Du même auteur :

déjà paru : Au pays des Namnètes en préparation : En pays Nantais. Deux siècles d'histoire DES MACLES DES ROHAN AU BONNET RÉPUBLICAIN

Francis LEGOUAIS Membre de la Société Archéologique et de la Société Académique de Nantes

DES MACLES DES ROHAN AU BONNET RÉPUBLICAIN

(NANTES, BLAIN, LE GAVRE)

Préface par Monsieur Michel Mollat du Jourdin

1974 MARCEL BUFFÉ, ÉDITEUR 30, Rue du Frère-Louis - 44200 NANTES Il a été tiré de cet ouvrage 100 exemplaires numérotés de 1 à 100

Copyright by Marcel Buffé 1974 Tous droits réservés pour tous pays LETTRE DE MONSEIGNEUR VILLEPELET

Après votre volume "Au pays des Namnètes ", si parfaitement présenté par Monsieur le duc de Rohan, voici que vous offrez au public un nouvel ouvrage. Historien infa- tigable et très méritant, vous faites revivre dans votre ouvrage "Des mâcles des Rohan au bonnet républicain ", en prenant comme centres Blain et le Gâvre. Blinois d'adoption, vous vous deviez d'écrire cette histoire avec amour. Cependant, de nombreuses difficultés se dressaient sous vos pas, surtout la carence de docu- ments et d'archives détruits par les brûleurs. en 1793. La destruction du chartrier de Blain aurait fait reculer plus d'un écrivain tenté de reconstituer une période si mou- vementée. Vous avez su triompher de cette lacune. Patiemment, vous avez mis en valeur et avec un vrai sens critique, les travaux de vos devanciers, et vous avez su, grâce à des recherches minutieuses, leur apporter des complèments inédits. Votre érudition se lit avec un grand plaisir, car la clarté dans l'enchaînement des événe- ments est l'un de vos dons. Loin de vous perdre dans des détails, vous savez tracer des portraits plein de vie. Vous débordez les frontières des districts que vous avez davantage étudiés. C'est une histoire générale de la Révolution au pays nantais que vous offrez aux lecteurs de vos pages. Chacun y trouvera des noms connus, peut-être des ancêtres, des pa- rents, et admirera quels rôles ils ont joué au milieu d'une époque si bouleversée. Ces exemples qui viennent de loin aideront leurs descendants à entretenir sur eux la flamme et l'idéal qu 'ils ne devraient jamais abandonner. Le plaisir que j'ai eu à vous lire sera partagé, j'en suis sûr, par tous ceux qui profite- ront de votre talent. C'est pourquoi je vous offre, mon cher Frère, avec mes félici- tations, des voeux très ardents pour le succès de cet ouvrage et de ceux qui le suivront.

Jean-Joseph Villepelet, ancien évêque de Nantes

PRÉFACE

L'Histoire, a-t-on dit, est mesure et mesures. Mesure, elle est modération, sérénité, sagesse. Mesures, elle cherche les dimensions exactes des faits et leur rap- port à un ensemble. Or, l'auteur de ce livre a parfaitement atteint ces deux objec- tifs. Il a fait oeuvre d'historien avec le mérite de l'homme qui travaille seul, exempt des conventions qui rendent l'oeuvre formelle. Mesuré, Francis Legouais l'est en la sincérité de son information. On aurait pu croire qu'àprès le gros ouvrage de Louis Bizeul, l'histoire de Blain n'avait plus de secret. Erreur : Francis Legouais a trouvé et publié des lettres inédites, et sa compréhension de l'Histoire l'élève bien au-dessus d'une chronique locale minu- tieuse, sans négliger, fort heureusement, de citer les détails et les noms. Mesuré, l'auteur l'est surtout par la sérénité de ses jugements. Dieu sait pourtant si la période révolutionnaire, si proche encore grâce à la tradition orale, demeure l'objet de jugements affectifs, en un sens et dans l'autre. Francis Legouais n'a pas à se justifier d'un "ton parfois humoristique, un peu railleur, mais ni méchant, ni orienté". L'humour ne blesse que les consciences troubles et les esprits dépour- vus de finesse. La mesure, en ce livre, vient aussi du souci méritoire et constant de donner, à la région blinoise sa place, ni excessive, ni étriquée, dans l'histoire nantaise de la période révolutionnaire. Blain n'est pas située en "Vendée militaire"; elle ne s'est pas non plus signalée par un "sans-culottisme" exalté. Un grand nombre de ses habitants a traversé les troubles sans être inquiétés : les noms de certains de ses notables se retrouvent à la fin de la Révolution comme à son début. L'ouvrage apporte d'intéressantes précisions sur les actions des "brûleurs" de châteaux; à l'inverse, la "nostalgie des fleurs de lys" persiste dans le pays jusque sous l'Empire. Pourtant, à travers la mise en place d'une administration révolutionnaire, les vicissi- tudes d'une fidélité religieuse réelle et, finalement, les élections de 1797, la coexis- tence d'éléments révolutionnaires et royalistes est constante. L'opinion était trop partagée pour entraîner la ville résolument dans un camp ou dans l'autre. Les précieuses archives de Rohan ont bénéficié d'un délai, jusqu'en mars 1793, avant d'être incendiées; elles l'ont été tout-de-même, et les tombes de la maison ducale violées peu après. Le château, bien que dégradé au rang de prison, a été sauvé. Il devait servir de bastion aux "bleus", mais l'humour de Francis Legouais observe qu 'à chaque incursion, proche ou lointaine, des Vendéens, la garnison révolutionnai- re se repliait prudemment à Redon pour y attendre la fin de l'alerte. Que de nuances et de contrastes ! La situation de Blain était complexe. Voisine de la fôrêt du Gâvre, foyer de "maquis" chouans, la région blinoise aurait pu, et a failli, devenir la charnière entre ceux-ci et l'Armée catholique et royale. Blain a accueilli les Vendéens, avant et après Savenay, en des circonstances qu'on ne peut sans émotion relire dans les témoignages recueillis par l'auteur. Elle n'a pas pu les garder. Tout aurait changé à Blain si les Vendéens s'étaient installés à Nantes. Francis Legouais a très bien su dégager l'originalité du rôle joué par la région blinoise dans les avatars de la Révolution en pays nantais. La complexité des faits et l'inconstance des hommes ne lui rendaient pas la tâche aisée. Celle-ci l'était d'autant moins que les conditions de son travail ne l'étaient pas non plus. Je tiens à rendre hommage à ses qualités d'intelligence et de mémoire, autant qu 'à sa ténaci- té dans la réalisation méritoire d'une oeuvre d'historien qui fait honneur à lui-même et à son Institut. Michel Mollat du Jourdin Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de . INTRODUCTION

Nombreux sont les auteurs qui ont écrit des ouvrages sur la Vendée au XVIIIe siècle et, particulièrement, sur la période révolutionnaire dans cette région. Le nombre des auteurs intéressés par l'histoire de la Basse-Bretagne et, plus préci- sément, du nord du département de Loire-Atlantique pendant le même siècle et pendant la Révolution, est plus restreint. Il existe pourtant, dans les Archives départementales ou chez des particuliers, des documents qui peuvent nous informer sur ce sujet. Ayant ainsi pris connaissance de plusieurs dossiers et surtout de manuscrits ignorés du public, nous voudrions essayer d'apporter un éclairage complémentaire, sinon nouveau, à l'histoire du département de la Loire-Atlantique, mais, cette fois, rive droite du fleuve. La "ville" du Gâvre, ancienne seigneurie inaliénable des ducs bretons, puis des rois de France, et surtout Blain, principal fief des Rohan, seront au centre de cet ouvrage. Partant de ces points centraux, le déroulement des faits historiques nous conduira à parler de toute une contrée et, justement, de toute cette contrée au nord de Nantes. Tels les derniers rayons de soleil couchant, les derniers rayons du Roi-Soleil, en ce début du XVIIIe siècle, s'éteignent lentement, laissant pré- sager le déclin de la monarchie française. A la fin du XVIIIe siècle, minée par les crises financières, lassée par les guerres trop nombreuses, la France sera prête pour affronter cette grande secousse historique qu'est la Révolution française. Ayant goûté une fois à la République, les Français n'en perdront plus le goût, même après des retours passagers à des régimes monarchiques. Dans cette région de Blain, à une trentaine de kilomètres seulement au nord de Nantes, terre érigée en marquisat par Louis XIV en 1660, la population rurale au début du XVIIIe siècle, vivait pourtant tranquille et sans grave sujet de plainte, même si l'instruction ne profitait encore qu'à la classe aisée, même si les passages et les séjours nombreux de la troupe entraînaient des surcroits de taxes, même si les hobereaux, vassaux du grand seigneur, étaient plus exigeants et plus durs que leur suzerain. C'est que le Duc de Rohan, Marquis de Blain, non seulement entretenait avec le peuple des relations presque amicales, mais encore il comprenait les besoins profonds de la classe pauvre et c'est de ses deniers qu'il participait à toute oeuvre philanthropique, qu'il s'agisse de l'entretien d'un maître d'école, de la fondation d'un hospice ou de la création d'un tribunal local de conciliation pour mettre un terme aux procès ruineux. Il n'empêche certes qu'il en fallait bien davantage au plan national pour apporter de manière efficace une amélioration au sort qui était fait à la classe populaire. La Révolution y pourvoira en partie, mais à quel prix ! Que d'innocents paieront pour les coupables, que d'hommes justes et droits de toutes tendances verseront leur sang ou seront contraints de s'exiler pour échapper à des rigueurs extrêmes ! C'est ainsi que notre Duc de Rohan, Marquis de Blain, devra s'éloigner définitivement de sa terre de Blain, Marquisat sans Marquis. Avant d'aborder le vif de notre sujet, il sera utile de faire le point sur la situation de cette illustre famille et de présenter l'antique demeure du Marquis de Blain, ce château qu 'habita jadis le célèbre connétable de Clisson qui a sa place dans la lignée des ancêtres des Rohan de Blain. Nous verrons ensuite comment disparaîtront les neuf macles du blason des Rohan, pour faire place au bonnet phrygien de la première République Française. Chapitre I

La MAISON des ROHAN au XVIII SIÈCLE

Nous abordons une période qui nous conduira à la Révolution. L'histoire de Blain, liée jusqu'ici à celle du château, va s'en détacher peu à peu. Elle va se dé- rouler sur un rythme qui lui sera propre et dans un cadre qui ne sera plus celui du château. Notre propos n'est pas de faire l'historique de la Maison de Rohan; nous allons nous contenter de présenter les derniers Ducs et Duchesses qui possédèrent et embellirent le château jusqu'à la tourmente révolutionnaire qui les fera s'en éloigner, puis s'en déposséder. C'est le 5 Novembre 1687 qu'eut lieu la translation des corps des membres protestants de la famille, dans une chambre murée de la tour de l'Est. Le 5 Novembre 1687, il y eut une nouvelle "réconciliation" et bénédiction de la chapelle du château, par le Recteur Louis Guihard des Jaulnais, en vertu d'une permission accordée par Gilles de Beauveau, évêque de Nantes, en présence de noble, vénérable et discret messire Thomas Frogier, prêtre de l'Eglise de Blain. Cette cérémonie eut lieu à l'occasion de la translation des membres de la famille de Rohan morts calvinistes, de l'enfeu existant sous la chapelle, dans une chambre sans ouvertures, établie à cet effet sur la tour de l'Est. Rappelons qu'une pièce datée de 1778 dénombre et décrit les cercueils enfer- més dans cette chambre funéraire dont un seul ne porte aucun nom. L'auteur du procès-verbal, se référant à un document antérieur, concluait qu'il s'agissait de la châsse de Marguerite, duchesse de Rohan. Or, une lettre de Monsieur Olivier de Rohan à l'auteur de ces lignes indique que Marguerite de Rohan-Béthune et Marguerite de Rohan-Chabot, toutes deux duchesses de Rohan, furent inhumées à Blain. Faut-il alors croire que le corps de la première duchesse, calviniste, fut transféré de la chapelle à la chambre de la tour de l'Est, tandis que le corps de Marguerite de Rohan-Chabot, seconde duchesse de Rohan, dont nous avons signalé plus haut la réaction en faveur du catholicisme, demeura dans la crypte de la chapelle. En mars 1684, un an environ avant la révocation de l'Edit de Nantes, le Marquisat de Blain passa aux mains de Louis de Rohan-Chabot second fils de Marguerite de Rohan et de Henri Chabot (le fils premier né mourut jeune). Louis de Rohan-Chabot, duc de Rohan, pair de France, prince de Léon, marquis de Blain, comte de Prohoët et de Moret, baron de la Garnache et de Beauvoir-sur-Mer, était né le 3 novembre 1652 dans l'hôtel de Chabot à Paris. Conformément aux termes du contrat de mariage de sa mère (15 juin 1645), ratifié par le roi, il fut baptisé catholique le lendemain dans la chapelle du Louvre, ayant pour parrain le Roi Louis XIV en personne et pour marraine la Reine-Régente Anne d'Autriche. (Rappelons qu'aux termes du même contrat il devait porter le nom et les armes seules de la Maison de Rohan). Il fit la campagne de 1667 en Flandre et se trouva aux sièges de Tournai, de Douai et de Lille; il se signala le 2 juillet en chargeant un corps de cavalerie devant Douai. La même année, il présida le corps de la noblesse aux États de Bretagne, et il fut député auprès du roi par la même noblesse en 1675 et 1705. Il ne fut admis à prendre séance au Parlement et à y prêter serment comme duc et pair que le 2 Mai 1689. Louis, Duc de Rohan, épousa, le 18 juillet 1678, à Saint-Cloud, Marie- Elisabeth du Bec-Crespin de Grimaldi, fille de François Marquis de Wardes et Comte de Moret, capitaine colonel des cent-suisses de la garde du Roi et gouverneur d'Aigues-Mortes, et de Catherine Nicolaï. La nouvelle Duchesse de Rohan prit le tabouret chez la Reine le 4 août suivant. Louis eut à soutenir un procès qui lui fut intenté, vers 1700, par le Prince de Guéméné, son cousin, et par le Prince de Soubise, son beau-frère, comme représentants de la Maison de Rohan, pour l'obliger à quitter le nom et les armes de cette Maison. Les débats durèrent plusieurs années. Enfin le Conseil du Roi, présidé par Louis XIV en personne, confirma en 1706 au duc de Rohan les droits qu'il tenait du contrat de mariage de son père et des lettres patentes d'homologation du 19 septembre 1646, et débouta ses adversaires. Saint-Simon a fait de ce procès un récit très étendu et très piquant. Ce fut peut être la seule circonstance où le crédit de la Princesse de Soubise, qui s'était déclarée contre son frère, demeura impuissant auprès du Roi et ne put l'emporter sur le bon droit. Pourtant, il ne semble pas que Louis de Rohan-Chabot ait usé du droit qui lui fut reconnu à l'issue de ce procès. En effet, Marguerite de Rohan, sa mère, avait été frappée par l'inconvenance qu'il y avait pour son fils à porter les armes seules et le nom seul de Rohan. Dans son acte de tutelle, son fils est nommé Louis de Rohan-Chabot duc de Rohan, et jamais il ne porta les armes de Rohan seules, mais écartelées de celles de Chabot afin de n'être jamais confondu avec les autres Rohan. Son sceau était : "Parti à dextre Chabot, à senestre second quart Rohan, et quatrième quart Bretagne". (C'est aussi le sceau de sa mère qui se trouve au bas du document relatif à la contestation de mouvance du presbytère de Bouvron). Le Duc Louis de Rohan-Chabot avait fait, en juin 1708, un acte important relatif à la transmission de ses biens et de ses titres. En voici la substance : "Une substitution perpétuelle à l'infini est faite du Duché de Rohan, de la princi- pauté de Léon, du Marquisat de Blain et du Comté de Porhoët, en faveur de son fils ainé et de sa postérité masculine, et, à son défaut, en faveur de ses puinés; au défaut des mâles de toutes les branches, en faveur des filles de la branche ainée, à condition que celle qui sera appelée à cette substitution épouse un gentilhomme de la première noblesse et que son mari et sa postérité prennent le nom et les armes de Chabot comme premier et principal nom". Cet acte fut confirmé par des lettres patentes données à Fontainebleau le même mois de juin 1708, enregistrées par le Parlement de Paris et à la Chambre des Comptes de Bretagne en juillet suivant. Plusieurs anecdotes sont rapportées dans les mémoires du temps au sujet de Louis de Rohan-Chabot. Saint-Simon met en relief son esprit et son avarice ainsi que "le peu de goût que Louis XIV avait pour lui". Madame de Sévigné en parle aussi à plusieurs reprises dans ses lettres où elle le qualifie de "petit aspic" Elle écrit encore : "Le petit Duc de Rohan est à l'extrémité d'avoir bu deux verres d'eau-de-vie, après avoir bien bu du vin; il est dans le sept d'une fièvre très mortelle. Voilà une belle espérance pour M et Mme de Soubise ! Pour moi, après l'avoir vu aux États et sachant comme il traitait Madame de Rohan, j'en suis toute consolée". Et ailleurs : "Si Homère l'avait connu, il en aurait bien fait son Achille pour la colère"... Il avait donné une preuve de son avarice en se dérobant au vœu du Roi qui voulait lui faire épouser la fille du Duc de Créquy. Mademoiselle de Wardes ne jouissait pas de la faveur du Roi mais elle apportait une dot plus belle. Et Louis de Rohan choisit la plus riche. Il témoigna encore de son avarice à l'occasion du mariage de son fils avec Mademoiselle de Roquelaure, refusant tout apport pécu- niaire, l'autre parti donnant trop peu à son gré. (cf. Saint-Simon qui relate la chose de façon extrêmement plaisante). Comme on le constate dans ces écrits du temps, le duc et la duchesse de Rohan, comme beaucoup de nobles, vivaient à la cour, dans l'entourage immé- diat du Roi. Cependant, ils venaient de temps en temps au Château de Blain, soit pour leurs affaires, soit même en séjour de plaisance. Nous relevons au passage quelques dates de leur présence au château. Le 14 Avril 1661, Louis de Rohan tint sur les fonts baptismaux Louis de Cadaran, fils de Messire François de Cadaran seigneur de Bonneville et de Vilhoin. Le duc était aussi à Blain le 12 Octobre 1693. Il y était encore avec la duchesse et leur fils Louis Bretagne Alain, prince de Léon, en octobre 1695. Dès la fin du XVIIe siècle, le duc commença d'accorder la fonction de gouverneur, sinécure octroyée à des gentilshommes pauvres. En 1698, cette charge était aux mains de François Eugène de North, seigneur du Perray, marié à Henriette- Marie de Portebise, dont le père habitait Lalliers, paroisse de Plessé. Le 5 janvier 1698, leur fils Louis-Marie fut baptisé dans la chapelle du château et eut pour parrainle prince de Léon et pour marraine la duchesse de Rohan, sa mère. (Au bas de l'acte de baptême, on remarque la signature de l'abbé Charles Annibal de Rohan et celle du Chevalier de Rohan). Le 11 février 1704 fut baptisée, la fille de Gabriel Lelièvre, architecte maçon habitant le village du Pavé. Le baptême fut administré par l'abbé Charles Annibal de Rohan-Chabot en présence de Anne Henriette de Rohan-Chabot. Le même jour, le duc Louis de Rohan-Chabot, étant au château de Blain, signe un bail à ferme : le revenu annuel et domanial du marquisat à noble homme Pierre Pinard contrôleur et receveur des domaines du Roi. Comme on le voit, le duc et les membres de sa famille ne dédaignaient pas d'honorer de leurs parrainages des enfants non nobles. Le duc Louis de Rohan-Chabot mourut à Paris le 17 Août 1727, à l'âge de 75 ans. Il fut inhumé aux Célestins. La duchesse lui survécut de longues années; elle mourut le 27 mars 1743, âgée de 82 ans. De leur union étaient nés onze enfants : 1 - Louis Bretagne Alain de Rohan-Chabot né le 26 septembre 1678, qui héritera du domaine de Blain. 2 - Guy Auguste de Rohan-Chabot, né le 18 avril 1683, auteur de la deuxième branche des ducs de Rohan, appelée à remplacer la première branche à la mort, sans postérité, de Louis-Marie-Bretagne-Dominique, fils de Louis-Bretagne-Alain mentionné ci-dessus. Il épousa successivement : Yvonne-Sylvie du Breil de Rays, fille de Charles du Breil, marquis de Rays, morte à Paris le 15 juillet 1740; Marie-Scholastique Howard, fille de Guillaume Howard Lord-Comte de Stafford, morte à Londre en 1770 sans enfants. Guy Auguste de Rohan-Chabot, connu d'abord sous le nom de Chevalier de Rohan puis sous celui de Comte de Chabot, s'illustra dans la carrière des armes où il acquit le grade de lieutenant-général. Il était le père de Louis-Antoine-Auguste de Rohan-Chabot qui devait hériter de son cousin Louis-Marie-Bretagne-Dominique de Rohan-Chabot duc de Rohan, et qui porta pendant la vie de ce dernier le titre de duc de Chabot. Il mourut le 13 septembre 1760. 3 - Charles-Annibal de Rohan-Chabot, né le 14 juin 1687, qui fut appelé le Chevalier de Léon puis le Chevalier de Rohan. (C'est lui qui fit bastonner Voltaire en 1726) Il épousa sa cousine Henriette-Charlotte Chabot, comtesse de Jarnac, et prit alors le titre de sa femme. Il mourut le 5 novembre 1762. 4-Marie-Marguerite-Françoise de Rohan-Chabot, dite Mademoiselle de Rohan, née le 24 décembre 1680. Elle épousa le 24 mai 1700 Louis-Pierre Enjelbert de la Marck, comte du Saint-Empire. Morte le 28 janvier 1706. 5 - Anne-Henriette de Rohan-Chabot, dite Mademoiselle de Léon, née le 18 juin 1682. Elle épousa, le 19 juin 1710, Alphonse-François-Dominique de Berghes, Prince de Grimberghen, grand d'Espagne de l®re classe, chevalier de la Toison d'Or, et mourut sans enfants le 12 mai 1761. 6 - Charlotte de Rohan-Chabot, dite Madame de Porhoët, morte sans alliance en juin 1701. 7 - Françoise-Gabrielle de Rohan-Chabot, née le 5 (ou 3) octobre 1685, religieuse à Notre-Dame-de-Soissons. 8 - Julie-Victoire de Rohan-Chabot, née le 3 Décembre 1688, religieuse à N.-D. de Soissons, puis prieure perpétuelle de N.-D. de Liesse, morte le 10 octobre 1732. 9 - Constance-Eléonore de Rohan-Chabot, née le 14 février 1691, religieuse à N.-D. de Soissons. Morte en 1773. 10 - Marie-Armande de Rohan-Chabot, née le 4 octobre 1692, religieuse à N.-D. de Soissons puis à Montmartre, enfin prieure perpétuelle à N.-D. de Bon Secours, de l'ordre de Saint-Benoît, au faubourg Saint-Antoine, morte le 29 janvier 1742. 11 - Marie-Louise de Rohan-Chabot, née le 24 octobre 1697, religieuse à N.-D. de Soissons, puis prieure de Sainte-Scholastique près de Troyes. Morte à Paris au prieuré du Cherche-Midi en 1781. Les filles de Louis de Rohan-Chabot qui se firent religieuses, reçurent 50.000 livres de dot, par le testament de leur père. Cette fois, les Rohan étaient bien rentrés dans le giron de l'Église catholique. A la mort du duc Louis de Rohan-Chabot, le 17 août 1727, le prince de Léon Louis-Bretagne-Alain de Rohan-Chabot devenait duc de Rohan et héritait du mar- quisat de Blain. Il était né le 26 septembre 1679 et avait été tenu sur les fonts bap- tismaux par Anne de Bavière, Duchesse d'Enghien, et l'évêque de Rennes au nom de la Province de Bretagne. Son père lui fit épouser Françoise de Roquelaure, fille du duc de Roquelaure, Maréchal de France, et de Marie-Louise de Laval-Lezay. Saint-Simon représente son beau-père, le duc de Roquelaure, comme un bouffon effronté et peu scrupuleux, tenant ce caractère de son père, auteur du fameux "Momus" ou Aventures du duc de Roquelaure (ouvrage, d'ailleurs, qui relate des bouffonneries et des saillies qui n'ont rien d'authentique). De l'union de Louis-Bretagne-Alain de Rohan-Chabot et de Françoise de Roquelaure, naquirent six enfants, trois fils et trois filles, dont aucun n'eut de postérité masculine. Le duc mourut à l'hôtel de Chabot à Paris et fut inhumé aux Célestins. Voici ses enfants : 1 - Louis-Marie-Bretagne-Dominique de Rohan-Chabot, d'abord colonel du régiment de Vermandois-Infanterie, puis Brigadier des armées du Roi. Il mourut à Nice en 1791 et en sa personne s'éteignit la première branche des Rohan-Chabot. Il avait épousé en premier mariage Olympe Rosalie-Gabrielle de Chatillon dont il eut deux enfants morts jeunes et inhumés à Blain, et en second mariage Charlotte- Emilie de Crussol-d'Uzes dont il n'eut pas d'enfant. 2 - Louis-François, dit Vicomte de Rohan, mort en 1743. 3 - Louis-Auguste qui fut d'abord tonsuré chanoine du chapitre princier de Stras- bourg, puis ayant quitté les ordres, entra aux mousquetaires du Roi. 4 - Marie-Louise. 5 - Charlotte-Félicité-Antoinette. (une troisième fille mourut jeune). La seconde branche des ducs de Rohan-Chabot eut pour tige Guy-Auguste, fils du duc de Rohan-Chabot et de Marie-Elisabeth du Bec Crespin de Grimaldi. Il épousa Yvonne-Silvie du Breil de Rais et eut pour enfants : 1 - Louis-Antoine-Auguste de Rohan-Chabot, né en 1733, qui fit, en 1802, la cession du château de Blain à Monsieur de Janzé; 2 - Louis-Anne de Rohan-Chabot, né en 1735, mort en 1746; 3 - Charles-Rosalie de Rohan-Chabot, né en 1740; 4 - Marie-Charlotte-Silvie, née en 1729, morte en 1807. Louis-Antoine-Auguste avait épousé Elisabeth-Louise de la Rochefoucault et eut pour enfants : 1-Alexandre-Louis-Auguste, né en 1761; 2 - Armand-Juste-Charles, né en 1767, mort assassiné à l'Abbaye en 1792; 3 - Alexandrine-Charlotte-Sophie, née en 1763. Jusqu'au scandale de l'Affaire du Collier de la Reine, dont l'auteur apparte- nait à la branche de Guéméné, les ducs et les duchesse de Rohan vivaient surtout à Paris. Ils fréquentaient la cour de Louis XV puis de Louis XVI. C'est donc dans leur hôtel de la capitale que naquirent leurs enfants. Leurs affaires ou quelque séjour d'agrément motivèrent leur présence au château de Blain. Prével écrit que "Louis-Bretagne-Alain de Rohan-Chabot aimait, plus que ses prédécesseurs, à séjourner dans ses domaines et surtout celui de Blain, auquel il fit faire des améliorations. Il songea même à faire établir la réfonnation du cadastre de cette grande propriété tant foncière que féodale, et obtint pour cela des lettres pa- tentes, le 31 octobre 1730". En 1732, cinq années avant la mort du duc, les religieux bénédictins, Dom Morice et Dom Duval, s'installèrent au château pour compulser l'important char- trier qui occupait plusieurs salles de la tour de l'Horloge. Ils y recueillirent les ren- seignements nécessaires pour composer la généalogie de la Maison de Rohan, et aussi les matériaux pour leur "Histoire de Bretagne". A la mort de son père, le nouveau duc Louis-Marie-Bretagne-Dominique avait 18 ans. Il avait épousé dès l'âge de 15 ans Mademoiselle de Chatillon, Veuf à 42 ans, il perdit ses deux enfants, Louis-Bretagne-Charles de Rohan-Chabot et Gabrielle-Sophie de Rohan-Chabot, peu après leur mère, en 1757. Le duc attendit en vain de sa seconde épouse, Emilie de Crussol d'Uzès, une postérité qui ne lui fut pas accordée. Le duc et la nouvelle duchesse firent plusieurs séjours à Blain. Une lettre de Monsieur Bolle, leur intendant de Paris, lettre datée du 10 décembre 1759, recommande à François Varsavaux, chargé d'affaires au château de Blain, "de faire dans le plus bref délai, une glacière et de la remplir dans le courant de l'hiver, atten- du le voyage que le duc et la duchesse devaient faire en 1760". En juillet 1763, le duc Louis-Marie-Bretagne-Dominique était encore à Blain. Il signait une déclaration fixant le ressort de mouvance et de juridiction des sièges de Blain et de Plessé (domaine de Fresnaye). C'est en 1777 qu'éclata le scandale dit "Affaire du collier de la reine". Le "Prince Louis", cardinal Louis-René-Edouard de Rohan-Guéméné, ambassadeur à Vienne, scandalisa tellement la cour d'Autriche que Louis XVI dut le rappeler en France. Désirant obtenir la faveur de la Reine Marie-Antoinette, il se laissa berner par des fripons qui achetèrent en son nom un collier de diamants estimé un million six cent mille livres. Le bijou devait être offert à la reine qui n'avait pu l'acheter étant donné son prix élevé. Non seulement le collier ne fut pas remis à la reine, mais le cardinal ne put payer le joaillier. L'affaire fut ébruitée et Louis XVI dut le faire arrêter et traduire devant le Parlement. Le prélat fut exilé à l'abbaye de Chaise-Dieu. Dans le même temps, son frère, le vice-amiral Jules-Hercule-Meriadec de Rohan- Guéméné, prince de Montbazon, faisait une faillite retentissante s'élevant à trente trois millions. Ce n'est qu'en 1792 que se termina la liquidation de cette faillite. Dès 1778 le duc et la duchesse revinrent à Blain, attendant la fin de la dis- grâce qui rejaillissait sur toute la Maison de Rohan. Au cours de cette année 1778, le duc et la duchesse furent parrain et marraine de Paul-Emile-Louis-Marie de la Fruglaie, âgé de 12 ans, petit-fils par sa mère du célèbre procureur général Caradeuc de la Chalotais. Le dernier séjour du duc de Rohan à Blain dura plusieurs années. Une sorte de cour se forma autour de sa personne, se renouvelant sans cesse et donnant lieu à des réceptions au château. Le duc et la duchesse accueillaient avec cordialité les petits propriétaires paysans qu'on pourrait nommer des francs-tenanciers, constituant la bourgeoisie paysanne de Blain. On raconte que la duchesse ne dédaignait pas de se rendre per- sonnellement chez eux pour leur témoigner sa sympathie, s'asseyant à leur table. Plus digne, le duc recevait en sa demeure tout paysan qui désirait lui parler. A un brave homme ainsi admis en sa présence et agenouillé devant lui, il dit : "Mon ami, relevez-vous, je ne suis pas le Bon Dieu! " Le duc se concerta avec un des plus savants avocats du barreau de Nantes, Charles Cocaud de la Ville-au-Duc, né à Blain, pour établir une sorte de conseil de prud'hommes réglementé, de sorte qu'aucun procès ne pouvait plus être porté en justice avant d'avoir été soumis par les parties elles-mêmes à ce bureau de con- ciliation. On raconte une anedocte plaisante. Le jour des audiences, tous les conseillers prenaient leur repas à la table ducale. Ce n'était pas un mince honneur. Mais leur lenteur à manger s'accordait mal avec la rapidité du service. Leur assiette leur était souvent enlevée encore pleine, et en définitive, ils sortaient du repas avec la faim. Ils allaient alors subrepticement à la cuisine du château pour faire, en véritables rats des champs, un repas plus substantiel et moins hâté. Le duc Louis-Marie-Bretagne-Dominique et la duchesse résidaient à Nice lorsque la révolution ouvrit une ère tourmentée dont le château devait souffrir. Ils moururent tous les deux à peu de jours près, en 1791, dans cette ville. C'est alors que les enfants du premier lit étant morts et le second mariage n'ayant pas donné d'héritiers, la substitution faite par Louis de Rohan-Chabot eut son exécution en faveur de Louis-Antoine-Auguste de Rohan-Chabot. C'est le dernier Rohan qui possèda la vieille forteresse du connétable, deve- nue maison de plaisance.

Chapitre II

Une FORTERESSE qui DEVIENT DEMEURE de PLAISANCE

En 1629, sur l'ordre de Richelieu, des travaux de démolition avaient com- mencé au château de Blain. Ils furent heureusement arrêtés, mais la vieille forte- resse était devenue un château ouvert. La Duchesse Marguerite de Rohan avait entre- pris non seulement de restaurer le château, mais d'en faire une demeure moderne. Elle avait fait construire, le long de la courtine occidentale sur laquelle était autrefois adossé le logis de la reine, un bâtiment de soixante mètres de longueur sur six mètres de largeur. Cette construction se terminait, à ses deux extrémités, par une petite tourelle. Elle était destinée à recevoir des orangers, d'où son nom d'oran- gerie. On relève dans l'"Histoire de Blain" de Bizeul une phrase qui précise bien l'emplacement de l'orangerie : "le bout méridional du bâtiment de l'orangerie (la tourelle Sud) donnait dans la cour d'entrée actuelle qui conduit dans le parc, vers l'Est". Ce qui restait de l'orangerie fut démoli en 1890. La même duchesse utilisa les déblais provenant de la démolition de la galerie du Petit-Pont, et de la muraille abattue entre la tour du Sud-Ouest et celle de l'Horloge, pour combler les douves méridionales du château, allant de l'extrémité Sud de l'orangerie à la tour de l'Horloge, et de celle-ci à la tour du Sud-Ouest. Ainsi se forma une sorte d'esplanade qui fut aménagée en espace vert, orné d'une soixan- taine d'orangers en caisse que l'on sortait à la belle saison. On nommait cet endroit : terrasse de l'orangerie. Le côté Nord de l'esplanade était bordé par une balustrade en tuffeau, accusant la dénivellation avec la partie située au pied de la façade Sud du Logis du Roi. En même temps qu'on comblait les vieilles douves, on creusait au Sud de cette terrasse un fossé qui n'était qu'un simulacre de douve, séparant la terrasse de la cour d'entrée et allant de la tour du Sud-Ouest à l'extrémité Sud de l'orangerie. La vieille tour du Sud-Ouest, ayant elle aussi subi un commencement de démolition en 1629, fut réparée tant bien que mal, et plutôt mal que bien. La maçonnerie utilisée tranchant sur le petit appareil du XIIe siècle. Ainsi, de la cour d'entrée, le petit chastel se présentait de manière agréable. De la terrasse de l'orangerie où les quatre couleuvrines attestaient le haut rang du seigneur, on pouvait apercevoir, du côté de la tour du moulin réparée mais beaucoup surbaissée, le bourg de Blain pittoresquement perché à flanc de coteau. Pénétrons dans le Grand Chastel. On y accédait toujours par le petit pont séparant les bâtiments qui, de part et d'autre, servaient de cuisine et d'office, bâti- ments construits par Catherine de Parthenay, au début du XVIIIe siècle. Au milieu de la grande cour de près d'un hectare, se trouvait toujours le grand puits. Proche de la tour du Connétable et adossée à la courtine Nord, la chapelle servait à la fois de lieu de culte (après plusieurs "réconciliations" dont nous avons parlé plus haut) et de lieu de repos pour les défunts catholiques de la fa- mille. Elle ne communiquait plus avec la tour du Connétable et la belle tribune n'existait plus. Vers 1778, écrit Bizeul, on avait transformé l'intérieur de l'édifice dans ce goût de l'époque qui était loin d'être un embellissement. On avait élevé un mur de refend séparant l'ancien chœur du vaisseau. On se privait ainsi de la belle lumière orientale qui se jouait dans le grand vitrail du pignon Est. L'ancien chœur semble n'avoir été qu'un dépôt servant sans doute de sacristie. L'ancien autel avait été relégué dans ce réduit et on l'avait remplacé par un autel de marbre bleu "de la mesquinerie la plus complète" (Bizeul). Sur la blancheur blafarde du mur de refend, une croix tenait lieu de rétable. Avant de quitter cette chapelle qui, après la révolution, s'achemina peu à peu vers sa ruine, nous nous permettons une remarque au sujet de la date de 1778. Bizeul n'ajoute aucune référence, de telle sorte que nous pouvons nous demander si ce dépouillement intérieur dont le goût est certes discutable, n'est pas l'œuvre des Rohan calvinistes qui devaient utiliser l'édifice comme lieu de réunion de leur culte. Dans ce cas, il semble que cette transformation remonte à une date antérieure à celle de 1778 indiquée par Bizeul. Faisons maintenant le tour de cette cour du puits. Les grandes écuries occu- paient l'emplacement de la courtine abattue, reliant la tour de l'Horloge à la tour du Sud-Ouest. Elles pouvaient abriter une trentaine de chevaux. De part et d'autre de la tour du Pont-Levis, étaient aménagées deux remises, surmontées de fenils. Selon Bizeul les bâtiments que nous venons de citer dateraient de la fin du XVIIe siècle. Selon le même auteur, au milieu du XVIIIe siècle on construisit une maison à six fenêtres, adossée à la courtine Est et qu'on nommait "le gouvernement". Elle servait d'habitation aux officiers et au personnel du duc de Rohan. La courtine Nord dut être remplacée, soit à la fin du XVIIe siècle, soit dans la première moitié du XVIIIe, par le mur que l'on voit encore aujourd'hui. La courti- ne de l'Est servant de promenade était plantée d'arbustes. La tour du Pont-Levis, endommagée dans son entrée au cours des deux sièges fut réparée et l'on distingue encore parfaitement l'arc ogival qui s'ajuste, vers le milieu de la voûte, avec le plein cintre ouvrant sur la cour. Les deux enceintes restaient entourées de fossés alimentés par la dérivation de l'Isac. Le fossé Sud, partant de la tour du Sud-Est se prolongeait par le fossé nou- vellement creusé devant la terrasse de l'orangerie. Il pouvait aussi être alimenté au moyen d'un aqueduc, par la pièce d'eau du grand jardin, au Sud de la cour d'entrée. Au Nord, on avait aménagé, le long de la douve, une allée bordée de buis qui cons- tituait un lieu de promenade agréable. On pouvait gagner cette allée par une ouverture pratiquée dans la façade Nord du logis du Roi et s'ouvrant sur un petit pont qu'on appelait le "pont-vert", en raison de la couleur de ses garde-fous. Ce pont, à deux piles de maçonnerie avec madriers en bois recouverts de table de schiste ardoisier, fut supprimé vers 1820. Derrière l'allée des buis, subsistait encore une portion de la digue destinée autrefois à diriger vers le moulin les eaux de l'Isac. Après la Révolution, cette digue disparut et sur son emplacement s'étale aujourd'hui une prairie quelque peu marécageuse. La seule partie habitable du château de Blain était, pour la famille ducale, le corps de bâtiment dit "Logis du Roi", la tour de l'Horloge recélant le "chartrier" avec quelques pièces pour l'un ou l'autre officier. Le donjon des Armes était tombé à l'issue des deux sièges. (Un éboulement survenu vers 1860 mit à jour un escalier à vis conduisant de la cour intérieure du Petit Chastel aux différents étages de ce donjon). A l'extrémité occidentale du logis du Roi, la tour du Moulin ayant disparu, on avait construit un mur de refend. Des ouvertures furent percées dans ce mur pour éclairer des "appartements assez mesquins" (Bizeul). Il n'est pas aisé de dénombrer et de décrire exactement toutes les pièces du rez-de-chaussée et du premier étage du logis du Roi. Trop de transformations ont été opérées depuis la Révolution. D'après les documents connus, on peut affirmer que les plus belles pièces étaient la chambre du Roi, au premier étage, et la "grande salle", au rez-de-chaussée, Cette dernière dénomination se trouve dans l'inventaire du 18 mai 1753 et jours suivants, qui porte les signatures de François Varsavaux, avocat au Parlement et demeurant au château, de Pierre Roland sieur de la Guittondais, de Jean Chiron notaire au marquisat de Blain, de Lebourg notaire royal de la sénéchaussée de Nantes à la résidence du Gâvre. Un autre document est la relation d'une évasion d'un prisonnier incarcéré dans les cachots de la tour de l'Horloge. Cet homme étant parvenu à sortir de ce cachot, traversa la cour du petit chastel, put pénétrer dans le "Logis du Roi" et, de la grande pièce du premier étage, qui est nommée "chambre du Roi", descen- dre au moyen d'une corde le long de la muraille de la façade Nord (Bizeul). Le procès-verbal, date du 14 octobre 1619, est signé "Jacques Pineau sieur de Beauregard, licencié en droit, sénéchal de Blain". On y lit notamment : "Le geôlier Jérémie rapporte que le 10 octobre, environ 4 ou 5 heures, il avait reconnu "l'évasion et n'avait pu juger les moyens d'icelle jusqu'à ce qu'il aurait été averti "que par le dehors du petit château il apparaissait une corde attachée à la croisée "de la chambre du Roi qui pendait dans les douves et fossés demeurés à sec, joignant "la muraille du château et qui avait naguère été faite des eaux de la douve, pour "icelles, curées et nettoyées à l'endroit du moulin à eau qui est joignant le château. "Ayant fait appeler le sieur Pierre Henry, concierge, nous a dit que le onzième de "ce présent mois, voulant monter dans la chambre du roi qui est au petit château "Sud, par le petit escalier situé près de l'ancien corps de logis de la reine, il aurait "trouvé la clavure de la porte brouillée par le dedans. Ne pouvant entrer par icelle "porte, il avait été contraint d'entrer par la porte du grand escalier à repos, par "lequel, étant passé dans la grande salle du roi, il serait entré dans la chambre du "roi joignant icelle salle à la croisée de laquelle il regarda vers la grand'pré Sud et "aurait vu une corde faite de chanvre et poils attachée à la grande croisée..." Cet acte nous fait donc savoir que la chambre du Roi était au premier étage et communiquait par le grand escalier avec la salle du Roi au Rez-de-chaussée. Les autres pièces, de dimensions beaucoup plus réduites et plus modestement décorées, ne sont décrites dans aucun autre document, à notre connaissance. Bizeul lui-même, dont le père a connu le château avant la Révolution,en qualité de greffier des Rohan, écrit qu'il ne peut en parler. Nous pourrons en reconnaître quelques unes à la faveur de l'acte de liquida- tion de 1752. Cette liquidation fut nécessitée par l'état de minorité des deux enfants La Tour de l'Horloge (reconstitution d'après les textes)