U.F.R. DE SCIENCES POLITIQUES MASTER 2 PROFESSIONNEL COMMUNICATION POLITIQUE ET SOCIALE

Internet … Nouvel outil de Démocratie ? Étude de cas de l’Égypte

Mémoire rédigé et soutenu par Dina MANDOUR

Sous la direction de Monsieur Dominique CARDON

Octobre 2012

L’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

2 A ma Chère Égypte A ma famille A mes Ami(e)s

3 REMERCIEMENTS

Je souhaiterai adresser un premier merci à Monsieur Dominique CARDON d’avoir accepté d’encadrer et de suivre ce travail de recherche. Je tiens à lui exprimer toute ma gratitude pour sa disponibilité, pour son aide dans la structuration et la validation de mon plan, et pour ses remarques, critiques, orientations et suggestions.

J’adresserai un second merci à Monsieur Jacques GERSTLÉ qui m’a permis de me prolonger dans l’univers de la Communication en m’acceptant dans ce Master. Je tiens également à remercier Campus France qui m’a donné l’opportunité de poursuivre mes études à Paris.

Un grand merci à Mona AMER et Maria ADIB de m’avoir accompagnée étape par étape pour intégrer ce Master.

J’adresserai également un merci à toutes les personnes que j’aime, spécialement ma Mère, ma Grand-Mère, Manal, Oncle Mohamed, Heind, Heba, Yehia, Marina, Karen, Sandra et Nader.

J’adresse également un très chaleureux remerciement à ma très Chère amie Nourane CHERIF, à qui je dois une mention très particulière pour tout ce qu’elle a fait pour moi.

Mes efforts n’auraient sans doute jamais abouti sans les personnes qui m’ont soutenu durant toute cette année. J’adresse une pensée particulière à Nesma MAGDI et Hussein GHALI.

Je suis aussi reconnaissante à l’ensemble de mon entourage qui a eu à me supporter et soutenir lors de la rédaction de ce mémoire. Merci en particulier à Rana EL- GUINDY, Riham EZZAT, Maria WAGDY, Jala EMAD, Nahed ALAA, Nanice KHALED, Mahmoud GALAL, Yehia SHAHINE, Ahmed HABIB, Hady GOUDA, Mootaz ALLAM, Mahmoud SHAFIK, Mohamed GHALY.

Je remercie également le journaliste et militant égyptien Hussein El Ganainy qui a su prendre le temps d’un entretien.

Enfin, je remercie tous ceux non nommés, qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce travail.

- Merci à tous et à toutes -

4 INTERNET … NOUVEL OUTIL DE DÉMOCRATIE ? ETUDE DE CAS DE L’ÉGYPTE

INTRODUCTION

PARTIE I : HISTORIQUE DE L’INTERNET EN ÉGYPTE CHAPITRE 1 : LE DÉVELOPPEMENT DE L’INTERNET ET L’INTERNET POLITIQUE EN ÉGYPTE CHAPITRE 2 : L’INTERNET ET L’APPARITION DES MOUVEMENTS SOCIAUX

PARTIE II : LE PRINTEMPS ARABE, QUELLE PLACE POUR LES RÉSEAUX SOCIAUX ? CHAPITRE 1 : LES RÉSEAUX SOCIAUX ET L’ÉCLATEMENT DE LA RÉVOLUTION DU 25 JANVIER CHAPITRE 2 : LE POUVOIR POSTRÉVOLUTIONNAIRE ET LES RÉSEAUX SOCIAUX

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES

5 INTRODUCTION

« Ils sont en train de changer le monde. Les internautes et blogueurs, adeptes de Facebook, et YouTube, ont déclenché une mobilisation populaire qui s'étend à presque tous les pays arabes ». 1

Vingt ans après les révolutions de velours, la démocratie semble en crise, menacée de trois côtés : des élites assez irresponsables et corrompues ; une certaine apathie et un désintérêt des citoyens vis-à-vis de la politique ; une mondialisation qui impose une domination de l’économique sur le politique. Tenter de renouveler et de revitaliser la démocratie est, donc, un des plus grands défis. 2

2011 et le printemps arabe mettent en avant la question des relations entre l’Internet et la participation citoyenne, la démocratie. Deux comparaisons s’imposent : 3

Vingt ans séparent révolution démocratique et révolution numérique dans le monde postcommuniste alors que le « monde arabe » semble faire cette double expérience en même temps.

Les transitions postcommunistes ont été initiées et guidées par des élites alors que dans certains pays arabes nous parlons de révolution sans élites. Pouvons-nous trouver un rapport entre ce constat, la structure et les usages de l’Internet ?

Un paradoxe concerne surtout les démocraties établies : les jeunes sont parmi les moins actifs en politique, mais parmi les plus actifs dans le virtuel. L’e-participation, l’engagement dans le virtuel réussiront-ils à réconcilier démocratie et jeunesse? 4

L’objet de notre étude est la relation entre « Internet » et « Démocratie », avec comme étude de cas « l’Égypte ». Dans ce cadre, nous allons aborder spécifiquement le rôle politique des réseaux sociaux, c’est à dire leur rôle dans la transition démocratique

1 Rémy Ourdan, « Les révoltes arabes sont-elles des « révolutions 2.0? », disponible sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/02/21/les-revoltes-arabes-sont-elles-des-revolutions-2- 0_1483033_3212. 2 Colloque International : « Médias, Internet, Démocratie », Nouvelle Université Bulgare, Sofia, 23 avril 2012. 3 Ibid. 4 Ibid.

6 que témoigne l’Égypte. Nous avons tenté de répondre à la problématique suivante : Dans quelle mesure le développement de l’Internet et plus précisément les réseaux sociaux comme nouvelle technologie de communication affectera l'évolution de la démocratie en Égypte? En d’autre terme, Internet redonnera t-il une jeunesse à la démocratie égyptienne ?

La question du rôle des médias sociaux dans le printemps arabe est une question autour de laquelle les opinions se controversent. Certains n’ont pas hésité à présenter l’avènement du Web social comme la cause principale du déclenchement des révoltes. D’autres, voyaient au contraire que le web n’avait aucun rôle. 5 Notre hypothèse sera, donc, de prouver que « oui » les réseaux sociaux ont joué un rôle crucial dans le déclenchement de la révolution égyptienne, mais sans eux la révolution aurait, quand même, eu lieu.

C’est, donc, le printemps arabe qui nous a mené à nous interroger sur l'impact des Technologies d’Information et de Communication (TIC) et des réseaux sociaux sur les affrontements politiques, c'est à dire quand se pose la question du pouvoir. 6

En outre, en Égypte, peu sont les ouvrages ou les recherches qui traitent cette question de la relation entre Internet et démocratie, d’où le choix d’aborder ce thème dans ce mémoire.

Les grands médias jouent aujourd’hui un rôle essentiel dans le fonctionnement des systèmes politiques7. Ils se considèrent comme première source d’information politique pour un grand nombre de citoyen. En outre, ce sont les médias qui, soit en insistant et accordant une importance particulière à tel ou tel sujet, soit au contraire en négligeant d’autres, inscrivent sur l’agenda politique certaines questions. De même, les médias sont le moyen le plus puissant et en même temps le moins couteux à travers lequel les responsables politiques peuvent communiquer leur message aux citoyens.

5 David M. Faris, « La révolte en réseau: le printemps arabe et les médias sociaux », Politique étrangère, n° 1/2012. 6 « TIC, réseaux sociaux et pouvoir/1- les réseaux sociaux comme révolution? », 18 avril 2011, disponible sur : http://pisani.blog.lemonde.fr/2011/04/18/tic-reseaux-sociaux-et-pouvoir1-les-reseaux-sociaux-comme- revolution/ 7 Thierry Vedel, « La révolution ne sera plus télévisée, Internet, information et démocratie », Pouvoirs n°119, La démocratie sous contrôle médiatique, novembre 2006 - p.41-54.

7 Mais, malgré le fait que les médias contribuent à élargir l'espace public, ils sont toujours accusés de dégrader la qualité du débat démocratique. Nous pouvons leur adresser trois types de critiques. Premièrement, ils propageraient une vision déformée de la société, par exemple en sous-représentant certains courants d'opinion. En deuxième lieu, ils obligeraient les personnalités politiques à se plier à leur logique de fonctionnement. Cela veut dire que le discours politique serait soumis non seulement au temps court mais aussi à la petite phrase, et par conséquent, la politique, dramatisée et personnalisée, deviendrait un spectacle. Enfin, les médias seraient peu attentifs aux véritables attentes et préoccupations des citoyens. Ils seraient considérés comme de simples consommateurs, passifs et incapables de coproduire l'information politique. 8

Aujourd'hui, l'Internet semble fournir une nouvelle solution. Nombreux sont ceux qui imaginent qu'il pourrait favoriser une vraie communication politique, réellement démocratique. Cette conviction vient du fait que l'Internet est perçu comme un média radicalement différent des moyens de communication existants, et ce en raison de ses caractéristiques techniques qui lui sont particulières. Parmi ces caractéristiques, nous pouvons citer les suivants 9 :

Sa capacité à stocker et à véhiculer à un cout très bas d'immenses quantités de données permettrait d'éviter la sélection de l'information à laquelle sont contraints, faute d'espace ou de temps, les médias traditionnels. Ainsi, chacun, citoyen ou organisation politique, pourrait librement s'exprimer et communiquer au reste du monde ses opinions, analyses, ou visions. Son architecture décentralisée, conduisant à distribuer le stockage des données sur plusieurs ordinateurs et autorisant l’accès au contenu d’un site par une multitude de routes, rendrait vaine toute désir de contrôle des contenus qui circulent sur l’Internet. Enfin, l’Internet est un réseau interactif qui permet aussi bien d’émettre que de recevoir. Non seulement chaque internaute pourrait construire lui-même son information, en cherchant grâce à des moteurs de recherche des sources nouvelles qui correspondent réellement à ses intérêts ou préoccupations. l’Internet serait aussi un prodigieux outil d’échanges entre citoyens et acteurs politiques.

8 Pour des critiques plus récents de ces critiques, voir, par exemple, Rémy Rieffel, Que sont les médias?, Gallimard, 2005, chap. 4. 9 Thierry Vedel, « La révolution ne sera plus télévisée, Internet, information et démocratie », op. cit.

8 Au début des années 1990, Internet est présenté comme une nouvelle agora électronique. Dans le premier livre qui va populariser cette nouvelle technologie, le journaliste Howard Rheingold compare longuement internet à l’espace public Habermassien. Il y voit un dispositif capable de revitaliser la démocratie. 10

Plus de deux milliards d'internautes, plus de cinq milliards de téléphones mobiles. Nous serons bientôt tous connectés. Et pourtant, ces chiffres ne jettent qu'une pâle lumière sur les évolutions en cours. 11

En 2011 l'internet n'est plus un simple outil de communication ou d'achat en ligne. Il sert aux insurgés d'Égypte ou de Tunisie à s'organiser pour descendre dans la rue. Le mobile est en train de dépasser l'ordinateur comme moyen de connexion à l'Internet. Et les réseaux sociaux ont aujourd'hui nettement devancé la pornographie parmi les nombreux usages d'internet, devenant ainsi la première activité en ligne. 12

A la suite de quelques ancêtres remarqués comme Classmates, Friendster et LinkedIn, qui ont été au cœur de l’émergence du Web 2.0 dans la première moitié des années 2000, le succès massifs des réseaux sociaux est finalement arrivé avec MySpace, créé en 2003 et qui comptait 300 millions de membres au début de l’année 2010, et surtout avec Facebook, apparu en 2004, et qui a désormais dépassé son ainé, avec 850 millions de membres en décembre 2011. Facebook était à l’origine le réseau social des étudiants et des diplômés. 13

Aujourd’hui Twitter est passé de 75 à 175 millions d'usagers (plutôt 200 millions, alors que le nombre de tweets envoyés chaque jour augmentait de 250%), LinkedIn de 50 à 100 millions et Facebook de 350 à 640 (plus de 700 en fait). Le plus impressionnant est que Wikipedia, dont on attendait l'essoufflement, est passé de 14 à 17 millions d'articles et de 85.000 à 91.000 contributeurs. Le nombre de personnes accédant à leur compte Facebook depuis un mobile est passé de 65 à 200 millions. 14

10 Patrice Flichy, « Internet, un outil de la démocratie? », La Vie des idées, 14 janvier 2008, disponible sur http://www.laviedesidees.fr/Internet-un-outil-de-la-democratie.html?lang=fr 11 http://www.pearson.fr/livre/?GCOI=27440100916770 12 Ibid. 13 MERCKLE Pierre, Sociologie des réseaux sociaux, La Découverte, Paris, 2011, p. 80. 14 « TIC, réseaux sociaux et pouvoir/1- les réseaux sociaux comme révolution? », op. cit.

9 RoyalPingdom de son côté montre qu'il y a maintenant 29 sites de réseaux sociaux qui, de part le monde, attirent au moins 1 million d'utilisateurs chaque jour. Le recours croissant aux mobiles pour y accéder n'est pas secondaire. Près de 5 milliards d'utilisateurs, un quart ont des Smartphones et la moitié peut recevoir et envoyer des SMS. 15

Les réseaux sociaux jouent un rôle primordial auprès de l'opinion publique, cherchant la mobilisation et prônant l'activisme, comme le relève Éric George, économiste et spécialiste des sciences de l'information et de la communication : « Les services d'Internet peuvent en effet être considérés comme des catalyseurs de l'action collective. Dans certains cas, le rôle d'Internet peut même être structurant. Ainsi, l'investissement humain est considérable dans le cas des actions de traduction, mais sans Internet, il serait sans doute impossible de mener à bien cette opération ». 16

De plus, les réseaux sociaux donneront une impulsion nouvelle aux pratiques démocratiques traditionnelles, soit le droit de débattre et de manifester son opposition en toute liberté, créant pour ainsi dire des espaces de délibérations d'une grande efficacité.17 Voici une liste de quelques manifestations nées des réseaux sociaux : 18

Novembre 2008 - Attentat de Bombay : le réseau social de micro-blogging Twitter réagit à cet attentat et donne des témoignages en temps réels au reste du monde. Les premières images de cet attentat sont postées sur Flicker.

2009 : « Révolution Twitter en Iran ». Le réseau Social Twitter a été utilisé pour coordonner les manifestations contre le gouvernement.

15 Ibid. 16 Eric George, De l'utilisation d'Internet comme outil de mobilisation : les cas d'ATTAC et de SalAMI, Sociologie et sociétés, vol. 32, n° 2, 2000, p. 184 17 Richard Godin, « Réseaux sociaux et nouveaux espaces démocratiques », disponible sur le site de l’Encyclopédie du Patrimoine Culturel de l’Amérique Française : http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article- 449/R%C3%A9seaux_sociaux_et_nouveaux_espaces_d%C3%A9mocratiques.html 18 Clément, « Les différentes fonctionnalités des réseaux sociaux, Résumé du rôle des réseaux sociaux », publié le 3 mai 2011, disponible sur : http://revolutionfacebook.wp.mines-telecom.fr/2011/05/03/le- pouvoir-des-reseaux-sociaux/

10 Janvier 2011 : Manifestation née sur Facebook et Twitter en Belgique. Ce mouvement a été coordonné en quelques jours sur ces deux réseaux sociaux, le nombre de participants s’est plafonné à 25 000.

20 avril 2011 : Obama lance le tout début de sa campagne sur Facebook. En compagnie de Mark Zuckerberg, créateur de Facebook, Barack Obama répond, en direct à la télévision à des questions de la part des employés de Facebook mais également à des questions posées en direct sur le site du réseau social grâce à un chat créé pour l’occasion.

L'internet, la téléphonie mobile et les réseaux sociaux sont de merveilleux outils de communication. Leur utilisation pourrait avoir un double impact sur les changements politiques. Le premier serait une transformation de la politique. Antoní Gutiérrez-Rubí, analyste espagnol, l'explique quand il dit « la popularité, le potentiel et le magnétisme digital du microblogging offrent un mine de voies pour la communication ainsi que pour la politique. Mais pour une autre politique: celle qui met en relation les gens avec les gens et, sur cette base, construit réseaux, alliances, engagements et actions ». 19

Le deuxième impact tient à la question de la prise du pouvoir. Les siècles nous ont appris qu'il fallait le prendre - quelles que soient les moyens - pour pouvoir mettre en œuvre des changements. C’est à dire que n’importe quel candidat essaye, par différents moyens, de mobiliser les électeurs pour prendre le pouvoir. Une fois ce pouvoir est pris, nous pouvons dire que les réseaux sociaux y présentent un risque. Cela est du au fait que puisque les gens peuvent se réunir sans être convoqués, se retrouver en masse sur des thèmes limités, pour un temps limité, alors la question de la prise du pouvoir s'en trouve peut-être bouleversée. Si un nombre suffisant d'individus connectés et de communautés de taille modeste parviennent à se mobiliser quand ils l'entendent pour exiger les transformations dont ils rêvent et dont ils ont besoin, alors il n'est peut-être plus indispensable de gagner les élections pour se faire entendre, d'occuper le palais présidentiel, c'est à dire de prendre le pouvoir et de l'exercer pour obtenir les changements voulus. 20

19 « TIC, réseaux sociaux et pouvoir/1- les réseaux sociaux comme révolution? », op. cit. 20 http://pisani.blog.lemonde.fr/2011/05/11/tic-reseaux-sociaux-et-pouvoir4-la-question-du-pouvoir/

11 Le printemps des pays arabes démontrait l’utilité, non seulement de Facebook, mais des réseaux sociaux comme Twitter ou Youtube dans le succès des mouvements populaires qui ont bousculé les régimes en place. Ces dernières années, de nouveaux outils de communication, d’échanges, de mise en réseau et de mobilisation sont apparues. Par leur richesse et leur flexibilité, ils ont permis à des individus et des communautés de s’emparer et de développer des usages appropriés. Aujourd’hui la question n’est pas celle d’être pour ou contre ces nouveaux outils, parce qu’ils existent et font partie de notre vie quotidienne. Le plus important c’est de les découvrir, de les utiliser en connaissance de cause et d’en garder la maitrise. 21

Le renversement du régime égyptien et les manifestations qui se poursuivent dans d’autres pays arabes témoignent d’une alliance nouvelle entre un mode de contestation ancien et les nouvelles technologies de communication qui ont imprimé leur marque à ces mouvements. 22

Les évènements actuels prouvent que Internet et réseaux sociaux constituent toujours une arme décisive pour faire tomber un régime autoritaire. Cette forme de mobilisation s’inscrit dans la lignée d’une « tradition révolutionnaire » remontant, au moins, à la Révolution Française. Aux XIXe et XXe siècles, d’authentiques insurrections populaires, sans dirigeant ou parti politique identifié, fruits d’une exaspération sociale portée par la faim, le manque de liberté, l’oppression, ont débouché sur des renversements de régimes (avènement de la IIème République en France en 1848, chute du Mur de Berlin en 1989 puis du bloc soviétique…) ou ont échoué, comme ce fut le cas en Hongrie en 1956. Aujourd’hui, à travers les mobilisations des populations des pays arabes, c’est également l’imagerie des moments de liesse populaire ayant accompagné les indépendances qui est réactivée, notamment autour du symbole du drapeau. 23

Or, de nombreux commentateurs des évènements et les manifestants eux-mêmes mettent en exergue aujourd’hui le rôle mobilisateur des réseaux sociaux et d’Internet. Pour beaucoup, Internet a contribué à donner aux mouvements la soudaineté et l’ampleur qui ont surpris le monde entier. Ces insurrections auraient-elles été possibles sans les

21 COLANTONIO Fred, Communication professionnelle en ligne : Comprendre et exploiter les médias et réseaux sociaux, Belgique, Edipro, p. 19. 22 « TIC, réseaux sociaux et pouvoir/1- les réseaux sociaux comme révolution? », op. cit. 23 Institut de la Méditerranée, « Internet, une nouvelle ère pour les révolutions populaires? », disponible sur : http://www.ins-med.org/2011/02/internet-une-nouvelle-ere-pour-les-revolutions-populaires/

12 moyens offerts aujourd’hui par les nouvelles technologies ? Internet est-il en train de révolutionner l’action politique ? À la lecture des évènements récents et en cours dans les pays arabes, il est légitime de se poser la question. 24

Ce qui est certain, c’est qu’Internet et les réseaux sociaux qu’il abrite, sont de formidables vecteur de communication, et donc de mobilisation. Par leur instantanéité et par la diversité de points de vue offerts en image, ces moyens de communication ont permis à la révolte de prendre corps et d’essaimer. Internet permet d’abord un accès quasi instantané à des informations que le pouvoir en place aurait voulu cacher, ce qu’il peut faire avec les médias traditionnels, qu’il contrôle dans des pays où la liberté de la presse est réduite à sa portion congrue. Internet facilite aussi l’organisation des manifestations, permet de communiquer rapidement à l’ensemble de sa « communauté » les lieux et heures de ralliement. La bouche-a-oreille fait ensuite le reste. Sans vouloir surestimer l’impact direct d’Internet au point de déprécier l’abnégation des personnes qui ont conduit à la chute des régimes de Ben Ali et Moubarak, il est indéniable que l’effervescence créée sur la Toile, dans des forums de discussions (où les pseudonymes sont un gage de liberté d’expression) et sur les réseaux sociaux a effectivement réussi à gagner le « non virtuel ». 25

Internet est un outil de communication plus difficile à censurer et à filtrer que les autres supports de médias, facilement contrôlés par le pouvoir. Radio Kalima, interdite par les autorités tunisiennes trois jours après sa création en janvier 2009, a pourtant continué à diffuser ses trois heures de programme quotidiennes en boucle sur son site Internet, et une heure par semaine en direct sur Radio Galère à Marseille. Cette radio, qui dénonçait la corruption, la répression et la torture mises en place par le régime tunisien, et couvrait les difficultés socioéconomiques de la population, a donc subsisté grâce à Internet et ses auditeurs qui contournaient la censure grâce aux proxys par exemple. Les proxys, qui permettent de se connecter en passant par l’étranger, sont l’une des méthodes pour déjouer la censure. Il existe d’autres solutions, plus efficaces, comme le SSHTunneling, un système de cryptage, ou Tor. Ces méthodes ne sont pas infaillibles, puisque l’État égyptien a réussi à couper Internet dans tout le pays pendant cinq jours, après avoir effectué des blocages ponctuels sur Twitter et Facebook. Cela montre qu’aucun système n’est absolument invincible et ne peut échapper à l’emprise d’un

24 Ibid. 25 Ibid.

13 régime autocratique, mais c’est aussi la preuve que les autorités égyptiennes voyaient Internet comme une menace pour le régime et sa coupure comme pouvant arrêter la source d’alimentation de la mobilisation populaire. 26

Au-delà même de la mobilisation interne aux pays du monde arabe, Internet a permis une plus grande visibilité internationale des évènements en cours et des exactions commises sur les habitants, suscitant un grand émoi et une mobilisation au sein des populations, immigrées et non immigrées, qui pèsent sur les décisions de leurs politiques. Internet, indirectement, offre ainsi peut-être à la communauté internationale un nouveau moyen de pression sur les dirigeants pour exiger des changements de régimes. Il participe également à la reconfiguration en cours depuis plusieurs années du paysage médiatique international. 27

Internet joue un vrai rôle dans les manifestations populaires qui sont en cours dans les pays arabes. Pour autant, il ne faut pas surestimer leur importance : les insurrections, nous l’avons vu, n’ont pas attendu l’ère des nouvelles technologies pour exister. Par ailleurs, l’exemple de l’Iran en 2009 a bien montré que l’extraordinaire mobilisation des Iraniens aidée par les réseaux sociaux, et en particulier Twitter, ne conduit pas nécessairement à une réussite et à un changement de régime 28.

26 Ibid. 27 Ibid. 28 http://www.ins-med.org/2011/02/internet-une-nouvelle-ere-pour-les-revolutions-populaires/

14 Cadre théorique

L’Internet est « un réseau informatique mondial constitué d'un ensemble de réseaux nationaux, régionaux et privés. L'ensemble utilise un même protocole de communication : TCP29/IP30, (Transmission Control Protocol/ Internet Protocol). Il propose trois types de services fondamentaux31 »:

Le courrier électronique (e-mail).

Le Web (les pages avec liens et contenus multimédia de ses sites Web).

L'échange de fichiers par FTP (File Transfer Protocol).

Le réseau Internet sert également, et de plus en plus, aux communications téléphoniques et à la transmission de vidéos et d'audio en direct ou streaming. L'ambition d'Internet s'exprime en une phrase : relier entre eux tous les ordinateurs du monde. À l'image du téléphone qui permet de converser avec toute personne dont on connait le numéro, Internet est « un système mondial d'échange de documents électroniques : textes, fichiers, images, sons et séquences audiovisuelles. C'est l'alliance de l'informatique et des télécommunications : la télématique au véritable sens du terme, selon un mot français peu usité »32. Les utilisateurs d'Internet sont désignés par le terme d'internautes, synonyme de cybernaute, de surfer ou de netsurfer. Quant aux informations du réseau, elles sont accessibles à partir de lieux que l'on appelle les sites Internet. 33

Dans son ouvrage, Initiation à l’Internet, Myriam Gris, définit l’Internet comme « la contraction de Interconnected Network qui veut dire interconnexion de réseaux, un réseau représentant un groupe d’ordinateurs reliés en eux. Également appelé le net, c’est un réseau informatique international composé de réseaux de grande et de petite taille. Initialement connue comme un moyen pour le gouvernement et des chercheurs

29 Protocole de transport, TCP prend à sa charge l'ouverture et le contrôle de la liaison entre deux ordinateurs. 30 Protocole d'adressage, IP assure le routage des paquets de données. A voir comme un langage universel permettant à deux machines de communiquer entre elles peu importe leur système d'exploitation. 31 http://www.futura-sciences.com/fr/definition/t/internet-2/d/internet_3983/ 32 http://pmb-soie.univ-lyon1.fr/opac_css/doc_num.php?explnum_id=139 33 Ibid.

15 universitaires dans le but de partager des informations, l’Internet relie maintenant universités, écoles, sociétés, organisations à but non lucratif et les individus »34.

Internet se définit comme « un ensemble de réseaux numériques interactifs, ouverts et interconnectés reliant des ordinateurs, ou plus précisément un réseau reliant plusieurs dizaines de millions d’ordinateurs dans le monde, un réseau de réseaux permettant de relier entre eux plusieurs réseaux informatiques de type de types différents, où l’on y échange du courrier électronique, des fichiers, des informations et des opinions et où l’on y consulte les banques d’informations. C’est en résumé le plus grand réseau informatique de la planète »35.

Nous pouvons aussi définir l’Internet comme « un réseau informatique mondial offrant une variété de services d'information et de communication, composé de réseaux interconnectés utilisant des protocoles de communication standardisés »36.

Dans son ouvrage, Tunisian Girl : Blogueuse pour un printemps arabe, Lina BEN MHENNI37, a définit l’Internet comme « un réseau d’informatique mondial auquel on a accès grâce à un fournisseur. Sont ainsi accessible au public des services aussi variés que le courrier électronique (e-mails ou courriels), les réseaux sociaux. C’est sur cette architecture que repose ce qu’on appelle la Toile. L’accès à Internet peut être obtenu via divers moyens communication électronique : filaire (réseau téléphonique commuté – bas débit -, ADSL fibre optique jusqu’au domicile) ; ou sans file (WiMAX, par satellite, 3G+) » 38.

Quant aux réseaux sociaux, ils se sont apparus sur Internet vers la fin des années 1990, réunissant des personnes via des services d’échanges personnalisés, chacun pouvant

34 GRIS Myriam, Initiation à l’Internet, France, Editions ENI, décembre 2009, p. 8. 35 OUELLET Caroline, Qui fait la loi sur internet ? Censure ou Liberté, Droits et Responsabilités, Canada, Les presses de l’université Laval, 1998, p. 4. 36 http://oxforddictionaries.com/definition/english/Internet : Internet is a global computer network providing a variety of information and communication facilities, consisting of interconnected networks using standardized communication protocols. 37 Lina BEN MHENNI est une blogueuse tunisienne. Elle a reçu à Bonn, le 12 avril, le Prix du Meilleur Blog 2011 lors de la septième édition du grand concours international des blogs, les BOB’s, organisé par la radio-télévision allemande Deutsche Well. Née le 22 mai 1993, elle enseigne à l’Université de Tunis. 38 BEN MHENNI Lina, Tunisian Girl : Blogueuse pour un printemps arabe, Montpellier, Indigène Éditions, septembre 2011, p.32.

16 décider de lire les messages de tel ou tel autre utilisateur. Un réseau social désigne « un ensemble de personnes réunies par un lien social »39.

Un réseau social est aussi « un ensemble d'identités sociales comprenant des individus ou des organisations reliées entre elles par des liens créés lors des interactions sociales. Il est représenté par une structure ou une forme dynamique d'un groupement social. Voici une vidéo de quatre minutes qui explique le concept en détail »40.

Hubert Guillaud41 définit le réseau social comme « un réseau de données sur la vision et la pratique de la vie telles qu’elles sont aujourd’hui »42.

Le terme de réseaux sociaux désigne généralement « l’ensemble des sites internet permettant de se constituer un réseau d’amis ou de connaissances professionnelles et fournissant à leurs membres des outils et interfaces d’interactions, de présentation et de communication »43.

Un réseau social est « une communauté d'individus ou d'organisations en relation directe ou indirecte, rassemblée en fonction de centres d'intérêt communs, par exemple les goûts musicaux, les passions ou encore la vie professionnelle »44.

Un réseau social peut être aussi défini comme « un ensemble d'entités sociales telles que des individus ou des organisations sociales reliées entre elles par des liens créés lors des interactions sociales. Il se représente par une structure ou une forme dynamique d'un groupement social »45.

Dans l’article de l’Encyclopaedia Universalis intitulé « Réseaux sociaux, internet », Danah Boyd et Nicole Ellison, définissent les sites de réseaux sociaux comme « des services Web qui permettent aux individus de construire un profil public ou semi-public

39 http://www.futura-sciences.com/fr/definition/t/informatique-3/d/reseau-social_10255/ 40 http://mediassociaux.eureka.ntic.org/display_lo.php?oai_id=oai%3Aeureka.ntic.org%3A4dd4194e506a12.7 7745155 41 Rédacteur en chef d'Internet Actu et responsable de la veille à la Fing (Fondation Intérêt Nouvelle Génération). 42 Hubert Guillaud, « Facebook, réseau social reflet de notre société », Dossier réalisé le 28 octobre 2011. 43 http://www.definitions-marketing.com/Definition-Reseaux-sociaux 44 http://www.journaldunet.com/diaporama/0610-dicoweb2/3.shtml 45 Anna WNEKOWICZ, Jasmin KHALAF, François-Xavier BOUVIER, Dossier : « La communauté virtuelle « Facebook » », Institut National des langues et Civilisations Orientales (INALCO), Paris, le 26 octobre 2008, p.4, disponible sur http://www.semionet.fr/ressources_enligne/Enseignement/08_09/cilm/projets_etudiants/Cultures_Commun autes/culture_facebook.pdf

17 dans le cadre d'un système délimité, d'articuler une liste d'autres utilisateurs avec lesquels ils partagent des relations et de voir et de croiser leurs listes de relations et celles faites par d'autres à travers la plate-forme ». 46

Dans leur article « Facebook et alii.. », Claudine Chassaniol et Gabriel Giacommotto, professeurs documentalistes, distinguent quatre catégories de réseaux : professionnels (linkedin, viadeo, …), de loisirs (Myspace, flickr,...), de microblogging (Twitter), multifonction (facebook). Les fonctions sont ainsi listées : phatique (maintenir un contact), informative, professionnelle (présenter son CV, ses travaux, …) et ludique (jeux, tests, quizz, recherche d’amis, ennemis, connaissances). 47

Parmi les réseaux sociaux les plus connus, nous pouvons citer Facebook et Twitter. Nous pouvons aussi considérer Youtube comme un réseau social puisqu’il a développé des outils d’interactions entre ses membres.

Facebook, créé en 2004 par Mark Zuckerberg 48 dans sa chambre d’étudiant à Harvard. Les Deux tiers de l’école s’inscrivent en deux semaines49. Facebook est le plus connu parmi tous les réseaux sociaux, mais aussi le plus utilisé à ce jour.

Dans l’ouvrage, « Facebook, on s’y trouve », Éric DELCROIX et Alban MARTIN définissent Facebook comme « un site dit communautaire, permettant de maintenir et de tisser des liens entre individus. Il s’agit d’une boite à outils sociale, en quelque sorte, qui peut servir à la fois personnellement et professionnellement (jouer, se divertir, faire des rencontres, trouver des bons plans) et professionnellement (acheter, vendre, collaborer, organiser des évènements, se former, faire de la publicité) ». Fondé sur la théorie des six degrés de séparation 50 de Frigyes Karinthly et sur celle des réseaux de Dunbar et Mayfield51, Facebook rassemble aujourd’hui plus de soixante-dix millions d’individus,

46 Christophe Dubois, Catherine Chatet, Aude Thepault (CRDP d'Aquitaine), Dossier : « Les réseaux sociaux en CDI », dossier réalisé en aout 2011, disponible sur les site du CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique) : http://www.cndp.fr/savoirscdi/cdi-outil-pedagogique/reflexion/les-reseaux- sociaux-au-cdi.html#c6850 47 http://www.cndp.fr/savoirscdi/cdi-outil-pedagogique/reflexion/les-reseaux-sociaux-au-cdi.html 48 Mark Elliot Zuckerberg, né le 14 mai 1984 à White Plains (New York) est informaticien et chef d’entreprise américain. Il est le fondateur du site internet de réseautage social Facebook, dont il est le président-directeur général. 49 DELCROIX Éric et MARTIN Alban, Facebook, on s’y retrouve, Pearson Éditions, Paris, 2008, p. 5. 50 Les six degrés de séparation est une théorie établie par le hongrois Frigyes Karinthy en 1929 qui évoque la possibilité que toute personne sur le globe peut être reliée à n'importe quelle autre, au travers d'une chaine de relations individuelles comprenant au plus cinq autres maillons. 51 Robin Dunbar est un anthropologue anglais, qui a émis comme hypothèse une limite imposée au nombre d'individus ayant des relations stables au sein d'un groupe. Il a ainsi prédit que 147,8 était la taille moyenne

18 regroupés par établissements, entreprises, lieux d’habitation ou encore centres d’intérêt.52

Dans son ouvrage, « Sams Teach Yourself Facebook in 10 Minutes », Sherry Kinkoph Gunter définit Facebook comme « une communauté en ligne, un endroit où les gens peuvent se rencontrer et d'interagir, échanger des photos, des vidéos et d'autres informations, et plus généralement rester en contact avec amis, famille, collègues, camarades de classe, les amateurs de nombreux autres dans leurs réseaux sociaux »53.

Pour Lina BEN MHENNI, Facebook est « un réseau social sur Internet. L’usage de ce réseau s’étend du simple partage d’informations d’ordre privé (par le biais de photographie, liens, textes, etc.) à la constitution des pages visant à faire connaitre des causes variées »54.

Facebook peut aussi être définit comme « un outil social permettant de connecter les gens, de rester en contact avec des amis, télécharger des photos, partager des liens et des vidéos »55.

Passons ensuite au deuxième réseau social le plus répondu : Twitter. Le site Twitter est « un service de micro-blogging. Cet outil de réseau social permet d'envoyer des messages de 140 caractères maximum à partir de son espace membre. A l'inverse, vous pouvez consulter les messages des personnes que vous suivez. Cet outil de réseau social permet d'améliorer la communication, cela devient en quelque sorte un média social» 56.

d'un groupe d'humains cohérent. Plus tard, ce calcul a été adapté aux réseaux sociaux en ligne, notamment par Ross Mayfield. La théorie a évolué, amenant ainsi à limiter à 150 la taille limite d'un groupe cohérent d'individus, taille en deçà de laquelle il n'est pas nécessaire de développer d'efforts supplémentaires afin d'assurer la cohésion du groupe. Une sorte de limite de retour sur investissement. 52 DELCROIX Éric et MARTIN Alban, Facebook, on s’y retrouve, op. cit. 53 GUNTER Sherry Kinkoph, Sams Teach Yourself Facebook in 10 Minutes, États-Unis, Third Edition, mars 2012, disponible sur : http://books.google.com.eg/books?id=r4dyHghtso8C&printsec=frontcover&dq=facebook&source=bl&ots= 4fBQExycwL&sig=rNwvWfwYwPO7t6agCwXwaQbnxPE&hl=en&sa=X&ei=1WYiULGeEPOW0QWI1I HYDA&ved=0CGMQ6wEwCDgK#v=onepage&q=facebook&f=false 54 BEN MHENNI Lina, Tunisian Girl : Blogueuse pour un printemps arabe, op. cit., p.32. 55 http://www.alexa.com/siteinfo/facebook.com : Facebook is a social utility that connects people, to keep up with friends, upload photos, share links and videos. 56 http://glossaire.infowebmaster.fr/twitter/

19 Twitter est « un outil de réseau social et de microblogage qui permet à l’utilisateur d’envoyer gratuitement des messages brefs, appelés tweets (« gazouillis »), par Internet, par messagerie instantanée ou par SMS »57.

Parler de l’Internet et des réseaux sociaux et leur relation avec la démocratie nécessite également de mentionner le terme blog. Dans l’ouvrage, Les Blogs – Nouveau média pour tous58, Benoit Desavoye commença sa définition par ces mots : « Définir un blog n’est pas simple. La multitude de définitions existantes en est la preuve. L’origine de cette difficulté est que les blogs sont à la fois un outil et un phénomène aux facettes multiples. Que l’on s’attache au fond ou à la forme, et la définition variera rapidement». Pour lui, un blog est « un outil de publication permettant à n’importe quel internaute de mettre en ligne des textes et des images aussi facilement qu’il le ferait avec un logiciel de traitement de texte »59. 60

Le terme Blog est « une abréviation de weblog, qui peut se traduire par « journal sur Internet ». Défini souvent comme un site personnel, il s’agit d’un espace individuel d’expression, créé pour donner la parole à tous les internautes (particuliers, entreprises, artistes, hommes politiques, associations…etc.)»61.

Dans leur ouvrage, Blog Story62, Cyrill Fievet et Emily Turrettini, définissent le blog comme « un nouveau format. Un nouveau terrain d’expression. Une nouvelle forme de communication. Un nouveau média ».

Passons maintenant à la deuxième variable de notre étude : La démocratie. Définir la démocratie est un exercice difficile en raison de l’existence de plusieurs acceptations de ce concept fondamental. La démocratie est un terme politique de l’Antiquité. Elle signifie « le pouvoir (Kratos) par le peuple (démos) »63.

Abraham Lincoln64 a définit la démocratie, en 1863 dans un discours prononcé à

57 http://democratie.exprimetoi.net/t821-twitter-un-outil-de-reseau-social 58 DESAVOYE Benoit, DUCAMP Christophe, DE MAZENOD Xavier, MOISANT Xavier, Les Blogs – Nouveau média pour tous, M21 Éditions, 20 mars 2005, p.18. 59 Ibid. 60 MORAND Jean-Claude, RSS, blogs: un nouvel outil pour le management, Paris, MM2 Éditions 2006, p. 47. 61 http://www.overblog.com/offres-blog/definition-blog.php 62 FIEVET Cyrill, TURRETTINI Emily, Blog story, Eyrolles, 2004, 306 p. 63 KESLASSY Eric, Démocratie et égalité, Rosny : Bréal, 2003, p. 14. 64Abraham Lincoln est le seizième président des États-Unis. Il est premier président républicain dans l’histoire du pays.

20 Pennsylvanie65, comme « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ».66

Le professeur Théodore Holo, pour sa part, définit la démocratie comme « un régime dans lequel le pouvoir est exercé par les citoyens ou est soumis à leur contrôle ».67

Nous pouvons aussi la définir comme « une organisation politique dans laquelle le peuple souverain a la possibilité d’exercer librement ses droits politiques »68.

Puisque notre étude se concentre sur le rôle politique de l’Internet et notamment les réseaux sociaux dans le cas de l’Égypte, donc ceci nécessite aussi de mentionner le terme « transition démocratique ». Puisque c’est ce que témoigne l’Égypte actuellement, et puisque aussi il existe une relation entre la transition démocratique d’un pays et les moyens utilisés pour atteindre l’objectif démocratique69.

La transition démocratique est « le passage des régimes autoritaires vers des formes de pouvoir politique plus démocratiques »70.

C’est aussi « un passage du régime politique monocratique à un régime politique pluraliste ou plus ouvert ».71

Elle est également, selon Salmon Pierre « l'émergence des systèmes politiques fondés sur des nouveaux principes : le pluralisme, l'alternance, l'État de droit ».72

La transition démocratique peut-être aussi définit comme « un processus politique qui permet un passage progressif d'un régime dictatorial à une démocratie. Selon les pays, elle peut prendre des formes très différentes et se dérouler en général sur plusieurs années. S'il s'agit d'une junte militaire, celle-ci peut négocier son immunité avant de céder

65 Jossart BAGALWA MALABI, « Transition démocratique et évolution constitutionnelle en République Démocratique du Congo », Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocratie/Université d'Abomey-Calavi/ République du Bénin - DEA en Droits de l'Homme et Démocratie , Mémoire réalisé en 2003, disponible sur http://www.memoireonline.com/01/06/64/m_transition-democratique-congo0.html 66 http://www.evene.fr/celebre/biographie/abraham-lincoln-151.php?citations 67 Jossart BAGALWA MALABI, « Transition démocratique et évolution constitutionnelle en République Démocratique du Congo », op. cit. 68 KESLASSY Eric, Démocratie et égalité, op. cit. 69 Nathalie COOREN, « Transition démocratique d’un pays : quelques précisions théoriques », Paris, 2005, fiche disponible sur le site de irenees (Site Web des Ressources pour la Paix : http://www.irenees.net/fr/fiches/notions/fiche-notions-177.html 70 DREYFUS Françoise, L'administration dans les processus de transition démocratique, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p.11. 71 Jossart BAGALWA MALABI, Transition démocratique et évolution constitutionnelle en République Démocratique du Congo, op. cit. 72 Ibid.

21 le pouvoir. La phase de transition politique, qui correspond au passage d'un régime à l'autre, s'achève avec l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement et d'une assemblée législative résultant d'une élection libre et disposant d'un pouvoir souverain. Elle est généralement suivie d'une phase de consolidation de la démocratie pour en assurer la stabilité »73.

Dans son ouvrage intitulé « La transition démocratique au Cameroun de 1990 à 2004 »74, Francine Bitee définit la transition démocratique comme « le passage d’un contexte politique qui n’est pas démocratique, ou qui est carrément antidémocratique vers un nouveau contexte où la pratique politique devra dépendre du débat et du suffrage populaire ».

Troisième et dernier concept en relation avec la démocratie et qui peut rentrer dans le cadre de cette étude est celui de la participation politique. Puisque mobilisation, révolution, contestation… etc., tout cela veut dire augmentation de la participation politique.

La participation politique désigne « l'ensemble des activités par lesquelles les citoyens entrent en relation avec le monde du pouvoir, on distingue la participation conventionnelle (participation électorale et activités connexes) et la participation protestataire (ensemble des actions collectives mobilisant des citoyens unis par des revendications communes) »75.

Selon Russell Dalton, la participation politique est « l’ensemble des activités collectives des gouvernés susceptibles de leur donner une influence sur le fonctionnement du système politique »76. 77

La participation politique peut se définir comme “ un acte volontaire visant à influencer des élections ou des prises de décisions politiques. Se prévaloir de son droit de vote, se présenter comme candidat, tenter d'influencer les grandes lignes d'une politique

73 http://www.toupie.org/Dictionnaire/Transition_democratique.htm 74 BITEE Francine, la transition démocratique au Cameroun de 1990 à 2004, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 14. 75 TD préparatoire à la troisième partie du programme de l'option SES : Participation politique et citoyenneté, disponible sur http://www.ac- nice.fr/ses/travail_cooperatif/premop/tdparticip.htm 76 DALTON Russel, Citizen Politics in Western Democracies, Chatam : House Publishers, 1988, pp. 7-8. 77http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2004/01/22participationpolitique/20040122participatio npolitique.pdf

22 ou chercher à obtenir des avantages pour quelqu'un, dans un but très précis sont autant d'exemples de participation politique. Ces actes peuvent même être illégaux”.78

En sciences politiques, la participation politique est « un terme plus général qui recouvre les différents moyens selon lesquels les citoyens peuvent contribuer aux décisions politiques. Pour que la participation en toute connaissance de cause soit possible, un degré de transparence, par exemple la transparence radicale, est nécessaire, mais non suffisante. La participation est recherchée surtout pour les décisions qui affectent en priorité certaines catégories de la population, en particulier dans le domaine de l'urbanisme et des rénovations urbaines ou dans celui de la gestion des ressources (eau, paysage...) et de l'environnement ». 79

Une fois ces définitions précisées, voyons comment se compose l’objet de notre recherche. Nous nous intéresserons à la relation entre l’Internet et la démocratie, et notamment le rôle politique des réseaux sociaux et des blogs dans la transition démocratique que témoigne le monde arabe. Nous avons décidé de limiter notre étude au territoire et à la vie politique égyptienne.

Revue de littérature

Sur cette question de la relation entre Internet et démocratie, mais aussi le rôle politique des réseaux sociaux, il existe une somme importante d’ouvrages et d’articles.

L’ouvrage de Wael Ghoneim, intitulé « Révolution 2.0 »80, nous a servi de grande référence. Cet Ouvrage nous raconte comment une page Facebook devient le lieu de rassemblement inattendu d’un mouvement de protestation naissant.

Dans l’ouvrage de Vincent Geisser et Michael Béchir Ayari, intitulé « Renaissances arabes. 7 questions clés sur des révolutions en marche »81, un chapitre parmi sept est consacré au rôle joué par Facebook dans les révolutions arabes. Cet ouvrage en général

78 www.thecanadianencyclopedia.org 79 Sherry R. Arnstein, A Ladder of Citizen Participation, Journal of the American Institute of Planners, vol. 35, n° 4, juillet 1969, pp. 216 - 224. 80 GHONIM Wael, La Révolution 2.0, STEINKIS, 18 avril 2012, 384 p. 81 GEISSER Vincent, BECHIR AYARI Michael, Renaissances arabes. 7 questions clés sur des révolutions en marche, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2011, 160 p.

23 est conçu en 7 chapitres équilibrés qui correspondent à 7 questions majeures auxquelles les auteurs répondent: « Des révolutions bourgeoises ou populaires ? Des révolutions Facebook ? Des révolutions « vertes orangées » inspirées par les États-Unis ? Coups d’État militaires ou révolutions civiles ? Des révolutions avec ou sans les femmes ? Révolutions démocratiques, révolutions démographiques ? Des révolutions laïques ou religieuses ? ».82

Les auteurs se montrent particulièrement incisifs sur la question du rôle exact des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication et des chaînes satellitaires telles que Al-Jazeera83 dans le déclenchement et le déroulement des révoltes populaires.

L’ouvrage intitulé, « Les régimes arabes dans la tourmente: révolutions, communications et réactions internationales »84, présente un regard à la fois explicatif, critique et interrogateur sur le rôle, effectif ou fictif, joué par les réseaux sociaux dans le déclenchement des printemps arabes. Ceci dans le cadre d’un chapitre intitulé « Les réseaux sociaux à l'heure des révolutions arabes: les enjeux juridiques au cœur de la technologie ».

Dans son ouvrage « Blogs, médiax sociaux et politique » 85, David Réguer propose une étude portant sur l’influence de la blogosphère et des médias sociaux dans le domaine politique. David Réguer, directeur de Réguer Capital Associates (RCA) et intervenant au CELSA (École des hautes études en sciences de l’information et de la communication), propose de nous expliquer à la fois le concept et l’actualité des blogs, des médias sociaux et du web 2.0. Il a pris comme étude de cas la France. 86

Dans l’ouvrage intitulé « Comment le web change le monde: Des internautes aux webacteurs »87, Francis Pisani et Dominique Piotet montrent comment tous les secteurs

82 Haoues Seniguer, « GEISSER Vincent, BECHIR AYARI Michael, Renaissances arabes. 7 questions clés sur des révolutions en marche, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2011, 160 p. », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], disponible sur http://remmm.revues.org/7365 83 Al-Jazeera est une chaîne de télévision qatarie de langue arabe devenue en très peu de temps un média mondial très écouté. 84 HAMDOUNI Saïd, REGOURD Serge, Les régimes arabes dans la tourmente: révolutions, communications et réactions internationales, Paris, Publisud, 2012, 239 p. 85 REGUER David, COUTON-WYPOREK Patrick, LEGRIS-DESPORTES Christiane, Blogs, médias sociaux et politique, les 2encres, 2009, 112 p. 86 http://www.discordance.fr/blogs-medias-sociaux-et-politique-1333-1371 87 PISANI Francis, PIOTET Dominique, Comment le web change le monde: Des internautes aux webacteurs, Paris, 2e éditions, 2011, 336 p.

24 sont peu à peu gagnés par ce mouvement irréversible qu’ils qualifient d’« alchimie des multitudes ». Stimulant, prometteur, le phénomène n’est pas seulement porteur du meilleur. Il est toujours un défi. Prenant en compte les évolutions de l’internet depuis 2008, cette seconde édition est enrichie de nouveaux chapitres sur les réseaux sociaux, la mobilité et le futur mouvant du web. 88

Dans l’ouvrage de Jean-Pierre Filiu intitulé « La Révolution arabe : dix leçons sur le soulèvement démocratique » 89, publié d’abord en anglais aux États-Unis et traduit par l’auteur lui-même, il est sans doute l’un des plus stimulants. J.-P. Filiu essaie de dégager quelques leçons d’un processus qui est loin d’être achevé, car il s’agit bien, selon lui, de « La Révolution » avec un L et un R majuscules. Tout en évoquant le rôle des réseaux sociaux, il n’en surévalue pas l’importance. Ceci dans le quatrième chapitre intitulé « Les réseaux sociaux ne font pas le printemps ». 90

L’ouvrage d’Ahmed Dahmani intitulé, « La démocratie à l'épreuve de la société numérique » 91, nous éclaire sur l’idée que dans son fonctionnement politique, toute société entretient avec l'information et la communication des relations fort complexes. L'émergence des nouvelles technologies de l'information et de la communication influence les processus de construction du politique (représentation, participation, régulation etc...) et dans le même temps, les exigences de la démocratie agissent sur les pratiques et les usages que font les acteurs de ces technologies de l'information. 92

L’ouvrage d’Elsa Forey et Christophe Geslot, titré « Internet, Machines à voter et Démocratie »93, nous éclaire sur le rôle joué par l’internet en politique. La première partie de l’ouvrage est consacrée aux expériences de vote électronique en France, en Belgique et en Suisse. Quant à la deuxième partie, elle est consacrée aux apports d’Internet aux mécanismes de participation directe. 94

88 http://www.pearson.fr/livre/?GCOI=27440100916770 89 FILIU Jean-Pierre, La Révolution arabe : dix leçons sur le soulèvement démocratique, Paris, Fayard, 2011, 264 p. 90 http://politique-etrangere.com/2012/03/06/la-revolution-arabe-en-dix-lecons/ 91 DAHMANI Ahmed, La démocratie à l’épreuve de la société numérique, Paris, Karthala, 2007, 375 p. 92 http://www.karthala.com/1860-la-democratie-a-lepreuve-de-la-societe-numerique-9782845869547.html 93 GESLOT Christophe, Internet, Machines à voter et Démocratie, Paris, L’Harmattan, 2011, 240 p. 94 Ibid., p. 9.

25 Jordane Arlettaz et Olivier Le Bot, dans leur ouvrage intitulé « La démocratie en un clic?: Réflexions autour de la notion d'e-démocratie »95, essayent de répondre à une problématique particulière : Internet ou plus largement, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, sont-elles une chance pour la démocratie ou constituent-elles au contraire un danger?. 96

Il y a aussi l’ouvrage de David Fayon, intitulé « Web 2.0 et au-delà, nouveaux internautes: Du surfeur à l’acteur ». Cet ouvrage a permis d’établir une typologie des réseaux sociaux et d’en déterminer quelques éléments sociologiques. 97

Nous avons consulté l’œuvre de Thierry Crouzet, titré « Le cinquième pouvoir : Comment Internet bouleverse la politique ». Dans cet ouvrage l’auteur nous explique comment une génération dépolitisée car sans liens avec les partis lance des débats sur l'Internet, exprime ses convictions dans des blogs, critiquant les médias. L'auteur montre comment les internautes forment peu à peu un cinquième pouvoir qui est en train de modifier les rapports de force politiques. 98

Nous avons également consulté l’ouvrage de Claude Guibal et Tangi Salaün, intitulé « L’Égypte de Tahrir : Anatomie d’une révolution »99, qui nous raconte les dix-huit jours de la Révolution du 25 janvier. Un chapitre a été consacré au rôle des réseaux sociaux dans cette révolution, sous le nom de « Génération Facebook ».

Dans son ouvrage « Le pharaon renversé : Dix-huit jours qui ont changé l’Égypte »100, Robert Solé nous offre une analyse du rôle joué par les réseaux sociaux dans un chapitre intitulé « Révolution Facebook? ».

L’article de Manrique Manuel, intitulé « Réseaux sociaux et médias d'information »101, nous éclaire sur le rôle important qua joué les nouvelles technologies d’Informations

95 ARLETTAZ Jordane, LE BOT Olivier, La démocratie en un clic ?: Réflexions autour de la notion d'e- démocratie, Paris, L’Harmattan, 2010, 129 p. 96 Ibid., p. 33. 97 FAYON David, KOSCIUSKO-MORIZET & PUJOLLE GUY, Web 2.0 et au-delà : Nouveaux internautes du surfeur à l’acteur, Paris, Economica, Fayard, 2008, 212p. 98 CROUZET Thierry, Le cinquième pouvoir : Comment Internet bouleverse la politique, Paris, Bourin, 2007, 284p. 99 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, Paris, Seuil, mai 2011, 245 p. 100 SOLE Robert, Le pharaon renversé : Dix-huit jours qui ont changé l’Égypte, Éditions des arènes, Paris, 2011, 239 p. 101 Manrique Manuel, « Réseaux sociaux et médias d'information », Confluences Méditerranée, 2011/4 N° 79, p. 81-92. DOI : 10.3917/come.079.0081

26 dans les bouleversements du monde arabe.

L’article de Maria Mercanti-Guerin, intitulé « Facebook, un nouvel outil de campagne : Analyse des réseaux sociaux et marketing politique »102, nous éclaire sur les usages et l’utilité politique des réseaux sociaux, notamment de Facebook.

L’article de Michel Grossetti, intitulé « Communication électronique et réseaux sociaux »103, nous donne une réflexion sur les nouveaux outils de la communication politique en ligne, et notamment sur la nouvelle influence des réseaux sociaux dans les sociétés.

Thomas L. Friedman, dans son article intitulé « Facebook confronté à la politique à l’ancienne »104, pose la question suivante : Qu’est-il arrivé à la « révolution Facebook » ? Ce site qui a facilité la communication entre les gens. L’article nous éclaire sur comment, en Égypte, le CSFA105 et les Frères musulmans se sont rendus comptent de l’importance de ces nouvelles outil de communication.

L’article de Laurent De Saint Périer, titré « Entre feux verts et lignes rouges »106, s’interroge sur l’avenir des médias après le printemps arabes. Il se demande si la scène médiatique va s’évoluer comme la scène politique s’est transformée ?

Nous avons également eu recours à plusieurs vidéos. Nous avons aussi consulté les pages Facebook et les comptes Twitter clés de quelques personnalités. Nous avons assisté à des conférence débats animés par des blogueurs égyptiens et tunisiens, comme la conférence qui a eu lieu à l’Institut du Monde Arabe, intitulé « Quel printemps pour les médias arabes? ».

Nous avons également consulté l’opinion du journaliste et activiste égyptien « Hussein El Ganainy », en réalisant avec lui un entretien107 de 30 minutes, pour savoir sa perception du rôle joué par les réseaux sociaux durant la Révolution du 25 janvier, surtout qu’il est résident en France.

102 Maria Mercanti-Guerin, « Facebook, un nouvel outil de campagne : Analyse des réseaux sociaux et marketing politique », La Revue des Sciences de gestion, n°242, Avril 2010, 15 p. 103 Michel Grossetti, « Communication électronique et réseaux sociaux », Flux, n°29, 1997, pp. 5-13. 104 Thomas L. Friedman, « Facebook confronté à la politique à l’ancienne », The New York Times, 15 juin 2012, p. 2. 105 Le Conseil Suprême des Forces Armées. 106 Laurent De Saint Périer, « Entre feux verts et lignes rouges », Jeune Afrique, n°2682, 3 au 9 juin 2012, pp. 72 – 74. 107 Voir Annexe 1.

27 Il y a en outre beaucoup des sources que nous avons consultées qui traitent des concepts et des théories qui existent autour des notions de la démocratie, l’Internet et les réseaux sociaux.

Le cadre de notre analyse se borne aux derniers évènements qui ont bouleversé la vie politique égyptienne, afin de bien pouvoir répondre à la problématique. Mais, outre la problématique à la quelle ce travail de recherche essaye de répondre, il existe une série de questions qui se posent : Quand est-ce que l’internet s’est développé en Égypte, et quand a commencé son usage politique? Comment l’Internet a contribué à la création et la montée en puissance de quelques mouvements sociaux? Quel était le rôle joué par Internet avant, pendant et après la Révolution du 25 janvier? Afin de répondre à ces questions, nous avons réparti notre étude en deux parties.

La première partie est intitulée « Historique de l’Internet en Égypte ». Cette partie traite l’histoire de l’Internet et l’Internet politique en Égypte. Comment s’est-il développé, et comment et quand son usage s’est intensifié. Cette partie se divise en deux chapitres. Le premier, intitulé « Le développement de l’Internet et l’Internet politique en Égypte », raconte l’histoire de cet outil de communication et son évolution. Le deuxième chapitre, intitulé « L’Internet et l’apparition des mouvements sociaux », illustre le rôle joué par l’Internet dans l’apparition des mouvements sociaux, en appliquant sur le mouvement « 6 avril » et le mouvement « Kifāya ».

La deuxième partie est intitulée « Le printemps arabe, quelle place pour les réseaux sociaux ? ». Cette partie traite l’utilisation des réseaux sociaux en Égypte courant l’année 2011. Que ce soit par le peuple dans l’éclatement de la Révolution du 25 janvier, soit par le pouvoir postrévolutionnaire. Cette partie est divisée en deux chapitres. Le premier intitulé « Les réseaux sociaux et l’éclatement de la révolution du 25 janvier », traite en détail le pouvoir de l’Internet et son rôle dans le déclenchement de la révolution à travers l’utilisation du Facebook, Twitter et les réseaux sociaux. Le deuxième chapitre intitulé « Le pouvoir postrévolutionnaire et les réseaux sociaux » traite l’utilisation des réseaux sociaux soit par le Conseil Suprême des Forces Armées pendant la période de transition, soit par les Frères musulmans108, actuellement au pouvoir.

108 Les Frères musulmans est une organisation panislamiste fondée en 1928 par Hassan El-Banna , à Ismaïlia au nord-est de l'Égypte, avec comme objectif une renaissance islamique, la lutte officiellement non-violente contre l’influence occidentale. Elle a rapidement essaimé ses idées dans les pays à

28 PARTIE I : HISTORIQUE DE L’INTERNET EN ÉGYPTE

Cette partie traite l’histoire de l’Internet et l’Internet politique en Égypte. Comment s’est-il développé, et comment et quand son usage s’est intensifié. Cette partie se divise en deux chapitres. Le premier, intitulé « Le développement de l’Internet et l’Internet politique en Égypte », raconte l’histoire de cet outil de communication et son évolution. Le deuxième chapitre, intitulé « L’Internet et l’apparition des mouvements sociaux », illustre le rôle joué par l’Internet dans l’apparition des mouvements sociaux, en appliquant sur le mouvement « 6 avril » , ainsi que le mouvement « Kifāya », premiers mouvement apparus sur Internet en Egypte.

majorité musulmane du Moyen-Orient, au Soudan et dans une moindre mesure en Afrique du Nord, et a établi des « têtes de pont » jusqu’en Europe.

29 CHAPITRE 1 LE DÉVELOPPEMENT DE L’INTERNET ET L’INTERNET POLITIQUE EN ÉGYPTE

« En Égypte, l’activisme numérique s’est développé depuis le milieu des années 2000, nombre de blogueurs contribuant à dénoncer les abus du régime Moubarak. Un tel phénomène n’a pas pu voir le jour en Tunisie du fait de la censure exercée sur Internet. Toutefois, dans les deux cas, les blogs mais aussi les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter ont joué un rôle important au moment des révolutions de 2011 ». 109

Tout d’abord, il s’agit de mentionner qu’en Égypte, pour parler des médias, il faut les aborder dans trois contextes différents. Premièrement, il y a les médias formels appartenant à l'État, tels que les chaines de télévision, les journaux et les sources d'information des sites Web. Deuxièmement, il y a l'information soi-disant sur l'Internet, tels que les sites des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et les blogs. Troisièmement, il s’agit des informations communiquées dans les mosquées. 110

L’internet est l’outil de communication le plus rapide en terme de développement dans l’histoire humaine. Alors que la radio ait besoin de 30 ans pour atteindre 50 millions utilisateurs, et la télévision 13 ans pour atteindre le même nombre, internet a pu l’atteindre pendant seulement 5 ans.

Pour commencer il est important de citer quelques chiffres pour montrer la place qu’occupent l’Internet et les réseaux sociaux: . Dans le monde arabe, il s’agit d’à peu près 28.5 millions d’internautes, environ 2.5 % du total des internautes dans le monde. En Égypte, selon des statistiques de Mars 2007, il y a 5.5% d’internautes. 111

109 Politique étrangère est une revue trimestrielle de débats et d'analyses sur les grandes questions internationales. Elle est la plus ancienne revue française dans ce domaine. Son premier numéro est paru en 1936, sous l'égide du Centre d'études de politique étrangère. Depuis 1979, elle est publiée par l'Ifri. 110 MENA (Middle East and North Africa), « Le Printemps des réseaux sociaux après la Révolution du 25 janvier », disponible sur : http://www.mubasher.info/portal/case/getDetailsStory.html?goToHomePageParam=true&storyId=2000273 111 Khaldoun Ghassan Saiid, « Tatawor Al-Internet fi Al-Alam Al-Arabi », (Le développement de l’Internet dans le monde arabe, 26 juin 2007, disponible sur : http://www.aawsat.com/details.asp?issueno=10261&article=425305

30 . 20% de la population Égyptienne est connectée à Internet.112

. L’Égypte a le plus grand nombre d’utilisateurs de Facebook à travers le Moyen- Orient et l’Afrique du Nord avec 8,9 millions d’utilisateurs 113 . Ces utilisateurs faisaient souvent parties des catégories les plus éduquées et souvent aisées de la population. Le groupe d’âge avec la plupart des utilisateurs Facebook dans toute la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) sont les gens dans leur vingtaine (30% entre l’âge de 13 à 19 ans, 47% entre l’âge de 20 à 29 ans, 15% entre l’âge de 30 à 39 ans, 5% entre l’âge de 40 à 49 ans et 3% de 51 ans et plus)114. 62,8% des utilisateurs de Facebook sont des hommes115. 116

L'utilisation de l'Internet en Égypte a commencé en 1992, en prolongeant l'infrastructure entre les universités égyptiennes et le Net "bits" par les Français. L'utilisation de l'Internet était limitée à ce moment aux universités égyptiennes et aux Centres d'Information. 117

Connectée au réseau en 1993, l’Égypte a été le premier pays arabe à le commercialiser. Elle a ensuite massivement investi dans le haut débit, espérant en faire un moteur de croissance économique. Des programmes gouvernementaux tels que « a PC for Every Home Initiative » (Initiative pour un ordinateur dans chaque maison), le « Free Internet Model » et la baisse des prix du haut débit ont fait de la communauté d’internautes égyptiens l’une des plus larges en nombre et des plus dynamiques de la région. 118

En 1994, les ministères égyptiens, les organismes gouvernementaux ainsi que les gouvernorats commençaient à utiliser l'Internet.

112 Yoann, « Facebook, est-il le précurseur de la révolution Egyptienne », disponible sur : http://revolutionfacebook.wp.mines-telecom.fr/2011/04/28/facebook-est-t-il-le-precurseur-de-la-revolution- egyptienne/ 113 Voir Annexe 2 : Figure 1. 114 Voir Annexe 2: Figure 3. 115 Voir Annexe 2 : Figure 4. 116 Statistiques sur l’Utilisation de Facebook dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (25 octobre 2011), disponible sur : http://lovop.com/fr/statistiques-sur-lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du- moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/ 117 Le site de l’Organisme Général de l’Information : http://www.sis.gov.eg/Fr/LastPage.aspx?Category_ID=668 118 Johanne Kuebler, « Les révolutions arabes et le web 2.0, Tunisie et Egypte », Revue Averroès, Numéro 4 – 5, Spécial Printemps arabe, p. 8.

31 En 1997, les prestataires de services ont été autorisés à fournir le service pour les citoyens. La même année, 16 entreprises spécialisées ont commencé à fournir le service aux citoyens à travers « Telecom ». Le nombre de fournisseurs privés de services Internet a atteint 68 entreprises. 119

En 2002, le gouvernement a commencé à adopter le projet de l'Internet gratuit, assuré par le ministère des télécommunications. Ce dernier a conclu un partenariat avec les entreprises de fourniture du service afin de fournir le service Internet au prix de l'appel normal avec le partage de cette valeur de 30% à Telecom Egypt et 70% aux sociétés qui fournissent le service.

En 2004, le gouvernement a lancé l'initiative de l'Internet à grande vitesse (ADSL), une initiative à la quelle 7 entreprises ont participé.

Le nombre d'utilisateurs d'Internet en Égypte a atteint 11 414 000 souscrits en 2008120, devenant ainsi l'un des premiers pays arabes utilisant l'Internet.

Le nombre d'entreprises fournissant les services Internet a atteint 220 entreprises réparties en trois niveaux de sociétés. Le premier niveau comprend quatre entreprises qui disposent de l'infrastructure de l'Internet. Les entreprises du second niveau fournissent le service à travers les sociétés d'approvisionnement des entreprises du premier niveau. Alors que les entreprises du troisième niveau fournissent le service à travers les sociétés du premier et du deuxième niveau.

Pour le grand public, ou encore en tant que fait social au sens donné par Durkheim à cette expression, ce que l’on nomme « Internet » existe sous cette forme depuis le début des années 1990. Son essor dans le monde arabe est un peu plus tardif ; nous considérons en général que l’entrée de l’Arabie saoudite sur le Réseaux des réseaux à l’orée du nouveau millénaire est une date qui fait sens pour le développement de cette technique à l’échelle de la région. Internet, qui n’a pas de réelle « profondeur » historique, est de plus incomparablement dynamique puisque le nombre des internautes arabes, en l’espace

119 Le site de l’Organisme Général de l’Information : http://www.sis.gov.eg/Fr/LastPage.aspx?Category_ID=668 120 http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/nombre-internautes-monde.shtml

32 d’une décennie, a vu une croissance de 300 %121, pour atteindre 19 % de l’ensemble des populations. 122

L’Égypte est loin d’occuper la première place parmi les pays utilisateurs d’Internet avec une moyenne de 16 % d’utilisateurs par rapport au total de la population. Alors que c’est les Émirats qui occupent cette première place avec plus de 60 % d’internautes.

Cependant, de point de vue la situation générale du pays, nous remarquons que les politiques volontaristes menées dans ce domaine par l’Égypte – premier État arabe par exemple à créer, en 1999, un ministère de l’Information et des Technologies de l’information – ne l’ont pas été totalement en vain. Et surtout, compte-tenu de son poids démographique l’Égypte constitue, en données brutes, la population la plus importante (près d’un demi-million d’internautes, moins que leur total aux Émirats mais où figure cependant une très forte proportion d’utilisateurs non nationaux, posant, à nouveau, la question des « frontières » d’internet). 123

En fait, pour raconter la courte histoire de l’Internet en Égypte, nous pouvons dire qu’il s’agit de plusieurs périodes. La première est celle du Web public, ouverte au début des années 1990 au sein des pays industrialisés. Ce Web public a donné lieu à d’autres usages plus interactifs de la Toile vers la fin des années 1990.

Sur le plan empirique, le Web était inconnu jusqu’à la fin des années 1990. Mais il a connu à partir de l’année 2005, en tant que phénomène interactif et participatif, une croissance exponentielle dans la région. Malgré les données limitées pour préciser l’ampleur du phénomène, les experts de la société Google estimaient que vers le milieu de l’année 2008, il y avait près d’un demi-million de blogs arabes, dont 40 % sont égyptiens. Et malgré le fait que la population internaute égyptienne ne représente que 20 % du total des internautes arabes, nous pouvons dire que la blogosphère égyptienne est particulièrement active.

121 Khalaf Aly Khalaf, « Fajwat al-nashr al-ilaktrûnî al-arabi lâ tardumu-hâ al-arqâm al-maghlûta » [La trou de la publication électronique arabe ne sera pas comblé par des chiffres inexacts], Elaph, 10 décembre 2009. 122 Yves Gonzalez-Quijano, « Internet en Égypte : une redéfinition du champ politique ? », 23 février 2011, disponible sur : http://cpa.hypotheses.org/2533 123 Ibid.

33 Selon les statistiques, 80 % des blogs considérés sont mis en ligne depuis l’Égypte, principalement depuis les grandes villes du pays, dont 17 % sont de nature politique124.

Quant à l’usage de l’Internet dans l’espace politique arabe et en particulier égyptien, nous pouvons dire que cette question elle même attirait l’attention des chercheurs depuis quelques années.

En quelques mois, les blogueurs, grâce à l’Internet, ont réussi à contourner les censures étatiques et bousculer les pouvoirs en place. Il s’agit donc, de raconter l’histoire de la blogosphère égyptienne. Dans ce cadre, il est à noter que pour comprendre un phénomène social et évaluer son influence, c’est essentiel de le quantifier.

L’Arab Network for Human Rights Information, membre de l’International Freedom of Expression exchange a estimé le nombre total dans la région arabe à 600 000 dont 25% seraient actifs. L’Égypte abriterait le tiers des blogs, suivie par l’Arabie Saoudite, le Koweït, et le Maroc. 125

Berkman Center for Internet and Society de l’université d’Harvard126 a réalisé en 2009, une étude intéressante de la blogosphère arabe. Une sélection de 4 370 les plus actifs a été faite, pour comprendre les centres d’intérêts et les préoccupations des blogueurs. Leur étude a démontré que les bloggeurs égyptiens sont les plus actifs sur le niveau politique : ils discutent pas de politique, mais ils ont un engagement politique préexistant envers les mouvements constitués. Dans ce cadre, nous pouvons distinguer plusieurs sous-réseaux d’intérêt. Il y a le sous-réseau des « réformistes laïcs », qui rassemble beaucoup de sympathisants du mouvement Kifāya 127 qui sont très actif

124 Ibid. 125 GUAAYBESS Tourya, Les médias arabes : Confluences médiatiques et dynamiques sociales, Paris, CNRS Editions, p. 180. 126 B. Elting, J. Kellt, R. Faris, et J. Palfrey, Mapping the Arabic Blogosphere : Politics, Culture, and Dissent, Berkman Research Center Publication n° 2009-06, juin 2009. 127 Kifāya est un mouvement d'opposition au gouvernement de Hosni Moubarak. Il est nommé également « Mouvement égyptien pour le changement ». Le terme Kifaya signifie « ça suffit ! ». Ce groupement politique a été créé en juillet 2004 au Caire, sans statut légal de parti (seuls quatre partis sont autorisés par le gouvernement en Égypte), par le rassemblement de militants de diverses tendances laïques, estudiantines ou ouvrières, parfois d'anciens activistes des années 1970 ou même de nassériens, transcendant les clivages politiques. Ils sont opposés au régime de Moubarak et à son pro-américanisme, supposé ou réel. Kifāya s'est fait connaitre du grand public lors d'une manifestation dans les rues de la capitale le 12 décembre 2004, appelant à une large réforme démocratique du système politique égyptien. D'autres défilés ont suivi. Le 27 avril 2005, quinze villes ont vu des marches de protestation se mettre en route sous la houlette de Kifāya. Celui du 12 décembre 2006 était considéré par ses organisateurs comme le deuxième anniversaire de Kifāya. Nous allons raconter en détail l’histoire de ce mouvement dans le deuxième chapitre de cette partie.

34 politiquement. Le deuxième est celui des « jeunes Égyptiens ». Ce réseau n’est pas politiquement politisé, il s’intéresse aux questions du droit et du statut des femmes. Mais cela ne l’empêche pas de s’intéresser à quelques questions politiques notamment le soutien à la Palestine. Le dernier groupe est celui des Frères musulmans, assez actifs sur la toile128. Ce sous réseau est constitué majoritairement d’hommes (70%). La proportion des bloggeurs préoccupés par la question des droits de l’homme est relativement la plus élevée dans ce sous-réseau129.

En général, les blogueurs arabes ont commencé à apparaitre sur le web vers la fin des années 1990, début des années 2000. En Égypte, c’était en 2002, lorsque l’État a encouragé l’usage de l’Internet. Et ce en lançant le programme « Egypt Information Society Initiative », dans le but de promouvoir et aider les entreprises locales des technologies de l’information, mais aussi démocratiser l’accès à l’Internet. De cette manière, l’Égypte s’est inscrite dans la société de l’information à travers des projets concernant l’e-connaissance, l’e-santé, l’e-business et l’e-gouvernement. Ensuite, l’option de l’Internet gratuit s’est proposée.

Dans le développement de la blogosphère en Égypte, nous pouvons distinguer trois phases. La première est celle de l’expérimentation, entre 2003 et 2005. C’est la phase qui correspond à l’apparition des blogs en réaction à l’invasion de l’Irak. C’est à cette époque que le blogueur égyptien Wael Abbas130 a commencé son activité, en tenant compte de la répression du mouvement Kifāya. Les blogs étaient très peu nombreux, mais grâce à eux, le mouvement Kifāya a commencé à attirer l’attention, et ce, malgré le fait que la presse officielle l’ignorait.

Wael Abbas, parrain de la jeunesse Facebook, a créé son site Internet en 2007. Sur ce site, Wael était le premier à la ligne rouge en diffusant une vidéo de torture à l’encontre du chauffeur du taxi Emad El-Kebir. Ce scandale oblige l’État à faire un exemple en arrêtant les officiers qui étaient identifiés dans cette vidéo. En plus, Alaa a diffusé des films enregistrés au téléphone portable, de violences contre des manifestants et des journalistes, et d’autres commises par le pouvoir sous les yeux de la police. Il a utilisé ce

128 GUAAYBESS Tourya, Les médias arabes : Confluences médiatiques et dynamiques sociales, op. cit., p. 184. 129 Ibid., pp 184 - 185. 130 est un journaliste blogueur et activiste défendeur des Droits de la femme en Egypte. Il est diplômé de l’Université d’Ain Shams – Faculté des Arts – Département de langue et littérature anglaises.

35 site pour collecter toutes les photos, les documents ou n’importe quelles autres preuves des abus du régime. Par conséquence, il a perdu son travail et a été arrêté régulièrement. Son site été très populaire enregistrant jusqu’à des centaines de visites par jour. Human Rights Watch lui remet un prix pour son courage. 131

Pendant cette époque, ces blogs, s’exprimaient sur des sujets personnels. Quand même, en le faisant, ils allaient contre l’État. Ces blogs se sont multipliés pour atteindre quelques centaines en 2005, et dépasser le millier en 2006. Plusieurs facteurs internes et externes ont commencé à nourrir l’activisme politique. Ce sont ces facteurs unis qui ont renforcé l’activisme politique sur Internet au milieu des années 2000.

Donc, en 2005, la blogosphère égyptienne était un espace relativement élitiste, assez petit pour que tous se connaissent personnellement. Par la suite, un grand nombre de ces blogueurs de la première heure sont restés les piliers de la blogosphère, et leurs blogs, sont devenus une référence pour les nouveaux arrivants. Ils ont depuis été rejoints par des milliers de blogs, couvrant tous les sujets imaginables, allant de la mode à la technologie et de l'art à la politique. Les manifestations échouent toutefois à engager une partie importante de la population, notamment à cause de l'appartenance à l'élite (du moins au niveau de l’éducation) des organisateurs, elles sont par exemple incomparables aux émeutes du pain qui ont fait trembler le régime de Sadate en janvier 1977. En dépit de cette incapacité à attirer les foules, leur médiatisation par les médias privés en 2005 a rendu impossible pour le régime et le grand public de les ignorer. 132

L’Internet a facilité la réunion de plusieurs manifestants en 2005, en réaction au projet d’amendement constitutionnel mais aussi l’indépendance de la justice. En réaction, plusieurs blogueurs ont été arrêtés, et c’est à partir de ce moment que les organisations des droits de l’homme comme Human Rights Watch, Amnesty International et Reporters sans frontières, ont commencé à leur accorder une attention. Les blogs se sont vus reconnaitre le statut d’un espace d’expression menacé par l’État. 133

Alaa Abdel Fatah134, l’un des pionniers de la génération blogueurs, devient dès la fin

131 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, op. cit., pp. 67 – 68. 132 http://revueaverroes.com/category/numero-4-5-082011/les-revolutions-arabes-et-le-web-2-0-tunisie-et- egypte/ 133 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, op. cit., p. 193. 134 Alaa Abd El-Fattah est un blogueur égyptien, développeur de logiciels, et un activiste politique. Il a grandi dans une famille de militants, et l'activisme a été un sujet constant de discussion dans son enfance.

36 des années 1990 un des pionniers du web en Égypte. Il crée un site : manalaa.net, rédigé en arabe et en anglais, véritable vade-mecum pour internaute en puissance. Récompensé en 2005 par Reporters sans Frontières, ce site est une pierre fondatrice de la blogosphère égyptienne : cumulant agrégateur de blogs, hébergement gratuit, ou cryptages pour discussions privées, il s’impose dès lors comme un outil essentiel pour cette génération un peu perdue, étouffé par la présence écrasante des anciens hérauts de la geste nassérienne, accrochés bec et oncle à leur statut quasi exclusif d’ « intellectuels arabes ».135

En 2005, à l’approche des élections législatives, manalaa.net mute et devient un point de ralliement, une vraie plateforme politique. Alaa y appelle les blogueurs à compiler les listes électorales pour en faciliter l’accès aux jeunes désireux de voter, puis organise un calendrier des manifestations, proposant bannières, slogans et stratégies pour sortir l’opposition égyptienne de sa redoutable inefficacité. Un outil de pointe technologique à l’impertinence ravageuse : sur son site, Alaa pose majeur dressés, en direction d’un portrait d’Hosni Moubarak. Humour potache, mais provocation suicidaire en bord du Nil. 136

Passons maintenant à la deuxième phase, qui est celle de l’activisme. En 2006, nous remarquons une montée en puissance. Pendant les festivités du Eid El-Fitr137 marquant la fin du Ramadan138, plusieurs femmes ont été agressées sans que la police intervienne. Un groupe de blogueurs a filmé ce qui s’est passé, ont pris des photos et l’ont publiés ensuite sur leurs blogs. Ce qui a contribué plus tard à la couverture médiatique de l’affaire dans les grands médias. Par conséquent, Al-Dostour 139 avait créé son blog en 2005 afin d’attirer ses lecteurs sur l’Internet et les blogueurs. Courant la année, Al-Jazeera avait publié un reportage intitulé « Bloggers, opposition and a new voice » pour attirer l’attention du grand public sur les blogueurs.

La troisième et dernière phase est la phase de diversification et de segmentation.

135 Ibid., p. 66. 136 Ibid., pp. 66 - 67. 137 Eid El-Fitr est la fête musulmane marquant la rupture du jeûne du mois de Ramadan. Elle est aussi parfois appelée Aïd es-Seghir1 la petite fête par opposition à l'Eid El-Kebir, la grande fête. 138 Ramadan est le neuvième mois du calendrier musulman, marqué par le jeûne, qui constitue l'un des cinq piliers de l'islam. 139 Le mot Dostour veut dire en arabe « la Constitution ». Al-Dostour, fondée en Décembre 1995, est un journal d'opposition égyptien indépendant publié en arabe. Il a commencé comme un journal hebdomadaire qui apparait tous les mercredis, et plus tard il est devenu à la fois quotidienne et hebdomadaire.

37 Nous pouvons également l’appeler la phase de « démocratisation » du blogging. Il s’agit dans cette phase d’une croissance exceptionnelle du nombre des blogs qui a atteint une centaine des milliers vers la fin de la décennie 2000 – 2010. Il est à noter que sur le niveau infranational, le réseau des Frères musulmans est le plus identifiable. Ils font partie des premières formations politiques à utiliser Internet et notamment les blogs comme outil de militantisme (Ce que nous allons aborder d’une manière approfondie dans le deuxième chapitre de la deuxième partie). En réalité, cette phase est une phase de mutation durant laquelle Internet a commencé à prendre sa place dans le « media-mix ». 140

Nous pouvons dire que l’année 2008 constitue une nouvelle phase pour les activistes. Elle représente également une répression gouvernementale accrue. Dans ce cadre, il s’agit de parler du mouvement des Jeunes du 6 avril. Le mouvement du 6 avril est constitué via Internet, à travers les blogs, mais aussi à travers les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter. Ce groupe revendique 70 000 membres sur Facebook, et son acte fondateur est l’appel à une grève générale pour le 6 avril 2008141.

Nous pouvons donner aussi l’exemple du parti Al-Ghad142 qui fait partie des parties qui se sont tournés vers la toile, suivi ensuite par les Frères musulmans. Ces partis se tournent vers les blogs ou les réseaux sociaux pour poursuivre leurs activités. Les blogueurs sont restés actifs, et par conséquent les réseaux sociaux ont grandi malgré la répression exercée par l’État.

L’internet à un certain moment est devenu un passage obligé. Ceci est dû au fait que plus de la moitié de la population ayant moins de 25 ans, est moins consommatrice de la presse écrite, et se précipite vers l’Internet. C’est l’Internet qui a permis à cette population de comparer sa qualité de vie.

Ensuite vient l’année 2011, où personne ne peut imaginer que l’Internet serait l’outil de communication qui va mettre terme au régime Moubarak, grâce à l’appel lancé sur Facebook pour manifester.

140 GUAAYBESS Tourya, Les médias arabes : Confluences médiatiques et dynamiques sociales, op. cit., p. 195. 141 Ibid., p. 196. 142 Al-Ghad, qui est un part qui veut dire « Parti de demain », est fondé officiellement en octobre 2004. C’est un parti politique égyptien reconnu légalement au bout d'une longue bataille au cours de laquelle son dossier a été rejeté trois fois par les autorités. Il est de nature centriste, libéral et non-religieux.

38 Dans ce cadre, nous pouvons dire que c’est le régime lui même qui a donné le bâton pour se faire battre 143. C’est l’ancien Premier ministre, 144 , qui était à l’origine du développement de l’Internet dès sa nomination en 2004 à la tête du gouvernement; c’est grâce à lui que l’Égypte était l’un des pays qui comptent le plus de blogs politiques au monde. Avant Twitter et Facebook, à l’aube des années 2000, à l’heure où l’Europe découvrait la toile avec des lenteurs de débutante, eux ont levé le drapeau de la révolution numérique. Longtemps restée au point mort de son développement technologique, l’Égypte a su amorcer très vite son entrée dans l’ère des nouvelles technologies de l’Information. Une prouesse à mettre au crédit d’Ahmed Nazif, décidé à mettre le paquet pour faire de son pays un des leaders mondiaux de l’outsourcing, la délocalisation par les entreprises de certains de leurs services, après- vente par exemple, dans des pays où les salaires sont moins élevés. En quelques années, Internet connaît une progression fulgurante. En 2009, selon l’Union Internationale des télécommunications, l’Égypte compte près de 20% d’internautes réguliers ? A elle seule, elle recense presque un quart des blogs du monde arabe, et une bonne partie ne se concentre que sur une chose : la politique. 145

Passons maintenant donc à une question importante, celle de l’histoire du Web politique égyptien? Dans ce cadre, nous pouvons dire que dans un pays comme l’Égypte la télévision et les journaux locaux peuvent s’exprimer librement tout en respectant certaines « limites ». Cette censure amène donc la population à chercher l’information ailleurs. Internet devient donc très prisé, en effet aucun moyen de censure n’est efficace sur la toile. L’information y est donc plus fiable et de nombreux points de vues non censurés y sont exposés. Ceci a donc pour conséquence de multiplier les commentaires sur les blogs. 146

Un réseau social permet de communiquer, apprendre et se sentir membre d’une communauté. Il permet donc de s’exprimer et de rassembler les gens sur des idéologies et

143 ADBEL SALAM Shahinaz, Egypte, les débuts de la liberté, France, Michel Lafon, octobre 2011, p. 111. 144 Ahmed Nazif né le 8 juillet 1952 à Alexandrie est un homme politique égyptien, ancien membre du Parti national démocratique. Il fut Premier ministre du 14 juillet 2004 au 29 janvier 2011. Il est professeur à l’Information Technology Institute. Suite à la Révolution du 25 janvier 2011, il est arrêté le 10 avril pour gaspillage de fonds publics. La Haute cour administrative du Caire le condamne le 28 mai à une première amende de 40 millions de livres égyptiennes (environ 4,7 millions d'euros), pour avoir donné son accord à la coupure d'Internet et des réseaux de téléphonie mobile à partir du 28 janvier et pendant sept jours consécutifs. 145 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, op. cit., p. 65. 146 Yoann, « Facebook, est-il le précurseur de la révolution Egyptienne », op. cit.

39 des points de vue communs. La création de page Facebook permet au gens d’exprimer leurs points de vues sur n’importe quel sujet avec la possibilité de s’exprimer sur le forum quand la personne est devenu fan. Facebook facilite donc l’organisation des manifestations. En effet il devient très simple de réunir des personnes sans même les connaitre auparavant. La seule chose qui les réunit est la page Facebook auquel ils ont adhérés. 147

En Égypte, comme nous l’avons déjà mentionné, il s’agit d’un homme devenu une icône de la contestation sur l’internet arabe. Né en 1975, Wael Abbas, journaliste, fait partie des premiers activistes de la blogosphère arabe lorsqu’il s’investit de plus en plus, à partir de l’année 2004, dans une activité éditoriale en ligne. Au départ, celle-ci n’est pas vraiment militante, mais elle le devient toujours davantage lorsque que le jeune internaute se rend compte que l’instrument qu’il utilise peut éventuellement dépasser le simple cadre d’un chat pour aborder des sujets importants. 148

Ce qui n’était au départ qu’une liste de diffusion auprès d’un petit nombre d’abonnés va rapidement se transformer en l’un des plus célèbres blogs de la région, capable en particulier de diffuser des informations souvent laissées de côté par la presse locale. Wael Abbas se fait ainsi l’écho d’évènements politiques, au sens strict du terme – la répression subie par le mouvement Kifāya (ça suffit!) lors des élections présidentielles de 2005 par exemple, un de ses premiers « faits d’armes » – mais également de phénomènes à caractère davantage social, tels les « émeutes sexuelles» dans les rues de la capitale cairote à la fin de ramadan de l’année 2006.149

Donc, Wael Abbas représente la première période dans l’histoire du web politique. La période entre 2000 et 2005 où les blogueurs commençaient à profiter de l’ouverture offerte par les nouvelles techniques de médiatisation.

Nous pouvons aussi citer l’exemple de Manal et Alaa Abdel-Fattah qui tiennent une sorte de chronique de la vie politique locale 150 . Alaa, dont la soeur (@monasosh) est l’un des membres fondateurs du groupe « Non aux procès militaires contre les groupes de citoyens ». Il est un membre très actif de la scène des blogueurs

147 Ibid. 148 http://cpa.hypotheses.org/2533 149 Yves Gonzalez-Quijano, « Internet en Égypte : une redéfinition du champ politique ? », op. cit. 150 Ibid.

40 égyptiens depuis 2004, lorsqu’il a lancé avec son épouse Manal Hassan (@manal) le blog et agrégateur primé « Manal and Alaa’s Bit Bucket ». Les deux blogueurs avaient déployé une intense activité en ligne et hors ligne en luttant contre l’ancien régime en Égypte et en contribuant à porter à la connaissance des médias traditionnels les affaires de corruption et de brutalités policières. Alaa avait déjà été détenu pendant 45 jours en 2006. De nombreux observateurs pensent que la mise en détention d’Alaa constitue un avertissement en direction des autres blogueurs et activistes, et un pas de plus dans la série de violations de la liberté d’expression par le Conseil Supérieur des Forces Armées (CSAF) en Égypte.151

Wael Abbas, Manal et Alaa Abdel Fattah, et d’autres ont contribué à un changement médiatique, notamment sur la presse en ligne mais sans se limiter à ce domaine. Dans ce cadre, nous pouvons dire que la blogosphère n’est pas replié sur lui-même, mais au contraire, nous remarquons des interactions avec la presse traditionnelle, écrite ou audiovisuelle. Nous ne pouvons pas négliger que le développement de l’information en ligne contribue à un puissant renouvellement générationnel de l’information arabe. 152

De ce qui précède, la période entre 2003 et 2005 représente ainsi l’espace public dont internet constitue une dimension à part entière. Nous avons vu dans cette période la création du premier site égyptien appartenant à une force politique, qui est celui du mouvement Kifāya, et cela dès l’automne de l’année 2004. Deux ans plus tard, L’Internet apparait comme relai des mouvements d’opposition, notamment lors de l’important mouvement de protestation des juges égyptiens durant l’année 2006. Année qui voit également la première véritable riposte des autorités locales. Cette riposte prend la forme de la répression avec l’emprisonnement en novembre 2006, une première dans l’histoire du pays, d’un acteur de l’internet local, Karim Amer, auteur sur son blog de commentaires jugés offensants pour l’islam. 153

La deuxième période dans l’histoire du web politique égyptien est celle entre 2007 et 2009. Nous pouvons l’appeler la période de diversification de la blogosphère et montée de la répression

151 http://egyptesolidarite.wordpress.com/2011/11/05/alaa-abdel-fattah-blogueur-egyptien-emprisonne-pour- refus-dinterrogatoire-par-un-procureur-militaire/ 152 Ibid. 153 Yves Gonzalez-Quijano, « Internet en Égypte : une redéfinition du champ politique ? », op. cit.

41 Après son émergence dans l’espace public local, l’Internet égyptien ne cesse de prendre de plus en plus la place sur la scène politique. Au début de l’année 2007, nous assistons à une diversification manifeste des acteurs. Outre l’opposition laïque, nous trouvons parmi les acteurs qui se font connaitre à cette époque sur le Net ce que nous pouvons appeler l’opposition religieuse.

Il s’agit dans ce cadre de l’organisation des Frères musulmans devenant de plus en plus active sur la Toile, une étape qui fait naitre un nombre de débats. Ces débats ne tournent pas autour de la licéité des modes de communication électronique, mais il s’agit plutôt de divergences entre, d’un côté, les plus jeunes des membres, en faveur de ce déplacement de l’action politique, et, de l’autre, les cadres inquiets de voir les choses échapper à leur contrôle.

A partir du milieu de l’année 2007, nous observons l’activité de ce nouveau type d’internautes dans la blogosphère politique locale sur You Tube, où les documents illustrant les thèses de l’islam politique se comptent par centaines.

Passons ensuite à l’année 2008 considérée comme celle de toutes les victoires pour les milieux activistes de l’Internet égyptien. De fait, des milliers d’internautes ont afflué vers cet espace: en 2008, le nombre de blogs en Égypte était estimé à 160 000.

Ces premiers efforts d’organisation des blogueurs se sont avérés essentiels lorsque de nouveaux outils sont arrivés à la disposition de la communauté activiste. Fin 2007, alors que les Égyptiens commençaient à affluer en masse vers Facebook, nous étions encore loin d’imaginer que ce réseau deviendrait la plateforme privilégiée pour l’organisation de rassemblements populaires. En mars 2008, d’anciens membres de la branche jeunesse de Kifāya ont ouvert un groupe Facebook pour organiser un mouvement de solidarité envers les ouvriers du textile de la ville d’El-Mahalla dans le delta du Nil. Un appel à la grève générale est lancé sur internet pour le 6 avril, en utilisant une nouvelle donnée technique: les « listes d’amis » du système de réseautage social offert par Facebook. 154

Le 6 avril, des grèves et des manifestations ont ainsi eu lieu. Cette date marque un tournant. D’un phénomène mené et exécuté uniquement par des blogueurs, la contestation est devenue plus complète et diversifiée, s’appuyant dorénavant sur les médias sociaux comme Facebook et Twitter.

154 Yves Gonzalez-Quijano, « Internet en Égypte : une redéfinition du champ politique ? », op. cit.

42 Cet appel a réunit près de 70 000 personnes. Et c’est la première fois en Égypte qu’on parle de « militants électroniques ». Avec le soutien des partis de l’opposition, y compris celui des Frères musulmans, un nouvel appel pour une nouvelle manifestation pour le 4 mai (anniversaire du président Moubarak). La mobilisation électronique prend les traits d’une figure particulière, celle d’, qui devient immensément célèbre, en Égypte comme dans le monde arabe, sous le surnom de « la fille de Facebook ». 155

En réaction, nous avons vu des arrestations de blogueurs durant l’été, ainsi que la mise en place de mesures de contrôle strictes des services internet publics (cafés internet, connections Wifi notamment). Nous assistons donc à un control de ce nouvel espace d’expression exercé par le pouvoir égyptien, un exercice auquel il est rompu par de longues années d’État d’urgence pratiqué en Égypte depuis la fin des années 1960.

En outre, les évènements du 6 avril 2008 ont également donné naissance au Mouvement de la jeunesse du 6 avril, un des principaux instigateurs de la révolution du 25 janvier 2011. Dès lors, le nombre d’utilisateurs de Facebook en Égypte n’a cessé d’augmenter : de 822 560 en 2008 à 5 millions à la veille de la révolution et à plus de 9,3 millions au début de l’année 2012.

En juin 2010, la mort de Khaled Saïd a été l’incident de trop pour des milliers d’Égyptiens qui ne pouvaient plus supporter les tortures, emprisonnements et assassinats arbitraires. Le groupe Facebook « Nous sommes tous des Khaled Saïd » a été créé par Abdel Rahman Monsour, journaliste et militant basé au Caire, et , cadre de Google installé à Dubaï. Il a été utilisé pour organiser une série de manifestations audacieuses au cours de l’été et de l’automne 2010 et comptait alors des dizaines de milliers de membres.156

Les administrateurs du groupe – c’est-à-dire ceux qui postent et rédigent les brèves – sont longtemps restés anonymes, mais c’est sur la page de ce groupe que les appels à manifester le 25 janvier 2011 ont commencé à circuler auprès de membres de plus en plus 157 nombreux – jusqu’à 380 000 à la veille de la révolution.

155 Ibid. 156 David M. Faris, « La révolte en réseau : le « printemps arabe » et les médias sociaux », op. cit. 157 Ibid.

43 Rappelons qu'au début février 2011, 5 millions d'Égyptiens avaient un profil sur Facebook. Ils étaient 6 millions à la fin du mois. 77% ont un téléphone mobile et la pénétration de l'internet est de 21%. Mais on ne peut pas bien juger en termes généraux. L'élément clé selon Micah Sifry de TechPresident est le haut indice de pénétration de la téléphonie mobile dans la jeunesse urbaine (notamment au Caire).

L’élite des blogueurs en Égypte savait très bien qu’elle ne pouvait pas à elle seule rassembler suffisamment de personnes dans la rue pour déstabiliser Moubarak, mais elle savait également qu’avec la maturation et l’expansion des réseaux sociaux, la base de volontaires et de protestataires potentiels s’élargissaient également. Ces blogueurs – dont beaucoup ont fait de Twitter ou Facebook leur plateforme principale à partir de 2008 – avaient acquis un certain degré de crédibilité auprès d’une partie de la société égyptienne. Toutefois, dans un pays où le taux de connexion à Internet stagnait toujours autour de 24 % à la veille de la révolution, l’élite blogueuse restait encore largement inconnue en dehors des cercles d’activistes du Caire. Au final, cela n’a pas eu d’importance: ils ont capitalisé sur les réseaux forgés depuis une dizaine d’années, utilisé à plein les possibilités offertes par les plateformes technologiques et se sont associés entre eux pour encourager le plus de monde possible à descendre dans la rue. Les autres facteurs – comme le refus de l’armée de tirer sur les manifestants, la menace d’une grève générale ou les conditions économiques difficiles – ont eu tout autant d’importance ; mais reconnaitre ces facteurs à leur juste valeur ne doit pas pour autant nous faire ignorer le rôle essentiel des médias sociaux. Parmi les éléments explicatifs de la révolte, il ne faut pas négliger non plus l’effet de contagion : un mois avant les évènements du Caire, la Tunisie était entrée en ébullition. 158

Il est à noter que l’année 2009 était marquée par une longue succession d’arrestations de blogueurs, de fermeture de sites, de ruptures de service tels que Facebook, d’annonce de mesures visant à « nettoyer » la Toile des sites « moralement » nuisibles ou encore de projets de limitation de la bande passante réservée aux internautes locaux. Même si l’adoption de nouveaux procédés techniques, et notamment celle du « micro-blogging » répandue par Twitter, desserre momentanément l’oppression qui s’est refermé sur l’expression en ligne, celle-ci n’a pas retrouvé le capital de mobilisation qui avait pu être

158 Ibid.

44 le sien auparavant. L’échec du nouvel appel à la grève générale, via Facebook, le 6 avril 2009, apporte certainement la meilleure illustration du nouveau rapport de force. 159

Dans son rapport sur les pays ennemis de l’Internet, pour l’année 2012, Reporters sans Frontières dresse la nouvelle liste des pays « Ennemis d’Internet » et « sous surveillance ». L’Égypte a été classée parmi les pays sous surveillance. Le rapport nous illustre comment les blogueurs et les net citoyens qui ont critiqué l’armée ont été l’objet de pressions, menaces et parfois arrestations. Il nous donne quelques exemples de ces blogueurs que nous allons aborder.

Nous avons vu comment le Conseil suprême des forces armées (CSFA), dirigeant le pays depuis le départ de l’ancien président Hosni Moubarak en février 2011, a pratiqué des méthodes de censure. Pour le faire, il a renforcé les méthodes déjà utilisées dans l’ère Moubarak pour contrôler l’Information. Par conséquence, de nombreux journalistes et blogueurs ont été poursuivis devant des juridictions militaires, parfois emprisonnés pendant des mois.

Le gouvernement égyptien s’est largement abstenu de filtrer les activités sur Internet ou de bloquer des sites Web, préférant faire emprisonner ou harceler quelques blogueurs. Ceux-ci ont poursuivi leurs activités malgré le danger. Comme l’expliquait le militant Bassem Fathy au lendemain de la révolution: « Nous utilisions Internet depuis dix ans; c’était le seul espace de liberté que nous avions ». 160

Prenons comme premier exemple, le blogueur, Maikel Nabil Sanad161 qui a été le premier prisonnier de conscience de l’ère post-Moubarak. Il a été condamné par une cour martiale à trois ans de prison, en avril 2011, pour insulte à l’institution militaire. Il lui était reproché d’avoir publié un rapport sur son blog162, remettant en cause l’apparente neutralité de l’armée lors des manifestations de janvier et février 2011.163 Détenu au

159 Ibid. 160 Ibid. 161 Maikel Nabil a vingt-six ans. Il est le premier blogueur égyptien à avoir accusé l’Armée égyptienne de violences meurtrières à l’encontre des manifestants pacifiques de la place Tahrir et ailleurs. Maikel Nabil a été arrêté le 28 mars 2011 après avoir publié sur son blog un billet intitulé : « Le Peuple et l’Armée n’ont jamais formé une seule main » (http://www.maikelnabil.com/2011/03/army-and-people- wasnt-ever-one-hand.html). Images, vidéos, texte à l’appui, il exposait au grand jour la violence utilisée contre les manifestants. Arrêté chez lui, il fut déféré devant un tribunal militaire. 162 http://www.maikelnabil.com/ 163 Reporters sans frontières, « Les ennemis d’Internet », rapport publié le 12 mars 2012.

45 secret, il a entamé une grève de la faim164 qui a fait craindre pour sa santé. Le juge avait même décidé de son placement en hôpital psychiatrique. Bénéficiant d’une amnistie accordée le 21 janvier dernier à près de 2 000 détenus, il a finalement été libéré le 24 janvier 2012, après dix mois de détention165. A peine libéré, il contestait à nouveau la légitimité des forces armées et critiquait leur bilan, à la veille du premier anniversaire de la révolution égyptienne166.

Nous pouvons aussi citer l’exemple du journaliste australien Austin Mackell. Mackell possède un blog « The Moon under water » 167 , sur lequel il raconte les événements de la révolution en Égypte. Il a été arrêté au moment où il couvrait un mouvement de grève à Mahalla le 11 février 2012.

Il y a aussi , une blogueuse qui a été interrogée et menacée de poursuites pour des messages postés sur Facebook et Twitter, insultant le CSFA168.

La blogueuse Botheina Kamel a été convoquée le 15 mai 2011, devant la cour militaire pour critique l’institution militaire dans une émission de la chaîne Nile TV.

Le blogueur et activiste Alaa Abdel Fattah, que nous avons en déjà mentionné, a été incarcéré fin octobre 2011, pour avoir refusé de répondre aux accusations d’incitation à la violence, vol d’arme, agression de militaires, destruction de biens militaires, meurtre avec préméditation et intention de commettre un acte terroriste, lors des manifestations de Maspero169. Il a été inculpé, fin novembre, par la Haute Cour de sécurité nationale, puis libéré fin décembre 2011. Reporters sans frontières a demandé l’abandon des charges170 qui pèsent à son encontre. L’armée a montré qu’elle était encore capable de violences lors de ces affrontements qui ont opposé manifestants coptes et forces de l’ordre dans le quartier de Maspero au Caire : elle s’en est directement prise à des médias et des journalistes et est également intervenue pour couper temporairement l’électricité, les

164 http://fr.rsf.org/egypte-le-blogueur-et-objecteur-de-11-04-2011,39998.html 165 http://fr.rsf.org/egypte-le-blogueur-maikel-nabil-sanad-est-25-01-2012,41765.htm 166 Reporters sans frontières, « Les ennemis d’Internet », op. cit. 167 http://austingmackell.wordpress.com/ 168 http://fr.rsf.org/egypte-asmaa-mahfouz-accusee-de-16-08-2011,40792.html 169 Le 9 octobre 2011, environ 10 000 Coptes rejoignent une manifestation pacifique devant le Maspero, siège de la télévision égyptienne, afin de demander la dissolution du conseil suprême des forces armées, l'arrêt des hostilités envers leur communauté et également la reconstruction d'une église incendiée à Assouan. La police égyptienne exerce une répression démesurée, faisant tourner la situation à l'affrontement. 170 http://fr.rsf.org/egypte-liberation-provisoire-du-blogueur-26-12-2011,41601.html

46 lignes de téléphone et la connexion Internet dans les bureaux du journal Al-Shorouk171.172

Alaa Abd El Fattah et Bahaa Saber173 avaient déjà été arrêtés et détenus en 2006 pour avoir exprimé leurs opinions contre Hosni Moubarak sur le Net. Bahaa Saber a été à nouveau arrêté et torturé en 2010. Les charges retenues contre eux ne sont pas encore connues, mais ils auraient été avertis de manière informelle que leur convocation était liée à leur couverture des manifestations coptes du 9 octobre dernier. Sur son compte Twitter, Alaa Abd El Fattah a déclaré qu’il serait probablement accusé d’incitation à la violence et destruction de bien public.Un vidéo-blogueur pro-Moubarak, surnommé Ahmed « Spider », a publié sur Youtube une vidéo intitulée « Alaa Abd El Fattah the atheist runs away to America after I submitted a case against him» (« Alaa Abd El fattah l’athée s’enfuie en Amérique après le dépôt de ma plainte contre lui »). Les deux cyber-activistes ont activement aidé les victimes des émeutes et leur famille, en acheminant des blessés vers l’hôpital.174

Le 22 octobre 2011, Ayman Youssef Mansour175 a été condamné à trois ans de prison assortis de travaux forcés pour avoir “intentionnellement insulté, attaqué et tourné en ridicule la dignité de la religion islamique” sur Facebook. Le net-citoyen avait été arrêté en août dernier.176

Les agressions et mauvais traitements contre blogueurs et professionnels de l’information se sont multipliés. Parmi les blogueurs concernés : Mona Al-Tahawy177, Maged Butter178, ou Malek Mostafa179, qui a perdu un oeil4 lors du nettoyage de la place Tahrir fin novembre 2011.180

A la fin du mois de novembre 2011, alors que le pays connaissait un nouvel épisode révolutionnaire à l’approche des élections parlementaires, plusieurs sources

171 Al-Shorouk est un important journal arabe publié en Egypte et dans plusieurs autres pays arabes. Il s'agit d'un quotidien indépendant, couvrant principalement la politique, le sport…etc. 172 Reporters sans frontières, « Les ennemis d’Internet », op. cit. 173 https://twitter.com/baha2saber 174 http://fr.rsf.org/egypte-le-blogueur-maikel-nabil-sanad-14-12-2011,41300.html 175 Ayman Youssef Mansour est le deuxième égyptien, après la chute de Moubarak, condamné à prison suite à une expression en ligne. Il a été condamné à trois ans de prison assortis de travaux forcés pour avoir insulté l'islam dans des propos publiés sur Facebook 176 Ibid. 177 http://www.monaeltahawy.com/blog/ 178 https://twitter.com/MagButter 179 https://twitter.com/MaLek 180 Ibid.

47 indépendantes ont signalé à Reporters sans frontières un ralentissement de la vitesse de connexion à plusieurs reprises, et ce, au moment des manifestations. L’accès à Internet depuis les téléphones portables Vodafone et autres appareils numériques aurait également été restreint. 181

Donc si nous voulons faire une courte résumé de l’histoire de l’Internet et des blogs en Égypte, nous pouvons dire que d’abord concentrée autour de blogs en anglais comme The Arabist d’Issandr El-Amrani, Sandmonkey de Mahmoud Salem ou encore 3arabawy d’Hossam el-Hamalawy, la blogosphère égyptienne s’est rapidement étoffée avec le lancement de blogs en arabe par Amr Gharbeia, Alaa Abdel-Fattah ou encore Wael Abbas. 182 Il y a aussi un autre exemple de blog est celui de Noha Atef183, Torture in Egypt184, qui rassemble des témoignages de victimes de tortures et publie les noms et les portraits des officiers responsables. N. Atef a pu lancer ce blog grâce à l’aide d’Amr Gharbeia185 et d’Alaa Abdel-Fattah, ce qui montre bien l’importance des réseaux sociaux au sein de la blogospère. 186

En conclusion, la question important qui se pose est : Quel bilan tirer, sur le plan politique, de ces premières années de l’Internet égyptien ? L’Internet politique, que ce soit pour l’Égypte ou à l’échelle mondiale, est un sujet qui attire l’attention de beaucoup de chercheurs. Dans ce cadre, le chercheur américain Tom Isherwood distingue plusieurs niveaux où apparaît le rôle nouveau joué par les blogs politiques 187:

Renforcement des capacités de mobilisation des forces politiques existantes.

Contribution à la création d’actions en dehors des forces constituées.

Modification des équilibres au sein des forces en présence.

Renforcement des liens entre les scènes nationale et extérieure (à l’intérieur et à l’extérieur du monde arabe).

181 Ibid. 182 David M. Faris, « La révolte en réseau : le « printemps arabe » et les médias sociaux », op. cit. 183 https://es.twitter.com/NohaAtef 184 https://tortureinegypt.net/english 185 https://www.facebook.com/amr.gharbeia 186 David M. Faris, « La révolte en réseau : le « printemps arabe » et les médias sociaux », op. cit. 187 Yves Gonzalez-Quijano, « Internet en Égypte : une redéfinition du champ politique ? », op. cit.

48 Nous remarquons que le développement de cette activité en ligne, toujours plus importante, accompagne une tendance à la politisation des questions culturelles et identitaires. Le développement de la blogosphère arabe, irriguée d’innombrables groupes sur Facebook et de réseaux de micro-blogging s’inscrit dans un contexte où le marché politique est de plus en plus dominé par ce type de débats qui recouvrent les luttes idéologiques conventionnelles. 188

Internet devient ainsi une scène où, avec un très faible coût d’entrée pour ceux qui y participent, se multiplient des campagnes de mobilisation sur toutes les questions de société possibles (les femmes, le harcèlement sexuel, la drogue, la corruption, le football, etc.). 189

En réalité, ce n’est pas facile de parler de l’impact politique d’internet, car c’est sans doute à plus long terme que les effets des nouvelles technologies de communication se feront sentir. S’inscrivant dans le modèle explicatif proposé notamment par l’anthropologie politique américaine, Marc Lynch considère ainsi que la véritable question concerne la capacité de la très active blogosphère égyptienne à « transformer les dynamiques de l’opinion publique et de l’activisme politique. (…) Même s’il est improbable que les blogs politiques arabes conduisent à une révolution, ils ouvrent la perspective d’un espace public différent qui pourrait modifier la nature de la politique dans les décennies à venir». Dans le même esprit, Brian Ulrich considère de son côté que « blogueur renforce la possibilité de créer de nouvelles perceptions et de nouveaux moyens d’exercer une autorité dans le domaine de la diffusion des idées, sur la base d’interactions avec des personnes avec lesquelles il n’aurait pas été possible autrement d’entrer en contact au sein de communautés d’intérêt donnée». 190

Semblables réflexions, qui interrogent les effets mobilisateurs d’internet moins à court terme que dans la moyenne durée, méritent d’être prolongées alors que la gestion par les différents pouvoirs arabes d’une scène internet, désormais mature, met en évidence, dans cette partie du monde comme ailleurs, les illusions trop faciles du « prophétisme fétichiste». S’il est vrai que l’existence de « réseaux ouverts » ne suffit pas à briser la « fermeture des régimes», c’est bien du côté de transformations plus souterraines, moins immédiates, qu’il faut chercher d’éventuels effets mobilisateurs en

188 Ibid. 189 Ibid. 190 Ibid.

49 postulant que le jeu des interactions individuelles que développent les usages les plus récents d’internet contribuent, aussi bien chez les producteurs de contenus que chez leurs utilisateurs, à une « fabrique du social » susceptible de contribuer à une nouvelle dynamique politique. 191

Les « blogs » que développe aujourd’hui la jeunesse du monde arabe ne livrent pas de discours de revendication ; ils n’appellent pas à l’action contre telle ou telle injustice, ou alors sous des formes qui sont très loin de la revendication traditionnelle, et se contentent le plus souvent de réunir des cercles de pairs qui, parfois par dizaines de milliers, se reconnaissent dans une parole délivrée publiquement sur internet à propos de questions qui les concernent. Ils ne se donnent pas comme des plates-formes de mobilisation mais sont peut-être malgré tout davantage porteurs de changements que les modes d’expression, y compris sur la Toile, qui relèvent d’une prise de parole en apparence plus politique. Outre le fait que leur prolifération et leur manière d’aborder, en quelque sorte de biais, le politique rendent assez vaine toute tentative de contrôle, on peut également penser que les véritables changements naîtront des nouvelles formes de communication électronique qui favorisent la constitution de « communautés virtuelles » où l’affirmation individuelle s’allie au refus des hiérarchies sociales héritées. 192

191 Ibid. 192 Ibid.

50 CHAPITRE 2 L’INTERNET ET L’APPARITION DES MOUVEMENTS SOCIAUX

Ce chapitre traite le rôle joué par l’Internet et les réseaux sociaux dans la création et la montée en puissance des mouvements sociaux en Égypte. Nous avons pris comme étude de cas deux mouvements. Celui du 6 avril, et le mouvement Kifāya (ça suffit!). Ces deux mouvements, fondés en 2004 et 2008, ont été plus tard à l’origine des révoltes du 25 janvier 2011.

Mais avant de développer l’histoire de chacun de ces deux mouvements, il s’agit en premier temps d’aborder la question de la relation entre Internet et mouvements sociaux en général.

Nous remarquons que les formes classiques de l'engagement militant sont en voie de modification. Nous témoignons un passage d'un militantisme traditionnel à un engagement distancié, dont les symptômes se lisent tout autant dans le renouvellement des modes d'action collective que dans le type de sociabilité convoquée. 193

Le développement des usages de l'internet par certains des acteurs des mouvements sociaux semble précisément se présenter comme la traduction technologique de ce néo- militantisme. Nous assistons donc à des nouvelles formes de pratiques de communication liées au développement des nouveaux réseaux télématiques, dans le cadre particulier du renouvellement des formes du militantisme. On observe une rencontre entre les acteurs des mouvements sociaux et les plus récents dispositifs de communication sur réseaux. 194

Cependant, les TIC ne peuvent à elles seules garantir leur succès. La plupart des études sur les nouveaux mouvements sociaux suggèrent que les TIC accroissent l'adhésion à ces mouvements parmi la population, ce qui facilite leur extension. Ces études concluent que ni la théorie de la mobilisation des ressources ni la théorie des nouveaux mouvements sociaux ne montrent comment les TIC seraient suffisantes pour

193 GRANJON Fabien, L’internet militant, mouvement social et usages des réseaux télématiques, Apogée, 2001, consulté en ligne sur : http://books.google.fr/books/about/L_internet_militant.html?id=ewK4AAAAIAAJ&redir_esc=y 194 Ibid.

51 structurer les mouvements de la société civile. En l'absence d'organisation concrète et réelle de la société civile, la participation purement virtuelle de la base risque d'en compromettre le leadership, la mobilisation, les prises de décision et les liens au niveau international. 195

Les divers réseaux sociaux à caractère a-topique et déterritorialisé qui structurent aujourd’hui le paysage virtuel génèrent de nouvelles configurations de sphères publiques où se manifeste un « agir communicationnel » (Habermas) dont les retombées sociales, économiques, culturelles et politiques ne sont plus à démontrer. Le cyberespace qui initie une dynamique globale et transnationale permet à des acteurs sociaux d’aller au-delà de l’espace habituel d’expression, d’interaction et de négociation, pour investir un nouvel espace-temps citoyen. Il est de plus en plus admis que la production, la circulation et l’échange des informations via les réseaux sociaux virtuels est une composante essentielle de la socialisation et de la mobilisation citoyenne. En tirant profit du développement galopant TIC, les potentialités mobilisatrices s’engagent dans des actions qui touchent à des domaines d’intervention aussi divers que l’environnement, le développement local, le développement durable, les droits de l’Homme, l’égalité entre les sexes, la liberté d’expression, etc. 196

Qu’il s’agisse de réseaux télématiques qui naissent à travers les échanges électroniques entre militants, ou de communautés numériques qui prolongent celles qui sont actives sur le terrain, l’objectif étant de défendre des intérêts et d’exprimer des revendications. Le cyber activisme tire sa légitimité du fait qu’il instaure et mobilise des réseaux télématiques en vue d’agir sur la réalité sociale et de défendre une cause commune. L’intérêt de cet engagement à distance réside, d’une part, dans le fait qu’il est enraciné dans la réalité sociale et, d’autre part dans sa capacité à constituer et à mobiliser des groupes de pressions transnationaux et décentralisés. L’engagement citoyen s’est depuis longtemps déroulé sur le terrain et avec le développement croissant des TIC s’est trouvé, d’une façon massive, doublé d’un cyberespace polyvalent et multivarié. Ainsi, le cyber activisme et les divers mouvements sociaux en ligne tendent à déboucher sur des mesures et des procédures propres à la vie réelle. De telles actions sont d’autant plus

195 http://hdl.handle.net/2042/31508 196 Sihem Najar, « Mouvements sociaux en ligne, cyber activisme et nouvelles formes d’expression en Méditerranée », disponible sur le site d’IRMC (Institut de recherche sur le Maghreb Contemporain) : http://irmc.hypotheses.org/306

52 importantes qu’elles permettent d’élargir le champ de participation et de rendre la contribution de certains activistes et cyber citoyens possible et visible. En exemple, des exclus du cercle du pouvoir et de la prise de décision peuvent s’exprimer à travers des réseaux sociaux virtuels et contribuer à l’orientation de l’opinion publique et à la mobilisation sociale et politique. En outrepassant les frontières matérielles, les acteurs en question se servent d’une base transnationale pour agir à distance sur la réalité sociale de leur pays. Par ailleurs, il est important de souligner que le cyberespace permet aux acteurs sociaux de jouir d’une grande marge de manœuvre et surtout d’échapper au contrôle auquel ils sont habituellement exposés. 197

Mais en même temps il faut pas ignorer le fait que les conditions de l’engagement politique des citoyens suppose aussi des compétences politiques et culturelles particulières. Tout le monde ne se mobilise pas parce que les technologies sont accessibles.

Les mouvements sociaux en ligne et le cyber activisme développent de nouvelles formes d’expression qui leur permettent de jouer pleinement, et de manière efficiente, leur rôle de mobilisation sociale et politique. Plus concrètement, l’engagement citoyen et l’action sociale sont essentiellement basés sur la production et l’échange des informations sous forme d’images, de sons et de texte. Les revendications sociales sont de plus en plus exprimées à travers des supports aussi divers que des caricatures, des séquences-vidéos produites par des citoyens profanes, des pétitions et des manifestations en ligne, des commentaires et des messages échangés sur la plateforme numérique (Facebook, blogs, mails, Twitter, forums de discussion, etc.), des chansons engagées ou révolutionnaires, etc. Il est certain que la nature et le contenu de ces différents supports varient en fonction des acteurs sociaux et des groupes concernés (des étudiants, des lycéens, des militants politiques, des syndicalistes, des militants dans le domaine des droits de l’homme, etc.). 198

Nous pouvons voir clairement comment les militants syndicaux et politiques utilisent les réseaux sociaux pour toucher un maximum de personnes avec leurs

197 Ibid. 198 Ibid.

53 arguments, et pour mobiliser sur les manifestations ou autres actions. 199

Les mouvements sociaux ont toujours recours à Facebook pour créer des groupes et des pages afin d’organiser leurs actions. Il s’agit d’un moyen rapide de faire circuler une information auprès de tous.

De même les organisations telles que les syndicats et les partis politiques utilisent les réseaux sociaux comme un outil de communication de masse et comme un vecteur de mobilisation. Les réseaux sociaux permettent la circulation rapide de l’information. D’où, un évènement créé peut au bout de quelques heures seulement compter plusieurs milliers d’inscrits, ce qui ne serait pas le cas en dépendant des moyens de communication classiques et traditionnels. 200

Les mouvements sociaux du XXIe siècle ont consolidé leur identité et affiné leurs discours pour conquérir l’opinion publique. Dans ce processus, l’usage d’Internet comme instrument stratégique pour la communication et l’organisation de la lutte a été fondamental. 201

Le rôle social et politique des mouvements sociaux a acquis une nouvelle forme d’expression avec l’utilisation d’Internet comme instrument de lutte. 202

Grâce à l’utilisation d’Internet, les mouvements sociaux diffusent des informations contenant leur version des faits et les objectifs de leur lutte, afin de créer de nouvelles voies vers une nouvelle sociabilité. 203

Les mouvements sociaux utilisaient leurs sites, mais aussi le contenu de ces sites, comme le principal instrument de communication et comme une arme stratégique dans l’élaboration de leurs calendriers. Ils utilisent également l’Internet comme moyen pour équilibrer et harmoniser le discours construit par les autres moyens de communication autour de leur identité. La conception de nouveaux discours qui ont des impacts sur la société et qui se transforment en information est une préoccupation constante de la

199 Yoann Simboiselle, « Les réseaux sociaux (3/4) : Le rôle dans le récent mouvement social », disponible sur : http://essonneinfo.fr/91-essonne-info/1421/les-reseaux-sociaux-34-le-role-dans-le-recent-mouvement- social/ 200 Sihem Najar, « Mouvements sociaux en ligne, cyber activisme et nouvelles formes d’expression en Méditerranée », op. cit. 201 Neblina Orrico, « Mouvements sociaux sur Internet : Le mouvement des sans terre et l’armée zapatiste », 29 mars 2010, disponible sur : http://www.cetri.be/spip.php?article1583 202 Ibid. 203 LÉVY Pierre, Cibercultura, São Paulo,1999, p 256.

54 majorité des mouvements sociaux actuels ; c’est une manière de rendre leurs actions légitimes et de construire leur identité.

Internet permet au mouvements sociaux de créer de nouvelles opportunités pour se présenter au monde, pour légitimer leurs actions, pour diffuser les revendications pour lesquelles ils luttent, de faire pression sur les moyens de communication traditionnels afin qu’ils traitent les faits les concernant avec moins de partialité et qu’ils puissent être la source des informations liées à leurs luttes. 204

Nous sommes devenus dans une époque où le langage a acquis visibilité et centralité dans la composition, le maintien et le développement de nos sociétés. Les sites des mouvements sont devenus de véritables cartes de visite, présentant et diffusant l’étendard de la lutte du mouvement, que ce soit par la réalisation de la réforme agraire, pour la justice sociale et pour la démocratie. Grâce à Internet, ils obtiennent une visibilité publique, acquièrent des sympathisants qui à leur tour deviennent porteurs de leurs étendards et soutiennent leurs causes.205

Les nouveaux mouvements sociaux du XXIe siècle ont appris à utiliser Internet comme un instrument destiné à créer de nouveaux rapports qui réduisent les frontières entre eux et la société, en unissant leur lutte particulière à une lutte plus globale contre les anciennes et les nouvelles formes de domination. Actuellement, les mouvements sociaux tentent de transformer la réalité sociale, par la (re)construction d’une symétrie des relations de pouvoir grâce au discours diffusé sur leurs pages Internet.206

Passons maintenant à la partie pratique dans ce chapitre, celle de l’étude des deux mouvements déjà mentionnés. Commençons par le Mouvement Kifāya. Ce mouvement est né suite à l’invasion américaine de l’Irak, comme nombreux autres mouvements qui ont émergé pour exprimer une opinion sur les questions de politique étrangère. Pourtant, la pression socioéconomique grandissante sur les classes moyennes en réaction aux projets de politique néolibérale ainsi que la croissance de scandales liés à la corruption, révélés par les nouveaux médias indépendants, tous ces facteurs rassemblés ont donné naissance à de nouveaux mouvements sociaux tournant autour de la politique

204 Neblina Orrico, « Mouvements sociaux sur Internet : Le mouvement des sans terre et l’armée zapatiste », Op. cit, 205 Ibid. 206 http://www.cetri.be/spip.php?article1583

55 intérieure207. C’est ainsi que le mouvement Kifāya (ça suffit !) s’établit en 2004.

Kifāya est le premier mouvement de protestation en Égypte pour lequel Internet était un canal privilégié de mobilisation. Cette organisation unit des tendances politiques diverses, des jeunes islamistes aux communistes, avec deux revendications principales : une opposition à la présidence de Hosni Moubarak et à la possibilité que son fils Gamal hérite le pouvoir. Des manifestations anti•Moubarak ont eu lieu dans la capitale en 2005, organisées par la « génération Moubarak », une génération qui n’avait connu aucun autre président que lui. Même si les manifestations n'ont jamais attiré un nombre de participants comparable avec les émeutes du pain contre Anwar Sadate en 1977, l'organisation de telles manifestations a été une nouveauté dans l'expression du mécontentement populaire vis-à-vis du régime. 208

La page Facebook du « Mouvement Kifāya»

207 Dina Shehata, The Return of Politics: New Protest Movements in Egypt, Le Caire, Al-Ahram Center for Political and Strategic Studies, 2010, pp. 11-20. 208 Johanne Kuebler, « Les révolutions arabes et le web 2.0, Tunisie et Egypte », Revue Averroès, Numéro 4 – 5, Spécial Printemps arabe.

56 Shahinaz Abdel Salam, blogueuse égyptienne et membre du mouvement Kifāya, lors d’une conférence débat qui a eu lieu à l’Institut du Monde Arabe « Quel Printemps pour les médias arabes », disait : « Le mouvement a commencé à utiliser les nouveaux médias en 2005, et c’était d’une manière individuelle au début, pour casser la peur chez beaucoup de jeunes ».

L’émergence de Kifāya coïncidait avec l’augmentation du nombre d’utilisateurs d’Internet dans le pays. Kifāya a émergé sur la scène politique en 2005, où le nombre d’utilisateurs était estimé à 9 millions (soit plus de 10 % de la population). Ce nombre a atteint 17 millions en 2010 (21 % des Égyptiens), selon l’Union internationale des Télécommunications. Cette hausse s’est produite en dépit de la persistance d’un taux d’illettrisme élevé dans le pays. Internet a été adopté par la jeunesse égyptienne, qui fait preuve d'une plus grande affinité avec les nouvelles technologies et qui est en général mieux éduquée que les générations précédentes. Les Égyptiens ont également bénéficié d'un Web généralement non-censuré, ce qui les distingue nettement de leurs homologues chinois, saoudiens, et tunisiens. 209

Nous pouvons dire que la liberté d’expression en Égypte était plus grande en ligne que dans des publications imprimées. C’est ce que montre l’exemple de quelques articles du magazine Cairo Times et du journal Middle East Times. La version imprimée de ces articles a été censurée, alors que ces articles ont été accessibles en ligne. En revanche, le gouvernement de Hosni Moubarak a su se réserver une marge de manœuvre considérable par des lois lui permettant de censurer des sites Web à sa guise, tels que le site web d’Al­Cha’b, journal du parti travailliste, bloqué entre 2000 et 2006, et celui des Frères musulmans, www.ikhwanweb.com, bloqué quelques mois en 2005. Le gouvernement égyptien observait de près tout ce qui se passait en ligne à partir d’un département pour combattre les crimes informatiques. Les blogueurs étaient la cible de l'appareil répressif dès qu’ils franchissaient les lignes rouges, tels que le sexe, la religion et l'armée. Le cas de Karim Amer, emprisonné pendant quatre ans pour avoir écrit sur des tensions entre Chrétiens et Musulmans à Alexandrie et pour avoir diffamé Hosni Moubarak est symptomatique. Mais de manière générale, nous pouvons dire qu’il existait en Égypte une certaine liberté de ton. 210

209 Ibid. 210 Johanne Kuebler, « Les révolutions arabes et le web 2.0, Tunisie et Egypte », op. cit.

57 Dans presque touts les pays du monde, Internet est une source de divertissement. Mais ce qui distingue le Web égyptien de celui des pays européens par exemple, c’est la place que prennent les blogs. En avril 2010, « blogger.com » était classée neuvième site le plus populaire d'Égypte, alors que le site du journal Al•Masry Al•Yawm (quotidien indépendant) avait occupé le rang 33), et Al•Ahrâm (détenu en majorité par le gouvernement égyptien) avait occupé le rang 65.

Les internautes égyptiens, et qui majoritairement issus des couches éduquées, préfèrent les blogs, qui sont des sites d'information alternatifs, aux médias traditionnels. C’est ce que confirme la popularité du journal Al­Masry Al­Yawm par rapport à celle du journal Al­Ahrâm où nous assistons à une recherche sur Internet d’informations alternatives à l'information gouvernementale, ce qui n’est pas le cas pour la presse papier. En effet, les journaux indépendants ont rapidement gagné une importance. Les médias indépendants présentaient toutefois une alternative à la langue de bois habituelle des médias gouvernementaux. En dépit de leur succès limité, les journaux indépendants ont joué un rôle crucial pour promouvoir des points de vus opposés à ceux du gouvernement en donnant de la visibilité aux acteurs de Kifāya avant la révolution de 2011. Durant les manifestations populaires sur la place Tahrir en 2011, le nombre d'exemplaires vendus par le quotidien indépendant Ach•Churûq doublé, pour atteindre un tirage d'environ 150 000 par jour. 211

Donc, le développement de l’Internet a eu pour conséquence l'émergence de sites Web discutant des sujets évités par les médias traditionnels en raison de la censure étatique ou de l'autocensure. Le blogueur le plus connu d'Égypte, Wael Abbas, était considéré comme l'une des personnes les plus influentes de l'année 2006 par la BBC, quand il a publié des vidéos montrant la torture de personnes en garde à vue sur son blog Misr Digital, fondé en 2004. Avant cela, il écrivait avec trois amis sur Sawt Ach•Cha`b (La voix du peuple). Il a également couvert des manifestations appelant au changement en Égypte, des sit•in et des grèves ouvrières, publié des vidéos exposant la fraude électorale et la violence policière contre des manifestants pacifiques. Wael Abbas n'est pas le seul blogueur à s’être lancé dans le cyber-journalisme, mais il était l’un des plus controversés. En couvrant des faits ignorés par la presse traditionnelle, les blogueurs égyptiens sont d'éminents représentants d'une nouvelle génération d'utilisateurs du Web :

211 Ibid.

58 à la fois blogueurs, journalistes et militants politiques. Internet leur a permis de s'exprimer, tout comme aux jeunes membres des Frères musulmans quand l'État a renforcé son contrôle sur l'organisation dans les universités au cours des années 2005 et 2006. En outre, par la publication de témoignages de première main de harcèlement et de torture, les blogueurs ont contribué à augmenter la visibilité de sujets sensibles, contestant la version officielle présentée par les médias d’État. 212

La croissance, voire même l’explosion, du nombre d’internautes a fait émergé l'idée qu’Internet pourrait devenir un outil utile pour la mobilisation politique. C’est ce qu’a noté l’ingénieur logiciel et le blogueur de la première heure, Wael Khalil, en disant que les listes d’emails sont devenues un outil important dans l'organisation des manifestations contre l'invasion américaine de l'Irak en mars 2003, qui ont vu 20 000 Égyptiens manifester sur la place Tahrir. En 2005, Kifāya a mis son site Internet au cœur de ses efforts de mobilisation et nombre de ses dirigeants étaient des blogueurs férus de technologie, formant ainsi une relation organique entre la blogosphère et un mouvement politique controversée. Les membres de la blogosphère égyptienne mobilisaient leurs lecteurs en leur communiquant l’heure et le lieu des manifestations auxquelles ils participaient eux-mêmes activement, et étaient souvent les seuls à couvrir ces évènements sur leurs blogs. Ce fut notamment le cas de la manifestation du 27 mars 2007, durant laquelle environ 50 activistes ont été confrontés à une centaine de policiers antiémeute qui ont battu des militants pacifiques, y compris les femmes. 213

Au cours de leurs activités, les activistes ont aussi formé une communauté dans la vie réelle. Des « Tweetups » ainsi que des rencontres entre utilisateurs de Twitter, ont eu lieu, tout comme des rencontres réelles entre organisateurs de manifestations. 214

Suite à quelques désaccords internes à Kifāya, l'activisme en ligne a diminué entre 2005 et 2008. Mais en 2008, cet activisme a repris de l'élan, quand une grève de solidarité avec des travailleurs de textile de Mahalla Al•Kubra a été organisée via le site de réseau social Facebook. Le nombre d'internautes a augmenté de 9 millions en 2005 (11,7 % de la population) à plus de 13,5 millions en 2008, soit une augmentation de 50 %. En 2008, la baisse des prix fait qu’Internet atteint plus facilement la classe moyenne. Une nouvelle phase de contestation commence. Si Kifāya s'était fortement appuyée sur les blogueurs

212 Ibid. 213 Ibid. 214 Ibid.

59 pour promouvoir ses activités, les activistes utilisent ensuite les réseaux sociaux, qui constituent des outils facilitant le partage d'information et la collaboration. Facebook a surtout l'avantage d'être une extension virtuelle de connexions existantes hors ligne, de lister continuellement les mises à jour des « amis », d'afficher leurs activités, et ainsi de « prendre la température » de son entourage. 215

C’est ce mécanisme qui permettait de nous expliquer comment un groupe Facebook en solidarité avec une grève à Al-Mahalla Al•Koubra a augmenté pour passer à 70 000 partisans en simplement deux semaines, et ce en une époque où il n'y avait que 800 000 utilisateurs actifs de Facebook en Égypte. Cette grève a montré aux autorités le potentiel de la mobilisation sur Internet. Par la suite, la croissance du nombre de membres de certains groupes sur Facebook a été suivie de près par la presse traditionnelle. 216

Shahinaz Abdel Salam, blogueuse égyptienne et membre du mouvement Kifāya, lors d’une conférence débat qui a eu lieu à l’Institut du Monde Arabe « Quel Printemps pour les médias arabes », nous décrit que c’était la première grève dans toute l’Égypte organisée par Facebook. Elle expliquait qu’à cette époque la police a été perdue, elle ne savait pas quoi faire, puisqu’elle était devant un groupe entier et pas un chef ou un leader. Ensuite est venu Twitter. Et chaque fois, ce sont des appels de mobilisation qui se font sur Facebook et Twitter. Elle ajoutait que Facebook était le lieu où touts les égyptiens parlaient politique.

Cette grève de 2008 s’est transformée plus tard en mouvement politique, intitulé « Le Mouvement du 6 avril », initiateur de la révolution égyptienne.

La page Facebook du « Mouvement du 6 avril »

215 Ibid. 216 Johanne Kuebler, « Les révolutions arabes et le web 2.0, Tunisie et Egypte », Op. cit.

60 Le Mouvement du 6 avril est un mouvement fondé sur Facebook. Il s’est en partie formé auprès du mouvement Otpor, source principale dans la chute du régime yougoslave en 2000. Le mouvement Otpor signifie en serbe « Résistance ». C’est une organisation politique, considérée comme l’un des acteurs majeurs dans la chute du régime yougoslave de Slobodan Milosevic. Après la chute du régime, Otpor est devenu le centre de formation pour l’action non-violente et a formé des jeunes révolutionnaires de différents pays comme Géorgie, Ukraine, Biélorussie et dernièrement en Égypte. Ainsi, dans la plupart des régimes dictatoriaux, le mouvement a formé des activistes et des résistants qui jouent un rôle fondamental au sein de nombreuses révoltes. Cela passe de la révolution des roses en Géorgie en 2003 à celle des tulipes au Kirghzistan. 217

Comment l’organisation Otpor Influe sur la révolution égyptienne ? Aujourd’hui, c’est dans le mouvement de révolte qui frappe l’Égypte que l’organisation Otpor influence. En effet, Srdja Popovic, membre à la tête du CANVAS (Center for applied nonviolent action and strategies, organisation localisée à Belgrade et dont les membres sont liés au mouvement Otpor), le confirme : « Oui, c’est vrai. On a notamment formé des jeunes du Mouvement du 6 avril en Égypte. Cependant, cela ne fait pas du mouvement Otpor un exportateur de révolutions et en particulier le créateur de la révolution en Égypte. Il faut savoir faire la part des choses, comme le souligne Srdja Popovic : « On ne débarque pas avec la révolution dans notre valise. C’est leur révolution et les consultants étrangers n’y sont pour rien. Ils ont risqué leur vie pour leur liberté et c’est leur victoire à 100%. Un point c’est tout ! » Autrement dit, le mouvement Otpor ne fait qu’aider les résistants et activistes du pays. Il contribue à la révolution mais ne la crée pas. Ainsi, le mouvement Otpor, par le biais du Mouvement du 6 avril, a contribué à organiser les révoltes mais il n’a crée la révolution en Égypte. 218

Comment le mouvement Otpor organise ses actions ? Il est important de rappeler que Srdja Popovic est un spécialiste de la désobéissance civile et de la résistance pacifique. En 1998, à 25 ans, il fonde Otpor avec une douzaine de camarades pendant ses études. Milosevic était au pouvoir depuis bientôt dix ans et s’apprêtait à faire la guerre au Kosovo. Le mouvement Otpor est né de l’élaboration de règles inspirées du Mahatma Gandhi et de la lutte contre l’apartheid. Des actions pleines de fantaisie, qui font l’objet

217 Yoann, les réseaux sociaux et la révolution en Egypte, disponible sur : http://revolutionfacebook.wp.mines-telecom.fr/2011/04/28/les-reseaux-sociaux-et-la-revolution-en-egypte/ 218 Ibid.

61 d’une attention croissante de la part des médias, deviennent leur signe distinctif. Ils affrontent soldats et policiers avec des fleurs. Ce qui compte dans leurs actions est d’obtenir le soutien de l’ensemble de la population tout en restant pacifique. « Ce sont ces méthodes et ce message que nous enseignons désormais aux activistes d’autres pays comme en Égypte », explique Srdja Popovic. « Dans nos cours, on leur demande d’identifier les piliers du régime. Puis on leur dit : Ne les attaquez pas, cela ne conduirait qu’à la violence, essayez plutôt de les mettre de votre côté ». C’est ces cours qui ont permis la mise en œuvre du Mouvement du 6 Avril. 219

Dès le début du soulèvement contre Hosni Moubarak, il y avait dans les rues du Caire et sur la place Tahrir des membres du Mouvement du 6 avril brandissant l’emblème d’Otpor. Il s’agit d’un poing blanc serré sur fond noir. Parmi ces militants, , un blogueur de 22 ans raconte ; « J’étais en Serbie et je me suis formé à l’organisation de manifestations pacifiques et aux meilleurs moyens de s’opposer à la brutalité des services de sécurité ». Quand il revient en Égypte, fin 2009, il forme d’autres membres du Mouvement du 6 avril. On sait qu’aucune révolution ne ressemble à une autre. Dans le cas de l’Égypte, le mouvement Otpor a permis de former les principaux membres du mouvement du 6 avril et donc a permis l’organisation via ce mouvement sur Facebook de structurer les révoltes.220

Nous pouvons dire que le Mouvement des jeunes du 6 avril est l’opposition la plus active en Égypte depuis les trois dernières années, notamment sur le web.221 Le fondateur du Mouvement, Ahmed Maher, décide d’utiliser les réseaux sociaux pour défier les autorités. « C’est un mouvement informel qui a grandi avec les nouveaux moyens de communication. Ils ont d’abord relayé les revendications ouvrières classiques, puis ils ont donné à leur propos une dimension collective afin de dénoncer les dérives néolibérales et autoritaires du gouvernement », détaille Eberhard Kienle, professeur au CNRS et spécialiste du Moyen-Orient.

Sur sa page Facebook, le Mouvement du 6 avril avait déterminé ses objectifs: Rendre à l’Égypte sa dignité. Composé de personnes issues de différents milieux culturels

219 Ibid. 220 Ibid. 221 Samah Meftah, « Ahmad Maher, cofondateur du Mouvement égyptien du 6 Avril », Le Quotidien, 3 mars 2011, disponible sur : https://www.facebook.com/note.php?note_id=193045314050623.

62 et sociaux, d’âges divers et d'opinions hétéroclites, le Mouvement du 6 avril cherche, avant tout, à trouver une alternative à la règle autoritaire qui a écrasé la transition démocratique de l’Égypte pendant des années : « Nous souhaitons atteindre ce dont rêvaient les intellectuels égyptiens et toutes les forces politiques nationales (…) : rendre à l’Égypte sa dignité et établir les bases d’une gouvernance démocratique », pouvons-nous lire sur la page Facebook du Mouvement.

Après le mouvement de protestation du 6 avril 2008, des milliers d’ouvriers de l’usine textile «Misr Filature et Tissage» (un fleuron de l’industrie égyptienne), située à Mahallah Al-Koubra, au nord du Caire, s’étaient mobilisés pour organiser une grève. Ils revendiquaient un meilleur salaire et protestaient contre les mauvaises conditions de travail et la cherté de la vie. Un groupe de jeunes s’était organisé parallèlement par le biais du réseau social Facebook et d’autres nouveaux médias (blogues, Twitter, messages textes, etc.) pour appuyer la cause ouvrière et soutenir l’appel à une grève nationale le 6 avril 2008. Le nombre d’adhérents à ce groupe, sur Facebook, était alors estimé à des dizaines de milliers de personnes. Inspirés et galvanisés par la révolte retentissante des Tunisiens, les jeunes Égyptiens ont investi à nouveau la toile pour en découdre définitivement avec le régime de Hosni Moubarak. C’est en effet grâce aux messages diffusés sur Internet par le Mouvement des jeunes du 6 avril que les premières manifestations ont eu lieu au Caire, à Suez et à Alexandrie. La mobilisation a été immédiate et impressionnante: des milliers de personnes, des jeunes notamment, ont répondu à l’appel du Mouvement. Aujourd’hui, nous comptons deux millions d’adhérents. 222

La question est donc qu’est-ce que c’est passé en détails en 2008? Des énormes grèves ont paralysé les industries textiles du delta du Nil vers la fin de l’année 2007. A Mahalla Al-Koubra, vingt-sept mille employés sont sortis pour exprimer leur colère de ne pas avoir touché les primes promises par l’État. Un an plus tard, les hommes de Mahalla décident de faire une nouvelle grève, le 6 avril 2008, pour protester contre leurs salaires misérables. 223

Ahmed Maher, ingénieur de 27 ans, et Israa Abdel Fatah, cadre en ressources humaines, ont décidé d’aider ces hommes à faire entendre leur voix. Tous les deux

222 Ibid. 223 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, op. cit., p. 71.

63 brancher sur Internet comme toute la jeunesse de la classe moyenne, ils lancent un appel pour encourager la population à soutenir les revendications des ouvriers du Mahalla.

Israa, qui n’a jamais participé à une manifestation, poste sur la page Facebook, qu’elle et Ahmed viennent de créer en utilisant leurs vraie noms : « Pas de travail, pas d’université, pas d’école, pas d’achats (…) On a juste besoin de justice. On a besoin d’hôpitaux, on a besoin de médicaments. On a besoin de salaires suffisants, on a besoin de travail. On a besoin d’éducation pour nos enfants. On a besoin de liberté et de dignité (…) Pas de hausses de prix, pas de baltageyas224. Pas de clientélisme. Pas de torture dans les commissariats. Pas de corruption. Pas de détention arbitraires (…). Dites à vos familles et amis de faire grève le 6 avril ». 225

Le lendemain, trois mille personnes répondent favorablement à l’appel. Une véritable tempête frappe l’Égypte tout entière. Sur Internet, la fureur du Mahalla tourne en boucle. La grève a été violement réprimée, faisant trois morts et des dizaines de blessés.

Quant à la Révolution du 25 janvier et comme nous l’avons déjà mentionné, le Mouvement du 6 avril est initiateur de cette révolution. Il appelait tous les jours, sur son site Internet, sa page Facebook ou sur son compte Twitter à une mobilisation sans relâche contre le régime du président Hosni Moubarak. Son rêve : voir l’Égypte figurer un jour parmi les grandes démocraties.226

Inspiré par la révolution tunisienne, le Mouvement du 6 avril utilise la force de frappe d’Internet dans un pays où plus de 17 millions de personnes, soit environ 20 % de la population, sont connectés227. Avant les premières manifestations, le groupe a lancé un sondage sur Facebook pour demander : « Allez-vous manifester le 25 janvier ? ». Le procédé est simple, mais efficace. Un évènement créé sur Facebook, des dizaines de milliers d'adhérents. Et presque autant de manifestants. 228

224 Ce mot a une connotation négative et a été défini comme un «voyou» ou «dur». La verbalisation de ce nom peut être défini comme coercitive. 225 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, op. cit., p. 72. 226 Sara Leduc, « Le Mouvement du 6 avril, agitateur de la Toile égyptienne, disponible sur : http://www.france24.com/fr/20110126-mouvement-six-avril-mobilisation-jeunesse-egyptienne-toile- manifestation-egypte-moubarak-le-caire-ouvriers-coton 227 http://www.france24.com/fr/20110126-manifestation-egypte-internet-blocage-censure-twitter-proxy- facebook-jan25 228 Sara Leduc, « Le Mouvement du 6 avril, agitateur de la Toile égyptienne, op. cit.

64 Quelques jours après, les plus grandes manifestations d’opposition à Moubarak, au pouvoir depuis 1981, ont effectivement eu lieu au Caire et dans les autres grandes villes : Alexandrie ou Mahala Al-Koubra, dans le nord du pays.

Près de 90 000 personnes ont répondu positivement sur la Toile. Et le groupe du Mouvement du 6 avril avait récolté plus de 83 000 fans assurant être prêts à manifester.229 Une vidéo de bonne qualité, témoignant des moyens de l'opposition, a été postée sur YouTube pour appeler à manifester230.

« Nous avions un certain nombre de correspondants présents dans les différents quartiers du Caire, où se sont tenues les manifestations. Ils tweetent, nous appellent, prennent des photos. Notre site et notre page Facebook sont ainsi constamment alimentés par ce qu'ils nous envoient et tout le monde peut suivre ce qui se passe pendant les manifestations », explique Hassan Maher, jeune étudiant à l'université du Caire et membre du mouvement du 6 avril. 231

Beaucoup de jeunes manifestants en ont fait autant, sans être forcément membre d'un quelconque mouvement. "Certains se sont même mis à diffuser des vidéos en direct" témoigne Mona. Jiji, elle aussi, explique qu'elle utilise les réseaux sociaux depuis un an, lors de tous les rassemblements. « Je tweete des photos, je donne des informations importantes sur le déroulement des manifestations. Du journalisme citoyen en quelque sorte. L'essentiel est de véhiculer l'information à ceux qui n'ont pas pu se joindre à nous ». 232

Les autres, ceux qui n'ont pas pu participer, sont également très actifs sur la Toile. « J'ai des amis qui ont participé au mouvement, et je relaie les informations qu'ils me communiquent. Et je poste des articles que je trouve intéressants », explique Salma Lotfy, étudiante en droit à l'université du Caire. Ils ont ainsi pu relayer des demandes de soins formulées par les manifestants, appelant plusieurs médecins à se rendre auprès des victimes. Zeinobia, jeune rédactrice du blog "Egyptian Chronicles", a également participé à "l'effort de guerre" en relayant les informations qu'elle a pu glaner ici et là, malgré la

229 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/01/25/l-egypte-peut-elle-suivre-l-exemple- tunisien_1470116_3218.html 230 http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=U2iI_Epd0m0 231 Tony Gabriel, « Les réseaux sociaux, nouvelle arme de la jeunesse égyptienne », disponible sur http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/01/27/les-reseaux-sociaux-nouvelle-arme-de-la-jeunesse- egyptienne_1471058_3218.html 232Ibid.

65 coupure des communications. Car le gouvernement égyptien a très rapidement compris le danger qu'Internet représentait pour lui. « En fin d'après-midi, vers 16 heures, les réseaux de téléphonie mobile ont commencé à être coupés. Nous n'avions plus accès à Internet. Nous ne pouvions même plus appeler », affirme Bassem Fathi, 26 ans, chef de projet au sein d'une ONG. En début d'après-midi, Twitter n'était plus accessible, même à partir d'un ordinateur. Et le site Bambuser, qui permet de diffuser des vidéos en direct, a été bloqué. 233

De ce qui précède, nous pouvons dire que la relative liberté de l'Internet en Égypte a donc conduit à l'émergence de pratiques comme le militantisme sur les blogs et Facebook, qui ont permis à une jeune génération d'Égyptiens d'exprimer publiquement leur désaccord. En combinaison avec une libéralisation limitée de la presse, des acteurs marginalisés dans les discours officiels ont pu se faire entendre. Cependant, le mouvement est longtemps resté anecdotique, notamment à cause de la faible pénétration d'Internet dans le pays. L'appartenance des activistes à l’élite a permis au régime égyptien de cantonner les manifestations et de présenter leurs organisateurs comme des utopistes et des criminels. La communauté de blogueurs, établie depuis des années, a toutefois perfectionné ses capacités organisationnelles. Quand la Tunisie a montré qu'une révolution pourrait être couronnée de succès, les Égyptiens ont repris du courage pour relancer leur bataille. 234

En conclusion, nous remarquons que dans des sociétés où la sphère publique a été scellée et où les médias traditionnels et organisations des droits humains ont été trop affiliés aux pouvoirs en place pour servir de canaux d'expression à la population, Internet a permis à une génération éduquée et habituée aux technologies de discuter et, dans un deuxième temps, de s'organiser. Dans ce cadre nous pouvons aborder un peu la relation entre le paysage médiatique égyptien et le pouvoir. « Il y a un profond déséquilibre dans le paysage médiatique égyptien », souligne Dina Aboul Fetouh Mohamed, chercheuse à l’Association pour la liberté de pensée et d’expression au Caire. « Étant donné le fort taux d’analphabétisme dans le pays, le média le plus important est la télévision. Or la télévision d’État domine très largement. Il existe des chaînes privées mais dont l’audience est beaucoup plus faible et dont les propriétaires sont des hommes d’affaires qui doivent faire attention dans leurs relations avec le régime. Certaines, comme OnTv, affichent une

233 Ibid. 234 Johanne Kuebler, « Les révolutions arabes et le web 2.0, Tunisie et Egypte », op. cit.

66 réelle liberté de ton mais leurs journalistes sont soumis à des pressions, par exemple en étant convoqués devant des tribunaux militaires ». « Dans la presse, le plus gros tirage est le quotidien d’État Al-Ahram 235 », poursuit la chercheuse. « Dans tous les cas, l’autorisation d’émettre ou de publier est soumise au ministère de l’information, toujours contrôlé par les forces pro-armée ». 236

La blogosphère naissante a pu, donc, s'installer en contrepoids au journalisme classique, dominé par la langue de bois et la propagande. Dans le contexte d'un étouffement de la sphère politique générale, l'activisme soutenu par Internet s'est imposé, avec des succès variables et des échecs, comme un acteur dynamique de changement. 237

En Égypte, l'Internet a pu servir de caisse de résonance parce qu'il était un espace dans lequel une partie de la population a pu discuter politique. Par la suite, Internet a influé sur la nature de l'organisation des évènements. L'avènement du mouvement Kifāya, par exemple, est lié aux blogs, dont les auteurs ont utilisé leurs compétences pour aider à organiser des manifestations jamais vues auparavant. Ensuite, l'émergence de Facebook a permis de joindre un nombre bien plus important de personnes en très peu de temps. Les manifestations, certes pour la majorité plutôt petites, ont gagné une certaine notoriété en Égypte, et des réseaux de participants habituels se sont noués. 238

Donc, nous avons vu comment il peut arriver que des mouvements sociaux n’aient pas d’orientation idéologique particulière, mais quand même, ils sont capables d’aborder les intérêts socioéconomiques et politiques des citoyens. Et puis ils savaient se servir de la technologie de l’information et des réseaux sociaux. Pour la plupart, ils n’avaient pas d’orientation idéologique particulière et appelaient à la réforme politique en se fondant sur les droits humains, la démocratie, l’égalité sociale et la justice. C’est pourquoi ils ont su mobiliser des jeunes d’arrière-plans socioéconomiques et politiques différents. Ils étaient par nature laïques et les islamistes y jouaient un rôle marginal. Il y avait au sein de ces mouvements des jeunes indépendants et divers qui appartenaient à un parti ou à un autre, comme le parti Al-Ghad (libéral) ou le parti Al-Karama (nassériens de gauche) ; ou encore à des mouvements islamistes comme la jeunesse Frères musulmans. Mais sur le long

235 http://hebdo.ahram.org.eg/ 236 « En Égypte, entre le marteau et l’enclume », Entretien posté par Jean-Christophe Ploquin, avec Dina Abdel Fetouh au siège d’Amnesty International, disponible sur : http://paris-planete.blogs.la-croix.com/en-egypte- entre-le-marteau-et-lenclume/2012/07/05/ 237 Ibid. 238 Ibid.

67 terme, ils étaient restés plutôt faibles en raison de leurs divisions idéologiques. Certains jeunes étaient plus radicaux que d’autres, ce qui aggravait encore la bataille interne. Par exemple, le mouvement du 6 Avril fut en mesure de diriger des manifestations uniquement à partir des réseaux sociaux et des blogs. N’avait-il pas émergé en mobilisant toutes sortes de jeunes et de blogueurs aux côtés des ouvriers du textile d’Al-Mahala Al- Koubra ? Leur solidarité avec les ouvriers fut essentielle pour que les intérêts socioéconomiques et politiques des individus, en l’occurrence, se rejoignent.

68 PARTIE II : LE PRINTEMPS ARABE, QUELLE PLACE POUR LES RÉSEAUX SOCIAUX ?

« Les révolutions en Tunisie et en Égypte ont attiré l’œil des médias, comme des « révolutions 2.0 », en référence au « web 2.0 » ; c’est-à-dire comme une révolution par l’outil numérique, et des réseaux sociaux » (Guillaume Boute).

Cette partie traite l’utilisation des réseaux sociaux en Égypte courant l’année 2011. Que ce soit par le peuple dans l’éclatement de la Révolution du 25 janvier, soit par le pouvoir postrévolutionnaire. Cette partie se divise en deux chapitres. Le premier intitulé « Les réseaux sociaux et l’éclatement de la révolution du 25 janvier », traite en détail le pouvoir de l’Internet et son rôle dans le déclenchement de la révolution à travers l’utilisation des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Le deuxième chapitre intitulé « Le pouvoir postrévolutionnaire et les réseaux sociaux » traite l’utilisation des réseaux sociaux soit par le Conseil Suprême des Forces Armées pendant la période de transition, soit par les Frères musulmans, actuellement au pouvoir.

69 CHAPITRE 1 LES RÉSEAUX SOCIAUX ET L’ÉCLATEMENT DE LA RÉVOLUTION DU 25 JANVIER

« L’ironie n’a échappé à personne. Au pays des hiéroglyphes, c’est le signe qui a fait tomber Pharaon »239.

L’année 2010 aura vu la consécration des réseaux sociaux et du Web comme outils de mobilisation et de transmission d’informations. 250 millions d’utilisateurs ont rejoint Facebook en 2010. A la fin de l’année, le réseau social comptait 600 millions de membres. 175 millions de personnes utilisaient Twitter en septembre 2010, soit 100 millions de plus par rapport à l’année passée. 240

L’usage de Facebook s’est multiplié d'une manière sans précédent et a gagné plus de popularité. Le nombre d'utilisateurs de Facebook a augmenté par un million, et le nombre de ses visiteurs s’est passé de 4,2 millions de personnes à 5,2 millions de personnes en un mois241. Quant à Twitter, ses utilisateurs avant la révolution étaient 26 000 et 800 utilisateurs, pour augmenter plus tard à 44 000 et 200. En plus, YouTube utilisé pour partager des fichiers vidéo, vus par 7,8 millions Égyptiens pendant la première semaine de la révolution, malgré la coupure de l’Internet. En outre, la période consacrée par l’utilisateur à l’internet s’est augmentée, passant de 900 minutes par mois avant la révolution à 1800 minutes par mois après la révolution.

Bien que la plupart des sites des réseaux sociaux ne s’intéressaient pas à la politique ni la prennent en compte, son utilisation croissante a rendu très difficile la séparation complète entre la politique, le social et le personnel. Nous remarquons ainsi une différence dans le comportement des utilisateurs Égyptiens en ligne après le 25 janvier. Avant cette date, ils étaient attirés par le divertissement, mais après la révolution, les utilisateurs sont devenus plus conscients de la manière d’utiliser les outils en ligne. Ils ont appris pour la première fois l'utilisation des sites intermédiaires, comment surmonter le

239 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, op. cit., p. 63. 240 http://12mars.rsf.org/i/LES_ENNEMIS_INTERNET.pdf 241 Middle East News Agency, « Le printemps des réseaux sociaux après la révolution du 25 janvier », disponible sur : http://www.mubasher.info/portal/case/getDetailsStory.html?goToHomePageParam=true&storyId=2000273

70 blocage des réseaux sociaux et la recherche des informations crédibles.

Les médias sociaux ont joué un rôle déterminant dans les révolutions arabes. Billets, pages Facebook, tweets, vidéos Youtube, etc., ont été le moteur d’une e-révolution. 242

En Égypte, tout a commencé quand un jeune homme nommé Khaled Saïd a été torturé avant de mourir de ses blessures à l’été 2010. Jeunes blogueurs et cyberactivistes devaient placer au premier plan d’une critique hautement politique du régime. Un nouveau mouvement émergea sur Facebook, « Kullena Khaled Saïd » 243 « Nous sommes tous Khaled Saïd » « We are all Khaled Saïd », qui présentait la brutalité du régime et montrait que quelque personne que ce soit essayant de défier les services de sécurité pouvait être menacé et torturé à mort. Khaled Mohamed Saïd a été battu à mort le 6 juin 2010 par deux officiers de la police secrète à Alexandrie244.

La page Facebook de « Nous sommes tous Khaled Saïd »

Agé de 30 ans, Wael Ghoneim, chef du marketing de Google pour le Moyen-Orient, vivant à Dubaï avec sa femme américaine et leurs deux enfants, a reconnu, après être venu au Caire pour participer à la manifestation du 25 janvier et avoir été détenu douze jours par les forces de sécurité, être le créateur de la page Facebook « We are all Khaled Saïd ». La page a été au cœur de la prise de conscience par les jeunes Égyptiens des abus de la police et du pouvoir, et fut la clé, avec d'autres pages contrôlées par d'autres

242Jean-Philippe Magué, « Réseaux et mouvements sociaux », Séminaire co-organisé par l’École normale supérieure de Lyon et l’Institut Supérieur de documentation (ISD) de Tunis, le 16 janvier 2012. 243 https://www.facebook.com/ElShaheeed 244 GHONIM Wael, La Révolution 2.0, op. cit., p. 83.

71 mouvements de jeunesse, de la mobilisation du 25 janvier. 245

Mais quelle est l’histoire de cette page Facebook « Nous sommes tous Khaled Saïd »? Après le meurtre de Khaled Saïd, Wael Ghoneim a réalisé qu’une page intitulé « Mon nom est Khaled Saïd » existe déjà. Parmi les commentaires écrits sur la page : « A tous les chiens du régime : le meurtre de Khaled ne restera impuni ». Convaincu que ce type de langage n’aiderai pas à rendre la cause publique, Wael Ghoneim a décidé de crée une autre page et d’utiliser ses connaissances en marketing pour la diffuser le plus possible.

Parmi plusieurs noms, Ghoneim a trouvé que Kullena Khaled Saïd, « Nous sommes tous Khaled Saïd » est le meilleur. Il a caché délibérément son identité et a endossé le rôle de l’administrateur anonyme de la page.

Son premier post, direct montrant son indignation et sa tristesse, était : Aujourd’hui, ils ont tué Khaled. Si je n’agis pas pour lui, demain ce sera moi (49 personnes aiment ça). En deux minutes, trois cents membres rejoignaient la page : Nous sommes 300 en deux minutes. Il faut que nous soyons 100 000. Nous devons nous unir contre notre oppresseur (64 personnes aiment ça). 246

Il a écrit son premier article sur la page : « Nous qu’on prive de notre humanité, nous obtiendrons justice pour Khaled Saïd ». Et en une heure, le nombre de membres passe à trois mille.

Dans cette page, Ghoneim parle en première personne comme si c’était lui Khaled Saïd : Égyptiens, ma justice est entre vos mains (50 personnes aiment ça).

Dès le premier jour de la création de la page, 36 000 personnes rejoignaient la page. Et vers la fin du même jour, Il y a plus de 1800 commentaires sur la page. 247

La question demandée souvent à Wael Ghoneim est pourquoi une deuxième page a été crée alors que la première, « Mon nom est Khaled Saïd », comptait déjà 70 000 membres, alors pourquoi ne pas unir les forces? Ghoneim a pensé donc à l’idée de fermer la page qu’il a crée. Mais le problème était le ton agressif adopté par la première page qui

245 Rémy Ourdan, « Les révoltes arabes sont-elles des « révolutions 2.0? », op. cit. 246 GHONIM Wael, La Révolution 2.0, op. cit., p. 85. 247 Ibid., p. 88.

72 continuait de le tracasser. C’est pourquoi il a décidé de faire de la publicité à « Mon nom est Khaled Saïd » sur « Kullena Khaled Saïd ». Il demande aux membres des deux pages de coordonner les efforts.

C’est le silence des médias dans le monde physique qui rend le monde virtuel essentiel pour promouvoir la cause. Ghoneim à donc utiliser la page Facebook pour mettre en avant l’idée que ce qui s’est arrivé à Khaled se produit tous les jours, d’une manière ou d’une autre, pour des gens dont personne n’entend parler. Il a essayé de montrer que la torture fait partie du système du ministère de l’intérieur. L’une des sources les plus importantes auxquelles il a eu recours est le blog « Conscience égyptienne », Misr digital, de Wael Abbas. Il utilisait aussi la page pour poster des vidéos de torture.

L’objectif stratégique de la page Facebook est de gagner le soutien de l’opinion publique. Cela revient peu ou prou à se servir de l’approche du lancement de produit, enseigné à Ghoneim à l’école248 :

Convaincre les gens de rejoindre la page et de lire les posts.

Les amener à interagir avec le contenu en cliquant sur le bouton J’aime ou en laissant des commentaires.

Les faire participer aux campagnes en ligne de la page et les pousser à contribuer eux-mêmes.

Les amener à concrétiser leur activisme dans la rue. Et c’est cette quatrième étape étant son aspiration ultime.

« Internet est l'espace de liberté du peuple, l'espace où chacun peut s'informer et communiquer, et « We are all Khaled Said » a joué un rôle crucial", témoigne l'avocat Gamal Eid, du Réseau arabe pour l'information sur les droits de l'homme. "Ghoneim n'a pas d'idéologie. C'est ce qui fait sa force, estime la militante Mona Seif. Il a réussi à mobiliser des gens comme lui, qu'on ne voyait jamais s'engager en politique. Il a parlé à tous." Wael Ghoneim, qui a galvanisé le peuple égyptien à sa sortie de prison, lors d'un entretien à Dream TV puis d'un discours place Tahrir, fait référence à une "Révolution

248 Ibid., p. 94.

73 2.0". 249

Le journaliste Issandr El-Amrani, qui tient le blog "The Arabist", revient sur la genèse de la révolte. "Les Égyptiens étaient désabusés, par les richesses non partagées, par la corruption, par les tortures, par les scandales électoraux. La page "We are all Khaled Said" a joué un rôle important, ainsi que d'autres militants sur Facebook et Twitter, mais il y a eu aussi la force de la révolution en Tunisie, la tuerie des coptes, la première manifestation le 25 janvier, la répression sanglante le 28janvier. C'est là, pour toutes ces raisons, que le mouvement est devenu si fort. Et il y a eu l'intelligence des leaders du mouvement, qui ont fait passer un message clair et net, et il y a eu le soutien des médias." Tous ces ingrédients ont abouti, selon M.El-Amrani, à une rare combinaison de facteurs différents entraînant un résultat inattendu. 250

La coupure d'Internet et des téléphones mobiles durant quelques jours n'a donc pas eu l'effet escompté par le pouvoir, la mobilisation étant déjà forte. "Une fois que les Égyptiens avaient décidé de descendre dans la rue, c'était bon, témoigne le blogueur Wael Abbas. En revanche, Internet nous a permis de les amener dans la rue, de diffuser des informations politiques et des détails logistiques. Je crois qu'aucun d'entre nous, militants, ne s'attendait à voir autant de gens rassemblés. Les initiateurs des appels à la révolution ont été dépassés par la puissance de leurs outils, avant d'être surpris par la détermination et le courage des Égyptiens. 251

Le pays de 80 millions d'habitants compte, selon Gamal Eid, 24 millions de personnes connectées à Internet, dont près de 5,45 millions de comptes Facebook, 300 000 comptes Twitter et 250 000 blogs. C'est suffisant pour relayer efficacement des informations. « Chaque famille a au moins un membre connecté, via un ordinateur ou un smartphone», remarque Wael Abbas. Tous admettent aussi la puissance de la télévision, et le rôle important qu'a joué la chaîne qatarie Al-Jazzera par son soutien affiché aux protestataires. 252

La communauté des militants numériques d'Égypte, qui se comptent dorénavant par centaines ou par milliers, tant l'intelligence politique d'un homme comme Wael Ghoneim

249 Rémy Ourdan, « Les révoltes arabes sont-elles des « révolutions 2.0? », op. cit. 250 Ibid. 251 Ibid. 252 http://www.ecoledelapaix.org/IMG/pdf/demo-internet-2.pdf

74 ou la force du témoignage d'une Gigi Ibrahim ont séduit leurs compatriotes, est déterminée à accompagner le pays vers la démocratie. « On ignore si Wael Ghonim, par exemple, a envie de faire de la politique. Les leaders de la révolution sur Facebook ne seront pas forcément les leaders de l'Égypte de demain, pense Issandr El-Amrani. Mais ils auront un rôle important à jouer dans la mobilisation de la jeunesse en vue des élections ». 253

Wael Abbas s'aperçoit que « désormais, tout le monde reste connecté. C'est donc la meilleure façon d'exercer des pressions sur l'armée, de rester vigilants ». Les partis traditionnels d'opposition, qui n'ont joué presque aucun rôle dans la révolution, vont tenter d'attirer à eux ces incroyables militants. Dans un pays où 65 % de la population a moins de 30 ans, ceux-ci pourraient être la clé de l'avenir politique de l'Égypte. 254

En Égypte, ils ne sont que 17 millions à avoir accès à Internet, à peine 21 % de la population. Un pourcentage qui peut paraître bien faible comparé aux 68,9 % d'utilisateurs français, mais suffisant pour inquiéter le pouvoir égyptien, qui s'est raidi en affirmant ne tolérer « aucun acte de provocation, de rassemblement de protestation, de marche ou de manifestation ». 255 Une attitude qui a poussé les États-Unis à appeler son fidèle allié égyptien à la retenue. "Nous soutenons les droits universels du peuple égyptien, notamment la liberté d'expression, d'association et de rassemblement, a déclaré Hillary Clinton. "Nous appelons les autorités égyptiennes à ne pas empêcher les manifestations pacifiques et à ne pas bloquer les communications, particulièrement celles des réseaux sociaux ». 256

Nous avons vu comment c’est vraiment le signe qui a fait tomber Pharaon. Ses armes tiennent en sept lettres : Twitter. Ou en huit : Facebook. Ses combattants s’appellent @alaa, @Ghonim, @TravellerW. Le monde découvre leur existence le 25 janvier 2011. Mais depuis une poignée déjà, ils sont quelques centaines, hérauts électroniques, à relayer sur Internet les colères de la jeunesse égyptienne. Ses aspirations à la démocratie. Son ras-le-bol du nizâm, le système. 257

253 http://www.scribd.com/doc/65602440/ECJS-Tribunes-de-La-Presse 254 http://www.litt-and-co.org/c_g/Textes%20CG%20mensuel/2011/FEVRIER%202011.pdf 255 Tony Gabriel, « Les réseaux sociaux, novelle arme de la jeunesse égyptienne », op. cit. 256 Ibid. 257 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, op. cit., p. 63.

75 Ils postent en anglais, en arabe. Seconde après seconde, ces scribes modernes racontent au monde les soubresauts de l’Égypte. Comme un univers parallèle, au-delà des médias qui renvoient sempiternellement la même image du pays. 258

C’est à West El-Balad, le centre-ville, dans l’air saturé par la fumée des chichas, qu’ils se croisent. Il s’agit là de Wael Abbas, Malcom X, Rami Raouf, Shahinaz Abdel Salam, plus connue sous son avatar Wa7da Massreya259, « une Égyptienne », ou Ahmed Maher, coordinateur du Mouvement du 6 Avril au rôle déterminant dans le déclenchement de la révolution. Il y a aussi celle que Twitter connait sous le code @Gsquare86. Dans le monde réel, @Gsquare86 se nomme Gigi Ibrahim, Dans sa main, un BlackBerry sur lequel elle tape en permanence tout ce qu’elle voit en 140 signes, format Twitter. Gigi Ibrahim est âgée de 24 ans, élevée aux États-Unis et revenue en Égypte depuis 2009. Quand éclate la révolution du 25 janvier, cette diplômée en sciences politiques est une figure emblématique de la jeunesse égyptienne qui, en diffusant l’information en temps réel, a joué le rôle d’aiguillon dans le soulèvement. 260

Tous ceux-là n’ont peur de rien. Cette génération Internet, nourrie à l’Opensource, prête à affronter les geôles et les coups de la Sécurité de l’État plutôt que de se taire. 261

Pour la première fois, la jeunesse égyptienne désabusée, brimée, muselée, trouve un exutoire, que les autorités ne pensent pas à filtrer. De temps en temps, certains sites, généralement islamistes, sont temporairement bloqués. Mais très rarement les blogs. Encore moins ceux écrits en anglais. Pas dangereux, contrôlables, le fait d’une jeunesse nantie à qui il suffit de taper sur les doigts pour la remettre dans le rang. C’est ce que pense peut-être alors la Sécurité de l’État, qui choisit l’option de sévir à posteriori, en arrêtant les gêneurs. 262

L’année 2011 était une année charnière pour la blogosphère égyptienne, puisque la contestation sociale n’a cessé d’augmenter en raison de plusieurs facteurs, telle la hausse des prix des produits alimentaires, l’inflation, le chômage….etc. D’où l’éclatement des grèves dans les usines. Mais ces grèves n’ont pas causé de paralysie massive. Quand même, le régime était inquiet du pouvoir de l’Internet. C’est pourquoi le contrôle sur

258 Ibid. 259 http://wa7damasrya.blogspot.fr/ 260 SALAÜN Tangi et GUIBAL Claude, L’Égypte de Tahrir, op. cit., p. 65. 261 Ibid. 262 Ibid., p. 64 – 65.

76 l’Internet s’intensifié. Par exemple, dans les cybercafés, il faut désormais présenter ses papiers. Aussi les cafés qui proposaient un accès wifi gratuit ont changé leur politique. Il faut par contre acheter des cartes prépayées.

Au niveau de la Sécurité de l’État, il s’agit d’une équipe spéciale pour surveiller sur la toile tous les acteurs de la contestation, comme Mohamed Al-Charqaoui, arrêté en 2006 lors d’une manifestation et racontant avoir été frappé par ses interrogateurs. Et Karim Amer condamné à trois ans de prison pour insulte au président, et à un an supplémentaire pour incitation à la haine de l’islam. Il été accusé d’avoir dénoncer, sur son forum Internet, les dérives autoritaires du gouvernement et de critiquer les plus hautes institutions religieuses du pays.

Les cyberactivistes égyptiens ne cessent pas d’affiner leur utilisation des réseaux virtuels, devenu à la fois armes et boucliers. C’est ce qu’a compris la blogueuse Dalia Zyada quand, un matin, elle aperçoit un groupes d’hommes d’Amn El-Dawla, la Sécurité de l’État. Ceux qu’elle désigne sur son blog comme les artisans de la répression au service de la protection du régime. Elle commence à ralentir le pas, et raconte en détail ce qui se passe sur Twitter et Facebook. L’ambassade américaine a été mise au courant et est intervenue, et les forces de l’ordre ont été obligées de quitter. 263

Même si la Sécurité de l’État commence à surveiller et frapper les blogueurs, elle est loin d’imaginer à quel point Facebook et les réseaux sociaux vont être des acteurs majeurs de la chute d’Hosni Moubarak.

Les réseaux sociaux sur « Internet » comme Facebook, Twitter et d'autres ont joué un rôle important dans le déroulement des évènements de la révolution du 25 Janvier. Les réseaux sociaux ont transformé les protestations individuels étroites en une seule force populaire bien organisée ayant une même idéologie, se transformant ainsi d’une révolution dite virtuelle en une véritable révolution sur la Place Tahrir. 264

Les bourgeons de la révolution se sont apparus sur Facebook grâce aux jeunes qui ont surpris le régime à ce moment-là. D’où la fameuse phrase diffusée sur Internet : « La

263 Ibid., p. 68 – 69. 264 David M. Faris, « La révolte en réseau: le printemps arabe et les médias sociaux », op. cit.

77 révolution a commencé sur Facebook, est accélérée par Twitter, et dirigée par un employé de « Google », se référant à Wael Ghoneim. 265

Bien que les réseaux sociaux ne créent pas de révolutions, ils ont contribué au rassemblement des militants, à la coordination entre eux et à la promotion de leur message. Les réseaux sociaux étaient aussi leur moyen d'attaquer les personnes au pouvoir. Ils transfèrent aussi ce qui se passe au monde extérieur. 266

Depuis l'avènement de l’Internet sur le théâtre des évènements dans le monde, il est devenu une fenêtre sur différentes tendances politiques permettant de s’exprimer et s’échapper du contrôle strict des médias traditionnels sur le contenu. Les médias électroniques ont réussi à imposer ses propres règles, surtout avec l'échec de bloquer les sites. Ceux sont donc apparus les forums de discussion, les groupes e-mail et les sites des réseaux sociaux tels que Twitter et Facebook.

Facebook et Twitter, fils de l'Internet, ont joué un rôle actif dans la révolution égyptienne. Les autorités égyptiennes ont réalisé la forte influence des réseaux sociaux dans un moment perdu, et par suite avaient perturbé les réseaux et les téléphones mobiles, et coupé le service Internet dans l’ensemble du pays le 28 janvier 2011, ce qui conduit la plupart des utilisateurs d'Internet et d'autres à intensifier la protestation. 267

En l'honneur du rôle du Facebook dans la révolution, et pour punir les opérateurs mobiles d’avoir couper ses services pour ses abonnés, la jeunesse égyptienne a décidé, en invitant sur le site "Facebook", boycotter les réseaux mobiles, le 28 janvier de cette année et se fonder uniquement sur les réseaux sociaux.

Il est devenu clair que réseaux sociaux ont battu l'état d'urgence, qui est l'indispensable outil pour tout régime autoritaire.

Au cours d’une année entière, Facebook a son propre printemps. Certains voient qu’il est devenu la IVe République dans le monde en termes de population. Et en Égypte, le nombre d'utilisateurs et les surfeurs du réseau Internet a augmenté une augmentation significative dans le sillage de la révolution le 25 Janvier.

265 Ibid. 266 Ibid. 267 Nadia, Laura et Géraldine, « La révolution égyptienne ou le rôle des médias sociaux dans les soulèvements », disponible sur : http://egypterevolution.wordpress.com/

78 Le monde parle de Facebook, Twitter et YouTube comme moyen de communication sociale entre les individus, et quand les jeunes ont découvert ce rôle social, ils les ont transformés en un moyen de communication politique, devenant un outil politique pour le changement.

De cette manière, toute personne ayant Facebook pense qu'il a un grand rôle dans la formation de l’histoire. Les réseaux sociaux sont devenus l'un des outils les plus dangereux.

Les évènements d'Égypte montrent clairement que les réseaux sociaux sont capables de provoquer des changements politiques. Ils montrent aussi qu’il y a des nouvelles méthodes des utilisateurs pour contourner les restrictions d’accès à internet : des révoltes similaires ont déjà eu lieu auparavant, comme la révolution-Twitter en Iran en 2009. Mais c’est la première fois à une telle échelle, les manifestants ont réussi à trouver des méthodes pour contourner les restrictions d’accès à internet et aux réseaux de téléphonie mobile instaurées par le gouvernement égyptien, et à obtenir un accès aux réseaux sociaux, dont Facebook et Twitter. Ont fait leur apparition sur les pages des utilisateurs de ces réseaux sociaux des statuts dont le contenu servait en fait d’instructions à l'intention des manifestants: « NOTRE RESEAU DSL EN EGYPTE FONCTIONNE TOUJOURS, UTILISEZ LE MODEM 0777 7776 OU 0777 7666. Diffusez l’information aussi vite que possible #Egypt#25Ja ». 268

De tels messages se sont rapidement répandus, expliquant aux utilisateurs comment utiliser l’accès à internet via un modem pour contourner les restrictions imposées par le gouvernement. Lorsque l’accès à internet depuis l’Égypte a été intégralement coupé, ces messages ont commencé à être diffusés par les Égyptiens qui résidaient à l’étranger et les utilisateurs d’autres réseaux sociaux arabes vivant en dehors de l’Égypte et soutenant les manifestants. Ainsi, les médias indépendants ont pu recevoir des informations et les diffuser à la télévision et dans les journaux. 269

Aussi les vidéos filmées par les utilisateurs ont joué un rôle primordial en donnant une idée de ce qui se produisait réellement en Égypte, tandis que les médias

268 Rateb Joudeh, « Le rôle des réseaux sociaux dans les émeutes en Égypte », disponible sur : http://fr.rian.ru/discussion/20110202/188513272.html 269 Ibid.

79 gouvernementaux d’Égypte tentaient de toutes leurs forces de bloquer le flux d’informations. 270

De ce qui précède, nous pouvons dire que dans le cas de l’Égypte, les réseaux sociaux ont effectivement joué un rôle crucial dans l’obtention de certaines informations en provenance du pays », cite le portail The Atlantic Wire le correspondant de CNN Mohammed Jamjoom. « Nous constatons que les réseaux sociaux ont été utilisés pour expliquer comment contourner les barrages, traverser les ponts, se rendre à l’endroit où les gens voulaient organiser une manifestation »271.

270 Ibid. 271 http://fr.rian.ru/discussion/20110202/188513272.html

80 CHAPITRE 2 LE POUVOIR POSTRÉVOLUTIONNAIRE ET LES RÉSEAUX SOCIAUX

Aujourd’hui, pour des raisons d’image et de crédibilité, les politiciens sont attendus être présents sur les réseaux sociaux. Il faut qu’ils soient dans le coup et monter qu’ils maitrisent les outils technologiques.

Vu le fait que les médias classiques perdent de leur efficacité, comme nous l’avons déjà mentionné tout au début de ce mémoire, c’est devenu inconcevable de mener une campagne politique sans recourir aux médias sociaux.

Que le responsable politique aime ou pas cet outil de communication et quel que soit sa culture technologique, c’est important d’être présent sur ces réseaux, que ce soit sur Facebook, Twitter, LinkedIn... etc.

Réalisant l’importance de ce nouvel outil de communication, le Conseil suprême des forces armées qui a dirigé l’Égypte pendant la période de transition, mais aussi les Frères musulmans, actuellement au pouvoir, ont bien eu recours aux réseaux sociaux d’une manière intensive.

Commençons par le Conseil suprême des forces armées. Conscient de l'influence croissante de Facebook, ce dernier avait créé cinq jours après la révolution du 25 janvier sa page officielle Facebook pour communiquer avec les égyptiens. Il publiait à peu près tous les jours des déclarations constitutionnelles. Ils essayent chaque jour de transmettre un message pour calmer et absorber la colère du peuple égyptien.

Au temps du « printemps arabe », c’est dès la mi-février 2011 que le CSFA a ouvert en Égypte sa page Facebook dédiée à la jeunesse d’Égypte, à ses fils et à ses martyrs qui ont lancé la révolution du 25 janvier.272

272 Yves Gonzalez-Quijano, « Réseaux sociaux et soulèvements arabes : la fin de l’innocence », publié 27 mars 2012, disponible sur : http://cpa.hypotheses.org/3391 (CPA: Cultures et politique arabes).

81

La page Facebook du Conseil Suprême des Forces Armées

En outre, les gouvernements d’Ahmed Shafiq et Dr. qui ont été à la tête du gouvernement au début de la période de transition, de même que le gouvernement actuel de Dr. Kamal El-Ganzoury, ont fait la même chose.

Quant aux Frères musulmans, il est à noter dans un premier temps que personne ne peut négliger leur présence. Les Frères sont présents comme réalité. Les membres sont présents sur le terrain et dans le tissu de la société égyptienne. Avant, donc, d’aborder leur usage des réseaux sociaux, il s’agit de les présenter.

Le mouvement des Frères musulmans en Égypte a connu une histoire agitée. Nous pouvons dire que cette histoire est caractérisée par des conditions particulières de semi- clandestinité273 qui pèsent sur la manière dont il parvient quatre-vingt-deux ans après sa création initiale, à exister publiquement et politiquement dans ce pays.

Nés en Égypte en 1928, entre les mains d'Hassan al-Banna, le mouvement des Frères musulmans est le plus ancien mouvement de l'islamisme sunnite. Et c'est à partir de ce berceau historique, que les Frères musulmans ont implantés leur réseau dans d'autres pays

273 Vannetzel Marie, « Secret public, réseaux sociaux et morale politique. Les Frères musulmans et la société égyptienne », Politix, 2010/4 n° 92, p. 77-97. DOI : 10.3917/pox.092.0077

82 arabes. Ils s'opposent aux courants laïcs des pays musulmans, rejettent les influences occidentales et soufies. Ils préconisent une adaptation du Coran à la société moderne, souhaitent l'islamisation de la société et font du pouvoir politique un des fondements de l'islam.274

Nous pouvons raconter l’histoire des Frères musulmans sur trois niveaux différents. Tout d’abord, la revendication d’une légitimité populaire, qui constitue, pour les Frères, un moyen de faire pression sur l’État égyptien afin d’obtenir de ce dernier une reconnaissance officielle. Interdite en 1948, après une période d’existence légale, puis durement réprimée par le régime de Nasser à partir de 1954, l’organisation des Frères musulmans réémergea au tournant des années 1970, à la faveur des reconfigurations et ouvertures relatives induites par l’arrivée au pouvoir d’Anwar al-Sadat. Cette réémergence fut l’objet d’un compromis avec le régime : l’organisation des Frères musulmans en voie de restructuration fut autorisée à accéder à une certaine forme d’existence publique, sans toutefois recouvrer aucun statut légal. 275

Sous la présidence d’Hosni Moubarak, le mouvement se constituait à nouveau une large assise sociale, notamment à travers ses actions dans les syndicats professionnels et les unions étudiantes. Depuis 1977 et jusqu’à aujourd’hui, les Frères formulèrent plusieurs demandes d’accès à une existence légale, auxquelles le régime opposa un refus permanent. De plus, à partir du milieu des années 1990, ils se sont vus confrontés à une reprise de la répression, plus ou moins intense selon les périodes. Ainsi, l’investissement des Frères musulmans dans la consolidation de leur existence de facto, socialement reconnue, peut être compris comme un mode de légitimation et de protection face au défaut de reconnaissance officielle dont ils pâtissent. 276

Le deuxième niveau, qui correspond à la présence des Frères dans le tissu de la société, évoque la trajectoire originale qu’a connue le mouvement depuis sa fondation : un développement plus ou moins hors système, fondé sur la confection de liens sociaux denses mais aussi diversifiés que possible. Durant sa première phase d’existence, de 1928 à 1948, l’organisation des Frères musulmans, à l’époque légalement reconnue comme

274 « Qui sont les Frères musulmans », publié le 01 décembre 2011, Le Nouvel Observateur, disponible sur http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20111201.OBS5814/egypte-qui-sont-les-freres-musulmans.html 275 Vannetzel Marie, « Secret public, réseaux sociaux et morale politique. Les Frères musulmans et la société égyptienne », op. cit. 276 Ibid.

83 simple association, se transforma rapidement en mouvement politique de masse, dont la caractéristique était bien de s’être constitué par la multiplication de réseaux sociaux au sein de différents secteurs de la société : l’association recrutait ses adhérents au sein des couches populaires, de la petite bourgeoisie et des classes moyennes ; elle déployait des méthodes sophistiquées pour attirer dans ses rangs les jeunes issus des nouveaux milieux estudiantins. Mais les Frères s’efforçaient aussi de constituer des relations privilégiées avec les chefs de village, notables et dignitaires locaux ainsi qu’avec le personnel religieux et les autres associations islamiques. La prolifération de ces rapports avec des groupes sociaux aussi variés était permise par une diversification des activités de l’association, ce que résume bien cette citation du fondateur du mouvement, Hasan al- Banna :

« Nous, les Frères musulmans, sommes comme un immense hall dans lequel n’importe quel musulman peut entrer par n’importe quelle porte pour partager ce qu’il souhaite. Rechercherait-il le soufisme, il le trouverait. Rechercherait-il la compréhension de la jurisprudence islamique, il la trouverait. Rechercherait-il du sport et du scoutisme, cela est ici. Rechercherait-il le combat et la lutte armée, il les trouverait. Vous êtes venus à 277 nous avec la préoccupation pour la “nation”. Ainsi, je vous accueille ».

Enfin, vient le troisième niveau, celui de la manière dont les Frères sont présents dans la société, de façon concrète et physique, comme s’ils faisaient corps avec elle. Cette manière renvoie à l’idéologie politique des Frères musulmans. Loin d’être pensé en tant que sphère d’activités spécialisées et différenciées par rapport au social ou au religieux, le politique ne se comprend que comme dimension du système global de l’islam. Cette vision modèle très directement le programme (Al-minhag) des Frères, qui, tel que l’a défini le fondateur, avait pour objectif ultime d’instaurer l’ordre islamique afin d’œuvrer à la renaissance de la nation, considérée comme étant en proie à une grave crise sociétale. Al-Banna écrivait ainsi en 1933 que « La solution est l’éducation et la formation des âmes de la nation dans le but de créer une immunité morale forte [...]. Cela va au-delà de la simple fondation d’écoles, d’usines ou d’institutions, il s’agit de la formation des êtres (insha’ al-nufus) 278». Aussi la réforme (Al-islah) doit en premier lieu consister en une

277 Cité par Lia (B.), The Society of the Muslim Brothers in Egypt: The Rise of an Islamic Mass Movement 1928- 1942, Reading, Ithaca Press, 1998, p. 162. 278 Cité par Lia (B.), The Society of the Muslim Brothers in Egypt: The Rise of an Islamic Mass Movement 1928- 1942, op. cit., p. 67.

84 refondation morale de l’individu et de la famille, avant d’être menée au niveau de la société, de l’État et enfin de la communauté des musulmans (Al-umma). La stratégie de multiplication des contacts et réseaux sert donc ici un but immédiat, celui de la réforme morale individuelle comme point d’imputation initial de la réforme globale. 279

Les Frères musulmans égyptiens peuvent être considérés comme l’organisation mère de ce que nous appelons sur ce site la Fraternité musulmane mondiale, qui s’est développée au cours des années quand les Frères musulmans ayant fui l’Égypte se sont installés en Europe, aux États-Unis et ailleurs. Depuis ce temps, le réseau mondial a éclipsé l'organisation égyptienne, comme en témoigne la décision du leader mondial des Frères musulmans, Youssef Qaradawi, de refuser la présidence de l'organisation égyptienne qui lui avait été offerte en 2004.280

Quant à l’utilisation des réseaux sociaux par les Frères musulmans, nous pouvons dire que ces derniers sont de grands consommateurs d’internet et utilisateurs de réseaux sociaux. Au cours des dernières semaines, des voix se sont élevées au sein de cette communauté pour critiquer Facebook ou Twitter. Ils estiment que ces réseaux ne sont pas suffisamment sécurisés. La police ou les services de renseignement peuvent trop facilement les infiltrer et les surveiller. C’est pourquoi, ils n’ont pas conseillé à leurs membres d’utiliser Facebook de manière extensive avec leur vrai profil ou leur vrai nom. Ils les ont incité à s’inscrire sur « Ikhwan Book » (Ikhwan signifiant «fraternité» en arabe).281

IkhwanBook, copie conforme de Facebook, a été lancé par le mouvement islamiste égyptien afin d'être plus en phase avec les principes de décence de la religion musulmane. 282

Ce nouveau réseau social qui signifie littéralement « Fraternité » Book a poussé le vice de la ressemblance jusqu’à l’adresse internet : Ikhwanfacebook.com. Il propose la plupart des fonctionnalités classiques mises en place par son illustre aîné. Du partage des

279 Ibid. 280 http://www.postedeveille.ca/2010/07/les-fr%C3%A8res-musulmans-lancent-leur-propre-r%C3%A9seau- facebook-ikhwanfacebook.html 281 http://www.iris-france.org/docs/kfm_docs/docs/2011-04-04-facebook-twitter-al-jazeera-et-le-printemps- arabe.pdf 282 Sébastien SEIBT, « Les Frères musulmans copient Facebook », disponible sur : http://www.france24.com/fr/20100707-freres-musulmans-copie-facebook-ikhwanfacebook-web2-islam- ikhwanbook-egypte-internet

85 images ou vidéos à la création de groupes en passant par la mise en place de sondages, la dernière trouvaille technologique des Frères musulmans ne devrait pas dépayser les habitués de Facebook. 283

« Les Frères musulmans ont toujours été parmi les mouvements islamistes les plus avancés pour tout ce qui à trait aux nouvelles technologies », confirme Houssam Tammam, un chercheur égyptien spécialisé dans les mouvements islamistes et ancien rédacteur en chef du site Islam Online.284

Mais la conception de l’Internet des Frères musulmans se marie mal avec Facebook où la discussion et la critique sont libres, précise Houssam Tammam. Avec IkhwanBook, ils chercheraient plutôt à se doter d’un nouvel outil de propagande qu’ils peuvent contrôler en « donnant l’impression d’être ouverts aux nouvelles tendances », ajoute-t- il.285

Un argument rejeté par les membres d’IkhwanBook qui décrivent leur réseau comme un complément à Facebook soucieux des principes de vie privée et de décence propre à la religion musulmane. Une politique que le mouvement égyptien a déjà appliquée par le

283 Ibid. 284 Ibid. 285 http://islamismscope.net/index.php?option=com_content&view=article&id=469:les-freres-musulmans- copient-facebook&catid=39:from-media&Itemid=69

86 passé en créant son propre wikipedia, IkhwanWiki, et aussi une mouture maison de YouTube, IkhwanTube. 286

D’autres pensent que les Frères musulmans cherchent surtout à se soustraire de Facebook où leur page peut être fermée. La société américaine a, en effet, le droit de bannir n'importe quel compte s'il y a trop de plaintes. Une tentation que pourrait avoir le pouvoir égyptien. « Le problème dans ce cas-là, c’est qu’IkhwanBook devient un véritable cadeau fait aux autorités égyptiennes qui peuvent facilement savoir qui sont exactement les sympathisants des Frères musulmans », souligne Houssam Tammam.

Afin de mieux comprendre en quoi consiste cette version du site de réseautage social Facebook, lancé par les Frères musulmans sous le nom d’IkhwanBook, nous pouvons nous référer à un article paru dans le journal The National, un quotidien émirati anglophone 287: 288

« IkhwanBook, qui est déjà en ligne et accepte des membres à l’adresse www.ikhwanfacebook.com, emprunte plusieurs concepts qui ont attiré quelque 400 millions d’utilisateurs au Facebook original après seulement six ans, tels que le partage d’images et de vidéos, le chat en ligne et des « amitiés » virtuelles.

Des observateurs et partisans du mouvement reprochent cependant au nouveau site d'être un concept contre-intuitif, compte tenu des objectifs de la confrérie qui consistent à recruter de nouveaux membres et à populariser sa conception relativement modérée de l'islam politique. Avec une base d'abonnés qui dépasse la population de la plupart des grands pays, Facebook devrait être la plate-forme idéale pour propager des idées et attirer des adhérents. Les défenseurs d’IkhwanBook affirment toutefois qu’ils ne cherchent pas à remplacer Facebook, mais à créer un site parallèle complémentaire.

Des membres affirment que la Fraternité veut un site de réseautage social adapté à ses besoins particuliers en matière de vie privée, de sécurité et de décence. « Je pense qu'il est important que nous ayons des canaux parallèles, sans pour autant être opposés au réseau Facebook original», a déclaré Ahmed Saïd, ingénieur et membre de l’équipe de développement des médias de la Fraternité.

286 Ibid. 287 http://www.thenational.ae/news/world/africa/muslim-brotherhood-launches-its-own-version-of-facebook 288 http://www.postedeveille.ca/2010/07/les-fr%C3%A8res-musulmans-lancent-leur-propre-r%C3%A9seau- facebook-ikhwanfacebook.html

87 Un peu cheap et pas très fréquentée, la page Facebook officieuse 289 des Frères Musulmans ne comporte pour le moment que 127 membres. Pourtant, le groupe islamiste d'opposition égyptien est très présent sur la Toile avec IkhwanWiki, IkhwanGoogle ou encore IkhwanTube. Hormis son étiquette communautaire, le petit nouveau ne diffère guère du réseau social californien avec la même possibilité de partager des photos, des vidéos ou de discuter en direct avec ses amis. 290

L’article ajoute que IkhwanBook fait partie d'une série de sites Web affiliés à la Fraternité:291

« IkhwanBook s’ajoute à un véritable réseau de sites affiliés à la Fraternité («Ikhwan» est le mot arabe pour « Fraternité »), tels que IkhwanWiki, IkhwanWeb, IkhwanGoogle - un « moteur de recherche personnalisé et spécialisé dans la recherche de sites des Frères musulmans» - et IkhwanTube. Beaucoup de ces sites sont publiés en anglais et leurs fonctions sont toutes adaptées aux contenus liés à la Fraternité. Chaque site témoigne du zèle de la Fraternité pour la communication et la sensibilisation par Internet, même si sa maîtrise de la technologie n’est pas parfaite ».

IkhwanBook est hébergé sur un serveur qui héberge également 18 autres noms de domaines de la Fraternité. L’un de ces domaines, la page d'accueil de Ikhwangoogle.com, renvoie à une page Web énumérant neuf sites Internet de la Fraternité, y compris Ikhwanophobia.com qui, comme nous l’avons écrit dans un précédent post, déclare être « administré par un groupe d'intellectuels universitaires. 292

Une déclaration d’indépendance similaire a été faite pour Ihkwanscope.com, qui figure également sur la page d'accueil de Ikhwangoogle.com. L’établissement de plusieurs organisations et sites Web redondants, suivi du déni de leurs liens avec la Fraternité, est une procédure opérationnelle standard pour la Fraternité musulmane mondiale, qui semble présumer que cette stratégie lui permet de cultiver des illusions sur l'étendue de son influence et de sa légitimité. 293

289 https://www.facebook.com/pages/Muslim-Brotherhood/104108389626462?ref=ts 290 « Les Frères musulmans lancent leur propre Facebook », publié le 07 juillet 2010, disponible sur : http://www.slate.fr/story/24349/les-freres-musulmans-lancent-leur-propre-facebook 291 Ibid. 292 Ibid. 293 Ibid.

88 Selon The National, les Frères Musulmans verraient en IkhwanBook un moyen de propager leur «vision relativement modérée de l'Islam politique» et «d'attirer des sympathisants». Mais que pèsera IkhwanBook face aux 400 millions de membres de Facebook? Le magazine américain Foreign Policy semble ainsi douter du succès de l'initiative294. Selon Brian Fung295, IkhwanBook devrait tenter de créer des ponts, plutôt que de relayer la seule parole d'une communauté. Mais toucher de nouveaux publics et réseaux risque d'être plus difficile. Les réseaux sociaux à succès ont toujours grandi en créant des ponts, plutôt qu'en faisant la promotion d'un seul et même intérêt. 296

Cité par The National, certains membres des Frères Musulmans se défendent d'un quelconque communautarisme : «Nous ne serons pas isolés. De nombreux groupes ont leur propre réseau social sur Internet. Le réseau s'appelle Ikhwan, mais n'est pas réservé aux seuls Frères Musulmans. Il est ouvert à tout le monde», assure Ahmed Said, un ingénieur. 297

En raison de son code open source, IkhwanBook aurait l'avantage d'échapper aux pressions du pouvoir égyptien, qui serait à l'origine de la suspension provisoire des profils Facebook d'Abdel Aziz al Rantissi, un des fondateurs du Hamas ou encore de Khairat al Shater, un membre important des Frères Musulmans égyptiens. Car, pour le moment, la confrérie musulmane reste officiellement une organisation politique illégale: en raison de ce statut, elle peine à s'installer durablement sur Facebook. Selon Afshin Shahi, un chercheur à l'université de Durham en Angleterre cité par The National, les Frères Musulmans percevraient les réseaux sociaux comme une «arme à double tranchant», favorable à la «promotion de leurs points de vue, mais au détriment de la confidentialité et du contrôle». 298. Un autre défi que rencontre l’organisation, c’est qu’elle devra veiller à la sécurité de son réseau social: le code open source utilisé serait moins protégé que le Facebook original, plus complexe, face aux attaques pirates.

Il est à noter que IkhwanBook n’est pas la première tentative dans le monde musulman pour contourner l’influence jugée pernicieuse de Facebook. Fin mai 2012, le Pakistan, très remonté contre un concours de caricatures du Prophète Mohamed sur le

294 http://blog.foreignpolicy.com/posts/2010/07/06/facebooking_the_muslim_brotherhood?sms_ss=twitter 295 http://twitter.com/b_fung 296 « Les Frères musulmans lancent leur propre Facebook », op. cit. 297 Ibid. 298 Ibid.

89 réseau social, a donné son aval à MillatFacebook 299 . Cette initiative espérait de rassembler les 1,2 milliards de musulmans au monde mais aussi les personnes pacifiques des autres religions. 300

MillatFacebook a connu un pic de fréquentation au moment de son lancement, mais en un mois la popularité du site a très vite chuté, assure Mohamed El-Fatatry, fondateur de Muxlim, un réseau de sites qui propose des contenus variés, allant du sport à la mode, pour internautes musulmans. Car tous les sites qui revendiquent le label "musulman" ne se positionnent pas dans une optique d’affrontements avec les grands noms de l’Internet à l’occidental… "Nous avons 6 millions de visiteurs uniques par mois, nous proposons aussi des informations qui n’ont rien à voir avec la politique ou la religion", revendique Mohamed El-Fatatry. Il estime que des initiatives comme IkhwanBook sont condamnées à échouer. "Les internautes musulmans sont comme les autres, ils ne veulent pas être enfermés sur des sites contrôlés", conclut-il. 301 La question est est-ce ça sera le cas des réseaux sociaux des Frères musulmans? Seront-ils condamnés à l’échec?

Quant à l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans, nous pouvons dire qu’en regardant les résultats électoraux en Égypte, nous pouvons mieux comprendre le rôle joué par les révolutionnaires des réseaux sociaux. Conscients de l’anormalité des régimes autocratiques de leurs pays, ils ont exprimé la revendication libérale (au sens politique plus qu’économique) des révolutions. Ils ont joué un rôle de bascule sociologique en complément avec d’autres institutions auxquelles ils pouvaient aussi appartenir (syndicats/associations d’avocats, de médecins, d’universitaires, de mineurs…etc.). 302

Jamais les égyptiens n'ont manifesté autant d’intérêt et d’exaltation aux élections présidentielles en Égypte dont le suspens est aussi intense que dans une série turque. 303 La bataille électorale s’engage avec un esprit de compétition inédit et la particularité de présidentiels en Égypte est l’omniprésence des réseaux sociaux qui s’imposent en force dans la campagne électorale et interviennent de plus en plus dans la scène politique. 304

299 http://www.mymfb.com/ 300 http://islamenfrance.20minutes-blogs.fr/archive/2010/07/08/un-facebook-musulman-pour-etre-plus-en- phase-avec-les-princi.html 301 Ibid. 302 Terrence Oakland, « Révolutionnaires sur réseaux sociaux : les cocus des révolutions arabes ? », publié le 14 juin 2012, disponible sur : http://www.ohmymac.fr/revolutionnaires-sur-reseaux-sociaux-les-cocus-des-revolutions-arabes/ 303 Doha Centre for media freedom, « Présidentielle et réseaux sociaux, quel impact? », publié le 20 mai 2012, disponible sur : http://www.dc4mf.org/en/node/1732 304 Ibid.

90 C’est ainsi que se pose la question suivante : Quelle est l’impact des ces réseaux sur les élections présidentielle? C’est la question à la quelle Salama Abdelhamid, écrivain et journaliste égyptien, a donné une réponse en reconnaissant que les réseaux sociaux jouent désormais un rôle majeur dans la communication politique.

Selon lui, la grande majorité des campagnes présidentielles sont influencées d’une manière soit positive soit négative par ce qui se passe en ligne.

Il voit que la plupart des débats ont surgit à partir des réseaux sociaux, les critiques adressées à Aboul Fotouh305 et les dénonciations menées contre lui comme étant toujours lié aux frères musulmans proviennent de Facebook. C’était aussi le cas également de Hamdine Sabbahi306 et pour les autres candidats.

Certains experts apaisent la capacité des réseaux sociaux de jouer un rôle influent dans ces élections. Dans ce cadre, nous pouvons faire référence à la déclaration de Mohamad Amin, l’un des leaders des frères musulmans affirme que : « Ce qui s’est passé lors des législatives prouve que les réseaux sociaux ne reflètent pas nécessairement ce qui se passe réellement dans la rue».

Mais malgré le fait qu’il existe un écart plus au moins relatif entre les réseaux sociaux et ce qui se passe dans la rue, nous ne pouvons pas négliger l’effet de ces réseaux sur les candidats eux-mêmes. Salam Abdelhamid déclare : « l’impact des réseaux sociaux sur la scène politique peut être relatif et limité mais l’impact des réseaux sociaux sur les candidats eux-mêmes représente l’un des facteurs les plus influents sur les programmes ». Il ajoute : « nous pouvons considérer cela comme un impact indirect sur le processus électoral ce qui importe le plus c’est la capacité de transformer cet impact à des démarches et à de véritables décisions sur le terrain ».

305 Abdel Moneim Aboul Fotouh né le 15 octobre 1951, est un médecin, syndicaliste et homme politique égyptien. Lors de la Révolution de 2011, dans les jours qui ont précédé le renversement de Moubarak, Aboul Fotouh a représenté les Frères musulmans lors des négociations avec le vice-président Omar Souleiman. Le 19 juin de la même année, il s'est déclaré candidat à l'élection présidentielle, ce qui lui a valu d'être exclu du mouvement des Frères musulmans, qui avait décidé dès le mois de février de ne présenter aucun de ses membres à ce scrutin. 306 Hamdine Sabbahi est un des chefs du parti Karama héritier du nassérisme. Il a annoncé sa candidature à la présidentielle.

91 L’un des phénomènes les plus marquants des réseaux sociaux sont les sondages dont le nombre de votants dépasse parfois plus de 300 milles. Cependant, Safwat Al aalam, chef du département de la presse à l’université du Caire et directeur de la commission chargée de surveiller la performance des médias durant les présidentielles, nous invite face à la multiplication des sondages émanant de ces réseaux à exercer un œil plus critique sur ces informations et à effectuer un travail d’analyse et de synthèse. Selon lui, ceux ne sont pas des véritables sondages d’opinion établis selon des critères précis qui consistent à interroger un échantillon de personne ayant les mêmes caractéristiques sociodémographiques que l’ensemble de la population, ce qui n’est pas respecté dans les sondages des réseaux sociaux. Même si sa vision nous semble cohérente du point vue scientifique, les sondages découlant des réseaux sociaux évoquent au moins un indicateur d’une partie de la population. 307

Selon Ruwayda Biburs, expert en communication, les relations publiques et les médias représentent un élément important. Elle précise que la plupart des candidats ont eu recours à des stratégies de communication élaborées par des sociétés spécialisées. En outre, les réseaux sociaux sont devenus l’un des piliers fondamentaux de toute campagne présidentielle que ce soit en occident ou dans le monde arabe. Elle a souligné que les réseaux sociaux permettent des échanges d’informations et d’opinions. Elle déclare : « Si vous consultez la page de n’importe quel compte d’une personne publique célèbre en Égypte vous y trouverez certainement des sujets, des vidéos des photos relatifs aux présidentielles diffusés par des jeunes ».

Quant à Ahmed Nadim, responsable des réseaux sociaux à la chaine ONTV, il précise qu’existe deux catégories d internautes des jeunes qui se portent volontaires et militent pour un parti ou un candidat et d’autres qui se mobilisent pour la campagne à titre onéreux, ce travail est devenu très populaire avant lors des législatives et actuellement au cours des présidentielles».

De tout ce qui précède, nous pouvons simplement dire que les réseaux sociaux favorisent l’échange entre gouvernants et gouvernés. Il permet d’entériner l’idée selon laquelle l’Internet contrarie les efforts accomplis au cours des trente dernières années par

307 Doha Centre for media freedom, « Présidentielle et réseaux sociaux, quel impact? », op. cit.

92 les grands partis pour centraliser leur fonctionnement ainsi que pour unifier et professionnaliser leur communication. 308

308 Galia Yanoshevsky, « Les réseaux sociaux et l’échange entre l’homme politique et les internautes : le cas de Facebook après les élections présidentielles en France », disponible sur : http://aad.revues.org/1008

93 CONCLUSION

Après avoir abordé en détails la question de la relation entre Internet et démocratie en Égypte, et après avoir analysé le rôle qu’a joué les réseaux sociaux dans ce cadre, nous pouvons dire que si Internet permet à la mobilisation politique de naitre et de s’organiser, il n’empêche que l’action politique sur le long terme relève d’abord et avant tout d’engagements citoyens divers. Oui Internet a contribué à la chute de régime autoritaire en Égypte. Mais es-ce que cela veut dire que les technologies de l’information garantissent l’avènement de régime démocratique dans ce pays? Dans ce cadre, il est à noter que la démocratie résulte avant tout d’une culture démocratique partagée et active sur le long terme ainsi que de la constitution d’un véritable espace public et politique.309

Les révolutions arabes sont à cet égard un laboratoire politique et sociétal dont les enseignements concernent toutes les sociétés, aussi bien celles du Sud que celles du Nord. 310

L’émergence des nouveaux médias, dans le monde arabe et ailleurs, est en train de définir un nouveau type de sphère publique fondée sur le networking, la participation active, l’hétérarchie des sources d’information, la production culturelle amatrice, la convergence médiatique et la surabondance des contenus. Pourtant, les conséquences de ces transformations sur le processus de démocratisation demeurent sujettes à débat. Dans des contextes bien particuliers, les nouveaux médias ont pu participer à la formation de mouvements sociaux dont l’engagement accéléra la chute des régimes autoritaires. 311

En Égypte, les mouvements d’opposition à Hosni Moubarak avaient intégré, de façon progressive mais avant le début de la révolution, les nouveaux médias. Ces derniers sont par la suite devenus un instrument tactique essentiel entre les mains d’une nouvelle génération d’activistes. 312

309 http://www.ins-med.org/2011/02/internet-une-nouvelle-ere-pour-les-revolutions-populaires/ 310 Ibid. 311 Comptes rendus du séminaire « Nouveaux médias et révolutions arabes : comparaison Syrie - Égypte » qui a eu lieu le dimanche 22 avril 2012 au CEDEJ (Centre d’Études et de Documentation Économiques, Juridiques et Sociales, disponible sur : http://www.cedej-eg.org/spip.php?article497 312 Ibid.

94 Les médias digitaux ont permis aux activistes du net de connecter les différents mouvements d’opposition, tant à l’échelle nationale qu’avec le reste du monde. Or l’importance acquise par les nouveaux médias est le fruit d’une longue expérimentation, commencée plus de dix ans avant la révolution. Cette expérience leur a donné la possibilité de développer une synergie particulièrement efficace avec la "place". A partir d’un mouvement social égyptien en pleine émergence, ils ont pu dessiner les contours d’une nouvelle sphère publique, liée mais pourtant distincte de la sphère traditionnelle. Cette nouvelle « sphère publique en réseaux » (network public sphere) est constituée par une communauté d’acteurs bien identifiables, avec ses hiérarchies propres, ses règles et modalités d’exploitation. 313

L’Égypte offre un exemple de la manière dont les réseaux sociaux peuvent entrer en jeu. Dans ce pays, un activisme de long terme s’est développé sur Internet. Les réseaux sociaux ont joué un rôle important au moment de porter l’estocade au régime. Les médias sociaux peuvent à la fois donner de l’élan à des réformes politiques et sociales et fonctionner à plein en temps de crise comme instruments de mobilisation et banques d’information. 314

Mais, il faut noter que bien que les réseaux sociaux aient des contributions incontestables en Égypte et au printemps arabe en général, des limites mais aussi des risques qui leur sont liées doivent être prises en compte.

La première limitation tient à la pénétration. Pour l'internet elle est de 34% en Tunisie, de 21% en Égypte, 5,5% en Lybie, 88% au Bahreïn, 2% au Yémen et 18% en Syrie. En Égypte, le taux de pénétration est passé de 51% à 77% entre 2008 et 2011. Quant aux utilisateurs de Facebook, le New York Times en comptait 5 millions en Égypte au début février 2011 et le site indépendant Al-Masry Al-Youm affirmait quelques semaines plus tard qu'un million de nouveaux membres les avait rejoint pendant le mois le plus court de l'année. Ces chiffres nationaux ne disent pourtant pas grand chose. Ce qui compte, souligne Micah Sifry, fondateur de Personal Democracy Forum c'est la synergie

313 Ibid. 314 http://www.ifri.org/downloads/pe12012articledmfaris.pdf

95 entre Al Jazeera et la pénétration de la téléphonie mobile très élevée au sein de la jeunesse urbaine en situation économique difficile. 315

La seconde limitation est qu'il y a une des révolutions sans internet. Les TIC ne sont donc pas indispensables. Il suffit en effet de penser 1848 en Europe ou 1979 en Amérique Centrale. 316

La troisième limitation tient à la fiabilité toute relative des TIC en temps de crise, que celle soit naturelle ou politique. Beaucoup de victimes du tsunami, par exemple, se sont retrouvés avec des téléphones chargés incapables de communiquer. Les gouvernements répressifs ont, pour leur part, fermées des sites (Tunisie), bloqué des fournisseurs d'accès à l'internet (4 sur 5 en Égypte au plus haut de la crise) ou obligés les opérateurs à bloquer la communication par mobile (autour de la place Tahrir du Caire). 317

Quatrième limitation, s'ils se sont révélés efficaces contre les hiérarchies présidentiels, les réseaux sociaux semblent avoir plus de mal face aux tribus (ironiquement la forme d'organisation la plus ancienne) comme on peut le voir en Lybie et au Yémen. 318

La cinquième limitation est la plus connue grâce aux multiples interventions d'Evgeny Morozov319. Selon lui, les TIC, comme les fusils, peuvent être utilisés par les régimes autoritaires320. Evgeny Morozov s’oppose à un discours en vogue à Washington qui prête à internet des vertus émancipatrices presque magiques. Exilé biélorusse aux États-Unis, il considère au contraire que le net permet aux dictatures et aux régimes autoritaires d’exercer un contrôle sans précédent sur leurs citoyens. Invité par Silicon Sentier et Owni à la Cantine le 21 janvier dernier, au lendemain de la révolution de jasmin en Tunisie, il revient pour Silicon Maniacs sur la notion « cyber-utopisme », qu’il

315 « TIC, réseaux sociaux et pouvoir: limites et dangers », disponible sur : http://pisani.blog.lemonde.fr/2011/04/27/tic-reseaux-sociaux-et-pouvoir3-limites-et-dangers/ 316 Ibid. 317 Ibid. 318 Ibid. 319 Chercheur associé à l’université de Georgetown aux États-Unis et blogueur sur Foreign Policy. 320 « TIC, réseaux sociaux et pouvoir: limites et dangers », op. cit.

96 développe dans son dernier livre, The Net Delusion : The Dark Side of Internet Freedom. 321

Selon lui, Internet est un outil démocratique, mais pas uniquement. Le Net peut également être utilisé comme un outil de répression. Il est par exemple très facile pour un gouvernement de traquer les opposants qui utilisent des blogs, des réseaux sociaux ou qui échangent des SMS depuis leurs téléphones mobiles. Internet renforce le pouvoir de censure des États, permet de réaliser des cyber-attaques ou de diffuser de la propagande. Il est important de garder en tête que si le Net a un potentiel libérateur, il peut également être utilisé dans une logique répressive. Avant d’essayer de considérer internet comme un outil de libération, il faut d’abord reconnaître son côté obscur. 322

Il voit que l'accès non contrôlé aux comptes Facebook leur permet d'y trouver toutes les informations voulues sur les contestataires et sur leurs amis. Signalons à ce propos une vidéo hilarante de The Onion pour qui Mark Zuckerberg est le meilleur agent de la CIA depuis des lustres et Facebook, l'outil le plus efficace de l'agence de renseignement américaine. 323

Plus au fond, il faut bien reconnaître que les réseaux sociaux contribuent fortement au printemps arabe mais qu'ils ne semblent pas constituer des outils de prise du pouvoir, le but de toute révolution traditionnelle. Ben Ali était plus faible que nous le croyions et Moubarak a plutôt été chassé par les militaires égyptiens (quelles que soient leurs divisions internes) qui se sont servis des manifestants pour éviter que le fils, non militaire, du dictateur ne lui succède et ne risque de mettre un terme a plus de soixante ans de système économique, politique et social contrôlé par les forces armées. Un point constamment mis en avant par Georges Friedman de Stratfor.com une entreprise spécialisée dans la géopolitique et les questions de sécurité.

Pas très enthousiasmant tout ça. Mais le fait que TIC et réseaux sociaux contribuent aux révolutions sans pour autant permettre la prise du pouvoir n'est pas pour autant la fin de cette histoire passionnante. Leur véritable apport est peut être qu'ils transforment la

321 Mael Inizan, « Internet n’est pas un outil magique pour promouvoir la démocratie », disponible sur : http://www.siliconmaniacs.org/%C2%AB-internet-nest-pas-un-outils-magique-pour-promouvoir-la-democratie- %C2%BB/ 322 Ibid. 323 « TIC, réseaux sociaux et pouvoir: limites et dangers », op. cit.

97 nature des confrontations politiques et sociales, qu'ils nous invitent à aborder la question fondamentale des changements et du pouvoir d'une façon différente.

Il faut aussi mentionner que la place qu’avaient occupé les réseaux sociaux créait une sorte d’interaction entre médias traditionnels et nouveaux médias.

Depuis la révolution, les organes traditionnels puisent largement leurs informations dans le contenu des nouveaux médias. Certains journaux tentent même de développer des pratiques similaires, par exemple en lançant leurs propres canaux YouTube. A l’heure où les journaux égyptiens se digitalisent, la visibilité des sites d’information indépendants ne cesse de croître. Ces derniers constituent aujourd’hui de véritables « médias alternatifs ». Les plus célèbres sont Al-Badil, Masrawi, Al-Dustur Al-Asly. Ce type de sites Internet, et les réseaux sociaux, sont considérés par le public comme des références dans le domaine de l’information, voire des filtres pour connaître les médias dignes de confiance. 324

Le succès des médias sociaux qui suivit la révolution a également influencé l’industrie des journaux télévisés. Il est ainsi devenu nécessaire d’utiliser à l’antenne Facebook, Twitter ou YouTube. Or ce matériel est aisément manipulable : sorti de son contexte, il peut illustrer chacun des propos du présentateur. Ceci soulève donc la question déontologique de la fiabilité des informations communiquées mais aussi des méthodes utilisées. Il existe d’autres formes d’interaction entre les nouveaux médias et les médias traditionnels. De nombreux programmes sont passés de la diffusion sur Internet à la télévision. C’est le cas d’Al-Bernamig ?, de Bassem Youssef, qui commença sur YouTube en mars 2011, et fut repris par la chaîne ON-TV en août 2011. Au contraire, Doa Sultan, forcée d’interrompre son programme Talk Show sur Tahrir TV, se tourna vers les réseaux sociaux où elle considère bénéficier d’une plus grande liberté de parole. 325

Le rôle des réseaux sociaux dans le printemps arabe est un sujet autour duquel les opinions se controversent. Le blogueur Ramy Raoof tweete que « la révolution 2.0, la révolution Facebook », la révolution Twitter sont des expressions dénuées de sens ». Alors que Mona Seif croit que : « La révolution n'aurait peut-être pas eu lieu sans ces outils, car il aurait été difficile de mobiliser les gens. En revanche, à partir de la

324 Comptes rendus du séminaire « Nouveaux médias et révolutions arabes : comparaison Syrie - Égypte », op. cit. 325 Ibid.

98 manifestation du 25 janvier, Facebook et Twitter n'ont joué qu'un rôle marginal. Ce ne fut pas une révolution 2.0, ce fut une révolution de rue. Les gens seraient de toute façon restés place Tahrir jusqu'à la chute de Moubarak ». La révolution égyptienne, ce furent aussi des discours enflammés, des prières, des combats, du sang versé. « Il est possible de déclencher une révolution en quelques clics, mais ensuite, c'est le peuple qui fait la révolution », estime la militante Gigi Ibrahim. 326

En conclusion, nous pouvons dire que la puissance des réseaux sociaux s’est accentuée de plus en plus. C’est ce que montre les évènements récents dans le monde politique, même géopolitique et écologique. C’est un moyen de contourner la censure imposée par certains pays où la liberté d’expression est encore restreinte. 327

Ces évènements qui ont surgit ont prouvé la capacité des réseaux sociaux à faire des changements politiques. Ces évènements ont montré que les réseaux sociaux étaient capables de provoquer des changements politiques, les utilisateurs ont ainsi trouvé des nouvelles méthodes pour contourner les restrictions d’accès à l’internet pour pouvoir s’exprimer et organiser les manifestations. 328

Il y a quelques décennies encore, ceux qui possédaient l’information et la gardaient avaient le pouvoir. Aujourd’hui, la tendance est inversée, le partage et la diffusion de l’information représentent le pouvoir. C’est un pouvoir qu’il faut cependant canaliser pour éviter des débordements futurs. 329

Pour conclure, TIC et réseaux sociaux jouent un rôle essentiel dans les mouvements de protestation, très concrètement dans ce que nous appelons aujourd'hui le Printemps arabe. Ils permettent aux gens de se retrouver, de savoir qu'ils sont nombreux et de le faire savoir au reste du monde330. Mais à notre avis, la Révolution du 25 janvier aurait sans doute lieu sans ces outils. Parce que les causes qui ont contribué au déclenchement de cette révolution sont présentes depuis des décennies. La seule différence sera dans le temps. Cela veut dire que oui la révolution aurait lieu avec ou sans les NTIC, mais est-ce que ça sera en 2011 ou après? C’est ça la vraie question.

326 Rémy Ourdan, « Les révoltes arabes sont-elles des « révolutions 2.0? », op. cit. 327 Clément, « Les différentes fonctionnalités des réseaux sociaux, Résumé du rôle des réseaux sociaux », op. cit. 328 Ibid. 329 Ibid. 330 http://pisani.blog.lemonde.fr/2011/04/22/tic-reseaux-sociaux-et-pouvoir2-leurs-contributions-au-printemps- arabe/

99 BIBLIOGRAPHIE

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Colloques, conférences-Débats et séminaires

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Conférence-Débat : « Quel Printemps pour les médias arabes », Institut du Monde Arabe, 2012.

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Dossiers, mémoires et T. D.

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TD préparatoire à la troisième partie du programme de l'option SES : Participation politique et citoyenneté, disponible sur http://www.ac- nice.fr/ses/travail_cooperatif/premop/tdparticip.htm

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Sites des blogs https://tortureinegypt.net/english http://www.monaeltahawy.com/blog/ http://www.maikelnabil.com/ http://wa7damasrya.blogspot.fr

Entretiens

« En Égypte, entre le marteau et l’enclume », Entretien posté par Jean-Christophe Ploquin, avec Dina Abdel Fetouh au siège d’Amnesty International, disponible sur : http://paris-planete.blogs.la-croix.com/en-egypte-entre-le-marteau-et- lenclume/2012/07/05/

Vidéos http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=U2iI_Epd0m0 http://www.youtube.com/watch?v=4CGN5ys9t_c http://cloud.afp.com/webdoc/RevolutionsArabes/Flash/indexwebdoc.html

109 http://www.france24.com/fr/20110202-revue-presse-internationale-egypte-tunisie- reseaux-sociaux http://www.france24.com/fr/20110209-focus-egypte-tunisie-la-revolution-des-reseaux- sociaux

110 TABLE DES MATIERES

Remerciements ………………………………………………………………………….. 4

Introduction …………………………………………………………………….……..… 6

Partie I : Historique de l’Internet en Égypte ……………………………...... …… 29

Chapitre 1 : Le développement de l’Internet et l’Internet politique en Égypte….…...… 30

Chapitre 2 : L’Internet et l’apparition des mouvements sociaux…………………..….… 51

Partie II : Le Printemps arabe, quelle place pour les réseaux sociaux? ……..…..… 69

Chapitre 1 : Les réseaux sociaux et l’éclatement de la Révolution du 25 janvier………. 70

Chapitre 2 : Le pouvoir postrévolutionnaire et les réseaux sociaux ………………..…... 81

Conclusion ……………………………………………………………………………... 94

Bibliographie ………………………………………………………………………..... 100

Annexes ……………………………………………………………………………...... 112

111 ANNEXES

Annexe 1

Entretien avec l’activiste égyptien

Hussein El Ganainy 331

1. Comment pouvez-vous quantifier aujourd’hui le nombre de personnes présentes à un rassemblement grâce à une page Facebook?

Le nombre de personnes donné par Facebook n’est pas un critère. Par exemple, aujourd’hui, l’association organisera une conférence à Amnesty international. L’association a lancé, sur sa page Facebook, des invitations pour 1000 personnes. 56 d ‘entre eux ont confirmé leur présence. Mais nous allons trouver que ceux qui vont assister à la conférence seront plus nombreux. Facebook n’est qu’un outil pour transmettre l’Information. Ce n’est pas facile de quantifier le nombre de personnes présentes suite à un appel sur Facebook, parce que nous ne savons pas vraiment si toutes les personnes présentes sont vraiment là à cause de l’appel lancé sur Facebook ou ont-ils étaient prévenu par d’autre moyens.

2. Comment peut-on estimer l’impact des réseaux sociaux sur les révoltes en Égypte?

Je vois que Facebook était utile seulement au début de la Révolution du 25 janvier, mais après son effet est devenu négatif. En tant que résident en France, en cas de l’organisation d’une manifestation, par exemple, les gens font des commentaires, ils aiment les postes, ils proposent des analyses. Et comme ça ils se sont convaincus qu’ils ont joué un rôle et participé. A mon avis, Facebook tue les mouvements révolutionnaires. Il est bien sur un outil rapide de collecte d’informations, mais il a une influence négative. Les gens restent dans leurs maisons, toutes les nouvelles leur arrivent sur Facebook ou Twitter, et eux réagissent de la même façon. L’un des exemples qui montre l’influence négative des réseaux sociaux est celui que nous donne le film documentaire « Esha’a » « Rumeur ». Ce film nous raconte l’histoire d’une personne qui a entendu du bruit dans la rue, et ensuite il a commencé a posté sur Facebook que ceux sont des gens qui se battent ensuite il disait que ceux sont des manifestants que les policiers essayent de réprimer……

Moi en tant que résident en France, je peux dire que les réseaux sociaux ont été une source pour obtenir les informations rapidement. Mais ce ne sont pas les réseaux sociaux, le premier moyen de rassemblement. Le 25 janvier 2011, nous avons décidé de se rassembler devant fontaine Saint Michel. Nous étions deux ou trois égyptiens seulement et des tunisiens. Les tunisiens nous ont conseillé d’être dans un cadre formel, d’où la création du comité de solidarité à la lutte du peuple égyptien. Nous organisons des réunions touts les jours dans des cafés. Le nombre des égyptiens s’est augmenté. Ensuite est venu le 11 février (date de départ de Moubarak), où nous avons décidé de créer l’association de la jeunesse égyptienne du 25 janvier en France.

331 Hussein El Ganainy est un journaliste et militant égyptien, résident en France. Il est aussi membre de l’association de la jeunesse égyptienne du 25 janvier en France.

112 3. Pouvons-nous dire que sans les réseaux sociaux, la révolution n’aurait pas eu lieu?

Sans doute la révolution aurait eu lieu sans les réseaux sociaux. Avec ou sans Facebook, les jeunes révolutionnaires ont planifié de descendre dans les rues le 25 janvier, fête de la police.

4. Avec les révolutions qui ont bouleversé le monde arabe, s’agit-il de la naissance d’un 5ème pouvoir que présente les réseaux sociaux?

Oui les réseaux sociaux constituent un 5ième pouvoir. Cela est dû au fait que l’Internet n’est pas contrôlé comme les autres médias.

5. Vu l’important pouvoir des réseaux sociaux, peut-on craindre des lois qui viseraient à limiter leurs impacts?

Je pense que le gouvernement va essayer d’imposer des lois. Mais je ne pense pas qu’il va réussir puisque les Hackers et les bloggeurs sont plus avancés que le gouvernement.

6. Quel est le média qui avait plus d’impact dans les révoltes selon vous?

En tant que résident en France, pendant la révolution du 25 janvier, c’était les journaux ma source pour obtenir les nouvelles de l’Égypte et la révolution. Il y avait aussi les chaines télévisions telle qu’Al Jazeera mais aussi des chaines françaises comme i télé et France 24. Quant aux réseaux sociaux, c’est Twitter qui était le plus efficace. C’était l’outil le plus rapide pour transmettre l’information.

7. Pensez-vous que la croissance de l’importance des réseaux sociaux a un impact sur les médias?

Oui, l’importance accentuée des réseaux sociaux a une influence sur les médias. C’est ce que montre un étude en France qui prouve que tout le monde est connecté sur Internet pour obtenir l’information plus rapidement, les gens n’ont plus le temps pour regarder la télévision ou lire les journaux. Je pense que l’avenir de l’information réside dans l’Internet plus que dans la télévision ou en format papier.

113 Annexe 2

Figure 1. Nombre d’utilisateurs Facebook par pays

Source : Statistiques sur l’Utilisation de Facebook dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (25 octobre 2011), disponible sur : http://lovop.com/fr/statistiques-sur- lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du-moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/

114 Figure 2.

Source : Statistiques sur l’Utilisation de Facebook dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (25 octobre 2011), disponible sur : http://lovop.com/fr/statistiques-sur- lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du-moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/

115 Figure 3.

Source : Statistiques sur l’Utilisation de Facebook dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (25 octobre 2011), disponible sur : http://lovop.com/fr/statistiques-sur- lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du-moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/

116 Figure 4.

Source : Statistiques sur l’Utilisation de Facebook dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (25 octobre 2011), disponible sur : http://lovop.com/fr/statistiques-sur- lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du-moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/

117 Figure 5. Pourcentage d’utilisateurs Facebook par pays selon le sexe

Source : Statistiques sur l’Utilisation de Facebook dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (25 octobre 2011), disponible sur : http://lovop.com/fr/statistiques-sur- lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du-moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/

118 Figure 6.

Source : Statistiques sur l’Utilisation de Facebook dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (25 octobre 2011), disponible sur : http://lovop.com/fr/statistiques-sur- lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du-moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/

119 Figure 7. Pourcentage de pénétration de Facebook par pays

Source : Statistiques sur l’Utilisation de Facebook dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (25 octobre 2011), disponible sur : http://lovop.com/fr/statistiques-sur- lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du-moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/

120 Figure 8. Réseau mondial des blogs activistes égyptiens

Source : Marta Severo, Timothée Giraud, « Nouveaux regards sur le cyber-activisme : une cartographie de la blogosphère des révoltes arabes », disponible sur : http://hal.archives- ouvertes.fr/docs/00/67/52/90/PDF/SeveroGiraud_CyberactivismeArabe_2011.pdf

121 Figure 9. Graphe de la blogosphère activiste égyptienne par type d’acteur.

Source : http://www.martasevero.com/wp-content/uploads/2012/03/figure3.jpg

122 Figure 10. Graphe de la blogosphère activiste égyptienne par langue employée.

Source : http://www.gis-cist.fr/

123 Figure 11. Distribution de blogs égyptiens par ville.

Source : http://www.gis-cist.fr/

124 Résumé

Les technologies d’information et de la communication, à mesure qu’elles se développent, ont une influence de plus en plus important sur le politique. L’année 2011 et le Printemps arabe témoignent de l’impact de ces technologies d’information et de la communication sur les modes de production du politique.

Il s’agit d’une réaction chimique où la révolution numérique est le catalyseur des révolutions politiques. Nous sommes face à des individus isolés, atomisés, impuissants qui ont pu des réunir, s’associer, se regrouper et se mobiliser grâce aux réseaux sociaux.

Notre recherche traite cette question de la relation entre le numérique et le politique. Nous avons essayé d’analyser le rôle politique des réseaux sociaux dans la transition démocratique que témoigne l’Égypte actuellement. Dans ce cadre, nous avons répondu à la problématique suivante : Dans quelle mesure le développement de l’Internet et plus précisément les réseaux sociaux comme nouvelle technologie de communication affectera l'évolution de la démocratie en Égypte? En d’autre terme, Internet redonnera t-il une jeunesse à la démocratie égyptienne ?

Mots clés: Internet, réseaux sociaux, blogs, révolution, démocratie.

Abstract

Politics are more and more influenced by the development of information and communication technologies. The year 2011 and the Arab Spring have witnessed the impact of these information and communication technologies on production policy methods.

It is like a chemical reaction where the digital revolution represents the catalyst of political revolutions. We are dealing with isolated individuals, atomized, who were powerless to meet, associate, regroup and mobilize, but they still did it through social networks.

Our research addresses this issue of the relationship between digital and politics. We have tried to analyze the political role of social networks in the democratic transition reflecting Egypt today. In this context, we answered the following question: To what extent the development of the Internet and specifically social networking as a new

125 communication technology affects the development of democracy in Egypt? In other words, will the Internet create a path to regenerate democracy in Egypt?

Keywords: Internet, Social networks, blogs, revolution, democracy.

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