Wolfgang Amadeus Mozart 1756-1791 The 6 String Quartets dedicated to Haydn 1782-1785

Quatuor Cambini-Paris on period instruments Julien Chauvin Karine Crocquenoy violin Pierre‑Éric Nimylowycz Atsushi Sakaï cello

1 Wolfgang Amadeus Mozart 1756-1791

The 6 String Quartets dedicated to Haydn 1782-1785 Les 6 Quatuors dédiés à Haydn

CD1

String quartet no 14 in g major, “Spring” Quatuor no 14 en sol majeur, « le Printemps », K387 1782

1 Allegro vivace assai 12’00 2 Menuetto: Allegretto 7’29 3 Andante cantabile 7’27 4 Molto allegro 7’49

String quartet no 15 in d minor Quatuor no 15 en ré mineur, K421 1783

5 Allegro moderato 11’53 6 Andante 7’27 7 Menuetto: Allegretto 3’59 8 Allegretto ma non troppo – Più allegro 9’57

2 CD2

String quartet no 17 in b flat major, “Hunt” Quatuor no 17 en si bémol majeur, « La Chasse », K458 1783-1784

1 Allegro vivace assai 12’22 2 Menuetto: Moderato 3’54 3 Adagio 7’23 4 Allegro assai 9’30

String quartet no 16 in e flat major Quatuor no 16 en mi bémol majeur, K428 1783

5 Allegro ma non troppo 10’34 6 Andante con moto 12’45 7 Menuetto: Allegretto 05’32 8 Allegro vivace 5’43

3 CD3

String quartet no 18 in a major Quatuor no 18 en la majeur, K464 1785

1 Allegro 11’407 2 Menuetto 5’55 3 Andante 12’20 4 Allegro non troppo 8’29

String quartet no 19 in c major, “Dissonance” Quatuor no 19 en ut majeur, « Les Dissonances », K465 1785

5 Adagio – Allegro 15’22 6 Andante cantabile 7’37 7 Menuetto: Allegretto 4’47 8 Allegro molto 11’14

4 Sommaire — Contents

Paris à la découverte des quatuors à cordes de Mozart — Jean Gribenski p.9 Entre influence et défi — Atsushi Sakaï p.14 Propos recueillis — Alexandre Dratwicki p.17 Clés d’écoute — Pierre‑Éric Nimylowycz p.21 Biographie p.36

Paris’s discovery of Mozart’s String Quartets — Jean Gribenski p.37 Influences from Haydn — Atsushi Sakaï p.40 Interview — Alexandre Dratwicki p.43 A guide to listening — Pierre‑Éric Nimylowycz p.46 Biography p.60

Credit page p.64

5 Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart À mon cher ami Haydn,

Un père ayant résolu d’envoyer ses fils dans le vaste monde estima qu’il devait les confier à la protection et à la direction d’un homme, très célèbre alors, qui, par une heureuse fortune était, de plus, son meilleur ami. C’est ainsi, homme célèbre et ami très cher, que je te présente mes six fils. Ils sont, il est vrai, le fruit d’un long et laborieux effort, mais l’espérance, que plusieurs amis m’ont donnée, de le voir, au moins en partie, récompensé, m’encourage, me persuade que ces enfantements me servent un jour de quelque consolation. Toi-même, ami très cher, au dernier séjour que tu as fait dans cette capitale, tu m’as manifesté ta satisfaction. Ce suffrage de ta part est ce qui m’anima le plus ; et c’est pourquoi je te les recommande avec l’espoir qu’ils ne te semblent pas indignes de ta faveur. Qu’il te plaise donc de les accueillir avec bienveillance et d’être leur père, leur guide, leur ami ! Dès cet instant, je te cède mes droits sur eux et te supplie en conséquence de regarder avec indulgence les défauts que l’œil partial de leur père peut m’avoir cachés, et de conserver, malgré eux, ta généreuse amitié à celui qui l’apprécie tant. Car je suis de tout cœur, ami très cher, Ton bien sincère ami.

W. A. Mozart

7 Paris à la découverte des quatuors à cordes de Mozart par Jean Gribenski

« Musique de chambre » : à la fin du xviie et au encore le terme d’interprètes). Les œuvres début du xixe siècle, le sens de l’expression n’étant pour ainsi dire jamais jouées en n’a que peu de rapport avec ce qu’il est public, elles ne laissent pratiquement aucune aujourd’hui. De nos jours, on entend par là trace dans la presse (contrairement aux une musique instrumentale destinée à une symphonies ou aux opéras, par exemple) : petite formation de solistes, avec ou sans seule l’édition nous permet de saisir la piano, mais à l’exclusion du piano seul. diffusion de ce répertoire. Cette définition, fondée sur l’effectif, semble ne s’être définitivement imposée que dans De son vivant, les œuvres de Mozart la seconde moitié du xixe siècle. Au siècle publiées à Paris, qui est alors le grand précédent, en effet, le mot « chambre » centre européen de l’édition musicale, sont (Kammer en allemand) s’entend encore principalement des œuvres pour clavier, au sens propre : « musique de chambre » seul ou « accompagné » : la majorité des est la traduction littérale en français de sonates piano-violon, les sept trios pour musica da camera, expression apparue en piano, violon et violoncelle, le trio pour Italie au milieu du xvie siècle pour désigner piano, clarinette et alto (K. 498), les deux toute musique, vocale ou instrumentale, quatuors pour piano et cordes (K. 478, qui n’est pas destinée à l’Église. 493). Ce succès des œuvres pour piano se poursuit et s’amplifie après la mort de Dans le domaine de la « musique de Mozart, pour aboutir, entre 1800 et 1808, chambre », l’édition joue un rôle absolument à la publication d’une importante série fondamental : elle met les œuvres entre les effectuée par un grand éditeur, Pleyel : la mains des « exécutants » (on n’emploie pas Collection complette [sic] des œuvres de

8 piano par W. A. Mozart, en treize volumes, renommée sans cesse croissante comme qui connaîtra en France une diffusion compositeur, dans la quinzaine d’années considérable − exemple parmi d’autres qui suit sa mort : les œuvres orchestrales d’un mouvement très général en Europe, (symphonies, concertos) ne sont encore qui révèle une double mutation du goût guère connues, les opéras le sont moins musical : l’intérêt pour la musique du passé encore. Quant à sa musique religieuse, même si, dans le cas de Mozart ce passé elle n’apparaîtra à Paris qu’à partir de n’est pas encore très ancien et la constitu- 1804. Ainsi, les dix « grands » quatuors à tion d’un « panthéon » de quelques grands cordes (les six dédiés à Haydn, le quatuor compositeurs, parmi lesquels figure Mozart. « Hoffmeister », les trois « prussiens ») connaissent de multiples éditions ; les Pour ce qui est de la « musique de quatuors « de jeunesse » ne sont pas non chambre » sans clavier, le succès est plus plus ignorés : les six « viennois » (K. 168- tardif, posthume en général, à l’exception 173), ainsi que deux des six « milanais » des Six Quatuors dédiés à Haydn : ils sont (K. 157, 160/159a) sont publiés avant 1804. publiés à Paris dès 1785, soit quelques En outre, les éditeurs parisiens publient un mois après la première édition, viennoise, grand nombre de transcriptions pour qua- qui suit elle-même de peu l’achèvement de tuor à cordes, qui témoignent et du succès la composition. Le succès semble d’emblée considérable de ce genre en France − un important : avant la mort de Mozart (1791), succès qui ne semble pas affecté par la la série paraît à nouveau chez un autre Révolution − et du succès grandissant de éditeur parisien — rappelons qu’il n’existe Mozart. Ces éditions culminent en quelque alors aucun droit d’auteur pour les œuvres sorte avec la parution, de 1805 à 1811, de musicales. trois collections de « musique de chambre » pour cordes de Mozart en parties séparées, Dès le lendemain de la mort du compositeur, publiées chez trois des plus grands éditeurs les éditions de sa « musique de chambre », de musique instrumentale de Paris (Pleyel, notamment pour cordes, se multiplient. On Sieber, Imbault). peut même avancer que c’est principale- ment à ces œuvres que Mozart doit une

9 Voit le jour enfin une quatrième collection, Ainsi, la musique de chambre de Mozart qui marque un changement capital dans joue un rôle essentiel dans la mutation qui la réception non seulement de l’œuvre de affecte à Paris vie musicale et réception Mozart, mais de la musique en général : à de la musique au tournant des xviiie et xixe partir de 1802, Pleyel publie, sous le nom siècles. Est-ce à dire que ces œuvres ont hautement symbolique de Bibliothèque quitté les pupitres des « exécutants » pour musicale, une collection de « partitions de les étagères des bibliothèques ? Que la poche », innovation qui restera unique en plume de l’analyste remplace désormais Europe pendant plusieurs dizaines d’années. le clavier ou l’archet ? Certainement pas ! Après quatorze volumes consacrés à Haydn, Mais, on l’a dit, n’étant pas publiques, les de 1802 à 1805, la Bibliothèque musicale se exécutions ne laissent guère de traces. poursuit de 1805 à 1808 avec cinq volumes C’est seulement en 1814 que le violoniste contenant des œuvres de Mozart : les Six Pierre Baillot donne les premières séances Quatuors dédiés à Haydn, puis quatre publiques de quatuors et quintettes à quintettes à cordes. Changement capital : cordes : les œuvres de Mozart y tiennent grâce à la partition, l’œuvre musicale n’est une des premières places. plus seulement éphémère, liée à l’exécution ; elle peut devenir objet d’étude, inscrit dans la durée. Les chefs‑d’œuvre de la musique instrumentale deviennent dignes de prendre place dans une bibliothèque, aux côtés des grandes créations littéraires et phi- losophiques. Et parmi ces chefs‑d’œuvre figurent symphonies et quatuors de Haydn, bien entendu, mais aussi les grandes œuvres de « musique de chambre » de Mozart, dont certaines servent déjà de modèles, soit aux compositeurs (H. Jadin, 1796), soit aux analystes (Momigny, 1806).

10

Joseph Haydn Entre influence et défis par Atsushi Sakaï

« Je vous assure que si l’on ne Les Six Quatuors dédiés à Haydn, écrits voyage pas (au moins les gens qui entre 1782 et 1785, sont le fruit d’un long s’occupent d’arts et de science), et laborieux effort, comme le dit Mozart on n’est vraiment qu’un pauvre lui-même. Ce sont des œuvres sans pré- être !… Un homme de médiocre cédent, par leur écriture ambitieuse, leur talent reste toujours médiocre, qu’il complexité contrapuntique et leur audace voyage ou non, mais un homme de harmonique. Dès leur publication par les talent supérieur (et je ne pourrais éditions Artaria à Vienne en septembre 1785, me contester ce talent à moi-même ces quatuors ont suscité de nombreuses et sans impiété), deviendra mauvais, s’il vives critiques, tout en devenant par ailleurs reste toujours dans le même lieu. » très rapidement un sujet d’analyse dans les (Lettre de Mozart à son père, traités théoriques. le 11 septembre 1778) Une des premières critiques est apparue Mozart n’est ni novateur comme Haydn, ni en avril 1787 dans le Magasin der Musik. révolutionnaire comme Beethoven. Mais il Cet écrit de Carl Friedrich Cramer pourrait aime le monde dans lequel il vit et sait en bien représenter l’avis général de l’époque : tirer la plus grande inspiration. Loin d’être un élitiste académique, il arrive à assimiler « C’est dommage qu’il vise trop haut dans le style des autres, à en absorber le meilleur ses compositions vraiment belles et artis- pour l’adapter à sa propre sensibilité. Il tiques afin de devenir un nouveau créateur, possède un cœur clément et compatissant où l’on doit avouer que le sentiment et le toujours ouvert à ses semblables. cœur en profitent peu. On pourrait bien

13 dire que ses nouveaux quatuors pour deux Mozart crée tout un menuet en utilisant violons, alto et basse, lesquels il a dédiés tous les moyens possibles du contrepoint. à Haydn, sont trop assaisonnés — et quel La superposition des sujets, l’imitation en palais peut en endurer si longtemps ? » strette, et le sujet en mouvement contraire sont si naturellement arrangés dans ce nou- La rencontre avec Haydn en 1781 a certai- veau style que nous sommes constamment nement été très stimulante pour Mozart et l’a emportés par cette musique aérienne. sans doute incité à se lancer dans ce projet de nouveau cycle pour quatuor à cordes. Pour évoquer son influence sur ces six Les quatuors opus 33 de Haydn, composés nouveaux quatuors de Mozart, on doit éga- la même année, se dirigent nettement vers lement revenir vers les quatuors antérieurs le style galant, le goût de l’époque. Haydn de Haydn, particulièrement ceux de l’opus annonce que ces quatuors « sont écrits 20. Ces quatuors composés en 1772 sont d’une manière nouvelle et particulière, remarquables par l’intensité et la profondeur car cela fait dix ans que je n’en ai plus de leur expression, infiniment variée et composé ». Cette nouvelle tentative du personnelle. De par leur travail thématique grand maître montre avec grâce que l’on et contrapuntique développé ainsi que peut composer en bon équilibre, entre le l’« aventure harmonique » qui nous entraîne chant continu, facilement compréhensible, toujours plus loin de la tonalité initiale, ces et le dialogue entre quatre musiciens qui œuvres sont parmi les premiers exemples conversent. Mozart voit la possibilité de d’un genre nouveau de quatuor à cordes, développer cet idéal en se réconciliant qui prévaudra dorénavant, dans lequel les définitivement avec le style sévère du compositeurs repoussent les limites de leur contrepoint dont il se sert librement dans langage musical. Et bien qu’il ne soit pas cette nouvelle esthétique. facile d’apercevoir immédiatement les rap- ports stylistiques entre les deux cycles, les Le Menuet du Quatuor en la majeur (K.464) six nouveaux quatuors de Mozart sonnent est peut-être l’un des exemples les plus presque comme un défi par lequel il entend fascinants de cette entreprise. En utilisant égaler ou même surpasser le prestigieux seulement deux brèves cellules musicales, cycle de son aîné.

14 Prenons par exemple le final du Quatuor en avec le troisième mouvement du premier sol majeur (K. 387). Bien que Haydn n’ait plus quatuor de l’opus 20 de Haydn, une page écrit de fugue pour cette formation après le musicale également emplie de sincérité. cycle de l’opus 20, Mozart ressentit le besoin d’en écrire à nouveau après l’expérience probablement amère que fut pour lui celle du cycle « viennois » composé neuf ans plus tôt. Mais cette fois-ci il invente une forme fuguée plus proche de sa propre sensibilité, en associant la fugue à la forme sonate. Ce nouveau style d’écriture échappe au pédantisme d’un contrepoint trop aca- démique, tout en permettant à Mozart de montrer l’étendue de son savoir-faire par une fugue à double sujet.

Mais le vrai défi pour le compositeur sera peut-être d’égaler la profondeur spirituelle et la liberté d’expression des mouvements lents de l’opus 20 de Haydn. Le deuxième mouvement du Quatuor en mi bémol (K. 428) constitue un exemple d’expérimentation dans l’aventure harmonique grâce à laquelle Mozart parvient à une intériorité et une émotion nouvelles. L’utilisation, entre autres, des dissonances, met l’auditeur dans la confidence des sentiments passionnés et de la ferveur amoureuse du compositeur. On ne peut manquer de faire le parallèle

15 Propos recueillis ainsi cheminer à travers un tel éventail de couleurs, de caractères, d’émotions et de par Alexandre Dratwicki sentiments !

À ce propos, vous avez choisi un ordre particu‑ Cher Quatuor Cambini-Paris, vous abor‑ lier dans l’enchaînement de ces six quatuors. dez aujourd’hui au disque le cycle le Pouvez-vous nous l’expliquer ? plus important des quatuors à cordes de Wolfgang Amadeus Mozart, son troisième Nous présentons effectivement ce cycle (composé entre 1782 et 1785) après ceux dans un ordre particulier, suite aux modifica- des « milanais » et des « viennois » et avant tions que Mozart lui‑même aurait apportées celui des « prussiens ». Pourriez-vous nous entre son manuscrit et la première édition dire, après avoir enregistré plusieurs albums supervisée par ses soins et publiée chez de musique française (H. Jadin, Cambini, Artaria à Vienne en 1785. David et Gouvy), ce qui a motivé votre choix ? Il apparaît en effet que sa volonté a bien été de permuter le Quatuor en mi bémol Ce projet nous tenait à cœur depuis long- majeur et le Quatuor en si bémol majeur temps car, tout simplement et très honnê- – contrairement aux dates de composition : tement, nous adorons ces quatuors ! Et les on retrouve des mentions manuscrites qui grands classiques viennois du xviiie siècle vont en ce sens dans la partition autographe font bien évidemment partie de notre conservée à la British Library. répertoire et sont au programme de nos Il nous a donc semblé très intéressant de concerts depuis toujours, il est vrai, aux les faire entendre ainsi. D’autant qu’après le côtés de quelques très belles découvertes Quatuor en ré mineur, très dense émotion- françaises que nous défendons ardemment nellement, une respiration est la bienvenue depuis la création de notre quatuor. avec le caractère assez festif du Quatuor D’autre part, nous avons eu la chance en si bémol majeur, plutôt que d’enchaîner – devenue rarissime de nos jours – de directement avec celui en mi bémol majeur, pouvoir enregistrer ce cycle dans son lequel est de nature beaucoup plus initia- intégralité, ces six magnifiques quatuors tique et mystérieuse. étant tout à fait indissociables à nos yeux car composés et présentés en tant que À partir des années 1770, apparaît en tels par Mozart. Quel bonheur de pouvoir France une « mode » dans la structure des

16 quatuors à cordes, qui prennent une nouvelle Vous jouez et enregistrez depuis 2007 sur des dénomination. Les quatuors « dialogués » instruments anciens, montés avec des cordes ou « concertants » vont ainsi fleurir avant de en boyau, et avec des archets d’époque. Est-ce laisser la place, à la toute fin du xviie siècle, aux un choix primordial pour vous ? quatuors « brillants », qui feront la part belle au premier violon. Nous ne faisons là que répondre à un besoin Pensez-vous que Mozart ait pu avoir connais‑ impérieux qui nous vient, chacun à notre sance de ces « nouveaux » quatuors ? manière, à la fois d’un ressenti profond et d’une recherche sonore. Nous aimons tous Au cours de ses deux voyages à Paris, les quatre passionnément la sonorité parti- Mozart a eu l’occasion de découvrir la culière de ces instruments. Et l’esthétique musique française, tant l’opéra que la dite « historiquement informée » nous tient musique symphonique ou la musique de à cœur, non par désir de faire table rase des chambre. Il a sans aucun doute dû entendre traditions des dernières décennies, mais par les quatuors dialogués de Cambini (plus celui, sincère, de faire partager notre lecture d’une centaine), de Rigel ou de Pleyel, et de ces partitions avec, nous l’espérons, la il a pu s’en inspirer quelques années plus fraîcheur d’une vision renouvelée qui se tard. Nous retrouvons dans le Quatuor en rapproche au plus près du matériau original. ré mineur (allegretto ma non troppo) et le Les cordes en boyau, qui caractérisent le Quatuor en la majeur (andante) le principe plus notre spécificité, sont d’origine animale. même de la « conversation en musique », Elles réagissent donc de manière sensible à chère à nos compositeurs français, à travers l’hygrométrie et aux variations de tempéra- les mouvements à variations. En effet, après ture, ce qui n’est pas toujours confortable, le thème du mouvement exposé au premier mais leur toucher est tellement plus souple violon, chaque protagoniste, à sa manière, et attachant, qu’il est ensuite difficile de donne son point de vue, son « opinion » sur revenir au jeu sur cordes en métal. Cela le thème. La palette sonore s’enrichit ainsi explique certainement en partie pourquoi considérablement et le second violon, l’alto ces dernières ne se sont généralisées que et le violoncelle prennent une autonomie dans les années 1940, avec des musiciens nouvelle que Mozart portera à son apogée qui étaient amenés à voyager plus vite avec les quatuors « prussiens ». d’une ville, voire d’un pays ou même d’un continent à l’autre.

17 Pour les archets, nous en jouons de diffé- de profiter pleinement de la richesse des rents modèles, selon la période de compo- boiseries et des ornements de ce lieu unique sition des œuvres que nous interprétons, et rarement accessible. l’évolution ayant été très rapide, surtout au tournant du xviiie siècle. Beaucoup de modèles se sont succédé entre l’archet Avez-vous déjà songé à votre prochain projet baroque et le modèle romantique actuel, discographique ? la longueur de la baguette s’allongeant progressivement, la mèche devenant de plus Oui ! Beaucoup d’envies personnelles et en plus large et la tête se raccourcissant. de désirs différents, que nous devons faire Les archets sont devenus ainsi de plus en converger… De Haydn à Ravel, en passant plus lourds afin de gagner en projection par Schubert, Beethoven et Mendelssohn, sonore et en égalité, mais ils ont en revanche les possibilités sont inépuisables… En « perdu » en timbre, en articulation et en attendant également de trouver la prochaine clarté d’émission. perle rare française !

Ces caractéristiques sonores vous ont‑elles déterminés à enregistrer ces quatuors dans un lieu particulier ?

Nous avons réalisé cette intégrale en deux parties. Dans un premier temps, nous avons enregistré les quatuors K. 428 et K. 458 au très majestueux Théâtre impérial de Compiègne, à l’acoustique merveilleuse. Puis nous avons eu l’honneur que nous soient ouvertes les portes de la somp- tueuse Galerie dorée, située à l’intérieur de la Banque de France, à Paris. Jouer dans cet écrin, lequel inspira à Mansart sa galerie des Glaces du château de Versailles, nous a permis de replacer les œuvres de Mozart dans un contexte plus intimiste et

18 Wolfgang Amadeus Mozart Clés d’écoute par Pierre-Éric Nimylowycz

Dédier à Haydn, son ami et père spirituel, Et Haydn demandera d’ailleurs à réentendre ce livre de six quatuors est, de la part du le cycle une seconde fois. Il est particuliè- jeune Mozart, un geste magnifique d’amitié, rement émouvant pour nous d’imaginer d’humilité, d’admiration et de désintéresse- Mozart tenant la partie d’alto, son père ment. Le cycle ne résulte en effet d’aucune Leopold au premier violon et les deux barons commande directe ; et de fait, Mozart le Tinti au second violon et au violoncelle. compose sans en rechercher de rétribution, Le père de la symphonie sera à son tour ce qui est rare à cette époque. influencé par la beauté de ces pièces, et, Si beaucoup de compositeurs ont dédié s’il ne retourna pas le geste directement, un cycle de quatuors à cordes à Haydn fera évoluer son écriture vers de nouveaux (H. Jadin, Wranitzky…), tant il est vrai que sommets avec l’opus 50 et les suivants, l’inventeur de ce genre musical l’a marqué participant ainsi à une émulation nourrie de d’une empreinte indélébile, seul Mozart respect et d’admiration mutuels. parvient à y faire preuve d’autant de génie. À tel point que le récipiendaire de l’œuvre Le Quatuor en sol majeur K. 387 ouvre déclarera au père de Wolfgang : le cycle sur une tonalité solaire, car extrê- mement bien sonnante sur instruments à « Je vous le dis devant Dieu, en cordes. Terminé le 31 décembre 1782, on honnête homme, votre fils est le y sent la joie des festivités de fin d’année. plus grand compositeur que je Mozart, familiarisé aux musiques des grands connaisse, en personne ou de nom, il maîtres Händel et J. S. Bach grâce au baron a du goût, et en outre la plus grande van Swieten entre 1782 et 1783, opère un science de la composition. » syncrétisme inédit avec le style galant. Grâce à un travail acharné, il s’approprie les formes contrapuntiques héritées de

20 ses prédécesseurs, lesquelles s’intègrent Menuetto maintenant de manière totalement fluide et Placé en deuxième position, le menuet est harmonieuse à son écriture. relativement développé. Il constitue même une forme sonate miniature, dont les mon- Allegro vivace assai tées chromatiques du premier thème, avec Le premier mouvement débute sur un thème leurs nuances dodelinantes, provoquent frais qui valut à ce quatuor son surnom : des tressautements assez surprenants, « Le Printemps ». Mais si la petite marche caractéristiques de ce mouvement. Mozart qui ouvre le second groupe thématique1 s’ingénie à faire passer cet effet à toutes confère à l’exposition un caractère fonda- les voix bien sûr, mais aussi à l’inverser au mentalement optimiste, le drame point assez violoncelle. Basé sur de brèves questions/ rapidement dans le développement. Les réponses en forme de politesses échangées rythmes syncopés haletants, les violentes à l’impromptu, le deuxième thème est plus différences de dynamiques, les accents simple. Le petit arpège du début du mou- abrupts sur les contretemps contribuent vement apporte quelque inquiétude dans à créer un climat agité, avant que ce bref le micro-développement, mais le véritable orage de printemps ne se calme en revenant contraste est dans le trio en sol mineur, vers la réexposition quasi identique. Cette avec ses octaves très définitives et ses dernière est d’ailleurs magnifiquement rame- progressions harmoniques mystérieuses. née par une pédale de dominante perchée Cette frayeur enfantine est vite oubliée au dans l’aigu des instruments, sur laquelle retour du menuet. N’est-ce pas là l’une des viennent s’égrener de jolis accords de sixte manifestations les plus remarquables du descendants, tous retardés et calando, génie mozartien que de nous rappeler la c’est-à-dire justement « en se calmant ». démesure des sentiments qu’enfant nous

1 Pour clarifier un point essentiel du langage grammatical mozartien, il faut préciser que depuis son plus jeune âge, l’amour du théâtre, des marionnettes, du travestissement, du déguisement, de l’opéra, des cartes, du billard, des jeux de mots souvent potaches font de Mozart un adepte du multi-thématisme. Contrairement à nombre de compositeurs de son temps, il ne se suffit en effet que très rarement d’une exposition bi-thématique dans les formes sonates. On parle plus volontiers de « groupe thématique », tellement ses idées mélodiques sont nombreuses.

21 22 éprouvons, passant en un éclair du rire le Un deuxième thème/sujet en contretemps plus sincère aux larmes les plus amères ? quasi jazzy est rapidement mêlé au premier, alors qu’un véritable troisième thème de Andante cantabile divertissement, désinvolte, fait penser au Le ton élégiaque et solaire du mouvement récent Enlèvement au sérail. lent en ut majeur fait de cet Andante can- Mozart n’est pas ici dans un tour de force tabile une pièce particulièrement irradiante. théorique, mais bien dans un final enjoué Plusieurs thèmes très chantants et généreux qui contient, dans son épilogue, après se succèdent, avant d’être répétés une une strette au contrepoint très serré, une seconde fois de manière plus ou moins fausse conclusion qui n’est pas sans rap- modifiée. Cette forme est de ce fait très libre. peler l’humour du compositeur du palais Les ornementations du premier violon sont Esterházy. à plus d’un titre remarquables, et donnent vie à l’un des moments les plus magiques Le Quatuor en ré mineur K. 421 est le du cycle lorsqu’une marche d’harmonie seul que Mozart a écrit dans une tonalité vient comme une magnifique étoffe parer le mineure durant sa période de maturité. Il délicat ruban ornemental du premier violon le compose pendant la première grossesse s’envolant dans l’aigu. de sa femme Constanze et le termine pro- bablement en juin 1783. Remarquons que, Molto allegro confronté aux événements marquants de sa Le mouvement final, une exaltante double vie d’homme, Mozart écrit alors dans une fugue de forme sonate, évoque déjà le tonalité grave voire profonde : la Sonate dernier mouvement de la symphonie Jupiter, pour piano et violon en mi mineur K. 304 mais se place surtout sous l’influence de et la Sonate pour piano en la mineur K. 310 Haydn, qui avait conclu deux de ses qua- à la mort de sa mère, le Quintette à cordes tuors de l’opus 20 par une fugue. Le premier en sol mineur K. 516 à celle de son père, thème/sujet du mouvement, un cantus la Grande Messe en ut mineur K. 427 pour firmus de quatre notes, est très rapidement son mariage avec Constanze… suivi par plusieurs divertissements distincts.

23 Allegro Moderato Andante La première phrase place d’emblée ce Ce mouvement en fa majeur évoque un mouvement dans une introspection mélan- balancement de berceuse. Il est construit colique, avec ses grands intervalles et ses assez singulièrement, avec une forme faisant inflexions douloureuses. On pense ici au penser à celle d’un menuet. L’atmosphère Quatuor en fa mineur de l’opus 20 de Haydn. calme et sereine des accords homoryth- Mais des cris déchirants ne tardent pas à miques et des petits arpèges en entrées se faire entendre dès la deuxième carrure. canoniques est à peine contrariée par de L’ensemble du premier groupe thématique petits nuages d’inquiétude. balance entre affliction et colère, avec des La deuxième partie oscille entre des accords différences de nuances extrêmes dans un abrupts d’effroi et une douce cantilène esprit Sturm und Drang. Le deuxième thème consolatrice du premier violon. Notons le en fa majeur, très cantabile, fait naître un parcours tonal « copieux » (fa mineur, do espoir en complet contraste avec ce qui mineur, la bémol majeur, fa mineur) dans un précède. Le premier violon s’y déploie, temps si restreint. Une coda doucereuse, comme les gracieux vols d’anges figurant après la réexposition, termine d’assoupir sur les peintures des plafonds du château l’enfant que Mozart devine dans le ventre de Schönbrunn. Le développement fait de sa bien-aimée. entendre bientôt des dissonances aux violons semblant venir de Pergolèse, alors Menuetto Allegretto que Schubert à son tour se souviendra de L’atmosphère sombre du menuet se nourrit ce passage dans son quatuor La Jeune Fille d’un contrepoint assez serré et d’une mise et la Mort. Le thème réconfortant avec ses en opposition régulière de deux paires triolets de doubles croches de l’exposition (premier violon et violoncelle « contre » vient cette fois, dans la reprise, nous ôter second violon et alto, ou premier violon et toute espérance, avant que la coda ne laisse alto « contre » second violon et violoncelle). place à un dénouement tragique. Le contraste est saisissant avec la « valse » du trio – rappelons que le menuet est l’ancêtre véritable de cette danse typique- ment viennoise du xixe siècle. Les pizzicati

24 des parties accompagnantes ponctuent différemment syncopés de chaque partie une mélodie constituée d’arpèges et de ne laissent aucune mélodie ressortir de sauts dans des tessitures extrêmes sur un ce « tic-toc-choc » musical, si ce n’est la rythme se dérobant sans cesse. L’alto se plainte du premier violon ponctuant une joint au premier violon dans la deuxième carrure sur deux. La partie de second violon section, créant une couleur plus gaillarde. est à cet endroit particulièrement virtuose. Mais le menuetto da capo nous désillusionne La troisième variation est un dialogue bientôt après la grâce presque futile de ce entre l’alto plaintif et les deux violons lui moment de répit. répondant ensemble à l’octave. La variation suivante en ré majeur est celle qui console Allegro ma non troppo — Più allegro enfin grâce aux octaves consensuelles des C’est l’un des deux mouvements en forme violons et aux mélismes du violoncelle dans de thème et variations du cycle. Le thème son registre aigu. de sicilienne rappelle tour à tour une danse La coda reprend le thème più allegro (« plus de la Renaissance tardive ou encore un rapidement »), et les notes répétées mènent air de Händel – le compositeur préféré à une pédale de tonique qui rappelle de Mozart. On peut cependant en trouver l’influence de la musique de J. S. Bach, une ascendance plus certaine dans le faisant sonner le quatuor à cordes comme final du Quatuor en sol majeur de l’opus un orgue à quatre archets. 33 de Haydn, même si la mélodie passe ici successivement d’un violon à l’autre. Le Quatuor en si bémol majeur K. 458 La première variation est celle des volutes fut, à en croire l’étude des manuscrits auto- ornementales du premier violon, avec ses graphes effectuée par Tyson2, commencé arpèges, chromatismes et appoggiatures à la même période que ceux en ré mineur magnifiquement chantants. La très nova- et mi bémol majeur, mais seuls les 106 trice deuxième variation est une expé- premières mesures du premier mouvement rience acoustique que Beethoven n’aurait ainsi que son menuet-trio furent achevés certainement pas reniée : les rythmes en 1783. Mozart ne terminera ce quatuor

2 Allan Tyson, Mozart : Studies of the Autograph Scores, Boston, Harvard University Press, 1987.

25 qu’un an plus tard. Même s’il est difficile de définit cependant assez bien le caractère spéculer sur les raisons d’une telle pause du premier mouvement, où jeux d’échos dans l’écriture, les événements de la vie du et de relais se succèdent. Le deuxième compositeur peuvent contribuer à l’éclairer. thème, moins extraverti mais tout aussi En août 1782, Wolfgang épousait Constanze badin, semble curieusement découler d’un à Vienne, sans que son père Leopold ni motif secondaire exposé précédemment. sa sœur Nannerl ne soient favorables à Sa présentation, tout d’abord par le second cette union. Un voyage à Salzbourg pour violon puis le premier, rappelle le Quatuor présenter la mariée (et mère d’un premier en sol majeur. Un troisième thème, pastoral fils !) s’imposait. Laissant à la fin du mois voire champêtre, débute le développement de juillet 1783 le petit Raimund Leopold avant qu’un nouveau motif ne parvienne à à Vienne, ses parents n’allaient jamais le assombrir, très brièvement, l’atmosphère. revoir, l’enfant décédant le 19 août à l’âge Ce dernier, très court, fut donc certainement de deux mois. Mozart se consacre alors à composé un an plus tard par Mozart, et la composition de la Grande Messe en ut réapparaît à la toute fin de la très large et mineur K. 427, pour laquelle il écrit deux généreuse coda. mouvements supplémentaires spécialement pour une exécution salzbourgeoise. Il com- Menuetto: Moderato pose également les deux duos K. 423 et Très cantabile, ce menuet est d’une allure K. 424 pour tirer le frère de Haydn, Michael, assez noble, avec de longues lignes très de l’embarras, et il s’attelle enfin à termi- vocales, que viennent surprendre quelques ner un cycle de trois sonates pour piano inflexions typiquement viennoises sur le K. 330 à K. 332 – Tyson en date en effet troisième temps. Plus joueur avec ses les manuscrits de cette période. quelques rythmes pointés dans le thème, le trio apporte une fraîcheur bienvenue, Allegro — Vivace assai grâce notamment aux notes sautillées au Même si l’écriture est ici indéniablement second violon et à l’alto. raffinée, c’est la « sonnerie » de cor entendue dès le début qui inspirera le surnom de ce quatuor : « La Chasse ». Il

26 Adagio Haydn – en particulier le final du quatuor Le seul mouvement adagio de tout le cycle de la même tonalité de l’opus 33. Les (avec l’introduction dite des dissonances du lignes jaillissent, les voix surgissent dans dernier quatuor) est le véritable point culmi- les croches répétées du premier thème, nant de ce quatuor, présentant tour à tour dans les petits galops du violon dans le trois magnifiques thèmes, auxquels s’ajoute deuxième, dans la construction étonnante un quatrième dans la coda. L’ensemble par quartes successives du troisième… est présenté deux fois, tout comme dans Le premier thème se trouve, dans l’assez l’Andante cantabile du premier quatuor du large développement, travaillé en strette, cycle. La grande force de Mozart, son génie avec des valeurs en augmentation, dans un même, est bien sûr de faire en sorte que stile antico créant un climat plus tendu. La jamais ce kaléidoscope de musiques ne réexposition (à l’identique) fait disparaître paraisse décousu, mais surtout que ces dif- comme par magie la tension contenue férents univers, philosophique, mélancolique dans le développement pour amener une ou spirituel, se mettent à former une délicate codetta toute de contraste et d’humour mosaïque dont la vue d’ensemble nous faisant penser à Haydn. en fait apprécier l’humanisme. Le climax – revenant par deux fois pour notre plus grand Le Quatuor en mi bémol majeur K. 428 bonheur – est très certainement le thème est très probablement terminé à l’été 1783, chanté par le violon puis le violoncelle sur soit peu de temps après la naissance de l’accompagnement de doubles croches en Raimund Leopold, le premier enfant de un lent chromatisme descendant, qui, telle Constanze et Wolfgang. Certainement le une pulsation immuable, laisse s’échapper plus énigmatique des six, il fut composé le tréfonds de l’âme mozartienne. en troisième dans la genèse de ce cycle, mais aurait été placé par Mozart lui-même Allegro assai en quatrième position dans la première La vivacité toujours renouvelée et la édition publiée chez Artaria, à Vienne, profusion d’idées mélodiques du final en 1785. Suivant l’étude de Tyson, des nous font oublier qu’il s’agit d’une forme mentions manuscrites vont dans ce sens sonate, si chère à Mozart, rappelant encore dans la partition autographe qui a été

27 conservée à la British Library. Même si, de vient qu’elle n’expose clairement sa tonalité l’aveu même de Mozart, la composition de qu’à sa cadence conclusive. ce cycle lui coûta beaucoup d’efforts, il est Des syncopes nerveuses et des dynamiques assez probable qu’une fois satisfait d’une accentuées contrarient dans le développe- idée musicale de départ, il écrivait alors ment des arpèges en triolets, non entendus rapidement, quitte à corriger par la suite, dans l’exposition. Une fois passés à tous parfois bien plus tard. les pupitres, ceux-ci nous feront revenir à la sérénité de la réexposition, presque Allegro ma non troppo identique. Le mystère de ces octaves sur un thème chromatique contenant un triton mélodique Andante con moto place d’emblée ce premier mouvement Le mouvement lent en la bémol majeur dans une atmosphère quasi initiatique, est l’une des pièces les plus mystérieuses que tend à nous confirmer la tonalité aux du cycle, reflétant les hésitations de trois bémols. Ce sera plus tard celle de Mozart à rejoindre la loge maçonnique l’ouverture de La Flûte enchantée. Notons Zur Wohlthätigkeit (À la bienfaisance) du par ailleurs que sur les dix notes qu’il baron von Gemmingen. Il est probable comporte, ce thème en fait entendre neuf que le mouvement lent du Quatuor de différentes (mi bémol, mi bécarre, fa, sol, la l’opus 20 de Haydn dans la même tonalité bémol, la bécarre, si bémol, si bécarre, do) : ait été également une source d’inspiration le sentiment d’attente ainsi créé nous fait directe. Forme sonate si particulière qu’il « désirer » l’exposition réelle de ce premier est difficile d’en caractériser les différents thème, qui arrive enfin, majestueux, paré thèmes, chaque élément semble ici décou- de son auréole harmonique. Le mouvement ler du précédent. Le violoncelle, par son est lancé. Le premier groupe thématique ostinato d’arpèges et de chromatismes comporte là encore un foisonnement d’idées tortueux, paraît presque hypnotiser les mélodiques – au moins quatre distinctes – parties aiguës, avant qu’elles n’entrent dont le contrepoint ciselé tranche avec la une seconde fois en imitation, quelques relative simplicité du deuxième thème. Ce mesures plus tard, tels d’étranges objets dernier est une petite marche dont la saveur célestes. Le deuxième groupe thématique

28 semble n’être qu’un moment d’attente au initial font penser aux rondos alla zingarese retour du premier thème. dont Haydn est coutumier, et le public Le développement, avec des audaces viennois friand. Un second thème plus harmoniques proprement inouïes, fait vocal (avec son gruppetto écrit) apporte circuler le premier thème aux différentes un caractère plus aérien mais toujours parties jusqu’à des horizons insoupçonnés. aussi animé. Après quelques sursauts humoristiques de Menuetto: Allegretto notes issues du premier thème – ce qui fait Après ces mouvements au caractère profond immanquablement penser à Beethoven –, et sérieux, Mozart place le menuet suivant l’ensemble de ces éléments est réexposé. sur un registre diamétralement opposé. Mais ce qui permet in fine d’appeler cette C’est une musique de fête, de réjouissance, pièce rondo-sonate est la reprise du premier d’exultation. Simple mais pas simpliste, il thème une dernière fois, avec, en petite réserve quelques délices : les hoquets et récompense avant les quelques accords caquètements du premier violon, de petites conclusifs, un magnifique chant d’alouette imitations de théâtre miniature, une sonnerie au premier violon. Surprenant Mozart ! de chasse lointaine, une musette comme un souvenir de fêtes populaires… Seule la Terminé le 10 janvier 1785, cinq jours à peine mélodie quelque peu mélancolique du trio avant qu’Haydn n’entende une première fois parvient à assombrir l’humeur définitivement le cycle complet, le Quatuor en la majeur festive de la pièce. K. 464 est, d’après Robbins Landon3, celui qui posa le plus de difficultés à Mozart. On Allegro vivace relève des changements de structures dans Le caractère effréné du rondo-sonate la série de variations de l’Andante et des conclusif semble faire définitivement oublier modifications dans le menuet (mesures 9 les altitudes atteintes dans les deux premiers à 17). Un rondo à 6/8, de 170 mesures tout mouvements. Les silences haletants et les de même, en la majeur, K Anh. 72 (464a), doubles croches virtuoses dans le thème peut être considéré comme un essai de

3 H. C. Robbins Landon, Dictionnaire Mozart, Paris, Fayard, 2006.

29 final rejeté par le compositeur. Ce quatuor menuet tel le premier thème, mi majeur est aussi, certainement, le plus difficile à pour le trio tel le deuxième. Le menuet est exécuter pour les interprètes. axé sur l’énoncé et le mélange de deux formules, la première en un élan de quatre Allegro notes, annoncée dès le départ, la seconde Avec un caractère de menuet noble, ce avec quelques notes répétées appelant mouvement se rapproche de l’écriture de sa résolution sur un rythme pointé. Le Haydn par sa fraîcheur d’inspiration et le trio, légèrement plus chanté au violon, fait traitement assez fouillé de ses thèmes. De éclore dans sa deuxième partie de jolies même, le fait que les tonalités relativement guirlandes de triolets. éloignées d’ut majeur et ensuite de mi mineur soient atteintes très rapidement dans Andante l’exposition prouve encore une fois la mue Véritable pierre angulaire du quatuor, ce réalisée par Mozart en quelques années. Les mouvement se réfère, selon Robbins entrées en imitation nombreuses, dans les Landon, au rituel d’initiation de la loge ma- deux thèmes principaux, trouvent un écho çonnique dans laquelle Mozart vient d’entrer. émouvant de cette capacité nouvelle dans C’est une série de six variations sur un thème l’exposition comme dans le développement, en ré majeur, dont l’accompagnement assez assez étendu. Les marches harmoniques horizontal et contrapuntique ne gâche pas la de la fin de ce dernier sont particulièrement fluidité. La première variation est de manière réussies. classique un ruban ornemental du violon sur le canevas thématique et harmonique. Menuetto La deuxième est plus complexe et riche Si Mozart place le menuet en deuxième rythmiquement, les divers motifs venant se position c’est surtout parce que la série de concaténer aux triples croches en bariolage variations de l’Andante appelle un relâche- du second violon. La troisième laisse l’alto ment immédiat avec le final. Le menuet se prendre une place plus expressive tandis trouve donc comme sous l’aile protectrice que la quatrième, en mode mineur, est du mouvement précédent, partageant particulièrement déchirante. La cinquième métrique et tonalités – la majeur pour le fait apparaître des imitations savantes, dans

30 les reprises, ainsi que Mozart le fera dans développement une fraîcheur bienvenue, la totalité de son Andante du Divertimento contrastant avec les turpitudes habituelles en trio K. 563, ce qui densifie le discours dans les développements mozartiens. La musical. La marche qui sert de sixième conclusion n’est pas non plus sans rappeler variation voit une figure de notes répétées l’humour du final du Quatuor opus 33 en au violoncelle supporter le thème devenu mi bémol majeur, « The Joke », de Haydn, véritable choral, puis passer à tous les mélange tellement brillant entre sérieux et pupitres, avant d’arriver au premier violon légèreté, complexité et facilité. sur la pédale de dominante menant au sommet dramatique du mouvement. Le Le Quatuor en ut majeur K. 465 est claire- retour au thème préfigure les codas d’un ment le plus optimiste et le plus ouvert des certain Beethoven – qui jouera d’ailleurs six, même si l’introduction mystérieuse en devant Mozart en 1787 –, dans la façon de a longtemps brouillé le message véritable, rappeler les cinquième et sixième variations. généreux et profondément humain.

Allegro non troppo Adagio - Allegro Ce final fait penser immanquablement, par L’introduction lente est une exception à plus sa complexité, à celui du quatuor dans la d’un titre. Elle donne son nom au quatuor, même tonalité de Haydn dans son opus « Les Dissonnances », tellement ses âpretés 20 (Fuga a tre soggetti). Et même s’il ne harmoniques ont marqué voire choqué s’agit pas d’une fugue à proprement parler, nombre d’auditeurs de son temps. D’autre cette forme sonate, dont les deux thèmes part on ne trouve jusqu’alors aucun quatuor principaux ne font en réalité qu’un – c’est à cordes ayant une introduction lente, ce le seul exemple de ce type chez Mozart à qui est plutôt réservé à la symphonie, à un notre connaissance –, brille par sa spon- « Adagio et fugue », à une fantaisie ou une tanéité et sa joie intense. Ce thème en pièce de style plus libre. Cet Adagio d’une chromatismes descendants est exposé grande profondeur nous livre les inquiétudes de deux façons : de manière fuguée et de Mozart à un tournant spirituel de sa vie : sur une pédale de tonique en croches. Un il est apprenti dans la loge maçonnique thème choral, nouveau, apporte dans le Zur Wohlthätigkeit depuis un mois lorsqu’il

31 termine la composition, le 14 janvier 1785, élégiaque d’une grande douceur chanté par du dernier quatuor de ce cycle. le violon contraste avec un second rappe- Grands habitués que nous sommes mainte- lant quelque peu l’introduction du premier nant de la prolixité thématique mozartienne, mouvement par ses entrées canoniques nous trouvons aussi dans la forme sonate mystérieuses. Il n’y a ni barre de reprise de l’Allegro une unité assez nouvelle grâce ni développement, mais Mozart s’ingénie au retour cyclique de la première cellule à nous faire réentendre ses deux thèmes thématique. Mozart s’amuse, avec une grâce augmentés, développés, comme agrandis, et une maîtrise supérieures, à faire entendre jusqu’à une marche harmonique libératrice. cette petite mélodie de six notes – telle une Une coda viendra, grâce aux notes répé- vaguelette – simplement accompagnée par tées bienveillantes de l’alto, apaiser nos des notes répétées, mais que l’on trouvera inquiétudes. bientôt en canon, en imitation, en miroir… Le deuxième grand thème, quelque peu Menuetto: Allegretto tournoyant, apporte l’insouciance qui sied Ce menuet distille une atmosphère enjouée à la capitale de l’empire. Le développement et quasi scherzando. Si Haydn appelle dans quant à lui se nourrit de l’idée thématique son opus 33 plusieurs de ses menuets première et, par deux fois, la fera s’échouer « scherzo », tandis que Mozart ne le fait sur des arpèges brisés dans des tonalités pas lui-même, le caractère n’en est pas aux courants plus tumultueux. La coda, moins celui-là, dans l’appel en montée assez développée, hésite à terminer de chromatique du début comme dans les manière concertante avant de se résoudre quelques accords ou octaves homoryth- à apaiser doucement les tensions amenées miques suivants. dans l’introduction. C’est cependant le trio en ut mineur qui est le Andante cantabile cœur expressif de cette pièce. D’une humeur Cet Andante cantabile en fa majeur montre plus anxieuse avec ses soupirs et ses grands une nouvelle fois l’incroyable liberté formelle intervalles, c’est une complainte du violon de Mozart, spécifiquement dans ce type auquel répond bientôt le violoncelle tandis de mouvements lents. Un premier thème

32 que les deux pupitres centraux menacent de leurs notes répétées oppressantes.

Allegro molto Le Quatuor de Haydn en ut majeur de l’opus 33 évoqué plus haut fournit aussi à Mozart l’inspiration pour le caractère du final à la hongroise concluant ce cycle. Mais la multitude de thèmes donne là encore à ce mouvement de forme sonate un côté « jeu d’enfant », course effrénée qui trouvera son point culminant et jubilatoire dans la coda, après les quelques frayeurs (jusqu’en ut dièse mineur) du développement, sans que l’humour, la surprise et l’entrain ne tombent dans le prosaïsme.

33

Quatuor Cambini-Paris

Passion, s’il est un mot qui réunit ces vals les plus renommés d’Europe : le Festival quatre jeunes musiciens, c’est bien celui- d’Aix-en-Provence, le Palazzetto Bru Zane là. Passion des instruments d’époque tout à Venise, le Concertgebouw de Bruges, le d’abord, partagée au sein des meilleures for- Palais de Marbre de Saint‑Pétersbourg, mations : l’Orchestre des Champs-Élysées, l’Opéra Comique, l’Auditorium du Louvre Les Talens Lyriques, Le Concert d’Astrée et la Maison de Radio‑France à Paris, le ou le Cercle de l’Harmonie. Passion de la Festival de Pâques de Deauville, le Festival recherche ensuite, celle de magnifiques de Sablé‑sur‑Sarthe ou le Festival d’Entre- partitions méconnues qu’ils défendent avec casteaux. En 2013, il a également fait ses fougue. Passion du quatuor enfin, cadre débuts au Canada à la Salle Bourgie du idéal à l’expression de leur entente musicale. Musée des Beaux-Arts de Montréal et au Centre des Arts Shenkman d’Ottawa. Le choix de Giuseppe Maria Cambini (1746- 1825), violoniste et compositeur prolifique à En 2010, leur disque dédié à Hyacinthe Jadin la vie romanesque, témoigne de l’envie du pour le label Timpani reçoit un Diapason quatuor d’explorer les évolutions stylistiques d’or découverte et en janvier 2012, leur des époques classiques et romantiques. enregistrement en première mondiale de trois quatuors de Félicien David, chez Fondée en 2007, la formation est très vite Ambroisie‑Naïve, est unanimement salué appréciée tant pour son interprétation des par la critique. œuvres reconnues de Haydn, Mozart, Beethoven ou Mendelssohn que pour sa Le Quatuor Cambini‑Paris est en résidence redécouverte de compositeurs français à la Fondation Singer‑Polignac à Paris et injustement oubliés tels Jadin, David ou reçoit le soutien de la fondation Swiss Life. Gouvy.

En quelques saisons, le Quatuor Cambini‑Paris s’est déjà produit dans les salles et les festi-

35 Paris’s discovery of Mozart’s String Quartets by Jean Gribenski

“Chamber music”: at the end of the 18th and start of the 19th century, the definition of this term was not what it is today. In our time, we understand it to mean instrumental music written for a small group of soloists with or without piano, but not including solo piano. This interpretation, which is based on the number of players, seems not to have become current until the second half of the 19th century. Before that, the word “chamber” kept its original meaning so that chamber music was the literal English translation of musica da camera, which appeared in Italy in the middle of the 16th century to describe any music, vocal or instrumental, not performed in church.

In the story of chamber music, publication plays an important role: it puts the music in the hands of players (who are not yet called “interpreters”) playing for themselves and not in public and who have therefore left almost no trace of their performances in

36 the press (unlike symphonies and operas). As for Mozart’s chamber music without Only publication allows us to appreciate piano, appreciation was mostly posthumous the distribution of the chamber repertoire. with the exception of the Six Quartets dedicated to Haydn. These were published In Mozart’s lifetime, works by him published in Paris from 1785, just a few months after in Paris, then the chief European centre their initial publication in Vienna, which in of music publishing, are primarily piano turn was only shortly after composition. works, both solo and in combination with They seem to have enjoyed great success other instruments: the majority of the violin from the start. Even before Mozart’s death, sonatas, the seven piano trios, the trio the series was re‑issued in Paris by another for piano, clarinet and viola (K498), the publisher (musical works were not bound two piano quartets (K478 and K493). The by publishing rights). success of this music continued and grew after Mozart’s death in 1791, culminating Almost from the day after Mozart’s death and in the publication between 1800 and 1808 for the next fifteen years or so, collections of an important series from a leading multiply of his chamber music, especially publisher, Pleyel: the Collection complette for strings. One might even suggest that it [sic] des œuvres de piano par W.A.Mozart is principally from these works that Mozart (the Complete Edition of Mozart’s Piano owes his increasing and unstinting fame as Works) in thirteen volumes, which in France a composer: orchestral works (symphonies enjoyed very wide distribution. This provides and concertos) are still hardly known, even one example among others of a general less the operas. (His religious music appears trend in Europe towards two significant in Paris only from 1804.) Thus, the ten “great” changes in musical taste: interest in music string quartets (the Six Haydn Quartets, the of the past – even when, as in the case of Hoffmeister Quartet and the Three Prussian Mozart, this past was not very old, – and Quartets) are known in several editions; the establishment of a pantheon of a few the quartets’ from his youth’ are no longer great composers, Mozart among them. ignored: the six Viennese (K168-173), as well as two of the six Milanese (K157, 160/159a) are published in Paris before 1804. Besides

37 this, Parisian editors publish a large number The most important pieces of instrumental of transcriptions for string quartet, witness music become worthy of their place in the to the considerable success of this genre in library, beside the great works of literature France – a success apparently unaffected by and philosophy. And chief among these the French Revolution – and of the growing works are the quartets of Haydn naturally, fame of Mozart. These publications come to but also the chamber music by Mozart, an end with the appearance between 1805 which has already become a model both and 1811 of three collections of chamber for composers (H. Jadin 1796) and analysts music for strings by Mozart in separate (Momigny 1806). instrumental parts, published by the three largest publishers of instrumental music in Thus, Mozart’s chamber music plays an Paris (Pleyel, Sieber and Imbault). essential role in the changes affecting the musical life of Paris and the reception of Finally a fourth collection appears, which music at the end of the 18th and beginning of marks a decisive change in the reception not the 19th century. Does this mean that these only of the works of Mozart but of music in works have left the players’ music stands general: from 1802, Pleyel publishes under for the shelves of the library? Or that the the highly symbolic name of Bibliothèque analyst’s pen has henceforth replaced the musicale, a collection of “pocket scores”, keyboard or the bow? Of course not! But, an innovation which will remain unique to as already described, not being public, there Pleyel for several decades. In this form, is practically no trace of any performances. he published fourteen volumes of works It is only in 1814 that the violinist Pierre by Haydn from 1802 to 1805, and then, Baillot organises the first public concerts from 1805 to 1808, five volumes of Mozart: of string quartets and string quintets, with the Six Quartets dedicated to Haydn, and the works of Mozart at the top of the list. four string quintets. This is a significant change: thanks to these scores, the musi- cal work is no longer merely ephemeral, bound only to performance; it can also be an object of study, written down for ever.

38 Influences from Haydn by Atsushi Sakaï

“I assure you that if a person doesn’t The Six Quartets dedicated to Haydn, travel (this especially applies to people written between 1782 and 1785, are, in involved in the arts and sciences), they Mozart’s own words; “the fruits of a long will only ever be poor!… Someone and laborious effort.” These works are of mediocre talent will always remain unprecedented in their ambitious writing, mediocre, whether they travel or not, contrapuntal complexity and harmonic but a talented person (and it would audacity. Almost as soon as they were be wrong to say that’s not me) will published by Artaria in Vienna in September atrophy if he remains in one place.” 1785, they were the subject both of much lively criticism, and many essays on music (A letter from Mozart to his theory. In April 1787, one of the first reviews Father, 11th September 1778) appeared in Magasin der Musik. This article by Carl Frederich Cramer could easily repre- sent the general opinion at the time: “It’s a Mozart is neither innovative like Haydn, nor pity that in trying to become a new creator, revolutionary like Beethoven. However he he aims too high in making undoubtedly loves the world in which he lives and knows beautiful, artistic compositions. As a result, how to draw the greatest inspiration from the mood and heart of the works suffer. It it. Far from being an elitist academic, he could be said that the Six Quartets dedicated adopts the styles of others, absorbs the to Haydn, written for two , viola and best and adapts it to suit his own approach. cello, are too spicy. What palate can bear He has a warm and compassionate heart them for any length of time?” that is always open to his peers.

39 Mozart’s meeting with Haydn in 1781 was To identify the influence of Haydn on these certainly stimulating and no doubt encou- six new quartets by Mozart, we should look raged him to embark on his own project at Haydn’s earlier quartets, particularly for a new cycle of string quartets. Haydn’s those of Opus 20. These hugely varied Opus 33 quartets, composed in the same and personal works, composed in 1772, year, are written in a galant style, in vogue are remarkable for their intensity and at that time. Haydn announced that the profundity of expression. The “harmonic quartets “are written in a new and particular adventure” developed by their thematic and way, as it is ten years since I last composed contrapuntal structure, lures us further and one.” These latest compositions by the further away from their initial tonality. These master gracefully show how to balance works are among the first examples of a continuous, flowing and comprehensive new string quartet genre, one that would melody with a dialogue spoken between prevail from this point on as composers four musicians. Mozart understands how repudiate the limits attached to their musical to develop this idea by merging it with the language. Although the stylistic similarities severe contrapuntal style that he uses freely between the two cycles are not immediately in his new aesthetic. apparent, Mozart’s six new quartets ring out almost as a challenge designed to equal or The minuet in the String Quartet in A major even surpass the prestigious work of his (K646) is perhaps one of the most fascinating senior, Haydn. examples of this idea. By using only two short musical phrases, Mozart creates a Take, for example, the finale of the Quartet whole minuet by using every possible form in G major (K387). Although Haydn had no of counterpoint; the layering of subjects, longer written fugues since Opus 20, Mozart stretto imitation and the theme in contrary felt the need to write one again after the motion, are arranged so naturally in this new probably bitter experience of composing style that we are constantly carried away them in his “Viennese” cycle nine years by the music’s ethereal quality. earlier. This time however, he perfects a fugal form better suited to his own style by combining it with sonata form. This

40 new writing style avoided the pedantry of overly academic counterpoint, while allowing Mozart to exhibit his expertise in a double fugue.

But the true challenge for Mozart will be to emulate perhaps the spiritual profundity and freedom of expression found in the slow movements of Haydn’s Opus 20. The second movement of the Quartet in E flat (K428) is an example of experimental, adventurous harmony, which enables Mozart to achieve introspection and new emotion. The use of dissonance, among other things, enables the listener to communicate with the passionate feelings and loving fervour of the composer. One cannot help but draw parallels with the third movement of the first quartet of Haydn’s Opus 20, a musical episode brimming with sincerity.

41 Interview by Alexandre Dratwicki

Members of the Cambini‑Paris Quartet, display of colours, character, emotions you are tackling today on disc the most and sentiments! important cycle of string quartets by On this subject, you have chosen a Wolfgang Amadeus Mozart, his third particular order in which to link these (composed between 1782 and 1785) six quartets. Could you explain? after the Milanese and Viennese and before the Prussian. Could you tell us, Effectively we are presenting this cycle in the after having recorded several albums of order which Mozart himself approved for the French music (Jadin, Cambini, David and first edition published under his guidance Gouvy) what has motivated this choice? by Artaria in Vienna in 1785. It appears, he wanted to switch round the We have had this project in our hearts for Quartets in E flat major and Quartet in B a long time, because, quite simply and flat major so that they are not chronolo- sincerely, we adore these quartets! The gical. There are hand‑written notes to this great Viennese classics of the 18th century effect in the autograph score kept in the are obviously part of our repertoire and have British Library. been in our concert programmes since We thought this would be a more interesting the beginning, alongside the wonderful way to perform them, because, after the discoveries of French quartets which we Quartet in D minor, which is very emotionally have ardently championed since we formed. dense, a respite is welcome in the festive On the other hand, we have had the chance character of the Quartet in B flat major. The – something extremely rare nowadays – of Quartet in E flat major has much more the being able to record this cycle in its totality, mysterious character of an initiation ritual. these six magnificent quartets being quite an integral whole in our view, composed In the 1770’s, a new style of string quartet and presented as such by Mozart. What appears in France known as ‘dialogue’ or pleasure to be able to explore such a ‘concertante’ quartets. These flourish until the end of the century when so-called ‘brilliant’

42 quartets with the most florid part in the first of new sonorities. All four of us passionately violin, become fashionable. love the sound of these instruments. This Do you think Mozart was aware so-called “historically informed” aesthetic is of these “new” styles? dear to our hearts, not because we want to wipe clean the slate of recent tradition, but During his two trips to Paris, Mozart had because we have a sincere wish to imbue the opportunity to discover French music our reading of these scores with, we hope, - opera, symphonic and chamber music. the freshness of new insights which come Without doubt he heard the “dialogue” close to the original material. quartets of Cambini (more than a hundred), The gut strings, which best characterise Rigel and Pleyel, and he drew inspiration our specifications, have an animal origin. from them a few years later. We find in They react sensitively to humidity and fluc- the Quartet in D minor (allegretto ma non tuations in temperature, which isn’t always troppo) and the Quartet in A major (andante) helpful, but the feel of them is so soft and the principal theme of a “musical conversa- captivating, that it is difficult to return to tion”, dear to these French composers, in playing on metal strings afterwards. That variation movements. After the theme has explains in part why the latter have only been introduced by the first violin, each been in general use since the 1940’s, with protagonist in his or her way gives a point of musicians travelling from one town, indeed view, an opinion on the theme. The palette from one country or continent, to another of sonorities is thus considerably enriched, ever more quickly. and second violin, viola and cello assume a As for the bows, we play with different types new autonomy, which Mozart will carry to according to the period of composition of its apogee in the Prussian quartets. the works we are interpreting, their evolution having been most rapid, at the turn of the You have been playing and recording 18th century. Many models came and went since 2007 on period instruments between the baroque bow and the definitive with gut strings and authentic bows. Romantic type, with the wood becoming Is that a crucial choice for you? progressively longer, the horse-hair beco- ming wider and the head shorter. Bows have We are merely responding to an imperative become heavier to improve projection and need, which we all feel in our own way, for balance, but they have lost, on the other both profound feeling and the exploration

43 hand, something in timbre, articulation and clarity of tone.

Have these sound characteristics determined you to record these quartets in a particular place?

We realised the whole project in two stages. In the first, we recorded the quartets K428 and K458 in the wonderfully majestic surroundings of the Théâtre Impérial at Compiegne which has a marvellous acous- tic. Then we had the honour of using the sumptuous Golden Gallery at the Bank of France in Paris. Playing in this jewel-box, which inspired Mansart to create the Hall of Mirrors at Versailles, allowed us to place the works of Mozart in a more intimate context amid the rich wood panelling and ornamentation of a unique and rarely accessible venue.

Have you already dreamed about your next recording project?

Yes! But our dreams involve personal choices and different desires, which we will have to converge… from Haydn to Ravel, via Schubert, Beethoven and Mendelssohn, the possibilities are inexhaustible – and we are always expecting, of course, to discover the next rare French pearl!

44 A guide to listening by Pierre-Éric Nimylowycz

The dedication of this collection of six Haydn even asked to hear three of the quartets to Haydn, his friend and spiritual quartets through a second time. We can only father, is a wonderful mark of friendship, imagine how this music must have sounded humility, admiration and selflessness from with Mozart on the viola, his father Leopold the young Mozart. For the cycle was not the playing first violin, and the two Barons Tinti fruit of a commission and Mozart composed on second violin and cello. it without expecting any payment, which The father of the symphony was in his turn was rare at the time. to be influenced by the beauty of these Although many composers dedicated a works, and even if he did not dedicate set of string quartets to Haydn (including a set of quartets to Mozart in return, his Hyacinthe Jadin and Wranitzky), given his writing reached new peaks in his op.50 set place as the creator of a musical genre that and its successors, reflecting an emulation will forever bear his stamp, only Mozart sustained by mutual respect and admiration. showed the same degree of genius in that domain. To such an extent, indeed, that the The Quartet in G major K387 opens the dedicatee declared to Wolfgang’s father: set in a bright key that sounds extremely well for string instruments. Completed on “I tell you before God, as an honest 31 December 1782, it reflects the joys of man, that your son is the greatest the festive season. Mozart had become composer known to me in person familiar with the music of the great masters or by name; he has taste and, J. S. Bach and Handel in 1782 and 1783, what is more, the most profound thanks to Baron van Swieten, and he assi- knowledge of composition.” milated this legacy with the galant style in an unprecedented fashion. He made these

45 contrapuntal forms his own and managed Menuetto through “long and laborious study” to blend Placed second, the minuet is relatively them harmoniously into his style. extended. It is even written in a miniature sonata form, with the chromatic ascents in Allegro vivace assai the first theme (piano and forte on alternate The first movement starts with a refreshing notes) producing an unusual jerky effect that theme that has earned this quartet its nic- characterises this movement. Mozart inge- kname “Frühlingsquartett” (Spring Quartet) niously passes this motif from one voice to in German‑speaking countries. Even if the another, inverting it in the cello. The second little march that opens the second thematic theme, based on brief question‑and‑answer group1 gives the exposition a fundamentally figures suggesting polite conversation, is optimistic tone, drama soon looms in the simpler. The short arpeggio from the start of development section. Breathless synco- the movement brings some slight unease in pated rhythms, violent dynamic changes, the miniature development section, but true and sudden offbeat accents combine to contrast is afforded by the Trio in G minor, create a turbulent effect. The spring storm with its assertive octaves and mysterious is soon washed away by a recapitulation harmonic progressions. This childish fright splendidly ushered in by a dominant pedal is soon forgotten when the minuet returns. in the upper register of the instruments fol- lowed by elegant descending suspensions Andante cantabile on sixth chords, marked calando, that is to This slow movement in C major is at once say “easing up”. radiant and elegiac in tone. Several gene- rously lyrical themes follow each other before being repeated in more or less modified form. The movement is in fact extremely

1 To clarify an essential feature of Mozart’s language, it must be said that since earliest youth his love of theatre, puppet shows, disguise, opera, card games, billiards, and schoolboyish puns had made him an enthusiast for polythematicism. Unlike most of his contemporaries, he was rarely content with a bithematic exposition in sonata form movements. His melodic motifs are so numerous that it is generally thought preferable to speak of ‘thematic groups’.

46 free in formal terms. The ornamentation of The Quartet in D minor K421 is the only the first violin part is remarkable in more one Mozart wrote in a minor mode during than one respect, and generates one of the his years of maturity. He composed it during most magical moments in the set when a Constanze’s first pregnancy and probably harmonic sequence drapes the exquisitely completed it in June 1783. It is worth noting embellished first violin line as it soars into that when Mozart was faced with major the top register. events in his life, he tended to use grave, even dark tonalities, as in the Violin Sonata Molto allegro in E minor K304 and the Piano Sonata in The finale is an exhilarating double fugue A minor K310 at the time of his mother’s in sonata form, thus anticipating the last death, the String Quintet in G minor K516 movement of the “Jupiter” Symphony, shortly after his father’s, and the “Great” but above all showing the influence of Mass in C minor K427 to mark his marriage. Haydn, who had already concluded two of his Quartets op.20 with a fugue. The first Allegro moderato theme/subject of the piece, a four-note The first phrase immediately situates this cantus firmus, is swiftly followed by several movement in a mood of melancholic intros- distinct episodes. A second theme/subject pection, with its wide leaps and lamenting with almost jazzy offbeats soon mingles with inflections. One thinks here of Haydn’s F the first, while a true third theme/episode, minor quartet, op.20 no.5. But heartrending jaunty in character, suggests the compo- cries are to be heard right from the second ser’s recent Die Entführung aus dem Serail. eight-bar period. The whole first thematic Mozart is not showing off his theoretical skills group swings between affliction and anger, here; rather, the piece is a joyful finale with with extreme dynamics in the spirit of the a coda which, after a close stretto, comes Sturm und Drang period. The eminently to a false conclusion which one cannot help cantabile second theme in F major brings comparing with the humorous passages of new hope, in total contrast with the pre- the master of Eszterháza. ceding section. Here the first violin takes wing like the gracious flights of angels on the ceilings of Schönbrunn Palace. The

47 development section looks back to Pergolesi opposition between two pairs of instruments with its dissonant violins, and Schubert in (first violin and cello “against” second violin his turn was to recall this passage in his and viola, or first violin and viola “against” ‘Death and the Maiden’ Quartet. The once second violin and cello). comforting theme of the exposition, with its The contrast with the “waltz” of the Trio is demisemiquaver triplets, now robs us of all striking – it will be recalled that the minuet is hope in the recapitulation, before the coda the true ancestor of this typically Viennese yields to a tragic denouement. dance of the nineteenth century. The piz- zicati in the accompaniment punctuate a Andante melody made up of arpeggios and leaps This movement in F major calls to mind into the extremities of the compass, over the swaying rhythm of a cradle song. Its a doggedly elusive rhythm. The viola then rather unusual structure suggests minuet joins the first violin in the second section, form. The peaceful atmosphere created by thereby creating a more robust colour, but homorhythmic chords and brief arpeggios the da capo of the minuet soon dispels our entering canonically is barely perturbed by illusions after the almost frivolous grace of the occasional cloud of anxiety. this moment of respite. The second part of the movement shifts between harsh, frightening chords and a Allegro ma non troppo - Più allegro soothing cantilena in the first violin. The This is one of the two variation movements tonal trajectory is wide-ranging (F minor, C in the set. The siciliana theme recalls by minor, A flat major, F minor) for so short a turns a late Renaissance dance or an aria space. A suave coda, after the recapitulation, by Handel – who, as we know, was Mozart’s seems to finish the task of lulling the child favourite composer. It is more relevant, Mozart senses in his beloved wife’s womb. though, to assume a link between this piece and the finale of Haydn’s Quartet in G major, Menuetto: Allegretto op.33 no.5, even if in Mozart’s movement The dark mood of the minuet derives from the melody alternates between one violin tight contrapuntal textures and consistent and the other.

48 The first variation is devoted to ornamental minor and E flat quartets. But only the first figuration on the first violin, featuring lyrical 106 bars of the opening movement and the arpeggios, chromaticisms, and appoggiatu- quartet’s minuet and trio were finished in ras. The highly innovative second variation 1783, and Mozart completed the work only is an acoustic experiment that Beethoven a year later. One may explain the reasons for would certainly not have disowned. The such a long break by looking at the events differently syncopated rhythms in each in Mozart’s life. In August 1782, he married part allow no melody to emerge from this Constanze in Vienna, without the consent “tic‑toc‑choc”, except perhaps for the first of his father Leopold. A subsequent visit violin lament that concludes every second to Salzburg to introduce his wife (by this four‑bar period. The second violin part is time already the mother of a first child!) here particularly virtuosic. The third variation seemed mandatory. In late July 1783 the is a dialogue between the plaintive viola couple set out from Vienna, leaving the and the two violins answering it in octaves. newborn Raimund Leopold behind them; The next variation, in D major, at last brings he lived only two months and the couple some comfort with its consensual octaves came back too late to witness his death. in the violins and the melismas in the upper At this time Mozart resumed work on his register of the cello. C minor Mass K427, for which he wrote The coda reverts to the theme, now più two additional movements specially for a allegro (faster), and the repeated notes lead performance in Salzburg. He also composed to a tonic pedal that recalls the music of the two Duos for violin and viola K423 and J. S. Bach, as if the string quartet sounded K424 to help out Michael Haydn, brother like an organ with four bows. of Joseph, and finally buckled down to completing a set of three piano sonatas If one follows the conclusions of Alan Tyson’s (K330-332) – Tyson dates the manuscripts examination of the autograph manuscripts2, of the latter to this period. composition of the Quartet in B flat major K458 started at the same time as the D

2 Alan Tyson, Mozart: Studies of the Autograph Scores (Boston: Harvard University Press, 1987).

49 50 Allegro vivace assai Adagio Even if the writing here is undeniably refi- The only adagio movement in the whole ned, one still recognises the hunting horn cycle (together with the introduction to the call heard in the first bars, which gave this so-called “Dissonance” Quartet) is truly quartet its nickname. And it does define well the peak of this work, introducing three enough the character of this first movement, magnificent themes, to which a fourth is full of echoes and relays from one instru- added in the coda. The whole structure is ment to another. The second theme, still presented twice over, as in the Andante can- light-hearted but less outgoing, curiously tabile of the first quartet in the set. Mozart’s seems to be derived from a secondary genius ensures that this kaleidoscopic motif already stated earlier. Its presentation, range of music never appears disjointed, by the second violin followed by the first, and above all that these different worlds, reminds one of the G major quartet. A third philosophical, spiritual, or melancholic, theme opens the development section in a form a delicate, infinitely human mosaic. pastoral, even bucolic mood, before a new The climax of the movement – which we motif darkens the atmosphere, albeit briefly. gladly hear twice – is certainly the theme This concise motif, as we have seen, was sung by the violin, then the cello, to the certainly composed by Mozart a year after accompaniment of semiquavers in a slow, the opening of the movement; it reappears immutable chromatic descent. at the very end of the ample coda. Allegro assai Menuetto: Moderato The inexhaustible vivacity and the profusion This cantabile minuet cuts a noble figure of melodic ideas in this finale tend to make with its long singing lines, disturbed only one forget that it is in the sonata form che- by the typical Viennese inflections on the rished by Mozart, and once again recalling third beat of the bar. With dotted rhythms Haydn, especially the finale of his op.33 in the theme, the Trio sounds more playful quartet (no.4) in the same key. Different and brings a welcome freshness, thanks voices and melodic lines leap and surge, notably to the sautillé notes in the second in the repeated quavers of the first theme, violin and viola parts. the short galloping motifs for first violin in

51 the second, and the astonishing pattern Allegro ma non troppo built on successive fourths in the third. The mysterious chromatic opening with The first theme is worked out in stretto octaves leading to a tritone places this and augmentation in the fairly extended first movement under a seemingly initiatory development section, with this stile antico veil, which tends to be confirmed by its key creating a tenser mood. The regular reca- signature with three flats, later the key of the pitulation then makes the tension of the Overture to Die Zauberflöte. It is also worthy development vanish as if by magic and of mention that the ten-note theme includes introduces a codetta full of contrast and nine different pitches (E flat, E natural, F, G, humour, reminiscent of Haydn. A flat, A natural, B flat, B natural, C). This creates a feeling of longing for the true The Quartet in E flat major K428 was very exposition of the first theme, which finally likely completed in the summer of 1783, enters majestically in its fully harmonised shortly after the birth of Raimund Leopold, aura and propels the listener into the first the first child of Constanze and Wolfgang. movement. The first thematic group again Undoubtedly the most enigmatic of the six, it features an abundance of melodic ideas – at was the third of the set to be written but was least four distinct ones – whose strongly apparently placed fourth by Mozart himself in profiled counterpoint contrasts sharply with the first edition published in 1785 by Artaria the relative simplicity of the second theme. of Vienna. According to Tyson’s study, this This is a little march whose originality lies in is confirmed by manuscript indications in the fact that the key is only clearly stated the autograph score, now in the British at its final cadence. Library. Though Mozart himself admitted In the development section, vigorous syn- that this cycle cost him great effort, it is fairly copations and accented dynamics disrupt probable that once he was satisfied with an triplet arpeggios which were not heard in the initial musical idea, he wrote swiftly, even if exposition. Once these have passed through the work subsequently required correction, each voice, they lead back to the serenity sometimes much later on. of the recapitulation, almost identical with the exposition.

52 Andante con moto the first violin’s hiccupping and prattling, The slow movement in A flat major is one miniature theatre imitations, a distant of the most perplexing pieces in the cycle, horn call, a musette seemingly recalling reflecting Mozart’s hesitation over joining folk celebrations… Only the somewhat the masonic lodge Zur Wohlthätigkeit melancholic strains of the Trio succeed in (Beneficence) presided over by Baron darkening the resolutely exuberant mood von Gemmingen. It is likely that the slow of the movement. movement of Haydn’s op.20 quartet in E flat (no.1) was a direct source of inspiration for Allegro vivace Mozart. This is such an unusual sonata form The unbridled character of the concluding that one struggles to differentiate its themes, sonata-rondo seems to leave once and for all as each element seems to flow out of the the heights of sublimity attained by the first previous one. The cello, with its ostinato two movements. Breathless silences and of arpeggios and tortuous chromaticisms, virtuoso semiquavers in the opening theme almost hypnotises the upper voices for a evoke the rondos alla zingarese so frequent few bars before they enter a second time in Haydn and so relished by the Viennese in imitation. The second thematic group public. A second, more vocal theme (with seems no more than an antechamber to its written‑out gruppetto) is somewhat more the restatement of the first theme. ethereal though equally lively. The development section, with literally After some physical jerks on notes derived unheard-of strokes of harmonic daring, from the first theme, which inevitably turn passes the first theme from voice to voice one’s thoughts to Beethoven, all the ele- until it reaches hitherto unsuspected regions. ments are recapitulated. But what allows us finally to classify this as a sonata-rondo Menuetto: Allegretto scheme is one last reprise of the first theme After these two profound and serious with a little bonus before the concluding movements, Mozart places the minuet in a chords: a charming lark’s song on the diametrically opposed register. This is festive first violin. music, joyful and exultant. Simple yet not simplistic, it reserves numerous delights:

53 Completed on 10 January 1785, just five harmonic sequences at the end of the latter days before Haydn’s first hearing of the are particularly successful. complete cycle, the Quartet in A major K464 is according to Robbins Landon the Menuetto one that demanded the greatest effort on If Mozart places the minuet in second posi- Mozart’s part3. Traces remain of changes tion, this is essentially because the variations in the structure of the variations in the of the Andante call for the instant release Andante and modifications in the minuet of the finale. Hence the minuet is under (bars 9-17). A rondo in 6/8, no less than the protecting wing of the first movement, 170 bars long, in A major, K. Anh. 72 (464a), with which it shares its metre and its key may be regarded as a sketch for the finale relationships – A major for the Menuetto, as discarded by Mozart. This quartet is certainly for the first theme of the Allegro, E major for also the most challenging for performers. the Trio as for the second theme. The minuet focuses on the statement and combination Allegro of two formulas, the first a burst of four notes With the character of a noble minuet, this played at the very beginning, the second a movement is close to the style of Haydn motif of a few repeated notes calling for its in its freshness of inspiration and its fairly resolution in dotted rhythm. The Trio, with dense thematic working. Similarly, the way a slightly more cantabile violin part, gives in which such relatively distant keys as C way to appealing chains of triplets in its major and then E minor are quickly reached second section. in the exposition demonstrates the progress Mozart had made in just a few years. The Andante numerous imitative entries in the two main The true cornerstone of the quartet, this themes are a touching echo of Mozart’s movement, according to Robbins Landon, recent assimilations, both in the exposition refers to the reception ritual of the masonic and in the fairly extended development. The lodge where Mozart had just been passed to the degree of Fellow Craft. It is a series

3 H. C. Robbins Landon, The Mozart Compendium (London: Thames and Hudson, 1990).

54 of six variations on a theme in D major, Allegro non troppo whose somewhat horizontal and contra- The complexity of this finale is unmistakably puntal accompaniment does not impede reminiscent of the equivalent movement its natural flow. The first variation follows (“Fuga a tre soggetti”) in Haydn’s Quartet the classic scheme of a continuous flow op.20 no.6 in the same key. Even though it of ornamentation over the thematic and is strictly speaking not a fugue, this inten- harmonic canvas. The second is more sely spontaneous and joyful sonata form complex and rhythmically richer, its various movement is the only example in Mozart’s motifs blending with the demisemiquaver output where the two main themes can be bario‑lage of the second violin. The third considered as being in reality one and the allows the viola to assume a more expressive same. This descending chromatic theme is role, while the fourth, in the minor mode, is stated in two different ways: in fugato style particularly heart-breaking. The fifth variation and over a tonic pedal in quavers. A new features skilful imitation in the repeats (an chorale‑like theme brings a breath of fresh effect Mozart was to reuse throughout the air to the development section, contrasting Andante of his Divertimento for string trio with the usual turmoil of Mozartian deve- K563), which gives the musical discourse lopments. The conclusion does not fail greater density. The march that serves as to recall the humorous finale of Haydn’s the sixth variation has a repeated-note figure “Joke” Quartet in E flat major, op.33 no.2, a in the cello underpinning the theme, now subtle mixture of seriousness and lightness, transformed into a veritable chorale; the complexity and simplicity. accompanying figure subsequently moves through all the voices until it reaches the first The Quartet in C major K465 is clearly the violin, on a dominant pedal, which leads to most openly optimistic of the six, even if the dramatic highpoint of the movement. the enigmatic introduction with its famous The return to the theme prefigures the codas “dissonances” has long concealed its true of Beethoven (who incidentally played for message, generous and deeply human. Mozart in 1787) in the way it recalls the fifth and sixth variations.

55 Adagio – Allegro tonal regions. The relatively long coda hints The slow introduction is in many ways an at a concerto-like finish but finally decides exceptional piece. Its pungent harmonies gently to release the tensions generated by so struck and even shocked listeners of the the introduction. time that it gave the quartet its nickname. Moreover, one cannot find earlier examples Andante cantabile of string quartets with a slow introduction, This movement in F major once more shows a feature used mainly for the symphony, Mozart’s incredible formal freedom, espe- the “adagio and fugue”, or the fantasia or cially apparent in his slow pieces. A gently any piece in a freer style. This profound elegiac first theme sung by the violin is set Adagio illustrates Mozart’s inner feelings against a second one somewhat reminiscent at a spiritual turning point in his life: he had of the introduction to the first movement in been an Apprentice in the masonic lodge its mysterious canonical entries. There is Zur Wohlthätigkeit for a month when he no repeat or development section; instead completed this last quartet of the set on Mozart makes us hear his two themes, 14 January 1785. augmented, developed, as if ennobled, in By this time we are used to thematic pro- the most ingenious manner, until we reach lixity in Mozart’s sonata forms, but here we a liberating harmonic sequence. A coda will encounter a quite new unity with the cyclic calm our anxiety with the kindly repeated return of the first thematic cell. Mozart enjoys notes of the viola. letting this little six-note melody sound with a simple accompaniment in repeated notes Menuetto: Allegretto but it will soon be elaborated in canon, The minuet exudes a light-hearted, quasi- in imitation, in inversion, and so on, with scherzando atmosphere. If Mozart never supreme grace and mastery. The second calls his minuets “Scherzo” like Haydn did main theme, with its slightly pirouetting air, in his op. 33, the character is nevertheless brings a touch of Viennese insouciance. clearly present, in the rising chromatic The development is based on the first invocation of the opening and the ensuing thematic idea, and twice has this collide homorhythmic chords and octaves. with broken arpeggios in more tumultuous

56 The expressive heart of the piece, however, lies in the C minor Trio. More anxious in mood, with its sighs and its wide intervals, it is a lament on the violin, soon answered by the cello, under the threat of oppressive repeated notes played by the middle voices.

Allegro molto Haydn’s Quartet in C major op.33 no.2, already mentioned above, also influenced the “all’ungarese” character of the closing movement of Mozart’s set of quartets. But here again the multiplicity of themes gives this sonata form movement a ‘children’s game’ aspect. Its headlong dash culminates in a jubilant coda after a few moments of panic in the development section (which ranges as far afield as C sharp minor), without the humour, surprises and gusto ever descending into the mundane.

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Quatuor Cambini-Paris

If there is one word to describe these four In just a few seasons, the Cambini-Paris young musicians it would be “passion”. Quartet has been invited by many major First, a passion for period instruments, as European venues and festivals: the Versailles members of the finest French ensembles, Baroque Music Center, the Aix-en-Provence such as L’Orchestre des Champs-Élysées, Festival, the Palazzetto Bru‑Zane in Venice, Les Talens Lyriques, le Concert d’Astrée and the Bruges Concertgebouw, the Marble Le Cercle de l’Harmonie. Second, a passion Palace of Saint Petersburg, the San Filippo for researching beautiful, forgotten scores Neri oratory in Bologna, the Opéra Comique, and playing them with great skill and care. the Auditorium of the Louvre Museum, the Finally, a passion for the quartet form, as the Deauville Festival, the Sablé-sur-Sarthe best way to express their musical harmony. Festival, and the Epau Festival. In 2013, the quartet debuts in Canada, Salle Bourgie in By choosing the name of Giuseppe Maria the Fine‑Arts Museum of Montreal and the Cambini (1746-1825), a violinist and pro- Shenkman Arts Centre in Ottawa. lific composer who led a life of adventure, the quartet bears witness to its interest in In 2010 the quartet won the Discovery exploring the stylistic variety of the classical Golden Diapason Prize for its Hyacinthe romantic periods. Jadin’s record (Timpani) and in 2012 its world premiere recording of three of Félicien Since its founding in 2007, the ensemble David’s quartets was critically acclaimed. has been singled out and applauded for performing masterpieces by Haydn, The Cambini-Paris Quartet is in residence Mozart, Beethoven and Mendelssohn and at the Singer-Polignac Foundation in Paris, for rediscovering unjustly forgotten French and is funded by the Swiss Life Foundation. composers such as Jadin, David and Gouvy.

59 Le Théâtre Impérial de Compiègne Direction Eric Rouchaud

Depuis 2009, le Théâtre Impérial, seule 1867 à la demande de Napoléon iii afin de scène musicale et lyrique entre Paris et Lille, divertir la cour qui l’accompagnait pendant développe un projet qui a pour ambition ses séjours à Compiègne, fut inauguré, après de renforcer et élargir la rencontre entre un long sommeil, en 1991. Exceptionnel les œuvres, les artistes et les publics, et par son volume, le Théâtre Impérial l’est notamment les jeunes. Il s’appuie sur une également par ses qualités acoustiques, présence artistique permanente et renouve- parmi les meilleures au monde. lée, sur des collaborations artistiques et sur une politique d’accompagnement d’artistes. www.theatre-imperial.com Tout en accordant une place privilégiée à la voix, il s’inscrit dans une volonté d’ouver- ture à la diversité des formes musicales et lyriques du baroque à nos jours. Ce joyau architectural, dont la construction débuta en La Galerie dorée

La Banque de France, installée depuis Le comte de Toulouse continue d’embellir la 1806 dans l’hôtel de La Vrillière, renoue Galerie dorée. Musicien, il y apprend l’art du depuis plusieurs années avec la tradition clavecin. Selon Evrard Titon du Tillet (suite musicale attachée à la Galerie dorée, lieu de Parnasse François, 1743), Couperin eut rare et privilégié, chargé d’histoire mais l’honneur de montrer à jouer du clavecin aussi de musique. à M. Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, qui a continué à lui verser Voulue par Louis Phélypeaux de La Vrillière, une pension de mille livres jusqu’à sa mort. protecteur et ami des arts, et premier pro- priétaire de cet illustre hôtel, la Galerie dorée Aujourd’hui, l’extraordinaire acoustique de la devient en 1713 la propriété du comte de Galerie dorée est mise en valeur par l’orga- Toulouse, second fils légitimé de Louis xiv nisation de concerts privés, qui donnent et de Madame de Montespan. ensuite souvent lieu à des enregistrements, et qui permettent aux artistes de se produire dans des conditions privilégiées. Recording producer: Little Tribeca Sound recording: Hannelore Guittet (Compiègne), Maximilien Ciup (Paris, Galerie dorée) Editing: Hannelore Guittet (Compiègne), Maximilien Ciup assisted by Ken Yoshida (Paris, Galerie dorée) Mixing: Nicolas Bartholomée, Maximilien Ciup, Ken Yoshida Mastering: Ken Yoshida

Recorded in January 2013 at the Théâtre Impérial de Compiègne (K428 & 458) and at the Galerie dorée/Banque de France in December 2013 and January 2014 (K387, 421, 464 & 465) Articles translated in English by Charles Johnston and Nicolas Fouilleroux, Richard Jones Cover photo: © Franck Juery Inside photos: cover of the first edition by Artaria in Vienna, 1785 (Lithographs and etchings with kind authorization of Mr Hubert Prouté) © The British Library Board (Add MS 37763); Portrait of Haydn, needle and etching engraving by Jean-Louis Darcis after Guérin, published in 1790; Portrait of Mozart, lithograph by Formentin after a drawing by Charles Vogt, published in the early 19th century; Portraits of Haydn and Mozart (etching engraved by John Landseer after Philippe Jacques de Loutherbourg).

The Quatuor Cambini-Paris would like to express its warmest thanks for their support to the Governor of the Banque de France, Mr Christian Noyer; Mr Hervé Gonsard; Jeanne‑Marie Lecomte; Charles Relecom; Anne‑Marie Lasry; Pascal Cheynis; Professor Yves Pouliquen de l’Académie française, President of the Fondation Singer‑Polignac; Yves Petit de Voize; Alexandre Dratwicki; Xavier Carrère, Mr Hubert Prouté and the Galerie Prouté; Nicolas Batholomée; Didier Martin. www.naive.fr

℗ & © 2014 Ambroisie Naïve AM 213

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