www.kashkazi.com kashkazi vie(s) de taulard les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus reportages dans les prisons de l’archipel sambi la tentation solitaire enquête polices des îles : le spectre des “soldats” négligés ports : l’autre affaire qui divise les politiques analyse coopération : la nouvelle arme des départementalistes comment les familles mahoraises vampirisent la démocratie politique, médias, justice étrangers la fabrique des boucs émissaires reportage hip-hop à maore, la voie des sans-voix Une partisane de Sambi, à Ngazidja, n°73 - juin / juillet 2008 lors de son élection en mai 2006.

Ndzuani, Ngazidja, Mwali : 700 fc / Maore : 4 euros / Réunion, France : 5 euros / Madagascar : 2.500 ariary EN PRÉAMBULE sommaire (73) L’entente du plus fort sambi, deux ans après son élection

4 exercice du pouvoir : la tentation autocratique par Rémi Carayol 6 l’arabisation de l’économie 7 comment il a géré la crise anjouanaise D'ABORD, IL Y A L'ESPOIR. Puis la désillusion. quence sa revendication d'accepter ou non les personnes qu'on lui renvoie. Ce que fait n'importe quel autre pays. En métropole, pour éloigner les per- 8 analyse Pour l'heure, nous n'en sommes pas encore à la deuxième phase, sonnes, il faut réunir deux choses : un billet d'avion et un laissez-passer coopération régionale : la nouvelle mais la première semble déjà dépassée. Il faut bien avouer que "la nouvelle consulaire. Beaucoup de pays n'acceptaient pas de délivrer les laissez-pas- arme des départementalistes entente" franco-comorienne prônée dans le courant du mois de mai par Yves ser parce qu'ils n'avaient pas envie qu'on renvoie quelqu'un qui depuis la Jégo, ministre français de l'Outremer -ou "des Colonies", c'est selon- res- France faisait vivre tout un village.” 10 enquête semble comme deux gouttes d'eaux à la stratégie du président français polices des îles : le spectre Nicolas Sarkozy. Une méthode faite de beaux discours -de nauséabonds “Ces consulats prenaient prétexte de devoir consulter les fichiers des “soldats” négligés aussi, comme celui prononcé à Dakar en juillet 2007- sans actes ; de ruptu- d'état civil dans leur pays qui n'étaient pas informatisés, pour dire que vu la re sans changement. durée de la rétention ils n'avaient pas le temps de donner leur réponse”, 12 enquête poursuit notre avocate. “C'est sur cet argument que la rétention a été allon- ports de moroni et : La Françafrique en sait quelque chose, elle qui voyait d'un mau- gée en 2003 de 12 jours à 32 jours maximum. Le levier suivant a été de faire l’autre affaire qui divise les politiques vais œil l'élection d'un homme qui, quelques mois avant sa victoire, avait osé pression sur les pays qui résistent en leur faisant des chantages sur la déli- remettre en cause le bon vieux système promu par De Gaulle et adopté par vrance des visas. Un bilan a été fait et [le député UMP Thierry] Mariani a 13 analyse tous ses successeurs. Quand Sarkozy était candidat, il était temps pour Paris proposé qu'on restreigne les visas diplomatiques pour les derniers récalci- comment éviter la crise alimentaire et ses anciennes colonies africaines de "chasser les vieux démons", de "créer trants. Ces accords bilatéraux [entre Paris et Moroni, ndlr] interviennent à les conditions de relations adultes, responsables et décomplexées", de "s'é- un moment où les Comores revendiquent de pouvoir dire qui peut entrer sur panouir en pleine lumière, sous le regard de tous". Il fallait en finir avec "les leur territoire. Alors pas de problème, la France trouve la solution ! Et en étrangers, la fabrique émissaires officieux" et les réseaux "qui ont fait tant de mal" ; il fallait aussi plus personne ne perd la face." des boucs émissaires déclarer la guerre "à la mauvaise gouvernance et aux régimes prédateurs". Sarkozy président, il n'était plus question que de realpolitik. Les régimes prédateurs de Bongo et Sassou Nguesso sont devenus des alliés historiques. 14 POLITIQUE ET MEDIAS Pas question de mettre à mal de si fraternelles relations… Jean-Marie COMMENT NE PAS ACCORDER DE CRÉDIT à ces propos quand, maore : enquête sur la construction Bockel, secrétaire d'Etat à la Coopération envoyé aux oubliettes des Anciens quelques jours seulement après la reprise des reconduites à la frontière, le 1er du statut de bouc émissaire combattants en mars dernier pour avoir osé déclarer vouloir signer "l'acte de mai, 162 personnes s'entassaient dans un Centre de rétention prévu pour en JUSTICE décès de la Françafrique", en sait quelque chose. Peut-être ignorait-il que "héberger" 60 ; quand les forces de l'ordre bafouaient (bafouent) à nouveau 16 dans le même temps, Sarkozy fricotait avec Bourgui -qu'il a décoré à -et de plus belle- les droits des étrangers en arrêtant élèves scolarisés, carnets de justice, ou la criminalisation l'Elysée-, l'un des plus actifs agents de la Françafrique présents sur le conti- mineurs non accompagnés, malades… Comment ne pas verser dans le pes- de l’immigration clandestine nent. Bongo a demandé la peau de Bockel -plu- simisme quand, alors que Jégo évoque "la paix 18 TÉMOIGNAGES sieurs membres du gouvernement français l'ont retrouvée" dans l'archipel, ses troupes (en l'occur- le délicat quotidien des sans-papiers confirmé : il l'a eue, en même temps que celle des rence la police) organisent leurs rafles aux abords malgaches à moroni belles paroles du candidat Sarkozy. Une nouvelle entente des mosquées le vendredi à 12 heures, comme ce fut basée sur la permanence le cas fin mai à Mamoudzou… 19 AFRIQUE DU SUD la guerre des”pauvres” du concept de la loi "Tandis qu'elle chante la libre circulation DANS CE CONTEXTE, les paroles de du plus fort est des personnes, [la politique française] s'applique à Jégo résonnent autrement. Certes, l'homme ne rattraper le retard sur ses quotas et à rafler les manque pas de panache et certains de ses propos inacceptable d'un point gens simples", s'insurge à juste titre le GRDC 1. 20 reportage sont remarquables. Car qu'on le veuille ou non, de vue moral ; elle est la bambao : histoire d’une société qu'un ministre français parle de "quatre îles surtout l'assurance d'un Les nombreuses atteintes aux droits des coloniale sœurs", de "libre circulation des personnes" et de étrangers ont fini par annuler les belles paroles de "zone de libre-échange" dans l'archipel relève de échec à plus ou moins Jégo, comme les pressions politico-judiciaires de 22 gros plan l'inédit. Que ce même ministre réponde à un jour- long terme. Bongo ont rendu caduques celles de Sarkozy. vie(s) de taulard naliste mahorais que des deux visions différentes Ainsi doit-on comprendre que par "nouvelle enten- que l'on a à Maore et à Ngazidja des migrations te", le gouvernement français entend avant tout 26 reportage (immigration clandestine pour les uns, simple imposer sa loi -celle du plus fort, évidemment. hip-hop à maore, la nouvelle voie exode rural pour les autres), aucune n'est fausse -"ce sont deux vérités" a-t- Sans comparer les deux situations, c'est cette même logique de la terre brû- des sans-voix il dit- relève carrément de l'inespéré. A Kashkazi, né pour défendre l'idée lée qu'a adoptée Israël depuis des années : imposer sa loi et négocier uni- d'une ouverture des frontières et d'un rapprochement humain entre les îles, quement ce qui, de son propre point de vue, est négociable (pas question, 30 verbatim on ne va pas mégoter sur de telles opinions. Parfois, les mots sont une pre- par exemple d'aborder la question des réfugiés palestiniens ou de le pouvoir politique à mayotte mière étape essentielle à un changement des mentalités. Jérusalem), quand le besoin s'en fait sentir (c'est-à-dire quand les actes ter- ou le boeuf de shungu roristes deviennent insupportables). Le problème, c'est que cette politique- par mlaïli condro Toutefois, cette "nouvelle entente" synonyme de la fin "d'une là ne marche pas, et mène Israël (en même temps que le peuple palesti- logique d'affrontement" souhaitée par Jégo et matérialisée par des aides nien) droit au mur. C'est ainsi qu'en Israël, une (infime) frange de la popu- financières importantes, laisse perplexe. Nombreux sont ceux qui pensent lation en est arrivée à la conclusion que la seule entente acceptable car effi- qu'il ne s'agit que d'un leurre visant à calmer Sambi et à lui faire accepter les cace sera celle qui se basera sur le respect : des Palestiniens, des résolu- kashkazi reconduites à la frontière, rangées au rang de priorité vitale par le gouverne- tions de l'ONU, des frontières d'avant 1967. les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus ment français et les élus mahorais. Une nouvelle entente basée sur la permanence du concept de Mensuel indépendant de l’archipel des Comores édité par la Ce type de stratégie n'a rien de nouveau. La France a agi ainsi, la loi du plus fort est inacceptable d'un point de vue moral ; elle est sur- SARL BANGWE PRODUCTION Troisième année - numéro 73 auparavant, avec le Brésil et le Surinam : en échange d'aides financières, tout l'assurance d'un échec à plus ou moins long terme. Cette logique BP 53 11, Moroni, Ngazidja, Union des Comores ceux-ci acceptent sans moufter les reconduites à la frontière de leurs ressor- rend la situation du dominant précaire, et celle de son interlocuteur illé- Tel. Moroni : (00 269) 76 17 97 - (00 269) 35 66 18 tissants entrés "illégalement" en Guyane. Le même chantage a été fait à gitime aux yeux de son peuple. C'est parce que le Fatah de Yasser Tel. Mamoudzou : 06 39 40 56 38 e-mail : [email protected] / www.kashkazi.com l'Algérie en 2003. "Vous délivrez plus de laissez-passer et vous aurez plus Arafat avait accepté le "deal" israélien que le Hamas est arrivé démo- Directeur de la publication : Kamal’Eddine Saindou de visas". L'Algérie s'est exécutée et a délivré des laissez-passer permettant cratiquement au pouvoir… C'est parce que Sambi a consenti les bases Rédactrice en chef : Lisa Giachino aux autorités françaises de renvoyer ses ressortissants à tour de bras ; la de cette "nouvelle entente" biaisée qu'il est en passe de perdre l'aura Rédaction : Rémi Carayol, Ahmed Abdallah, Naouir-Eddine France, elle continue de trouver mille excuses pour freiner le nombre de gagnée après le débarquement à Ndzuani. Papamwegne, Daan-Ouni Msoili, Faissoili Abdou, Anzaouir Ben Alioiou visas attribués à des Algériens. Une spécialiste du droit des étrangers à Paris Collaborateurs : Nassuf Djaïlani, Soeuf Elbadawi, Eric Tranois, reste ainsi dubitative : "Jusqu'à présent, la France renvoyait les ressortis- Le Quotidien de la Réunion, www.malango-actualite.com sants comoriens vers qui acceptait ces personnes sans formalités. 1 Impression : Graphica Imprimerie, Moroni - (00 269) 73 59 65 Groupe de réflexion sur le devenir des Comores. Communiqué co-signé avec La reprise du contrôle d'Anjouan par l'Union des Comores a eu pour consé- le Front démocratique - Mayotte, le 31 mai 2008.

kashkazi 73 juin/juillet 2008 3 ANALYSE / sambi à mi-mandat Sambi : la rhétorique au

En 2006, Sambi avait tout pour lui, à commencer par l’espoir suscité chez ses électeurs. A mi-parcours de son mandat, le bilan est cependant bien terne. Analyse d’un échec aussi bien politique que personnel.

2006. Ahmed Abdallah Libye. L'idée d'un actionnariat populaire MAI Sambi, qui vient du monde effleurée par le chef de l'Etat lors de son des ulémas, est porté au pouvoir par 58% discours de mi-mandat, qui "permettrait des électeurs comoriens. Novice en poli- aux fonctionnaires de prendre des actions tique, il doit sa victoire à un parcours aty- dans des entreprises nationales", n'est rien pique et surtout à un discours social et tein- d'autre qu'une idée. "Je demande au gou- té d'humanisme qui a réussi à faire adhérer vernement d'y réfléchir" a fait savoir le pré- autour de sa personne tous les déçus non sident. Lui avait opté pour "imposer des seulement de la présidence d'Azali (2002- prélèvements automatiques sur les salai- 2006), mais plus largement de tous les régi- res". Mais on lui a conseillé "de laisser mes qui se sont succédé avant lui. Celui qui jouer le volontariat", explique-t-il. affectionne l'image de "l'homme au turban" incarne alors la rupture que cherchent les Comoriens. Mais aujourd'hui, l'espoir s'est éteint au gré des déceptions. Les plus démunis vivent toujours dans leur case en L'on écrivait à l'époque 1 que le principal adversaire de Sambi était son succès. Deux torchis et attendent que ans plus tard, l'homme est en fait rattrapé la première maison en par ses lacunes. Sa popularité s'effrite à vue d'œil. En fêtant le 25 mai dernier ses deux brique sorte de terre. premières années de règne, il a dressé un bilan mitigé de son action à la tête de l'Etat, sans -encore une fois- en tirer les consé- quences. Il en a pourtant encore la possibi- Toute la politique initiée par le chef de lité. Non seulement les Comoriens guettent l'Etat souffre de cette incohérence et de des mesures qui sortiront leur pays de l'or- cette illisibilité. "J'ai voulu qu'on ferme les nière, mais aucun dirigeant politique ne robinets, on en a ouvert d'autres", déclare- s'est encore suffisamment démarqué pour t-il à propos des effectifs de la Fonction porter une autre alternative. C'est là tout le publique, qui sont passés depuis le début de paradoxe du phénomène Sambi. Maniant à son mandat de 10.000 à 12.000 agents, merveille une rhétorique à géométrie varia- "absorbant 80% du budget de l'Etat", ble ajoutée à une dose de séduction, il béné- reconnaît Sambi. Certes, cet accroissement ficie deux ans après son élection d'un capi- de la masse salariale est en partie lié à une tal de confiance encore important à l'inté- architecture institutionnelle coûteuse qui rieur et surtout à l'extérieur du pays. Il n'est pas totalement de son champ de com- incarne encore une incontestable volonté pétences. "Je n'ai pas le pouvoir de les en de changement alors que les résultats de sa empêcher [les exécutifs des îles, ndlr] politique se font attendre. parce que la loi ne me le permet pas", cons- tate-t-il, impuissant. Vraiment ? Lui-même Sa promesse -LA mesure de son pro- n'a pas été exemplaire, en ne réduisant pas gramme de campagne- d'améliorer l'habitat le personnel au niveau du pouvoir central Ci-dessus, une partisane de Sambi, en 2006, lors de son arrivée à Ngazidja après les primaires. n'a donné lieu à aucun véritable projet qui est de sa prérogative. "J'ai donné ordre structuré 2. Les plus démunis vivent tou- à tous les directeurs qui peuvent le faire, de jours dans leur case en torchis et attendent faire le dégraissage", jure-t-il… que la première maison en brique sorte de contre la corruption n'a donné lieu à aucun incapacité de les réaliser que par malhon- la cause d'une meilleure reconnaissance terre. De la même manière, la lutte contre le La réforme de la justice est tout autant dispositif à la hauteur du fléau. Le procès nêteté. Sa seule véritable réussite se situe des Comores dans le monde entier. On chômage, autre promesse électorale de mal engagée. Le feuilleton de la Banque de la société des Hydrocarbures en décem- au niveau de ses actions diplomatiques, parle en bien de ce pays", s'est félicité le Sambi, n'a pas dépassé le stade des bonnes industrielle des Comores (BIC) contre la bre 2007, impliquant des dirigeants poli- qui lui ont permis d'intéresser les Comores président dans son bilan. Sambi a ainsi intentions. Si les sans-emplois n'espéraient société Nicom spécialisée dans l'import- tiques du précédent régime, devait marquer aux investisseurs étrangers d'une part 4, et réussi l'exploit de s'attirer les sympathies pas la fin d'un chômage chronique dans le export, qui a défrayé la chronique en 2007 3, la fin de l'impunité contre les malversa- de mobiliser la communauté internationa- simultanées de Téhéran, Tripoli, Paris, court terme, ils auraient pu s'attendre à des a laissé l'impression d'un fiasco judiciaire. tions. Il s'avèrera une goutte d'eau dans l'o- le à le soutenir dans le règlement de la Washington et Pékin… réformes tangibles, et à la mise en place de L'institution y est sortie ébranlée. Son indé- céan de la corruption et ne suffira pas à crise anjouanaise d'autre part. Un succès structures préparant les jeunes à répondre pendance et sa crédibilité écorchées. endiguer le laxisme toujours vivace. que reconnaissent aussi bien ses partisans Muni d'un bon carnet d'adresse, il savait aux besoins du marché à moyen terme. A L'interventionnisme de l'Etat dans le fonc- Soumises aux mêmes pratiques de prélève- que ses détracteurs. "Le fait que c'est un qu'il pouvait miser sur son réseau d'amis Mwali, le président Sambi avait ouvert une tionnement de la justice, en tête des priori- ments à la source et de financements d'acti- arabophone est un avantage qui lui vaut arabes, qui ne lui refusent rien, pour bâtir sa piste en les exhortant à promouvoir les tés du candidat Sambi qui voulait lui don- vités ne relevant pas de son champ de com- la confiance et l'appréciation des pays politique. En visite en Arabie Saoudite au métiers de l'agriculture et aider le pays à ner ses lettres de noblesses, n'a jamais été pétences, la société des Hydrocarbures arabes. Les Comores ont toujours eu des début de son règne, il est rentré avec un réduire la dépendance alimentaire vis-à-vis aussi flagrant - et les relations entre les peine aujourd'hui à payer ses commandes relations avec ces pays, mais aucun autre chèque de 2,5 milliards fc (5 millions d'eu- de l'extérieur. Des paroles non suivies de la deux pouvoirs à ce point dégradées. "Je avec ses fonds propres. chef d'Etat n'a su les mobiliser pour aider ros) qui lui a permis de démarrer son projet moindre initiative. Le développement de la considère qu'il y a effectivement immixtion les Comores" explique Antoy Abdou, ex- phare sur l'habitat. Un don accompagné de pêche se résume à son stade actuel à l'ac- du politique dans le judiciaire" dénonçait De toutes ses promesses de campagne, secrétaire général du gouvernement limo- l'envoi de "formateurs pour la fabrication quisition d'un bateau de pêche offert par la en février l'avocat Me El Aniou. La lutte Sambi n'en a respecté aucune -plus par gé en mai. "Dieu a fait en sorte que je sois des briques en terre cuite, de moules et de

4 kashkazi 73 juin/juillet 2008 service de l’improvisation quatre engins pour les travaux de construc- choses. Nous lui avons laissé le temps et affirme publiquement qu'il est "mal entou- Sambi avait tablé sur les qualités person- tion. Tout cela à titre gracieux" révèle El nous ne voyons rien à arriver" lance, ré, mal servi". L'échec de Sambi n'est pas à nelles -intégrité et technicité- de ses colla- Le pamphlet Anrif Oukacha, député à l'Assemblée de déçu, un jeune du quartier Magoudjou, chercher dans la pertinence de ses orienta- borateurs, tous ou presque des néophytes. l'Union. La Libye a fait cadeau aux dans la capitale. tions, mais dans l'incapacité de ses colla- Mais le résultat n'est pas au rendez-vous. de la CRC Comores de deux vedettes de pêche et a borateurs à traduire ses idées en projets. "Monsieur le président, nous sommes des facilité l'acheminement du bitume destiné à figurants. Vous avez déjà fait votre campa- La Convention pour le l'aménagement des routes comoriennes, en L'idée d'un actionnariat populaire pour gne", avaient déclaré ses deux vice-prési- Renouveau des Comores décembre 2007. "La bibliothèque universi- “Il dit des choses, financer les entreprises nationales, qu'il a dents au cours d'un meeting, à Mutsamdu, (CRC), le parti de l'ex-prési- taire, voilà encore un don de la Libye" lancée dans son discours du 25 mai, est la en 2006. Le pouvoir les a émancipés, mais dent Azali, a signé un pam- ajoute notre interlocuteur. il réussit à les démarrer, preuve récente d'une improvisation érigée ils sont inaudibles. Si la passivité de l'équi- phlet contre le pouvoir actuel mais il n'y a pas de en système politique. Tout à fait envisage- pe autour de Sambi, "qui ne sait même pas de l'Union, fin mai. "A mi- Sous la houlette de Comoro Gulf able, cet actionnariat populaire ne reposait défendre la politique du président", est de mandat du régime Sambi, force Holding, le groupe d'intérêt monté par programme écrit. au moment où il l'évoquait sur aucune notoriété publique, la responsabilité du pré- est de constater que la situation l'homme d'affaire syrien Bashar Kiwan, Tout est verbal.” étude, et risque de tomber aux oubliettes sident n'est pas mineure. Il ne "sait pas met- économique s'est détériorée, la une société koweitienne a investi 150 comme toutes ses autres promesses. "La tre les gens en mouvement pour élaborer situation sociale est devenue très préoccupante, la situation poli- millions de dollars pour construire un faute en revient à son équipe qui n'arrive une stratégie et s'y maintenir", dit un mem- tique et diplomatique est confu- village touristique au nord-est de pas à suivre le rythme. Des partisans du bre du premier cercle présidentiel. se", dénonce le parti. Sur le Ngazidja. Celle-ci négocie l'acquisition Comment un président qui a réussi à moindre effort" critique El Anrif Oukacha. plan économique, la CRC d'un autre site au sud de l'île, sur la plage faire renaître l'espoir de toute une popula- "S'il y avait une équipe aux Affaires étran- Kamal'Eddine Saindou constate l'échec du président de Male. Un hôtel cinq étoiles a poussé tion et a bénéficié de deux ans de grâce, gères pour dynamiser les pistes de coopé- en matière de pouvoir d'a- sur les ruines de l'ancien hôtel Itsandra, d'un contexte international favorable et de ration ouvertes par le président en présen- chat. "Les prix des produits de pour le compte de Comoro Gulf qui, en la disponibilité de pays amis et riches, tant des vrais dossiers, ils obtiendraient première nécessité et des maté- 2007, a signé deux accords avec la vice- prêts à "satisfaire tous ses désirs" selon tous des financement par les pays arabes riaux de construction ont connu 1 présidence chargée des Transports et du Oukacha, n'a pu engager la moindre réfor- qui n'attendent que cela", confirme Antoy "Le principal adversaire de Sambi : , relè- son succès", Kashkazi n°41, des hausses vertigineuses" Tourisme. Un premier sur la construction me ? La raison est que "tout est en l'air", Abdou. Lors de la campagne électorale, 18/05/2006 ve le document. Concernant de quatre ports secondaires dans les trois observe le député Oukacha. "Sambi ne s'é- "nous avions élaboré un programme de 2 A mi-chemin de son mandat, c'est tout le projet habitat, il ne "pourra îles, qui devraient permettre le dévelop- tait pas préparé à gouverner. Il dit des cho- gouvernement sur la base des trois priori- juste si le président a pu poser les pas être réalisable dans les condi- pement du transport maritime ; un second ses, il réussit à les démarrer, mais il n'y a tés du candidat Sambi", révèle un ancien jalons de son programme "phare". tions actuelles", estime la Lire Kashkazi n°70, mars 2008 pour l'exploitation de bateaux rapides pas de programme écrit. Tout est verbal. membre de son comité de campagne. CRC. Quant à la Justice, elle 3 Lire Kashkazi n°66, septembre 2007 pour la desserte inter îles. Ce consortium Son règne repose sur l'improvisation, sur Mais aucun des auteurs de ce programme est devenue "un instrument du 4 Lire notre dossier sur les investisseurs pouvoir exécutif". tentaculaire contrôle la manutention du le rêve (ndzozi)". A demi-mot, le chef de n'a été nommé dans le gouvernement, étrangers, "Le plan drague", Kashkazi port de Moroni (et peut-être bientôt celle l'Etat ne dément pas cette analyse lorsqu'il après sa victoire… n°69, février 2008 du port de Mutsamudu, lire p.9), s'est lancé dans l'édition avec une nouvelle imprimerie et un projet d'un journal quo- tidien, et sera à la tête de la deuxième banque commerciale du pays. Un président au pays des hommes morts Malgré les réticences de la direction de Comores Télécoms, Comoro Gulf a égale- ment arraché une licence d'exploitation des LS SONT RARES CEUX QUI PENSENT quence, bousculant toutes les habitudes Reste encore une fois l'essentiel. Ce qui est navrant et triste, c'est que technologies de l'information et s'apprête à À COMPTER LE NOMBRE DE POU- de nos compatriotes. Il a reconquis L'homme demeure un fin politique. Il tout le monde (ici) sait qu'on ne joue pas ouvrir un deuxième réseau de téléphonie I VOIRS CASTRATEURS que le Ndzuani sous les spotlights de l'Union sait trouver les mots pour emballer le un match de foot tout seul. Or Sambi mobile. Dans son sillage, la multinationale Comorien a dû supporter depuis 33 ans. Africaine et joué des tours pendables à citoyen, lui redonner foi en l'avenir mal- nous donne l'impression de tenir tous les Dubaï World a racheté Galawa, le célèbre S'il est une chose que nos gouvernants l'ami français. Il s'est confondu en ami- gré les temps d'incertitude, sait lui tailler postes à lui seul dans le match en cours, site touristique du nord de Ngazidja, et veut cultivent depuis 1975, excepté le régime tiés dérangeantes et discutables avec les des lignes d'espoir, même si tout le et ce, malgré lui. Pas de remise en ques- ravir à son parrain la construction d'un port hors norme du Mongozi Ali Soilihi, cousins libyens et iraniens par intérêt monde reconnaît que l'optimisme ne tion de sa politique, nul parti d'opposi- en eau profonde dans la plus grande île de c'est bien l'inertie face à des situations de immédiat, tout en revendant des bouts nourrit pas son homme. Sambi comp- tion en campagne, aucune société civile l'archipel. Au total, pas moins de douze vie de plus en plus complexes. Comme d'archipel au capitalisme biaisé des frè- rend bien qu'il ne suffit pas de dire, digne de ce nom. Tous les drapeaux conventions portant sur des projets d'inves- s'ils se donnaient le mot, nos dirigeants res arabes du Golfe, partenaires long- encore faut-il inventer un contenu auto- sont en berne. "On" blablate sur les pla- tissements ont été signées par le gouverne- naviguent tous à vue au début et finis- temps oubliés. Il a aussi libéré l'esprit d'i- risant à transcender les discours de ces publiques contre l'homme au turban, ment Sambi. sent par sombrer dans une forme d'inac- nitiative au bénéfice de son premier cer- bonne volonté. Tout comme il est cons- "on" s'intéresse à son bandeau noir de tion. Jusqu'au colonel Azali, les politolo- cle d'amis. Il n'a certes pas fait monter le cient d'avoir hérité d'un pays où tout chi'â, ajouté à l'étendard national. Mais gues avertis parlaient volontiers d'une pouvoir d'achat, pas boosté la croissance reste à faire. Il ressemble en fait au per- personne ne s'invite dans l'arène de Cette confiance des Arabes à l'endroit absence de projet sociétal. Les notables nationale, pas payé les salaires des fonc- sonnage de la fable. Un personnage qui façon intelligente pour questionner l'ave- du nouveau président comorien n'est pas repus (ou non) estimaient que le pays tionnaires depuis janvier 2008, pas trou- a faim, soif, sommeil, qui rentre dans nir. Comme si on le laissait sciemment dissociable des efforts accomplis par n'est pas assez soutenu par les "partenai- vé le moyen d'éviter la crise alimentaire une maison longtemps close et qui se se dépatouiller seul aujourd'hui pour Moroni pour régler la dette comorienne et res généreux", pour reprendre un bon menaçant l'archipel, pas réalisé plus du demande par où commencer. Préparer à mieux l'accabler demain. Car si Sambi renouer les relations avec les institutions mot de l'écrivain Mohamed Toihiri. Les 1/10ème de ce qu'il a promis après son manger, prendre le canapé ou aérer l'in- est bien là où il est, on peut par contre se financières dans l'espoir de libérer toutes oubliés des placards publics, eux, par- coup de chance aux élections. Une seule térieur pour ne pas avoir à souffrir le demander où se trouve le peuple, qui les possibilités d'investissement et de créer laient d'un Etat sans direction. Sauf qu'à liste ne suffirait -hélas- pas pour rendre renfermé. Le malheureux personnage prétend souffrir à ses côtés. On ne l'en- les conditions de la lutte contre la pauvre- force de discours et de verbes catastro- compte de ce que lui reprochent les réfléchit tant qu'il finit par s'allonger et tend jamais, et on ne le voit jamais, ce té. Politiquement, les amis arabes du pré- phés, on en vient à oublier l'essentiel, à bangwe. Mais il est là, et bien là, ce cher dormir, tout en sachant que dormir n'é- peuple, ni dans la rue, ni dans les rares sident ont joué un rôle décisif de persua- savoir que le pays, malgré tout, se main- Sambi, en spécialiste de la cogestion de tanche pas sa soif et ne remplit pas son espaces de contestation existants. sion de la communauté internationale en tient debout depuis. On oublie surtout crise, essayant des solutions à facette ventre. Sambi s'interroge sans doute accompagnant le président comorien à qu'il tourne depuis deux ans au pas multiple pour dénouer les fils d'une depuis qu'il est là. Par quoi entamer le Nous savons pourtant que si person- asseoir son autorité sur l'île de Ndzuani. cadencé d'un seul homme. Un homme réalité difficile, long héritage de plusieurs travail ? ne n'est là pour juger, proposer des solu- Ils l'ont aidé aussi bien sur le plan matériel dont on ne connaît finalement pas gran- années de pilotage assisté. tions aux crises, Sambi continuera à qu'au niveau financer, à réussir l'interven- d'chose mais qui rappelle par certains piloter seul l'avion. Sans partage, et sans tion militaire de mars dernier contre le aspects "le père de la révolution" et les Carburant qui manque, justice prise 'ARCHIPEL EST UN VASTE CHANTIER. se poser de questions. Osera-t-on lui sultans "ntibe" à la fois. On a dit -"on" / en défaut, entrepreneur en manque DES PROJETS qui n'ont jamais abou- reprocher (demain) ce qu'on ne lui a pas régime du colonel Bacar. L pronom imbécile- qu'il était islamiste, d'inspiration, aux uns et aux autres, ti, des idées qui n'ont jamais pris forme, exigé (aujourd'hui) ? Le bon sens com- chiite, homme d'affaire, beau parleur et Sambi ne manque jamais de suggérer et des ardoises monstrueuses à régler, mande qu'on ne laisse pas un Etat aux Mais si pour beaucoup de Comoriens, dragueur de masses populaires. Il n'em- ses solutions express, quoique parfois dans un contexte de vie où le citoyen a bras d'un seul homme, béni du Seigneur "il a la baraka", ce qui lui confère encore pêche ! Il semble que ce soit lui qui tien- sans lendemains, en sollicitant les pays appris à consommer, et non à produire soit-il. Même si Sambi, qui en profite, une certaine légitimité au sein des cou- ne la maisonnée, et d'une main ferme, et potentiellement partenaires. A l'entend- ce qu'il consomme. Connaissant bien le ne conçoit pas de vivre le contraire de ches populaires qui l'avaient porté au sans le moindre contrôle. re, nous n'aurions d'ailleurs que des mal qui nous ronge, Sambi tente de cette situation inédite dans sa vision du pouvoir en 2006, l'ouverture de tous ces amis et des frères de l'autre côté de l'o- débloquer les situations une à une, mais règne en cours. Du moins tant que le chantiers n'a pas vaincu la morosité Sambi est là tel le bon sultan qui s'est céan. Notre seule erreur étant de nous à peine a-t-il commencé à œuvrer d'un peuple ne se fera pas entendre… ambiante. "Nous avons soutenu un reli- trompé d'époque. Mal ou bien conseillé, commettre en affaires avec un seul par- côté que de l'autre s'infiltre de l'eau. Ce gieux pensant qu'il allait changer les il règne sans partage et agit en consé- tenaire historique. qui fout aussitôt le chantier en l'air. Soeuf Elbadawi

kashkazi 73 juin/juillet 2008 5 ANALYSE / sambi à mi-mandat La tentation du pouvoir solitaire,

dans la lignée des sultans. Non pour per- d'établir un dialogue avec les chefs des nement étatique arabe qui ignore les La “libération” de Ndzuani le 25 mars pétuer un quelconque archaïsme féodal, exécutifs insulaires, le président Sambi a partis politiques, qui ne colle pas à l'his- mais par référence à une certaine idée de toujours tenu à clarifier les rôles de cha- toire politique des Comores et lui permet a révélé l'autre face d’Ahmed Abdallah la légitimité du pouvoir et de la continui- cun. "Il n'y a pas plusieurs, mais un pré- d'esquiver ceux qui pensent autrement" té historique de l'archipel qu'incarnent à sident des Comores, moi" a-t-il lancé explique un ancien collaborateur. Une Sambi, calquée sur le modèle des régimes ses yeux ces anciens régnants. Son dans différentes allocutions. vision solitaire que lui reprochent cer- autocratiques arabes : un homme de accoutrement ne peut pas être unique- tains membres de son cabinet. "J'ai tra- ment associé à son passage dans le vaillé deux ans avec lui et je n'ai jamais pouvoir qui n'a de compte à rendre qu'au monde arabe et en Iran, où la grande eu l'occasion d'étudier un projet avec majorité des dirigeants politiques s’ha- “Sambi ne voit que le lui. Il ne m'a jamais convoqué pour par- peuple qui l'a élu, et à personne d’autre... billent aujourd’hui à l’occidentale. Il ler de la situation politique", se souvient renvoie à l'idée qu'il se fait de l'identité peuple. C’est un modèle l'ancien secrétaire général du gouverne- comorienne. de fonctionnement ment, Antoy Abdou, limogé en mai.

Le contexte institutionnel de son étatique arabe qui Aucun de ses ministres ne s'est affir- est logique, rien n'est à leurs ambitions. Ali Soilihi s'est impo- accession au pouvoir, qui limite la sou- ignore les partis.” mé. Cette "inaction" qui leur est repro- TOUT contradictoire. Sambi sé par le truchement du Front national veraineté de la fonction présidentielle, chée est en partie liée au fait "qu'il est se trouve à la tête de l'Etat de la même uni en 1975 ; le Front national pour la ne sied pas à Sambi, qui dans l'exercice seul à bord et que les autres ne font que manière qu'il a été, dans sa jeunesse, le Justice (FNJ) que Sambi a fondé au de son mandat ne s'y accommode pas. suivre", observe le député de l’Union El leader du mouvement scout anjouanais, début des années 90 l'a propulsé sur la Un retour sur sa campagne électorale Dans la gestion des affaires de l'Etat, Anrif Oukacha. "Sambi n'est pas un et qu'il est devenu, plus tard, le chef d'un scène politique. fournit quelques preuves de son attache- ses deux vice-présidents ne cachent pas organisateur et n'arrive pas à mettre de courant religieux anti-conformiste. ment à la plénitude de la fonction prési- qu'il leur fait de l'ombre. Lorsqu'il a la cohésion dans une équipe" explique Autrement dit, un charismatique meneur Avant cela, il avait déjà conquis l'espa- dentielle. En 2006, ses promesses élec- tenté de se démarquer de certaines posi- une vieille connaissance. Si le président d'hommes. Une conception du pouvoir ce religieux et imposé sa singularité qui torales ne sont pas réfléchies dans le tions qu'ils ne partageaient pas, le plus est le premier à se plaindre de cet immo- qui le rapproche à certains égards de le démarque des dignitaires locaux. quartier général d'un parti et ne sont pas bruyant des deux, Idi Nadhoim, s'est fait bilisme, pourquoi hésite-t-il à changer l'ancien président comorien Ali Soilihi 1. Sambi se considère comme un théolo- non plus le résultat d'un consensus poli- rappeler à l'ordre. Le seul contrat qui d'équipe ? "Le problème pour lui n'est On retrouve chez les deux hommes, la gien plus qu'un chef religieux au sens tique avec ses colistiers. Au second tour intéresse Sambi est celui passé avec le pas tellement la compétence. C'est quel- conviction d'une indispensable révolu- dogmatique du terme. Comme Ali de la présidentielle, il ne cessait de pro- peuple, le seul qui mérite à ses yeux qu'un qui se méfie et qui n'accorde sa tion sociale ("révolution verte" pour Soilihi, il aime s'entourer de l'excellen- clamer : "Je suis un candidat indépen- qu'on lui rende des comptes. Cette idée vraie confiance qu'à ceux qui lui font Sambi) pour faire évoluer les mentalités ce, tout en prenant l'ascendant sur elle. dant et libre", repoussant ainsi publique- du peuple qui transcende les clivages allégeance. Tant que ses collaborateurs des Comoriens et influencer le cours de Mais la comparaison s'arrête là. Car si ment toute alliance de partis ou de per- politiques et justifie la marginalisation ne le contrarient pas, ils peuvent rester l'histoire de l'archipel. Ils ne s'embarras- Ali Soilihi se référait sans cesse à ses sonnalités politiques qui auraient pu des partis se retrouve aussi dans la philo- aussi longtemps qu’ils veulent à leur sent pas des contraintes d'une formation contemporains -notamment du continent l'encombrer une fois aux commandes de sophie d'Ali Soilihi. "Sambi ne voit que poste". En deux ans, le président Sambi politique sauf si celle-ci sert de tremplin africain-, Sambi, lui, ne se projette que l'Etat. Bien qu'il ait compris la nécessité le peuple. C'est un modèle de fonction- n'a fait aucun remaniement gouverne- Diplomatie : les incertitudes de la nouvelle

LA QUESTION :“DANS QUEL PAYS comorien devrait y confirmer un contrat comorienne- Sambi réédite sa position : disposait sur ce dossier sensible du sou- Ce n'est pas la première fois que le pré- ÉTRANGER VOUS RENDREZ-VOUS d'approvisionnement en pétrole brut pro- "La France est un pays ami, pas un pays frère. tien unanime de sa population et de la sident mettait de l'eau dans son vin. En A EN PREMIER SI VOUS ÊTES ÉLU ?” mis par l'Iran à un prix préférentiel. Une Elle défend ses intérêts, nous devons défendre classe politique, toutes tendances confon- novembre 2007, en route vers New York la réponse du candidat Sambi était claire faveur qui n'est donnée qu'aux amis... Le les nôtres". Il est là dans la ligne diploma- dues. Les conditions étaient favorables à où il devait participer à l'Assemblée géné- en janvier 2006 : "Le premier qui m'accorde- contrat a été négocié par le directeur des tique qu'il avait défendue lors de sa cam- une mise à plat des relations avec la rale annuelle des Nations unies, "il a chan- ra du matériel et des ingénieurs en construc- Hydrocarbures après la dénonciation en pagne électorale. "En tant que pays indépen- France, dont le rôle historique dans l'ar- gé des passages de son discours sur Mayotte en tion" avait-il déclaré quelques semaines avril dernier de ses relations commercia- dant, nous devrons diversifier notre coopéra- chipel, la position stratégique dans la échange d'une invitation à l’Elysée du prési- avant le premier tour de la présidentielle 1. les avec le géant français Total. tion", avait-il dit avant son élection. région et les intérêts avoués et non avoués dent français Nicolas Sarkozy" confie un A peine élu Président de l'Union des Sambi, n'avait cependant pas fait mystère aux Comores, en font un partenaire proche. Comores, Sambi confirme ses propos en de ses préférences : "Il y a des pays musul- incontournable. Cette clarification sem- rendant visite au prince d'Arabie mans non arabes avec lesquels nous avons le blait d'autant plus indispensable que Saoudite. Il ne s'est pas trompé dans le Nouveau positionnement devoir et l'intérêt de coopérer". Il citait alors Sambi éprouvait lui-même le besoin de OURQUOI SOUFFLE-T-IL AINSI LE choix de la personne et du lieu, puisqu’il l'Indonésie, la Malaisie, la Turquie… dissiper ce qu'il a toujours considéré P CHAUD ET LE FROID ? Est-il à la obtient alors du chef du royaume les de la diplomatie dans comme des malentendus entretenus par recherche d'un équilibre entre les exigen- moyens d'acquérir le matériel de cons- l’ensemble géopolitique Cette diplomatie décomplexée inquiè- certains milieux français, qui le soupçon- ces géostratégiques et ses propres affinités truction nécessaire à son projet Habitat. te certains milieux politiques, qui crai- nent d'être en connivence avec les politico-idéologiques ? Le dénouement - Riyad lui fournira en bonus du personnel musulman gnent le prélude d'un tournant dans l’his- Mollahs iraniens. pour l’heure heureux- de la crise anjoua- technique pour la fabrication des briques toire du pays, qui négiglerait les alliés tra- naise a fait, un temps, taire les critiques en terre cuite. ditionnels. La différenciation entre "pays "Quand les enjeux sont importants, Sambi de ses détracteurs, qui ont dû reconnaître amis" et "pays frères", qui n'avait jamais été sait être souple. Il n'est pas suicidaire à ce la puissance de son réseau d'amitiés dans Lors de sa visite en Libye, Sambi déblo- Une rupture avec l’ancienne puissance mise en avant aussi ouvertement par les point. Lorsqu'il s’est rendu pour la première le monde arabe. La mobilisation de plus quera l'acheminement sur Moroni de plu- coloniale de plus qui vient rappeler l'aver- prédécesseurs de Sambi, révèle un nou- fois en Libye, il est quand même passé par de 1.500 soldats pour le débarquement du sieurs tonnes de bitume pour la réfection tissement donné par l'ancienne secrétaire veau positionnement de la diplomatie Paris avant" fait remarquer un connaisseur 25 mars, dans le contexte tendu du conti- des routes. La générosité du “frère” d'Etat français à la Coopération, Brigitte comorienne dans l’ensemble géopolitique du jeu diplomatique. Sur la question brû- nent africain, relève de l'exploit diploma- Mouammar Kadhafi sera surtout décisive Girardin, lors de sa dernière visite à musulman (arabe ou non arabe). lante de Maore, le chef de l'Etat a fait tique. "Je ne suis pas riche mais j'ai des amis pour convaincre son allié soudanais de Moroni en 2006. Elle avait alors fait obs- sienne la prudence de ses prédécesseurs. qui m'aideront" avait confié le candidat mobiliser ses troupes en vue du débarque- erver que "les intérêts de la France [n'é- Il n'a pas pris le risque de désavouer la Sambi à la rédaction de Kashkazi qui ment du 25 mars sur Ndzuani - dont une taient] pas préservés aux Comores". Une ERTES, LE CONTEXTE DE CETTE France et de poursuivre la voie engagée cherchait, en janvier 2006, à connaître la partie est maintenue sur place pour assu- réaction qui faisait suite à la décision du C DÉCLARATION -QUELQUES JOURS après le débarquement lorsqu’il avait provenance de ses moyens de campagne. rer la sécurité de l'île. Tripoli a également gouvernement comorien de ne pas renou- après le débarquement à Ndzuani, et interdit les reconduites à la frontière, pré- mis la main à la poche pour apporter l'ap- veler à l'entreprise française Comaco la alors que Sambi n’avait plus posé le pied férant affronter sa propre opinion natio- Doit-on voir dans le pari gagné du 25 pui logistique aux troupes de la coalition concession de la manutention des ports sur le sol anjouanais depuis plus d’un an- nale et la classe politique qui, pour une mars, face aux réticences d'une puissance en assurant leur transport jusqu'à comoriens, lui préférant une société arabe est particulier et ne prédisposait pas à des fois unanime, exigeait plus de fermeté sur régionale comme l'Afrique du Sud, la Moroni. du Golfe (lire p.9). L'avertissement de prises de position sereines. N'empêche, le ce dossier. L'Assemblée de l'Union a preuve de la fidélité de ses "amis" ? Ce qui Brigitte Girardin n'eut que peu d’effets. président détenait là une opportunité même qualifié l'accord conclu le 5 juin à est sûr, c'est que si l'on admet que l'argent Autre déplacement qui s’annonce fruc- En pleine tourmente anjouanaise -une inespérée de clarifier les relations entre Paris dans le cadre du Groupe de travail est le nerf de la guerre, quelqu'un a bien tueux : celui que Sambi effectue depuis crise qui relança la polémique sur le jeu son pays et l'ancienne puissance adminis- de haut niveau (GTHN) de "trahison assumé le coût non révélé -et certainement mercredi 11 juin en Iran. Le président ambigu prêté à Paris dans la politique trante. Pour une fois, un chef d'Etat nationale". exorbitant- du débarquement. L'Etat a

6 kashkazi 73 juin/juillet 2008 ou le spectre des régimes arabes mental. Le seul changement notoire fut le 2 juin, la Cour constitutionnelle a rejeté lancé le président. Si le sujet mérite débat, sont vos taxes. C'est vous les citoyens celui, récent, du secrétaire général du pour cause d'illégalité un décret du prési- la manière dont il l'a amorcé est équi- qui les payez" a expliqué Sambi en 1 Sur Soilihi, lire Kashkazi n°1, gouvernement, coupable de n'avoir pas dent Sambi nommant un magistrat du voque. En focalisant un sujet hautement “bon” pédagogue. De l'argent qui sert août 2005, et n°72, mai 2008 suivi le choix de Sambi dans la prochai- siège à Mwali sans en avoir préalablement politique sur son seul aspect pécuniaire, il seulement à payer les salaires. "Les (disponibles sur www.kashkazi.com) ne élection présidentielle anjouanaise 2. discuté avec le chef de l'exécutif insulaire. donne l'impression de ne pas s'opposer à salaires qui m'embêtent, ce sont les 2 Alors que Sambi soutient Toybou, l'éclatement du pouvoir de l'Etat qu'incar- salaires politiques des instances de Antoy Abdou et son parti ont Il en va de même avec les dirigeants Ces nombreuses sources de conflits ne ce schéma institutionnel, alors qu'il est l'Etat parce qu'on ne voit pas la rentabi- décidé de soutenir Djaanfari. politiques élus. Les liens sont distendus s'inscrivent dans la difficulté du chef de foncièrement contre. lité de ces gens-là" a-t-il asséné. 3 Quelques heures avant la visite des secrétaires d’Etat français à entre Sambi et les chefs des exécutifs des l'Etat à assumer la contradiction. Dans son L'équation étant bien posée, la solution l’Outremer, M. Jégo, et à la îles. Le président de Ngazidja, qui fut son discours à l'occasion du deuxième anni- Mais encore une fois, c'est au peuple coule de source. "On sent qu'il monte le Coopération, M.Joyandet, premier directeur de cabinet à la présiden- versaire de son accession à Beit Salam, que s'adressait le président le 25 mai - peuple contre les classes politiques qui plusieurs députés de l’Assemblée de l’Union ont manifesté contre ce -et qui est un ancien ami- ne cesse de le Sambi n'a pas caché son intention de sor- pas aux politiques. Un peuple qui comp- [selon lui] dilapideraient les fonds de la venue du “ministre des critique. A Mwali, Mohamed Ali Saïd, qui tir de l'impasse que représente pour lui le rend sans doute plus facilement le langa- l'Etat", relève un observateur. En “bon” Colonies” à Moroni, accusant doit en partie son élection grâce au soutien cadre institutionnel actuel. "Je vous pose ge de l'argent que celui des méandres Guide... Sambi de capituler sur la question de Maore en “bradant” de Sambi, s’en méfie comme de la peste. la question. Qu'est-ce qu'on fait de quatre juridiques. "A-t-on de l'argent dans ce l’île contre des accords Quant à l’'Assemblée de l'Union, elle n'a entités ? Je vous demande de réfléchir" a pays ? Même si c'est peu, on en a. Ce Kamal'Eddine Saindou de coopération. jamais réussi à se faire entendre, ses responsables reprochant à plusieurs repri- ses au chef de l'Etat l'absence de consulta- tions sur les grands dossiers touchant à la nation -dont le débarquement à Ndzuani.

La récente polémique sur la question de Maore, qui a poussé les députés de l'Union à descendre dans la rue pour faire entendre leur opposition aux conditions de la visite de la délégation ministérielle française en mai dernier3, est révélatrice de la distance qui sépare les deux institutions. Le grand nombre d'arrêts de la Cour constitutionnel- le rejetant des décisions prises par le chef de l'Etat ou par le gouvernement, traduit aussi le peu de cas que fait le président des lois en vigueur. Dernier exemple en date : donne supporté une partie de la facture et les “amis” ont payé la différence. Parmi ces “amis”, l'énigmatique patron de Treize Radjab. Présent dans tous les segments des activités commerciales du pays, l'armateur indien a été d'un grand soutien dans cette opération. Certains le soupçonnent "de gérer les affaires du président". Seule certitu- de, il est très proche de Sambi, qu'il a connu après des déboires avec des pontes du précédent régime Azali.

Au centre, Ahmed Abdallah Sambi, lors de la campagne électorale de 2006, à Mutsamudu. “J'ai déjà dit que je ne vais pas instaurer un régime islamiste [aux Comores].” nourriture et des vêtements. Plus discrète "On sent que Sambi voudrait dénoncer les engagements que j'ai tenus devant les élec- prohibés. Début juin, les ulémas como- encore -et intriguante-, la présence de institutions actuelles de l’Union des Comores, teurs. J'ai déjà dit que je ne vais pas instaurer riens se sont élevés “contre toute tentative cadres militaires iraniens au sein de la mais par précaution, il pousse l'opinion à le un régime islamiste" déclarait-il en avril de détourner le pays de son rite initial”.Il sécurité présidentielle... faire à sa place. On peut voir dans cette démar- 2006 2. Deux ans après, le ministre des reprochent au président -qu’ils disent che une pression de ses amis qui le poussent à Affaires islamiques de son gouverne- avoir toujours soutenu jusqu’à présent- LUS DISCRET, L'IRAN GÈRE DEPUIS Politiquement, la Libye a trouvé en vouloir se maintenir au pouvoir" explique un ment sort un arrêté interdisant "le port en de favoriser la propagation du chiisme, P QUELQUES SEMAINES LA CLINIQUE Sambi un allié non négligeable dans sa proche conseiller du chef de l'exécutif de public de tous effets vestimentaires lais- “alors que les Comoriens sont traditionnelle- privée la moins chère de Moroni. lutte contre l’Afrique du Sud et le Ngazidja. Nombreux sont ainsi ceux qui sant apparaître les parties intimes du ment de rite sunnite". Cité par l’agence Installée dans un premier temps à Nigéria pour prendre le leadership du craignent une dérive autoritaire (lire ci- corps ou dont la vue choque la pudeur" APA, Soidik Mbanpandza s'inquiète "de Ndzuani, celle-ci a été transférée dans la continent africain. Les choses sont dessus), voire un changement de et fait arrêter les personnes dont les l'installation de nombreux Iraniens à capitale au moment fort de la crise. Le cependant moins claires avec l'Iran. Mais Constitution visant à lui permettre de res- habits sont jugés indécents. Des disposi- Moroni”, y voyant “le risque de poussée du pays membre selon Washington de jusqu'où ces pays continueront-ils à ter au pouvoir. Ils voient leurs craintes tions sont prises dans les aéroports pour courant chiite dans les îles". “l’Axe du Mal” s'implique également épauler un président qui finit son mandat confirmées par la radicalisation du régi- fournir des voiles aux vacancières qui dans la formation des jeunes Comoriens, dans deux ans et qui ne peut pas le me au niveau des moeurs. seraient non averties. D'autres arrêtés sur Kamal’Eddine Saindou avec l'octroi récent de 50 bourses d'étu- renouveler ? Qui d'autre que lui sera l'interdiction de la consommation d'al- des à effectuer à Téhéran. La fondation capable de garantir la pérennisation des Sambi s'est toujours défendu d'être un cool et sur le gel de certaines activités Khomeiny a en outre un siège aux intérêts économiques de ces investisseurs islamiste - "Il y a une différence entre ce que aux heures de prières sont en chantier au Comores, où elle aide les orphelins et les arabes ? Personne, visiblement, ce qui je pense moi personnellement, ce que j'aurais ministère des Affaires islamiques, alors 1 Kashkazi n°27, février 2006 handicapés en leur distribuant de la inquiète les “pays amis”. souhaité dans l'idéal qui est le mien, et les que les bals de jeunes sont d’ores et déjà 2 Kashkazi n°37, avril 2006

kashkazi 73 juin/juillet 2008 7 PUBLICITÉ

Université des Comores

L'Université des Comores et l'Alliance franco-comorienne remercient tous ceux qui ont contribué au succès du Festival culturel "O Mcezo" et vous donnent rendez-vous l'année prochaine.

8 kashkazi 73 juin/juillet 2008 après l’affaire bic/nicom Concession des ports : l’autre affaire qui divise les politiques

Qui d’Al Marwan ou d’ASC prendra la concession du port de Mutsamudu ? De la réponse à cette question dépendent non seulement la gestion du port de Moroni, mais aussi les relations avec les pays du Golfe. L’enjeu économique est aussi politique...

2008. Le minis- MI AVRIL tre des Finances du gouvernement de l'Union des Comores en visite à Ndzuani jette un pavé dans la mare en annonçant qu'il maintient "le statu quo au port de Mutsamudu (…) devenu un port de dimension régionale". Les propos Devant le port de Mutsamudu. Aux premières loges, le bâtiment de droite accueille les bureaux d’ASC. inattendus de Mohamed Ali Soilih, dépêché sur l'île quelques jours après le débarque- ment pour prendre possession des entrepri- manutention, de magasinage et de logistique pés par le concessionnaire kenyan au port de exécution ses intentions. Anticipant sur cet Au-delà des joutes politiques et du feuille- ses publiques qui avaient été confisquées par du port de Mutsamudu à ce concessionnaire Mutsamudu. Le documment, qui s'appuie aspect juridique du dossier, le rapport ton juridique que pourrait déclencher un le régime du colonel Bacar, ont fait l'effet le plus tôt possible et au plus tard après six sur le bilan 2007 d'ASC (Anjouan Bourhane souligne que le contrat de conces- revirement du gouvernement Sambi sur ce d'une douche froide. Dans les bureaux du mois d'exercice au port de Moroni". Près de Stevedoring Company) et sur les entretiens sion signé le 11 septembre 2006 par le dossier, les craintes portent sur ses répercus- consortium Al Marwan Général Contracting deux ans après la signature de ce contrat, "Al effectués avec les responsables de la société, ministère des Transports de l'Union a cédé sions diplomatiques. Le gouvernement de et Gulftainer Company, à qui le gouverne- Marwan s'était préparée à reprendre ses relève les performances du concessionnaire. "de façon exclusive et selon une procédure Ngazidja a attiré l'attention du pouvoir cen- ment de l'Union a confié la concession des activités contractuelles à Mutsamudu" Selon ce bilan, la société de manutention du de gré à gré les services publics portuai- tral sur "les risques d'affecter négativement ports maritimes du pays sur la base d'un confie Me Harimiya, qui fait part des inquié- port de Mutsamudu est le premier res…" Il rappelle également l'arrêt de la les relations entre les Comores et Sharja", contrat signé le 11 septembre 2006, on crie tudes de son client sur "les vraies motiva- employeur sur l'île avec 311 salariés, et le Cour constitutionnelle qui a annulé ce dont l'émir, très proche de Moroni, s'est illus- au scandale. tions de ce revirement". plus gros contribuable. En 2007, elle a versé contrat à la suite d'une requête pour vice de tré ces dernières années en finançant plu- près de 50 millions KMF (100.000 euros) au procédure introduite par le gouvernement sieurs projets à Ngazidja. Son opérateur por- Quelques jours plus tard, le ministre des Trésor de Ndzuani ; elle a en outre investi Elbak, alors président de Ngazidja. Sans tuaire, Al Marwan, appartient également à Finances ne s'est pas contenté de vanter les près de 2 millions de dollars US (1,26 doute pour faire bonne mesure, le rapport se un consortium avec le géant Gulftainer performances du concurrent au consortium “La Spanfreight apporte million d'euro, 620 millions KMF) en équi- presse d'indiquer des pistes de révision des Company, tous les deux engagés dans l'a- arabe, le groupe Spanfreight, qui opère au une qualité de service pements portuaires. Quant à UAFL, la filia- imperfections du contrat et de promouvoir la venture comorienne du transport maritime. port de Mutsamudu depuis juin 2004. le chargée des navires de la Spanfreight, elle signature d'"un nouveau contrat de conces- Certes, ce consortium n'a pas le même volu- Interrogé par le journal Al-Watwan sur le sort qui n'a pas d'équivalent aurait fait rentrer plus de 228 millions KMF sion [qui] devra être conclu et signé par les me d'activité régionale que Spanfreight, qui du concessionnaire officiel Al Marwan, le aux Comores.” (460.000 euros) de droits d'escale dans les autorités de l'Union des Comores après a tissé sa toile depuis plusieurs années, mais ministre affirme que "le gouvernement se caisses du Trésor. consultation de l'île autonome d'Anjouan". il fait partie des leaders au niveau mondial. réserve le droit d'apprécier et de décider en Les pays du Golfe se trouvent également en fonction des intérêts des Comoriens", lais- Outre ces chiffres, le port de Mutsamudu En attendant la fin du statu quo, c'est dans première ligne des projets de développement sant ainsi planer le doute sur une possible Certes, le gouvernement comorien n'a pas a acquis une place stratégique dans la région les couloirs des ministères que le bras de fer aux Comores et se préparent à jouer un rôle dénonciation du contrat qui lie le gouverne- dénoncé officiellement le contrat le liant à Al sud-ouest de l'océan Indien, devenant "le est engagé. "Je ne comprend pas qu'on puis- déterminant dans la mobilisation des fonds ment avec la société basée à Sharja (Emirats Marwan. Mais il a suivi les recommanda- principal port de transbordement de la sous- se favoriser une société qui a soutenu le lors de la prochaine conférence des bailleurs Arabes Unis). La réaction des dirigeants d'Al tions de son ministre des Finances quant à la région" avec 55.000 mouvements de conte- régime Bacar contre le gouvernement de de fonds arabes pour les Comores. Autant Marwan, qui attendaient depuis deux ans nécessité de "travailler sur ce dossier pour y neurs traités en 2007, souligne cette étude. l'Union" s'étonne le vice-président Idi d'enjeux qui expliquent sans doute les hési- l'occasion de reprendre le port d'éclatement voir plus clair" avant toute décision. Face Les conclusions du rapport sont sans équi- Nadhoim, signataire au nom du gouverne- tations du gouvernement de l'Union à tran- de Mutsamudu pour étendre leurs activités aux enjeux économiques et financiers que voque -"La Spanfreight au travers d'ASC, ment du contrat avec la société Al Marwan, cher sur ce dossier. sur l'ensemble des ports de l'archipel, ne s'est représente l'activité portuaire pour l'Etat -qui apporte une qualité de service au port de et qui s'était déjà démarqué d'une partie du pas faite attendre. Ils ont saisi dès le mois tire l'essentiel de ses ressources des recettes Mutsamudu qui n'a pas d'équivalent aux gouvernement dans l'affaire Bic/Nicom 2. Au Kamal'Eddine Saindou d'avril leur conseil à Moroni, Me Harimiya douanières-, le président Sambi a déplacé Comores"- et affichent une préférence nette ministère des Finances, d'où est partie la dis- Kassim, pour dénoncer ce revirement du depuis Tunis son conseiller personnel chargé en faveur du maintien d'ASC, "sous peine de corde, l'argument économique passe avant gouvernement qui laisse entrevoir son dés- notamment des questions économiques et porter gravement atteinte aux intérêts toute autre considération. Quant au gouver- 1 Ali Bourhane est décédé des suites engagement. Etabli pour une durée de cinq financières, Ali Yachourtu Bourhane (décé- majeurs de l'Union des Comores". nement de l'île de Ngazidja, il a dénoncé au d’un infarctus, à Paris le 3 juin. ans, le contrat de concession avec Al dé depuis 1), pour lui confier ce dossier. cours d'une conférence de presse le 6 juin "la 2 Lire Kashkazi n°66, septembre 2007 Marwan précise en effet dans ses "disposi- Après une mission de quelques jours à Contre ce bilan, Al Marwan brandit le volte face de l'Etat" alors que l'introduction 3 Pour l'heure, seuls les opérateurs économiques ne se sont pas prononcés tions particulières" que "l'autorité concédan- Ndzuani, ce dernier a remis le 10 mai un rap- contrat de concession et n'exclue pas de sai- d'Al Marwan à Mutsamudu "a été prévu publiquement sur un dossier qui les te s'engage à céder les activités du port de port détaillé des services portuaires dévelop- sir la justice si le gouvernement mettait à dans le partenariat" 3. concerne au premier plan.

kashkazi 73 juin/juillet 2008 9 sécurité Polices des îles : le spectre

Le pouvoir central de l’Union des Comores a dépouillé la police avant de la transférer aux exécutifs insulaires, qui gèrent l'héritage selon les desiderata de chacun... Enquête sur une négligence périlleuse.

police comorienne est à l'image LA du Commissariat principal de Moroni. Une ruine. Les murs en pierres de ce bâtiment qui date de la période colonia- le résistent encore, mais le temps a eu rai- son des aménagements intérieurs. Le pla- fond est rongé par les termites et la toiture Un membre des Forces de gendarmerie anjouanaises (FGA), avant la chute du régime Bacar, en mars. (AFP) en tôles ondulées, a largement dépassé sa durée de vie. A l'intérieur, des salles dépourvues d'éclairage, des registres ron- gés par l'humidité qui pourrissent sur des public en grande pompe. Mais c'est tou- tionner sur leurs maigres salaires "pour s'a- décidé de dépouiller la police de toute au service des îles, et ont à charge la police étagères chancelantes. A l'entrée de la prin- jours "en stop ou en taxi que les agents de cheter une chemise de rechange dans les capacité opérationnelle dans la perspec- judiciaire et la brigade routière. "Il n'y a pas cipale salle, un policier en tenue civile assis la Brigade routière se rendent à leur poste friperies", observe Ahamada Mohamed. "Il tive de son transfert vers les exécutifs deux polices dans un pays" lance avec une devant une tablette métallique, enregistre de travail chaque matin" fait remarquer un arrive qu'ils se paient même le béret chez insulaires. dose d'ironie Sarata Mahamoud à propos une déposition avec une machine à écrire officier. "Nous n'avons pas honte de des marchands malgaches", ajoute le de la DNST qui relève effectivement du des années trente. L'audition est en perma- demander de l'aide aux citoyens" lance Commissaire de la direction générale de la En 2001, le régime du président Azali ministère de la Défense, tout en assumant nence perturbée par le va et vient des Ahamada Mohamed. Pour ce commissaire police de Ngazidja. avait mis en place "une véritable straté- les missions dévolues à la police. agents, obligés de traverser cette salle qui rompu aux dures réalités du service, "sans gie de débauchage des meilleurs élé- sert de couloir donnant sur les autres pièces. cette implication des administrés pour faire Face à une armée nationale chouchou- ments de la police", est persuadé un Dans la cour, assis au pied des arbres qui avancer leurs dossiers, la police serait tée par les régimes pour assurer leur sur- commissaire. Une partie des 45 jeunes offrent les seuls espaces d'accueil, des plai- incapable d'assurer ses missions". Pas la vie et une gendarmerie qui dispose des officiers formés par la Libye et qui ont “Les autorités ont gnants s'impatientent. Une femme victime moindre photocopieuse pour dupliquer un moyens matériels et militaires pour rem- rejoint la police de Ngazidja en 2001, se de vol crie sa rage devant un policier qui Procès-verbal ou une convocation à la plir ses missions de police judiciaire et de trouve ainsi enrôlée dans l'armée ou à la toujours été réticentes tente tant bien que mal de la rassurer. direction générale de la police à Ngazidja. la brigade routière, la police est reléguée gendarmerie. Une défection certes liée à donner les moyens A l'ère de l'informatique, le principal com- à un rang d'accessoire. Elle est perçue par aux mauvaises conditions de travail de la "Cela fait trois jours que je me présente missariat de la capitale ignore l'ordinateur. les gouvernants comme un réseau d'en- police, mais qui a été encouragée et sou- de former les nouvelles ici pour demander qu'on arrête le voleur" quêteurs et d'agents de renseignements tenue par le gouvernement de l'Union. Si recrues.” s'emporte la jeune dame. "Nous n'avons dont ils peuvent de temps en temps solli- le débauchage de ces jeunes recrues tra- pas les moyens de nous déplacer jusqu'à citer les services pour espionner leurs duit, selon certains cadres de la police, la son quartier" réagit pour sa part l'agent “Pour être servi, opposants. Un rôle d'hommes de main à méfiance des autorités de l'époque désespéré. Finalement, c'est la plaignante qui l'on accorde, en contrepartie des servi- envers les officiers formés en Libye, Les îles qui réclamaient à cor et à cri qui paiera de sa poche les frais de taxi aux le mieux est de ces rendus, quelques subsides. Cette rela- ceux-ci n'étaient pas les seuls à intéres- l'attribution de leurs compétences héri- deux fonctionnaires désignés par le se présenter au tion de soumission que les chefs de la ser les autorités de l'Union. Les vieux tent finalement d'une coquille vide. Commissaire pour partir à la recherche de police ont tissée avec les pouvoirs poli- routiers de la police locale ont été égale- Amputée de ses éléments les plus expéri- l'auteur du cambriolage. "Pour être servi, commissariat avec tiques, conforte la réputation d'une police ment poussés à déserter les commissa- mentés à un moment où ils en avaient le le mieux est de se présenter au commissa- sa propre voiture.” "corrompue" dans l'opinion. riats. On les retrouve tous en effet à la plus grand besoin pour assurer leur mis- riat avec sa propre voiture" conseille un Direction nationale de la sûreté du terri- sion de sécurité, les gouvernements insu- officier. Pour être protégé aux Comores, il "Lorsque des policiers se font prendre toire (DNST). laires se trouvent avec des effectifs faut être véhiculé… en stop pour chacun de leur déplace- réduits et un encadrement insuffisant. Mal équipée, la police est surtout mal ment, faut-il s'étonner après qu'ils soient Créée en 2002 pour piloter la nouvelle Pour pallier à ces lacunes et relever le Parent pauvre des départements adminis- habillée et mal chaussée. La diversité des tentés de rendre de petits services ? politique nationale de sûreté après le trans- défi de la sécurité intérieure qui lui reve- tratifs, la police ne dispose pas de moyens uniformes que portent les agents (vert olive Comment peut-on nous reprocher de ne fert de la sécurité intérieure aux îles, la nait dorénavant, le gouvernement de l'ex- de déplacement. "Nous avons affecté un ou ensemble bleu) n'est pas synonyme d'a- pas contrôler le travail de nos agents sur DNST s'est vue attribuée toutes les mis- président Elbak a choisi la mauvaise stra- 4x4 que nous avons acheté 12 millions de fc bondance. Bien au contraire. Elle est la le terrain lorsque la direction ne dispose sions d'une police administrative. Chargée tégie. Au lieu d'engager une structuration [24.000 euros]", indique le ministre de preuve de la misère de ceux qui ont en char- pas de moyens pour se déplacer ?" s'in- de la police aux frontières, des renseigne- du service et de se doter des moyens l'Intérieur de l'île. A Ngazidja, un tout ter- ge d'assurer la paix civile et la sécurité de terroge Sarata Mohamed, l'une des pre- ments généraux, de l'établissement des pas- indispensables à son fonctionnement, il a rain estampillé “police” fait quelques appa- toute une population. Avec un seul unifor- mières femmes officiers de la police seports, des cartes d'identité et de la déli- choisi d'abord de combler l'écart des ritions sur les routes. Douze motos achetées me par policier et par an dans les meilleurs comorienne. Cette marginalisation s'est vrance des visas, elle est équipée de effectifs laissé par ceux qui ont rejoint les par le gouvernement ont été présentées au des cas, des agents n'hésitent pas à ponc- accentuée depuis que le pouvoir central a moyens à faire rougir les hommes affectés forces de l'Union.

10 kashkazi 73 juin/juillet 2008 des “soldats” négligés

En 2005, l'île de Ngazidja lance une cam- appelés de plus en plus à intervenir sur le Abdourahamae Ben cheikh Achirafi, Direction nationale de la sûreté du terri- lâche, colère, un policier de Ngazidja. pagne de recrutement qui ne tient aucun terrain, la question de leur protection se affirme que "l'île va recruter des jeunes toire, censée concevoir les grandes Une situation explosive qui pourrait bri- compte des critères professionnels. pose avec acuité. Au début de ce mois, qui ont au moins le niveau 3ème jusqu'au orientations que devraient appliquer les ser l'esprit républicain des forces de sécu- "Chaque ministre a envoyé ses partisans et une équipe de policiers de Ngazidja qui Bac+. Il y aura un test et puis une for- exécutifs insulaires. rité au profit d'une mentalité de miliciens, l'on s'est retrouvé avec des gavroches, des devait procéder à l'arrestation d'un faus- mation de trois mois à Voidjou [centre de comme ce fut le cas à Ndzuani où les délinquants" regrette un cadre de la police saire de billets de banque au nord de l'île, Conséquence de cette confusion : les Forces de gendarmerie anjouanaises qui a choisi de garder l'anonymat. "C'est à a été prise à partie par les villageois. Sans différents corps se marchent sur les pieds. (FGA) se sont mis au service d'un régime ce moment là que le niveau a baissé" sou- aucune disposition de défense, les poli- "Il nous arrive d'engager une enquête et 1 et n'ont pas hésité à défier l'Etat. ligne le capitaine Radhuya Mbaraka, prési- ciers ont pris la fuite. Le véhicule qui leur “On peut dépasser de se rendre compte par la suite que la dente de l'Amicale de la police. a été confié par leur hiérarchie pour gendarmerie est aussi sur la même affai- "Nous les policiers, on peut dépasser L'encadrement s'est trouvé lié à ce choix mener l'intervention a été saccagé par les les clivages politiques re" fait remarquer un policier. Une situa- les clivages politiques parce que nous politique et ne pouvait pas sanctionner les agresseurs. Ce n'est pas la première fois parce que nous sommes tion qui peut générer des conflits entre les sommes là pour la sécurité de la popula- bavures qui se multipliaient. Cette absence que ces hommes étaient pris à partie. différents services chargés de la sécurité, tion." L'auteur de cette déclaration fait d'autorité des chefs a nourri le laxisme et "Régulièrement, ils sont l'objet d'agres- là pour la sécurité de même si les professionnels parlent d'une partie des rares cadres de la police à croi- l'impunité qui caractérisent la police como- sions notamment dans les brigades éloi- la population.” "bonne coopération" sur le terrain entre re qu'il a une carrière à défendre. D'autres rienne. Les citoyens dénoncent d'ailleurs gnées de la capitale" précise le commis- la police et la gendarmerie, notamment à n'ont plus la même motivation. "Je n'ai "une police d'illettrés qui ne savent même saire Ahamada. l'occasion des manifestations. pas quitté la police par opportunisme, pas rédiger un procès-verbal". Une réalité mais parce j'ai compris que les autorités que révèle le ministre de l'Intérieur du gou- Devant les inquiétudes qu'expriment formation de la gendarmerie, ndlr]. Cependant, tant que subsisteront ces politiques ne voulaient pas d'une police vernement de Ngazidja lors de cette enquê- ses agents, le ministre de l'Intérieur de Après quoi les meilleurs seront sélec- discriminations entre les différentes for- qui fonctionne normalement" confie un te. "On a remarqué qu'il y a malheureuse- Ngazidja avance la nécessité d'armer les tionnés et envoyés à l'extérieur notam- ces, les risques de dérives ne sont pas ex-officier qui a jeté l'éponge en 2007. ment plus de 90% d'illettrés dans la police. fonctionnaires de police. "On n'a jamais ment aux Etats-Unis et au Maroc, où ils exclus. "Je ne peux pas accepter qu'on Mais si nos hommes sont illettrés, ils peu- demandé des armes de guerre. Seulement bénéficieront d'une formation" dit-il. Au me traite comme un étranger sous prétex- Kamal’Eddine Saindou vent être recyclés ou être affectés à d'autres des lance-grenades et des armes indivi- nom de l'autonomie, chaque île y va de te que je suis affecté au service de la postes qui demandent de la force." "Même duelles" explique-t-il. Faute d'un syndi- sa propre conception et fait de la police sécurité intérieure et que mon collègue de 1 Lire Kashkazi n°69, février 2008, dans la gendarmerie, il y a des hommes qui cat, c'est autour d'une Amicale que les un corps à géométrie variable, sans que même formation soit traité différemment et n°70, mars 2008, disponibles sur n'ont aucune formation" continue-t-il. policiers de Ngazidja se sont organisés cela n'émeuve officiellement la parce qu'il travaille au niveau fédéral", www.kashkazi.com pour soulever leurs difficultés et interpel- ler leur hiérarchie. "C'est la première fois que nous avons une structure pour défen- dre nos intérêts. Ce cadre permet aussi de “On a remarqué qu’il poser la nécessité de respecter les règles PUBLICITÉ y a malheureusement professionnelles, en matière de recrute- ment par exemple", explique la présiden- plus de 90% d’illétrés te de l'association. dans la police.” L'Amicale vient de monter une mutuel- le de la police qui dispose depuis moins d'un mois d'une structure de santé au sein de la direction générale. L'action de "Le problème c'est que les autorités l'Amicale commence à produire des ont toujours été réticentes à donner les effets. "Nous travaillons sur un projet Vous êtes bachelier ou en quête moyens de former les nouvelles recrues. d'une école de formation sur place" fait Ce qui aurait permis d'atténuer les effets savoir le ministre de l'Intérieur de l'île, d'une formation supérieure. pervers" dénonce le commissaire Kader. répondant ainsi à l’une des revendications Shobhit University vous offre la possibilité de poursuivre De son côté, la présidente de l'Amicale de l'association. Mais les deux parties ne de la police observe que "les politiques sont pas toujours sur la même longueur des études universitaires aux niveaux (BAC +2, BAC +3, BAC +5) ont l'air d'oublier que la police assure d'ondes concernant les priorités. Alors en Inde (New Delhi) dès la rentrée prochaine des missions administratives et qu'elle que le ministre de l'Intérieur de Ngazidja dans plusieurs disciplines : doit savoir rédiger et faire des synthè- se propose de "demander au gouverne- ses”. S'il est impératif, selon Mme ment de l'île d'accepter le recrutement Radhuya, de donner aux agents une for- des jeunes de bac et plus" en précisant Management Marketing mation de base, "les cadres aussi ont son souhait de voir des jeunes diplômés droit à des recyclages et à des possibili- en Droit et en Economie intégrer les en ressources humaines Finance tés de spécialisation. Or depuis que je rangs de la police, les cadres estiment que suis à la police [en 2001, ndlr], un seul les priorités sont ailleurs. "Les effectifs Bioinformatique Commerce international collègue a bénéficié d'une formation" actuels -près de 300 hommes et 70 cad- Biotechnologie Technologie révèle t-elle. A l'entendre, ce ne sont pas res- sont suffisants. Nous sommes plutôt les opportunités qui manquent, mais une confrontés à des problèmes techniques et Informatique de l'information mauvaise volonté de la part de la DNST matériels" souligne Sarata Mahamoud. Communication Entreprenariat de répartir les bourses de manière à en faire bénéficier tous les policiers. La commissaire divisionnaire est Journalisme Pharmacie encore plus exigeante. "Il est temps de Mathématiques …, etc Dans les couloirs de la police de régler les problèmes administratifs de la Ngazidja, la grogne est à fleur de peau. police comorienne. On ne nous a jamais Les cadres, pour la plupart des jeunes for- autorisés à être un corps autonome. La Pour faciliter l'accueil des étudiants étrangers, Shobhit University més dans les académies de police, police n'a pas de statut particulier, donc cachent mal leur exaspération. "Si j'ai fait pas de garanties. Alors que la gendar- assure dans ses campus les services sociaux universitaires une formation de policier c'est parce que merie a son statut. Le texte élaboré pour (restaurations, logements) et offre des cours gratuits pour je voulais faire ce métier. Il n'y a pas de la police à l'époque de la police fédéral l'apprentissage de l'Anglais dans les 9 premiers mois. raison qu'on ne me donne pas les moyens [dans les années 80, ndlr] n'a jamais été d'exercer dans mon pays" lance le capi- signé par le président de la République" taine Nassuf. Victime lui-même d'agres- fait-elle savoir. Pour toute informations sur les conditions d'inscription et d'études sions dans l'exercice de ses fonctions, le renseignez-vous à jeune officier de police interpelle les Autre preuve de la marginalisation de autorités sur la protection des policiers. la police, l'absence de statut conduit les Sarah.Com. Mamadaly Sabir, Moroni, Union des Comores "Avant de protéger le public, le policier îles à arbitrer les questions de la sécurité se protège lui-même" dit-il. Alors que les intérieure selon leurs propres règles. A Tel: 00 269 73 21 29 / GSM: 00 269 33 44 54 (heures ouvrables) fonctionnaires de police des îles sont Mwali, le ministre de l'Intérieur,

kashkazi 73 juin/juillet 2008 11 politique Coopération régionale : la nouvelle

de bonne gouvernance". "C'est une lettre compris depuis quelques années qu'elles ne nal. C'est dire que cette évolution statutaire Si pendant des années, la coopération d'intentions", a expliqué le 16 mai Mme pourront échapper à l'assistanat que par va de pair avec la place que notre île doit régionale est passée au second plan des Manantsara, selon laquelle "une délégation des échanges avec leurs voisins plus ou prendre dans cette région". mahoraise viendra prochainement à Diego moins proche." Et d'ajouter : "Qui va inves- priorités des responsables mahorais, elle Suarez, une fois que cette convention aura tir aux Comores aujourd'hui ? Les De passage à Maore les 14 et 15 mai, le été délibérée par les élus du Conseil géné- Réunionnais ! Ce n'est pas normal !" nouveau secrétaire d'Etat à l'Outremer, fait aujourd'hui l'unanimité. Les élus voient ral". Cette convention prévoit des projets Yves Jégo, a confirmé cette volonté. "Dans de coopération dans le social, l'agriculture, ce monde en mutations, face aux crises ali- dans cette manne financière un bon la culture et l'éducation entre les deux mentaires, au défi énergétique, au change- moyen de faire accepter aux voisins leur régions. "Nous pourrions échanger des “L’évolution statutaire ment des lieux de production vers des pays professeurs pour assurer la formation ou qui ne sont pas si éloignés de nous [l'Inde appartenance à la France. mettre à disposition un terrain agricole à va de pair avec la place et la Chine, ndlr], nous devons réagir et Diana dont une partie de la production que notre île doit agir" a-t-il asséné devant les ambassadeurs serait exportée à Mayotte", a notamment français de la région et des élus mahorais et proposé Mme Manantsara 1. prendre dans cette réunionnais. Dans ce contexte, "la coopé- région.” ration régionale doit être un axe fort de la "département" n'a plus le mono- cophonie, qui ont réuni des élèves malga- Ambitieux, Ahmed Attoumani Douchina politique de l'outremer français". Il faut LE pole de la dialectique politique à ches et comoriens à Mamoudzou, pour escompte également faire intégrer son île sinon en finir, du moins dépasser, selon lui, Maore. Un autre mot l'accompagne depuis dévoiler ce qui, selon lui, représente le dans la Commission océan Indien (COI), "les liens charnels" hérités du passé entre l'élection à la tête de la collectivité dépar- deuxième enjeu de son mandat, après l'ob- d'où elle est exclue depuis la création de Si pendant des années cette question est l'outremer et la métropole. "C'est une tementale d'Ahmed Attoumani Douchina : tention du statut de département et région cette structure. "C'est un de ses objectifs", passée au second plan des priorités des réalité qu'il ne faut pas nier" a-t-il dit en il s'agit de la "coopération". Si le président d’outremer (DROM). Une fois départe- confirme un proche collaborateur. C'est responsables mahorais -quand elle n'était guise d'assurance aux élus mahorais, "mais du Conseil général semble n'être qu'un ment, Maore pourra "entamer une nouvel- entre autres dans cette optique qu'il s'est pas perçue comme une hérésie-, dont la il faut aussi savoir ouvrir nos économies pion dans l'échiquier politique dessiné par le politique de coopération avec ses voi- rendu, début juin, à Maurice. S'il y a rejoint première ambition était de pérenniser le vers notre environnement immédiat quand Zoubert Adinani en vue d'ériger Maore en sins, plus particulièrement les Comores", les représentants sur place de la France et (fragile) cordon ombilical qui reliait l'île à les enjeux de la mondialisation en offrent département et région d'outremer (lire ci- a-t-il lancé le 13 mai. Le lendemain, il par- de l'Union européenne, et s'il y a rencontré la France métropolitaine après leur combat l'opportunité". Il en va, selon lui, "de la dessous), il se console en défendant une lait devant les ambassadeurs français de la le Premier ministre mauricien, Navin pour que Maore reste française, elle fait stabilité et la paix". de ses ambitions qui ne date pas d'hier et région d'une "priorité" liée à l'évolution Ramgoolam, il espérait surtout évoquer aujourd'hui l'unanimité. Même le sénateur qu’il avait tenu à évoquer dès sa prise de statutaire de Maore. "Nous devons multi- avec le président de la COI, basé à Port- Adrien Giraud, très virulent envers le peu- Cette "nouvelle donne ultramarine" déci- fonction : ancrer Maore dans son ensem- plier [les coopérations géographiquement Louis, cette éventuelle intégration. Une ple comorien, semble s'y être converti… dée rue Oudinot (le siège du ministère de ble régional. ciblées], en particulier avec des régions rencontre qui ne s'est finalement pas faite 2. l'Outremer), répond à un constat : alors que des trois îles comoriennes et du La promesse d'une évolution statutaire la majorité des échanges commerciaux des Plus ouvert que de nombreux autres Mozambique", ajoutait-il. Cette nouvelle politique n'est cependant n'est pas étrangère à cette évolution. Les départements d'outremer s'opère avec la élus, Ahmed Attoumani Douchina ne pas l'apanage du seul président du Conseil deux sont même intimement liées, comme métropole 3, les économies de ces territoires cesse, depuis son élection, de prôner la Cette volonté s'est concrétisée quelques général. Début mai, le député de Maore, l'expliquait Ahmed Attoumani Douchina le sont exsangues - le chômage y reste supé- coopération décentralisée. Il a notamment jours plus tard lorsque le président du Abdoulatifu Aly, nous affirmait au cours 14 mai : "Le 23 janvier 2008, le secrétaire rieur à 20%. Une dépendance jugée "pré- profité, mi-mai, de la Conférence sur la Conseil général et le chef de la région de d'un entretien que "l'avenir économique de d'Etat à l'Outremer a rappelé que l'évolu- occupante" à Paris 4, où l'on pense que l'a- coopération régionale dans l'océan Indien, Diana (située au nord de Madagascar), Mayotte passe par son intégration régiona- tion statutaire devra être conduite parallè- venir passe par une meilleure intégration organisée pour la première fois à Maore, Anjara Manantsara, ont signé une conven- le". "Nous devons nous inspirer de la lement au développement de l'intégration régionale des pays ultramarins, et une limi- et de la Semaine des rencontres de la fran- tion de "partenariat économique, culturel et Réunion et des Antilles françaises, qui ont de Mayotte dans son environnement régio- tation de la dépendance à la métropole. Conseil général : la tentative du retour au parti

UI ASSURE QU'IL N'EST POUR RIEN négociations (à son domicile), impose comment l'ancien député de Maore sous par Zoubert Adinani, et qui serait conseillé par notable de Tsingoni. Celle-ci se fait déjà DANS LA NOUVELLE CONFIGURA- Ahmed Attoumani Douchina à la prési- l'autonomie interne a ainsi pris la succes- un autre Conseil, de techniciens celui-là", sentir au Conseil général. Alors L TION POLITIQUE du Conseil géné- dence, désigne les vice-présidents. "Il nous sion de Younoussa Bamana (décédé) et annonce le frère de Zoubert. Si elle ne qu'Ahmed Attoumani Douchina et son ral. Qu'il n'a fait que prendre le train en a dit qu'il fallait une alliance MDM-UMP et Marcel Henry (malade et contesté). "C'est serait pas officielle, cette assemblée pour- premier vice-président, M'hamadi marche. "Ils m'ont mis au courant quelques que le président devait être un membre de moi qui suis allé le chercher", dit-il. "Quand rait être financée par le Conseil général, Abdou, sont plus souvent à l'extérieur jours avant le 16 mars de leur intention, que l'UMP pour être entendu par le gouvernement j'ai entendu les propos du ministre qui a dit que pense-t-il. Le but : "Que les Mahorais parlent qu'à Maore depuis leur élection -le pre- j'ai tout de suite appuyée", nous disait-il en actuel à Paris", affirmait en avril 1 un des Mayotte pouvait devenir département si les d'une seule voix" et "que l'on en finisse avec mier s'est déjà déplacé à Paris plusieurs avril dernier 1, à propos des élus UMP et conseillers généraux présent à ses réuni- Mahorais le souhaitaient, je me suis dit que l'hémorragie politique". fois, la Réunion, la Guadeloupe et MDM de l'assemblée partisans d'un rap- ons. Le 20 mars, jour de l'élection du pré- malgré ces déclarations, nous allons devoir Maurice ; le second est la plupart du prochement des deux partis historique- sident de l'assemblée, son ombre plane nous battre pour l'obtenir, car depuis toujours il temps en France-, nombreux sont les obs- ment rivaux. Les faits démontrent cepen- dans l'hémicycle, tandis qu'il se range a fallu forcer la main à l'Etat". "Si on veut être ervateurs à s'interroger sur l’identité du dant le contraire. juste derrière les élus. Le 4 avril, jour de la département, on doit être unis", continue-t-il. L’idée est de revenir au vrai chef de la maison décentralisée. fameuse intronisation traditionnelle "Or le seul domaine dans lequel les Mahorais "N'allez pas chercher bien loin", affirme un Homme discret qui avait quasiment d'Ahmed Attoumani Douchina 2, il siège ont un petit pouvoir, c'est en politique : nous “parti unique” comme membre de l'opposition, "c'est Zoubert". disparu de la circulation ces dernières au premier rang aux côtés du préfet et du sommes absents dans l'économie, et divisés au au “bon vieux temps” Un agent de la collectivité confirme : "Il a années -sauf dans les milieux religieux-, grand cadi. Deux jours plus tard, il mène niveau social." placé ses pions. Au cabinet du président, on Zoubert Adinani, que l'on pensait voué à la marche d'opposition aux émeutes du du MPM hégémonique. retrouve sa fille. La secrétaire personnelle de une retraite paisible dans sa demeure de 27 mars et dit les prières sur la place du Douchina est aussi de sa famille. Dans l'admi- Tsingoni, est devenu, depuis les élections commandant Passot. Le 18 avril, jour du HARIF ADINANI NE CACHE PAS SA nistration, son fils ambitionne un poste de du mois de mars, le grand manitou de la vote de la résolution demandant au gou- C VOLONTÉ d'en revenir au "parti DGA (Directeur général adjoint, ndlr]". politique mahoraise. "C'est lui qui décide de vernement français l'organisation d'une unique" -c'est lui-même qui emploie ce Ce projet n'a rien à voir avec une autre tout. Au nom de qui ? de quoi ? Je ne sais pas, consultation sur le statut de département, terme-, comme au "bon vieux temps" du ambition, portée par Ali Saïd Attoumani : Outre ces relais, son influence est toute puisqu'il n'est élu nulle part", s'indignait en il est encore là. Le 1er mai enfin, lorsque la MPM hégémonique qui n'acceptait aucu- le Congrès des Notables, qui réunirait naturelle, sur Douchina, qui lui doit son mai un des principaux élus de l'île. Un délégation menée par Douchina rentre ne critique. C'est dans cette optique qu'est dignitaires religieux, cadis et grandes élection -selon Charif Adinani, lui et son membre de l'opposition au Conseil géné- d'un voyage de dix jours à Paris, c'est lui née la coalition UMP/MDM, sous l'égi- familles dans une assemblée consultative 2. frère ont pensé à Douchina "trois mois ral constatait pour sa part que "le vrai déci- qui introduit le président devant la foule de de Zoubert Adinani. Mais Charif veut Les deux ont cependant en commun de avant les élections" pour la présidence-, deur n'est pas Ahmed Attoumani Douchina, venue nombreuse acclamer "ses héros". aller plus loin. Il prône la mise en place placer l'ancien maire de Tsingoni au cent- comme sur M'hamadi Abdou, son “fils” mais bien Zoubert Adinani". Ce sera aussi lui qui clôturera la réunion. d'une sorte de haute assemblée, "composée re de leur fonctionnement. en politique. Une situation qui exaspère de sages", qui superviserait le travail des des membres de la majorité, ainsi que Lors des tractations après le second tour Ce jour-là, l'un de ses plus proches conseillers généraux. "L'idée, c'est d'avoir Pas besoin de créer de nouvelles struc- d'autres responsables. En mai, le député des cantonales, c'est lui qui mène les conseillers, son frère Charif, m'explique un Conseil des sages au-dessus des élus, présidé tures, toutefois, pour jauger l'influence du Abdoulatifu Aly ne cachait pas son irrita-

12 kashkazi 73 juin/juillet 2008 arme des départementalistes

Mais si les élus réunionnais ont bien de co-développement en faveur de l'Union selon lequel "rien ne pourra se faire sans diplomatiques, les élus mahorais -dont compris cet enjeu depuis quelques années, des Comores, source de l'immigration un total respect mutuel des différents l'un des refrains préférés est de critiquer qu'en pensent les élus mahorais ? s'est clandestine". A une condition (affirmée la intervenants". "Mayotte entend faire les tergiversations des diplomates fran- 1 Il s'agit du deuxième accord de ce type signé entre le Conseil général de Maore ouvertement interrogé Yves Jégo le 15 veille) : que les autorités de Moroni recon- respecter son choix !" a-t-il rappelé à la çais- perçoivent la coopération comme et une région malgache. Le premier mai. "J'entends votre volonté de voir naissent le choix des Mahorais. Conférence sur la coopération régionale. un moyen de s'imposer par eux-mêmes, avait été contracté en 2006, sous Mayotte devenir une RUP [Région ultra- Le sénateur Adrien Giraud lui a emboîté le sur la base d'un deal maintes fois éprou- la présidence de Oili, avec la région de Boeny (Mahajanga), au nord-est de périphérique de l'Union européenne, ndlr]. pas en affirmant que "pour coopérer, il vé : l'argent contre la reconnaissance. Madagascar. Mais une RUP pour quoi faire ? Dans quel faut être deux". Selon ce dernier, l'enjeu de 2 Il semble que le Quai d'Orsay objectif ? Dans quelles perspectives ? “Rien ne pourra la coopération régionale est avant tout de Dans l'entourage de M. Douchina, on (ministère français des Affaires Voilà l'enjeu !" a-t-il lancé devant un par- "montrer au monde entier que si Mayotte ne cache d'ailleurs pas que si Moroni étrangères) l'ait appelé, lorsqu'il se se faire sans un total trouvait à Maurice, pour lui demander terre d'élus. Une manière de dévoiler ses est française, ce n'est pas parce que la continue à revendiquer Maore, son de mettre un frein à ses ambitions. doutes quant à leurs réelles intentions. respect mutuel. France le veut, mais parce que les action de coopération se tournera vers 3 La Martinique importait en 2002 65% Ceux-ci semblent en effet faire de la Mahorais le veulent 5". des pays plus "souples" comme des marchandises depuis la France, la coopération non pas un moyen de se déve- Mayotte entend faire Madagascar. "C'est en développant les Réunion 63%, la Guadeloupe 59%, Maore 58%, la Guyane 56%, selon le lopper et de stabiliser la région, mais plu- respecter son choix.” Après plus de trente ans (depuis 1974) partenariats que l'on gagnera nos voi- “Rapport sur le projet de la tôt comme une arme pour faire accepter le de mise à l'écart par les pays de la sins à notre cause", estime un proche loi-programme outremer de 2003”. choix des Mahorais de rester français. région, dont aucun n'a officiellement collaborateur du président, selon lequel 4 Lire le “Rapport sur le projet de la reconnu son choix, Maore entame ainsi "c’est le meilleur moyen d’en finir avec loi-programme outremer de 2003” sur www.ladocumentationfrancaise.fr En conclusion d'un discours sur la Cette tactique a été explicitée le jour une nouvelle période : celle de l'accepta- l'isolement". 5 Citation de M. Giraud lors d'une coopération prononcé le 13 mai, Ahmed même par Soiderdine Madi, conseiller tion, par ses voisins, de son appartenan- conférence de presse organisée le 6 mai Attoumani Douchina était très clair : général d'Acoua membre de la majorité, ce à la France. Fatigués des lenteurs RC à Mamoudzou. "Pendant trop longtemps, Mayotte a été présentée comme faisant partie intégrante de la République des Comores, ce qui l'a empêché d'exprimer ses choix, de faire entendre sa voix en tant que territoire fran- çais. Désormais, il est temps que cette situation préjudiciable s'efface au bénéfice d'un essor social et culturel ; il est temps que Mayotte trouve enfin sa place dans l'o- céan Indien en toute légitimité ; il est temps que le choix [des Mahorais] soit pris en considération et respecté".

"Nous coopérons afin d'expliquer à nos voisins le choix politique de Mayotte dans ses liens avec la France", a confirmé M. Douchina le 14 mai, avant d'ajouter : "Je redis ici que Mayotte est tout à fait disposé à participer au plan d'action de la politique unique tion quant à cette situation -"qui représente- t-il, à part lui-même ?" se demandait-il. Moins influents, de nombreux militants de l'UMP et du MDM qui ont du mal à avaler la pilule de la coalition, n'ont pas manqué, eux aussi, de faire savoir leur mécontentement. Le double échec des candidats de la majorité aux élections des présidents des deux principaux syndicats intercommunaux de l'île a démontré les limites d'un retour au parti unique.

OUT AVAIT ÉTÉ RÉGLÉ LORS DES T ACCORDS DE TSINGONI, qui avaient Ci-dessus, Zoubert Adinani, le 6 avril dernier. Derrière lui, le président Ahmed Attoumani Douchina. marqué la naissance de la coalition UMP/MDM. Ces tractations menées par Zoubert prévoyaient de donner la prési- dence du Sieam (Syndicat intercommu- Ahamada, lui aussi membre de l'UMP. A fragile. Zaïdou Tavanday (conseiller géné- tion encore floue de son cabinet. Dépassé, unique fonctionnait quand la génération nal de l'eau et de l'assainissement de demi-mot, le perdant avait alors regretté le ral de Mamoudzou) et Mustoihi Mari Ahmed Attoumani Douchina, qui, du fait au pouvoir était encore celle du combat Mayotte) à Maoulida Soula, ancien chef non-respect des accords de Tsingoni. (conseiller général de Bandrele) ont déjà de sa désignation par Zoubert, n'a que peu pour "Mayotte française". Aujourd'hui, de groupe de l'opposition (UMP) à Deux semaines plus tard, le 30 avril, l'é- fait preuve d'irritation quant aux directives de légitimité aux yeux de ses collabora- alors que la culture du multipartisme s’ap- l'Assemblée départementale, et celle du lection du président du Smiam a proposé décidées en haut lieu ; Fadul Ahmed teurs (des membres de son cabinet lui ont parente souvent au culte de la personnali- Smiam (Syndicat mixte intercommunal le même scénario. Sur fond de tractations Fadul, à qui l'on avait promis un poste lors été imposés) ne peut que subir les ambi- té, les intérêts personnels ont pris le pas sur pour l'aménagement de Mayotte) à houleuses, Issihaka Abdillah, ancien des tractations à Tsingoni, risque lui de tions de certains élus de son camp -dont l’intérêt général -la configuration de l’as- Ahmed Madi (MDM), un proche de directeur de cabinet de Oili et membre du rejoindre l'opposition s'il n'obtient pas la son 1er vice-président. Il a beau avoir décla- semblée départementale le démontre... Mirhane Ousséni, quatrième vice-prési- PS, a battu d'une voix Ahmed Madi. présidence du Comité du tourisme (lire ré en pleine session, le 9 juin, que “jusqu’à dent du Conseil général. Mais la base - p.29). La coalition bat ainsi déjà de l'aile, preuve du contraire, c’est moi qui dirige la majo- RC composée des élus locaux- a dit non. Le Ces deux échecs ont mis à mal la cohé- alors que l'opposition réclame des comp- rité”, celle-ci ne lui ressemble pas. 16 avril, Maoulida Soula, pourtant sûr de sion d'une majorité certes confortable au tes quant à certaines pratiques -notam- sa victoire quelques jours auparavant, a sein de l'assemblée départementale (14 ment sur le financement de l'intronisation Dans leur quête du département, 1 Kashkazi n°71, avril 2008 été battu par le président sortant, Madi contre 5 opposants), mais extrêmement de Douchina du 4 avril, et sur la composi- Zoubert et son frère ont oublié que le parti 2 Kashkazi n°72, mai 2008

kashkazi 73 juin/juillet 2008 13 ÉTRANGERS / la fabrique des boucs émissaires “Etrangers” à Maore : le fantasme

grés clandestins dans tous les secteurs gne de lutte contre le travail clandestin, milice était coutumier : "Même si on ne d'un excellent a priori en ce qui concerne Les émeutes du d'activité de Mayotte. Il faut remettre le l'association Uvumoja, plus connue sous souhaite pas que des troubles éclatent, il leur débrouillardise, leur ardeur au travail, Mahorais au travail" écrit le Comité- à la le nom de "milice Caïman", affirme lutter ne parait pas raisonnable de penser qu'ont et leur peu d'exigences salariales" 3, à tel 27 mars ont délinquance juvénile - "Cette violence gra- pour le "progrès et la dignité des peut étouffer plus longtemps encore l'hu- point que les grandes entreprises de l'île - tuite s'est introduite dans les écoles. La rai- Mahorais" en organisant des descentes meur massacrante des jeunes qui risquent Colas, Sogea, Snie…- sont accusées de les relancé la machine son est simple : depuis un certain temps à dans les entreprises soupçonnées d'em- tôt ou tard de passer outre les conseils de préférer systématiquement aux natifs de à propagande qui chaque rentrée scolaire le vice recteur de ploi illégal et en les dénonçant à la direc- modération de leurs aînés, en tabassant Maore. La solution envisagée consiste à Mayotte a intimé l'ordre aux maires de tion du travail. "Après les élus donc, c'est les "affameurs" avant de les embarquer développer la formation professionnelle présente, depuis Mayotte de scolariser les enfants immigrés la "classe ouvrière mahoraise" qui se dans le premier boutre à destination de pour que les jeunes locaux atteignent un clandestins se trouvant dans leur commu- réveille et se structure peu à peu pour dire leur pays d'origine." 3 niveau supérieur à celui de leurs voisins. bientôt vingt ans, ne." Le procédé n'a rien de novateur. Les non à l'emploi des immigrés comoriens Mais la hantise de voir les Comoriens res- dirigeants politiques et certains intellectuels dans les entreprises", se félicite en mars Les Comoriens des autres îles sont vus en ter concurrentiels en acceptant d'être sous- les “clandestins” mahorais sont passés maîtres dans l'art de 1990 le JDM 4. Quelques mois plus tôt, la effet comme de redoutables concurrents sur payés demeure. "Le pourcentage sans cesse faire des "étrangers" des boucs émissaires. rédaction du journal semblait légitimer le marché du travail. Selon le JDM, ils croissant d'une main d'œuvre peu exigean- comme étant les d'éventuelles violences dont ce type de "profitent à Mayotte auprès des patrons te dès qu'il s'agit de gagner un salaire supé- Voleurs d'emplois, de terrains, d'époux et responsables de d'épouses, de convictions et même d'identi- té… dès la fin des années 80, les tous les maux de Comoriens des autres îles étaient accusés la société, et comme de tous les maux à Maore. Une manière de Dimanche 6 avril à Mamoudzou, lors de la manifestation en réaction au 27-Mars. Une prière contre les sans-papiers... dissimuler les véritables enjeux auxquels une potentielle était confrontée l'île. “cinquième "Non à l'envahissement des travailleurs étrangers dans nos entreprises", "Non au colonne” aux commerce ambulant étranger et illégal", "Non au développement des bidonvilles ambitions étrangers", "A bas les maris étrangers"… Brandies il y a près de vingt ans -le 16 politiques. novembre 1988- par environ 300 manifes- tants dont une majorité de femmes 1, ces banderoles illustrent toute la diversité des tares dont se trouvaient déjà accusés les res- sortissants des îles voisines.

Moins de dix ans après les débuts de la le 11-Septembre. scolarisation de masse, la question de l'ave- IL Y EUT Il y a désormais nir professionnel des jeunes commençait le 27-Mars. Certes, l'échelle -géographique alors à se poser de façon brûlante. Les et surtout dramatique- n'est pas la même, émeutes de mars 1987, qui avaient vu mais les deux dates ont ouvert un nouveau Mamoudzou mise à sac par des jeunes dés- chapitre dans l'histoire du monde pour la oeuvrés, avaient d'ailleurs attiré l'attention première (celui de la "guerre contre le ter- sur les "conséquences de l'urbanisation rorisme"), dans celle de Maore pour la rapide, les difficultés du sous-emploi chro- seconde. Le bilan de ces émeutes a beau nique, les lenteurs et lacunes de la sous être resté très mesuré (18 blessés, aucun administration", comme le dénonçait en mort), la gravité des actes très relative avril 1987 le président du Conseil général, (aucun pillage, aucune violation de domici- Younoussa Bamana 2. Mais rapidement, le le, pas de destruction d'envergure), cette débat sur les bouleversements socio-écono- date reste gravée dans l'imaginaire de nom- miques imposés par l'administration fran- bre de Mahorais et de wazungu. çaise va s'effacer au profit d'un discours qui fait des migrants de l'archipel la source de Il n'est pas une audience du tribunal tous les problèmes, et de leur éviction la durant laquelle le procureur ou le juge ne solution miracle pour assurer un devenir rappelle le 27 mars. Il n'est pas une allocu- meilleur aux Mahorais. tion d'un homme politique qui ne cite cette journée. Le Comité de la société civile mahoraise, constitué en réaction à cette journée, n'est pas en reste. Dans chacun de ses communiqués, il rappelle "les actes “Petit à petit, l’oiseau racistes" de cette matinée. fait son nid, et à Mayotte,

Comme le 11-Septembre cependant, le le chômage grossit.” 27-Mars ne sert pas seulement à prévenir des futurs débordements. Cette date est uti- lisée à des fins politiques, inscrite dans le marbre de la lutte contre l'immigration "Petit à petit, l'oiseau fait son nid, et à clandestine. Le 11-Septembre a légitimé Mayotte le chômage grossit", écrit en l'attaque par les Etats-Unis de Kaboul et de 1989 le Journal de Mayotte (JDM) 3. Le Bagdad ; le 27-Mars joue le même rôle seul média écrit de l'île -qui n'est autre dans la diabolisation des "clandestins". que la voix du Mouvement populaire mahorais- fait allusion à l'installation de L'argumentaire du Comité, qui parle de travailleurs comoriens sur place, feignant "quasi guerre permanente", est en ce sens d'ignorer que l'apparition du chômage est révélateur. Selon ce collectif, les "étran- d'abord liée à l'abandon des champs par gers" en situation irrégulière sont à l'origine les jeunes dans une économie jusqu'alors de tous les maux. De l'assistanat -"Nous basée sur l'agriculture vivrière. Alors que disons, non à la régularisation des immi- l'administration se lance dans une campa-

14 kashkazi 73 juin/juillet 2008 de la cinquième colonne rieur à celui espéré dans son propre pays divers que le bâtiment, le commerce, l'hô- nante au fantasme et à la peur irrationnelle du complot comorien : les migrants sont réalité de plus en plus incontournable", devient, parallèlement à la prise de cons- tellerie, le gardiennage", écrit-elle. "Avec de l'Autre. Les relations de couple entre décrits comme "une cinquième colonne" reconnaît ainsi un dossier du JDM cience du destin de Mayotte et de l'émer- le produit du m'karakara, des vols organi- Mahorais(es) et natifs(ves) des autres îles 7, ou encore des "desperados" 8 porteurs consacré à l'immigration en 1989 3. "Les gence de nouveaux besoins perceptibles sés et du recel il ne tardera pas à acquérir sont ainsi envisagées uniquement sous l'an- d'un "risque de noyautage et d'agitation familles s'étendent sur tout l'archipel. dans la jeunesse mahoraise, un véritable un niveau de vie sensiblement supérieur à gle du profit qu'en tirera l'étranger(e). fomentés de l'étranger" 9. Ils "se déversent Les enfants nés de ces couples mixtes étouffoir du développement", poursuit le celui du Mahorais de base." 7 chaque jour" 6, "prennent l'île d'assaut par découvrent qu'ils ont en RFIC de nomb- JDM. "Faudra-t-il que les Mahorais cher- Pour Hélène Mac Luckie, les avion, boutres et barques Yamaha" 7. reux frères et sœurs, oncles, tantes, cou- chent du travail à la Réunion ou en métro- Comoriennes prennent "les Mahorais dans "Comment ne pas comprendre le cri d'a- sins, grands-parents. Cet état de fait tend pole pour assurer leur avenir tandis que les leurs filets", tandis que les Comoriens se larme des mahorais qui subissent, impuis- à prendre des proportions inquiétantes si Comoriens s'installeront sur une île déser- “Ces femmes actives, servent de leur épouse locale pour acquérir sants, la loi de ces envahisseurs ?" inter- l'on considère l'influence culturelle tée par la force vive de la nouvelle généra- la nationalité française. Les femmes de l'île roge Said Issouf en 1991 6. "Le rapport de comorienne comme un élément réduc- tion ? (…) Retrouvera-t-on les Mahorais débrouillardes, pratiquant s'en trouvent doublement menacées : les la mission Dosière présenté à l'Assemblée teur de l'identité mahoraise." Et de pour- confinés dans les administrations tandis la prostitution en plus, migrantes constituent des rivales dangereu- nationale en mars 2006 montre que la suivre : "Les coutumes et la tradition que les Comoriens se partageront le secteur ses ; leurs homologues masculins ne pour- population d'origine comorienne pourrait mahoraises sont battues en brèche par la privé ?" Si la situation actuelle a confirmé ne restent pas ront être longtemps des maris aimants et être majoritaire d'ici 2012 si aucune contagion de comportements contraires l'importance de l'enjeu de l'emploi, force est longtemps seules.” respectueux. "Des colonies entières de jeu- action n'est entreprise pour enrayer l'inva- au mode de vie local." de constater aujourd'hui que celui-ci ne se nes femmes (…) sont venues grossir déme- sion de Mayotte", rappelle aujourd'hui le pose pas en termes de compétition entre surément les villages dont la population Comité de la société civile mahoraise. Le développement de la consommation Mahorais et ressortissants des autres îles, était majoritairement d'origine étrangère d'alcool et de la prostitution seront ainsi mais bien plutôt d'adéquation entre les Le discours n'a guère évolué aujourd'- (…)", affirme l'article. "Ces femmes acti- attribués à l'influence comorienne plutôt besoins des administrations et entreprises hui. Dans un communiqué, le Comité de ves, débrouillardes, pratiquant le m'karaka- qu'à la présence française sur l'île. Une d'une part, et les ambitions et choix de for- la société civile mahoraise lie immigration ra à outrance et la prostitution en plus, ne “(...) si l'on considère théorie de l'absurde, qui permet d'enfouir le mation des Mahorais d'autre part. clandestine et délinquance juvénile, alors restent pas longtemps seules. Des jeunes débat sur l'occidentalisation de la société que le juge des enfants reconnaît lui- gens (…) avouent qu'ils les trouvent dou- l'influence culturelle mahoraise sous les récriminations contre Autre grief adressé aux "étrangers" : l'oc- même que la grande majorité des mineurs blement intéressantes du fait de leur relati- comorienne comme un l'immigration. Mais détourner l'attention cupation illégale de terrains, quand bien qu'il suit sont de nationalité française. De ve émancipation et de leur sens des affaires des questions délicates, n'est-ce pas là le même celle-ci se négocie la plupart du temps même, combien de fois n'entend-on pas le qui en font des femmes indépendantes élément réducteur de premier rôle des boucs émissaires ? avec le propriétaire. Un résident de Mtsapéré refrain concernant la maison d'arrêt de financièrement (…) L'immigré homme l'identité mahoraise.” "qui vient de faire bâtir une maison en dur, Majicavo, peuplée "à 70% de clandestins" (comorien), lui (…) ne tardera pas à (…) se LG (avec RC) nous a déclaré avoir été obligé de clôturer ? Si ce chiffre n'est pas loin de la réalité, il mettre en concubinage avec une femme son terrain pour ne pas courir le risque de ne prend pas en compte la nature de leur mahoraise célibataire -entre deux répudia- 1 JDM du 18/11/88 voir des cases d'immigrés y fleurir dessus", incarcération. "La plupart sont des pas- tions- l'épousera peut-être pour obtenir la Au-delà de la crainte d'un retour de 2 JDM du 03/03/87 écrit en 1991 Said Issouf, qui déplore dans seurs", affirme une intervenante à la pri- nationalité française, lui fera deux petits ou Maore au sein des Comores, les propa- 3 JDM du 01/12/89 son article "l'implantation de cases au milieu son, qui n’ont rien à voir avec la délin- trois en attendant de faire venir sa première gandistes de la cause départementaliste 4 JDM du 16/03/90 de plants de bananes qui créera sous peu une quance dont parlent les médias. femme restée au pays et ses enfants, dès développent un discours de défense de 5 JDM du 09/08/91 situation de fait accompli" 5. que sa situation se sera améliorée." 7 "l'identité mahoraise" et expriment une 6 JDM du 12/04/91 Si certaines de ces accusations, quoique crainte du mélange interinsulaire qui ne 7 JDM du 09/08/91 La même année, le journaliste rédige éga- simplificatrices, s'appuient sur une réalité - La thématique de l'invasion est omni- sont pas sans rappeler les thèses de l'ex- 8 JDM du 16/08/91 lement une diatribe contre les réseaux de vol le "squat" de terrains par les bidonvilles et présente dans le discours de l'idéologie trême droite française -parmi laquelle 9 Motion adressée par les élus à organisé, annonciatrice de ce qui deviendra le fonctionnement de réseaux de cambrio- dominante. Elle s'appuie d'abord sur le certains d'entre eux ont trouvé leur men- Michel Rocard, JDM du 19/01/90 10 une décennie plus tard un leitmotiv : l'attri- lage en liaison avec Ndzuani- d'autres font, contexte politique de litige concernant le tor . "L'imbrication entre Mahorais et 10 Le JDM ne cachait pas sa proximité bution quasi-systématique des actes de toujours dans les années 90, une part éton- statut de Maore pour alimenter la théorie Comoriens devient, au fil des ans, une avec P. Pujo, de l’Action française. délinquance aux "étrangers", de préférence en situation irrégulière. "Poussés par des commerçants anjouanais, des immigrés comoriens organiseront un trafic de cigaret- tes et de marchandises prisées vers la RFIC au départ de Mayotte", écrit le journaliste 6. "Dans le même temps, Mayotte a connu une La naissance du “clandestin” recrudescence de la délinquance et quelques bandes de jeunes (…) pilleront des maisons isolées et principalement le quartier des 100 A NOTION DE CLANDESTINI- toute la misère du monde" ; "l'immi- tions au sein de l'archipel comme visa d'entrée (…) les dirigeants du villas (…) Selon toute vraisemblance, des TÉ EST ASSOCIÉE DANS L'AR- gration clandestine" devient objet un cas à part, mais leur appliquer principal parti politique de l'île, le personnes prendront l'exemple sur ces L CHIPEL À L'INSTAURATION, de débat national. les mêmes règles que celles adop- MPM, avaient donné une consigne actions et commenceront à organiser les pre- en 1995, du "visa Balladur" pour les tées pour l'Hexagone. d'abstention. Conséquence : sur miers vols destinés au marché anjouanais. A Comoriens souhaitant se rendre à A MAORE, LES PARTISANS de la 28.246 inscrits il y a eu 1.618 votants partir de ce moment là, tout matériel Hi fi Maore. Le mot "clandestin" a cepen- coupure avec le reste des Comores soit 94,27% d'abstention", rapporte le prendra le chemin des Comores (…) Des dant commencé à être employé dès reprennent à leur compte cette PARTIR DE 1992, LE DÉPUTÉ DE Journal de Mayotte 1. salons entiers disparaîtront de Mayotte sans la fin des années 80 par la classe poli- notion et font de chaque A MAORE Henri Jean-Baptiste et laisser de trace (…) Le mois dernier, la gen- tique et les médias locaux, qui l'ont Anjouanais, Grand-comorien ou les élus du Conseil général entament IL FAUDRA TROIS ANS au MPM darmerie a d'ailleurs mis la main sur un cam- utilisé dans leur campagne en faveur Mohélien débarquant sur l'île un une intense campagne de lobbying pour parvenir à ses fins. Si le visa brioleur qui n'est autre qu'un des évadés du du visa d'entrée préalable. Depuis "clandestin" potentiel. Si le mot pour la mise en place du visa préala- d'entrée tant réclamé n'a en rien mois de janvier de la prison de Mamoudzou, 1986 en effet, les ressortissants désigne au départ les personnes ble, faite de discours à l'Assemblée réduit l'afflux de Comoriens des lequel avait subtilisé près de 15.000 F de comoriens se voyaient délivrer à leur débarquées de vedettes et de boutres nationale, de délégations reçues à autres îles, l'attitude des autorités matériels hifi-télévisieur, vêtements et autres arrivée à Maore un visa de trois mois sans se présenter aux autorités, et Paris ou encore de motions collecti- françaises, elle, a changé du tout au appareils destinés à Anjouan, où les atten- qu'ils ne pouvaient en général renou- celles qui demeurent sur place après ves signées à l'issue de manifesta- tout. D'une posture réservée face daient un commerçant domonien, lui aussi veler sans quitter l'île. En l'absence l'expiration de leur visa, il ne tarde tions. Cette année-là, tandis que ses aux poussées locales de ce qu’elles ancien locataire de notre prison (…) Voilà un de contrôles et d'expulsions réguliè- pas à être employé à tort et à travers militantes de Labattoir effectuent des qualifiaient de “xénophobie”, elle est fait concret qui dissuadera ceux qui accusent res, beaucoup passaient outre et pro- dès lors que l'on évoque la présence descentes sur les quais pour empê- passée à un discours de criminalisa- notre journal de démagogie politique et longeaient leur séjour au-delà de la de citoyens comoriens sur l'île. cher des passagers comoriens en tion des "étrangers". Une évolution xénophobe contre les Comoriens." durée autorisée, parfois des années Entretenir la confusion permet de règle avec l'administration française qui satisfait une partie de la classe durant. faire passer peu à peu deux messa- de débarquer des boutres, le politique mahoraise, mais ne résout Toujours en 1991, Hélène Mac Luckie ges. D'une part, les Comoriens Mouvement populaire mahorais aucun des problèmes de fond qui se va plus loin en faisant l'amalgame entre EN FRANCE HEXAGONALE, le dis- "étrangers" n'ont pas leur place à appelle à l'abstention lors du referen- posent sur l'île. délinquants et "étrangers" : "L'immigré, cours sur l'immigration tend à se Maore puisqu'ils sont tous (poten- dum de Maastricht sur l'Europe. (...) qui ne rechigne pas à la tâche trouvera durcir à partir de 1989. C'est l'é- tiellement au moins) clandestins. "Pour marquer sa réprobation devant LG rapidement un emploi, grâce à des filières poque où Michel Rocard déclare D'autre part, les autorités françaises le refus du gouvernement de soumet- d'embauche dans des domaines aussi que "la France ne peut pas accueillir ne doivent plus traiter les migra- tre les ressortissants comoriens à un 1 JDM du 25/9/92

kashkazi 73 juin/juillet 2008 15 ÉTRANGERS / la fabrique des boucs émissaires Carnets de justice ou la criminalisation de l’immigration clandestine

n'en pas douter, cet homme est un les innombrables candidats à l'émigration clandestine monstre. Lui là, oui, lui ! comme le Les médias et les responsables politiques en Europe sans les y suivre, il ne représente qu'un désigne M. Rognoni du doigt et mince échantillon de la réalité de l'archipel. "Non, je ne avec tout le mépris que ce geste ne sont pas les seuls à faire de l’immigration suis pas d'accord avec cette vision de méchants pas- manifeste. Le regard noir, ulcéré seurs et de gentilles victimes qui fuient la misère ! Ce comme savent le devenir les procu- clandestine une fixation à Maore. La Justice, n'est pas ça !" dénonçait lors d'une comparution immé- reursA en plein réquisitoire, debout sur l'estrade, le repré- poussée par une législation toujours plus diate l'avocate Fatima Ousséni, le 23 avril dernier. "De sentant du Ministère public nous assure ce 28 mai dans quelle mise en danger d'autrui parle-t-on quand vous- la salle d'audience du tribunal de Mamoudzou qu'Ali répressive, participe elle aussi -plus ou moins mêmes êtes dans le bateau, sans gilet de sauvetage, Ahamadi -lui !- est l'un de ces meurtriers à vite éloigner sans rien ?!" de toute vie collective. De ceux qui profitent de la mis- consciemment- à la stigmatisation de tous ère humaine pour s'enrichir… De ceux dont les procès en assises révèlent bien souvent des personnalités ceux qui ont un lien avec les sans-papiers, contrastées, heurtées, meurtries. Mais nous ne sommes “Non. Je ne suis pas pas en assises. Il ne s'agit que de l'une des innombra- en infligeant des peines-fantasmes bien bles audiences correctionnelles qui, au fil des semaines d'accord avec cette vision à Maore, enchaînent les affaires de vols, violences avec souvent en inadéquation avec la réalité. de méchants passeurs et de armes et constructions illicites au rythme des ouvriers qui travaillent à la chaîne. Deux affaires récentes symbolisent gentilles victimes !”

Ce matin-là, entre une affaire de vol justement, et une cette tendance. Compte-rendu d’audience... autre de rixe féminine, lui !, "cet homme-là !", compa- raît pour une affaire bien plus complexe. Il s'agit ni plus Loin du manichéisme des prétoires, la plupart des ni moins d'"un passeur professionnel" assure le procu- passeurs comoriens sont des pêcheurs au train de vie reur, "responsable" de la mort de 17 personnes et de la extrêmement limité. De simples "employés" qui ne disparition de 19 autres. C'était le 13 août 2007… font que transporter des passagers pour le compte d'un patron, propriétaire de la ou les barque(s). L'affaire avait fait grand bruit à l'époque. Les médias français, en manque d'actualité, en avaient même fait Pour le procureur de la République, il ne fait aucun cv [et pas celui de 15, ndlr] lors de notre arrivée." Père de famille soucieux de la scolarité de ses enfants leur une. Le 13 août 2007 à l'aube, alors qu'il s'apprê- doute que l'homme est responsable de ce naufrage. Surtout, dit le prévenu, "je n'ai pas organisé le départ -l'un d'eux est inscrit dans une école privée, ce qui n'est tait à accoster sur la plage de Moya, un kwassa qui était Multi-récidiviste -il avait déjà été condamné en tant [à Bambao Mtsanga, ndlr]. Je suis arrivé au dernier pas donné à tout le monde-, Loutfi a commencé à "tra- parti douze heures plus tôt de Bambao Mtsanga à que passeur en février et octobre 2006, chaque fois à un moment et c'est là que j'ai négocié le prix." verser" des passagers en 1994, écrivions-nous en Ndzuani, était renversé par deux grosses vagues. Le an de prison 2-, Ali Ahamadi est décrit par M. Rognoni 20055. "Quand j'ai besoin d'argent, je fais les démar- bilan de ce naufrage est l'un des plus lourds recensés comme "un passeur professionnel". "En janvier 2006, "Se sent-il concerné par la disparition de ces gens ches auprès des propriétaires et parfois, ce sont eux qui ces dernières années. Ce jour-là, 17 personnes sont il est condamné à de la prison. Mais dès sa sortie, il ou persiste-t-il à dire que c'est la faute de l'autre ?" font appel à moi, s'il y a un voyage programmé", expli- mortes -dont un bébé et un enfant de 8 ans-, et 19 aut- recommence, est arrêté et est à nouveau condamné. Et demande une dernière fois la juge au traducteur, quait-il. Il touchait alors 75.000 fc (150 euros) pour la res ont été portées disparues. La plupart étaient origi- en 2007, quand il sort à nouveau de prison, que fait-il comme pour donner une ultime chance au prévenu traversée. Un salaire plus que correct comparé au reve- naires de Ngazidja. Seuls six rescapés connus -l'embar- à son retour à Anjouan ? Il recommence !" vitupère le d'affirmer son "humanité". Du moins à ses yeux… nu moyen de l'île (environ 30.000 fc), mais qui ne tient cation comptait officiellement 42 passagers- avaient pu représentant du Parquet, qui ne voit dans cette boulimie Mais la réponse ne varie pas. "La responsabilité maté- pas compte de la rareté des voyages ("pas plus d'un regagner la terre ferme. de traversées qu'un vulgaire appât du gain. "Pourquoi ? rielle incombe au commandant principal." Lui n'était tous les deux mois") ni des risques encourus. Car l'on Parce que ça rapporte de passer, entre 250 et 400 qu'un passager parmi les autres. Une victime qui s'en oublie bien souvent que quand un kwassa coule, les Parti le 12 août en début d'après-midi de Bambao, euros !" est sortie, en quelque sorte… "M. Ali Ahamadi se passeurs s'en sortent rarement. ce kwassa était chargé à plein. En septembre dernier, défausse sur l'autre, sur celui qui est absent [qui a fui l'un des rescapés racontait ainsi la traversée. "Je me le territoire avant d'être arrêté, ndlr] !", grogne M. Mohamadi, un autre passeur de , assurait souviens d'un bébé de trois mois, et de trois enfants la barre, Ali Ahamadi se défend d'avoir orga- Rognoni… Il est tellement plus simple de faire des pas- récemment que "les trois quarts des passeurs anjoua- de 7, 8 et 9 ans environ. Avant le départ, j'ai dit au nisé le voyage. Sans grande énergie… Il n'é- seurs des hommes sans cœur. Et de les juger en consé- nais sont des pêcheurs qui n'arrivent plus à nourrir passeur que nous étions trop nombreux, mais des tait qu'un passager comme les autres ce jour- quence : Ali Ahamadi sera condamné à sept ans de pri- leur famille et sont obligés de piloter les kwassa". L'un A 3 femmes m'ont dit de me taire ; il fallait partir, elles là, assure-t-il. "Je n'étais pas le pilote. Je devais me son ferme, comme l’a demandé le Parquet … de ses collègues, Hachim, père de cinq enfants, nous étaient pressées. La météo était bonne. La mer aussi. rendre à Mayotte car j'étais malade et je voulais me affirmait en mars dernier que "si on pouvait faire autre La traversée a duré toute la nuit. Mais quand on est faire soigner [détenu à la maison d'arrêt de Majicavo, Le portrait dressé ce jour-là par le Tribunal de pre- chose, on le ferait, mais on ne sait faire que ça : pilo- arrivés au large de la Petite Terre, il y a eu de gros- il s'est depuis fait opérer, ndlr]. J'ai négocié avec le pro- mière instance de Mamoudzou ne varie guère de celui ter des barques et pêcher. Mais la pêche à Anjouan, ça ses vagues. L'une d'elles est tombée directement priétaire pour traverser à un prix moins cher en aidant maintes fois répété lors des comparutions immédiates, ne marche plus. On doit trouver autre chose. Et pour dans le bateau qui s'est renversé. D'autres vagues le pilote. Mais je ne m'occupais de rien. Je prenais la quand le ou les passeur(s) du kwassa arraisonné la moi qui n'ai jamais été à l'école, c'est le seul moyen de nous ont tous séparés. J'ai entendu des cris dans barre de temps en temps. Je ne suis pas le responsable, veille par la Police aux frontières sont jugés et condam- m'en sortir ! Je ne sais faire que ça !" Un autre passeur, l'eau. J'ai nagé. Puis j'ai trouvé un jerrican sur et ce n'est pas moi qui tenais la barre lors du naufra- nés dans le secret des fins de journées et des salles Kamal, se désolait quant à lui de son destin. "J'ai fait lequel je me suis appuyé. 1" ge." Au lieu de payer son voyage 150 ou 200 euros, Ali vides 4, alors que leurs "passagers" sont, eux, directe- de la prison à Mayotte. Là-bas, on nous traite de cri- Ahamadi affirme n'en avoir déboursé que 50, en ment renvoyés à Ndzuani -"une différence de traite- minels. Mais c'est notre seul gagne-pain ! J'ai une "Le ciel commençait à s'éclaircir quand deux échange de ses "services". ment qu'ils ne comprennent pas", affirmera à l'audien- mère et dix frères et sœurs, et je suis le seul de ma vagues, l'une par l'arrière, l'autre par l'avant, ont fait ce l'avocat d'Ali Ahamadi, maître Saïdal. C'est aussi famille à travailler et ramener de l'argent. Les autres se retourner la barque. Nous sommes tous tombés à A plusieurs reprises, la présidente, Mme Monteil - celui que bon nombre de responsables mettent en vont au champ. Comment voulez-vous que j'arrête ?" l'eau. Nous n'étions pas loin de la terre, à cent mètre une habituée du tribunal administratif- lui demande s'il avant. Le député français Didier Quentin parlait lors environ, mais le courant nous entraînait vers le se sent responsable. A chaque fois, Ali Ahamadi d'une audition à l'Assemblée nationale en mars 2006 Tous sont conscients des risques qu'ils font courir à large", expliquait Ali Ahamadi -lui !- quelques jours répond que non. "Je n'avais pas la responsabilité maté- de passeurs "très organisés et sans scrupules". leurs passagers -et à eux-mêmes. Tous aussi, savent plus tard aux enquêteurs. Arrêté le 20 août par les rielle qui incombe uniquement au premier comman- qu'ils encourent plusieurs mois de prison s'ils se font autorités françaises, ce dernier était selon la Justice dant. C'est lui qui a voulu accoster à Moya malgré le Si ce tableau peut s'avérer juste dans certains cas de attraper au large de Maore. "Nous non plus, nous n'a- l'un des deux pilotes de la barque. danger. C'est lui qui a utilisé seulement le moteur de 40 passeurs somaliens ou libyens qui envoient à la mort vons pas de gilet. Et nous sommes comme les autres

16 kashkazi 73 juin/juillet 2008 dans la mer", affirme Mohamadi. Kamal se souvient met, car je suis le seul "spectateur") en présence de jeu- balayée par les ambitions du législateur et la sacro- mettent pas en danger la vie d'autrui", précisera-t-il. de son jugement. "On m'a fait comprendre que c'était nes désoeuvrés, issus des milieux les plus pauvres de sainte "lutte contre l'immigration clandestine". "Le "C'est la raison pour laquelle je demande la même interdit mais qu'en plus, c'était pas bien. Mais moi, Ndzuani. Le premier vient d'une famille de dix enfants, constat juridique, c'est que l'Etat a décidé de lutter peine pour ces personnes que pour les passeurs : un an jamais je n'ai forcé les passagers à monter !" dans le Nyumakele ; son père est décédé, sa mère sans contre l'immigration clandestine. Les cinq personnes de prison. Mais c'est aussi pour cette raison que je activité. Le deuxième, lui aussi originaire d'Adda, a qui se trouvent aujourd'hui à la barre comparaissent comprendrai qu'elle soit assortie de sursis". huit frères et sœurs, un père "mort depuis longtemps", dans ce cadre", indique-t-il. Implicitement, il reconnaît ette réalité complexe, la justice française, à une mère "âgée et impotente" ; il n'a jamais été scola- à l'immigration clandestine un "cadre" particulier. Il sera entendu : les hommes écoperont d'une peine défaut de pouvoir juger les vrais responsables risé. Le troisième a été jusqu'au CM2 ; depuis son arri- de prison de douze mois, dont huit fermes, ainsi qu'u- C -les propriétaires et, comme l'affirma à cette vé à Maore il y a un an, il est hébergé par un ami. Le ne interdiction du territoire français de deux ans… même audience Fatima Ousséni, "la géopolitique"- ne seul qui ait un niveau scolaire élevé (le Bac) est issu veut pas la voir. "Pourquoi ne leur fournissez-vous pas d'une famille de 12 enfants, à Koni… “Le constat juridique, En sortant de cette audience, une image m’est venue de gilets de sauvetage ?", interrogeait la présidente du à l'esprit. Celle de Franck Daumas, l'ancien gérant de la tribunal le 28 mai dernier… A la sortie de cette audien- Arrêtés mercredi 21 mai suite à une vaste opération c'est que l'Etat a décidé de Musada. Le cliché date du 13 février, lorsqu'il fut jugé ce particulière, les avocats avouaient leur surprise. visant plusieurs stations BLU disséminées dans l'île et lutter contre l'immigration à cette même barre pour "abus de biens sociaux", "ban- "Sept ans, c'est beaucoup. C'est une peine de cour d'as- consécutive à plusieurs mois d'investigation -en coulis- queroute" et "emploi de moyens ruineux pour se pro- sise" s'étonnait l'un d'eux. "Sauf qu'en assises, le tribu- ses, le responsable de l'enquête ne cache pas son sou- clandestine.” curer des fonds". L'histoire avait fait grand bruit à la fin nal prend le temps de connaître le passé de l'accusé", lagement-, ces cinq Comoriens "en situation irréguliè- des années 90, lorsque plusieurs centaines de milliers chuchotait un autre. Les passeurs n'ont pas ce luxe. De re" à Maore sont jugés ce 23 mai après deux jours de d'euros -qui provenaient de fonds publics- avaient simples lampistes, ils sont transformés en quelques garde à vue. Il leur est reproché d'avoir, en 2007 et disparu des caisses de la Société immobilière de minutes en bourreaux des mers. La prison est la seule 2008, "pénétré et séjourné sur le territoire français "Veut-on réellement lutter contre l'immigration clan- Mayotte et de sa filiale, la bien nommée Musada 7. En réponse à leur trafic… Ils ne sont pas les seuls. sans autorisation", "effectué des opérations de destine avec ce type d'opérations ?" s'interroge pour sa proie à la cessation de paiement depuis 1997, cette der- banque" sans en avoir l'autorisation, "fourni un service part maître Sevin, pour qui les BLU sont avant tout "un nière continuait à fonctionner malgré des créances Abdou Ahmed, Ahmadi Attoumani, Archidine de communication sans autorisation préalable", et phénomène culturel et sociologique", une pratique d'administrateurs excessives, d'autres créances jamais Ahmed, Attoumani Ahamadi et Mouridi Ahamadi "facilité l'entrée et le séjour d'étrangers en situation "moins chère" et "instantanée" qui permet d'envoyer provisionnées, et des dépenses injustifiés parmi les- Bacar, d'autres "lampistes" comme les qualifia leur irrégulière à Mayotte" en exploitant des BLU. des petites sommes (40, 50 euros) sans trop débourser. quelles le financement de la piscine privée de Franck avocate, maître Sevin, dorment désormais à Majicavo, L'énoncé est de la présidente, Mme Monteil. Les chiffres avancés par le procureur à l'audience sont Daumas. Le 7 mai, ce dernier a été condamné à deux entre quatre murs. Ils en ont pour huit mois… colossaux : les BLU représenteraient "une somme de mois de prison avec sursis… Les trois premiers chefs d'inculpation n'ont pas grand 3,5 millions d'euros par an" ; ils seraient "entre 25 et Vendredi 23 mai dans la salle d'audience vide du tri- intérêt. Le représentant du Parquet à cette audience, 30" à Maore… Les prévenus, eux, parlent de 50 euros, Rémi Carayol bunal de Mamoudzou. C'est une comparution immé- Thomas Michaud, ne le cache pas : "S'il n'y avait pas de 10% de ces 50 euros, et de se partager ces 10% à diate comme les autres : sans public, sans passion, sans la question de l'immigration clandestine, peut-être que deux… 2,50 euros… Des "lampistes"… 1 Lire Kashkazi n°66, septembre 2007 clinquant. Les petites affaires du quotidien... Seule dif- mon réquisitoire aurait été différent" lance-t-il à la 2 Condamnés généralement à douze mois de prison férence : le nombre de gendarmes positionnés autour mince audience. Peut-être même que l'Etat aurait lais- Pour le Parquet, les stations BLU sont "un véritable ferme, les passeurs n'en effectuent que la moitié. des cinq prévenus. Huit plus trois policiers : l'affaire sé faire ces pauvres bougres. L'aspect social éminem- soutien à l'immigration clandestine", un "appel d'air" 3 Ainsi que 10 ans d'interdiction du territoire français. doit être grave et les accusés dangereux ! ment important de ces BLU, qui permettent aux qui permet aux Comoriens d'envoyer de l'argent à leur 4 La peine est toujours la même : douze mois Comoriens les moins aisés non seulement de commu- famille, et donc "de rester à Mayotte" dans ce but pré- de prison ferme. 5 Pas vraiment, en fait. Chichement vêtus, quatre des niquer avec leur famille, mais aussi de lui envoyer de cis. Ceux qui exercent ce trafic sont, de fait, compara- Lire Kashkazi n°18, décembre 2005 6 Lire à ce sujet notre enquête sur les BLU dans cinq prévenus sortent à peine de l'adolescence (deux l'argent -de Maore comme des autres îles-, est certes bles aux passeurs : cet amalgame, Thomas Michaud l'archipel, Kashkazi n°71, mars 2008 6 ont 19 ans, un 22, un 24 et le plus ancien, 49 ans). soulevé par le procureur . Cette considération -"un n'hésitera pas à l'avancer au cours de son réquisitoire. 7 Il s'agit du plus gros scandale politico-judiciaire L'énoncé très succinct de leur biographie nous met (me constat sociologique" selon lui- est toutefois vite "La seule différence est que les employés de BLU ne jamais révélé à Mayotte.

kashkazi 73 juin/juillet 2008 17 ÉTRANGERS / la fabrique des boucs émissaires Le temps de la délation citoyenne

lée un certain nombre de rumeurs et de Ainsi certains jeunes jouent à se faire peur. "Nous souhaitons que les sanctions prévues Depuis le 27 mars et l’appel du préfet mythes, a changé la donne. Auparavant par- A Acoua, cela reste "bon enfant". "On veut par la loi contre les personnes physiques qui faitement intégrés, les "Anjouanais" sont que les étrangers partent, mais on veut évi- aident aux séjours irréguliers des personnes à agir contre l’immigration clandestine, aujourd'hui montrés du doigt. "Ce n'est pas ter de faire des listes ou d'employer la force. entrées illégalement sur le territoire soient certains citoyens ont pris les choses tout le monde", précise Zoubert, mais une On veut forcer les élus à agir, à prendre des actionnées (...) afin de décourager les éven- minorité agissante qui a décidé d'en finir arrêtés. Mais le maire nous dit que ce n'est tuels risque-tout." En outre, "il convient de en main. Listes de Mahorais qui avec eux. Azali, Dhourikifi et Daroueche pas de sa compétence." Andili, un jeune du ne pas multiplier à Mayotte (...) le subven- sont de ceux là : quelques jours après les village qui dit être ami avec des Anjouanais, tionnement des structures associatives dont hébergent des sans-papiers, pressions émeutes du 27 mars, ils ont comme l'ensem- reste à l'écart. Pour lui, "cette agitation ne l'objet ou la quasi-totalité de leurs activités ble des villageois participé aux réunions rime à rien. On veut régler les problèmes de sont dirigés vers cette population." sur les élus, lobbying : le temps de organisées pour "anticiper un nouveau Mamoudzou alors qu'à Acoua, il n'y a aucun drame", dixit un ancien. "Dans ces réunions, débordement." Les militants de ces structures qui oeuv- la délation a sonné. on a essayé de savoir comment se débarras- rent en faveur des “étrangers” seraient égale- ser de nos étrangers. Mais les anciens ont ment à l'origine, selon ce collectif, d'une vite laissé tomber, et le maire n'a rien fait "ordonnance scélérate" qui repousse d'une pour nous aider", raconte Dhourikifi. Alors “Notre objectif, c'est année la scolarisation des enfants à 3 ans (de l'un des villages les suis originaire d'Anjouan mais j'ai grandi que le soufflé est retombé au bout d'une d'éviter les migrations 2009 à 2010), et se rendraient coupables de ACOUA, plus paisibles de ici. Les gens me prennent pour un enfant du semaine, eux n'ont pas lâché le morceau. délits en falsifiant des actes d'état civils… Maore, niché au nord-ouest de l'île. village, pas pour un clandestin." Les autres, "On a vu que dans d'autres villages, des et les émeutes comme Ainsi les sans-papiers ne sont pas les seuls L'histoire de cette localité est faite de résis- sous l'arbre, sont des "nouveaux arrivants", habitants ont monté des collectifs, d'autres le 27 mars, et de sécuriser dont il faut se séparer. Ceux qui les aident - tance (au rouleau compresseur départemen- installés au village depuis un, deux ou trois ont fait des listes. On s'est dit : 'Encore une ce sont bien souvent, en fait, ceux qui luttent taliste) et d'ouverture, de sang chaud (en ans. "Ils sont à l'écart, mais cela ne signifie fois, à Acoua, on ne fait rien'. On a décidé le village.” pour faire respecter leurs droits- doivent 1973, le village fut assiégé par tous ses voi- pas que le village les rejette", affirme nous aussi de rester mobilisés", dit Azali, aussi quitter le territoire. sins) et de lourde apathie. Acoua, l'un de ces Mohamadi. "Au contraire, ici, il n'y a pas coordinateur de l'association Zanatani (Les villages où il ne se passe quasiment rien jus- vraiment de problème." Patriotes), née le 17 avril de cette volonté. Quant aux Mahorais qui osent évoquer les qu’au jour où... Le 27 mars a lancé la machine à délations. problèmes rencontrés depuis que les sans- "Acoua a la réputation d'un village "Notre objectif, c'est d'éviter les migra- A Acoua, ils arrivent en masse mais person- papiers se cachent, ce sont… des usurpa- Le paysage est idyllique, ce samedi 24 accueillant pour les étrangers", dit tions et les émeutes comme le 27 mars, et ne ne les voit. A Bandrele, ce n'est pas nou- teurs. "Tout récemment sur les antennes de mai. Coincé entre une colline verdoyante et Mohamed, né ici il y a une trentaine d'année. de sécuriser le village", affirme Azali, qui veau, "ils prennent les places de nos enfants RFO, nous avons eu droit à l'interview d'un une superbe plage de sable blond, bordé de "Il n'y a jamais eu de problème avec eux. Il veut faire "pression sur la mairie" et à l'école" et "volent nos maisons", affirme agriculteur qui se plaignait de ne pouvoir "tribunes" naturelles (des talus et quelques y a des Malgaches bien sûr [Acoua est une escompte convaincre les "clandestins de une des vendeuses du marché. Dans ce villa- écouler sa production de salade et autres troncs d'arbres) forgées par la nature comme localité malgachophone, ndlr], mais il y a partir pacifiquement". "Depuis plusieurs ge du sud-est, on n'en est pas à un coup d'es- légumes. Nous nous inscrivons en faux cont- si elle avait anticipé la construction du stade, aussi beaucoup d'Anjouanais, de Mohéliens. mois, on a noté une hausse de la délinquan- sai. En septembre 2003 ici, des femmes re cette tentative de récupérer de l'autre le terrain de foot absorbe tous les regards. Ils travaillent aux champs ou construisent ce", poursuit Dhourifiki. "Ce sont des avaient, une journée durant, caillassé les main ce que l'application de la loi a eu Comme à l'accoutumée, les hommes du les maisons, on leur loue nos parcelles et nos Anjouanais qui se battent ou cherchent des maisons hébergeant des sans-papiers. Un comme effet positif. Nous estimons que cette village se sont donnés rendez-vous pour le cases. La PAF [Police aux frontières, ndlr] problèmes." Lorsqu'on demande des exem- mois plus tard, le maire de la commune personne prétendument agriculteur n'en est match de 15 heures, qui oppose l'équipe vient rarement ici." Zoubert, un des "étran- ples, des détails, les réponses sont floues. ordonnait à ses agents d’incendier 28 cases pas un." Alors que l'ensemble des syndicats locale à celle de Kani-Kely. "Le problème gers" sous l'arbre, confirme : "Ici, c'est "Lors des fêtes"… Et pour cause : selon de sans-papiers sur la plage d'Hamouro 2. d'agriculteurs réclame à l'unisson et depuis cette année, c'est qu'on gagne nos matchs à calme, c'est pas comme en ville. Nous, on se Mohamed, "la délinquance reste minime "Ici, les propos xénophobes sont la norme", des années la régularisation des sans-papiers l'extérieur, mais on est incapable de l'empor- tient à carreaux. Ce qu'il s'est passé le 27 ici." D'après Dhourifiki, "depuis le 27 n'hésitait pas à dénoncer un jeune du village qui travaillent dans l'agriculture 4, ce paysan ter chez nous", ironise un supporter. Comme mars, ce n'est pas bien. Ceux qui ont fait ça mars, Acoua a vu arriver plein d'étrangers il y a quelques temps. Après le 27 mars, c'est esseulé qui a osé se plaindre après le 27 mars à l'accoutumée aussi, les "étrangers" (com- ont merdé. C'est à cause de ça que la situa- qui ont fui la ville et sont venus se réfugier donc en toute logique que certains ont déci- a perdu du même coup sa légitimité. prendre : les Comoriens) se sont installés tion a un peu évolué. Aujourd'hui, certains ici parce qu'ils savent qu'ils ne seront pas dé d'élaborer des listes de Mahorais héber- dans un coin, assez loin du gros de la foule, Mahorais veulent nous chasser, alors qu'a- embêtés. On ne veut pas être le refuge de geant des "clandestins" afin de les remettre à Le droit, pour ce collectif, n'est applicable sous un arbre ombrageux. vant, ils nous louaient leur maison." tous les étrangers". Pourtant, Zoubert la gendarmerie. "L'objectif est d'aider les qu'aux Français. Il ne faudrait pas accorder comme Mohamadi nous affirmeront plus forces de l'ordre afin que tout le monde par- de titres de séjours permanents "à des res- Mohamadi n'est pas avec eux. Ce n'est pas Comme partout dans l'île, le 27 mars 1, tard que "non, il n'y a eu que très peu d'ar- ticipe à la lutte contre l'immigration clan- sortissants d'un pays qui conteste la souve- un "étranger" comme les autres. "Moi, je date devenue fondatrice à laquelle s'est acco- rivées ici ces derniers temps." destine", dit un des partisans de la liste. raineté française à Mayotte" ; il faudrait organiser "des opérations de ratissage dans De quoi satisfaire le préfet, Vincent l'arrière pays" ; il faudrait réserver la santé et Bouvier. Après les émeutes, ce dernier n'a- l'éducation aux seuls Français. Ainsi, à la Ci-dessous, le 6 avril dernier, lors de la manifestation en réaction au 27-Mars. vait pas hésité à demander à la population de rentrée prochaine, "la priorité sera la scola- l'aider dans sa mission. Sa requête n'est pas risation de nos enfants en âge d'être scolari- tombée dans l'oreille de sourds : fondé en sé ou il n'y aura pas de rentrée scolaire", réaction aux émeutes, le Comité de la socié- menace le Comité, qui annonce que la pro- té civile mahoraise 3 en appelle depuis à la chaine rentrée "sera mouvementée"… population afin qu'elle œuvre dans ce sens. "La population civile mahoraise a entendu A Acoua cependant, le problème ne se les propos tenus par le préfet de Mayotte posera certainement pas. "L'année prochai- (…) Le comité de la société civile est prêt à ne, mon école devrait fermer une classe participer activement à la réussite de la lutte encore. L'année dernière déjà, l'autre école contre l'entrée irrégulière des immigrés du village en avait fermé une. On a de moins comoriens, conscient que seule l'unité de la en moins d'enfants", note un instituteur, qui population et des forces de l'ordre apportera sourit : "Il faudrait nous amener les petits des résultats probants", indiquait le collectif clandestins de Mamoudzou pour nous per- dans une lettre adressée au secrétaire d'Etat à mettre de garder nos classes !" l'Outremer Yves Jégo, lors de sa visite à Maore les 14 et 15 mai derniers. La délation RC doit ainsi devenir la règle, même pour les corps de métiers les plus sensibles : "L'offre de soin doit être réservé au strict minimum 1 Lire le compte-rendu des émeutes du 27 et payant comme cela se fait actuellement. mars dans Kashkazi n°71, avril 2008. Les médecins de l'hôpital public doivent 2 Lire Kashkazi n°60, février 2007. informer les services compétents de l'Etat en 3 Composé, entre autres, du Collectif des cas d'accueil dans leurs locaux de person- femmes leaders de la société mahoraise, du Collectif de Mtsapere, de l'association nes entrées irrégulièrement à Mayotte", Oudaïlia Haqui za M'mahore, de réclame le collectif. Quant à ceux qui aident syndicats et de citoyens. ces "étrangers", il faut les punir sévèrement. 4 Lire Kashkazi n°69, février 2008.

18 kashkazi 73 juin/juillet 2008 Afrique du Sud : la guerre des pauvres

1990 est largement composée d'hommes La stigmatisation des étrangers est un d'affaires qui possèdent leur propre entrepri- phénomène universel -à des degrés plus ou se [et] créent en moyenne deux à quatre emplois chacun. Au moins la moitié de leur moins divers. En mai dernier, les laissés pour personnel est sud-africaine." compte de la démocratie post-apartheid s'en Loin de valoriser cette manne de tra- sont pris aux immigrés qui partagent leur vie vailleurs, les autorités sud-africaines pous- sent la plupart des étrangers dans la clandes- dans les township, oubliant que les élites tinité. The Mail and Guardian annonce ainsi qu'officiellement, "les sans-papiers seraient politiques de leur propre pays sont les 500.000, mais leur nombre se situerait plutôt véritables responsables des problèmes entre 2,5 et 4,1 millions [pour une popula- tion totale de 43 millions d'habitants]". "La d'emploi et de logement. population sud-africaine n'a pas été préparée à un tel afflux", relève Syfia International 1. "Il n'y a pas eu de programme pour éduquer la population”, déplore Linda Memela, pré- sident de l'ANC à Alexandra. “Dans notre clandestins travaillent pour ces attaques surviennent au sein des classes mentalité, nous ne faisons pas partie de “LES des salaires très bas, ils volent laborieuses pauvres, où les pauvres se bat- l'Afrique : nous pensons que nous sommes et ils occupent nos maisons." 1 A l'exemple tent contre les pauvres. Mais il y a une expli- meilleurs !" Le gouvernement a entretenu de Godwin, garde de sécurité habitant cation claire à cela. Tout est fait pour nous ces préjugés en développant une politique Alexandra, le township de Johannesburg où faire croire que le chômage est dû aux étran- hostile à l'égard des étrangers, poursuit Syfia les agressions contre les immigrés africains gers qui prennent le travail aux gens du pays International. Alors que l'Afrique du Sud ont commencé le 11 mai, des centaines de -ce qui est tout simplement faux. 40% des manque cruellement de main-d'œuvre quali- Sud-africains ont répété ces accusations citoyens sud-africains sont sans emploi (…) fiée, les immigrés ont les pires difficultés à durant les deux semaines d'émeutes qui ont et ce n'est pas le résultat [de l'immigration] obtenir un permis de travail. fait au total une cinquantaine de morts, des mais de la politique anti-pauvre (…) du gou- centaines de blessés et des milliers de dépla- vernement et de l'égoïsme de la classe capi- Conséquence : les abus et les situations cés. Les images de "torches humaines" taliste (…) Les immigrants (…) sont vus (et absurdes se multiplient. Embarqués dans un publiées à la une des journaux locaux ont traités) comme des criminels et des "indési- train de nuit, les Zimbabwéens en situation rappelé au souvenir de la "nation arc-en- rables" par le gouvernement. Cela, combiné irrégulière sont reconduits à la frontière dans Dans un township sud-africain. (DR) ciel", les heures les plus cauchemardesques aux lacunes des services publics, a placé les des conditions rocambolesques. Quand ils de son histoire. Après s'être muré dans le immigrés et les Sud-africains pauvres dans ne sautent pas du train en route sous les yeux silence au plus fort de la crise, le président une situation de compétition." l'eau, des sanitaires et un travail à proximi- devenue un pays où le monde entier se retro- d'un policier imbibé d'alcool, la plupart sont Thabo Mbeki a d'ailleurs reconnu le 25 mai té", confie au journal un conseiller du maire uve", analysait en 1998 le Mail & Guardian6, de retour en Afrique du Sud quelques jours que ces "meurtres commis de sang froid (…) Le malaise couvait depuis des mois, pre- du Cap. "En ignorant les besoins élémentai- tandis qu'un article du New York Times indi- après leur expulsion 8. Ces anecdotes ne font contredisent tout ce que notre libération de nant sa source dans de toutes autres causes res du peuple, le gouvernement joue avec le quait en 2004 que des candidats au titre de pas oublier pour autant les mauvais traite- l'apartheid représente". Le pays s'est réveillé que l'immigration et la xénophobie. "Les feu. L'Etat ne consacre que 1,5 % du budget séjour sud-africain venaient "des quatre ments dont sont victimes les immigrés. avec la gueule de bois en découvrant l'indif- manifestations concernant la fourniture des au logement, un chiffre qu'il faut comparer coins de la terre : Nigeria, Egypte, Pakistan, Parmi les Zimbabwéens expulsés, beaucoup férence des agresseurs -des gens ordinaires- services de base se sont multipliées, passant, aux 5 à 7 % habituels dans des pays comme Chine, Inde, Bangladesh et Brésil" 7. sont "ravagés par le virus respiratoire qui face à l'agonie de leurs victimes. "Un homme selon les chiffres officiels du ministère de le nôtre." Les opérations d'éradication des sévit dans le camp de détention de Lindela, à genoux (…) était en train de brûler vif", l'intérieur, d'une moyenne annuelle de 6.000 quartiers insalubres, qui ne proposent aucu- Simples travailleurs ou entrepreneurs, les où s'entassent plus de 4.000 prisonniers. La raconte un photographe dans le Sunday en 2004-2005 à quelque 10.000 depuis", ne solution alternative aux habitants, ne font ressortissants des pays voisins font preuve plupart y ont passé au moins deux semai- Times sud-africain 2. "A côté de lui, j'ai vu un rapporte le mensuel français Le Monde qu'exacerber les tensions. de facultés d'adaptation qui laissent aux chô- nes", indique The New York Times 8. Quant pilier en béton plein de sang. (…) Tout Diplomatique 5. "Le 19 février 2008, la poli- meurs locaux l'impression de rester sur la aux agriculteurs blancs dont les exploitations autour, les gens riaient." ce a tiré sur un rassemblement pacifique du touche. "De nombreux immigrés sont plus jouxtent la frontière avec le Zimbabwe, ils quartier de Delft. Le 10 mars, cinq cents rési- instruits que les Sud-Africains, souvent vic- profitent de la crise qui sévit dans le pays C'est que durant ces journées de folie, l'é- dents de Klaarwater, à Durban, ont érigé des “Dans notre mentalité, times d'un enseignement au rabais à l'époque voisin pour utiliser une main d'œuvre bon tranger a servi d'exutoire aux frustrations barricades." Si l'African National Congres de l'apartheid", observe The Mail and marché… voire gratuite. d'une classe populaire déshéritée. Les (ANC), le parti au pouvoir depuis la fin de nous ne faisons pas Guardian 6. "Ils possèdent plus de savoir- auteurs d'exactions ont recouru aux mêmes l'apartheid, a réduit la frontière entre Noirs et partie de l'Afrique : faire et d'expérience qu'eux dans le domaine The Sowetan 9, un autre journal sud-afri- méthodes déshumanisantes employées par Blancs, le fossé qui sépare la bourgeoisie du des affaires. A titre d'exemple, les cain, indique ainsi que l'on ne compte plus l'ancienne administration blanche. "De nom- reste de la population n'a jamais été aussi nous pensons que nous Zimbabwéens jouent un rôle clé dans le les ouvriers agricoles qui ont travaillé un breux assaillants ont commencé à faire (…) profond. "Les inégalités sont abyssales", sommes meilleurs !” monde du commerce. Ils ont reçu un ensei- mois, avant que le patron ne refuse d'hono- passer [aux gens] des "tests de nationalité"", affirme Le Monde diplomatique. "Soixante gnement de qualité dans leur pays d'origine." rer leur salaire. "C'est de l'esclavage", cri- rapportait ainsi le journal sud-africain Mail pour cent de la population - majoritairement Les autres mettent à profit débrouillardise et tique un militant d'une association de déve- and Guardian 3. "Un premier test linguis- noire et peu éduquée - gagnent moins de solidarité. "Les Malawites monopolisent les loppement. "Et cela ne peut que déboucher tique consiste à demander aux personnes de 3.500 rands [276 euros, 136.999 fc] par La classe politique a également échoué à travaux de jardinage (…), les Marocains se sur des problèmes." nommer certaines parties du corps en zou- mois, tandis que 2,2 % perçoivent un revenu insuffler un dynamisme économique capa- spécialisent dans le métier de videur de boî- lou, langue dont certains mots ne sont plus mensuel de plus de 30.000 rands et vivent à ble de créer de l'emploi et de redistribuer les tes de nuit, les Nigérians contrôlent le trafic LG que rarement utilisés (…) Une technique qui l'occidentale." richesses. Directeur de l'Institut des affaires de cocaïne, et personne ne coupe le kente - rappelle les "tests" humiliants utilisés du internationales d'Afrique du Sud, Moeletsi un tissu - aussi bien que les tailleurs gha- temps de l'apartheid pour classer les métis Les problèmes de logement constituent la Mbeki, frère du président, met en cause les néens (…) Les Angolais, eux, utilisent leur 1 "Le miracle sud-africain vire au dans la catégorie "noir" ou "blanc"." première cause de mécontentement -c'est dirigeants de la lutte contre l'apartheid, qui expérience de la guerre pour trouver du tra- cauchemar", Syfia International une rumeur selon laquelle des étrangers "s'en sortent extrêmement bien, car ils ont vail dans le secteur de la sécurité." 2 H. Krog, The Sunday Times, traduit Comment en est-on arrivé là au pays de vivaient dans de nouvelles maisons sociales pris le contrôle de l'Etat. Ils devraient for- par Courrier International Nelson Mandela ? Pour de nombreuses construites par le gouvernement, qui a mer la base d'un secteur privé dynamique Ces immigrés sont certes à la recherche 3 Traduit par Courrier International 4 associations qui oeuvrent dans les quartiers déclenché les premières attaques à (...) Mais le pouvoir a engendré une énorme d'un emploi mieux payé que dans leur pays http://apf.org.za/ 5 pauvres des grandes villes, l'abandon des Alexandra. "De 2000 à 2004-2005 (…), le bureaucratie qui réussit à merveille à vivre d'origine, mais ils contribuent également à la Le Monde diplomatique, avril 2008 6 Mail & Guardian, 15/09/1998 (traduit couches populaires par l'élite politique, les prix des maisons a augmenté de 92 %, tan- de ces ressources, sans créer de travail." vitalité de l'économie locale. "Les réseaux de par Courrier International) lacunes des services publics et la criminali- dis que le revenu des travailleurs augmentait distribution qu'ils ont créés donnent du tra- 7 The New York Times, octobre 2004 sation de l'immigration sont responsables de de 8,3 % en moyenne", indique Le Monde Le vide laissé par les Sud-africains est vail aux Sud-Africains", certifie The Mail (traduit par Courrier International) ces dérapages. The Anti-Privatisation diplomatique5 qui cite l'exemple d'un occupé par les immigrés qui affluent depuis and Guardian 6. "Ils font vivre le commerce 8 The New York Times, 16/10/2003, et Mail & Guardian, 06/09/2000 Forum, une organisation qui milite contre la homme du Cap âgé de 83 ans, placé sur liste l'ouverture des frontières, en 1994. de gros et apportent une contribution non (traduits par Courrier International) privatisation de l'eau, argumente ainsi sur d'attente depuis 20 ans pour obtenir un loge- D'Afrique principalement, mais également négligeable au produit intérieur brut (…) La 9 The Sowetan, 27/05/1999 (traduit par son site Internet 4 : "C'est une tragédie que ment social. "Les gens veulent un toit, de d'Asie ou d'Amérique. "L'Afrique du Sud est nouvelle vague d'immigrés arrivés après Courrier International)

kashkazi 73 juin/juillet 2008 19 instantané

n avocat célèbre pour avoir défendu des dictateursdans le rôle du procureur de Mohamed Bacar ; un avocat “A croire ces général qui vole au secours de braves l'ex-président de Ndzuani poursuiviU dans son pays pour toute une série de cri- mes et délits. C'était un peu le monde à l'envers, jeudi 5 juin, devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis, à la Réunion. Assis ils n’ont donc rien sagement face aux prétoires, l'ex-colonel, son frère, et le reste de ce qui était sa garde rapprochée ont en effet entendu l'avocat général François Basset dire tout le mal qu'il pensait de la procédure d'extradi- tion formée par les Comores. Le 5 juin, la cour d'appel

Auparavant, Mes Jacques Vergès et Rémi de Saint-Denis de la Boniface ont démontré qu'il ne pouvait y avoir de Réunion étudiait la vraie justice, "de justice sereine", sans un transfert forcé à Moroni des anciens hommes forts de demande d'extradition Ndzuani renversés en mars par le débarquement com de l'Union africaine. Quand on leur demande leur de Mohamed Bacar et avis, un par un comme le prévoit la procédure, l'ex-chef d'Etat et ses militaires ont des réponses 22 de ses hommes Moroni, il est reproché aux autres militaires des ditions n'est pas non plus politique. Ce qui, aux qui fusent. Tous affirment qu'ils sont menacés de faits "d'homicide volontaire, de coups et blessures yeux du droit français, les rendrait impossibles. Me mort ou mauvais traitements dans leur pays. Et formulée par l’Union et de viols". 3 Boniface en veut pour preuve une résolution de que les faits qui leurs sont reprochés par la justice des Comores. Jérôme l'Union africaine validée par la France et visant à comorienne ne sont que purs "mensonges" et "A croire ces braves gens, ils n'ont donc rien refouler immédiatement vers Anjouan certaines "inventions". Le gouvernement du président Talpin, journaliste du commis", fait mine de s'étonner Me Rémi Boniface, personnalités qui auraient cherché à fuir l'île auto- Ahmed Abdallah Sambi voudrait juger l'ex-prési- l'un des avocats de l'Union des Comores. "Mais nome. "La France ne doit pas oublier ses engage- dent de Ndzuani, son frère Abdou Bacar et Quotidien de la Réunion, alors pourquoi ont-ils quitté Anjouan ? C'est une ments", estime l'avocat. Comme elle ne doit pas Mohamed Douclin, ancien ministre des Finances 1 question de bon sens". L'avocat dionysien (habitant oublier non plus "le principe de réciprocité". Les du gouvernement Bacar 2, pour des faits "d'attein- retrace un procès qui de Saint-Denis de la Réunion) lit à l'audience les Comores avaient accepté en 2002 d'extrader vers te à l'autorité de l'Etat, du territoire et de l'unité fut à l'image de la fuite dépositions de plusieurs victimes d'actes de torture Paris des barbouzes français impliqués dans une nationale, complicité d'homicide volontaire, de et de viols. "Dans la bande, le dénommé Absoir tentative de putsch à Mohéli. "Aujourd'hui, la coups et blessures volontaires, de tortures, de de Bacar : au goût Omar avait un surnom : "la folie"". Pour l'avocat, France s'apprête à faire un bras d'honneur en viols et de détournements de deniers publics". les faits reprochés n'ont rien de politiques et appar- demandant au juge judiciaire de ne pas prendre Dans les documents transmis par le procureur de d’inachevé. tiennent bien au droit commun. Et le but des extra- ses responsabilités". PHOTO L E Q OIIND LA DE UOTIDIEN R ÉUNION

Ci-contre, l’avocat Jacques Vergès mitraille du regard Mohamed Bacar, qui regarde ailleurs.

20 kashkazi 73 juin/juillet 2008 PUBLICITÉ gens ENREGISTREMENT DE MARQUE AVIS D'INFORMATION

Par les présentes, Avis est térias, de restaurant et de snack- donné que nos clients, bar ; services de restauration, ” services de préparation de ban- ... Global Hotels & Resorts IP mis BV of Pietermaai 15 quets et de buffets ; fourniture Curacao, Netherlands d'installations pour conférences ; location de salles de conféren- e Antilles sont les seuls Face "à cette affaire extrêmement simple", M ces, d'expositions, de séminai- Jacques Vergès dénonce, lui, la "position incohé- titulaires et uniques “Pures inventions” res et de réunions ; fourniture rente du gouvernement français". "Le ministre des propriétaires des droits Affaires étrangères a dit qu'il ferait tout pour d'équipements pour réunions remettre Bacar aux autorités comoriennes. Mais Cet homme est d’un aplomb étonnant ! sur la marque d'affaires ; services d'informa- d'autres ministres ont un avis différent. Peut-être A peine le président de la chambre de ci-après décrite : l'instruction a-t-il eu fini d'énumérer les tion, de consultation et de que ceux-là craignent un procès à Moroni. Ont-ils infractions qui lui étaient reprochées conseil concernant les services peur d'être mouillés ? Je ne sais pas !" Selon lui, aux Comores que l'ex-colonel Bacar a susmentionnés de la classe le parquet général obéit donc à des consignes. vivement réagi. "Pures inventions, mani- Pour l'avocat de la cause anticolonialiste mais pulations", a-t-il lancé. Depuis l'interven- internationale 43 ; et aussi de Klaus Barbie ou du terroriste Carlos, la tion armée de la coalition AND/UA le TIARA chambre de l'instruction doit éviter le piège de 25 mars, plus de 800 personnes, soup- Services de conciergerie ; servi- rendre un avis défavorable qui servira le gouver- çonnées d'être proches de son régime, ces d'information, de consulta- nement à se protéger. Car cet avis s'imposera à lui ont été arrêtées, explique-t-il. Et d’y aller et lui évitera de prendre une décision. "Si vous de son couplet humanitaire quelque peu tion et de conseil concernant les rendez un avis favorable, cela laisse aux poli- dérisoire au vu des actes commis sous services susmentionnés de la tiques leurs responsabilités. Leur choix. Vous êtes son régime : "Personne ne leur a notifié ce Enregistrée pour être employée classe internationale 45. là pour servir la justice indépendante et pas le qu'il leur est reproché. Ils ne savent pas pour- gouvernement et ses magouilles". quoi ils sont en prison. Ils n'ont pas été inter- en liaison avec des services de rogés. Mais certains ont subi des violences et gestion d'hôtel ; services d'assis- Nos clients ci-dessus mention- des actes de torture." Autant d’exactions tance et de conseils liés au fran- nés nous ont mandatés pour commises par ses propres serviteurs... ous n'y allez pas de main morte", lui chisage; services de fourniture porter à la connaissance des répond gentiment, un peu plus tard, Plus fort encore, Mohamed Bacar nie - malgré la présence sur place de soldats l'avocat général François Basset, tout d'un programme d'offre de professionnels et du public “V tanzaniens- l'attaque menée par ses en tenant à dire qu'il "n'obéit à aucune instruction récompenses spéciales pour qu'ils attachent une importance gendarmes contre les militaires de l'ar- écrite ou orale" du gouvernement "mais seulement à mée nationale de développement en voyageurs fréquents; services particulière a la protection de la ce qui est dans le code de procédure pénale". Pour le avril 2007, qui a fait un mort ; il nie -là d'information, de consultation marque décrite ci-dessus et se ministère public, ce ne sont donc que des points de aussi malgré le témoignage des soldats et de conseil concernant les ser- reversent le droit d'agir contre droit qui le poussent à émettre un avis négatif. En africains- les tirs le 6 juin 2007 sur l'a- prenant le soin de ne pas trop froisser les autorités vion de Sambi ; il nie toujours les cen- vices susmentionnés de la clas- toute infraction a l'encontre de judiciaires comoriennes, l'avocat général explique taines de millions de francs comoriens se internationale 35 ; ces droits devant les tribunaux. pourtant que les dossiers d'extradition envoyés par prélevés dans les caisses des douanes Moroni sont, dans la majorité des cas, incomplets. ou du port de Mutsamudu. "Le gouver- Assurance ; affaires financières ; "On parle de faits allégués mais qui ne sont pas arti- nement comorien devait bien trouver un culés. Il n'y a pas le début du commencement de moyen pour éliminer ma candidature", affaires monétaires ; affaires preuves." Pire encore, l'un des gendarmes anjouanais argue-t-il. Sans rire. RC immobilières, services d'infor- est poursuivi pour des faits commis en avril 2008 mation, de consultation et de En qualité de mandataire, alors même qu'il se trouvait déjà à la Réunion. conseil concernant les services vous pouvez nous susmentionnés de la classe L'avocat général note aussi que la question de contacter pour toute l'extradition ne se pose pas pour les trois membres Moroni veut organiser un procès politique. "C'est ce internationale 36 ; de la garde rapprochée qui ont obtenu l'asile poli- qui ressort des dossiers". Quant au fameux accord de requête sur qui précède : tique. Une protection. Et puis, "il est difficile de réciprocité, "il ne peut pas servir à s'asseoir sur le Services d'hôtels, services de mettre de côté" la décision de l'Ofpra pour tous les code de procédure pénale, les libertés fondamenta- autres. L'organisme indépendant a en effet refusé les, et les principes constitutionnels". Et Me Briot d'a- complexe hôtelier, services de Hilborne, Hawkin & Co. de leur accorder l'asile politique mais estime que jouter que les droits élémentaires de la défense ne motel, hébergement temporai- leur intégrité physique est menacée en cas de sont pas respectés dans les tribunaux des Comores re; services de réservation d'hô- 2524 North Santiago retour aux Comores. "La Convention européenne qui, en plus, prononcent des peines incompatibles tel ; services de réservation de Boulevard des droits de l'Homme ne s'applique pas qu'à cer- avec le droit français comme la peine de mort ou les Orange, California 92867 taines personnes." travaux forcés à perpétuité. La chambre de l'instruc- logement pour des voyageurs tion rendra son avis le 24 juin. rendus par les agences de voya- United States of America Chacune à leur tour, les avocates des Anjouanais ge ; services de logement provi- Telephone : (714) 283-1155 vont elles aussi s'engouffrer dans les failles juri- Jérôme Talpin (Le Quotidien de la Réunion) soire ; conseils et consultations diques des 22 dossiers d'extradition. Erreurs dans les noms, défaut de plaintes, de certificats médicaux, en matière de réservation de Facsimile : (714) 283-1555 manque de précisions sur les faits reprochés, Me vacances et d'hébergement tem- 1 Le Quotidien de la Réunion, 06/06/2008 Marie Briot parle de "dossiers ‘copiés collés’" et de Email : 2 Sur le rôle de Douclin, lire Kashkazi n°72, poraire; services de bars, servi- "qualification de masse". "Il y a un manque de mai 2008 (www.kashkazi.com) ces de taverne, services de café- [email protected] sérieux manifeste de la part de l'Union des 3 Sur les exactions du régime Bacar, lire Comores". Pour Me Cécile Bentolila, il est clair que Kashkazi n°70, mars 2008 (www.kashkazi.com)

kashkazi 73 juin/juillet 2008 21 GROS PLAN / vie(s) de taulard

Sites la plupart du temps interdits aux journalistes, la rédaction de Kashkazi a Le “souk déprimé” de demandé et obtenu (sauf retranché. plus de deux mois. La densité des déte- visiteurs et ils sont sortis sans que nous 1 à Maore ) l’autorisation UN CAMP C'est la nus, elle, confirme les informations puissions les remarquer. Voilà pourquoi première idée qui vient à l'esprit du visi- reçues depuis : le nombre de personnes désormais, toutes les visites ont lieu uni- de pénétrer dans les prisons teur autorisé à franchir le portail de la incarcérées pour avoir supposément quement les week-ends et tout visiteur maison d'arrêt de Koki, lorsqu'il décou- soutenu le régime de Mohamed Bacar doit se munir d'un carton numéroté qu'il de l’archipel. Surpeuplées vre la cour dans laquelle s'entassent, la est largement plus important que celui prend à l'entrée et qu'il est tenu de journée, les quelque 500 détenus. La des places disponibles dans les geôles retourner à son départ. La dixième per- comme à Maore et deuxième impression est plus contras- de Ndzuani. sonne a probablement emprunté le tée. On se croirait dans un souk arabe, même chemin. Quant aux deux derniers, Ndzuani, spartiates comme certes, mais un souk dépressif, un souk L'état des cellules est déplorable. La ils avaient une autorisation du à Ngazidja et Mwali, hanté de mines de désespoir… surpopulation manifeste. Avec une capa- Procureur pour visiter [à l'extérieur] cité théorique de quatre et trente déte- leurs familles endeuillées. Ils ne sont ces quatre lieux Alors qu'à l'extérieur, des dizaines de nus, respectivement pour les petites et jamais revenus". personnes attendent de se faire fouiller les grandes cellules, celles-ci compren- d’enfermement racontent par des éléments de l'AND (Armée nent jusqu'à 17 personnes pour les pre- Selon les autorités, un dernier fugitif nationale de développement) et des mières (d'une superficie de 4 m sur 3,5 s'est évadé, lui, de l'hôpital de Hombo quatre histoires différentes, troupes tanzaniennes -qui s'assurent m, et dont le seul moyen d'aération est où il avait été transféré, le 27 mai. qu'ils ne portent pas d'armes-, à l'inté- une fente d'environ 35 cm sur 15 cm) et Cependant, des sources bien informées mais un seul quotidien : rieur, l'ambiance est morose. Les tentes jusqu'à 150 personnes pour les secon- font état d'une vingtaine d'évasions dressées dans la cour, en complément des. Dans la moitié des dix petites cellu- depuis deux mois 2. celui, difficile, des taulards... des trois bâtiments qui servent de geôles les, il n' y a pas d'ampoule électrique. -un quatrième est destiné à l'administra- Les pièces sont éclaircies à la bougie - 1 Nous attendons toujours la réponse de l’administration tion-, rappellent qu'ici, dans cette île, un des bougies qui sont à la charge des pénitentiaire française. débarquement militaire a eu lieu, voici détenus. Ceux-ci dorment presque par terre avec comme seul matelas des sacs “Nous sommes d'emballage. Les plus chanceux cou- auditionnés par des chent sur des tapis que leur ont amené leur famille, ou sur des bouts de mate- officiers, mais on ne nous las. "Seules les deux cellules destinées a jamais dit pourquoi pour les prisonniers politiques sont dotées de nattes en fibres synthétiques", nous sommes ici.” indique un rapport de la Fédération comorienne des droits de l'Homme (FCDH), rendu public le 5 juin 1. L'environnement est poussiéreux et Malgré le tableau guère reluisant dres- puant. Les odeurs, nauséabondes, pren- sé plus haut, les autorités affichent un nent à la gorge. Les latrines, situées à satisfecit par rapport aux conditions de l'extérieur des cellules, sont plus ou détention des prisonniers. Pour le Chef moins propres mais seront bientôt plei- d'escadron et premier responsable du nes. Les détenus étant enfermés du soir commandement de l'AND à Ndzuani, jusqu'au petit matin, dans chaque cellu- Mohamed Daoud, "ces détenus ne sont le, des bouteilles en plastique font office pas en prison. Au contraire, ils sont d'urinoir. Pour déféquer, des sachets presque au paradis [sic]. Jamais je n'ai font l'affaire. entendu parler d'une prison où il y a des tentes. Je peux même affirmer qu'ils sont A l'évidence, ces prisonniers ne sont gâtés. Et dire qu'ils sont mal traités, pas bien nourris. Selon l'un d'entre eux, c'est ridicule. A Domoni, c'est une villa "il y a moins de 10 kg de poisson par qui est louée pour les héberger !" Selon jour pour tout le monde". Le menu est lui, la vie à Koki, aussi difficile qu'elle toujours le même : de la bouillie de riz pût être, serait meilleure que celle qui vers midi et un repas de riz accompagné prévaut dans les autres prisons como- d'une sauce de poisson -"trop salée" se riennes. plaignent les détenus- le soir. Lorsqu'ils m'en ont donné une poignée, j'ai cru Contrairement aux rumeurs alimen- avalé de l'eau de mer. "Ce qu'on nous tées par certains militants politiques -et donne ici ne satisfait personne. relayées par de nombreux blogs sur D'ailleurs, il en reste à chaque fois. Internet-, la FCDH n'a cependant pas Heureusement, nous vivons ici grâce à noté de cas de tortures. "Lors des entre- Dieu et au peu de repas que nos familles tiens avec les détenus qui se sont expri- nous envoient", se désole un autre pri- més très librement sans aucune sonnier. "L'eau du robinet n'est pas contrainte, il ressort clairement qu'il n'y potable. Mais, on nous la fait boire a pas de cas de torture et qu'il n'y a pas quand même", ajoute un compagnon de une volonté de torturer les prisonniers", cellule. indique son rapport.

Ces détenus ne sont pas non plus bien Reste un problème, et de taille : le statut gardés. Tout le monde le sait et les fol- juridique de ces détenus. "Nous sommes les rumeurs courent dans les bangwe tous auditionnés par des officiers de police (place publique). Les gardiens eux- judiciaire, mais on ne nous a jamais dit mêmes ne le nient pas ; le chef tanza- pourquoi nous sommes ici", dénoncent-ils nien de la prison est honnête : "Au moins en chœur, à Koki comme à Hombo. "Ce douze personnes se sont évadées", dit-il. qui est bizarre", fait remarquer l'un d'entre "D'abord neuf personnes ont manqué à eux, "c'est que parmi nous, certains sont l'appel, ensuite une personne et enfin libérés, d'autres non. Et on ne sait pas sur deux autres. Les premiers, nous n'arri- quels critères ils l'ont été. Pire encore, vons pas à comprendre comment ils ont comment comprendre qu'un soldat de 1ère déjoué notre vigilance. Mais nous pen- ou de 2ème classe soit en prison alors que sons qu'ils se sont mélangés avec les son supérieur hiérarchique a été libéré ?

22 kashkazi 73 juin/juillet 2008 Koki : un no man’s land juridique

Comment comprendre que des directeurs nombreuses que les réponses. "Le statut L'AND de son côté, explique son impli- me, Abdou Abdallah, préside la sier, notamment l'armée et la Justice, pour soient libérés alors leurs subalternes res- juridique de ces détenus n'entre dans aucun cation dans le dossier par le caractère Commission électorale insulaire. de meilleures conditions de détention et un tent en prison ?" Beaucoup d'anciens gen- cadre légal prédéterminé", admet Ahmed "hybride" du statut de ces détenus. "Ils sont procès équitable pour tous ces détenus", darmes disent avoir été trompés par Sambi. Maandhui, Procureur de la République à dans une situation militaro-judiciaire", dit Pendant ce temps, les détenus s'impatien- s'est engagé Mohamed Nassur Riziki, le "Avant le débarquement, il a tenu un dis- Mutsamudu. "Il est atypique", précise-t-il. Mohamed Daoud. "A Koki comme à tent dans le camp retranché de Koki, et président de l'association. cours [à la radio et sur des tracts, ndlr] nous Domoni, l'AND et les alliées sont juste là leurs familles avec. Le procureur en est demandant de nous rendre et de ne pas pour sécuriser les lieux. La gestion de ces conscient : "Ces personnes ne peuvent pas En attendant, Koki demeure une zone de combattre. Nous avons obéis. Les Forces établissements est entre les mains de la être indéfiniment en prison", dit-il. "Si l'on non droit. Un "souk déprimé" aux relents de la gendarmerie anjouanaise ne se sont “Nous nous sommes Justice. Nous n'interférons pas dans la libé- se réfère au droit, ils ne devraient pas être de no man's land juridique. pas battu 3. Nous nous sommes tous rendus, ration des détenus", jure-t-il. là. Ils devraient être jugés. Voilà pourquoi et aujourd'hui nous subissons tous des tous rendus, et je procèderai à des auditions et à des Anzaouir Ben Alioiou (avec RC) humiliations !" aujourd'hui nous Trois jours après le débarquement, l'idée relaxes s'il le faut." "En réalité" conclut-il avait été lancée de créer un tribunal spécial avec une honnêteté désarmante, "je subis 1 Rapport sur les détenus politiques Ces incompréhensions, désormais parta- subissons tous pour juger Mohamed Bacar et ses compli- trop de pressions. Si cela continue, je fini- et militaires à Anjouan, FCDH, gées par la rue et les responsables poli- des humiliations !” ces pour les exactions commises à rais par remettre ma démission". 5 juin 2008. A lire sur tiques, posent de sérieux problèmes de Ndzuani. Mais aujourd'hui, tout est bloqué. www.kashkazi.com. 2 Sans compter les "transferts" des droit. Quel est le statut juridique des person- Seul un procureur ad intérim a été nommé "Toutes les informations convergent sur plus hautes personnalités du régime : nes détenues en prison ? Des prisonniers de en la personne de Mohamed Maandhui. le fait que ces détenus sont en détention le 1er juin, la plupart des anciens guerre ? Des rebelles ? Des otages ? Quelles "En principe, les personnes incarcérées à Deux juges d'instructions ont bien été illégale. En effet, après une enquête préli- collaborateurs du colonel Bacar étaient soit hospitalisés à Hombo charges sont retenues contre ces détenus ? Koki sont sous l'autorité de la Justice ; il n'y désignés, mais ils ne sont toujours pas minaire sommaire, la justice semble atten- (comme Caambi El-Yachroutu, Quelle institution juridictionnelle est habili- a pas de tribunal militaire aux Comores. fonctionnels : le premier, Mohamed dre une décision politique au lieu de conti- Ahmed Abdallah Sourette, Mohamed tée à les juger ? Mais en pratique, l'état major de l'AND Abdou, venu à Ndzuani et reparti à nuer son cours", regrette dans son rapport la Abdallah Amane), soit incarcérés à la brigade de Mutsamudu. interfère dans le traitement du dossier de Ngazidja trois jours après, conteste sa FCDH. "Très rapidement, nous mènerons 3 Sur le déroulement du Les interrogations, à l'intérieur comme à ces détenus. De facto, je ne suis pas libre de nomination devant la cour constitutionnel- des actions de plaidoyer auprès des autori- débarquement, lire Kashkazi n°71, l'extérieur de l'enceinte sont beaucoup plus mes mouvements". le - il n'aurait pas été consulté ; le deuxiè- tés concernées dans la gestion de ce dos- avril 2008. A Majicavo, le manque est surtout affectif

est sorti. Plutôt bien tion de nombreux passeurs (jusqu'à 200 per- confirme K., "ils nous laissent faire nos peti- février, sur 217 prisonniers, la plupart n'ont rien ! Des détenus travaillent à la pri- K. S'EN même, à en juger par sonnes voire plus sont détenues, alors que la tes affaires. Certains nous donnaient des étaient des passeurs. Ils acceptent leur son, et sont payés pour ça, mais ce sont sa situation présente : il a un emploi de capacité de la maison d'arrêt est de 90 pla- clopes quand on leur en demandait". La ten- peine, ce ne sont pas des délinquants. Au généralement des Mahorais. D'autres ont un mécanicien, une femme et s'apprête à ces) a des conséquences inacceptables", sion est ainsi peu palpable, avec les sur- contraire, ils sont heureux d'apprendre". peu d'argent grâce à la famille -ils se payent accueillir un deuxième enfant à la maison. indique le rapport. veillants comme entre les détenus -"il y a "Ils sont même demandeurs", note une des clopes ou des boissons avec. Mais d'au- "Lui, il est rangé", dit son patron qui, quelques rixes parfois, des règlements de ancienne intervenante, qui perçoit dans ce tres passent six mois dans la prison sans un comme K., a requis l'anonymat. "Parce que En février, quelques jours après la visite de compte, mais rien de très grave", confirme zèle un manque affectif. "La plupart n'ont sou. Comment pourraient-ils se payer une c'est du passé", assure celui qui, entre ses la CNDS, les effectifs atteignaient les 220 une ancienne intervenante. jamais de visites, vu qu'ils sont Anjouanais. carte de téléphone ?" Si "une certaine soli- 18 et ses 24 ans, a fait trois passages à détenus 2. "La direction a dû placer des hom- Soit leur famille n'est pas à Mayotte, soit darité fonctionne entre ceux qui ont de l'ar- Majicavo, et un à Songoro, la ferme de l'as- mes dans le quartier des femmes", indique elle est à Mayotte mais en situation irrégu- gent et ceux qui n'en ont pas", assure l'ex sociation Tama qui, depuis trois ans, un intervenant extérieur qui, n'ayant pas le lière, et n'ose donc pas se rendre à la pri- intervenant musical, elle reste limitée. accueille des détenus dans le cadre de leur droit de parler à la presse, a demandé à res- “Les conditions son." "C'est certain qu'il y a un problème à réinsertion. Mais si à 26 ans, K. pense en ter anonyme. "Ils s'entassent dans des cham- ce niveau", confirme un des quatre interve- Une ancienne intervenante se souvient de avoir fini avec les affaires de violences et de bres non climatisées, dans lesquelles fonc- matérielles ne sont pas nants actuels ou anciens que nous avons cas "où des détenus anjouanais apprenaient vols, il est conscient que "cette chance, on tionne 24 heures sur 24 la télévision". Les si dramatiques (...) mais rencontrés 3. "En soi, les conditions maté- la mort d'un membre de leur famille lorsque est très peu à l'avoir eue", et que lui-même cellules, d'une superficie de 25 à 30 m² selon rielles ne sont pas si dramatiques. En de nouveaux prisonniers issus du même n'en bénéficiera pas une seconde fois. Or la la CNDS, "contiennent des lits superposés à il y a une vraie demande France, elles ne sont guère meilleures, et la village intégraient la maison d'arrêt". Elle se prison, c'est décidé, il ne veut plus y goûter. trois niveaux offrant 15 places, ainsi que des de soutien affectif.” plupart des détenus sont habitués à vivre rappelle "ce jeune homme qui, quelques heu- "Ce n'est pas qu'on y vit mal d'un point de matelas supplémentaires". En février, certai- dans des conditions misérables. Mais il y a res avant notre cours [d'alphabétisation], vue matériel", explique-t-il. "On a la télé, on nes cellules comptaient 26 détenus, pour un une vraie demande de soutien affectif." avait appris le décès de son père. Il était en nous nourrit. Mais c'est surtout l'absence chiotte, un frigo, une douche... Ce surpeu- larmes. A la fin, il a demandé à parler avec des proches qui manque"… plement, poursuit le rapport, est accompa- Plusieurs activités sont en outre fournies Si les visites sont autorisées, seuls moi. Il en ressentait le besoin." Si un psycho- gné d'un "état de délabrement avancé des aux détenus, par l'intermédiaire de l'associa- quelques détenus en profitent. K., lorsqu'il logue intervient dans la maison d'arrêt, "c'est On ne sait pas grand-chose de Majicavo. équipements sanitaires", même si "un effort tion Tama. Alphabétisation, sport, était derrière les barreaux, était de ceux-là. Il surtout d'une discussion affective dont ils ont L'un des lieux les plus connus dans l'archipel particulier de propreté est mis en oeuvre musique… "Ce qu'on nous permet de faire à se souvient l'importance qu'elles représen- besoin". Et de citer le cas de ce gamin "de 14 -surtout depuis que les passeurs anjouanais y dans les cours et couloirs." la maison d'arrêt, on ne pourrait pas le faire taient. "C'est sûr que ça aide, de se dire que ans ou peut-être moins", auteur d'un coup de sont incarcérés- reste aussi l'un des plus sec- à l'extérieur", pense même une ancienne de tel jour, on verra sa femme, ou sa mère. Je shombo meurtrier contre un autre adolescent rets. Les conditions de détention de la seule Toutefois, le constat de la CNDS comme Tama. "Car il ne faut pas oublier que les me souviens, quand je revenais de la visite, en décembre 2007 à Ouangani 4, et incarcé- prison de Maore ont cependant été mises en celui des rares personnes autorisées à pénét- trois-quarts des prisonniers sont des clan- certains m'enviaient du regard. On n'en par- ré depuis. "Non seulement il est vraiment lumière en avril dernier, lorsque la rer dans la maison d'arrêt n'est pas si noir. destins." Les réticences sont toujours présen- lait pas, mais ça se voyait." Un passeur sorti jeune pour être en prison, mais en plus il ne Commission nationale de déontologie de la "Le personnel pénitentiaire de l'établisse- tes cependant. L'ex-intervenant en chant de prison lorsque les reconduites à la frontiè- reçoit jamais de visites." Ses parents ont été sécurité (CNDS), venue enquêter sur le nau- ment, dont la Commission a relevé le profes- affirme avoir stoppé sa collaboration avec re étaient stoppées -il a donc pu rester à renvoyés à Ndzuani. frage d'un kwassa provoqué par une colli- sionnalisme et l'humanisme des agents, est Tama à la suite de divergences de vues. Maore-, confirme ce sentiment : "Le plus sion avec une vedette de la PAF en décemb- conscient des conditions intolérables de pro- "Avec les détenus, on avait écrit des chan- dur, c'est l'éloignement et le manque de nou- RC re 2007 1, a décidé de briser le tabou qui miscuité imposées aux détenus", note la sons ; on avait même fait des concerts au velles. On a des liens avec des détenus, du entoure cette maison d'arrêt. Dans son rap- CNDS. "Dans l'ensemble, il n'y a pas trop sein de la prison. Mais quand j'ai voulu aller village ou pas. On se fait même des amis. 1 Lire Kashkazi n°72, mai 2008 port rendu public le 15 avril, la CNDS s'est de problème avec les surveillants", confirme plus loin et enregistrer un album, ça n'a pas Mais la famille, c'est trop important." En six 2 Un chiffre revu à la baisse depuis, grâce fendue d'un préalable tant ses membres ont un intervenant. "Au contraire, il y a une cer- suivi", se désole-t-il. En 2005, un projet avait mois de détention, jamais il n'a pu discuter à la multiplication des peines alternatives. été choqués par ce qu'ils y ont vu. "Bien que taine connivence entre eux et les détenus." toutefois abouti à la publication d'un recueil avec ses frères et sœurs vivant à Ndzuani… 3 La rédaction de cet article se base essentiellement sur leur témoignage. sa saisine ne concerne pas cet établissement, Un ancien intervenant qui donnait des cours de poèmes de détenus. La demande d'entretien avec le directeur la Commission a pu, avec l'accord du direc- de chant aux détenus jusqu'en mars, confir- Il faut dire que rien n'est fait pour réduire et de reportage au sein de la maison teur de la maison d'arrêt, procéder à une visi- me que "s'il y a des surveillants détestés par "Dans l'ensemble, ils sont très atta- ce manque. Un intervenant dénonce le fait d'arrêt, effectuée trois semaines avant le bouclage de cette édition, n'avait pas te d'ensemble. Le constat effectué ne peut à peu près tout le monde, dans l'ensemble, chants", reconnaît un intervenant. "Ce sont que les détenus ne puissent pas téléphoner. encore reçu de réponse de être passé sous silence. La surpopulation ils sont respectés car ils sont assez cools". des personnes qui se trouvent là, pour la "Pour appeler, il faut se payer une carte. l'administration parisienne début juin. carcérale due notamment à la mise en déten- "Ils nous laissent une certaine liberté", plupart, pour avoir conduit des kwassa. En Mais certains détenus n'ont pas un rond. Ils 4 Lire Kashkazi n°69, février 2008

kashkazi 73 juin/juillet 2008 23 GROS PLAN / vie(s) de taulard A Badjo, “si tu cours pas, tu manges pas”

détenu lit le Coran dans un coin. "On prie beaucoup. Je pense que même ceux qui ne priaient pas avant le font une fois là-bas" explique Chabane Bacar, un politicien qui y a passé quelques jours.

Saïd est un ancien soldat de l'armée comorienne. Condamné à sept ans d'emprisonnement pour vol de bétail, selon un des gardes, il souhaiterait entrer en contact avec sa famille, surtout avec son père qui pourrait intervenir pour le faire sortir de là, croit-il. Il demande si nous pouvons lui prêter notre téléphone, avant de se reprendre : "Non, je vais commissionner cette femme" dit-il, se tournant vers une visiteuse venue voir un membre de sa famille. "Vu l'état de la route et l'éloignement de la prison, nos familles se découragent de venir nous voir et nous apporter à manger", explique un détenu de 24 ans. Qui égrène les problèmes qui rythment leur quotidien : "Nous n'a- vons pas de matelas, nous n'avons pas de moustiquai- re. L'eau, nous la puisons très loin d'ici. On se rend à la montagne à 50 mètres et on redescend pour aller à la rivière. Ici il n'y a pas d'électricité, les lampes que nous utilisons sont à base de boîtes de récupération."

“Nous n'avons pas de matelas, nous n'avons pas de moustiquaire. L'eau, nous la puisons très loin d'ici.”

Il manque de tout à Badjo. "Pas d'électricité, pas d'eau, pas de nourriture, pas de moyens de commu- Ci-dessus, des détenus mohéliens lors d’une de leur “virée” dans la capitale. nication et surtout pas de véhicule", énumère le pro- cureur. Un dénuement qui lui fait dire que les juges "violent les droits humains" en incarcérant des per- sonnes dans ce lieu. Pour adoucir un peu cette situa- cène surréaliste à . Nous sommes ses collègues des autres îles qui ne se pressent pour informent qu'ici, on se trouve dans la "Prison de tion paradoxale, il arrive parfois que les magistrats le 29 mai. Au milieu des ânes qui peuplent attraper et renvoyer les fuyards à Badjo. haute sécurité de Mohéli-Badjo". écourtent les peines ou évitent l'internement en les alentours de la place de l'Indépendance, condamnant les prévenus à des travaux d'intérêt S au centre de la capitale, un groupe d'hom- "Badjo". En shimwali, le mot signifie "morceau". Deux hommes sont en pleine discussion dans la général. Des prisonniers peuvent même rentrer dor- mes se met à courir derrière des cabris en divagation. Il a donné son nom à l'unique prison de l'île. A l'é- cour. L'un porte un treillis et un tee-shirt bleu, c'est mir chez eux et revenir dans la journée. Ce sont des prisonniers… cart de la ville, sur les hauteurs de Fomboni, la route un soldat de l'Armée nationale de développement qui y mène est en mauvais état ; difficile de s'y ren- (AND), l'un des deux gardes de l'établissement : ici, Mdjomba, l'un des deux gardes de la prison, est ici Réveillés à 6 heures ce matin-là, les hommes sont dre en voiture. "Il faut un tout-terrain pour y accé- il n'y a pas de gardes pénitentiaires. Les anciens depuis seulement cinq mois. Le temps lui paraît descendus à pied de la maison d'arrêt. "On nous der. En saison des pluies, il est pratiquement impos- étant partis à la retraite, on n'en a pas recruté de cependant bien long. Chaque matin, il doit accompa- réveille tôt pour arriver avant que les animaux se sible de s'y rendre", affirme Soilihi Mahamoud, pro- nouveaux. Son vis-à-vis vêtu d'un short, le torse nu, gner les prisonniers jusqu'à une rivière qui se trouve dispersent", rapporte le plus ancien, dont la tâche est cureur de la République de l'île. A pieds, il faut 30 à n'est autre que l'un des détenus de la prison. Ils sont à environ deux kilomètres, pour s'y baigner et puiser de porter les cordes. Aux côtés des gardes, les prison- 40 minutes de marche depuis la capitale. Enfouie seize gars enfermés ici pour des infractions allant l'eau nécessaire aux travaux ménagers. Il y a cinq ans, niers courent dans tous les sens, dans la capitale dans une cocoteraie, la prison est constituée d'une du vol de bœufs au viol sur mineure, en passant par le Programme des Nations Unies pour le développe- mohélienne. Une fois qu'ils en auront attrapé assez, grande bâtisse datant de la fin des années 80. Sur la le vol à main armée. Les deux soldats assurant la ment avai financé la construction d'un château d'eau les détenus enverront les cabris à la fourrière. façade qui donne sur la cour principale, des mots garde, conscients de la vulnérabilité de leur situa- qui n'est toujours pas opérationnel, faute de camion négligemment écrits au-dessus de la porte d'entrée tion, ont opté pour la souplesse. Ils savent qu'ils n'y citerne pour l'alimenter. C'est devenu une habitude à Mwali ces derniers pourraient rien si les prisonniers décidaient de se temps. Incapable de remédier au problème des ani- faire la belle. Une vulnérabilité que reconnaît le Face à ces conditions de vie précaires - "Nous maux en divagation, l'autorité publique a décidé de procureur : "Les mesures de sécurité sont moins recevons une ration en nature équivalente à recourir aux services des détenus de la prison. "Nous contraignantes qu'ailleurs. Malgré tous les problè- 125.000 fc [250 euros, ndlr] qui provient du Trésor tentons tant bien que mal de pallier la faiblesse de “Une compétence mes qui se posent, les détenus ressentent moins la public tous les trois mois. C'est insuffisant", notre budget avec ce que rapportent les activités de vie de prisonnier" dit-il. explique Mdjomba -, les responsables de la prison fourrière", souligne un garde. Alors que les proprié- de l'Union” de Mwali doivent constamment jongler avec un taires des animaux attrapés doivent débourser 3.000 maigre "budget" -Soilihi Mahamoud préfère "Normalement, c'est l'Union qui doit assurer la fc (6 euros) pour récupérer leur chèvre, et 5.000 fc l'entrée d'une grande salle, près d'un petit employer le terme de subvention- pour boucler le gestion de la prison car c'est sa prérogative. Elle (10 euros) si c'est un zébu, une partie de cet argent ne peut pas disposer du pouvoir judiciaire et se couloir, des prisonniers sont assis à même trimestre. Ces moyens dérisoires n'autorisent "qu'u- revient aux prisonniers. "Ils vivent ainsi de la fourriè- décharger de l'intendance de la prison", affir- A le sol. Certains jouent aux cartes, un autre ne ration par jour", expliquent les prisonniers. C'est re", souligne le garde. Outre le fait de permettre aux me Mohamed Ali Said, chef de l'exécutif fredonne un air de zouk. Le garde nous dévoile l'inté- pour faire face à cette situation que les responsables détenus de se dégourdir les jambes, la trouvaille a de l'île. "On essaie de leur apporter une aide. rieur de la maison d'arrêt composée d'une salle com- de la prison ont recours à la quête des animaux en deux avantages : non seulement elle améliore leur Nous ne pouvons pas les laisser comme ça, cela mune de détention et de cinq cellules. Les prisonniers divagation… Un "travail" différemment perçu par quotidien, mais en plus elle rend service à la commu- entre dans le maintien de l'ordre dans notre île. se partagent la grande salle. Les murs sont couverts les détenus. Si certains prennent un malin plaisir à nauté. "S'il n'y avait pas de gens pour faire ce travail, Le mieux c'est de leur assurer des conditions de d'inscriptions : ici une adresse et un nom qui doivent sortir de leurs murs, d'autres dénoncent cette situa- ce serait un problème", estime le garde. Elle a tout de vies humaines", renchérit Abdourahamane être ceux d'un ancien prisonnier, et là, des croix gam- tion. "Si tu cours pas, tu manges pas, sauf si t'es même un gros inconvénient : certains profitent de ces Ben Cheikh Achiraf, ministre mohélien mées… Tous se côtoient ici, les criminels comme les malade", regrette l'un d'eux. sorties pour s'évader. "Des prisonniers fuient vers de l'Administration territoriale, de la justi- auteurs de petits délits. Des feuilles de cocotiers tres- Ndzuani ou Ngazidja", confirme le procureur de la ce et de la sécurité insulaire. sées leur servent de couche : seuls deux prisonniers République, regrettant le manque de collaboration de ont des vrais matelas fournis par les familles. Un Faissoili Abdou et Daan-Ouni Msoili

24 kashkazi 73 juin/juillet 2008 Le temps révolu des “incartades” A Maurice, la loi du plus fort Comment vit-on aujourd'hui en prison [à Maurice] ? Réponse sans ambages d'un gardien : "Prisonniers et gardiens y survivent dangereuse- PRÈS "L'ENFANT TAULARD", "LE fort de leur cellule, six d'entre eux s'attaquent, Pamandzi. La dame, qui le reconnaît et lui ment". Le visage crispé de notre homme raconte toute la peur qu'il RENARD" ÉTAIT DEVENU SON SUR- armés d'une barre d'haltérophilie, au mur de conseille de rentrer à la prison, se voit porte en lui depuis qu'il fait ce travail. La peur que lui-même ou ses A NOM.EN 1986, Issoufi Harouna est la cour. Le mélange de chaux et de ciment remerciée de “deux terribles coups de gour- parents soient victimes de certains détenus qui ont aujourd'hui le bras à 17 ans l'un des individus les plus redoutés à qui relie les parpaings ne tarde pas à céder din”, rapporte le JDM. En 1989, le sang long… "C'est dangereux à l'intérieur, mais également dangereux à l'extérieur Maore : accusé d'avoir violé une jeune habi- sans que les deux gardiens ne se rendent d'un autre détenu ne fait qu'un tour lorsqu'il pour les gardiens et pour les parents des détenus. Un peu moins dangereux tante de la rue des 100 villas, il profite d'une aperçoit sa femme, qui vient de lui rendre aujourd'hui, certes. Mais encore assez pour que vous soyez agressé, tué, tortu- forte pluie pour limer les barreaux de sa cel- visite, prendre le taxi dans une direction ré ou sodomisé. Un monde impitoyable." Ses collègues confirment, tou- lule avec une scie à métaux et se réfugier chez opposée à celle de son domicile. Il sort jours sous le couvert de l'anonymat, le terrible portrait qu'il nous dres- sa mère qui décidera de le dénoncer, mettant “S’ils en avaient alors de la prison pour rosser le taximan, se de la prison. "Certains boss ou barons qui contrôlent chacun une partie de un terme à la dixième évasion réussie du gar- qu'il soupçonne d'entretenir une liaison la prison ont le bras long. Ils exercent leur influence bien au-delà de la prison çon. Sept ans plus tard, le jeune homme dou- l’envie, les détenus avec son épouse. et arrivent à extorquer de l'argent aux parents de certains détenus. Argent, dro- ble la mise : impliqué dans les émeutes qui s’évaderaient gue et portable entrent ensuite en prison." ont mis le feu à Mamoudzou en février 1993, (…) Siegfried Samuel, travailleur social de l'ONG "Kinouété" qui l'enfant de Doujani est arrêté au terme d'une jusqu’aux derniers.” AIS LA PLUPART DES CANDIDATS À L'É- arpente principalement les couloirs de la prison de Beau-Bassin, vient cavale de 21 jours, la vingtième environ de sa M VASION FONT PREUVE de retenue dépeindre la même réalité. "La pression que des boss de la prison font exer- carrière. Comme tous les “durs” que la pri- durant leurs incartades… “S'ils en avaient l'en- cer sur les parents de certains détenus existe toujours, mais a diminué par rap- son de Maore était incapable de retenir, il vie, les détenus s'évaderaient jusqu'aux derniers, port au passé. Si vous allez à la prison, vous verrez que sur la porte d'entrée finira par être transféré à la Réunion. compte de rien… D'autres se rendront à la rien ni personne ne pourrait les en empêcher”, qu'empruntent les parents des détenus pour les visites, il y a un écriteau et un salle de bain munis de leur serviette et, de là, confiait un gendarme au JDM en 1993. “Il numéro de téléphone. On demande ainsi aux parents qui font l'objet de chan- Jusqu'à la construction de la maison d'ar- soulèveront une tôle pour se frayer un che- est vrai que de leur cellule, les prisonniers tage et de pressions d'appeler le numéro indiqué", explique S. Samuel . rêt de Majicavo, les prisonniers étaient rete- min vers l'extérieur. A l'époque, le Journal de peuvent sortir de jour comme de nuit, par la (…) A en croire les témoins, les détenus sont mieux armés que les gar- nus dans un bâtiment vétuste situé en plein Mayotte (JDM) décrit également une troisiè- porte principale ou en escaladant le mur diens qui n'ont pas droit de porter des armes dans l'enceinte de la pri- centre de Mamoudzou, et dont le ministre me technique : "Des détenus font la courte dans la soirée” écrivait le journal. “Ce genre son. Exception faite de ceux qui sont placés sur les miradors. Les français de l'Outremer, Bernard Pons, avait échelle à un copain à l'intérieur de la cellule. d'escapades sont courantes, au nombre d'une "piques démon" fabriquées à partir des bras en cuivre des flotteurs des déclaré en 1986 en levant les yeux sur l'ins- Celui qui se trouve en haut reste suspendu en dizaine au moins rien que pour les deux der- toilettes, aiguisées et munies de manches en bois, sont légion en pri- cription qui ornait sa façade -"Interdiction tenant fermement les barres de fer qui retien- niers mois. La plupart de ceux qui s'évadent son. [L'année dernière] on a découvert dans la cellule d'un prisonnier d'entrer" : "Il est plus difficile d'entrer dans cette nent le toit, puis il se balance dans le vide, momentanément retournent furtivement à la 250 comprimés de psychotropes, une bombe de gaz paralysant et Rs prison que d'en sortir." Mutineries et prison- joue de son poids, exécute quelques mouve- prison, de leur propre initiative (…) Le plus 20.000. Ce prisonnier dissimulait deux grammes de semis de gandia, niers en cavale continueront de défrayer la ments de gymnastique et tout s'écroule." surprenant, c'est qu'ils commettent rarement six doses d'héroïne, une pipe, du papier aluminium déjà utilisé pour chronique jusqu'au milieu des années 90. des actes répréhensibles ou condamnables fumer de l'héroïne, un téléphone portable (…) "Beaucoup de gardiens Quelques fugitifs sont dangereux. C'est le durant la période de ‘semi-liberté’ qu'ils s'ac- avaient peur de ce détenu ayant des 'relations haut placées'". Pour s'échapper, les détenus avaient l'em- cas d'un certain Madi Bacar qui, en 1986, cordent de temps à autre.” barras du choix. En 1989, après avoir uni fraîchement évadé, se retrouve nez à nez (L'Express de Maurice, 06/06/2008) leurs efforts pour faire sauter la barre de ren- avec une agricultrice dans un champ de LG

ARCHIVES DE KASHKAZI Sombre menu à la prison de Moroni

kashkazi n°57, septembre 2006

dzima". Une aile de mangé à 2 heures, à 8 heures vous n'avez en place, c'est arrivé deux fois." N'empêche ginaires de la brousse n'ont rien, leurs brigade de surveillance au moment où on “BAWA poulet par jour. Avec plus rien", se souvient Soiher, détenu en : "Il est arrivé que pendant un jour, les pri- parents ne peuvent pas venir tous les jours. distribue la ration, pour informer ensuite éventuellement, pour faire glisser les 500 2005 et 2006. "On avait faim, très faim." sonniers ne mangent pas", avoue Youssouf Nous, on avait de la chance. Il y avait tou- les prisonniers de ce qui a été pris." grammes de riz ordinaire, quelques bou- "Ils paient très fort le fait qu'ils soient à la Soilihi. Socrate se souvient aussi de quinze jours des bagarres quand notre thé venait. chées de sardine à l'huile… Tel est le lot maison d'arrêt", indique Chouhoura jours, en 2001, où "on n'a eu à manger que Plus de vingt personnes autour d'un Pour les anciens prisonniers cependant, quotidien de protéines accordé aux prison- Abdallah, qui intervenait à la prison en tant du fruit à pain avec du piment. Rien que ça. thermos ! Chacun veut un morceau, même le personnel de la maison d'arrêt est partie niers de la maison d'arrêt de Moroni. "Il y a que déléguée nationale aux Droits de L'administration avait pu les avoir sans si c'est presque rien." Youssouf Soilihi esti- prenante dans les petits trafics internes. "On aussi trois petites tomates en boîte, trois l'homme. payer". Enfin quand la pénurie menace, les me qu'environ 10 détenus sur 100 reçoivent voyait des sacs de riz quitter la prison", oignons, du sel et une petite bouteille d'hui- rations ont tendance à diminuer. "A un régulièrement leur repas de l'extérieur. accuse Soiher, conforté par sa mère qui se le pour au moins trente personnes", com- Avec 2,5 millions de fc (5.000 euros) par moment, ils ont réduit la quantité de riz en "Ceux qui viennent d'arriver, les directeurs rendait sur place pour lui apporter ses repas. plète Socrate, détenu de janvier 2001 à mai trimestre pour plus de 100 détenus, soit nous disant qu'il était fini et qu'il valait généraux et responsables d'administration, Youssouf Soilihi affirme que ce riz est 2006 pour "business de papiers français". moins de 300 fc (0,60 euro) par personne mieux faire ça pour en avoir un peu chaque reçoivent à manger de leur famille", affir- vendu par les prisonniers eux-mêmes : "Ils "On prépare ensemble dans une grosse et par jour, Youssouf Soilihi est formel : jour", raconte Soiher. me-t-il. "Ils ne prennent pas leur ration à la collectent une partie de leur riz, et envoient marmite, et chacun fait cuire son aile qu'il "Le budget alloué à l'alimentation carcé- prison. Nous les avons sollicités pour qu'ils un commissionnaire au marché pour l'é- mange avec sa tasse de riz." Durant ses rale est très insuffisant. Pour subvenir aux Dans cette situation de manque perma- nous avantagent sur ce point. En ce changer contre de la viande", explique-t-il. cinq ans de peine, le menu quotidien n'a besoins réels des détenus, il faudrait nent, manger devient l'enjeu d'un rapport de moment, ils sont six. C'est déjà ça !" jamais varié -sauf pénurie ou don excep- chaque mois 3 à 4 millions de fc [6 à 7.000 force exacerbé par des conditions de vie Selon M'madi Ali, le gouvernement envi- tionnel de particuliers. euros]. Et encore, ce budget n'est jamais infectes. "Chaque fois qu'on préparait le Si ces quelques "privilégiés" partagent sage d'augmenter légèrement le budget versé en temps voulu. Juillet, août et sep- repas, il y avait une bagarre", explique avec leurs voisins de cellule, le manque de alloué à la nourriture des prisonniers. Mais "Les détenus mangent une fois par jour", tembre n'ont pas été payés, alors que les Soiher. "Parce qu'il y avait trop peu. Ça ne nourriture et la monotonie des menus res- comme le souligne le ministre de la Justice, indique Youssouf Soilihi, directeur général détenus ont mangé. Le fournisseur nous pouvait pas nous suffire à tous. Les plus tent lancinants pour la plupart des détenus. ces carences dont souffrent les "taulards" de l'administration pénitentiaire. "Ils ont donne quand même les vivres même si forts prenaient beaucoup." Encouragées par cette pénurie intérieure, ne sont que le reflet caricatural des difficul- chacun 500 grammes de riz, 250 grammes parfois, il nous pose problème." les magouilles visant à améliorer l'ordinai- tés qu'ont les Comoriens, à se nourrir cor- de poulet, de viande ou de poisson. Ils ne Pour ces hommes condamnés à partager re fleurissent derrière les barreaux. rectement. boivent pas de thé. On leur donne la nour- Pour le ministre de la Justice de l'Union, les mêmes matelas humides, la même dou- "Chaque bâtiment a des représentants qui riture vers midi, midi trente et eux même se M'madi Ali, cette situation n'est que l'une che, les mêmes sanitaires et le même air qui viennent au magasin et prennent les Lisa Giachino chargent de la préparer." En début d'après- des multiples conséquences du manque de parait les souiller, le repas qui leur permet- rations", explique le directeur. "Il arrive midi, le repas est avalé. La soirée est à liquidités auquel fait face le Trésor public. tra d'échapper à la maigre tambouille com- que ces responsables vendent quelques boî- peine entamée que les ventres mal rassasiés "A chaque fois qu'il y a eu un problème mune est un précieux privilège. "Il n'y en a tes de sardine ou de tomate à des agents de Reportage réalisé en septembre 2006. crient famine. Le riz blanc, même en bloc avec le fournisseur, je suis intervenu auprès pas beaucoup qui reçoivent de la nourritu- Securicom sans les autres ne le sachent. A lire dans Kashkazi n°57, disponible sur compact, est vite digéré. "Si vous avez du Trésor", indique-t-il. "Depuis que je suis re de leur famille", indique Soiher. "Les ori- C'est pour cela qu'on a mis en place une www.kashkazi.com

kashkazi 73 juin/juillet 2008 25 instantané

Dix ans après avoir fait son apparition à Maore, le rap tend à se professionnaliser. Des collectifs hip-hop, se montent et fédèrent un public jeune, séduit tant par les rythmes la voie que par le contenu des chansons. Enquête sur un phénomène. tracée des sans-voix

ne chambre transformée en stu- les autres, il a appris sur le tas. "Pas besoin de faire des dio, au cœur de Doujani, ban- études pour y arriver", explique Mashaka. "C'est sûr lieue de Mamoudzou. Un four que ça aide, mais beaucoup de rappeurs ont apprit micro-onde, deux canapés, une tout seuls". "On est des autodidactes, et ça, c'est mal vu table, la clim' -excusez du peu-, à Mayotte", renchérit El-Mafio. Il parle en connaissan- une montagne de basket à l'en- ce de cause : "Quand je me suis présenté au Défi trée,U et l'essentiel : "une table de mixage, un ordinateur Jeunes [un concours primant des projets d'entreprises, et des micros", énumère MC Bo Houss, l'un des occu- ndlr], on m'a rit au nez parce que je n'avais pas fait d'é- pants des lieux. Il oublie le son qui sort des baffles… tudes en ingénierie-son. Mais y'a pas que l'école dans la vie pour réussir. En France aussi, les rappeurs ont "Maintenant à qui la faute si mon pays tombe en ruine appris sur le tas. Moi je vois à la Réunion, ils ont des Si l'Afrique n'a plus d'cran supers studios, mais on sait manier leurs ordinateurs Et qu'les Comores n'ont plus d'tune aussi bien qu'eux." A qui la faute si les frontières font grises mine Quand les Comores et les naufrages sont synonymes A qui la faute si on ne sait plus quoi penser e l'autre côté du lagon, quartier Si la langue du billet verts et du Shell est le français Sandravangue à Pamandzi, le tableau est A qui la faute si Vivendi a volé le peuple D sensiblement similaire. C'est Djay qui fait S'il n'y a pas d'électricité dans le foyer du peuple office de maison d'hôte. Quand il ne travaille pas pour A qui la faute si la misère opprime les jeunes sa boîte de prod' ou à RFO, Djay (Geoffroy de son vrai Si le chômage et la fin font transpirer les hommes nom) monte des clips sur son Mac, dans la petite salle A qui la faute si on a perdu la foi qui lui sert de studio. Tous les soirs, les membres de Nos racines se résument à nos ancêtres les gaulois son association, Djesh 2 -et d'autres- se retrouvent, dis- A qui la faute si les mers sont nos cimetières cutent, composent chez lui autour des deux "leaders", Si les morts reposent en paix sous des dunes de sel Tyranno Délanotshé -Del pour les initiés-, qui a bour- A qui la faute si on endosse le mauvais rôle lingué entre la France et Mayotte durant ses 25 pre- Si on est assimilé qu'à la rue et le football mières années, et Naël (nom de scène : Naël Original), Le cœur dans ma main et mon index vers le ciel qui arbore un beau tee-shirt "Noir et fier". Aucun ne Devoir d'hommage pour les braves ceux qui som- vit de sa musique, mais on n'est pas loin du profession- meille dans le ciel nalisme. En début d'année, Djesh a sorti la première Devoir de mémoire pour ceux qui ont combattu compilation de rap 100% Maore : une bombe à retar- L'impérialisme, cette sombre époque colonialiste" 1 dement dans laquelle 14 artistes se lâchent au fil des rimes -ou pas. "Tout a été fait sur place sauf la presse C'est ici que les membres du collectif Masiwan Vibes des CD", affirme Djay. "On a fait un gros travail de se retrouvent, tous les jours ou presque. "On a essayé sélection", poursuit Tyranno Délanotshé. "Une ving- de monter un petit studio", raconte Bo Houss, le grand taine d'artistes ont été enregistrés, mais on n'en a pris frère passé par la "métropole" -études de gestion, fac que 14. On voulait que ce soit des morceaux dans les- d'histoire, échec. "C'est modeste, on n'a pas le matos quels on a des choses à dire." des grands studios, mais ça nous permet d'être autono- mes. Ici, on fait tout : on écrit, on chante, on mixe… On "Un gros beat et des textes cools veut être indépendants." Leur chambre est à l'image du Un timbre de voix circoncis hip-hop mahorais : faite de bric, de broc, de beaucoup Généreusement lubrifié de jeux de mots subtils d'envie, mais aussi de ce qui fait l'essence du rap -ce Je n'ai pas la langue dans la poche qui manquait jusqu'à présent, disent-il : la rage de dire Et quand je sais pas j'la donne aux chattes" 3 les maux de la jeunesse. "La jeunesse d'ici, pas d'ailleurs", assure Mashaka, un autre membre du col- Avec cette compil' et le clip qui va avec, réalisé entre lectif qui a passé cinq ans et demi en France pour ses Pamandzi et Labattoir, Djesh a fait franchir une étape études, lui aussi. Au fond, dans une chambre séparée au rap mahorais. Le récent concert organisé à du "studio" par un drap, trône, encadré, le fameux dis- Pamandzi, début mai, qui a réunit les deux collectifs cours de Martin Luther King, "I have a dream". Djesh et Masiwan Vibes, en a apporté une preuve écla- tante : "On a fait 300 entrées à 5 euros" - un exploit à Devant l'écran du Mac, El-Mafio bidouille des sons Maore. "Et en plus", tient à rappeler Djay, "il n'y a eu quand il ne taffe pas sur le tarmac de l'aéroport -son aucune embrouille, contrairement à ce que tout le chasuble jaune fluo traîne sur la chaise. Comme tous monde pensait".

26 kashkazi 73 juin/juillet 2008 Le rap, musique de voyous. L'image colle mécham- "Nous sommes nombreux à revenir de la métropo- ment aux grosses baskets de ceux qui s'y adonnent, à le", explique Bo Houss. "Là-bas, on a vu ce que c'est Maore. La faute, pense Del, à ceux qui "croient que le le rap, les répétitions, les concerts. On a appris à tou- rap, c'est monter sur scène et insulter tout le monde, et cher les ordinateurs, les tables de mixage." De retour, dire ‘Nique la police’". La faute, aussi -surtout ?- aux ils adaptent leur savoir-faire aux couleurs locales. "On préjugés des anciens… "On nous prend pour des rigo- peut marier les sons rap avec du mgodro, ça marche !" los. Des jeunes qui font ça un temps, pour s'amuser, Mais c'est surtout dans les textes que le hip-hop local a mais qui arrêteront quand ils seront grands", explique évolué. "Avant, les rappeurs des années 90 reprenaient Bo Houss. Héritage d'une période pas si lointaine où les thèmes des rappeurs français ou américains. Mais les pionniers du rap local ont abandonné les rimes ça veut dire quoi, à Mayotte, ‘Nique la police’ ? Ça quand ils ont migré vers la France ou la Réunion. signifie quoi, pour un jeune Mahorais, les banlieues, "C'est pour ça qu'on se regroupe", poursuit Mashaka. les flingues, le métro, alors qu'il n'y en a pas ? Si le rap "Pour être plus forts et perdurer". Le collectif commence à bien marcher, c'est parce qu'on écrit des Masiwan Vibes réunit plusieurs groupes de textes qui plaisent aux jeunes". "On raconte notre quo- Mamoudzou et sa banlieue : FOS, Moudjahid Sound tidien, nos problèmes", poursuit Chaf Masta, l'un des Prod, Mic d'or… Des jeunes - chômeurs, lycéens, étu- rappeurs les plus connus du public. "Et ça marche. Il diants, salariés - passionnés par ce qu'ils font, malgré commence même à y avoir une starification". Au les innombrables difficultés. "Personne ne nous aide", moment où il dit ça -nous nous sommes donné rendez- se désole Bo Houss. "La Jeunesse et les sports, le vous dans une rue adjacente au lycée de Mamoudzou- Service culturel, le Conseil général : on n'existe pas un gamin de 10 ans à peine passe dans la rue. "Chaf pour eux." "On est comme l'entrée dans un restau- Maaaaastaaaaaaa", lance-t-il. "Le développement des rant", poursuit-il, fier de sa métaphore. "On ne sert portables et du MP3 est une chance extraordinaire qu'aux premières parties, mais le reste, le plat et le des- pour le rap", poursuit Chaf Masta. "Ce n'est pas en sert, c'est pas pour nous". vendant 100 CD qu'on se fait connaître, c'est en trans- Ci-dessus, les membres de Masiwan Vibes dans leur studio de Doujani. mettant nos titres sur les téléphones, et là, c'est parti !" Page de gauche, des dance-breakers de Mamoudzou. "Si je réussis c'est pas avec l'aide du Conseil général Car je sais qu'ils n'aiment pas cette musik de chacal" 4 Les sons passent de portable à portable en quelques secondes, sous les préaux des lycées et collèges de l'île Structuré l'année dernière autour de Bo Houss et -permettant ainsi de jauger la popularité d'un morceau, Ils ont divisé notre île entre bidonvilles et résidences "J'ai tout essayé, général, BEP, mais rien m'branche Mashaka à leur retour de France, Masiwan Vibes n'est note Djay-, alors que la culture rap se développe au Et des vulés à Sakouli pour chuter la résistance Vas-y branche ta chaîne hifi, j'crois bien qu'j'ai trouvé pas un énième nom dans la liste déjà fournie des col- rythme de la multiplication des paraboles dans les Acheter le peuple pour pouvoir nous escroquer" 4 ma branche lectifs éphémères qui ont marqué le rap mahorais foyers. "Le fait que beaucoup de jeunes aient Trace TV J'ai plus droit à l'erreur, l'rap s'ra mon dernier vœux depuis sa naissance, au milieu des années 90. "On a un à la maison a fait évoluer le public", pense Bo Houss. Mais aussi la ghettoïsation, les rafles, la justice, l’in- Avec l'aide du ciel inch Allah si Dieu l'veut projet", affirme Bo Houss. "On croit très sincèrement "Avant", affirme El-Mafio, "quand on arrivait sur justice, les flics, le chômage… Les filles, bien sûr - ou (…) Plume, encre, feuille blanche pour s'évader que le rap va percer à Mayotte et qu'on est un certain scène, on nous jetait. On nous disait de partir. Le rap les garçons… "Ce qu'on dénonce ? On dénonce la Trop d'galère dans ma tête comprend cette envie nombre à avoir atteint un bon niveau, certains en n'était pas apprécié. Ce que voulaient les gens, c'était division de Mayotte, le fait que c'est une île métissée d'se vider" 5 instru, d'autres en chant ou en écriture. Si on peut se danser. Ils voulaient du mgodro, rien que du mgodro". mais qu'on vit pas ensemble", dit Bo Houss. "Le racis- professionnaliser et vivre de notre musique, alors on Si les réticences sont toujours nombreuses, affirment me encore bien présent", poursuit Chaf Masta. "Moi, Dans son style, Naël affirme que "quand tout ira n'hésitera pas. Mais on doit se débrouiller seuls. A les membres de Masiwan Vives, elles ont tendance à se j'ai été en métropole. On était mélangés. Mais pas ici", bien, je ferais du zouk love", mais "tant que ma vie est nous de nous donner notre chance." Pour avoir arpen- diluer. "Il y a toujours un public qui vient pour danser", reprend Bo Houss. "On parle des Comores aussi", celle que j'ai, je ferai du rap. C'est la douleur qui me té les scènes françaises, Bo Houss y croit dur comme confirme Djay, "mais il y a aussi ceux qui sont là pour enchaîne Mashaka. "C'est difficile ici de dire ce qu'on pousse à créer" et à briser les tabous de la société fer. "Ici, il y a un réel potentiel. Il y a de vrais artistes. les messages du rap conscient". Ceux-là, affirment nos pense, parce qu'il y a des tabous. Mais ça nous fait mahoraise. "Choquer, c'est notre rôle", dit Del, "ce qui On n'a rien à envier aux rappeurs de la Réunion." interlocuteurs, sont souvent ceux qui ont vécu en mal, quand on voit nos frères anjouanais se faire arrê- ne veut pas dire qu'on doit insulter tout le monde". Récemment, lui et El-Mafio ont sorti un maxi-single France -"ils sont prêts à entendre les mots crus. Les ter et expulser. On se côtoie, on vit ensemble, mais on qui circule de portables en portables. "On a tout fait autres, un peu moins". est aussi français." Chaf Masta : "Je dis qu'il faut arrê- Un passage qu'ont encore du mal à franchir les mem- nous-mêmes", dit Bo Houss : "On a écrit, on a fait les ter de faire la chasse aux Comoriens. Ce sont nos frè- bres de Masiwan Vibes. Lorsque j'ai rencontré Chaf instru, on a enregistré [dans un petit studio de Cavani, res. Ce n'est pas juste. Quand on est en France, on n'a Masta dans la rue, il a fallu longtemps avant qu'il n'ose ndlr], on a masterisé, on a gravé, on a distribué"… Via pas de problèmes entre nous. C'est la France qui fout évoquer avec moi ce qui le choque : le comportement les portables et le porte-à-porte, car "on n'a pas de la merde ici". de certains Blancs, les m'zunguland. Avec les rappeurs points de ventes", se désole Chaf Masta. “On chante tout haut ce que de Maore, on est loin de l'image du méchant Joey Starr les gens pensent tout bas. "La Paf en a sauté combien ? Les flics en ont combien qui frappe une hôtesse de l'air. On vouvoie poliment. Et comme maîtresses ? on s'autocensure. Bo Houss ne le nie pas. "On est obli- ous, à Masiwan Vibes, s'accordent à recon- Les jeunes ont un message Je sais que je blesse mais je m'en fou si je vexe gés, sinon on est morts", pense-t-il. "La France, c'est naître que le rap mahorais est entré dans une et on leur donne pas la parole.” Ici je fous le faya contre la politika" 4 grand. Ici, c'est minuscule, et tout est dirigé par une T nouvelle ère. "Il y a eu une première vague, mafia. Si tu dépasse la ligne, t'es fini." "Quand tu dis à la fin des années 90", analyse El-Mafio. "C'était l'é- des choses qui dérangent, même si tout le monde le poque de la Garde impériale. Mais ils ne faisaient endant longtemps, les rappeurs de pense, t'es court-circuité par la mafia", ajoute que du copier-coller. Puis tout sont partis faire leurs Mayotte se sont contentés de faire du Mashaka. "Même nous, les jeunes, on a peur". études à l'extérieur. Après un creux, nous sommes "Nous, on a pris le parti de développer des sons dan- “P copier-coller avec les morceaux dans une deuxième vague, mais beaucoup plus sants, qui bougent, afin d'attirer un nouveau public au d'ailleurs. Il n'y avait pas de discours propre au rap L'un des membres du collectif avouera, lors de notre importante", croit-il. Chadmo, ancien rappeur parti rap, quitte à laisser tomber un temps les paroles enga- mahorais", note Tyranno Délanotshé. "C'est fini rencontre, avoir écrit un morceau qu'il n'ose pas enre- en France, trouve lui aussi la nouvelle génération gés et les discours", indique Bo Houss. Chaf Masta lui aujourd'hui." Djesh en sait quelque chose. "On a été gistrer. "Kiyassi ivo" : c'est son titre. "Je dis ce que tout "plus engagée" : "Nous, on écrivait sur les filles, eux, aussi a opté pour cette voie. D'abord la vulgarisation… très critiqué lors de la sortie de la compil'", dit Djay. le monde pense, mais j'hésite à l'enregistrer. J'ai peur ils écrivent sur les keufs [flics en verlan, ndlr]. C'est "C'est comme ça. Le public, quand il va à un concert, "Mais c'est aussi pour ça qu'on fait du rap, pour créer des répercussions". Il y parle de la PAF, des diri- autre chose". veut danser, pas écouter du bla-bla. C'est pour ça que de la réactivité". Dans une interview autoproduite par geants… d'un raz le bol ressenti par l'ensemble de la moi, actuellement, je développe des sons qui bougent Djesh, Del explique ainsi le nom de la compil "Le bruit jeunesse, pour qui "la mafia au pouvoir doit partir". Il Djay, qui a fréquenté le milieu du rap depuis tout bien, dans le but de les séduire. Après, je pourrais du silence" : "Dans cet album, on chante tout haut ce y dit ceci : petit en France, confirme : "La scène hip-hop est refaire des textes plus engagés." Ce n'est pas pour que les gens pensent tout bas. Les jeunes ont un mes- jeune à Mayotte. D'ailleurs, sur la scène nationale, autant que l'essence du rap -mouvement né d'un besoin sage et on leur donne pas la parole. Nous avec cette "Nettoyez au karcher la flicaille de Mayotte on connaît les rappeurs de Guyane, des Antilles, de des habitants oubliés des cités américaines puis fran- compil', on la leur donne." Tout y passe : la politique Arrêtez de nous plaquer, menotter, tabasser la Réunion, mais pas de Mayotte. Pourtant, il y a un çaises de raconter leur quotidien- est oubliée. Au bien sûr, celle des élus mahorais mais aussi celle de Arrêtez de contrôler nos frère anjouanais, sinon réel niveau et une réelle volonté de se forger sa pro- contraire… "Si ce qu'on racontait ne disait rien aux l'Etat, que Djesh "prend comme une tas-pé" (pétasse en on nique tout pre identité. Cela passe, je crois, par l'emploi du gens, ça ne servirait à rien", dit Bo Houss. "Si on plaît, verlan). La religion aussi, quand Naël s'amuse à utili- Cocktail molotov, une batte dans le coffre, au cas où shimaore ou du kibushi, et pas la création de ses c'est surtout parce qu'on dit tout haut ce que tout le ser des mots du Coran dans ses textes. on m'les chauffe" propres sonorités". Deux conditions selon Djay, qui monde pense tout bas". ont déjà été intégrées. "On est de plus en plus nom- Les rappeurs sont en passe de devenir les portes- breux à écrire en mahorais", dit El-Mafio, "même si "Man tu sais que j'aime pas la politica parole des sans-voix : ces jeunes qui ne savent plus où Rémi Carayol on continue d'écrire en français et en anglais." Il te brûle plus vite qu'un verre de téquila se situer entre la culture de leurs parents et la difficile Quant à la création de sonorités, "deux-trois gars Ils sont prêts à te saouler pour obtenir ta voix" 4 intégration républicaine. "On ne fait que raconter notre comme Del ou El-Mafio ont un vrai talent", juge quotidien", affirme Del. "Ce que j'écris, c'est ce que je 1 Empreinte coloniale, Bo Houss Djay. Qui poursuit : "Pendant longtemps, on est allé dit la chanson d'El-Mafio. Et ça plaît, "parce que c'est pense, mais aussi ce que je vis", complète Naël. Mais 2 “Soldats” en shikomori en métropole pour essayer de percer, sans succès. ce que nous, les jeunes, nous vivons". L'achat des si la vie "est difficile ici comme ailleurs", les rappeurs 3 Vaginaël, Naël Original Aujourd'hui, on fait l'inverse. On revient à Mayotte votes, la corruption,… mahorais souhaitent faire passer un message d'espoir. 4 Brule la politika, El Mafio pour percer d'abord dans l'île -pour progresser "Le rap, c'est un bon moyen de sortir de situation com- (www.el-mafio.skyrock.com) aussi- avant de sortir à l'extérieur". "Ils ont vendu nos terres pour des projets immobiliers plexes, d'éviter la délinquance", prône Djay. 5 Dernier virage, Tyranno Délanotshé

kashkazi 73 juin/juillet 2008 27 FQS (faut qu’ça sorte)

Une cinquième île ? L'AGENDA OFFICIEL 2008 édité par le gou- Le retour de la peine de mort vernement de l'Union des Comores propo- se une cinquième couleur inédite sur le dra- peau comorien. En plus du bleu, du jaune, Quatre personnes ont été condam- photo archives CNDRS affirmé que sa femme avait un amant, un du rouge et du blanc traditionnels (corres- nées à la peine de mort, début juin, témoin appelé à la barre a soutenu l'inver- pondant aux couleurs des quatre îles de l'ar- par la Cour criminelle de Moroni, se, dévoilant que "le 9 novembre [jour du chipel), une bande noire est venue se gref- dont Abdelaziz Fekkak, coupable du crime, ndlr] Abdelaziz a transféré fer au drapeau. Simple erreur où volonté meurtre prémédité de sa femme en 16.250.000 fc [plus de 32.000 euros] au inavouée de changer l'étendard national ? novembre 2005. Maroc". Un témoignage qui vient appuyer La question est pour l'instant sans réponse. la thèse de la préméditation confirmée par Restent deux hypothèses : s'agit-il comme Les jurés de la Cour d'Assises de les déclarations de l'accusé. le pense une partie des députés comoriens, Moroni n'ont eu aucun mal à rendre leur de symboliser la place du chiisme que verdict mardi 4 juin sur l'affaire Seule certitude, le couple battait de l'ai- Sambi est accusé de vouloir importer dans Abdelaziz Fekkak. Toutes les preuves de le depuis 2001, détruit par "l'infidélité" qui l'archipel ? Ou s'agit-il d'intégrer une cin- quième île à l'archipel ? auquel cas l'île la culpabilité du Marocain dans le meur- aurait conduit au meurtre. Abdelaziz, qui a mythique de Mjombi (lire Kashkazi n°69) tre de son épouse, Faouzia Taïnamoro, rencontré Faouzia au Maroc, avait décidé et la ville française de Marseille, où se trou- étaient réunies. L'accusé, incarcéré à la contre l'avis de ses parents d'épouser la vent 70.000 Comoriens, pourraient postu- prison de Moroni depuis ce meurtre, a jeune Comorienne. Le mariage eut lieu en ler… Mystère ! avoué son acte, et en a même expliqué les 1992. L'année suivante, le couple s'instal- raisons. Les jurés ont donc reconnu le aux Comores. Après des débuts diffici- l’homme coupable "de meurtre avec pré- les, l’homme ouvre un commerce. Mais Sule Bwana, condamné à mort au port de Moroni, sous le régime Soilihi. méditation" sur son épouse dans la jour- Abdelaziz, qui ne semble pas avoir sur- Prévoyant née du 9 novembre 2005 à Moroni, et monté l'hostilité de sa famille à son maria- LE GOUVERNEMENT de l’Union ayant l’ont condamné à la peine de mort, rendu au marché Volo-volo pour acheter la chambre, la machette à la main" pour- ge, a du mal à s'épanouir et mène une vie interdit aux femmes comme aux hom- conformément au Code pénal. une machette. Une fois à la maison, je l'ai suit Fekkak. Avant de raconter l’indes- solitaire, repliée sur sa femme et ses mes de porter des vêtements jugés placée sous le lit puis je l'ai déplacée pour criptible... Selon l'examen médico-légal enfants. "En apprenant l'infidélité de sa “indécents”, c’est à dire “laissant La loi accorde dix jours au président de la dissimuler sous les escaliers." Durant ordonné par la justice, la victime a reçu 30 femme, il s’est senti complètement perdu" apparaître les parties intimes du corps la République pour accorder ou non sa tout son témoignage raconté avec une froi- coups de couteaux, dont 28 coups plantés. a expliqué son avocat commis d'office. ou dont la vue choque la pudeur" (lire grâce au condamné. Passé ce délai, le deur macabre -celle d’un homme qui se "Il y a eu de multiples plaies sur la tête, le Celui-ci n'a pas été d'une très grande utili- p.5), un problème se pose, alors que meurtrier devra être passé aux armes dans savait perdu et semblait prêt à payer son visage, les membres supérieurs et infé- té pour son client, qui a à maintes reprises cette loi s’applique aussi bien aux un camp militaire. Dans sa cellule de la crime-, la salle a retenu son souffle. rieurs. Il y avait du sang partout, sur le lit, au cours de l'audience déclaré ne pas vou- Comoriens qu’aux étrangers : com- prison de Moroni, Abdelaziz Fekkak ne se sur la porte, sur le mur, dans le couloir et loir “être défendu". ment va-t-on gérer cette directive pen- fait aucune illusion sur son sort. Après le Nous sommes le 9 novembre 2005. entre les chambres. Les cheveux arrachés dant les vacances qui approchent ? verdict rendu par la Cour, il a eu ces Marocain arrivé des années auparavant de la victime étaient dispersés un peu par- Si Sambi ne décide pas de le grâcier, il Préviyant, un représentant du ministè- quelques mots : “J’aurais déjà été tué si aux Comores, Abdelaziz Fekkak se trou- tout dans la maison", dévoilent les pièces sera exécuté, comme trois autres person- re des Affaires islamiques a annoncé à la radio que “durant la période des j'étais dans mon pays, au Maroc". ve à la maison à midi pour le repas. Son du dossier. Selon l'expertise médicale, la nes condamnées à la peine de mort par la vacances, des voiles seront stockés à l'aéro- épouse, Faouzia Taïnamoro, et ses enfants mort a été lente. “Elle est survenue au Cour d’Assises, elles aussi pour meurtre. port de Hahaya, au cas où certaines Au cours de son procès qui a duré deux sont tous là. La famille finit de manger et bout de quatre heures". Les dernières exécutions aux Comores vacancières [comoriennes] porteraient des jours, l'accusé n'a cherché à aucun quitte la table. Comme d'habitude, les remontent à 1996, sous le régime du pré- habits indécents." Y’aura-t-il aussi des moment à se disculper. Selon son récit, le enfants retournent à l'école. Faouzia rent- Sur les circonstances qui ont conduit à sident Mohamed Taki... jeans pour les hommes ? 9 novembre 2005, sa décision d'assassiner re dans sa chambre avec son bébé de qua- ce drame, des divergences sont apparues sa femme avait été planifiée. "Je me suis tre mois dans les bras. "Je la rejoins dans au cours du procès. Alors que l'accusé a KES

Versatile MAUVAIS PLAN à l'ambassade de France à 13 ans, 18 ans, Moroni ! Le consul refuse un visa Nombreux couacs avant Schengen (Union européenne) à Mlanao Henri, conjoint de Française, pour "mena- c’est kif’kif’ ce à l'ordre public". Une drôle d'histoire la présidentielle de Ndzuani dans laquelle le ministère comorien de A force, on devrait s'habituer. Ne plus s'émouvoir… l'Immigration est mis en cause pour falsi- Certaines pratiques des forces de l'ordre à Maore ne peu- La campagne pour l'élection qu’il n’avait absolument rien à état d'un calme prometteur au fication et trafic de passeport. En 2006, le vent cependant laisser de marbre. On passera outre la par- présidentielle de l'île de dire”, relate un témoins. début de la campagne, les parti- dénommé Mlanao était en effet mis en ticipation plus qu'active -alors qu'ils n'en ont pas la droit- sans de l'armateur de Sima ont fait cause par le consulat français suite à une Ndzuani programmée les 15 et de certains policiers municipaux dans des opérations de De leur côté, les candidats observer que "le climat politique subtilisation de ses papiers par ledit minis- 29 juin a été émaillée de nom- contrôle d'identité : ce fut le cas notamment à Ongoujou Mohamed Djaanfari et Bastoine se détériore et que la démocratie tère. La représentation française lui avait breux couacs dénoncés par les fin mai, et Koungou début juin. On racontera juste l'histoi- Soulaimana se sont eux aussi est menacée". "Ce n'est un secret alors demandé de signifier son innocence différents candidats. re du jeune Anfane, qui a bien failli être envoyé seul à plaints d'avoir été "malmenés et pour personne. Tout le monde le par écrit et de porter plainte contre X. Ce Ndzuani… à l'âge de 13 ans. qu'il a fait. En échange de quoi, il obtint un Vendredi 6 juin, Moussa humiliés" par des soldats des sait. Les hauts fonctionnaires Toybou, candidat soutenu par le troupes soudanaises -restés dans d'Anjouan soupçonnés de sympa- visa d'une année renouvelable pour Arrêté par la police nationale le 6 juin à Mamoudzou accompagner notamment sa fille (françai- président de l'Union des l'île après le débarquement du 25 thie à mon endroit sont intimidés alors qu'il se rendait à l'école -il est en CM2-, Anfane est se) à Marseille. Cette année, cependant, la Comores Ahmed Abdallah mars-, stationnées dans la région et menacés de licenciement", a né le 11 janvier 1995 à Sima (Ndzuani) -son extrait d'acte même ambassade revient sur sa décision, Sambi, a été contraint de renon- du Nyumakele. Ces soldats char- pour sa part déclaré M. Djaanfari, de naissance certifié fait foi. Malgré sa gueule de gosse et en refusant de lui renouveler son visa, sur cer à un meeting à Barakani, le gés de la sécurité des élections évoquant le cas d'Antoy Abdou, le fait qu'il possède un certificat de scolarité à l'école élé- la base de cette même affaire, alors qu'au- village de Mohamed Bacar, suite dans cette zone, auraient fouillés ancien directeur de cabinet de mentaire de Kaweni, les policiers l'embarquent. Selon la cun élément nouveau n'est venu remettre à l'hostilité des habitants de cette les candidats au cours d'un Sambi limogé pour avoir soutenu loi, un mineur non accompagné ne peut être reconduit à la sa personne en cause. Il semble que ceux localité. Selon la commission contrôle routier. Les Soudanais Djaanfari. Ce dernier s'est toute- frontière. Mais ce n'est pas vraiment un problème pour les qui lui ont octroyé son visa l'an dernier électorale, des jeunes du village ne parlant ni l’anglais, ni le fran- fois dit "serein", croyant en la soient les mêmes que ceux qui le lui refu- agents du Centre de rétention administrative (CRA) qui ont tout fait enlever (chaises, çais, ni le swahili, la communica- maturité des Anjouanais qui, a-t-il sent aujourd'hui sans motif précis… l'"accueillent" : à son arrivée, plutôt que de l'attacher à un estrades, sonorisation) et lui ont tion avec les habitants de l’île est ajouté, "sauront me faire confian- adulte qu'il ne connaît pas (une pratique très répandue en demandé de s'en aller avant qu'il très difficile, ce qui aboutit à bien ce dans leur majorité". 2007), ils décident tout simplement de lui donner un autre n'ait pu commencé son meeting. des abus qui ne touchent pas seu- âge. Pour la Police aux frontières, Anfane, 13 ans, en a N'ayant pu les raisonner, le favo- lement les politiques. Il est cependant un couac plus 18… Sur son arrêté de reconduite à la frontière (APRF), À NOS LECTEURS ri (avec Mohamed Djaanfari) du grave encore que tous ceux cités il est notifié qu'il est né en 1990. Lorsqu'un enseignant se scrutin a dû annuler son meeting. Il y a quelques semaines, plus haut : l’absence de projet Il n’y aura pas rend au CRA pour tenter de le faire sortir, on lui sert plu- Ce n'est pas la première fois qu'il Mohamed Djaanfari s'était déjà pour l’île. Un observateur se sieurs versions : il dit avoir 15 ans, il est sur l'APRF d'un de kashkazi le mois est chahuté dans cette région de plaint de pressions exercées sur désole “du peu de relief des can- autre adulte, il a 18 ans… prochain. La rédaction l'île. Quelques semaines aupara- des hauts fonctionnaires par le didats” et de “l’absence de pro- prend un mois vant, lors d’un meeting à Ajoho - pouvoir fédéral, afin qu'ils votent gramme”, l’élection se canton- Sauvé in extremis par une intervention auprès de la pré- de vacances et vous village d’où a fui bacar et ses 22 Toybou. Si la Fondation como- nant à un combat des pro et des fecture, l'enfant ne possédait, le jour de son arrestation, compagnons vers Maore le 26 rienne des droits de l'Homme anti-Sambi... donne rendez-vous que ses affaires de classe. au mois d’août. mars-, les habitants lui avaient (FCDH), par la voix de Kaled demandé de partir. “Il faut dire Saïd, son secrétaire général, a fait KES et RC RC

28 kashkazi 73 juin/juillet 2008 Bacar au Bénin... no comment ou ailleurs

“Nous sommes français depuis ALORS QUE LA JUSTICE FRANÇAISE ne toujours !” devrait pas répondre favorablement à la demande d’extradition de l’Union des Abdoulatifu Aly, député de Comores au sujet de Mohamed Bacar (lire Maore, lors d’un entretien. p.8), Paris s’active pour trouver un pays d’accueil à l’ancien dictateur anjouanais. “Si j’ai bien compris, en droit Dans sa dernière édition du mois de mai, comorien, il ne peut pas y avoir la Lettre de l'océan Indien (n°1239) révèle de mère célibataire.” que l'ancien président pourrait être extradé Mme Monteil, juge au tribunal vers le Bénin. Selon cette publication bi- de Mamoudzou, lors d’une mensuelle, le président du Bénin, Thomas comparution immédiate Boni Yayi, serait en passe d’accepter d'hé- le 26 mai. berger le colonel. Cependant, une source haut placée a affirmé à nos confrères du “Si tu veux être français, il faut Quotidien de la Réunion que d’autres pis- que tu le sois à 100%. Si tu l’es tes sont suivies. Outre le Bénin, “la France qu’à 50%, tu souffriras.” mène aussi de discrètes tractations avec Un participant à un débat sur des Etats du Golfe persique”, annonce le les séquelles de l’esclavage, quotidien réunionnais, mais “c'est compli- début mai, au Conseil général qué. D'abord parce ce futur pays d'accueil de Maore. doit remplir, aux yeux de la France, certai- nes conditions en matière de respect des droits de l'Homme et s'engager à ne pas “L'Afrique est en plein décollage renvoyer Mohamed Bacar aux Comores. économique. Ce n'est pas le moment de nous en aller.” Ensuite, parce que ce pays hôte ne veut pas non plus se fâcher avec Moroni". Un responsable français membre de la délégation française lors de la visite de Deux vitesses MM. Jégo et Joyandet à APRÈS PLUSIEURS MOIS de détention, trois Moroni le 14 mai, à propos du hautes personnalités politiques anjoua- contentieux franco-comorien, naises ont été libérées début juin, à la cité par Le Monde. Fadul Ahmed Fadul, le cocu demande du procureur de la République. Il s'agit de Caambi El-Yachroutu, ancien “Notre peuple doit-il vice-président de l'Union des Comores et comprendre que votre politique ministre du gouvernement Bacar jusqu'à est sans projet et sans cohésion, des accords de Tsingoni sa chute en mars dernier, Ahmed sans perspective à long terme, Abdallah Sourette, ancien président de la fondée sur le pari, les initiatives Cour constitutionnelle avant son rallie- ponctuelles et la mendicité ?” L'affaire est close ! Du moins jus- ge de son soutien, un titre important. Cela nouveau président. Et aujourd'hui, pour ment au régime anjouanais, et Said Omar l'avait convaincu de rejoindre ce camp quelques billets d'avion, ils sont incapa- Le GRDC et le Front qu'à nouvel ordre… Elle symbolise les Mirghane alias Makani, directeur de démocratique, dans une lettre difficultés rencontrées par la majorité plutôt que celui de Saïd Omar Oili. La bles de s'entendre entre eux. Et nous, pen- EDA. Si la remise en liberté de détenus ouverte adressé à Sambi le du Conseil général pour aboutir à un politique mahoraise (et plus généralement dant ce temps, on galère", s'insurgeait à la dont on ne connaît toujours pas les chefs 31 mai. semblant de cohésion en dehors de la comorienne) est ainsi faite d'enjeux hono- sortie de la réunion un guide touristique. d'inculpation semble logique (lire p.22), revendication départementaliste, et la rifiques plus que de débats d'idées. Evincé "Le Comité n'a plus de président, plus de on peut s'étonner que cette mesure “Beijing soutient les Comores prime aux intérêts privés, au détriment des vice-présidences, le plus vieux des bureau. Il ne pourra donc rien faire jus- concerne en premier lieu les plus hauts pour le règlement de la question de l'intérêt collectif. conseillers généraux avait placé tous ses qu'à ce que cette élection ait lieu", gro- responsables, quand les simples gendar- de Mayotte. Réciproquement, espoirs dans la présidence du CDTM, un gnait de son côté un hôtelier. mes qui ne faisaient qu'obéïr aux ordres Moroni soutient l'appartenance Lundi 9 juin, les élus du Conseil géné- poste toujours très convoité pour ses nom- se trouvent toujours, eux, sous les ver- de Taïwan et du Tibet à la ral ont tranché dans le conflit qui opposait Selon les statuts votés en 2007 par l'as- rous. Comment dit-on déjà ? Justice à Chine. Ce sont des problèmes depuis plusieurs semaines deux membres sociation -financée en grande partie par le deux vitesses ?... identiques ; nous en avons la de la majorité. Ahmada Madi Chanfi sera Conseil général-, le président doit être un même position”. très probablement le futur président du “Jusqu’à preuve membre du bureau. Or sur les quatre élus Tao Weiguang, ambassadeur de Comité du tourisme de Mayotte (CDTM), du Conseil général nommés au CDTM le chiffre la République populaire de alors que Fadul Ahmed Fadul (photo ci- du contraire, je dirige (Fadul, Chanfi, mais aussi M'hamadi Chine aux Comores, le 19 mai dessus) fait désormais office de cocu des la majorité.” Abdou et Mirhane Ousséni), seuls deux qui tue à Moroni. accords de Tsingoni. peuvent intégrer le bureau. Les élus ont donc du choisir, le 9 juin, entre Fadul, "Nous avons entendu le message De quoi s'agit-il au juste ? Lors des Chanfi, et Ousséni. Les deux premiers de M. Sambi, selon lequel il doit tractations qui ont abouti à la coalition breux déplacements à l'extérieur du terri- étaient les candidats de la majorité : ils ont 101 y avoir une libre circulation, UMP/MDM et à l'élection d'Ahmed toire. Seulement voilà, Chanfi, conseiller donc logiquement gagné, avec 13 et 12 mais nous avons répondu qu'il Fin mai, la préfecture de Maore ne devrait pas y avoir de libre Attoumani Douchina à la tête de la collec- (MDM) de Mtsangamouji très discret voix, contre 8 à Fadul. Ahmed Attoumani avait enregistré 101 demandes d’asi- stationnement.” tivité départementale en mars dernier, mais tout de même deuxième vice-prési- Douchina a eu beau nier toute préférence le effectuées par des personnes - Fadul Ahmed Fadul, conseiller (UMP) de dent, s'était positionné depuis longtemps de son camp -"jusqu'à preuve du contrai- Yves Jégo, secrétaire d’Etat civils et militaires- ayant fui leur île Pamandzi, s'était vu promettre, en échan- pour ce poste. Que ces deux-là n'aient re, je dirige la majorité et pour moi, il y a français à l’Outremer, le 15 mai après la chute de Mohamed Bacar. jamais porté un grand intérêt au tourisme trois candidatures", a-t-il déclaré-, son à Maore. Tous se sont vus délivrer une autori- ces dernières années, et que depuis le troisième vice-président, Hadadi sation temporaire de séjour sur le territoire français en attendant la "Si je suis élu, mon premier début de leur "bataille", aucun n'ait estimé Andjilani, avait vendu la mèche quelques déplacement hors du territoire Inflation nécessaire de présenter un projet de déve- minutes plus tôt, en déclarant qu'il n'y réponse à leur demande de l’Office anjouanais sera à Mayotte, loppement du tourisme, semble anodin… avait que "deux candidats de la majorité". français de protection des réfugiés et Faut-il y voir un rapport de sauf pour les acteurs du tourisme eux- Il faut dire que ce vote revêtait un enjeu apatrides (Ofpra). Un ancien procu- même s'il faudra demander un cause à effet ? En avril dernier, visa, car il faudra trouver une mêmes. primordial pour la majorité. reur du régime Bacar qui se charge les conseillers généraux solution durable et effective sur bénévolement de les recenser et les avaient voté une substantielle les pertes de vies en mer de nos aider dans leurs démarches - tout augmentation de leurs indem- Ainsi lorsque l'élection du président a Fragilisée par ses échecs au Smiam et concitoyens." été ajournée le 3 juin, les deux prétendants au Sieam (où ses candidats n'ont pas particulièrement les anciens gendar- nités de déplacement : lors- mes - affirme ne pas avoir à se plain- étant incapables de s'entendre sur les sta- emporté la présidence, lire p.12), la majo- Bastoine Soulaïmane, candidat qu’ils sortent du territoire, ils dre de l’accueil que leur réservent les tuts de l'association, ces derniers ont vu rité se devait d'emporter la présidence du à la présidentielle de Ndzuani. sont désormais indemnisés à autorités françaises. “Ils ne nous font hauteur de 150 euros par jour, rouge. Ils ont le sentiment, selon les ter- CDTM. Mais cette victoire pourrait n'être aucun problème”, note-t-il. Mieux : “Il n’y a pas de justice là-bas.” contre 78 auparavant. Depuis, mes d'un agent de voyage, "d'être pris en que de façade. En renvoyant Fadul dans selon un intervenant au Centre de Mohamed Bacar, lors du certains élus de la majorité otage" par la politique. "On nous prend les cordes, les leaders de la coalition rétention, la PAF a pour consigne jugement de la demande sont plus souvent en France pour des cons. Cela fait des mois que le UMP/MDM prennent le risque de le voir de conseiller aux anciens militaires d’extradition formulée par qu’à Maore... Il faut dire qu’à CDTM ne fonctionne plus. Avant les élec- rejoindre les rangs de l'opposition : le 3 de Bacar de demander l’asile. Une les Comores, le 5 juin, à raison de 20 jours à l’exté- tions, on nous disait qu'il fallait attendre juin, il ne niait pas cette hypothèse. sollicitude dont n’avaient pas profi- la Réunion. rieur, cela fait 3.000 euros... les élections. Depuis, il ne se passe plus té, en leur temps, les victimes du rien car on attend de connaître le nom du RC régime Bacar...

kashkazi 73 juin/juillet 2008 29 verbatim mlaïli condro le pouvoir politique à Mayotte,

( 1 ou le boeuf de shungu

Partons du constat, choquant, Et aujourd'hui ? Tout porte à croire qu'il survit donc mier mariage, les familles choisissent un bon parti, marient, Mlaïli quelque chose de déterminant de ce système "sultanique", un s'allient, se mobilisent, convient, festoient et s'acquittent de qu'à Mayotte ou du moins dans système désormais traditionnel que la colonisation française a leur shungu ou de leurs dettes sociopolitiques. Les notions Condro est émasculé. En effet, l'aristocratie mahoraise (comorienne en d'intérêt général et de projet politique sont les illustres absen- la société mahoraise actuelle, nous général), assujettie et coopérante, fut maintenue par le régime tes de ce grand festin. En effet, elles n'ont aucune prise réelle docteur en colonial, qui s'en était servi pour implanter son propre pou- et effective sur la gestion de la société. Leur usage est pure- sommes en Afrique postcoloniale. voir. De ce point de vue, la colonisation ne constitue pas une ment rhétorique. sciences du rupture radicale ; elle a surimposé une autre organisation poli- En matière politique, entendons. Le tique paternaliste basée sur la cooptation et la violence. Il y Ainsi l'accès et l'exercice du pouvoir vont-ils reposer sur langage. problème qui peut alors se poser est celui eut donc l'alliance opportuniste des deux systèmes de pouvoir, une logique de tontine ou de shungu, qui affecte sa distribu- de la nature du pouvoir engendré par qui coexistent dans un rapport de sustention mutuelle. C'est un tion temporelle et spatiale, et sur un système de clientélisme Enseignant système de vampirisation. moderne (argent, travail, sexe, autres transactions inavoua- l'organisation politique et sociale en vigueur. Une bles) - le matérialisme ambiant aidant -, sur l'évocation légiti- de français organisation qui a pour base la famille. En effet, nous Dans son actualité présente, ce "système vampire" pro- mant des hiérarchies des familles et des statuts des lignages en soutenons que le système politique mahorais traditionnel a duit naturellement un pouvoir opportuniste et corrompu, lice. Tandis qu'on parlera du pouvoir politique comme d'un au collège bien pour base la famille, limitée au village ou le débordant ; puisqu'il élude la question de la légitimité et du partage du bœuf de shungu abattu dont les morceaux doivent être répartis l'autorité ou le pouvoir de décision étant répartie entre les pouvoir dans un contexte de mise à égalité formelle et poli- entre les parti(e)s ou plutôt les familles prenantes. de Chiconi, aînés ou les doyens des "grandes familles", qui constituent tique des familles, d'une part, et d'installation du parti poli- une sorte de conseil de chefs de famille chargé de gérer les tique et du vote individuel, d'autre part. Rappelons en effet En réalité également, ce système vampire est entretenu, il est affaires du village. L'Islam ajoute à la cohabitation des que dans le système traditionnel, mais alors dans toute sa politiquement et financièrement, par le pouvoir étatique, qui familles l'intervention inévitable des autorités religieuses dans vigueur politique, le pouvoir royal ou sultanique trouvait sa s'en sert pour se maintenir. Certes, ce mode de présence poli- également toutes les décisions prises au nom de la collectivité. légitimité et ses limites politiques respectivement dans l'ad- tique, postcoloniale, ne favorise pas l'émergence d'une société hésion des "grandes familles" (nobles) et dans les interdits civile à Mayotte, qui tout en se distinguant de l'Etat et des par- conseiller Les familles actuelles sont liées, d'une part, soit par des qui affectaient la personne du souverain après son intronisa- tis politiques et sans pour autant s'y opposer systématique- récits ou bribes de récits d'origine commune, soit par des tion. Tandis que dans la société postcoloniale, le fait majori- ment, reste vigilante (critique) et responsable. Pendant ce municipal à relations d'alliance (souvent le mariage) ou de quasi-vassali- taire est sensé s'imposer comme base de tout régime démo- temps l'individu mahorais, psychologiquement appauvri par té 2 (legs de l'esclavage ou clientélisme) ; et d'autre part, par cratique, seul critère d'appréciation de la légitimité, tandis des peurs et des angoisses entretenues, se nourrit de la pro- Chirongui l'Islam qui assure une fonction d'intégration sociale. Ici, la que l'individu est en principe promu au rang d'acteur poli- messe de départementalisation comme il se console avec celle hiérarchie des statuts se fonde globalement sur l'âge et sur le tique autonome et responsable. du Paradis, qui verra la fin de tous ses problèmes. Et comme depuis les prestige (la connaissance religieuse essentiellement - l'intel- en religion, il doit soumission et obéissance à l'Etat providen- dernirères lectuel occidentalisé étant marqué par l'extranéité de son Or il est important d'observer que même dans le système ce, et évidemment accepter la mort comme passage obligé savoir) : ushewo 3. traditionnel émasculé, la liberté politique de l'individu reste pour accéder au statut paradisiaque. élections. très réduite pour ne pas dire inexistante. L'individu n'est Cette sorte de démocratie familiale imprégnée de l'idéologie qu'un membre -dépendant- d'une famille et un disciple -dis- La légitimation du pouvoir engendré par ce système vampi- musulmane est toutefois fortement marquée par la concurren- cipliné 8- de l'Islam, la religion du sultan-roi et des familles re constitue donc une mystification. Parce qu'elle prive effecti- ce rude ou la rivalité violente, qui peuvent donner lieu à des nobles (les premières islamisées) de Mayotte. Isolé, il n'est vement le Mahorais de tout sens critique et le dépossède ainsi démêlés entre familles - laissant en héritage des rancœurs pas "un animal politique", c'est-à-dire un citoyen pouvant de toute capacité d'agir pour changer sa situation. Aussi ne inextinguibles. Imprégnée également de l'idéologie raciale et agir pour changer la société et sa situation sociale puisqu'il pourrait-il pas être envisagé, en tant que devoir de l'Etat ou en esclavagiste arabo-chirazienne héritée du passé, elle repose croit à la grâce divine. Dieu a déjà choisi ceux qui seront guise de prière, que la départementalisation de Mayotte soula- aussi sur l'exclusion de certaines familles (les "descendants riches et ceux qui seront pauvres, ceux qui gouverneront et ge le Mahorais de la charge idéologique et politique qui le d'esclaves" ou washendzi) et catégories sociales (les femmes, ceux qui obéiront. Le partage juste des pouvoirs et des déresponsabilise à l'égard de sa propre histoire et qui étouffe les jeunes et les "étrangers"). A ce propos, on distingue volon- richesses étant renvoyé alors au temps paradisiaque, hors de son imagination ? Cela sera possible si la tiers les "petites gens" ou watru wa titi des "hommes de pres- l'actualité et de la politique. Dans ce monde inégal et injuste départementalisation va de pair avec une priori- tige" ou watru wa shewo. Un partage qui renvoie à une ruptu- des hommes, il ne peut que compter sur la magnanimité des té donnée à l'éducation. re majeure dans l'histoire sociopolitique de Mayotte : "Un nobles et la bienveillance des puissants. +loin nouvel ordre fondé sur des critères religieux et politiques" 4 - ou plutôt, en fait, raciaux et politiques - fut mis en place avec Il est tout aussi important de noter que "la période colo- Lire à ce sujet l'arrivée des "Arabes" à Mayotte, qui firent main basse sur la niale n'était pas une bonne préparation à la démocratie. Le 1 Une sorte de "tontine cérémonielle" dont l'échéance a souveraineté royale. régime colonial était paternaliste et autoritaire, voire totali- lieu lors d'un grand mariage ou d'un premier mariage ou "Comment les d'une célébration symbolique d'un mariage déjà effectif. notables mahorais taire […] Et tous ceux qui gravitaient autour du pouvoir 2 S. Chouzour, Le pouvoir de l'honneur, L'Harmattan, veulent reprendre A côté de la famille royale, qui avait le privilège de fournir colonial - interprètes, gardes cercles, fonctionnaires subal- 1994, p. 16. la main", Kashkazi le sultan-roi, il en existait deux autres, dont l'une fournissait le ternes africains - avaient appris à se comporter non pas 3 Qui est "système de valeurs fondé sur l'honneur n°72, mai 2008 ou les électeur(s) ou plutôt faisait "allégeance […] sans doute comme des représentants démocratiquement élus, mais (shewo)", selon S. Chouzour. 4 au nom de tout Mayotte" 5 (le Waziri), et l'autre l'intronisateur comme des hommes du pouvoir"9. S. Blanchy, "Note sur le rituel d'intronisation des souve- www.kashkazi.com rains de Mayotte et l'ancien ordre politico-religieux", 6 (le Kolo Nahuda), qui prononçait le serment . On constate Etudes Océan Indien, INALCO, 1997 ainsi que l'exercice du pouvoir impliquait la famille royale, Ce système vampire propose donc un simulacre de pouvoir 5 Lire la thèse de S. Blanchy, op. cit. mais également les familles électrices - ne s'agissait-il pas démocratique. En réalité, le parti ou la famille politique négo- 6 Pour cet aspect historique, il est intéressant de consulter Mlaïli Condro, d'autres familles éligibles au fauteuil de roi ? - qui se parta- cie, politiquement ou financièrement, avec la famille "civile", l'étude réalisée par Sophie Blanchy sur "le rituel d'intro- “L’écriture et nisation des souverains de Mayotte et l'ancien ordre poli- geaient des attributions (des tributs) définies 7. On se trouvait convoquant si nécessaire les liens de parenté les plus improba- l’idéologie en tico-religieux", publiée dans la revue Etudes Océan donc en présence d'un système politique caractérisé par la bles. Mais, ici encore, l'homme politique ou le chef socio-éco- Indien de l'INALCO (n° 21 - 2007). C'est une étude qui Afrique noire, le coexistence de l'autorité du sultan-roi avec la participation nomico-politique n'est qu'un membre d'une famille, dont l'em- donne plutôt à penser. 7 cas du syllabaire légitimante de certaines familles et lignages nobles. Ici, l'isla- prise se trouve renforcée par la solidarité et la sécurité socio- S. Blanchy, op. cit. 8 vai”, sur misation de la population de Mayotte se traduira par l'institu- économiques qu'elle offre à ses membres dans le contexte L'école coranique apprend à l'enfant à obéir et à Dieu et www.unilim.fr/scd à ses parents et à son maître ou fundi. tionnalisation de l'autorité religieuse et musulmane, et le ren- actuel de la fragilisation accrue de la société mahoraise. 9 J. Ki-Zerbo, A quand l'Afrique? Entretien avec René ) forcement des nouvelles hiérarchies sociopolitiques. Désormais, en politique comme en grand mariage ou en pre- Holenstein, Paris, Editions de L'Aube, 2003, pp. 69-70.

30 kashkazi 73 juin/juillet 2008 SOCIETE NATIONALE DES TELECOMMUNICATIONS DES COMORES

A partir du 1er juillet 2008... Les numéros de téléphone des Comores passent de 6 à 7 chiffres !

Mobiles : ajouter le chiffre 3 à l’ancien numéro exemple : 32 64 55 devient 332 64 55

Fixes : ajouter le chiffre 7 à l’ancien numéro, quelle que soit la région ou l’île où se trouvent Pourquoi changer le plan de numérotation national ? l’usager et son correspondant exemple : 73 64 55 Pour répondre à la croissance rapide de la population, accompagner devient 773 64 55 la hausse du nombre d'abonnés et prévenir la saturation de la numérotation téléphonique nationale CDMA : le changement est en fonction de la région et/ou de l'île Pour garantir aux usagers une meilleure identification zonale comme indiqué dans le tableau ci-dessous et améliorer l'accessibilité aux services de télécommunications exemple : 70 90 31 Pour tenir compte des standards internationaux et éviter devient 760 90 31 à nos abonnés un changement complet de leur numéro Région Ancien numéro Nouveau numéro Moroni 76 xxxx 763 xxxx Mbadjini 79 xxxx 769 xxxx Mitsamihouli 78 xxxx 768 xxxx Oichili/ Hamahamet 77 xxxx 767 xxxx Domoni 70 xxxx 760 xxxx Mutsamudu 70 xxxx 761 xxxx Mohéli 72 xxxx 762 xxxx

OTRE Pour en savoir plus sur la nouvelleDEMANDE Z N Connexion Internet : Composez le 499 Z OU CONTACTE numérotation et l’annuaireGRA 2009,TUIT 31 7 au lieu du 76 00 00 PELEZ LE N° NG DÉPLIANT, AP ET MARKETI MMUNICATION RTEMENT CO NOTRE DÉPA au 76 10 31 - e.mail : [email protected] Site Internet : www.comorestelecom.km

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