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LEILA ALAOUILA REVUE LEILA ALAOUILA REVUE LA REVUE SUMMARY LEILA ALAOUI SOMMAIRE

006 JE ME SOUVIENS I REMEMBER par/by Jack Lang

009 AUTOPSIE DE L’ABSENCE AN AUTOPSY OF ABSENCE par/by Serge Lutens

011 LA TRAVERSÉE D’UN REGARD CAPTURED WITH A LOOK par/by Jean-Luc Monterosso

014 À PROPOS D’UNE PHOTOGRAPHIE ABOUT A PICTURE par/by Fouad Elkoury 017 APERÇU BIOGRAPHIQUE BIOGRAPHICAL OVERVIEW

Directeur de la publication 025 PHOTOGRAPHIE DE REPORTAGE Publishing director Philippe Heullant REPORTAGE PHOTOGRAPHY

Rédacteur en chef 026 NATREEN, NO PASARA Editor in chief Guillaume de Sardes NATREEN, NO PASARA par/by Bruno Rotival [email protected] 047 VIDÉO Directeur artistique Creative director VIDEO Piero Brogi [email protected] 048 CROSSING, UNE INDIVISIBLE HUMANITÉ Traduction CROSSING, AN EPIPHANY OF FACES par/by Simon Njami Translation Jennie Allen 054 L’ÎLE DU DIABLE, UNE ŒUVRE INACHEVÉE Photo de couverture DEVIL’S ISLAND, AN UNFINISHED PIECE par/by Lara Milosevic Cover Photo Les Marocains 063 PHOTOGRAPHIE PLASTICIENNE © Leila Alaoui CONCEPTUAL PHOTOGRAPHY Publicité Advertising 064 LES MAROCAINS, LEILA ALAOUI OU L’ÉPIPHANIE DES VISAGES Tél. : +33 (0)6 72 28 75 52 LES MAROCAINS, LEILA ALAOUI: AN EPIPHANY OF FACES par/by Guillaume de Sardes Impression Printer 090 MADE IN INDIA, RENDRE SINGULIER L’ANONYME D’Auria Printing (TE) Italie MADE IN INDIA, MAKING THE UNKNOWN EXCEPTIONAL par/by Paul Ardenne

Edité par 110 BIOGRAPHIE DES AUTEURS Published by EPCH AUTHORS BIOGRAPHIES 10, boulevard de Port-Royal 75005 Paris 111 REMERCIEMENTS France Dépôt légal à parution ACKNOWLEDGMENT

2 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 3 ZOOM

HERVÉ KOUBI PHOTOS : © FRÉDÉRIQUE CALLOCH LANGUE FRANÇAISE ET COOPÉRATION COOPÉRATION CULTURELLE BOYS DON’T CRY ÉDUCATIVE AU MAROC La coopération culturelle entre la France et Présent sur l’ensemble du territoire marocai, le Maroc est ancienne, riche et d’une grande l’Institut français du Maroc accueille toute vitalité. Elle s’appuie sur le plus grand Insti- l’année 62 000 apprenants, et fait passer tut français au monde, ses 12 antennes et plus de 38 000 certificats nationaux de l’Alliance Française de Safi, toutesprofon - langue française. Fort d’une expérience de dément ancrées dans leur environnement 60 ans, il offre un environnement linguistique local et offrant des salles de cinéma et des et culturel qui permet d’apprendre autre- médiathèques. ment, en innovant et expérimentant, dans Mettre en valeur la diversité culturelle et et hors des classes. linguistique, favoriser le dialogue entre L’Institut français du Maroc est également un artistes français et marocains, rendre la des premiers opérateurs de formation conti- culture accessible au plus grand nombre et nue au Maroc, avec plus de 5 000 enseignants contribuer au rayonnement de la culture fran- de ou en français formés chaque année à çaise constituent les principaux objectifs qui travers tout le Royaume, et 8 universités de guident notre action au quotidien. formation organisées annuellement afin de Chaque année, l’Institut français du Maroc réfléchir ensemble à la pédagogie de demain. organise dans et hors de ses murs plusieurs Par ses bourses, stages, missions d’experts centaines d’événements culturels qui attirent et soutien aux associations d’enseignants et des milliers de spectateurs. Il met à l’honneur fondations privées, il accompagne directe- des artistes français et marocains de premier ment l’ambitieuse réforme initiée en 2015 par plan et leur donne la possibilité de se produire les autorités marocaines pour développer le en tournée partout dans le Royaume. Les plus INSTITUT FRANÇAIS DU MAROC INSTITUT plurilinguisme au sein du système éducatif, grandes signatures de la scène française en développant notamment le recours au comme la troupe de la Comédie française, numérique pour réduire les inégalités d’ac- les chorégraphes Hervé Koubi et Blanc Li, cès aux ressources. ou encore la pianiste Anne Queffélec et le Le réseau scolaire français au Maroc compte trompettiste Romain Leleu ont eu l’occasion de son côté 44 établissements homologués de jouer sur les principales scènes du pays PHILIPPE DECOUFLÉ PHOTOS : © NIZART LAAJAL par le ministère français de l’Education natio- devant un public enthousiaste et très divers. NOUVELLES PIÈCES COURTES nale, et près de 44 000 élèves répartis dans Cette offre culturelle s’adresse au plus grand les principales villes du Maroc, à tous les nombre en coopérant avec les institutions niveaux d’enseignement. et associations culturelles locales et en pro- L’objectif de ce réseau est de construire une posant une politique tarifaire accessible à école au service de la réussite de tous les tous. Elle ouvre un espace de rencontres élèves qui lui sont confiés, une école leur idéal pour les artistes marocains et français, permettant de devenir des citoyens respon- qui permet d’impulser des projets communs. sables sachant appréhender la complexité Elle s’engage en faveur de l’échange et du du monde dans toutes ses dimensions, dialogue entre les cultures, comme l’illustre notamment éthiques et civiques. le succès d’événements comme la « Nuit Ses établissements se caractérisent par des Philosophes » ou le « Forum des jeunes une éducation plurilingue qui propose un leaders ». apprentissage renforcé des langues, avec L’Institut français du Maroc promeut bien une attention particulière donnée à la langue sûr la collaboration institutionnelle entre arabe tout au long du parcours de l’élève et organismes culturels français et marocains, ce, dès le plus jeune âge. Ils sont insérés que ce soit le Centre du cinéma marocain, dans le réseau global des écoles françaises la Fondation nationale des musées ou les du monde, qui offre services et outils per- différentes écoles d’art du Royaume. Mais il mettant de renforcer les apprentissages et soutient également par ses appels à projets les échanges. et à résidences le développement et la pro- https://if-maroc.org fessionnalisation du secteur culturel maro- cain, animé par de nouveaux talents et de jeunes entrepreneurs, dans les secteurs de la musique, du cinéma ou des arts plastiques.

4 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 5 es superbes photographies fique, elle s’était donné pour mis- eila Alaoui’s breathtaking Through her determination and © IMA © Lde Leila Alaoui subjuguent sion de nous les faire entendre, Lphotographs captivate her delicacy, we hear the echo of Lang tous les spectateurs, amateurs de nous les faire voir, figés dans audiences, fans and other profes- these far-off voices in her videos et professionnels. Alchimiste de un présent sans issue. Vidéos, sionals. An alchemist of light, she and pictures. Thanks to Leila la lumière, elle métamorphose images, c’est avec détermina- transformed the horrors of our Alaoui, the sixth art reclaims its Jack les horreurs de notre monde en tion et délicatesse qu’elle se world into true masterpieces. The leading role: to be a witness to véritable chef-d’œuvre. Éblouis- fait l’écho des voix lointaines. work she left behind, magnificent our time, a beacon that unveils

par / by sant et engagé, le travail qu’elle Avec Leila Alaoui, le sixième art and faithful, is testimony to the the full complexity and plurality a laissé derrière elle témoigne reprend son rôle premier : celui battles she fought to return life of our societies. Using her lens, du combat qu’elle menait pour de témoin de notre époque, to those who are exiled, forgotten she successfully captured the

I REMEMBER redonner vie aux exilés, aux celui de signal dévoilant toute la and invisible on this earth. essence of this youth; restoring oubliés, aux invisibles de la Terre. complexité et la pluralité de nos I remember her photos. How could the dignity of these Sub-saharan Je me souviens de ses photos. sociétés. Elle parvenait, avec you forget them? How could you people, of Moroccans, no longer Comment les oublier, comment l’œil de son objectif, à capturer erase the shadowy figures, those anonymous. effacer ces figures en clair-obscur, l’essence de cette jeunesse ; à long and silent gazes? With her She was passionate, committed ces regards longs et silencieux. redonner leur dignité à ces Sub- series No Pasara (It Will Not Hap- to her causes and her art. Gener- Avec sa série No Pasara, nous sahariens, à ces Marocains, plus pen), we are brought face to face ous, attentive and sensitive, she sommes face à une réalité, subli- tout à fait anonymes. with a reality that is enhanced by frequently formed friendships mée par l’art mais terriblement C’était une passionnée, dévouée art but dreadfully and inevitably with her subjects. She patiently et fatalement existante. Je me à ses causes et à son art. Géné- present. I remember those hands, observed them and humbly lis- souviens de ces mains, uniques reuse, attentive et sensible, elle unique yet united through the tened to them. Every face is both mais unies sur le même support. savait nouer une véritable amitié same medium. They allow us to an icon and an encounter. Their Elles nous laissent imaginer les avec ses modèles. Elle les obser- imagine the faces behind these fixed yet vibrant expressions

JE ME SOUVIENS visages derrière ces traces. Je vait patiemment et les écoutait en traces. I remember a man, look- move through us and transport me souviens de cet homme, toute humilité. Chaque visage est ing helpless, lying in the middle of us. allongé, le regard démuni, au à la fois une icône et une ren- the immense sea. In a moment of Independent and modern, Leila milieu de l’immensité de la mer. contre. Leurs regards fixes mais calm during a rough boat cross- Alaoui was one of the most prom- Ses yeux intenses qui pensent tellement vivants nous trans- ing, his intense eyes dream of a ising artists of her generation. à un avenir, dans un moment si percent et nous transportent. future. He is constantly clinging Her aesthetics were free from any calme, pendant une rude tra- Indépendante et moderne, Leila to either a buoy or his past. Rem- prejudice or Orientalism. Power- versée en barque. Toujours et Alaoui était une des artistes les nants, destinies, that is what Leila ful and radiant, she successfully encore attaché à une bouée ou plus prometteuses de sa généra- Alaoui leaves as her legacy. established herself a woman in à son passé. Des empreintes, des tion. Son esthétique est affranchie Far from her ivory tower, she was the Arab world and her identity destins, c’est ce que nous laisse de tout préjugé et orientalisme. first and foremost an explorer, a became her strength. en héritage Leila Alaoui. Puissante et lumineuse, elle a woman of the earth in search of Sadly, Leila Alaoui’s film roll is Loin de sa tour d’ivoire, elle su s’imposer en tant que femme beauty and truth. Nothing scared now silent. Killed on the bat- était avant tout une aventurière, dans le monde arabe et faire de her, she was full of courage. It tlefield of fundamentalism and une femme de terrain en quête son identité une force. was in the darkroom of humanity, intolerance, the testimonies she de la beauté et du réel. Pleine La pellicule de Leila Alaoui est standing side by side with individ- so generously gave to us still res- de courage, rien ne l’effrayait. désormais tristement muette. uals, where she developed these onate today. Her invaluable work C’est dans la chambre noire de Assassinée sur le champ de portraits, these stories. Drawing and radiant strength endure. We l’humanité, au plus proche des bataille de l’intégrisme et de from her own origins, her keen will never forget her talent and individus, qu’elle développait ces l’intolérance, les témoignages eye was both understanding and beauty. portraits, ces récits. Puisant dans qu’elle nous a si généreusement critical, intimate and distanced, ses propres origines, son regard offertscontinuent de résonner. Il informed and creative. Above aiguisé était à la fois compréhen- nous reste son œuvre précieuse all, she wanted to both reveal sif et critique, intime et distancé, et sa force rayonnante. Nous and immortalise stories and tra- informé et créatif. Elle voulait n’oublierons jamais son talent et ditions; to pay homage to them. avant tout révéler mais aussi sa beauté. She was not deaf to the alarm- immortaliser les histoires et cou- ing cries of those condemned tumes ; leur rendre un hommage. to uncertain exile. Using her Elle n’était pas sourde aux cris camera as a peaceful weapon, alarmants de ceux condamnés her mission was to make us à un exil incertain. Utilisant son hear them, to make us see them, appareil comme une arme paci- frozen in their hopeless reality.

6 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 7 qu’un reflet miroir renvoie au thoughts to the surface which © D.R. mien interrompt l’opération pour have been rejected by memory. mieux après la poursuivre. I’ll therefore evoke Leila without Lutens Afin de convaincre ses disciples indignation or emotion. This is qu’à force de suggestions on pou- an autopsy. Let’s begin with the vait contre toute logique inverser entrails. Serge les effets, le professeur Charcot I feel that a sense of urgency ani- pria une patiente de poser les mated Leila’s existence. The panic mains sur deux galets. Celui de that ensued was channelled by a par / by gauche préalablement chauffé disorder that governed her. This aurait dû sur l’envers de la sus- perfect chaos – a mirror image of dite, empourprer voire enfler la my own – interrupts our examina- surface. En dépit de l’attente, ce tion, and then moves us onward. fut sur la droite que se démontra In order to convince his students le stigmate. that, through the power of sug- Un père marocain, une mère gestion and against all logic, française impliquent une double one could obtain a contradictory culture ; ceci pour vous dire que result, Professor Charcot asked tout endroit à son revers : Leïla en a patient to place her hands on n quelques lignes, je serais fit la preuve. two stones. The left one had

AN AUTOPSY OF ABSENCE AN AUTOPSY Ecensé parler de la suite de Ce texte est décousu. Je tombe been heated beforehand, and portraits accrochés sur les murs en morceaux. should have flushed or swollen du musée Yves Saint-Laurent de Quelle importance ? La Nuit est the surface of the hand touching Marrakech, ou sinon m’interroger morte. Je me tais. it. Defying all logic, it was the right sur la distance qu’a dû prendre hand that received the stigmata. l’auteur (Marocaine) avec elle- Having a Moroccan father and même, pour intituler sa série de n just a few lines, I am supposed French mother implies one’s cul- photographies Les Marocains. Ito describe the photographic ture is split; I’m mentioning this to Peu de ses images ont vertu de series hanging on the walls of point out that for every place or me rappeler Leïla (La Nuit). the musée Yves Saint-Laurent situation, its reverse exists: Leila Toutefois, ces vêtements de marrakech, or otherwise reflect was proof of it. coton, de laine, de soie ou tout on the distance that the artist, This text is rambling. I fall to autre, rayonne, nylon… suscep- a Moroccan, had to establish pieces. tibles de faire illusion ou de les between herself and those she And so what? The Night has died. bien mentir que revêtent ces photographed in order to title I will be silent. Marocains (ils ne le seraient pas the series, Les Marocains. There moins autrement vêtus), ont sans is very little in these images that doute marqué l’enfant de trois reminds me of Leila (The Night). ans à son arrivée de France au Nevertheless, the garments we

AUTOPSIE DE L’ABSENCE AUTOPSIE Maroc, comme ils ont imprimé see – whether cotton, wool, silk, l’idée d’un Maroc indélébile sur or even rayon or nylon, which Le leader panafricain le fond noir de ma mémoire. could trick or mislead us about La récurrence des mots aimer et how Moroccans ought to dress bonheur ne m’autorise pas d’user (as if they would be any less de l’assurance. de leur prétexte pour mettre au Moroccan otherwise) – without jour une conscience que mon a doubt made an impression on Fort de son appartenance à un groupe séculaire de référence, de son expertise et de son rayonnement souvenir récuse. J’évoquerai the three-year-old child when continental unique dans 33 pays; Sanlam Pan Africa ambitionne de se hisser au rang de leader sur ses donc Leïla sans colère et non she left France and arrived in différents territoires d’implantation. Son offre complète de produits dédiée aussi bien aux Entreprises plus de sentiment. Ceci est une Morocco; just as they had left an qu’aux Particuliers & Professionnels ouvre de nouvelles perspectives permettant d’asseoir sa position autopsie. Commençons par les indelible imprint on the darkened et de créer de la valeur durable pour l’ensemble de son écosystème en Afrique. entrailles. background of my memory. L’existence de Leïla me semblait The words ‘love’ and ‘happiness’ régie par l’urgence. La panique continually come to mind; their qui en découlait, son désordre recurrence prevents me from l’organisait. Ce parfait chaos using them as an excuse to bring www.sanlampanafrica.com LEILA ALAOUI, LA REVUE • 9

Insertion 21x27 sanlam.indd 1 25/03/2020 19:13 191210_AD_14-24_24-70_DG_DN_210x270mm.pdf 17/03/2020 14:39:07 - 1 - ( )

tité culturelle des thèmes récur- cumbed to her injuries. It was 18th rents de son travail. Pratiquant le January 2019 at 9:27p.m.* plus souvent une forme d’immer- At the request of Amnesty Interna-

© RALPH GIBSON sion avec ses sujets, elle avait su tional, Leila had arrived in Burkina trouver dans ses photographies Faso to photograph women and

Monterosso la bonne distance : une empathie report on the insecurity of their Zooms F2.8 pour hybrides Plein Format modérée, teintée d’humanisme, situation in a country given over au service d’un engagement sans to terrorism that was in the grip faille. of horrific acts of violence. She En 2011, souhaitant témoigner had accepted without hesitation, Jean-Luc de la diversité et de la richesse despite the risks she would be ethnique et culturelle du Maroc, exposed to, more so that in her elle était partie pendant plusieurs previous reports dedicated to par / by par / by mois pour réaliser une série de Libyan refugees in or portraits en studio mobile, comme Subsaharan migrants. Richard Avedon l’avait fait pour At the crossroads of two cultures était par un dimanche de ses célèbres Visages de l’Ouest. (she stated in an interview that C’janvier. L’exposition de Leila Elle en avait rapporté ses propres she was “French in Morocco and Alaoui Les Marocains venait de visages, ceux d’un Atlas authen- Moroccan in France”), Leila had

CAPTURED WITH A LOOK CAPTURED se terminer avec succès à la MEP. tique que n’avait pas encore tou- featured exodus and cultural Quelques jours auparavant nous ché l’occidentalisation. identity as recurrent themes in avions appris l’attentat dont elle Ainsi par sa rigueur et l’honnêteté her work. Most often practicing venait d’être victime à Ouaga- d’un regard toujours en alerte a method of immersion with dougou. Elle semblait y avoir traversé par la fulgurance des her subjects, she knew how to réchappé, comme par miracle, émotions, Leila Alaoui foudroyée give them space in her pictures: et nous attendions son retour à en pleine jeunesse comme le moderate empathy, coloured Paris avec impatience. Le lundi photoreporter Gilles Caron, a by humanity, all centred around suivant, comme à notre habitude, forgé une œuvre inachevée mais unfailing commitment. nous commençâmes à décrocher suffisamment construite et forte In 2011, wanting to showcase l’exposition et vers 21h le dernier pour s’inscrire d’emblée dans Morocco’s rich ethnic and cultural portrait des Marocains regagnait l’histoire toujours renouvelée de diversity, she spent a few months les réserves du musée. Au même la photographie. creating a series of portraits in a moment, à Marrakech, Abdelaziz mobile studio, as Richard Avedon Alaoui son père apprenait que * Abdelaziz B. Alaoui, Off to Ouaga, had done with his famous Visages Journal d’un deuil impossible, Paris, Leila venait de succomber à ses Hermann,2018, p. 29. de l’Ouest (Faces of the West). She blessures. C’était le 18 janvier had brought life back to her peo- 2016. Il était 21h27*. ple’s faces, authentic expressions Sollicitée par Amnesty Interna- t was a Sunday in January. Leila from the Atlas Mountains, yet to be tional, Leila était arrivée au Bur- IAlaoui’s exhibition Les Maro- affected by westernisation. kina Faso pour photographier les Like the photographic reporter Un pouvoir de résolution Un surdoué qui va au-delà de cains (The Moroccans) had just remarquable. vos rêves. femmes et rendre compte de la ended its successful run at the Gilles Caron, Leila Alaoui was précarité de leur situation dans MEP. A few days before, we had struck down in her prime. Yet, LA TRAVERSÉE D’UN REGARD TRAVERSÉE LA un pays livré au terrorisme et en heard news of a bombing in Oua- through her tenacious and hon- Art Art proie aux pires exactions. Elle gadougou in which she had been est approach, and her artist’s eye, 14-24mm F2.8 24-70mm F2.8 avait accepté sans hésiter, mal- a victim. She seemed to have always on alert with brief flashes gré les risques auxquels elle s’ex- escaped, as if by miracle, and of emotion, she had success- DG DN DG DN posait davantage que lors de ses we eagerly awaited her return to fully forged something that was Etui, Bouchon (LC850-01) fournis. Etui, pare soleil en corolle avec verrouillage (LH878-03) fournis. précédents reportages consa- Paris. The following Monday, as unfinished, but still complete and crés aux réfugiés libyens au Liban usual, we began taking down the strong enough that it immediately ou aux migrants subsahariens. exhibition and at around 9:00p.m. became part of the continuously Au croisement de deux cultures the last portrait from Marocains refreshed history of photography. Disponibles en montures Sony E et L-mount* – elle affirmait dans un entretien was returned to the museum’s qu’elle était « française au Maroc storage. At the same time, in * Abdelaziz B. Alaoui, Off to Ouaga, *La marque L-Mount est une marque déposée de Leica Camera AG. Journal d’un deuil impossible, Paris, et marocaine en France » –, Leila Marrakesh, her father Abdelaziz Hermann, 2018, p. 29. avait fait de l’exode et de l’iden- Alaoui learned that Leila had suc-

Sigma France S.A.S. - 59260 LEZENNES - tél. 03 20 59 15 15 - RCS B 391604832 LILLE - www.sigma-photo.fr sigmafrance LEILA ALAOUI, LA REVUE • 11 ZOOM

La culture est un semi qui au fil du temps contribue au vivre-ensemble et à la paix mais également à lutter pour l’équilibre de nos sociétés. C’est en tout cas la conviction de ©AUGUSTIN-LE-GALL TV5MONDE et les valeurs que notre chaîne défend depuis son origine. En tant que chaîne culturelle francophone mondiale, elle contri- bue en effet, à lutter contre les préjugés par la connaissance de « l’autre », à travers notam- TV5 MONDE ment les nombreux invités conviés dans ses émissions. Ainsi, Maghreb-Orient Express, met en lumière le Maghreb et l’Orient en invitant chaque semaine des personnalités à découvrir, talents confirmés ou jeunes talents, femmes et hommes qui portent des regards multiples sur leurs sociétés. C’est Leila Alaoui, 1985 aussi là que nos volontés convergent, car ces portraits inoubliables que Leïla Alaoui eïla Alaoui était une amie de TV5MONDE. nous a légués, nous invitent à observer sans LNous avons eu l’honneur et le plaisir de la jugement, ces visages et regards francs, pour recevoir souvent dans nos émissions pour y partager un peu de leur vécu. évoquer ses œuvres et ses expositions sur des thèmes qui lui étaient chers tel que la Outre nos programmes, TV5MONDE a tissé cause des migrants. Elle avait ainsi exprimé des liens forts au Maghreb où elle est la dans l’émission L’Invité, qu’elle « souhaitait première chaîne internationale en français rendre hommage aux migrants sans faire de et initié de nombreux partenariats culturels. misérabilisme » ; c’est ce qui a donné nais- Nous sommes particulièrement fiers d’être sance à ce projet artistique exceptionnel, le partenaire francophone historique de « Crossing », une installation vidéo à la fois ces événements culturels majeurs qui se émouvante et utile pour « ressentir pendant déroulent au Maroc et que nous soutenons quelques secondes le point de vue des pour certains, depuis leur origine. Nous migrants », comme elle l’exprimait. continuerons à en faire écho à travers nos partenariats et les reportages que nous dif- C’est aussi pour témoigner de son atta- fusons dans nos magazines et nos journaux chement à la diversité des identités de son télévisés diffusés sur toute la planète à plus pays, dont la culture berbère, que nous de 60 millions de téléspectateurs. avons souhaité mettre en partage avec nos publics, ces interviews de Leïla Alaoui C’est aussi grâce au travail d’artistes enga- et présenter ses œuvres qui racontent le gés-ées comme celui de Leïla Alaoui que monde et ses blessures, mais aussi les nous pouvons lutter contre les préjugés et TV5MONDETV5MONDE valeurs humaines de fraternité. Aujourd’hui mieux comprendre la complexité de nos plus que jamais, son combat et ses mes- sociétés. Nous continuerons avec honneur PartenairePartenaire desdes plusplus grandsgrands événementsévénements sages demeurent vivants. Nous traversons à faire vivre ses œuvres et son témoignage en effet une période aussi trouble qu’ins- sur TV5MONDE. Elle nous manque. culturelsculturels dansdans lele mondemonde table dans laquelle sévissent à la fois une crise sanitaire mondiale, des crises migra- Yves Bigot, toires et des déréglements climatiques. Directeur Général – TV5MONDE

LaLa chaînechaîne culturelleculturelle francophonefrancophone mondialemondiale

facebook.com/tv5mondemaghreborientfacebook.com/tv5mondemaghreborient www.tv5monde.comwww.tv5monde.com

AP_Visuel_2020.2.inddAP_Visuel_2020.2.indd 11 25/06/202025/06/2020 15:4215:42 temps pour prendre la moindre jours en pleine forme. Le lende- ship, where everything between © D.R. initiative, je suis resté debout main matin, au petit déjeuner, on us happened on instinct, without sur place, perdu, me demandant apprenait que les Russes étaient thinking, without planning. After-

Elkoury ce que je pourrais bien faire. entrés en Syrie pour soutenir wards, we had walked the streets C’est à ce moment que j’ai senti Bachar al-Assad et bombarder of the city at random, where she la présence d’une personne les rebelles. Leila était dévastée. told me about her life, her rela- venant de derrière, allongeant tionship with her mother, how Fouad ses mains pour me bander les uenos Aires, 2015. Leila was close they were, I told her that all yeux, dans un geste familier Bthe one who wanted this women say that but she insisted, aux enfants. Lorsque je me suis photo. I had just met her at the saying, you’ll see when you meet par / by retourné, Leila s’est présentée à Centre of Modern Art located my mum. She spoke about my moi, me disant qu’elle attendait inside the former Hotel de Inmi- work, about hers. I told myself that le moment de me rencontrer. À grantes, beside the port. I arrived I absolutely had to keep listening ce moment-là, alors que ni le lieu from the airport, it was morning to this passionate woman so as

ABOUT A PICTURE ABOUT ni le temps ne m’étaient connus, for the taxi driver, evening for me. not to fall asleep before nightfall. cette jeune femme incarnait pour I was completely out of sync and I In front of a well-established pho- moi le Sauveur. Elle a sorti des still had to hang the photos I was tography studio, we were photo- raisins secs de sa poche et me exhibiting. I remember climbing graphed. I explained to her that les a tendus. Ensuite, il n’y eut an enormous staircase, finding it was a habit of mine every time plus qu’un énorme tourbillon my way on instinct. Once at the I was in a foreign city. We contin- qui dura toute une semaine, le top, I rested for a few minutes, ued walking and talking into the temps de notre séjour à Buenos not knowing what to do or who evening, when she brought me Aires. Elle a voulu célébrer notre to talk to, until I saw a man carry- to the hotel. Her bedroom was amitié naissante par cette photo, ing some framed pictures which on the same floor as mine, we je ne sais plus qui nous a pho- seemed awfully familiar to me. It got changed and then had din- tographiés, probablement une took me a few seconds to realise ner. It was a lovely evening. The de ses amies, on a pris la pose that they were my own photos, I following morning, at breakfast, uenos Aires, 2015. Cette sans réfléchir, comme un avant- then followed the man to a room we learned that the Russians had Bphoto, c’est Leila qui la vou- goût de notre future relation, où where I saw that most of my entered Syria to support Bachar lait. Je venais de la rencontrer tout entre nous allait se passer photos were already hung. I had al-Assad and bomb the rebels. dans les locaux du Centre d’Art à l’instinct, sans réflexion, ni pro- nothing to do, and was too out of Leila was devastated. contemporain qui était logé dans jection. L’instant d’après nous sorts to take the least bit of initia- l’ancien Hôtel des Immigrés, en marchions dans les rues de la tive, so I stood on the spot, lost, bord de mer. J’arrivais de l’aé- ville, au hasard, elle me racontait wondering what the best thing to roport, c’était le matin pour le des bouts de sa vie, sa relation à do was. It was at that moment that chauffeur de taxi, le soir pour moi, sa mère, si proche disait-elle, je I felt the presence of someone j’étais complètement décalé, et je lui répondais, toutes les femmes behind me, stretching out their devais accrocher les photos que parlent comme toi, elle insistait, tu hands to cover my eyes, like two j’exposais. Je me rappelle avoir verras quand tu rencontreras ma children playing. When I turned gravi un escalier monumental, mère, elle a parlé de mon travail, around, Leila was in front of me, À PROPOS D’UNE PHOTOGRAPHIE À PROPOS me dirigeant à l’instinct. Une du sien, je me disais que je devais saying that she had been wait- fois là-haut, je suis resté debout absolument continuer à écouter ing to meet me. At that moment, quelques minutes, sans savoir ni cette femme passionnante pour when I had no idea where I was quoi faire ni à qui parler, jusqu’au ne pas m’endormir avant la nuit. or what time it was, this young moment où j’ai vu un homme Devant un studio de photogra- woman became my saviour. She portant des images encadrées phie qui avait pignon sur rue, on took some dried raisins out of her qui me semblaient terriblement s’est fait photographier. Je lui ai pocket and offered them to be. familières. Il m’a fallu quelques expliqué que c’était une habitude After that, the rest of our stay in secondes pour réaliser qu’il chaque fois que j’étais dans une Buenos Aires was a whirlwind. s’agissait de mes propres pho- ville étrangère. On a continué à She wanted to celebrate our new tos, j’ai alors suivi l’homme jusque marcher et parler jusqu’au soir, friendship with this photo, I can’t dans une salle où j’ai vu que la elle m’a ramené à l’hôtel, sa remember who took it, probably plupart de mes photos étaient chambre était au même étage one of her friends. We had posed déjà accrochées. Je n’avais rien que la mienne, on s’est changés without thinking too much about à faire, j’étais trop décalé dans le puis on a été dîner, j’étais tou- it, a taster of our future relation-

14 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 15 APERÇU BIOGRAPHIQUE APERÇU BIOGRAPHICAL OVERVIEW

16 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 17 1988 Déménagement de la famille à Marrakech, Christine souhaitant élever les enfants au Maroc. Leila va à l’école primaire française, mais continue de parler l’arabe et le français au sein de sa famille. Elle commence de faire des films avec le caméscope de sa mère. À travers ses parents, elle rencontre Yves Saint Laurent, Serge Lutens, Bill Willis et Fernando Sanchez. CHRONOLOGY CHRONOLOGIE The family moves to Marrakesh, Christine wanted to raise the children in Morocco. Leila went to a French primary school but continued to speak Arabic and French with her family. She began to make films with her mother’s camcorder. Thanks to her parents, she dis- covered Yves Saint Laurent, Serge Lutens, Bill Willis and Fernando Sanchez.

Abdelaziz Alaoui et Leila, Port-Navalo, 1985. 1982 Naissance de Leila Alaoui le 10 juillet, à Paris, où elle passe les premières années de sa vie. Franco-marocaine, elle est le deu- Leila et ses parents, Bled Roknine, Marrakech 1992. xième enfant de Christine et Aziz Alaoui.

Leila Alaoui was born on 10th July, in Paris, where she spent the first few years of her 1993 life. A French-Moroccan, she is the second Entrée au lycée français Victor Hugo. child of Christine and Aziz Alaoui. Elle fréquente assidument l’Institut fran- Yves Saint Laurent, Soulaimane, Leila et Yasmina, çais, où elle suit des cours de danse et Bled Roknine, Marrakech, 1992. de langues.

She began studying at the French Vic- 1983 2000 tor Hugo high school. She diligently Naissance de son frère Soulaimane. Entrée à Hofstra University à Long Island (New attended the Institut Français, where she York), où elle étudie les sciences sociales. Elle took classes in dance and languages. Birth of her brother Soulaimane. y découvre aussi la photographie et le cinéma et rencontre Felipe Barbosa. Elle poursuit ses études supérieures à The City University of New York. Parallèlement à ses études, elle assiste le photographe d’architecture John Hall, le direc- teur de la photographie Kerwin DeVonish, Mari- pol ; elle travaille chez Industria et Milk Studios. Elle collabore aux films Women Without Men de Shirin Neshat et Inside Man de Spike Lee, ainsi qu’aux tournages des concerts d’Erykah Badu.

She began attending Hofstra University in Long Island (New York), where she studied social sci- ences. Here, she also discovered photography and cinema and met Felipe Barbosa. She con- tinued her university studies at The City Univer- sity of New York. Alongside her studies, she was an assistant for the architectural photographer John Hall, the director of photography Kerwin DeVonish, Maripol; she worked at Industria and Sur le tournage d’Inside Man, Milk Studios. She worked on the filmsWomen New York, été 2005. Christine Alaoui, Soulaimane, Leila et Yasmina Alaoui, Without Men by Shirin Neshat and Inside Man Port Navalo, 1985. by Spike Lee, as well as filming Erykah Badu concerts.

18 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 19 2009 Meet Morocco, exposition collective au Forum de Davos. Exposition à la Galerie Shart à Casablanca organisée par l’Association Noujoum qui s’occupe d’enfants victimes de

© MARCO GUERRA MARCO © cancer. Expo 40, portraits d’artistes marocains à la CGEM, à Casablanca et à l’Hôtel La Mamounia à Marrakech.

Meet Morocco, a collective exhibition at the Davos Forum. Exhibition at the Shart Gallery in Casablanca organised by the Noujoum Association which helps children who are victims of cancer. L’ E xpo 40, portraits d’artistes marocains (Expo 40, portraits of Moroccan artists) at the CGEM, in Casablanca and La Mamounia Hotel in Marrakesh.

2010 Famille Alaoui, Villa Abdou, Fès, 2007. Leila est consultante pour l’agence de manne- quins Ford NY pour laquelle elle fait du « scou- ting » dans différents pays d’Afrique et en Inde. Leila et son neveu 2006 2007 L’ E xpo 40, portraits d’artistes marocains, est Issouan Guerra-Alaoui, Obtention de son Bachelor of Science de Assistante de production sur le tournage du présentée au Bab Hotel de Marrakech. Soho, New York, 2013. The City University of New York. Elle est documentaire The Amato Opera. Retour de assistante de production sur le documen- Leila à Marrakech. Elle prend conscience Leila is a consultant for the modelling agency taire Chasing Churchill, adapté du livre de des problèmes sociaux de son pays, dont Ford NY and carries out scouting work for them Celia Sandys, puis sur un documentaire elle décide de rendre compte au moyen de in different African countries and India.L’ E xpo 40, consacré aux Mayas, d’après un essai de la photographie. Elle a l’idée de la série No portraits d’artistes marocains is displayed at the John Major Jenkins, Maya Cosmogenesis. Pasara, qui témoigne du rêve de jeunes Bab Hotel in Marrakesh. Voyages pour ce projet au Guatemala, au Marocains de traverser la Méditerranée pour Honduras et à Mexico. recommencer une vie ailleurs, en Europe. 2011 She gained a Bachelor of Science from Production assistant on the filming of the doc- La série en cours Les Marocains est montrée The University of New York. She was a umentary The Amato Opera. Leila returns to pour la première fois dans le cadre du par- production assistant on the documentary Marrakesh. She learns of the social problems cours culturel de la Marrakech Art Fair, puis à Chasing Churchill, adapted from the book in her country, and so decides to raise aware- l’Institut français d’Oujda. La série Marocaines by Celia Sandys, then a documentary ded- ness through photography. She has the idea au devant de la scène est exposée à la Villa icated to the Maya peoples, based on an for the series No Pasara (He Will Not Pass), Zevaco, avec l’Institut français de Casablanca, essay by John Major Jenkins, Maya Cos- which pays testimony to young Moroccans puis à la Casa Arabe de Madrid dans le cadre mogenesis. For this project, she travelled who dream of crossing the Mediterranean to de Noches de Ramadan. to Guatemala, Honduras and Mexico. start a new life in Europe. Portraits d’artistes est reprise à l’Hôtel Royal Mansour à Marrakech.

2008 The ongoing series Les Morocains (Moroc- Première exposition de Leila au centre culturel de Tadla-Azi- cans) is displayed for the first time as part of lal. Elle présente No Pasara, série réalisée dans le cadre du the cultural event Marrakesh Art Fair, then at projet « Promotion d’une migration responsable » porté par the Oujda French Institute. The series Maro- l’ONG italienne Projettomondo.mlal. L’exposition est ensuite caines au devant de la scène is exhibited at montrée à Kasbah Agafay à Marrakech. Leila travaille comme Leila à l’atelier Gadem Dabateatr, Rabat, 2012. Villa Zevaco, with the Casablanca French Insti- Responsable partnership et sponsoring pour le Festival Inter- tute, then at the Casa Arabe de Madrid as part national du Film de Marrakech. Elle est Directrice des projets of Ramadan celebrations. Portraits d’artistes Afrique du Nord pour Landmarks Foundation. Elle réalise dans 2012 is displayed once again at the Royal Mansour ce cadre une série consacrée aux cimetières juifs marocains. Exposition Carte Blanche à Mahi Binebine à la Fondation Hotel in Marrakesh. Elle est membre active et « researcher » de American Moroc- CDG à Rabat. Tournage du spot publicitaire Bladi Bladek can Institute New York/Morocco (AMI). pour la télévision marocaine contre le racisme. Exposition à Art Dubai de Women on the Verge à la Galerie Empty Leila’s first exhibition at the Tadla-Azilal culture centre. She Quarter. Exposition de Crossings à la Biennale Off de presents No Pasara, a series carried out as part of the “Pro- Marrakech pour Al Maaden. Exposition collective à la motion of responsible migration” project led by the Italian Biennale de GRID à Amsterdam. NGO Projettomondo.mlal. The exhibition is then displayed Leila et Serge Lutens at Kasbah Agafay in Marrakesh. Leila works as Head of part- Carte Blanche à Mahi Binebine au vernissage de No Pasara, Exhibition of at the CDG Kasbah Agafay, Marrakech, 2008. nership and sponsoring for the Marrakesh International Film Foundation in Rabat. Filming of Bladi Bladek advertise- Festival. She is Director of North African projects for Land- ment for Moroccan television against racism. Exhibition marks Foundation. As part of this role, she creates a series of Women on the Verge at Art Dubai in the Empty Quarter dedicated to cemeteries for Moroccan Jews. She is an active Gallery. Exhibition of Crossings at the Marrakesh Bien- member and researcher for the American Moroccan Institute nale Off for Al Maaden. Collective exhibition at the GRID New York/Morocco (AMI). Biennale in Amsterdam.

20 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 21 2013 2016 Installation à Beyrouth. Avec Nabil Canaan, elle Alors qu’elle réalise un reportage au Burkina fonde Station, un lieu d’art. L’exposition d’ou- Faso pour , Leila est verture est consacrée aux Polaroid des années blessée par balles à Ouagadougou dans une 80 de Maripol. Pour faire pendant à la série attaque terroriste. Elle meurt trois jours plus de photographies Crossings, elle tourne une tard, le 18 janvier, des suites de ses blessures. vidéo qui porte le même titre. Elle participe à Sa mort suscite une émotion internationale. Affordable Art Fair NYC avec des portraits de la série Les Marocains. While carrying out a report in for Amnesty International, Leila falls victim to Installation in Beyrouth. With Nabil Canaan, a gunshot wound in Ouagadougou during a she founds Station, an art space. The opening terrorist attack. She dies three days later due exhibition is dedicated to 1980s Polaroid in Mar- to her injuries on 18th January. Her death is ipol. As a counterpart to the photography series felt around the world. Crossings, she films a video with the same title. She takes part in the NYC Affordable Art Fair Leila et Bibata Ouedraogo, with portraits from the series Les Marocains. Kaya, Burkina Faso, 14 janvier 2016. Leila et Nabil Canaan à Station, Beyrouth, Juin 2015. 2017 Leila est ordonnée à titre posthume Commandeur de l’ordre des Arts et des 2014 Lettres. La cérémonie a lieu le 14 avril à Projection de Crossings à l’ESAV pour la Bien- la résidence du consul de France à Mar- nale de Marrakech. Exposition de portraits rakech. Pierre Berger, en remettant la de la série Les Marocains dans le cadre du décoration à sa mère Christine, évoque festival Photomed à Sanary. Exposition de Leila en ces termes : « Leila Alaoui faisait portraits de la série Les Marocains à Séville partie de ces gens engagés qui n’hé- et à Madrid par la Fondation Ankaria. sitent pas à parcourir le monde pour venir au secours des autres, pour témoigner, Soulaimane et Issouan au vernissage de Showing of Crossings at the ESAV for the Mar- Je te pardonne à la Galleria Continua, et c’est là ce qu’elle a fait de plus beau. rakesh Biennale. Exhibition of portraits from Les Moulins, Boissy, 2016. Ses convictions étaient profondes. La the series Les Marocains as part of the Pho- manière dont elle a disparu justifie le tomed festival in Sanary. Exhibition of por- combat que j’ai mené toute ma vie pour traits from the series Les Marocains in Seville la tolérance. « Quand je cesserai de m’in- and Madrid by the Ankaria Foundation. digner, j’aurai commencé ma vieillesse » : Leila et Jack Lang au vernissage des Marocains c’est à André Gide que je pense, lorsque à la MEP, Paris, novembre 2015. je me souviens de Leila Alaoui. » Exposi- tion Je te pardonne à la galerie Continua et à la Collection Lambert à Avignon. 2015 Leila is posthumously awarded the title Exposition de portraits de la série Les Marocains dans le cadre of Commander of the Order of Arts du festival Photomed Beyrouth. Leila réalise en Inde du sud les and Literature. The ceremony takes portraits de toutes les ouvrières d’une usine textile de Chennai place on 14th April at the residence of (anciennement Madras). La série se nomme Made in India. Elle the French consul in Marrakesh. Pierre tourne également la vidéo L’ î le du diable, consacrée à la mémoire Berger, when awarding the honour to ouvrière de l’île Seguin. Elle expose Crossings à l’IMA pour le her mother Christine, describes Leila as Maroc contemporain, au Museum for Photography and Visual Pierre Bergé, Christine, Abdelaziz, Yasmina follows: “Leila Alaoui was one of those Art à Marrakech, à la Ghaya Gallery à Tunis et au MUNTREF à Alaoui et Éric Gérard lors de la remise à dedicated people who did not hesitate Buenos Aires où elle rencontre le photographe Fouad el Khoury. Leila Alaoui, à titre posthume, de l’insigne to travel the world in order to help oth- Exposition de portraits de la série Les Marocains à la Maison de Commandeur de l’Ordre des Arts et des ers, to pay testament to them, and that Européenne de la Photographie à Paris dans le cadre de la Bien- Lettres, Marrakech 2017. is what she did most beautifully. She had nale des Photographes du Monde Arabe contemporain. strong convictions. The manner of her Exhibition of portraits from the series Les Marocains as part of the death justifies the battle I have fought 2018 my whole life, for tolerance. “When I am Photomed Beyrouth festival. Leila travels to southern India to take Le musée Yves Saint Laurent de Marrakech no longer indignant, that’s when old age portraits of workers from a textile factory in Chennai (formerly présente la série Les Marocains. L’exposition Leila et Areski Amazouz travaillant begins”: I think of André Gide’s words Madras). The series is named Made in India. She also films the voyage ensuite à Madrid, Séville et Cordoue. sur la vidéo L’Île du diable, when I remember Leila Alaoui.” Exhibi- video L’ î le du diable (Devil’s island), dedicated to the memory Le travail de Leila est désormais régulièrement Boulogne Billancourt, avril 2015. tion of Je te pardonne (I forgive you) at of workers on Seguin island. She exhibits Crossings at the IMA exposé dans le monde entier. for contemporary Morocco, at the Museum for Photography and the Continua gallery and in the Lambert Visual Art in Marrakesh, at the Ghaya Gallery in Tunisia and at The Yves Saint Laurent museum in Marrakesh Collection in Avignon. the MUNTREF in Buenos Aires where she meets photographer exhibits the series Les Marocains. The exhibit Fouad el Khoury. Exhibition of portraits from the series Les Maro- then travels to Madrid, Seville and Cordoba. Lei- cains at the European House of Photography in Paris as part of la’s work is subsequently displayed on a regular the Biennial for Photographers from the Modern Arabic World. basis around the world.

22 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 23 REPORTAGE PHOTOGRAPHY REPORTAGE PHOTOGRAPHIE DE REPORTAGE PHOTOGRAPHIE

24 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 25 ieds nus, assis sur un fauteuil lences du monde. leur rendait leur beauté et nous camps, smiling. I see how Leila I often think of her, the way she © D.R. Pusé offert par des voisins, les C’est le récit de l’exode. Leila offrait de changer nos regards. remains in the hearts of these handled the situation in Idlib or jambes écartées et les bras posés révèle des blessures profondes, Sans jugement, elle nous posait people. what she said about the cynicism

Rotival sur ses cuisses, Tarik égrène un des souvenirs heureux cachés la question de l’autre et nous Her presence is a welcome break of States for whom refugees are chapelet. Son regard est ailleurs, dans une pochette étanche ou au montrait que la différence n’est from the suffering. She would sit simply numbers, no more than il semble vide. Au début de la fond d’un regard vide et blanc. pas un obstacle. on the corner of a rug to share shadows that are used and then

Bruno guerre en Syrie, Tarik, sa femme Elle nous les raconte avec empa- Leila me manque mais je ne a moment or simple silence. She tossed aside. et son fils se sont réfugiés au thie et délicatesse. La beauté suis pas le seul. Elle manque à had a light demeanour, bringing I often look back at Crossings Liban pour échapper à la mort. Ils de son travail nous emmène et tous ceux qui l’ont croisée. Elle a sense of calm and, through and No Pasara (He Will Not Pass).

par / by ont dû fuir la violence en laissant nous captive, puis vient l’instant manque aussi à tous ceux qu’elle laughter and tears, bonds were Leila was not naive and, before leur vie derrière eux. La décision où derrière le beau nous compre- n’a pas croisés mais qu’elle por- forged, stories unfolded. anyone else, she knew what the a été rapide, immédiate. Courir nons la détresse et la douleur. tait en elle. These are the stories she tells us. stakes were when it came to ou mourir. Tout abandonner. C’est ce moment qu’il est impor- Je ne sais pas si, aujourd’hui, son She portrays them with a depth migration. By making these peo- Cette photo de Tarik est dans tant de garder. C’est une piqûre regard aurait changé le monde that is masked by her lightness. ple visible again and illustrating mon bureau. Elle m’accompagne douce, une injection d’humanité. mais en tout cas il aurait adouci Her writing is engaged, encour- their unbelievable journeys, she chaque jour. Quand je suis fati- Elle nous force à ouvrir les yeux le mien.. aging us to take notice, to take brought them back to light. She gué, elle me rappelle le déses- pour regarder derrière les vagues, responsibility. It is an account of gave them back their beauty and

NATREEN, NO PASARA NATREEN, poir du départ forcé, la détresse par-dessus les dunes et au-delà the disorder and violence of the provided us with a different way du bonheur perdu, l’angoisse du des préjugés. Elle nous dit que arefoot, sitting on a neigh- world. of viewing them. Free from judge- quotidien et surtout l’absence de cela pourrait être nous, que notre Bbour’s worn out armchair, It is the record of an exodus. ment, she made us think about demain. Elle me ramène à cette monde est injuste mais que rien legs spread and arms leaning on Leila reveals deep wounds, the ‘other’ and showed us that réalité violente, insupportable, et n’est perdu, que nous pouvons his thighs, Tarik is counting his happy memories hidden deep difference is not an obstacle. me pousse à reprendre la route, choisir et surtout que nous devons rosary beads. He gazes into the in pockets or behind an empty, I miss Leila, but I’m not the only à continuer mes efforts pour offrir agir. distance, looking empty. At the blank look. She tells them to us one. Everyone who encountered un peu d’humanité et peut-être du C’est un récit contemporain. C’est start of the war in Syria, in order to with empathy and delicacy. The her misses her, as do those who réconfort. la narration de ce que les pays escape death, Tarik, his wife and beauty of her work drives and she never met, but who she car- Cette photo comme toutes celles riches veulent cacher. C’est celle his son took refuge in Lebanon. captivates us, and then, behind ried with her. de Natreen ont été prises par de ce qu’ils refusent de voir et évi- They were forced to flee the vio- the beauty, we discover distress Today, I do not know if the way Leila dans les camps de refugiés demment d’accepter. Laissant la lence, leaving life as they knew and pain. she looked at things changed de la plaine de la Bekaa au Liban. misère à leur porte et méprisant it behind. It was a quick, instant It is important to hold onto this the world, but it did make mine Elles témoignent de situations leurs valeurs, les pays riches s’en- decision. Run or die. Abandon moment. It is a sweet sting, an sweeter. désespérées où la vie, l’espoir et ferment dans un quant-à-soi qui everything. injection of humanity. She forces l’idée d’un futur sont devenus des nourrit des sentiments de rejet This photo of Tarik is in my office. us to open our eyes and look concepts abstraits, des notions et de haine. C’est une politique I see it every day. When I’m tired, between the waves, above the

NATREEN, NO PASARA NATREEN, d’un autre temps, d’un autre pays. absurde qui nie les défis contem- it reminds me of the despair of dunes and beyond prejudice. She Et pourtant je revois Leila sourire porains, qui n’a ni le courage, ni forced departures, the sorrow is saying that this could be us, au milieu de ces camps. Je revois la maturité pour les affronter. Les of lost happiness, the anguish that our world is unfair but noth- Leila courir dans le cœur de ces nier ne les fait pourtant pas dispa- of daily life and, above all, the ing is lost, that we can choose gens. raître. Leila leur donne un visage. absence of tomorrow. It takes me and, above all, that we should act. Sa présence offrait une pause Elle leur donne une famille, un back to that time of unbearable It is a modern tale. A narrative that dans la souffrance. Elle savait nom. Elle leur donne une histoire. violence and pushes me to keep rich countries want to hide. This s’asseoir sur le coin du tapis pour Souvent je pense à elle, à la façon going, to keep making the effort is what they refuse to see and, partager un moment et quelque- dont elle traiterait la situation à to provide a little humanity and evidently, to accept. Sweeping fois des silences. Elle savait être Idlib ou ce qu’elle dirait à pro- perhaps some comfort. poverty under the rug and repu- légère pour apaiser l’instant et, pos du cynisme des États pour Like all photos in the Natreen diating their values, the detach- de rires en larmes, les liens se qui les réfugiés ne sont que des collection, this one was taken ment of rich countries is fuel for nouaient, les histoires défilaient. nombres, que des ombres que by Leila at the refugee camps in rejection and hate. It is an absurd Ce sont ces histoires qu’elle nous l’on manipule et que l’on rejette. Lebanon’s Beqaa Valley. They form of politics that denies mod- raconte. Elle nous les raconte Je revois souvent Crossings et are evidence of desperate situ- ern challenges, that has neither avec une profondeur que sa No Pasara. Sans naïveté et bien ations where life, hope and the the courage or the maturity to légèreté pouvait masquer. C’est avant tout le monde, Leila avait idea of a future become abstract face them. But denying them une écriture engagée, un appel saisi les enjeux de la migration. En concepts from another time, does not mean they will disap- aux consciences, aux prises de personnalisant ces invisibles, en another country. pear. Leila gives them a face. She responsabilités. C’est un témoi- illustrant leurs parcours insensés, And yet, I am reminded of Leila, gives them a family, a name. She gnage des désordres et des vio- elle les ramenait à la lumière. Elle standing in the middle of these gives them a story.

26 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 27 NATREEN

28 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 29 30 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 31 32 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 33 34 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 35 36 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 37 NO PASARA

38 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 39 40 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 41 42 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 43 44 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 45 VIDÉO VIDEO

46 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 47 n présentant sa série Les Il y a « Il faut ici laisser toute peur chair et de sang. Des naufragés in slave ships, that many of them is testament to the empathy that Edu Dante, dans ce film. D’abord douteuse, dont les voix n’étaient jamais would never reach the other has guided her work from the

Njami par le titre ; Crossings, c’est-à- toute lâcheté ici doit être écoutées, que personne ne shore? For on the brink of this vir- start. It was not a sorrowful plea dire traversées. Comme lor- morte. » regarde jamais pour ce qu’ils sont tual inferno, nothing was written in which she donned the hat of

© ZACHARIE NGNOQUE ZACHARIE © sque, dans la Divine Comédie, le mais pour ce que nous voudrions about the nature of this journey, prosecutor or lawyer. She simply poète florentin nous fait traverser Cet avertissement sans ambigu- qu’ils fussent. contrary to what was noted by looked at the people in front of Simon l’Achéron, cet affluent du Styx ïté les aurait-il empêchés de C’est cette même empathie qui Dante at the door to his own hell: her, not as statistics but as beings infernal. Ce n’est donc pas tant le franchir le pas ? De pousser les était à l’œuvre lorsqu’elle réalisa made from flesh and blood. Cast-

par / by point de départ ou celui d’arrivée lourdes portes de fer pour s’em- les portraits de Marocains, la “All hope abandon ye who aways whose voices had never CROSSINGS qui comptent, mais l’action con- barquer dans le vaisseau sur même encore, qui guidera plus enter here.” been heard, that no-one had ever tenue dans la traversée. Comme lequel veillait, en maître, Charon ? tard sa caméra auprès des anciens Such characters in colour dim I looked at for who they are but for les Noirs américains nommèrent Sans doute pas. Car sans con- ouvriers de Renault. C’est ce mark’d what we wanted them to be. Middle Passage la traversée de naître les sages paroles de Vir- regard-là, sans concession mais Over a portal’s lofty arch It is this same empathy that was gile qui explique à Dante la AN EPIPHANY OF FACES AN EPIPHANY l’Atlantique ou les Africains cap- pétri d’une humanité exigeante inscrib’d: in her work when she captured tifs allaient devenir des esclaves, véritable nature de cette terrible qui nous manque aujourd’hui et Whereat I thus: “Master, these the portraits of Moroccans, the il s’opère, dans cette action de mise en garde, ils étaient au-delà dont je suis toujours ému de words import same again that guided her cam- traverser, une transsubstantiation de toute peur douteuse, de toute retrouver l’écho, dans ses films Hard meaning.” He as one era later on towards the former qui transforme l’humain en autre lâcheté. Mallarméens sans le comme dans ses photographies. prepar’d replied: workers of Renault. It is this way chose : une entité indéterminée, savoir, ils avaient compris que Un regard qui nous dit l’indivisibil- “Here thou must all distrust of looking at things, without a plot un mutant pour lequel il n’existe « jamais un coup de dé n’abolira ité de notre humanité . behind thee leave; but full of challenging humanity, pas encore de qualificatif. Mais, le hasard. » Mais le hasard, ici, Here be vile fear extinguish’d.” that we are missing nowadays à l’inverse de l’opération chris- n’est pas figuré par la divine prov- and which I am always touched tique qui donne, à travers l’incar- idence, mais par le fatum. L’his- here’s a bit of Dante in this Would this unambiguous warning by when I find an echo of it, in nation, une substance mystique toire est, bien avant d’avoir Tfilm. First, in the title;Cross - have stopped them from continu- her films and her photographs. au pain fait chair, cette transsub- commencé, déjà inscrite dans la ings. This is reminiscent of the ing onwards? From pushing the A way of looking at things that stantiation-ci opère à l’inverse, mémoire des hommes. Depuis la Divine Comedy, where the Flo- heavy iron doors and embarking highlights the inseparability of en privant les sujets visés de la nuit des temps, cette transhu- rentine poet takes us across the on the vessel watched over by our humanity. totalité de leur être. Ils sont partis, mance perpétuelle n’a cessé de Acheron, a tributary of the infer- Charon? Probably not. For without tels les conquérants de José-Ma- pousser les humains vers d’au- nal River Styx. It is therefore not knowing the wise words of Virgil ria de Heredia, « conquérir le fab- tres terres, d’autres lieux, d’au- the departure or arrival point that who explained the true nature of

UNE INDIVISIBLE HUMANITÉ uleux métal / Que Cipango murît tres rivages, pour le meilleur et, matters, but the journey itself. this dreadful warning to Dante, dans ses mines lointaines ». Mais malheureusement, plus souvent As African Americans referred to they were beyond any distrust, savaient-ils la nature de ce voy- pour le pire. enslaved Africans crossing the any vile fear. Without knowing it, age ? Savaient-ils vers quel enfer Toutes ces histoires, Leila Alaoui Atlantic to become slaves as the the Mallarméens understood that cette traversée les conduirait ? les connaissait, ou du moins en Middle Passage, in this action “a dice will never abolish chance.” Savaient-ils, comme il en alla pour avait-elle entendu parler. Mais of crossing, a transubstantiation However, here, chance is not rep- les futurs esclaves des bateaux ces rumeurs, ces tranches de occurs which transforms the resented by divine providence, négriers, que nombre d’entre eux vies rapportées ne lui suffisaient human being into something else: but by fate. Long before it started, ne parviendraient jamais à l’autre plus. Il fallait qu’elle-même aille an undefined being, a mutant for the story was already engraved rive ? Car, au seuil de cet enfer vir- toucher du doigt cette réalité hal- whom there is no description. in the memories of men. Since tuel, nulle inscription n’indiquait la lucinante de notre époque. Il But, unlike the Christlike action the dawn of time, this perpetual nature du voyage, contrairement fallait qu’elle les entende racon- which, through incarnation, transhumance had not stopped à celle que relève Dante devant ter, avec leurs propres mots, leur bestows a mystical element onto pushing human beings towards la porte de son enfer à lui : terrible odyssée. Toujours avec bread made flesh, this transub- other lands, other places, other pudeur, témoignant de la même stantiation works in the opposite shores, for the better and, unfor- Laissez toute espérance, vous empathie qui, dès ses premières way, by depriving the target sub- tunately, more often for the worst. qui entrez. – réalisations, a toujours guidé son jects of their being. They left, like Je vis ces paroles de couleur travail. Il ne s’agit pas d’un the conquerors of José-Maria de Leila Alaoui knew all of these sto- obscure plaidoyer larmoyant dans lequel Heredia, “to conquer the mythi- ries, or had at least heard them écrites au sommet d’une haute elle aurait endossé la robe du cal metal / May Cipango mature being told. But these rumours, porte, procureur ou celle de l’avocat. in its distant mines”. But did they these reported slices of life were aussi : « Maître, leur sens, dis-je, Simplement, elle regarde les know what this journey would be not enough. She had to hear them est terrible. » êtres qui lui font face, non pas like? Were they aware of the hell tell the tale of their atrocious Et lui à moi, en personne comme des phénomènes statis- they were being led towards? Did odysseys in their own words for avisée : tiques, mais comme des êtres de they know, like the future slaves herself. Her continuous modesty

48 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 49 CROSSINGS

50 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 51 52 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 53 Elle aurait pu choisir la Aux conditions de travail extrê- constitue une ébauche de cette dans la soumission et la peur © D.R. Efameuse avenue Émile Zola mement dures, se rajoutaient de œuvre. d’être montrés du doigt voire qui menait directement dans longues années de discrimina- L’ î le du Diable devait faire partie d’être expulsés. Une peur qui l’usine Renault mais Leila a choisi tion et de préjudice pour ces tra- d’une trilogie appelée À Contre- s’est transformée en un senti-

Milosevic de commencer son récit par une vailleurs ne possédant pas les voie (Out of place) retraçant l’his- ment de haine chez les jeunes et histoire d’eau comme celle que mêmes droits que ceux des toire de l’immigration en France un silence qui s’est souvent tra-

Lara les travailleurs migrants venus ouvriers français. L’inégalité des que Leila décrivait ainsi : « une duit par l’absence de dialogue au d’Algérie, du Maroc, de Tunisie rémunérations, l’interdiction à la expérience visuelle qui com- sein des familles. Déracinées, ces mais aussi d’Asie, du Sénégal ou formation continue afin de sortir prend principalement des photo- différentes générations luttent

par / by par / by du Mali ont eu à parcourir pour de la condition d’OS et de s’assi- graphies mais aussi des montages pour reconstruire leur propre devenir des ouvriers spécialisés miler à la classe ouvrière fran- de documents d’archives et des identité ; entre un pays où ils ne (OS). çaise en témoignent. Leurs installations vidéo ». se sentent pas toujours acceptés DEVIL’S ISLAND DEVIL’S Sans demi-mesure, du grand aspirations à la dignité et à l’éga- Les deux autres volets que l’ar- bien qu’ils y soient nés et une AN UNFINISHED PIECE angle au gros plan, l’artiste nous lité afin de pouvoir construire un tiste avait intitulés respective- terre d’origine qui leur est sou- conduit en noir-blanc sur l’île avenir meilleur pour leurs familles ment Les Oubliées et Les enfants vent devenue étrangère. » Seguin à Paris, discours histo- et eux-mêmes, les ont poussés à de l’Empire devaient traiter des La vidéo L’ î le du Diable sous la riques et slogans en fond sonore. faire entendre leurs voix et ont femmes et enfants venus lors du forme d’ébauche qui subsiste Île « du diable » comme les ouvriers ainsi joué un rôle significatif regroupement familial dans les aujourd’hui a été réalisée en Renault la nommaient. La façade durant les protestations et les années 1970 et des nouvelles novembre 2015 comme proposi- de la Régie Nationale – vestige grèves de 68 notamment. générations de citoyens français tion d’exposition dans le cadre de néo-classicisant d’une grandeur L’amélioration des conditions de d’origine maghrébine. L’en- la Biennale de Marrakech de l’an- et d’un passé révolus – a laissé vie ; des bidonvilles aux foyers de semble du projet avait pour but née suivante. Les témoignages place aux cloisons entachées de la Société nationale de construc- de considérer les différents seg- (notamment ceux du producteur slogans nationalistes. Les grues tion de logements pour les tra- ments de l’immigration en France. Farid Kounda et de l’ingénieur du témoignent de la transformation vailleurs (Sonacotra) puis le Les documents du fonds d’ar- son Jean Pierre Briat) et les docu- L’ÎLE DU DIABLE L’ÎLE de ce lieu historique, symbole regroupement familial et l’accès chives Leila Alaoui nous ren- ments d’archives expliquent d’un mouvement pour une justice à l’alphabétisation sont autant de seignent sur l’intention de comment l’œuvre aurait dû

UNE ŒUVRE INACHEVÉE UNE ŒUVRE INACHEVÉE sociale et pour les droits des revendications pour lesquelles ils l’artiste : « [la thématique] Les prendre une forme beaucoup ouvriers immigrés en France, ont dû se battre, constituant ainsi Oubliées s’inspire des blessures plus approfondie et plus longue détruisant ainsi les derniers sou- une contribution importante à des femmes qui ont rejoint leur que celle que nous connaissons. venirs de la Mémoire ouvrière. l’histoire sociale et politique des mari (…). [Elles] ont souvent été Leila allait traiter par une succes- Ce sont ensuite les anciens ouvriers étrangers en France. abandonnées à la maison sans sion de séquences visuelles les ouvriers immigrés tels que Selon Arezki Amazouz, membre aucune possibilité de s’intégrer à thèmes définis du recrutement Mimou­ne Elouardani, Thao de l’association des Anciens Tra- leur nouvel environnement. Les dans les pays d’origine, la préca- Khamseng, Amadou Sal, Arezki vailleurs de Renault Billancourt images de la série évoquent ainsi rité des conditions de vie des Amazouz de sa Kabylie natale ou Île Seguin, avec plus de 36.000 la solitude, la douleur de l’exil et ouvriers dans les bidonvilles, encore Roger Silvain, secrétaire employés et cinquante-trois la déception d’un territoire rêvé l’exil et l’éloignement de la famille. de la CGT Renault durant les nationalités représentées, l’île face aux dures réalités des condi- Les conditions de travail, la fra- années 1960-1970, qui défilent Seguin est ainsi devenue un sym- tions de vie précaires et les diffi- ternité entre ouvriers et la notion sur le site suranné qui aura bole de résistance de ces cultés à reconstruire une vie de de solidarité seraient ensuite façonné leurs vies. hommes exilés, discriminés et famille normale après de nom- traitées. Ce sont ensuite les Dès lors, on se remémore que isolés de leur famille. (Arezki breuses années de vies sépa- séquences dédiées à la lutte syn- pour participer à la reconstruction Amazouz est l’un des protago- rées. (…) La série Les enfants de dicale, à Mai 68, à la crise écono- de l’Europe et à la croissance éco- nistes de L’ î le du Diable. Ami de l’Empire évoque la quête identi- mique puis à la baisse des nomique d’après-guerre, des mil- Leila, il l’a aidée et lui a présenté taire des nouvelles générations effectifs à partir de 1986 qui liers d’hommes ont été recrutés les ouvriers Renault lors de la de citoyens français issus de devaient être évoquées. Finale- dans les anciennes colonies et création de sa vidéo.) l’immigration des travailleurs ment, le projet devait prendre fin territoires français. Pour le patro- L’installation L’ î le du Diable avait maghrébins. Elle exprime les avec les OS retrouvés au chô- nat, il s’agissait d’une main- pour intention de retracer cette conflits socio-culturels entre les mage sans compétences, sans d’œuvre « corvéable », docile, à qui Mémoire des anciens OS immi- enfants et leurs parents. Nés en formation et ainsi sans opportu- on confiait les travaux les plus grés et militants, aujourd’hui France et élevés dans des envi- nité d’emploi souvent jusqu’à pénibles sur la chaîne d’assem- retraités en France. ronnements différents, les l’âge de leur retraite. blage, les tâches répétitives ne En réalité, la vidéo telle que nous enfants d’immigrés se sont révol- Leila avait envisagé un temps de requérant presque aucune la connaissons au format noir- tés face au silence de leurs réaliser un documentaire pour la qualification. blanc et de durée de 6 minutes parents ayant longtemps vécu télévision. Puis s’étant ravisée

54 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 55 afin de garder sa liberté de créa- in order to overcome the recon- The installation Devil’s Island aimed dialogue within families. Uprooted, tion, elle comptait réaliser une struction of Europe and post-war to retrace these memories of former these different generations fight to œuvre avec un traitement et des economic growth. To managers, immigrant and activist SW, who are rebuild their own identities; between éléments caractéristiques de son they were an “exploited”, sub- now retired in France. a country where they do not always expression artistique. Mais L’ î le missive workforce who were In reality, the video as we know it in feel accepted, despite being born du Diable restée à l’état d’ébauche given the most gruelling tasks its black and white format, lasting 6 there, and a native land which has, avant son départ pour l’Afrique, on the assembly line, repetitive minutes, is just the beginning of this oftentimes, become foreign to them.” demeura à jamais une œuvre work which required almost no piece of work. The video Devil’s Island in its original inachevée. qualifications. Devil’s Island should have been part of form, which survives today, was cre- Under extremely tough working a trilogy named À Contre-voie (Out of ated in November 2015 as an exhi- conditions, workers, who did not place), retracing the story of immigra- bition proposal for the Marrakech he could have chosen the enjoy the same rights as their tion in France which Leila described Biennial the following year. The Sfamous Emile Zola avenue French counterparts, also suf- as follows: “a visual experience that is testimonies (particularly those from which led directly to the Renault fered from long years of discrim- mainly comprised of photographs but producer Farid Kounda and sound factory, but Leila chose to begin ination and prejudice. We see also includes archive documents and engineer Jean Pierre Briat) and the her tale with a body of water, one evidence of this in the unequal video installations”. archive documents explain how the that migrant workers from Alge- pay and the ban on continuous The two other parts, which the artist piece of work would take a much more ria, Morocco, Tunisia and even training which would help them respectively named Les Oubliées (The in-depth and long form than what we Asia, Senegal and Mali had to tra- move away from the SW condi- Forgotten) and Les enfants de l’Empire know it as today. Leila would use a verse in order to become skilled tion and integrate into the French (Children of the Empire) would have series of visual sequences to explore workers (SW). working class. Their yearning for focused on women and children who the defined themes of recruitment Not one to do things by half mea- dignity and equality to be able experienced the family reunification in one’s native country, the instabil- sures, the artist used both wide to build a better future for their in the 1970s and new generations of ity of living conditions for workers in angles and close ups to take us families and themselves pushed French citizens of Maghreb origin. The shanty towns, exile and distance from on a black and white journey them to make their voices heard whole project focused on the different family. Working conditions, fraternity across Île Seguin in Paris, with and they played a significant role parts of immigration in France. between workers and the idea of sol- historical speeches and slogans during protests and strikes, par- The documents from Leila Alaoui’s rich idarity would be covered next. The echoing in the background. The ticularly in 1968. archives tell us about the artist’s inten- series would then be dedicated to the Renault employees nicknamed They had to fight for demands tion: “[the theme] of The Forgotten is union struggle, in May 1968, the eco- it “Devil’s” island. The facade of such as improvement of living inspired by the trauma of women who nomic crisis and the downsizing from the National Corporation – a neo- conditions; shanty towns at the were reunited with their husbands (…) 1986, which should be mentioned. classicist relic of grandeur and a National Society of Construction [They] were often abandoned at home Finally, the project would end with the revolutionary past – made way for of Housing for Workers centres without any way to integrate into their SW who find themselves unemployed partitions tarnished with national- (Société nationale de construc- new environment. The images from without skills, training or opportunities ist slogans. The cranes are testi- tion de logements pour les tra- the series evoke solitude, the pain of for employment, often until retirement mony to the transformation this vailleurs, Sonacotra) then family exile and the disappointment of an age. historic site has undergone, the reunification and access to liter- ideal land faced with the tough real- Leila had also envisaged creating symbol of a movement for social acy, thus making an important ity of precarious living conditions and a documentary for television. After justice and the rights of immigrant contribution to social and politi- the difficulties in rebuilding a normal reconsidering, in order to maintain workers in France, thus destroy- cal history of foreign workers in family life after several years of life creative freedom, she intended to ing the final traces of the Memory France. According to Arezki Ama- apart. (…) The series Children of the create a piece with a process and of Workers. zouz, a member of the association Empire alludes to the quest for iden- characteristic elements of her artistic It was then that former immigrant for Former Workers of Renault tity of new generations of French cit- expression. But Devil’s Island remains workers such as Mimoune Elouar- Bilancourt Île Seguin, with over izens, children of immigrant Maghreb in its beginning phases, created dani, Thao Khamseng, Amadou 36,000 employees and 53 rep- workers. It expresses socio-cultural before her departure to Africa, and will Sal, Arezki Amazouz from her resented nationalities, Île Seguin conflicts between children and their always remain an unfinished piece. native Kabylie or even Roger became a symbol of resistance parents. Born in France and raised in Silvain, secretary of the Renault for these exiled men, discrimi- different environments, the children General Workers’ Confederation nated against and isolated from of immigrants rebelled against the from 1960-1970, marched on the their families. (Arezki Amazouz is silence of their parents who had long old site that had shaped their one of the protagonists of L’ î le du lived under submission and fear of lives. Diable (Devil’s Island). As a friend being singled out or even deported. Following this, thousands of men of Leila, he helped her and intro- For young people, this fear turned were recruited from the former duced her to the Renault workers into hate and a silence which is French colonies and territories for the creation of her video.) often translated by the absence of

56 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 57 58 •LEILAALAOUI, LAREVUE

L’ÎLE DU DIABLE LEILA ALAOUI, LAREVUE• 59 60 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 61 CONCEPTUAL PHOTOGRAPHY CONCEPTUAL PHOTOGRAPHIE PLASTICIENNE PHOTOGRAPHIE

62 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 63 n présentant sa série Les Impossible en effet de ne pas être évangélique. Ils ont en partage comment, par la grâce de l’image, happened, and he has a cer- EMarocains à l’occasion de la sensible à la forte dimension pic- une attitude pleine de sérieux, une forme d’éternité est confé- tain real power over the result.” Biennale des photographes du turale des images de Leila Alaoui. presque de gravité, sensible à la rée à son travail, à sa présence. This is clearly in line with Leila monde arabe de 2015, Leila Alaoui Les très grands peintres de por- solennité de l’instant. Sans qu’il soit jamais question Alaoui’s vision: there is nothing © RICHARD DUMAS RICHARD ©

de Sardes de rapproche les mots « objectif » et traits de l’histoire de l’art, un Tin- L’intérêt des va-et-vient entre d’emphase, on est frappé par la in her images that appears stolen. « regard » presque comme s’ils toret, un Van Dyck, un Ingres, ont photographie et peinture est majesté qui se dégage des por- The mobile studio she travelled étaient synonymes : elle indique souvent eu recours au dispositif de sortir les images de Leila traits de Leila Alaoui, une majesté with on her Moroccan road trip par là qu’elle veut comme assi- qu’à son tour elle adopte : un fond Alaoui d’un particularisme géo- toute d’intensité et de silence. signals, without a doubt, what she miler son œil et l’objectif de son neutre (ici noir), une frontalité graphique dont l’artiste était la Comment mieux dire que la jeune was expecting from those chosen Guillaume appareil, et rendre ainsi possible assumée. Comme dans le portrait première à dénoncer les dan- artiste a pleinement accompli to be photographed: that they l’émergence d’une image objec- classique aussi, la place prise par gers. Elle affirmait avoir pensé sa son désir : porter témoignage à assume a pose, to use a phrase tive. Le choix des termes « docu- le vêtement, qu’il soit somptueu- série comme un manifeste contre la fois d’une « grande élégance » that is a bit outdated, but has the par / by par / by

LES MAROCAINS mentaire » ou « archive » va plus sement coloré ou banalement l’orientalisme, au sens que ce mot et d’une « farouche autonomie ». ability to place the young photog- nettement encore dans le sens quotidien, fait presque oublier a pris dans les sciences humaines rapher’s work in the context of a d’un enregistrement de la beauté la présence des corps. Ce n’est critiques depuis Edward Said. Les long history of secular images. et de la diversité du monde, pour certes pas la séduction que visent expressions à la fois humbles et hen she presented her Indeed, how can one not notice mémoire. les femmes et les hommes qui puissantes de ses modèles ne Wseries Les Marocains in the important pictorial dimension Il est sans grand intérêt de dis- se sont livrés à l’objectif de Leila sont ni « marocaines » ni « afri- 2015 at the Biennial of Pho- of Leila Alaoui’s images? The cuter la typologie choisie par Alaoui. En revanche, l’abolition du caines », elles sont humaines, tography in the Contemporary greatest portrait painters of the l’artiste elle-même pour rendre corps par le costume autorise une tout simplement. Et le traitement Arab World, Leila Alaoui used past – such as Tintoretto, Van compte de son travail. On peut véritable épiphanie du visage. Il y des costumes vise la même fin : the words ‘lens’ and ‘gaze’ as if Dyke, Ingres – often would rely toutefois se demander si la com- a fort à parier que les visiteurs de il ne s’agit évidemment pas pour they were nearly synonymous. on devices that she in turn used:

LEILA ALAOUI: AN EPIPHANY OF FACES AN EPIPHANY LEILA ALAOUI: paraison qu’elle suggère avec la l’exposition en retiendront surtout Leila Alaoui de produire des In this way, she let us know she a neutral background (in this case, célèbre série de , des visages, des regards. Dans cartes postales, de cultiver le pit- wanted to integrate her eye with black), and a direct, frontal pose. Les Américains, dépasse vrai- une seule photo (une mariée toresque. Le pittoresque est l’en- her camera’s lens, and in so As in classical portraiture, the ment le parallélisme des titres. qu’on s’apprête à conduire chez nemi de tout vrai photographe. doing, allow objective images to role played by garments, whether Ce ne sont pas des scènes de la la famille de son mari), toute la En mettant en valeur ce qu’elle appear. We should keep in mind sumptuous and full of colour, or vie marocaine que photographie face est cachée par un voile. appelle « l’univers esthétique that the words ‘documentary’ and everyday and mundane, almost Leila Alaoui mais, au sens le plus D’autres femmes ne laissent voir marocain », elle en fait ressortir ‘archive’ are even more apt if one makes us forget the presence of fort et le plus classique du mot, que leurs yeux, mais d’être ainsi la beauté intrinsèque, absolue au is referring to the recording of the the body. The men and women des portraits. Richard Avedon, isolés, ils acquièrent une intensité sens où elle est déliée des condi- world’s beauty and diversity. who stand before Leila Alaoui’s l’un des grands portraitistes du extraordinaire. Les regards des tionnements socio-historiques. One doesn’t need to review the camera are clearly not there to XXe siècle, au travail duquel celui enfants et adolescents sont eux Cela fait ainsi grand sens de pré- typology – in other words, the seduce. And yet, the disappear- de l’artiste marocaine fait écho, aussi inoubliables : mettant tout senter Les Marocains dans un classification or study of those ance of the body under clothing disait : « un portrait est l’image leur zèle à obéir à la photographe, musée consacré à l’œuvre d’Yves photographed – to understand allows a real epiphany of the de quelqu’un qui sait qu’il est ils écarquillent leurs grands yeux Saint Laurent : certaines parures her work. We could always ask models’ faces. One can bet that photographié. Et ce qu’il fait de sombres, merveilleusement photographiées par Leila Alaoui ourselves if the comparison she those who see this exhibition will cette connaissance est aussi veloutés. ont le chatoiement et la parfaite makes with the legendary series remember above all the faces, important que ses vêtements et Chez les modèles âgés, les sillons singularité de pièces sorties de by Robert Frank, The Americans, the gaze of the models. In only son attitude. Il est impliqué dans profonds creusés par la vie dans l’imagination du grand couturier. really extends beyond similar one photo, that of a bride who is ce qui s’est passé, et il influence les joues ou sur le front ont une On l’a compris : le projet artistique titles. Leila Alaoui did not pho- about to be taken to her in-laws, le résultat ». Le dispositif de Leila puissante saveur d’humanité, qui de Leila Alaoui est aussi, et peut- tograph scenes from Moroccan is the entire face hidden by a veil. Alaoui va pleinement dans cette rejoint la peinture du quotidien être d’abord, un projet éthique. life, but rather portraits, in the Other women only let us see their direction : il n’y a rien chez elle de des maîtres de l’âge classique. Elle convoque elle-même les strictest and most classical use eyes, which by their very isolation l’image volée. Le studio mobile Ce vieil homme au visage buriné beaux mots de « dignité » et de of the term. Her work can be com- acquire an extraordinary inten- qu’elle emporte avec elle dans portant une poule pourrait être « fierté ». Ce dernier, en particulier, pared to that of Richard Avedon, sity. The way the children and son road trip marocain ne laisse un motif pour un Napolitain ou un désigne un sentiment que l’on one of the greatest portraitists adolescents look at us is also personne ignorer ce qu’elle Espagnol du XVIIe siècle. Quant perçoit bien chez plusieurs des of the 20th century, who said, unforgettable: they seem deter-

LEILA ALAOUI OU L’ÉPIPHANIE DES VISAGES VISAGES DES OU L’ÉPIPHANIE LEILA ALAOUI attend de ses modèles : qu’ils à telle femme ou à tel jeune sujets photographiés. Ils arborent “A photographic portrait is a pic- mined to obey the photographer, prennent la pose, pour employer homme, faisant parfaitement face un air concentré, parce que faire ture of someone who knows he’s widening their large, dark and une formule un peu surannée, à l’appareil, le port rectiligne, sans jaillir la beauté est une affaire being photographed, and what intensely velvet eyes. mais qui a le mérite d’inscrire la aucun déhanché, ils évoquent les sérieuse, mais aussi un léger sou- he does with this knowledge is The older models, marked by age série de la jeune photographe plus belles figures de Piero della rire – non le sourire factice de qui as much a part of the photograph with deeply furrowed cheeks or dans un très long flux d’images, Francesca, la Madonna del Parto veut montrer son aisance, mais le as what he’s wearing or how he brows, exude a powerful sense dans une pratique séculaire. ou quelque témoin d’une scène sourire de satisfaction de qui sent looks. He’s implicated in what’s of humanity, in keeping with

64 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 65 representations of everyday life also, and perhaps primarily, an eth- by masters of classical painting. ical project. She herself has used The craggy face of the old man the beautiful words ‘dignity’ and carrying a chicken could easily ‘pride’ to describe it. The latter, in have been that of a Neapolitan particular, describes an emotion or Spaniard from the 17th century. communicated by several of the The woman or and the young models she photographed. They man, appearing perfectly cen- appear to be focusing their atten- tred before the camera, without tion, since bringing forth beauty leaning to either side, recall those is a serious matter, but they also that appear so beautifully in the display the hint of a smile; not the work of Piero della Francesca, as artificial smile of one desiring to in his Madonna del Parto, or fig- show that he or she is at ease or ures from another of his evangel- materially well-off, but rather the ical scenes. They share a serious satisfied smile of someone who demeanour, are nearly filled with understands that, by the grace gravitas, and are aware of the ear- of the image, a form of eternity nestness of the moment. will be conferred on his or her The back and forth between work and presence. While never photography and painting is of overtly emphasising it in her oeu- interest because it removes these vre, we are struck by the majesty images by Leila Alaoui from a exuded by Leila Alaoui’s portraits, geographic specificity, some- a majesty that has everything to thing the artist is quick to warn do with intensity and silence. us about. She clearly states that There is no better way to say she conceived her series as a that the young artist thoroughly manifesto against Orientalism, as fulfilled her desire to bear witness the word is defined in the critical to both a “grand elegance” and human sciences since the work of “fierce independence.” Edward Said. Her models’ expres- sions, at once humble and pow- erful, are neither ‘Moroccan’ nor ‘African’; they are simply human. Their attire is approached in the same manner. It is clear Leila Alaoui wanted to avoid producing ‘picturesque’, postcard images. The picturesque is anathema to real photography. In giving promi- nence to what she calls, “the aes- thetic Moroccan universe,” she reveals its intrinsic beauty, one that is absolute in the sense that it is liberated from socio-historic conditioning. It makes absolute sense to display Les Marocains in a museum devoted to the work of Yves Saint Laurent: certain pieces of jewellery photographed by Leila Alaoui have the same shimmer and unique qualities as pieces imagined and realised by the great couturier. What we take away from Leila Alaoui’s artistic project is that it is

66 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 67 68 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 69 70 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 71 72 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 73 74 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 75 76 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 77 78 • LEILA ALAOUI, LA REVUE

82 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 83 84 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 85 86 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 87 88 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 89 Chaque modèle enfin, une fois revanche pas d’office un « sujet », vers d’exploitation maximale. La que Leila Alaoui a réalisée dans trouve ou qu’on l’extraie – dans cette opération terminée, se voit ce « sujet » tel que l’élabore la mondialisation tend et durcit plus la foulée de Made in India, fournit le corps de l’anonyme social et à proposer son portrait personnel réputation : invariablement une encore, depuis les années 1990, l’exemple sans conteste le plus partir de lui, dans ce cas. Cette

© SEBASTIEN ROY encadré. figure construite, élaborée à ces peu confortables conditions abouti de cette esthétique de série photographique, par-delà Ardenne partir d’un certain nombre de de travail. L’économie mondiale l’incorporation : l’image photo- ses caractéristiques intrinsèques Le sujet et sa présence déterminants positifs ou consi- du Garment, reposant en large graphique ne caresse pas le sujet, (politiques en particulier, de Paul Paul Le choix, par l’artiste, d’intervenir dérés comme dignes d’intérêt. part sur l’Inde, le Bangladesh et la elle le saisit tout au contraire, elle mettre l’accent culturel sur un dans le lieu « sans qualité » que Porter attention aux travailleurs Chine, pourvoyeurs des grandes donne l’impression de rentrer en milieu en général méprisé par la représente une usine textile d’une usine textile (moi, Leila marques labellisées du secteur, lui jusqu’au plus profond de ce culture établie), importe aussi par par / by par / by en un pays qui en compte par Alaoui, je vous regarde), faire la plupart occidentales, est en que l’apparence permet de dire la manière qu’adopte Leila Alaoui surcroît des milliers n’est pas le porter l’attention publique sur effet soumise à une concurrence ou de déceler, elle en fait un objet de traiter du monde ouvrier et de MADE IN INDIA fait du hasard. Passer l’entrée ces mêmes travailleurs (une fois redoutable et à des prix instam- charnel, pas une surface. Objec- sa représentation. La photogra- de ce grand atelier où bruissent exposés mes portraits de vous, ment tirés vers le bas. L’impératif tif, la subjectivation maximale phie sociale, dès son apparition frénétiquement des centaines on vous regardera), faire porter de productivité maximale, devenu par l’image… « Puisant dans mon au 19e siècle, traite le monde du de machines à coudre, c’est se l’attention du sujet photographié de rigueur, aboutit à de fréquents propre héritage, j’ai séjourné au travail, agents, lieux et univers, porter au contact d’une popula- sur lui-même (que dit ce portrait drames sociaux. L’exemple le plus sein de diverses communautés selon deux directions socio-es- tion d’invisibles, d’anonymes, d’ de toi sinon que tu existes aussi, tristement célèbre en a été fourni, et utilisé le filtre de ma position thétiques. La première, d’es- « humiliés et d’offensés », pour en comme quiconque, et que tu le 24 avril 2013, à quelques cen- intime de Marocaine de naissance sence socialiste (elle triomphera ade in India, série photo- user du titre d’un fameux roman appartiens en pleine légitimité taines de kilomètres de Chennai, pour révéler, dans ces portraits, la dans les régimes communistes), Mgraphique, a été réalisée de Dostoïevski. Qui a cure, en ce à la famille humaine ?) : ces trois par l’effondrement de l’usine tex- subjectivité des personnes que favorise le portrait collectif et en Inde, à Chennai (l’ancienne monde, d’ouvriers – d’ouvrières registres de l’attention et de sa tile bengalaise Rana Plaza. Un j’ai photographiées », dit à propos l’image sous-jacente de la classe Madras) durant l’été 2014. Leila surtout, ici – pointant en masse destination honorent pour l’occa- drame qui a coûté la vie à 1136 l’artiste du mobile ayant présidé à ouvrière comme masse com- MAKING THE UNKNOWN EXCEPTIONAL THE UNKNOWN MAKING Alaoui, alors, se rend dans cette à l’usine, sans spécialisation sion des individus que leur saisie des 4 000 employées de cette ses Marocains. pacte, solidaire et potentielle- vieille cité tamoule, la capitale du particulière qui plus est ? S’il est photographique puis l’exposition entreprise. ment révolutionnaire. La seconde, Tamil Nadu, un état du sud de des critères qui instituent par privée et publique de leur image Au moment où elle se rend à Une identification spécifique d’essence non moins politique l’Union indienne, pour y pho- excellence la personnalisation, rend présents. Chennai, Leila Alaoui a réalisé Le millier de portraits de Made mais ouverte à l’individualisme tographier les 1 000 employés le « sujet », ce sont d’abord la déjà nombre de portraits pho- in India, s’il se caractérise par sa ou à l’exemplarité, favorise le d’une entreprise textile locale singularité, la surhumanité réelle Déchosifier l’humain dans un tographiques mettant en valeur répétitivité formelle (des femmes, portrait individualisé du travail- – des femmes pour l’essentiel. ou supposée, la position domi- milieu qui le chosifie des personnes « sans qualité », plus rarement des hommes, leur. Lewis Hine, August Sander, La manière dont Leila Alaoui nante, une respectabilité supé- L’industrie textile est, en Inde, ressortissants de pays du Sud posent hiératiquement devant le Michel Séméniako des Portraits procède est systématique et rieure. Hors ces critères, point un des piliers traditionnels de ou migrants tentant le passage l’appareil photo), se distingue en négociés fournissent de grands égalitaire. Toutes les personnes de salut. Être l’employé(e) d’une l’économie. Tournée vers l’ex- clandestin vers l’Europe. Son fait par ce que montre des per- exemples de cette tendance travaillant dans l’usine sont en usine textile, à cet égard, ne portation, elle mobilise un grand intention, à travers le recours au sonnes photographiées ce trom- parfois suspecte d’héroïsation effet portraiturées sans hié- vous distingue a priori en rien de nombre de travailleurs peu qua- portrait, est l’identification – sor- binoscope géant : une identité. mais ayant du moins pour elle le rarchie ni distinction de caste, vos semblables, voire néantise lifiés, de sexe féminin pour la tir l’individu lambda, l’anonyme, Chaque portraituré(e) a pris soin regard aussi sociologique qu’af- de position ou de fonction. Une toute possibilité d’affirmation plupart, issus le plus souvent de la large ombre portée de son de venir poser avec des vêtements fectif porté par la photographie fois installé dans l’usine un stu- de la persona, de la « personne » des basses classes sociales anonymat. La manière même dont particuliers, qui ne sont pas en sur son sujet d’étude et de repré- dio improvisé (un projecteur, étymologiquement comprise, ou hors caste (harijans). Cette la photographe franco-marocaine général ceux du travail. Les saris sentation. L’option prise par Leila une tenture, quelques déflec- cet être humain qui « résonne », population, en principe, béné- cadre ses modèles est révélatrice : sont éclatants de couleurs ou de Alaoui est celle du distinctif et de teurs), Leila Alaoui s’y investit « retentit », bref, existe du simple ficie de droits garantis par les de face, sur un fond le plus sou- motifs dessinés, subtilement dra- l’affectif, incontestablement. Non plusieurs semaines durant dans fait de s’afficher et de s’exprimer. lois d’État, non appliqués cepen- vent noir, en se fixant sur la per- pés et enroulés autour du corps. qu’elle évacue l’aspect politique RENDRE SINGULIER L’ANONYME RENDRE SINGULIER L’ANONYME un répétitif travail de prise de Leila Alaoui, avec Made in India, dant pour l’essentiel de ceux-ci. sonne proprement dite sans hors Les coiffures sont travaillées. de son travail (il s’agit bien de ne vue. Son labeur pourrait s’assi- forme en fait ce projet simple, La syndicalisation du secteur champ ni autre artifice (pas de Les bijoux ne manquent pas. La pas oublier les déclassés sociaux miler à l’équivalent d’une visite de l’ordre du contrepoint : inver- textile, laborieuse, freinée par rétroéclairage, par exemple). Les pose, le plus souvent en pied, et les exploités de la mondialisa- médicale d’un nouveau type – ser la construction de la valeur les entrepreneurs, demeure de portraits de Leila Alaoui, de plus, sans se départir de la modestie, tion), elle incite le (la) portraitu- prendre l’image corporelle de identitaire, élever au rang de surcroît embryonnaire. Il résulte sont traités en haute définition, est altière, frontale, régalienne. ré(e), pendant le moment de la quelqu’un au lieu de lui prendre sujets des personnes en géné- de cette situation socialement une façon d’accentuer les carac- De façon déclarée, l’effet d’indi- pose et à l’occasion de celle-ci, son pouls, sa tension et sa tem- ral non-considérées dans l’ordre sous-encadrée une condition tères d’un visage, d’une peau ou vidualisation l’emporte sur l’effet à oublier l’univers d’exploitation pérature. Ce n’est pas le cas. La social, qui n’y comptent pas ou ouvrière désastreuse. Horaires d’un vêtement, et en couleurs, de massification. Chaque modèle, sociale qui est le (la) sien(ne) et rencontre et l’échange sont de pour presque rien, des humains à rallonge, semaine de six jours choix de la couleur qui importe à travers les images de Made in à se présenter pour ce qu’il (elle) rigueur, un lien se crée entre l’ar- certes mais, du fait de leur statut travaillés, contrôles, brimades et en particulier lorsque l’expression India, existe et existe pour qui il est indépendamment de sa qua- tiste et ses modèles d’un instant, social déprécié, des fantômes bas salaires (100 euros mensuels de l’identité, pour le portraituré, (elle) est. lification par la profession et la un processus de fraternisation, d’humains tout pareillement. pour 50 à 60 heures hebdoma- passe par le port de vêtements Made in India, du coup, n’est fonction laborieuse. Ce déport bientôt, s’établit. Des relations Si l’individu existe bien dans daires) font du secteur textile du spécifiques ou d’ornements dis- pas sans remettre de la fierté là symbolique aboutit à ce résultat, se nouent, un dialogue naît. l’ordre social, il n’y constitue en sous-continent indien un uni- tinctifs. La série Les Marocains, où il n’est pas d’usage qu’on la que l’on trouvera opportun ou

90 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 91 déplacé selon la visée que l’on et lève toute équivoque. On le the 1,000 employees of a local superior respectability. Without pillars. Focusing on exports, it to their anonymity. The way the assigne à la fabrique des images : citera in extenso en dépit de sa textile company – mainly women. these, there is no salvation. So, employs a large number of work- French-Moroccan photographer postuler que le sujet, dans une longueur : « On m’a donné accès The way in which Leila Alaoui at first glance, being an employee ers with little qualifications, mostly frames her models is also reveal- perspective non-marxiste, n’est à l’intimité du petit espace de works is systematic and fair. She in a textile factory does not allow females and most often who ing: face-on, usually on a black pas forcément déterminé en tout son studio mobile où Leila Alaoui photographed everyone working you to stand out from your peers, are from lower social classes or background, focusing on the par son appartenance sociale, par avait choisi d’isoler les femmes de in the factory, not differentiating it even eradicates any possibility casteless (Harijans). In principle, person themselves, without any son activité de producteur et plus leur environnement de travail. Je between hierarchy or class, posi- of asserting a persona; the per- these people enjoy rights guar- other objects or effects off-cam- largement par la vie matérielle. pouvais voir ces femmes y venir tion or role. Once she had set up son, as is etymologically under- anteed by state laws, although era (no backlighting, for exam- les unes après les autres, posant a makeshift studio in the factory stood, that human being who they are not usually applied for ple). Furthermore, Leila Alaoui’s Le cadeau sous les projecteurs le temps de (a spotlight, a backdrop, a few “resonates”, “resounds”, in short, the most part. The laborious portraits are developed in high Quelques mois après la séance la pose photographique. La plu- deflectors), Leila Alaoui spent who exists simply because they unionisation of the textile indus- definition, in order to accentuate de prise de vue, à l’occasion de la part des femmes étaient naturel- several weeks there continuously appear and express themselves. try, slowed by business owners, the character of the faces, their grande fête populaire du Diwali, lement nerveuses en entrant mais taking photographs. Her task With Made in India, Leila Alaoui remains in the early stages. This skin or clothes, and in colour, the chaque portraituré(e) s’est vu(e) il ne fallait pas longtemps à Leila could have been compared to a actually creates this simple proj- socially under-managed situation choice of colour is particularly remettre son propre portrait pour les faire sourire. Elle commu- new kind of doctor’s appointment ect in a contrasting manner: resulted in disastrous conditions important for the person being encadré. Cette procédure de don niquait sans effort avec elles en – capturing a picture of some- reversing how identity value is for workers. Extended hours, six- photographed when expressing rappelle une démarche similaire touchant leurs cheveux, en fixant one’s body rather than taking created, promoting these people, day working weeks, inspections, their identity, utilising specific de Jochen Gerz, Das Geschenk, leurs vêtements et en les prépa- their pulse, blood pressure and who are are generally not con- harassment and low salaries (100 pieces of clothing or distinctive « le cadeau » (2000) : l’artiste alle- rant pour la photo. Son toucher temperature. That wasn’t the sidered in the social order, to the euros per month for 50 to 60 hours accessories. The series Les Maro- mand, après avoir photographié a magiquement transformé leur case. Contact and conversation rank of subjects, who have noth- a week) make the textile indus- cains (The Moroccans) that Leila les employés d’une entreprise anxiété en facilité. La langue n’a were required, a link was instantly ing or almost nothing; humans, try in the Indian sub-continent a Alaoui created immediately after de Dortmund, expose en grand jamais été une barrière. Même à created between the artist and yes, but because of their lower world of maximum exploitation. Made in India, is undoubtedly format leurs portraits puis offre l’extérieur du studio, Leila s’est her models and an atmosphere social status, phantom humans all Since the 90s, globalisation has the most accomplished exam- à chacun son portrait. La qualité sentie chez elle au milieu de ces of companionship was quickly the same. Although an individual made these harsh working condi- ple of this aesthetic of incorpo- symbolique de ce type de geste femmes qui l’ont impliquée dans established. Relationships are may exist within the social order, tions even more exacerbated and ration: the photographic image généreux, sans nul doute, peut leurs conversations, relayées formed, a dialogue appears. they still do not automatically con- widespread. The worldwide Gar- does not caress the subject. être raillée : l’artiste fait un cadeau, principalement par des signes et Afterwards, once the process had stitute a “subject”, a “subject” that ment economy, relying heavily on On the contrary, it takes hold of il profite de sa position éminente des gestes.* » finished, each model was offered is developed by reputation: con- India, Bangladesh and China, who them, giving the impression that pour gratifier ceux qu’il a utilisés Ainsi pratiqué, on le conçoit, l’art a framed copy of his or her per- sistently a shaped figure, created are the suppliers of the industry’s whatever is said or discovered à des fins professionnelles, en les est une pratique non violente, sonal portrait. from a certain number of deter- major labelled brands, mostly through their appearance is an instrumentalisant peut-être. Ce positive et se portant à élargir mining factors that are positive or Western, is subject to impressive intrinsic part of them, making it a reproche légitime – l’artiste vient, le lien social et aplanir les dif- The subject and their presence considered to be worthy of inter- competition and increasingly low physical object, not just a surface se sert, fait l’aumône puis passe férences, matérielles comme The artist’s choice to step into this est. Paying attention to workers prices. The priority of maximum element. The goal is maximum à autre chose – peut aussi être géographiques. Une pratique “substandard” place that is a tex- in a textile factory (I’m looking at productivity, which has become subjectivity through imagery… considéré, à l’inverse, comme humaine très humaine, donc, tile factory, in a country that con- you, Leila Alaoui), means drawing a requirement, leads to frequent “Drawing from my own heritage, vertueux dans la mesure où se qui investigue et nourrit la ques- tains thousands of them, wasn’t the public’s attention to these social tragedies. The saddest and I stayed in several communities révèle à travers lui un signe de tion identitaire au bénéfice de by chance. Crossing the thresh- same workers (once my portraits most well-known case occurred and used the filter of my personal réciprocité. l’humanité. old of this large factory, where of you are exhibited, they’ll be on 24th April 2013, a few hundred position of being born in Morocco De l’avis des témoins, la produc- hundreds of sewing machines looking at you), drawing the pho- kilometres from Chennai, with the to reveal, through these portraits, tion de Made in India n’a pas été * Shrikkanth Govindarajan, collaboratrice are humming frantically, means tographed subject’s attention collapse of the Bengali textile the subjectivity of the people who de la revue en ligne Exposure, « Leila autre chose pour Leila Alaoui Alaoui. Documentary Short », in https:// being in contact with a popula- to themselves (what does this factory Rana Plaza. The tragedy I photographed”, the mobile art- et ses multiples modèles qu’un shrikkanth.exposure.co/leila-alaoui tion of people who are invisible, portrait say about you if not that cost the lives of 1136 of the 4000 ist said, having presided over her moment d’amitié. Le sentiment anonymous, “humiliated and you exist too, like anyone else, employees at this company. Moroccans. d’être instrumentalisé(e)s, à tout insulted”, to use the title of a and that you legitimately belong When returning to Chennai, Leila le moins, n’aura pas fait son nid à t was a Sunday in January. Leila famous novel by Dostoïevski. In to the human race?): these three Alaoui had already taken many Identification of the individual Chennai. Dans le studio improvisé IAlaoui’s exhibition Les Maro- this world, who cares about work- forms of attention and purpose photographic portraits which The thousand portraits from de Leila Alaoui, l’heure est plutôt à cains (The Moroccans) had just ers anyway – especially workers honour individuals whose photo- showcased the value of “sub- Made in India, characterised la détente, à la bonne humeur, aux ended its here – clocking in at a factory in graphs have been taken and then standard” people, nationals of by their formal repetitiveness échanges en dépit de la difficulté The photography series Made in their masses, without anything exhibited in private and in public, countries in the south or migrants (women, few men, posing aloofly linguistique de communiquer, aux India was shot in Chennai (for- that makes them particularly spe- making their images present. attempting the underground pas- in front of the camera), stand gestes d’ajustement vestimen- merly Madras), India during the cial? If there are requirements for sage to Europe. By using portraits, out because they showcase the taire aussi, opérés en commun. Le summer of 2014. At that time, Leila enabling ultimate personalisation De-objectifying the human in she attempts to identify these people photographed in one témoignage de Shrikkanth Govin- Alaoui visited this old Tamil city, of the “subject”, singularity is first an objectifying environment people – to bring the average per- giant directory: one identity. Each darajan, qui valide cette dimen- the capital of Tamil Nadu, a state in line, real or supposed super-hu- In India, the textile industry is son, the anonymous person, out photographed person has taken sion relationnelle, est opportun, in southern India, to photograph manity, the dominant position, a one of the economy’s traditional from the shadows that are home care to pose with certain clothes,

92 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 93 generally not their work clothes. option. This is not to say that she Alaoui and her multiple models, Saris dazzle with their colours removes the political element but rather a time of friendship. and motifs, subtly draped and from her work (it’s worthwhile The feeling of being instrumen- wrapped around the body. The remembering society’s underval- talised, at least, did not take hairstyles are well-styled. There ued members who are exploited root in Chennai. Leila Alaoui’s is plenty of jewellery. The pose, by globalisation), she encourages improvised studio was a place most often standing, is modest the person being photographed, for relaxing, for happiness, for yet stately, face-on, sovereign. when posing, to forget the world conversation despite the linguis- Clearly, the effect of individualisa- of social exploitation that they tic difficulty in communicating, for tion outweighs the effect of mas- live in and present themselves tweaking clothing too, together. sification. Every model, through for who they are, regardless of The testimony of Shrikkanth the images from Made in India, their professional title or job. This Govindarajan, who validates this both exists and exists for who he symbolic shift leads to this result, interpersonal element, is oppor- or she is. which will be deemed appropri- tune, and removes any ambiguity. Made in India therefore ensures ate or inappropriate depending His lengthy statement is quoted that pride is returned to where it on the aim assigned to the pro- in full: “I was given access to the is not usually found or extracted duction of images: supposing that privacy of her little mobile studio from – in and from the bodies of the subject, from a non-marxist where Leila Alaoui chose to sep- society’s anonymous members. perspective, is not inevitably arate women from their working This photography series, beyond determined by their social affil- environment. I could see these its intrinsic qualities (especially iations, productive activity and, women going there one after the political, culturally emphasising more generally, by their material other, posing for a photograph a social group who are generally life. under the spotlight. Naturally, viewed with contempt by the most of the women were ner- established culture), also mat- The gift vous when they came in but it ters because of the way in which A few months after the shoot, didn’t take long for Leila to make Leila Alaoui treats the working during the large public festival of them smile. She chatted to them class and represents them. Social Diwali, each photographed per- effortlessly by touching their hair, photography, since its arrival in son was given their own framed fixing their clothes and getting the 19th century, deals with the portrait. This gift-giving is remi- them ready for the photo. Her working world, its agents, places niscent of a similar approach by touch magically alleviated their and worlds, according to two Jochen Gerz, Das Geschenk, anxiety. Language was never a socio-aesthetic approaches. The “the gift” (2000): the German barrier. Even outside the studio, first has a socialist slant to it (it artist, after having photographed Leila felt at home among these triumphs in communist regimes), employees from a company in women who involved her in their promotes collective portraits Dortmund, exhibited large prints conversations, mainly through and the underlying image of of their portraits and then gave signs and gestures.*” the working class as a compact, each person their portrait as a We can see that when used in this united and potentially revolu- gift. Without a doubt, the symbolic way, art is a non-violent, positive tionary group. The second, less element of this type of generous practice which aims to broaden political but open to individualism gesture may be mocked: when social connections and equalise or exemplariness, promotes indi- the artist gives a gift, he benefits differences, both material and vidualised portraits of workers. from his distinguished position in geographical. A human practice Lewis Hine, August Sander, the rewarding those who he has used that is very human, that investi- Michel Séméniako of Portraits for professional purposes, per- gates and fosters the question négociés (Negotiated portraits) haps by instrumentalising them. of identity to the advantage of are great examples of this trend, This legitimate reproach – the humanity. occasionally suspected of hero- artist comes, helps himself, gives ism, but which has at least both back and then moves onto the * Shrikkanth Govindarajan, female collaborate of the online magazine a sociological and emotional way next thing – could also be con- Exposure, “Leila Alaoui. Documentary of looking at things, present in the sidered, conversely, as virtuous, Short”, at https://shrikkanth.exposure. photograph through the subject as it is also a sign of reciprocity. co/leila-alaoui of study and representation. Leila From witnesses’ point of view, Alaoui undoubtedly chooses the creating Made in India was not more distinctive and emotional just another project for Leila

94 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 95 96 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 97 98 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 99 100 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 101 102 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 103 104 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 105 106 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 107 ZOOM

dans ses chambres des œuvres d’artistes marocains. Il s’agissait alors essentiellement de peintures. La collection s’est ouverte plus tard à la photographie. C’est en découvrant les images que Serge Lutens, habitué de l’hôtel, réalisait pour Dior à Marrakech, que j’ai compris que la photographie était un art à part entière. Leila Alaoui débutait alors. Je lui ai demandé de photographier les œuvres de ma collec- tion du Es Saadi, laquelle devait être présen- tée dans un catalogue. Ce travail a marqué le début de notre complicité et conduit à une autre collaboration, Leila réalisant ensuite des images de la famille destinées à sa promotion. Parallèlement à ces travaux de commande, elle développait une œuvre Es Saadi Marrakech Resort personnelle. Sa série consacrée aux artistes Rue Ibrahim El Mazini - Hivernage marocains m’avait immédiatement intéres- Marrakech. Tél.: +212 5 24 33 74 00 sée et séduite. Leila avait su saisir l’âme de Elisabeth Bauchet-Bouhlal ses modèles. Ses portraits en noir et blanc, www.essaadi.com Président Directeur Général, tendres et intenses, dialoguaient avec les Es Saadi Marrakech Resort œuvres de la collection, puisqu’ils étaient ceux de peintres que j’avais choisis d’expo- ES SAADI MARRAKECH RESORT ES SAADI i le Es Saadi a choisi de s’associer à ser dans le tout nouveau Palace. J’en acquis «Scet album présentant le travail de Leila un certain nombre. Alaoui, c’est que son histoire et celle de la On peut les admirer aujourd’hui dans le jeune photographe sont liées. Lobby bar du Palace Es Saadi. Ils témoignent L’art a toujours été présent dans ma famille : du talent de Leila et de l’intérêt qu’elle por- mes parents, amis de nombreux artistes, tait à la culture de son pays. En ce sens, collectionnaient, et le premier cadeau que ils annoncent sa série la plus célèbre, Les m’a fait mon mari a été un tableau choisi par Marocains. Mais, pour moi, ils sont avant tout Ahmed Cherkaoui, avec qui il s’était lié d’ami- associés au souvenir de Leila, que j’ai eu la tié à Paris. C’est donc naturellement que, dès chance de connaître, et à ses parents qui son ouverture en 1966, le Es Saadi a accueilli sont mes amis. »

https://if-maroc.org

Photos réalisées par Leila Alaoui PAUL ARDENNE SERGE LUTENS BRUNO ROTIVAL Abdelaziz Alaoui est écrivain et historien de l’art. Il est un artiste français, photographe, est engagé depuis plus de vingt ans Nadia Fettah Alaoui est notamment l’auteur de L’ Image cinéaste et créateur de parfums. dans l’humanitaire. Il a travaillé dans Soulaimane Alaoui Corps. Figures de l’humain dans Ses photographies ont été de nombreuses zones de conflit ou l’art du 20e siècle (2001) et de exposées au musée Guggenheim de désastre naturel pour les Nations Yasmina Alaoui Portraiturés (2003 ; version anglaise de New York et ses films présentés Unies, Handicap International et Hasna Alaoui Face to Face), deux ouvrages au Festival de Cannes. Il a travaillé plus récemment pour la Direction Moulay HafidElalamy publiés aux éditions du Regard. pour Dior et Shiseido avant générale de la protection civile et de créer sa propre maison. des opérations d’aide humanitaire Areski Amazouz is a writer and art historian. Notably, européennes (DG ECHO). Il est Paul Ardenne he is the author of L’ Image Corps. is a French artist, photographer, film actuellement basé à Istanbul. Association Atrix Figures de l’humain dans l’art du director and perfume designer. His Bauchet Bouhlal 20e siècle (2001; Human figures in photographs have been exhibited has been a humanitarian aid Elisabeth 20th century art) and Portraiturés at the Guggenheim museum in New worker for over twenty years. Aïcha Bennani (2003; Face to Face), two works York and his films shown at the He has worked in several Zina Berrahal published with Éditions du Regard. Cannes Film Festival. He worked conflict and natural disaster Jipe Briat for Dior and Shiseido before situations for the United Nations, Nabil Canaan establishing his own design house. Handicap International and, more ACKNOWLEDGMENT FOUAD ELKOURY recently, for the Directorate- Christophe Chaillot est un photographe et General for European Civil Fouad Elkhoury cinéaste libanais. Il est LARA MILOSEVIC Protection and Humanitarian AUTHORS BIOGRAPHIES AUTHORS connu internationalement est historienne de l’art. Elle Aid Operations (DG ECHO). He Mimoune Elouardani pour ses photographies dirige les archives de la is currently based in Istanbul. Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent de la guerre au Liban. Fondation Leila Alaoui. Mokhtar Ghambou Guerra is a Lebanese photographer is an art historian. She is SIMON NJAMI Marco and film director. He is known the lead archivist for the est un écrivain, critique d’art Sylvie Heullant internationally for his photographs Leila Alaoui Foundation. et commissaire d’exposition Mostafa Idbihi of the war in Lebanon. camerounais. Il est spécialiste Yousra Jarny de l’art contemporain et de la JEAN-LUC MONTEROSSO photographie en Afrique. À Kmsing Tao Khamseng JACK LANG est le fondateur de la Maison ce titre, il a travaillé pour des Kiswendsida Noëlie Kouraogo agrégé et docteur en droit, est Européenne de la Photographie musées dans le monde entier. REMERCIEMENTS Farid Kounda un homme politique français de (Paris) qu’il a dirigée jusqu’en premier plan. Il a été ministre 2018. Il a collaboré à plusieurs is a Cameroonian writer, art critic Rémi Lavalle (Culture, Éducation nationale), parutions et assuré le commissariat and exhibition commissioner. Othman Lazraq député européen, porte-parole de très nombreuses expositions, He is an expert in African Serge Lutens du gouvernement, etc. Il est en France et à l’étranger. Il contemporary art and photography. le Président de l’Institut du est désormais le Directeur In this respect, he has worked Jean-Pierre Mahoué monde arabe depuis 2013. artistique du Contemporary for museums all over the world. Vincent Marcilhacy Image Museum de Chengdu. Vincent Melilli agrégé and doctor of law, is a Midra leading French politician. He has is founder of the Maison GUILLAUME DE SARDES Karima been a Minister (Culture, National Européenne de la Photographie est écrivain-photographe et Lara Misolevic Leila Alaoui is represented by the Galleria Continua – www.galleriacontinua.com the Galleria Continua by Leila Alaoui is represented BIOGRAPHIE DES AUTEURS education), European deputy, in Paris which he directed until commissaire d’exposition. À ce – www.galleriacontinua.com par la Galleria Continua représentée Leila Alaoui est Jean Luc Monterosso government spokesperson, etc. 2018. He has worked with several titre, il a réalisé des expositions de Simon Njami He has been the President of the publications and commissioned Leila Alaoui à l’Institut français de Arab World Institute since 2013. several exhibitions both in France Marrakech, au Musée Yves Saint Bibata Ouedraogo and abroad. He is now Artistic Laurent de Marrakech, à la Casa Christophe Pommez director of the Contemporary Arabe de Madrid ou encore à la Baudouin Prové Image Museum in Chengdu. Fundación Tres Culturas de Séville. Prakriti Foundation is a writer, photographer and Bruno Rotival exhibition commissioner. In this Amadou Sal respect, he has created exhibitions Shah of Leila Alaoui’s work at the Ranvir French Institute in Marrakesh, at Roger Silvain the Yves Saint Laurent Museum in Patrick Simonin Marrakesh, at the Casa Arabe in Ghitha Triki Madrid and even the Fundación Tres Culturas in Seville. Selma Zouanate

110 • LEILA ALAOUI, LA REVUE LEILA ALAOUI, LA REVUE • 111 r e i l u o f a a B

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Institut Français du Maroc C

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Laboratoire Photo Professionnel depuis 1950 Fondation Attijariwafa bank Paris - New York WE THANK FOR THEIR SUPPORT Sanlam Pan Africa Des prestaaons sur mesure erages photo, finiions, encadrement, retouche, impression grand format, photogravure, service en ligne TV5 monde NOUS REMERCIONS POUR LEURS SOUTIEN NOUS REMERCIONS

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112 • LEILA ALAOUI, LA REVUE www.picto.fr MACAAL (oeuvre: Fatiha Zemmouri) © Omar Tajmouati