative disposition of the monk’s choir to the locations of the laundry and the chicken coops (VOLTI, 2003, p. 105). Among the great merits of Volti’s work is her concern with the social and urban role of the friars and their active reconfiguration of the civic environment in its multiple social, political, economic, and topographical senses (macrotopographie). Unlike most other studies, she also includes the architecture of the Augustinian and Celestinian orders, an important addition because all mendicant institutions were in competition with each other for space, patrons, and funding; they therefore shared a common approach to building. Volti’s chronological frame extends from the thirteenth century through the early modern period, with a special focus on well-established convents. The melancholy irony of this book is that almost none of the buildings discussed have survived intact even within her wide geographical range. The author’s research is therefore primarily based on archival sources and pre-Revolutionary images. Although the use of materials (stone, bricks, wood, pavement, glass, and paint) forms an important part of her overall analysis, the actual materiality of any specific site is inevitably lacking; in the absence of extant buildings, there can be no analysis of the structures themselves, nor of construction strategies and process. On the other hand, one of the many great strengths of Volti’s book is her interest in the convent as a whole and its place within the social and topographical realities of a city. 6 Thomas Coomans and Wolfgang Schenkluhn focus more strictly on the architecture of extant churches and their chronological and stylistic relationships over a long time span and in relation to regional preferences (SCHENKLUHN, 2000; COOMANS, 2001). This is also true of the recent volume by Todenhöfer, in which he also does much to reconstruct the patrimony of buildings that have been destroyed, including those damaged or lost in the Second World War (TODENHÖFER, 2010).

7 The focused study of one individual site has been essential for understanding mendicant building practice, as the first structures were almost always rebuilt or enlarged as communities expanded. Archaeology is therefore a fundamental tool, especially for the first generation. But it is often a difficult enterprise precisely because the sites are in cities (LAMBRICK, WOODS, 1976, 1985). In this sense, Coomans’ and Todenhöfer’s recent studies combine the best of both worlds: they are syntheses that are also based on the author’s own first-hand archaeological or detailed architectural analysis work (COOMANS, 2001; TODENHÖFER, 2010).

8 The archaeologically-oriented, in-depth study that engages with archival sources is thus vital for understanding mendicant architecture, especially for the decades from approximately 1220 to 1270, a period during which the small early buildings were consistently replaced by larger structures. At the Franciscan Church of Santa Croce in Florence, for example, publication of the post-flood excavations revealed the relationship between the small church of the mid-thirteenth century and the vast edifice that we see today, begun in 1294 (ROCCHI, 2004). The protracted construction of the new church has been illuminated by new research on the fragments of the painted cycle, and a reconstruction of the location and decoration of the choir screen (DE MARCHI, PIRAZ, 2011). Research on the Franciscan church of San Lorenzo Maggiore in Naples has demonstrated how, starting probably in the 1250s or 1260s, an Early

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Christian basilica underwent a series of episodic additions that resulted in the architectural volumes that we see today; the original sixth-century church was expanded and transformed many times over a roughly eighty-year period prior to the demolition of the original Early Christian nave in the 1320s (BRUZELIUS, 2004).

9 In the past two decades, there has been a growing interest in the architecture of women’s communities. An important point of departure was the 1957 dissertation at Columbia University by Sister Mary Angelina Filipiak (FILIPIAK, 1957). In 1991, I explored some of the implications of clausura for the design or reconfiguration of church space for strictly enclosed communities of women, especially in relation to nuns’ experience of the liturgy at the high altar (BRUZELIUS, 1992, 1995). Brigitte Kurmann-Schwarz has provided important studies on the convent of Königsfelden (KURMANN-SCHWARZ, 1994, 1998, 1999, 2004), and, more recently, Carola Jäggi produced a broad survey on women’s convents (JÄGGI, 2006). There are long chapters on female communities in Schenkluhn’s book from 2000 and Volti’s volume from 2003 (SCHENKLUHN, 2000, 2003; VOLTI, 2003). There are also numerous studies on individual convents that further enrich this area of investigation. One example is the multi-authored volume on San Sebastiano at Alatri, an ancient site converted in the thirteenth century for the use of the Poor Clares (FENTRESS et al., 2005). The enclosure of women stimulated particularly interesting approaches to the internal decoration of the nuns’ choirs, where images became a substitute for direct vision of the Mass at the high altar (BRUZELIUS, 1992, 1996). Serena Romano contributed an important essay on the frescoes at San Pietro in Vineis at Anagni, a study accompanied by excellent photographs, particularly important because the site is normally not accessible to the public (ROMANO, 1997). In this area as well, however, the destruction of many convents (and their decoration), particularly in France, renders the topic largely inaccessible, especially in relation to the architectural application of the divergent rules regarding enclosure for the Poor Clares (the so-called “Damianite” versus the “Isabellan” rules). The rare convent still in operation is usually rendered inaccessible by the rules of enclosure (for example, Santa Chiara in Assisi). One important exhibition at the Ruhr Museum in Essen in 2005, Krone und Schleier: Kunst aus mittelalterlichen Frauenklostern, did much to fill some of the lacunae around the topic of images and spirituality in women’s communities in the context of enclosure (Krone und Schleier, 2005; HAMBURGER, MARTIN, 2008).

Liturgical Divisions and Construction Process

10 Synthetic studies are important. But because of the rapid evolution and institutionalization of the new orders in the first half of the thirteenth century, the broad survey often makes abstraction of mendicant building practice, which requires a focus on the structural details that reveal chronology and process at individual sites. Because of their insertion into tightly-packed urban settings and because the dedication to poverty eliminated (at least in the first decades) a stable income from tithes, rents, and agriculture, friars needed to be innovative and adaptive when acquiring sites and erecting buildings. Their approach tended to be fundamentally different from that of the Cistercians, for example, who often set out a new convent in open terrain where a coherent architectural concept representing the institutional persona could be accommodated. Building within cities as mendicants did, however, required the painstaking and sometimes controversial acquisition of houses and

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properties, often one by one. As a result, the friars’ buildings had to be calibrated to what properties might become available in the future. As we shall see, relations with neighbors and the instrument of the will for the transfer of property were vital tools for the construction of mendicant convents in cities.

11 Initially friars used “found” or donated buildings: hospitals, homes, halls, abandoned churches. As the orders expanded, however, the situation changed rapidly: there was a need for space adequate enough to accommodate larger communities while at the same time reflecting the ideals of apostolic poverty (TODENHÖFER, 2007; BRUZELIUS, forthcoming). Construction of churches and convents was usually episodic; this was largely the result of financial exigency, as communities grew more rapidly than the financial resources to support the construction of buildings. By the mid-thirteenth century, debt, often caused by construction, was an endemic problem in the orders. 12 Giles Meersseman observed long ago that the construction of mendicant convents was very much a matter of intermittent, long-term process; many convents were continuously building throughout the thirteenth and fourteenth centuries (MEERSSEMAN, 1946, p. 136). Indeed, regulations on architecture and design were being negotiated within each order as construction advanced; there would therefore have been a complex and disjunctive relationship between ongoing projects (often underway for decades) and the evolving regulations. We can think of mendicant architecture, like cities, as in a constant state of “becoming.” 13 For example, the choir of a mendicant church was often erected along with the essential residential and functional structures (east arm) of the adjacent convent (at San Francesco in Pistoia, for example: GAI, 1994). The liturgical choir up to the jubé was conceptually connected to the eastern cloister wing; both were usually in use for the resident community of friars long before work on the nave was initiated (see more on this below). Changes in plan and conception could be introduced between construction of the choir and the later completion of the nave: San Lorenzo Maggiore in Naples as it exists today represents the last phase of such a process. It was understood from the outset that buildings would be erected as a series of aggregated parts2 rather than as an expeditiously accomplished project. Recent studies by Achim Todenhöfer are among the few to engage with this concept of process (TODENHÖFER, 2007, 2010; see also BRUZELIUS, forthcoming).

Decorative Programs and Architectural Space

14 As I have proposed elsewhere, programmed, or even what we might call “systematic,” incompletion would therefore often have characterized mendicant building practice in the first century of its existence (BRUZELIUS, 2007 and forthcoming). Furthermore, new research is increasingly demonstrating that choir screens, almost all of which were removed starting in the sixteenth century (a rare Italian example survives in the Dominican church of Bolzano: FRANCO, 2003), were intrinsic to the planning and construction of mendicant churches and their decoration (COOPER, 2001; BRUZELIUS, forthcoming). The screen was literally the hinge between the interior church of the friars (the choir) and the external church open to the lay public. The altars, paintings, inscriptions and other paraphernalia eventually clustered around, above, and upon these choir screens were once a central identifying component of the interiors of

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mendicant churches. These interventions bound the lay public with the religious community in a mutually beneficial exchange, for example intercessory prayers in return for donations or for burial in the habit of the order (BACCI, 2000, 2003; CANNON, 2004).

15 The topic of screens was introduced some decades ago in several important essays written by Marcia Hall (for example HALL, 1974a, 1974b, 1978), and these still remain a point of departure for this topic. In the past decade several important studies have focused on this particular element at specific sites, such as Santi Giovanni e Paolo in Venice (MEROTTO GHEDINI, 2002; VALENZANO, 2003). Reconstructions are extremely important in enabling the reader to understand not only the divisions of interior church spaces, but also the compositional and perspectival elements of the paintings that were once placed in this context (see in MEROTTO GHEDINI, 2002). An excellent overview of the history of internal divisions and choir screens that includes an extended discussion of some mendicant examples can be found in a study by Giovanni Lorenzoni (LORENZONI, 2000). It is important to affirm, however, that the screens were clearly “separators” and “dividers,” isolating the liturgical business of the religious community from the spaces reserved for public outreach to laymen in the nave. Screens later served to create social hierarchies and privileged areas for the chapels and tombs of distinguished patrons: royalty, nobles, and socially prominent families were often interred within the choir zone, closer to the prayers of the friars. 16 Because of the rare survival of painted decoration, it is difficult to engage with this topic as part of the study of buildings and their significance. This author, however, is convinced that architectural space was not only created to serve the purpose of attending to the liturgy of both friars and laymen, but also intended as a vehicle for the more articulate and specific types of information conveyed through the panels and frescoes that usually filled the interiors of mendicant churches. In their various luminous studies of the decorative programs of Assisi and Padua, Chiara Frugoni and Serena Romano have established how deeply important fresco cycles and altarpieces were for the function and meaning of mendicant space (FRUGONI, 1993, 2008; ROMANO, 1997, 2001, 2008). 17 In the rare instances where frescoes survive, collaborative research focused on the extant paintings or altars of a single site can sometimes clarify issues of construction phases and dating (CERVINI, DE MARCHI, 2010, passim). This approach demonstrates the extent to which decorative programs were intrinsic to mendicant religious space and their importance for reflecting lay patronage and promoting the ideologies of each order (GAI, 1993, 1994; ACETO, 2010). Indeed, where evidence of medieval decoration survives, collaboration between archaeologists, architectural historians, archivists, and art historians has played a vital role in interpreting the uniquely important place of the mendicants in developing visual imagery as propaganda, especially in the second half of the thirteenth and in the fourteenth centuries. Franciscans in particular focused on painting, while the Dominicans favored sculpture, particularly in the form of the monumental tombs for the order’s saints, Dominic and Peter Martyr. Although we know from archival sources that patrons left bequests in their wills for fresco cycles, tombs, and individual architectural elements such as portals, columns, roof beams, and other structural components, rarely do these objects survive, and more rarely still can a particular work of art be connected with a specific document or patron. In Naples, Bartolomeo di Capua (1248-1328) commissioned portals for the Dominican and

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Franciscan churches (BRUZELIUS, 2004); in Vicenza the dwarf Pietro da Marano funded the west portal of San Lorenzo and is depicted in the tympanum. Although most of the paraphernalia contributed by lay patrons has been lost or dispersed (much was expunged in restorations and now “floats” on the white walls of our museums), the decorative interventions and memorials of donors profoundly conditioned mendicant church space both inside and outside church and cloister, as well as funding the construction of convents more generally. Indeed, the character of mendicant architecture was in part determined by its need to function as a “hangar” for lay interventions. 18 Examining painted cycles, altarpieces, and votive paintings is therefore fundamental to the study of architecture (COOPER, 2001; ROMANO, 2008; BACCI, 2000, 2003). They can sometimes document the stages of construction (completion of a church was often postponed for years, or even decades, after the friars’ liturgical choir was completed: BRUZELIUS, 2007). Inscriptions, as well as the texts of wills and testaments, can be useful in dating building phases, though friars often delayed construction of a section of a church or a chapel donated by a patron until enough legacies had been accumulated to support acquiring materials and assembling a labor force. 19 At San Lorenzo Maggiore in Naples, Francesco Aceto’s and Alessandra Rullo’s studies of tombs and altarpieces demonstrate how decorative programs promoted ideological themes and conditioned the significance of spatial zoning (ACETO, 2010; RULLO, 2012). Studies that concern themselves with the longue durée of a site, such as that of Donal Cooper and James Banker, are thus especially useful, as they provide an exceptional understanding of its evolution over time and the intimate relation of decoration and furnishings to liturgical space (COOPER, BANKER, 2009).

Establishing Friaries in Cities

20 The study of individual sites is important because new communities of friars inserted themselves into evolving urban settings. The reaction of each city and its clergy varied depending on local circumstances, and often an initial welcome soured as mendicants increasingly affirmed their presence in a town and became major forces in local “spiritual politics.” It is important to recognize that friars’ buildings and convents responded in various ways to changing external and internal circumstances (as noted by JATON, 1990): because of their close connections to lay communities, friars were particularly responsive (and vulnerable) to social and economic change.

21 In spite of the specifics of each location, however, there are common threads in mendicants’ approaches to new settlements, their acquisition of terrain (or existing buildings), and their building practice. The foundation of a new convent required a nascent community’s flexibility and ingenuity in relation to prevailing social, religious, and above all topographical circumstances. A friary needed to express a visible and identifiable architectural and institutional persona; this issue of a mendicant identity became especially acute towards the middle of the thirteenth century, when friars were increasingly under threat of extinction from their critics in the secular clergy. Humbert of Romans, Minister General of the Dominican Order (1254-1263), observed that “orders [… should] show uniformity not only in their observances, but also in their habits and in their buildings […]. It makes me groan to think how far from achieving this we are

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[…] while our churches and buildings are of all types and arrangements” (HUMBERT OF ROMANS, [1888-1889] 1956, p. 5).

22 The earliest surviving Franciscan regulations in architecture, however, are late in date (1260) and were formulated under Bonaventure. Both ministers general were concerned to control excess, minimize variation, and affirm institutional identity through the orders’ most visible elements, their buildings. No matter how abundant the patronage (and therefore no matter how strong the pressures exerted by lay donors upon a religious community), friaries needed to represent some visible adherence to the vow of apostolic poverty. The papacy’s affirmation of the new orders after the mid- thirteenth century also seems to have prompted a new attitude towards architectural and institutional self-identification (BRUZELIUS, forthcoming). This was played out in visible ways, among them in the choices of materials and an emphasis on spatial verticality. In Eastern Europe, for example, the systematic adoption of ashlar masonry was an important architectural signifier that associated mendicant buildings with the permanent structures of a city, such as town walls, city halls, and other elite forms of building (HINDIN, 2008). To some extent, uniformity of building practice was also maintained by the use of internal expertise: friars knowledgeable in the various building trades (construction, mosaics, painting, or glassmaking, for example) moved from site to site (VOLTI, 2004, p. 61-62; CANNON, 2004).

23 On the other hand, as Piron demonstrated for the convent of Santa Croce in Florence (PIRON, 2009), the increasing tendency towards the end of the thirteenth century of mendicant communities to consist of men and women from local families meant that convents were increasingly enmeshed in local politics and rivalries, which were often in conflict with the principle of apostolic poverty. As at Santa Croce, one possible response was the construction of simple buildings at great scale. We know from Dominic’s own example that there was often a divergence within communities on the degree of rigorous austerity in buildings: when Dominic returned to the convent at Bologna, he was dismayed to see that there was excessively large construction going on within his own community. Yet later on, as noted by Volti, around 1300, Duns Scotus defined grandeur, along with color and shape, as one of the main criteria for beauty (VOLTI, 2004, p. 71-72).

24 Although it is hard to define, the debate over apostolic poverty is fundamentally important for mendicant architecture. As noted, Bonaventure provided justifications for the increasingly large and visible architectural complexes of the Franciscans in place by the mid-thirteenth century. Yet tension remained and, as David Burr’s recent books on Peter John Olivi and the Spirituals and Vilpi Mäkinen’s study of poverty within the Franciscan order remind us, was exacerbated over time (BURR, 1989, 2001; MÄKINEN, 2001). Mäkinen observes that Bonaventure framed discussions of property in relation to Roman legal precedent on dominion and ownership. Burr’s recent and important studies on the Spirituals, as well as his introduction to the recently co-edited translation into English of Angelo Clareno’s Chronicle or History of the Seven Tribulations of the Order of the Brothers Minor, greatly enhance our understanding of the extent to which conflicts over property and buildings remained constant, divisive, and often agonizing issues for Franciscan communities (BURR, 1989, 2001; BURR, DANIEL, 2005).

25 The challenges of finding adequate space for growing convents, and the difficulties in achieving consensus in matters of property and buildings, grew exponentially as the new orders increasingly became conventualized, adopting the architectural structures

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of the monastery: cloisters, refectories, and dormitories (BRUZELIUS, forthcoming). This also pertained to a certain consistency in shaping buildings to be recognizable as “reform” or “mendicant” structures. For Eastern Europe, S. Adam Hindin has noted that, when the Dominicans acquired an older church for their community in Prague in 1226-1227, they demolished the older polygonal choir and reconstructed it as a flat- ended rectangular structure in keeping with that of San Domenico in Bologna (HINDIN, 2008, p. 381). Starting with the Cistercians in the early twelfth century, flat-ended chevets were associated with monastic reform; the feature seems to have been adopted by the Dominicans, beginning probably at San Domenico in Bologna, as a deliberate association with this older reforming order. Hindin’s evidence suggests that, in spite of Humbert of Roman’s mid-century laments about the lack of uniformity, such consistency was an important concern in some places as early as the 1220s. In this regard, it is interesting to note that the Friars Preacher never, to my knowledge, utilized ground plans that had ambulatories with radiating chapels. 26 The conventualization (that is to say, the adoption of the norms of monastic planning) of mendicant space occurred first and early in the Dominican order and was a feature of the restructuring of the Dominican community in Bologna in the 1220s (BRUZELIUS, forthcoming). This order was always more systematic and deliberate in the planning and execution of buildings for its communities; the contrast with the Franciscans would have been especially striking in the early decades of the orders. San Domenico in Bologna seems to have been the point of departure for this process; this site has been ably and intelligently studied in numerous important publications (ALCE, 1972a, 1972b; Archeologia medievale…, 1987; SCHENKLUHN, 1985; GELICHI, MERLO, 1987a-b). As we shall note below, the adoption of the monastic model for mendicant houses was useful because the arrangement of buildings around cloisters permitted expansion for teaching spaces and, in some convents after circa 1248, for the offices and archives of the Inquisition. 27 The Friars Minor were less systematic and more conflicted about developing administrative and institutional structures, not to mention a systematic approach to the planning and construction of churches and convents. Nonetheless, the earliest evidence for their adoption of the monastic model for their buildings is early in date and can be seen at the excavated church at Santa Croce in Florence, from roughly 1250. It presented a flat-ended “Cistercian-type” church with a cloister, mimicking the solution that had become fairly standard in the architecture of the Friars Preacher. Most Franciscan churches were rectangular boxes (like San Francesco in Cortona), but at Santa Croce this formula was expanded with a transept and lateral chapels. Cortona and Santa Croce in Florence also demonstrate that Franciscans were building in stone and brick (and decorating with fresco painting) well before Bonaventure’s argument in favor of permanent, fireproof buildings (see especially GIORGI, MATRACCHI, 2011, p. 17). The Franciscan order therefore also experienced a rapid transition from the mud and wattle huts discovered at the Porziuncola to brick and ashlar masonry buildings. But if we are to believe Angelo Clareno, this was a process fraught with tension (even anguish) from the earliest years of the order (BURR, DANIEL, 2005, p. 50-51).

28 Conventualization was thus an arduous process not only conceptually but also practically. It implicitly reflected the transformation of the orders away from strict adherence to the original precepts of apostolic poverty and towards large-scale multi- purpose architectural complexes. It involved the acquisition of property adjacent to the original nucleus of buildings or the transfer of a community to an entirely new and

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larger site, both complex and expensive enterprises in densely-inhabited urban environments. In Piacenza, the transfer of the Franciscan community to the city center meant the demolition of several blocks of buildings and years of intense and sometimes violent conflict with the local clergy. Alternatively, the rapidly growing mendicant communities at Oxford abandoned constricted sites in the center of town for more open terrain in the suburbs. Elsewhere, as in Paris, friaries were established on plots of land adjacent to the city walls. Convents were often positioned in less congested areas near the town gates where travelers and merchants passed by, as with the Franciscans at Bologna. Within a city there was often litigation over space and property rights with neighbors, shopkeepers, parish and episcopal clergy, and civic governments, not to mention the other religious orders, including of course the other communities of mendicants. Indeed, friaries were frequently in intense competition with each other for space, resources and donors, especially to support construction, and many were often seriously in debt, often as a result of the expenses construction incurred. Moreover, the need for space was not limited to convent buildings; in Italy, at least, friars also required outdoor spaces for preaching and for lay burials within or adjacent to the convent. Sometimes a commune allocated appropriate preaching spaces outside a convent, as in the two piazzas successively allocated for Santa Maria Novella in Florence. 29 Whether by purchase or allocation, the aggregated spatial needs of mendicant convents in cities imposed the arduous and expensive enterprise of land acquisition upon communities, with implications that ultimately and profoundly compromised the principles of the founders. The broad impact (and stress) of the creation of friaries on neighborhoods and cities is a topic that calls for far more work.

Socio-Economic Aspects of the Mendicant Movement

30 Two recent and important collections of essays on the economy of the mendicant orders underline how little we know of their financial organization in the first centuries. The most recent of these volumes, edited by Nicole Bériou and Jacques Chiffoleau and with an excellent introduction and conclusion by the editors (BÉRIOU, CHIFFOLEAU, 2009), enriches and expands upon the economic studies introduced during the 2004 meeting of the Società internazionale di studi francescani in Spoleto (Società…, 1995). Although both volumes emphasize the paucity of evidence for the thirteenth- century, they are nonetheless rich with observations that enhance our understanding of how friars obtained funding for churches and convents, especially as these became larger in scale and exponentially more expensive. In the 2004 volume, Joanna Cannon writes specifically about how friars funded and administered their building projects (CANNON, 2004). As noted previously, Piron’s article on the relationship between the community of friars at Santa Croce in Florence (increasingly local) and the urban power structures of the city is particularly revealing (PIRON, 2009). Other volumes published by the Società internazionale di studi francescani, such as that on preaching (Società…, 1995), penitence and confession (Società…, 1996), and mendicant economy (Società…, 2004) now form a fundamental point of departure for any significant engagement with the new orders.

31 Panayota Volti’s book is exceptional in its focus on the social impact of mendicant practice in northern France and Flanders (VOLTI, 2003). She is among the first

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architectural historians to highlight the importance of public preaching and friars’ roles in supporting merchants and municipal governments (VOLTI, 2003, p. 225-226). She also notes the emerging importance of burials and wills for mendicant buildings. Among other observations, she remarks upon the mendicant innovation of crypts exclusively for the purpose of the burial of lay patrons (VOLTI, 2003, p. 108-109 and 231-232). This phenomenon appeared perhaps for the first time in the monumental crypt of Santa Croce in Florence built around 1294 (BRUZELIUS, forthcoming), although an early example may have existed at the formerly Franciscan church of Santa Croce in Verona. The burial crypt at Santa Croce may have influenced the canons of nearby Santo Stefano in Prato, where this element was introduced during the reconstruction the east end of the church in 1309. If so, this may be an important example of the influence of mendicant architecture on that of the secular clergy (BRUZELIUS, forthcoming). 32 Most patrons seem to have wanted their tombs in more visible locations, however, where it could become a locus for ostentation and family devotion and could be visually associated with altars or prestigious elements of decoration. The social and economic consequences of burial are the focus of Frithjof Schwartz’s new study of the cemetery at Santa Maria Novella in Florence (SCHWARTZ, 2009). His ground-breaking analysis of the social fabric that supported this particularly important Dominican house demonstrates that the construction of the nave, initiated in 1279-1280, was supported by funding associated with burials. Here burial practice, and particularly the avelli (niche tombs) on the exterior walls, provide a case-study on how family sepulchers tied patrons to mendicant convents via long-term, “umbilical,” relationships. The tombs embedded in the east and south (façade) walls of the church thereby generated funding for the new building project, and the cemetery as a whole provided a vehicle for locking into place multi-generational commitments from patrons and donors. By the last quarter of the thirteenth century, therefore, tomb construction in the form of avelli, and, later, floor slabs in the interior, were integral to the planning and execution of architectural space. Often the timing of construction was contingent on an adequate number of such burials and/or associated legacies in order to support the work. 33 In 2002, Christian Freigang and Julian Gardner published two important articles on lateral chapels, a phenomenon pioneered by friars in order to provide space for the secondary altars required for daily private masses (both in BOCK et al., 2002). To these important contributions one might add the following points: as the friars often acquired older churches of fairly modest dimensions, the need to “tack on” chapels was particularly acute. The Early Christian basilicas of Sant’Eustorgio and San Francesco in Milan are both good examples of this practice, as is San Lorenzo Maggiore in Naples. By the middle of the thirteenth century lateral chapels had been co-opted for the additional function of family burials by patrons and donors, although the rights to the patronage of specific chapels (ius patronatus) often changed over time as families died out. We can imagine that tombs and chapels would come and go; the Black Death, in this sense, would have provided a great opportunity for “recycling” burial spaces and reinvigorating patronage (BRUZELIUS, forthcoming).

34 Mendicant social practice integrally related to preaching and pulpits. Outdoor preaching was of course nothing new, but with the friars it became ubiquitous and, at least in Italy, it resulted in the creation of new urban “preaching piazzas.” They were instrumental in making popular the portable wooden pulpits that are illustrated in

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many Quattrocento images of friars preaching, as studied by Roberto Rusconi ( RUSCONI, 1995). The popularity of mendicant preaching and widespread use of the portable outdoor pulpit in turn may have stimulated the increasing importance of monumental historiated pulpits executed in noble materials such as marble for the secular clergy, who felt themselves to be in competition with the friars (BRUZELIUS, 2011). These became an increasingly important feature of church furnishing in Italy after roughly 1260 (BRUZELIUS, forthcoming). As their missions moved more towards interior preaching, mendicant houses also began to construct more monumental pulpits inside their churches, one of the earliest surviving examples being that of the lower church at Assisi (HUECK, 1984). The portable pulpit, however, could be rolled inside or out, depending on the weather and the occasion. When outside, the portable pulpit was often placed near the rows of tombs or avelli on the façades or flanks of mendicant churches: tombs were a reminder of the need for penitence before death, an effective scenography for outdoor preaching (SCHWARTZ, 2009; BRUZELIUS, forthcoming). For example, at San Domenico in Bologna, the exterior pulpit on the façade (no longer extant) was situated above rows of tombs in front of and beside the church (BREVEGLIERI, 1995). 35 Giles Meersseman made the important observation that only after around 1240 did the Dominicans systematically accommodate laymen within their own churches (churches ad capiendos homines in praedicationibus) rather than preaching in parishes and outdoors (MEERSSEMAN, 1946, p. 159-173). Accommodating the public in turn generated greater expense and the need for choir screens, imposed on all Dominican houses by the General Chapter of 1249 (though many were already present). Friars thus presented a revolution in the ways in which the clergy engaged with the lay public. As I argue in my forthcoming publication, they represented an activated “externalization” of religious life, engaging in a “capillary action” within cities by visiting the homes of parishioners, a practice deplored by William of Saint-Amour (BRUZELIUS, forthcoming). But visiting homes, especially those of the ill and dying, was a highly effective strategy: it brought mendicants into intimate contact with the concerns of laymen in their daily lives, and especially women, who often became passionate supporters of the friars. It probably diffused the practice of making wills (BÉRIOU, CHIFFOLEAU, 2009), which often became a form of “guarantee” for donations to convents. On the other hand, the roles of the mendicants as the administrators of the Inquisition starting in mid-thirteenth century introduced dramatic changes in their relations with the lay public and generated profound hostility in certain cities (the Sienese Franciscans were for a time instructed not to leave their convent). 36 By the 1230s, the success of the mendicant movement was widely apparent to the secular clergy and their response often shifted towards hostility and competition. As treatises and literary and legal sources attest, parish and cathedral clergy increasingly found themselves in conflict with the friars over the rights to the sacraments and the attachment of the faithful. William of Saint-Amour’s De periculis novissimorum temporum described the many ways in which mendicants destabilized, challenged, and usurped the traditional role of the secular clergy. Saint-Amour was particularly venomous on the issue of friars visiting laymen in homes, which he described as penetrans domus. This type of activity, confirmed in the (often scabrous) narratives of Geoffrey Chaucer and Giovanni Boccaccio, must have been a central feature of both the success and (as the literary sources suggest) abuses of mendicant activities within the domestic spaces of

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cities. Medieval poems, such as Piers the Plowman’s Crede, attest to the lavish interior decoration of mendicant churches far better than the now-empty shells of most extant buildings (BRUZELIUS, forthcoming).

37 Another important aspect of mendicant involvement in urban life emerges from the recent publication of early-fourteenth-century legal proceedings against the Inquisition in Padua and Florence. These astonishing collections of documents underline how deeply some friars were engaged in dubious financial undertakings (BISCARO, 1921, 1933; and more recently: PAOLINI, 1998, 2003; BONATO, 2002; RIGON, 2004). Some Inquisitors abused their power to such an extent that papal inquiries were put in place to record abuses, which is how we know about the practices at Santa Croce in Florence and Sant’Antonio in Padua. At Santa Croce there were thirty rooms plus a subterranean prison (which filled with water when the Arno flooded) for the office and administration of the Inquisition. By 1300, the presence of courtrooms, offices, archives, and prisons created a growing need to sustain administrative structures even after heretics had been largely exterminated; this meant that some mendicant houses had become large administrative centers (BRUZELIUS, forthcoming). One can only wonder if, in a house like Santa Croce where Peter John Olivi was residing in the late 1280s, the presence of the “machinery” of the Inquisition gave special urgency to his thinking on poverty and property (BURR, 1989, 2001). At houses that served as seats of the Inquisition, the need for designated spaces stimulated the construction of new buildings (and prisons). Although precise data on the financial benefits of the Inquisition are probably impossible to measure, it cannot be a coincidence that some of the largest churches of the orders (Sant’Antonio in Padua, Santa Croce in Florence, again) were built at the convents that were the regional headquarters of the Inquisition (see BRUZELIUS, forthcoming). It was not difficult for funds or properties expropriated from those accused of heresy to benefit the institutions involved (or sometimes, as in Florence, their families. At San Domenico in Naples, for example, income from the Inquisition was designated by Robert of Anjou for completion of the church in 1325. 38 The significant implication of the mendicant orders in urban life and their impact upon the social and architectural setting beg the question: how did “being on the offensive” affect mendicant attitudes towards their own buildings and spaces? Did it inhibit, or delay, or transform mendicant building projects? Did an atmosphere of conflict inflect the character of structures in outward and (at least to medieval viewers) visible ways? Did it help to create a “mendicant aesthetic,” which, though difficult to define, is nonetheless palpable in the friars’ buildings especially after c. 1250? In my forthcoming book I propose that the conflict of the mid-thirteenth century had deep consequences for mendicant building and was expressed in the need for a permanent and monumental institutional presence.

Suggestions for Further Study

39 The literature on mendicant architecture has benefitted from a number of recent studies. But with the exception of the recent work of Volti, Schwartz and Todenhöfer, there has been little direct concern with issues of social practice and economy. This is in keeping with tendencies in the discipline of architectural history, which in spite of its concern with materiality, often seems to “float” buildings in a state of abstraction independent from social, economic, and political realities – even though architecture

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must naturally and intimately be a product of all three. Admittedly, this situation is often the result of the paucity of documents. But in addition, certain scholarly traditions – the focus on the church as an isolated element instead of on the conventual complex as a whole, a concentration on typologies and the symbolic meaning of plans, and the study of individual sites instead of clusters of convents of the same period in the same city or region – have inhibited deep thinking about the ways in which friars occupied material, social, and “psychological” space in the medieval city. As noted above, a consideration of the evolving institutionalization of the orders over the course of the thirteenth century is critical for understanding the design and construction process of their buildings. Cloisters (sometimes multiple), refectories, and increasingly large churches put pressure on surrounding urban space: shops, homes, and streets were often displaced to make room for communities of mendicants (STANFORD, 2005; SMITH, 2010). As stated, in Italy, in particular, the spaces “carved out” of a city or its suburbs for friars were not only for convent structures but also for piazzas or urban squares designated for outdoor preaching and cemeteries. In the early years, outdoor preaching and burying were both more important in the connections to the lay public than was the church (MEERSSEMAN, 1946, p. 140; BRUZELIUS, forthcoming), all the more so because, especially in their first decades, friars focused on the conversion of heretics (obviously outside the church, not within). Outreach to local communities was also facilitated by preaching in existing parish churches in the first years. For example, as noted above, Lucia Gai’s study of San Francesco in Pistoia demonstrates how construction was focused on the liturgical choir and adjacent conventual structures long before completion of the nave many decades later (GAI, 1994; more generally JATON, 1990, p. 165).

40 The impact of friars on medieval cities was thus not only in the creation of large complexes of buildings, but also in opening up spaces outside their precinct, making urban “voids” for preaching and burials. As demonstrated at San Domenico in Bologna, these were the same or contiguous. Although the urban impact of this process has not received much detailed consideration in the literature, aerial views of almost any Italian convent reveal the importance of outdoor spaces in the overall presence of the friars on cities. Although the piazzas sometimes survive, the cemeteries were usually suppressed after Napoleon’s Civil Code of 1804, and the terrain has often been built over. The important work of Bruno Breveglieri in Bologna, however, provides excellent evidence of the extent and scale of mendicant cemeteries, which created a sort of “halo” on the north, east, and west sides of a convent (BREVEGLIERI, 1993a, 1993b, 1995). As noted, burial was a fundamental part of the mendicant “contract” with lay supporters and augmented the need for terrain as much as it inflected the process in shaping space both indoors and out (SCHWARTZ, 2009; BRUZELIUS, 2007; see also VOLTI, 2003, p. 108-109 and 231-232 on cemeteries and burials). 41 Burying and outdoor preaching bring up several fundamental features of the friars’ urban and architectural interventions that have been largely absent from existing histories of their buildings. Unlike other regular orders (, Cistercians), and the secular clergy, mendicants (at least in the first decades) renounced tithes and the income from (and onerous management of) agrarian property. Although most religious establishments naturally depended upon the generosity of lay patrons and confraternities, these sources of income were particularly important for friars, essential for their daily existence. Food, clothing, and shelter were predicated on these

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offerings. After approximately 1250, patrons were increasingly noble or royal, a phenomenon noteworthy in the cities in which the court resided (Paris, London, Naples, Barcelona). 42 As shown above, the umbilical relationship between friary and patron had numerous direct consequences on mendicant building practices, the most significant of which can be summed up as follows: 43 In a system that depended upon an exchange of services (intercessory prayer in return for donations), friars were particularly susceptible to requests from laymen for burial and family memorials within their convents, a phenomenon that was already underway in the 1220s at San Domenico in Bologna. By mid-century, chapels were systematically added to the flanks of churches, and these in turn were often replaced within a few generations, sometimes with the addition of an access corridor to a new range of additional chapels flanking the restricted areas of the liturgical choir see also a student-produced animation at http://vimeo.com/27215360). The chapels, clustered in and around churches like barnacles on a pier, were for the most part removed in nineteenth-century restorations. 44 In addition to accommodating memorial structures, because of the importance of lay donations within the mendicant economy and the increasingly close family, social, and political ties between convents and local communities, churches were planned and built as “hangars” for the interventions of lay donors and pious confraternities. Some remains of these lay interventions can still be seen in the eighteenth-century plan of San Francesco in Bologna. The scale of mendicant churches was therefore not (only) for indoor preaching, as has traditionally been asserted, but also to épater the competition – the other orders – and provide space for multiple altars, magnificent tombs, and painted decoration. 45 Given these functions, mendicant building practice should be examined as part of a fabric of dynamic relationships within each city ( BADSTÜBNER, 1981). Increasingly towards the end of the thirteenth century, mendicant friars and the secular clergy built with a sharp eye out to competing institutions, as any visitor to Venice can observe by comparing Santa Maria Gloriosa de’ Frari with the Dominican church of Santi Giovanni e Paolo (San Zanipolo). This theme is evoked in a recent essay by Coomans, and it is a distinguishing feature of Todenhöfer’s recent book (COOMANS, 2011; TODENHÖFER, 2007). Attempts at legislating the excessive intrusions of laymen’s interventions into sacred space or the size and complexity of buildings generally foundered in the face of the irresistible persuasion of donations pro anima. At the same time, the friar’s efforts to provide adequate space meant that they were often deeply in debt, a situation that in turn made them still more susceptible to offers of financial support, in spite of the strings attached.

New Territories and New Technologies

46 Mendicant architecture thus needs to be understood as a unified whole that considers the church in relation to the entire complex, the adjacent areas for preaching and burial, and the urban frame. In these matters, Volti’s study of 2003 offers many stimulating insights (VOLTI, 2003). Charlotte Stanford has also illustrated how extremely complex (or combative) urban relations could be, as in the case of Strasburg, where

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female devotées of the Preachers attacked city marshals with clogs and rolling pins (STANFORD, 2005). Mendicants thus sometimes inspired conflict within different factions of the public, sometimes even between their male and female supporters. Studying mendicant buildings in relation to the friars’ relations with laymen, as well as to what we can know of the social, political and economic context for each foundation, can therefore be revealing. Indeed, recent research is changing the way in which we can do architectural history, with the traditional focus on the church giving way to more concern with the convent as part of an evolving setting both within and outside the community. In addition, the construction of convents can and should be understood as part of a dialogue between institutions within a city, and building programs seen as enterprises that related the activities of the friars with other urban interventions (for example, SMITH, 2010; SCHWARTZ, 2009).

47 But how can the architectural historian demonstrate process and the dynamic relationships between buildings, or within an urban fabric? We need to recall, as I have demonstrated for San Lorenzo in Naples and Todenhöfer recently reminded us for the Franciscan church in Salzwedel, that Franciscan churches in particular often consisted of a series of final projects, or “completions” that were aggregated over time (BRUZELIUS, 2004; TODENHÖFER, 2010). Architectural history has tended to be written as though the structures we perceive today are the result of a unique project rather than a series of successive, cumulative interventions that responded “organically” and opportunistically to changing needs or circumstances. The printed text (the article, the book), as well as the ground plan, section, elevation and photograph, are all representations that capture an isolated moment of production. Print is therefore not a medium conducive to representing the additive process of change over time, or the transformations visited on buildings as a result of the dynamic relationships within cities and/or between institutions. Indeed, the printed image that “freezes” the representation of a monument in a moment in time has conditioned the shape of architectural history and constricted our thinking about buildings. 48 This is where the new possibilities of digital modeling are emerging as fundamental tools for rethinking the practice of architectural history. Animations and reconstructions can model change over time in urban space; they narrate a process as a flow of ongoing interventions, each of which corresponds to the exigencies of a historical moment. The difference between print and the animated reconstruction is something like the difference between a photograph and a movie: while the former provides an impression, the latter tells a story. One simple example of the potential of new media is a 2010 production by students at Duke University that can be viewed online (https://vimeo.com/26658584), and other, similar interventions will surely follow in the near future. Though digital tools are emerging as vital media for the study of architecture and cities, no architectural phenomenon that I can think can more benefit from it than that of the friars, which was almost by definition about change over time. Not only are animations an effective way to demonstrate progressive transformation as a function of time and space, but they provide a means to engage both with building as ongoing process and to model evolving and dynamic relationships between religious institutions. Digital representations can also be of fundamental importance for reconstructing the locations of altarpieces, screens, and tombs: Donal Cooper has been collaborating on a project in this direction, whose results

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can now be viewed on the website of the Victoria and Albert Museum (www.vam.ac.uk/ content/articles/i/interactive-explore-the-church-of-santa-chiara). 49 With the opening of the Iron Curtain and of previously unreachable sites and archives, work on the friars in Eastern Europe is emerging as an important new field, although access to research in unfamiliar languages has been an obstacle. Donal Cooper ventured into this area in a recent essay, “Gothic Arts and the Friars in late Medieval Croatia 1213-1460”, and Seth Adam Hindin recently published on mendicant buildings in Bohemia and Moravia (COOPER, 2009; HINDIN, 2008). It is greatly to be hoped that this topic will develop, and that we shall increasingly be able to absorb the literature on the monuments in Eastern Europe to broaden our understanding of the mendicant phenomenon. This is especially important because many convents in this area were founded as an integral part of planning new towns. 50 The study of mendicant architecture is a vigorous and expanding field because friars were closely tied to the process of social, religious, and institutional change, topics interesting to us now. The notion of art as propaganda is central to these debates (ROMANO, 2001, 2008). Both macro- and micro-historical approaches studies offer new avenues towards a more international understanding of the shaping of sacred space both inside and outside mendicant convents in the thirteenth and fourteenth centuries.

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NOTES

1. This article does not include articles and books on Assisi because the literature is so extensive that it would require a separate article. Also, I focus here on literature that concerns primarily the Franciscans and Dominicans; for the other mendicant orders, see Frances Andrews, The Other Friars: Carmelite, Augustinian, Sack and Pied Friars in the Middle Ages, Woodbridge, 2006, and Louise Bourdua, Anne Dunlop eds., Art and the Augustinian Order in Early Renaissance Italy, Aldershot,

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2007. I apologize in advance to the authors of any recent studies I may have inadvertently overlooked, and request a pdf to the following email address: [email protected]. 2. For a paradigmatic article on process and change in architectural practice, see Howard Burns on Michelangelo at Saint Peter’s: “Building against Time: Renaissance Strategies to Secure Large Churches against Changes to their Design,” in L’Église dans l’architecture de la Renaissance, (colloquium, Tours, 1990), Paris, 1990, p. 107-131.

ABSTRACTS

Mendicant architecture represented a new approach to sacred space, one that was intimately tied to an economic structure based on donations and offerings from patrons. A number of important recent studies on specific sites and geographical areas provide evidence of the extent to which mendicant building practice transformed the spaces for encounters between clergy and the laity. As their critics noted, however, friars also engaged in aggressive public “outreach,” which included outdoor preaching and visiting the homes of the faithful. A survey of recent literature suggests that the analysis of mendicant architecture might usefully expand into a consideration of the roles of the friars in the public spaces of cities and in the privacy the home.

L’étude de l’architecture mendiante représente une nouvelle approche de l’espace sacré, espace qui fut intimement lié à une structure économique fondée sur la participation de donateurs. De nombreux travaux récents consacrés à des sites ou à des aires géographiques précis ont révélé à quel point les pratiques de construction des ordres mendiants ont transformé les lieux de rencontre entre clergé et laïcs. Comme l’ont fait remarquer leurs détracteurs, les frères ont également mené une politique offensive de travail de proximité, y compris par la prédication en plein air et par des visites chez les fidèles. L’examen des publications récentes suggère que l’analyse de l’architecture mendiante pourrait bénéficier d’une plus grande considération du rôle des frères dans les espaces publics urbains comme dans le cadre domestique du foyer.

Die Erforschung der Bettelarchitektur stellt eine neue Herangehensweise an den Kultraum dar, der aufs Engste an die ökonomische Struktur der Stifterbeteiligung gebunden war. Zahlreiche neue Studien, die sich konkreten Stätten und Geographien widmen, haben aufgezeigt, wie sehr die Baupraxis der Bettelorden die Orte der Begegnung zwischen Klerus und Volk verändert hat. Wie es bereits ihre Gegner unterstrichen haben, verfolgten die Ordensbrüder eine aktive Politik der Arbeit vor Ort, indem sie unter anderem unter freiem Himmel predigten und die Gläubigen zu Hause aufsuchten. Die Untersuchung der aktuellen Publikationen schlägt vor, dass die Analyse der Bettelarchitektur stärker von der Auseinandersetzung mit der Rolle der Glaubensbrüder im öffentlichen Raum der Städte und in der privaten Sphäre der Wohnräume profitieren könnte.

Lo studio dell’architettura degli ordini mendicanti costituisce un nuovo approccio dello spazio sacro – spazio che fu intimamente legato ad una struttura economica fondata sulla partecipazione di donatori. Numerose indagini recenti dedicate a siti o aree geografiche puntuali hanno rivelato a che punto le pratiche di costruzione degli ordini mendicanti trasformarono gli spazi di incontro tra chierici e laici. Come fecero notare i loro stessi detrattori, i frati condussero inoltre una politica attiva di lavoro di prossimità, anche attraverso la predicazione all’aperto e le visite presso i fedeli. L’analisi delle pubblicazioni recenti suggerisce che lo studio

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dell’architettura degli ordini mendicanti potrebbe trarre beneficio da una maggiore considerazione del ruolo dei frati negli spazi urbani pubblici e nel contesto domestico della casa.

El estudio de la arquitectura mendicante representa un nuevo enfoque del espacio sagrado, muy vinculado con una estructura económica basada en la participación de los donantes. Numerosos trabajos recientes dedicados a sitios o espacios geográficos concretos han revelado hasta qué punto las prácticas constructivas de las órdenes mendicantes llegaron a transformar los espacios de encuentro entre clero y laicos. Tal como lo recalcaron sus detractores, los frailes también llevaron una política militante de trabajo cercano a la gente, incluido mediante la predicación al raso y las visitas a los fieles. Las publicaciones recientes sugieren que el análisis de la arquitectura mendicante podría beneficiar de una mayor consideración del papel de los frailes en los espacios públicos urbanos así como en el marco doméstico del hogar.

INDEX

Mots-clés: architecture, architecture mendiante, art funéraire, Moyen Âge, prédication, restitution 3D Keywords: architecture, mendicant architecture, Middle Ages, preaching, burial, 3D modeling

AUTHOR

CAROLINE BRUZELIUS

Professor of architectural and urban history at Duke University. From 1994 to 1998, she was Director of the American Academy in Rome. Her research focuses on medieval buildings in France and Italy; she is also engaged in how digital technologies for mapping and modeling can enlarge and enhance the study of medieval architecture and medieval cities. She is co-founder of two digital initiatives: Wired! (www.dukewired.org) and Visualizing Venice (http:// visualizingvenice.org). She is a member of the American Academy of Arts and Sciences.

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Moyen Âge

Actualité

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Synthèses et nouveautés autour du « premier art chrétien » Surveys and new research on the “first Christian art”

Ivan Foletti

RÉFÉRENCE

Maria Andaloro, L’orrizonte tardoantico e le nuove immagini 312-468, (La Pittura Medievale a Roma 312-1431, Corpus Volume I), Milano, Jaca Book, 2006. 482 p., fig. en coul. ISBN: 978-2-50352-514-3; 180 €. Beat Brenk, The Apse, the Image and the Icon: An Historical Perspective of the Apse as a Space for Images, (Spätantike – Frühes Christentum – Byzanz, 26), Wiesbaden, Reichert, 2010. 220 p., 106 fig. en n. et b. et 37 en coul. ISBN : 978-3-89500-703-3 ; 29,90 €. Paolo Liverani, Giandomenico Spinola, Pietro Zander, Vatican, la nécropole et le tombeau de Saint-Pierre, Paris, Hazan, 2010. 352 p., 250 fig. en n. et b. et en coul. ISBN : 978-2-75410-461-6 ; 85 €. Deborah Mauskopf Deliyannis, Ravenna in Late Antiquity, Cambridge, Cambridge University Press, 2010. 464 p., 103 fig. en n. et b. et 15 en coul. ISBN : 978-0-52183-672-2 ; £ 65 (80 €).

1 Située entre l’Antiquité romaine et le Moyen Âge, la période à laquelle les textes ici recensés sont dédiés a longtemps été considérée comme une sorte de no man’s land. La notion de « premier art chrétien » qui a fini par définir la production de cette époque, canonisée dans son usage francophone par André Grabar, est en réalité aussi complexe qu’ambiguë1. L’historiographie ancienne tend en effet à embrasser une vaste période qui va du IIIe siècle à la fin du VIe siècle, une périodisation dont les racines sont à chercher dans le milieu romain de la moitié du XIXe siècle, à la suite de Giovanni Battista De Rossi2. La principale raison de ce lien étroit entre l’art chrétien et la période désignée provient justement de sa position particulière aux frontières de l’Antiquité et du Moyen Âge. Considérée dès la Renaissance comme un moment de décadence en

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raison de son esthétique antihellénistique, cette période a attiré l’attention des chercheurs catholiques tout d’abord pour le « contenu » religieux de ses images et pour sa proximité avec les origines du christianisme. Sa situation frontalière entre deux mondes est également responsable de la dichotomie qui prévaut encore dans l’approche méthodologique : depuis ses débuts, la discipline oscille entre archéologie et histoire de l’art.

2 Après la Seconde Guerre mondiale, ce domaine vécut une véritable efflorescence, accompagnée d’un changement radical de sa perception. Avec des figures comme Kurt Weitzmann, Ernst Kitzinger, Richard Krautheimer ou André Grabar, l’Antiquité tardive – comme elle fut de plus en plus souvent nommée – devint une réalité polymorphe où religions, pensées et cultures se rencontraient, en même temps qu’une période dotée d’une valeur esthétique propre3. La grande exposition Age of Spirituality, organisée par Weitzmann en 1977-19784, a certainement été le catalyseur emblématique de ce moment. La structure de son catalogue, qui fait la distinction entre art religieux et art profane, entre objets d’usage quotidien et liturgique, et entre chrétiens et païens, a formé l’esprit des générations suivantes. La production artistique du IIIe au VIIe siècle fut dès lors perçue non seulement comme le berceau de la culture chrétienne, mais également comme un carrefour déterminant pour l’identité européenne. C’est probablement à la fin des années 1970 que la « discipline » a atteint son apogée avec quelques-uns de ses ouvrages fondamentaux5. Il s’agit de textes dont l’autorité est aujourd’hui encore certaine et qui fournissent les éléments de confrontation pour les volumes auxquels est consacré le présent compte rendu. Ces derniers, en revanche, s’insèrent dans un mouvement qui s’est développé à la suite de l’exposition Aurea Roma – fondamentale puisqu’elle a appliqué la méthode de Age of Spirituality au cas romain – et qui a pris de l’importance ces dix dernières années6.

Confrontations et continuités

3 En 2006 sont parus les premiers volumes d’un projet qui vise à répertorier l’art de la Rome médiévale. Il s’agit du projet Corpus e Atlante della pittura medievale a Roma conçu par Maria Andaloro et Serena Romano. Le premier volume du Corpus, L’orizzonte tardoantico, de même qu’une importante partie de l’Atlante, sont consacrés aux premiers siècles après Constantin. Les formats respectifs du Corpus et de l’Atlante, le premier constitué de fiches et le second de documents visuels, ont pour but d’« objectiviser » l’information, une ambition également présente dans le souci d’exhaustivité du projet. Les fiches, cependant, ne se limitent pas à décrire les monuments concernés mais visent également à faire progresser le débat critique, plus largement développé dans les textes introductifs. Dans cette entreprise, la dette du Corpus envers Richard Krautheimer est évidente7.

4 L’étude publiée en 2010 par Paolo Liverani, Giandomenico Spinola et Pietro Zander intitulée Vatican, la nécropole et le tombeau de Saint-Pierre témoigne également d’une volonté de synthèse, avec des instruments et des ambitions néanmoins très différentes. Contrairement au Corpus, qui porte sur la seule peinture, les cinq chapitres du volume touchent logiquement à tous les médias concernés, y compris la sculpture, la mosaïque, le stuc et l’architecture. Les points de vue méthodologiques sont multiples, allant de l’archéologie à l’histoire de l’art et à la sociologie. Très richement illustré, l’ouvrage est

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paru simultanément en trois langues (italien, anglais et français) et, de par sa structure très didactique, vise apparemment un large public. 5 Deborah Mauskopf Deliyannis présente une approche encore différente dans Ravenna in Late Antiquity, paru en 2010, dans lequel elle livre un regard d’ensemble sur la Ravenne tardo-antique. Une grande partie des monuments ravennates est analysée dans des chapitres divisés chronologiquement, mais la structure en est déterminée essentiellement par le prisme de l’histoire. Tous les médias y sont pris en compte, de l’architecture à la mosaïque et aux ivoires. Le désir d’historicité est également apparent dans la grande attention donnée aux sources et dans l’introduction historiographique très ample (MAUSKOPF DELIYANNIS, 2010, p. 5-13). Par son approche, Mauskopf Deliyannis s’insère visiblement dans la suite de Friedrich Wilhem Deichmann, auteur de l’ouvrage absolument fondamental qu’est Ravenna : Hauptstadt des spätantiken Abendlandes 8. Par rapport à Deichmann, Mauskopf Deliyannis propose cependant un travail bien plus succinct (300 pages de texte et d’images, contre 1 370 pages de texte en cinq tomes et plus de 600 illustrations), qui ne comprend que les monuments les plus importants et qui a l’ambition de fournir un texte plus accessible. Dans son introduction (p. 11), la chercheuse souligne d’ailleurs à quel point la réception de l’ouvrage de Deichmann a été limitée en raison de sa publication en allemand9. En réalité, Ravenna in Late Antiquity ajoute, certes, des considérations nouvelles à l’étude de Deichmann, mais il reste dans l’ensemble dans l’ombre du texte de ce dernier.

Païens et chrétiens

6 L’une des innovations majeures des textes ici réunis par rapport aux synthèses des années 1960-1970 sur la production monumentale à Rome est certainement l’étude de la coexistence de l’art chrétien avec celui des païens, et les relations mutuelles des deux communautés10. Dans le sillage de Age of Spirituality, l’attention est donnée à toute la production en distinguant l’art officiel de l’art privé, et en différenciant les expressions des diverses sectes tout en analysant les phénomènes de synchrèse.

7 Ainsi, dans le Corpus d’Andaloro, les fiches dédiées à l’art monumental sont distinguées par leur contexte de commande et de culte. La superposition de cultures est particulièrement marquante dans l’étude sur la nécropole vaticane. Une analyse chronologique des monuments de la nécropole sous la basilique aide ainsi à percevoir la christianisation progressive des sépultures, qui se couvrent d’imagerie chrétienne dans les années précédant immédiatement le règne de Constantin. La longue histoire des différents mausolées rend également compte de la conversion de leurs occupants. Ainsi, un tombeau des familles Tulii et Caetennii, plus de cent cinquante ans après sa construction, n’abrita désormais que des tombeaux chrétiens (LIVERANI, SPINOLA, ZANDER, 2010, p. 79-83). Souvent les images ne suffisent cependant pas à faire la part des choses. Le lexique figuré étant très semblable, c’est l’information épigraphique qui permet de trancher. L’analyse de Liverani, Spinola et Zander souligne ainsi un aspect central : dans la nécropole, l’histoire matérielle et l’histoire des idées ont des rôles complémentaire et constitutif ; autrement dit, l’impact des ateliers est aussi important que celui des idées. Le monde qui ressort de cette analyse est ainsi profondément uni et cohérent dans son dialogue entre les diverses cultures qui coexistent dans une même réalité matérielle.

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8 Le passage et la rencontre entre les diverses cultures de l’Antiquité tardive sont également au centre de la réflexion de Beat Brenk. Dans les deux premiers chapitres de son ouvrage, ce dernier décrit deux cas de figures dans lesquels ce mouvement s’opère. En réfléchissant sur la présence de scènes aquatiques dans les absides du IVe et du Ve siècle – question abordée récemment par Antonio Iacobini11 – Brenk arrive à indiquer des causes iconographiques pour l’apparition des images païennes de nymphéas dans les absides chrétiennes. Il affirme toutefois que ces explications ne sont pas au cœur de la réutilisation de ces modèles, dont l’intérêt réside avant tout dans leur « neutralité » : ces motifs, reproduits par les ateliers, ne dérangent pas les nouveaux commanditaires. Brenk lit donc cet épisode significatif des deux premiers siècles de l’art chrétien monumental comme une détermination avant tout pratique, et qui met au second plan le rôle du concepteur (BRENK, p. 13-29).

9 Le deuxième cas d’étude est dédié au changement fondamental que subit l’abside tardo- antique : abri pour une image sculptée – divinité ou empereur –, elle fut ensuite décorée par une figuration peinte. Le cas du temple d’Amon à Luxor, où l’abside est peinte de figures des tétrarques, permet à Brenk de relativiser la distinction traditionnelle entre sculpture comme présence réelle, digne d’adoration, et peinture. Le cas égyptien démontre en effet que les deux médias peuvent fonctionner comme des images de dévotion. Le passage qui s’opère à Rome entre la basilica Constantini – avec la sculpture de Constantin du Capitole dans l’abside – et les premières décorations chrétiennes témoigne donc d’une continuité fonctionnelle et sémantique. Le choix d’abandonner la sculpture s’explique aisément par l’interdiction de l’Ancien Testament, qui serait également, selon Brenk, la raison de la mauvaise réception du fastigium de Saint-Jean-de-Latran, toléré uniquement parce qu’il était un don de Constantin (BRENK, p. 31-55). L’analyse présentée indique donc toute la subtilité du changement dans la perception et l’usage de l’image de dévotion au cours du IVe siècle. La réflexion de Brenk permet ainsi de mieux identifier certaines formules visuelles par lesquelles s’opérait le passage entre culture païenne et culture chrétienne.

Art, rituel et liturgie

10 La question de la relation entre image, monument et fonction est certainement un élément charnière des ouvrages présentés ici. Cette réflexion, qui s’est développée à partir des années 198012, a livré – pour le cas de l’Antiquité tardive – des résultats particulièrement fructueux à partir des années 1990, notamment avec les études de Sible de Blaauw et les colloques Kunst und Liturgie im Mittelalter et Art, cérémonial et liturgie13.

11 Dans le volume de Liverani, Spinola et Zander, l’impact de la fonction sur la production artistique est fondamental : un chapitre entier est en effet dédié à la question du culte funéraire, qui y est décrit en détail (LIVERANI, SPINOLA, ZANDER, 2010, p. 23-37). Les descriptions de l’évolution de l’habillement des défunts et de la famille en deuil sont particulièrement stimulantes. Pendant les huit jours de deuil, le défunt et sa famille suivaient symboliquement une démarche opposée : tandis que le premier abandonnait progressivement la vie, sa famille, abattue par le deuil, la regagnait. Les habillements soulignaient cette progression de manière théâtrale : après le trépas, les familiers s’habillaient d’une toga pulla foncée, les femmes étant de plus enveloppées d’une maforia. Par le choix des habits et la gamme chromatique, ils s’approchaient de la mort.

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Le défunt au contraire était paré de ses plus beaux habits, comme s’il était encore vivant. À la fin de cette période, les vivants retrouvaient leurs habits traditionnels, tandis que le mort assumait désormais sa nouvelle identité. Cette performance se déroulait entre l’habitation de la famille et la zone sépulcrale, entièrement conçue pour abriter les diverses étapes du deuil. Des terrasses et des bancs étaient aménagés autour des mausolées pour les banquets, tandis que les images et les sculptures s’intégraient à la configuration visuelle associée au deuil. La relation entre rituel et monument est d’ailleurs présente en filigrane dans tout l’ouvrage : l’usage et le remploi de l’espace déterminaient radicalement sa conception et sa décoration. 12 Dans un tout autre contexte, cette approche qui met l’accent sur la fonction est également présente dans la monographie de Mauskopf Deliyannis. À travers les différents monuments, la chercheuse montre l’impact du culte sur leur conception et leur réalisation. Le cas de Sant’Apollinare Nuovo peut être cité à titre d’exemple : le choix des scènes au fond de la nef, déterminé par la liturgie, a un impact décisif sur la stratégie narrative. S’agissant des noces de Cana et de la Cène, leur position est évidemment liée à la présence de l’autel dans cette zone (MAUSKOPF DELIYANNIS, 2010, p. 154). Une clé de lecture semblable est appliquée également au sanctuaire de la basilique de San Vitale, où l’ensemble des scènes de l’Ancien Testament est à lire en lien avec la prière eucharistique (p. 248-250). Enfin, les archanges de Sant’Apollinare in Classe, tenant des labarums avec la triple exclamation Hagios, Hagios, Hagios, sont probablement l’écho de la liturgie orientale (p. 270). En dehors des églises, la relation entre image et culte est soulignée dans le cas du baptistère des orthodoxes, où le lien avec le rituel peut être tissé grâce notamment aux textes d’Ambroise de Milan, qui décrivent et interprètent la liturgie qui s’y déroulait (p. 93). Enfin, même dans le cas du plus important monument en ivoire conservé de l’Antiquité tardive, le trône de Maximien, l’impact de sa fonction est considéré comme décisif dans sa réalisation (p. 214-218). 13 Dans ce contexte, les considérations de Brenk sont très intéressantes. Dans le dernier chapitre de son ouvrage, dédié à la question du culte des images de la Vierge (BRENK, 2010, p. 80-107), l’auteur dénonce l’usage abusif du terme « culte ». Il précise que le culte des icônes – au sens moderne du terme – ne faisait pas partie de la liturgie publique telle qu’elle était dirigée par l’Église avant la période iconoclaste (p. 730-787 et 813-843). En d’autres termes, il considère que l’étude des images de dévotion portatives doit être séparée du débat sur la relation entre forme et fonction. Issues de pratiques privées, populaires et superstitieuses, la dévotion des images « iconiques » doit être analysée avec d’autres instruments critiques. Seule l’image monumentale, comme celle d’une abside, peut, selon Brenk, être considérée dans un contexte cultuel et liturgique officiel. L’auteur décrit donc la migration de l’image de la Vierge du domaine privé à celui public. Dans l’abside, la Vierge à l’Enfant devient un rappel visuel de l’Incarnation et prend un sens au-dessus de l’autel. Un fait important et constant peut être perçu ici : en changeant de médium, en entrant dans l’abside, l’image reçoit par la liturgie un nouveau rôle cultuel. Dans son raisonnement complexe, Brenk décrit ainsi l’impact de la liturgie sur la perception et la réception des images. Réfléchir à la fonction permet donc de lire de manière plus complexe et structurée les monuments de l’Antiquité tardive, non seulement dans le sens d’une analyse iconologique, mais également pour une meilleure compréhension de la façon dont l’image même est appréhendée.

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14 En conclusion, nous pouvons constater que les ouvrages évoqués représentent un jalon dans le développement de synthèses sur l’Antiquité tardive. Exploitant les nouveautés de ces dernières décennies, ils engagent les pistes prometteuses ouvertes dans les années 1970. Grâce à ce travail considérable, la recherche a ainsi en main des instruments importants pour son évolution future. Le Corpus della pittura medievale, paru en 2006, a déjà fait ses preuves en devenant un outil incontournable pour l’étude de l’art à Rome ; espérons que le volume de Mauskopf Deliyannis contribuera à relancer celle sur la Ravenne tardo-antique. Une considération de fond doit enfin être faite pour les recherches futures. Pour analyser l’image dans l’abside, Brenk propose de renverser le point de vue : il faut cesser de la regarder par le prisme du Moyen Âge et commencer à utiliser la perspective de l’Antiquité (BRENK, 2010, p. 29). En considérant les origines de l’art chrétien d’un œil antique, l’auteur propose de briser la tradition évolutionniste – celle qui considère les origines de l’art chrétien à la lumière de la production postérieure – et de l’étudier non seulement comme le résultat d’une tradition, mais également comme une expression nouvelle.

NOTES

1. André Grabar, Le Premier Art chrétien (200-395), Paris, 1966. Il s’agit, pour Grabar, de l’aboutissement d’années de recherches dont les jalons les plus importants sont L’Empereur dans l’art byzantin (Paris, 1936) et Martyrium : recherches sur le culte des reliques et l’art chrétien antique (Paris, 1943-1946). 2. Nenad Cambi, Emilio Marin éd., G. B. de Rossi, Père fondateur de l’archéologie chrétienne, (colloque, Split-Poreč, 1994), Cité du Vatican, 1998. 3. Hans Belting, « Kurt Weitzmann », dans Speculum, 69, 1994, p. 952-953 ; Henry Maguire éd., Proceedings of the Ernst Kitzinger Memorial Colloquium, (colloque, Washington, D.C., 2005), Washington, D.C., 2005 ; Willibald Sauerländer, « Richard Krautheimer (1897-1994) », dans Silvia Ginzburg éd., Obituaries 37 epitaffi di storici dell’arte nel Novecento, Milan, 2008, p. 204-207 ; Ivan Foletti, « André/Andrej Nikolajevič Grabar », dans Stefan Heid, Martin Dennert éd, Personenlexikon zur Christlichen Archaologië : Forscher und Personlichkeiten̈ vom 16. bis 21. Jahrhundert, I, Rome, 2012, p. 601-602. 4. Age of Spirituality: Late Antique and Early Christian Art, Third to Seventh Century, Kurt Weitzmann éd., (cat. expo., New York, The Metropolitan Museum of Art, 1977-1978), New York/Princeton, 1979. 5. Nous pouvons rappeler à titre d’exemple certaines des publications majeures de ces années : Kurt Weitzmann, The Icons, I, Princeton, 1976 ; Ernst Kitzinger, Byzantine Art in the Making : Main Lines of Stylistic Development in Mediterranean Art 3rd-7th Century , Londres, 1977 ; Richard Krautheimer, Rome : Profile of a City, 312-1308, Princeton, 1980 ; André Grabar, Les Voies de la création en iconographie chrétienne : Antiquité et Moyen Âge, Paris, 1979. 6. Aurea roma, dalla città Pagana alla città cristiana, Serena Ensoli, Eugenio La Rocca éd., (cat. expo., Rome, Palazzo delle esposizioni, 2000-2001), Rome, 2000. 7. Par rapport au travail de Krautheimer, cependant, qui repose sur l’étude diachronique des monuments, le projet d’Andaloro et de Romano se montre plus complet, embrassant tout le Moyen Âge et croisant deux modes de lecture différentes, chronologique et topographique. Voir

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Richard Krautheimer, Wolfgang Frankl, Spencer Corbett, Corpus basilicarum christianarum Romae : le basiliche paleocristiane di Roma, sec. IV-IX, 5 vol. , Cité du Vatican/New York, 1937-1980. 8. Friedrich Wilhelm Deichmann, Ravenna: Hauptstadt des spätantiken Abendlandes: I, Geschichte und Monumente, Wiesbaden, 1969; II, Kommentar, 4 vol. , Wiesbaden, 1974-1989. 9. Le souci de Mauskopf Deliyannis de fournir des instruments pour l’étude de Ravenne est également attesté par sa traduction en anglais du Liber Pontificalis Ecclesie ravennatisci de Andreas Agnellus : Agnellus of Ravenna, The Book of Pontiffs of the Church of Ravenna, Deborah Mauskopf Deliyannis éd., Washington, D.C., 2004. 10. Concernant les relations entre art chrétien et art paiën, voir Guglielmo Matthiae, Pittura romana del Medioevo, 2 vol. , Rome, 1965-1966 ; Guglielmo Matthiae, Mosaici medioevali delle chiese di Roma, 2 vol. , Rome, 1967 ; Giuseppe Bovini, Mosaici paleocristiani di Roma : secoli III-VI, Bologna, 1971. 11. Antonio Iacobini, « ‘Hoc elementum ceteris omnibus imperat’ : l’acqua nell’universo visuale dell’alto medioevo », dans L’acqua nei secoli altomedievali, (colloque, Spolète, 2007), Spolète, 2008, p. 985-1027. 12. Staale Sinding-Larsen, Iconoraphy and Ritual: A Study of Analytical Perspectives, Oslo, 1984. 13. Sible De Blaauw, Cultus et decor : liturgia e architettura nella Roma tardoantica e medievale. Basilica Salvatoris, Sanctae Mariae, Sancti Pietri, Cité du Vatican, 1994 ; Nicolas Bock et al. éd., Kunst und Liturgie im Mittelalter, (colloque, Rome, 1997), Munich, 2000 ; Nicolas Bock et al. éd., Art, cérémonial et liturgie au Moyen Âge, (colloque, Lausanne/Fribourg, 2000), Rome, 2002.

INDEX

Index géographique : Ravenne, Rome Keywords : Late Antiquity, liturgy, pagan and Christian Mots-clés : Antiquité tardive, liturgie, païen et chrétien

AUTEURS

IVAN FOLETTI

Université de Lausanne et Masaryk University

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Ut pictura notarum figura : la notation neumatique à la lumière des images et vice-versa Ut pictura notarum figura: neumatic notation in light of imagery (and vice versa)

Eduardo Henrik Aubert

RÉFÉRENCE

John Boe, Chant and Notation in South Italy and Rome before 1300, Furnham, Ashgate, 2011. 442 p., 14 fig. en n. et b. ISBN: 978-0-75465-966-2; 100 £ (125 €). Susan Boynton, Silent Music: Medieval Song and the Construction of History in Eighteenth- Century Spain, New York, Oxford University Press, 2011. 240 p., fig. ISBN: 978-0-19-975459-5. John Haines éd., The Calligraphy of Medieval Music, Turnhout, Brepols, 2011. 276 p. ISBN: 978-2-503-54005-4. Leo Treitler, Reflections on Musical Meaning and Its Representations, Bloomington, Indiana University Press, 2011. 334 p., 23 fig. en n. et b., 63 extraits de musique. ISBN : 978-0-253-22316-6 ; $ 35 (28 €).

1 En 1969, le musicologue Andreas Holschneider, dans une étude sur une miniature provenant d’un tropaire nivernais de la seconde moitié du XIe siècle1, pouvait encore l’analyser selon une simple dichotomie : soit le signifiant était fidèle au signifié, soit il s’en détachait au profit d’une idée plus abstraite. C’est ainsi qu’il y distinguait deux zones nettement séparées : un arbre « stylisé » d’une part et des musiciens « dessinés de manière réaliste » d’autre part, ces derniers offrant la possibilité de nommer, voire de reconstruire le détail des instruments. Suivant cette même logique, l’auteur a assimilé les graphismes figurant sur l’image, évocateurs de la notation musicale employée dans les manuscrits occidentaux à partir du IXe siècle – appelée notation

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neumatique – à la notation usuelle du manuscrit, qui elle-même dénoterait un référent sonore strict. Enfin, Holschneider a proposé de voir dans le texte écrit en bas de l’image, Consonancia – cuncta musica, une référence descriptive d’une pratique musicale, la polyphonie, ce qui, à son tour, lui a permis de donner aux graphismes neumatiques une interprétation musicale spécifique correspondant au « style des plus anciens monuments de la musique polyphonique ».

2 Or, ce schéma interprétatif ne permet pas d’éclairer cette étonnante image. Les graphismes neumatiques ne correspondent qu’en apparence à la notation usuelle du manuscrit, car cette dernière exclut des groupes ascendants qui commencent par une virga (le signe en forme de trait ou « bâton » au début de chaque montée dans [Con]sonancia). Le réalisme apparent du dessin des instrumentistes (sans que ceci veuille dire que l’on tombe dans la zone nébuleuse d’un prétendu symbolisme) est démenti par le jeu rythmique des aplats de couleur, comme par les condensations de couleur verte au bout du « cor » et bleue le long de l’arc tenu par le joueur de vièle. Le présupposé du « réalisme » oblige à trouver dans le réel les points d’appui d’un ensemble déconnecté ; au contraire, c’est avant tout par son agencement interne que cet objet visuel multimédia2 fonctionne (c’est-à-dire, signifie, mais aussi agit), autrement dit par la syntaxe de l’objet visuel – l’enchaînement, le compartimentage et l’enchevêtrement des éléments constitutifs3. 3 À la suite de travaux importants parus depuis les années 1970, nous sommes aujourd’hui mieux placés pour essayer de rendre compte d’objets complexes tels que celui qui vient d’être évoqué. Les quatre ouvrages dont nous rendons compte dans ce texte montrent que les études de musicologie médiévale ont beaucoup avancé dans leur compréhension de la notation neumatique depuis les quarante dernières années et que ceci s’est fait largement en prenant conscience de la complexité de l’objet visuel qu’est cette notation. On revient ainsi à l’expression proposée dans le premier traité de musique de l’époque carolingienne, qui parlait vraisemblablement des neumes en se référant aux notarum figura. Cette formule riche permet de songer – à l’intérieur de la polysémie de la notion de figura qui fait remonter à la philosophie platonicienne et à ses refaçonnements – à un rapport aux images (ut pictura notarum figura).

Archéologie du savoir musicologique

4 Dans les quarante dernières années, l’œuvre de Leo Treitler a joué un rôle fondamental dans la critique du paradigme fondateur de la musicologie – et pas uniquement de la musicologie médiévale. Reflections on Musical Meaning and its Representations, publié en 2011, la livraison la plus récente de ce parcours intellectuel, tourne autour du problème suivant : « L’intérêt [de la littérature musicologique] s’est porté avant tout sur la musique en tant qu’objet, et non en tant que processus »4. Selon ce paradigme, qui valorise la composition au détriment de la performance, la notation musicale est comprise comme un code prescriptif qui doit refléter le plus fidèlement possible l’intention d’un auteur et circonscrire les performances de l’« œuvre musicale » à une répétition de cette intention5. Au contraire, en analysant les premiers enregistrements des mazurkas de Frédéric Chopin, Treitler propose que « la partition [est] un vade- mecum très détaillé pour la performance, mais elle ne contient ni limite tout le possible »6. Il juxtapose cette démarche à l’esthétique de Eduard Hanslick et à ce qu’il appelle le « paradigme des ébauches de Beethoven, selon lequel des ébauches, des

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brouillons, etc. sont vus comme des témoins d’une tentative de maîtriser des idées et des matériaux de la composition dans la quête d’une œuvre unique, définitive et parfaite »7.

5 C’est par rapport à une exposition de Picasso au Musée Reina Sofía en 2001 que Treitler définit la place de la notation médiévale dans ce panorama : « Le registre de la créativité musicale qui a commencé à produire des livres notés au IXe siècle révèle une pratique qui s’apparente à celle de la ‘variation et de l’improvisation’ de Picasso [...] toutes deux témoignent de pratiques performatives »8. Processus plutôt qu’objet. L’analyse comparée de quatre livres de chant écrits à Bénévent au XIe siècle soutient la proposition selon laquelle l’ébauche saisit des idées archétypiques « avant qu’elles ne se soient accommodées aux formes objectivées qui constituent le médium du discours humain. Ceci est son but, à la différence de l’œuvre autonome et fermée »9. 6 Comme un dispositif communicatif qui cherche à déclencher un processus musical où la performance est créatrice et solidaire de la composition, la « partition » peut être étendue bien au-delà de ce que l’on nomme d’habitude la notation musicale. Treitler le démontre dans un des chapitres du livre portant sur les « marques expressives » dans les partitions de Beethoven : « La conclusion qui s’impose est que les marques ‘expressives’ ou ‘de performance’ sont plus que des signes autonomes servant de référence prescriptive pour la performance. Elles sont des parties intégrantes de la partition qui dénotent la musique, et elles participent aux diverses manières de fonctionnement de la dénotation d’une partition »10. La même logique régit la notation employée pour le qin (cithare chinoise) qui, depuis le VIe siècle, décrit les positions et les mouvements des mains et, depuis la dynastie Ming (1368-1644), intègre des scènes de la nature et des poèmes qui correspondent à l’« ambiance » de la pièce. La partition revêt ainsi une fonction incitative forte : plutôt que de signifier la musique par un code strict, elle s’intègre à des systèmes de signes plus ou moins importants selon les contextes historiques pour agir sur le faire musical. Avec cette révision du paradigme fondateur, et de la place de la notation musicale dans sa conception, l’intelligibilité des livres de chant médiévaux – des artefacts multimédias – ne peut être qu’accrue. 7 Dans la monographie Silent Music: Medieval Song and the Construction of History in Eighteenth-Century Spain, Susan Boynton étudie un cas limite où, dans sa réception moderne, la notation médiévale a échappé au cercle reproductif-prescriptif de la composition et de la performance pour s’ériger en objet visuel complexe qui se déploie dans d’autres sphères de la pratique, notamment comme élément de l’idéologie politique11. Entre 1750 et 1756, le jésuite espagnol Andrés Marcos Burriel et le calligraphe Francisco Xavier Santiago y Palomares ont collaboré au dépouillement des manuscrits médiévaux des archives de la cathédrale de Tolède, dans le cadre d’une commission gouvernementale qui avait pour but de documenter les prérogatives de la Couronne vis-à-vis de l’Église. Mais Burriel, intéressé plus généralement à l’histoire ecclésiastique de l’Espagne et plus particulièrement à la liturgie wisigothique, s’est penché notamment sur les manuscrits liturgiques et musicaux, et surtout sur les manuscrits notés du rite dit « mozarabe ». Palomares, qui réalisait des copies extrêmement fidèles aux originaux, incluait souvent un ou deux feuillets fac-similés en tête de la transcription des manuscrits. Il est parfois allé au-delà : en 1752, il a copié toute la notation musicale d’un manuscrit originaire de San Millán de la Cogolla (BOYNTON, 2011, p. 63) ; en 1754, il a produit le fac-similé intégral des pièces notées d’un bréviaire (p. 67) ; en 1755, lors de la conclusion des travaux de la commission, il a copié

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pour le roi, intégralement et en couleurs, un manuscrit qui était réputé être le plus ancien livre de chant tolédan (chapitre 3). 8 Face à ces riches matériaux, Boynton propose de reconstituer « les significations du fac- similé en tant qu’artefact »12. Les neumes « wisigothiques » étaient censés être intranscriptibles – d’où le titre de son livre, « musique silencieuse ». Le sens de la copie intégrale d’un manuscrit noté glisse alors vers un autre domaine, celui d’un discours politique sur la continuité historique : « Même si la musique est souvent décrite comme un objet sonore, dans ce cas, sa trace visuelle pouvait être interprétée comme une connexion significative avec le temps de l’évêque wisigothique Ildephonse »13. Il s’agit d’un héritage présenté comme étant « immanent dans l’apparence graphique du manuscrit, comme si l’artefact physique lui-même symbolisait l’histoire qu’il [Burriel] cherchait à récupérer, préserver, transmettre et expliquer »14. Pour rendre compte d’une autre copie intégrale réalisée par Palomares, celle d’un manuscrit des Cantigas de Santa María, Boynton analyse toute une série d’images espagnoles du XVIIIe siècle (et notamment des tableaux) et les met en rapport avec un portrait d’Alphonse X en style moderne que Palomares a placé en tête de la copie : « La fusion visuelle de la personne de Ferdinando avec celle d’Alphonse X, et la combinaison de la notation médiévale avec l’écriture littéraire moderne, sont toutes deux des amalgames du passé et du présent qui caractérisent la construction de l’histoire élaborée au sein du programme culturel des Bourbons en Espagne »15. 9 La transmutation des neumes hispaniques en une sorte d’emblème politique est susceptible d’aider à comprendre la formation de la conception moderne selon laquelle la notation est le code précis du référent musical. En effet, Burriel et Palomares se trouvent dans la mouvance même de l’érudition de la période moderne qui a produit la notion de signe comme concept opératoire pour la compréhension de la notation neumatique, le glissement du signifiant vers d’autres signifiés que celui strictement musical s’effectuant par l’impossibilité (moderne) de déchiffrer le code. En revanche, la révision du paradigme fondateur de la musicologie suggère que le débordement du signifié musical n’est pas une question d’éloignement historique et d’incompréhension, mais une condition d’existence d’une notation qui est agissante, et non uniquement signifiante.

Notarum fgura cum pictura

10 Dans Reflections on Musical Meaning and Its Représentation, les deux apports les plus importants sont justement ceux qui portent sur la notation musicale (TREITLER, 2011, chap. 6-7), le premier étant particulièrement remarquable par sa nouveauté et par son ampleur. En décrivant la notation musicale comme « un système de signes parmi d’autres au moyen desquels nous représentons des aspects de notre expérience », Treitler place la notation musicale sur le même plan ontologique que « les systèmes graphiques en général (y compris le langage et les arts visuels) »16. Présentée dans un panorama historique très large, la notation neumatique est comprise comme un code « iconique » (TREITLER, 2011, p. 112)17 qui chercherait l’imitation directe du mouvement de la voix – ou qui soutiendrait la croyance en cette imitation malgré sa part de convention, comme le souligne Treitler. La notation neumatique est ainsi présentée comme une manifestation du principe de la mimesis : « En ce sens, la notation musicale européenne incarne depuis son départ jusqu’au présent un principe que nous avons

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hérité de l’Antiquité sur la représentation au moyen des signes, le principe de la mimesis »18.

11 Pour Treitler, le paradigme de la mimesis est incarné par les manuscrits exceptionnels en notation neumatique écrits dans le monastère de Saint-Gall au Xe siècle. Témoins d’une représentation très détaillée du chant, ils font figurer avec une grande subtilité des nuances dans le groupement des signes ainsi que l’expression de la durée. Selon l’auteur, « un tel niveau de détail dans la notation aurait été redondant comme des signes prescriptifs dans une culture où les chanteurs étaient encore entraînés depuis l’enfance dans une tradition orale ; il reflète en revanche un niveau élevé de justesse et de finition dans la représentation graphique du son »19. Le livre spécifique qui suscite cette réflexion, l’Antiphonaire de Hartker (qui n’est pas un livre de messe, comme on le lit deux fois à la p. 128), semble, selon Treitler, incarner cet idéal « de ressemblance, d’imitation, de copie, d’empreinte, de complétude, de justesse, de vérité ; en un mot, de mimesis »20. 12 Passant en revue la « révolution grecque » (Ernst Gombrich), Platon, Aristote, Augustin, Priscien, Jean de Salisbury, Thomas d’Aquin et une sélection de traités musicaux du Moyen Âge, Treitler indique que « ces idées ont gouverné des conceptions du langage et de ses représentations, de la musique et de ses représentations, du monde visuel et de ses représentations »21. Ainsi l’auteur suggère-t-il, tout en se rapportant à un principe philosophique de large portée historique, que la multimédialité (notarum figura cum pictura) conduit à une déconstruction du rapport binaire du signe. Cependant, le manque d’historisation de la notion de mimesis s’avère parfois gênant. Si ce principe s’étend de l’Antiquité jusqu’au XXe siècle, pourquoi la notation musicale surgit-elle au IXe siècle et non avant ni après ? Pourquoi subit-elle des changements significatifs à des moments précis de son histoire ? Il est révélateur que Treitler ne fasse pas mention du livre classique d’Erich Auerbach, Mimesiś : la representatioń de la realité ́ dans la litteraturé occidentale (1946), dans lequel le problème de la représentation de la réalité dans la littérature est analysé au cours de sa transformation historique, de l’Antiquité au XXe siècle, ni même de sa suite, Le haut langage : langage litterairé et public dans l’Antiquité latine tardive et au Moyen Âge (1958), qui reprend l’argument avec une attention particulière au haut Moyen Âge et à l’époque carolingienne22. Des commentaires téléologiques (comme celui sur Isidore de Séville, qui serait doté d’une « imagination prophétique [...] en ce qu’il concevait l’emploi de l’écriture comme une sorte d’alternative potentielle à la mémorisation des sons »23) auraient pu être revus de façon à mieux saisir l’historicité des phénomènes, en suivant le principe évoqué par Treitler ailleurs dans son livre selon lequel le lien entre la notation et la performance « doit être déterminé par rapport à la pratique de chaque communauté performative »24. Chaque communauté n’aurait-elle pas sa propre forme de mimesis ? Ou s’agirait-il de minces nuances n’affectant pas ce principe à la portée très (voire trop) large ? 13 À la différence de la notation de Saint-Gall, celle employée dans plusieurs manuscrits en écriture neumatique s’éloigne du sens fort donné à la mimesis par Treitler. John Boe, dans un article de l’anthologie de 2011, Chant and Notation in South Italy and Rome before 1300, analyse un manuscrit des Xe-XIe siècles qui contient seulement des notations partielles. Comme le dit Boe : « des chants partiellement notés ne servent pas comme des pièces de registre, car on ne peut pas les reproduire »25. Dans une théorie historique de la mimesis, c’est la malléabilité du système neumatique qui doit être expliquée, permettant d’embrasser à la fois l’indago veritatis (recherche de la vérité) de Saint-Gall

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et l’incertum vestigium (vestige incertain) du manuscrit de Montecassino, pour reprendre des termes employés par Hucbald de Saint-Amand aux environs de 900 pour parler de la notation musicale. 14 Dans sa contribution au volume The Calligraphy of Medieval Music de 2011, Susan Rankin a formulé le problème de manière succincte : « C’est cette demande faite à la notation neumatique – de répondre à des mémoires sonores individuelles et à des circonstances locales – qui donne une explication conceptuelle à la flexibilité calligraphique propre au système neumatique »26. Bien évidemment, cette perspective, pour laquelle il est « fondamental que le lecteur moderne de ces notations les considère d’abord comme l’écriture de scribes individuels, avant de les placer dans le contexte de scriptoria et d’institutions précises »27, pourrait limiter une exploration culturelle et historique de la notation neumatique à une enquête du particulier par et pour lui-même. L’ouverture offerte par la considération de la notation musicale dans un environnement multimédia ne sera un pas en avant qu’à condition résoudre la dichotomie entre une théorie macro-historique au fond idéaliste (selon laquelle la notation manifeste une idée ou principe préexistant) et une analyse micro-historique pragmatique (qui affirme que la notation, quand elle n’exprime pas un référent musical précis, ne peut que se présenter à elle-même comme signifiant pur). Remplacer l’objet par le processus ne devrait-il pas avoir pour effet le développement d’un mode de compréhension profondément dialectique ?

Notarum fgura sicut pictura

15 Dans les années 1980, Leo Treitler avait ouvert une série de réflexions sur la notation musicale médiévale en proposant de déplacer le centre d’intérêt de la paléographie, associée pour lui à la datation, la localisation et la transcription des manuscrits, à la sémiotique, entendue comme l’étude de la notation en tant que système de signes, voire en tant que système communicatif28. C’est dans la continuité de cette perspective que s’inscrivent ses nouvelles incursions dans ce terrain dans Reflections on Musical Meaning and its Representations. Dans le même temps, les études de paléographie musicale se sont développées activement, comme en témoignent deux des livres ici recensés, l’ouvrage collectif The Calligraphy of Medieval Music et les essais de John Boe réunis dans Chant and Notation in South Italy and Rome before 1300. Bien que la notion même de paléographie mérite un long commentaire, il suffit ici de la concevoir comme l’étude de la structure interne du signifiant – au sens d’une syntaxe visuelle ouverte à la sémantique et à la pragmatique – pour comprendre tout ce que l’on peut en tirer.

16 Cette prise en compte de la paléographie musicale en tant que syntaxe visuelle de l’écriture musicale semble être suggérée par le titre même de la collection, The Calligraphy of Medieval Music, qui prend pour objet « le style et la technique de l’écriture ». John Haines explique dans l’introduction générale : « ‘Calligraphie’ veut dire belle écriture. C’est ce qui décrit au mieux la notation musicale. La notation musicale peut avoir un rapport au son et nous pouvons parfois ressentir la tentation d’en extraire des sons perdus il y a longtemps ou d’en retirer d’autres significations ; mais elle est tout d’abord un phénomène graphique, le produit de processus d’écriture »29. Dans les chapitres 4 à 10, consacrés aux « premières notations médiévales », plusieurs articles analysent de manière efficace les variantes régionales

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de l’écriture neumatique et leurs transformations au fil du temps. Les contributions très maîtrisées de Giacomo Baroffio et de David Hiley sont à ce titre remarquables. 17 Au sein de cet ouvrage, le texte de Susan Rankin doit être mis à part car il conçoit la notation neumatique comme une véritable syntaxe visuelle. L’écriture n’y est pas le seul médium transparent au référent ; selon elle : « De telles notations n’avaient pas d’indépendance par rapport au phénomène sonore auquel elles se rapportaient : elles n’étaient cependant pas entièrement prescriptives – car elles ne donnaient pas d’instructions élémentaires pour recréer le son articulé »30. Pour illustrer ce rapport complexe, sans transparence absolue entre signifiant et signifié, Rankin convoque des exemples tirés de la notation neumatique à Winchester vers l’an mil qui suggèrent l’autonomie de la pratique calligraphique. En effet, les neumes sont disposés en groupes ascendants sans que ceci ait aucun rapport avec la « hauteur » musicale : « En fait, ce mouvement vers le haut n’a rien à voir avec le sens musical, mais tout à voir avec les actions de la main et des doigts du scribe [...]. Les dessins en zigzag sont le résultat direct des techniques calligraphiques, et ils sont indépendants des intentions relatives à l’indication de la hauteur musicale »31. Ce constat d’une « vie propre » du signifiant, pour ainsi dire, trouve des échos dans la contribution de Margot Fassler dans le même volume. En parlant des transformations de la main du scribe principal d’un manuscrit de Chartres, la musicologue constate : « Je suis convaincue que l’écriture change graduellement deux fois en passant par différentes étapes – une fois dans la partie du Temporal du livre et l’autre dans le Sanctoral – en devenant plus et plus rapide et frénétique à chaque fois qu’elle réalise sa longue transition. Les caractéristiques principales de l’écriture ne changent pas ; ce qui change est la vitesse, comme si le scribe devait aller vite et le livre était produit dans une sorte de ligne de production ; le scribe est aussi sujet à faire des fautes, comme s’il était en quelque sorte éloigné du matériau »32. 18 Que sépare les travaux de Rankin et de Fassler des travaux paléographiques plus traditionnels, qui correspondent davantage à la caractérisation proposée par Treitler ? C’est sans doute une notion sous-jacente de structure (la syntaxe), active dans et activée par le scribe, forme historique concrète du codage de la musique qui non seulement reflète « la musique » par le filtre spatio-temporel de sa représentation écrite, mais qui transmet aussi une compréhension de l’activité musicale, de ce qu’est le code et de ce qu’il doit faire en signifiant la musique. Bref, par l’examen structurel du signifiant, ces travaux historicisent non seulement le signifiant, mais également le travail de la signification. 19 L’ouvrage Chant and Notation in South Italy and Rome before 1300 de Boe, réunissant des articles originalement publiés entre 1980 et 2005, affirme la puissance de la paléographie malgré l’absence de toute préoccupation théorique ou théorisant explicite. Toutefois, même si nous sommes à l’opposé de la pensée abstraite de Treitler, le travail méthodique et méticuleux de dépouillement et d’observation des manuscrits conduit à des constats qui font glisser le sens du signe musical vers des domaines plus complexes que la simple dénotation du son musical. L’ouvrage montre que l’ouverture ne provient pas uniquement des montages multimédias (notarum figura cum pictura) mais existe déjà dans la constitution propre de cette notation en soi ouverte (notarum figura sicut pictura). 20 Cherchant à contrer l’idée reçue selon laquelle la notation n’était pas pratiquée à Rome avant le célèbre Graduel de Santa Cecilia in Trastevere (daté de 1071) – le premier

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témoin noté du chant vieux-romain, dont les rapports avec le chant grégorien, ou franco-romain, constituent l’une des principales questions de la musicologie médiévale – Boe cherche à dévoiler les antécédents possibles de cette notation. Dans deux articles, le musicologue révèle l’existence d’une notation d’origine dijonnaise et clunisienne (associée sans doute à Guillaume de Volpiano) pratiquée dans des monastères comme San Saba et Farfa à partir du deuxième quart du XIe siècle, ainsi que d’une notation de type italien central provenant de la basilique Saint-Pierre (découverte comme palimpseste d’un homéliaire de l’office romain), qui serait l’ancêtre direct de la notation du Graduel de Santa Cecilia et qui remonterait au moins aux environs de l’an mil. 21 Bien que se servant de manière plus traditionnelle du texte et de l’image comme des moyens de datation et de localisation des manuscrits, Boe conclut sa recherche en proposant de voir un rapport entre la notation, le répertoire et l’identité sociale : « Le fait que la notation enseignée par Guillaume de Dijon était pendant un certain temps adoptée par le monastère de San Saba suggère que l’emprise de la notation diastématique romaine domestiquée n’était pas très forte, du moins dans les maisons monastiques réformées par les clunisiens [...]. Il est tout aussi clair que les grandes basiliques, et surtout Saint-Pierre, étaient en général plus solidement liées au répertoire et à la notation romains »33. À l’intérieur du lien entre signifiant et signifié, la notation pouvait ainsi manifester les formes du lien social. 22 Ou alors, comme nous l’avons déjà constaté, le signifiant peut être là pour affirmer sa présence propre, voire pour s’ériger en objet porteur de valeurs esthétiques. On remarquera que cette problématique est étrangement absente des contributions du volume The Calligraphy of Medieval Music. Pour éclairer le sens d’une « note mystérieuse » (BOE, 2011, VI, p. 43) rencontrée dans les notations du sud de l’Italie, Boe se sert des méthodes comparatives traditionnelles en paléographie musicale et propose de concevoir une transformation historique dans le fonctionnement du signe : « Au début, l’apostrophus bénéventain était optionnel, instructif et exemplaire, et il suggérait des syllabes graves, rapides et non accentuées au début d’une phrase (parfois après une respiration) dans le Propre de la messe grégorienne [...]. Après 1060 environ, l’ apostrophus-acuasta, dans la mesure où il a survécu, était employé pour signaler la liquescence ou simplement comme un ornement visuel »34. Dans le passage d’un référent sonore précis à un régime esthétique, où le signe promeut une « variation élégante » (BOE, VI, 46) en tant qu’« ornement graphique » (BOE, VI, 66), l’on entrevoit la possibilité de concevoir la notarum figura sicut pictura. 23 Il est curieux, mais pas étonnant, que des démarches plus théoriques comme celle de Treitler et plus empiriques comme celle de Boe, avec des possibilités intermédiaires révélées par les travaux de Boynton, Fassler et Rankin, arrivent, par des voies aussi distinctes, à secouer la compréhension traditionnelle de la notation neumatique. En déconstruisant des présupposés autour du signe et de la représentation, cet effort visiblement collectif dans sa diversité même ouvre la voie à l’intégration déjà trop tardive de la musicologie (médiévale) au cœur des sciences humaines et sociales.

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NOTES

1. Andreas Holschneider, « Consonancia – cuncta musica. Eine Miniatur im Tropar-Prosar von Nevers, Codex Paris Bibliothèque Nationale, fonds latin 9449 », dans Die Musikforschung, 22, 1969, p. 186-189. 2. C’est notamment en Allemagne que l’on se sert régulièrement des notions de Medium et Medialität pour se référer aux manuscrits médiévaux comme des objets porteurs de communication (voir Bruno Desse, Handschriftenkultur und Medialität im Mittelalter, Munich, 2008). L’avènement de la notion a été préparé notamment par des études des spécialistes anglo-saxons sur la culture écrite (literacy), et notamment par les travaux fondamentaux de Michael Clanchy et de Brian Stock, qui ont insisté sur l’écriture en tant que « médium ». Comme les manuscrits médiévaux contiennent souvent d’autres systèmes sémiotiques que la seule écriture littéraire, on a pu parler de multimedia or multimediality, par exemple à propos de certains manuscrits contenant des images (voir Kathrine Starkey, Reading the Medieval Book : Word, Image, and Performance in Wolfram von Eschenbach’s Willehalm, Notre Dame, 2004, en particulier p. 5 et 24). Si la notion semble pertinente pour les manuscrits où il y a interdépendance entre texte et image, elle nous semble d’autant plus intéressante quand la notation musicale y est aussi présente, car elle souligne à la fois la présence de différents systèmes sémiotiques (chacun soutenu par une technologie de codage du signifiant) et le fonctionnement de tels objets comme porteurs des échanges communicationnels (comme des médiums, ou ponts, entre les agents de communication). Nous nous permettons de faire référence ici à notre texte : « Mediação e medialização : o cartulário do Colégio de Hubant e a teoria do laço social », dans Revista de História, 165, 2011, p. 151-191. Pour un point de vue récent d’un médiéviste français dans une revue au titre suggestif, voir Jean-Claude Schmitt, « Broder les rythmes : à propos de la Tapisserie de Bayeux », dans Intermédialités : histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques, 16, 2010, p. 23-34. 3. Pour une analyse d’un manuscrit de chant qui essaie de développer cette problématique, nous renvoyons à Jean-Claude Bonne, Eduardo Henrik Aubert, « Quand voir fait chanter. Images et neumes dans le tonaire du ms. BnF latin 1118 », dans Alain Dirkens, Gil Bartholeyns, Thomas Golsenne éd., La Performance des images, Bruxelles, 2010, p. 225-242. 4. « The focus has been on music as object, not as process » (TREITLER, 2011, p. 85). 5. Lydia Goehr, The Imaginary Museum of Musical Works: An Essay in the Philosophy of Music, Oxford, 1994. 6. « […] the score as a highly detailed vade mecum for the performance, but one that neither exhausts nor limits the possible » (TREITLER, 2011, p. 91). 7. « […] the Beethoven sketch-studies paradigm, under which sketches, drafts, and so on are looked upon as witnesses to a struggle to gain control of compositional ideas and materials in striving for a single final and most perfect work » (TREITLER, 2011, p. 97). 8. « The record of musical creativity that began to produce notated books in the ninth century displays a practice with a basic similarity to the ‘variation and improvisation’ practice of Picasso [...] both document performance practices » (TREITLER, 2011, p. 167). 9. « […] before they have accommodated themselves to the objectified forms that are the medium of worldly discourse. That is its aim, in contrast to the autonomous and closed work » (TREITLER, 2011, p. 168). 10. « The conclusion from all of this must be that the ‘expressive’ or ‘performance’ marks are more than autonomous signs with prescriptive reference to the performance. They are integral parts of the score that denotes the music, and they participate in the multifarious modes in which the score’s denotation functions » (TREITLER, 2011, p. 65-66).

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11. Pour placer ce cas spécifique dans le contexte de l’érudition moderne relative à l’écriture neumatique, nous nous permettons de renvoyer à Eduardo Henrik Aubert, « Historicizing Neumatic Notation : Medieval Neumes as Cultural Artifacts of Early Modern Times », dans Studies in Medievalism, 21, 2012, p. 65-87. 12. « […] the meanings of the facsimile as an artifact » (BOYNTON, 2011, p. 87). 13. « Although music is customarily described as a sounding object, in this case its visual trace could be interpreted as a meaningful connection to the times of the Visigothic bishop Ildephonsus » (BOYNTON, 2011, p. 106). 14. « […] immanent in the graphic appearance of the manuscript, as if the physical artifact itself symbolized the history that he sought to recover, preserve, transmit, and explain » (BOYNTON, 2011, p. 106). 15. « The visual fusion of Ferdinand’s persona with that of Alfonso X, and the combination of medieval notation and modern script, are both amalgamations of past and present that typify the construction of history cultivated within the Spanish Bourbon cultural program » (BOYNTON, 2011, p. 135). 16. « […] one sign system among others through which we represent aspects of our experience » […] « graphic systems in general (including language writing and visual arts) » (TREITLER, 2011, p. 107-108). 17. L’usage des notions d’icône, d’indice et de symbole, empruntées à la sémiotique de Charles Sanders Peirce, est ancien chez Treitler. On se reportera aux articles réunis dans une anthologie antérieure: Leo Treitler, With Voice and Pen: Coming to Know Medieval Song and How it was Made, Oxford, 2003. 18. « In this respect European musical notation embodies from its beginning to the present a principle that we have inherited from antiquity about representation though signs, namely the principle of mimesis » (TREITLER, 2011, p. 113). 19. « Such notational detail would have been redundant as prescriptive signs in a culture in which performers were still trained from childhood in an oral tradition; it reflects, instead, a high standard of correctness and finish in the graphic representation of singing » (TREITLER, 2011, p. 90). 20. « […] on likeness, imitation, copy, imprinting, completeness, correctness, truth; in a word, mimesis » (TREITLER, 2011, p. 128). 21. « […] governed conceptions of language and its representations, of music and its representations, of the visual world and its representations » (TREITLER, 2011, p. 127-128). 22. Erich Auerbach, Mimesiś : la representatioń de la realité ́ dans la litteraturé occidentale, Paris, 1968 [éd. orig. : Mimesis : Dargestellte Wirklichkeit in der abendländischen Literatur, Berne, 1946] ; Erich Auerbach, Le haut langage : langage litterairé et public dans l’Antiquite ́ latine tardive et au Moyen Âge, Paris, 2004 [éd. orig. : Literatursprache und Publikum in der lateinischen Spätantike und im Mittelalter, Berne, 1958]. 23. « […] prophetic imaginative act in projecting the use of writing as a sort of potential alternative to imprinting sounds on the memory » (TREITLER, 2011, p. 122). 24. « […] must be determined with respect to the practice of each performance community » (TREITLER, 2011, p. 92). 25. « Partly notated chants do not serve as items of record, for they cannot be copied from » (BOE, 2011, III, p. 224). 26. « It is this demand made of neumatic notation – that it should respond to individual sound- memories and local circumstances – that provides a conceptual explanation of the calligraphic flexibility which sits at the heart of the neumatic system. » (HAINES, 2011, p. 48).

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27. « […] it is crucial for the modern reader of these notations consider individual notations first and foremost as the writing of individual scribes, before setting them within the context of named scriptoria and institutions » (HAINES, 2011, p. 48). 28. Treitler, 2003, cité n. 17. 29. « ‘Calligraphy’ means beautiful writing. This best describes musical notes. Musical notation may relate to sound, and we may be tempted at times to extract long lost sounds from it or to extrapolate other meanings from it; but it is, first and foremost, a graphic phenomenon, the product of specific processes of writing and bookmaking » (HAINES, 2011, p. 8). 30. « Such notations had no independence from the sound phenomenon to which they related; nor were they ever fully prescriptive – since they did not provide primary instructions for the recreation of articulated sound » (HAINES, 2011, p. 48). 31. « In fact, this upwards movement has nothing to do with musical meaning, and everything to do with the actions of the scribe’s hand and fingers. [...] In reality, the zigzag pattern results directly from calligraphic techniques, and is quite independent of intentions for the indication of pitch » (HAINES, 2011, p. 56). 32. « I have come to believe that it moves gradually two times through several stages – one in the temporal part of the book and the other in the sanctoral – becoming more and more rapid and frenetic each time it travels through its long transition. The fundamental characteristics of the script do not change; what does change is speed, as if the scribe needed to hurry, and the book were produced on something of an assembly line; the scribe is also error prone, as if he is somewhat disengaged with the material » (HAINES, 2011, p. 140). 33. « The fact that the notation taught by William of Dijon was for a time adopted by the Roman monastery of San Saba does suggest, however, that the hold of domesticated diastematic Roman notation was less than firm, at least in monastic houses reformed by the Cluniacs. [...] It is equally clear that the great basilicas, especially St. Peter’s, were on the whole tenacious of Roman repertory and Roman notation » (BOE, 2011, XII, p. 45). 34. « The early Beneventan apostrophus was optional, instructive and exemplary, suggesting low, quick, unaccented syllables at the start of a phrase (sometimes implying a preceding breath) in the Gregorian Mass Propers [...]. After about 1060 the apostrophus-acuasta, insofar as it survived, was used for liquescence or merely for visual ornament » (BOE, 2011, VI, p. 66).

INDEX

Mots-clés : manuscrits musicaux, manuscrits notés, musique médiévale, notation musicale, notation neumatique Keywords : annotated manuscript, medieval music, musical manuscript, musical notation, neumatic annotation

AUTEURS

EDUARDO HENRIK AUBERT

University of Cambridge

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Le portrait au Moyen Âge Portraiture in the Middle Ages

Martin Büchsel

RÉFÉRENCE

Brigitte Miriam Bedos-Rezak, When Ego Was Imago: Signs of Identity in the Middle Ages, (Visualizing the Middle Ages, 3), Leyde/Boston, Brill, 2010. 295 p., 27 fig. ISBN : 978-9-004-19217-1 ; 119 €. Dominic Olariu éd., Le Portrait individuel : réflexions autour d’une forme de représentation XIIIe-XVe siècles, Berne, Peter Lang, 2009. 299 p., fig. ISBN : 978-3-0343-0002-5 ; 77,60 €. Stephen Perkinson, The Likeness of the King: A Prehistory of Portraiture in Late Medieval France, Chicago/Londres, The University of Chicago Press, 2009. 352 pages, 92 fig. en n. et b. ISBN : 978-0-226-65879-7 ; $55 (43 €).

1 Le portrait médiéval semble, aujourd’hui encore, être le lieu par excellence où se reflète l’interprétation traditionnelle largement répandue du Moyen Âge. Toujours appréhendé par rapport à l’Antiquité et à la Renaissance, le portrait médiéval est assimilé à la fois à une distanciation de la vie et, dans le même temps, au début d’une reconquête de l’individualité, d’un être devenu conscient, de par ses actes, de sa singularité et de son corps. Tout travail sur le portrait au Moyen Âge soulève immanquablement la question de la nature des identités qui s’y manifestent et du type de ressemblance qui y est montré. Les trois livres présentés ici ne dérogent pas à cette règle.

2 Brigitte Miriam Bedos-Rezak, auteur de nombreuses publications essentielles sur les actes officiels et les sceaux du premier et du haut Moyen Âge, présente dans When Ego Was Imago: Signs of Identity in the Middle Ages (2010), une brillante étude sur les images inscrites sur les sceaux dans la France des XIe et XIIe siècles. Si le titre de son livre, When Ego Was Imago se veut volontairement provocant – aucune image gravée sur un sceau ne saurait exprimer immédiatement une individu-alité – le sujet de sa recherche porte précisément là-dessus : comment une abstraction devient-elle une image de l’ego ?

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Stephen Perkinson, s’appuyant sur un vaste éventail de sources textuelles et iconographiques, démontre dans The Likeness of the King: A Prehistory of Portraiture in Late Medieval France (2009) que, dans la France du XIVe siècle, la ressemblance physique (physical likeness) était devenue une catégorie décisive pour les portraits de cour. Le portrait de Jean II, dit le Bon, conservé au Musée du Louvre, est au centre de son livre. L’ouvrage collectif Le Portrait individuel : réflexions autour d’une forme de représentation XIIIe-XVe siècles (2009), édité par Dominic Olariu et avec des contributions de Jean-Claude Schmitt, Beate Fricke, Agostino Paravicini Bagliani, Dominic Olariu, Enrico Castelnuovo, Hans Belting, Anika Disse, Albert Châtelet, Eberhard König, Norbert Schneider, Gregor Wedekind, Paul Werner, Frank Zöllner et Danièle Cohn, recouvre un large spectre de sujets, allant des bustes reliquaires médiévaux à l’œuvre de Sandro Botticelli en passant par les primitifs flamands. Issu d’un colloque qui a eu lieu à Paris en 2004, il présente un ensemble moins homogène que les deux autres publications. Certains textes sont des reprises d’essais déjà publiés ailleurs, d’autres sont des reformulations de thèses déjà très connues, tandis que d’autres encore ne traitent absolument pas du portrait au sens strict du terme. Toutefois, ce volume contient aussi certains travaux très utiles qui ouvrent la voie à des recherches futures.

Individualité et identité

3 Bien que le portrait ait été un genre fermement ancré dans les pratiques picturales antiques, il n’existait aucun concept ni dans la Grèce, ni dans la Rome antique pour distinguer la reproduction de la personne humaine des autres genres de peinture. On doit la notion de portrait à un néologisme forgé durant le Moyen Âge1. Dans leurs contributions respectives, Jean-Claude Schmitt et Stephen Perkinson s’efforcent d’établir une définition de ce concept au Moyen Âge. Schmitt en découvre la première occurrence dans le Roman d’Enée de Chrétien de Troyes où sont décrites deux personnes qui se ressemblent (portraire ; OLARIU, 2009, p. 18). Perkinson, lui aussi, renvoie à des exemples tirés du roman médiéval (PERKINSON, 2009, p. 51-54). Toutefois, le terme de portraiture a mis un certain temps avant d’acquérir sa signification moderne. C’est précisément ce que rend évident la toute première source médiévale où se trouve employé le terme de portraiture en lien avec les arts plastiques : le maître d’œuvre Villard de Honnecourt y recourt pour désigner des schémas géométriques liés à la représentation de mouvements et d’attitudes des hommes et des animaux (OLARIU, 2009, p. 18 ; PERKINSON, 2009, p. 54-61). Si Perkinson convoque de nombreuses sources du XIVe siècle faisant état de portraiture, il n’est en rien évident qu’il s’agisse, dans chacun de ces cas, de la reproduction de l’allure extérieure et physique d’une personne, car ce terme semble également pouvoir désigner la reproduction de valeurs intérieures.

4 Si la définition même du portrait médiéval est sujette à débat, la question de savoir comment définir l’individu présenté sur un portrait ou représenté par celui-ci soulève plus de questions encore. La théologie médiévale opère à l’aide de deux conceptions différentes de l’individualité : une fondée sur la théologie morale et une autre aristotélicienne. Dans la théorie de la chute originelle, elle est essentiellement définie comme un écart à la volonté divine et comme l’expression de la mutilation infligée par le péché. Si l’homme a été créé à l’image de Dieu, le corps tel qu’il existe au paradis, dans un état immaculé, représente l’incarnation de cette idée fondamentale et ne laisse pas la moindre possibilité d’individuation. Si bien que cette équation archétypale

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resurgit toujours en tant que représentation d’un état primitif perdu cependant tenu d’être restauré. À côté de cette notion de l’individualité comme expression de l’écart par rapport à la conformité à l’image de Dieu, un autre mode de représentation de l’individualité s’est également développé au Moyen Âge. Dans La Métaphysique d’Aristote, qui fut lue à partir du XIIIe siècle, l’individu est également défini par des signes caractéristiques qui le distinguent autant des autres espèces que des autres hommes. Il existait donc au Moyen Âge un concept de l’individualité qui se référait plus à l’expérience quotidienne que ne le suggérait le concept théologique péjoratif2. Selon les arguments avancés par Schmitt et Perkinson, ces notions ne sont pas tant opposées que successives : si le portrait médiéval est traditionnellement interprété comme l’expression de fonctions et de jugements de valeur supra-individuels, il faudra attendre le Moyen Âge tardif pour pouvoir le rattacher à la représentation d’un individu. 5 Jean-Claude Schmitt, pour commencer son exposé (OLARIU, 2009, p. 15), recourt à la thèse d’Erich Auerbach selon laquelle, au Moyen Âge, la représentation antique fondée sur la mimesis aurait été remplacée par la figura, c’est-à-dire par une conception figurative de la réalité3. Au Moyen Âge était pratiqué un type de portrait qui ne représentait ni la réalité extérieure, ni le visage de l’individu, mais l’image de l’homme telle qu’elle avait été inscrite dans le plan de Dieu et qui lui conférait un sens plus élevé. À partir de l’exemple de De laudibus sanctae crucis de Rabanus Maurus, où l’auteur médiéval est représenté agenouillé au pied de la croix, Schmitt avance diverses assertions étayées par le carmen figuratum, y voyant notamment un portrait qui définit une personne singulière à travers ses qualités spirituelles et ses actions. Au Moyen Âge tardif, des traits individuels font leur apparition, complétant les traits figuratifs d’ordre social ou théologique. En témoigne, selon Schmitt, le portrait de Charles VII peint par Jean Fouquet autour de 1460 (Paris, Musée du Louvre). La double inscription (Le très glorieux roy de France et Charles septiesme de ce nom) met en évidence à la fois la gloire de son titre royal et, en le citant nommément, la singularité de sa personne, dont la présence est également renforcée par la position légèrement de biais. 6 Toutefois, c’est la remémoration des morts qui introduit véritablement le portrait mimétique au Moyen Âge. Jean-Claude Schmitt le démontre à partir de l’exemple du diptyque de Jean Carondolet peint en 1517 par Jan Gossaert (Paris, Musée du Louvre). L’inscription en français sur le cadre du volet gauche indique que l’image représente Carandolet à l’âge de 48 ans, tandis que l’inscription en latin à droite déclare que Marie, à qui Carondolet adresse sa prière, revêt pour ce donateur le rôle d’intercesseur (me representa) auprès de son fils Jésus Christ. Refermé, le diptyque révèle, au revers du portrait de Carandolet, le blason et les initiales « IC » et, au revers de l’image de la vierge, un crâne dépourvu de sa mâchoire inférieure. Pour Schmitt, la figura traditionnelle est ici réalisée selon une perspective eschatologique, puisque s’y trouvent représentées l’identité sociale à travers le blason, la vanitas de l’existence individuelle à travers le crâne et, dans le même temps, l’existence historique de l’individu à travers l’indication de son âge. 7 Perkinson porte un regard plus approfondi sur les milieux de la cour à partir du XIVe siècle, où s’accomplit l’évolution d’une image qui tend de plus en plus à la ressemblance physique. Dans plusieurs contextes différents, le portrait vient se substituer à une personne absente, la ressemblance contribuant alors à rapprocher in absentia le sujet. Ainsi, en 1422, François d’Orléans est-il payé pour réaliser d’après le vif

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le visage du défunt Charles VI. De même, la culture galante de la cour exigeait des effigies qu’elles soient réalisées en vue d’une ressemblance extérieure : l’image d’une dame absente, faite pour être déposée sur le cœur et embrassée, pouvait servir de succédané. L’effigie est une « vive ymage en pointure », comme le dit Guillaume Machaut dans son poème de 1357 « Confort d’ami ». Dans les portraits offerts par les courtisans à leur souverain, la ressemblance physique jouait également un rôle décisif en tant qu’expression de la loyauté. C’est en ce sens que Perkinson interprète une miniature qui montre le roi entouré des membres de sa cour (Bibliothèque nationale de France, Est. OA, 12, fol. 8), dont la présence physique conforme est gage de fidélité. De la même manière, la fabrication de l’image ressemblante par l’artiste peut aussi exprimer sa loyauté envers son souverain. La méthode pour réaliser un portrait est illustrée par les enluminures du livre Des cleres et des nobles femmes, traduction en français de De claris mulieribus de Giovanni Boccaccio, où on voit Marcia qui s’aide d’un miroir pour peindre sa propre image, laquelle semble elle-même encore être son reflet dans le miroir. 8 Bien qu’elle ne parle que des inscriptions imprimées sur des sceaux, lesquelles, par définition, sont dépourvues de toute expression individuelle, Brigitte Miriam Bedos- Rezak s’intéresse aussi à l’individu en ce que, par son action, il élabore une image abstraite de lui-même. Ego devient imago par le truchement du sceau. Sur une face figurent des puissances célestes, à l’exemple des saints, dont l’objectif est d’accroître l’efficacité d’une authentification qui, souvent, concerne le salut d’un donateur ; sur l’autre apparaissent les individus eux-mêmes, pour qui le sceau et l’image inscrite dessus appuient la construction visuelle de leur identité sociale. Les sceaux transmettent des catégories supra-individuelles et, cependant, décrivent un rayon d’action rapporté à un individu. Bedos-Rezak parle d’une présence narrative qui s’exprime par des gestes, des baisers, des serments. Les donateurs s’identifiaient à l’icône imprimée sur leur sceau comme à leur imago noster, leur image. Ces inscriptions qui, d’un point de vue iconographique, peuvent être décrites comme des figures abstraites, fonctionnent cependant comme des reflets de l’individu. L’image d’un sceau témoigne que l’existence du donateur se trouve en accord avec un ordre social fondé sur la théologie et la morale. C’est sur ce reflet de l’identité sociale que repose la fonction d’autorité révélée par le sceau, mais l’individu n’en devient pas pour autant une grandeur abstraite. L’autorité de l’image d’un sceau repose en outre sur sa reproductibilité technique à l’identique. En dépit de son message supra-individuel, elle devient l’expression d’une identité personnelle dès lors la même image est toujours associée au même individu. La personne collective agit à travers ses représentants ; par le biais du sceau, celle-ci est individualisée à travers le nom de son propriétaire.

Sémiotique et médialité de l’image

9 Bedos-Rezak présente ses réflexions dans le cadre d’une théorie du signe, selon laquelle les actes officiels doivent être compris comme les éléments d’une communication symbolique. Le document scellé est devenu un document iconique qui établit un système de signes reliés entre eux : lettre, image, emblème héraldique. Évoquant le travail du philosophe et sémiologue Charles Sanders Peirce, Bedos-Rezak souligne que la signification possède deux dimensions : la relation de l’objet au signe et celle de l’objet à son interprétation, laquelle est elle-même une représentation visuelle et fait

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apparaître un niveau de signification supplémentaire. Ainsi est-il même possible de représenter des « réalités » mentales. Bedos-Rezak place signe et objet, signification et expérience, pensée et réalité dans une relation d’échange dialogique. Elle se détourne ainsi de l’anthropologie sémiotique à portée universaliste telle qu’un Richard J. Parmentier la défend4. L’anthropologie sémiotique suppose que les différences entre reference, meaning et agency soient clairement établies, dépassant ainsi la contingence de la caractérisation contextuelle et la relativité du savoir qui lui est inhérente. Les catégories des ordres culturels deviennent, de cette manière, des types fixes d’expérience culturelle.

10 Par conséquent, la sémiotique médiale de Bedos-Rezak possède d’emblée une dimension qui, dans son principe, intéresse l’histoire de l’art. On considère comme évident, en particulier dans l’histoire de l’art allemande, que le statut de l’image a pour conséquence la nécessité de concevoir différemment la logique propre de l’image et de ne l’employer que pour ce qu’elle est. Cependant cela suppose également que l’image peut être instrumentalisée par ce qui ne relève pas de l’iconique. 11 À partir de la métaphore du sceau, Bedos-Rezak montre clairement que l’interprétation du signe peut faire apparaître un nouveau plan de signification et de perception. Le sceau peut même devenir une image aimée. La méta-phore du sceau, qui intègre en elle aussi son icône, montre de manière paradigmatique la transfiguration possible de la signification par le conditionnement culturel de ses acteurs. Or c’est précisément cette métaphore qui permet d’énoncer que l’homme a été créé à l’image de Dieu. L’acte de sceller, de fixer la signature d’une identité, peut encore gagner en autorité sur un plan métaphorique si, dans sa conscience et son engagement, le sujet est garanti d’être à l’image de Dieu. Bedos-Rezak risque toutefois de s’égarer dès lors qu’elle quitte son chemin étroit. Ainsi on peut douter que la controverse sur la théologie du sacrement – l’affirmation de la présence réelle du corps du Seigneur d’une part et l’expression de sa présence symbolique d’autre part – ait caractérisé la compréhension et l’impact de l’icône d’un sceau et que, à travers cette doctrine, celle-ci ait été comprise comme une présence réelle. 12 Dominic Olariu adopte, lui aussi, un mode d’interprétation sémiotique. Selon lui, l’individu est d’une grande importance dans le processus de la création d’une image. Le masque mortuaire reproduit le visage du défunt et le corps embaumé devient le modèle de la sculpture mortuaire. Il affirme qu’il a fallu recourir à un masque mortuaire pour le tombeau, érigé dans la cathédrale de Cosenza, d’Isabelle d’Aragon morte en 1271 d’une chute de cheval. À son visage à peine sculpté, à sa bouche un peu tordue et sa joue, selon lui, légèrement gonflée, il voit le signe de la blessure à la tête dont atteste une chronique. Il croit également pouvoir voir qu’un corps embaumé a servi de modèle au tombeau du pape Clément IV. De nouveau, la métaphore du sceau sert à conquérir un autre niveau de perception. Ce n’est pas par l’iconographie mais par l’effet métaphorique de l’image que l’on conçoit de nouvelles strates sensibles. Le corps mort est comparé au corps du saint pour alors devenir un sacrum cadaver. Du sacrum cadaver, Dominic Olariu en arrive au sudarium (suaire) et par suite à l’acheiropoietos, une image dont l’origine serait miraculeuse. Plutôt que de procéder à cette analyse sémiotique analogique, il est plus convaincant de développer, comme le fait Thomas Dale, la notion de seeing of images en écho à une image conçue comme un prolongement de l’analyse du portrait5.

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Représentation de la personne et ambivalence des concepts

13 Perkinson est parfaitement conscient des nombreuses relativisations auxquelles est exposé le portrait qui se conforme à la ressemblance physique. Il convient ici d’établir une distinction entre le naturalisme et le réalisme : le naturalisme est une forme de représentation vériste, tandis que le réalisme est une appréciation déterminée culturellement des représentations véristes. Les différentes compréhensions et évaluations de la pratique de la ressemblance conduisent à un usage ambivalent du concept : il y a la ressemblance à l’aspect extérieur, celle aux valeurs et enfin celle à Dieu.

14 Grégoire le Grand se moquait des personnes qui jugeaient les autres selon leurs qualités physiques, position à l’opposé de celle représentée par la physiognomonie. Les textes physiognomonistes « antiques » tels que le Secretum secretorum, se situaient de toute évidence à l’encontre de la notion du libre arbitre. Robert Bacon explique cependant que le libre arbitre serait en mesure de dépasser les qualités qui s’expriment sur la figure humaine. C’est ainsi que la physiognomonie trouve sa place dans les « sciences de la nature » du Moyen Âge. Ne l’abordant directement qu’en ce qu’elle témoigne d’un intérêt pour la vraisemblance physique, Perkinson renvoie plutôt à l’étude des gestes réalisée par Schmitt6. En se référant à De Disciplina seruanda in gestu, un chapitre de De institutione novitiorum de Hugo de Saint Victor 7, il devient possible de parler non seulement de physiognomonie mais aussi de pathognomonie. Car, jugé négativement, le gestus (qu’il s’agisse de mimiques, de gestes ou d’attitudes du corps) est identifié comme l’expression de défaillances morales. 15 Perkinson a un adversaire dont il se contente d’évoquer la position sans la discuter. Si l’on fait entrer, dans ces réflexions, le débat autour de l’archéologie classique8, on est bien obligé d’admettre qu’une représentation par des moyens véristes peut produire, sur un plan rhétorique, un « portrait réaliste ». Or ce dernier ne reproduit pas nécessairement un individu, pas plus qu’un « portrait idéel », lequel est une image dépourvue de tout rayonnement d’individualité. Perkinson concède à un moment donné de sa réflexion qu’il est souvent impossible de faire la différence entre un individu reproduit de manière mimétique et un visage représenté de manière individualisée qui, cependant, ne prétend pas reproduire un visage particulier. Physiognomonie et pathognomonie peuvent constituer les fondements d’un « portrait réaliste » sur le plan rhétorique, surtout si l’on se réfère à des « types réalistes », ceux des saints par exemple, et qu’on les prend comme modèles9. Une fois que l’on a clairement compris cette dimension du portrait, il apparaît que le schéma de Jean- Claude Schmitt selon lequel la ressemblance physique serait un supplément apporté à la structure figurale du portrait, semble insuffisant pour en identifier la composante individuelle, car ce supplément peut lui aussi être une construction. 16 Perkinson n’aborde que relativement peu la question de la représentation de la souveraineté royale à travers l’image du roi. S’il mentionne les monuments pertinents pour cette question, ceux-ci ne se situent cependant pas au cœur de sa réflexion10. Il ne se demande pas si les traits du roi seraient le moyen de transmettre un message. Son livre se clôt sur une analyse approfondie de l’image de Jean II le Bon qui fait état des controverses qui l’entourent. Il soulève derechef la question de savoir pourquoi les signes héraldiques sont manquants, pourquoi le roi est sans couronne et quelle

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perspective est ouverte par l’interprétation du fond d’or, se demandant s’il s’agit d’une partie d’un ensemble. Les questions de l’humilitas, de la proximité de ce portrait avec l’image des saints (fond d’or), de la tradition antique de l’image du souverain (la couronne manquante) et de la possibilité qu’il s’agisse d’une image mémorielle sont discutées. Mais il ne se demande pas si cette représentation relève de réflexions rhétoriques. On est en droit de s’en étonner car la question de savoir si c’est réellement Jean II qui est reproduit sur ce tableau et non Charles V relève bien du problème en jeu ici. Comment Perkinson peut-il ne pas y répondre alors qu’il existe un nombre relativement important d’images de Charles V ? La ressemblance physique devrait pourtant être vérifiable. En revanche, la question de savoir si les deux rois ont eu recours à un type d’effigie similaire mérite d’être posée car elle soulève en outre celle de l’importance relative de la ressemblance physique d’une part et du type de représentation de l’autre. 17 C’est une discussion de cette nature qui est suggérée par le livre de Perkinson et par les réflexions de Schmitt publiées dans l’ouvrage collectif dirigé par Olariu. Le type de portrait doit être étudié à la fois comme une fonction des processus de la perception et en tant que production porteuse de différentes significations, qui peut elle-même être un signe. Bedos-Rezak, quant à elle, a montré une nouvelle dimension de la sémiotique. Ses interprétations, parfois risquées mais toujours stimulantes, provoqueront un débat sur les possibilités et les limites de la sémiotique en ce qui concerne l’analyse du portrait, un sujet qui continuera sans douter à susciter le vif intérêt des chercheurs.

NOTES

1. Que portraiture dérive de protrahere est partout contesté aujourd’hui. Une chose est sûre, en revanche, c’est que portraiture a été latinisé en porturata. 2. Martin Büchsel, « Emotion und Wiedererkennbarkeit im Porträt der frühen niederländischen Kunst », dans Städel-Jahrbuch, Neue Folge, 20, 2009, p. 91-104. 3. Erich Auerbach, Mimésis : la représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Paris, 1968, p. 549-553 [éd. orig. : Mimesis: dargestellte Wirklichkeit in der abendlandischen̈ Literatur, Berne, 1946]. 4. Richard J. Parmentier, Signs in Society: Studies in Semiotic Anthropology, Bloomington, 1994. 5. Thomas Dale, « Romanesques Sculptured Portraits: Convention, Vision, and Real Presence », dans Gesta, 46, 2007, p. 101-119. 6. Jean-Claude Schmitt, La Raison des gestes dans l’Occident médiéval, Paris, 1990. 7. Hugo de Saint Victor, De institutione novitiorum : l’œuvre de Hugues de Saint-Victor, Hugh Bernard Feiss, Patrice Sicard, Domenique Poirel éd., Turnhout, 1997, I, p. 58-74. 8. Luca Giuliani, Bildnis und Botschaft: Hermeneutische Untersuchungen zur Bildkunst der römischen Republik, Francfort-sur-le-Main, 1986 ; Nikolaus Himmelmann, Realistische Themen in der griechischen Kunst der archaischen und klassischen Zeit, Berlin, 1994. 9. Martin Büchsel, « Nur der Tyrann hat sein eigenes Gesicht. Königsbilder im 12. und 13. Jahrhundert in Frankreich und Deutschland », dans Martin Büchsel, Peter Schmidt éd., Das Porträt vor der Erfindung des Porträts, Mayence, 2003, p. 123-140.

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10. Voir Clair R. Sherman, The Portraits of Charles V of France (1338-1380), New York, 1969 ; Wolfgang Brückle, Civitas terrena: Staatspräsentation und politischer Aristotelismus in der französischen Kunst, 1270-1380, Munich, 2005.

INDEX

Mots-clés : portrait, sémiotique, sceau, mimesis Keywords : portrait, semiotics, seal, mimesis Index géographique : France Index chronologique : 1200, 1300

AUTEURS

MARTIN BÜCHSEL

Goethe-Universität Frankfurt am Main

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Choix de publications Selected readings

1 – Gianluca AMERI, Clario DI FABIO, Luca Fieschi: cardinale, collezionista, mecenate (1300-1336), Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2011.

Alors que le rôle des princes laïcs dans la création artistique au XIVe siècle retient depuis toujours l’attention des historiens de l’art, les hauts prélats ont beaucoup moins suscité l’intérêt des chercheurs (on rappellera toutefois le volume collectif paru en 2006 sous la direction de Fabienne Joubert intitulé L’Artiste et le clerc qui portait justement sur la commande artistique des grands ecclésiastiques). Le choix des deux auteurs de consacrer un livre à l’un d’entre eux est donc d’autant plus bienvenu. Et quel prélat ! Cardinal et membre de l’une des plus puissantes familles génoises, Luca Fieschi se prêtait particulièrement bien à une étude monographique puisque nous possédons plusieurs documents cruciaux le concernant, ainsi que quelques œuvres liées à son nom dont, en premier chef, les superbes restes de son tombeau monumental (Gênes, Museo Diocesano) et l’église de Santa Maria in Via Lata, qu’il fonda dans la ville ligure. Clario Di Fabio consacre son dernier chapitre justement aux créations architecturales et sculpturales associées au cardinal et à leurs implications politico-religieuses. Dans les quatre premiers chapitres, Gianluca Ameri, après avoir donné un profil du prélat, analyse minutieusement l’inventaire posthume de Fieschi, riche de 746 entrées, ainsi que les ventes de ses biens après sa mort et ses legs à Santa Maria in Via Lata. L’inventaire et le legs sont publiés dans les annexes, ainsi que dans un tableau récapitulatif des ventes. L’étude de cette documentation aboutit à une réflexion sur les notions de trésor et de collection, et sur leur pertinence pour appréhender l’accumulation de biens par les princes de l’Église à la fin du Moyen Âge. Si l’on félicitera les auteurs pour ce portrait en ronde-bosse d’une figure importante du Trecento, on peut regretter que la taille minuscule de la police rende la lecture malaisée et que les images – nombreuses, il est vrai – ne dépassent souvent pas les dimensions d’un timbre-poste [M. Tomasi].

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2 – Yves BLOMME éd., La Cathédrale Saint-Pierre de Saintes, Paris, Picard, 2012.

Entre réalité et coquetterie, il est parfois de bon ton de présenter une cathédrale gothique comme un monument méconnu. Mais il ne s’agit cependant pas toujours d’une posture rhétorique, on en conviendra ici. Qui connaît en effet Saint-Pierre de Saintes, église mère d’un diocèse riche en œuvres romanes, dans une ville surtout renommée pour l’Abbaye-aux-Dames et l’église Saint-Eutrope ? S’ajoute à cela un aspect déconcertant du bâtiment dû à de graves épisodes des guerres de Religion surgis au milieu d’un chantier en cours, ou encore son déclassement en tant que cathédrale au profit de La Rochelle. Sans que l’on puisse toujours distinguer entre poursuite d’un projet interrompu et restauration, l’ensemble architectural relève essentiellement des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Le XVIIIe siècle a mis en place des voûtes de brique – enlevées depuis – sous les couvrements de bois. Il y a une dizaine d’années, une restauration attentive du portail occidental a constitué une première étape dans la mise en valeur de la cathédrale.

3 La partie archéologique du livre commence par la période romane, dont une analyse inédite est proposée. En effet, on a longtemps glosé sur la conservation d’une coupole dans le bras sud, considérée comme la preuve de l’existence ancienne d’une nef à file de coupoles. Or, en mettant l’accent sur les caractères très élevé de ce volume, initialement bien éclairé et pourvu d’une grande chapelle, et en se livrant à quelques spéculations, Christian Gensbeitel propose l’hypothèse d’un transept monumental, original et voûté de plusieurs coupoles mais aussi de travées intermédiaires en berceau (milieu XIIe siècle ?), qui se serait ajouté à une nef à trois vaisseaux (1117-1126 ?). Le chevet roman (également tardif ?) devait ainsi être très allongé et peut-être quadrangulaire. 4 Le ou les projets de la cathédrale flamboyante étudiée par Yves Blomme ont été mis à exécution à partir des années 1450, en commençant par l’édification de la tour porche gainée de pinacles dont la valeur de signal dans le paysage saintongeais est remarquable. Subsistent encore des arrachements d’un début de nef assorti, bien plus haut que le médiocre vaisseau visible et « laborieusement relevé » ultérieurement. On s’attardera sur le magnifique portail ouest décrit par Markus Schlicht (vers 1450-1460 ?), en particulier ses quarante-cinq personnages des voussures, pour la plupart entiers et dont les traits évoquent le vitrail ou l’enluminure, ou sa flore profuse [C. Andrault-Schmitt].

5 – Sulamith BRODBECK, Les Saints de la cathédrale de Monreale en Sicile : iconographie, hagiographie et pouvoir royal à la fin du XIIe siècle, Rome, École française de Rome, 2011.

L’ouvrage de Sulamith Brodbeck sur la cathédrale de Monreale, en Sicile, traite d’un aspect jusque-là laissé dans l’ombre par les travaux antérieurs : les figures de saints du décor de mosaïque. Issu de sa thèse, l’ensemble se compose de deux volets principaux : l’un analytique, présentant en quatre parties le cœur de sa réflexion, l’autre formé par le corpus exhaustif des saints représentés dans la cathédrale, très utile pour suivre l’analyse des 174 figures qui s’y regroupent. Le volet analytique propose une présentation détaillée de la cathédrale ainsi qu’un bilan précis des recherches sur le

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décor, posant ainsi l’analyse de l’iconographie hagiographique comme un enjeu majeur pour la compréhension de ce monument. Sans négliger l’analyse stylistique, l’auteur montre comment ce monument, à la fois cathédrale, monastère et mausolée dynastique, reflète son commanditaire et son époque. Expression d’une appropriation de l’héritage byzantin de Sicile, les mosaïques de Monreale attestent également d’une volonté de Guillaume II de mettre en lumière des liens dynastiques étendus à toute l’Europe, grâce aux choix et à l’emplacement programmatiques des saints dans le décor. Ces derniers se font alors témoins d’une paix politique et militaire, concrétisée d’autre part dans l’union de Guillaume avec Jeanne d’Angleterre, fille d’Henri II Plantagenêt.

6 Cette approche permet à l’auteur, à travers des chapitres thématiques, d’analyser le rôle de ce monument exceptionnel à la confluence des mondes latin et grec (deuxième partie), d’en déterminer les enjeux dans le contexte local du monachisme bénédictin (troisième partie) et de renouveler la compréhension de la disposition des images au sein même du monument (quatrième partie). Cette dernière, tout à fait novatrice et originale, montre que la distribution des images dans le monument répond à des délimitations très précises de l’espace symbolique et liturgique. Cela permet à l’auteur des conclusions étayées sur l’aménagement liturgique, l’affectation des différents espaces, mais aussi sur la datation et les commanditaires. La notion de spatialité des images monumentales prend ici pleinement son sens, au plan artistique, mais aussi au plan de la méthodologie employée pour l’analyse. Ajoutons que cet ouvrage, destiné à devenir une référence sur l’art en Sicile au XIIe siècle, est doté d’annexes remarquables, restituant par des schémas les dispositifs iconographiques complexes qui y sont analysés [A.-O. Poilpré].

7 – Sébastien BULLY, Eliane VERGNOLLE éd., Le « Premier Art roman » cent ans après : la construction entre Saône et Pô autour de l’an mil, études comparatives, (colloque, Baume-les- Messieurs/Saint-Claude, 2009), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2012.

La mise au point qui ouvre cet ouvrage est fondamentale : elle examine la genèse, la fortune et l’actualité de l’expression « premier art roman » que lança Puig y Cadafalch (1928), sans que la critique de ce poncif ne diminue la réputation de son génial auteur. La conclusion, de la même plume, résume les avancées obtenues depuis en ce qui concerne « le nouvel art de bâtir » (expression heureuse finalement retenue), du tournant de l’an mil jusqu’au milieu du XIe siècle, en insistant sur le rôle des réseaux aristocratiques et ecclésiastiques, en s’interrogeant sur notre méconnaissance de la réalité et de la diversité des « appareils rustiques » et en invalidant le mythe des migrations de maçons. Ainsi apparaît d’emblée le dilemme résolu différemment par les auteurs des synthèses (Lombardie, duché de Bourgogne, architecture ottonienne et salienne, Istrie et Dalmatie, Catalogne) : bilan historiographique ou revue des sites à retenir, avec leurs nouveaux jalons ?

8 L’aire géographique privilégie donc le « croissant » retenu par Puig y Cadafalch, d’autant plus pertinemment que le colloque correspondant est inscrit dans un programme d’archéologie du bâti sur les églises du Jura. Mais des chapitres de nature plus technique (« Le petit appareil », « Joints, enduits et polychromie ») élargissent un

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peu le propos aux pays d’Ouest, ce dont on ne se plaindra pas en raison de la valeur exemplaire du contenu. 9 L’importance des études de cas va de soi quand on insiste – à juste raison – sur la valeur des relevés et la nécessité d’une analyse minutieuse de chaque œuvre : il ne s’agit pas seulement de faire des réajustements chronologiques mais aussi de commencer à échafauder des mises en perspective sérieusement fondées. Des monographies sont présentes dès la deuxième partie de l’ouvrage et sont l’objet spécifique de sa troisième partie. Comme il n’est pas question de citer ici tous les auteurs et tous les sites, retenons des bâtiments dont la connaissance a été renouvelée par l’archéologie du bâti, et cela même si d’autres publications en ont diffusé les résultats (car un des intérêts du livre est de rendre ces dossiers plus accessibles par leur regroupement) : ainsi on notera les cas de Saint-Lupicin, Saint-Désiré de Lons-le-Saunier, Saint-Michel de Vintimille ou le Saint-Sépulcre de Milan, désormais associé à une charte de 1030 [C. Andrault- Schmitt].

10 – Lucas BURKART éd. et al., Le Trésor au Moyen Âge : discours, pratiques et objets, (Micrologus’ Library, 32), Florence, Sismel, 2010.

Au cœur de nombreux travaux d’histoire de l’art médiéval récents (voir à ce sujet Michele Tomasi, « Des trésors au Moyen Âge : enjeux et pratiques, entre réalités et imaginaire », dans Perspective, 2009-1, p. 137-141), la thématique du trésor donne aux études sur les arts précieux du Moyen Âge une vitalité nouvelle lorsqu’elle contribue à ouvrir le débat vers d’autres disciplines que l’histoire de l’art. Si le terme caractérise depuis longtemps des travaux monographiques sur des trésors ecclésiastiques spécifiques, il tend aujourd’hui à mieux refléter une catégorie complexe de la pensée et de la pratique médiévale. C’est ce qu’entendent mettre en lumière les actes de ce colloque, tenu à Bâle et à Neuchâtel en 2006, dans le sillage d’un premier ouvrage collectif paru en 2005 dirigé par les mêmes auteurs : Le Trésor au Moyen Âge : questions et perspectives de recherches, Neuchâtel, 2005. Les contributions de cette deuxième publication sont articulées en trois thèmes : discours, pratiques et objets. Le premier examine le sens des termes littéraires désignant le trésor et mettant en lumière la complexité de cette notion, qui relève aussi bien du concret que de la métaphore spirituelle. Le second volet donne corps à la pratique des objets de trésor, concrétisée par la liturgie et le rituel chrétien en général, mais aussi par le don et l’échange. La troisième partie se penche sur les objets eux-mêmes, leur caractère cumulatif, et leur capacité à articuler un échange spirituel avec l’au-delà, dépassant par là une richesse et une matérialité a priori contraires au dénuement et à l’humilité exigés pour l’accès au salut chrétien. La richesse de cet ouvrage collectif montre bien la fécondité de cette notion pour penser les arts religieux au Moyen Âge, et on entrevoit son intérêt pour l’étude des manuscrits et de leurs reliures précieuses, qui gagneraient à trouver une place dans le cadre de cette réflexion, comme cela avait été esquissé par Eric Palazzo dans « Le livre dans les trésors du Moyen Âge. Contribution à l’histoire de la memoria médiévale », Annales ESC, n°52-1, 1997, p. 93-118 [A.-O. Poilpré].

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11 – Joanna CANNON, Jo KIRBY, Susie NASH éd., Trade in Artists’ Materials: Markets and Commerce in Europe to 1700, Londres, Archetype Publications, 2010.

Voici l’un des livres les plus novateurs qui ont été publiés ces dernières années dans le domaine de l’histoire de l’art ancien. Rendant compte d’un colloque qui se déroula en février 2005 à Londres, cet ouvrage substantiel réunit une trentaine de contributions, rédigées par des historiens de l’art, des historiens de l’économie ou du commerce et des restaurateurs, qui abordent des questions portant sur l’approvisionnement en matériaux surtout pour les peintres, mais aussi pour les sculpteurs ou les céramistes, en Europe, entre 1200 et 1700. Alternant les synthèses ambitieuses (Catherine Reynolds, Peter Spufford, Wendy R. Childs) et ces études ciblées, qu’elles soient centrées sur un matériel (Kim Woods sur l’albâtre, par exemple), un milieu (Susie Nash sur les peintres des deux premiers Valois ducs de Bourgogne, Doris Oltrogge sur les enlumineurs dans le bas Rhin et en Westphalie autour de 1500…) ou un personnage (Julia A. DeLancey sur Francesco di Marco Datini), les auteurs s’interrogent sur les sources d’approvisionnement des artistes, sur le rôle des marchands et autres intermédiaires, sur les routes commerciales, sur les prix, et sur les modes et les acteurs de production et de circulation des matériaux. Des sources très diverses, parfois méconnues ou jamais abordées sous ce point de vue, sont exploitées par les contributeurs, en allant des livres de comptes princiers aux registres de vente des marchands, en passant par les manuels dans lesquels les marchands rassemblaient toutes sortes d’informations utiles à leur commerce (Spufford donne une liste extrêmement utile de ceux qui sont connus, publiés ou inédits, p. 21-24) ou encore les listes de prix des apothicaires allemands. Les données tirées de la documentation écrite sont le plus souvent croisées avec les informations mises à disposition par les restaurations des œuvres elles-mêmes, de telle sorte que les textes et les œuvres s’éclairent mutuellement. Le tableau ainsi brossé n’est certes pas complet – loin de là – et le médiéviste regrettera que le haut et le plein Moyen Âge aient été écartés de l’enquête. Tout lecteur sera toutefois impressionné par la masse de renseignements ici rassemblés et stimulé par l’acuité et la nouveauté de nombre de contributions. À une époque où la numérisation offre des possibilités nouvelles et exaltantes pour le traitement des images, mais risque aussi parfois de faire oublier la matérialité des œuvres, il est salutaire de réfléchir, de manière aussi solide et critique, sur les conditions matérielles de la création artistique [M. Tomasi].

12 – Catalunya 1400 : el gótic internacional, Rafael Cornudella, Guadaira Macías, Cèsar Favà éd., (cat. expo., Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya, 2012), Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya, 2012.

Au Museu Nacional d’Art de Catalunya de Barcelone s’est tenue, du 29 mars au 15 juillet 2012, une très belle exposition consacrée à l’art du gothique international en Catalogne. Le titre de l’exposition comme du catalogue l’accompagnant illustre bien le projet de ses auteurs et l’inscrit visiblement dans la continuité d’une série de manifestations récentes (Paris 1400 en 2004, France 1500 en 2010/2011, Tours 1500 en 2012) dont les historiographes futurs s’empareront vraisemblablement un jour pour en interroger les attendus géographiques et chronologiques. Bien sûr, le marqueur

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séculaire de 1400 ne borne pas l’objet de l’exposition barcelonaise qui visait à constituer un panorama des arts de la principauté de Catalogne depuis le dernier tiers du XIVe siècle jusqu’au milieu du XVe siècle, date exacte de la réalisation du frontal de la chapelle Sant Jordi du palais de la Diputació del General ou Generalitat de Barcelone, brodé en 1450-1451 de fils d’or, de métal et de soie par Antoni Sadurní sur un patron fourni par le peintre Bernat Martorell. Les quarante-huit notices et les deux dossiers documentaires techniques du catalogue sont précédés de six essais dont trois sont consacrés à la peinture de manuscrits ou sur panneaux, prédominance qui se retrouvait dans l’exposition et qui est en partie le reflet du poids des personnalités artistiques fortes que furent Lluís Borrassà (actif à Gérone en 1380 puis à Barcelone dès 1383) pour le début de la période, puis Bernat Martorell (mort en 1452) en clôture de séquence. Il convient pourtant de souligner avec Joan Domenge i Mesquida le rôle prépondérant de l’orfèvrerie dans la production artistique du temps. Marginalement, on regrettera que les commissaires n’aient pu obtenir à cette occasion le déplacement de l’un des apôtres de l’église Santa Maria de Castelló d’Empúries dont l’étude et la confrontation avec le saint Pierre en bois de Cubells (cat. 12) auraient permis de réévaluer le dossier des attributions au Picard Pere de Sant Joan/Pierre de Saint-Jean et de sa place dans la sculpture gothique catalane. Ce catalogue dense, utile, fort bien illustré et de très belle qualité éditoriale, devra désormais apparaître dans toutes les bibliographies et synthèses consacrées au gothique international (on rappellera ici, à ce titre, la très précieuse réévaluation écrite par Michele Tomasi dans ces pages (Perspective, 2006-1, p. 97-120), mais étrangement absente de la bibliographie générale du catalogue) [J.-M. Gillouët].

13 – Jan CHLÍBEC, Jirǐ ́ ROHÁČEK, Sepulkrální skulptura jagellonského období v Čechách: figura a písmo [La Sculpture sépulcrale à l’époque des Jagellon: la figure et l’écriture], Prague, Artefactum, 2011.

Cette première monographie consacrée à la sculpture des tombes conservées dans la Bohême des Jagellon (1471-1526) présente une analyse qui puise à la fois dans l’histoire de l’art et dans l’épigraphie. Les œuvres représentent un témoignage important du statut social des commanditaires, de leurs affinités religieuses, de leur culture et de leurs réflexions esthétiques. La monographie est accompagnée d’un catalogue détaillé des œuvres [K. Benesovska].

14 – Jutta DRESKEN-WEILAND, Bild, Grab und Wort: untersuchungen zu Jenseitsvostellungen von Christen des 3 und 4. Jahrhunderts, Regensburg, Schnell & Steiner, 2010.

Dans la perspective de son enquête de longue haleine sur les sarcophages paléochrétiens, marquée par la publication en 1998 et 2003 de volumes relatifs au corpus des sarcophages romains en Occident, Jutta Dresken Weiland livre ici une nouvelle étude de fond sur la question des images associées aux sépultures romaines dans le premier art chrétien. La fourchette chronologique choisie, les IIIe et IVe siècles,

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focalise le propos sur l’émergence des premiers signes christianisés sur les sépultures et sur les grands moments des conversions du paganisme au christianisme à Rome. L’enquête sur les images épouse donc la chronologie délicate qui voit le christianisme passer du statut de religion non-licite, parfois persécutée, au statut d’un culte choisi par l’empereur, puis à celui de religion de l’Empire. L’examen minutieux et successif des principaux thèmes iconographiques adoptés pour l’ornementation de ces tombeaux conduit à un réexamen des principales problématiques iconographiques de la première production iconographique chrétienne : il y est donc question du sens des thématiques choisies pour les sépultures, du lien qu’elles entretiennent avec certains aspects de la réflexion théologique contemporaine. Les travaux de Martine Dulaye sur l’interprétation symbolique, dans la patristique, des principaux épisodes bibliques figurés dans les catacombes et sur les sarcophages offrent également un socle de choix à l’auteur pour saisir les possibles convergences entre exégèse et images. Elle montre d’ailleurs que ce n’est pas toujours le souci d’une interprétation symbolique complexe qui guide les choix iconographiques, mais aussi un goût pour l’histoire extraordinaire. Un intérêt scrupuleux pour les inscriptions, lorsqu’il y en a, lui permet de souligner une complémentarité fonctionnelle et symbolique avec les images : aux inscriptions le rappel du nom du défunt, aux images l’évocation d’une résurrection et d’une vie éternelle. L’intérêt de cette étude réside également dans la confrontation systématique du corpus d’images issu des sarcophages et celui issu des catacombes, peintes à la même époque, les premiers étant plutôt des membres d’une classe sociale élevée et fortunée, alors que les cubicula peints relèvent plutôt de la classe moyenne. L’auteur entend ainsi dresser un constat plus général sur l’image funéraire du premier christianisme romain. Étant donné l’importance et l’intérêt du sujet, on peut regretter que les thèses de l’auteur, fruits d’une recherche approfondie sur ces questions, s’égrènent au fil d’études de cas iconographiques, d’une remarquable précision certes, mais qui la conduisent à des redites. Des chapitres de synthèse plus nourris sur les liens entre sépulture et image auraient mieux mis en valeur une réflexion de fond [A.-O. Poilpré].

15 – Kamil BOLDAN éd., Jenský kodex, Prague, Gallery, 2009 [éd. angl. : The Jena Codex, Prague, 2009].

L’édition en fac-similé du Codex de Iéna, un des plus précieux manuscrits enluminés conservé à la bibliothèque du Musée national de Prague, vient de paraître en deux volumes, accompagnée d’un commentaire détaillé et d’une analyse artistique et historique. Ce codex, qui rassemble dix textes et des images rendant compte du conflit dramatique entre les hussites et l’Église catholique romaine, ainsi que plusieurs satires violentes contre Rome, est une source de premier plan pour l’étude de la littérature de la période hussite et pour l’iconographie de la Réforme. Réalisé dans les années 1490-1510 à la demande d’un utraquiste pragois, Bohuslav de Čechtice, partisan de Jean Hus et de Jérôme de Prague. Il fut l’œuvre de quatre à cinq artistes, membres de l’atelier de Janíček Zmilelý de Písek, qui ont participé à son enluminure. Le volume de commentaires propose des études scientifiques de fond (éclairages historique et codicologique…), ainsi qu’une transcription précise des textes. Au cœur du manuscrit se trouve la traduction d’un traité de Nicolas de Dresde, les Tabulae veteris et novi coloris,

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daté de 1410-1412. Ce cycle confronte les représentations du Christ dans le Nouveau Testament, sa pauvreté, sa simplicité et sa souffrance, avec la vie du pape et des prélats. L’enlumineur a utilisé le pouvoir sémantique des contrastes de couleurs pour conférer à ces dernières un sens moral semblable à celui que l’on trouve dans l’œuvre de Nicolas de Dresde. Il a ainsi différencié les figures de la véritable Église primitive du Christ (qui portent des habits aux couleurs éteintes) de celles de l’Église romaine pécheresse contemporaine (dont les habits sont de couleurs vives). Les illustrations du reste du codex suivent la structure et la facture des enluminures de ce traité central – notamment en ce qui concerne l’usage des coloris antithétiques –, et forment ainsi un ensemble d’une unité remarquable. Dans ces antinomies de teintes, l’enlumineur suivait sans doute des modèles hussites plus anciens : la maison à la rose noire à Prague, où était installé Nicolas de Dresde, était décorée de sujets semblables et dans les premières phases de la révolution hussite, l’on portait des peintures de ce type dans les rues de Prague lors des processions contre le pape. Des gravures contemporaines (du maitre AG, de Martin Schongauer, ou de Michael Wogemut) ont aussi servi de modèle à Janíček Zmilelý, auteur des meilleures enluminures du codex. Certains sujets appartiennent à l’iconographie hussite : Jean Hus ou Jérôme de Prague sur le bûcher, Jean Hus en chaire, Jean Žižka à la tête de l’armée hussite ou au ciel.

16 Le volume de commentaires est le résultat d’un travail collectif. Il s’agit de la première édition moderne du codex de Iéna en un fac-similé de grande qualité avec une transcription précise du texte original, accompagnée d’études scientifiques ; elle constituera désormais une source primordiale pour l’étude de la littérature de la période hussite et pour l’iconographie de la Réforme [J. Chlíbec].

17 – Jiří KUTHAN, Královské dílo za Jiřího z Poděbrad a dynastie Jagellonců I: král a šlechta, Filozofická fakulta Univerzity Karlovy v Praze/vydavatelství Togga, Prague, 2010.

Depuis une dizaine d’années, l’intérêt des chercheurs pour l’histoire et la culture du temps de la dynastie des Jagellon (XIVe-XVIe siècle) va croissant. En pays tchèques, ces recherches semblent avoir atteint leur sommet avec le travail encyclopédique de Jiří Kuthan : L’Œuvre du roi sous Georges de Poděbrady et sous les Jagellon. Le premier volume est consacré au mécénat royal, aux commanditaires principaux issus des familles aristocratiques de Bohême et de Moravie et à la production artistique des cours et de certaines villes d’Europe centrale. Le second volume (à paraître) sera consacré aux villes, à l’Église et aux autres provinces du royaume de Bohême. Le livre est constitué de courts chapitres thématiques organisés selon un axe chronologique, où les œuvres d’art viennent davantage illustrer les informations historiques que servir elles-mêmes de sources. L’accent est porté sur l’architecture, même si les autres arts ne sont pas négligés. L’auteur met en avant la sobriété volontaire de l’époque hussite et la moindre qualité d’œuvres qui, la plupart du temps, reproduisent des modèles antérieurs à la révolution hussite. Il définit avec beaucoup d’acuité les caractéristiques du mécénat royal : désir du renouveau de la splendeur monarchique après l’épisode hussite, culte des saints patrons du pays, culte des ancêtres, traditionalisme, idée impériale.

18 Une attention particulière est accordée aux cours des souverains alliés, même si l’auteur ne se prononce pas sur certaines questions nouvelles, comme celle des liens qui

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pourraient exister entre les travaux de l’architecte principal du château de Prague, Benedikt Ried, et l’architecture de la Renaissance italienne. Près des deux tiers du texte sont consacrés à la production artistique sur les domaines appartenant aux grandes maisons aristocratiques, catholiques dont les membres occupaient souvent les grands offices du royaume et faisaient appel aux artistes de cour. Ces grandes familles qui surent parfois attirer les artistes fuyant Prague ou les lieux touchés par la révolution hussite, soutinrent bien souvent l’ordre des franciscains de l’Observance, dont les monastères apparurent en pays tchèques à la suite de la mission de Jean de Capistran des années 1451-1454. 19 Le point de vue adopté par Kuthan sur ces sphères artistiques est principalement historique, et sa méthode tient plus du kaléidoscope que d’un effort de synthèse, mais son travail encyclopédique restera néanmoins pour longtemps un ouvrage de référence [J. Chlíbec].

20 – Hélène MILLET, Claudia RABEL, La Vierge au Manteau du Puy-en-Velay : un chef-d’œuvre du gothique international (vers 1400-1410), Lyon, Fage éditions, 2011.

Au cœur de ce très joli volume il y a une toile peinte à la détrempe sur lin conservée depuis 1852 au Musée Crozatier du Puy-en-Velay. Récemment soumise à une restauration dont rend compte Bruno Mottin dans le dernier chapitre, l’œuvre est exceptionnelle à la fois en tant que rare exemple de peinture sur toile en France à la fin du Moyen Âge et de par son iconographie. Celle-ci associe en effet, de manière tout à fait inhabituelle, le thème de la Vierge de miséricorde à celui des Trois Maries. En réunissant leurs compétences, d’historienne de l’Église pour l’une, d’historienne de l’art pour l’autre, les deux auteurs proposent une analyse de la toile qui en aborde toutes les facettes, en aboutissant à des conclusions novatrices et solidement argumentées. La Vierge ponote fut sans doute peinte par un artiste flamand actif à Paris, dans l’entourage de l’enlumineur connu sous le nom de Maître du Couronnement de la Vierge, un peu plus tôt qu’on ne l’a dit jusqu’ici, vers 1400-1410. Servant de retable, elle fut très probablement destinée, dès l’origine, au couvent des Carmes du Puy. Sa commande est attribuée assez vraisemblablement à deux illustres personnages vellaves, bien introduits à Paris : le prieur du couvent des Carmes Nicolas Coq et le vicomte de Polignac. En replaçant cette œuvre importante mais assez négligée jusqu’alors dans son contexte stylistique, technique, typologique, culturel et religieux, les auteurs l’éclairent d’un jour nouveau, tout en apportant une nouvelle pierre à la connaissance de ces mêmes contextes. Les illustrations, nombreuses et de qualité, accompagnent judicieusement et soutiennent efficacement la démonstration, tandis que l’écriture claire et vivante rend la lecture aussi aisée qu’agréable [M. Tomasi].

21 – Christian SAPIN, éd., Saint-Étienne d’Auxerre : La seconde vie d’une cathédrale, 7 ans de recherches pluridisciplinaires et internationales, Paris, Centre d’études médiévales Saint- Germain (Auxerre), Picard, 2012.

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Ainsi que le reflètent titre et sous-titre, ce bel ouvrage réunissant 32 auteurs marque, le terme d’une décennie de restaurations accompagnées et prolongées de façon exemplaire par des programmes scientifiques dont l’ampleur fait pâlir d’envie. Il se distingue d’emblée par son caractère somptueux, parti pris légitimé par les nombreuses planches et schémas colorés. Ces illustrations traduisent mieux que les mots le dossier documentaire des portails, celui de l’iconographie ancienne, les études d’archéologie du bâti de la crypte du début du XIe siècle, la modélisation 3D des étapes de construction (université de Stuttgart), le « synopsis des chantiers de bois », le phasage méticuleux de l’ensemble des cinq portails, l’interprétation des vantaux, le potentiel archéologique des matériaux de couverture (tuile), l’approvisionnement en pierre ou en métal (pour des goujons pratiquement invisibles) et même les études des vitraux. La majorité des textes, de longueur très variable, accompagnent relevés et restitutions ; d’autres introduisent les résultats d’enquêtes menées dans des domaines moins techniques, comme la liturgie (Ecclesia sine populo –[sic]), les chapelles ou l’iconographie.

22 Bien sûr, toute recherche approfondie conduit à multiplier les interrogations et à leur apporter des réponses de plus en plus complexes. On découvrira ainsi le problème des accès anciens à la crypte et de ses fonctions, l’originalité du rapport entre voûtes (antécédentes) et charpente (1235-1236) dans le chevet du début du XIIIe siècle (lequel a été incidemment reconsidéré bien qu’il n’ait pas fait l’objet d’une restauration contemporaine), la subtilité des reprises de maçonnerie visant à rectifier l’audace excessive du haut vaisseau en ce même endroit, ainsi que l’existence d’un oratoire disparu contre la façade occidentale. Mais émergeront également des questions d’ordre épistémologique qui doivent alerter les autres groupes de recherche, comme le protocole nécessaire pour la visualisation des étapes architecturales ou l’importance des scellements de métal pour l’évolution des systèmes de montage de la sculpture [C. Andrault-Schmitt].

23 – Umění české reformace (1380-1620), Kateřina Horníčková, Michal Šroněk éd., (cat. expo., Prague, écuries impériales du château), Prague, Academia, 2010.

Le catalogue de l’exposition « L’art de la Réforme Tchèque (1380-1620) », présentée au château de Prague (Écuries impériales) en 2009-2010, livre une vue complexe de la culture artistique à l’époque de la Réforme tchèque sur une période relativement longue. Celle-ci a en effet précédé d’un siècle les autres mouvements de Réforme européens, même si les Églises réformées en pays tchèques ne reçurent leur liberté qu’en 1609 avec la Lettre de Majesté de l’empereur Rodolphe II. L’ouvrage rassemble de nombreuses études – chacune accompagnée du catalogue des œuvres afférentes – et, à côté de chapitres proprement historiques, se focalise notamment sur la façon dont était perçue l’image au sein des divers courants religieux novateurs. Parmi ces approches, notons ainsi celles qui étudient l’iconoclasme hussite, les liens entre l’utraquisme et l’art, l’Unité des frères et ses relations avec la culture artistique, le livre ou les manuscrits musicaux enluminés de la Réforme tchèque.

24 À ce titre, il faut se souvenir que les œuvres d’art avaient aux yeux des hussites une valeur essentiellement théologique et éthique, leur dimension esthétique étant jugée suspecte, voire dangereuse pour le fidèle. À notre sens, l’exposition ne prenait sans

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doute pas suffisamment en compte les raisons profondes de l’iconoclasme hussite. L’ouvrage aurait sans doute gagné à replacer ce phénomène dans un contexte international – on pense aux destructions d’œuvres d’art organisées en Italie dans les années 1420 par Bernardin de Sienne, avant le « bûcher des vanités » de Savonarole – et à déterminer ses liens avec des manifestations iconoclastes précédentes telles que la crise byzantine. À l’inverse, les chapitres consacrés à l’Unité des frères (hussisme modéré) et au calvinisme sont beaucoup plus convaincants [J. Chlíbec].

25 – Zuzana VŠETEČKOVÁ et al., Středověká nástěnná malba ve středních Čechách [La peinture murale du Moyen Âge en Bohême centrale], Praha, Narodní ́ pamatkový ́ ustav,́ uzemní ́ odborné pracovistě ◌̌ strednǐ ch́ Cecȟ v Praze : Lepton studio, 2012.

Ce catalogue, qui fait la part belle à une approche iconographique, présente les peintures murales du XIIe au XVIe siècle provenant du centre de la Bohême. Il s’agit d’œuvres restaurées ou découvertes dans les dernières décennies ; on remarquera notamment les peintures de Karlstein, de la crypte de Kouřim ou de la cathédrale Sainte-Barbe de Kutna Hora. [K. Benesovska].

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