www.kashkazi.com kashkazi 600 fc / 3,50 euros numéro 58 décembre 2006 les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus

AHMED ABDALLAH madagascar SAMBI ses six premiers mois à la présidence ses propos “mal interprétés” sur les Mahorais ses ambitions, ses espoirs... comores “je n’ai pas voulu insulter voisins les mahorais” de sang un entretien exclusif POLITIQUE Union /îles, notre dossier l’épreuve À Majunga, Poroani, Vuvuni... Avec les Kibushi, les Antalaotse, de vérité les Zanatani, les trumba et les djinns... REPORTAGE 10 pages pour comprendre les liens qui unissent l’archipel Marins, et la grande île le risque sans la prime HISTOIRE Sur les traces des esclaves oubliés de l’îlot Tromelin coupé décalé la danse des flambeurs qui fait Carte postale d’une jeune Malgache d’origine sakalava, selon une description datant de l’époque coloniale. rêver les pauvres Collection Gallica (Bibliothèque nationale de France)

Ndzuani, Ngazidja, Mwali : 600 fc / Maore : 3,50 euros / Réunion, France : 4,50 euros / Madagascar : 2.500 ariary 2 kashkazi 58 décembre 2006 EN PRÉAMBULE sommaire (58) Et si on mettait 4 ENTRE NOUS le journal des lecteurs des nouvelles de... Salim Hatubou horizons divers le roi stambouliote de la circoncision portrait type Nawal tout à plat ? 8 FAUT QU’ÇA SORTE où il est question de musée, d’Ahanorak, de cartes... photo parlante je t’aime, moi non plus par Kamal’Eddine Saindou presse-papier OUI, un peu, beaucoup, pas du tout F.OP, POUR FONCTION PUBLIQUE. A elles seules, ces valuation, l'administration ne s'est fixée aucune règle de recrutement pré- 11 RUE DES INCONGRUS trois lettres sont un cauchemar. Un roc sur lequel les régimes succes- cise, privilégiant un mode de recrutement fondé sur la quantité au détri- pensions, surpensions, stock-options sifs se sont fracassés. L'abysse où reposent les deniers de l'Etat. Ces ment de la compétence. Dans cette confusion, l'Etat n'est plus perçu trois lettres font et défont les gouvernements, mettent le pays à feu, à comme une institution qui régule les carrières de ses agents, qui doit ren- 12 NOUVELLES DU FRONT sang et à genoux devant les institutions de Bretton Woods et pour bou- dre service à la population, mais comme une officine politique servant à rentrée chaotique à l’université, la coopération française, le Conseil général, la France entre deux feux... cler le tout, sont responsables du sobriquet de mauvais élève qui nous placer les partisans et les amis. Une boîte d'intérim. kiosque al-watwan et le mawana colle à la peau. Ces agents de l'Etat, dont on ne connaît jamais le nom- bre exact, -10.000, peut-être plus, l'Union européenne se montre réser- Sous la pression des institutions de Bretton Woods, le gou- 16 GROS PLAN vée sur les données fournies par le ministère des Finances- ne ruinent vernement a engagé en 1994, une politique d'ajustement structurel avec les marins comoriens pas seulement les espoirs de toute la nation, ils rendent la vie impossi- dont le seul objectif a été de réduire la masse salariale par une équa- LE RISQUE SANS LA PRIME ble à Abdou et à Saïd. tion simple, consistant à diminuer les effectifs. Ce premier toilettage a certes permis de débarrasser les fichiers de la FOP d'un excédent d'a- 19 EN DÉBAT gents fantômes qui continuaient à percevoir leur solde alors qu'ils n'é- quelle autorité pour l’éducation des enfants ? VOUS NE LE SAVEZ PEUT-ÊTRE PAS, mais chaque fois taient plus en service, ou tout simplement décédés. Un assainissement, que vous et moi, citoyens de l’Union des Comores, payons notre fac- pas une réforme. Le résultat s'étant avéré nul à moyen terme, l'opéra- 20 DÉCRYPTAGE ture d'électricité, une part de cet argent va -normalement- à l'Etat. Sur tion a été répétée en 2000, sans prendre le taureau par les cornes en chaque carte de téléphone que vous achetez pour parler à la famille, commençant par définir les missions générales de l'administration. AHMED ABDALLAH SAMBI : l'Etat récupère 300 fc. La fameuse taxe unique relevée sur chaque car- C'est ce travail de réflexion sur le rôle de la Fonction publique et sur “Je pense que j’ai eu raison” gaison d'hydrocarbures, c'est vous et moi qui la payons en définitive, les statuts des corps professionnels qui est confié depuis deux ans à ses propos sur les Mahorais, ses projets, ses déceptions en faisant le plein de notre véhicule ou en achetant un litre de pétrole l'APP. Des efforts sont faits cependant. Le dernier en date est la propo- Union / Îles l’épreuve de force lampant pour faire la popote. Chaque fois que vous entrez dans une sition du ministère des Finances de mettre en place un service de la Maore la bataille des assoiffés boutique, vous versez quelques centimes pour l'Etat. Bref, quand cha- solde pour faire le pont entre l'employeur (le ministère de la fonction cun de nous se lève le matin pour aller travailler et nourrir sa famille, publique) et le payeur (le Trésor public), afin de mettre fin au désord- 28 GÉOPO une part de ce qu'il gagne par sa sueur revient à l'Etat par le biais de re qui existe sur les effectifs du personnel administratif. ligne de mire qui est Paul Kagame ? ces divers impôts. Ce n'est pas l'Etat qui nous fait vivre, c'est la popu- point d’achoppement les élections malgaches lation qui le nourrit. Jusque là, rien que de très normal. Un pays a besoin d'une administra- IL EST TEMPS DE COMMENCER À PARLER de réfor- 32 ALTERNATIVES tion pour faire marcher les écoles, les hôpitaux, fournir de l'électricité, mes en mettant à plat une bonne fois pour toutes les problèmes de la idées des entrepreneurs sociaux pour changer le monde construire des routes, des aéroports, aider les plus démunis… Le pro- fonction publique. Un débat s'avère nécessaire pour sortir des rapports initiative vers un réseau de mutuelles de santé à Ndzuani blème n’est pas là. Au contraire. Mais aux Comores, nous marchons la d'experts qui finissent leur course dans les tiroirs d'un personnel poli- tête à l'envers. Non seulement rien de tout ce qui est cité plus haut ne tique qui n'a aucun intérêt à voir changer les choses. fonctionne, mais tout ce qu'on A commencer par nommer un vrai directeur de la FOP, capable de 34 DOSSIER prélève sur nos maigres revenus, repenser l'organisation de la machine administrative. Faire respecter Madagascar / Comores ne sert qu'à payer les salaires du les lois en dotant le pays de la Haute autorité de la fonction publique voisins de sang L'Union européenne personnel administratif. A lui prévue par les textes. Compléter les statuts des différents corps profes- s'est engagée à payer seul, le mammouth consomme sionnels pour mettre fin au SAS des "assimilés", cette aberration qui 34 histoire la 19ème tribu malgache ? en salaires 65% des recettes du autorise à affecter un enseignant à la direction de l'Equipement, sous 37 Maore des liens particuliers trois mois d'arriérés pays. Certaines sources estiment prétexte qu'il n'a pas de poste dans un établissement scolaire. Autant 40 société avec les djinns et les Zanatani ce chiffre à 80%. La part restan- demander à un chauffeur de taxi de piloter un avion… Fixer des 42 mahajunga sous la chape, les massacres de salaires aux agents te est répartie entre le paiement cahiers des charges pour chaque agent et des mécanismes d'évaluation, de l'Etat comorien. du service de la dette et les pen- mais aussi de sanction. Etablir les concours de recrutement pour 46 HORS-PPISTE En juin dernier, la sions des retraités. Non seule- instaurer l'égalité des chances et cesser de faire croire que l'obtention coupé-décalé la danse des flambeurs qui fait rêver ment, il ne reste plus rien pour d'un diplôme vaut attestation d'embauche. Doter les agents d'un plan les pauvres France avait sorti de financer les infrastructures du de carrière, de formation et de recyclage afin de leur donner tous les histoire sur les traces des esclaves oubliés de Tromelin sa tirelire de quoi développement, mais les agents moyens de remplir leur mission. 50 LES MAUX DE LA FIN administratifs ne sont pas payés à qui appartient la terre comorienne ? assurer un mois. régulièrement et brandissent Pour réussir une telle réforme de fond, il est indispensable de par Mohamed Toihiri Evidemment tout le l'insolvabilité de l'Etat pour ne l'accompagner d'une pédagogie citoyenne en rétablissant l'ordre vrai rien faire. Si tout travail mérite des choses. Le Comorien est un contribuable. On ne le lui dit pas assez. monde s'en félicite. salaire, ce dernier aussi doit se C'est lui qui finance par les impôts qu'on prélève sur ses revenus, le Mais disons le, ce mériter, ce qu'on oublie souvent fonctionnement de l'administration. Le payeur c'est lui, ce qui lui de dire. donne un droit de regard et une exigence de service de qualité. Pas l'in- n'est pas une gloire, verse. La fonction publique doit se mettre à son service, répondre à ses c'est une honte. Trente ans que les Comores se besoins, fournir un rendement et être jugée si elle est défaillante. La sont enfermées dans ce cercle population ne peut pas continuer à voir ses enfants ne pas aller à l'éco- vicieux. A l'exception de la le, à ne pas recevoir des soins adéquats, à quémander l'obtention d'un Mensuel indépendant de l’archipel des Comores édité par la SARL BANGWE PRODUCTION Deuxième année - numéro 58 parenthèse Ali Soilihi, qui avait document quelconque à l'agent qu'il paie pour faire ce travail. BP 5311, Moroni, Ngazidja, Union des Comores fait le choix de "dissoudre" l'administration héritée de la colonisation, L'agriculteur de Nyumamilima comme celui de Koni et de Mbatsé a Tel. Moroni : (00 269) 76 17 97 / Tel. Mamoudzou : 02 69 21 93 39 e-mail : [email protected] / www.kashkazi.com pour en reconstruire une nouvelle adaptée aux réalités du jeune Etat, les des droits à réclamer au fonctionnaire assis dans son bureau. Un droit, Directeur de la publication : Kamal’Eddine Saindou régimes successifs ne se sont jamais posé la question de la mission que pas une aumône. Rédactrice en chef : Lisa Giachino doit remplir notre administration. Ils ont laissé se développer la fausse Malgré les imperfections, le pays dispose de ressources humaines Rédaction : Rémi Carayol, Ahmed Abdallah, Naouir Eddine Papamwegne idée d'un Etat providence, sans avoir les moyens d'entretenir ce mirage. capables de mener ces réformes. S'il faut imposer au mammouth un Collaborateurs : Nassuf Djaïlani, Ngo’Shawo, Soeuf Elbadawi, Le Quotidien de Dans un pays où le secteur privé est atrophié, l'administration est perçue régime d'amaigrissement, faisons-le pour sortir du tunnel. Parce que la Réunion, Syfia International, Eric Tranois, Mohamed Toihiri comme un pourvoyeur d'emplois. Sans profil de poste, sans mission pré- tant que le pays ne disposera pas d'une administration efficace et non Impression : Graphica Imprimerie, Moroni cise, sans obligation de résultat pour chaque agent, sans mécanisme d'é- inflationniste, aucune politique de développement ne sera possible.

kashkazi 58 décembre 2006 3 entre nous le journal des lecteurs

Quand les muezzin n’ont plus droit de cité... Des mots pour des maux ON ASSASSINE NOS VALEURS ! COMME UN MAHORAIS EN COLÈRE CONTRE SON DÉPUTÉ ORIGINE AUJOURD'HUI, À MAYOTTE, la physionomie bouillonner dans mon for intérieur en cons- tions uniquement politiques, au détriment RAP, SLAM, POÉSIE ? COUP DE GUEULE des villages a changé. L'île s'est transfor- tatant qu'un "énergumène" (et je pèse mes du peuple qui l'a élu) lorsqu'il rend caduque mée, la vie également suit ce rythme : nos mots) parcourt dix mille kilomètres pour la reconnaissance du mariage des indigènes mœurs sont bousculées, nos traditions venir à Maore et refuser nos principes. (je rappelle que je pèse mes mots) devant DES MOTS QUI décomposent les maux, repoussées et nos coutumes, comme la Partant de là, j'invite quiconque à se mett- la justice cadiale. Je précise à ceux qui ne Clandestinés aux Renseignements Généraux, goutte d'eau qui fait déborder le vase, sont re dans la peau d'une personne tenace et le savent pas encore que le cadi représente Préfecture de “Mayatta”, déboulonnées, tel un mal nécessaire. fermement attachée à ses valeurs musul- la justice divine auprès des individus de Et même le Conseil Général. Il y a En guise d'exemple, il y a quelques temps, manes. confession musulmane. J'appelle cela du un m'zungu voulait interdire le droit d'appe- mépris à l'égard des Mahorais. Oui, mépris Comme origine que… ler les fidèles pratiquants par le muezzin vu LE M'ZUNGU (POUR NE pas dire le nostal- est bien le mot pour caractériser une telle le "bruit" que propagent les micros… surtout gique du temps des colonies) qui veut aberration, constituée dans sa forme la plus J'ai les boules, j'ai les glandes, j'ai les crottes de pour l'appel de 5 heures du matin ! IMPRES- séjourner sur notre Maore doit intégrer dans complète. Pour espérer quelque chose vis- nez qui pendent SIONNANT ! ses calculs que le principe universel de laï- à-vis de son gouvernement, il sacrifie toute Face ! à cette France rance qui perd elle-même Les Mahorais ayant vécu en Métropole pour- cité (principe importé de la "Mère patrie") une panoplie de valeurs acquises depuis la la ront certes constater ce fait notoire : les vaut respect et égalité religieuse entre tous nuit des temps. Et n'en déplaise aux élec- Face ! à cette enfance en perte de son cloches des églises sonnent à "haute voix" et les citoyens de la République : on permet teurs qui l'ont élu ! Ce n'est pas cela qu'at- innocence ce, à tout moment sans la moindre aux cloches des églises françaises de sonner tendent les Mahorais, et surtout pas. Les Glacée, dis moi " Ô mon beau miroir qui est le contrainte, sans qu'il y ait assignation en haut et fort à tout moment (et en plein cen- fléaux à combattre que sont la pauvreté et plus classe ? " justice émanant des citoyens ou quel- tre ville SVP !), on doit en parallèle tolérer la misère qui sévissent dans notre île sont là conques lamentations… aux mosquées de Maore le droit d'appeler pour en témoigner longuement. A défaut de Je me défoule. Qu'ils m'entendent. Il m'est alors difficile de comprendre en leurs fidèles assidus, ne serait-ce que cinq ne rien pouvoir proposer à sa population, J'ai des tonnes d'idées qui tendent quoi les fidèles de Kavani peuvent être fois par jour. La "Mère patrie", aussi préten- alors que la fin de son mandat approche à Au Ministère de l'Outre-mer, gênants. Rappelons que pour accomplir ses tieuse qu'elle est, ne peut pas s'amuser pour pas de loup, il attaque tout simplement Outrée par l'ingérence, et non " l'assistance ", obligations religieuses au quotidien, le autant à imposer ses usages, le mode de vie leurs mœurs, coutumes, traditions ainsi que d'un occident oxydé par ses propres idées. musulman n'a besoin que d'un peu plus de qui est sien ainsi que ses lois, en terre leur religion. cinq minutes par prière. étrangère ; des lois usurpatrices, élaborées Sambi a beau dire ce qu'il veut… Le Mahorais que je suis s'identifie à travers par des auteurs passionnés par tout esprit VOILÀ QUI A EXCITÉ ses compagnons de Mais où est donc la " possitivité " d'un une certaine particularité, celle d'une per- de conquête, voire de domination, donc des longue date (les Ahmed Attoumani, les colonialisme tant sublimé. sonne dotée d'une identité de "musulman lois partiales et subjectives. Toilibou, les Moustoifa Mohamed…) provo- Oubliés tout le mercenariat, coups d'Etat, non pratiquant". Voilà ma réelle carte d'i- Et quand nos hommes politiques s'en quant la scission au sein de l'UMP… C'est la c'est quoi ça ? dentité, celle d'un musulman tolérant, mêlent, pour renforcer encore cet "étouffe- preuve qu'il y en a qui ne sont pas dupes et Kwassa ! ouvert aux idées de l'extérieur, donc dénué ment" de nos valeurs, cela devient plus qui refusent d'avaler la couleuvre. VISA… Vise ça, le vice-là ! de toutes tendances intégristes. Mais je ne aberrant qu'autre chose. Je pense au dépu- Bye-bye bébé qui a pleuré à l'heure de la tété. peux qu'être triste dans mon âme et té de Mayotte (qui ne pense qu'à ses ambi- SAIDINE ABDOU, MAORE Où t'étais quand Saïd, Othman, Farida, Naslati Ont coulé direct dans les bras de la mort ? Fais Ce que tu veux ! Mais l'Histoire n'est pas la bonne “Régularisez les travailleurs”, qu’ils disent poire. Tu as beau lui coudre la bouche de tabous, les Hommes et Femmes de demain n'oublieront pas LES PATRONS NE SONT PAS de sitôt les assassins technocratiques. PLUS FOUS À MAYOTTE NON !

Maniaque du Bic, je critique toute ta clique QU’AILLEURS Médiatico-politico-tu-me-casses-les-noix-de-coco! Ngaliya autour de toi, Poto ! UN TEXTE PUBLIÉ DANS LE QUOTIDIEN RÉUNIONNAIS TÉMOIGNAGE Où est l'Université tant espérée ? Les Formations qui font de toi un expérimenté ? FAUT-IL QUE LES CHOSES aillent comprend, les patrons ne sont permettrait-il de desserrer l'étau Et mentent, ouais, les Badamiers avec leurs mal à Mayotte pour que la pas plus fous à Mayotte mortifère en œuvre à Mayotte “Grandes-Oreilles” ! Direction de l'UMP locale en vien- qu'ailleurs. Il ne s'agit évidem- où l'économie étouffe de tant Aussi vrai que je m'appelle Lo'AyE, ne à désavouer le fond de la poli- ment pas de plaidoyer humaniste vouloir se séparer de ceux qui J'essaye de rendre la pareille à cet appareil éta- tique menée par l'administration, ou humanitaire. Il s'agit d'intérêt travaillent tant et pour si peu. tique en plein sommeil narcoleptique. en charge de l'emploi, cependant bien compris et qui, d'ailleurs, va Un hebdomadaire de l'île au par- aux ordres du Préfet et du gou- très loin dans le refus de recon- fum titrait récemment un de ses Fais dodo, te dis Nicolas, vernement français ? naissance des droits habituels éditoriaux : "La panique". Nul Cette double page Fais dodo, t'auras tes euros. C'est du bureau de l'UMP réuni puisque le droit au séjour du tra- doute que c'est un sentiment Fais dodo, te dis notre Etat, est la vôtre. Vous récemment à Mamoudzou que vailleur serait lié à l'embauche et déjà ancien chez les clandes- Fais dodo, regarde R.F.O. avez envie de vient la demande de la création qu'il perdrait sa carte de séjour tins ; il tend à se répandre dans d'une commission pour "La régu- s'il perdait son emploi. Le patron toute la société mahoraise. Tant (République Française Outrée !) pousser un coup larisation des sans-papiers qui aurait donc tous les pouvoirs, mieux si d'aucuns s'emploient à de gueule, d’évo- travaillent sur le territoire depuis mais il serait malgré tout relati- calmer le jeu et le zèle destruc- Mais qu'est ce que tu dis ? quer une idée, de plus de 10 ans". Ils ont argué en vement tenu de respecter la loi teur de certains administrateurs Je comprends queutchi, wallou, peau de zob. donner un avis, cette affaire du soutien qu'ils et payer les salaires au niveau trop pressés de résultats. Pour T'as pas job, pas de papiers, t'es un trouvent dans les positions du légal, une amélioration sensible ne pas risquer de mettre l'île en “Sans Parlé” ! d’apporter une plus libéral des hommes poli- face à la réalité esclavagiste état de coma économique pro- Et on s'étonne d'une délinquance produite par réflexion... tiques français, Alain Madelin, actuelle du vécu des clandestins. longé, il faudrait y ajouter un l'insouciance d'un Etat Beau-Papa sans états Ecrivez-nous à : devenu conseiller politique de peu de justice et de compas- D'amertume dans ma gorge ! Nicolas Sarkozy, défendant le CELA NE FAIT BIEN SÛR pas le sion. A cet égard et au risque de [email protected] principe de la régularisation. compte et ne répond ni aux se répéter, on est loin du comp- Je lève mon troisième doigt en l'air C'est bien entendu un chef d'en- inquiétudes des syndicats, ni aux te, mais pour cela, il faudrait A tous ceux qui brassent de l'air. ou à treprise inquiet de l'état des for- exigences de la Ligue des droits qu'émergent d'autres types d'in- La jeunesse d'ici revendique la genèse des Îles. ces productives dans l'île, élu par de l'Homme locale, encore tervenants. BP 5311, Moroni, Comme origine : ailleurs à la Chambre de métiers moins aux paradigmes fonda- Comme hors. Ngazidja, et de l'artisanat, qui a pris l'ini- teurs du génie national républi- FRANÇOIS ESQUER, MAORE Union des Comores tiative de la proposition. Cela se cain français. Au moins, cela (texte publié dans Témoignage) LO'AYE, MAORE

4 kashkazi 58 décembre 2006 le journal des lecteurs entre nous

La question dépasse largement le cadre insulaire DES POÈMES AU-DELÀ DE L’ENTÊTEMENT D’UN LECTEUR EN VERVE M. LE PRÉFET

M. le préfet je vous fais une lettre DÉPARTEMENTALISTE Que vous lirez peut être si vous avez le temps. Je sais qu'en ce moment vous êtes très occupé, DES MAHORAIS A combattre le vilain moustique, à pulvériser, A recenser les cas vus dans les dispensaires, UNE FINE ANALYSE DE LA REVENDICATION DÉPARTEMENTALISTE ET DE SA PORTÉE UNIVERSELLE Par bonheur un système désormais sélectif, LA POPULATION MAHORAISE, de l'île liberté, d'égalité et de convivialité cul- ments français. mais comme des occasions d'interroga- Permet sans doute de rester optimiste comorienne de Mayotte, ne cesse de turelle. De ce point de vue, une ques- Cependant, si le problème intègre tions profondes, de débats informés et N'oubliez point de border votre revendiquer l'érection de son territoire tion s'impose - et non l'inverse - : cet effectivement la coopération franco- de propositions concertées et apprivoi- moustiquaire en département français. Depuis l'é- espace républicain peut-il ou est-il comorienne et africaine, il plonge ses sées. Ces expériences permettent poque de l'autonomie de gestion du disposé à intégrer de la sorte les racines dans la fondation de l'Etat- notamment de déconstruire le mythe Il est un autre fléau qui s'abat sur l'île territoire des Comores. Entêtement Mahorais, des anciens colonisés, initia- nation français - qu'il risque de fissurer, du département-développement. En aux parfums départementaliste, cette revendica- lement perçus et posés comme une craint-on. Autrement dit, la effet, du côté des Antilles, par exem- contre lequel la D.A.S.S ne peut rien tion politique nourrie est incessante. altérité absolue, une négativité ? République française est-elle disposée ple, Aimé Césaire, dans ses entretiens Une pandémie bien plus insidieuse que Un leitmotiv qui, par sa prégnance A partir de ce questionnement, il sem- idéologiquement et culturellement à avec Françoise Vergès, peut noter, en le Chickungunuya socio-politique et par sa permanence ble que la revendication départemen- recevoir des anciens colonisés qui une sorte de bilan, que “l'économie Premier foyer à la C.P.S de Mamoudzou historique, exige d'être pris au sérieux, taliste mahoraise traduit d'abord un simultanément, revendiquent l'égalité antillaise était génératrice de misère et un nouveau plus bas d'être interrogé dans ce qui a pu favo- rêve ou une illusion de liberté issu et et affirment la différence ? et d'inégalité [avant la départementa- Bien que ce moustique soit aussi riser son émergence et peut garantir produit par l'expérience coloniale, On se souvient alors, d'une part, que la lisation des Antilles françaises], mais d'Afrique son aspect sempiternel. c'est-à-dire par le déploiement histo- construction de l'Etat-nation français elle existait. A l'heure actuelle, nous C'est pour cette fois la femelle qui fut une entreprise d'intégration territo- sommes un pays qui ne produit plus pique riale et sociale basée sur l'homogénéi- rien, mais qui consomme de plus en Mais le résultat est tout aussi tragique La revendication départementaliste sation, l'effacement des différences et plus. C'est une situation d'assistanat, mahoraise, questionnant ainsi la la centralisation. C'est une construc- dont il nous faut sortir.” (1) Attendez vous que vos gendarmes tion idéologique et culturelle basée Occupés à courir par monts et République française, devient une pro- donc sur la dévalorisation de la diffé- EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, l'érection de mangroves blématique partagée, se désolidarise rence et de la pluralité, c'est-à-dire sur ces quatre colonies post-esclavagistes soient un peu reposés de la chasse aux la négativité idéologique et discursive. (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La “sans papiers” du cadre insulaire étroit. D'autre part, le grand partage culturel Réunion) en départements s'est en Que vous soyez gonflé par de belles “ entre les sociétés humaines - “avec réalité traduite en un processus jacobi- statistiques C'est l'espoir partagé d'un mieux-être rique et impérialiste de cette même écriture” et “sans écriture”, “civili- niste d'assimilation culturelle des Source de promotion loin de ces et la fin de toutes les peurs et de l'an- République française. Une expansion sées” et “sauvages” - institué par anciens colonisés et descendants d'es- “Tristes Tropiques” tagonisme comoro-comorien, annonce et une expérience marquées par des l'Europe impérialiste du 19ème siècle - claves - la République française esti- Drôle de conception du rôle de l'Etat “la voix légitime”, d'un côté. Obsession exploitations, des injustes, des inégali- dont participe la France - l'ayant instal- mait peut-être qu'ils n'avaient pas ter- Ou reflet d'un gouvernement faible aveugle et aliénante, rétorque la “voix tés, des divisions, des manipulations, lé dans l'altérité absolue, dans la néga- miné alors leur “marche” vers la Qui pourchasse les plus démunis légitime”, de l'autre. Non, un moment des falsifications et des détourne- tivité, l'ancien colonisé ne peut être Civilisation. Pour plaire à ces tristes Bouenis historique plein de sens : un choix poli- ments. intégré que sous le mode de la décul- Il s'agit alors, pour les Mahorais, de Véritable dialogue de Beni Oui Oui tique libre et conscient, déclare-t-on turation, de l'assimilation culturelle et négocier une participation à la “légitimement”. Scandale politique : RÊVE DE RESSEMBLER, d'être l'égal par sa mise sous tutelle politique et République sous le mode du partage et (Merci à Boris Vian) détournement de l'Histoire et du Droit, donc du maître-colonisateur. En d'aut- économique. de la solidarité - non de revendiquer ou s'indigne-t-on “légitimement”. C'est res termes, il s'agit d'intégrer et de par- La revendication départementaliste de suggérer à la France la voix du com- que l'histoire est trop récente, les voix tager l'espace des idéaux démocra- mahoraise, questionnant ainsi la munautarisme et de la spécificité cul- DELTA 1, BRAVO 2 naturellement passionnées, et les tiques et des disponibilités sociales et République française, devient une pro- turelle. C'est s'adjoindre, fort à propos, points de vue restent prisonniers du culturelles de la nation française. En blématique partagée, se désolidarise la pertinence et la sagesse de la paro- De bon matin ils sillonnent la brousse cadre réducteur et dualiste du discours effet, ainsi a pu apparaître et se pré- peu importe la saison ils cueillent colonialiste - pour ou contre l'indépen- sente encore la République française Il s'agit pour les Mahorais, de négocier Qui au bord de la route, au retour du dance. C'est l'enlisement politique et aux yeux des Mahorais, ayant subi champ sémantique : le discours n'est plus qu'é- comme tous les colonisés toutes sortes une participation à la République sous Qui dans la case et prennent aussi mission de salives. de fascinations. Rêve de liberté de l'an- l'enfant Pourtant, la revendication départe- cien colonisé donc, entêtement dépar- le mode du partage et de la solidarité mentaliste mahoraise ne saurait être tementaliste d'une population maho- Delta 1 revient avec Bravo 2 acceptée et comprise sous le seul raise se sentant solidaire de l'espace de du cadre insulaire étroit, et de la cons- le d'Aimé Césaire qui résume, dans un les bancs sont pleins, les visages graves mode du contentieux et de l'aporie, car vie républicaine qui l'habite désormais. cience d'un retard social, économique dialogue à trois voix, ”les enjeux de un aller sans retour sur la barge elle continue de préoccuper tous les La revendication départementaliste et culturel qui est une mauvaise cons- cette participation : “Il existe une Qui dans l'avion formalités accélérées discours et d'affecter les décisions et mahoraise, à travers son énoncé inau- cience qui aide à s'égarer et fait perd- vieille solidarité entre la France et Qui dans le bateau moderne négrier les actions des acteurs comoriens. Ne gural et mythique, reposant effective- re la dignité. Elle peut se brancher, par nous. Pourquoi la rompre ? […] Tu es toi provoque-t-elle pas, par ailleurs, le ment sur une proposition idéologique contre, sur les grands espaces de et je suis moi. Tu as ta personnalité, j'ai Delta 1 se repose avec Bravo 2 malaise dans les rangs des élus républi- incorporée par les anciens colonisés contacts et d'échanges historiques dans la mienne, et nous devons nous respec- Les corps huilés luisent au bord du cains nationaux de toutes obédiences s'entend alors également, telle une lesquels des sociétés humaines ter et nous aider mutuellement”. (1) bassin et chez les Français métropolitains qui arme à double tranchant, comme un devaient refonder leurs identités - La proposition décisive est que dans don du contribuable pour se laver les arrivent à la rencontre des Mahorais ? Il défi lancé à la République française métissées ou mobiles -, remises en une participation négociée à la mains faut donc l'envisager autrement pour d'articuler significativement et d'inscri- question par l'altérité. Elle rejoint ainsi République française, les Mahorais se Qui perdu sur le tarmac de l'aéroport qu'elle intègre toutes les dimensions de re paisiblement dans sa constitution la des questionnements plus larges qui doivent surtout d'“apprivoiser le déve- d' sa signification. problématique résultante de son permettent de mieux éclairer ses loppement” (2), c'est-à-dire de le pen- Qui s'en retourne sur la plage pleurant Cette perspective exige de l'analyse déploiement impérialiste : le mariage enjeux. Elle peut s'orienter alors ser et de le pratiquer selon leurs prop- une rupture épistémologique. Elle de l'égalité et de l'altérité. Les gouver- comme une démarche d'ouverture à res bases culturelles, dans des perspec- Delta 1 veille avec Bravo2 commence par le réexamen critique de nements français promettent, diffè- l'autre sur la base du respect mutuel et tives qui sont les leurs ou du moins par- le short est repassé, la chemise pliée l'énoncé inaugural et mythique : “Nous rent, tergiversent et rusent. Tandis de la solidarité, du partage et de la tagées. Peut être pour certains une nuit agitée voulons rester français pour être lib- qu'obscurcis par les rancœurs et obnu- reconnaissance. MLAÏLI CONDROMOULA, MAORE Des pleurs de femmes et du cri des res”. Et pour dépasser son caractère bilés par le mythe du département- Dans cette perspective, les premières enfants mystificateur, il faut le saisir à partir de développement, les Mahorais dénon- expériences de départementalisation (1) Aimé Césaire, Nègre je suis, nègre je reste- Souvenirs d'une sinistre mission outre la proposition idéologique sous-jacente cent naïvement les compromissions des territoires français d'outre mer ne rai. Paris, A. Michel, 2005 mer. indiscutée qui en assure la vérité : la diplomatiques franco-comoriennes et s'offrent plus comme des modèles à (2) Aminata D. Traoré, L'étau. L'Afrique dans République française est un espace de le manque de volonté des gouverne- suivre ou à fuir ou à encore à corriger, un monde sans frontières, Actes Sud, 1999 LLG, MAORE, mai 2006

kashkazi 58 décembre 2006 5 entre nous les gens

des nouvelles de... Salim Hatubou Il sort un roman sur le quartier Caltex

PENDANT QU'ON pas bien pour son père, moi devenus “guerriers” malgré MARCHAIT, J'AI aussi, j'ai fait chose pas bien eux, ces garçons et filles DEMANDÉ à pour son père. La vie, c'est luttant contre la misère “ Jellounah où elle a un chemin, si dans les côtés quotidienne, dans l'indiffé- trouvé argent et c'était à il y a caca et qu'on te pousse rence totale des hommes qui grosse voiture qui la dans les côtés, tu tombes politiques qui ont précipité déposait vers station essen- dans caca même. Et nous, le pays dans les abîmes”, ce Caltex. Elle a rigolé et dans chemins de chez nous, critique l'écrivain. elle a dit comme ça : les Grands-Quelqu'un nous Auteur de nombreux -J'ai trouvé Fazul et je l'ai poussent dans les côtés, recueils de contes como- rendu aux Américains, mais alors on tombe dans choses riens, de romans à caractè- chut ! C'est un secret ! Et qui sentent pas bon !” re social ancrés dans le toi, où tu as trouvé argent milieu de la diaspora et de aussi ! DANS LES DÉMONS DE Hamouro, un roman inspiré - Moi aussi, j'ai trouvé Fazul ! L'AUBE, SALIM HATUBOU de l'incendie des cases du Allez, dis-moi où tu as eu cet nous fait plonger dans la vie village mahorais, le jeune argent ! j'ai dit. d'Issou, un adolescent de auteur issu de la diaspora portrait type Jellounah s'est arrêtée et Caltex, quartier populaire marseillaise s'est immergé elle a dit comme ça : construit en tôle, et devenu dans les réalités des quar- - Mon père s'est servi de son l'un des centres névral- tiers “chauds” de la capita- sexe pour me faire ! Je me giques de Moroni. La vie le des Comores sans se suis servi du mien pour chaotique que connaissent départir de sa langue ima- avoir argent et donner fier- des milliers de jeunes livrés gée forgée dans l'univers té à mon père ! à leurs problèmes, occupés des contes. (…) à survivre plus qu'à s'imagi- J'ai décidé de pas juger ner un avenir. Des “princes Les démons de l'aube, Jellounah. Elle a fait chose et princesses modernes L'Harmattan, 2006 Nawal le gabusi et le sacré "Nawal. Votre message parfois se bénir soi-même. Quand les parents horizons divers n'approuvent pas ce que vous faites, c'est un poids." En 1996, elle apprenait à jouer du est sacré et donc reçu à gabusi à Mwali. En 2001, elle sortait Kweli Itsandra." Tout heureux (Vérité). Un premier album subtil et acous- Le roi stambouliote tique où les appels à l'unité et à l'harmonie de rendre enfin hommage côtoient une critique sociale doucement iro- nique : "Tu as semé père/Mais tu n'as pas culti- de la circoncision à une artiste restée longtemps vé/Comment peux-tu espérer récolter" chante- lointaine, un groupe de jeunes t-elle en comorien, aux hommes qui sèment après plusieurs années de pourparlers avec les autorités brandissait sa pancarte sous les des enfants à tout va. KEMAL ÖZKAN hambourgeoises. Ses compatriotes qui vivent au loin est persuadé qu'il mènerait la vie rude d'un vieil homme doivent pouvoir devenir eux aussi de vrais musulmans, yeux de la chanteuse, samedi 19 EN 2006, ELLE A COUPÉ ses cheveux très pauvre, au fin fond d'un village d'Anatolie, si Allah ne explique-t-il. Les Allemands ont fini par le comprend- novembre à l'Alliance franco-comorienne courts avant de retourner affronter son pays où l'avait choisi pour soulager les maux des hommes de re. Ce mois-ci, il se rendra en Chine. Mais ses activités de Moroni. "Depuis qu'on l'a entendue sur "il faut que tout le monde se ressemble -le son pays. Aujourd'hui, en tant que sünnetci [circonci- à l'étranger, où il ne va que cinq ou six fois par an, ne RFI, on l'écoute et on l'aime", expliquait un symptôme des insulaires". "J'ai une mission un seur], il coule des jours heureux dans une villa à représentent qu'une petite partie de ses gains. Son pays garçon. "Mais on ne l'avait jamais vue." peu lourde", avoue-t-elle. "Je dérange. Istanbul. Kemal Özkan fait des petits garçons turcs de ne cessera jamais de lui fournir de nouveaux clients Cette révoltée de la génération de leurs parents Pourtant, maintenant que j'ai chanté ici, les vrais musulmans, sous anesthésie, et les parents le potentiels. Chaque année naissent 700.000 garçons n'était pas remontée sur une scène comorienne gens me bénissent !" paient aussi pour qu'il organise la cérémonie festive. turcs qui, tous, doivent passer l'épreuve, car il y va de depuis que l'un de ses oncles, en 1985, lui Bénédiction… Malgré ses embardées hors du Agé de 74 ans, il a opéré quelque 115.000 musulmans leur honneur. (...) Les familles ne cessent d'affluer dans avait violemment fait comprendre que la place "droit chemin" et ses ruades dans les conve- en quarante ans d'activité. Auparavant, il était homme la salle de danse. Elles s'inclinent devant Kemal Özkan d'une femme de sa nances qui entravent sa liberté, Nawal perpétue d'entretien sur un bateau dans le port d'Istanbul. En et lui baisent la main. Ses employés - comptables, ser- famille n'était pas derriè- à sa manière l'aura spirituelle de son aïeul El Turquie, on n'a pas besoin de suivre une formation par- veurs et secrétaires - lui apportent le thé et les factures. re un micro, encore Maarouf, fondateur mythique et mystique de la ticulière pour pratiquer des circoncisions. "On apprend Ce dimanche d'automne, 20 garçons seront circoncis. “Dieu préfère moins une guitare entre confrérie shaduliyi. Le religieux se détache sur le tas", confie le vieil homme au bouc soigneuse- Un après-midi plutôt calme pour cet homme qui, un les mains. dans ses chansons des pesanteurs sociales qui ment taillé. jour de l'année 1985, avec l'aide de 50 assistants, a quelqu'un qui "Votre message est l'éloignent de l'universel, et devient message Sur la scène de la salle de danse, Kemal Özkan chante effectué 2.300 interventions. a embelli son sacré." La petite phrase d'amour, incitant à l'effort collectif pour vivre à tue-tête des chants populaires, entouré de jeunes gar- inscrite au feutre sur le mieux ensemble et s'élever. "Je me sens pro- çons vêtus de costumes clairs en satin. Un clown les CETTE COUTUME RELIGIEUSE a engendré au fil âme plutôt que carton ne pouvait pas che d'El Maarouf", explique-t-elle. "J'ai réali- invite à prendre place sur un manège serti de ballons de des siècles l'émergence d'une catégorie professionnelle quelqu'un qui mieux tomber. "C'est sé que je disais presque la même chose que foot. Les garçons sont sur le point de devenir des hom- à part entière. Mais, comme "tout le monde a le droit vrai que quand je chan- lui. Je pense que je suis un chemin… Dieu mes. Les ballons et le clown sont censés faire diversion; d'exercer ce métier", il n'existe pas de statistiques, est allé sept te, je prie avec mes préfère quelqu'un qui a embelli son âme plutôt explique Kemal Özkan. Il a plusieurs fois tenté de fon- Kemal appelle cela de la psychologie. Il exige entre 500 fois à la mots", lâche la musicien- que quelqu'un qui est allé sept fois à la et 700 euros pour ses services. Le revenu annuel moyen der une association de sünnetci, mais il n'y est pas par- ne. "Et de jouer ici, c'est Mecque." L'hypocrisie et la déformation du par habitant est de 4.222 euros en Turquie. Néanmoins, venu. "Nous venons de milieux trop différents", Mecque.” comme si je réglais message religieux font partie de ses cibles pré- tous ceux qui peuvent se le permettre vont chez Kemal. explique-t-il. Dans les campagnes pauvres, l'interven- quelque chose avec mon férées. AIstanbul, tout le monde le connaît. Il a opéré des hom- tion est encore effectuée par le coiffeur ou le derviche, âme. Régulièrement, j'es- Issue du clan El Maarouf par sa mère et de la mes politiques, des hommes d'affaires et des footbal- le plus souvent sans anesthésie. "C'est extrêmement saie de pardonner à ceux famille créole Mlanao par son père, la plus leurs vedettes du Besiktas, du Galatasaray ou du douloureux. Beaucoup d'hommes en restent traumati- qui m'ont fait du mal." atypique des Comoriennes a su rester en phase Fenerbahçe. sés toute leur vie", regrette le vieil homme. Loin de ceux qui ne voulaient pas l'entendre, avec les préoccupations sociales de l'archipel. Accroché à sa taille imposante, son téléphone portable Aujourd'hui, Kemal n'exerce son activité que lors de Nawal a tracé sa route. "J'ai eu la chance de A Paris, "je cause avec des Comoriens dans le vibre sans interruption. "De nouveaux clients", assure- grandes occasions. Ses fils Levend et Murat se chargent rencontrer beaucoup de gens qui m'ont soute- métro. Je suis ce qu'il se passe. Et puis, tout ce t-il. A Pâques, il doit pratiquer des circoncisions à gran- de la partie médicale. A 7 ans, Levend a circoncis son nue. Des hippies de l'Ardèche [au sud-est de la qu'il se passe ici se passe ailleurs. Je défends de échelle à Bielefeld, près de Hambourg. Kemal frère Murat, son cadet de deux ans. France, ndlr], des chefs religieux, des curés… des valeurs humaines." Kweli. Özkan a obtenu l'autorisation d'exercer en Allemagne Lisa Wandt (Süddeutsche Zeitung) Des gens m'ont bénie et m'ont appris qu'il faut LG

6 kashkazi 58 décembre 2006 LES DOSSIERS SANTE

Les jeunes face au VIH-Sida : “Personne n’est à l’abri” Elèves, artistes, ou responsables, ils s’engagent dans la sensibilisation aux dangers du VIH-SSida. Rencontres.

l’Afrique de l’est est la plus touchée avec 25 Cheikh MC millions de séropositifs sur les 40 millions qu’il monte au créneau y a dans le monde. On veut aller dans les villages, faire venir des artistes et des minist- Ambassadeur de la jeunesse comorienne res. Si les Comoriens voient des artistes et des à l’ONU, le rappeur a choisi de ne pas ministres faire le déplacement, ils vont enfin fermer les yeux sur le VIH-SSida. Interview. se dire que c’est sérieux. Penses-ttu que les artistes sont sensibilisés Cheikh MC, comment en es-ttu arrivé En savoir plus au problème ? à t’engager dans la sensibilisation ? Pas du tout ! Qu’ils n’aient pas envie de faire Dépistez vous ! Tout a commencé quand j’ai sorti le titre de la sensibilisation, ça c’est une chose, mais Vous avez un doute, vous Nadia. C’est l’histoire d’une jeune fille qui qu’ils arrêtent de faire l’apologie du sexe ! débutez une relation sérieu- désespère parce qu’elle a le virus du Sida. La 60% des titres comoriens sont basés sur le sexe. se, vous envisagez d’avoir chanson est un message d’espoir pour Nadia : Ils poussent la jeunesse à attrapper le Sida. un enfant... Dans toutes ces la vie n’est pas finie. C’est aussi un appel à la situations, il est conseillé de jeunesse : il faut se protéger. L’Unicef s’est subir un dépistage du virus intéressé à mon son et a financé la produc- “NADIA RENCONTRE UN MEC VIH. S’il vous est arrivé d’a- tion à la Réunion. Là, j’ai compris que lutter ET NAGE DANS L’BONHEUR voir des relations sexuelles contre le Sida devait être mon champ de VIH-SSida existe, mais la plupart ne se protè- L’ABSENCE DE CAPOTE DANS L’HISTOIRE non protégées, c’est bataille. gent pas... TRANSFORME CETTE JOIE EN HORREUR indispensable. Là je t’arrête tout de suite : la plupart des Les artistes ont-iils une grande place LE SIDA L’ATTRAPPE Anonyme et gratuit, le jeunes savent qu’il faut utiliser la capote, dans la sensibilisation ? dépistage s’effectue au mais ils ne le font pas pour une raison simple : (...) PERSONNE N’EST À L’ABRI” Je crois que la meilleure approche, c’est celle- Programme de lutte contre le ils ne croient pas que le Sida existe. Ici aux ci. Il faut comprendre qu’il y a une grande Sida à Moroni, ou dans les cen- Comores, on ne sent pas que le Sida existe. Je “ DJIHIFADHWI, UPUHANE NE MARADHUI diversité de population : ceux qui connaissent tres hospitaliers régionaux de suis allé en Afrique du Sud. Là-bas, on sent le Sida, ceux qui ne le connaissent pas, ceux BAKI NE MDZIMA WAMTAMANI Ndzuani et Mwali. que le Sida existe : il y a des panneaux qui le qui veulent en entendre parler, ceux qui ne MGU HA HUPVA RADHI Une toute petite piqure, et répètent à chaque coin de rue. Dans les toi- veulent pas, les jeunes, les vieux... La popula- SIDA TSI MBAHUMA quelques jours plus tard le lettes, il y a même des petites télés avec tion la plus vulnérable, c’est les jeunes. Or les TSI MSHIPA NO TSI NDREREMA résultat vous est remis dans une Mandela qui dit qu’il faut faire attention ! jeunes n’écoutent pas les hommes politiques, enveloppe fermée, reconnaissa- C’est ça une bonne sensibilisation : tout le KO SI NDZANU YO REMA mais les artistes. C’est pour ça que je pense ble par un numéro, que vous monde doit se mobiliser. Avec mon front Al DA LAWO LI BAKI DZIMA / TSI AMINI que la musique est un canal de sensibilisation choisissez d’ouvrir seul ou en Watwania, on a un projet de sensibilisation ULALE NA MRUME PVA TSI NA HOFU très fort. présence d’un agent qui pour- de masse. Il faut que les gens sachent qu’on UTSIKIRI...” ra vous conseiller en fonction Selon l’Unicef, 60% des jeunes savent que le fait partie de l’Afrique de l’est, et que EXTRAITS DE “NADIA” du résultat. Si le résultat est négatif, vous saurez désormais qu’il faut Clubs anti-SSida La sensibilisation par la base vous protéger pour ne pas prendre de nouveau le risque Quand les jeunes sensibilisent les jeu- tait d’aller dans les écoles. Chaque déficience acquise”. Ils nous répon- Sida est quelque chose de tabou, d’être contaminé. S’il est positif, nes, le message passe toujours samedi, on choisissait une école et daient : “Non, ça veut dire nous demandons l’autorisation des vous bénéficierez d’un suivi mieux... c’est à ça que servent les on faisait un grand meeting avec “Système pour décourager les enseignants et des parents des élè- médical et, en cas de besoin, clubs anti-SSida. les élèves. Ils nous posaient toutes amants” ! Mais on a remarqué que ves de l’établissement avant de d’un traitement. les questions qu’ils voulaient, sans le nombre de personnes qui commencer. Elève de terminale au lycée de tabou. Au début on a eu des pro- connaissaient le Sida augmentait. Souvent, il y a des parents qui refu- Journée mondiale de lutte Moroni, Ali Abdou a fait partie d’un blèmes quand on parlait des pré- On avait une grande force de sensi- sent, mais à la fin du débat la club anti-Sida pendant deux ans. Il servatifs : certains parents n’étaient bilisation car on touchait directe- majorité sont convaincus : ils savent La première journée mondiale nous fait part de son expérience. pas d’accord. Mais quand on leur ment la jeunesse.” très bien que les jeunes font des de lutte contre le SIDA a été “En 2001-2003, les clubs étaient expliquait les dangers, ils finissaient L’année dernière, 12 clubs ont été rapports très tôt. célébrée , à l'initiative de soutenus par l’Onu-Sida. Ils exis- par comprendre ! relancés à Ngazidja. “Nous pré- Par contre, aucun club ne distribue l'Organisation mondiale de la taient dans pratiquement tous les On s’est rendu compte que beau- voyons d’en mettre en place 12 aut- de préservatifs. Notre premier santé (OMS), le 1er décembre collèges publics, et dans certains col- coup de jeunes ne croyaient pas à res cette année”, annonce Mme objectif est de prôner l’abstinence.” 1988. Nous célébrons cette lèges privés. On était formés sur la l’existence du Sida ! Ils nous deman- Fatuma Djalim, responsable de la La prévention à l’infection VIH est année la 18ème journée mon- maladie et sur comment véhiculer daient la signification et on leur sensibilisation au ministère de aussi intégrée aux programmes des diale de lutte contre le Sida. le message. La meilleure façon, c’é- répondait : “Syndrôme d’immuno- l’Education de l’île. “Comme le VIH- classes de CM2, 5e et 1e. Conception : Kashkazi pour l’OMS

kashkazi 58 décembre 2006 7 fqs faut qu’ça sorte AHANORAK DEUX PEUPLES, A TOUS CEUX qui s'inquiètent du tempérament voyageur (finalement !) du président Aha, rassurez-vous : il ne reviendra pas avec le rhume. En page 2 du n°966 d'Al-watwan, une photographie nous le montre en Chine chaudement vêtu d'un anorak au côté de sa femme DEUX MESURES coiffée d'une moelleuse capuche. Non seulement ils sont mignons, mais en plus on apprend qu'ils réalisent des prouesses : “Lors de l'expédition sur la Grande Muraille, après avoir gravi LE 21 JANVIER 2001, il a menacé, en “parti fasciste” et appelé le premier plusieurs centaines de mètres, il s'est vu décerner un certificat. La même distinction a été cas d'attaque palestinienne, de “bom- ministre Ehud Olmert à cesser toute aussi attribuée à la première dame avec qui il a fait le même parcours sous une températu- barder Beit Jala [un faubourg de négociation visant à le faire entrer dans re de 2°C. En leur remettant ces certificats, le maître des lieux leur avait fait remarquer Bethléem], Téhéran, Le Caire et le bar- l'actuelle coalition gouvernementale. qu'ils constituent le premier couple présidentiel étranger à avoir parcouru une si longue dis- rage d'Assouan”. Le 7 octobre 2003, il a Peine perdue : déjà ministre sous Ariel tance.” Qui a dit que les voyages présidentiels ne servaient à rien ? allongé la liste de ses cibles : “Nos Sharon, l'auteur de ces déclarations ennemis dans la région doivent com- racistes et aventuristes, Avigdor prendre que l'Etat d'Israël est sur le Lieberman, a été nommé vice-Premier PLUS LES ANNÉES PASSENT, plus le point de perdre la raison. Faute de ministre chargé des “affaires straté- président russe Vladimir Poutine se quoi, nous ne pourrons pas obtenir le giques” du gouvernement israélien. En découvre. Arrivé au pouvoir en 1999 après calme ici. Cette effusion de sang chez d'autres temps, l'Union européenne un accord tacite avec son prédécesseur, nous doit s'arrêter. Si nous nous trou- avait boycotté l'Autriche pour moins Boris Elstine, Poutine dirige depuis la vons obligés de brûler tous les champs, que ça (à savoir l’arrivée au pouvoir de Russie dans la plus pure tradition DIPLOMATIK’ outre Damas et Beyrouth, nous le l’extrême-droite). Plus récemment, la soviétique, si bien que certains n’hésitent ferons.” Le 7 juillet 2003, il répondait Palestine s’est vu couper les vivres de pas à le comparer à Staline, comme ce à une question de la radio Kol Israël sur la communauté internationale pour dessinateur. Outre la répression féroce en le sort des milliers de prisonniers pales- avoir oser élire démocratiquement un Tchétchénie et dans d’autres contrées tiniens : “Il vaudrait mieux noyer ces parti islamiste, le Hamas. Mais quand il rebelles, outre la centralisation quasi prisonniers dans la mer Morte, si possi- s'agit d'Israël, visiblement, cela ne dictatoriale du pouvoir dans les régions, ble, puisque c'est le point le plus bas du dérange personne qu'un fasciste ait de outre des méthodes héritées de la guerre monde.” Le 25 décembre 2004, il for- si importantes responsabilités. froide, voilà qu’il est accusé d’être le mulait sa solution du conflit israélo- commanditaire de deux meurtres, celui de palestinien : “Mon plan propose de pla- “L'ARRIVÉE D'AVIGDOR LIEBERMAN au la journaliste Anna Politkovskaïa et de l’a- cer la plupart des Arabes sous autorité sein du gouvernement d'Ehud Olmert gent secret Alexandre Litvinenko, empoi- palestinienne en excluant les villages n'a pas provoqué un tollé international, sonné. Le pire, c’est qu’on y croit... arabes des territoires sous souveraineté ni poussé l'administration américaine à Dessin de Graff paru dans Dagbladet (Norvège) israélienne. Parce que si on accepte la exiger de Lieberman la reconnaissance création d'un Etat palestinien sans trou- des accords internationaux signés par ver une solution aux Arabes israéliens, le passé entre Israël et l'Autorité pales- notamment les musulmans parmi eux tinienne, et le respect du processus de qui habitent les villages du Triangle et paix et des décisions de la communau- Y’A-T-IL UN PSYCHOLOGUE qui se trouvent pour leur majorité sous té internationale”, s'indigne ainsi l'édi- l'influence de la section nord du mouve- torialiste du quotidien palestinien Al- ment islamiste, ce serait notre fin.” Hayat Al-Jadida. Or c'est officiellement DANS LA SALLE ? Interrogé par Le Figaro, il ajoutera ce parce que le Hamas a refusé de recon- commentaire : “C'est exactement ce naître ces mêmes accords internatio- CERTAINES PERSONNES SONT ÉPATANTES tant elles manient à merveille l’art de la contradiction. qui s'est passé avec l'Alsace-Lorraine.” naux, ce même processus de paix et ces Ainsi ce président d’une commission régionale d’arbitrage mahorais qui, au questionnaire de Proust Le 23 octobre 2006, Yoav Stern, dans le mêmes décisions que la communauté du journal Le Mawana, affirme adorer Adrien Giraud (son héros préféré dans l’histoire) et abhorrer quotidien Haaretz, signale que le prési- internationale a rompu les liens avec le Andriantsouli (le personnage historique qu’il n’aime pas). Voilà donc un homme qui aime et déteste dent du Haut comité arabe israélien, gouvernement palestinien et placé les deux personnes qui auront eu sensiblement le même rôle dans l’histoire, à savoir vendre -au sens Shuweiki Hatib, a qualifié le parti de Territoires dans une situation de misère propre comme au figuré- Maore à la France, opération qui leur a permis d’acquérir quelques avan- cet homme politique, Israël Beitenu, de totale. Deux peuples, deux mesures... tages personnels non négligeables. Le premier a obtenu des bourses pour ses enfants et une pension honorable ; le second s’est construit un empire économique et une carrière politique... Curieux ? Certes. On notera toutefois que cette même personne dit détester par-dessus tout “la guerre” mais retient comme “fait militaire que j’estime le plus”... la guerre du Golfe. Va comprendre... BONNES NOUVELLES DANS LE MAHORAIS du 14 novembre dernier : sous le surtitre “Immigration clandestine”, devenu un poncif tant il est utilisé par les COMPTEURS À CARTES : médias locaux qui oublient souvent qu’un “clandestin” est aussi une personne, ce titre quelque peu étonnant : “Un lot de bonnes nouvel- les”. Quelles sont donc ces bonnes nouvelles ? Un nouveau radar, un À QUAND UN RÉFÉRENDUM !? nouveau centre de rétention, des effectifs de police en plein boum (+549% lit-on, mais on ne sait pas depuis quand. Depuis 1841 ?). Cerise CE N'EST PAS POUR rien qu'on transgressé le refus des autorités cer l'installation par ce quartier sur le gateau de ces “bonnes nouvelles” : la venue prochaine de l'appelle l'île rebelle. Depuis sa de l'île pour aller passer le en attendant la généralisation Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur français très à droite -il est tentative sécessionniste, Ndzuani concours de l'armée. progressive du nouveau attendu vers la mi-décembre. Que de bonnes nouvelles ! A quand une semble avoir appris ce que "Non" La dernière contestation en date, système". base militaire dans chaque village ? veut dire et n'en rate pas une plus anecdotique, concerne l'ins- Mais la contagion ne s'est pas fait pour marquer son opposition à tauration des compteurs à carte longtemps attendre. Mirontsy a tout ce qui contrarie ses intérêts, censés réduire le piratage de l'é- été le premier à brandir une ban- réels ou supposés. La manie n'est lectricité. Alors que dans les aut- derole à l'entrée de la ville pour ET PUIS QUOI ENCORE ! pas propre aux autorités de l'île res îles, le choix fait par la socié- dire "Non aux compteurs à car- dont les élans contestataires aga- té d'électricité n'a pas suscité de tes". " soutient les UN HABITANT DE MBÉNI, au finit par se convaincre en cent leurs homologues des autres réactions d'hostilité, à Ndzuani, compteurs à cartes" lit-on en nord-est de Ngazidja, a été sur- voyant débarquer les journalis- îles, au point de vouloir faire l'EDA (Electricité d'Anjouan) revanche sur une banderole pris de voir des jeunes remplir tes de la radio et de la télévi- voler l'archipel en éclats pour essuie un refus frontal des usa- posée à l'entrée de la ville. Plus de chaises, la salle de réunion sion nationales. Effectivement, que chacun reste chez soi. gers à adopter le nouveau systè- radicale, " n'acceptera de la mairie du village. C'était le conseil des ministres du 29 Les Anjouanais ont eux aussi pris me. Les habitants de Habomo, un jamais les compteurs à cartes" le mercredi 29 novembre. novembre s'est tenu dans son le pli de leurs dirigeants. Quand quartier de Mutsamudu, sont car- annonce-t-elle sur la grande Intrigué par cet engouement village. ceux-ci ont décidé de désobéir à rément descendus dans la rue dès place de la ville. A ce rythme, matinal de ces jeunes, il s'en- Original certainement… mais l'Union en refusant de faire pas- la pose des premiers compteurs. EDA a intérêt à procéder à un quiert et apprend que Sambi a voilà qui risque de faire des ser les tests d'entrée à l'universi- Raison invoquée, "ils n'en veulent référendum où la question serait: décidé de tenir le conseil des jaloux ! Après la prière du vend- té, les candidats les ont envoyés pas, c'est tout". Pour le directeur "Savez-vous OUI ou NON, que les ministres dans le village, préci- redi nomade d'Azali, voici le paître. Il en est de même pour les d'EDA, "c'est le quartier où le compteurs sont la propriété sément dans ce local qui fait Conseil des ministres itinérant futures recrues de l'Armée natio- taux de fraude est le plus élevé. exclusive de la société productri- office de mairie pilote. Ne de Sambi… A vous donner le nale de développement qui ont D'où notre décision de commen- ce de l'électricité ?" croyant pas à ses oreilles, il tournis !

8 kashkazi 58 décembre 2006 faut qu’ça sorte fqs

LE CHIFFRE QUI TUE presse-ppapier OUI UN PEU, BEAUCOUP, 24 % PASSIONÉMENT, Soit le taux d’Africains-Américains âgés de 22 à 30 ans détenus PAS DU TOUT en prison en 2004, aux Etats-Unis. MARDI 14 NOVEMBRE 2006. LA UNE une précédente édition- pourra dire DU MAHORAIS fait sensation. “OUI À qu’il fut le premier à annoncer la LA CONSULTATION” titre le journal consultation tant souhaitée. En qui n’appartient pas à Mansour 2008. Ou après... FÉDÉRATEUR ALIBI Kamardine. Alors que Le Mawana avait annoncé deux semaines plus IL FAUT RECONNAÎTRE au nouveau vice-recteur de A MAORE, QUAND UN MINISTRE français ou tôt que les espoirs de la classe poli- SELON UNE DÉFINITION courante, Maore une qualité indéniable : en quatre mois apparenté tel vient, il est un thème qu’il ne tique de voir les Mahorais consultés “les propagandistes cherchent à alté- d’exercice, il a réussi à faire ce que n’avait pas semble pouvoir éviter. Dernièrement, le secré- sur le statut de département avant rer l'opinion publique en faveur de réalisé son prédécesseur pourtant guère apprécié, taire français à la Mer a passé deux jours dans la fin de l’année étaient vains, voilà leurs intérêts propres. Cette imposi- Philippe Couturaud, en quatre ans. A savoir : fédérer l’île. Et quel était l’objet de sa première ren- que le journal qui ne soutient pas tion d'une nouvelle perspective a contre lui la quasi-totalité des syndicats d’ensei- contre ? L’immigration clandestine bien enten- l’UMP annonce en très gros caractè- pour objectif de modifier les actions gnants, du premier et du second degré s’il vous du, comme tous les autres. Que peut bien faire res le contraire. Que se passe-t-il ? et les espérances de la cible. La pro- plaît, ce qui n’est pas une mince affaire à Maore. un secrétaire à la Mer avec ce sujet brûlant ? Le lecteur non averti s’empresse pagande complète les dispositifs de SE-CGT, Sima-Snudi-FO, Snuipp Mayotte, Sud, Scden Certes, c’est par la mer que les sans-papiers d’acheter l’hebdo pour lire aussitôt censure. Celle-ci opère dans le CGT, Sgen CFDT, et on en passe tellement ils sont arrivent, mais cela lui donne-t-il pour autant la la légende qui accompagne la photo même but, mais de façon négative, nombreux -sans oublier les parents d’élèves : le 28 mission de lutter contre ce qui est devenu “le de Jacques Chirac. Pour apprendre par la sélection intéressée des infor- novembre, ils étaient tous ou presque dans la rue pire des fléaux” pour les médias locaux ? ceci : “Le chef de l’Etat (...) refuse mations favorables à l'interprétation pour réclamer une multitude de revendications. Envisage-t-il d’ériger un mur entre Ndzuani et la consultation en 2006, préférant voulue. La propagande procède par L’intersyndicale a d’ailleurs tenu à exprimer sa gra- Maore ? De dresser les poissons contre les kwas- que celle-ci se déroule un peu plus excès d'informations, alors que la titude à M. Cirioni, en le remerciant dans un com- sa ? Une autre question se pose : si un ministre tard, en 2008, soit deux ans avant la censure joue d'un manque délibéré muniqué “pour sa capacité à mobiliser tous les syn- de l’Environnement ou de la Culture vient dans date prévue.” Pour résumer, la d'informations. Ce sont les deux faces dicats et les associations des parents d’élèves.” le coin, que pourra-t-il visiter pour rappeler à consultation, c’est NON maintenant d'une même stratégie de domination Chapeau bas ! quel point l’immigration, c’est mal ? mais OUI plus tard quand Chirac ne mentale, surtout utilisée dans les sera plus président. Donc pas vrai- contextes de guerre”. ment OUI, voire un peu NON. Serait-on en guerre dans l’archipel ? Mauvaise foi exacerbée du journal Pas vraiment, quoique certains jour- DÉTRUIRE, LE PIED ! qui, à l’image de celui qu’il ne sou- nalistes et politiques mahorais tient pas, semble accuser le coup croient encore en l’ennemi como- IL Y A QUELQUES SEMAINES, un architecte de Maore se demandait dans Kashkazi pourquoi à après cette “défaite”? A lire l’article rien. Mais là n’est pas l’objet de Maore on détruit l’existant pour reconstruire. La question se pose en effet régulièrement dans de Samuel Boscher, il s’agirait plutôt cette chronique. La corrélation entre cette île où, comme dirait l’autre, “à la mémoire on a préféré l’oubli”. Le mois dernier, la nou- d’une divergence d’interprétation propagande et censure nous permet velle victime de cette doctrine a été le Tribunal, rasé comme si des décennies de Justice ne lui qu’en langage scientifique on doit cependant de nous intéresser à l’aut- avaient pas donné le droit de continuer à vivre. Certes, ce “palais” n’officiait plus depuis nommer hallucination. Car le direc- re journal le plus lu de l’île. presque deux ans et le passage du dernier cyclone non loin de l’île. Mais ne pouvait-il servir à teur du journal persiste. Avant de conserver la mémoire ? Visiblement non. Pas plus que la cheminée de l’ancienne usine sucrière livrer ses révélations, on ne résiste de Combani -qui fut tombée voici dix ans pour d’obscures raisons de sécurité dans ce qui est pas à l’envie de vous proposer cette COMMENT CONCLURE cette chro- devenu le camp militaire du GSMA. Pas plus que celle de Passamaïnty. Pas plus que les ancien- phrase craquante : “Tant pis pour nique en effet sans évoquer le nou- nes mairies que l’on rase au gré des besoins, en même temps que l’histoire d’un pays qui sem- les départementaux sceptiques qui veau combat de Laurent Canavate, le ble vouloir l’oublier. disposent visiblement de bien plus directeur de Mayotte Hebdo, le jour- Le magnifique hôpital de Dzaoudzi, qui sera bientôt mis à la retraite par un nouveau complexe de gouaille que de jugeote, faisant nal qui ne soutient pas lui non plus sanitaire à Pamandzi, a du souci à se faire. L’ancienne aérogare de Pamandzi aussi, elle qui germer par leurs méconnaissances, Kamardine et qui n’a jamais ô grand abrita pendant des décennies les voyageurs de la région, et qui voisine désormais la station des le doute dans les esprits de ceux et jamais pratiqué la censure ? Il n’est hydrocarbures qui sert à ravitailler les avions. C’est ça, la modernité, coco ! celles qui patientent depuis 1958 pas question ici du combat de LC qui que l’île aux parfums sorte de sa consiste à demander la régularisation [attention, c’est là que ça devient des sans-papiers qui travaillent. intéressant] chrysalide et prenne Cette position mériterait toutefois la photo parlante son envol au coeur de l’essaim des que l’on s’y arrêt, alors que ce institutions de la République.” même LC dénonçait voici un an dans Baudelaire n’a quà bien se tenir... un édito sans équivoque le poids Mais passons aux choses sérieuses. insupportable de ces “clandos” - Car selon le journal qui propose en comme dirait l’autre- sur l’économie Une pas moins de huit publicités, “si locale. Bref, la schizophrénie n’est l’homme [le président de la pas propre aux Comoriens de naissan- République, ndlr] rencontre paraît-il ce. Passons... des problèmes auditifs, il n’a cepen- Le nouveau combat de l’auteur des dant pas fait la sourde oreille à la éditoriaux les plus pertinents de l’ar- requête qui lui a été adressée (...) chipel est la liberté d’écrire. Oui, ce Le président se prononce favorable- journaliste aguerri au Journal [du ment pour que “la consultation Mouvement populaire] de Mayotte actuellement prévue en 2010 par la revendique dans l’édition du 24 loi” puisse (...) “être avancée d’une novembre “la liberté de taper sur le voire de deux années”.” Selon Le clavier et de laisser les mots venir, Mahorais, la consultation n’aura filer, couler sur la page blanche de donc pas lieu en 2010, mais en l’écran plat...” En voilà, un journalis- JE T’AIME... MOI NON PLUS 2008, d’où le OUI. Un OUI en avan- me engagé, fier de défendre le droit ce, un OUI chiraquien (le président de posséder un écran plat. Vive la Le courant passe-t-il entre Brigitte Girardin, ministre française de la Coopération, et Ahmed Abdallah Sambi, prési- a-t-il jamais tenu une promesse ?) liberté de la presse avec Mayotte dent de l’Union des Comores ? A en croire ces deux photos prises à quelques secondes d’intervalle, pas vraiment. mais un OUI tout de même. Comme Hebdo*. Sans censure ni propagande. Il ne s’agit que d’une photo, diront certains. Certes. Il n’empêche, elle symbolise les rapports assez ambiguës qui ça au moins, le journal pour lequel RÉMI CARAYOL lient les deux pays depuis l’élection de l’actuel président. les sans-papiers sont de vulgaires Clichés pris lors de la venue de la ministre française dans l’Union, les 26 et 27 novembre 2006. (AA) “clandos” -c’était écrit ainsi dans * dans la limite des stocks disponibles

kashkazi 58 décembre 2006 9 Parce que chaque PERSONNE compte

La page d’information et de sensibilisation du Fonds des Nations Unies pour la population aux Comores

la phrase Donner la vie sans risquer la sienne

à méditer “Les décès liés à la grossesse ou à l'accou- accouchements à l’hôpital. “Beaucoup pen- chement ne sont pas des décès comme les sent que si une femme subit une césarien- “En assurant autres. Ils frappent uniquement les jeunes ne, elle ne pourra plus avoir d’enfants. femmes, non pas à l'issue d'une maladie C’est faux : on peut aller jusqu’à opérer la présence mais au cours de ce qui devrait être un pro- quatre césariennes sur une femme”, rap- cessus naturel et normal. Les naissances pelle Mariama Abdou. d’un personnel assurent la survie de l'humanité et Les accouchements hors de l’hôpital met- devraient être une joie pour les mères. Des tent en danger à la fois la mère et l’enfant. médical femmes continuent cependant de mourir, “Parfois, dans les accouchements difficiles, et c'est là un contrat d'échec pour la société les matrones font sortir l’enfant de force. qualifié lors de dans laquelle elles vivent, leurs familles et Elles peuvent le blesser à l’épaule et faire leurs communautés ainsi que pour les sys- saigner la mère”, expliquent les sages-fem- l’accouchement, tèmes de santé.” (1) mes. Les hémorragies sont d’ailleurs la pre- Aux Comores comme dans de nombreux mière cause de mortalité maternelle. pays d’Afrique, le nombre de femmes et Réalisés avec du matériel et du linge non on réduirait d’enfants qui décèdent peu de temps après stériles, les accouchements à domicile peu- l’accouchement reste élevé. Selon les statis- vent aussi transmettre des infections à l’en- la mortalité tiques, 380.000 femmes meurent en cou- fant. che pour 100.000 naissances vivantes. En maternelle de 2005, pour 7.861 naissances vivantes à Mais si les naissances sont plus sûres en l'hôpital, 8 femmes sont mortes. Ces chiff- milieu hospitalier, il reste de nombreux près de 75 %” res ne tiennent pas compte des décès à progrès à faire pour assurer aux femmes de domicile : seules 37% des femmes accou- bonnes conditions d’accouchement. “Nous chent à l’hôpital. travaillons dans des conditions très diffici- zoom sur... les. L’hôpital manque d’un service d’hygiè- zoom sur... Plus les futures mères tardent à être hospi- ne, de produits d’entretien qui éviteraient talisées, plus elles risquent leur vie. Ainsi tout risque d’infection”, regrettent les Les actions de l’UNFPA au cours des six premiers mois de cette sages-femmes. “Nous n’avons pas de contre la mortalité année, le centre hospitalier El Maarouf, à sonde et sommes obligés d’utiliser des maternelle et infantile Moroni, a enregistré 1.428 accouchements. compresses quand l’enfant avale le liquide Parmi ces 1.428 accouchements, quatre amniotique. Nous prenons le caoutchouc Un programme de l’UNFPA a été ont abouti au décès de la mère. Selon les des perfusions pour les soins au cordon mis en place pour appuyer les efforts sages-femmes de la maternité, tous ombilical. Nous avons un seul gynécolo- du gouvernement en matière de pla- auraient pu être évités si les victimes gue aidé par une coopérante chinoise. Il ne nification familiale mais aussi pour avaient été confiées plus tôt au personnel peut pas être à la fois en consultation et en faire baisser la mortalité infantile et soignant. “Sur ces quatre décès, deux ont chirurgie !” Quant aux conditions d’accueil maternelle. fait suite à des accouchements en brousse”, par le personnel, elles n’encouragent pas Ce programme comprend deux prin- indique Mariama Abdou, major de la salle les femmes à accoucher à l’hôpital, consta- cipaux volets : le renforcement des d’accouchement. “L’un de ces femmes est te le Fonds des Nations Unies pour la capacités des agents de santé grâce à décédée dans le couloir, à peine arrivée. population (UNFPA). des formations, et des dotations d'é- Les deux autres décès sont dus à un neuro- Engagé auprès de l’Etat comorien en faveur quipements. palu et à une rupture utérine. A chaque d’une politique de réduction de la mortali- Pour améliorer la qualité de l'accou- fois, les femmes ne sont pas venues à té maternelle et infantile, l’UNFPA a aidé le chement, l’UNFPA fournit du maté- temps.” pays à l'élaborer une feuille de route et un riel et des médicaments en particu- Outre le manque d’argent, le refus de la plan de mise en œuvre allant dans ce sens, lier dans cinq districts de concentra- césarienne, qui consiste, en cas de problè- En haut : une femme allaite son nouveau-nné à la maternité de l’hôpital El Maarouf, à Moroni. qui en sont au stade de la recherche de tion : Mitsamihuli, Mbeni, , me, à ouvrir le ventre pour sortir le bébé, Le lait maternel est le premier aliment adapté au bébé. En bas : une sage-ffemme auprès d’un financements. et M’rémani. pousse de nombreuses familles à éviter les nourrisson. Accoucher à l’hôpital diminue sensiblement les risques d’infection du bébé après la naissance. (1) OMS, décembre 2000 Par ailleurs, un module sur les soins obstétricaux d'urgence a été élaboré et a permis de former des sages-femmes de tous les établissements pour qu'el- les soient aptes à prendre en charge Choisir le bon moment pour faire un enfant les femmes qui viennent avec des complications obstétricales. Des Pas le temps de s’ennuyer au centre PMI (prévention sance d’un embryon. Le Norplan peut durer 5 médicaments ont été donnés aux cen- maternelle et infantile) de Mboueni, à Moroni. ans.” tres hospitaliers au moment de la for- Entre la planification familiale, les vaccinations, les Ni vue ni connue, l’injection est idéale pour les mation pratique des sages-femmes consultations pré-natales et des nourrissons, des femmes dont le mari refuse toute contraception. afin d'assurer la prise en charge de ces femmes sont venues de toute l’île, seules ou avec “Ce n’est pas souvent un choix des femmes de faire complications. leurs enfants. “Chaque jour de bon matin, on ras- beaucoup d’enfants”, estime Habiba. “Nous avons Pour améliorer la prise en charge des semble les femmes qui sont venues dans la salle beaucoup de problèmes avec les maris qui refusent urgences obstétricales, l'UNFPA en d’attente et on fait une séance d’éducation sur la la contraception. On les invite, on leur explique. collaboration avec les autres partenai- santé et la planification familiale”, explique Souvent, ils disent que leur femme veut une res pensent mettre en place des kits Habiba Mohamed, l’une des sages-femmes du cent- contraception pour se sentir libre et faire des bêti- de produits, médicaments, seringues re. ses ! Ils prennent aussi la religion comme prétexte. et compresses nécessaires à la prise Le service de planning familial de Mboueni a Mais nous avons tous les arguments pour leur en charge des urgences obstétricales. ouvert en 1992. Les femmes de tous les âges peu- répondre : la religion permet de prendre du repos Une jeune mère Une réflexion doit être menée pour vent s’y rendre pour consulter et s’y procurer un et conseille d’attendre 24 mois entre chaque nais- de raisonner, et ça passe.” consulte avec son bébé. que les établissements soient en moyen de contraception adapté à leurs besoins. sance. La religion permet le planning familial.” Seul fournisseur de contraceptifs sur mesure de financer leur renouvelle- Sans compter les garçons, “qui viennent tous les Pour les aider à convaincre, l’UNFPA appuie la for- l’ensemble du pays, l’UNFPA approvisionne le ment à partir de 2007. jours demander des condoms”. mation des sages-femmes de PMI.”On nous prépa- planning familial en pilules, préservatifs, stérilets, Un protocole visant à ce que les Après avoir été pesée, s’être fait prendre la tension re pour ces arguments là”, annonce Habiba. “Ça Norplan... patientes soient prises en charge et avoir subi un examen gynécologique, chaque nous aide beaucoup.” Chaque jour, entre 20 et 50 femmes viennent rapidement, doit être mis en place. femme peut opter pour le moyen de contraception consulter. Ils s’agit parfois de toutes jeunes filles, Enfin, l’UNFPA a soutenu la confec- qui lui convient. Outre la pilule et le stérilet, le Les sages-femmes doivent aussi lutter contre de nom- qui n’oseraient pas se rendre au centre de santé de tion de carnets de consultation préna- Norplan est actuellement à la mode. “C’est une breuses idées reçues. “Certaines croient qu’avec la leur région de peur des commérages et profitent du tale qui seront mis à la disposition des nouvelle méthode qui consiste à implanter une pilule, le sang va s’accumuler et gonfler ler ventre, relatif anonymat de la ville. Si ces visites deve- femmes enceintes dans les formations petite baguette dans le bras”, explique Habiba. “La ou que les injections vont les rendre stériles. Les naient un réflexe, de nombreux et dangereux avor- sanitaires lors de la consultation pré- progestérone délivrée épaissit la paroi de l’utérus, grand-mères qui n’y connaissent pas grande chose tements par les plantes ou les médicaments natale. ce qui donne des conditions défavorables à la nais- aiment bien raconter ces histoires ! Mais, on essaie seraient évités.

10 kashkazi 58 décembre 2006 RUE DES INCONGRUS Pensions, surpensions, no comment “Mdzuani mimu ntraru : mwidzi, mtoro, mrava.” Traduction : Un Anjouanais c'est trois stock-options “M” : voleur, sauvage, extorqueur. AHMED ATTOUMANI, ancien secrétaire fédéral de l'UMP, sur RFO. par Rémi Carayol “Si Antufati y est admise, le gouvernement quittera la salle.” A QUOI TIENT LE NOM D'UNE RUBRIQUE ? Force est de tes et fainéants qui écoutent toujours le muezzin trop fort, à Maore, CHAMBANE BACAR, directeur de cabinet devoir au lecteur une certaine franchise : rarement à des heures de on arrive assez facilement à les éviter quand on est riche - bénéficie du président de Mwali, refusant que la réflexion intense de la part des journalistes -nombreux sont ceux d'une augmentation que l'on pourrait qualifier de sensible à très sen- correspondante d’Al-watwan assiste au vote d'ailleurs qui ont oublié depuis belle lurette ce que le quinzième mot sible. Pour s’en persuader, demandez une augmentation de 35% à d’une motion de censure contre son de la phrase précédente signifie, à moins qu'ils ne le perçoivent votre patron demain matin. gouvernement. comme une déviance dangereuse de leur tâche. Non. La plupart du temps, un nom de rubrique arrive à l'impromptu. L'idée est là, sou- “L’activité de lutte contre vent depuis longtemps, mais le mot ou l'expression qui fera mouche l’immigration reste un chantier se dérobe sans cesse. Il faut attendre une lecture troublante ou une À L'ORIGINE, LA RAISON D'ÊTRE DE CETTE "SURPENSION" utile à poursuivre.” hallucination radicale pour qu'il apparaisse à l'heureux élu. Dans le était de compenser les effets du franc CFA et du franc Pacifique, le prix cas de cette page 11, la première aura abouti à la seconde. des voyages et la cherté de la vie sur place. Mais aujourd'hui, tout cela JERÔME GAUTHEY, nouveau commissaire de semble bien loin, hormis la cherté de la vie -quoique souvent exagérée. Mamoudzou, dans Mayotte Hebdo. Est incongru ce qui est inconvenant, grossier, choquant, déplacé, impo- Or ce dispositif, non content d'être injuste, li, indécent, indu, malséant, saugrenu, obscène... En termes plus ima- coûte cher à la collectivité nationale -il est “C’est un coup de pied dans gés, disons qu'est incongru un patron d'une énorme multinationale qui, d'ailleurs à craindre que ce deuxième argu- l’eau.” au moment d'annoncer le licenciement de plusieurs centaines de sala- ment soit plus important que le premier aux MOUSTOIFA SAÏD CHEIKH, leader du Front riés payés jusqu'à présent au Smic, publie les résultats en hausse de la yeux du ministère du Budget… L'an dernier, On remarque démocratique, à propos de la tentative de boîte, lesquels profiteront immanquablement aux actionnaires profes- l'État français a ainsi dépensé 245 millions Mansour Kamardine d’organiser une sionnels. Pure fiction… de francs (est-il raisonnable de transcrire ce consultation des Mahorais avant la fin de chiffre en francs comoriens ?). Le plus toutefois que les l’année, dans La Tribune des Comores. Un autre exemple, plus proche de nous, consisterait à évoquer un inquiétant, révèle l'audit, c'est que cette patron d'entreprise qui, traitant de bœufs ou de zébus ses salariés, les somme est de 70% supérieure à celle “surpensionnés” “Je constate que l’on voit de plus poussant ainsi à la grève, se plaindrait d'avoir subi des insultes de leur déboursée en 2000 pour les mêmes nababs. en plus de métropolitains qui part (style : "esclavagiste"). Pis : devant la porte de son énorme 4x4 "Logique : le nombre de bénéficiaires ne de Maore sont arrivent à Mayotte complètement comme les Américains eux-mêmes n'oseraient pas conduire sur les cesse de grimper et, parmi eux, de plus en paumés, espérant sans doute voies de leurs autoroutes extra-larges, il leur lancerait qu'ils peuvent plus de hauts fonctionnaires", dévoile Le les moins bien trouver ici un certain refuge et faire grève un an s'ils le veulent, lui est assez riche pour n'en ressentir Figaro. Hauts fonctionnaires dont on évite- peut-être trouver une vie plus aucune conséquence. (Il va de soi qu'une quelconque similitude avec ra, décence oblige vis-à-vis des Smigards lotis : ils ne facile. Mais ils se retrouvent une société commerciale mahoraise ne serait que pure coïncidence). mahorais qui touchent 700 euros et de tous confrontés aux difficultés, car ce les salariés à temps partiel comoriens, de touchent en plus n’est pas plus facile de vivre ici Incongru donc. Un mot qui vient à l'esprit à la lecture du rapport sur révéler le montant de leur retraite. qu’ailleurs. De cette situation, l'indemnité temporaire de retraite des fonctionnaires de l'outremer de leur pension le regard mahorais sur le français. Cet audit a été commandité par l'Inspection générale des Selon les auteurs du rapport, pour qui ce métropolitain jusqu’alors finances ; ses conclusions ont été révélées par Le Figaro, le journal de privilège n'a plus lieu d'être, l'engouement “que” 4.475 euros la droite française qui d'habitude n'est pas le dernier à défendre certains des hauts fonctionnaires n'est pas prêt de considéré comme le chef, privilèges, ce qui en dit long sur l'incongruité -on y revient- de la situa- s'arrêter "en raison de conditions démo- en moyenne. l’“instruit”, se trouve transformé, tion de 30.000 et quelques ex-fonctionnaires “qui se la coulent douce graphiques favorables (allongement de la le rapport est complètement sous les cocotiers”. Ce ne sont pas des actionnaires professionnels, durée de vie, plus grande mobilité des Les pauvres. cassé.” mais un peu quand même. L'image d'Epinal (donc bien souvent faus- retraités, augmentation du nombre de NASSUR ATTOUMANI, écrivain, sement caricaturale) qui colle à la peau des Dom-Tom, décrivant des départs en retraite des fonctionnaires...) et dans Le Mahorais. fonctionnaires partis dans les derniers confettis de l'empire français de l'attractivité d'un régime de mieux en comme des amateurs immodérés du bronzage et du hamac, voit ainsi mieux connu". “On respecte tout ce qui sa cote grimper de quelques barreaux sur l'échelle de la vérité. est légal.” Chaque bénéficiaire touche en moyenne un supplément de 7.753 euros par an pour partir s'installer au soleil. "C'est ce que touche un smicard OUSSENI MAANDHUI, secrétaire général du en huit mois !" s'exclame Le Figaro. Un smicard français bien entendu. Medef (syndicat patronal français), sur RFO. POUR S'EN PERSUADER, ET POUR ENTRER enfin dans le vif Pour un smigard (le g a son importance) mahorais, cela équivaut, tenez- d'un sujet ô combien révoltant, voilà les premières lignes de l'article vous bien, à plus de 12 mois de labeur. Pour ceux que cette comparai- “On a mis beaucoup de commis- du Figaro : "Mer bleue, poissons grillés et cocotiers. Comme il fait son ne choquerait pas (dans ce cas, merci de ne pas jeter à la poubelle sions en place, mais on est sou- bon prendre sa retraite outre-mer. La vie y est encore plus douce ce journal à la fin de cet article), sachez que ces 7.753 euros ne sont vent absents. A la commission des pour les pensionnés civils et militaires de l'État qui bénéficient d'un qu'une moyenne et les bonus peuvent assez vite flamber selon les cas appels d’offre, on a du mal à avoir avantage financier de taille : la "surpension" aussi appelée indemni- de figure -ce qui implique cependant que certains retraités touchent le quorum. Je dois moi-même té temporaire de retraite. Elle n'a de temporaire que le nom. Car, moins, le Journal de l’île de la Réunion citait récemment l’exemple appeler les suppléants. Pourquoi depuis sa création en 1952, cet acquis-là n'a jamais été remis en d’une retraitée surpensionnée bénéficiant d’une retraite à 1.277 euros. créer une autre commission ?” question. En s'installant à La Réunion ou à Mayotte, les ex-fonction- naires ont droit à un bonus équivalent à 35% de leur retraite. S'ils SAÏD OMAR OILI, président du Conseil décident de passer leurs "vieux jours" à Saint-Pierre-et-Miquelon - général de Maore, lors d’une séance. où la vie est somme toute un peu plus rude-, le supplément est de ON REMARQUE TOUTEFOIS QUE LES “SURPENSIONNÉS” 40%. Et quand ils choisissent le Pacifique -Nouvelle-Calédonie, de Maore sont les moins bien lotis : ils ne touchent en plus de leur “La notion de clandestinité s’avè- Polynésie française ou Wallis et Futuna-, c'est le jackpot : ils dou- pension "que" 4.475 euros en moyenne. Les pauvres. Encore une re rapidement impropre, du moins blent presque le montant de leur pension (+75%)." preuve qu’à Maore, même les privilégiés sont spoliés... Seront-ils extrêmement peu opératoire pour défendus, dans une lutte pour l'égalité de la "surpension" où que l'on caractériser les ressortissants Autrement dit, un fonctionnaire de la République à la retraite qui se trouve sur les “terres françaises”, par les syndicalistes locaux qui comoriens immigrés à Mayotte.” décide de venir endurer au mépris des souffrances physiques mous- ne cessent de dénoncer le mépris vis-à-vis des salariés mahorais ? DAVID GUYOT, sociologue, à propos des tiques, chikungunya, taux d'humidité important et températures éle- Surpensionnés, retraités locaux (qui gagnent au mieux 300 euros par sans-papiers à Maore, dans Le Mawana. vées toute l'année -on ne parle même pas de ces autochtones incul- mois), même combat !

kashkazi 58 décembre 2006 11 le journal nouvelles du front Brigitte Girardin annonce Pompiers en 44 milliards fc pour cinq ans Consultation “Je reconnais que la France n'a pas beaucoup aidé les Comores ces dernières années”, a lancé à plusieurs reprises la ministre française déléguée à la Coopération, en visite Galères de officielle aux Comores les 26 et 27 novembre.

pu penser que la presse mahoraise ON AURAIT avait atteint les sommets de la pen- sée unique, avec sa propagande départementaliste et anti-comorienne. Mais finalement, à Moroni, il y a des jours où on se débrouille pas mal non plus ! Le 12 novembre, c'était la "Journée nationale Maore", orga- nisée par le Comité Maore au Palais du peuple de Moroni. Objectif : atti- rer l'attention sur le problème du statut de l'île, et réclamer le retour de celle-ci dans l'ensemble comorien. La veille, les parlementaires de l'Union avaient voté une résolution dans laquelle ils demandaient au gouvernement de "réinscrire la question de Mayotte à l'assemblée géné- rale de l'ONU". Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, dire à Moroni qu'on s'en fout de la question mahoraise, c'est un peu comme dire à Mamoudzou qu'on s'en fout du département : osez, et ne vous étonnez pas si on vous regar- de comme le pire des traîtres ! On ne peut pourtant pas dire que le Comité Maore ait réussi à mobiliser les foules : quelques dizaines de personnes seulement se sont donné la main place de l'Indépendance. Pour cela, quelle ne fut pas ma surprise, le jeudi suivant, de lire à la une d'Al-watwan, le journal d'Etat : "Question de Mayotte. Le peuple s'en empare". Tout dépend quelle défi- nition l'on donne au mot peuple… Plus réaliste, La Tribune, principal journal d'opposition du moment, admettait : "La participation a été médiocre à tel enseigne que la chaî- ne humaine qui était prévue de relier la place de l'Indépendance à la place de France, a juste fait le tour d'une partie de la place de l'Indépendance." Pris d'un élan patriotique, le bimensuel a toutefois cherché à positiver. Ce qui nous donne en une : "Une assistance de qualité". Et de dresser la liste des personnalités engagées dans ce glo- rieux combat, puisque le "peuple" a décidément l'air d'avoir d'autres sa première visite offi- coopération française aux Comores avec Un peu plus de 40% de la somme de cette chats à fouetter… POUR cielle dans l'Union des près de 17 millions d'euros (8 milliards fc). coopération seront affectés à Ndzuani. Un La manifestation a au moins eu le mérite de réconcilier médias gou- Comores, la ministre française de la La sécurisation et la gestion de l'eau va choix qui n'est pas fait par hasard puisqu'il vernementaux et d'opposition, d'habitude opposés en tous points. On Coopération et de la Francophonie n'est coûter 8 autres millions d'euros (3,9 rentre dans la politique française visant à ne rigole pas avec l'unité nationale ! Quant au Comité Maore, il a sur- pas arrivée les mains vides. Le document milliards fc) dont une partie est déjà utili- stopper l'immigration clandestine vers tout réussi à faire parler de lui grâce à ses panneaux qui affirment en cadre de partenariat entre les Comores et la sée dans le nettoyage et la couverture des Maore. "Conformément à la Commission quelques points stratégiques de la ville : “Mayotte est comorienne et France, qu'elle a signé le 26 novembre, citernes suite à l'éruption du Karthala l’an- mixte et au DSRP, nous allons affecter une le restera à jamais.” Etrangement, l’un de ses panneaux situé sur la quelques heures seulement après avoir née dernière. bonne partie de l'aide dans l'île de Ndzuani. corniche, à quelques dizaines de mètres de la place de l’Indépendance, foulé le sol comorien avec le ministre Les raisons sont évidentes : c'est l'île la plus a disparu à la veille de la venue de Brigitte Girardin, avant d’être remis comorien des Relations extérieures, porte PRÈS DE 13 MILLIONS D'EUROS (6,5 touchée par la pauvreté et l'immigration en place. “Qui a piqué la pancarte du Comité ?” En voilà un sujet qui sur 44 milliards de francs comoriens (89 milliards de fc) financeront des actions dans clandestine vers Mayotte", a commenté a fait parler Moroni. L’ambassade de France, agacée ? Le gouverne- millions d'euros) sous forme de don pour le l'agriculture. "Le deuxième domaine de Christian Job, ambassadeur de France à ment, frileux ? Le Comité lui même, en mal de pub ? Ce ne sont pas développement des Comores. Il s'agit de la concentration de l'aide française concerne Moroni, lors d'une rencontre avec la presse les hypothèses qui manquent. confirmation des promesses faites à l'agriculture. Il s'agira pour nous de vous le lendemain de la fin de la visite de la Maurice lors de la conférence des bailleurs de fonds sur les Comores, en Pendant ce temps, Mansour Kamardine, le député de Maore d'habitu- décembre 2005. En signant cette conven- “Le deuxième domaine de concentration de l'aide française de si prompt à courir les médias, se fait discret. Très discret… Alors tion qui comprend les fonds de coopéra- concerne l'agriculture. Il s'agira pour nous de vous aider qu'il n'avait cessé de battre le pavé en septembre, dans sa quête d'une tion régionales de La Réunion et de consultation sur le statut de l'île avant la fin de l'année 2006, il a dispa- Maore, la France devient le premier parte- à structurer et professionnaliser l'activité agricole.” ru de la circulation depuis que l'on sait qu'elle n'aura pas lieu. La nou- naire présent à cette conférence à confir- BRIGITTE GIRARDIN, MINISTRE FRANÇAISE DE LA COOPÉRATION velle est venue du Sénat français le 7 novembre, jour du vote par la mer sa promesse. "Cet engagement de la Haute assemblée du projet de loi organique de l'évolution institution- France vise à donner aux Comores les aider à structurer et professionnaliser l'ac- ministre. C'est dans cette même île que la nelle de l'outre-mer, qui consacre l'accession des îles antillaises de moyens financiers pour mettre en œuvre tivité agricole, de façon à atteindre l'auto- présence française sera la plus effective. Saint-Barthélémy et Saint-Martin au statut de collectivités d'outre-mer des projets essentiels au développement de suffisance mais également à permettre aux Des assistants techniques sont sur le terrain à part entière, mais ne retient pas la proposition des élus mahorais qui l'Union, au bien être de sa population, des agriculteurs d'écouler une partie de leur dans le domaine de l'agriculture et des souhaitaient un référendum avant la fin de cette année sur le statut de projets qui permettent un développement production sur le marché, notamment vers micro-crédits. L'école nationale de poly- département. Elle a été confirmée quelques jours plus tard par le pré- équilibré entre les îles qui composent votre Mayotte, en mettant en place le système de technique de Ouani que la ministre a égale- sident de la République lui-même, dans une lettre adressée au député. Union", a déclaré Brigitte Girardin devant certification phytosanitaire nécessaire", a ment visitée obtiendra des financements de Jacques Chirac reconnaît "des progrès importants" dans le domaine les diplomates et les hautes personnalités ajouté la ministre. Au cours de la visite de la coopération française et une assistance des infrastructures publiques, ainsi que sur le plan "du niveau de vie". conviés au dîner offert pour l’occasion par courtoisie qu'elle a rendue au président technique. Toutefois, il affirme être "conscient que beaucoup reste encore à le président de l'Union. Mohamed Bacar à Ndzuani, la ministre a faire." "La transformation de Mayotte en département constituera une L'intervention de la France va se concent- d'ailleurs marqué cet intérêt pour l'agricul- PAR RAPPORT AUX promesses de étape majeure de son évolution institutionnelle dont l'importance jus- rer sur trois secteurs essentiels définis dans ture par une visite des locaux du Syndicat Maurice, l'apport de la France a été évalué tifie qu'elle ait été précédée d'une évaluation précise de l'écart subsis- le cadre de la Commission mixte franco- national de l'agriculture dans cette île. à la hausse. Prévu initialement à 60 millions tant entre les politiques publiques conduites actuellement et celles du comorienne et en référence au DSRP Le secteur bancaire est également concer- de fc, il est passé à 88,3 millions pour une droit commun, permettant de bien mesurer les évolutions restant à (Document de stratégie de réduction de la né. Les deux pays vont financer la Banque période d'exécution de cinq ans. Seize réaliser et d'éclairer la population sur les conséquences du choix qu'el- pauvreté) présenté par les Comores lors de comorienne de développement "en vue de assistants techniques viendront compléter le aura été invitée à faire", écrit-il. la réunion des donateurs de mars dernier. soutenir la micro finance afin de dévelop- ce dispositif et travailleront dans les sec- En attendant donc, le président estime la demande du député irraison- Le secteur de la santé occupe une place de per le secteur productif et de favoriser la teurs ciblés. nable "dans le calendrier de l'actuelle législature", mais comme il ne choix dans la nouvelle orientation de la création d'emplois". AHMED ABDALLAH veut pas faire trop de tort politique à l'un de ses fidèles à quelques mois

12 kashkazi 58 décembre 2006 du mois nouvelles du front colère, Education à Maore : repoussée et le point de non-retour ? Le dialogue est rompu entre l'intersyndicale et le vice-rectorat. Pourtant, les revendications rentrée sont de plus en plus nombreuses, et les enseignants de plus en plus mobilisés.

des législatives, il lance une promesse comme seul Jacques Chirac sait en faire : il propose d'avancer la consultation prévue en 2010 "d'une, voire de deux années", soit en 2009 ou 2008, quand il ne sera plus pré- sident. A moins que…

Dans deux ans, qui sera député de Maore ? Plus les élections appro- chent, et moins on voit qui pourrait battre le député sortant. Malgré la gifle infligée par Chirac, Mansour Kamardine, officiellement candidat de l'UMP, reste favori. Il connaît d'ores et déjà deux de ses adversai- res : Abdoulatifu Aly, candidat du MDM courant "Force de l'alternan- ce" qui assure être adoubé par Marcel Henry, et Hamada Ali Hadhuri, le maire de Boueni qui s'est vu investir par le PS local après le désis- tement de ses deux rivaux de primaires. L'autre larron plus ou moins officiel est Chihabouddine Ben Youssouf, le deuxième vice-président du Conseil général qui ne perd pas l'espoir d'être investi par le MDM… En attendant de nouveaux candidats, il semble que ces élec- tions fassent perdre la tête à nombre de politiciens, si bien que les séances du Conseil général se présentent désormais comme un casse- tête sans nom. "Si un politologue étudiait la politique mahoraise, il n'y comprendrait rien", affirme un proche du président du Conseil géné- ral. Pour preuve : les deux dernières sessions de l'assemblée départe- mentale. La première devait se tenir le 15 novembre ; à son ordre du jour figurait notamment le débat d'orientations budgétaires pour 2007, et la décision modificative numéro 1 de l'année 2006. Il a été finale- ment annulé au bout de 20 minutes de débat et trois quart d'heures d'in- terruption, après que Chiabouddine ait proposé au nez et à la barbe de "le torchon temps scolaire pour les personnels du vice- invité que "les petits nègres". sa majorité qui n'était pas au courant une proposition alternative. La brûle" a rare- rectorat, et indemnités PPF...) ; réclamer l'éga- Après ce refus du préfet, et alors que le vice- deuxième session s'est tenue le 27 novembre ; à son ordre du jour : les LE TERME ment été aussi approprié que pour qualifier les lité de traitement entre les fonctionnaires et la recteur ne s'exprime pas publiquement, la ten- mêmes choses, sauf que le contenu avait changé entre temps. Le résul- relations actuelles entre le vice-recteur de validation [de certaines] formations ; dénon- sion est montée d'un cran. Un préavis de grève tat a été plus qu'étonnant. Non seulement le rebelle Chiabouddine était Maore et les syndicats des enseignants. cer le règne de l'arbitraire et l'interprétation est lancé par l'intersyndicale -forte d'au moins rentré dans le rang, mais en plus l'opposition votait également les tex- Entamée sous le règne du vice-recteur précé- abusive des textes concernant la mise en place 13 syndicats- pour le 7 décembre. tes -sauf le débat d'orientations budgétaire, une nouvelle fois repous- dent, la lame de fond qui vise à réinventer le du conseil pédagogique ou de la note vie sco- sé. Le public assistait ainsi à un fait rare dans l'histoire de cette assem- système éducatif prend de l'ampleur. On n'en laire, ainsi que le déni des droits syndicaux." EN PARALLÈLE, UNE LETTRE qui res- blée depuis 2004 : l'unanimité, le calme, la paix… et aucune pique est pas encore au tsunami, mais pas loin. Sur ce dernier point, les syndicalistes récla- semble à s'y méprendre à une bouteille jetée à venimeuse. Incompréhensible. Il y a quelques mois, seuls les syndicats du ment notamment des locaux et surtout "des la mer, a été adressée au ministre de premier degré mobilisaient. Avant les gran- réponses écrites aux questions posées par les l'Education, dans laquelle ses auteurs n'y vont des vacances scolaires, ils avaient organisé organisations de personnels". En d'autres ter- pas de main morte : "La grève du 28 novem- Dans deux ans, peut-être aura-t-on des dizaines de radars -un troisiè- plusieurs jours de grève afin de demander la mes, ils demandent un dialogue qui semble bre lancée par la quasi totalité des syndicats me doit prochainement arriver- et des milliers de policiers à Maore. tenue d'états généraux de l'Education à être rompu entre la direction et les ensei- d'enseignants, de personnels administratifs et Mais sûrement aura-t-on toujours autant de kwassa qui tenteront la tra- Maore. Entre autres revendications : plus de gnants. "M. Cirioni [le vice-recteur] est arrivé d'ouvriers et soutenue par les fédérations de versée entre Ndzuani et Maore. Deux nouvelles embarcations ont été classes, plus de moyens, plus de formations. avec une mission bien précise. Il ne veut pas parents d'élèves a réuni près de 60% des per- interceptées les 24 et 26 novembre. "Ces interceptions, réalisées par A la rentrée, certains syndicats des ensei- discuter avec nous. Ce depuis le début. En ce sonnels de l'éducation nationale. Cette impor- la vedette de la police aux frontières Koungué, portent à 87 le nomb- gnants du second degré les avaient rejoints, sens, il est pire que Couturaud [l'ancien vice- tante mobilisation n'a pas permis d'obtenir scandalisés par des conditions jugées discri- recteur]", analyse un ancien délégué syndical. auprès du Vice Recteur (…) les conditions re d'embarcations arraisonnées en 2006 par l'ensemble des moyens de minatoires envers les élèves mahorais. Salles pour stopper le mouvement. (...) Tous les l'État", informe la préfecture qui a pris l'habitude d'égrener ainsi les délabrées, effectifs d'élèves trop nombreux APRÈS AVOIR RENCONTRÉ le vice-rec- points de la plate-forme revendicative sont arrestations. pour le nombre de classes, fournitures et res- teur le 28 novembre, les manifestants ont importants. En accorder très habilement deux Autre navire arrêté par les forces de l'ordre, plus imposant celui-là : tauration scolaire absentes, rythmes ineffica- décidé que ce dernier ne serait plus leur inter- [concernant le second degré, ndlr] n'a pas l'Am Nok Gang. Ce bateau a eu le malheur de détenir la nationalité ces… Même les parents d'élèves, jusqu'à locuteur. "Encore une fois, il ne nous a rien permis de casser la dynamique intersyndicale nord-coréenne, ce qui n'est pas forcément bien vu actuellement, étant présents discrets, s'étaient manifestés, regret- dit. C'est devenu impossible de discuter avec (…). Son refus catégorique d'organiser une donné la politique de son dictateur qui affame sa population tandis tant la situation des élèves de 6ème de lui. Puisque ce n'est pas lui qui décide, nous vraie table ronde sur l'éducation à Mayotte qu'il tente vaille que vaille de se munir de la bombe atomique. Le navi- Ouangani placés dans une école primaire, et avons décidé d'aller voir plus haut", indique consolide notre détermination. (…) re, qui croisait dans la zone, a été contrôlé deux jours durant par les réclamant des allocations de rentrée égales à Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire géné- L'intersyndicale déplore très fortement le services de l'Etat français, au port de Longoni, dans le cadre de la réso- celles de la France métropolitaine. ral du Syndicat des enseignants (SE-CGT refus du préfet de mettre en place un groupe lution 1718 du Conseil de sécurité de l'ONU destinée à renforcer la Mardi 28 novembre, une nouvelle étape a été Ma). "Il nous méprise, mais en plus il nous de travail auquel serait associé l'ensemble des lutte en matière de non-prolifération nucléaire, après l'essai nord-coré- franchie. A l'appel de la quasi-totalité des syn- ment", affirme un syndicaliste du second acteurs du monde de l'éducation (communes, en du 9 octobre. Il a finalement été autorisé à quitter le port sans dicats d'enseignants présents sur le territoire degré. "Il envoie des courriers aux princi- syndicat de communes, conseil général, pré- qu"'aucune infraction relative à la résolution 1718 du Conseil de (1), environ 600 enseignants, du premier et du paux, et quand on lui en parle, il nie !" fecture, vice rectorat, CAF, représentants des sécurité de l'ONU n'ait été constatée", a annoncé la préfecture de second degré, ainsi que des parents, ont mani- "Cirioni t'es fini, on veut voir le préfet", scan- parents d'élèves et des personnels de l'inter- Mayotte. "La totalité des 45 membres de l'équipage nord-coréen a pu festé dans les rues de Mamoudzou. Une pre- daient les manifestants après cette rencontre syndicale) pour établir un constat sérieux de la faire valoir des titres d'identité en règle, seules quelques infractions mière depuis bien longtemps. Leurs revendi- infructueuse. Seulement le préfet a refusé de situation de l'enseignement à Mayotte. (…) cations sont multiples : "Exiger l'amélioration les rencontrer, estimant qu'une réunion avait Nous avons le sentiment que vos représen- douanières mineures ont été relevées." Le cimentier a repris sa route des conditions de travail (mise en sécurité des déjà été organisée auparavant - réunion à tants n'hésitent pas à positiver à outrance l'état vers l'Union des Comores afin de livrer le restant de sa cargaison. Il établissements scolaires et un plan d'urgence laquelle ne s'étaient pas rendu deux des quat- de l'éducation à Mayotte. Pourtant, ici, tout se était arrivé à Mayotte le 11 novembre pour décharger 3.500 tonnes de sur les constructions et rénovations, dans le re syndicats invités, dont le SE : "Je n'y ai pas dégrade très rapidement et la situation actuel- ciment sur les 8.500 tonnes transportées, selon les autorités du port. premier et le second degré) et la tenue urgen- été car seuls les syndicats du premier degré le n'est pas digne de notre pays. " te d'une table ronde sur l'Education à Mayotte; étaient invités", se défend Rivomalala RC s'opposer fermement à la remise en cause sys- Rakotondravelo. "Et encore, il manquait les Samedi 2 décembre. Comores Télécom découvre l'impensable : onze tématique des acquis sociaux (suppression syndicats comme Sud ou le Snuipp". Selon lui, (1) SE CGT Mayotte, SIMA SNUDI-FO, SNUIPP Mayotte, SUD Education, Scden CGT, SGEN Cfdt, de ses câbles souterrains ont été sectionnés, privant de téléphone plu- d'une semaine de vacances pour l'année "ils veulent faire croire que le premier degré SNFOLC, SNES-FSU, SNALC, SNETAA, SPA- sieurs quartiers du centre de Moroni et deux régions périphériques. 2006/2007, remise en cause des congés hors ne rassemble que des Mahorais" ; ils n'ont SEEN-FO, SNEP-FSU, SE Unsa, A&I

kashkazi 58 décembre 2006 13 Près de 1500 abonnés se trouvent ainsi privés de téléphone mais aussi nouvelles du front d'accès à Internet, parmi lesquels la seule banque du pays, le principal hôtel de la ville et toute la zone regroupant les bâtiments du système des Nations Unies aux Comores. "Ce sont tous les services postaux qui se trouvent bloqués. Mais le plus inquiétant, c'est que le paiement des salaires des fonctionnaires -celui-ci se fait à la poste, ndlr- ne peut Ngazidja reporte la date pas s'effectuer" explique alors Mohamed Mladjao. Sabotage ou nouvelle intervention des trafiquants du cuivre? Difficile de répondre pour l'instant, même si c'est la deuxième hypothèse qui des élections municipales semble la plus plausible au regard de ce qui s'est passé précédemment. Car ce n'est pas la première fois que Comores télécoms est la cible d'o- Le scrutin qui fait polémique est désormais prévu au 17 janvier 2006. pérations de destruction ou de vol de câbles téléphoniques. En revan- che, le réseau souterrain n’avait jamais été attaqué. De plus en plus recherché, le cuivre est devenu une des nouvelles filières du trafic mondial. Aucun continent ne semble épargné. proposition de la commis- "SUR sion d'organisation des élec- tions, nous avons pris la décision de repor- ter le vote. Il n'y a pas de problème matériel, "On ne doit pas instrumentaliser l'école pour des affaires politiques !" ni politique. Seulement la commission ne se C'est le Bureau central des étudiants de l'Union des Comores qui le dit, sentait pas en mesure d'organiser le scrutin lui qui dans le même communiqué “réaffirme sa volonté (suite page14) dans les délais impartis". Le secrétaire géné- d'aller jusqu'à épuisement de sa force pour boycotter l'entrée de ces ral du gouvernement de Ngazidja, Mohamed faux bacheliers (titulaires du bac anjouanais, ndlr) à l'Université des Kassim, justifie ainsi le report au 17 janvier, Comores". Le syndicat étudiant protestait ainsi début novembre cont- des élections municipales qui devaient se re l'organisation, par le gouvernement, du test d'admission à dérouler le 17 décembre. Il faut dire que l'Université destiné aux "bacheliers" de Ndzuani, titulaires d'un diplô- malgré les assurances qu'affichaient les auto- me non reconnu par les autorités du pays. rités de l'île, le doute persistait. Même si les On comprend l'argument des étudiants de Moroni : ce genre d'opéra- autorités de l'île ne veulent pas l'admettre, tion risque de décrédibiliser leur fragile université… Mais quand ils les conditions matérielles et politiques pour écrivent dans leur communiqué : " Vous conviendrez donc avec nous l'organisation de ce scrutin n'étaient pas que l'île d'Anjouan reste toujours dans les mains des vieux démons réunies. La machine est néanmoins lancée. séparatistes et que cette volonté sournoise de faire passer ces faux "Dès l'instant où nous avons convoqué le bacheliers est une démarche machiavélique destinée à escamoter l'im- collège électoral, cela veut dire que les puissance du nouveau pouvoir à restaurer l'autorité de l'Etat dans l'île conditions sont réunies. Je ne gère pas le et légitimer de facto la bureaucratie policière du régime anjouanais", côté financement mais je suppose que les fonds sont disponibles étant donné que les on résiste difficilement à l'envie de leur demander : "Et là, mes chers, candidats sont appelés à se déclarer", per- vous ne faites pas de la politique ?" siste à dire le directeur de la sécurité inté- En ce début novembre, l'Université offre d'ailleurs un concentré des rieur de l'île, Oukache Jaffar. crispations insulaires du moment. Ambiance de glace entre les ensei- gnants qui s'élèvent contre ce test et ceux qui, finalement, ont partici- CE REPORT sonne comme un recul face aux pé à son organisation… Ambiance de suspicion quand on pointe l'ori- nombreuses réserves exprimées à tous les gine anjouanaise de tel professeur qui a accepté de jouer le jeu… Un niveaux, notamment par des personnalités Moilim Djoussouf, récemment nommé à la tête de Moroni par Elbak. (AA) mois plus tard, l'abcès n'est toujours par crevé et empoisonne les cad- politiques. L'installation des mairies suscite res de l'établissement, déchirés entre ceux qui prennent acte de ce test en effet des questions qui n'ont pas encore de imposé par le gouvernement et ceux qui refusent d'admettre les étu- réponses. Le problème de la délimitation des mitation", indique Mohamed Kassim. La Djoussouf, président de la délégation spé- diants sélectionnés. communes est un litige qui peut, s'il n'est pas direction de l'administration a sa propre façon ciale de la commune de la capitale. Les élec- En attendant, les gros problèmes d'organisation de M'vuni ne sont tou- bien réglé, provoquer des conflits sérieux. d'envisager cette délimitation. "Il y a des fron- tions municipales sont venues réveiller de jours pas réglés, et les étudiants comme les profs sont obligés de se bat- Lors d'une cérémonie religieuse, la région tières qu'on a héritéés de la période colonia- vieilles tensions frontalières entre Moroni et tre pour monter dans l'un des rares taxis qui voudra bien s'aventurer dans d'Itsandra a déclaré "forfait" dans cette élec- le. Il faut seulement les respecter. Les limites ses voisins. La ville d'Itsandra au nord de la les ornières monstrueuses qui mènent au campus (lire article)… tion. Les notables estiment qu'il faut solution- sont déjà tracées et les cartes topographiques capitale et celle d' au sud continuent de ner ce problème de délimitation avant d'envi- sont disponibles", martèle Oukache Jaffar. réclamer des espaces. "Pour régler tous ces sager une élection. Pourtant "le décret limi- contentieux, Moroni doit constituer une tant les localités vient de sortir. Il ne reste que FACE À L'ÉTAU Iconi-Itsandra qui se res- seule commune avec ses voisins. Dans ce J'en connais d'autres qui n'ont pas connu beaucoup de problèmes de son application. Il va sans doute y avoir des serre chaque jour, la mairie de Moroni bran- sens, on aura la mairie de la capitale et de transports scolaire ces derniers temps : les élèves des écoles primaires, contentieux entre les collectivités mais ce dit le décret de 1962 qui fixe ses limites. sa banlieue", suggère-t-on. La décision du collèges et lycées publics, bien sûr. Le 20 novembre, ils étaient n'est pas cela qui doit empêcher le déroule- "On ne peut pas changer l'histoire. Ce n'est président El Bak de mettre en place les com- quelques uns -même pas dix-, à moitié désespérés, à manifester à ment de l'élection. C'est aux nouveaux pas nous qui avons tracé ces limites. On munes avant la fin de son mandat risque de Moroni avec leur banderole : "Servir l'éducation. Les élève souffre responsables qui seront élus de trouver un doit respecter les lois pour ne pas qu'elles se politiser le débat… (Sic). Chef, pensez à l'avenir ?" "Nos amis de Moroni sont dans le consensus par rapport aux litiges de la déli- retournent contre nous", assène Moilim AA privé et ceux du public sont dans les villages. On n'a pas d'argent pour aller les chercher", expliquaient, penauds, les garçons après avoir arpenté la ville. Les manifestants étaient plus nombreux -plusieurs centaines- cinq jours plus tard, à l'appel du syndicat des enseignants. Enfin lundi 4 décembre, après des semaines de blocage, les syndica- La route de la Fac, listes de Ngazidja revenaient à la table des négociations. Ils devaient soumettre mercredi à leur assemblée générale les propositions du gou- vernement qui a promis de "faire des efforts pour le déblocage des un parcours du combattant fonds de l'Union européenne pour le paiement des salaires", dixit La rentrée de l'Université s'est faite sans régler le problème des transports. Des bus seront bientôt Chabane Mohamed, secrétaire régional du syndicat. La rentrée ne devrait pas tarder. Inch Allah ! à pied d'œuvre, assure la présidence. Le même jour à Ndzuani, environ 150 élèves manifestaient et brû- laient des pneus face aux forces de l'ordre pour réclamer la reprise des , dégradée, cons- "les bus sont bien arrivés. Ils sont même par- en avance. Dans ce cas, on peut dire adieu au cours : les enseignants, particulièrement à Mutsamudu, sont en grève ETROITE truite sur une tagés entre les îles. Mais d'abord, on veut cours", explique une jeune fille qui s'est depuis la veille de l'arrivée de Brigitte Girardin dans l'île (lire ci-cont- montée, la route en "S" de Mvuni est depuis créer une régie pour leur gestion. Ensuite, un arrangée pour monter dans la voiture de l'ad- re) pour une durée illimitée. Ils réclament leurs salaires, des avance- longtemps impraticable. Les taxis qui assu- riche commerçant de la place veut mettre le ministration. "Ce n'est pas parce qu'on n'a ments et le règlement des professeurs "bénévoles" de fait. rent la liaison ne sont pas légion. Et pourtant, nez dans la gestion de ces véhicules, ce qui pas d'argent qu'on ne parvient pas à monter à des centaines d'étudiants sont contraints de la n'est pas du goût de tout le monde". "On nous Mvuni. C'est qu'on n'arrive pas à choper un A suivre également, le mouvement des enseignants de Maore. Entamé prendre tous les jours pour se rendre à a demandé de formuler la manière dont nous taxi. Plutôt que de perdre sa journée à la sta- à la fin de l'année scolaire dernière par quatre syndicats, il rassemble l'Université. Pour remédier à ce calvaire, un voyons la gestion de ces bus. Cette fois, c'est tion des taxis qui font la ligne, autant rester à désormais la quasi-totalité des syndicats du primaire et du secondaire. nouveau tracé qui débouche directement sur pour bientôt", annonce en revanche Abdillah la maison", fustige un étudiant qui a préféré Les revendications sont multiples, mais tournent toutes autour d'un l'université vient d'être terminé. Quoique nou- Sandi Kemba, secrétaire permanent de l'asso- laisser tomber un cours et profiter d'un véhi- slogan commun : plus de moyens pour l'école à Maore (lire ci-contre). velle, cette route pose un autre problème. Les ciation des étudiants. cule qui rentrait sur Moroni. taxis ne l'empruntent pas parce qu'elle est hors Ceux qui ont cours en fin de journée, sont de leur ligne habituelle. Mais ce n'est pas la PENDANT CE TEMPS, les étudiants de souvent obligés de rentrer à pied. Grâce au Pendant que les enfants veulent aller à l'école, les grands, eux, parlent de seule raison."Il y a beaucoup de gravier. On Mvuni continuent de galérer. La route de Téléthon qu'ils avaient organisé l'année der- choses sérieuses, comme les initiatives tardives du gouvernement de ne peut pas rouler vite. La voiture patine", Mvuni, c'est le parcours du combattant. nière, les étudiants ont pu obtenir un bus de la Ngazidja. Après avoir affirmé envers et contre tous qu'il était possible explique un des chauffeurs qui fait la ligne. La "Parfois, on perd facilement 2 ou 3 heures. Il part de la ville de Mbeni. Mais cette voiture d'organiser les élections municipales le 17 décembre, le Mdjijengo les a présidence a promis des bus de ramassage arrive que les étudiants parviennent à se est toujours entre les mains de l'administra- repoussées au 17 janvier. Est-ce plus réaliste ? (lire article) dont la mise en fonction est selon elle immi- débrouiller pour y arriver, mais que le profes- tion qui l'utilise dans ses tâches quotidiennes, En attendant, la commission mise en place par Elbak pour piloter la nente. seur n'est pas là parce qu'il n'a pas encore assure le bureau central des étudiants. commune de Moroni a décidé de nettoyer le périmètre du petit mar- Sous couvert de l'anonymat, un membre de trouvé de taxi. Dans ce cas, on peut toujours Ambiance tendue sur le campus… ché de Moroni, de Volovolo, et de tous les grands axes de la ville, de l'administration de l'université affirme que l'attendre. Le problème c'est si c'est lui qui est AA

14 kashkazi 58 décembre 2006 leurs vendeurs à la sauvette et autres pousseurs de brouette, au motif que ceux-ci créent des embouteillages. Cent, peut-être deux cents mar- nouvelles du front chands ambulants ont été refoulés, contraints de quitter les lieux "pour s'installer ailleurs". "On ne peut pas laisser la capitale vivre dans ce désordre", argumen- te Soilih Mohamed Soilih, l'un des 5 membres de la délégation spécia- le nommée par Elbak. La mairie a mobilisé des grues et des tracteurs kiosque des articles de nos confrères qui méritent le détour pour aménager une vieille bâtisse destinée à les accueillir. Mais les délogés refusent cette décision unilatérale. "D'abord l'endroit n'est pas aménagé. Ensuite, on ne peut pas envoyer une partie des marchands et laisser les autres" explique un vendeur aujourd'hui sans emploi. En UN PRESTIDIGITATEUR NOMMÉ BACAR attendant, "s'il y a un absent au marché, on prend sa place pour ven- PAR M. HASSANI, AL-WATWAN dre. Comme beaucoup ne viennent pas les dimanches, on profite de ce jour pour écouler nos marchandises. Ils veulent qu'on devienne des Le journal gouvernemental revient sur les vœux de l'Aïd-el-fitr prononcés voleurs mais nous résisterons." Dans l'impossibilité de tenir à Moroni par le président de Ndzuani. Sans pitié. sans travail, certains sont retournés à Ndzuani ; d'autres affirment qu'ils vont "tenter leur chance en embarquant sur des kwasa kwasa TROP C'EST TROP. Ainsi pourrait dire l'hom- le terme qu'il a employé pour qualifier la -sa- la question : "Dans ce domaine, comme tout vers Mayotte". Que ces nouveaux chômeurs se consolent, ça pourrait me de la rue qui, sans même bien saisir démocratie qu'il s'évertue à initier dans l'île le monde le sait, certaines circonstances que l'exercice auquel se livre le président d'Anjouan. Une démocratie irrespectueuse je ne juge pas utile d'étayer dans le détail, être pire : à Nairobi, la police disperse leurs collègues à coups de gre- Mohammed Bacar depuis près de dix ans des valeurs universelles et irrespectueuse ont fait que certains bacheliers anjouanais nades lacrymogène. Heureusement que les Comores sont sous-équi- comprend tout de même qu'il s'agit d'un des lois. Mohamed Bacar "le concède", décla- ont toutes les difficultés du monde à envisa- pées en matériel militaire… exercice périlleux (…) Bacar se pose -dans rant tout net : "Il ne s'agit pas de se laisser ger sereinement leur avenir d'étudiants." ses discours- en défenseur de l'unité nationa- couler dans ce moule", mais plutôt de le Qui en est responsable ? Il ne le dit pas, pré- le à laquelle il ne pense pas, préférant plu- dompter, le forger, le façonner pour le plier férant dénoncer "cette exécution collective" A chaque mois son conflit social à Maore. Le mois de novembre a été tôt son petit royaume où, seul maître à bord, à ses désirs (…) des enfants d'Anjouan, sans dire qui en est un remake du mois de juillet : ce sont les pompiers qui se sont mis en il perpétue -je pèse mes mots- son autorita- Jouant les pompiers pyromanes, M. Bacar l'auteur, qui est le bourreau… "Anjouan a grève tout en continuant à assurer leur mission. Leurs revendications de risme. Mais à force de prendre tout le monde tente de caresser les Anjouanais dans le sens décidé de se battre contre cette injustice en otage avec cet art consommé de mener du poil. Promis-juré, il fera "de l'éducation mais aussi contre toute forme d'injustice juillet, qui portaient sur leur intégration au sein de la fonction publique, ses interlocuteurs en bateau, l'homme se une priorité dans l'action [du] gouverne- avec, pour principale arme, les textes de ont été entendues : "Le directeur du cabinet de la préfecture nous assu- dévoile petit à petit. ment" d'Anjouan (…) Beau joueur, il évité les loi." Seulement ? Les Anjouanais ne sont pas re que le dossier est en bonne voie et serait actuellement étudié en Le jour de l'id-el-fitre, il n'a pas su trop se détails de la malheureuse aventure où il a dupes. Ils ne sont pas sourds, ils ne sont pas Conseil des ministres", indique Bourahima Toiliha, représentant syndi- cacher. Les circonstances l'ont contraint à conduit les enfants anjouanais lors de la der- aveugles. cal des pompiers. Seulement voilà, il est une autre revendication beau- parler de son "approche atypique de la nière session du bac 2006. coup plus délicate à gérer : les pompiers réclament le départ immédiat démocratie", lâchant ainsi le mot : atypique, Mohamed Bacar a choisi de rester évasif sur Al-watwan n°963 du 27 octobre 2006 de leur supérieur, le commandant Mugnier. Selon eux, "il nous insulte sans cesse, nous traite de sales nègres". Fin novembre, une trentaine de pompiers manifestaient devant le Conseil général, afin d'obtenir une rencontre avec le président de l'institution. Peine perdue. Ce dernier, LES NOSTALGIQUES DE MAPUTO dans un communiqué envoyé à la presse, réfute l'argumentation des gré- PAR AL-WATWAN vistes. "Le 18 août 2006, un protocole de fin de grève avait été signé par tous les représentants des sapeurs pompiers (…) Les pompiers en grève Plongée émouvante dans la communauté comorienne du Mozambique. s'étaient engagés à reconstituer un climat social de travail dans la séré- nité (…) cependant, je note maintenant qu'un cran supplémentaire a été [A MAFALALA], TRÈS MODESTE quartier Aussi une course folle était-elle engagée lui -racontée en très bon comorien- est franchi." Apportant clairement son soutien au commandant Mugnier, (…) de la grosse métropole mozambicaine, pour préciser ses origines (…) Dites à votre "simple" : "Nous nous occupions (lui et d'au- dont il approuve le travail depuis un an, Saïd Omar Oili estime que ces il vous est impossible de faire un pas sans voisin de table qu'il ressemble à un tres Comoriens) à transporter, par mer, du attaques "ne se justifient pas", et réprouve "les dégradations de matériels rencontrer un Comorien de première, Badjinien et c'est une joie immense. bois entre diverses villes et régions de seconde ou troisième génération (…) sur- Lorsque vous vous interrogez sur les condi- Madgascar. Un jour autour de 1940, notre et de locaux, les tracts insultants, les menaces de mort, les atteintes à la tout pas devant la mosquée centrale de tions de vie des habitants du quartier mzé embarcation prise dans une tempête "yifu vie privée". "Je ne voudrais pas non plus y voir le retour permanent au l'endroit et, encore moins, autour de la Youssoufa Mhadji enchaînera l'oreille collée madji" s'est échouée, vingt-huit jours après, refus de la hiérarchie pour des raisons aussi diverses qu'inconcevables, "Msihiri waho wangazidja". à son portable : "Notre progéniture est par- grâce à Dieu, dans les côtes de ce pays. Une car le passé a montré cette velléité au refus des chefs qui se sont succé- Mais il court un gros drame dans ce quartier faitement intégrée aux affaires du pays et personne est décédée, deux ou trois autres dés à ce poste." Cette réponse tranchée de Oili a eu le mérite… de met- comorien de Maputo. Beaucoup d'entre ces il n'est pas si rare quelle ait quelques se sont tirées d'affaire (…) Depuis, nous tre le feu aux poudres. Lundi 4 décembre, la tension est montée d'un compatriotes lointains ont le mal de leurs influences…" (…) sommes venus grossir la communauté des cran avec l'altercation qui a opposé le commandant à des grévistes. origines : "Je suis comorien, mais je ne sau- Mzé Ali Mroipvili passe du portugais au shin- Wangazidja du Mozambique." Frappé en présence d'un huissier -qu'il avait appelé car les grévistes rais vous dire d'où exactement" entendait- gazidja en passant par la langue locale dans on répéter à vous faire fondre en larmes. une facilité déconcertante. Son histoire à Al-watwan n°966 du 17 novembre 2006 avaient enlevé les roues de sa voiture-, M. Mugnier a été transporté à l'hôpital. A suivre… Tensions sociales aussi au centre hospitalier de Moroni. Le syndicat des agents de santé met en cause le comité directeur, mis en place en septembre en remplacement de l'ancienne équipe jugé défaillante. L’AFFAIRE ÉTOUFFÉE DU PORT POLLUÉ Selon le syndicat, le comité "tente tant bien que mal de régler la situa- PAR NICOLAS BÉRARD, LE MAWANA tion alarmante qu'avait laissée l'équipe sortante. Le comité fait des efforts mais qui sont insuffisants". "Cette équipe est venue notamment Les travaux d’agrandissement du port de Longoni ont provoqué une pollution pour faire face au nombre pléthorique d'employés sans qualification", certainement irréversible. Révélations en eaux troubles du “journal du peuple”. affirme Ramlata Hassani, secrétaire générale. "Mais à notre surprise, c'est le nombre de volontaires qui augmente. Ils veulent peut être ne (…) LES TERMES EMPLOYÉS sont sévères flottants) qu'en phase d'exploitation por- Devant l'ampleur du phénomène, une opé- pas payer le salaire normal. Ils font appel à des agents qui n'ont aucu- mais pesés : "Ce qui se passe à Longoni, tuaire (ex. : récupération et traitement de ration de désenvasement est immédiate- ne formation au détriment des malades." c'est très grave, surtout que les autorités toutes les eaux de ruissellement avant ment lancée, le lendemain matin, à 9h45. ont voulu étouffer l'affaire" lâche Ourfane rejet dans le lagon". Une pompe de la drague est mise en place Said Abdallah, responsable administratif et financier du comité de ges- Ali, le président de la Fédération mahorai- Tout allait pour le mieux, donc, jusqu'à ce pour créer un courant d'eau artificiel et tion, défend son équipe : "On a hérité de 180 millions de dette. Il a fallu se des associations environnementales. que la Fédération se procure confiden- ainsi désenvaser une partie du platier réci- éponger une partie de cette dette avant de faire tout autre chose. On ne Quand les travaux d'agrandissement du tiellement un rapport de la Direction de fal. Là encore, le rapport de la Daf est nous donne pas d'argent pour faire fonctionner l'hôpital. Ce sont avec port ont débuté, des promesses avaient l'agriculture et des forêts (Daf) démon- accablant, puisque cette opération n'a eu nos recettes que nous essayons de jongler pour survivre. 60% sont des- été faites pour la sauvegarde de l'environ- trant qu'un envasement est bel et bien pour résultat que d'empirer la situation. (…) tinés au paiement des salaires et 40% à l'achats des médicaments." nement. L'eau extraite des zones de tra- réel sur le site. Des premiers relevés de Selon le professeur Thomassin, qui a étu- vaux devait par la suite être laissée en terrain ont été effectués le mercredi 30 dié pendant près de vingt ans le lagon de décantation avant d'être relâchée, propre, août sur le récif frangeant de la plage de Mayotte, "cet envasement des platiers et dans le lagon. La veille de l'accident, une Longoni, au sud-ouest du bassin du port de la pente externes de ces récifs est d'un L'hôpital El Maarouf nous permet de conclure avec la démission fracas- visite de chantier avait même été organi- de Longoni. Les résultats sont assez affli- ordre de grandeur de cinquante à cent fois sante de l'un de ses anciens techniciens radio et syndicaliste, Chabane, sée, en présence du Président du Conseil geants : on a mesuré, à certains endroits, supérieur à ce que les pluies d'un cyclone qui occupait le poste de Directeur de cabinet du ministère des Finances Général Saïd Omar Oili et des médias vingt-neuf centimètres, trente-six à d'au- (comme Kamisy en 1985) passant sur ce du nouveau gouvernement. "Lorsque j'ai découvert le champ de mes locaux. Les employés de la Colas, l'entre- tres, puis cinquante-neuf et jusqu'à quat- secteur de côte aurait pu produire ! C'est compétences, j'ai décidé de jouer totalement mon rôle", explique-t-il. prise qui a en charge l'agrandissement du re-vingt-douze centimètres de vase dépo- donc un impact "hyper-majeur" que ces Chabane s'est mis à secouer le ministère "pour définir le cahier des port, avaient alors vanté les mérites de sée au fond ! récifs viennent de subir". charges et le rôle de chaque agent", revoir "les relations entre le minis- leur entreprise, expliquant que leur action Ce document rapporte que la pollution (…) Pour ce qui est de la petite flore et tère et les services rattachés" et renforcer "le processus de contrôle des "a fait l'objet d'une procédure d'autorisa- terrigène constatée proviendrait de "fuites faune vivant aux pieds de ces colonies, il tion de travaux après mise à disposition du au niveau des bassins de décantation asso- est certain que tout le bio fixé est déjà sources de recettes de l'Etat". Mais ce volontarisme n'était selon lui pas public. L'autorisation, délivrée le 22 juillet ciée à l'ouverture malheureuse des vannes mort (algues, éponges, etc.) ainsi que les du goût du ministre des Finances qui voyait son directeur de cabinet 2003, a conditionné l'exécution des tra- de purge avant la décantation des particu- communautés d'endolithes ou de perfo- marcher sur ses plates bandes. Dans ce bras de fer interne, des lettres vaux à la réalisation préalable ou simulta- les en suspension". Une observation sous- rants (dattes de mer, vers, micro-perfo- appelant certaines grosses entreprises à régulariser leur situation fiscale, née de différentes mesures de suppres- marine a donc été effectuée le jour même rants, etc.) ; seules les espèces vagiles les auraient été la goutte d'eau qui a fait éclater la discorde entre les deux sion, d'atténuation ou de compensation de l'accident, le 24 août, mais "la visibilité plus performantes (gros crabes Portunidae hommes. "Ce ne sont pas des divergences politiques, mais de métho- des impacts, parmi lesquelles : Des mesu- très réduite n'a pas autorisé l'observateur ou Matuta, pieuvres etc.) se seront sorties des", affirme Chabane. Entre le discours et les actes, il y a un pont que res de protection du milieu naturel (en à discerner les différentes parties du récif de ce bourbier". (…) tout le monde n'est pas prêt à franchir. particulier le lagon), tant pendant la et à relever les données". C'est dire l'im- durée des travaux (ex. : barrages filtrants portance des dégâts ! Le Mawana n°40 du 26 octobre 2006

kashkazi 58 décembre 2006 15 gros plan le quotidien des marins

En cuisine, à bord du bateau mohélien Alliance des îles. (LG)

que les membres de votre équipage ont un “EST-CE contrat de travail ?" Le commandant regarde ailleurs. L'armateur n'est pas là, et même s'il était présent il se dirait sans doute que c'est juste un mauvais moment à passer : aucun de ses collègues n'a Marins jamais signé de contrat avec ses marins. "Les seuls à qui on a réussi à imposer des contrats à l'embarquement, ce sont les armateurs du Samson, qui a coulé, et du Dauphin", regrette Issa Madi M'kara, de seconde zone secrétaire général du Syndicat national des marins comoriens. Lieutenant de marine resté à terre pour se consacrer au mouvement syndical, Issa a Alerte au chômage chez les hommes de la mer : depuis que l'Etat donné rendez-vous à Kamal'Eddine Ali, l'un des deux inspecteurs du travail de s'est désengagé du secteur, les armateurs embarquent leur famille Ngazidja. Accompagné de Ben Ali Aboubacar, officier mécanicien, c'est lui à la place des pro. Le métier paraît sinistré, mais un petit groupe qui mène la danse, et explique au com- mandant les règles d'embauche d'irréductibles syndicalistes s'obstine encore et toujours… à respecter. L'inspecteur du tra- vail n'est pas spécialiste de la marine ; il doit couvrir toutes les ...

16 kashkazi 58 décembre 2006 le quotidien des marins gros plan

... entreprises de l'île et intervient à sans draps, ou bien dans des salles qui ne qués, affirment les syndicalistes qui décri- patrons." Résultat : "La politique qu'on l'appel des syndicats et employés. sont pas aérées. Le problème se pose sur- vent une évolution inquiétante dans le voit appliquée depuis quelque temps, c'est Il fera son rapport au ministre du tout sur les bateaux construits sur place et milieu maritime : depuis la dissolution de que quelqu'un qui a un bateau ne fait Travail et du Transport… et advienne que sur les bateaux de pêche convertis pour la compagnie nationale de pourra, jusqu'à la prochaine visite. "Ils font transporter des marchandises ou des passa- transports maritimes et le semblant d'écouter, mais ils ne rectifient pas gers." Le cabotage entre les îles permet à la désengagement de l'Etat du “Quelqu'un qui a un bateau ne fait qu'embarquer des membres de sa ce qu'on leur dit" lâchera-t-il, agacé, à la sor- plupart des marins d'être hébergés en secteur, le monde des arma- famille. Il cherche des vrais marins seulement pour les postes clés.” tie du port de Moroni. Il avait visité le famille ou chez des amis pendant que le teurs est contaminé par le Samson (1) quelques mois avant son naufra- bateau reste à quai. A l'étranger en revanche, mode de gestion familial et BEN ALI ABOUBACAR, MÉCANICIEN ge. "On avait fait pas mal de remarques et la plupart dorment à bord. "L'aération des souvent irrationnel qui sévit on lui avait donné une mise en demeure. petites cabanes fait qu'on y dort difficile- dans de nombreuses entreprises privées. qu'embarquer des membres de sa famille. Après, on n'avait pas pu y retourner", ment", témoigne Ben Ali. "Parfois, il faut "Avant, l'Etat se préoccupait du problème, Il cherche des vrais marins seulement pour avoue-t-il avant d'assurer : "Là, on va leur attendre d'être en dehors du bateau pour se même pour les bateaux privés", expliquent les postes clés : un commandant, un chef demander de rectifier d'ici un mois et sinon, reposer. Il n'y a pas vraiment de place spé- les deux hommes. "Sous Djohar [1990- mécanicien, un maître graisseur…" Les on prendra des mesures." cifique où on dort bien. Tu circules autour 1995, ndlr], quand l'armateur voulait principes de recrutement basés sur les Immatriculé à Ndzuani, le navire est un du bateau et tu cherches un endroit…" recruter des hommes, il y avait une négo- compétences et l'expérience ont été aban- habitué du cabotage dans l'archipel et pous- ciation tripartite avec le gouvernement et donnés. "Pas de sécurité, pas de priorité se parfois jusqu'à Madagascar. Deux heures APRÈS LES TOILETTES -pleines de le syndicat pour qu'on recrute les person- d'embauche, pas de garantie", durant, les deux syndicalistes et l'inspecteur souillures et au tuyau d'évacuation des eaux nes formées. Depuis Azali, c'est terminé. résument les marins. "Seul le questionnent le chef de l'équipage. Les rompu-, l'équipe d'inspection passe à la cui- Le gouvernement en place privilégie les Samson privilégiait un peu cet matelots ne sont évidemment pas déclarés à sine. Un sac de riz et quelques gamelles sont négociations directes des hommes avec les aspect, en réembauchant les ... la Caisse de sécurité sociale. "On l'avait fait entreposés dans un local graisseux. A l'en- à Anjouan, mais à chaque fois qu'un mate- trée de la cuisine, des fils électriques dénu- lot avait un problème, on n'avait aucune dés frôlent l'interrupteur. Une cuisinière à suite", explique le commandant du bout des gaz d'un côté, un plan de travail surmonté de Manoeuvres lèvres. Avant de protester : "On a déjà des sachets de gingembre, d'oignons et d'herbes sur le Twamaan III. (LG) inspections à Anjouan, comment on fait si suspendus de l'autre. Entre les deux, à peine on en a des deux côtés ?" la place de se retourner pour un homme. "Trop serré", décide l'inspecteur du travail L'ÉVALUATION DES CONDITIONS de avant d'observer : "Pour ce qui est de l'hy- vie et de travail à bord n'est pas plus brillan- giène, tout est mal. D'ailleurs, ils ont trans- te. Sous le pont, la salle des machines est formé la salle de restauration en lieu de encombrée de rebuts et de colis. "Pas fiable, stockage !" Les marins sont bons pour récu- pas propre, pas de ventilation", dicte Ben pérer leur gamelle entre deux escaliers, et Ali Aboubacar à l'inspecteur. "Les batteries avaler leur repas où ils peuvent. qui sont à côté des machines peuvent pren- Mais la discussion porte surtout sur le bud- dre feu." Alors que les moteurs sont à l'arrêt, get alloué à la nourriture. Issa annonce le l'atmosphère de la salle prend déjà à la montant quotidien fixé par les syndicalistes gorge. "En dix minutes, on a du mal à respi- et le gouvernement : 1.500 fc (3 euros) par rer", constate le syndicaliste. marin et 2.000 fc (4 euros) par officier. Primordiales pour la sécurité en mer, les "Avec votre équipage de 15 personnes, ça conditions de travail des mécaniciens sont vous fait 450.000 fc [900 euros, ndlr] à pré- souvent négligées. Après 20 ans de naviga- voir par mois." "On ne peut pas faire ça vu tion, Ben Ali connaît bien le problème : "A la situation économique", se récrie le com- chaque fois que vous vous trouvez dans la mandant. "Et Coca il vous paie combien salle des machines, vous vous dépêchez de pour transporter ses bouteilles ?" rétorque faire ce que vous avez à faire pour la quitter le syndicaliste en lorgnant les dizaines de au plus vite." Pas seulement à cause du caisses en train d'être transvasées du bateau manque d'oxygène. "Souvent, il n'y a pas de à un camion. parquet qui sépare le sol de la salle et la Madi Idjihadi est cuisinier sur les bateaux coque du bateau. Tu n'as pas un équilibre. depuis plus de 10 ans. "Seul le Thomassin

“Nous les mécaniciens, on ramasse toujours les pots cassés. C'est là qu'il y a le cœur du bateau. On devrait avoir le maximum de sécurité !”

BEN ALI ABOUBACAR, MÉCANICIEN

Au lieu de marcher droit, tu marches sur des Ben David nous fournissait une nourriture collines", explique le mécanicien. Bref, "tu variée et suffisante", estime-t-il. "Sur les n'es pas en sécurité, tu te trouves dans une autres, la nourriture est palliative. Le patron ambiance insupportable et au bout de deux ne s'y intéresse pas et les repas sont mal pré- heures, tu dois respirer de l'air pur. Alors parés. Le matin en général il n'y a rien, et le souvent, une fois que les moteurs sont en midi et le soir, ce n'est pas équilibré." Sur le route, on les laisse…" Passe encore pour Samson, dont il avait débarqué juste avant le l'officier mécanicien et son second, qui don- naufrage, "je devais cuisiner pour les passa- nent les instructions et vérifient que tout se gers. 200 personnes, avec du riz de mauvai- passe bien. Mais le maître graisseur et ses se qualité que je devais trier. A force, j'ai eu deux ou trois assistants se doivent d'être pré- des problèmes de vision." sents dans la salle pendant leur quart, qui dure quatre heures. "Nous les mécaniciens, L'INSPECTION EST FINIE. "Ce bateau on ramasse toujours les pots cassés", se devrait être désarmé théoriquement", plaint Ben Ali. "C'est là qu'il y a le cœur du conclut Issa Madi M'kara en quittant le port. bateau. On devrait avoir le maximum de "Mais pourquoi on accepte toujours ici des sécurité !" bateaux interdits ailleurs ?" "Ici, on prend L'air est à peine moins confiné dans les cabi- tous les risques", renchérit Ben Ali nes de repos. Difficile d'imaginer que les Aboubacar, une pointe d'amertume dans la hommes dorment à trois dans ces quatre voix. "Là nos collègues, ils vivent par le mètres carré quand on peine à y respirer au miracle de Dieu." bout de quelques secondes. "Les conditions Miraculés ou pas, les collègues sont diffici- dans lesquelles ces gens là dorment sont les à mobiliser pour améliorer les condi- inadmissibles", nous disait Issa Madi tions de travail, de vie et de sécurité en mer. M'kara au mois d'octobre. "Ils dorment par- Précaires et novices pour beaucoup, ils n'o- fois sur le pont, sur des matelas pourris, sent rien revendiquer de peur d'être débar-

kashkazi 58 décembre 2006 17 gros plan le quotidien des marins

... équipages qui avaient fait du bon une voiture !" L'homme a quitté les navires la sécurité. Mais quand je demande ça, on FORMER LES travail." pour travailler à la compagnie de manuten- me répond : "Si tu ne veux pas travailler, tu La profession de marin s'est dur- tion du port. "Il n'y a pas de bateau qui peux abandonner la charrue."” cie : chômage, précarité accrue, conditions réponde aux services que l'on doit donner", MARINS EN de travail difficiles à défendre… "Depuis maugrée-t-il. "On est employés comme des LA MÊME RÉPONSE est souvent opposée sept ans, il y a une forte augmentation du esclaves. On embarque comme ils veulent, aux marins qui demandent plus de salaire ou TANZANIE ? chômage", assurent Issa et Ben Ali. Le on débarque comme ils veulent. Nous plus de nourriture. "Quand les repas ne sont bureau du syndicat en témoigne, avec ses devons avoir un code, un statut !" pas assez, les marins revendiquent un peu DE PASSAGE À DAR ES-SALAAM, le chef de la chômeurs et ses déçus de la profession. Youssouf Madi a fait un choix similaire. mais parfois certains ont peur", raconte Equipe de bras cassés ou travailleurs pas Embarqué à 19 ans sur un navire de son île, Madi Idjihadi. "Ils ont été embarqués par le capitainerie du port a rencontré le directeur de assez flexibles ? Ben Ali a commencé en Mwali, pour 12.500 fc (25 euros) par mois, patron, ils sont là pour l'intérêt du patron, et l'école maritime tanzanienne, qu’ il a prié d'ac- 1982, à l’âge de 18 ans avec une formation formé avec des marins malgaches, ce jeune s'ils protestent le patron va dire : "Mon corder un prix spécial aux marins comoriens sou- de mécanique auto. Il a bénéficié d'un stage matelot aimait la navigation. "C'est vrai que enfant, je t'ai embarqué et maintenant tu n'es haitant suivre la formation exigée au niveau inter- pratique à bord du Kamar El Koweït, qui je n'avais pas appris le métier à l'école", pas content !" Parfois à la fin du mois, il y en national. Un accord aurait été trouvé pour que les appartenait à l'Etat, puis a travaillé sur une Comoriens bénéficient du tarif proposé aux vingtaine de bateaux. Mais depuis plus de Rwandais et Ougandais, soit 35 dollars au moins cinq ans, il a dû se replier sur les dépanna- “"On est employés comme des esclaves. On embarque pour chacune des cinq semaines de formation ges automobiles pour gagner sa croûte, comme ils veulent, on débarque comme ils veulent. nécessaires. Jusqu'à présent, un tout petit nomb- faute de réussir à s'embarquer. Même situa- tion pour Madi Idjihadi, actuellement au Nous devons avoir un code, un statut !".” re de marins ont déjà suivi ces modules. “Ceux UN ANCIEN MARIN, MÉCANICIEN DE MÉTIER chômage. Leur cas est loin d'être isolé. "Sur qui travaillent sur un bateau ont toujours un les 90 marins recensés par le syndicat à business à côté et peuvent économiser pour payer Ngazidja, beaucoup n'ont pas de travail", admet-il. "Mais je m'organisais avec les aut- a qui grèvent pour être payés. Alors souvent cette formation puisque les armateurs n'arrivent affirme Issa. “C'est vrai qu'on est nombreux, res pour comprendre le monde marin, je me ils sont payés… puis licenciés. C'est ça le tra- pas à les soutenir”, estime le responsable de la mais surtout, les armateurs préfèrent ne pas perfectionnais, j'étais intéressé par la mer." vail sur les bateaux : à prendre ou à laisser." capitainerie. Selon lui, ces formations permet- nous embarquer nous !" Mis sur la touche La précarité a cependant eu raison de sa Ce n'est pas les deux jeunes matelots d'un tront aux Comoriens d'être recrutés sur les au profit de marins de seconde zone, débu- motivation : il conduit aujourd'hui des bateau anjouanais de la marine marchande, bateaux étrangers battant pavillon de l'archipel. tants et dociles, les hommes expérimentés se remorqueurs et franchit rarement les limites qui viennent de descendre à quai, qui vont le Des étudiants devraient également suivre au sein sentent marginalisés. du port. contredire. L'un est marin depuis 2005, l'aut- Désertée par les plus compétents, la profes- re depuis un peu plus longtemps. Pour de l'école tanzanienne des formations générales DIMANCHE, EN DÉBUT d'après-midi, le sion risque de continuer à régresser. 50.000 fc (100 euros) par mois, ils font deux maritimes. port de Moroni n'est pas tout à fait inactif. Quand les propriétaires de bateaux ont à leur allers-retours à Madagascar -la traversée Sur les bateaux, qui puise un seau d'eau disposition des hommes non qualifiés qui dure 36 heures-, ou bien 4 ou 5 cabotages salée, qui rince une gamelle, qui hèle un ferment les yeux sur les dangers ou n'en ont entre les îles. "Parfois, le patron met six mois matelot du navire voisin ou fait la sieste sur pas conscience, demander des moyens pour à nous payer alors que nous ramenons un tas le pont. Quelques remorqueurs circulent travailler à bord devient un luxe, et se paie de marchandises de Madagascar", se plai- entre les chalands et les paquebots qui se souvent par un retour à terre. "Revendication gnent-ils. "Mais on ne fait pas de grève. Si vident de leurs conteneurs. Sur le quai, un = licenciement", tranche Ben Ali. "A chaque vous réclamez le paiement, le patron va vous ancien marin, mécanicien de métier, s'insur- fois que j'ai demandé quelque chose pour dire de partir." ge : "Au lieu de prendre des professionnels, entretenir une machine, une pièce de Pour remédier en partie au chômage, les syn- ils préfèrent prendre leur cousin qui sait bri- rechange, le courant ne passait pas. Si tu te dicats demandent à ce que l'Etat impose aux coler un peu la voiture à la maison. Mais un trouves dans une salle de machines, c'est navires étrangers battant pavillon comorien moteur de 500 ou 1.000 chevaux, c'est pas nécessaire d'avoir un certain outillage pour d'embaucher un certain nombre de L’heure Comoriens. "Sur ces navires il n'y a pas plus de la cambuse d'un ou deux marins du pays", proteste Issa. au port de Moroni. (LG) SELON LE CHEF de la capitainerie du port, cela tient au manque de formation des marins locaux. "Le problème c'est qu'ils n'ont pas de formation de base, et qu'ils ne font pas beau- coup d'efforts", estime-t-il. "Une convention internationale exige que tout marin doit avoir une formation de base portant sur le sauvetage en mer, comment éteindre un feu, la sécurité et la responsabilité sociales, la sécurité des navires, et comment veiller dans un bateau. La capitainerie n'exige pas cette formation parce qu'elle n'existe pas aux Comores et que les marins n'ont pas les moyens d'aller la suivre. Mais les armateurs étrangers, eux, refusent de les embarquer. Un autre code international dit que l'armateur qui a embauché un équipage doit prendre en charge, former et accompagner ses marins. Mais puisque ici, la sensibilisation n'a pas eu lieu auprès des armateurs, ils ne veulent pas s'en charger." "La formation, c'est un vrai-faux argument", tonne Ben Ali. "D'accord, il y a un manque de formation. Mais les marins de ces bateaux non plus ne sont pas formés. Ils ont des capi- taines de cabotage, alors qu'ici nous avons des capitaines au long cours formés au Maroc et en Tunisie, qui sont au chômage !" Autre source d'espoir, la future promulgation du Code maritime, élaboré en 1998, que le syndicat des marins brandit vainement sous le nez des gouvernements successifs. "Là, il devrait être présenté à l'assemblée durant cette cession", indique Issa. "Si au moins on pouvait définir ce que c'est qu'être marin, peut-être qu'on cesserait d'embarquer n'im- porte qui sur les bateaux !" LISA GIACHINO

18 kashkazi 58 décembre 2006 UN AN APRÈS A Mvuni, l’éruption de cendre n’est toujours pas un vieux souvenir

IL Y A UN AN... AUJOURD’HUI...

LE 24 NOVEMBRE 2005, le Karthala crachait au cours d’une éruption inédite, des tonnes de cendre sur une grande partie Fatale aux litchis et aux mangues, la cendre déversée l'année dernière de Ngazidja. La capitale Moroni et les villages environnants étaient particulièrement touchés : entièrement recouverts par le Karthala a cependant dopé les cultures à feuilles. d’une cendre épaisse. Durant plusieurs semaines, cette cen- dre polluera la vie des Comoriens, ainsi que les citernes. A L'ENTRÉE DU VILLAGE DE MVUNI, la infectées. Les plantes à petit feuillage ont connu nirs que gardent dans “Pendant Mvuni, le village le plus proche du cratère du volcan, vivait maison qui s'était affaissée la nuit du 24 novemb- une expansion jamais enregistrée par les cultiva- leur tête, les habitants de un véritable calvaire. Nous écrivions ceci à l’époque : “Situé re 2005 est redressée. A l'intérieur, plus de 80% teurs. "La terre est devenue très fertile. Il suffit cette localité. Chacun de plusieurs sur le flanc du Karthala, tout là-haut vu de Moroni, Mvuni a des citernes sont couvertes. "Depuis que les cend- de planter quelque chose et ça pousse rapide- son côté veut relater ce été plus touché encore que d’autres localités par la pluie de semaines, res sont venues, les citernes non fermées sont l'ex- ment. C'est en ce moment qu'on sent que les cen- qu'il a vécu durant cette poussière. “Les cendres avaient atteint plusieurs centimèt- il nous était res”, se remémore un agent d’entretien de l’université, où ception. Sur initiative privée ou avec l'aide des dres sont aussi positives", se console le maître période. "En dormant la les cours avaient été interrompus trois jours durant. (...) volontaires du Croissant rouge, les citernes sont coranique Fundi Issa. "Personnellement, j'ai nuit, j'étais convaincu impossible Près de deux semaines après l’éruption, l’heure est à l’esti- nettoyées, remplies d'eau et couvertes", lance planté du gegembe à quelque kilomètres du qu'il s'agissait de la mation des dégâts dans le village. Les habitants oscillent Soidik, un élève du village. Karthala. Il a grandi comme pas possible. Moi pluie à cause du bruit de nous entre désolation et inquiétude. “Il faudra plusieurs mois A l'œil nu, il n'existe pas de trace de l'épaisse même, je ne reconnais pas mon gegembe. On provoqué par les cend- rendre aux avant de boire tranquillement de l’eau potable”, se plaint poussière volcanique qui avait recouvert le dirait qu'on a utilisé des engrais chimiques", res qui s'abattaient sur champs.” un notable du village, Ali Mmadi. (...) Sur la place publique, village lors de l'éruption du Karthala l'année confirme une dame. mon toit. Ailleurs, le un sentiment de désolation se lit dans les visages des occu- pants. Un homme, 35 ans environ, la machette à la main, dernière. Pour les habitants de cette localité qui Contrairement aux petites plantes, les fruits des vent a ramené la pous- explique son désarroi : “Toutes les plantes sont affectées par vit essentiellement de l'agriculture, la pluie de grands arbres ont disparu. Même le fruit magique sière vers eux. Mais ici, les cendres. on se demande si on peut manger les fruits. cendre est pourtant loin d'être oubliée. de la région, le litchi, est quasiment invisible. ce sont des centaines de mètres cubes de cendres Nous n’arrivons pas à nourrir notre bétail. Les oiseaux se Depuis l'éruption, certaines plantes se sont mira- "C'est incroyable! M'vuni n'a pas de litchi en cette qui tombaient sur nous", raconte Fahar, un autre ramassent par terre.” (...)” culeusement développées alors que d'autres sont période. Le plus grave, c'est que même les man- jeune du village. "Pendant plusieurs semaines, il gues et fruits à pain, on ne les voit pas. Tout cela, nous était impossible de nous rendre aux c'est à cause des cendres", se plaint Soidik, les champs. Les routes étaient impraticables", se yeux rivés sur les arbres à litchi qui entourent tout prononce Fundi Issa. le village. "C'était la période où il fallait tout laver avant usage. Même les bananes, le manioc ou tout UN VIEIL HOMME À BARBE blanche ajoute autre fruit, on était obligé de bien le tremper que ses cannes à sucre qui lui permettent de pro- dans l'eau avant de l'éplucher. Même avant de duire du miel sont elles aussi touchées. "La plus l'extraire de l'arbre, il était primordial de grande partie de ma récolte est abîmée. Chaque secouer à plusieurs reprises l'arbre afin de faire fois je suis obligé de couper une partie de la canne disparaître momentanément la poussière", se à sucre pour la jeter. Il y a un virus qui a attrapé souvient une septuagénaire. "La poussière était la culture depuis l'avènement des cendres." un mal nécessaire. Apres l'éruption, nous avons Les cendres n'ont pas seulement affecté les plan- fermé toutes nos citernes. Certaines ont été fer- tes. Comme dans beaucoup de villages, la pous- mées avec l'aide des autorités, mais les autre, sière est venue boucher toutes les issues, déviant c'est sur nos propres fonds", tempère le directeur le passage des eaux des rivières et faisant une vic- des ressources humaines de l'hôpital Karthala. time. "Les chutes d'eau ont emporté un cultiva- Un rappeur du village a même fait une chanson teur. Il revenait du champ quant les eaux l'ont sur l'éruption. "Il faut que les gens se rappellent du emporté. Il est resté trois jours sans qu'on sache jour où on a été réveillés par une éruption bizar- L’année où il se trouvait. Quand on découvert le corps, on re", explique Belcose. M'vuni a vécu l'éruption dernière. Une citerne a tout de suite compris qu'il était victime des comme une catastrophe mais après quelque mois, du village de débordements de la rivière", indique Ali le village la conçoit aussi comme une offrande, Mvuni. Mohamed Nassur. utilisant la poussière pour construire. (AA) Il a fallu notre présence pour réveiller les souve- AHMED ABDALLAH

Mahajanga et Antananarivo tous les lundis en ATR 72, appelez le 73 5540 Huri 33 8834.

kashkazi 58 décembre 2006 19 “Je serai satisfait le jour où je décryptage sambi verrai le premier Comorien quitter sa case en torchis paillote pour habiter une maison en dur.” Six mois se sont écoulés depuis le raz de Ahmed Abdallah marée qui l'a porté à la tête de l'Union des Comores. Mais les espoirs qu'incarnait le président Sambi ne se sont pas encore matérialisés. Alors que le peuple qui l'a élu “JeSambi pense que j’ai eu raison”

pour mettre fin à la mauvaise gouvernance de son prédécesseur s'impatiente, l'opposition profite des failles du nouveau régime pour faire entendre sa voix. S'il affirme maintenir le cap de ses pro- messes électorales, “Aha” n'en est pas moins confronté aux réalités d'un pouvoir et d’une diplomatie dont il était loin de deviner la complexe alchimie. En exclusivité, il livre à Kashkazi son sentiment après six mois de pouvoir.

“2007 sera l’année de la construction et de l’habitat”

MONSIEUR SAMBI, dans l'enthousiasme de votre élection, vous avez promis des miracles dès les premiers jours de votre mandat. Le temps de grâce passé, les Comoriens attendent toujours les effets de votre "révolution verte" et l'opposition qui avait fait profil bas, commence à élever la voix. Pensez- vous avoir parlé trop vite ou votre volontarisme butte-t-il devant la difficile réalité du pouvoir ? AHMED ABDALLAH SAMBI : (Rire) J'avais dit effectivement qu'après trois mois, les Comoriens apercevraient les premières lueurs de la lumière verte ["matra ya mrututu" fait référence aux signes précur- seurs de sa politique qu'il nomme la révolution verte, ndlr]. J'ai affirmé également qu'ils commenceraient à en récolter les fruits dès le sixième mois. Je pense que j'ai eu raison et les signes sont déjà perceptibles. Au cours de ma campagne, j'ai pris trois engagements envers mes électeurs : instaurer une vraie justice, lutter contre la pauvreté par l'assainissement de l'habitat insalubre et lutter contre le chômage. Le projet qui est visible aujourd'hui est celui de l'habitat. Ahmed Abdallah Le problème d'un tel projet qui me tient personnellement à cœur est Sambi, alors qu’il n’était encore que candidat à la son financement. Vous savez que j'ai obtenu du roi présidence, en avril 2006, Abdoul Anziz d'Arabie Saoudite, un don de 5 millions de à Moroni. dollars [3,8 millions d’euros, 1,87 milliard fc] que j'ai (KES) décidé de consacrer exclusivement à ce projet. J'ai déjà ... 20 kashkazi 58 décembre 2006 sambi décryptage

... passé les commandes des équipements nécessaires. Les moules pour la fabrication des briques sont en route pour les Comores. Le matériel pour le montage des sites de Des Etats-Unis à la Lybie, fabrication devrait arriver le 28 novembre prochain. Quatorze camions sont déjà achetés, nous en attendons trente autres. J'ai dépêché un représentant en Afrique du Sud pour prospecter auprès une coopération pragmatique des scieries, il se rendra au Mozambique pour négocier le marché du bois qui servira à ce projet. Le choix des sites est déjà fait dans Avec Sambi, c'est une nouvelle logique de partenariats qui se met en place. chacune des trois îles. Tout est donc en bonne voie.

Vous êtes un chef d'Etat et vous donnez l'impression de tra- FIDÈLE À SON DISCOURS de campa- vient de confirmer de son côté, son que d’une zone franche industrielle vailler comme un VRP ou un chef d'entreprise. Personne ne gne, le nouvel homme fort des projet de construction d'un village et commerciale. Enfin, un projet de sait quels sont les modes de gestion et de fonctionnement d'un Comores ne s'inscrit évidemment pas touristique au nord de Ngazidja, et télévision locale par satellite est en projet qui est tout de même public… dans la ligne politique de ses prédé- l'ouverture d'une banque en vue de cours d’élaboration. AHMED ABDALLAH SAMBI : Effectivement, le gouvernement n'a pas cesseurs en matière de coopération. renforcer les échanges commerciaux L'Arabie Saoudite a quant à elle encore dévoilé les stratégies et les procédures de ce grand projet S'il affirme garder des relations entre les deux pays. Coût annoncé débloqué 5 millions de dollars (3,7 d'habitat social. Mais les techniciens du ministère de l'Equipement “cordiales” avec la France , et s'est de l'opération : 150 millions de dol- millions d’euros, 1,8 milliard fc) y travaillent. Je leur ai demandé de mettre en place deux systèmes félicité de la Convention de partena- lars(112 millions d’euros, 55 pour financer le projet “habitat” de produits. Des logements sociaux destinés aux plus démunis pour riat signée avec la ministre française milliards fc). cher au président de l'Union. lesquels le gouvernement va envisager des mécanismes permettant de la Coopération et de la franco- Il s’agit de la concrétisation d’un Mais les Etats arabes ne sont pas les de réduire les coûts d'acquisition. Et une seconde catégorie de mai- phonie, Brigitte Girardin, en visite accord cadre signé en avril dernier seuls sur qui compte Ahmed sons pour les personnes à revenus moyens, mais qui n'ont pas assez officielle la semaine dernière à entre le groupe Cheikh Sabah Al- Abdallah Sambi. Les Etats-Unis qui de moyens pour se loger. Pour ce deuxième produit nous ferons Moroni (lire par ailleurs), le prési- Jaber Moubarak Al-Sabah & associés ont dépêché récemment une déléga- certainement appel à une société de gestion immobilière à capitaux dent Sambi ne se sent pas lié par d’une part, et l’Union des Comores tion conduite par leur ambassadeur étrangers ou mixtes. Des promoteurs semblent d'ailleurs prêts à se l'histoire qui de fait situe l'ancienne d’autre part. à Madagascar, proposent pour leur lancer dans ce secteur d'activités. La réussite de ce projet habitat puissance coloniale au rang de pre- part de soutenir la construction d'é- sera fonction des coûts, que nous allons essayer de minimiser par mier partenaire privilégié des LA BANQUE, QUI s’appelle d’ores et tablissements scolaires et de dispen- l'acquisition de matières premières bon marché et l'implication des Comores. Du coup, il se dit disposé à déjà Banque fédérale du commerce saires. Longtemps absents aux forces vives du pays dans la phase de construction. Le gouverne- recevoir toutes les offres à partir du (BFC), a obtenu l’agrément de la Comores, les USA apportent en ment étudie les moyens de recourir aux services de l'Armée natio- moment où elles lui permettent de Banque centrale. Constituée de outre un appui logistique dans la nale de développement [AND, ndlr]. Nous envisageons la mobili- réaliser ses projets. capitaux uniquement privés, elle lutte contre le terrorisme et se pro- sation de jeunes bâtisseurs qui seront impliqués dans ce chantier et Sur le terrain, cela se vérifie à tra- vise essentiellement à “drainer des posent “de professionnaliser l'armée qui en contrepartie, bénéficieront d'un salaire minimum et d'une vers les engagements annoncés par fonds d’investissement dans les sec- comorienne”, a déclaré leur ambas- formation aux métiers du bâtiment dans le cadre de chantiers éco- des pays tiers pour accompagner les teurs porteurs du développement sadeur. Outre cette coopération les. Comme je l'ai dit le jour de l'Aïd, 2007 sera l'année de la cons- Comores. Une délégation libyenne économique des Comores”, rapporte militaire, un projet de construction truction et de l'habitat et j'entends mobiliser le pays et les commu- conduite par le chef du bureau des à l’agence de presse HZK-Presse le d'un centre d'enseignement à distan- nautés contre l'habitat insalubre pour en faire un des moteurs du investissements de ce pays en directeur exécutif du club Comores- ce à Ndzuani devrait renforcer l'in- changement social. Afrique du Sud se propose d'investir Koweït, Ahmed Koudra Abdérémane. tervention américaine dans le sec- Ce choix répond à ma deuxième promesse de réduction du chôma- dans le tourisme et lorgne sur l'hôtel Ce même groupe koweïtien se dit en teur de l'éducation, où 200.000 dol- ge puisqu'il offre des perspectives d'emploi. En plus de ce projet, Itsandra, au nord de Moroni. Des dis- outre prêt à investir dans la création lars sont débloqués pour la forma- des démarches sont en cours pour l'achat de divers modèles de cussions sont en cours avec la d’une compagnie aérienne nationa- tion des enseignants. machines industrielles en vue de faire naître des vocations en matiè- Jamahiriya libyenne pour la livraison le, et dans la réalisation d’un port re de création d'entreprise. Il faut ouvrir les Comores sur le poten- de bateaux de pêche. Le Koweït en eaux profondes à Ngazidja -ainsi KES (avec RC) tiel technologique existant et donner l'envie d'investir dans le sec- teur privé, notamment dans le marché de la transformation. J'avais promis également de faciliter le transport scolaire. Quatorze bus financés grâce à des dons sont déjà arrivés. Il y en aura sept à Ngazidja, cinq à Ndzuani et deux à Mwali. un montant de 30 millions de yuans [2,9 millions d’euros, 1,4 des études dans ce sens. Des discussions sont également en cours C'est au niveau de la réhabilitation du système judiciaire que les milliard fc]. Nous n'avons pas d'autre choix. avec des investisseurs pour des projets touristiques de grande choses progressent lentement. J'ai malheureusement relevé que cer- ampleur. Pour faire décoller les Comores, il nous faut faire le choix tains magistrats ne sont pas encore prêts à changer de mentalité Il existe pourtant un plan de financement, entériné par les d'accueillir de grands projets. pour faire leur travail correctement. J'admets aussi qu'il y a des pays amis des Comores lors de la conférence de Maurice de carences en ressources humaines et en moyens matériels. Pour pal- décembre 2005 pour financer des projets de développement. A vous entendre, vous ne manquez pas d'idées, mais il s'agit lier à ces manques qui handicapent le fonctionnement judiciaire, j'ai On a l'impression que ces projets ne sont pas une source de là de projets qui prendront du temps. Après cinq mois, la le soutien d'un pays ami, en l'occurrence l'île Maurice, qui est prêt préoccupation pour vous. Y a-t-il des contraintes à faire population attend des résultats immédiats et concrets. Elle à dépêcher des magistrats qui vont travailler au Comores. Les grou- débloquer ces fonds ? espérait beaucoup de la lutte contre la corruption qui n'a pes de travail chargés de coordonner l'application de la nouvelle loi AHMED ABDALLAH SAMBI : Je ne pense pas qu'il y ait des blocages. pour l'instant rien donné. Le bac unifié a été un fiasco. La organisant la justice entre l'Union et les îles semblent avancer vers Ce sont des engagements pris par des pays amis, mais beaucoup régularisation des salaires reste du domaine des vœux. Ne un accord. On ne peut donc pas parler d'un bilan négatif en cinq attendent le feu vert de la Banque mondiale et du FMI avant de pensez-vous pas avoir péché quelque part ? mois. Si les choses n'avancent pas au rythme que j'aurais souhaité, mettre la main à la poche. Certains ont sans doute je reste convaincu que les premiers résultats de mes promesses voulu prendre le temps d'observer la politique du seront visibles dans les prochaines semaines. nouveau régime avant de se décider. Je note que la France vient de faire le premier pas. J'avais person- Les projets que vous lancez sont tous hors budget de l'Etat et nellement interpellé le président Jacques Chirac lors “J'ai fait le constat amer que notre pays n'ont pas été soumis à l'approbation de l'Assemblée de du sommet [de la Francophonie] de Bucarest. Il a l'Union. Cela donne l'impression d'un fonctionnement paral- immédiatement demandé à son ministre d'engager n'a aucun moyen d'investissement” lèle de l'Etat, avec d'un côté un président qui fait sa politique les procédures de déblocage de la part française. et de l'autre, une assemblée qui mène la sienne. Que pensez J'espère qu'après la signature de la convention d'ai- vous de cette dichotomie? de de la France, d'autres pays suivront l'exemple. AHMED ABDALLAH SAMBI : C'est une difficulté liée à l'archi- J'ai aussi évoqué ce dossier avec le président sud tecture institutionnelle elle-même. L'Assemblée de l'Union ne africain Thabo Mbeki et j'ai l'assurance que nous avons le soutien AHMED ABDALLAH SAMBI : Lorsque je me suis lancé dans la cam- reflète pas la réalité du régime en place. Mais au-delà de ce de la communauté internationale. Les choses vont se mettre en pagne présidentielle, j'ai fait le choix d'être un candidat libre et indé- problème, j'ai fait le constat amer que notre pays n'a aucun route, je pense. pendant. C'est un choix particulier qui a du positif et du négatif. Le moyen d'investissement. Avec un budget de 60 millions de positif, c'est que je suis indépendant et ne suis pas soumis aux pres- dollars, dont 60 à 65% sont consacrés au paiement des salai- Vos opposants n'ont pas manqué de fustiger une politique de sions d'un parti. Le négatif, c'est que je ne suis pas arrivé au pou- res des fonctionnaires et le restant au paiement du service de la main tendue, estimant que votre gouvernement manque voir avec une équipe d'hommes avec lesquels je partageais une la dette et au fonctionnement administratif, nos investisse- d'initiatives propres pour redresser les ressources internes. même vision de la politique. C'est donc normal que mes collabora- ments dépendent totalement des soutiens extérieurs. Je savais AHMED ABDALLAH SAMBI : C'est leur droit de critiquer. Et je ne suis teurs aient eu un temps pour s'adapter à ma politique. Cela peut donc que je ne pouvais pas compter sur le budget pour finan- pas indifférent à ce problème de la faiblesse de nos ressources pro- expliquer les difficultés de départ. Par ailleurs, j'ai découvert que le cer des projets et que je devais nécessairement trouver des pres. Mon gouvernement travaille sur des dossiers importants dans fonctionnement de notre administration est catastrophique. Outre financements ailleurs et solliciter les contributions de pays ce sens. Je pense à la pêche. Il est indispensable que notre pays les lourdeurs, la survivance de comportements néfastes et les réti- amis. C'est ce que je fais depuis mon élection, et que vient acquière des bateaux de pêche pour accroître nos ressources halieu- cences de certains cadres à suivre les directives du gou- d'accepter l'Arabie Saoudite pour ce qui concerne le projet tiques comme le font nos voisins, à l'exemple des Seychelles. Notre vernement, les difficultés financières, constituent un gou- habitat. J'ai eu aussi un accord de la République de Chine position géographique sur la route du pétrole est propice à une offre lot d'étranglement. Sur le dossier des salaires, nous expé- pour réhabiliter le réseau électrique et l'adduction d'eau pour de notre part pour l'installation d'usines de raffinerie. J'ai demandé rimentons un mécanisme dont on ne pourra apprécier la ... kashkazi 58 décembre 2006 21 décryptage sambi ... pertinence avant au moins la fin de l'année. Nous réflé- prince Saïd Ali Kamal, ont appelé à la sécession de l'île si chissons sur des ajustements pour arrêter l'hémorragie l'exécutif anjouanais continue de défier le pouvoir de l'Union. financière. Vous n'ignorez pas qu'il y a plein de gens, Qu’en pensez-vous ? notamment des responsables poli- AHMED ABDALLAH SAMBI : Je trouve que ce comportement dénote tiques, qui continuent à percevoir des plus du contexte électoral actuel que d'une analysé réaliste de la salaires alors qu'ils n'occupent pas de situation. Ce qui m'a froissé le plus dans ces déclarations, c'est la “L’écho qu’ont eu mes propos poste effectif. tendance de certains responsables politiques à me reprocher de favoriser une île par rapport à une autre. Je suis le président de [envers les Mahorais] est démesuré.” Vous aviez prévu de réduire les l'Union, je suis comorien et je proteste contre tous ceux qui tendent charges de l'Etat, notamment par à me coller un favoritisme quelconque. C'est pour couper court à ce la réduction des voyages présiden- type de discours que je me suis senti obligé le jour de l'Aïd, de révé- tiels. Il s'avère que vous voyagez ler les chiffres qui démentent ces accusations. autant que le président Azali... Je ne dis pas que tout va bien entre le pouvoir de l'Union et les exé- AHMED ABDALLAH SAMBI : Je tiens d'abord à mettre les choses au cutifs des îles. Il y a souvent des frictions. Mais je pense qu'il y a clair. Depuis mon arrivée au pouvoir, je ne me suis déplacé que plus d'incompréhension que de véritables conflits. Quelquefois, les pour participer à des rencontres internationales des chefs d'Etat présidents des îles se comportent en effet comme si c'étaient eux qui dans le cadre de mes obligations politiques. Je n'ai encore fait aucun représentaient l'Etat. Il fallait le dire. Nous venons d'aborder cette Des tracts menaçants voyage officiel. Le seul voyage personnel a été en Arabie Saoudite question aujourd'hui même [Le président Sambi a rencontré les où je suis allé faire le Oumra [petit pèlerinage] et où j'ai répondu à chefs des trois îles, jeudi 23 novembre à Ndzuani, afin d’évoquer le C'est un discours radical que véhiculent les une invitation à un anniversaire du Roi Abdoul Aziz. Je dois ajou- dossier de la répartition des compétences]. pamphlets qui ont circulé ces derniers temps à ter qu'à part le sommet de l'Union africaine où j'ai ramené une par- Moroni, et qui ont pour cible les représentants de la tie des indemnités qu'on avait mises à ma disposition, tous les aut- Des faits récents démontrent toutefois une certaine tension res déplacements n'ont coûté aucun sou au Trésor public comorien. entre Mutsamudu et Moroni. Le président Bacar ne s'est pas France, accusés de “manœuvres de déstabilisation” Vous pouvez le vérifier auprès du ministre des Finances. Ils ont été déplacé à l'aéroport lors de votre dernière visite à Ndzuani. contre le régime. pris en charge par l'extérieur. Alors que vous présidiez la cérémonie officielle de l'Aïd, le gouvernement anjouanais et ses partisans se réunissaient NO COMMENT DU CÔTÉ actes.” Les auteurs menacent Lors de votre première conférence de presse, vous avez parl’ autour de leur chef. Ndzuani a tenu tête jusqu'au bout face au FRANÇAIS sur les tracts qui de représailles les complices d'un accord entre vous et les présidents des îles pour revoir bac unifié et met des bâtons dans les roues du projet de pourtant accusent nommé- de la France et exhortent “les les deux lois organiques sur la sécurité intérieure et l'organi- déploiement de l'Armée nationale de développement sur l'île. ment l'attaché militaire Français innocents à quitter le sation de la justice. Cet accord a été démenti par la pression Ne s'agit-il pas là d'un bras de fer ? auprès de l'Ambassade de pays au risque de se trouver des exécutifs insulaires qui ont exigé la promulgation de ces AHMED ABDALLAH SAMBI : C'est vrai que la nature des relations France à Moroni de “manœu- au mauvais moment au mau- lois en l'état. Ce que vous avez fait un peu contre votre gré. n'est pas la même avec Ndzuani et avec les deux autres îles. Alors vres de déstabilisation” cont- vais endroit”. Un discours Comment expliquez-vous ce retournement de situation ? que Ngazidja et Mwali réclament de l'Union le transfert de leurs re le régime. Interrogé par radical qui semble chercher AHMED ABDALLAH SAMBI : C'est vrai qu'on avait convenu avec les compétences, à Ndzuani, c'est l'Union qui demande à l'île de resti- nos soins sur ces tracts, le ses fondements dans une pré- présidents des îles une base de concertation, notamment sur ces tuer les prérogatives qui ne sont pas de son ressort. L'Union n'exis- président Sambi a tout sim- tendue “planification” du deux lois. Mais par la suite, j'ai été l'objet de critiques de leur part tait pas à Ndzuani bien avant mon élection. Ceux qui tiennent ce plement fait savoir qu'il n'est “départ ou la mort du prési- me reprochant de ne pas respecter la loi. Ce qui n'était point dans discours aujourd'hui ne sont pas sincères. L'Union a récupéré le pas inquiété par des rumeurs dent Sambi dans exactement mes intentions. Et comme j'avais prêté serment de respecter la palais présidentiel. Jusqu'à très récemment, c'est la gendarmerie publiques. Sa sécurité est tou- 90 jours”, et teinté d'islamis- constitution, j'ai promulgué toutes les lois. Bientôt, sortiront tous les anjouanaise qui assurait la sécurité du président de l'Union sur l'île. tefois renforcée, a-t-on pu me avec des slogans du genre décrets d'application de ces lois. J'ai décidé que ça aille vite et j'ai Je dispose aujourd'hui de ma garde personnelle. L'AND prend pro- constater. Ces tracts signés “Dieu ordonne la mise à mort même proposé que ces répartitions des compétences fassent l'objet gressivement sa place. Il y a cependant des problèmes financiers “Wassuboutou Wa djassiri” de l'ennemi, de l'occupant, des cérémonies officielles de passation de service en présence des qui freinent l'installation rapide des instances de l'Union. Il faut (ceux qui n'ont peur de rien) (de) l'usurpateur”. observateurs étrangers pour que tout se passe dans les règles et que reconnaître aussi que des habitudes étaient prises par les autorités affichent une hostilité radica- Manipulation ou pas, on retro- le pays soit témoin. de l'île et qu'elles ont un peu de mal à changer. Je citerai le problè- le contre la France et n'hési- uve ici les ferments du dis- me de l'immigration. Le contrôle des frontières a été jusqu'ici assu- tent pas à appeler au meurt- cours classique attribué à l'is- A Ngazidja, aussi bien l'opinion publique que les responsables ré par le gouvernement de l'île alors qu'il s'agit d'une prérogative de re. “Nous frapperons à mort lamisme radical. politiques sont montés au créneau pour vous demander de l'Etat. Nous sommes en train de corriger cela en reprenant les cho- et nous revendiquerons nos KES rétablir l'autorité de l'Union à Ndzuani. Certains, comme le ses en main. Je pense qu'il y a beaucoup d'incompréhension. Le seul vrai conflit a été autour du bac. Mais les gens ont fini par com- prendre.

Ci-dessous, Ahmed Abdallah Sambi et Mohamed Bacar, le président de Ndzuani, à l’aéroport de Ouani, en juin dernier. On parle beaucoup sur l'île d'un certain soutien de la France au régime du président Bacar qui expliquerait en partie la résistance de celui-ci à l'Union. La présence d'un policier français chargé de la sécurité sur l'île et les déplacements fré- quents de certains responsables de l'Ambassade de France à Ndzuani sont brandis comme des preuves du rapprochement entre des milieux français et le gouvernement de l'île, réveillant ainsi les vieux démons du séparatisme. Que répon- dez-vous à ces allégations ? AHMED ABDALLAH SAMBI : Je ne crois pas que la France officielle fasse blocage à Anjouan. Quant au fonctionnaire français affecté sur l'île dans le secteur de l'immigration, l'Union en est informée officiellement.

C'est pourtant ce à quoi se réfèrent les auteurs de la série de tracts qui n'hésitent pas à menacer de représailles les respon- sables français aux Comores et à demander leur départ. Un récent tract relayé par les médias, soupçonne certains milieux français de manœuvres de déstabilisation contre votre régime. Quelle est votre réaction face à ces graves accusations qui pourraient affecter les relations entre les Comores et la France ? AHMED ABDALLAH SAMBI : En tant que chef de l'Etat, je n'ai pas à faire de commentaire à propos de ces tracts. Nos relations avec la France sont cordiales. J'ai rencontré le président Chirac à Bucarest et nous avons beaucoup parlé des relations entre nos deux pays. Celles-ci sont empreintes d'amitié, malgré le problème de Mayotte, a relevé le président français. Je répète que c'est au cours de cet entretien qu'a été accéléré le processus de signature de la conven- tion d'aide de la France aux Comores, à l'origine de la visite de la ministre de la Coopération Mme Brigitte Girardin.

Les rumeurs de putsch qui se font insistantes ces derniers temps n'auraient donc aucun fondement ? AHMED ABDALLAH SAMBI : Ces rumeurs ne m'inquiètent pas. Les

22 kashkazi 58 décembre 2006 sambi décryptage ... pas. Les Comoriens ne sont plus prêts à accepter de telles formes de déstabilisations. J'ai confiance en notre armée. Mais les services concernés par la A Maore, des propos sécurité du pays veulent accélérer la mise en place des dispo- sitifs de contrôle des frontières, notamment ici à Ndzuani. Vous avez évoqué tout à l'heure la question de Maore. qui ne passent pas Vous semblez sur ce dossier plus ferme que votre prédé- cesseur. Récemment à Marseille, vous avez évoqué cette question devant la diaspora comorienne avec des propos En octobre dernier, Sambi a tenu un discours à Marseille jugé insultant par les Mahorais. qualifiés de méprisants par de nombreux Mahorais, et qui ont provoqué un tollé dans cette île. Pouvez-vous pré- Ahmed même ensemble. A l'étranger, on ne connaît pas ces qu'eux. Ils n'ont pas les médecins que nous avons ciser vos propos à ce sujet ? Abdallah différences. Je ne demande pas de les renier. Moi aux Comores, les magistrats que nous avons, les AHMED ABDALLAH SAMBI : Je pense que l'écho qu'ont eu mes CE JOUR-LÀ Sambi rencontre pour la première fois depuis son qui suis né à Anjouan, je ne serai jamais un Grand- ingénieurs que nous avons, la qualité des chefs reli- propos est démesuré. Qu'est-ce que j'ai dit à Marseille ? J'ai dit élection à la présidence la diaspora comorienne de comorien. Un Grand-comorien ne deviendra gieux que nous avons. Ce n'est pas vrai que les qu'il faut se rapprocher des Mahorais pour qu'ils saisissent les Marseille. Un meeting qui avait été prévu au retour jamais un Mohélien. Un Mohélien ne se transfor- Comores ont un retard de développement à cause avantages de l'indépendance. J'ai pris certains exemples de sa première participation à l'Assemblée généra- mera jamais en Mahorais. Un Mahorais ne de l'indépendance. Mayotte, après 30 ans, devrait comme l'éducation pour démontrer que l'indépendance a per- le des Nations unies. Un meeting banal qui a pour- deviendra pas un Grand-comorien, un Anjouanais, être plus développée que ça." mis aux Comores de former de nombreux cadres supérieurs. tant mis le feu aux poudres mahoraises. un Mohélien, mais tous ces noms sont des fleurs Ces propos ont été très mal accueillis à Maore. Le Le pays dispose de ses propres enseignants, de médecins, d'in- Evoquant devant un parterre de membres de la dans un même jardin, qu'on appelle les Comores." terme “Tsi wa darawu” a notamment été perçu génieurs… ce n'est pas le cas à Maore. C'est une réalité diaspora sa participation à la messe annuelle des comme une insulte. Mais ceux qui se sont immé- incontestable. J'ai affirmé également que les Comoriens sont nations et l'accueil que lui ont réservé les chefs VERS LA FIN DE SON DISCOURS, déclarant diatement outrés de cette phrase ont oublié les sub- fiers, même s'ils sont pauvres. Nous sommes présents dans d'Etat, Sambi estime dans son discours qu'il s'agit là qu'il doit son élection au fait qu'il a su faire renaître tilités des différents dialectes qui forment le shiko- tous les forums internationaux et faisons partie du monde d'une très grande fierté pour les Comores et vante l'espoir, Sambi évoque encore les Mahorais. "Ce mori. En shimaore, ce terme signifie : “je les mépri- parce que nous sommes indépendants. C'est aussi une réalité le patriotisme : "Le patriotisme, c'est d'abord faire sont nos frères. J'ai toujours dit qu'il n'est pas nor- se”. En shingazidja, il peut avoir une connotation qu'il n'y a pas que l'argent comme source de satisfaction. Je en sorte que l'on parle en bien de son pays ; c’est mal que Mayotte soit plus prospère que les méprisante. Mais en shinzuani, la langue de Sambi, pense que nous devons dire cela aux Mahorais et je sais que améliorer son image. Et vous qui êtes ici vous Comores indépendantes. C'est vrai que les il se traduit par : “je les défie”, ce qui n’a bien évi- certains comprennent ce langage. représentez les Comores, que vous le vouliez ou Mahorais sont en avance sur nous, mais c'est nous demment pas le même sens. D’ailleurs, dans son non. Je reviens de New York où je participais à maintenant qui devons les dépasser. Je maintiens discours en français, Sambi a donné la traduction : Après 30 ans de séparation et de différence de dévelop- l'Assemblée générale des Nations Unies. Là-bas, ce que j'avais dit durant ma campagne : que si “je les défie”, et non “je les méprise”. pement, pensez-vous toujours que Maore peut retourner personne ne parle des Anjouanais, des Mohéliens, nous sommes pauvres, ils ne viendront pas nous D’autre part, la critique concernant le manque de au sein de l'ensemble comorien ? des Grand comoriens, des Mahorais. On ne retrouver. Ils ne retourneront aux Comores que formation des Mahorais -qui avait d’ailleurs été AHMED ABDALLAH SAMBI : J'ai toujours dit que la solution de connaît que les Comoriens. Nos frères de Mayotte lorsque nous aurons une vie meilleure que la leur. regretté par l’ensemble de la classe politique locale Maore dépend du développement des Comores. Et je persiste ont dit qu'ils ne veulent pas être avec nous pour Et c'est eux qui viendront vers nous. Les Mahorais lors de l’affaire des “chatouilleuses”- a également là-dessus. Les Mahorais ne viendront pas nous rejoindre dans partager cette reconnaissance dont les Comores n'ont pas la place et le privilège que les Comores prêté à toutes les interprétations. Certains n’ont notre pauvreté. Ils viendront si nous sommes bien dans notre bénéficient aujourd'hui dans le monde. C'est pour- ont dans le monde. J'ai dit tout à l'heure que je défie ainsi pas hésité à parler de l’éternel “sentiment de pays. C'est pourquoi je répète que le développement est l'u- quoi si vous voyez nos frères mahorais, demandez- le Mahorais qui aura l'opportunité de pouvoir s'a- supériorté” des autres Comoriens vis-à-vis des nique solution et nous sommes capables d'y arriver. Sur le plan leur s'ils ne seraient pas fier de voir un Mahorais dresser à la tribune des Nations unies. C'est pour- Mahorais... politique, il est normal que nous suivions l'évolution du dos- un jour s'exprimer à la tribune des Nations unies, quoi je vous dis que nous ne devons pas accepter sier pour réagir quand il faut. J'ai cru comprendre que la comme je viens de le faire. Et tant qu'ils ne vien- que l'indépendance n'ait pas de sens, ne serve à IMMÉDIATEMENTAPRÈS la diffusion des ima- consultation prévue [demandée par la classe politique locale dront pas nous rejoindre pour vivre avec nous, je rien. Si, elle a une signification ! On peut dire que ges de ce meeting sur RFO, la classe politique a dans sa grande majorité en fait] sera reportée en 2011 [la date les défie, je les défie, je les défie, d'être un jour à la les dirigeants que nous avons eu n'ont pas su bien fustigé un tel discours. Saïd Omar Oili a été l'un des qui est fixée depuis 2001]. A ce moment-là, nous nous expri- tribune des Nations unies. C'est ça le privilège la gérer, en tirer le bénéfice pour le pays. Les premiers à publier un communiqué dans lequel il merons sur les termes qui seront posés. d'une nation indépendante, sa fierté. Et je sais Mahorais ne nous ont pas vraiment devancés. qualifie de "graves et inadmissibles" les propos de PROPOS RECUEILLIS PAR KAMAL'EDDINE SAINDOU qu'un jour, ils reviendront nous retrouver dans un Dans l'Education, nous avons plus d'instruits Sambi. Selon le président du Conseil général, "sa déclaration (…) ne va pas dans le sens de l'apaise- ment entre les peuples à une période où la région aspire à une mise en place d'une coopération régionale décentralisée entre les îles." Pour Oili, La presse mahoraise tombe le masque "le Président comorien devrait se pencher sur les vrais problèmes de son pays et en proposer des “SAMBI TOMBE LE MASQUE”. AINSI TITRAIT ce qui est légitime. (…) Une fois encore, la le président de l'Union des Comores a voulu s'a- solutions adéquates au lieu de faire de la diversion DENIS HERMANN à la une du quotidien en ligne France a été bonne fille en ne réagissant pas donner au spectacle des diatribes habituelle- en croyant que le peuple comorien oubliera les rai- Les Nouvelles de Mayotte, le 13 octobre der- de suite de façon brutale. On imagine aisément ment utilisées par les dirigeants islamiques sons pour lesquelles ils l'ont choisi." nier. Au-delà de l'idée fausse répandue par cer- le contraire, les Comores étant comme chacun radicaux contre leurs adversaires occidentaux.” tains médias mahorais et que ce titre véhicule sait une Union où la tolérance et la liberté sont Et le journaliste de réveiller des démons eth- En se référant à l'élection de Sambi et aux tâches -selon laquelle Sambi aurait dit qu'il ne reven- figées dans le marbre ! Où la corruption, la niques sortis d’on ne sait où : “C'est là un qui l'attendent, Oili reprend les arguments avancés diquerait pas Maore, ce qu'il n'a jamais fait-, il pauvreté et le dénuement n'existent pas et où mécanisme bien huilé, savamment entretenu par d'autres. Nombre d'observateurs ont en effet symbolise à merveille la réaction des titres de la démocratie sont le fondement même de par des conseillers politiques nostalgiques d'une dénoncé le "mauvais bilan de Sambi", alors que la presse mahoraise après la diffusion des pro- cette Union.” (Les Nouvelles de Mayotte époque où le Mahorais était sciemment exclu celui-ci n'était à l'époque président que depuis qua- pos du président comorien à Marseille (lire ci- n°498) Comme ses confrères qui écrivent régu- du circuit de l'instruction afin de satisfaire les tre mois… "Où sont les promesses proférées le jour dessus). Car en “tombant le masque”, le prési- lièrement sur les autres îles de l'archipel sans hobereaux de Moroni et de Mutsamudu, dans de son investiture à Moroni ? Où sont les projets dent comorien a eu le mérite de faire égale- vraiment les connaître -y sont-ils d'ailleurs allé leur prétendue supériorité ethnique sur les pharaoniques promis pour maintenir les ment tomber celui des médias locaux. une seule fois ? on se le demande lorsqu'on lit populations insoumises de Mayotte.” (Mayotte Comoriens chez eux ?" s'interroge ainsi Maoulida Hormis Le Mawana, tous ont profité de ces leurs articles-, Hermann se permet par la Hebdo n°304). Soula, président du groupe UMP au Conseil géné- propos pour mener une cabale anti-Aha, et à même occasion d'émettre des doutes sur l'élec- ral. Ce dernier, qui s'est dit "indigné" et qui a rap- travers lui, anti-comorienne. Samuel Boscher, tion de Sambi en mai dernier -on ne l'a pour- MÊME LES HOMMES POLITIQUES mahorais, pelé que "ni Mayotte ni les Mahoraises et ni les le directeur du Mahorais qui se plaît régulière- tant pas vu sur le terrain-, et de faire croire au dont certains ne sont pas connus pour cultiver Mahorais n'appartiennent à Sambi", en a profité ment à décrire les difficultés rencontrées par lecteur qu'il a étudié sa personnalité : la réflexion et le sang-froid, ne sont pas allés pour demander "l'arrêt de cette coopération régio- Sambi, a pour une fois été le moins furieux. Il “Bonimenteur jusqu'au bout de sa barbe, cet aussi loin que ces journalistes devenus, le nale qui me semble unilatérale actuellement." n'en a pas moins titré : “Pétage de plomb sur islamiste a fait patte de velours et risette à temps d'une semaine, éditorialistes, juges et Le député UMP de Maore, Mansour Kamardine, a les ondes et coopération régionale à la poubel- tout le monde, histoire de faire croire que lui, bourreaux (dans le sens de ceux qui donnent la quant à lui qualifié d'irresponsables et de lamenta- le” (Le Mahorais n°117), reprenant ainsi l'argu- Ahmed Abdallah Sambi était un modéré et un mort, ici médiatique). Guidés par une haine ment de Maoulida Soula pour qui la coopéra- démocrate aussi vertueux que convaincu.” Et incompréhensible, ils ont négligé la base élé- bles ces propos venant "de la part d'un président tion “unilatérale” doit cesser. le journaliste de se faire emporter par son mentaire du journalisme : citer les faits, en d'un petit Etat". Denis Hermann, dans une verve très nationalis- patriotisme louche : “M. Sambi, Marseille n'est l'occurrence le discours de Sambi. Toutefois, si les élites politiques ont dénoncé en te, a lui laissé libre court à ses idées. “Voilà pas encore une banlieue de Moroni. Marseille Car ces attaques, quoique d'une faible perti- bloc le discours de Sambi, relayés par des journa- qu'il profite d'une visite en métropole (…) pour, c'est la République Française, c'est la France !” nence, auraient pu trouver leur place dans listes qui se sont pris, à l'occasion, pour de vulgai- sans aucun complexe, baver sur la France et des éditoriaux, si elles avaient été un com- res porte-flingues (lire ci-contre), tous n'ont pas lancer de violentes attaques contre le peuple DANS UN STYLE DIFFÉRENT, Saïd Issouf a lui plément d'articles reprenant les propos du perçu cette intervention comme une déclaration de mahorais. Sarkozy devait être endormi pour ne aussi laissé parler le cœur lors de cette affaire. président comorien. Mais ni Mayotte Hebdo, guerre. Un maire qui a tenu à témoigner sous ano- pas réagir immédiatement et le faire expulser Titrant “Saambi la provoc'”, le journaliste de ni Le Mahorais, ni Les Nouvelles de Mayotte, nymat estime que "ce que Sambi a dit, c'est vrai. manu militari. Mais pour qui se prend donc cet Mayotte Hebdo s'est lâché dans un article hai- n'ont cru bon de dévoiler le discours que Nous sommes moins formés. Nous ne pouvons pas individu que la France et la communauté inter- neux. “Mais au fait, sur quoi repose cette affai- nous publions dans cette édition. A leurs aller à l'ONU. Il a raison. C'est dit d'une manière nationale soutiennent financièrement ? (…) Ce re ?” s'interroge-t-il au milieu de son texte. Le yeux, mieux vaut semble-t-il penser à la critiquable, mais c'est la vérité. Je ne vois donc pas style de provocation est indécent et inaccepta- lecteur pense qu'il va enfin donner la réponse place des lecteurs… pourquoi on en fait tout un foin”. ble. Les hommes politiques locaux n'ont pas et citer Sambi… Peine perdue : tout juste app- tardé à réagir et de manière assez virulente, rend-on que “récemment en visite à Marseille, RC KES et RC

kashkazi 58 décembre 2006 23 décryptage politique Union / îles quel nouveau champ de bataille ?

En cédant les compétences cler le dossier du statut des magistrats", a arracher par la loi, ce qu'il n'a pas pu obte- souhaité par l'ensemble de la classe poli- indiqué Djaafar Salim, ministre de nir par le consensus. Pour preuve, sa ren- tique", récusent les autorités de cette île. réclamées par les îles, l'Intérieur de Ndzuani, qui suit personnelle- contre avec le Conseil des Ulémas de "Depuis les Accords de Fomboni, nous Sambi déplace le point ment ce dossier. Ndzuani le 21 novembre lui a offert une tri- avons fait tellement de concessions qu'il est Une rencontre qui s'est tenue à Moroni du bune pour fustiger les autorités anjouanai- incorrect de parler d'Anjouan comme si d'achoppement qui opposait 28 au 30 novembre dernier devait confir- ses. "Il est inacceptable que des fonction- l'île évoluait hors de l'Union. Nous ne som- mer les points d'accord conclus à Ndzuani naires de l'Union soient refoulés des doua- mes plus dans la logique du radicalisme, celles-ci à Azali. Il place et finaliser les décrets. Cerise sur le gâteau, nes de Mutsamudu où ils devaient tra- du séparatisme. Cette période est bannie" toutefois le pays face une cérémonie solennelle de passation de vailler", rapporte l'hebdomadaire gouver- réagit Djaafar Salim. Pour le ministre de service devra couronner cette fin de conflit à la seule vraie question sur les compétences. Le président Sambi, à laquelle il doit répondre : qui "souhaite convier la communauté “Si nous n'étions pas là, la et Mohéli internationale à cet événement", ne cache n'auraient jamais recouvré leurs compétences.” l'actuelle architecture d'une pas qu'il veut prendre à témoin le pays sur sa "détermination à respecter la DJAAFAR SALIM, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR DE NDZUANI Union des îles est-elle viable ? Constitution", a-t-il maintes fois répété. Il n' y a pas de doute que le bouclage défi- nemental Al-watwan dans sa livraison du l'Intérieur anjouanais, "Sambi avait souhai- nitif de ce contentieux, qui a valu au prési- 24 novembre. On retrouve la même tonali- té de nous une autre logique dans la façon dent Azali Assoumani l'hostilité des exécu- té lorsqu'il évoque ses relations avec le d'aborder les problèmes du pays. Les exé- tifs des îles et dans lequel il faut voir l'une gouvernement de Mohamed Bacar : "La cutifs avaient convenu d'une plateforme et d'un change- des raisons de son échec électoral, met un différence, c'est que la Grande Comore et d'un programme précis pour travailler A MOINS ment de calen- terme à une longue crise institutionnelle Mohéli demandent à obtenir leurs compé- dans le même sens, de restaurer la commu- drier, le 11 décembre devrait marquer la fin qui a bloqué le fonctionnement normal du tences alors qu'à Anjouan c'est l'Union qui nication et les échanges sur la gestion de d'un temps. Celui du fameux conflit de pays. Marque-t-il pour autant la fin des réclame de récupérer les siennes." (lire tous les dossiers. Les présidents se compétences, principale pomme de discor- relations tumultueuses entre les exécutifs l'interview de Sambi page 20). voyaient régulièrement en forum, en confé- de entre les exécutifs insulaires et la prési- insulaires et le pouvoir central ? Rien n'est rence et on a pu régler plusieurs problè- dence de l'Union. Cette date a été décidée moins sûr. Au mieux, cette fin de crise NDZUANI N'EST PAS seulement un souci mes". Parmi ces signes d'apaisement, le par les présidents des îles et le gouverne- enlève à Sambi une entrave qui risquait de pour Sambi. L'île est dans le collimateur de numéro 2 de Ndzuani énumère "la célébra- ment de l'Union, réunis la semaine du 20 lui faire vivre le cauchemar qui a miné le la classe politique de Ngazidja, qui n'hésite tion de la fête de l'indépendance dans l'île novembre à Ndzuani, pour régler les der- régime de son prédécesseur. En fin stratè- pas à menacer de faire sécession si Aha n'y le 6 juillet dernier et la mise à disposition niers points litigieux et préparer les décrets ge, le nouvel homme fort du pays, qui n'en rétablit pas l'autorité de l'Union, comme l'a de locaux pour la présidence de l'Union. Il d'application des lois organiques, homolo- a pas moins tenté d'obtenir des présidents déclaré ouvertement Saïd Ali Kemal, le y a quelque temps, cela était inimaginable" guées en septembre dernier par le président des îles des aménagements sur les lois por- leader du parti Chuma, lors d'une émission démontre t-il. Djaafar Salim reconnaît Sambi. "Nous nous sommes mis d'accord tant sur l'organisation judiciaire et sur la dans une télé locale. "On désigne Anjouan cependant un rôle "médian", qu'a toujours sur l'organisation judiciaire, reste à bou- sécurité intérieure, a compris qu'il peut comme bouc émissaire dans le déploiement joué Ndzuani. Le mauvais rôle en quelque sorte. "Si nous n'étions pas là, la Grande Comore et Mohéli n'auraient jamais recou- vré leurs compétences", affirme t-il.

SI LE DISCOURS semble donc tendre vers l'apaisement, l'île “rebelle” est "déci- dée à se battre contre toute forme d'injusti- COUACS AUTOUR DES ce avec pour principale arme les textes de la loi", a laissé entendre le président Bacar alors qu'il défiait le président Sambi sur PRÉSIDENTIELLES DES ÎLES son terrain, en organisant une cérémonie parallèle à celle de l'Union le jour de l'Aïd. Après la lutte pour le transfert des compé- ALORS QU'AUCUNE DATE N'EST ENCORE FIXÉE POUR LES PRÉSIDENTIELLES DES ÎLES, LA LISTE DES tences, celle de leur mise en exécution CANDIDATURES S'ALLONGE. On parle d'une quinzaine à Ngazidja, parmi lesquelles celle de l'actuel s'ouvre-t-elle ? L'affaire du Bac unifié "qui chef de l'île, Soule Elbak. On ne se bouscule pas en revanche à Mwali où hormis Fazul, qui voudrait se a failli mettre en cause tout le processus de succéder à lui-même, un seul nom circule, celui de Salim Djabir, un intellectuel absent du terrain rapprochement engagé" comme le rappelle depuis plusieurs années. A Ndzuani, c'est plutôt la discrétion qui est de mise. A part le président en Djaafar Salim, illustre ce nouveau champ exercice qui ne fait pas de mystère sur la possibilité de se présenter pour un second mandat, les aut- de bataille. "Ce que l'on n'a pas dit dans res prétendants laissent courir la rumeur, sans la confirmer ou la démentir. L'on parle d'un possible cette affaire, c'est que l'enseignement supé- retour du colonel Saïd Abeid, l'ancien président de l'île à l’époque séparatiste, déposé par les armes rieur relève des compétences partagées et par le colonel Bacar, avant que ce dernier se fasse légitimer par les urnes. Mohamed Allaoui, homme non exclusives de l'Union" fait remarquer le ministre anjouanais. Dans le récent bras d'affaire ou encore les deux candidats malheureux à la présidentielle de l'Union, Ibrahim Halidi et de fer entre le ministre des Transports et du Mohamed Djaanfar, sont également cités. Tourisme de Ngazidja et le vice-président Malgré cet engouement des prétendants, les Comoriens affichent une certaine indifférence. Trop tôt de l'Union sur la reprise de l'hôtel Itsandra, peut-être. Théoriquement les mandats des chefs des exécutifs se terminent au premier trimestre Cheikh Ali Bacar Kassim a soulevé les 2007. Mais les premiers couacs ne devraient pas tarder. A commencer par la loi électorale, dont un mêmes arguments juridiques. Alors que le projet a été soumis à l'Assemblée de l'Union par le gouvernement. Parmi les points de friction, celui président de l'Union vient d'annoncer l'af- qui oblige tous les candidats qui exercent des postes politiques, militaires ou d'influence, à démission- fectation d'éléments de l'Armée nationale ner préalablement. Autrement dit, les présidents en exercice devront présenter leur démission avant de développement (AND) pour assurer la de poser officiellement leur candidature. Dans une réunion à Marseille, Me Saïd Larifou a mis en garde sécurité de l'aéroport de Ouani et du port de Mutsamudu au nom du contrôle des fron- "ceux qui voudraient reporter ces élections en 2008". Il s'en est pris au président Elbak "qui a attendu tières et de l'immigration, qui sont une pré- la fin de son mandat pour organiser des élections municipales". Il rejoint sur ce point les critiques for- rogative régalienne, l'exécutif mulées par d'autres candidats comme Idriss Mohamed ou Saïd Mohamed Mchangama, qui soupçonnent anjouanais a déjà sa parade. "Une Elbak de vouloir placer ses hommes à la tête des mairies en prévisions des présidentielles. loi de l'Union adopte la législa- KES tion en matière d'accès sur le ter- ...

24 kashkazi 58 décembre 2006 politique décryptage

UN AIR DE DÉJÀ VU...

QUEL EST DONC CE COMITÉ D'ACCUEIL DE BRIGITTE GIRARDIN, la ministre française de la Coopération en visite aux Comores à la fin du mois de novembre, qui a ressorti au cours de sa présence à Ndzuani les fanions tricolores ? La banderole réaffir- mant “Vive Anjouan française au sein de la République française” suffit à rappeler les premières heures du séparatisme anjoua- nais. Si le petit nombre de porteurs de ces banderoles pourrait faire penser à un grou- puscule de nostalgiques, cela ne tient pas quand on sait qu'ils étaient en première ligne de l'accueil de la ministre à l'aéro- port, et donc qu'ils étaient tolérés par le protocole. Pis, les mêmes avec leur dra- peau et leur banderole ont suivi la ministre française lors de sa rencontre avec le pré- sident de l’île, Mohamed Bacar. La toléran- ce dont ont bénéficié ces manifestants alors que dans les rues de Mutsamudu, les forces de l'ordre pourchassaient les élèves qui manifestaient contre la fermeture de leurs établissements pour cause de grève, est révélatrice de la complicité de l'exécu- tif anjouanais à l’égard de ces individus. Le Lundi 27 novembre à Ndzuani, lors de la visite de Brigitte Girardin (lire ci-contre). (AA) porte-parole du gouvernement a déclaré “qu'il était choqué”. Ni plus ni moins. Ces images qui rappellent la difficile ... ritoire et sur l'immigration. Les choix à un moment donné entre "la confé- d'experts par Addis-Abeba pour assister les épreuve séparatiste de 1997 ressurgissent exécutifs de l'Union et des îles en dération ou le renforcement de l'Union". Comores dans la mise en application des alors que circulent des tracts hostiles accu- assurent l'exécution" indique son Alors que le pays est au terme du processus lois organiques. Une décision qui ne sem- sant les autorités françaises à Moroni de ministre de l'Intérieur. de réconciliation et de la crise institution- ble pas faire l'unanimité de tous les parte- manœuvres de déstabilisation contre le Les points d'achoppement ne manquent nelle, ces positionnements prouvent que le naires, du moins au sujet des missions de la régime du président Sambi. Ces tracts donc pas. Le plus brûlant est celui sur le débat n'est pas clos sur l'organisation poli- communauté internationale. appellent également les ressortissants fran- déploiement de l'AND. "Les textes pré- tique de cet Etat insulaire. Si le séparatisme çais à quitter les Comores. Pendant ce voient de ne pas dépasser mille hommes relève d'une période "bannie" selon les "L'ORGANISATION PANAFRICAINE n'ap- temps, une banderole suspendue devant le sur l'ensemble du territoire avec un quota propos du ministre anjouanais de puiera jamais des positions tendant vers une marché de Volovolo déclarait la France par île pour les forces assurant la sécurité l'Intérieur, la sortie des petits drapeaux tri- confédération. Nous sommes là pour favori- intérieure. Si nous avons dépassé ce quota colores lors de la visite de Brigitte Girardin ser la consolidation de l'unité nationale des “ennemie de l'unité nationale comorien- à Ndzuani, nous demanderons que l'excé- à Ndzuani et les banderoles réaffirmant Comores", a laissé entendre M.Taiati. Ce ne”. Curieux destin que celui de ce pays où dent soit affecté à l'AND. Si le gouverne- "Vive Anjouan française au sein de la discours volontairement politique de la part pendant que des gens crient contre l'an- ment de l'Union choisit de recruter d'autres cienne Métropole, d’autres font appel à éléments et dépasse ce chiffre, nous recru- elle... terons aussi", prévient Djaafar. “Nous sommes là pour favoriser Autre terrain de conflits futurs, le patrimoi- la consolidation de l'unité nationale des Comores” ne commun. "Le code [téléphonique] 269, le pavillon, les accords de pêche, les aides MOURAD TAIATI, CHEF DU BUREAU DE LIAISON DE L’UA qui doivent être budgétisés, le dossier des bourses d'étude qui inscrit des quotas de République française" (photo ci-dessus) du représentant de l'UA traduit une certaine partage..." cite en vrac le responsable prouvent la persistance d'un courant radical inquiétude. Plus biaisé, le représentant de la anjouanais. Autant dire que rien ne prédit qui peut toujours être réactivé pour défen- France à cette rencontre, Jean-François un horizon calme. dre la confédération chère aux séparatistes. Frier, estime "que la communauté interna- Surtout qu'en face, le président de l'Union tionale doit certes fournir l'expertise néces- OUTRE LES APPÉTITS de pouvoir des ne cache pas sa position. "J'aimerais que saire, mais elle ne peut se substituer aux uns et des autres, deux logiques s'opposent cette architecture change. Mais je voudrais autorités nationales", révèle Al-watwan. sur la conception même de l'Etat. Et cela ne que les Comoriens se rendent compte eux- "Ce serait une violation et une ingérence date pas d'aujourd'hui. D'un côté, les mêmes, par leur propre expérience, de son grave dans les affaires intérieures d'un pays tenants d'un renforcement tous azimuts de inapplicabilité. Pour le moment, il n'est indépendant", a déclaré l'ambassadeur de l'autonomie des îles qui ne jurent qu'au pas question de demander un référendum." l'Afrique du Sud. Alors qu'apparaissent déjà nom de la Constitution, quitte à en faire Dans ce contexte, le risque d'instabilité ne les signes précurseurs des conflits à venir une lecture partielle et linéaire. Pour eux, porte plus sur le transfert des compétences, entre les îles et l'Union, -blocages sur la "le président est un arbitre, un modérateur mais sur la difficulté de les exercer sans reprise de l'hôtel Itsandra (que visent les du fonctionnement régulier des institu- faire naître de nouvelles sources de Libyens), réticences de l'autorité anjouanai- tions", un point c'est tout. De l'autre, ceux conflits. se sur l'opérateur choisi par le gouverne- qu'on pourrait qualifier de réformateurs. Sur ce point, la communauté internationale ment de l'Union pour la gestion des ports-, S'ils ne sont pas acharnés contre l'esprit qui assume une certaine responsabilité la position des deux partenaires peut être fédéral de la constitution, ils se démarquent dans la situation comorienne, est égale- interprétée comme un certain désengage- d'une conception qui dépouillerait le pou- ment divisée sur la manière d'accompagner ment. L'exercice des compétences par les voir central de toute sa substance "pour en le pays dans la période actuelle. Lors d'une îles et l'Union relève pourtant dans le cas faire une coquille vide". rencontre avec la presse, Mourad Taiati, des Comores de la bonne gouvernance. Point commun aux deux camps : ils recon- chef du bureau de liaison de l'Union afri- naissent l'un et l'autre qu'il faudra faire un caine (UA) à Moroni, a annoncé l'envoi KAMAL'EDDINE SAINDOU

kashkazi 58 décembre 2006 25 décryptage contrat d’affermage Marché de l’eau potable à Ma

gués du Sieam, avaient depuis longtemps tiré la L’attribution du contrat sonnette d'alarme. Selon eux, le président Madi Ahamada bénéficierait de largesses de la part de la d’affermage de l’eau potable à Sogea en échange de son soutien indéfectible. Les rumeurs sur des maisons construites par la Sogea Maore a prêté le flanc à toutes pour le compte du président à Moroni, Madagascar, et dans son village de Mtsangamouji, courent les les rumeurs. Nombreux sont rues. Les preuves moins. Il faut dire que la réputa- tion de Madi Ahamada est sulfureuse, notamment ceux qui soupçonnent des depuis qu'il a dirigé le Journal de Mayotte. Le prin- cipal intéressé nie en bloc : "Je n'ai aucune maison actes de corruption dans cette ni à Madagascar ni à Moroni. Quant au lotisse- ment de Mtsangamouji, j'ai commencé à le cons- truire en 1993. Je ne suis président du Sieam que histoire de gros sous, dans depuis 2001." Certains parlent en outre de corruption de nomb- laquelle la Sogea est pour reux délégués quelques jours avant le vote. "Vendredi soir, on leur a proposé des choses, l’heure sortie gagnante face à notamment des emplois pour leurs proches", affir- me un acteur du dossier qui a tenu à garder l'anony- Veolia, jusqu’à ce que la mat. Selon lui, des promesses d'embauches ont été faites à un délégué du sud et un autre du nord. Il n'a justice se prononce. toutefois présenté aucune preuve tangible. "On a également promis à deux délégués du centre de l'île des contrats de sous-traitance", affirme-t-il. "Il y a eu aussi des dessous de table." Il s'agit là d'asser- tions graves, pour l'heure sans preuves, donc sans pertinence. Mais, affirme notre correspondant, " les preuves, nous les avons. Des délégués témoigne- pas facile de perdre un ront, ils nous l'ont confirmé de vive voix, mais IL N'EST marché de plusieurs devant la justice, pas dans la presse". Et de s'éton- millions d'euros, courant sur quinze années, dans le ner : "Vendredi, 15 délégués nous avaient assuré de domaine le plus vital qui soit : l'eau potable. Il n'est leur soutien [en faveur de Veolia, ndlr]. Ils avaient pas non plus simple de le gagner, sauf à y faire bien signé une pétition pour que le vote se déroule à bul- souvent quelques entorses aux règles morales, et letin secret. 6 autres qui ne souhaitaient pas se faire parfois pénales. C'est chose courante dans le sec- connaître nous avaient également rejoint." Le len- teur de l'eau, qui fut jadis une fontaine intarissable demain, si 78% des délégués réclamaient un vote pour le financement des partis politiques français. secret -dont Madi Ahamada- seuls 13 votaient cont- Plus de dix ans après la loi Sapin qui régit entre aut- re le rapport du président. D'où les accusations de res les délégations de service public, les petits corruption qui ont été développées dès le résultat du cadeaux et les grandes promesses chiffrées ne sont vote. Un délégué n'hésitait ainsi pas à dénoncer pas rares. Surtout quand elles mettent aux prises, "l'achat de certains de mes collègues" devant l'en- comme à Maore, les deux géants français du sec- trée du Syndicat. Un délégué du centre assure pour teur : Veolia, l'outsider qui gère notamment le sa part n'avoir pas été contacté par la Sogea : "Je réseau de la Réunion, numéro un mondial dans le n'ai moi-même été approché que par Veolia qui nombreuses étapes, parmi lesquelles la mise en Un observateur qui a tenu à garder l'anonymat cri- domaine de l'eau, présent dans 57 pays ; et Vinci, souhaitait me présenter son projet, pas par la place d'une commission de délégation de service tique toutefois le rapport du président. "Son rapport par l'intermédiaire de la Sogea Mayotte, qui Sogea". Un autre indique n'avoir reçu aucune pres- public composée de cinq délégués, elle a selon le est vide. Il ne parle que de la Sogea. On n'a pas concourt pour un troisième contrat, après ceux rem- sion particulière. Syndicat permis de procéder au meilleur choix pos- donné toutes les données aux délégués pour qu'ils portés en 1977 et 1992. sible. S'il ne souhaite pas entrer dans les détails, une choisissent en connaissance de cause." Ce docu- L'attribution du contrat d'affermage de l'eau potable LES OPPOSANTS AU DOSSIER de la Sogea action judiciaire étant en cours, le Syndicat affirme ment de 18 pages présente le déroulement de la à Maore pour une durée de 15 ans devait connaît- dénoncent également des entorses aux règles de avoir respecté toutes les étapes nécessaires. Un procédure, résume les offres des trois candidats, et re son dénouement le 25 novembre. Ce jour-là, les procédure. La plus grave selon eux est le parti pris cabinet technique et un cabinet d'avocat ont été établit un choix net en faveur de la Sogea. Ses 34 délégués du Syndicat intercommunal d'eau et du président du Sieam. "Il n'a pas à donner son consultés. Un comité consultatif d'usagers a été mis conclusions sont les suivantes : "Considérant que le d'assainissement de Mayotte (Sieam) étaient appe- avis. C'est à la commission de donner son avis par en place -qui a notamment mis l'accent sur la bais- contrat proposé garantit les intérêts du Syndicat et lés à voter ou non le rapport du président du écrit, et aux délégués de se décider par la suite. Or se des tarifs et l'effort à faire au niveau des plus celui des usagers du Service Public ; que la Sogea Syndicat, Madi Ahamada, qui se prononçait très le président ne s'est pas appuyé sur l'avis de la démunis. Les maires ont également été entendus. a su comprendre les exigences du Sieam et nous clairement en faveur de la Sogea. Le tout dans une commission. Il n'a même pas été communiqué dans Chaque rencontre avec les trois candidats -ils proposer ainsi une offre de grande qualité (…) ; que ambiance tendue, après les allégations du journal la Sogea a su proposer une prestation plus perfor- Mayotte Hebdo, selon lequel les dés étaient pipés mante pour tous les abonnés, avec un tarif compé- depuis bien longtemps. 33 délégués étaient pré- “Les preuves, nous les avons. Des délégués témoigneront, titif, plus faible que celui en vigueur aujourd'hui, sents. Seul Mohamed Abaine, délégué de Kani- malgré les améliorations apportées au contrat ; (…) Kely, rapporteur de la commission de délégation de mais devant la justice, pas dans la presse"” que la Sogea a su entendre les attentes des élus par service public (suppléé par Mouridi Ahamada), UN OPOSANT AU DOSSIER DE LA SOGEA la mise en place de la garantie fuites et le suivi des CHIFFRES était absent. personnes en situation de pauvreté-précarité ; que la 20 délégués ont voté à bulletin secret pour le rap- un PV." Le Sieam rejette ces accusations. Selon la étaient quatre au début, mais un s'est désisté- a été Sogea conserve le personnel actuellement affecté (2004) CLÉS port du président qui proposait la Sogea, 13 ont loi Sapin du 29 janvier 1993, relative à la préven- équitable. Les membres de la commission y ont au service (…) Je propose, en ma qualité de NOMBRE D’ABONNÉS voté contre. Mais l'affaire n'en est pas pour autant tion de la corruption et à la transparence de la vie participé, "alors que la loi n'oblige pas le président Président, au Comité Syndical, d'approuver le 29.385 close. Le perdant, Veolia, a porté plainte devant le économique et des procédures pénales -qui vise à les y inviter", fait-on savoir au Sieam. Une visite choix de l'entreprise Sogea comme délégataire du NOMBRE DE M3 tribunal administratif de Mamoudzou pour vice de justement à clarifier ce type de procédures pour évi- de terrain a été organisée. La commission a alors service d'eau potable (…)" D’EAU FACTURÉS procédure, qui a suspendu de fait la signature du ter les fautes du passé-, il revient au président de rédigé un rapport circonstancié, que le Sieam affir- Les partisans de Veolia affirment que certains 4,8 millions NOMBRE DE M3 contrat pour un délai de 20 jours. Les trois candi- proposer un choix. L'article 43 de cette loi stipule me avoir remis aux délégués, tout comme l'ensem- points du rapport de la multinationale ont été MIS EN DISTRIBUTION dats en lice -en plus de Veolia et Sogea, il y a GTA, qu'"au vu de l'avis de la commission, l'autorité [en ble des documents du dossier. oubliés, comme le million d'euros que Veolia pré- 5,4 millions semble-t-il hors course- devront se présenter au tri- l'occurrence le président, ndlr] habilitée à signer la Selon un proche du dossier, l'avis verbal de la com- voit d'investir dans la mise en conformité des bran- bunal le 8 décembre. Le délibéré sera rendu le 14 convention (…) saisit l'assemblée délibérante du mission allait dans le sens de Veolia. La presse chements et du fichier clientèle, ou les 400.000 LES OUVRAGES 618 kms de décembre. Les partisans de Veolia et de GTA, choix de l'entreprise auquel elle a procédé. Elle lui ayant été priée de sortir de la salle lors des débats, euros qu'elle compte consacrer à la mise en place canalisations parmi lesquels deux associations de consomma- transmet le rapport de la commission présentant nous n'avons pu vérifier cette allégation, les mem- des comptages de réseau. "Le rapport du président 5 usines de traitement teurs, envisagent en outre de porter l'affaire au notamment la liste des entreprises admises à pré- bres de la commission restant très discrets. Le pré- est du début à la fin basé sur l'offre de la Sogea", se 7 forages pénal, pour corruption. Dans cette affaire, c'est senter une offre et l'analyse des propositions de cel- sident a par la suite fait son choix. "C'est au cours plaint un délégué. Un autre, partisan de Sogea, 10 stations de pompage donc la justice qui se prononcera. C'était écrit à l'a- les-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate de toutes ces étapes, et notamment des auditions, répond que "les délégués n'ont pas eu seulement le d’eau brute 11 stations de pompage vance… et l'économie générale du contrat". Au Sieam, on que nous avons fait notre choix", affirme-t-il. "Tout rapport du président, mais aussi d'autres docu- d’eau traitée Les partisans de Veolia, parmi lesquels des anciens assure avoir respecté la procédure "très stricte" de s'est déroulé dans la clarté", indique un délégué du ments pour se faire une idée, ce 15 jours avant le 67 réservoirs salariés de la Sogea licenciés en 2005 et des délé- A à Z. Entamée en octobre 2005 et marquée par de centre. vote".

26 kashkazi 58 décembre 2006 contrat d’affermage décryptage aore : la bataille des “assoiffés”

produit une eau présentant une conductivité trop Suite à cet audit, le président du Sieam avait adres- Ci-contre, la station élevée [liée à la présence importante de chlorure, sé au directeur de la Sogea une lettre lui demandant d’épuration du Baobab, à ndlr]". Toutefois, sur l'aspect bactériologique, "une des explications. Cette lettre divulguée par la presse Mamoudzou. Le fleuron de seule analyse non-conforme a été relevée, ce qui est est un autre des arguments avancés par les oppo- l’assainissement de l’eau à Maore, géré par la Sogea. satisfaisant, cependant ces résultats souffrent là sants de Sogea. Madi Ahamada y dénonce "des (RC) aussi de l'insuffisance du nombre d'analyses". marges cachées perçues par la Sogea à hauteur de D'autre part, sur le plan organisationnel, l'audit 4,6 millions d'euros" et demande des explications. démontre la difficulté de la Sogea à assumer sa mis- Si 1,9 millions de cette somme avaient été répercu- sion. “Il est important de rappeler que Sogea tés sur les usagers par une baisse du prix de l'eau, Mayotte constitue la seule filiale du groupe Vinci à comme les deux parties en avaient convenu dans l'a- exploiter un réseau d'eau potable. La seule synergie venant n°7 signé en 2003, 1,7 millions étaient voués possible se réalise essentiellement sur l'activité à l'amélioration des conditions d'exécution du Travaux, avec la filiale Sogea Construction, mais le contrat d'affermage. Or selon ce courrier, ces enga- métier reste fondamentalement différent. Travaillant gements n'ont pas été totalement respectés. dans une activité bien spécifique, Sogea Mayotte ne "Comment le président peut-il écrire cette lettre bénéficie pas au sein du groupe d'une véritable avec de telles conclusions et demander ensuite aux assistance technique ingénierie en eau : recherche et délégués de voter pour cette même entreprise ?" se développement, veille technologique, atelier de tra- demande Boinali Saïd, secrétaire général de la vail… On constate ainsi un isolement technique de Sogea Mayotte au sein du groupe Vinci." “On constate ainsi un isolement technique de Sogea En outre, "malgré sa disponibilité, son Mayotte au sein du groupe Vinci.” expérience, son professionnalisme, l'en- cadrement technique reste insuffisant", et AUDIT TECHNIQUE DU CONTRAT D’AFFERMAGE, 2004 la formation est "insuffisante concernant le métier : exploitation de l'eau potable". Conclusion Cisma-CFDT. Le Sieam a la réponse : celle en l'oc- : "Cet état des lieux fait apparaître de nombreuses currence que la Sogea avait adressée au Syndicat lacunes dans l'exploitation du Sieam. (...) La plupart quelques jours plus tard, le 2 février 2006. "La des lacunes s'expliquent par le manque de moyens Sogea nous a fourni les réponses chiffrées et les mis en œuvre par le délégataire aussi bien aux preuves de celles-ci", indique-t-on au Sieam. niveaux humain et organisationnel qu'aux niveaux "D'abord, la baisse du prix de l'eau a coûté plus investissements et de l'entretien. Il s'en suit une ges- cher que prévu : 1,98 millions contre 1,37 millions tion minimale de l'exploitation, sans souci du long prévus. La Sogea a donc répercuté cette perte. terme et sans privilégier l'esprit de "service" et la Ensuite, la Sogea a fourni des réponses détaillées rigueur que nécessite l'exploitation en eau potable. concernant les améliorations. On ne veut pas dire Cependant, il faut souligner que le délégataire a du au Sieam qu'elles nous conviennent. C'est aux délé- en permanence travailler dans l'urgence avec le gués d'en juger. Ils seront prochainement appelés à souci principal d'alimenter en eau potable la popula- se prononcer sur ce sujet." tion (...). Le délégataire et le Sieam ont du ainsi Quant aux marges réalisées au cours de ces années, "courir" derrière le développement démographique un fin connaisseur des dossiers touchant à l'afferma- “Quel que soit et donc privilégier l'aspect quantitatif." ge de l'eau potable affirme que partout elles existent. "C'est fréquent. Ce qu'on reproche à la Sogea, on le choix des "DE QUELLE QUALITÉ D'EAU parle-t-on quand peut le reprocher à quasiment toutes les sociétés qui délégués du on lit ça ?" s'interroge un technicien. "L'eau de exploitent l'eau potable en France." Une dépêche syndicat, nous S'ils ont des doutes sur la forme, c'est aussi parce terme aussi", se défend un délégué. Ainsi, l'offre de Petite Terre est de mauvaise qualité. Il y a des cou- du 22 novembre 2006 publiée dans Le Moniteur fait les Mahorais, que les partisans de Veolia estiment que leur propo- la Sogea a été jugée meilleure sur d'autres points, pures régulières !" Au Sieam, on rappelle toutefois ainsi état de plusieurs cas de ce type : "La Société nous aurons sition est la meilleure. "Veolia, c'est le choix social : non négligeables : la formation du personnel que lorsqu'un câble avait été coupé dans le sud voici des eaux du Nord (...) a été accusée par une associa- une grande les factures baissent, les salariés sont payés au Smic (120.000 euros par an, programme non chiffré pour quelques mois, la Sogea avait pu le réparer rapide- tion d'avoir perçu indûment, à titre de provisions responsabilité national [environ 1.200 euros, contre 650 euros Veolia), le nombre de salariés (149,7 contre 116 à ment "car elle avait du matériel sur place grâce à renouvellement, quelque 164 millions d'euros entre dans la pour le Smig mahorais que propose la Sogea, ndlr], Veolia), la gestion de crises, comme la rupture d'un l'autre filiale qui fait du BTP." Et un technicien qui 1986 et 1996. La communauté urbaine de Lyon a décision qui ils ont la garantie de la mobilité, un système d'assu- câble (payées par la Sogea, dans la limite des obli- ne travaille pas au Sieam mais connaît bien le dos- pour sa part indiqué qu'elle évaluait à 94 millions sera prise rance est proposé pour que les abonnés ne payent gations contractuelles pour Veolia), le problème des sier de se demander : "Qu'aurait fait Veolia ? Il d'euros la somme collectée par la Générale des Eaux samedi. En pas les nombreuses fuites… La Sogea dit : on répa- fuites (assurance gratuite pour la Sogea, assurance aurait fallu attendre deux semaines pour que les (Veolia) en prévision de travaux qui n'ont pas été effet, avant re les fuites, mais qui va payer ?” Dans son rapport, payée par l'abonné pour Veolia), la considération câbles arrivent de la Réunion." faits." Faut-il pour autant accepter cet état de fait ? d’être des le président reconnaît que "la société Sogea propo- des plus démunis (participation au Fonds de solida- Les résultats de l'audit financier sont plus troublants. "Auparavant, le Sieam n'avait pas les moyens de délégués, ces se des tarifs un peu plus élevés que la société Veolia, rité de l'eau pour les deux), l'intégration de nou- Après avoir dénoncé la difficulté à accéder aux contrôler" les comptes du Fermier, assure-t-on au hommes et ces mais pour une gestion de service conforme à nos veaux ouvrages (intégration chiffrée de chaque sources d'informations - "Nous tenons à préciser les Syndicat. "Mais avec le nouveau contrat, nous nous femmes sont attentes et aux règles de l'art." Autrement dit : une ouvrage pour la Sogea, par avenants pour Veolia)… très grandes difficultés que nous avons rencontrées donnons ces moyens." d’abord des assurance que ne fournit pas Veolia. Avec Veolia, l'a- Dans les coulisses du Sieam, on affirme ainsi que si durant la mission en vue de l'obtention de docu- bonnement par bimestre reviendrait à 4,50 euros, et l'offre de Veolia est à première vue plus séduisante, ments, d'explications et même de rendez-vous "-, le EN EFFET POUR LE SIEAM, le problème n'est conseillers le coût du m3 pour une consommation de 0 à 30 m3 elle recèle de nombreux points d'interrogations. document relève un certain nombre d'incohérences pas là. Si les opposants de la Sogea ont la dent dure municipaux (soit la consommation de 65% des usagers) à 0,47 "Veolia est spécialiste pour faire des effets d'annon- dans les bilans financiers, qui correspondent à des contre une société guère appréciée des Mahorais - (...) Il est euros. Avec Sogea, l'abonnement coûterait 4,67 ce, mais après, c'est autre chose", affirme un tech- marges cachées. surtout depuis les 21 licenciements en août 2005-, temps euros, et le m3 0,52 euros. Une simulation d'une fac- nicien de l'eau. Certains surcoûts sont énormes, comme celui des qui dénoncent des services rendus d'une maigre désormais de ture pour un client ayant consommé 30 m3 dans les frais de siège entre 1992 et 2002 : "Montant total qualité et une société où règne la discrimination, les porter nos deux mois conclut à une différence de 1,70 euros CEPENDANT, ET C'EST le dernier argument imputé au contrat : 13,155 millions de francs / responsables du Sieam estiment que le but du pré- choix sur des entre les deux sociétés (18,60 euros avec Veolia, avancé par les partisans de Veolia, Sogea n'a guère Montant total corrigé : 2,184 millions de francs / sent contrat n'est pas de régler des comptes. Faisons personnes de 20,30 euros avec Sogea). Pour une consommation d'arguments à faire valoir depuis 30 ans qu'elle gère Surcoût : 10,971 millions de francs". Les charges du passé table rase, semble dire le président. conviction de 10 m3 (rare mais touchant les plus démunis), la le réseau. Si le Sieam n'est pas d'accord avec cette d'amortissement et d'agence ont aussi été majorées "On soupçonne la Sogea d'avoir rédigé l'ancien et sans facture s'élèverait à 9,20 euros avec Veolia, et 9,90 critique, estimant que la Sogea a dans l'ensemble (surcoût de respectivement 2,5 et 5 millions de contrat d'affermage [signé en 1992, ndlr]. Le contradiction euros avec Sogea, soit une différence de 70 centi- répondu à sa mission, d'autres rappellent l'audit francs). En conclusion, "l'audit financier a mis en Sieam n'avait que peu de moyens de faire respec- ayant un mes. "Comment, dans le contexte économique technique et financier du contrat d'affermage réalisé relief un certain nombre d'anomalies et/ou de dys- ter sa volonté. Désormais, c'est nous qui avons programme actuel, peut-on ne pas privilégier la baisse du prix en 2003 à la demande du Sieam. Cet audit qui a fonctionnements qui ont trait : au manquement du réalisé le contrat. Nos techniciens y ont planché et des idées.” de l'eau, alors que des gens ne peuvent pas se la servi de négociation à l'avenant n°7 du contrat d'af- fermier concernant son obligation en matière d'in- pendant des mois. Nous aurons plus de moyens à payer ?" s'interroge un délégué. "Comment peut-on fermage signé en juillet 2003, et dont la version formation financière ; au coût réel du service de dis- notre disposition pour faire respecter le service Un tract de ne pas privilégier l'aspect économique, avec une définitive a été réalisée en janvier 2004, est sans tribution de l'eau mis en affermage (...)." Concernant rendu aux usagers." Avec ce nouveau contrat, l’association assurance d'un Smic métropolitaine pour les sala- appel. Il dénonce un déficit dans la qualité du servi- le premier point, "l'information financière commu- une page est tournée dans la distribution de l'eau Oudaïla haqui riés, dans le contexte morose actuel ?" se demande ce fourni par la Sogea. Concernant l'aspect physico- niquée par le fermier comporte des carences graves potable à Maore, semble-t-on penser au Sieam. za M’maore, un défenseur de Veolia. chimique de l'eau distribuée, il est ainsi noté : "Ces par un manque d'exhaustivité, par des incohérences Reste à savoir si les pratiques anciennes -corrup- distribué à Au-delà du prix, d'autres arguments sont avancés non-conformités en nombre important [79% en sor- constatées dans les comptes rendus financiers remis tion, favoritisme- ont elles aussi été abandon- l’entrée du par le Sieam pour expliquer le choix de la Sogea. tie station, 53% en sortie distribution, ndlr] sont et par une information incomplète sur les méthodes nées. Le tribunal nous le dira. Sieam le jour "Les gens ne voient que le prix, mais il y a le long principalement liées à l'usine de dessalement qui utilisées pour imputer certaines charges." RC du vote.

kashkazi 58 décembre 2006 27 géopo ligne de mire RWANDA sauveur d’un peuple ou menteur manipulateur, qui est vraiment Paul Kagame ?

Accusé par le juge français Jean-Louis Bruguière d’avoir participé à l’attentat contre l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, déclenchant ainsi le génocide de 1994, Paul Kagame est un homme adulé ou détesté, assurément secret.

est Paul Kagame ? A l'image de son soupçonne d'être les instigateurs de l'attentat qui les services spéciaux et l'armée de l'État français qui taires, Paul Kagame, vieil ami de Fred Rwigema. QUI pays, le président rwandais cultive le avait coûté la vie, le 6 avril 1994, au président rwan- s'avancent masqués." Selon Pierre Péan, auteur d'un pamphlet qui accuse mystère. Le Rwanda, pays insondable qui, plus de dais de l'époque Juvénal Habyarimana -ainsi qu'au Rares sont les présidents africains qui osent tenir tête Kagame d'être l'instigateur de l'attentat contre dix ans après le génocide, ne se livre que par bribes président burundais et à onze autres personnes qui à Paris. Paul Kagame en est. Aidé en cela par une Habyarimana, mais aussi responsable en partie du à l'étranger. Le Rwanda, pays des "mille collines" et les accompagnaient dans l'avion présidentiel- et avait haine non feinte de la politique africaine de la génocide (1), l'actuel président ne serait pas étranger des mille et un secrets, dont on ne sait s'ils sont déclenché les massacres qui tueront plus d'un million France, et de son rôle présumé dans le génocide de à la mort de son ami. "Le deuxième jour de l'attaque inavouables afin d'oublier le passé et de ne pas de personnes, très majoritairement des Tutsis. 1994. La France, ce pays qu'il a combattu avant le [en terres rwandaises, ndlr], Rwigema est tué. "Par réveiller les vieux démons, ou afin de cacher une "Seuls ceux qui méconnaissent l'orgueil, la suscepti- génocide, quand Paris et Kigali entretenaient une ses propres hommes " affirme avec d'autres Abdul vérité plus complexe qu'il n'y paraît. Le Rwanda, bilité à vif, le nationalisme viscéral et le total déta- coopération militaire très étroite ; ce pays qui l'a Ruzibiza [un ancien du FPR, ndlr]. "Mais ceux qui pays riche d'une culture du travail exacerbée, d'une chement à l'égard de la France qui animent Paul emprisonné alors qu'il tentait de négocier ; ce pays ont commandité son assassinat n'ont pas eu le coura- organisation sociale quasi militaire, de codes intrans- Kagame et ses proches se seront étonnés de la mesu- qu'il a vu investir un territoire qu'il était sur le point ge de prendre immédiatement la direction du FPR, igeants… re radicale prise le 24 novembre par Kigali", écrit de conquérir, l'empêchant d'avancer aussi vite qu'il pour éviter tout soupçon." En ordonnant fin novembre l'arrêt de la diffusion de dans Jeune Afrique le journaliste français François n'aurait souhaité ; ce pays, le seul ou presque, qui a Radio France International (RFI) et en sommant le Soudan. "En rompant ses relations diplomatiques toujours mis en doute la bonne foi que de nombreux LE PRÉSIDENT MUSEVENI fait revenir Paul personnel de l'ambassade de France et des institu- avec la France, le président rwandais a voulu réagir autres Etats lui accordent et qui continue de croire Kagame des Etats-Unis le 14 octobre. Mais à son tions françaises installées au Rwanda (Centre cultu- à l'exacte mesure de ce qu'il estime être une agres- qu'il est à l'origine d'un attentat que lui-même a du arrivée sur place, les soldats lui ont signifié qu'ils ne rel, écoles) de quitter le pays sous 24 heures, Paul sion majeure de la part d'un pays dont il a combattu mal à évoquer. La France surtout, ce pays dont il ne voulaient pas de "Pilate" [son surnom lié à sa Kagame a une nouvelle fois fait preuve de son le détachement expéditionnaire les armes à la main parle pas -ou très mal comme il le dit- la langue, lui méchanceté, ndlr]. Après la mort de Fred Rwigema, intransigeance absolue. Quelques jours plus tôt, le de 1990 à 1994. À ses yeux, le fait que l'offensive qui a grandi dans un pays anglophone. Selon la bio- ce sont Bayingana et Bunyenyezi qui assurent la juge français Jean-Louis Bruguière avait osé délivrer menée contre lui se déroule cette fois sur le terrain graphie officielle d'un homme qui reste discret sur direction de l'armée rebelle." Selon Pierre Péan, ces un mandat d'arrêt international contre le président judiciaire n'a strictement aucune importance : der- son passé, Paul Kagame, né en 1957, quitte le derniers ordonnent à Kagame, qu'ils n'apprécient rwandais et huit de ses proches collaborateurs, qu'il rière le juge Bruguière, il est persuadé que ce sont Rwanda à l'âge de deux ans, fuyant avec sa famille guère, de rentrer à Kampala, la capitale ougandaise. les premières persécutions des Tutsi suite à l'indé- Quelques jours plus tard, il revint, "accompagné de pendance de 1959. Il s'installe en Ouganda. À l'âge plus de dix jeeps". "Le jour même, Bayingana et de 22 ans, en 1979, il rejoint le futur président de Bunyenyezi étaient tués." Première d'une longue “Je te tiens, tu me tiens, l'Ouganda, Yoweri Kaguta Museveni, dans un mou- série de parts d'ombre dans la vie du "Pilate", dont par la barbichette” “Les capitales francophones voient en lui un adversaire dangereux, il est l’homme de Yoweri Museveni, proche des Américains.”

ÉDITORIAL DU JOURNAL BURKINABÈ L’OBSERVATEUR PAALGA - extraits RADIO FRANCE INTERNATIONAL de son ambassadeur à Paris, fer- dit de penser que des desseins inavoués puissent se cacher RAPPEL meture de la représentation diplo- derrière l'agitation d'un magistrat en mal de publicité. Ce vement de résistance à la dictature d'Idi Amin Dada. ses détracteurs affirment qu’il est prêt à tout pour matique et de toutes les institutions françaises au nouveau pavé dans la région des Grands Lacs intervient Plusieurs réfugiés rwandais font partie du noyau de obtenir ce qu’il souhaite. Rwanda… Tels sont les principaux oukases pris depuis le au moment où une commission d'enquête rwandaise cette résistance qui affrontera ensuite la dictature de De 1991 à 1993, alternant combats, défaites et vic- 24 novembre par Kigali. Il est vrai que les relations entre mène des investigations sur le rôle de la France avant, Milton Obote, puis celle de Tito Okello. Cette pério- toires, Paul Kagame, désormais dirigeant du mouve- les deux pays n'ont jamais été franchement bonnes - doux pendant et après la folie meurtrière d'avril-juillet 1994. La de permettra à Fred Rwigema et Paul Kagame de se ment rebelle, négocie les accords d'Arusha avec le euphémisme - depuis l'arrivée au pouvoir du Front patrio- sortie du juge Bruguière peut procéder d'un plan pare-feu construire une culture politico-révolutionnaire, dans président Habyarimana. Les mauvaises relations tique rwandais (FPR), au lendemain du génocide de 1994. du type "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette". laquelle les grandes figures telles Che Guevara et entre Kagame et la France datent probablement de A l'origine de ce nouveau coup de froid, la recommanda- Si Paris a toujours nié toute implication dans les massac- Mao tiennent une place prépondérante. En 1986 cette époque. Alors qu'une offensive du FPR marche tion faite par le juge Jean-Louis Bruguière de poursuivre res, son rôle a été on ne peut plus trouble. La France a Yoweri Kaguta Museveni devient Président de la sur Kigali, l'opération échoue finalement après que la le président Paul Kagame devant la justice internationale porté à bout de bras le régime autocratique et ethniciste République de l'Ouganda et plusieurs de ses compa- France, la Belgique et le Zaïre soient intervenus en pour sa participation présumée à l'attentat du 6 avril 1994 d'Habyarimana, comme elle a souvent soutenu contre le gnons d'armes rwandais deviennent officiers dans faveur du pouvoir hutu. "Les trois capitales franco- contre l'avion du président Juvénal Habyarimana, consi- bon sens de nombreux despotes africains. Mais, n'en l'armée ougandaise. phones voient en lui un adversaire dangereux, il est déré comme le déclencheur des massacres. déplaise à Kagame, le coup du Falcon peut très bien avoir l'homme de Yoweri Museveni, le leader ougandais "La France tente de détruire notre gouvernement. Nous ne été réalisé par ses propres éléments ; même si, en dra- QUATRE ANS PLUS TARD, Paul Kagame, jus- proche des Américains", rapporte RFI. voyons aucune nécessité de garder des relations avec un guant la poubelle où était endormie une armée de scor- qu'alors resté dans la part d'ombre de l'appareil Deux ans plus tard, en 1992, Kagame tente de venir pays hostile", a martelé Charles Murigande, le ministre pions, ils ne pouvaient s'imaginer que les tueries pren- ougandais, devient public. Le 2 octobre 1990, Fred plaider sa cause à Paris. Reçu à l'Elysée par Jean- des Affaires étrangères. Pour lui, cette affaire est politique, draient cette ampleur. Le président rwandais peut jouer la Rwigema, qui a créé entre temps le Front patriotique Christophe Mitterrand, conseiller de son père pour alors que Paris s'abrite derrière le principe de la séparation vierge effarouchée, la frilosité dont il fait preuve dès rwandais (FPR), dont l'objectif est de rétablir un Etat les Affaires africaines, puis au Quai d'Orsay, il est des pouvoirs pour ne pas commenter une décision de jus- qu'est évoquée sa participation présumée à l'attentat du 6 où tous les citoyens ont des droits et de mettre fin à interpellé un peu plus tard à son hôtel et incarcéré tice. Bien sûr, le maître du Rwanda, qui est arrivé au pou- avril 1994 est très suspecte. la persécution des Tutsi, dont nombreux sont réfu- sous l'accusation de "terrorisme". Il est libéré douze voir les armes à la main et ne s'est pas véritablement C'est vrai, il n'est jamais aisé de parler du Rwanda, qui a giés dans les pays voisins, est tué. Au combat selon heures après sans un mot d'excuse. Paul Dijoud, qui converti au culte de la démocratie, ne peut pas comprend- souffert le martyre, de sorte que la moindre critique peut le FPR ; par ses amis selon les Forces armées rwan- gèrera la dossier Rwanda pendant cette période, re qu'un petit juge l'importune sans l'onction élyséenne et paraître déplacée. Mais il faut prendre garde à ce que le daises du régime Habyarimana. La mort de ce leader justifie ainsi cette arrestation : "Les accompagna- sans que Jacques Chirac puisse y faire grand-chose. pays ne devienne pas l'Israël de la région des Grands emblématique sera cachée plusieurs jours aux com- teurs du Major Kagame, qui circulaient Nous disons bien "grand-chose" car, partout, sur les bords Lacs, intouchable pour avoir vécu l'innommable. Ce pour- battants du FPR. Le président ougandais, Yoweri avec des valises de billets, s'étaient fait de la Seine comme au "pays des mille collines", la poli- rait être la porte ouverte à tous les abus. Kaguta Museveni, très proche des responsables du repérer par la police et ont été arrêtés, tique n'est jamais très loin du prétoire. Et il n'est pas inter- L'OBSERVATEUR PAALGA FPR, impose alors son chef des renseignements mili- sans que le Quai d'Orsay en ait été aver- ...

28 kashkazi 58 décembre 2006 ligne de mire géopo

tion des frontières, en 1896. On ne l'appelle pas le Ci-contre, la photo "Napoléon des Grands Lacs" pour rien… officielle de Paul Mais on passe facilement ce type d'exactions à un Kagame, président du président qui non seulement a mis fin au génocide, Rwanda depuis 2000. selon l'Histoire officielle, mais sait aussi s'attirer les (DR) amitiés occidentales. Les Occidentaux qui appro- chent Paul Kagame le décrivent comme quelqu'un de courtois, calme et lucide et avec lequel le "courant passe bien". "Kagame était véritablement quelqu'un d'important", écrit Philip Gourevitch, en admiration devant ce grand échalas. "Il créait l'évènement. A plu- sieurs reprises, assis auprès de lui, je me suis surpris à penser à un autre célèbre guerrier dégingandé des droits civiques, Abraham Lincoln, qui avait dit : "C'est nier les enseignements de l'histoire mondiale que de supposer que des hommes d'ambition et de talent ne continueront pas à surgir parmi nous." Kagame avait montré qu'il savait fort bien obtenir ce TROIS qu'il voulait, et s'il souhaitait vraiment trouver une réponse originale aux circonstances originales dans PISTES lesquelles il se trouvait, la seule voie qui s'ouvrît Trois devant lui était l'émancipation. (…) Puis arrivait tou- hypothèses jours le moment où je devais quitter son bureau. sont avancés Kagame se levait, nous nous serrions la main, un sol- concernant les dat avec une arme à la ceinture nous ouvrait la porte, commanditai- et je replongeais dans le Rwanda." res de l’atten- tat contre A L'INVERSE, SES DÉTRACTEURS voient en lui l’avion de un tortionnaire mal éduqué, d'une dureté implacable. Juvénal Un menteur. "Il arrivait que, soumis à des questions Hbyarimana. trop directes, l'homme affable éteigne son sourire La première aussi brusquement que s'il coupait le courant", dit de mène aux lui la journaliste Colette Braeckman. "Tout à coup, extrémistes ses longues mains faites pour expliquer, avancer des hutus, qui arguments, se serraient, ou battaient l'air comme des voyaient en pales, ses fines lunettes dorées lançaient des éclairs. Habyarimana La voix elle-même changeait, se faisait plus basse, un président plus contenue, et niait l'évidence avec une rage rete- trop modéré. La deuxième, nue. Avec aplomb, sans que rien ne révèle un trouble moins crédi- éventuel, à part les mains qui s'agitent et de longues ble, vise des jambes qui se croisent ou se déplient, Kagame peut mercenaires. nier les évidences, mentir en vous regardant droit La troisième dans les yeux. On devine alors que Mr Hyde n'a pas enfin est celle peur de la mort (…)" Et de conclure : "Kagame est un explorée par homme qui avance masqué." En bon ancien respon- le juge sable des renseignements… Bruguière, à Certains, dont Pierre Péan qui cite des anciens com- savoir celle battants de l’APR et, à demi-mot, la diplomatie fran- accusant le çaise -elle-même accusée par Kagame d'avoir partici- FPR de pé au génocide en couvrant les forces Hutus- l'accu- Kagame sent même d'avoir fait participer ses troupes au géno- d’avoir cide, d'avoir volontairement massacré des Hutus planifié mais aussi des Tutsis, justement pour appuyer la thèse l’attentat. du génocide, d'avoir impitoyablement fait tuer ses ... ti". De quoi fonder quelque animosité. écrit le journaliste américain Philipp Gourevitch (2). reconnaissent ce sens indéniable de l'organisation. compatriotes par simple soif du pouvoir. Car si l'homme aime à perdre son audi- "Durant les quatre années de guerre au Rwanda, les On vante la place qu'il accorde aux femmes (49 % "Admirateur du modèle autoritaire de développe- teur sur sa vie, il n'oublie pas les actes des cadres du FPR avaient interdiction de se marier ou des députés et 30 % des sénateurs et des ministres ment des dragons asiatiques, Kagame se méfie de autres. Secret, voire menteur, Kagame n'hésite pas à même de lier une liaison, le vol était puni du fouet, sont des femmes). On remarque sa lutte a priori l'Occident et de son passé colonialiste", rapporte RFI. romancer son parcours. En 1991, il donne une et les soldats et officiers coupables de crimes tels efficace contre l'ethnicisme, même si certains obs- "Son inspirateur est désormais Mahathir Bin interview au journal La Libre Belgique. Il y affirme que le meurtre ou le viol risquaient la peine de mort. ervateurs estiment qu'il s'agit d'une tactique visant Mohamad, l'ancien Premier ministre malaisien, un être déserteur de l'armée ougandaise et ne pas être (…) A la fin de la guerre, en juillet 1994, même la à faire discrètement accepter la mainmise tutsi, homme à la poigne de fer connu pour ses diatribes aidé par l'Ouganda. Faux. plupart des travailleurs humanitaires internationaux ultra minoritaire dans le pays, sur les Hutu. anti-occidentales." considéraient le FPR avec respect (…) Le FPR avait A l'inverse, on lui reproche des disparitions d'oppo- Sera-t-il un jour effectivement entendu par la justice QUAND EN 1994 il arrive à la tête d'un pays qu'il a été la seule force sur terre à respecter les exigences sants, des assassinats. conquis par les armes, ne pouvant empêcher toutefois de la convention sur le génocide de 1948. Nul doute L'ONG Reporters sans le génocide de plus de 800.000 de ses compatriotes que des éléments du FPR avaient tué des génocidai- frontière le classe “Kagame peut nier les évidences, mentir en vous regardant droit (pour Pierre Péan, il y a même participé), son curri- res par représailles et commis des atrocités contre d'ailleurs parmi les dans les yeux. C’est un homme qui avance masqué.” culum vitae est des plus flous. On rappelle son passé des civils hutu -en 1994, Amnesty International rap- "prédateurs" de la de petit délinquant des rues de Kampala, dans les porta qu'entre avril et août des centaines -peut-être presse. On regrette son COLETTE BRAECKMAN, JOURNALISTE milieux du vol et du crime organisé. On évoque son des milliers - de cadavres de civils sans armes et manque d'ouverture passage à Basima House, siège du Renseignement d'adversaires armés capturés avaient été tués par les vis-à-vis de l'opposition. pour un attentat dont il refuse toute enquête ? Rien militaire ougandais dont il a eu la charge durant qua- troupes FPR. Mais ce qui impressionna le plus vive- Surtout, il joue un rôle important dans la déstabilisa- n'est moins sûr. Lui affirme qu'il n'a pas besoin d'en- tre ans, et où il aurait fait torturer et massacrer nomb- ment les observateurs au lendemain du génocide, ce tion de la région, notamment de la République démo- quêter : les auteurs de l'attentat sont les extrémistes re d'Ougandais. "C'est Kagame qui a introduit les for- fut la modération générale de cette armée rebelle, cratique du Congo (RDC, ex-Zaïre). Officiellement, hutus. Mais tant que la justice n'aura pas rendu son Notes mes suivantes de torture", rapporte la Coalition même lorsque ses soldats retrouvaient leurs villages il y envoie des soldats pour attaquer les Interahamwe verdict sur cette affaire, les soupçons le concernant ne ougandaise pour la démocratie. "Etouffer la victime ancestraux et leurs propres familles anéantis." Un (génocidaires) qui s'y sont réfugiés. Mais il s'agit en s'effaceront pas. (1) Noires fureurs, blancs menteurs, en lui couvrant la tête d'un sac plastique fortement ancien combattant de l’APR, cité par Pierre Péan, fait de s'accaparer une grande partie des richesses de S'attaquer à Kagame aujourd'hui, c'est remettre en Pierre Péan, Mille et serré autour du cou jusqu'à mourir par suffocation ; voit les choses autrement : “Aucune faute n’était cette région. Lors de la campagne en RDC contre les cause la thèse du génocide des forces hutus extrémis- une nuits, 2005 chocs électriques à travers les testicules ; attacher de considérée comme mineure (...) La punition était forces génocidaires qui s'y étaient réfugiées (mili- tes. Les massacres sont trop proches dans le temps (2) Nous avons lourdes roches aux testicules (…) Cependant, la d’être exécuté à la douille d’une houe usagée ou être ciens interahamwe et anciennes Forces armées rwan- pour oser critiquer celui qui y a mis fin. Ainsi, ni les le plaisir de vous forme la plus redoutée est Akandooya, qui consiste à transpercé à la baïonnette jusqu’à ce que mort s’en- daises), les troupes de l'armée patriotique rwandaise Nations unis ni le Tribunal pénal international sur le informer que demain, ligoter ensemble les bras et les pieds par derrière le suive.” ont été accusées (par un rapport de l’ONU) de s'être Rwanda n'ont pour l'heure osé franchir le Rubicon. nous serons tués dos, la personne formant un cercle." Ces méthodes rigides, il ne les a pas abandonnées livrées à des massacres de civils. Le régime de Plus tard, peut-être. Quand le travail historique pren- avec nos familles, On parle aussi de ses méthodes très dures au sein de quand il est devenu un responsable politique. Kagame est également suspecté de prendre prétexte dra le pas sur la passion. Celle-là même qui a mis fin Philip Gourevitch, l'Armée patriotique rwandaise (APR, branche Vice-président durant six ans, élu président par le de l'argument sécurité pour contribuer à piller les res- à la vie de centaines de milliers de personnes, dans un 1998, Denoël (3) Les nouveaux armée du FPR). "Parallèlement à la discipline poli- Parlement en 2000 et réélu (avec 95% des suffra- sources naturelles de l'est du Congo, région où vivent minuscule Etat de l’Afrique des Grands Lacs. prédateurs, Colette tique, le FPR s'était gagné une réputation de stricte ges) en 2003, il est l'artisan de la reconstruction les banyamulenge, congolais rwandophones, et dont Braeckman, Fayard, discipline militaire pendant les années de guérilla", d'un pays décimé. Opposants comme partisans lui une partie a été une province rwandaise avant la fixa- RC 2003

kashkazi 58 décembre 2006 29 géopo enjeux Election présidentielle à Madagascar Un pari pour la démocratie 7 millions de Malgaches votaient le 3 décembre pour élire le président de la République. Marc Ravalomanana, le président sortant, est le grand favori. Bilan de son action et reportage réalisé quelques jours avant ce premier tour.

Ravalomanana, qui brigue un une large opinion reconnaît aussi ses réalisations. "Je MARC deuxième mandat, avait annon- voterai pour lui parce qu'il a encore des choses à cé qu'il passerait au "quart de tour". Au-delà de l'iro- faire" explique Annie Lisah, universitaire. Parmi ces nie, un second tour serait risqué pour le président sor- réalisations, la réhabilitation de 4.500 kilomètres de tant face à 13 candidats de l'opposition qui se sont route emporte l'unanimité des Malgaches. "Il a ligués durant la campagne pour demander le report donné des kits scolaires à tous les enfants malgaches de l'élection et la démission du président. L'enjeu de et a promis de poursuivre la construction des routes ce scrutin est donc important pour le président candi- et des stades pour les jeunes". Un lycéen venu sou- dat, dont la victoire très contestée sur Didier tenir le candidat président lors de son meeting à Ratsiraka en 2001 avait plongé le pays dans une crise Mahajunga, retient quant à lui "la rénovation de l'hô- sanglante. Cette élection est aussi un pari pour la pital qui va accueillir un pavillon mère-enfant, l'un démocratie malgache, note Barrie Hoffman, des plus grands de l'océan Indien, et la réhabilitation conseillère spéciale auprès du National Democratic du bord de mer qui a été détruit après le passage du Institute, dont les enquêtes menées sur le terrain ont cyclone Gafilo". relevé plusieurs facteurs de déséquilibre entre les candidats, entre autres l'accès aux médias, et fait plu- SES OPPOSANTS LUI reprochent la fermeture sieurs recommandations pour, conclut-elle, "amélio- de nombreuses sociétés telles que la cimenterie rer le processus démocratique à Madagascar". d'Ambanio ou encore la Sotema, qui a jeté des Unanime, la presse s'est carrément donné pour ligne milliers de gens dans la rue. "La vie n'a jamais éditoriale durant la campagne d'appeler à l'apaise- été aussi chère, tout a augmenté, même le prix ment et à ne pas réitérer les événements de 2001. Un de la boîte d'allumettes" se plaint William. "On risque qui n'est pas complètement exclu, même si la ne mange pas la route" reconnaît le premier campagne électorale qui a duré 28 jours a été calme. ministre Jacques Sylla, qui promet que le prési- Le coup de force du général Fidy, le 18 novembre, à dent a jeté durant ces cinq dernières années les la base aéronavale d'Ivato, qui a provoqué la mort bases pour désormais s'occuper des besoins de la d'un soldat du premier régiment des forces d'inter- population. S'il est réélu. Scène de campagne à Mahajanga. (KES) vention, a été placé au rang "d'incident" par l'état- KAMAL'EDDINE SAINDOU major de l'armée. Il a été toutefois pris au sérieux par le gouvernement qui dans un communiqué parle de "tentative avortée de prise du ministère de la Défense". Si le président a profité de l'occasion pour Un bilan mitigé pour le PDG hausser le ton contre ses opposants -"que ceux qui demandent ma démission quittent le pays", a-t-il lancé-, la presse n'a pas été épargnée. "Gare à ceux qui ne mesurent pas leurs propos et leurs écrits" de la multinationale Mada avait-il menacé au lendemain de cet événement. Si les treize adversaires de Marc Ravalomanana ont ARTICLE SIGNÉ FABIENNE POMPEY, LE MONDE - extraits choisi de l'affronter aux urnes, ils n'ont pas cessé de contester "la légalité du scrutin" et tenté notamment cinq ans, devant pays, ornant les murs des supermar- de nickel et de cobalt et représente 2,2 teur éclairé." Ce portrait au vitriol n'est en saisissant la communauté internationale, d'obtenir IL Y A quelques journalis- chés comme des épiceries de village. milliards de dollars (1,6 millions d’eu- pas celui d'un opposant, mais d'un son report et la démission du président tes étrangers un peu éberlués, Marc Lorsqu'il a créé sa formation politique, ros, 787 millions fc). député du TIM qui connaît le prési- Ravalomanan. "La précipitation dans laquelle le Ravalomanana sautillait sur son tout le TIM, Tiako'i Madagasikara (J'aime "Nous avions pour priorité les infras- dent. pouvoir organise cette élection constitue déjà un cas nouveau siège de chef d'Etat en répé- Madagascar), la similarité entre "Tiko" tructures, la réduction de la dette, le Le principal reproche fait au chef de de force majeure" dénonçait le candidat Monja tant, tout sourire : "Je suis content ! je et "Tiako" a permis au parti de se faire développement rural, l'éducation et la l'Etat est de rester un homme d'affaires Roindefo du parti Monima. Norbert Ratsiraounana, suis content !" Content d'avoir conquis connaître très rapidement dans les santé de base, l'assainissement du cli- et de continuer à faire prospérer ses qui fut pourtant un des alliés de Ravalomanana en le pouvoir, après une lutte de plus de coins les plus reculés du pays. mat général. Tout ça, nous l'avons entreprises. Depuis son accession au 2001, est encore plus virulent et parle de "meurtres, six mois avec son prédécesseur, Didier fait", affirme le premier ministre, pouvoir, Tiko s'est agrandie. La socié- voies de fait et menaces" dont seraient victimes les Ratsiraka, usé par trente ans de pou- PÉTRI D'AMBITION, pour lui-même Jacques Sylla. Il reconnaît que tous ces té a bénéficié, comme d'autres, de lar- militants de son parti l'AVI. L'ancien premier minis- voir. Content de pouvoir enfin faire de mais aussi pour son pays, M. changements n'ont pas eu "l'impact ges exonérations fiscales décidées par tre et ancien chef de l'Etat par intérim, qui fait partie Madagascar "un pays qui gagne". Ravalomanana est persuadé qu'il peut immédiat" que les Malgaches atten- le chef de l'Etat sans aucune consulta- avec Hérizo Razafimahaleo de l’un des candidats de Content aussi certainement de son par- mettre à profit son savoir-faire d'entre- daient. "Nous nous sommes attaqués tion. poids à cette élection, attribue ces agissements aux cours d'autodidacte, de fils de laitier preneur au service du développement au fondement, à la base ; maintenant, Sa petite société de construction a rem- militants du TIM, le parti au pouvoir. devenu businessman puis président de de Madagascar. Déjà, alors qu'il était nous pouvons bâtir un développement porté plusieurs marchés publics. Il a pu la République. maire de la capitale, les habitants recon- solide", argumente-t-il. Dans l'admi- acheter pour sa nouvelle société de riz POUR LAPRESSE MALGACHE, ces polémiques, Ce quadragénaire, novice en politique, naissaient sa redoutable efficacité. Elu à nistration, dit-il, le gouvernement a quelque 5.000 hectares de rizières. "Il ajoutées aux bouderies, n'ont fait que retarder l'entrée n'avait comme expérience de la ges- la tête du pays, son style n'a pas vrai- instauré une toute nouvelle "culture de ne vole pas, ne détourne pas, mais il a en campagne des candidats qui ont ainsi abandonné tion des affaires publiques que ment changé. En cinq ans, on a fait plus résultat". tendance à mélanger les genres et à le terrain à Marc Ravalomanana, lequel n'a pas lési- quelques années passées à la tête de la pour les infrastructures routières que mettre les moyens de l'Etat au service né sur les moyens pour mener une campagne à l'a- mairie d'Antananarivo. En revanche, il depuis l'indépendance, en 1961. Plus de M. SYLLA RECONNAÎT que la vie du développement de ses intérêts", méricaine. Le leader du TIM a inondé le pays de cas- avait déjà un don incontestable pour la 4.500 kms de route ont été construits ou quotidienne des Malgaches reste diffi- commente un diplomate occidental. quettes, de tee-shirts et d'affiches. A chacun de ses gestion d'entreprise. Grâce à un des réhabilités. Des centaines de postes de cile. L'inflation n'a pas été maîtrisée L'autoritarisme de M. Ravalomanana déplacements, accompagné d'une kyrielle d'artistes premiers prêts de la Banque mondiale santé primaire et plus de 1.000 salles de (18,4% en 2005 et 10,5% prévus en et peut-être son manque d'expérience parmi les meilleurs de l'île, il a rempli les stades. au secteur privé, dans les années 1990, classe ont été construits. Le taux de sco- 2006), les salaires ont peu ou pas aug- politique lui ont valu de perdre, en cinq Pendant que ses adversaires ciblaient leur campagne Marc Ravalomanana a créé la société larisation des enfants de 6 ans est passé menté. Le salaire moyen des ans, plusieurs de ses soutiens. Deux sur l'organisation du scrutin, Marc Ravalomanana, Tiko, devenue rapidement un véritable de 68% à 98%, selon les chiffres offi- Malgaches n'excède pas 33 euros par partis politiques d'opposition, dirigés lui, s'est emparé du MAP (Madagascar Action Plan), empire, en tout cas à l'échelle malga- ciels. Le climat des affaires a été amé- mois, et à peine 15% de la population par de "vieux renards" de la politique, un plan de 5 ans élaboré par le gouvernement et ava- che, de l'agroalimentaire. lioré avec l'adoption d'une loi foncière est salariée. Mais c'est sur sa façon de qui l'avaient soutenu en 2001, se pré- lisé par les partenaires internationaux, et en a fait son Après le yaourt, il s'est lancé dans la qui sécurise l'accès à la terre, notam- diriger que M. Ravalomanana est le sentent contre lui. Il devra également, propre programme, appelant les Malgaches à "faire vente en gros de produits de base. Il ment pour les groupes étrangers, et d'un plus critiqué. "Il se comporte en chef cette fois, se passer de l'appui des le choix de la continuité". Il faut dire que si les cri- possède aussi une petite entreprise de nouveau code des investissements. d'entreprise, mais il n'est pas proprié- Eglises, qui avaient joué un rôle fonda- tiques ne manquent pas contre un président qui "ne travaux publics, une radio, une chaîne Deux grands projets miniers devraient taire de Madagascar. Il gère le pays mental en 2001. sépare pas sa fonction de président et celle de chef de télévision. Le logo de Tiko, vert et se concrétiser dans les deux prochaines comme sa boîte, ne consulte pas, diri- d'entreprise" souligne un habitant de Mahajanga, bleu, était déjà diffusé dans tout le années. L'un d'eux concerne l'extraction ge de plus en plus seul. C'est un dicta- FABIENNE POMPEY (LE MONDE)

30 kashkazi 58 décembre 2006 Un esprit de conquête AGRÉÉ PAR IATA Un esprit de conquête Matembezi Travel, a fait le pari d'ouvrir les portes des Comores au tourisme mondial et de s'inscrire dans le formidable élan qu'a pris Le tourisme, c'est notre métier l'Afrique et de jouer la carte de l'avenir. L'Afrique présente un fort L'industrie du tourisme mondial connaît une expansion remarquable. Avec une potentiel touristique : le nombre de visiteurs passera à 47 millions croissance de 11% en 2005, l'Afrique a enregistré au niveau mondial la plus en 2010 et à 77 millions en 2020 selon les estimations actuelles. forte croissance en terme d'arrivées internationales. En 2005, le continent a reçu Ce volume pourrait être en hausse 36,8 millions de visiteurs, soit 10 millions de visiteurs de plus qu'en 2004. De plus, si un certain nombre d'actions étaient entreprises. en 2006 le secteur touristique devrait représenter 9,9% du PIB africain et créer 16.060.000 emplois soit 7,8% du marché du travail.

Agence Matembezi Travel au Salon Tourisme Africa 2006 Matembezi Travel, le partenaire des Iles de la lune

Un marketiing offensiif Matembezi Travel a été sélectionné pour Une équiipe dynamiique défendre la destination des Iles de la lune au Nous innovons tous les jours pour être les premiers Salon Tourism Africa 2006. Un rendez-vous dans le secteur. Des cadres de Matembezi Travel des professionnels du tourisme qui a réuni en se sont rendus à Genève du 12 au 15 septembre une seule plateforme et sur une durée de 2006 pour être au cœur de l'événement. quatre jours des décisionnaires africains et Le moment est venu pour les pouvoirs publics de internationaux sur les stratégies de dévelop- faire confiance aux professionnels. pement des marchés et des coopérations.

(0269) 73 04 00 / 73 04 22 / 33 04 00 [email protected]

kashkazi 58 décembre 2006 31 alternatives idées

une idée à creuser Des entrepreneurs sociaux pour changer le monde

Fondée par un Américain, l'association Ashoka mise sur des individus acharnés pour résoudre des problèmes à l'échelle des pays et, à long terme, de la planète.

rer les personnes porteuses de projets novateurs et susceptibles d'avoir un large impact social. "Un entrepreneur social ne se contente pas de donner du poisson à celui qui a faim, ni même de lui apprendre à pêcher. Il révolutionne l'in- dustrie de la pêche pour nourrir tout le monde !", souligne Bill Drayton, qui raconte dans le livre "Comment changer le monde" de David Bornstein (1) ses premières recherches effectuées en Inde : "Nous procédions de façon très systéma- tique : dès que nous entendions parler de quelqu'un qui avait mis en place des mesures innovantes dans l'intérêt géné- ral, nous allions le voir. A tous, nous posions inlassablement les mêmes ques- tions : "Qui dans votre domaine, en tant que citoyen ordinaire, a suscité un chan- gement important qui vous concerne réellement ? Comment cela marche-t-il ? Est-ce nouveau ? Où pouvons-nous trou- ver cette personne ?""

LES CANDIDATS SUBISSENT ensuite durant six mois une sélection rigoureuse pour savoir si leur idée est vraiment nou- velle, si elle est susceptible de devenir la norme dans le domaine concerné, s'ils pourront surmonter tous les obstacles pratiques qui se présenteront à eux et s'ils sont "suffisamment possédés par leur idée pour y consacrer 10 ou 20 ans de leur vie". Les quelques élus se voient attribuer une bourse leur permettant de se consacrer à leur projet à temps plein pendant trois ans. L’équipe française Elitiste mais efficace, la démarche de l’association Ashoka. consiste à miser sur des individus d'ex- Ils se sont fixés trois ception, capables de mobiliser autour objectifs principaux : d'eux les énergies nécessaires pour révo- sélectionner et accompagner une idée fixe et mélange des genres : "Bill Drayton parie grandes universités leur consacrent des lutionner les secteurs de la santé, de l'é- 5 à 6 entrepreneurs sont prêts à s'a- sur les entrepreneurs pour changer le modules. L'attribution du Prix Nobel de ducation, de l'économie ou de la prise en particulièrement novateurs ILS ONT par an, promouvoir charner toute leur vie pour la mettre en monde", "Ashoka, multinationale du la Paix à Muhammad Yunus, qui a répan- charge sociale dans les pays où Ashoka l’entreprenariat social, application… Pour Bill Drayton, ces don"… Sa philosophie a fait grincer des du le système du microcrédit dans le intervient. L'idée de départ est simple : et contribuer à l’évolution inconnus sont capables de changer le dents mais les projets soutenus par son monde, est symbolique de cette recon- pour s'imposer, les idées novatrices ont du secteur de l’économie monde, pour peu qu'on les encourage. organisation sont en phase avec les idées naissance. besoin d'être défendues jusqu'à l'obses- sociale française. Diplômé de Harvard, consultant en défendues par le mouvement altermon- Lancée à la fin des années 70, Ashoka, sion par des personnes qui y croient. (DR) management dans un grand cabinet, cet dialiste : électrification (solaire) des l'association de Bill Drayton, a pour but De chacun de ces projets, l'organisation homme pas tout à fait comme les autres espère cependant tirer des enseigne- était le prototype du haut cadre améri- ments et des intérêts collectifs à l'échelle cain en pleine réussite, rompu aux roua- “Qui dans votre domaine, en tant que citoyen ordinaire, de la planète. Pour Drayton, le "repérage ges de l'administration et aux règles du a suscité un changement important qui vous concerne des grandes idées capables de changer marché. Un enfant du monde capitaliste, la réaction du monde à un défi majeur", devenu pionnier d'un secteur qui fait des réellement ? Comment cela marche-t-il ?” puis la "diffusion systématique pour que émules depuis quelques années : l'entre- BILL DRAYTON, INVENTEUR DU CONCEPT ces idées deviennent la nouvelle réalité" prenariat social. doivent passer par l'élaboration de modè- Sans prononcer de grand discours contre campagnes au Brésil ; mise en place de financer la réalisation de projets capa- les applicables dans différentes parties la marche économique de la planète et la d'une ligne d'assistance aux enfants en bles d'apporter, à l'échelle d'un pays, de du monde, à l'image du système de répartition des richesses entre les hom- danger dans toutes les grandes villes réels changements sociaux ou environ- microcrédit. mes, il a décidé qu'il fallait les révolu- d'Inde, révolution des institutions pour nementaux. Présente aujourd'hui dans 53 Au moment où les Etats peinent à assu- tionner de l'intérieur, en employant les handicapés en Hongrie… pays, l'organisation financée essentielle- mer leurs missions, les "entrepreneurs +LOIN mêmes armes que le capitalisme : mana- Aujourd'hui, l'idée que les entreprises à ment par des fonds privés a aussi tissé un sociaux" se situent dans un mouvement gement, marketing, lobbying… Les tit- but lucratif et à but social peuvent réseau de relations et de compétences plus large de multiplication des Le site français d’Ashoka : www.ashoka.asso.fr res de la presse française, qui ont annon- apprendre et profiter les unes des autres visant, chacune dans son domaine, à structures associatives et Le site mondial d’Ashoka : cé en 2005 l'implantation de son associa- fait son chemin. De nouvelles fondations "changer le monde". Dans les pays citoyennes, souligne David www.ashoka.org tion dans l'Hexagone, témoignent de ce soutiennent les entrepreneurs sociaux, de concernés, un comité est chargé de repé- Bornstein. "Si le public a été ...

32 kashkazi 58 décembre 2006 initiatives alternatives

... fortement sensibilisé aux pro- loppée à Mwali, sous forme villageoise, blèmes mondiaux, il est égale- et à Ngazidja, par le biais de la diaspora- initiative ment de plus en plus convaincu et l'attentisme à l'égard de l'Etat. Si les locale de l'incapacité des Etats à les résoudre", citoyens sont souvent actifs à l'échelon Santé : écrit le journaliste. "Au cours des vingt local, les initiatives sociales ou écono- dernières années la démocratie a triom- miques à au niveau du pays ou même phé dans le monde entier. Pourtant, la d'une île sont rares. La concurrence entre vers un réseau participation électorale a décliné dans villages encourage la compétition plutôt presque tous les pays (…) Après des qu'une réflexion collective pour amélio- décennies de politiques de développe- rer et étendre des modèles qui marchent. ment inefficaces et de stratégies déce- Les cas d’adduction d’eau menés dans de mutuelles ? vantes (…) beaucoup en sont arrivés à la un seul village ne sont pas rares... conclusion que si l'Etat se doit de mettre Quant aux individus porteurs d'un projet L'expérience des mutuelles de santé en est à ses balbutiements en place des politiques traduisant la innovant, ils se heurtent souvent à la à Ndzuani. Si le modèle fonctionne, un réseau autogéré comme volonté publique, il n'est pas forcément méfiance, voire la réprobation de leur l'organe le plus efficace ni même le seul communauté. Sans parler des innombra- celui des Meck pourrait voir le jour d'ici une dizaine d'années. légitime pour assurer divers services bles freins adiministratifs et bancaires. sociaux. Et il est souvent moins créatif Jusqu'à quand ? que mes 6.000 fc [12 auront besoin. Dans cette optique, les structu- que des associations civiles animées euros, ndlr] que je res communautaires, syndicales ou culturelles d'un esprit d'entreprise (…)" LISA GIACHINO "JE SAIS cotise par an peuvent me soigner, et soigner qui marchent et ont la confiance de leurs mem- Aux Comores, la société civile est (1) David Bornstein, Comment changer le monde, aussi un voisin. J'ai enfin compris que c'est bres se révèlent des cibles précieuses. tiraillée entre une prise en charge com- Les entrepreneurs sociaux et le pouvoir des idées une voie pour notre bien-être, pas seulement munautaire des problèmes -surtout déve- nouvelles, La Découverte, Paris, 2005 pour ma famille, mais aussi pour notre région, COMME L'EXPLIQUE BOUTIQUANT, les car avant c'était dur de nous faire sortir cette personnes prises individuellement ont en effet grosse somme avec la crise qui secoue notre du mal à se projeter dans l'avenir et ont tendan- David Bornstein Comment changer le monde, île." Voilà comment Fatima, une habitante de ce à ne venir s'inscrire qu'en cas de maladie Les entrepreneurs sociaux et le pouvoir des idées nouvelles MORCEAUX CHOISIS Wani, à Ndzuani, résume le principe des coûteuse ou à quelques semaines d'un accou- mutuelles de santé. Sous l'impulsion du Centre chement, ce qui compromet le bon fonctionne- international de développement et de recher- ment des mutuelles, qui repose sur la solidari- che (CIDR), une ONG française qui a déjà té. "C'est pour cela qu'on a choisi de privilé- “Une idée est comme lancé une expérience similaire à Ngazidja, les gier d'abord les associations et les groupe- associations féminines de sa ville se sont ments : les gens vont contribuer ensemble et regroupées cette année pour constituer une chacun, dans sa mémoire, se dira qu'il a par- mutuelle qui compte aujourd'hui 500 adhé- tagé le risque avec les autres", indique-t-il. une pièce de théâtre” rents. La coordination prévoit de mettre en place huit A Ongoujou, la seconde localité de l'île qui mutuelles d'ici fin septembre 2007. Selon l'é- DEPUIS UN SIÈ- re où le réchauffement planétaire suscite teste la prise en charge mutuelle des soins de tude de faisabilité, le réseau pourrait compter santé, ce sont les membres de l'organisme de 20.000 bénéficiaires dans huit ans et pourrait CLE, BEAUCOUP de grandes inquiétudes par exemple, on micro-crédit Sanduk qui ont commencé à coti- alors atteindre le seuil de viabilité financière DE RECHERCHES pourrait se dire que "l'écologie" est une ser. Ils sont aujourd'hui 400. sur les modèles des Meck et des Sanduk. ont été menées sur idée de ce temps. Aujourd'hui aux États- Autre évolution possible, des négociations les entrepreneurs du Unis, elle semble à la fois l'être et ne déjà CHAQUE COMMUNAUTÉ crée la formule menées avec les hôpitaux régionaux afin que secteur marchand plus l'être à en juger par les millions de la plus adaptée à ses besoins en choisissant un les adhérents puissent se faire soigner partout (…) Non seulement les entrepreneurs ont gens qui s'obstinent à se promener en ville ensemble de prestations et la cotisation qui lui où ils sont, ou du moins dans l’ensemble des été disséqués sous le microscope, mais dans des 4x4 - véhicules les plus polluants correspond. Les femmes de Wani ont ainsi centres de santé de l’île. A long terme, des leurs talents ont été nourris par des systè- qui soient (…) décidé de payer chaque année 6.000 fc afin de accords avec des hôpitaux de la région océan mes de valeurs, des politiques publiques et Une idée est comme une pièce de théâtre : voir leur grossesse prise en charge depuis les Indien pourraient même être envisageables consultations jusqu'à l'accouchement et même, pour organiser les évacuations sanitaires. une large gamme de soutiens institution- même si c'est un chef d'œuvre, il lui faut en cas de besoin, jusqu'à la césarienne. Tout dépend du comportement des associations “nels. un bon producteur et un bon attaché de Médicaments et hospitalisation sont également et de la crédibilité qu'elles parviendront à se for- Les entrepreneurs sociaux n'ont en revan- presse (…) De même, une idée ne se déta- pris en charge. ger, préviennent les responsables du projet. che fait l'objet que de très peu d'attention chera pas des autres pour être universelle- Pour une cotisation deux fois moins élevée, les Historiquement, ils ont toujours été clas- ment adoptée simplement parce qu'elle est adhérents d'Ongoujou voient leur hospitalisa- NAOUIR EDDINE PAPAMWEGNE sés dans la catégorie des humanitaires ou bonne ; elle doit être habilement vendue tion et leurs médicaments pris en charge, mais des saints, et les récits de leurs actions ont avant de pouvoir modifier véritablement paient eux-mêmes leurs consultations. été transmis plus sous la forme de contes les conceptions et les comportements des Selon Boutiquant, le coordinateur du projet à pour enfants que d'études de cas concrets. gens. Cela vaut tout particulièrement si l'i- Ndzuani, un groupe de 400 personnes est une bonne base pour lancer une mutuelle. 12 mutuelles (…) dée menace les puissants ou va à l'encont- "Lorsqu'on a ce chiffre, on procède à des ren- Cette différence de traitement semble re des normes ou croyances établies. (…) contres avec l'association pour expliquer ce à Ngazidja refléter une perception différente du rôle qui est possible de faire, notamment dans les des individus dans la sphère sociale et JE ME SUIS PENCHÉ SUR DIVERS cas qui obligent une personne à aller vendre LE CENTRE INTERNATIONAL de dans celle des affaires. Dans la seconde, les changements intervenus dans toute une une parcelle pour se faire soigner : opération développement et de recherche individus sont reconnus depuis longtemps série de secteurs et j'ai remarqué une cons- chirurgicale, césarienne, accident grave... (CIDR) est intervenu pour la première comme des moteurs de changement (…) tante. Souvent, en remontant à la source Avec un tableau et une craie, on montre les dif- fois aux Comores en 1978, puis dans En revanche, (…) dans la théorie du chan- du changement, je trouvais quelqu'un qui férents choix possibles et c'est à l'association les années 80. Présent dans quinze pays d’Afrique, gement social, les idées sont au centre de travaillait avec acharnement mais dans de dire quelle formule elle choisit, parce que chaque fois qu'on inscrit un type de soin, on il développe des programmes de la scène tandis que les individus restent l'ombre, une personne dotée d'une vision, sait combien chaque membre doit cotiser." Des microfinances et microassurances dans le public. La pensée en est briève- d'une motivation et d'une ambition totales, accords sont ensuite passés entre les mutuelles sous forme de “recherche-action”. ment saisie par le célèbre adage de Victor d'un pouvoir de persuasion exceptionnel et et les centres de santé. Au Comores, il se concentre Hugo : "Il est une chose plus forte que tou- d'une énergie remarquable. L'origine du Après Wani et Ongoujou, la ville de Sima principalement sur le domaine tes les armées du monde, c'est une idée système postal que nous connaissons devrait suivre d'ici deux ou trois mois. de la microassurance. dont le temps est venu." aujourd'hui est un exemple classique. Il a Mutsamudu attend la restructuration de l'asso- Le projet de mise en place d’un été introduit en Angleterre en 1840 par ciation Shama sha Unono pour se lancer. Mais réseau de mutuelles de santé dans LE PROBLÈME DE CETTE DÉCLA- Rowland Hill, un instituteur britannique les mutuelles peuvent couvrir un groupe de l’archipel n’est pas nouveau. A Ngazidja, les premières études de RATION est qu'elle fait la part trop belle (…) dont les idées ont dans un premier personnes selon des critères autres que géogra- phiques : le Syndicat national des agriculteurs faisabilité ont démarré en 1995 dans aux idées. Elle ne tient pas compte du fait temps fait l'objet de bien des railleries…” comoriens (Snac), par exemple, envisage de le . qu'une idée doit s'imposer face à toutes les créer sa propre structure de santé. L'objectif est L’île compte à présent 12 mutuelles autres pour capter l'attention et gagner sa David Bornstein, Comment changer le monde, de mettre peu à peu en place un réseau de qui totalisent 6.853 adhérents. légitimité (…) Les idées "dont le temps est Les entrepreneurs sociaux et le pouvoir des mutuelles qui, à terme, garantira à un maxi- Quatre autres sont en cours de finali- venu" fourmillent autour de nous. A l'heu- idées nouvelles, La Découverte, Paris, 2005 mum d’habitants d'être soignés lorsqu'ils en sation.

kashkazi 58 décembre 2006 33 dossier Madagascar Comores voisins

Alors que les Comoriens ont fait de Mahajanga leur deuxième capitale, certains Malgaches n’hésitent pas à parler du peuple comorien comme d’une 19ème tribu. C’est que l’histoire de ces deux populations n’est pas étrangère.

heure trente de vol relie tes sont meilleures maintenant" explique le l'aéroport de Ouani chauffeur qui doit slalomer entre les pié- (Ndzuani) à celui de tons, les tireurs de pousse-pousse, des char- Philibert Tsiranana à rettes tirées par des zébus, en évitant de UNE Amborovy. La briève- heurter les étalages de fortunes qui expo- té du voyage ne laisse pas le temps du sent sur des centaines de mètres le long des dépaysement. Le climat est identique. Seul trottoirs, une diversité indescriptible de le contraste entre la terre rouge et poussié- marchandises. Mahajanga semble cons- reuse de Madagascar et la lave noire des truite sur un même niveau. Une ville sans Comores rappelle que nous avons changé frontière qui débute nulle part et se prolon- de terre. Une fois franchie la porte de sor- ge jusqu'au front de mer, lieu de loisirs des tie de l'aérogare, l'ambiance renvoie à celle habitants qui se retrouvent en fin de jour- du pays de provenance. Des visages née pour respirer l'air marin autour des bro- connus ou inconnus s'approchent pour chetteries. De coquets restaurants vous saluer et s'assurer que vous n'êtes pas accueillent les touristes sur ce boulevard où porteur de courriers ou de colis qui leur l'on aperçoit au loin le célèbre baobab, sont destinés. Une fois déchargé de ces symbole de la ville. commissions, vous voila poussé avec vos bagages dans un taxi, sans avoir le temps UNE LIGNE de démarcation invisible d'indiquer sa destination. Seul plaisir dans sépare néanmoins Mahajanga Bé, la ville cette bousculade, celui de se trouver dans nouvelle où l'on retrouve les grands maga- une 4L. Ce qui ailleurs est presque une voi- sins, les restaurants et les hôtels, du reste de ture de collection, est la série la plus répan- la cité, la plus pauvre, dans laquelle vit la due à Madagascar. La route qui mène à la grande majorité de la population. Les quar- ville, traverse un no man's land, où l'on tiers se ressemblent. Et des noms évoca- imagine de part et d'autre des rizières assé- teurs… De Saramandroso à Labattoir, en chées. La chaleur est torride en ce mois de passant par Tsararano, Ambalavoula, novembre. A moins d'un quart d'heure de Manga, Mahabido, on croise les mêmes route, apparaissent les premières habita- maisons en tôles ou en torchis, des cani- tions. Un méli-mélo de paillotes et de mai- veaux ouverts où ruissellent les détritus sons en torchis à perte de vue qui font pen- provenant des hauteurs de la ville. Les ser à un bidonville interminable. De temps chats, les chiens et les rats ont appris à en temps, une maison en dur, sans doute la vivre avec les hommes. Des projets d'amé- demeure d'un nanti, un magasin ou un nagement sont en cours, notam- hôtel, tranche dans ce flot de misère. Plus ment pour les marchés transfé- on pénètre dans la ville, plus on touche au rés en attendant, le long de la plus près ce décor de désolation. "Les rou- voie qui part du rond point de ...

34 kashkazi 58 décembre 2006 voisins de sang dossier

Tandis que les Malgaches votent en décembre pour leur président, Kashkazi s’arrête sur les liens historiques, culturels et sociaux qui unissent Malgaches et Comoriens. L’histoire, parfois sanglante, a fait de ces deux peuples plus que des voisins, mais moins que des frères.

PAGE DE GAUCHE Un Malgache d’origine sakalava, selon la description d’une carte postale de l’époque coloniale. Les Sakalava sont présents à Madagascar et aux Comores. (collection Gallica, BNF) de sang CI-DESSOUS Carte de Madagascar et de l’archipel des Comores, datant de la fin du XIXème siècle. On y trouve huit îles Comores ! (Archives départementales de Mayotte) ... Mahabibo jusqu'au fond de passé… par les Comores. "Il est tout à fait très éloigné de telles influences, en est resté Labattoir, le village des possible que la symbiose africano-indoné- indemne", indique l'Histoire générale de "Adzoudzou" (nom malgache sienne ait commencé dans les îles Comores l'Afrique. Ainsi, tandis que des entités poli- des Grand-comoriens). "Les Anjouanais ou dans le nord de Madagascar", affirme tiques distinctes se mettent en place -dans vivent plutôt à Ambalavola et à l'Histoire générale de l'Afrique (2). Pierre l'archipel, les sultans se disputent le pou- Tsararano", nous apprend-on. Simon lance quant à lui l'hypothèse que le voir, à Madagascar, les Merina contrôlent Il y a encore quelques années, les paléo-malgache ait pu se former à Maore une bonne partie du pays-, des liens Comoriens étaient de loin la première com- (lire par ailleurs). humains se pérennisent. munauté non autochtone de Mahajanga, la Quoi qu'il en soit, "les brassages qui sont le L'une des périodes les plus célèbres, les côte malgache la plus proche de l'archipel fruit des migrations continuelles de ces plus noires aussi, de l'histoire commune des que les bateaux mettent un peu plus de peuples en mouvement, ont nourri et ren- deux ensembles se situe entre 1790 et 1820 douze heures à atteindre. forcé plutôt les liens de parenté", explique environ. Une proximité qui explique évidemment Hadj Soudjay Bachir. Sénateur originaire "Au XVIIIème siècle", rapporte l'Histoire l'aisance avec laquelle furent menées les de Katsepy, un village traditionnel séparé générale de l'Afrique, dans l'Iboina malga- incursions attribuées aux Betsimesaraka de Mahajanga par le canal de Bombetoka, che, "les comptoirs et les marchands entre la fin du XVIIIème et le début du Soudjay Bachir situe au VIème siècle "l'ar- musulmans furent placés de force sous la XIXème siècle. Ces fameuses razzia qui rivée des Antalaotes qui sont remontés du protection du roi volamena. Majunga s'a- ont nourri les chroniques des navigateurs et Golfe persique bien avant l'islamisation, grandit et devint la capitale de l'Iboina, tan- passionnent les historiens. Belliqueuses et introduite au XIème siècle". dis que ses rois et leur cour, établis à traumatisantes, ces relations des habitants de la grande île du canal de Mozambique avec les confettis qui l'entourent, attestent “Les brassages qui sont le fruit des migrations continuelles néanmoins des liens séculaires entre Comoriens et Malgaches. Le sang versé ou de ces peuples en mouvement ont nourri les liens de parenté” mêlé par les mariages en a fait des frères. HADJ SOUDJAY BACHIR, MEMBRE DE L’ACADÉMIE MALGACHE Le partage d'un même espace géogra- phique a déterminé une communauté d'his- toire indéniable. Les historiens ont beau Membre de l'Académie malgache, dont les Marovoay, atteignaient une splendeur souligner les différences d'origine, ils but- recherches sur les langues malgache et inégalée dans toute l'île. A l'époque tent sur leur interaction. française l'ont propulsé à la présidence de la d'Andrianinevenarivo (mort en 1752), commission sur le système éducatif public l'Iboina était à son apogée. Des immigrants "LES OCCUPANTS (de Madagascar) sont et privé de son pays, ce connaisseur de l'his- venus du nord et se dirigeant vers le sud arrivés par mer. D'Afrique, sans doute, toire de Mahajanga confirme l'ascendance avec leurs troupeaux, absorbèrent progres- mais probablement du fond de l'océan arabe des Antanaïnamoro et des Sakalava. sivement la plupart des Bambala restants. Indien, et notamment d'Indonésie. Tantôt Il intègre ainsi la composante afro-arabe, Cela entraîna non seulement la disparition un mélange intime s'est réalisé entre ces dif- qui définit selon E. Mbokolo les peuples du bantu que parlaient les tompon-tany férents éléments, tantôt il ne s'est pas pro- swahili dont seraient issus les habitants des mais aussi une évolution préjudiciable à l'é- duit du tout", décrit Elikia Mbokolo (1). Le Comores. Pour l'archéologue Claude conomie à un moment où les Etats sakala- célèbre historien de l'Afrique comptabilise Allibert, le nom arabe de "Komr" (îles de va avaient besoin d'un nombre accru d'agri- 18 ethnies dont la diversité n'a pas empêché la lune), englobait dans la vision des pre- culteurs. Comme il devenait difficile de la construction d'une unité nationale autour miers conquérants arabes, Madagascar et trouver de la main d'œuvre agricole dans s'arrêtent ordinairement dans la baie de couchant." de la langue et des coutumes. Philibert les Comores, même s'il ne s'applique les autres régions de Madagascar, les Vohemar et se réunissent à leur tour à un "Alors que l'expédition annuelle intéresse Tsiranana, le premier président de la actuellement qu’à ces dernières. Sakalava se mirent à faire des razzias dans grand nombre de pirogues expédiées des 1.000 guerriers à peine montés sur 30 piro- République malgache en a ajouté une les îles Comores, et même dans le sud-est contrées qui avoisinent cette baie. Ils par- gues au maximum, les incursions revêtent 19ème : les Comoriens. Non sans raisons. LES SIÈCLES SUIVANTS n'ont cessé de de l'Afrique." tent ensemble et continuent de suivre les tous les 5 ans une importance particulière", Si au niveau du peuplement, les historiens voir les habitants de ces îles passer de l'une Dans un article consacré aux incursions sinuosités des côtes en se renforçant tou- indique Andrée Manicacci. "On ne croirait mettent en évidence les éléments africains à l'autre, pour le commerce ou les conquê- malgaches aux Comores (3), Andrée jours d'un plus grand nombre d'embarca- jamais que ces nègres audacieux, excités et arabes des occupants de l'archipel como- tes. "Avec l'essor de la culture maritime Manicacci rapportait en 1939 les propos de tions et arrivent enfin à l'île de Nossi-Bé. Ce par l'espoir d'une riche butin, ont la hardies- rien et concluent à leur origine swahili, "par swahili sur la côte orientale d'Afrique, les M.E. Colin, qui racontait le déroulement lieu est le rendez-vous général de toutes les se de traverser les mers dans des troncs d'ar- adoption de la culture swahili et de la reli- relations se sont intensifiées entre les deux d'une razzia. "Vers le mois d'octobre, les pirogues, et celles qui, en petit nombre, sont bre creusés, sans autre moyen de diriger gion musulmane", précise E. Mbokolo, rives du canal du Mozambique. Des colo- chefs des différents villages de la côte est de expédiées de la côte occidentale de leur course que la vue des astres et toujours certaines sources attestent la composante nies de musulmans s'installent dans l'archi- Madagascar à commencer par Tamatave, Madagascar y sont rendues lorsque celles exposés à se voir engloutis au moindre malaise des Wamatsaha, considérés pel des Comores. C'est ainsi que le nord- envoient des pirogues armées chacune de de la côte opposée de l'île y arrivent. Cette vent", rapporte dans un style typiquement comme les premiers habitants de Ndzuani, ouest de Madagascar, plus proche de l'in- 30 à 35 hommes et dont le nombre est pro- réunion de force consiste quelquefois en colonial M.E. Colin. bien avant l'arrivée des Chiraziens et l'intro- fluence de ces groupes musulmans, a portionnel à la puissance de ces chefs. Ils 400 ou 500 pirogues qui portent 15.000 à Dans l'archipel, on craint ces duction de l'Islam. acquis par les mœurs et les traditions des remontent ainsi la côte, et, pendant le trajet, 18.000 hommes. Les Madécasses partent razzias, et on se défend comme D'autres vont plus loin, et affirment que le gens de la mer une identité de type swahili les pirogues des villages devant lesquels ils de ce point sous le commandement des on peut. "Aperçus du sommet de peuplement de Madagascar est peut-être et comorien : alors que le sud-est de l'île, passent se joignent à eux. Ces Madécasses principaux chefs et se dirigent vers le soleil l'Ouchoungui [mont Choungui, ...

kashkazi 58 décembre 2006 35 dossier voisins de sang

CI-CONTRE ... ndlr], alors qu'ils se trouvent Nyumashwa, réunissant des clans jadis Une encore très loin en mer, les enva- dispersés dans la campagne environnante représentation hisseurs sont aussitôt annoncés sur les premières pentes du piémont. (…) d’Andriantsoly, dans tout Mayotte, à l'aide d'un grand feu. Le peuplement mohélien acquiert alors le malgache en fuite Le signal est immédiatement transmis à caractère presque exclusivement littoral. qui a vendu Maore Anjouan, à la Grande Comore et à Mohéli. (…) Les ponctions humaines ont dû être à la France en 1841. La terreur règne bientôt partout. sévères. La démographie s'en trouve affec- (Archives départementales Epouvantés, les Comoriens se barricadent tée. Il en est ainsi résulté très certainement de Mayotte) dans leurs villages, se cachent dans les un amoindrissement des structures socia- forêts, laissant leurs bestiaux à la merci des les et politiques et inversement un accrois- pilleurs. Ceux-ci tentent rarement l'assaut sement de la dépendance à l'égard des villes : ils se contentent de les bloquer d'Anjouan." et d'enlever tous les habitants dont ils peu- Le 23 octobre 1917, la signature du traité vent se saisir pour les amener comme anglo-malgache met fin à ces razzias. esclaves." (4) Radama Ier, roi de Madagascar, proclame Ces razzias ont laissé des souvenirs pro- alors : "Habitants de Madagascar, on a fonds, et donné lieu à des légendes qui, au coutume de faire tous les ans une attaque XXIème siècle, ont toujours cours. Ainsi contre le sultan d'Anjouan et les îles celle d'Iconi datée à 1805, rapportée par Comores, notre ami, le gouverneur de Andrée Manicacci : "Mettant à profit Maurice a fait avorter celle qu'on avait pro- l'existence d'un ancien volcan tout proche, jetée pour l'année dernière, nous nous joi- gnons à lui pour interdire aux Malgaches tout acte d'hostilité contre le roi et les habi- “Les Comoriens étaient partout, tants de l'archipel des Comores". mais la proximité de Mahajanga en DEPUIS LORS, L'HISTOIRE des deux a fait un bastion des Comoriens” entités n'a cessé de s'entremêler. Au milieu

MOHAMED HACHIMO, UN COMORIEN DE MAHAJANGA du XVIIIème siècle, selon le manuscrit de Cheikh Ahmed Zaki, le Cheikh Salim, fils du sultan Ahmed de Ndzuani, "envoyait après l'avoir fortifié et pourvu d'une citer- des cargaisons d'hommes et de femmes ne, les habitants d'Iconi groupent dans son sur les marchés à esclaves à cratère femmes, enfants et vieillards. Les Madagascar…" Dans leurs conflits pour le hommes valides en défendent l'accès. Le pouvoir, "un frère d'Ahmed partit (en combat est sanglant (…) Karibangoue, 1783) à Madagascar et rallia les guerrier comorien, extermine à lui seul 32 Betsimisaraka qui viennent faire la guerre Malgaches (…) mais au moment où il à Anjouan". Après ses démêlés avec la regagnait sa case, ce héros de l'indépen- reine Ranavalona qui avait mis sa tête à dance locale est traitreusement tué par la prix, c'est à Ndzuani que Ramanetaka vint sagaie d'un Sakalave (…) Un terrible corps demander refuge vers 1822, auprès du sul- à corps se déroule alors sur les pentes du tan Abdallah. Celui-ci n'a fait que rendre volcan. Près d'être cernées, plusieurs fem- l'hospitalité que lui avait accordée le cou- mes se précipitent dans la mer du haut sin de Radama et ancien gouverneur de d'une falaise de 400 mètres". Mahajanga lors d'un de ses voyages à Quant aux Anjouanaises, elles "se sou- Madagascar. viennent encore de la mort de 200 d'entre Ramanetaka "fut installé à Habomo [un elles réfugiées dans un magasin à poudre quartier de Mutsamudu, ndlr], nommé près de Mutsamudu. Poussées par le dés- gardien en chef de la citadelle et plus tard quement qu'il est rattaché à l'administra- locale, composant, surtout à Mahajanga, par le président Tsiranana à propos des espoir après avoir été réduites à manger nommé gouverneur de la province de tion coloniale basée à Madagascar, en une clientèle recherchée par les leaders Comoriens, avait fait de Mahajanga sa leurs propres enfants, ces malheureuses Pomoni", indique Cheikh Salim. Puis dans 1912, puis plus encore en 1919. Ce jus- locaux. Détenant de nombreux sièges dans deuxième capitale… Aidés en cela par une femmes mirent le feu aux poudres et s'en- ses visées annexionnistes sur Mwali, qu'en 1946. les conseils municipaux, leur vote était proximité culturelle indéniable : "La parti- sevelirent sous les ruines". Abdallah y dépêcha Ramanetaka pour Ces 27 années d'administration commune déterminant", souligne J.L.Guébourg. cularité de Madagascar est que la popula- aller défendre ses intérêts contre le sultan n'ont fait que renforcer les liens anciens. tion a deux origines diamétralement oppo- CETTE HISTOIRE courte et cruelle a eu de la petite île. Nommé secrétaire du gou- Les élites comorienne et malgache se S'IL EST VRAI que ces Comoriens étaient sées dans l'espace : austronésienne et afri- d'autres conséquences plus décisives que verneur sur la petite île, le prince Hova retrouvent sur les mêmes bancs de l'école, intégrés dans l'administration, au sein des caine", indique David Jaonamoro, écri- ces légendes sur le destin des Comores. avait toute la confiance de son ami qui lui au lycée Galliéni ou à le Myre de Villers. forces armées et dans le secteur de la navi- vain malgache qui vit à Maore depuis neuf Comme le rappelle Andrée Manicacci, confia l'intérim du gouverneur. Mais il C'est aussi au cours de cette période qu'est gation maritime, la plupart travaillaient ans. "La population des hauts plateaux a "tout cela incita les sultans incapables de réussit par la ruse à obtenir les faveurs des encouragée l'immigration des Comoriens comme dockers, bouchers, cuisiniers et une origine très nettement indonésienne. défendre leurs populations à demander, au Mohéliens et trahit son amitié avec à Madagascar, attirés par les usines pour- ouvriers des sociétés coloniales. Malgré ce Sur les côtes, l'origine est africaine. Si on dehors, notamment aux colonies anglaises Abdallah, en se proclamant sultan de l'île voyeuses d'emplois. statut d'ouvriers, "nous étions considérés parle des côtiers, il y a une forte recon- Notes et françaises de la mer des Indes, des en 1888. "Les Comoriens étaient partout, mais la comme des privilégiés par rapport aux naissance identitaire avec les Comoriens, (1) Elikia Mbokolo secours de toute nature". L'archipel était Andriantsoly ne fit pas autrement. Roi proximité de Mahajanga en a fait une Malgaches" se souvient Gorille, un bou- dans l'interpénétration des langues, dans (2) Histoire géné- décimé, donc incapable de se défendre. sakalava chassé de son royaume du Boina, la religion… Je peux même dire que les rale de l’Afrique, "Un siècle de brigandages et de dépréda- il trouva refuge à Maore "où il avait reçu Malgaches des côtes sont peut-être plus éd. Unesco / tions avait profondément affaibli et meur- de son parent et ami d'enfance, une grande Présence africaine / “Nous étions considérés comme des privilégiés proches des Comoriens que des Edicef, 1989 tri l'Archipel (…) La plupart des habitants hospitalité" avant de reprendre lui-même par rapport aux Malgaches” Malgaches des hauts plateaux." Mais (3) La revue de ont péri sur place, tués par les pirates et la le trône à Bwana Kombo, le tombeur de lorsqu'on lui demande quelle est la vraie GORILLE, UN BOUCHER COMORIEN DE MAHAJANGA Madagascar n°26, famine, les autres réduits à l'esclavage sont Mawana Madi, le sultan légitime de l'île. A nature, aujourd'hui, de ces liens, l'auteur avril 1939 - article allés peupler Madagascar et l'île Sainte la demande de Bwana Kombo qui s'était évoque une simple amitié et une relation d'Andrée Marie, où l'ont retrouve encore parmi les réfugié à Mwali, Ramanetaka se rendit à place forte, un bastion des Comoriens", cher connu dans la ville de Mahajanga. de “bon voisinage”. La situation des Manicacci : Les incursions malga- insulaires ou Antanosy, des Antahimahory, Maore et réussit à rétablir les droits de son soutient Mohamed Hachimo. Pour ce Dans ce contexte colonial des années 40 Comoriens de Mahajanga en atteste. ches aux Comores. des Antagaziza et des Antiniray", écrit en protégé. Puis, déchu en 1828, c'est à vieux Comorien de Mahajanga, "c'était en où la conscience nationale malgache se (4) Mohéli, une île 1939 Andrée Manicacci. Ndzuani qu'Andriantsoly se replie, auprès prévision de l'insurrection de 1947 et pour développait, l'administration française se EN NOUS FAISANT visiter le quartier de des Comores à la Indirectement, les razzias, en affaiblissant d'Abdallah II… éviter une contagion indépendantiste sur méfiait des autochtones et courtisait les Labattoir, Gorille se souvient que c'étaient recherche de son les quatre îles de la lune, les ont poussées les autres îles, que l'Administration fran- membres des autres colonies pour les cou- des Comoriens qui détenaient la plupart identité, Claude Chanudet et Jean- dans les bras des puissances européennes. TANTÔT ALLIÉS, tantôt adversaires, les çaise a décidé en 1946, de détacher l'ar- per de la "subversion". Cette force démo- des petites activités marchandes. Un pou- Aimé Des puissances qui, quelques décennies sultans anjouanais et malgaches, lassés de chipel de la grande île, pour en faire une graphique, ajoutée au confort économique voir qui faisait que "rien ne nous résistait, Rakotoarisoa, plus tard, profiteront de leur implantation guerroyer entre eux, se partagent la souve- entité administrative". Dans son ouvrage même relatif et au poids politique, a per- notamment les femmes". Ce comporte- L'Harmattan, 2000 dans l'archipel pour conquérir raineté de l'archipel. Ramanetaka règne sur La Grande Comore (7), Jean-Louis mis aux Comoriens d'asseoir leur place à ment de supériorité, doublé d'un certain (5) Cheik Ahmed Madagascar. Troublant retour de bâton… Mwali, Salim sur Ndzuani et Andriantsoly Guébourg relève la présence d'une grande Mahajunga. "Nous avons construit nos mépris, touchait évidemment la fierté des Zaki Mais au-delà de ces considérations poli- reprend Maore qu'il cède à la France le 25 communauté comorienne "bien intégrée" mosquées, une école primaire pour scola- Malgaches, reconnaissent aujourd'hui nos (6) Madagascar, tiques, les razzias ont eu un impact sur la avril 1841, pour se protéger des appétits de à Madagascar. "A la fin des années 70", riser nos enfants qui a été par la suite prise interlocuteurs, qui avouent n'avoir jamais Paul Verdy, 1895, construction sociale des Comores. A ses voisins. Dans ce climat de désordre, la écrit-il, "ils étaient presque 49.000 répartis par le gouvernement malgache", se rap- fait d'effort pour s'intégrer dans la société Marc Barbou édi- teur Maore, les habitants ont fini par s'exiler sur France s'impose d'abord dans l'archipel, en six villes" dont 27.000 pour la seule pelle Gorille. "Nous avions les moyens d'a- malgache. Ce qui est impardonnable pour le rocher de Dzaoudzi pour y échapper. puis à Madagascar. (7) Jean-Louis agglomération de Mahajanga. L'historien cheter des parcelles, de construire nos certains groupes. Sans devoir renoncer Guébourg A Mwali, remarquent Claude Chanudet et La vision de Paris concernant les deux estime "autour de 60.000", le nombre de maisons [en tôles, ndlr]. Les communautés totalement à leur identité, les Comoriens Jean-Aimé Rakotoarisoa (5), "les popula- ensembles est alors simple, résumée par Comoriens résidant à Madagascar en villageoises se cotisaient pour construire avaient sous-estimé certaines valeurs tions ne tardèrent pas à s'organiser et pour Paul Verdy dans le livre Madagascar, 1974. "Assimilés à des Malgaches, for- des foyers où nous organisions des bals ou intrinsèques d'une société dans laquelle ils commencer se regroupèrent. Telle serait publié en 1895 (6) : l'archipel n'est qu'un mant de nombreux couples mixtes, ils ne nos manifestations culturelles et religieu- avaient pourtant toute leur place… l'origine de Fomboni ou celle de satellite de la grande île. C'est donc logi- se désintéressaient pas de la vie politique ses." La 19ème tribu malgache évoquée KES et RC

36 kashkazi 58 décembre 2006 voisins de sang dossier Maore, le trait d’union Géographiquement mais aussi culturellement, Maore représente le lien entre la grande île et les Comores. Sa population, dont 25% est kibushiphone, est depuis ses fondements un métissage de Comoriens et de Malgaches. Un particularisme utilisé comme un argument par les leaders du mouvement séparatiste.

des liens étroits qui unis- AU SEIN sent Madagascar et les Comores, Maore tient une place particulière. Plus encore que Mwali, elle est un trait d'union entre les deux ensembles. La géographie a fait de cette île la plus proche de Mada un refuge pour les vaincus des guerres tribales malgaches. Aux XVIIIème et XIXème siècles, ils furent nombreux à fuir la gran- de île, peuplant ainsi principalement la côte ouest de Maore, dont une grande partie parle kibushi aujourd'hui encore (lire par ailleurs). Mais les rela- tions "privilégiées" entre Maore et Madagascar remontent à plus loin, affirment les chercheurs qui ont étudié l'histoire de la région. "Certains auteurs modernes, linguistes pour la plu- part, Otto Christian Dahl, Pierre Simon, d'autres, à la fois archéologues comme Pierre Vérin ou Claude Allibert, inclinent à penser que l'île de Mayotte pourrait recéler un substrat de peuplement proto-malgache", soutient l'historien Jean-Claude Hébert (1). "Le linguiste norvégien Otto Christian Dahl, missionnaire luthérien à Madagascar, recher- chant la voie de migration suivie par les proto-mal- gaches a, le premier, exprimé l'opinion que la vague indonésienne qui a peuplé la grande île est venue par le nord-ouest, c'est à dire l'archipel des Comores, pour aboutir sur les rivages nord-ouest. Ces Indonésiens auraient vraisemblablement trans- ité par Mayotte [ainsi que par les autres îles de l'ar- chipel, ndlr]. (…) Pierre Simon a été plus loin, puisqu'il a lancé l'hypothèse que le "paléo-malga- che", comme il le dénomme, aurait pu se former à Mayotte où le fond dominant de la population aurait été d'origine indonésienne (…) Pierre Vérin est également partisan de cette thèse et pense qu'il y a eu jadis à Mayotte un phénomène de "créolisa- tion" d'une langue de souche indonésienne qui, par contacts avec une langue d'origine bantoue, aurait Des femmes dansant donné le proto-malgache (2) (…) Nous ne parlons le wadaha, à Maore, ici que des shi-bushi, car le problème des en novembre 2006. Antalaotra ("ceux venus de la mer") nous entraîne- (RC) rait trop loin. Les Antalaotra proviennent sans conséquence, laisser de traces manifestes. Ils n'en rencontres de peuples, de langues et de cultures dif- "Malgaches", clivage qui partagerait l'île et que l'on doute du même fond indonésien, comme l'indique ont laissé ni à Anjouan ni à la Grande Comore, et férentes, il n'en résulta pas pour autant que la socié- retrouve encore aujourd'hui dans les langues, est un leur nom ; mais ils se sont mêlés plus tôt aux navi- l'on voit mal pourquoi il en aurait été différemment té mahoraise née de ces rencontres à travers les clivage piège. Un élément intéressant de l'histoire “Le wadaha, appelé gateurs arabes, adoptant l'islam, et aussi leur mode à Mayotte. Même s'ils ont eu des enfants naturels âges soit une société polyethnique et multiculturel- de Mayotte se trouve dans le fait que les Mahorais aussi danse du de vie (…) Ce métissage leur est propre, alors que sur place, ces derniers n'ont pas pu connaître leur le. Au contraire, les données actuellement disponi- refusèrent Bwana Kombo comme successeur à pilon, est attribué géné- les shi-bushi peuvent être considérés comme de père, et l'on ne comprendrait pas comment, dans de bles permettent de penser que nous sommes en pré- Bwana Madi parce qu'il était de mère antalaotse. ralement aux femmes plus purs aborigènes, n'ayant adopté l'islam qu'au telles conditions, ils auraient pu apprendre la lan- sence d'une société fortement intégrée, résultant de Pour ces "Mahorais", Bwana Kombo allait les comoriennes. Cependant, siècle dernier." gue shi-bushi avant les invasions malgaches aux processus de construction, de reconstruction sans déposséder [du pouvoir, ndlr], ce qu'il ne manqua des minorités malgaches en L'ethnologue Jon Breslar note pour sa part que "les Comores et avant l'arrivée d'Andriantsoli. Peut-être cesse renouvelés, au gré des phases de peuplement, pas de faire lorsqu'il fit appel à Andriantsoli. Ainsi revendiquent l'origine. Ces derniers rapportent qu'à traits technologiques et stylistiques de certains il faut voir dans cette opposition une affaire de l'époque de la féodalité, les fragments de vase d'argile trouvés dans [la région prise de pouvoir et une dernière rivalité avant la femmes prenaient telle- de Majikavo à Maore, datant du IXème et Xème “Nous sommes en présence d'une société fortement intégrée, domination française. Deux groupes plus ou moins ment de plaisir à piler siècles, ndlr] font preuve d'une ressemblance résultant de processus de construction, de reconstruction sans islamisés -Andriantsoli acceptera de devenir qu'elles finirent pas inven- remarquable avec ceux que Vérin a trouvés dans la musulman à Mayotte- et qui ont eu des contacts ter des mouvements de région de l'Irovo au nord-est de Madagascar (…) cesse renouvelés, au gré des phases de peuplement (...)” immémoriaux au point de se demander lequel fut danse. Quand il n'y avait qui suggère une tradition commune et une unité IBRAHIM SOIBAHADDINE le premier dans l'archipel s'affrontent une dernière plus de paddy à concasser, elles mettaient des pilons culturelle entre Mayotte et Madagascar". fois en présence de l'ethnie antalaoste, shirazi par la dans le mortier en faisant même ce dernier a-t-il choisi de se réfugier à de dépeuplement", analyse Ibrahim Soibahaddine. tradition, malgache par la langue, et partie de la semblant de piler, disant CETTE THÈSE d'un peuplement de la région Mayotte plutôt que dans l'une des trois autres îles, Une fusion biologique s'est produite, affirme-t-il. côte africaine, venue (ou revenue ?) à Mayotte en qu'il s'agissait d'ohadraha. effectué via les Comores n'exclut pas les trois aut- parce qu'il savait y trouver des congénères malga- Le fond du continent africain n'a pas annihilé le compagnie d'Andriantsoli." Beaucoup plus tard, les res îles, même si les chercheurs cités dans cet arti- ches capables de le bien accueillir, principalement fond malgache, et vice-versa. Ainsi, notent Le Fur femmes zanatany como- cle ont tendance à parler uniquement de Maore -ce dans le milieu antalaotsy." (1) et Pichard, "la même nuit dans deux villages voi- ET DE NOTER "LE CLIVAGE linguistique de riennes assimilèrent cette qui n'est pas sans conséquence sur l'utilisation poli- La population mahoraise est donc selon les cher- sins, les Mahorais peuvent célébrer simultanément Mayotte, encore vivant aujourd'hui, entre shimaore danse et se l'approprièrent. tique qui est faite de cette séparation que certains cheurs "plus malgache" que celle des autres îles. des séances africaines et malgaches de possession et kibushi", qui n'est que "l'écho ancestral du (...) C'est comme cela petit à petit que l'ohadraha voudraient ancestrale (lire page suivante). "Le noyau dur de la population de Mayotte appa- des esprits (Patrosoi, Rumbu) et des cérémonies découpage arabo-shirazi-bantu islamisés / devint wadaha ou wadra Il semble toutefois que durant les siècles suivant le raît comme une population unique, métisse de musulmanes (Maïra, Moulidi)." Malgaches." Selon lui, "tout habitant de Mayotte (…) Voici ce que dit peuplement de la région, dont le déroulement reste Mahorais de souche, d'Africains orientaux Le métissage quasi intégral de la société mahorai- aujourd'hui est un métis swahilo-malgache à un Sultan Chouzour sur cette flou pour les chercheurs, il y ait eu plus d'échanges (Makoa), de Malgaches du nord (Sakalaves) et de se, sa "parfaite" unité, n'est toutefois pas acquis degré plus ou moins grand, mais cela n'exclut pas danse fascinante : “Cette entre Maore et Mada. Ce bien avant les actes de Comoriens (Anjouanais)", soutient Ibrahim pour tout le monde. Selon l'archéologue Claude totalement le maintien de caractères ethniques". Il danse de femmes qui tom- piraterie, qui aux XVIIIème et XIXème siècles ont Soibahaddine (3). Un métissage qui s'est au fil des Allibert (4), "l'homogénéité n'est que superficielle. conclut : "Que, ces 140 dernières années, sur un bait en désuétude, a été décimé les quatre îles. Ainsi, "les traditions nous temps fondé dans une même unité, donnant à la L'étude des faits culturels nous en apporterait la territoire aussi petit que Mayotte, les deux grands remise à l'honneur par des rescapés de Majunga.” rapportent que [les pirates malgaches] station- société mahoraise des accents particuliers. "S'il est preuve, à témoin les danses de possession d'origi- groupes linguistiques se soient maintenus n'est pas naient au plus 6 à 8 mois en terre étrangère, entre vrai que l'île de Mayotte, de par la position de car- nes diverses, ainsi que les rites." Quelques lignes inintéressant et montre le caractère traditionnel de Madagascar, les chants les deux moussons qui facilitaient leur aller et refour qu'elle occupe dans l'océan Indien occiden- plus loin, il poursuit ainsi sa réflexion : "Ce clivage chaque groupe et l'attachement qu'il y porte. Sur d'une île, Victor Randrianary, retour sur la côte Est. Ces pirates n'ont pu, en tal constitue, naturellement, un lieu privilégié de entre "descendants shirazi, sultans de Mayotte" et cette île se prolonge, se joue encore l'histoire de la Actes Sud, 2001

kashkazi 58 décembre 2006 37 dossier voisins de sang POPULATION DE MAORE EN 1946 (SELON GUILLAIN) Malgaches : 104 ... île se prolonge, se joue encore l'histoire divisions ethniques." de la rencontre de deux grands groupes. Un des éléments essentiels qui intégra ces popula- Arabes/Antalaotse : 802 Elle nous présente l'image condensée tions fut l'adoption commune de l'Islam, analyse Mahori : 1439 d'un microcosme au stade ultime d'un face à face l'ethnologue. Ce qui a permis notamment les Sakalaves : 710 entre deux ensembles dont les fronts se heurtèrent mariages inter-ethniques : "Dans la mesure où on Souhaeli : 52 en divers lieux au cours de l'histoire, s'influencè- peut le déterminer, le taux de mariage entre les rent, se modelèrent mutuellement, s'infléchirent populations comorienne, africaine et malgache est Anjouanais : 221 par le combat et par l'alliance." assez élevé depuis au moins la fin du XIXème siè- Mohéliens : 11 Jon Breslar, qui a étudié la société mahoraise dans cle. Cet élément a eu comme résultat un certain Ngazidja : 201 les années 1970, s'est opposé à cette thèse. Selon nombre de villages multi-ethniques." Il s'oppose lui, l'intégration est totale, ou presque : "Les pre- en cela à la conception d'Allibert pour qui les "eth- Makua : 843 miers Mahorais étaient distincts du point de vue nies sont encore restées séparées" ; une séparation Makonde : 513 matérialisée par la Mozambique : 372 constitution des villa- “Les Mahorais de langue malgache ne revendiquent pas moins ges. Allibert note en l'allégeance à la "terre de Mayotte" que leurs voisins de langue comorienne ” effet que les villages ont dans l'ensemble NJ GUEUNIER, LINGUISTE gardé une langue commune, soit mal- N.J. Gueunier le rejoint. "Les Comoriens d'une trop simple qui assimilerait langue et ethnie : s'il y ethnique des immigrés shiraziens et africains", gache soit comorienne : "Les villages mayottais manière générale appartiennent à l'aire des lan- a dans l'île deux langues il devrait y avoir deux écrit-il (5). "Quelques siècles plus tard, ils sont [shimaore, ndlr] représentent 61% de la population gues bantu. Cependant, et c'est la seule exception ethnies. Et comme les locuteurs de la langue tous devenus "Mahorais" par contraste avec les et les villages malgaches 30%". Dans son Lexique à cette unité linguistique de l'archipel, dans l'île la comorienne sont plus nombreux, c'est donc qu'il y envahisseurs malgaches. Lorsque les Français du dialecte malgache de Mayotte (6), le linguiste plus orientale, Mayotte, un tiers de la population aurait dans l'île une "minorité ethnique" malgache annexèrent Mayotte, toutes les populations ci-des- N.J. Gueunier, comptabilise quatorze villages de [selon un recensement de 1978, ndlr] a pour lan- (…) Ce ne serait pas là seulement une interpréta- sus [dont les Antalaotses arrivés aux XVIIIe et langue malgache (7), et cinq villages bilingues (8). gue maternelle un dialecte malgache. C'est tion naïve, puisque beaucoup d'ethnologues XIXe siècles, ndlr] étaient mahoraises." Pour l'eth- d'ailleurs le seul cas d'un dialecte malgache parlé acceptent en fait de définir les frontières d'une eth- nologue anglo-saxon, le fait que "des gens d'origi- D'APRÈS BRESLAR, UN TIERS des villages en dehors de Madagascar. (…) La distribution de nie principalement par celles de sa langue. Tel nes divergentes pourraient s'intégrer dans une mahorais sont de composition bi ou tri-ethnique. ces langues ne dessine pas sur la carte de Mayotte n'est pas en tout cas le point de vue des Mahorais manière de vivre semblable" est le résultat de deux Comment peut-on dire que tel village est malga- des zones linguistiques d'un seul tenant. La carte eux-mêmes : les Mahorais de langue malgache ne processus politiques interdépendants et récents che ou tel village comorien, alors qu'à l'intérieur de des langues maternelles se présente plutôt revendiquent pas moins l'allégeance à la "terre de dans l'Histoire : la politique du colonialisme et ces villages les familles elles-mêmes sont métis- comme une mosaïque juxtaposant des villages de Mayotte" que leurs voisins de langue comorienne celle du séparatisme. "Ces deux processus expli- sées ? se demande-t-il. Et de donner l'exemple d'un langue comorienne et de langue malgache (…) et n'accepteraient pas qu'on les appelle des quent les limites toujours en mouvement entre les enfant né d'un père originaire de Sada, donc como- Deux villages voisins ne parlent pas nécessaire- Malgaches." groupes ethniques mahorais." En outre, le fait que rophone, et d'une mère originaire de Chiconi, le ment la même langue. Si l'on considère les villa- "les Comoriens, les Africains orientaux et les village voisin malgachophone. A quel groupe ges de langue malgache, c'est même l'inverse qui AU COURS DE MON ENQUÊTE dans plu- Malgaches finirent par exploiter et par avoir accès appartient l'enfant ? interroge Breslar. S'il habite à paraît la règle : ils sont disséminés au milieu des sieurs villages malgachophones, je n'ai pas rencon- aux mêmes ressources" explique ce métissage : Chiconi ? Au malgache ? Même s'il parle shimao- villages de langue comorienne. (…) Cependant tré un seul habitant mettant en avant ses origines "Tous ces peuples, à des degrés différents, étaient re chez lui ? Et s'il va vivre chez sa grand-mère à les villages de langue malgache se rencontrent malgaches. Tous se disent avant tout mahorais. des cultivateurs, des pâtres, des pêcheurs : ils Sada ? Au comorien ? "Les populations mahorai- plutôt dans le sud et l'ouest de l'île, la région nord- S'ils notent des différences, dans la langue bien exploitaient tous les mêmes ressources (…) Un ses sont beaucoup trop mobiles et les limites eth- est n'en comptant aucun." entendu, mais aussi dans de comportement, et s'ils mécanisme de nivellement se réalisait à cette niques beaucoup trop facilement franchies pour Selon Gueunier, "ce dialecte malgache de regrettent un certain mépris à leur égard, aucun des époque, et avec le temps nous trouvons que la que les pourcentages ethnolinguistiques d'Allibert Mayotte représente une minorité linguistique (…) kibushiphones ne se sent mal à l'aise dans cette concurrence qui eut lieu en effet allait au-delà des soient culturellement valables", conclut-il. Mais qu'on se garde du piège d'une interprétation société (lire page suivante). Et pour cause : rien dans la vie mahoraise ne per- met d'opposer les deux communautés, affirme N.J. Guenier. Cela se retrouve dans les pratiques de la vie quotidienne : danses, rites, mais aussi et surtout pratique de l'Islam. "Les villages de langue malga- che ne sont pas les moins fervents", affirme-t-il, en A l’origine du séparatisme ? rappelant que "chaque année se tient un des plus grands rassemblements religieux à Acoua", village Le particularisme mahorais a été utilisé politiquement comme une différence essentielle avec les autres Comoriens. kibushiphone. "Finalement, ce qui s'exprime à tra- vers le parler des villages de langue malgache, c'est donc une culture musulmane et comorienne, LES LIENS HISTORIQUES ET SOCIAUX particuliers poursuit Breslar. “A l'intérieur de ce réseau d'îles, Toumbou. “Les choix politiques se faisaient à l'é- plutôt qu'une ethnicité malgache qu'on serait bien qui rapprochent Maore et Madagascar ont été utili- le fait que la Grande-Comore et Anjouan étaient poque par clans. Les liens qui existent entre les en peine de découvrir", termine-t-il. sés dans les années 60 et 70 par les partisans de plus peuplées que Mayotte affaiblit le pouvoir villages sont liés à nos origines. Moi, je n'étais pas "Bien qu'il y ait certaines caractéristiques qui pour- "Mayotte française". Les leaders du mouvement, électoral et la représentation législative des seulement présent à Acoua, je l'étais aussi à raient différencier les gens d'origines comoriennes eux-mêmes descendants de créoles malgaches Mahorais (…) Ce qui commença comme une rivali- Hamjago où j'ai de la famille. Les gens d'Acoua et malgaches [comme les tabou alimentaires, ndlr], (Nahouda et Henry) ou ayant vécu à Madagascar té à quatre sens pour des ressources précieuses ont des liens avec ceux de Kani-Kely ; ceux de nous ne connaissons aucune caractéristique aper- (Zena Mdere), ont sans cesse mis en avant cette [l'argent de la France, ndlr] finit par un duel entre Ouangani avec Poroani...” çue comme si distincte qu'elle empêche le croise- “différence” pour tenter d'affirmer une identité l'élite des deux îles les plus grandes. Dans ce pro- Autre fait notoire : l'une des plus célèbres batailles ment des limites ethniques (…) Certains de ceux propre aux Mahorais. Dans les coulisses de cessus d'alignement en factions, Mohéli s'allia à la ayant opposé serré-la-main à soroda s'est produite qui parlent comorien ont des traits arabes et cer- l'Assemblée nationale française, lorsque le sort de Grande-Comore (…) Mayotte ne chercha pas d'aut- à Poroani, village antalaotse qui était à l'époque tains de ceux qui parlent malgache ont des traits l'archipel se jouait à Paris, Marcel Henry et Adrien res alliances comoriennes.” très divisé. “Pendant plusieurs jours, on s'est bat- indonésiens. Cependant, le haut degré d'interma- Giraud n'ont pas hésité à affirmer que les Mahorais tus. Il y a eu des blessés. Le village était entière- riage ne rend pas ces traits absolus", affirme pour étaient plus malgaches que comoriens. Les défen- IL CONVIENT D'AJOUTER à cette explication d'aut- ment divisé”, se souvient Abdallah Bacar, institu- sa part Jon Breslar. Et surtout pas définitifs. seurs de “Mayotte française”, parmi lesquels des res facteurs : le transfert de la capitale de teur à Poroani. Ce n’est donc pas la part malgache militants d'extrême-droite, allaient jusqu'à assurer Dzaoudzi vers Moroni (lire à ce sujet Kashkazi de la société mahoraise qui a joué en faveur de la RC que les Mahorais étaient catholiques. Ceci dans le n°55), l'absence de mesures compensatoires socio- séparation. but d'intoxiquer les députés et sénateurs en affir- économiques, la pénurie de riz, l'achat de terres Jon Breslar écrivait au milieu des années 70 : “La Notes mant une différence tranchée avec les habitants par des Anjouanais… Mais en aucun cas, des diffé- politique du séparatisme n'a pas rendu les (1) Le problème des aborigènes de Mayotte : les shi- des autres îles. Une différence trop importante rences ethniques propres à Maore et la présence Mahorais soudain “différents” des Comoriens des bushi, Jean-Claude Hébert, communication lors du pour que ces “deux peuples” vivent dans le même de descendants malgaches n'expliquent selon trois autres îles (…) Le désir actuel des Mahorais colloque fêtant les 25 ans du Conseil général, 2002 ensemble, d'où la volonté des Mahorais de se sépa- Breslar le séparatisme. Il rappelle d'ailleurs que d'affiliation politique ne se fonde pas sur des (2) Malgache et swahili. Culture de frange et interfé- rer des autres îles. Telle était leur argumentation. nombre de serré-la-main (partisans de l'indépen- liens administratifs plus longs ou sur des liens cul- rences, P.Vérin, Paris, 1989 L'ethnologue Jon Breslar analyse autrement le dance) étaient des “Mahorais indigènes ou établis turels plus forts avec la France que ceux des aut- (3) Société et interculturalité à Mayotte, Ibrahim mouvement séparatiste : “Vers la fin des années de longue date”, tandis que certains immigrés res insulaires (…) Nous voyons le mouvement Soibahaddine, in Sociétés plurielles dans l'océan Indien, ed. Karthala et université de la Réunion, 2003 1950, les habitants de Mayotte se rendirent comp- récents anjouanais ou grand-comoriens faisaient séparatiste comme une stratégie dont se sert un (4) Mayotte, plaque tournante et microcosme de l'o- te qu'ils n'étaient pas capables de pénétrer la partis des soroda (partisans de “Mayotte françai- groupe ethnique [les Créoles, ndlr] dans l'espoir céan indien occidental, son histoire avant 1841, structure de pouvoir des autres îles (1)”, écrit-il en se”). Il suffit de s'intéresser au vote, village par de rendre plus accessibles les ressources précieu- Claude Allibert, éd. Antthropos, 1984 1979 dans son étude sur L’habitat mahorais. Les village, de la consultation de 1974 -au cours de ses [l'argent de la France, ndlr]. Puisque les (5) L'habitat mahorais, tome I, Jon Breslar, 1979 Mahorais n'étaient alors pas assez riches ; ils ne laquelle la grande majorité des Comoriens a voté Mahorais estiment que leur association politique (étude ethnologique) comptaient pas parmi eux des grandes familles en faveur de l'indépendance, mais 63% des avec les partisans de l'indépendance les priverait (6) Lexique du dialecte malgache de Mayotte, commerçantes, contrairement aux Anjouanais et Mahorais ont voté contre- pour se rendre compte probablement de l'assistance sociale, des avan- N.J. Gueunier, Inalco, 1987 aux Grands-comoriens. “Comme les Comoriens de l'ineptie d'un tel raisonnement. “A Acoua, 99% tages économiques et de l'intégrité politique, ils (7) Villages de langue malgache : Handrema, Mtsangadoua, Acoua, Mtsangamouji, Sohoa, Chiconi, commencèrent [sous l'autonomie, ndlr] à régler des gens me suivaient”, affirme Saïd Toumbou, qui ont logiquement activé une identité de kabaila Ouangani, Poroani, Chirongui, Kani Kely, Pasi Kely, leurs propres affaires, il n'apparut aucun Mahorais était alors serré-la-main. Il en était de même à relativement endormie et l'ont employée comme Mronabeja, Mbouini, Bambo Est qui ait la fortune ou l'influence nécessaires pour Ouangani, Kani-Kely, Hamjago… Autant de villages un ressort pour réprimer l'opposition.” (8) Villages bilingues : Mtsapere, Dapani, mobiliser un parti politique à travers les îles”, malgachophones. “C'est normal”, analyse Saïd RC Mutsamudu, Bambo Ouest, Hamjago

38 kashkazi 58 décembre 2006 voisins de sang dossier Mahorais parlant malgache, et fiers de l’être Près d’un tiers des Mahorais parlent un dialecte d’origine malgache. Fiers de leurs origines, ils n’en revendiquent pas moins leur appartenance sans ambiguïté à la société mahoraise.

et après ? En juge tronquée n'est toutefois pas sans fondements. LA LANGUE me rendant "C'est vrai que pour nous, la religion tient une dans plusieurs des villages dont la majorité des place différente dans notre vie. Ce n'est pas qu'elle habitants parle kibushi ou kiantalaotse, les deux est moins importante, c'est juste une différence d'at- dialectes de langue malgache parlés à Maore, je titude. Les gens ici ont aménagé un espace de liber- comptais en savoir plus sur la théorie un peu té, pas de mécréance ou d'associations, de liberté, vieillote selon laquelle une langue définit une eth- au sein de la religion. Dans les propos, dans la pra- nie par rapport à une autre. Peut-on en effet parler tique." Cette légère différence de comportement d'ethnies différentes à Maore, selon que l'on parle était d'autant plus visible à l'époque que "nous malgache ou comorien ? Si la réponse des cher- étions les seuls à manger du landra. Nous buvions cheurs est sur ce point assez tranchée -à savoir qu'il de l'alcool aussi. Et nous faisions beaucoup de y a eu quasi totale intégration, lire par ailleurs-, musique. C'était mal vu. Aujourd'hui, tout le monde celle des principaux concernés l'est tout autant. A mange du landra ou boit". Il n'empêche, l'image Acoua, Ouangani, Poroani et Chiconi, les quatre péjorative est quelque peu restée. villages dans lesquels je me suis rendu, la réponse Pourtant, ni Mlaïli ni Maoulida ne cultivent cette à ma question était toujours la même : "Nous avons différence. "On se perçoit comme des Mahorais une langue différente, mais nous sommes des malgachophones", affirme ce dernier. "On sent cer- Mahorais comme les autres." taines nuances comportementales, mais les gens "Les Mahorais [sous-entendu : qui parlent shimao- d'ici sont avant tout des Mahorais, tout en sachant re, ndlr] se fâchent quand on leur dit qu'ils sont des qu'ils sont originaires de la grande île." Comoriens. Nous c'est pareil, on n'est pas des Malgaches, on est des Mahorais !" soutient PENSE-T-ON SOUVENT à ces "petites différen- Abdallah Bacar, un instituteur de Poroani, village ces" ? "Non. On y pense au hasard des rencontres remarquable car le seul à avoir conservé un kianta- ou des événements. Des fois on y pense plus inten- laotse ancestral -à Ouangani et Mbalamanga, un sément, mais ce ne sont pas des choses qui occa- quartier de Mtsapere, il a tendance à disparaître. sionnent des conflits", dit Mlaïli. Aucun des interlo- Dans ce village de la côte ouest fondé par des cuteurs rencontrés n'a évoqué quelque questionne- Antalaotse et resté hermétique, on est fier de pré- ment identitaire. "Jamais", rétorque Mlaïli. "Moi, senter ses origines. "Beaucoup de gens du village se j'ai été en contact dès le collège avec des maore- rendent à Kasepy, le village [situé sur la côte nord- phones, et j'ai toujours intégré le shimaore dans ouest malgache, ndlr] d'où sont censés venir nos mon identité. J'ai poursuivi ce travail en faisant des "presque tout le monde parle et comprend le shi- aucune publicité en kibushi, aucun fascicule d'in- Une jeune ancêtres", affirme Abdallah Bacar. "Moi-même j'y recherches sur le shimaore à l'université, je me suis bushi qu'on apprend et emploie comme une deuxiè- formation en kibushi", s'indigne Toiherdine Madi, habitante de Poroani. ai été, c'est exactement comme Poroani, on retro- toujours identifié au shimaore, plus peut-être qu'au me langue (2)." Aujourd'hui, cela ne semble plus un instituteur d'Acoua pour qui "la domination du (photo archives) uve les mêmes pirogues, les mêmes chapeaux kibushi, ce n'est pas seulement un travail scienti- être le cas. shimaore symbolise la domination des traditions ronds, la même langue, quoique la nôtre soit restée fique, je me suis beaucoup investi." A Ouangani, "C'est vrai que certains villages ont basculé vers africaines sur les traditions malgaches". plus pure, celle de Kasepy évolue. Quand on vient Mohamed, un jeune lycéen, ne voit pas pourquoi il le shimaore", reconnaît Mlaïli Condro. "Cela "A RFO, on nous dit qu'on ne comprend pas le de Poroani, on est chez nous à Kasepy ou se poserait autant de questions. "Je suis né à s'explique par l'attitude des locuteurs. A kibushi, mais c'est quand même une langue parlée Mahajanga, mais c'est très différent à Tananarive." Mayotte, j'ai des relations avec des Anjouanais, des Ouangani, ils ont préféré le shimaore au kibushi, par 30% de la population !" se désole Thany "Là-bas, on se sent comme chez nous. Tout se res- Mahorais qui parlent maore, des Mahorais qui c'est un choix, on ne peut pas leur reprocher." Youssouf. "Les présentateurs devraient parler les semble", affirme un autre ancien du village. parlent malgache, des wazungu. Je suis d'ici, c'est Selon lui, "il y a une hiérarchisation des langues" deux langues, mais quand ils l'entendent ou le par- A Poroani, on regarde tellement vers l'île des origi- tout." Pourtant, Mlaïli se souvient qu'au collège, les assez malsaine. Qu'il décrit ainsi : "Dans une lent, c'est en souriant". De même, "très peu d'hom- nes qu'on en oublie parfois ses propres voisins. Le jeunes de Chiconi entretenaient une forme de résis- assemblée, il suffit qu'il y ait un maorephone, et mes politiques kibushiphones parlent le malgache village a ainsi une réputation d'hermétisme à toute en public." épreuve. "Pendant longtemps, les gens de Poroani Cette minoration est à la fois une conséquence et ont refusé la modernité. Cela vient de l'histoire du “Le kibushi aussi disparaît dans certains villages. une cause de la "dévalorisation" du kibushi, village. Nos ancêtres craignaient à la fois les Il est considéré comme une langue impropre.” comme le dit Kordjee. Ainsi, tandis que son émis- Malgaches, qu'ils avaient fuis, et les wazungu. Ils sion représente une véritable bouée de sauvetage se cachaient. Pendant longtemps, on a refusé l'éco- THANY YOUSSOUF, ANIMATEUR D’UNE ÉMISSION EN KIBUSHI pour nombre d'anciens qui, dans les villages, n'en- le, le dispensaire. Ce n'est que récemment qu'on a tendent rien au shimaore, d'autres le perçoivent très commencé à revendiquer des choses", affirme tance. "Quand même, il y a une conscience identi- on parle shimaore, même si la majorité est kibus- mal. "Un jour, une fille est venue me voir pour me Abdallah Bacar. Ainsi, c'est à l'étranger de s'intég- taire", finit-il par analyser. "Je me souviens que les hiphone." De même, quand un seul francophone dire d'arrêter de parler kibushi à la radio. C'est son rer au village, et non le contraire. "Quand un étran- élèves de Chiconi étaient plus réticents que ceux de est au milieu d'une assemblée de shimaorepho- père qui lui avait demandé !" raconte Kordjee. ger se marie avec une fille du village, l'intégration Poroani à parler shimaore. C'était conscient." nes, ceux-ci s'adaptent. Ce comportement "repré- Toutefois, il note un changement depuis quelques se fait obligatoirement par la langue", soutient Car si les kibushiphones ne revendiquent en rien sente une intériorisation de la place des langues, années. "Certains politiques commencent à le par- Maoulida, un habitant de Poroani. "Au début, on une place à part dans la société qui est autant la leur et par conséquent des cultures", note Mlaïli. ler, comme Soiderdine Madi [conseiller général parle shimaore avec lui, mais rapidement, il doit que celles des habitants de langue comorienne, ils d'Acoua, ndlr]. Il y a aussi Rity Baco qui a écrit apprendre le kiantalaotse. Ici, on parle tous kianta- tiennent à leur langue. Si "jusqu'en 1970, les malga- CHAMSDINE BEN ALI KORDJEE connaît bien une chanson dans laquelle il dit être fier de parler laotse", confirme Abdallah Bacar. Ce n'est que lors- chisants ont pratiquement ignoré le particularisme le problème. Originaire du quartier Mbalamanga, le kibushi. On note un changement de mentalité. qu'ils entrent au collège que les enfants découvrent de l'idiome malgache parlé à Mayotte", comme l'in- fondé par des Antalaotse descendants d'Indiens et Une prise de conscience." Et d'affirmer : "On tient le shimaore. dique l'historien Jean-Claude Hébert (1), depuis de Malgaches, la langue originelle a quasiment à défendre cette langue car c'est une richesse de ce une dizaine d'années, certains d'entre eux ont enta- disparu, en moins de 30 ans. "Cela a été rapide : pays, mais aussi parce qu'on ne peut pas ignorer POUR AUTANT, on n'accepte pas, à Poroani, d'ê- mé un combat qui en est encore aux balbutiements. dans les années 70, tout le monde la parlait, tout a 30% de sa population." "Défendre une langue Notes tre qualifié de "Malgache". "Parfois, on nous trai- "Il faut sauver la langue malgache de Mayotte", changé après 1976, ce quartier était majoritaire- contre une autre ne sert à rien, mais il faut dire que (1) Le problème te de Malgache, on nous lance des piques, mais soutiennent en chœur Chamsdine Ben Ali Kordjee, ment serré-la-main, ceux qui parlaient kiantalaotse parler plusieurs langues est une richesse", pense des aborigènes de c'est rare", témoigne Maoulida. "Ce ne sont que traducteur aux Archives départementales, et Thany ne l'ont plus utilisé pour se faire discrets." Thany pour sa part Mlaïli Condro. Car "en parlant une Mayotte : les shi- des petites piques amicales", soutient Abdallah Youssouf, conseiller pédagogique. Le premier a Youssouf note qu'à Passamaïnty, on parlait encore autre langue, on risque de voir ses propres valeurs bushi, Jean- Bacar. Certes, mais elles existent... Mlaïli Condro, lancé voilà une dizaine d'années sur RFO une émis- cette langue dans les années 80. "Plus maintenant." maternelles disparaître". Claude Hébert, communication enseignant originaire de Poroani, se souvient d'une sion en kibushi. Le second a pris le relais voici De même, "le kibushi aussi disparaît dans certains On en revient ainsi à ma question de départ : la lan- lors du colloque époque où il n'était pas simple de parler kiantalaot- quelques mois. Tous deux militent, comme d'aut- villages. Il est considéré comme une langue impro- gue, et après ? La réponse est claire, et signée Mlaïli fêtant les 25 ans se. "Ce n'est plus trop le cas aujourd'hui, mais res, à la survivance d'une langue qui a tendance à pre. A Kani-Kely par exemple, un village où on Condro : "Je ne suis pas une langue, je suis plus du Conseil géné- avant, les autres Mahorais avaient une attitude marquer le pas - selon le recensement de l’Insee, en parle kibushi, on parle en shimaore à la mosquée, qu'une langue. Si on me dit malgache car je parle ral, 2002 peut-être pas de mépris, mais de hauteur vis-à-vis 1997, 32,8% des habitants de Maore parlaient c'est une langue impure !" Ce mépris de la langue malgache je suis d'accord, mais pas si c'est pour (2) L'habitat de nous. Aux yeux des Sadois, les habitants de kibushi, ils n'étaient plus que 27,9 % en 2002. est plus flagrant encore dans les médias. Aucune me distinguer de ceux qui parlent shimaore." mahorais, tome I, Poroani sont des païens." Cette image que Mlaïli En 1979, l'ethnologue Jon Breslar écrivait que radio ne propose d'émission en kibushi. "Il n'y a RC Jon Breslar, 1979

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Jeune femme à Amboanio, un village de la région de Mahajunga qui compte de nombreux métis comoriens. (KES)

moyen de j'ai eu peur. Puis j'ai appris, avec quelqu'un imposait d'appartenir à un clan de djinns, transport plus qui l'avait aussi, comment faire pour qu'il puis à sa résignation et à sa bonne entente efficace, pour reste." Arrivée aux Comores, Ma Fatima a avec sa "famille". QUEL les habitudes obtenu de son trumba de ne plus boire d'al- Tout commence comme une légende, à mentales, cool pendant ses moments de possession. A Maeva Tanana, dans les campagnes de la sociales et culturelles, que les esprits ? Il suf- la place, elle avale de l'eau mélangée à une province de Mahajanga où le jeune homme L’esprit fit à ces êtres de s'associer à un humain, pour poudre blanche (taylamandi) vendue au effectue son service militaire dans la coopé- voyager avec lui et véhiculer toute une marché, et dans laquelle ont trempé des piè- ration agricole. "On est partis faire la chas- conception du monde. ces de monnaie. Toute de blanc vêtue, elle se aux oiseaux", raconte Mady. "Les autres Le village de Vuvuni, par exemple, exhale si appelle Kutu en ébouriffant ses cheveux, en m'ont dit de préparer le bois. J'ai choisi un l'on s'y attarde, une atmosphère particulière. brûlant du charbon parfumé et des noix et en arbre bien droit et brillant. Quand je l'ai Ce n'est pas seulement la langue sakalave, prononçant quelques formules. Kutu répond coupé, le bois a crié et j'ai vu du sang qui qu'un bon tiers des habitants préfère au shi- aux questions du visiteur, conseille, prescrit coulait. J'ai appelé mes amis, mais j'étais voyageur komori. Ce ne sont pas seulement les vête- des médicaments, rassure ou met en garde. bloqué." En le retrouvant, ses compagnons ments des femmes, les habitudes de vie, les Comme tous les trumba, il s'agit de l'esprit sont atterrés : "Ce n'est pas un arbre que tu danses ramenées de la grande île par les d'un membre d'une famille royale. Un roi du as coupé, ce sont les ancêtres !" Alerté, le nombreux Zanatany (lire par ailleurs). C'est aussi l'existence, palpable et tangible même Rencontre avec des djinns pour les villageois non adeptes, d'une activi- “Quand je l'ai coupé, le bois a crié et j'ai vu du sang té incessante d'êtres invisibles qui accompa- qui coulait. J'ai appelé mes amis, mais j'étais bloqué.” gnent, renforcent ou contrarient les choix opérés par les humains. Des êtres migrants, MADY ALY, UN HABITANT DE VUVUNI eux aussi, dont les caractères "ethniques" et L'héritage culturel culturels influencent l'environnement qu'ils sud de la grande île, "qui est mort noyé après village rassemble des bœufs, de l'alcool, du fréquentent. être parti en mer parce qu'il ne voulait pas miel, du lait et de l'argent afin d'organiser sur Il faudrait sans doute tourner longtemps être réduit en esclavage par ses ennemis". place une prière. "Ils ont appelé les esprits, circule par les hommes, dans Vuvuni pour recenser toutes les mai- et l'arrière grand-père de l'arbre que j'avais sons où une pièce spéciale a été aména- LE KUTU DE MADY ALY est lui bien coupé est venu dans une femme. Il a com- mais aussi par les djinns gée à l'intention d'un trumba, d'un djinn vivant et à l'apogée de son règne. Ancien mencé à pleurer. Je me suis excusé, et il m'a ou d'une créature invisible d'origine mal- soldat né à Madagascar, originaire de dit que je serai pardonné à condition d'être gache. L'un des grands noms de la ville l'Itsandra, Mady Aly s'est retranché voilà dans leur clan, leur famille. J'étais jeune, je qui accompagnent est celui de Kutu, qui apparaît sous deux une vingtaine d'années dans une maison à ne savais rien. J'ai dit oui." formes différentes à une vieille dame et à l'écart de Vuvuni, autrefois à la lisière de la Forts de cette promesse, les descendants de certains d'entre eux… un ancien militaire d'âge mûr. forêt. Pour les désigner, lui et son djinn, les l'ancêtre offensé ne tardent pas à se rappe- D'origine malgache, Ma Fatima (prénom habitants se sont simplifié la vie en l'appe- ler au bon souvenir de Mady. Celui-ci n'en d’emprunt) a épousé un homme de Vuvuni lant Mady Kutu. C'est pourtant Mady Aly veut pas : "Pas question que quelqu'un que et leur fournissent et vit depuis si longtemps à Ngazidja qu'elle qui m'accueille. "Pour parler à Kutu, il fau- je ne connais pas vienne dans mon corps." est devenue, elle aussi, comorienne. Kutu ne dra revenir un autre jour", annonce-t-il. Durant des années, Lemena, le frère de un gagne-pain. l'a pas pour autant quittée. "A Madagascar, L'homme n'en débute pas moins l'épopée de Kutu, harcèlera Mady en provo- lorsque j'ai été malade, je suis allée voir un leur histoire commune. Le récit de sa vie quant accidents et miracles, en fundi", raconte la dame. "Il m'a soignée et qu'il me donne durant des heures, se résume manipulant son fils et son épou- quand j'ai été guérie, Kutu était là. Au début, à sa longue lutte contre la fatalité qui lui se, en le suivant jusqu'aux ...

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... Comores où il croyait le fuir, en se Un habitant du village confirme : "Il y avait et peuvent être méchants", affirme le père de riant des prières et gris-gris des beaucoup de gens qui consultaient, mais la jeune femme. "On sait à quoi ils ressem- fundi coraniques. Avec à chacune maintenant ils n'y vont plus beaucoup. Ce blent car on les a déjà vus dans la forêt." des protestations du jeune homme, la même James, avec ses habits rouges… et Mady ! Si les cérémonies publiques liées aux esprits réponse : "C'est Dieu qui a voulu que nous Il est arrogant. C'est pas vrai que son Kutu ont quasiment disparu depuis la "chasse aux soyons ensemble, ce n'est pas nous." est un djinn, il a un trumba, comme tous les charlatans" du président Ali Soilihi, elles Jusqu'au jour où, hospitalisé et cédant au autres. Il dit ça pour se vanter. Autrefois continuent de prospérer dans les salons et les chantage exercé sur sa mère, Mady finit par j'allais souvent chez lui, on buvait un peu, cours des maisons. A Iconi, autre ville à forte accepter. Installé à Vuvuni, il "travaille" avec parce qu'il avait toujours des réserves. Mais diaspora malgache, "jusqu'en 1976, des céré- Lemena et Kutu pour qui il construit une "maison" dans sa cour et installe une ligne téléphonique -la boucle est bouclée… “Ce que l'humain ne sait pas faire, le djinn peut le faire, Il ne me sera pas possible de rencontrer Kutu : "Depuis qu'il est roi, il ne peut pas et inversement. Moi je vois derrière les murs, bouger de Tulear", explique Mady. "Il vous les hommes avez inventé le téléphone.” envoie quelqu'un de la famille, et il vient de JAMES, UN DJINN temps en temps dire "Ide m'baraka"." Je me vois proposer à la place une entrevue avec James, le fils de Kutu. "Il est instruit, il il nous forçait à danser et faire n'importe monies s'organisaient quand la mer était hou- parle français, il connaît beaucoup de cho- quoi, il disait que c'était pas Mady, que c'é- leuse, quand il n'y avait pas de poisson", rap- ses." Bref, le djinn idéal… tait Kutu. On n'osait pas partir, mais je crois porte Moussa Issihaka. "Les pêcheurs se ras- qu'il se moquait de nous." semblaient et battaient le tam tam. Soilihi a AVANT DE NOUS QUITTER, Mady Aly Beaucoup plus discrète est la jeune femme qui arraché les matériels et les livres, les cérémo- me dresse l'arbre généalogique de sa consulte les cananor, ces nains de la forêt qui nies ont continué à disparaître après son Habitante de Kasepy, "famille". A la différence des esprits des se cachent des yeux des hommes et parlent départ. Maintenant ça se fait dans les familles, village côtier malgache où les scènes ancêtres morts, les trumba, les djinns sont d'une voix nasillarde. Au cœur du village, et non dans les villages ou les quartiers." de la vie quotidienne rappellent vivants et mortels, selon lui. "En fait, les pour 1.000 fc (2 euros), elle vous accueille Régulièrement, de nouvelles personnes se dis- répond à des besoins, quand il n'existe pas étrangement Maore... djinns étaient là avant les trumba", affirme dans la pièce construite spécialement pour ent possédées par un trumba. Toutes n'ont pas de psychologue." (KES) Mady. "Autrefois, les marabouts des eux, avec interdiction formelle de vous retour- vécu à Madagascar. "Des filles demandent au "C'est logique : l'homme est la plus faible des humains étaient des djinns. Au village, seul le ner vers le fond de la salle, où un rideau forme chef trumba de leur donner un djinn", assure créatures de Dieu", analyse Moussa Issihaka. roi avait le droit de les consulter, et les djinns comme un isoloir… Les cananor ne sortent Moussa Issihaka. "Il a besoin d'un lieu de refuge. Il arrive un en ont eu marre de ses exigences. C'est à que la nuit. Assise derrière vous dans l'obscu- moment où tu es à la maison, tu n'arrives pas partir de là qu'on a commencé à faire sécher rité, la jeune femme les appelle en malgache IL FAUT DIRE qu'en ces temps de crise, un à résoudre tes problèmes dans ton esprit. Tu le corps des rois avant de l'enterrer, pour que jusqu'à ce que vous les entendiez dans votre esprit bien consulté est l'assurance d'un es malade, tu ne sais pas où te faire guérir… leur esprit vienne dans la tête d'un membre dos descendre du toit, frapper le sol, manipu- gagne-pain régulier. Ainsi pour partir exé- tu n'as pas d'argent. Le refuge, ce sont les ido- de leur famille." ler des pièces de monnaie et éventuellement cuter un contrat en France -pousser la maî- les." Mais le métier n'est pas de tout repos, Le premier roi de la dynastie du clan de Mady, converser avec leur amie, qui leur demande tresse d'un mari adultère à la faute pour que souligne M. Issihaka : "Les femmes qui s'as- Varathat, régnait il y a environ 400 ans sur le comment régler votre problème. celui-ci l'abandonne, par exemple- le James soient par terre et tremblent quand elles sont Murumbe. "Il est encore vivant mais il y a 200 Née elle aussi à Madagascar, cette mère de de Mady Aly demande environ 35.000 fc possédées ont les hanches malades. Pourtant ans, il a cédé le pouvoir à son fils Recha parce famille a été en contact avec les cananor après (70 euros) de "packetage" -pour ses frais de elles s'habillent, elles mangent avec ça. Ce que son intelligence n'arrivait plus à maîtriser une maladie et la consultation d'un fundi, alors voyage, dit-il. "Il y a tout un réseau de pos- n'est pas pour le goût d'avoir un trumba. C'est les jeunes d'aujourd'hui", explique Mady. Au qu'elle se trouvait déjà aux Comores. Ses visi- session par les djinns", souligne l'anthropo- un travail… on les adore parce qu'ils vous bout de 150 ans, alors que Recha voulait à son teurs se nomment Tsarahasna, Tumbuwarivu logue française Sophie Blanchy. "Ces gens aident à vivre !" tour transmettre son trône, une crise a éclaté. et Tumpuwarivu. "Ils ne mangent que du miel là sont partout, jusqu'à Dubaï ! Cela LISA GIACHINO "Parmi les enfants de Recha, Lemena était l'aîné mais Kutu avait beaucoup d'enfants qui se développaient en voyant la modernisation des humains, étudiaient, lisaient les journaux, s'habillaient comme des hommes. Lemena les Embargo sur le wadaha à Vuvuni a réunis pour dire : "Stop !" Il y a eu une bagarre, et Lemena est mort. C'est comme ça que Kutu est devenu roi." James m'expliquera Les femmes se sont vues interdire la version malgache de la danse du pilon, jugée indécente par les notables. que sa famille exerce actuellement la fonction de roi "fédéral" des djinns sur le Menabe, le LES FEMMES DE VUVUNI seraient-elles plus mal- Iconi, un autre village à forte diaspora malga- les villageoises savent faire le wadaha”, confir- sud de Madagascar -un peu comme les sultans gaches que leurs hommes ? Tout le poids de la che. Revenues dans l'archipel, les migrantes ou me Marie Ahamada, une jeune femme qui pour- n'tibe de Ngazidja. différence semble posé sur leurs épaules. Le leurs filles et petites-filles ne correspondent plus rait être la petite-fille de Koko Manga. “On le Le dimanche suivant, je reviens munie des leso noué derrière le crâne façon pirate, elles tout à fait aux canons de la femme comorienne dansait le samedi, ou pour le Grand mariage.” cigarettes et de la canette de bière demandées. incarnent tout ce que l'identité malgache a de “respectable”. “Les enfants à Madagascar ont Aujourd'hui, la vieille dame reste assise sur le James m'attend à l'entrée de sa "maison", vêtu sulfureux aux yeux des Comoriens. une large autonomie tandis qu'ici ils étaient gar- pas de sa porte : le wadaha est interdit à Vuvuni d'un tricot rouge, d'un bandeau de la même Au pied du Karthala, leur village étale sa tôle. dés à la maison, surtout les filles”, rappelle depuis des années. “C'est une décision émanant couleur et d'un pagne blanc. Pendant toute la Plus de 2.000 habitants dont un tiers a vécu à Moussa Issihaka. du village, on doit se soumettre”, dit-elle. matinée, il fumera clope sur clope et videra Madagascar, et presque autant de djinns, trum- Aux périodes de grands retours, surtout après les A en croire les notables, les danseuses de wada- quelques bières. "Tout ce que font les humains, ba, cananor et autres visiteurs réguliers origi- massacres de Mahajanga (lire par ailleurs), les ha faisaient tout simplement scandale. “Le les djinns le font", m'explique-t-il. "Nous aussi naires de la grande île… Vuvuni vit sous rapatriées du village se sont retrouvées sans wadaha qu'on faisait ici avant était différent”, avons des députés, des agents secrets, des influence. Mêmes maisons de tôle que sa gran- hommes. La légende des femmes de Vuvuni explique l'un d'entre eux, Boina Msowali. “Tu juges… C'est ça, l'équilibre de Dieu. Nous de sœur Mahajanga, mêmes ateliers de “inmariables” était née. “Elles ont lancé un regardais danser ta sœur ou ta maman… Tout le sommes là pour cohabiter. Selon ma grand- tailleurs, soudeurs ou menuisiers, étonnam- appel à la radio pour réclamer des hommes”, monde allait voir. Mais là, elles ne dansaient mère, qui est musulmane, le jour où un grou- ment nombreux pour une ville aux portes de la affirme Moussa Issihaka. “A Moroni, on disait plus comme dansaient nos mères ! Elles soule- pe sera vraiment minoritaire, la terre va brousse... “C'est là-bas que les anciens trou- qu'il ne fallait pas les épouser car elles étaient vaient leur robe jusque là”, dit-il en montrant le disparaître. Ce que l'humain ne sait pas faire, vaient un emploi pour faire le Grand mariage” trop dépensières”, raconte un habitant de la haut de ses genoux. “Elles entraient en transe à le djinn peut le faire, et inversement. Moi je explique Madi Youssouf alias Moustique, un capitale. cause des trumba, elles couraient dans la rue…” vois derrière les murs, vous les hommes avez enseignant né dans la province de Mahajanga. “Cette histoire de radio, c'est faux !” rétorque “C'est vrai que les chansons de ce wadaha sont inventé le téléphone." “Les gens qui étaient à Madagascar se sont Moustique. “Par contre c'est vrai que leur wada- presque les mêmes que celles du trumba”, Le téléphone, justement, est un outil fort utile débrouillés tant bien que mal pour apprendre ha provoquait beaucoup de dépenses. Il fallait confirme Moustique. “Des chansons qui exci- à James et ses collègues, consultés depuis l'é- un métier là-bas. Mais beaucoup repartent qu'elles aient toutes les mêmes tenues pour tent. Voilà ce qui arrivait parfois”, poursuit-il tranger -la France notamment- où ils se ren- parce qu'ils n'arrivent pas à s'adapter. Ils ne aller danser dans les autres villages…” en montrant sur l'écran de sa télévision, une dent régulièrement en mission. Ce jour-là peuvent pas faire le Grand mariage.” jeune femme danser couchée sur le sol pen- d'ailleurs, James est sur le départ pour Le choix des femmes est plus limité. Elles peu- EN VIVANT AVEC LES COMORIENNES des autres dant une cérémonie rituelle à Madagascar. Le l'Hexagone. Mais avant de se quitter, il vide vent se faire cultivatrices, commerçantes, ou si îles et au contact de la culture malgache, les DVD appartient à sa femme, elle aussi native son sac sur ses relations tumultueuses avec le elles ont la chance d'être visitées, intermédiaires Wangazidja de Mahajanga avaient en effet trans- de la grande île. roi son père, qui entretenait des relations très entres les humains et les esprits. Bien que l'im- formé leurs chants et leurs danses. La tradition- Mais pour Marie, au-delà des transes qu'elle sus- amicales avec les mercenaires. "Quand Kutu pératif du Grand mariage s'adresse d'abord aux nelle danse du pilon n'a pas échappé à ce reloo- cite occasionnellement, c'est la nature même de était ici, 40 ou 50 personnes venaient le same- hommes, elles aussi souffrent de ces codes cou- kage. Koko Manga (1), l'une des instigatrices de la danse qui indispose les vieux du village : “On di et le dimanche. Les gens plaisantaient : "Si tumiers auxquels elles ne répondent pas. Sauf la nouvelle vague wadaha à Vuvuni, se souvient : fait danser le cul. On ne s'habille pas avec des tu vas là-bas, il faut prendre un numéro !" exception, elles n'appartiennent pas aux familles “Je suis née à Mahajanga et j'ai vécu à Diego- vêtements jusqu'ici”, dit-elle en désignant ses Mais il y en avait seulement 3 ou 4 qui fai- que tout le monde rêve de s'allier. “Dans une Suarez. Là-bas, les Comoriens faisaient toutes chevilles et ses poignets. “Mais ils confondent le saient le geste de donner un peu d'argent. Les famille, quand il y avait trois ou quatre filles, la les danses. Quand je suis arrivée ici, j'ai appris jeu et la religion : il y a un moment pour jouer, Comoriens profitaient de lui. Moi, quand j'ai première était l'héritière, le reste était envoyé aux autres femmes. Pour danser le wadaha, on un moment pour la religion.” vu ça, j'ai dit : "Stop ! J'en ai rien à foutre, on à Madagascar pour se marier car on n'en avait chantait des paroles sur l'amour, on critiquait LG va faire une basse-cour ici." Mon père était pas besoin”, résume Moussa Issihaka, qui vit à les dirigeants et parfois les hommes.” “Toutes (1) Manga signifie étranger furieux."

kashkazi 58 décembre 2006 41 dossier voisins de sang Entre deux rives, les Zanatany Il y a la culture arabe, dominante, et l'identité africaine, dévalorisée. Les Comoriens de Madagascar ajoutent leur grain de sel à la sauce de l'archipel.

Saïd, qui avait des djinns repris le Café Rachid, "L'UNIVERSest telle- rendez-vous des ment imbriqué dans celui des humains qu'il en Zanatany à Moroni reproduit les clivages et constitue même un exem- après la mort de son ple particulièrement intéressant de projection et ami, est décédé à d'actualisation de vécus historiquement établis, son tour voilà mais socialement refoulés par l'idéologie domi- quelques semaines. nante d'inspiration arabo-islamique." Dans sa thèse Le Pouvoir de l'honneur (1), Sultan Chouzour oppose deux sortes de djinns : "D'un côté les rauhani, et de l'autre les sera, ces deux catégories reproduisant de fait, et de façon symbo- lique, les deux principaux groupes ethniques entre lesquels se partage la société comorienne, empê- trée dans une grave crise d'identité, caractérisée par le refus de sa négritude évidente au profit d'une arabité en grande partie illusoire et fictive, du moins pour la très grande majorité de la popu- lation. Ainsi les sera sont décrits comme des esprits fondamentalement mauvais, et quand on examine leurs caractéristiques l'on se rend comp- te très rapidement qu'elles représentent précisé- ment toute cette partie de la personnalité d'origine attribués communément aux Zanatani, les gent. Ceux qui ont été à Madagascar cherchaient djinns. James, l'un des esprits malgaches qui pos- africaine constamment refoulée par le Comorien. Comoriens de Madagascar. Ces migrants entre fortune, bien avant les déplacements vers la sèdent Mady Aly, estime ainsi être victime d'un Les rauhani, parés au contraire de toutes les ver- deux cultures incarnent en effet une forme de France. A Iconi, les maisons en dur ont été cons- amalgame : "Pour les humains des Comores, tus, représentent tout ce que la culture valorise. modernité, avec tout ce que celle-ci comporte de truites grâce à l'argent de Mahajanga" trumba et djinn, c'est la même chose ! Pour eux Leur description correspond très exactement à l'i- positif et de négatif. La plupart ont évolué dans les les rauhani ce sont les bons, les musulmans, alors dée que le Comorien se fait de l'Arabe, qui sym- villes malgaches où ils ont adopté un mode de vie QUAND IL S'AGIT D'ARGENT, les Comoriens que nous les djinns malgaches, ils nous confon- bolise la Culture, la Civilisation, traduite en como- débarrassé des pesanteurs de la coutume. Leurs ont la désagréable impression d'avoir affaire à dent avec les trumba (4). Ils nous traitent de dzir- rien par usta'arabu." apports à la société sont multiples et diversement beaucoup plus malin et pragmatique ki, de voleurs de bœufs, car nous venons du sud de Tandis que le rauhani est un djinn musulman, "les appréciés. A la fois étrangers et familiers, ils met- qu'eux…"Pour ceux qui sont nés ici, rien n'a Madagascar." sera ignorent l'islam, qui est le cadet de leurs sou- tent les Comores à l'épreuve de la nouveauté. bougé : ils aident les gens sans rien faire payer", Moins soumises aux codes de la coutume, les cis ; ils ont même des exigences parfois incompa- Leur arrivée en masse après les massacres de sourient les clients du Café Rachid, le rendez- Comoriennes de Madagascar ont pris des habitu- tibles avec cette religion (…) A l'occasion des 1976 (lire ci-après) a transformé les villes du pays. vous des Zanatani à Moroni. "Alors que si vous des de liberté et sont vite épinglées pour "leurs cérémonies organisées en l'honneur des djinns, on mœurs légères". "A une époque, c'était la mode peut remarquer l'absence totale de toute recherche d'utiliser le mot "Sabena" comme un euphémisme en matière vestimentaire et le caractère parfaite- “Parfois, les Zanatani se disent qu’ils vont aller chercher pour parler d'une femme qui se prostitue", ment anarchique des danses (…) L'atmosphère indique Sultan Chouzour. lourdement chargée d'odeurs fortes provenant de une petite île entre Madagascar et les Comores” Si les Comoriens forcent le trait sur les "défauts" la longue décoction de plantes sauvages contribue YOUSSOUF MOUSSA, UN ZANATANI DE MORONI des Zanatany, ceux-ci leur tendent aussi un miroir à libérer les énergies de ceux qui se défoulent dans déformant, où sont grossis les archaïsmes de leur la liesse générale." "C'est à partir de ce moment qu'on a commencé à demandez un service à un Zanatany, il faudra tou- société d'origine. Souvent perçus comme un rien Quelle place pour les esprits malgaches dans cette voir des gens vendre sur les tables, au bord de la jours le payer d'une manière ou d'une autre !" condescendants, ils mettent en avant leur moder- société aux djinns stéréotypés ? Si Sultan route", rappelle Ahmad Mdahoma, qui fait partie Leur débrouillardise a aussi son revers : "C'est par nité quand on leur demande de réfléchir sur ce qui Chouzour fait allusion aux trumba, les esprits des rescapés de Mahajanga. Les Sabena, surnom- eux que le m'kara kara est arrivé", estime les distingue de leurs compatriotes. "Je pense d'ancêtres de la grande île, leurs rites se déroulent més ainsi en référence à la compagnie aérienne Mohamed Mze, qui a travaillé sur les Sabena. "De malgache quand je veux être rationnel, logique, selon lui "sans aucune interférence avec la cultu- qui les a ramenés en urgence de Madagascar, même que le vol organisé." quand je parle du Grand mariage, de la polyga- re comorienne". "viennent d'un grand pays. Ils ont beaucoup vu. AMaore, l'apport de ceux qu'on appelle dans cette mie, de ma petite bulle familiale, de l'éducation de Notes Madagascar a été une grande école, même pour île les magoshi shora -qui signifie "les chaussures mes enfants", analyse Moumini Soilihi. "On avait DANS LA GRANDE MARMITE culturelle où ceux qui ne se sont pas assis sur les bancs de l'é- pointues", en référence aux chaussures que por- l'habitude d'être dans un pays développé et ici, (1) Sultan Chouzour, Le Pouvoir de l'honneur, trempent Madagascar et les Comores, les contacts cole proprement dite", estime Ahmad. taient les rescapés à leur arrivée à Maore, des c'est le contraire", se désolent les clients du Café L'Harmattan entre esprits des deux bords sont cependant loin Mécanique, menuiserie, électricité… leur savoir- chaussures bon marché qu'ils avaient achetées Rachid. "On est obligés de vivre comme les autres (2) Avant de diffuser d'être rares. Ancien militaire comorien né à faire acquis à la dure et leur obligation de survie avant de partir (3)- est similaire. L'image aussi. "Il Comoriens. C'est difficile, mais obligatoire." l'Islam, les Arabes ont pourtant commencé par Madagascar, Mady Aly en est l'exemple même. en terre comorienne ont révolutionné l'économie y a encore peu de temps, on était indexés comme Si beaucoup cultivent leur différence, ceux qui ont faire du commerce aux "Ami" d'une dynastie de djinns malgaches, il se dit de l'archipel. "C'étaient des gens qui avaient plus des magoshi shora, on était vus d'un mauvais œil voulu s'intégrer dans le village de leurs parents ont Comores. également convoité par les rauhani. "Les rauhani de problèmes, et plus de possibilités pour se car débrouillards et expressifs, mais nous avons dû passer par la coutume, qui symbolise pourtant (3) Les femmes étaient de son père voulaient venir en Mady", explique débrouiller", remarque Youssouf Moussa, lui apporté beaucoup de choses à Mayotte", estime à leurs yeux le caractère féodal de la société également appelées les fulvara uvandra, “le fou- James, l'un des djinns de la famille qui utilise son aussi ancien de Madagascar. "Ils sont venus, ils Thany Youssouf, l'un d'eux. "Avant, il n'y avait comorienne. "Si on ne fait pas le Grand mariage, lard à moitié”, une partie corps. "Mais ils ont des exigences : ils ne veulent ont sorti leurs petites tables. Les Comoriens ont pas de marché dans l'île, c'était honteux de vend- les gens ne nous comptent pas comme des de leurs cheveux étant pas que Mady fume ou boive de l'alcool. Nous ne dit : "Qu'est-ce qu'ils font ?"" re. Alors on posait les fruits sur la véranda, et on Comoriens", explique-t-on au Café Rachid. découverte. sommes pas d'accord. Alors nous obligeons Mady Alors que l'imaginaire comorien associe l'influen- se cachait dans la maison, l'acheteur prenait le "Arrivés ici dans les villages, ils ont été contraints (4) Les djinns sont des créatures créées par Dieu à boire un peu, ce qui les fait fuir. Ces rauhani ce arabe au domaine spirituel (2), celle de fruit et déposait la pièce, ce n'est que quand il était de jouer une scène de théâtre", note A.Mdahoma. au même titre que les sont des musulmans Ben Laden !" Madagascar est considérée comme beaucoup plus parti que le vendeur sortait. Nous, les rescapés de Ceux qui s'y refusent resteront des étrangers. humains, selon l'Islam. Entre le rauhani plein de vertus et le sera sauva- matérialiste. "Itsandra et le nord [de Ngazidja, Mahajanga, nous n'avions pas honte de vendre. "Parfois", avoue Youssouf Moussa, "les Les trumba sont les ge, le djinn malgache campe ainsi un troisième ndlr] sont tournés vers Zanzibar et ont eu des Les premiers marchés c'est nous ! Pourtant, on Zanatany se disent qu'ils vont aller chercher une esprits des membres des anciennes familles roya- personnage, "civilisé" mais "débauché"… Voilà théologiens", note Moussa Issihaka, grand jouit encore d'une réputation sulfureuse." petite île entre Madagascar et les Comores…" les malgaches. qui fait aussi une bonne caricature des caractères connaisseur de l'histoire d'Iconi. "Ici, c'est l'ar- Cette réputation est transposée au monde des LISA GIACHINO

42 kashkazi 58 décembre 2006 voisins de sang dossier décembre 1976 massacres de Mahajanga la vérité enfouie

décembre 1976, 20 fonctionné ? Pour les témoins des événements, communauté anjouanaise, dont les membres La déchirure décembre 2006. Cela c'est là que se joue l'enjeu et les raisons cachées habitaient dans les quartiers où vivaient les fera exactement 30 ans du drame qu'aucun signe précurseur ne laissait Betsirebaka, et pensaient qu'ils seraient épar- que se sont déroulés dans envisager. La partie comorienne se disait d'au- gnés en se désolidarisant des Grand-comoriens provoquée par les la ville de Mahajanga, ce tant plus surprise "qu'elle était tout à fait dispo- montrés comme les responsables de ces événe- que20 la presse de l'époque et les déclarations offi- sée à ce que l'auteur de ce geste, arrêté le même ments. C'est seulement le 22 décembre que le cielles nomment les "événements de 1976". jour par la police, soit traduit en justice", ajou- pouvoir malgache a décrété l'état de siège et massacres de plus Incorrectement, car il s'agit bien d'un massacre te Mohamed Hachimo, un vieux Comorien de dépêché les forces stationnées à Diego-Suarez tant par le nombre de victimes que par la rapi- Mahajanga qui a fait partie des conciliateurs. pour instaurer le calme. Les rescapés ont trou- de mille Comoriens dité avec laquelle cette tuerie a été exécutée. vé refuge au camp militaire, pendant que les Deux éléments qui font croire plutôt à une opé- TOUJOURS EST-IL QUE les événements se corps chargés dans des camions étaient jetés ration planifiée qu'à un simple excès de colère sont précipités. Les Betsirebaka qui voulaient dans une fosse commune au cimetière en décembre 1976 à d'un clan bafoué dans son honneur. sans doute venger l'affront par le sang, ont d'Antanimasaja. Bien qu'aucun bilan officiel n'ait été établi ni investi le poste de police de Mahabibo, deman- Trente ans après, seul le souvenir des événe- par les autorités comoriennes, ni par celles de dant qu'on leur livre le malfaiteur. Ce qu'a refu- ments est intact dans la mémoire de ceux qui les Mahajanga, entache Madagascar, les chiffres avancés par diverses sé la brigade de police. Ce refus a-t-il décidé ce ont vécus, comme Sergent, un autre Comorien sources font état de près de 2.000 Comoriens groupe à se faire justice lui-même ? C'est en natif de Mahajanga Mais personne ne veut vrai- aujourd'hui encore tués en trois jours, entre le 20 et le 22 décemb- tout cas ce qui est arrivé le 20 décembre avec ment en parler. "Bof, c'est vieux maintenant, ce re. Des viols ont été également perpétrés, sans l'attaque de la mosquée de Mahabibo. "Les n'est pas la peine de ressasser", lance un jeune compter les centaines de maisons incendiées ou Betsirebaka ont jeté des pierres à l'intérieur de homme adossé à la mosquée du vendredi de les relations entre pillées. Les autorités comoriennes de l'époque ont dû rapatrier dans l'urgence les survivants. Plus de 16.000 Comoriens ont ainsi regagné Comoriens et Moroni en quelques semaines. 1.200 ont rejoint “De toute façon, les auteurs de ces crimes sont morts ou devenus Maore au cours des premiers mois de 1977. fous, frappés par le mauvais sort grâce aux prières des musulmans.” Malgaches. Gorille, un Comorien natif de Mahajanga, avait KHADAFI, UN MALGACHE CONVERTI À L’ISLAM 26 ans en 1976 et se souvient de ces trois jours de folie. "Au départ, il s'agissait d'une alterca- tion entre un Grand-comorien et un la mosquée, les Comoriens présents ont répli- Mahabibou, entièrement reconstruite. "De Une chape de silence Betsirebaka à Fifio, à côté de Mandzarsoa. A qué, il y a eu deux morts" raconte Gorille. Cette toute façon, les auteurs de ces crimes sont l'époque, c'était un petit quartier, un petit ter- première altercation est prise au sérieux par la morts ou devenus fous, frappés par le mauvais rain de foot." Des versions concordantes attes- partie comorienne, mais pas par les autorités. sort grâce aux prières des musulmans [à empêche ces deux tent la cause immédiate du drame. Un enfant "Nous avons décidé d'organiser des patrouilles Mahajanga, le Comorien est synonyme de Betsirebaka fait à deux reprises ses excréments [des comités de défense, ndlr] pour nous proté- musulman, ndlr]. Tous les Betsiberaka ont dans la cour d'une famille comorienne. Excédé, ger et empêcher les Betsirebaka de pénétrer depuis ces événements déserté la ville" communautés un membre de celle-ci barbouille l'enfant de ses dans certains quartiers, notamment à explique Kadhafi, un ami malgache converti à excréments. Nous sommes le 19 décembre. Labattoir, où vivait une grande partie de la l'Islam. d'en faire le deuil. "On ne joue pas avec les excréments. Ça ne communauté. C'est à partir de ce moment-là plairait à personne" reconnaît Gorille. Au-delà que les autorités de Mahajanga ont déployé les TOUT SE PASSE COMME s'il fallait effacer de l'indélicatesse de cet individu, un tel geste forces de l'ordre, qui curieusement au lieu de toute trace de ces massacres. "Avant, on commé- constitue une souillure dans la coutume des calmer les choses, ont ouvert le feu sur nous. morait ces événements par une cérémonie reli- Une enquête réalisée Betsirebaka, une ethnie issue du sud de la gran- Pendant ce temps, les Betsirebaka ont mis en gieuse, maintenant, on ne fait rien" souligne M. à Mahajanga par de île. Informés de l'incident, "les Comoriens place un plan d'occupation de la ville par Hachimo. A Antanimasaja, rien ne signale la ont eux aussi compris la gravité de l'acte et ont Mourafine, Manga, Tsararano, Labattoir et fosse commune dans laquelle sont ensevelis les Kamal’Eddine Saindou accepté de réparer l'affront par un zébu et de profité pour mettre à exécution leur stratégie de victimes de ces massacres. Après plusieurs l'argent" selon la coutume betsirebaka. Mais à la terre brûlée en incendiant les maisons, obli- minutes passées à tourner dans ce géant cimetiè- la surprise générale, l'arrangement est refusé. geant les gens à sortir et pouvoir ainsi les atta- re, un habitant du coin nous dirige vers un ter- "Les Betsiberaka ayant monté les enchères à 10 quer." D'autres groupes ont investi les entrepri- rain vague. "C'est là qu'ils ont été zébus, les Comoriens n'étaient pas d'accord" se ses où travaillaient les Comoriens et les par- enterrés." Aucune trace de sépulture. rappelle Gorille. cours de passage des bus. Juste quelques morceaux de roche Pourquoi cet arrangement coutumier n'a-t-il pas On a compté les premières victimes dans la jonchant la terre rouge sous une herbe ...

kashkazi 58 décembre 2006 43 dossier voisins de sang

... sèche. Des roches qui pourraient aussi thèse démentie par Mouzawar Abdallah, minis- Ratsiraka. Un régime révolutionnaire qui se L’ambiguïté de l’attitude bien être posées là par hasard… "Il est tre des Affaires étrangères d'Ali Soilihi, qui méfiait de tout ce qui pouvait contrecarrer la trop tard pour construire quelque avait conduit la délégation comorienne dépê- révolution. Or, pour Ratsiraka, les Comoriens, des autorités malgaches chose à la mémoire des victimes. Les Malgaches chée sur place à l'époque. "Le jour où cette de par le rôle politique et l'influence qu'ils le prendraient mal", pense Gorille. ampleur sera mieux cernée, je vous assure que avaient sur Mahajanga, pouvaient constituer MAJUNGA EST LA DEUXIÈME VILLE DU PAYS, AVEC ceux qui ont jeté la responsabilité de ces mas- une menace pour son régime". 50.000 HABITANTS. La population y est très cos- DANS CETTE ATMOSPHÈRE lourde de sacres sur Ali Soilihi, ont commis un crime au Ce n'est pas ce que soutient le journal malgache mopolite. Les Malgaches sont eux-mêmes répartis suspicion, ce pacte de silence est plus pesant niveau national", rapporte M. Gou dans son L'Eclair dans son édition de mars-avril 1977. en plusieurs ethnies : des Sakalaves dont c'est la que les blessures enfouies. Dans un article paru article sur ces événements. Ce bimestriel favorable au régime de Ratsiraka, région, des Merinas du centre de l'île, des dans la revue Tarehi de décembre 2001, Ali Une possible implication du pouvoir malgache le seul journal à notre disposition qui consacre Ataimoros, des Antisiak, des Antandroi regroupés Mohamed Gou, chercheur au Cndrs (Centre de l'époque est également avancée par des un article à ces "événements", ne lève pas com- sous“ le terme général de Betsimesaraka, originaires du sud-est de l'île. Ils occupent des emplois qui n'exigent pas de qualifica- national de la recherche scientifique), qui parle témoins. Plusieurs personnes ont prononcé le plètement le voile. Latimer Rangers parle tion et sont traditionnellement tireurs de pousse-pousse ou gar- de "génocide", égrène une liste interminable de nom d'un Comorien que nous appellerons A.C., cependant de "forces de la réaction" qui "ten- diens. Ce sont eux qui trois jours durant massacreront les questions sans réponses. Les mêmes que tout dont le rôle dans ce dossier est pour le moins tent maintenant de rééditer au niveau des eth- Comoriens. (…) Les Comoriens, tous musulmans, sont installés à le monde se pose depuis trente ans. Pourquoi ? équivoque. "Il était un des représentants du nies les événements des 20, 21, et 22 décembre Majunga depuis plusieurs dizaines d'années. La plupart sont nés A qui profite ce crime ? Du côté comorien, parti de Didier Ratsiraka [alors président, ndlr], 1976". le journaliste ne laisse pas de doute sur à Madagascar. Les hommes occupent généralement des emplois aucune enquête sérieuse n'a été menée pour et nous attestons qu'il était pour quelque chose. le fait que ces troubles étaient prévisibles. nécessitant une certaine qualification : ils sont boulangers, tenter d'élucider les vrais mobiles de ce massa- ouvriers spécialisés, artisans du bâtiment. Ils ont de ce fait un statut social supérieur à celui des Betismesaraka. Jusqu'à pré- cre. La délégation officielle dépêchée à l'é- sent la communauté comorienne coexistait sans trop de problè- poque sur place pour organiser l'évacuation des me avec les autres communautés. On signale quelques rixes rescapés s'est arrêtée à Antananarivo. Du côté “Pour Ratsiraka, les Comoriens, de par l’influence qu’ils avaient entre Comoriens et Malgaches betsimesaraka, allant parfois jus- malgache, 150 inculpés ont comparu devant un sur Mahajunga, pouvaient constituer une menace.” qu'à mort d'homme, et un début d'affrontement en 1971 avait tribunal militaire spécial. "Après une audience MOHAMED HACHIMO, UN COMORIEN DE MAHAJANGA pu être rapidement interrompu. Les affrontements qui ont fait de plusieurs jours, ce dernier a prononcé à l'en- rage trois jours ne peuvent s'expliquer que par une rancœur contre des personnes impliquées dans cette sourde, accumulée progressivement par les Malgaches les plus affaire 54 condamnations aux travaux forcés, Il informait les tueurs et leur montrait les mai- pauvres contre les " étrangers ". (…) Tout commence le 20 décembre [avec l'incident de l'excré- 54 peines d'emprisonnement et 29 peines sons où habitaient les Comoriens. C'est LE PRÉSIDENT DIDIER RATSIRAKA y ment] (…) Les Betisberaka disposent de coupe-coupe et les mas- d'emprisonnement avec sursis. Seize person- d'ailleurs après qu'il soit parti pour avait lui-même fait allusion. Dans un discours sacres commencent. L'armée et la police n'interviendront pas. nes ont été acquittées", révèle Océan Indien Antananarivo, sans doute pour rencontrer les de clôture de la campagne électorale de mars (…) Des témoins m'ont affirmé avoir vu des militaires malgaches actuel dans son édition de février 1978. Le autorités, que l'armée est intervenue pour limi- 1977, que publie le journal, les propos suivants prêter main forte aux Betsimesaraka. (…) Hommes, femmes et magazine ne précise à aucun moment les chefs ter les dégâts. Etait-il dépassé par les événe- sont très révélateurs : "C'était une provocation enfants se réfugient alors à la gendarmerie. Ce sera l'arrêt des d'inculpation retenus contre les condamnés. ments ?" s'interrogent ses accusateurs. grossière, une action criminelle perpétrée cont- massacres. (…) On ne peut manquer d'être surpris de l'ambiguïté Faute d'un rapport circonstancié sur ce drame, L'hypothèse d'une opération politique orches- re nous et le peuple frère comorien. Nous en de l'attitude des autorités, alors que récemment, en septembre chacun spécule. trée par le pouvoir de l'époque est également avons été avertis dès le mois d'octobre [deux 1976, le régime n'a pas hésité à utiliser la force contre les mani- festations d'étudiants à Tana. Quelqu'un ou un groupe avait-il Beaucoup de Comoriens soupçonnent encore celle de M. Hachimo. Cet engagé militaire de mois avant les massacres de décembre 1976, intérêt à laisser évoluer de la sorte un conflit ethnique ?” aujourd'hui le président de l'époque, Ali Soilihi, 85 ans, impliqué dans la vie malgache depuis ndlr] par une lettre qu'un étranger nous a d'avoir comploté pour provoquer un retour 1943, estime que "ces événements sont la adressée. Dans cette lettre, il nous faisait part RÉCIT DE JEAN-MARC DEVILLARD, INGÉNIEUR AGRONOME EN POSTE À MADAGASCAR massif aux Comores et construire le pays. "Ali conséquence de la connivence entre les de ses idées sur les différentes actions qui pour- ET TÉMOIN DES MASSACRES DE MAHAJANGA, OÙ IL SE TROUVE ALORS, PUBLIÉ DANS LES Soilihi a grandi à Mahajanga, il savait que les Comoriens et le régime de Tsiranana [ancien raient se manifester pour abattre le régime COLONNES DU MONDE (16-17 JANVIER 1977) Comoriens d'ici avaient un savoir-faire et une président évincé du pourvoir en 1972, ndlr] et malgache. Il soulignait, en particulier, que habitude de travail qui pourraient aider le d'une certaine façon, le prix du rôle ambigu l'Ouest malgache pourrait servir de cadre à pays. Je me demande par contre s'il savait que que certains ont joué durant l'insurrection une telle action. Une preuve que certaines per- les choses allaient tourner au drame", com- [contre la puissance coloniale française, ndlr] sonnes résidant en Europe sont plus qu'intéres- mente un groupe de Zanatani (les Comoriens de 1947". Ces événements, démontre t-il, "se sées par une éventuelle chute du régime." Pour nés à Mahajanga ou de parents mixtes). Une sont produits au tout début du régime de contrer ces actions, le président malgache lance cet appel : "Tous les militants des fokotany Les Comoriens passent [comités de quartier, ndlr] doivent veiller en le temps à la mosquée, comme permanence pour mettre en échec toutes les pour exorciser le mal (KES) manœuvres de sape et de sabotage." Cet aveu du président Ratsiraka, affirmant savoir deux mois avant les événements qu'il se tramait quelque chose sur la côte ouest, rend plus suspect encore le laisser-faire de la police de Mahajanga et l'intervention tardive des trou- pes malgaches pour arrêter ces massacres. L'incident entre les deux familles comorienne et malgache, serait donc l'étincelle qui a mis le feu aux poudres. Cependant, pour Hachimo, on ne peut pas exclure le fait que certains élé- ments aient pu profiter de ces troubles pour exprimer leurs rancoeurs. "Les Comoriens n'é- taient pas très évolués, ni très riches, mais c'é- taient des gros travailleurs et ils savaient éco- nomiser leur argent, qu'ils dépensaient dans des manifestations de prestige comme leur Grand mariage. Ils menaient aux yeux de cer- tains Malgaches, une vie de pachas en quelque sorte, et affichaient dans leur com- portement, un air de supériorité et de préten- tion qui agaçait certaines franges de la popu- lation locale. Je pense aussi que le fait qu'ils constituaient la plus grosse communauté musulmane, a contribué à ce sentiment de supériorité, estimant que leur religion était au dessus des autres. Particulièrement les gens de Grande Comore, semblaient oublier qu'ils n'étaient pas chez eux." Thany Youssouf, un rescapé des massacres qui vit aujourd'hui à Maore, confirme cette attitude : "A Mahajanga, on était chez nous. Moi je me sen- tais malgache, j'avais toujours vécu là-bas, nous n'étions pas des étrangers. Les Betsimisaraka étaient plus étran- gers que nous à Mahajanga Nous étions là depuis des siècles. ...

44 kashkazi 58 décembre 2006 voisins de sang dossier Les ombres de Boanamary et d’Amboanio A une quarantaine de kilomètres de Mahajanga, ces deux villages abritaient les fleurons de l'économie malgache. Il ne reste plus que leur ombre.

SITUÉS À LA POINTE DE LA BAIE DE bougé de son siège, comme s'il y était de temps en temps à la pêche, même BOMBETOKA, les deux villages séparés scotché. “Je comprends le Comorien, s'il n'y a plus de rendement. A la ferme- de seulement 5 kilomètres, sont arrosés mais je ne m'exprime presque plus.” ture de la cimenterie, ceux qui sont par les eaux de l'océan qui vont mourir Malgré cette visite impromptue, il restés se sont reconvertis dans la pêche dans les mangroves du Betsiboka, répu- accepte de parler de lui. “Je m'appelle aux crevettes et aux crabes, au profit tées remplies de caïmans. A une qua- Assoumani Mroivili, je suis né dans ce d'une société installée à Boanamary, le rantaine de kilomètres sur la route qui village. Ce sont mes grands-parents qui chef lieu de la région. mène vers Antananarivo, la 404 camion- se sont installés ici. Mon père Ali nette qui assure la liaison bifurque sur Mroivili vient de Hambou [Ngazidja, DANS CETTE RÉGION de Boanamary, la droite et emprunte une piste pous- ndlr], mais il est parti vivre à personne n'a été massacré en 1977. siéreuse. De temps en temps, on aper- Mahajanga. Ma mère Moina Echat Pourtant, dans ce fief perdu des çoit une case perdue dans ce désert. Halidi est rentrée à Betsirebaka, la majorité des habitants “Ce sont des Antradroy qui cultivent [Ngazidja, ndlr] depuis qu'il y a eu les étaient des Comoriens. “Nous avons ici” explique William, l'interprète mal- rebelles.” Je l'interromps sur ce mot, échappé aux massacres parce que les gache qui fait partie du voyage. Le mais il continue. “C'est comme ça qu'on Betsirebaka n'avaient rien contre nous. véhicule traverse un village où l'on n'a- appelle les événements de 1976. J'ai Ils nous ont dit : "Notre guerre avec les perçoit que des cases en paille et deux frères. L'un est là-bas aux Comoriens, c'est à Mahajanga, mais pas quelques âmes qui errent sans véritable Comores, il s'appelle Bernard Saïd, un ici. Nous n'allons pas tuer nos amis direction. Nous sommes à Amboanio. électricien à Séléco. J'avais 27 ans en ici.”” Aucune victime en effet. Quand A l'entrée du village, une clôture haute 76, mais j'ai préféré rester parce que on demande comment ils ont vécu alors de plus d'un mètre 50 ne laisse entre- je travaillais déjà à la cimenterie avec les gens qui avaient tué leurs com- voir qu'un toit métallique et quelques depuis 1974 comme mon père. Mais patriotes, la réponse va de soi. “Nous cheminées. “C'est la cimenterie. Elle moi j'étais au service laboratoire.” 400 en avons parlé avec eux. Ils nous ont est fermée depuis que [le président ouvriers travaillaient sur ce site et dit que c'est une affaire politique d'Ali actuel, ndlr] Marc Ravalomanana est vivaient dans le village. Parmi eux, 60% Soilihi et de Ratsiraka.” Assoumani, arrivé au pouvoir” raconte William en de Comoriens. A la fermeture en 2003, comme tous ceux qui vivaient dans la secouant la tête comme pour me faire tout le monde a quitté Amboanio pour région à l'époque, ont vu les bourreaux partager son désaccord. Un gardien aller chercher de quoi vivre ailleurs. de leurs frères, ont parlé avec eux. qu'il connaît rejette poliment sa “On nous a juste donné des droits de “J'en connaissais certains. Ils allaient à demande de visiter le site. “Il faut une chômage de 6 mois. C'est rien ça. Mahajanga, puis revenaient au village. autorisation de la direction à Certains ouvriers n'étaient pas d'accord Mais après, quand on a parlé, ils ont Mahajanga” lui dit-il. et j'en fais partie. Nous sommes 225 à dit qu'ils regrettaient. Ils croient beau- Un peu plus bas, sur la véranda d'une avoir saisi le tribunal et j'attends qu'il coup à la superstition et pensent que maison en tôles qui tient à peine tranche.” Dieu les a punis pour leurs crimes. Mais debout, un homme est assis sur un sem- En attendant, Assoumani vit dans un il y a toujours une méfiance.” Pour blant de chaise. Les vêtements en dénuement indescriptible. Seul cela peut-être, plusieurs familles sont “Après, quand on a parlé, ils ont dit qu'ils haillon, les pieds nus, son regard sem- réconfort, l'habitation lui appartient. rentrées aux Comores après ces événe- ble perdu dans le vide. William s'appro- C'est son seul bien, qu'il a payé avec le ments. “5% seulement des Comoriens regrettaient. Ils croient beaucoup à la superstition che, lui parle en malgache et se tourne salaire qu'il touchait à la cimenterie. Un sont restés dans la zone”, estime-t-il. vers moi. “C'est un Comorien. Il y en tas de tôle. Divorcé et père de trois Assoumani ne sait pas s'il va partir un et pensent que Dieu les a punis pour leurs crimes. avait beaucoup ici, mais depuis la fer- enfants, il vit seul. L'aînée, une fille, jour, et vers où. “J'attends de toucher Mais il y a toujours une méfiance.” meture de la cimenterie, ils sont par- étudie au Soudan, la deuxième s'est mes droits. Peut-être que je vais aller tis”, m'explique t-il. installée à Marvoy et le jeune garçon aux Comores.” Assoumani Mroivili, un des derniers Comoriens du village d’Amboanio Je m'approche du monsieur qui n'a pas est encore à l'école. Pour manger, il va KES

... Mahajanga est une ville comorien- tion locale. En tablant sur le chiffre de 16.000 nant à Labattoir, on croise ces bâtisses closes. ironise pour sa part Gorille. ne. Pour beaucoup d'entre nous, la Comoriens rapatriés, cela faisait quand même Le célèbre abattoir qui a donné son nom au Sergent, un comorien natif de Mahajanga, a nuit est tombée en décembre 1976 : 16 millions de francs malgaches (FMG) par quartier, où vivent actuellement la plupart des reconstruit sa vie. Il est même l'un des rares à on s'est rendu compte que nous étions des jour, ou 480 millions de FMG par mois de Comoriens, n'est que ruines. La majorité des vivre dans une maison en dur. Sur sa terrasse de Comoriens, qu'on le veuille ou non." manque à gagner, et que les moyens exsangues rapatriés ont refait leur vie dans leur pays d'ori- Marvato, un quartier qui surplombe Labattoir, dont disposent actuellement les autorités pro- gine. D'autres sont revenus à Mahajanga pour il revoit encore les images des maisons en feu. CETTE DERNIÈRE EXPLICATION rejoint vinciales peuvent difficilement prétendre pou- constater que de nouveaux en partie celle du seul Malgache de la ville qui voir éponger. Pensant que les ressortissants occupants s'étaient emparés de a accepté de livrer son sentiment sur la cohabi- [comoriens, ndlr] occupaient tous les emplois leur maison. Les plus chanceux tation entre les Comoriens et les Malgaches à dans les entreprises locales, la ville a accueilli ont retrouvé leur demeure ou “On nous traite de Malgaches taratasi [sur le papier] alors que cette période. Professeur de philosophie, poète un afflux considérable de main-d'œuvre, venue leur parcelle, mais les ont ven- nous ne connaissons de pays que celui-ci.” et actuel président de l'Alliance française de de diverses régions, et plus particulièrement de dues, faisant une croix définitive GORILLE, UN COMORIEN DE MAHAJANGA Mahajanga, Roger Rakotondrasoa se définit Farafangana, de Vangaindrano ; c'est ainsi que sur leur passé. Ceux qui sont res- comme un humaniste. "Comme j'ai grandi tous les jours, 50 à 100 manœuvres stationnent tés vivotent. S'ils s'accrochent à avec les Comoriens, je peux dire qu'ils ont un en permanence, devant le portail de la Fitim la terre qui les a vus naître, ils sont pour la plu- Il sait qui est mort, qui est parti, qui a perdu sa défaut. Ils croyaient que Mahajanga leur [société de fabrication de sacs de jutes, ndlr], part au chômage ou en attente d'une décision maison. Une clôture de tôles rouillées dissimu- appartenait, était à eux et de fait ne s'inté- attendant l'hypothétique éventualité d'une de justice pour récupérer ce qu'ils ont perdu. le un terrain vague. "Il y avait là une maison graient pas. Ils manifestaient un esprit de vani- embauche quelconque. Le nombre de taxis- Les natifs ou les métis partagent la même déso- d'une famille d'Iconi [Ngazidja, ndlr]. Elle té, d'orgueil. Un peu vantards." S'il ne peut pas ville a considérablement diminué, beaucoup de lation et passent le temps à la mosquée, comme appartient maintenant à un Malgache qui n'a approuver les "incidents" de 1976, Roger propriétaires indiens ayant jugé qu'il est main- pour exorciser le mal. Un mauvais sort que jamais pu la reconstruire. Juste à côté, c'est +LOIN pense toutefois que "les choses sont revenues à tenant grand temps de retirer les leurs de la cir- beaucoup n'expliquent pas. "Les Comoriens une partie de ma parcelle qui a été reprise par ARCHIVES la normale" après… culation. Faire état dans ces colonnes de l'ini- sont déconsidérés, traités comme des immigrés quelqu'un d'autre" décrit-il. Dans sa valise, lire Kashkazi n°13 du 27 octobre 2005, sur le rapatriement des Et si c'était en fait le but recherché ? Reprendre mitié au sein des différentes communautés eth- ou des Malgaches de seconde zone. Les précieusement gardées, deux photos jaunies rescapés de Mahajanga Mahajanga des mains des Comoriens qui en niques de la région serait prêter le flanc aux Comoriens nés ici jusqu'en 46 [année du déta- par le temps le montrent assis sur un amas de Tarehi n°4 de décembre 2001, article avaient fait leur "bastion" et le territoire d'une coups de boutoir des forces de la réaction" écrit chement de l'archipel avec Madagascar, ndlr] tôle, pleurant. "J'avais 20 ans, c'était ma pre- “Archéologie d’un génocide” "19ème ethnie", comme l'avait relevé le pre- en 1977 le journaliste de L'Eclair. sont-ils comoriens ou malgaches ? Et leurs mière maison." d’Ali Mohamed Gou mier président malgache, Philibert Tsiranana. Ces conséquences économiques sont encore descendants ?" s'interroge M. Hachimo, amer KAMAL'EDDINE SAINDOU DOCUMENT "Les retombées de l'affaire dite de Mahajanga, perceptibles à Mahajanga, mais également devant tant de gâchis. "On nous traite de Livre blanc sur les massacres en dépit de toutes les assurances, se font sentir dans les environs. Toutes les grandes sociétés Malgaches taratasi [sur le papier, ndlr] alors de Mahajanga, Etat comorien, dans tous les secteurs d'activités de la popula- ont mis la clé sous le paillasson. En se prome- que nous ne connaissons de pays que celui-ci", disponible au CNDRS

kashkazi 58 décembre 2006 45 hors-ppiste musique coupé la danse des flambeurs qui fait rêver les pauvres

"Nouvel opium du peuple", disent les journalistes. "Une danse qui met l'ambiance", répondent les fans. De sa naissance dans la diaspora ivoirienne de Paris à sa reprise par les petits chanteurs comoriens, gros plan sur le phénomène coupé-décalé.

, au sud de Mwali. Ce site de la radio RFI (2). "Un producteur s'entiche de ITSAMIA soir là, une sono est leurs délires et propulse deux d'entre eux - Douk Saga branchée sur les panneaux solaires de la "Maison de et DJ Jacob - sur un disque. A l'été 2003, tandis que la tortue", principale source d'électricité de ce petit la Côte d'Ivoire s'enlise dans un "ni paix ni guerre" village. Il a suffi de quelques notes pour que des tendu, la sagacité (du nom de la danse mise au point dizaines de gamins accourent des maisons de terre par Douk Saga) prend comme un feu de brousse sur plongées dans l'obscurité. Tout dépenaillés qu'ils les berges de la lagune Ebrié. Dans un paysage musi- sont, ils se déhanchent et miment les gestes codés cal alors dominé par la musique guerrière et patrio- inventés par des mecs en costards et montres en or, à tique, le coupé-décalé arrive comme une bouffée des milliers de kilomètres de leur île. Le coupé déca- d'oxygène pour faire oublier le contexte difficile dans lé, c'est la fête, même dans le village où éblouir une lequel vivent les Ivoiriens." tortue avec une lampe torche est sévèrement réprimé. Un phénomène qui n'est pas sans rappeler le succès Les fondateurs du coupé décalé sont eux habitués aux du n'dobolo congolais en pleine crise de fin de règne spots et aux paillettes des boîtes de nuit afro-parisien- de Mobutu, observent les spécialistes de la scène afri- nes. Pendant que les gosses d'Itsamia coupaient et caine. décalaient en tongs sur leur place publique, Douk Saga, l'un des chefs de file du mouvement, vivait ses RAPIDEMENT, LES DJ d'Abidjan s'emparent de la dernières frasques. Pionnier du genre, cet Ivoirien est nouvelle musique à succès à laquelle "ils donneront mort le 12 octobre à un peu plus de 30 ans après avoir un autre ton et une autre ossature plus soutenue et imposé son style parmi ses compatriotes les plus moins superficielle en y rajoutant des atalakous, des déjantés. "Douk Saga, qu'on appelait "Président" animations en lingala empruntées aux artistes congo- dans son milieu, se présentait comme la locomotive lais, et en faisant appel aux meilleurs compositeurs et de sa bande de golden boys auto-proclamée Jet-Set", arrangeurs du pays qui y rajouteront de véritables écrit le journaliste de RFI, Solo Soro (1). "Avec Lino rythmiques puisées des classiques de la rumba Versace, Le Molaré, Solo Beton, Shacoole, Kuyo congolaise sur des bases du makossa associées au Junior, Serge Dephalet et Borosangui, sapés d'habits tempo ivoirien. Les arrangements sont généralement griffés et parés de quincailleries, les poches bourrées sans artifices et font bouger"(3). de liasses d'euros à distribuer, ils écumaient les boîtes Le phénomène enflamme les boîtes d'Afrique de afro de Paris. Leurs sorties étaient de véritables mises l'Est, le continent… et finit par arriver aux Comores, en scène pour afficher un pouvoir d'achat impression- où les petits chanteurs adeptes des boîtes à rythme et nant, une image de réussite sociale et, comme on dit du play-back commencent à "faire du coupé décalé" au pays, faire le malin. Le dandysme de Douk Saga a comme ils ont "fait du zouk", en posant des paroles suscité la suspicion et l'admiration. Il a vécu chaque sur un accompagnement unique, et en copiant les jour comme s'il n'y aurait pas de lendemain." Les codes et attitudes de leurs concepteurs. clips de la Jet-set montrent la bande à Douk Saga De Paris à Moroni en passant par Abidjan, petit mode toute de blanc vêtue et d'énormes cigares au bec, se d'emploi pour les débutants en sagacité. trémousser dans des hôtels de luxe ou parcourir Paris en voiture décapotable. LEÇON N°1 : MAÎTRISER LE VOCABULAIRE Le succès avait souri à Douk Saga et ses amis trois Même si on n'y comprend rien, il est important de ans plus tôt. A l'époque, ces "arpenteurs profession- placer quelques mots clés dans un morceau de coupé nels des nuits afro-parisiennes s'inventent un univers décalé. Djoban Djo, autoproclamé "ambassadeur de dont les maîtres-mots sont la sape, la frime, l'argent et la musique aux Comores", confirme : "Le coupé la dépense faciles. Un collectif informel qui prend le décalé a sa propre culture. C'est toujours le même nom de Jet Set, et brille par ses frasques dans les dis- squelette. Si tu ne mets pas certains mots comme cothèques", décrit Vladimir Cagnolari, toujours sur le faroter ou fouka, c'est pas du coupé décalé." Que

46 kashkazi 58 décembre 2006 décalé musique hors-ppiste

... veulent dire ces mots ? "Faroter vient de faraud, ça ? Je suis l'ambassadeur de la musique aux Comores. Ça signifie égotriper. Fouka, je n'ai pas bien saisi le veut dire le miracle vivant. Celui qui contrera Djoban Djo concept, mais quand on le dit on fait "Fouka fouka" (il partira avec des cailloux…" mime). Il faut bien que tu saisisses le mot, mais c'est pas très important de comprendre le sens." LEÇON N°5 : SERVIR LA SOUPE "S'envolement, décalement, sagacité, bien galoper, crica- AUX COLLÈGUES ET AUX PUISSANTS tacricatacricatacricata"… la grammaire coupé-décalé est On touche ici à la genèse du coupé décalé : "Ces nou- composée principalement de mots d'argot d'Abidjan et veaux DJ ont un atout majeur : exhiber un pouvoir d'achat d'onomatopées, mais elle n'est pas figée. kilométrique qui devient fracassant lorsqu'ils dispersent de petites fortunes dans les boîtes d'Abidjan, où le franc LEÇON N°2 : ENRICHIR LA LANGUE CFAse fait rare. Les autres DJ chantent les noms de scène Entre les phrases chantées, il est donc important de scan- de ces golden boys, aux richesses aussi exponentielles der des slogans qui vont motiver les danseurs et les pous- que douteuses. Tels les griots d'autrefois, ils reçoivent en ser à reproduire certains gestes. échange de leurs animations emphatiques de grasses poi- "Guantanamo" revient souvent dans les chansons, avec gnées de CFA. Aujourd'hui, on ne chante donc plus les comme seule référence à sa réalité le slogan "menotté, hauts faits des ancêtres, mais la propension à "faire son menotté", accompagné de son geste. "Comme en malin". Et, quand on fait son malin, on "se fait sentir" en RDCongo [le n'dobolo, ndlr], les mots de l'actualité sont "travaillant" le DJ local, c'est-à-dire en lui jetant des récupérés et vidés de leur sens immédiat pour n'en garder billets de banque. A tel point qu'il faut parfois un seau (à que le pouvoir évocateur et médiatique. Dans le monde champagne) pour les ramasser." (4) de l'ambiance facile, Bill Clinton et Bill Gates habitent à La version comorienne est moins truculente. Les billets Kinshasa, Arafat et le Mollah Omar entre Paris et de banque et l'éloquence des griots en moins, ça donne au Abidjan." (2) milieu d'une chanson de Djoban : "Djabal TV… 105 RB, Les jeunes chanteurs comoriens sont tout fiers d'apporter la radio intelligente…" Plutôt que ses partenaires, Djo RR leur pierre à l'édifice. "On adapte à notre culture", affir- préfère lui citer des hommes politiques en rapport avec me Djoban Djo avant de citer quelques unes de ses créa- ses chansons : "Dédicace à Youssouf Moussa, le leader tions : "J'ai inventé le kata chinois [amalgame des "un politique mayottais qui réclame le retour de Mayotte dans kata, deux kata", et "décalé chinois" ivoiriens, ndlr], et les Comores." aussi ankipwa, qui est le nom d'un jeu traditionnel como- rien." Djo RR, une autre star locale qui se revendique du LEÇON N°6 : NE PAS ÊTRE MUSICIEN mouvement coupé décalé, le dit tout net : "Je ne triche Les fondateurs du coupé-décalé ne sont pas musiciens, ce pas. Quand vous entendez mes chansons, il n'y a pas sont des "ambianceurs", des DJ. Ses adeptes comoriens "watchin" ni "fouka". J'ai créé "ventilateur", "mandat non plus, ou si peu, au vu de l'absence totale d'arrange- dépôt" et "wakatagu" (mot inventé qui signifie pour lui ments musicaux sur leurs morceaux. hufwakuzi en shingazidja, et en français "s'emparer de la chose d'autrui, souvent dans un jeu"). LEÇON N°7 : NE PAS TROP RÉFLÉCHIR Djoban Djo a le mérite d'être franc : "Donner un messa- LEÇON N°3 : REVENDIQUER LA PATERNITÉ ge dans cette musique, ça ne sert à rien. Les gens veulent D'UNE DANSE danser, c'est le sang africain, c'est la raison pour laquel- Douk Saga a inventé la sagacité, ce qui lui a valu bien des le je chante du coupé-décalé. Je fais le truc que le public jalousies. Djoban Djo a quant à lui le plaisir de vous pré- aime, et le jour où le public n'aimera plus, je ferai autre senter le "coupé des cachés", un mouvement de danse où chose !" l'on se "cache du public". Quand à Djo RR, il est l'inven- Djo RR, au contraire, a consacré une chanson à la reven- teur d'une "coudansia" dont nous ne connaissons pas les dication de Maore par l’Etat comorien, et une autre à l'ab- particularités chorégraphiques. sence de justice dans le pays. Mais le jugement d'une fan est sans appel : "On n'écoute pas le message. On suit LEÇON N°4 : SE LA PÉTER l'ambiance, on danse… C'est fait pour s'amuser, sinon on Les pères du coupé décalé "se la pétaient au champagne écouterait du rap." Voilà qui va conforter tous les journa- dans les boîtes parisiennes", écrit un journaliste. Plus listes qui parlent de "nouvel opium du peuple"… modestement, nos "ambianceurs" comoriens se disputent LISA GIACHINO le titre de "premier ambassadeur de coupé décalé aux (avec AÏCHAM ITIBAR et SAMIR M. HASSANE) Comores". Citons quelques paroles de Djoban Djo qui débutent un "morceau" de plus de 7 minutes : "J'ai gagné (1) Douk Saga tire sa révérence, 17/10/2006, www.rfi.fr le trophée à Paris et y a des gens qui sont jaloux. Je suis (2) Le coupé décalé s'envole au Bataclan, 18/04/2005, www.rfi.fr pas l'ambassadeur de la musique à cause de l'argent. Je (3) Ephrem Youkpo, L'histoire du coupé-décalé, www.blackmap.com/contenus/musique/dossiers_coupe.htm suis l'ambassadeur de la musique comorienne à cause du (4) Papa Schengen, Le Gri-Gri international, http://www.ouaga-ca- talent (…) Je suis le meilleur des meilleurs ; Qui dit non bouge.net/Analyse-du-phenomene-coupe-decale.html

Lexique COUPER ET DÉCALER “Couper” d'Abidjan (www.rezoivoire.net). (vêtements, grosses cylindrées, signifie berner, tromper, et “déca- Cependant à l'origine, la danse cari- bijoux, ...) partagent leur butin ler”, s'en aller en langage de la rue caturait celle du groupe ethnique avec les personnes qu'ils rencont- ivoirien. Ajoutez à cela la richesse attié de la Côte d’Ivoire, d’où l’em- rent lors de leurs virées”, poursuit louche des membres de la “Jet- prunt de “Akoupé”, le nom d’un Honoré Hessoh. set”, et vous comprendrez pourquoi village attié situé à quelques kilo- le coupé décalé a été qualifié de mètres d'Abidjan, nous dit Ephrem SAGACITÉ subtilité avec laquelle on +LOIN “musique d'escrocs” : la danse Youkpo (www.blackmap.com) exécute les opérations précédentes, http://www.ouaga-ca- mimerait un vol et la fuite qui suit. d'où le nom de la danse de Douk bouge.net/Analyse-du- "Ces jeunes seraient des profession- TRAVAILLER distribuer de l'argent à Saga. phenomene-coupe- nels en arnaques de toutes sortes : quelqu'un pour qu'il chante vos decale.html trafic et vol de cartes de crédits, louanges. “Comme pour bien porter FAROTER faire le malin. Aux www.rfi.fr escroqueries sur Internet, piraterie leur surnom de “Robins des bois des Comores, le mot est passé dans l'ar- www.blackmap.com/conte de comptes en banque", écrit temps modernes”, ces “coupeurs- got des jeunes pour signifier le fait nus/musique/dossiers_co Honoré Essoh, un journaliste décalleurs” passionnés de luxe d'avoir une relation sexuelle. upe.htm

kashkazi 58 décembre 2006 47 hors-ppiste histoire Sur les traces des esclaves oubliés de l’îlot Tromelin Pendant 15 ans, des hommes et femmes des hauts plateaux malgaches, rescapés du naufrage d’un bateau négrier, ont survécu sur un îlot de sable et de roches en attendant les secours.

Ci-dessous, ans après le départ des neuf férents équipements, des vivres ainsi que du bois faillite de la Compagnie des Indes font passer récipients de cuivre a été déterrée. "Ces objets l’îlot de Tromelin : rescapés miraculeux de de l'épave. Ils creusent un puit, permettant d'ob- dans l'oubli les Malgaches abandonnés. ont été fabriqués par les Malgaches et certains à peine 1.600 mètres Tromelin, la minuscule île tenir de l'eau juste potable et se nourrissent des Ils devront attendre 15 ans pour enfin être ont été réparés de nombreuses fois par rive- de long sur 700 230 située à 450 km de la côte orientale de vivres sauvées, d'oiseaux et de tortues géantes. secourus : en 1773, un navire passant à proxi- tage", soulignait Max Guérout, chef de la mis- de large en plein milieu de l’océan Madagascar et à 530 km de la Réunion a livré le Le capitaine du navire fait construire deux cam- mité de l'île les repère et les signale aux autori- sion, au retour de l'expédition. "Ils sont excep- Indien. mois dernier certains de leurs secrets à une équi- pements sommaires -un pour l'équipage, l'autre tés de l'île de France. Un bateau est envoyé mais tionnels car rarissimes". pe scientifique. Enfouis sous plusieurs mètres de pour les esclaves-, et avec le bois de l'épave, ce premier sauvetage capote. Un second navire, sable comme l'avait été leur naufrage 15 ans débute la construction d'une embarcation. Deux La Sauterelle, n'a pas plus de réussite un an plus "AVANT DE PARTIR en mission, nous pensions durant, au XVIIIème siècle. mois après le naufrage, l'équipage de 120 hom- tard. Il met une chaloupe à la mer, un marin que ces naufragés avaient vécu de façon très Le livre des naufragés de Tromelin s'ouvre le 31 mes y prend place difficilement mais laisse les réussit à rejoindre les naufragés à la nage mais précaire", poursuit Max Guérout. Mais les juillet 1761. Ce jour-là, un navire négrier appar- Malgaches sur l'île avec quelques vivres. Le il doit être abandonné par ses camarades qui ne découvertes ont montré que ces hommes et fem- tenant à la Compagnie française des Indes orien- capitaine leur promet de revenir les chercher. peuvent s'arrimer à cause de l'état de la mer. Ce mes ont su améliorer leurs conditions de vie. tales dénommé L'Utile, fait naufrage sur les Promesse qui ne sera jamais tenue… marin fait alors construire un radeau sur lequel S'ils ont d'abord vécu sous des tentes sommai- récifs de l'îlot. Parti de ce que l'on appelait alors il embarque avec les trois seuls hommes resca- res, signe que les naufragés espéraient qu'on l'île de France (aujourd'hui l'île Maurice) avec TANDIS QUE 18 esclaves tentent la fuite sur pés et trois femmes, mais le radeau disparaîtra vienne rapidement les chercher, les survivants 120 hommes d'équipage, cette flûte devait rame- un radeau qu'ils ont eux-même construit -sans y en mer. Ce n'est que le 29 novembre 1776 que se sont par la suite construit des abris plus soli- ner des esclaves de Madagascar. Une centaine parvenir-, les marins atteignent rapidement d'entre eux, issus pour la plupart des hauts pla- Madagascar puis embarquent sur un navire “Avant de partir en mission, nous pensions teaux malgaches, sont embarqués à Foulpointe, pour l'île de France où ils signalent les naufra- sur la côte orientale de la grande île. Mais sur le gés. Mais le gouverneur, furieux que le com- que ces naufragés avaient vécu de façon très précaire.” chemin du retour, une violente tempête pro- mandant du bateau ait désobéi à ses ordres de MAX GUÉROUT, CHEF DE LA MISSION +LOIN voque le naufrage du navire. L'équipage et une ne pas importer des esclaves à Maurice, refuse soixantaine de Malgaches arrivent à rejoindre de secourir les naufragés restés sur l'îlot. La le chevalier de Tromelin, commandant la cor- des, en murs constitués de bloc de rochers. Un La mission scientifique jour après jour, sur : l'île. Les autres esclaves, enfermés dans les nouvelle de cet abandon agitera quelques temps vette La Dauphine, récupérera les huit esclaves four a également été aménagé. Pour l'eau, les http://www.archeonavale.org/ cales, périssent noyés. les humanistes parisiens, mais rapidement, la survivants : sept femmes et un enfant de huit naufragés ont, dès le départ, creusé un puits à 5 Tromelin/ Dès les premiers jours, l'équipage récupère dif- Guerre de Sept ans (contre l'Angleterre) et la mois. Leur statut pose alors problème "parce mètres de profondeur, dans un sol très dur. L'eau qu'on ne peut pas les considérer comme escla- qui s'y trouvait, bien que saumâtre, leur a permis ves et qu'on ne peut donc pas les affranchir", de survivre pendant quinze ans. La nourriture se rapporte Sébastien Berthaut-Clarac. "Ils sont composait essentiellement de tortues et de petits alors tout simplement déclarés libres et le oiseaux, comme le laissent penser les ossements Gouverneur décide de les prendre en charge. retrouvés. Très peu de poissons entraient dans le Parce qu'il est sauvé des eaux, le bébé est bap- menu, les fortes vagues et l'absence de matériel tisé Jacques Moïse." rendant difficile la pêche. "Ce n'était pas des Comment ces hommes et femmes élevés sur les marins", expliquait Sébastien Berthaut-Clarac hauts plateaux malgaches ont-ils survécu sur dans les colonnes du Quotidien de la Réunion. une île qui ne dépasse pas 6 mètres de hauteur, "On ne sait pas s'ils ont réussi à pêcher. On ne sur laquelle ne pousse aucune arbre, et qui ne sait même pas même s'ils y ont tout simplement mesure que 1.600 mètres de long sur 700 de pensé." Se sont-ils adonné au cannibalisme ? "Il large ? C'est à cette question qu'une équipe y a des parallèles avec le Radeau de la Méduse scientifique qui s'est rendue sur place en novem- où des gens se sont eux aussi retrouvés perdus bre dernier a tenté de répondre. sur un espace réduit et qui en sont venus à deve- nir cannibales pour survivre. A priori, ça n'a pas "IL FAUT IMAGINER un groupe de personnes été le cas à Tromelin", affirme Sébastien qui se retrouve coupé du monde sur une île Berthaut-Clarac. comme Tromelin. Non seulement c'est un îlot Le feu, essentiel à la survie, a été allumé au quasi-désertique mais c'est également une zone départ par les marins français, puis entretenu de formation cyclonique. Ils ont survécu dans pendant quinze ans par les survivants malga- des conditions absolument incroyables ", expli- ches, qui l'ont raconté quand on les a récupérés. quait quelques jours avant le départ pour L'épave de "L'Utile" a par ailleurs joué un grand Tromelin un membre de l'expédition, Sébastien rôle dans la survie des naufragés. C'est en effet à Berthaut-Clarac (Le Quotidien de la Réunion). partir des restes du bateau échoué que le grou- Les petits fragments de vie humaine patiemment pe a pu se fournir en bois pour le feu - hormis collectés permettent d'en savoir un peu plus sur quelques arbustes, la flore de Tromelin est pau- la vie des naufragés. Les recherches, menées à la vre - et en métal pour fabriquer des récipients. fois sur l'épave immergée et sur terre, ont permis La capacité des naufragés à maintenair un feu 15 de retrouver une quantité de petits objets : réci- ans durant sans véritable abri reste toutefois, pients de cuivre, canons, briques de four, céra- selon les membres de la mission, "une énigme miques, qui sont autant de témoignages de la vie dans l'énigme". des esclaves abandonnés. Une collection de six RC (avec Le Quotidien de la Réunion)

48 kashkazi 58 décembre 2006 kashkazi 58 décembre 2006 49 LES MAUX DE LA FIN A qui appartient la terre comorienne ? Les putschistes de 1999, qui en avaient pris la par Mohamed Toihiri mesure, avaient essayé de mettre le holà, mais leur

CETTE QUESTION QUI, POUR CERTAINS, ÉVOQUE les Cette question de la terre dans notre pays - je crois que la question volonté d'airain s'est senteurs de l'humus du terroir et du bocage, pour d'autres de est aussi sensible et anarchique dans les autres îles- constituera à brisée contre les murs vigoureux élans nationalistes et patriotiques, renvoie plutôt chez mon avis l'un des grands débats de société dans les semaines, les moi à des échos de douloureux drames familiaux, de vrais déchi- mois et les années à venir. encore fragiles des rements entre cousins nés de germain, d'amateurisme, de corrup- Les putschistes de 1999, qui en avaient pris la mesure, avaient maisons en bordure de tion, de pillage du patrimoine national, d'absence d'autorité de essayé de mettre le holà, mais leur volonté d'airain s'est brisée l'Etat et peut-être même d'absence d'Etat tout court. contre les murs encore fragiles des maisons en bordure de mer mer appartenant à En effet, aussi loin que puissent aller mes souvenirs (fin des appartenant à certains beaux-frères de certains lieutenants-colo- années 60 et début des années 70), j'ai toujours dans ma mémoire nels, à des copains, des coquins et des faquins. certains beaux-frères de l'image d'un quartier, celui de la Coulée de lave, habité de maisons certains lieutenants- exclusivement de fonctions, avec leur cour et leur jardin, apparte- nant à l'Etat. Lorsque nous déclarâmes notre indépendance, ces colonels, à des copains, maisons habitées par des fonctionnaires, ainsi que les terrains A L'APPROCHE DES ÉLECTIONS MUNICIPALES et commu- des coquins et des environnants, avaient gardé encore pendant quelques temps, ce nales, la question de la terre, donc des frontières, va se poser cres- statut exclusif de propriété de l'Etat. cendo. Ne voilà-t-il pas que nous venons d'apprendre que Moroni, faquins. Mais voilà que brusquement, vers la fin des années 80 et le début déjà étroite dans ses habits de capitale des Comores -après des années 90, on vit pousser au milieu des maisons de fonction, Marseille, cela va de soi- en expansion vertigineuse quant à son des maisons privées : les cours furent prises d'assaut et les jardins parc automobile et à sa population, se réduirait comme peau de bétonnés. Bien sûr, ces nouvelles constructions appartiennent, par chagrin et n'existerait même pas, si l'on en croit les hérauts d'Iconi le plus pur des hasards, ou à un apparatchik ou à une maîtresse et les aèdes de l'Itsandra qui voient pour les uns, leur commune d'un hiérarque du régime. s'étendre depuis les marécages de Mabachilé jusqu'au au petit Certains de ces individus dont le culot est la plus grande vertu, se aérodrome d'Itsambouni, et pour les autres, leurs frontières Sud sont fait établir par nos merveilleux et consciencieux fonctionnai- s'arrêter à l'ancienne pharmacie Pinchot, c'est-à-dire l'actuel maga- res ripoux des certificats de propriété. Personne au sein de l'Etat sin Ayyaz ! n'a jamais trouvé rien à redire. Au contraire. Moroni se réduirait alors aux trois quartiers historiques : Mtsangani, Badjanani et Iroungoudjani. L'absurde n'a jamais com- motionné quelqu'un dans ce pays… Cette revendication martiale et même belliciste de certaines com- LES QUELQUES CITOYENS SURPRIS ET INDIGNÉS de ces munes est la preuve que la question foncière est une question déli- occupations sauvages du domaine de l'Etat et demandant l'origine catement empaquetée dans de la nitroglycérine. Qu'il ne faudra le mois prochain d'un tel bradage du patrimoine national, se sont entendu dire par pas négliger, au risque de se retrouver au milieu de plusieurs des sources bien informées que cela débuta avec la nomination des explosions de conflits villageois. préfets véreux, des gouverneurs ripoux et des cloportes manigan- En effet je suis sûr que l'on va bientôt assister à des revendications enquête çant au service des domaines. Un certain préfet, particulièrement aussi fantaisies que celle qui consistera à vouloir s'approprier le sans foi ni loi, brada tant et tant pendant les quelques années où il domaine de Badasamlini. Appartient-il à l'Etat, au Mboudé, au sévit à la préfecture que l'on est aujourd'hui dans l'impossibilité de Washili, au Hamamvou ou à ? Et l'ancien Belvédère ? Et si les trouver une parcelle non vendue, ne serait-ce que de la taille d'un La question se posera aussi pour l'ancienne scierie de mouchoir de poche. Il paraît même qu'il poussa la frénésie du bra- Gnoumbadjou ainsi que l'ancienne distillerie de et pour Comores dage jusqu'à vendre parfois la même parcelle à trois ou quatre per- des dizaines et des dizaines d'autres domaines dont l'Etat ignore sonnes différentes. Aujourd'hui, trois affaires sur dix jugées en jus- jusqu'à l'existence. Je souhaite bien du plaisir au gouvernement de possédaient tice relèvent d'une affaire foncière l'île de Ngazidja dans ses découpages municipaux, communaux et Comme nous sommes dans le pays où Ubu a toujours régné et qu'il électoraux ! du pétrole ? a toujours été le meilleur exemple pour ses propres conseillers et pour ses courtisans, le phénomène du bradage du patrimoine de l'Etat a pris une telle ampleur qu'aujourd'hui, aucune parcelle n'est alternatives libre autour de Moroni et de ses environs. Par exemple, tous les TANT QU'ON N'AURA PAS UN GOUVERNEMENT suffi- terrains initialement dévolus à l'extension de l'Enac et de l'IFERE, samment fort, avec les moyens d'imposer les décisions de justice Les zébus, en voilà ont été cédés- à quelles conditions- à des particuliers, ce qui fait (lequel, l'îlien ou l'unioniste ?) à tous les citoyens du pays, ce pro- que ces acheteurs entravent aujourd'hui l'éducation de nos enfants. blème du foncier risque de devenir de plus en plus explosif. Seul un placement Vous trouverez même des maisons privées en plein milieu de la un cadastre, respecté par tous les citoyens, peut, à la rigueur, jouer efficace ! piste du petit aéroport de Moroni, sans que cela n’indigne l'Etat, le rôle de casque bleu et de démineur dans ces terrains dangereu- alors que l'on a vu l'importance de cette piste lorsqu'il a fallu que sement minés. l'Amisec fasse atterrir ses avions. Dans certains quartiers, des mai- Les vœux que je formule tous les jeudis soirs, veille du jour saint, sons poussent carrément en plein milieu de la route, ce qui empê- nuit pendant laquelle prières, vœux et souhaits ne passent par hors-ppiste che celle-ci d'aller plus loin. Faites une visite à Hamramba, vers le aucun tamis ni aucun filtre et ne subissent aucune décantation, terrain de Bonbon Ndjema, tournez à gauche et vous verrez ce mais parviennent directement tels quels au Grand Exauceur, c'est Mjumbe phénomène qui peut vous paraître surréaliste, digne de Bagdad qu'à l'approche des communales et des municipales, Ngazidja ne Café. Tout le front de mer de la capitale a été soldé à des privés et devienne pas, à cause de la question des frontières, comme le Far le mythe tenace même certains espaces ont été purement et simplement squattés, West où l'on verrait surgir brusquement des colts fumants, des sans que l'on sache comment les "propriétaires" ont pu en devenir djembeayas sanglants, des nkasses saignants et des putchars san- de la cinquième île possesseurs. Des paillotes d'une laideur incroyable, poussent peu guinolents. à peu sur le front de mer entre les Buildings et Beit-salam. Tout le monde sait que des prédateurs lorgnent de plus en plus sur MOHAMED TOIHIRI le terrain près du PNUD, réservé à la construction du futur stade écrivain et enseignant, auteur de La République dans les kiosques le de Moroni. des Imberbes, Le kafir du Karthala, etc... jeudi 5 janvier 2007

50 kashkazi 58 décembre 2006 kashkazi 58 décembre 2006 51 Cadence Travelling Etes-vous sûrs de bien la connaître ?

Ngazidja L’île aux multiples facettes

Du lever au coucher du soleil, Cadence Travelling vous accompagne à la (re)découverte de votre île. Itinéraires d’Histoire, La beauté du monde est aussi à votre porte ! de détente, de randonnée...

Renseignements : (00269) 73.56.16 - Maison Zema, Hadoudja, Moroni - [email protected] Conception Kashkazi (00269) 76 17 97