Site : http://www.ittecop.fr/

INFRASTRUCTURES DE TRANSPORTS TERRESTRES, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES

Compte-rendu des Journées ITTECOP 16 & 17 novembre 2011 • Cergy-Pontoise

L’objet de ces Journées est, à partir des projets de recherche d’ITTECOP et de visites de terrain, de faire se rencontrer les chercheurs et différents interlocuteurs locaux autour des thématiques d’ITTECOP. Ces deuxièmes Journées du programme se sont tenues à Cergy-Pontoise. Elles ont été accueillies par Luc Raimbault, directeur général adjoint de la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et par Ann Caroll Werquin (Atelier Thales), responsable du projet : Recherche méthodologique à partir du cas des voies en projet sur le territoire de Cergy-Pontoise. Unir de façon logique l’apport de connaissances, les attentes sociales, l’évaluation des impacts et la réflexion sur un projet durable. La matinée de la première journée a été consacrée à la présentation du contexte de Cergy- Pontoise par des acteurs locaux et complétée par un exposé d’Ann Caroll Werquin sur le travail qu’elle mène sur le site de Cergy. Une visite de terrain l’après-midi a été suivie d’une table ronde au cours de laquelle ont échangé responsables locaux de l’administration ou de collectivités territoriales ainsi que des chercheurs français et hollandais sur Dynamiques de projet, dynamiques d’acteurs. La deuxième journée a été dédiée à la présentation et à la mise en débat de l’avancée des projets de recherche du programme ITTECOP. Un projet de recherche issu d’un autre programme du ministère (PIRVE) abordant des thématiques proches de celles d’ITTECOP a également été exposé. Un temps a également été dédié à la présentation d’un nouvel Appel à proposition de recherche lancé dans le cadre du programme ITTECOP et aux perspectives du programme.

ITTECOP Infrastructures de transports terrestres paysages et écosystèmes

2 Sommaire

Ouverture des Journées 5 Luc Raimbault, directeur général adjoint, Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise Introductions des Journées 5 Yves Luginbühl, Conseil scientifique d’ITTECOP, ingénieur agronome et géographe Yannick Autret, responsable du programme ITTECOP, MEDDTL Cergy-Pontoise : une ville et des voiries en symbiose avec son époque 8 Cergy-Pontoise, les défis 8 Luc Raimbault, directeur général adjoint, CA de Cergy-Pontoise Les voiries et les projets 10 Ann Caroll Werquin, architecte et paysagiste L’écoroute de l’Oise. Conjuguer liaison routière, corridor écologique et paysage… citoyen 12 Joseph Salamon, urbaniste, CA de Cergy-Pontoise Écosystèmes et nature « ordinaire » dans l’agglomération 14 Marine Linglart-Lime, écologue, bureau Urban-Eco Visite en bus de Cergy-Pontoise 16 Échanges : dynamiques de projets / dynamiques d’acteurs 17 Infrastructures et paysages : des expériences récentes aux Pays-Bas 17 Jos Jonkhof & Sybrand Tjallingii, respectivement architecte-urbaniste conseil & écologue à l’université de technologie de Delft Nourrir la réflexion par d’autres exemples français ou étrangers 19 Ann Caroll Werquin Échanges 20 Le baromètre de satisfaction du réseau routier départemental 21 Serge Dobel, Conseil général du Val d’Oise Échanges 22 En guise de synthèse des échanges 23 Point d’actualité d’ITTECOP et lancement de l’APR 2012 24 Yannick Autret Présentation des six autres projets de recherche d’ITTECOP 26 • Mise au point d’un modèle de diagnostic des interactions entre structure paysagère, infrastructures de transports terrestres et espèces emblématiques : le cas du lynx dans le massif jurassien 26 Antoine Doré, CEMAGREF Grenoble Débat à propos de l’exposé 28 • Quel devenir pour les infrastructures de transport ferroviaire locales ? Étude et mise en perspective de l’opérateur ferroviaire de proximité de la région Centre 29 Isabelle Roussel, APPA Débat à propos de l’exposé 31

3 • GRAPHAB - Graphes paysagers et évaluation de l’impact de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône sur la connectivité spatiale des habitats : conséquences sur les distributions d’espèces 31 Jean-Christophe Foltête, Xavier Girardet et Céline Clauzel, Université de Franche-Comté Débat à propos de l’exposé 34 • La nature au bord de la route : le cas des jardins partagés de l’agglomération grenobloise 35 Grégoire Chelkoff et Magali , Laboratoire CRESSON, UMR CNRS 1563, Grenoble Débat à propos de l’exposé 37 • INTERMOPES - Infrastructures de transport terrestre rail et route et modifications induites sur les paysages, les écosystèmes et la société 38 Sylvie Vanpeene, CEMAGREF Aix-en-Provence Débat à propos de l’exposé 39 • Bien-être environnemental, qualité de vie et rapports sensibles aux territoires. Vers une meilleure insertion paysagère et appréhension du cadre de vie, pour une meilleure adhésion sociale aux grandes infrastructures de transports terrestres 39 Guillaume Faburel, LAB'URBA IUP Université Paris Val-de-Marne et Aménités Débat à propos de l’exposé 41

Une recherche issue du Programme interdisciplinaire de recherche ville environnement [PIRVE] 43 • En marge… Paysage et biodiversité des délaissés infrastructurels de l’eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai 43 Denis Delbaere, École d’architecture de Paris-La Villette/LACTH, Lille Débat à propos de l’exposé 45 Conclusion et perspectives 46 Patrice Bueso, adjoint au chef du service de la Recherche, MEDDTL Quelques éléments de bilan 47 Bruno Villalba, président du Conseil scientifique d’ITTECOP Liste des personnes venues à tout ou partie des Journées 49

4 Ouverture des Journées Luc Raimbault Directeur général adjoint, Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise Luc Raimbault souhaite la bienvenue aux participants à ces Journées d’ITTECOP au nom du président de la communauté d’agglomération, Dominique Lefebvre, et de la ville de Cergy-Pontoise. La ville de Cergy, avec ses 60 000 habitants environ, est la ville la plus importante de la communauté d’agglomération qui en compte près de 200 000. Le territoire de Cergy-pontoise est pour un certain nombre de participants à ces Journées un territoire peu connu, c’est pourquoi une visite en car au cours de l’après-midi en montrera les facettes et les éléments intéressants. Les Ateliers Maîtrise d’œuvre urbaine1 de 2008, qui se sont déroulés à Cergy et au sujet Cergy sur le thème Revisiter les grandes infrastructures en milieu urbain, avaient été l’occasion d’une rencontre avec Ann Carol Werquin. Quelques mois plus tard, le ministère lançait son appel à projet de recherche ITTECOP et Cergy a donc proposé à Ann Carol Werquin de s’associer pour y répondre. La communauté d’agglomération présente une grande diversité d’infrastructures et l’irruption de la notion de paysage, qui est de plus en plus forte, est l’un des fondamentaux de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise.

Introductions des Journées Yves Luginbühl Conseil scientifique d’ITTECOP, ingénieur agronome et géographe Infrastructures, écosystèmes, paysages… c’est un curieux mélange de technicité, de science, de social, de politique et d’économique.

De l’importance des infrastructures Il faut remonter dans l’histoire pour appréhender la place des infrastructures dans la gouvernance territoriale qui a peut-être commencé en avec François 1er, puis s’est poursuivie avec Henri II et Henri IV qui ont instauré les plantations routières, dans un objectif militaire et économique pour fournir du bois à l’État, notamment pour fabriquer les affuts pour les canons. Pendant un temps, les intendants du royaume, dont Colbert, ont donc été chargés de planter des arbres le long des routes. Les paysans ne supportant pas que des arbres soient plantés le long des routes avaient tendance à les arracher, ils sont alors remplacés par des arbres fruitiers et chaque famille de paysans reçoit une portion de route à gérer dont ils peuvent récolter les fruits. Puis le XVIIIe siècle voit l’arrivée d’un ensemble d’inventions. C’est aussi l’époque de la création de l'École des Ponts (en 1747 sous le nom d'École royale des ponts et chaussées) dont le premier directeur fut Jean-Rodolphe Perronet à qui l’on attribue la construction de plus d’une dizaine de grands ponts dont celui de la Concorde à Paris. Cette époque voit ainsi la victoire de l’homme sur les obstacles de la nature grâce aux mathématiques et à la résistance des matériaux. Cette question des infrastructures est aussi liée à des enjeux stratégiques, économiques et politiques. Au XIXe siècle, au XXe et même au XXIe est apparue toute une génération de ponts métalliques, suspendus, à haubans, etc. Autour de cet objet qu’est le pont, des relations privilégiées se nouent alors entre le monde des ingénieurs et le monde politique, en France mais aussi simultanément dans d’autres pays. La traversée des Alpes, qui représentait alors un fort enjeu économique et politique, tant pour le transport des marchandises que pour celui des hommes, a été aussi facilitée par l’implantation de nombreux ponts.

1 Les Ateliers sont un réseau international de professionnels, d’universitaires et de décideurs en matière d’aménagement urbain. Centrée sur la pratique de la maîtrise d’œuvre urbaine, l’association organise des ateliers de réflexion, les sessions, envisagés comme un lieu de conception situé entre la planification et l’architecture. En France ou dans d’autres pays, ces ateliers apportent aux maîtres d’ouvrage un regard international et des propositions novatrices sur leurs problèmes d’aménagement urbain. Ils sont aussi, par la confrontation des disciplines et des cultures, un lieu de remise en question des apprentissages et d’échange de haut niveau. [Pour en savoir plus, consulter le site http://www.ateliers.org/]

5 Les infrastructures sont donc importantes pour la société. Elles représentent la possibilité de se déplacer, de voyager, de découvrir, mais aussi de commercer, d’échanger ou de communiquer. Pour le politique, elles sont un des moyens de contrôler et d’organiser le territoire, de contribuer au marché et enfin de faire la guerre en transportant les armées le plus rapidement possible.

Infrastructures et science De manière un peu caricaturale, on peut décrire la façon dont les différents corps disciplinaires se comportent dans le domaine des infrastructures. Les sciences physiques sont représentées, à travers de grands équipements qui ont justifié d’importants investissements financiers (comme le synchrotron, etc.), la « crème » de la science. Or, les corps disciplinaires qui mobilisent le plus d’argent sont généralement considérés comme les plus sérieux. Puis les sciences biologiques sont entrées en concurrence avec les sciences physiques et peut-être ont même pris le pas sur elles. Les sciences écologiques sont encore considérées comme une nouveauté récente qui surnage grâce à la question de la biodiversité. Enfin, les sciences sociales ont toujours été estimées comme le parent pauvre.

Le rôle des approches scientifiques dans le domaine des infrastructures Les sciences physiques ont fait alliance avec l’ingénierie, alliance illustrée par la prouesse de la résistance des matériaux (cf. le viaduc de ). Les sciences écologiques sont défendues à travers la loi sur la protection de la nature et la notion d’impact sur les milieux, mais l’homme apparaît comme dégradant toujours la nature et rarement comme préservant la biodiversité, comme le montrent les petits ouvrages du conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité. Les sciences sociales, dans le domaine des infrastructures, sont plutôt absentes et limitées à la question de l’acceptabilité sociale. Quant aux approches paysagistes, elles sont souvent limitées au décor, mais des progrès et des avancées sont en cours. Le lien entre pratiques professionnelles et pratiques scientifiques est en train de s'établir, grâce notamment à une nouvelle génération de jeunes paysagistes.

La découverte de la complexité La découverte de la complexité n’est pas une chose nouvelle. Déjà Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions (1762-65) écrivait, en parlant de la végétation et des plantes : « Quelque élégante, quelque admirable que soit la structure des végétaux, elle ne frappe pas assez un œil ignorant pour l’intéresser. Cette constante analogie, et pourtant cette variété prodigieuse qui règne dans leur organisation, ne transporte que ceux qui ont déjà quelque idée du système végétal. Les autres n’ont, à l’aspect de tous ces trésors de la nature, qu’une admiration stupide et monotone. Ils ne voient rien en détail, parce qu’ils ne savent pas même ce qu’il faut regarder, et ils ne voient pas non plus l’ensemble parce qu’ils n’ont aucune idée de cette chaîne de rapports et de combinaisons qui accable de ses merveilles l’esprit de l’observateur. » Cela a marqué le début de la reconnaissance du fonctionnement systémique de la nature, avec l’homme comme composante, mais le chemin est long et il est loin d’être arrivé à son terme. « Mais complexité n'est pas complication » (comme le dit Edgar Morin), elle s’oppose aussi au simplisme comme celles de certaines approches paysagères caricaturales telles les premières théories des années 1970 sur la sitologie (qui suggéraient de faire correspondre la pente des toits à celles des montagnes) ou des approches qui raisonnaient uniquement en termes d’impact alors que les divers facteurs des relations infrastructures / écosystèmes / paysages sont en interaction continuelle.

La notion de projet C’est peut-être grâce à la notion de projet qu’il est possible de répondre à la nécessité d’assumer la complexité. Le projet ne renvoie plus aux pratiques scientifiques, on est bien là dans des territoires complexes : une infrastructure peut conduire à l’élaboration d’un projet territorial. Un projet d’infrastructure modifie les représentations sociales du territoire. Or les représentations sociales sont les moteurs de l’action : les acteurs agissent selon les représentations qu’ils se font du

6 territoire. Un projet d’infrastructure entraîne des effets sur le paysage et les milieux, il s’agit donc de penser les effets dans une vision prospective et de concevoir l’infrastructure non pas comme une ligne abstraite, mais comme un élément de la composition d’un paysage fait de social et de naturel. C’est le sens de l’appel à proposition de recherche ITTECOP. Un projet de paysage est complexe par essence, c’est la vision prospective d’un paysage dont on cherche à articuler la technicité de l’infrastructure avec la diversité écologique et la diversité sociale. C’est ce que devrait être la dimension politique d’un projet d’infrastructure.

Diversité écologique et diversité sociale La diversité écologique est différente de la diversité biologique (biodiversité). Le paysage lui apporte à la fois la complexité paysagère et la continuité territoriale. C’est l’une des grandes qualités du paysage, à la différence de l’écologie qui raisonne par taches, par corridors, par trames, par mosaïques, etc. et non pas en continuité territoriale. Cette continuité territoriale du paysage que l’on peut lire dans les cartes d’unité de paysage réalisées par le SIGP (système d’information géographique paysage) qui montrent comment se font les échanges entre les divers milieux ou éléments au sein des structures paysagères. Une des questions qui se posent ici est de savoir comment l’infrastructure modifie le jeu des échanges. La confrontation avec la diversité sociale (de la population mais surtout des acteurs, la diversité des sensibilités aux paysages et à la nature) est aujourd’hui dans une tension entre le paysage « nature » (modèle du paysage qui a été celui des siècles précédents) et un nouveau paysage qui apparaît : le paysage « cadre de vie ». Les intérêts particuliers y sont aussi confrontés à l’intérêt général. La question que l’on peut se poser est alors est : un projet d’infrastructure interroge-t-il l’exercice de la démocratie et la démocratie tout court ? Les jeunes générations de paysagistes commencent à se poser ce genre de questions. À cette occasion, Yves Luginbühl signale le prochain Festival international de géographie qui se tiendra à Saint-Dié dans les Vosges du 11 au 14 octobre 2012. Son thème portera sur les paysages, avec la Turquie comme pays invité.

Yannick Autret responsable du programme ITTECOP, Service de la recherche et de l’innovation, MEDDTL Yannick Autret remercie les initiateurs de ces journées, l’investissement de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise ainsi que d’Ann Carol Werquin pour l’accueil de ces deux Journées. Il remercie aussi Yves Luginbühl pour son introduction à ces Journées et pour avoir, en tant que président du conseil scientifique, permis le lancement de ce programme sur un sujet qui n’était pas évident en soi et qui est porteur d’une ambition et d’un enjeu. ITTECOP est en effet le fruit d’une rencontre entre des personnes qui ont porté ce projet : Yves Luginbühl, mais aussi Gérard Guillaumin qui a été responsable de ce programme au sein du ministère pendant plusieurs années. Enfin, il signale le passage de relais à la présidence du conseil scientifique entre Yves Luginbühl, président sortant et Bruno Villalba. Yves Luginbühl ne quittera pas pour autant le conseil scientifique et s’attachera plus particulièrement à la valorisation des acquis du programme ITTECOP et, notamment, à la conception de l’ouvrage de synthèse.

7 Cergy-Pontoise : une ville et des voiries en symbiose avec son époque

Cergy-Pontoise, les défis 2 Luc Raimbault directeur général adjoint, CA de Cergy-Pontoise

Les atouts du territoire Cergy-Pontoise est une agglomération de douze communes qui s’étalent sur 8 000 hectares et est bâtie à partir de deux principes fondamentaux (dès la création de la ville nouvelle en 1972) : présenter un équilibre entre les emplois et les logements et une mixité sociale et urbaine. Ces deux éléments sont toujours et peut-être encore plus en vigueur de nos jours. Avec près de 200 000 habitants, c’est la cinquième intercommunalité d’Île-de-France. C’est aussi un pôle d’activités majeur avec environ 100 000 emplois, 17 parcs d’activités, 4 000 entreprises dont 15 grandes. 25 000 étudiants sont répartis dans 14 établissements supérieurs. Beaucoup d’espaces sont non urbanisés (25% des espaces sont soit cultivés, soit boisés, en plan d’eau ou en zone naturelle sensible, ainsi que 32 km de linéaires de berges au bord des méandres de l’Oise). La commune de Cergy regroupe plus du quart de la population totale et constitue le centre de la ville nouvelle, avec notamment un important centre administratif et la préfecture du Val-d’Oise. Avant l'implantation de la ville nouvelle, seules les villes de Pontoise, chef-lieu du département (ville royale riche de plus de deux mille ans d'histoire) et celle de Saint-Ouen-l’Aumône étaient déjà urbanisées et regroupaient la moitié de la population à l'origine ; elles en représentent environ un quart aujourd’hui. La ville nouvelle s’est établie sur le plateau longeant les coteaux et en bordure de l’Oise. L’évolution démographique présente la particularité d’avoir une taille de ménages assez forte pour la région parisienne et une population plutôt jeune. L’habitat est composé de plus de 77 000 logements, dont 59.4% de logements collectifs, 33% sont en logements sociaux et 7,6% des logements sont vacants. Le concept de « ville-cluster » a été appliqué au territoire de Cergy-Pontoise. Cela suppose la rencontre d’établissements de formation supérieure, de laboratoires de recherche importants, de centres d’innovation et de production de richesses et la présence d’un réseau d’acteurs locaux, d’institutionnels publics et d’acteurs privés… Trois domaines d’activité particulièrement importants sont présents sur le territoire de l’agglomération : la filière des technologies numériques, la filière automobile et aéronautique, la filière santé-beauté et des biotechnologies. L’agglomération participe à six pôles de compétitivité : Systématic, Cap digital, Movéo, Médicen, Astech et Cosmetic valley. Outre de grandes entreprises, des centaines d’entreprises - PME et PMI – sont aussi présentes sur le territoire, ce qui permet au tissu économique d’être moins soumis à des aléas comme la fermeture d’une grande entreprise. C’est aussi une ville campus, avec un pôle universitaire important et la présence depuis 2006 du PRES Cergy-University 3 (Université de Cergy-Pontoise). Ce pôle est en train de se rapprocher de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, ce qui fera de lui l’un des plus importants pôles universitaires de l’Ouest de Paris. L’inscription de Cergy-Pontoise dans le réseau de la métropole est l’un des éléments importants, avec le positionnement de Cergy-Pontoise dans le Grand Paris. Cergy est placé sur ce qui est appelé le pôle Confluence (entre Seine et Oise) et qui est l’un des neuf pôles de développement du Grand Paris sur l’axe Paris-Seine. Cergy, à ce sujet, est totalement partie prenante du projet d’axe Paris-Seine tel que développé dans le projet de l’architecte-urbaniste-paysagiste Antoine Grumbach.

2 Pour compléter cette présentation, des documents avaient été mis à la disposition des participants aux Journées par la documentaliste, Agnès Barbieri, dans le centre de documentation jouxtant le lieu de la réunion. 3 PRES - Pôle de recherche et d’enseignement supérieur : l’objectif de ce regroupement est de créer des liens étroits entre les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche de l’agglomération de Cergy-Pontoise pour accroître leur reconnaissance nationale, européenne et internationale, de renforcer l’efficacité de leurs actions et de favoriser une approche multidisciplinaire de la recherche scientifique et de la formation.

8 Ce pôle est à la croisée de l’axe vers Paris (La Défense), de l’axe des grands pôles de l’arc Nord et Ouest francilien (Roissy, Versailles, Plateau de Saclay), et de l’axe de la « Confluence Seine-Oise» (Conflans, Poissy, Achères, Andrésy). Achères, par exemple, est le lieu prévu de d’implantation du futur port Seine Métropole qui fera la liaison par le canal Seine-Nord avec les grands ports du Nord de l’Europe et Le Havre, Rouen, etc. Ce territoire aujourd’hui se structure y compris politiquement.

La stratégie de développement Cette stratégie est orientée vers trois objectifs principaux : - assurer le développement solidaire du territoire et des populations, en répondant aux objectifs du PLH 2009/2014 et en réalisant 1 300 logements de logements neufs sociaux par an, solidairement répartis sur le territoire ; des actions sont aussi menées pour faciliter le phénomène de desserrement des ménages que connaissent les anciennes villes nouvelles ; - promouvoir le développement durable du territoire (et ce depuis les débuts de la ville nouvelle, avant même l’émergence de ce terme). L’engagement a été pris de restructurer la ville nouvelle tout en préservant la ville ancienne. La ville s’est toujours structurée et a beaucoup réfléchi sur ce qui fait son paysage et sur les valeurs naturelles de son environnement. Un Agenda 21/Plan énergie climat territorial a été voté à l’unanimité, le SCOT (dans la lignée du Grenelle de l’environnement) a été approuvé en 2010 et le souci de valoriser (ou même de magnifier) les sites naturels (notamment de l’Oise) a toujours été présent chez les aménageurs du territoire de Cergy. L’opération artistique de Denis Karavan (l’Axe majeur) témoigne de cette préoccupation. - accroître la compétitivité du territoire. Cet accroissement passe à Cergy par le renforcement de la centralité de l’agglomération par l’accueil d’équipements structurants comme le Centre national des patrimoines, le Centre national de hockey sur glace ou par le développement du pôle de recherche. La candidature de l’agglomération a été retenue pour accueillir l’extension et les laboratoires de musées qui souffrent de l’exiguïté de leurs locaux (Musée d’Orsay, du quai Branly, etc.). De grands projets de développement d’infrastructures de déplacements sont en également cours : Eole, la tangentielle nord et ouest, la LNPN (nouvelle ligne ferroviaire en projet entre Paris et la Normandie) et l’A104 (pour terminer le bouclage de la Francilienne) qui suscite des débats passionnés depuis au moins quarante ans.

Les politiques publiques Tous les secteurs de la vie de l’agglomération sont l’objet d’attention. Des actions économiques, notamment dans le Parc St Christophe, sont menées avec pour objectif de développer l’esprit d’entreprendre et l’innovation, l’offre d’accueil et des projets avec les acteurs du territoire. La mutation des vastes parcs d’activités est actuellement à l’étude pour être en meilleure adéquation avec la demande. Le développement urbain pose également d’importantes questions de gestion et de restructuration des espaces publics, de politique d’urbanisme et d’aménagement, et d’équipements liés à l’accueil de populations nouvelles. 21% du budget de la collectivité y ont été consacrés en 2010. Il y a encore une vingtaine de Zac actives à Cergy, ce qui est beaucoup. Il faut rappeler que le statut de ville nouvelle de Cergy-Pontoise a pris fin en 2003 et que la communauté d’agglomération a été constituée en tant que telle en 2004. Les politiques publiques mises en œuvre visent également à assurer le développement solidaire du territoire et des populations, à lutter contre les discriminations et pour l’égalité des chances, à faciliter les déplacements des usagers, à s’intéresser à l’Écologie urbaine, à la promotion, la diffusion et la valorisation des pratiques culturelles, à rendre les pratiques sportives accessibles au plus grand nombre et, enfin, dans les domaines de l’éducation et de l’enseignement supérieur, à apporter un appui aux projets des établissements d’enseignement supérieur et au développement de la vie étudiante.

9 Les voiries et les projets Ann Caroll Werquin architecte et paysagiste Ann Caroll Werquin est responsable de la recherche menée dans le cadre d’ITTECOP sur le territoire de Cergy-Pontoise intitulée : « Les infrastructures routières, le paysage et les écosystèmes, recherche méthodologique à partir du cas des voies en projet sur le territoire de Cergy-Pontoise ». L’équipe de cette recherche est composée de Luc Raimbault et Joseph Salamon de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, de Marine Linglart-Lime, écologue au bureau d’études Urban-Eco, qui participe également à une autre projet de recherche d’ITTECOP sur Grenoble. Pour les exemples étrangers, les deux correspondants hollandais de la recherche, Sybrand Tjallingii, écologue, et Jos Jonkhof, architecte urbaniste, interviendront au cours de la table ronde de l’après-midi. Enfin Hervé Mineau, absent ici, est écologue au bureau Aphyllanthe ingénierie, il a accompagné le démarrage de la recherche et a travaillé avec Ann Caroll Werquin sur l’A75, autoroute particulièrement intéressant sur le plan du paysage. Ce projet de recherche donnera lieu à deux rapports dont le premier tome, en consultation au centre de documentation voisin, concerne l’analyse des voies existantes ou en projet de Cergy- Pontoise. Le second tome est en cours de finition. Sont aussi en consultation des fiches sur les projets d’infrastructures évoqués dans la recherche. Cette recherche, à partir du cas des voies en projet sur le territoire de Cergy-Pontoise, est une recherche méthodologique car ces voies sont représentatives des projets de voiries habituellement réalisés en milieu périurbain. Le projet est donc centré sur le périurbain traversé par d’importantes infrastructures. Un état des lieux des voies existantes ou en projet a d’abord été réalisé dans l’agglomération de Cergy, avec des études d’impact pour les voies projetées. De cet état des lieux ont émergé des questions et des réflexions qui ont été nourries par des connaissances du terrain ou par d’autres exemples intéressants de ce qui se fait ailleurs, en France ou à l’étranger, tant sur les attentes sociales ou l’évaluation des impacts que par rapport à la réflexion sur un projet durable. Le positionnement de cette recherche est que les pratiques de l’après Grenelle doivent chercher l’interaction et l’équilibre territoire/projets pour répondre aux attentes sociales et faire que cela devienne un projet intégré qui ne nuise pas à l’existant et qui puisse parfois même l’améliorer.

Le rôle de la nature à Cergy-Pontoise Cergy-Pontoise est un terrain assez particulier et même exceptionnel. Georges Duby écrit, en parlant du paysage de Cergy : [que c’est] « un paysage qui a résisté miraculeusement aux agressions des banlieues » 4. Ce qui est particulier à Cergy-Pontoise, c’est le rôle que la nature a joué dans la construction de la ville. Trois mots viennent à l’esprit lorsque l’on évoque cette ville : variété, structure et contrôle. L’exposé de Luc Raimbault ci-dessus illustre d’ailleurs bien ces trois termes. Variété : il y a toutes sortes d’espaces naturels sur le territoire de la ville : des massifs boisés à proximité, des zones agricoles avec le Parc naturel du Vexin au Nord, de nombreux cours d’eau, la forêt de Saint-Germain qui est proche ainsi que les bois de l’Hautil qui séparent la boucle de l’Oise et la Seine. Cergy-Pontoise a réussi à maîtriser le maintien des espaces agricoles, des espaces de maraîchages et des espaces de vergers. Structure : l’espace naturel joue un rôle important sur la structure de l’agglomération, ce qui fait dire à l’ethnologue Caroline de Saint-Pierre :« Le principe d’une ville aérée, d’une ville verte s’impose (et sans doute de plus en plus) comme une référence centrale pour les différents acteurs, décideurs comme citadins. La nature viendrait structurer l’espace urbain ; paradoxalement, c’est la nature qui ferait la ville 5. » Contrôle : l’environnement végétal se retrouve même dans les axes urbains de façon très contrôlé et fort. La promenade de l’après-midi aidera à illustrer cette notion :

4 Duby Georges, préface, L’Axe Majeur, Cergy-Pontoise, Beaux-Arts éditions, Paris, 2009. 5 De Saint-Pierre Caroline, « Créer de la localité en ville nouvelle », in Ethnologie française, 32, 2003.

10 L’analyse des projets routiers à Cergy-Pontoise et de leurs aspects structurants Les projets routiers y sont nombreux. L’A15 est une autoroute qui relie Paris à Cergy et qui existe depuis 1977. Elle assure une bonne desserte des pôles urbains. C’est typiquement l’autoroute des années 1970-80. Autoroute rayonnante, elle passe entre Cergy et Pontoise, provoquant une forte coupure urbaine, et se terminant au moment où elle arrive dans le PNR pour devenir une route nationale aménagée, ce qui lui donne un caractère un peu exceptionnel. Son tracé provoque un blocage de la faune près du PNR, mais elle présente l’avantage d’être un sillon vert qui pourrait être plus valorisé en étant travaillé séquence par séquence pour mieux s’intégrer à la hiérarchie des voiries d’agglomération. L’A104 (la Francilienne) est la troisième rocade pour Paris (après le périphérique et l’A86). Sa conception a connu une longue histoire au cours de laquelle son tracé et sa forme ont évolué, mais ses effets de coupure restent nombreux. Le dernier tronçon de cette grande rocade régionale rapide devait être implanté à l’ouest, mais il a été abandonné parce qu’il devait traverser des espaces naturels et agricoles précieux du point de vue des écosystèmes et du paysage, notamment dans la vallée de la Seine. Son tracé a été changé suite à un débat public qui été l’occasion pour les communes de réagir dans le bon sens. La plaine de Maurecourt ou la commune d’Éragny-sur-Oise ont été défendues par les élus locaux et des choix ont été faits pour que l’autoroute traverse des territoires urbains (avec le moins de nuisances possible pour les habitants), présentant des parties en tunnel et d’autres en couverture. La route nationale 184 va être apaisée et reconvertie en boulevard urbain et un projet de parc a été inscrit au PLU d’Éragny. Ces deux voiries constituent une croisée d’autoroutes qui permettent d’articuler Cergy avec les autres villes de la région. Le V88 : il était prévu dans les schémas des années 1980 un contournement autoroutier total de Cergy-Pontoise relié à la Francilienne. Ce projet de contournement a évolué et le contournement autoroutier V88 prévu a été transformé en deux courts segments disjoints qui s’ajustent au thème de la ville-paysage inscrite au SCoT. Le projet de rocade ouest en 2x2 voies disparaît et l’un des segments (la D88) est réalisé avec un savoir-faire sobre, comme une petite route de campagne assurant la desserte et respectent les rôles du territoire. Un travail de terrain très fin est réalisé. Par exemple, entre Courdimanche et Menucourt, la V88 se réduit à un tronçon à 2x1 voie, avec un giratoire discret et des trottoirs et chemins qui unissent les communes. Ainsi, l’espace agricole entre les pôles habités et les hauteurs de l’Hautil est pleinement intégré au milieu urbain. La majeure partie du contournement est abandonnée, répondant ainsi aux caractéristiques chères à la ville nouvelle dès sa conception d’être une « ville-paysage ». Le C13/F13 (barreau autoroutier) : c’est une liaison entre les autoroutes A13 et A15 actuellement mise en sommeil (suite au Grenelle de l’environnement). Ce barreau pose des problèmes, notamment en termes d’écologie, car il passe à travers le Parc naturel régional. Ce barreau autoroutier est une menace qui pèse sur Cergy-Pontoise qui, contrairement à l’A15 et à la Francilienne qui s’avèrent utiles, ne semble pas présenter un grand intérêt et porterait atteinte à la ville-nature en séparant les habitants des espaces de verdure. L’autre segment prévu au sud a été transformé en un projet d’écoroute, appellation qui correspond à un concept de route intégrée pour garder un territoire vivant et équilibré dans ses fonctions. Le projet d’écoroute sera de fait une route à capacité limitée (pour relier le boulevard de l’Oise et le pont déjà existant et soulager Jouy-le Moutier), permettent des connexions en particulier en modes doux, avec une emprise pour un transport en commun. L’idée est également de rechercher une sécurisation du corridor écologique entre le Vexin et l’Oise, une gestion des problèmes de pente et d’hydrographie et de permettre une valorisation de l’articulation vers l’Oise avec le maintien du paysage et de la nature. Des références étrangères sont mises en parallèle dans la recherche, étudiées à Barcelone, en Suisse ou aux Pays-Bas, et qui sont présentées ultérieurement au cours de ces Journées.

11 L’écoroute de l’Oise. Conjuguer liaison routière, corridor écologique et paysage… citoyen Joseph Salamon urbaniste, directeur du Pôle Organisation de l'Espace et du Paysage, CA de Cergy-Pontoise

Une politique publique en faveur de la biodiversité Les documents de planification du territoire de Cergy présentent une grande cohérence sur la question de politique publique en faveur de la biodiversité. Le récent SCoT a rendu inconstructibles des espaces naturels boisés et ouverts, il protège les zones agricoles et préserve les zones humides et les corridors biologiques. L’Agenda 21, signé il y a un peu plus d’un an, entérine l’engagement de Cergy-Pontoise pour un développement durable à l’échelle du territoire, engagement qui est décliné dans sa stratégie et dans ses fiches d’actions. Enfin, un document cadre en faveur de la biodiversité a été voté en juin 2011 pour sensibiliser et mobiliser les acteurs concernés, développer la connaissance sur la biodiversité locale et mettre en œuvre de mesures de gestion.

Le contexte de l’écoroute Le projet d’écoroute est situé sur le territoire de la commune de Jouy-le-Moutier et sur celui de Maurecourt. Jouy-le-Moutier, village rural de 734 hectares dont 172 d’espaces verts et/ou boisés, s'est développé rapidement pour devenir une ville de 18 230 habitants après la création de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise. La ville a gardé un paysage de « village », avec des rues et des ruelles, situé entre l’Oise et les coteaux et présentant un équilibre entre le site naturel, le parcellaire très morcelé d’origine agricole et un bâti aux formes variées. Les quartiers récents sont situés dans le prolongement du plateau du Vexin, secteur qui abrite aujourd’hui la part la plus importante de la population. On y trouve de l’habitat individuel (lotissements) et quelques immeubles collectifs de faible hauteur. La commune de Jouy-le-Moutier a aujourd’hui comme objectif principal de préserver la population actuelle. Elle souhaite, dans le cadre de son Grand projet urbain (GPU), développer son parc de logements (en construisant 1000 logements d’ici 2020), d’une part pour répondre à une forte demande de la population actuelle, et d’autre part pour s’inscrire dans une nouvelle dynamique de développement permettant d’accroître son attractivité. La Communauté d’Agglomération s’est en effet engagée, en partenariat avec la commune de Jouy- le-Moutier, à conduire un Grand Projet d’aménagement et de développement à Jouy-le-Moutier permettant de mettre en œuvre de façon cohérente plusieurs projets. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie des habitants de Jouy-le-Moutier et de Maurecourt en assurant une continuité dans le maillage routier entre les hauts de Jouy, puis de Maurecourt vers la boucle de l’Oise afin de réduire le trafic au cœur des îlots urbains.

La définition du projet d’écoroute et son cadrage Un lien vert va raccorder les communes de Jouy-le-Moutier et de Maurecourt, coulée verte qui partira des zones urbanisées et reliera la forêt de l’Hautil aux berges de l’Oise. Ce projet d’écoroute de l’Oise s’adjoindra en bordure sud d’un corridor biologique (mosaïque d’habitats associant prairies, haies, bosquets et vergers). L’écoroute devrait répondre à plusieurs objectifs. Le premier est un objectif d’infrastructure, qui est d’assurer une liaison routière. Le deuxième est de créer un corridor écologique garantissant une certaine continuité assurant les lieux de passages privilégiés utilisés par des espèces végétales (dispersion) et animales. L’ensemble de ces axes de déplacement constitue la trame verte écologique. Le troisième objectif est un objectif d’assainissement et de gestion des eux pluviales en maîtrisant les ruissellements sur le bassin versant en articulation avec la voie tout en favorisant les techniques alternatives. Un fractionnement des milieux humides sur le versant, au sein du corridor constituera des relais entre la forêt de l’Hautil et l’Oise.

12 Il s’agit enfin d’assurer des aménagements de zones humides en articulant la zone humide projetée à Jouy-le-Moutier avec le projet sur les berges d’Oise à Maurecourt et la gestion des eaux collectées sur le versant. L'approche écologique et environnementale du paysage a aussi pour objet de prendre en compte différents éléments ou enjeux environnementaux et sociaux : l’énergie, le confort climatique, la gestion des déplacements, la qualité de l’environnement sonore, la gestion des déchets, la gestion de l’eau pluviale par techniques alternatives, la réalisation de zones humides pour l’amélioration de la biodiversité, la phyto-rémédiation de la pollution potentielle des ruissellements pluviaux, la qualité de la ressource en eau, la prise en compte de la pollution potentielle ou existante des sols, l’intégration paysagère, la mise en lumière, la préservation de la biodiversité (corridor écologique), l’utilisation de matériaux durables (renouvelables, récupérés, recyclés) et plus généralement une gestion durable des projets. Le tracé de l’écoroute n’est pas encore figé. La question se pose de savoir si l’écoroute doit longer les limites de la ville de Jouy-le-Moutier ou passer au-delà. Le conseil général a accompagné ce travail de conception de l’écoroute du lancement d’une étude sur sa définition et se faisabilité. Les résultats de cette étude ne sont pas encore connus. Une réflexion en cours sur la définition du terme d'écoroute fait apparaître des contradictions entre certains enjeux. Des projets pour cette écoroute ont été imaginés par des étudiants de l’école d’architecture de Paris-Belleville (un projet agricole, l’écoroute vue comme un système de phyto filtration, etc.).

Des perceptions citoyennes du paysage Une enquête a été menée en avril et mai 2010 auprès de 200 habitants du territoire de Cergy- Pontoise sur la définition du paysage en général, puis sur celui de Cergy-Pontoise. L’enquête se déclinait en 13 questions, réparties en 4 sous parties : - la définition du paysage en général, - le paysage de Cergy-Pontoise (son vécu), - la perception du paysage, - les attentes. À titre d’exemple de réponses concernant le paysage de Cergy-Pontoise, 60% des gens l’associent à la nature et, pour 30% des interviewés, c’est un lieu d’évolution considéré comme le cadre de vie locale (« Le paysage, c’est ce que je vois, ce qui m’entoure », « Une composition de tous les éléments à portée de vue »…). On en reste donc à la perception sensible de ce qui s’offre à voir. 27% des sondés l’associent à un cadre de loisirs et de détente esthétique et, à ce titre, la base de loisirs est considérée comme l’élément principal de l’identité de Cergy. Près de 10% d’entre eux ont des perceptions différenciées et marquent la différence entre plusieurs types de paysages, une nuance dans l’appréciation de la perception. L’opposition paysage urbain/paysage rural est récurrente. Enfin, pour 70% des gens, la base de loisirs est le paysage identitaire principal du territoire. 15% indiquent un attachement aux paysages urbains de Cergy-Pontoise, mais près de 15% ne peuvent citer de paysages cergypontains auxquels ils soient particulièrement attachés. Ce travail permet aussi de voir la différence de perceptions entre ceux qui vivent l’espace et ceux qui ne le vivent pas. La même enquête faite par exemple auprès de Parisiens sur leur vision de Cergy- Pontoise aurait sûrement apporté des réponses très différentes.

Luc Raimbault ajoute quelques mots pour resituer politiquement le concept très particulier d'écoroute. Le projet, tel que conçu dès le début de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise, était à l’origine d’implanter un boulevard périphérique de 2x2 voies, donc de statut autoroutier, tout autour de l’agglomération. L’endroit où devait se situer cette route était d’un côté sur la commune de Jouy-le- Moutier, qui appartenait déjà à la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et au département du Val d’Oise, et de l’autre sur celle de Maurecourt (village de moins de 5 000 habitants), hors agglomération de Cergy-Pontoise, dans les Yvelines. Ce boulevard périphérique devait traverser Maurecourt, site de corridor écologique. Or l’État avait aussi déjà choisi de faite passer l’A104 sur les zones non construites de Maurecourt.

13 La commune de Maurecourt s’est donc « bagarrée » pendant une bonne vingtaine d’années contre l’A104 et contre le projet de périphérique de la CA de Cergy-Pontoise. Le projet écologique de Maurecourt était réel, la commune ayant entrepris des actions en faveur de la faune et de la flore en créant un couloir écologique pour permettre aux animaux de migrer vers l’Hautil, en aménageant les berges de l’Oise et plus généralement en préservant ses espaces naturels, ce qui lui a valu d’être réélue capitale de la biodiversité en 2011. À l’inverse, le maire de Jouy-le- Moutier défendait le projet de périphérique de 2x2 voies pour éviter que les véhicules traversent sa ville, mais ce que ne voyaient pas d’un bon œil les habitants de Maurecourt. Les élus de ces deux communes n’ont cessé de s’opposer pendant une bonne vingtaine d’années. Puis est venu le moment où le projet de périphérique a été remis en question, cependant demeurait le problème de l’absence de liaison permettant de rejoindre le pont construit sur l’Oise. Depuis cinq ans environ, la réflexion porte non plus sur le projet de périphérique, mais sur la façon de réaliser ce tronçon manquant. Le contact a été renoué entre la CA de Cergy et Maurecourt, qui a maintenu sa vision de corridor écologique entre le plateau de l’Hautil et l’Oise. Le dialogue a pu reprendre en faisant le pari ensemble de développer ce concept d’écoroute, projet qui n’est pas en contradiction avec les choix des deux communes. Les élus ont bien entendu changé au cours de cette longue période de « bagarres » et, ce qui est intéressant aujourd’hui, est que les échanges entre ces collectivités ont fait que l’infrastructure maintenant en projet a aidé à construire un projet de territoire, au point que la commune de Maurecourt a demandé à adhérer à la communauté d’agglomération. La confiance est née, il reste à savoir comment ensemble créer cette voie.

Écosystèmes et nature « ordinaire » dans l’agglomération Marine Linglart-Lime écologue, bureau Urban-Eco Marine Linglart est ici à plusieurs titres puisqu’elle participe à la recherche sur Cergy-Pontoise, mais elle est aussi associée à l’équipe du Cresson qui interviendra plus tard. Elle est également intervenue auparavant, en tant que bureau d’études, en partenariat avec le bureau d’études Écosphère dans le cadre des études écologiques du Scot de l’agglomération de Cergy-Pontoise et aux premières réflexions sur les trames vertes et bleues et à une traduction des propositions du Grenelle de l’Environnement dans le Scot. L’agglomération de Cergy-Pontoise présente un territoire fortement maillé, or le morcellement ne favorise pas le traitement écologique des espaces. C’est aussi un territoire a priori peu identifié pour ses milieux naturels, on y trouve pourtant une grande diversité de milieux : des petits cours d’eau, des mares et étangs, des vergers, beaucoup d’espaces boisés, mais de façon très morcelée, et donc présentant peu de continuités. Sur un plan plus réglementaire, peu de sites sont protégés. Deux secteurs ont un intérêt écologique certain : la forêt d’Hautll qui est en Znieff et un marais qui présente des espèces d’intérêt animal, végétal et d’intérêt patrimonial. Des petits « trésors » écologiques ponctuent également le territoire. Une carte fait apparaître les grands boisements naturels ou non, les haies, les milieux herbacés semi-naturels, les parcs et jardins, les zones de cultures et enfin les étangs, les mares ou cours d’eau. Sept territoires ont été déclarés à forts enjeux écologiques : - le fond de Saint-Antoine sur la commune de Pontoise, avec une vallée boisée dominée par les chênes, le frêne commun et le châtaignier, et un fond de vallée riche en fougères ; - la vallée de la Viosne, qui est un des secteurs les plus riches du territoire, avec à l’ouest, une vallée encore préservée (marais, coteaux calcaires…) et à l’est, une vallée en partie urbanisée ; - les friches de Saint-Ouen-l’Aumône, avec une vaste friche marno-calcaire au lieu-dit « La Garenne » et un boisement humide au lieu-dit « Fond des Aunes » ainsi que les berges de l’Oise au droit de l’île de Vaux avec leur zone de chasse du Murin de Daubenton et de reproduction de la Bergeronnette ;

14 - la boucle de l’Oise et ses coteaux, où se trouve le secteur de l’écoroute, avec de vastes plans d’eau sur la base de loisir et une diversité d’habitats (coteaux et terrasses alluviales boisés, plans d’eau, cultures…) et une forte pression anthropique (urbanisation, maraîchage…) ; - les coteaux de la forêt de l’Hautil sont l’un des lieux les plus intéressants sur le plan écologique de l’agglomération de Cergy-Pontoise. Ils présentent des pentes dominées par les chênes et le châtaignier, des mares et des sources forestières en bas de pente, des prairies, des vergers et des mares en lisière, et l’on y trouve une grande diversité de chauves-souris, une avifaune nicheuse diversifiée ainsi qu’une mare avec des libellules ; - la base de loisirs de Cergy-Neuville a surtout un intérêt avifaune avec une grande diversité d’oiseaux d’eau hivernants (grèbes, anatidés…) ; - les ourlets enfrichés des boisements en rive droite de l’Oise (frange boisée, Bois de Cergy) où existe une diversité entomologique (papillons, orthoptères) et la présence de papillons peu fréquents. Parmi les espèces floristiques, on peut citer, dans les secteurs frais à humides des bois de l’Hautil, des plantes comme l’utriculaire citrine (qui est protégée au niveau régional), le dryoptéris dilaté (fougère) ou la campanule gantelée. Dans la vallée de la Viosne, en amont d’Osny et sur les coteaux boisés poussent la renoncule flottante (rare) et la petite berle (assez rare), l’actée en épis (protégée régionalement), l’ibéris amer, la guimauve hérissée, la petite cuscute, l’ipactis brun-rouge, l’orobanche sanglante, la brunelle laciniée, le petit rhinanthe, le silène penché… Dans la grande friche calcicole, au lieu-dit « la Garenne », on note la présence d’un cortège d’espèces marno-calcicoles, des espèces peu fréquentes comme l’érigéron âcre, le cynoglosse officinal ou la chlore perfoliée (trois espèces assez rares)… Les enjeux faunistiques sont surtout de l’ordre de l’avifaune : une avifaune nicheuse diversifiée avec l’épervier d’Europe, assez rare, et le pic mar (qui est assez commun et inscrit à l’annexe 1 de la directive « Oiseaux »), plusieurs couples de chouettes chevêches, oiseau assez rare aux exigences écologiques marquées et une reproduction possible de la bergeronnette des ruisseaux, qui est assez rare. On repère aussi une diversité en chauves-souris (dont la pipistrelle de Kuhl / Nathusius, très rare, et la sérotine commune qui est rare ainsi que le murin de Daubenton (assez rare). Enfin, il y a, près de l’endroit où passera l’écoroute, une zone de reproduction du cordulégastre annelé, qui est une libellule protégée en Île-de-France, et une diversité entomologique avec la présence de papillons peu fréquents comme l’hespérie de l’alcée, espèce rare et déterminante de Znieff, et le céphale, qui est peu commun. Ces analyses relativement fines du territoire ont permis de réfléchir aux notions de continuité et à la circulation des espèces qui est très complexe. On y voit la trajectoire de vie des espèces, les secteurs de reproduction et les secteurs de passage jouent un rôle majeur. L’idée est de rechercher une continuité entre les boisements à l’échelle de l’agglomération et à l’échelle des trames vertes et bleues régionales. Une cartographie de la trame boisée a été dressée faisant apparaître une continuité remarquable le long de la butte de l’Hautil et la Viosne amont, avec des noyaux de diversité ainsi que quelques autres sites souvent isolés comme le Bois des Cotes à Neuville, le Bois de la Garenne, la Cote des Carrières…). La cartographie de la trame herbacée montre un fort morcellement des noyaux de biodiversité avec de nombreux corridors d’une qualité moyenne. Enfin, la cartographie de la trame bleue fait apparaître l’existence d’un seul axe majeur, l’Oise, surtout pour les oiseaux d’eau et les chauves-souris et, de manière secondaire, la Viosne, mais qui est trop artificialisée en aval. Ces cartes permettent de dresser une carte intégrée qui permet de déterminer globalement les mesures de préservation à prendre, avec une recherche de cohérence à l’échelle d’un territoire vaste, dans laquelle pourront s’inscrire les logiques de voirie et en particulier l’écoroute. L’enjeu de territoire est majeur à Cergy pour tous les futurs aménagements ou infrastructures (et notamment l’écoroute) : l’enjeu est d’ordre écologique, paysager, hydraulique, naturaliste ou tous les enjeux liés aux éléments sonores, aux effets de coupures, mais aussi des enjeux agricoles (préserver l’agriculture). Il s’agit aussi de permettre aux personnes de continuer de se déplacer et de se promener à pied ou à vélo entre les villages de Maurecourt et celui de Jouy-le-Moutier ou le long de l’Oise. Ce sont tous ces enjeux que devra pendre en compte le tracé de l’écoroute.

15 Visite en bus de l’agglomération de Cergy-Pontoise

Circuit de la visite

Cette visite6 est commentée par Michel Jaouën, architecte-urbaniste et Jean-Claude Rault, chargé de mission Valorisation du patrimoine et promotion du territoire au Pôle Animation du Territoire à la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise. Partant du centre de Cergy, le groupe s’est tout d’abord arrêté pour contempler la vue sur l’Axe majeur, œuvre de l’artiste Dani Karavan7, sculpture urbaine de trois kilomètres de long qui part de la ville de Cergy, traverse l’Oise et va jusqu’au carrefour du Ham, en direction de Paris, sur une idée des urbanistes Bertrand Warnier et Michel Jaouën. Le parcours de l’Axe majeur est ponctué par douze « stations » traitées chacune de façon différente (terrasse, jardins, place, passerelle, îlot, amphithéâtre…). La visite en bus s’est poursuivie, illustrant les propos tenus en début de journée par Luc Raimbault et Ann Caroll Werquin sur les infrastructures, les espaces traversés, le site de la future écoroute et les caractéristiques des paysages dans lesquelles s’inscrivent ces infrastructures. Les récits et informations entendus au cours de la visite, en particulier concernant le projet d’écoroute, ont été cités à titre d’exemple et repris tout au long des deux journées.

6 Les photos de cette visite sont visibles sur le site d’ITTECOP (onglet : Les Journées ITTECOP). 7 D’après Dani Karavan, « l’Axe majeur est un exemple très particulier d’art public à la frontière entre la sculpture, le paysage, l’urbanisme et l’architecture ».

16 Échanges : dynamiques de projets / dynamiques d’acteurs Ces échanges étaient animés par Yves Luginbühl, ingénieur agronome et géographe, membre du conseil scientifique d’ITTECOP et par Christophe Bayle, urbaniste et membre des Ateliers de Cergy- Pontoise.

Infrastructures et paysages : des expériences récentes aux Pays-Bas Jos Jonkhof & Sybrand Tjallingii respectivement architecte-urbaniste conseil & écologue à l’université de technologie de Delft Jos Jonkhof précise d’abord que les Pays-Bas, comme la France, sont faits de vallées, de coteaux et de plateaux, mais tout y est plus petit, à l’échelle d’un pays beaucoup plus plat que la France. Le Rhin et la Meuse ont façonné le pays en raison des alluvions qui ils y ont déposé. Ce pays est marqué par de grandes infrastructures et par sa structure verte qui crée une impression de mosaïque. Cet exposé se concentre sur le régional et le local où la conception est basée sur la connectivité entre les différentes composantes du paysage. La notion de connectivité écologique est fondamentale pour les infrastructures, alors que c’est la connectivité économique qui est le plus souvent prise en compte. Des solutions ont été trouvées pour créer cette connectivité écologique.

Le viaduc du Crailo L’exemple du viaduc naturel de Crailo, qui fait la connexion entre une grande de bruyère et une zone boisée en passant au-dessus d’une route et d’une voie de chemin de fer, est un pont qui a fait école. Son impact psychologique est important et partout se développe dans le pays des ponts inspirés de cet exemple. Au plan local, il faut souvent résoudre des problèmes écologiques de moindre importance mais complexes, le plus souvent avec des solutions très simples et qui ne sont pas coûteuses.

Le cas de l’A73 et de l’A2 L’A73 relie deux petites villes : Venlo et Roermond, situées aux abords de la Meuse qui est un fleuve très intéressant du point de vue paysager. Il s’agissait de construire une autoroute dans un site très sensible, la question se posant de la faire passer à l’est, en bordure de l’Allemagne, ou à l’ouest, où le paysage est moins sensible, mais où le prix du terrain à l’hectare est très élevé car il est couvert de roseraies. Le choix a été fait de réaliser l’autoroute dans la zone la plus sensible, mais en prenant le plus grand soin pour le faire, avec de beaux ouvrages d’art pour diminuer les impacts sur le paysage. Ce qui a été fait avec de grandes difficultés et après un long temps de réflexion. Deux rivières se jettent dans la Meuse : le Swalm et la Roer, qu’il a fallu traverser. Les solutions mises en œuvre ont consisté en de véritables interventions chirurgicales pour insérer l’autoroute dans le paysage. Des tunnels sous la Roer et sous le Swalm ont été tracés et un « écoduc » a été réalisé pour le passage des grands animaux. L'A2 est une autoroute qui traverse la ville de Maastricht et où le trafic est important. Son réaménagement nécessitait donc une intervention majeure. Une étude des alternatives possibles à la traversée de la ville a été réalisée, passant à l’est ou à l’ouest de la ville. L’alternative Est a rapidement été éliminée car elle devait passer au travers de milieux très sensibles et il aurait fallu pratiquement l’enterrer tout au long de son parcours. Finalement la décision a été prise de passer à travers la ville. Un débat public a été organisé dans la ville sur le choix du tracé. Cela a causé un mouvement dynamique dans la ville, d’abord avec des attitudes de refus, puis de proposition. Le projet est maintenant soutenu par la plus grande part de la population et ceux qui ont le plus résisté (comme les bailleurs sociaux qui possèdent beaucoup de bâtiments en bordure de la future trajectoire) sont finalement ceux qui ont le plus coopéré au vu des solutions proposées : passage du trafic sous un tunnel à double étage (le tunnel inférieur étant pour le transit régional), avec une promenade verte en surface, le long des habitations réhabilitées. Un plan de structure paysagère (avec réhabilitation des volumes bâtis) est mis en place au nord de la ville et une grande rocade passera au sud.

17 La compensation des impacts a été prévue dès l’élaboration du plan local d’urbanisme, alors qu’il semble qu’en France les compensations sont étudiées après que le programme de développement est défini. L’insertion de la voie dans le tissu urbain local a fait l’objet de la plus grande attention, avec des aménagements verts et en particulier avec un aménagement végétal destiné à filtrer les particules fines en sortie de tunnel.

Sybrand Tjallingii, aidé par la traduction simultanée de Iain Whyre, aborde plus particulièrement la question de l’aménagement des infrastructures en respectant la nature. La nature peut être abordée de différentes façons, comme un objet spécifique, comme un espace ou encore comme un processus. En tant que processus, l’espace est fait de différentes couches : le sous-sol et le sol. La couche inférieure est la base physique, puis il y a celle des réseaux et enfin celle de l’occupation du sol elle- même. C’est l’approche spatiale qui prévaut actuellement aux Pays-Bas. Ce schéma permet de simplifier la complexité. Des principes généraux ont été traduits en modèles guides et en orientations pour l’aménagement. Le modèle des transports aborde la question en fonction des différentes préoccupations : leur efficacité, les processus naturels qui sous-tendent le système et les synergies générées entre les différentes occupations du sol. Le premier modèle est le modèle corridor qui se focalise sur la concentration spatiale et la séparation des fonctions (pour prévenir les congestions des voies et réduire les nuisances sonores pour les riverains). L’expérience des villes nouvelles nous a appris à ne pas trop associer les infrastructures et les espaces verts, mais les points de rencontre entre eux sont inévitables. Un autre principe vise à la promotion du vélo. Il est apparu très efficace d’associer les pistes cyclables « vertes », ce qui permet d’améliorer l’attractivité des zones vertes radiales. Un autre modèle traite de la question des contournements routiers, des périphériques, avec pour principe guide d’améliorer les abords verts des villes et d’intégrer ces périphériques par différents moyens (tunnels, etc.). Les contournements à créer devront être situés à une certaine distance de la ville, avec la création simultanée d’espaces verts qui amélioreront la qualité de vie par des aménagements adaptés à la situation. Le modèle de concentration vise à atteindre le même objectif en concentrant le long de certains axes les zones administratives, industrielles et commerciales.

Quelques apports de ces modèles La traduction de ces principes généraux sur le terrain a eu des résultats très variés d’un lieu à un autre. Dans le contexte actuel de changement climatique, une grande attention est portée à l’eau dans toutes ses dimensions ainsi qu’à la biodiversité mais aussi à la présence d’espaces de loisirs et à la qualité de l’habitat. Par exemple dans le quartier Schalkwijk à Haarlem, les logements sociaux datant de l’après-guerre ont été réhabilités et les espaces extérieurs réaménagés et valorisés, ce qui eu pour résultat que maintenant les habitants ne veulent plus quitter ce quartier. La concentration des infrastructures permet de laisser une place aux aménagements valorisants dans les franges, ce qui a été appelé le modèle stratégique des deux réseaux. Un autre exemple de situation de croissance urbaine est pris en ville nouvelle, à Drachten, où il s’agissait d’aménager des espaces de qualité en passant au-dessus d’un boulevard périphérique pour aménager des espaces de l’autre côté. À Amersfoort, lors d’une opération de reconstruction urbaine, une ancienne voie ferrée a été reconvertie en coulée verte urbaine. Dans la ville de Breda, le système de circulation et la présence de l’eau ont été pris en compte dans le document de planification urbaine, en application de la stratégie des deux réseaux. À Gouda, il s’agissait de créer des conditions spatiales pour la qualité des franges de la ville où des logements ont été aménagés pour des personnes de milieux plutôt aisés, ce qui a généré des revenus pour la commune qui permettent d’améliorer les espaces de l’ensemble du quartier au profit de tous. Enfin, dans la ville de Leiden, un débat est en cours pour le choix entre deux tracés pour la connexion des autoroutes A4 et A44.

18 Nourrir la réflexion par d’autres exemples français ou étrangers Ann Caroll Werquin Ann Caroll Werquin complète son intervention de la matinée en exposant la seconde partie de sa recherche qui étudie des solutions innovantes prise en France et en Europe. Les solutions innovantes de ces deux dernières décennies, tant en France et qu’en Europe, instaurent comme principes que la capacité de la voirie autoroutière ne pourra plus être sans cesse augmentée et que le projet doit être intégré dans un programme plus large et même rechercher la valorisation du micro-territoire concerné. Le budget des opérations a tendance à augmenter car il doit prendre en compte des actions de maintien des valeurs du territoire impacté par l’infrastructure : réparations, compensation, sécurisation des milieux humains et naturels.

Sujets traités dans les exemples étudiés Les exemples innovants font apparaître trois familles de voies : - les routes hybridées, comme l’A15 sur le territoire de Cergy : on change le profil de l’autoroute par séquence pour répondre à un certain nombre de sollicitations de son contexte (elle est donc hybridée par son contexte) ; - les routes contrôlées : lorsqu’une infrastructure nouvelle va s’implanter, sa présence au sol est inscrite en pointillés ; sont prévus des tunnels, la couverture de la voie et des viaducs afin de moins encombrer l’espace et de fusionner des emprises (la nouvelle portion de la N104 à Cergy) ; - les routes à valeur ajoutée : le programme de la voie est changé, par exemple en une voie moins longue, moins large, plus lente, inscrite dans un projet de territoire et comportant des actions de compensation, proposant de nouveaux services, montrant le paysage et porteuse d’un avenir sécurisé pour les milieux. Pour l’A86, le choix a été fait d’économiser l’espace en installant des viaducs, un tronc commun a été réalisé avec l’A4 et des tunnels, de petites tranchées couvertes rendent la voie moins coupante. Pour l’A14, à Carrières-sur-Seine, des travaux coûteux ont été réalisés, comme des viaducs, pour éviter les coupures. Un important travail en 2006 a été fait à Barcelone pour réinstaller des espaces publics et supprimer les coupures urbaines, comme la réalisation d’une structure à deux étages permettant de mettre en bas le prolongement d’une ligne de métro et du stationnement et sur l’étage supérieur des

19 espaces publics de proximité pour les logements situés en bordure et un élégant mur anti-bruit complète le dispositif. Toujours à Barcelone, Plaça Cerda, à la place d’un vilain nœud autoroutier en périphérie de la ville, une place a été construite en surface, avec en-dessous les autoroutes qui passent dans les deux sens et une large belle passerelle piétonne passe au-dessus, avec des bancs, qui est devenu un espace public apprécié par les riverains, qui descend en pente douce vers les quartiers et les commerces. Pour lutter contre la fragmentation qui a des conséquences graves pour les écosystèmes, une réflexion a été menée en Suisse (depuis 2004) qui a donné lie à un rapport (Astra), qui ensuite été traduite par une directive indiquant que la largeur de maille résultant des morcellements par les infrastructures était trop faible pour sauvegarder la biodiversité. Les moyens d’élargir cette maille sont donc privilégiés partout. Le tunnel est l’un des moyens et il a été utilisé à l’entrée de Berne (le tunnel du Neufeld sur l’A1) pour une nouvelle bretelle autoroutière, dont il résulte un intérêt urbain et écologique certain. Les massifs forestiers sont liés à la rivière, l’espace de promenade est préservé et le bruit routier est diminué. L’ouvrage d’accès au tunnel est encombrant mais s’y sont installés de nouveaux services : un parking et des services, une station de bus qui desservent le centre de Berne qui est piétonnier, etc.

Échanges Christophe Bayle demande à Luc Raimbault ce qui les a incités à prendre le risque de s’associer à des chercheurs pour mener à bien leurs projets au lieu de travailler directement avec des aménageurs. Luc Raimbault répond qu’il ne sait pas si cela présente un risque, mais que c’est une approche assez générale sur des territoires comme celui de Cergy où il y a une tradition de ville nouvelle, et où l’habitude a été prise de faire appel à des éléments nouveaux. Les ateliers de Cergy en témoignent. L’approche privilégiée est d’avoir en permanence une réflexion approfondie sur l’urbanisme et l’environnement et de ne pas avoir de dogme en la matière. C’est de plus une démarche de l’agglomération aujourd’hui qui travaille en intégrant des doctorants dans l’équipe, par le biais d’une Convention CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche), qui travaillent à temps partiel dans le structure. Il est important d’avoir le recul nécessaire pour appréhender des sujets nouveaux. Christophe Bayle s’adressant à Gilbert Marsac, maire de Jouy-le-Moutier, demande si « écoroute » est un nouveau label, une carotte à subventions ou est-ce qu’il croit vraiment au projet ? En quoi est- ce qu’une écoroute est différente d’une route lambda ? Où en est le projet ? Gilbert Marsac dit que Jouy-le-Moutier est une petite commune située au sud-ouest de l'agglomération. La commune est traversée par des routes qui rejoignent les pôles d’activité situés à l’est de l’agglomération ou qui se dirigent vers Paris et elle connaît de ce fait un transit important. Il a déjà tout entendu autour au sujet de l’écoroute : « une pompe à subventions, un passage pour les grenouilles ou les petits animaux, un nouveau concept… ». En fait, l’équipe municipale précédente avait décidé d’arrêter de construire des routes qui passent par Jouy-le-Moutier et les habitants ont assez vite adhéré à ce discours et se sont opposés à la construction de cette nouvelle autoroute. Les réflexions sur la relance de la construction dans la ville et sur l’aménagement routier de la commune ont alors été menées de façon à ce que les projets d’urbanisme avancent en même temps que ceux des infrastructures routières prévues pour désengorger la ville de la circulation. Le projet d’écoroute ainsi que son tracé exact sont encore en cours d’étude. Ce projet ne naît pas de rien, il a été longuement mûri. L’accès à la N104 a déjà fait l’objet de nombreuses études. Les attitudes vis-à-vis de l’usage de la voiture ont beaucoup changé depuis le début des études. Une desserte en transport en commun BHNS (bus à haut niveau de service) est programmée et le projet de périphérique est abandonné. En revanche, le contournement de Jouy-le-Moutier pour aller vers l’est de l’agglomération est très attendu par la population. Le projet d’écoroute est situé sur le territoire de la commune de Jouy-le-Moutier et sur celui de Maurecourt. La municipalité de Maurecourt et les habitants de cette ville s’étaient fortement mobilisés contre les projets de routes proposés préalablement et ont alors développé avec l’aide de scientifiques une bonne connaissance de la biodiversité locale et ils ont souhaité préserver les espaces, et malgré tout d’y faire passer une route, mais qui soit écologiquement respectueuse de l’environnement.

20 Quant à la différence entre une route lambda et une écoroute, elle a été longuement présentée au cours de cette journée par Ann Caroll Werquin et Joseph Salamon : l’objet de l’écoroute est d’améliorer la qualité de vie des habitants de Jouy-le-Moutier et de Maurecourt en assurant une continuité entre les hauts de Jouy, puis de Maurecourt vers la boucle de l’Oise et de réduire le trafic dans les bourgs. Yves Luginbühl souhaiterait savoir comment la population a accepté le changement d’un projet pour arriver à celui d’écoroute et s’il y a un milieu associatif mobilisé sur ces problèmes. Gilbert Marsac répond qu’au départ, à Maurecourt, c’est la municipalité qui a porté elle-même la préoccupation environnementale. Une association, qui travaille plus largement sur les questions d’infrastructures dans l’agglomération, l’a ensuite rejointe sur cette action. À Jouy-Le-Moutier, les associations sont plutôt opposées à l’urbanisation de la ville et à son extension et au passage de nouvelles routes dans le bourg, mais elle ne s’intéresse pas particulièrement au projet d’écroute. En ce qui concerne la population de Jouy-Le-Moutier, elle est très favorable au projet de bus (BHNS) qui passera par le bourg. En réponse à la question de Christophe Bayle de savoir ce que pense la population des projets routiers de l’agglomération, Gilbert Marsac laisse le soin à Serge Dobel d’y répondre.

Le baromètre de satisfaction du réseau routier départemental Serge Dobel Conseil général du Val d’Oise Le Conseil général du Val d’Oise a lancé dès 2008 une démarche assez innovante sur la gestion et l’entretien de son patrimoine routier, soit 1 290 km de routes départementales, afin de connaître l’opinion des usagers sur le réseau routier. À travers ce baromètre, il s’agissait de connaître les critères et le degré de satisfaction des usagers sur l’état des routes départementales, d’appréhender leur perception des améliorations apportées au réseau routier par le Conseil général et de suivre périodiquement l’évolution de cette satisfaction. Cette opération s’est déroulée en quatre étapes ; - une phase qualitative d’avril à juin 2008, avec trois groupes de 8-9 usagers ; - une phase quantitative de septembre à octobre 2008, au centre d’exploitation de Luzarches (Pays de France), avec un échantillon de 300 personnes en face à face ; - une phase quantitative de septembre à octobre 2009, avec un échantillon de 400 personnes (2 fois 200 personnes) en face à face, l’un à Magny (Vexin) et l’autre Sannois (Rives de Seine et vallée de Montmorency) ; - une phase quantitative de septembre à octobre 2011, avec un échantillon de 600 personnes (3 fois 200 personnes) en face à face à Magny, Luzarches et Sannois.

Les enquêtes qualitatives L’objet de l’enquête qualitative est d’analyser le vécu des usagers et leur perception du réseau routier départemental, de sa qualité et des principaux acteurs impliqués ; de repérer leurs critères d’appréciation ; d’évaluer la faisabilité d’une enquête de satisfaction et d’élaborer le projet de questionnaire et la méthodologie d’enquête. Les trois réunions d’usagers ont abouti à une réunion de restitution et de synthèse avec des membres des centres d’exploitation. Les principaux enseignements de la phase qualitative sont : - une identification très partielle du réseau et une méconnaissance des acteurs, - la définition de quatre types de critères pour définir la qualité de la route selon les usagers : la conception/construction de la route (tracé, revêtement, marquage…), les aménagements et équipements des abords (bas-côtés, éclairage…), l’entretien et la propreté (nettoyage, salage…) et la signalisation et l’information. Les objectifs susceptibles d’être assignés au baromètre selon les agents sont de connaître l’opinion et les attentes des usagers, de valider et d’apporter une reconnaissance du travail des centres d’exploitation : « savoir si on va dans la bonne direction », « savoir si ce qu’on fait est bien ressenti », « une reconnaissance de ce qu’on fait », « ce qu’ils pensent des agents ».

21 Les enquêtes quantitatives La méthode employée est une enquête, en face à face, réalisée auprès des Valdoisiens (et non pas de l’ensemble des usagers) concernant le déplacement effectué le plus fréquemment la semaine précédant le jour de l’enquête, auprès d’un échantillon représentatif (âge, sexe, type de véhicule, motifs de déplacement, réseau emprunté). Une sélection de sites d’enquêtes a été faite couvrant l’ensemble du territoire. Le questionnaire comprend une identification du parcours réalisé (routes empruntées, motifs des déplacements…), avec une attribution de note de 1 à 10 sur les principaux critères, une question sur les deux aspects qui leur paraissent les plus importants par rapports à la route empruntée et enfin il était demandé de donner une note globale de 1 à 10 au réseau.

Les principaux résultats des enquêtes quantitatives Les éléments d’appréciation considérés globalement comme les plus importants sur les trois sites sont, dans un ordre décroissant, la qualité des revêtements, la visibilité des panneaux avec indications de direction, la qualité du marquage au sol, la visibilité des panneaux code, les informations chantiers, la propreté et, en dernier, l’entretien des bas-côtés. Ce dernier élément est celui qui est apparu comme le moins important et pourtant il prend beaucoup de temps au personnel d’entretien des routes. Des notes de satisfaction globales sont ensuite attribuées par les usagers, selon les critères énumérés ci-dessus, aux routes qu’ils empruntent. Les résultats sont ensuite donnés selon les sexes, les tranches d’âge, les motifs de déplacements, le type de réseau, etc., sur les trois territoires d’enquête : Rives de Seine, Vexin, Pays de France. Il y apparaît que le degré de satisfaction est plus important dans le Vexin que dans les deux autres territoires, en particulier pour les hommes. En ce qui concerne les réseaux, c’est le réseau primaire qui est le plus apprécié et c’est le réseau tertiaire qui l’est le moins, en particulier dans le Vexin. Les notes de satisfaction ont aussi été attribuées par thème selon les territoires. Par exemple, l’information chantier obtient une note faible dans le territoire des Rives de Seine et la meilleure note est attribuée à la visibilité des panneaux dans le Vexin. Ces résultats ont été présentés aux équipes chargées de l’entretien des routes qui ont été assez agréablement surprises des notes attribuées qui vont globalement de 6 à 8 sur 10. Ces notes leur permettent de repérer par réseau les améliorations à apporter. C’est un outil de motivations pour les équipes. L’enquête a été renouvelée en 2011 et ses résultats vont bientôt être disponibles.

Échanges À la remarque de Bruno Villalba qui s’étonne du fait que la question environnementale n'apparaît pas du tout dans le baromètre, Serge Dobel répond, qu’en effet, ce n’est pas un élément qui est apparu chez les usagers : l’intégration environnementale ou paysagère de la route n’est pas sortie dans les groupes d’usagers constitués pour la définition préalable des critères. Sylvie Vanpeene demande si les appréciations sur la gestion des bords de route (qui a été classée comme un critère peu important) ont fait changer les pratiques. Serge Dolbel dit que le fait que ce critère n’est pas apparu comme un critère majeur a permis de replacer cette mission à sa juste mesure.

Christophe Bayle revient aux exemples hollandais et demande s’il est possible de faire des routes qui aient la qualité d’un espace public ? Jos Jonkhof répond qu’aux Pays-Bas, un projet de route ayant la qualité d’un espace public faisait partie intégrante d’un concours. Le ministère de l’aménagement du territoire des Pays-Bas avait lancé une expérimentation consistant à définir les autoroutes en les labellisant avec un thème. Par exemple : rainbow (arc-en-ciel) pour l’autoroute de La Haye qui va vers l’Allemagne pour lequel un architecte a analysé les couleurs des paysages qui bordent cette autoroute et il a proposé d’utiliser cette palette de couleur pour l’éclairage, les aménagements, etc. L’A4 qui va vers Amsterdam avait aussi sa palette : c’est la route des polders, et donc la couleur bleue a été choisie. Cela a été fait ensuite a niveau national, mais c’était trop subtil et cela a été abandonné.

22 Ann Carol Werquin dit que dans la ville traditionnelle, la rue est un support visuel de la ville. Dans la ville-nature, il faut que la route soit aussi support visuel de la ville telle qu’elle existe. Ann Carol Werquin prend l’exemple d’une petite route qui longe le bord de l’Oise à Jouy-le-Montier où la vision à partir de cette route restitue l’histoire de la constitution du village, c’est donc un support visuel de la ville. Les petites routes qui traversent le couloir vert entre Jouy-Le-Montier et les hauts de l’Hautil sont aussi un support visuel, mais cette fois de la ville-paysage : de cette route il est possible de découvrir un paysage agricole avec l’Hautil en arrière-plan et la route s’efface. Que l’on soit automobiliste, piéton ou cycliste, la route s’efface pour donner à voir l’espace public, la ville et ce qui fait la richesse des installations urbaines et rurales.

En guise de synthèse des échanges Yves Luginbühl rappelle que l’appel à propositions de recherche qui vient d’être lancé dans le cadre d’ITTECOP porte sur technicité, dimension sociale, dimension écologique. Or, il est évident que la technicité seule ne peut pas répondre au fait que la route, comme le propose Ann Carol Werquin, soit aussi un élément de paysage. Il faut élargir : une route, c’est aussi un territoire. Il faudrait donc, dans les enquêtes telles que celle qui vient d’être présentée, interroger aussi ceux qui sont dans le paysage, c’est-à-dire les habitants. Le métier de paysagiste évolue, les jeunes paysagistes d’aujourd’hui font des travaux qui interrogent les habitants pour essayer de transformer leurs représentations en projet. C’est une vraie innovation. Sur les temporalités, Yves Luginbühl trouve que le maire de Jouy-le-Moutier a parfaitement répondu à la question des temporalités : à l’origine, il y avait un projet de 2x2 voies qui traversait tout l’espace, puis avec l’ensemble des acteurs, ce projet a évolué pour un nouveau projet auquel semble adhérer l’ensemble de la population. Le temps permet donc aussi de faire évoluer la pensée de l’infrastructure par les acteurs locaux et de passer d’un projet de 2x2 voies à un projet « doux » : l’écoroute. Les questions abordées dans cette table ronde sont des questions opérationnelles. Celles qui sont abordée dans l’appel à projet de recherche sont des questions de recherche, et les équipes qui sont mobilisées pour le projet de recherche sur Cergy doivent répondre à des questions scientifiques qui ne sont pas évidentes. Mais l’opérationnel ou l’action politique sont aussi une source et une manière de produire de la connaissance. Alors que, en général, la communauté scientifique prend de la distance avec l’action politique (il est fréquent d’entendre dire qu’il faut que le chercheur garde sa liberté de chercheur), et pourtant l’action telle qu’elle est vue sur la question des infrastructures, dans ses relations avec une cité, c’est aussi une manière de comprendre ce qui se passe et donc c’est porteur de connaissance. Cela peut d’ailleurs aider les chercheurs à faire le retour vers l’action politique.

23 Point d’actualité d’ITTECOP et lancement de l’APR 2012 Yannick Autret

Point d’actualité du programme ITTECOP L’actualité du programme, c’est tout d’abord le passage de relai entre Yves Luginbühl et Bruno Villalba, qui devient le nouveau président du conseil scientifique d’ITTECOP. Bruno Villalba, déjà membre du conseil scientifique d’ITTECOP, est maître de conférences en science politique à l’Institut d’études politiques de Lille. Le programme connaît aussi une période de transition avec le lancement par l’ADEME, partenaire du programme ITTECOP et représenté par Pierre Taillant, co-responsable de ce programme de recherche, de la valorisation globale des projets de recherche déjà engagés, y compris des travaux préalables au lancement du premier appel à projets, avec la signature d’un marché en début d'année 2012. Ces actions de valorisation sont destinées à ouvrir vers l'extérieur ce programme dont les avancées ont été jusqu’à aujourd’hui réservées essentiellement aux membres des instances du programme (équipes de recherches, membres du comité d’orientation et du conseil scientifique), ce qui est le cas de ces Journées. Les mois et années à venir seront ainsi consacrés à une plus grande ouverture du programme et à une diffusion large de ses résultats.

L’environnement d’ITTECOP La situation qui a prévalu au lancement d’ITTECOP en 2008 trouve aujourd’hui un terreau extrêmement fertile qui s’enrichit aussi d’un environnement de nouveaux appels à projet de recherche au ministère. Deux appels à projets ont été lancés par le ministère au cours de l’été 2011, clos récemment : - l’un lancé par le direction de l’eau et de la biodiversité « Trame verte et bleue » (sur le rétablissement des continuités écologiques et les infrastructures de transport existantes), à visée opérationnelle, thématique proche de celles d’ITTECOP et dont les résultats s’intégreront à la valorisation globale de ce programme. Cet appel a été clos fin septembre et a reçu 18 propositions ; - l’autre pour une labellisation de projets sur les mesures compensatoires, programme qui aura aussi des interfaces importantes avec ITTECOP ; il a donné lieu au dépôt de 8 projets (en cours d’examen).

L’APR ITTECOP 2012 Concernant le nouvel appel à projet ITTECOP, cela a été une surprise et une chance pour le programme que d’avoir la possibilité de lancer cet appel en 2012, et ce dans une période économique difficile, témoignant ainsi de l’ambition qu’a l’État vis-à-vis du monde de la recherche pour développer et améliorer la connaissance et l’interaction entre l’opérationnel, la recherche et le monde politique sur les thématiques d’ITTECOP. Il faut aussi remercier l’ADEME pour l’apport financier à ce programme de recherche. La mission de ce nouvel appel à projet lancé en fin d’année 2011 est de poursuivre et d’approfondir les thématiques présentes dans les précédents appels 2008 et 2009 d’ITTECOP. Il part du le constat que l'infrastructure doit être appréhendée dans la globalité d'un projet de territoire et a pour ambition de développer des recherches appliquées véritablement interdisciplinaires, tout en insistant sur deux aspects : - l’importance du projet de territoire (la présentation faite précédemment de la recherche sur Cergy est une bonne illustration de cette question du projet de territoire vue sous tous ses aspects : politiques, paysager, environnemental, humain, etc.) ; - les dynamiques de paysage (axe de réflexion cher à Philippe Clergeau).

Territoires, paysages et projets Les questions proposées dans ce premier axe sont : - ITT et projet(s) de territoire : quelles conditions d'existence, d'élaboration ? Comment aborder les remontées ou descentes d'information, selon quelles règles ? Comment rendre compatibles ITT(S) et projet(s) de territoire, y compris pour ceux qui y vivent ?

24 - le territoire potentiellement concerné, avec la question des échelles spatiales ou temporelles et des effets (directs, indirects, cumulés...). - les conséquences des ITT sur le fonctionnement écologique, social ou économique, posant la question : quelle prospective des effets des ITT sur les paysages, l'adaptation au changement climatique, la biodiversité... - à propos de concurrence et de complémentarité des infrastructures, on peut s’interroger sur l'usage pluriel des infrastructures.

ITT et dynamiques des paysages Il s’agit d’étudier les interactions entre les systèmes écologiques et les systèmes socio- économiques, en répondant à des questions comme : - quelles sont les méthodes d'articulation des analyses de paysages traitant soit des aspects socio- économiques soit des systèmes écologiques ? Comment mettre en œuvre les mesures réductrices ou conservatoires ? - comment lier écologie du paysage et paysage d'aménagement ? - quelles sont les représentations de la biodiversité en milieu rural ou urbain ? Quels enjeux pour quelles stratégies ? - à propos des rétroactions de la biodiversité sur les ITT, est-ce un facteur d'autonomie animale ou végétale ?

Les modalités de réponse et de sélection des projets Outre la qualité scientifique des projets, cinq critères majeurs seront examinés dans les réponses à l’APR : l’appui sur des expériences réelles, une véritable interdisciplinarité de l’équipe, la qualité de l’animation interne des projets, le croisement entre chercheurs et acteurs de terrain et l’intégration de la finalité « appui aux politiques publiques ». Une réunion d’information et d’échanges sur l’APR a été prévue le 21 novembre 2011 8 entre chercheurs, membres du Conseil scientifique (CS) et du Comité d’orientation (CO) d’ITTECOP, ainsi que des représentants de services concernés du MEDDTL ou des organismes intéressés par ces travaux de recherche, avec pour but de faciliter des associations entre chercheurs venant de divers champs disciplinaires et de favoriser des collaborations sur des thématiques semblables ou sur un même territoire d’étude. La date limite de remise des propositions est le 6 février 2012 et celle de la sélection des projets le 22 mars 2012 (avec un conventionnement au plus tard en juin 2012). Les projets seront évalués par le CS et sélectionnés par le CO qui pourra au besoin procéder à des rapprochements entre des projets. Un séminaire de lancement de cette nouvelle vague de projets de recherche est prévu en septembre 2012.

8 La synthèse de cette réunion est à télécharger en PDF sur le site d’ITTECOP à l’adresse : http://www.ittecop.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=32&Itemid=32

25 Présentation des six autres projets de recherche d’ITTECOP 9

Mise au point d’un modèle de diagnostic des interactions entre structure paysagère, infrastructures de transports terrestres et espèces emblématiques : le cas du lynx dans le massif jurassien Antoine Doré CEMAGREF Grenoble Antoine Doré est sociologue et remplace ici Jean-Michel Gaillard, responsable scientifique de ce projet de recherche, qui est lui biologiste. Deux équipes sont en effet associées dans ce projet, l’une composée d’écologues et de biologistes et l’autre de sociologues. Les infrastructures terrestres sont une cause importante de mortalité chez de nombreuses espèces, et en particulier pour le lynx qui est une espèce emblématique. La plus importante population française de lynx (environ 100 individus) est dans le Jura, avec 63 collisions relevées depuis 1981. L’objet de ce travail est de produire un outil de diagnostic qui permettrait d’identifier les zones potentielles à fort risque de collisions pour le lynx dans trois départements : l’Ain, le Doubs et le Jura. Deux approches différentes ont été privilégiées : - une approche « biostatistique » avec l’utilisation des points de « collisions – vraies » et l’emploi de diverses méthodes statistiques ; - une approche « à dire d’experts » à l’aide d’entretiens avec des experts. L’originalité de l’étude est le regroupement de ces deux méthodes en une approche globale.

Illustration de la démarche

9 Le compte-rendu de la présentation des projets de recherche, lors des Journées de des 4 & 5 octobre 2010, est sur le site d’ITTECOP (onglet Les Journées d’ITTECOP). C’est un point sur l’avancement de ces travaux qui est ici exposé.

26 Le volet « biostatistique » Ce volet a pour objectif de produire un modèle prévisionnel permettant d’identifier les zones potentielles à risque de collision élevé en identifiant et caractérisant les axes et points à risque et en identifiant les facteurs en cause afin de prédire sur toute l’aire d’étude le risque de collision. Cela doit permettre de dresser des cartes de risques et de réaliser une évaluation des impacts des ITT sur la population jurassienne de lynx. Le travail a consisté en trois grandes tâches : - identifier les zones à risques écologiques de collision, ce qui a abouti à la réalisation d’une carte de prédiction des risques écologiques (à partir de variables environnementales et écologiques, comme l’altitude, la pente, la densité des populations, etc. et des analyses factorielles basées sur le modèle des niches écologiques - MADIFA) ; - identifier les axes à risques structurels de collision en analysant les variables structurelles (trafic, largeur, sinuosité et types de voies, etc.) et de rapprocher les collisions et caractéristiques des ITT, ce qui donne une carte de prédiction des risques structurels ; - déterminer le risque global, les zones de succès et d'échecs, par la superposition de ces deux cartes. Les résultats de ce volet biostatistique ont permis de déterminer les zones d’habitats à risques et la structure à risques des ITT (en fonction du type d’ITT : route nationale, départementale ou autoroute), de la largeur de la chaussée et du trafic routier ainsi que de la localisation selon le statut de présence du lynx. Les axes à risques déterminés à partir de risques de collision réels sont la N57 dans le Doubs, la N5 et D470 dans le Jura. À partir de risques de collision prédits, les cartes produites montrent que toutes les autoroutes et routes nationales du secteur, plus certaines départementales (par exemple des anciennes routes nationales déclassées) présentent des niveaux de risques de collision prédits allant de forts à faibles.

Le volet à dire d’experts Les deux objectifs de ce volet ont consisté à formaliser une méthode de constitution d’une expertise « à dires d’experts » et à comparer cette méthode à la méthode standardisée pour identifier les complémentarités possibles. Cela a permis de dresser une carte de risques « à dires d’experts » et de proposer des préconisations méthodologiques sur la conduite d’une expertise « à dires d’experts ». La méthode adoptée a été un recueil des données en trois phases : l’identification des zones à risques et des facteurs de risques, puis la réalisation d’un questionnaire visant à recueillir des informations sur l’expert. Pour traiter les « dires d’experts », des points sont numérisés dans un SIG, les entretiens sont enregistrés et retranscrits puis codés au moyen d’un logiciel d’analyse textuel (MaxQDA) et un système de codes a été défini. L’analyse des « dires d’experts » a consisté en une analyse qualitative (monographies descriptives), une analyse spatiale (en lien avec le volet biostatistique) et en une analyse semi quantitative (par la constitution d’une matrice poids des variable/experts). Les résultats de ce volet ont été, sur le plan qualitatif, de permettre de faire des synthèses, de produire des données spatiales (analyse standardisée du nuage de points : MAFIDA) et des données semi-qualitatives. Les données semi-qualitatives permettent de pondérer l’usage des variables en choisissant des variables et le nombre de codes par expert et de définir un poids relatif de chacun des termes (et donc des variables). Ces données sont reprises pour l’ensemble des experts, puis sont traitées.

Les perspectives Il s’agit pour l’équipe de comparer les expertises produites par les deux modèles et d’explorer leurs complémentarités : - par la mise en évidence des variables utilisées par les experts : les mêmes méthodes que pour les « collisions – vraies » avec les « points experts » et de repérer les éventuelles différences entre les résultats des deux approches ;

27 - par le regroupement des experts en fonction des variables (peut-on regrouper les experts en fonction des habitats où ils ont posé les points de collision ?). Enfin il s’agira d’utiliser les résultats de l’approche « à dire d’experts » pour affiner l’approche biostatistique.

Débat à propos de l’exposé Yannick Autret estime que le rapprochement entre écologues et sociologues n’est pas très courant et souhaite savoir de quelle manière ce rapprochement, au plan méthodologique, a été opéré et comment l’équipe a abouti à un outil commun de travail. L'équipe se connaissait déjà et avait des affinités au départ, dit Antoine Doré. Les travaux ont été menés de front, avec des réunions régulières, mais sans avoir à rendre des comptes ou à forcément interagir. Puis une réunion d’articulation a été organisée pour connaître mutuellement les exigences de chacun (des écologues vis-à-vis des sociologues et inversement). L’articulation s’est faite dans la séquence de pondération des variables et de transformation des données de sociologues « digérables » par les écologistes. Les sociologues ont été amenés à faire un effort de formalisation de leurs résultats et donc à passer du tout qualitatif au quantitatif. Au plan scientifique, cela pose la question de la robustesse de la méthode employée pour opérer cette transformation de données. Bruno Villalba demande à quelle étape de la recherche se situe cette partie de méthode. Quelle est la finalité de tout cela ? Antoine Doré distingue deux phases distinctes dans leur processus de recherche, avec un recoupement à la fin. La finalité est de produire un modèle. Ce travail répond aussi à des attentes de la part de l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage qui est partenaire de ce travail) sur les risques de collisions. Le but est de modéliser les données existantes pour établir des cartes de prédiction des risques, sur les infrastructures existantes par exemple. Le lynx est considéré comme une espèce cible par RFF pour définir les plans d’aménagement liés aux continuités écologiques. L’exercice est cependant controversé par certains. La deuxième carte est celle des risques potentiels au cas où il y aurait, par exemple, un nouvel aménagement routier. Est-ce que cette méthode est généralisable ? demande Isabelle Roussel. À propos de la généralisation de la méthode, Antoine Doré répond qu’à la base de ce travail, l'enjeu était relativement méthodologique. Le Cemagref travaille beaucoup sur la sociologie de l’expertise et cette recherche est donc au cœur de leur sujet. En terme de généralisation, ce travail pointe des propositions d’ordre méthodologique mais aussi des contraintes. On peut se demander jusqu’où il est possible aller avec des modèles compliqués et si les mêmes résultats auraient été obtenus avec trois experts ? Jusqu’où standardiser l’expertise en écologie qui est une discipline confrontée à l’incertitude, à la complexité ? Philippe Clergeau [MNHN, membre du conseil scientifique d’ITTECOP] pense que beaucoup de travaux ont été faits autour de la question des collisions. L’originalité de ce travail est bien la confrontation entre deux méthodes (celle des écologues et celle des sociologues). Par rapport à l’écologie, l’approche dans cette recherche est un peu légère, la vision du paysage y est un peu simpliste par rapport aux travaux actuels. C’est important d'avoir de bons modèles pour les confronter. Par rapport à l’approche sociologique, lors de l’étape de confrontation, il faudrait aller plus loin qu’une production de cartes. Il se pose aussi une question sur la validation de la méthodologie, le lynx est un peu un cas particulier, ce serait bien d’élargir sur le chevreuil, par exemple.

28 Quel devenir pour les infrastructures de transport ferroviaire locales ? Étude et mise en perspective de l’opérateur ferroviaire de proximité de la région Centre Isabelle Roussel APPA [Association pour la prévention de la pollution atmosphérique] Cette recherche est pratiquement terminée, ce sont donc plutôt ses résultats qui sont présentés ici. Son objet est de pointer les contradictions liées au terme d’environnement qui se posent encore aujourd’hui, 40 ans après la création du premier ministère éponyme. Son sens de protection de la nature a encore des difficultés pour intégrer la notion de développement durable. Ce projet s'inscrit dans le sens d'environnement en tant que ressource vitale, donc à la fois physique et humaine, avec une dimension a-temporelle et a-spatiale, avec toutes les contradictions impliquées : scalaires, entre l’individuel et le collectif, etc. Cela amène à se poser la question : y a-t-il une politique environnementale vertueuse ?

Pourquoi la liaison Chartres-Orléans ? À l’origine de cette recherche, le terrain d’étude proposé était le projet Proxirail, mais qui a été abandonné. Le nouveau terrain proposé a été la liaison ferroviaire Chartres-Orléans, qui est une voie secondaire avec un faible trafic de fret mais qui pourrait être utilisée par des voyageurs après réhabilitation, mais avec des machines continuant de fonctionner au diesel. Le contexte national est favorable à ce genre de projets : la réorientation des marchandises et des passagers de la route vers des modes de transport moins polluants est un élément fondamental de toute politique de transport durable. Cependant, la réhabilitation des voies ferrées secondaires est souvent source de controverses, même si localement l’acceptabilité est forte, car elle doit faire face à la faible rentabilité des voies secondaires « voyageurs », la concurrence de la voiture étant forte. En Beauce céréalière, le trafic pondéreux permettrait de réactiver les activités de fret et permettrait de redynamiser des localités par rapport à des économies essentiellement de transit. Le transfert modal, tant du fret que des voyageurs, est un enjeu ambitieux : le contexte économique difficile a vu la crise du fret ferroviaire de proximité entre 2002 et 2003, avec une baisse de 6% du tonnage à l’échelle nationale contre 2% pour la région Centre qui est quant à elle bien placée, l’activité céréalière étant source de pondéreux. La part essentielle des flux se fait du Nord au Sud. Des liaisons plus transversales pourraient être envisagées, avec le danger d’extension de l’agriculture céréalière vers les ports, et plus particulièrement vers Rouen et Le Havre (donc pour l’exportation), ce qui pose la question de l’orientation de l’agriculture. Les enjeux de développement local sont donc compliqués. Le projet est poussé par le président de la Région qui a déclaré « l’ouverture d’une ligne TER au trafic voyageur arrimera réellement l’Eure-et-Loir à Orléans, la capitale régionale ». Cependant, l’attraction de la Région parisienne et la présence de la RN154 (qui va être transformée en autoroute) sont des concurrents forts pour le projet. Par ailleurs, les voies ferroviaires sont très vieillissantes.

Approche méthodologique La méthodologie de cette recherche a longuement été présentée lors des précédentes Journées du programme ITTECOP. Son objet était de voir comment cette réouverture de voie et les discours faits autour de cette réouverture ont été vraiment vécus sur le terrain (des différences existant entre la théorie et la réalité).

Les contradictions entre les objectifs et les résultats Une première contradiction est de dire, selon les discours de nombreuses instances régionales, que le réseau secondaire constitue un instrument idéal pour répondre aux objectifs de report modal et d’amélioration de l’accessibilité dans les zones de moyennes et faibles densités, mais les financements ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux déclarés. Par ailleurs, les villes, les communautés d’agglomération et le Conseil général 27 sont favorables à la route alors que la Région est favorable au rail. Le projet de transformer la RN154 en autoroute a pourtant été accepté (le débat public a eu lieu), ce qui concurrencera fortement la voie ferrée.

29 À l’échelle locale, la principale question concerne le report modal : quel sera le transfert de déplacements de la route (dans sa nouvelle configuration autoroutière) vers cette voie ferroviaire secondaire restaurée ? L’étude d’impact de la voie ferrée secondaire faite par RFF n’est pas encore terminée. L’impact de la route devrait être beaucoup plus fort en termes paysager ou écosystémique que celui de la voie ferrée secondaire qui présentera un faible effet de coupure. Certains pensent même qu’elle pourra avoir un usage de refuge pour certaines espèces face aux vastes étendues céréalières beauceronnes trop uniformes. Des interrogations subsistent sur la faible rentabilité estimée du rail par rapport à la route : quelle utilisation en sera faite, d’autant que les machines continueront à fonctionner au diesel ?

Une forte acceptation sociale L’enquête auprès des habitants, selon la distance de leur lieu d’habitation à la ligne Chartres- Orléans, montre que l’acceptabilité de cette voie est très bonne alors que l’acceptabilité est plus faible vis-à-vis de la RN154. Seules les personnes habitant à proximité sont plus réservées, craignant des nuisances éventuelles. Les statistiques de l’Insee (recensements de 1968, 1999 et 2008) permettent de se rendre compte, pour les trois cantons étudiés (Voves, Orgères et Patay), de la part de la croissance résidentielle fixée par le corridor ferroviaire par rapport à leur canton de référence et proportionnellement à leur superficie. Le constat est que, dans les bourgades comme Orgères, la population s’est regroupée autour de la gare et a diminué en périphérie. Cela montre que l’axe ferroviaire, bien que n’étant plus utilisé pour les voyageurs, avait servi d’appui structurant. Les bourgades ont davantage concentré leur urbanisation vers la voie plutôt que vers la campagne voisine. La remise en service de la ligne pour les voyageurs présente donc un certain atout d’utilisation.

En conclusion, des questions se posent Les effets éventuels de réouverture d’une voie posent des questions en termes stratégiques. Pour le fret, il semble qu’il y ait un potentiel de marchandises à transporter. Mais ouvrir de nouvelles perspectives pour le fret ne présente-t-il pas le risque d’encourager une agriculture essentiellement céréalière (au détriment des autres) ? Le report modal est difficile à évaluer en dépit d’une acceptabilité du projet. Le bilan carbone n’est pas très probant par rapport au bus et même à la voiture (ligne diesel, RFF n’envisageant pas une électrification de la ligne). Les perspectives économiques sont hasardeuses. Le débat est aussi à poser sur le développement périurbain concentré dans les villes-gares. Quel va être l’impact de cette réouverture sur le mitage de la campagne beauceronne ? Est-ce que la réouverture aux voyageurs d’une ligne va se traduire par une nouvelle concentration vers les bourgs et avoir des effets sur l’urbanisation ? Le dernier rapport sur la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement durable 2010- 2013 montre que le fret a diminué de 1,5% entre 2006 et 2010, au lieu d'augmenter de 25% comme prévu. L’efficacité de la route et de la voiture est donc encore, à court terme, un obstacle par rapport à des choix plus vertueux. Peut-on penser, comme le dit la Fédération nationale des associations des usagers des transports (FNAUT), que « Le rail ne peut aujourd'hui répondre ni aux besoins immédiats des voyageurs et des entreprises, ni aux attentes de la collectivité en matière de dépendance pétrolière et de dérèglement climatique ? ». La question du court et du long terme se pose également : à long terme, le rail devrait être compétitif, mais avec des effets pervers : il peut encourager la périurbanisation et la céréaliculture.

30 Débat à propos de l’exposé Pour Sylvie Vanpeene [Cemagref Grenoble], il serait intéressant d’examiner où vont travailler les gens. Isabelle Roussel répond que cela a été fait, mais seulement pour les navetteurs. Ils ont regardé aussi où sont les emplois qui sont plutôt en Région parisienne car il y a peu d’emplois dans l’Orléanais, ce qui pose aussi le problème de l’extension de zones dortoirs. Pierre Taillant de l’Ademe (qui a financé la recherche) souhaite savoir si la question du bilan carbone a été posée. Le bilan carbone a été effectué par RFF, mais seulement sur le diesel par kilomètre/voyageur, répond Isabelle Roussel. Cela n’a pas été de fait par rapport à la route. L’idée était d’estimer le potentiel de report modal. Jean Gaber [MEDDTL DGITM direction générale des infrastructures, des transports et de la mer] demande qui sont les utilisateurs potentiels de transport de fret. Pour Isabelle Roussel, les utilisateurs potentiels sont essentiellement les céréaliers qui poussent d’ailleurs le projet, ce qui pose le problème d’un investissement qui favoriserait surtout les céréaliers. Les possibilités d’utilisations de la ligne sont plus établies pour le fret que pour les voyageurs. Jean Gaber dit que nos voisins européens ont changé leur politique par rapport à la question du report modal : les Allemands préfèrent parler de complémentarité modale, il va falloir arriver comme eux à composer avec l’ensemble des moyens collectifs et individuels de transport. À ce sujet, Isabelle Roussel dit qu’ils se sont demandé si la réouverture de la ligne va favoriser l'urbanisation au-delà des bourgs, avec un report modal au niveau de la gare, en complétement de la voiture. Mais il semble que l’emprise de l’auto mobilité est encore très forte et il faudrait que l’offre soit très attractive.

GRAPHAB - Graphes paysagers et évaluation de l’impact de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône sur la connectivité spatiale des habitats : conséquences sur les distributions d’espèces Jean-Christophe Foltête, Xavier Girardet et Céline Clauzel Université de Franche-Comté, MSHE THEMA Jean-Christophe Foltête commence l’exposé et précise que ce projet de recherche est en cours d’achèvement. Son objectif était de proposer un protocole méthodologique pour estimer les impacts des grandes infrastructures de transport terrestres sur les habitats et les distributions des espèces animales. C’est une démarche à caractère de modélisation avec pour terrain d’application la LGV Rhin- Rhône, dans sa branche Est (140 km entre Auxonne à Mulhouse). C’est une démarche interdisciplinaire, faisant intervenir des géographes et des écologues et qui a pour partenaires des associations naturalistes, la DREAL-Franche-Comté et RFF. L’importance de la connectivité paysagère pour la viabilité des espèces est maintenant reconnue. Il faut que puissent exister des flux d’individus entre les différents fragments d’habitat pour que la population puisse se maintenir. Or l’aménagement d’une infrastructure peut provoquer une rupture, mais ses effets sont difficiles à estimer. Les études d’impact classiques sont limitées à une zone proche du tracé des infrastructures (800 mètres d’après la LOTI), alors qu’un effet de barrière peut se produire à plus longue portée si les espèces sont fortement dépendantes de leur réseau écologique. La question s’est posée d’évaluer les impacts en tenant compte de la connectivité.

La méthode des graphes paysagers L’approche choisie pour modéliser les réseaux écologiques est celle des graphes paysagers. La difficulté a été de l’utiliser en la couplant à des modèles de distribution d’espèces. Ces méthodes ont été appliquées en quatre étapes. 1. Une première étape, assez classique, a consisté à cartographier le paysage en croisant plusieurs sources de données (la BD Topo de l’IGN, une BD des zones humides, des traitements d’images

31 aériennes ou satellites…). Cela a abouti à une cartographie en 25 classes d’occupation du sol relativement précises sur une surface de 15 000 m2. 2. La modélisation de la connectivité de l’habitat par des méthodes fondées sur les graphes paysagers. La construction du graphe passe par trois étapes : la définition des nœuds (ou taches d’habitat de l’espèce considérée à qui l’on attribue une valeur de capacité), la définition des liens (ce qui permet de relier les taches entre elles) et la finalisation du graphe. Une fois les liens potentiels définis, il reste à terminer la mise en place en choisissant quels sont les liens « valides », considérés comme des passages possibles pour l’espèce considérée. 3. Il reste ensuite à calculer et à intégrer des métriques de connectivité (indicateurs calculés au niveau des taches) dans les modèles de distribution d’espèce. Ces métriques présentent trois propriétés fondamentales : le potentiel démographique (R), c’est-à-dire la surface de la tache, le flux de dispersion (F), ou la capacité d’une tache à pouvoir disperser autour d’elle, et la traversabilité (T) ou la capacité d’une tache à être colonisée depuis d’autres taches. Ces trois indicateurs représentent ce qui sera favorable à la survie de l’espèce dans les taches. Pour faire la jonction entre les modèles de graphes et les modèles de distribution, il fallu mettre en place un mode d’extrapolation des valeurs métriques au niveau des taches à n’importe quel point des taches par une fonction de pondération qui tient compte des distances-coûts entre les points dont les métriques auront été calculées et l’ensemble des taches les plus proches. 4. L’estimation de l’impact de la LGV. Une application diachronique (c’est-à-dire avant et après la mise en place de l’infrastructure) est alors effectuée pour estimer l’impact de la LGV, en jouant sur le différentiel de distribution des espèces. Des cartes permettront ensuite de montrer ce différentiel et les résultats seront synthétisés en mettant en rapport le taux de variation de présence de l’espèce avec la distance de la LGV, ce qui devrait permettre de montrer une distance-type de perturbation.

L’application de la méthode à une espèce virtuelle Xavier Girardet poursuit l’exposé. Le choix d’une espèce virtuelle est fait pour exagérer l’impact de l’infrastructure pour faciliter la démonstration et tester l’application de la méthode. Les points de présence et d’absence de l’espèce virtuelle ont été définis à partir de variables environnementales, topographiques, climatiques…) et des points de référence ont été définis en fonction de leur position à l’intérieur du réseau écologique. Ces points permettent de définir un modèle de distribution de l’espèce et la probabilité de présence de l’espèce virtuelle avant et après la LGV. Cette méthode appliquée en Franche-Comté, en utilisant le même modèle de distribution de cette espèce, montre que l’infrastructure joue le rôle de barrière entre les taches de part et d’autre de son tracé et la probabilité de présence de l’espèce va être plus faible qu’avant à certains endroits. Le calcul du taux de variation de cette présence fait apparaître une variation de probabilité de présence (la perte de probabilité de présence est de 5%). Une dissymétrie apparaît entre le nord et le sud du tracé de la LGV qui est de l’ordre de 10 à 15 km de perturbation. [Voir schéma ci-après.]

32 Application à une espèce virtuelle. Distance d’impact de la LGV

Céline Clauzel, également géographe, expose des cas d’application sur de vraies espèces, le petit rhinolophe (chauve-souris) et la rainette arboricole (grenouille).

Le cas du petit rhinolophe La littérature et des dires d’experts ont permis de définir des taches d’habitat du petit rhinolophe qui correspondent aux gîtes de reproduction que sont des greniers ou des granges (les centroïdes de bâti). Cette capacité d’habitat a été évaluée par rapport à la superficie des taches qui correspond à celle des terrains de chasse qui sont situés à proximité des taches d’habitats. De ces enseignements est tirée une cartographie d’occupation du sol, répartie en une dizaine de classes divisées en trois catégories : favorable (regroupant l’habitat et les terrains de chasse) avec une valeur de résistance de 1, neutre (avec une valeur de résistance de 50) ou défavorable (avec une valeur de résistance de 100). Le graphe paysager rassemble ensuite les points de présences (d’après les relevés des associations) et des points de pseudo absences (dans le bâti, dans chaque cellule d’une grille de 10 km de résolution). Le graphe construit est « seuillé » à la distance maximale de distance de dispersion qui est de 2,5 km (distance entre le gîte de reproduction et les terrains de chasse). Les étapes de la méthode présentée en début d’exposé sont ensuite appliquées. Le modèle montre que pour le petit rhinolophe ce sont les métriques (R) potentiel démographique et (T) traversabilité qui ressortent comme variables significatives du modèle. La présence du petit rhinolophe dépend donc de la taille des terrains de chasse à proximité des lieux de gîtes ainsi que de la connectivité par rapport à l’ensemble du réseau de déplacement potentiel. Pour estimer ensuite l’impact de l’implantation de la LGV, les variations de probabilité de présence avant et après la LGV sont étudiées en examinant les points de présence/absence. Le résultat cartographique montre que les points retenus connaissent tous une diminution de la probabilité de présence après la LGV (d’environ 40%). La distance maximale de perturbation peut aller jusqu’à 53 km de la LGV (cette distance reste à vérifier et à nuancer étant donné le faible nombre de points de présence à prendre en compte).

33 Le cas de la rainette arboricole Deux types d'habitat ont été définis pour cette espèce : son site de reproduction : les plans d’eau et son habitat terrestre, autour des plans d’eau avec un rayon de 500 mètres. Pour la cartographie, dix classes paysagères ont été retenues, selon trois catégories : habitat (les plans d’eau, (avec une valeur de résistance de 1), favorable (avec une valeur de résistance de 5), défavorable (avec une valeur de résistance de 350). Les données de présence de cette espèce totalisent 119 points et 323 points de pseudo-absence (grille de 5 km de résolution). Le graphe est ensuite construit pour une distance maximale de dispersion (2500 m). Ce sont cette fois les métriques (R) et (F) flux de dispersion, qui ressortent comme corrélées positivement à la présence de la rainette. Cela montre l’importance pour la rainette d’avoir de l’habitat terrestre autour des plans d’eau et que ces plans d’eau soient connectés entre eux à l’échelle locale. L’étude des impacts avant et après LGV, centrés sur la vallée de l’Ognon, montre que ces impacts sont assez forts, avec des diminutions de probabilité de présence de l’ordre d’au moins 80%, essentiellement à proximité du tracé de la LGV (moins de 1000 mètres). Une diminution de 5% de la présence est atteinte, suivant l’ajustement du nuage de points, vers 900 m. Une vérification de ces résultats est à opérer sur le terrain. Il faut toutefois les nuancer en raison du manque de recul et du fait que 2011 a été une année assez sèche, en particulier en juin où les relevés ont été effectués.

En conclusion Pour Jean-Christophe Foltête, ce travail est depuis le départ essentiellement centré sur une méthode et il semble que son contrat a été rempli. Il faudrait un recul temporel de cinq ans et des vérifications de terrain pour voir si le terrain confirme les résultats obtenus. Des sensibilités différentes seraient aussi à prendre en compte dans le paramétrage des modèles. Ce travail pourrait être poursuivi en abordant les perspectives génétiques des populations pour savoir s’il est possible d’anticiper la perte de diversité génétique occasionnée par la mise en place d’une infrastructure telle que la LGV, plutôt que sur la présence de populations, ce qui serait plus significatif écologiquement parlant. Ce modèle pourrait également être utilisé pour évaluer des mesures compensatoires comme des passages à faune, par exemple. L’ensemble des méthodes mises en place a donné lieu à la création d’un outil logiciel : Graphab 1.0.

Débat à propos de l’exposé Yannick Autret pense que l’application de cet outil pour l’estimation des mesures compensatoires pourrait être un vrai enjeu, cela permettrait d’objectiver la mesure et d’apprécier son efficacité. Il faudrait aussi tester cet outil sur des infrastructures déjà existantes. Il ajoute que l’intérêt des présentations collectives des recherches permet aussi d’établir des passerelles entre des projets et que ce dernier n’est pas sans rappeler celui présenté précédemment par Antoine Doré sur le lynx. Jean-Christophe Foltête répond qu’il leur reste en effet à tester la méthode sur des infrastructures existantes. La constitution des données a été très longue. Cependant, des utilisations du modèle de graphe (sans la partie correspondant au modèle de distribution d’espèces) ont été faites en relations avec des problèmes de collisions. Xavier Girardet ajoute que des partenaires comme ONCFS, qui ont permis de réaliser ce travail à l’échelle de la Franche-Comté, mais aussi la direction des routes de l’Est, se sont montrés très motivés tant pour procurer des données à l’équipe que pour participer la mise en place d’un protocole. Grâce au partenariat de la DREAL, le Conseil général du Doubs, qui est intéressé par la démarche, a également facilité l’accès aux données.

Bruno Villalba souligne la forte montée en qualité de ce travail depuis sa dernière présentation et le fait que l’équipe ait trouvé de bonnes réponses aux critiques faites alors. Il est surpris par la qualité des données qui permettent de construire ces modèles. Qu’est-ce qu’on mesure est le plus souvent le premier problème à résoudre. Or la bonne connaissance de l’existant permet de modéliser. Par ailleurs, les effets de rupture créés par l’infrastructure vont-ils empêcher l’espèce de se maintenir ?

34 Il demande aussi si ce travail a déjà été exposé localement, à des opérateurs par exemple, et quelle a été leur réaction. Sur la qualité des données concernant les espèces, Jean-Christophe Foltête précise qu’ils ont eu l'impression que leurs données étaient un peu sujettes à caution, ces données provenant d’associations de naturalistes. À propos des effets de rupture et sur la dynamique des populations, l’équipe n’a pas de réponse pour le moment. Il faudrait mettre en place de vrais modèles de méta population. L’équipe n’a pas encore réfléchi au transfert de ces résultats auprès d’utilisateurs potentiels. Des contacts sont pris, mais les relais de l’information commencent juste à se mettre en place et la communication n’a pas encore vraiment été faite. Sylvie Vanpeene ajoute qu’un travail semblable a été réalisé par le Cemagref de Grenoble sur la région Rhône-Alpes, en relation avec Conseil général de l’Isère, mais que ce dernier préfère ne pas entendre parler des résultats qui perturbent la donne quand les régions sont déjà très engagées dans un projet opérationnel.

La nature au bord de la route : le cas des jardins partagés de l’agglomération grenobloise Grégoire Chelkoff et Magali Paris Laboratoire CRESSON, UMR CNRS 1563, Grenoble Grégoire Chelkoff (architecte) précise que ce travail s’intéresse aux paysages des jardins familiaux et plus particulièrement à ceux qui sont implantés au voisinage d’infrastructures ferroviaires et autoroutières au sud de l’agglomération grenobloise. Il est conduit par le laboratoire CRESSON qui a fait appel à des partenaires, comme Marine Linglard-Lime qui est ethno-écologue et qui a aussi travaillé sur le projet de recherche sur Cergy. Deux vecteurs ont été choisis comme axes d’approche des territoires : la question des ambiances (à l’échelle de la perception, de l’action, de la pratique de l’espace) et celle de l’écologie. Il s’agissait de voir comment tester des méthodes et des outils à partir de l’étude in situ de quatre jardins familiaux et de six délaissés et des représentations selon différents critères pour qualifier le devenir éventuel de ces parcelles. Trois échelles de territoire au sens large ont été retenues et trois phases de travail étaient prévues.

Phase 1. L’étude in situ des quatre sites de jardin La méthode mise en œuvre a été de coupler des observations d’usages, des relevés d’ambiances ainsi que des relevés sur le territoire et les espaces limitrophes des jardins pour tenter d’évaluer l’impact de ces jardins et de qualifier différentes configurations remarquables. Un premier travail a permis l’esquisse d’une typologie prenant en compte différentes caractéristiques (dimension, forme, organisation, mais aussi ambiance sonore, etc.) pour comprendre les effets et les éléments sur lesquels agissent ces types d’installations. Ces informations sont transcrites sur des fiches pour chacun des jardins, certains étant récents, d’autres étant implantés depuis de nombreuses années. L’objet de ce travail est de mieux connaître ces micro-territoires pour voir comment ils pourraient contribuer à recréer des liens et au rétablissement de la Trame verte et bleue dans un tissu qui était au départ périphérique mais qui est gagné par l’urbanisation. Cela pourrait permettre d’infléchir les manières de concevoir les infrastructures de transport terrestre situées à la lisière des villes, l’hypothèse étant que les jardins partagés ou familiaux peuvent constituer un vecteur de projet urbain. Les acquis de cette première phase, terminée en avril 2011, sont d’avoir permis de dresser une première typologie de configurations des parcelles concernées, de déterminer trois types de critères qui seront croisés à trois échelles et de tester une carte « post-it » comme passage méthodologique pour faire dialoguer les disciplines autour des mêmes objets.

Phase 2. L’étude in situ des six délaissés Magali Paris (ingénieure et paysagiste) expose la deuxième phase du travail qui a consisté en l’étude in situ de six délaissés qui situés à proximité des jardins étudiés ci-dessus ou à proximité d’espaces jugés intéressants (petits parcs de pied d’immeuble, près d’une route ou de cheminements).

35 Comme pour les jardins, et avant de choisir ces six délaissés, une typologie a été construite avec des fiches comprenant des données issues de mini approches typo-morphologiques par rapport à la route et aux délaissés eux-mêmes, concernant la morphologie des lieux, comment ils sont perçus et ressentis et sur ce parcellaire qui est très morcelé au plan foncier. Ces sites n’appartiennent pas forcément à la Sncf ni à la route, mais sont la propriété de personnes ou organismes privés. Des cartes sont réalisées pour montrer la situation des jardins familiaux étudiés dans la première phase et ces délaissés. Outre leur morphologie, l’équipe s’est intéressée à leur qualité d’ambiance (notamment sonore) et leurs possibilités d’échapper aux nuisances de la route. L’utilisation de ces typologies est d’apporter des informations sur les conditions de transformation de ces six délaissés, par exemple en sites de jardins familiaux. Cette méthode exploratoire a produit des résultats provisoires qui visent à représenter les interactions entre ‘ambiance’ et ‘écologie’ et en croisant des points de vue (d’architecte, de paysagiste et d’écologue). Ces transformations sont basées sur des conditions fixées : liens entre jardins existants (familiaux ou partagés 10 ou entre jardins et délaissés), pour voir comment ces jardins échappent aux nuisances (visuellement ou sur le plan sonore par rapport à l’infrastructure) et l’optimisation de la biodiversité (par rapport aux trames vertes et bleues ou aux écosystèmes). L’étape suivante a consisté à réaliser des caricatures sensibles des six délaissés. Cette méthode est basée sur la mémoire des lieux selon deux aspects perceptifs : la mémoire des formes et la mémoire sonore (mémoire d’une même personne lors de différentes visites du site et un croisement de points de vue). Des synthèses informatiques ont ensuite été réalisées en 3D grâce au travail [ci-après] de graphistes spécialisés dans la représentation paysagère et architecturale. Cela a produit une représentation exploratoire des dimensions d’ambiance et d’écologie qui croise la morphologie du délaissé et l’emprise sonore de l’infrastructure. Le schéma ci-contre montre, à gauche une caricature sensible d’un délaissé (la forme) et, à droite, les essais de nuages sonores pour illustrer la perception du son de la route (le sonore). Un essai de scénarisation a été fait en dressant différents scenarii intégrant les possibilités de transfor- mations des délaissés, toujours basés sur le croisement de points de vue sur trois « objets » : des jardins familiaux, des cheminements et des structures végétales. Ces scenarii sont soumis à deux regards : celui de l’écologue qui propose une typologie différente d’écosystèmes sur laquelle se baser, à renforcer ou à créer, et celui du « sonore » qui propose des aménagements pour diminuer les nuisances. Multiplier le croisement des regards permet de mettre en évidence des enjeux relatifs à des qualités d’ambiance à atteindre, qualités souvent déjà présentes sur le délaissé étudié qu’il s’agit de renforcer pour le rendre « habitable » (s’y promener, s’y reposer, etc.). Ces enjeux concernent des aménagements routiers (par ex. supprimer une bretelle pour gagner de l’espace et réduire les nuisances) ou des modifications du délaissé lui-même (par ex. créer une haie de 3 mètres de large en limite).

10 À ce sujet, Magali Paris explique les différences entre ‘jardins familiaux’ et ‘jardins partagés’ : les jardins familiaux sont des parcelles jardinées individuellement, tandis que les jardins partagés proposent une dimension plus collective : ils peuvent n’être qu’une seule parcelle jardinée collectivement et gérée par une association à vocation pédagogique et/ou sociale ou être composés de parcelles individuelles, mais avec un espace collectif.

36 En résumé, les acquis de cette phase 2 ont été l’élaboration d’une méthode de réactivation et d’une méthode de scénarisation et le croisement des points de vue écologiques, sonores, morphologiques, sociaux… pour faire émerger des enjeux d’ambiances.

La phase 3. Tests des scenarii Il reste à tester les scenarii de transformations des six délaissés par des entretiens avec des acteurs et des experts en leur soumettant des tests sur les jardins, la pollution, l’économie, le territoire… Le projet de recherche sera ensuite réajusté au vu de ce qu’ils proposent. Un travail est entrepris avec des spécialistes de la nature en ville, de la pollution de l’air, de montages de jardins familiaux ou partagés, etc. pour recueillir leurs avis sur ce travail et ses propositions. L’enjeu final de la recherche est de réaliser une carte des potentialités pour traduire et représenter les scenarii et les enjeux d’ambiances, qui se baserait sur trois grandes dimensions : la pluridisciplinarité, la multisensorialité (et ses représentations) et l’articulation d’échelles (voir comment ces délaissés s’inscrivent dans le site et comment faire en sorte qu’ils s’insèrent dans une trame verte et bleue).

Débat à propos de l’exposé Isabelle Roussel pense qu’un troisième point de vue pourrait être abordé, celui de la qualité de l’air et signale une étude récente menée avec l’Indra en Ile-de-France que l’on trouve sur le site de Primequal qui montre le danger de faire pousser certaines espèces comestibles à proximité de grandes infrastructures. Magali Paris lui répond qu’elle est au courant et qu’une chercheure, Aurélie Charron de l’Iffstar, a également travaillé sur ce sujet, mais qu’elle a précisé aussi que certaines particules pouvaient aller très loin et donc que tous les territoires avoisinants peuvent être touchés. À Denis Delbaere [paysagiste, école d’architecture de Paris-La Villette] qui pose la question du rôle que peuvent jouer ces jardins familiaux (par exemple de réservoir de biodiversité) pour la migration de la faune et de la flore sauvages. Magali Paris répond en évoquant le travail de Marine Linglart pour un inventaire faunistique (oiseaux et insectes) et floristique des différentes parcelles de jardins pour évaluer la biodiversité de ces espaces pour voir si ces lieux y sont propices. Il n’y a pas eu d’observation sur un temps long d’une espèce en particulier. Raphaël Jannot [Setra], à propos des délaissés, pense que si la qualité de l’air est importante, il ne faut pas oublier la question de la qualité des sols. Et ne pas oublier non plus la dimension sociale et sociétale de ces jardins, ajoute Yannick Autret. Est-ce que ces dimensions ont été appréhendées ? Est-ce que les bailleurs sociaux ont été consultés sur les jardins familiaux à proximité des habitats ? Quelle est la perception de ces espaces, comment sont-ils investis ? Magali Paris répond que les personnes qui jardinent sont parfois d’anciens jardiniers, d’autres y voient plus un espace de loisir, une sorte de résidence secondaire, d’autres encore, plus jeunes, y expérimentent des cultures biologiques… Grégoire Chelkoff ajoute que certains de ces jardins existent depuis longtemps, en revanche, d’autres sont plus récents et parfois sauvages. L’enjeu qui pèse sur ces terrains est fort, ils forment des réserves foncières sur lesquelles des bailleurs peuvent avoir des projets de constructions.

37 INTERMOPES - Infrastructures de transport terrestre rail et route et modifications induites sur les paysages, les écosystèmes et la société Sylvie Vanpeene CEMAGREF Aix-en-Provence Une longue présentation de ce projet a été fait lors des Journées du programme ITTECOP d’octobre 2011 qui avaient été co-organisées avec l’équipe du projet INTERMOPES. L’objet de ce projet de recherche est de proposer des outils et des méthodes d’aide à la décision pour les infrastructures de transport en matière de biodiversité. Ce travail est centré sur la LGV Nîmes-Montpellier et principalement sur une espèce : l’outarde canepetière. Le site du tracé de la LGV étant à cet endroit un secteur majeur de présence de l’outarde, une zone Natura 2000 a été centrée sur une partie de cette infrastructure. Cela implique donc pour l’aménageur des enjeux lourds en termes de mesures compensatoires. Une synthèse sur les potentialités écologiques du paysage a été réalisée à partir de données d’occupation du sol sur les besoins écologiques de l’outarde. Le fonctionnement et les besoins de cet oiseau sont en effet assez peu connus, d’autant qu’ils diffèrent beaucoup entre le mâle et la femelle. La hauteur de végétation est très importante pour eux et une cartographie de la végétation existante a été réalisée, puis améliorée par l’utilisation de la photographie pour donner une idée du paysage vu par l’outarde. Un volet de la recherche a aussi consisté à étudier l’utilisation de la 3D en écologie, mais aussi en aménagement et enfin pour la concertation avec le grand public. Plus récemment un focus a été mis sur la question des mesures compensatoires. Le rendu de la recherche est prévu pour septembre 2012. Ce travail est entré en phase de valorisation et de production de son rapport final. Des productions sont déjà existantes ou en cours : des articles, les actes du colloque organisé avec le CETE Méditerranée en mars 2011 11, des interventions dans des colloques, des synthèses méthodologiques et des notes de synthèse thématiques, un poster présenté lors du bilan à mi- parcours du Predit en mai 2011…

Perspectives et nouvelles attentes Cette recherche a abouti aussi à l’identification de nouvelles attentes ou de besoins complémentaires sur l’analyse de la prise en compte de la biodiversité dans les différentes phases d’un projet d’aménagement, une identification des manques et des améliorations possibles et la proposition de solutions méthodologiques et techniques. Des demandes sont faites en termes de méthodes pour aider la prise de décision politique et technique pour améliorer la prise en compte de la biodiversité dans un projet d’ITT et pour conserver le patrimoine écologique du territoire d’insertion. Enfin le développement de méthodes et d’outils sont apparus nécessaire pour l’aide à l’évaluation des effets d’une ITT sur la biodiversité, l’aide à la compensation et l’aide au suivi écologique du territoire impacté par un ou des projets d’aménagement. Est prévu le développement d’une dynamique « post-INTERMOPES » sur l’intégration de la biodiversité dans les projets d’ITT, avec : - la création d’une chaire de recherche et d’enseignement avec INEXIA et Agropolis International ; - une dynamique collaborative avec différentes unités de recherche et des collectivités locales, des services de l’État, des associations naturalistes et un bureau d’études autour des thématiques ITT et écosystèmes, ITT et biodiversité, ITT et paysage ; - la définition de stratégies de recherches sur les thématiques à dimension spatiale associées à la problématique ITT, biodiversité et territoire.

11 Les actes de ce colloque "Des mesures compensatoires et des effets cumulés dans les projets d'infrastructures de transport terrestre : aspects réglementaires et retours d'expériences", Montpellier 29 et 30 mars 2011, sont sur le site d’ITTECOP, à l’onglet « Autour des projets ». Une vidéo et les présentations PowerPoint sont également disponibles : http://www.ittecop.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=31&Itemid=19

38 Ce projet a rencontré une grande adhésion de la part des acteurs comme la DREAL qui n’était pas partie prenant de la recherche au départ mais qui maintenant souhaite s’impliquer si ce projet est poursuivi. Des partenaires associatifs qui ont été très présents et dynamiques.

Débat à propos de l’exposé Yannick Autret souligne l’importance de ce projet INTERMOPES qui, comme beaucoup de projets du programme, apporte beaucoup aux acteurs opérationnels. Ce projet a donné lieu à de nombreuses ramifications qui n’étaient pas prévues au départ. Les Journées qui s’étaient déroulées à Montpellier en 2011 et en particulier la visite de terrain ont été très instructives et ont donné une grande satisfaction au ministère. Les reproches formulés à l’équipe l’an passé, notamment sur le manque de coordination entre les disciplines, ont été pris en compte et corrigés. À ce sujet, Y. Autret insiste sur le fait qu’il ne faut pas considérer le ministère uniquement en tant que financeur, mais qu’il est là aussi pour aider et apporter une assistance en cas de difficulté. Isabelle Roussel confirme ces propos en disant que le ministère les a en effet assistés lors du lancement de leur recherche et était intervenu auprès de RFF pour leur faciliter le choix de leur terrain de recherche après l’abandon du projet de Proxirail. Bruno Villalba intervient sur les modalités de collaboration au sein de l’équipe de recherche : les remarques faites semblent en effet avoir été prises en compte. Il demande à quel moment l’équipe a réorienté ses actions sur les procédures de négociation sur la compensation. Lors du colloque organisé à Aix étaient apparues des oppositions fortes entre le milieu agricole et celui des naturalistes. Il voudrait avoir l’avis de Sylvie Vanpeene sur la question des compensations. Pour Sylvie Vanpeene, leur rôle a d’abord été d’être à l’écoute et de voir ce qui se faisait, comment cela fonctionnait et ce qui « marchait ». Le partenariat avec les naturalistes (le Conservatoire d'espaces naturels - CEN) qui, par son mode de fonctionnement avec la SAFER et la Chambre d’agriculture a rendu possible la proposition d’un modèle qui évite les positions frontales du monde agricole (qui, au colloque d’Aix, a parlé de « double peine » à propos des mesures compensatoires).

Bien-être environnemental, qualité de vie et rapports sensibles aux territoires. Vers une meilleure insertion paysagère et appréhension du cadre de vie, pour une meilleure adhésion sociale aux grandes infrastructures de transports terrestres Guillaume Faburel LAB'URBA EA 3482 IUP Université Paris Val-de-Marne et bureau de recherche Aménités Ce travail, qui s'applique aux ITT et à leur rapport sensible au territoire est terminé aux deux-tiers. Il est mené en collaboration entre le bureau de recherches Aménagement, Environnement, Territoires pour un développement durable [aménités], le Lab’Urba, laboratoire de l’Institut d’Urbanisme de Paris et de l’Institut Français d’Urbanisme et ave SETEC International pour partenaire. Le contexte général de ce projet est le sujet de l’acceptabilité (sociale). Il existe beaucoup d’écrits sur le territoire des ITT ; si les composantes territoriales sont prises en compte dans des mesures de protection et d’accompagnement (par exemple pour les isolations phoniques, les aménagements paysagers, des compensations écologiques plus larges…), les attentes habitantes, par-delà la seule riveraineté, sont rarement appréhendées et satisfaites. Les sens territoriaux : bien-être et qualité de vie ou rôle du paysage pour les habitants des espaces concernés, malgré les connaissances acquises en matière de mobilisations environnementales, sont peu analysés. L’objectif général de la recherche est donc de mieux comprendre ce qui fait bien-être et qualité de vie dans et par les paysages, comme vecteurs d’autres sens territoriaux (sensibles, politiques, symboliques…) et ce pour l’adhésion sociale et l’insertion territoriale des grands équipements. Bien- être et qualité de vie sont déjà analysés sous l’angle des ambiances portées par de tels paysages, des représentations qui y sont attachées, des rapports sensibles aux lieux de vie (visuels, sonores, olfactifs…) et des valeurs, principes et enjeux qu’ils fondent pour l’insertion paysagère et l’adhésion sociale.

39 Ce travail a pour hypothèse de travail que le territoire est un objet complexe et hybride, sans délimitation figée a priori, mais construit par les enjeux relatifs à l’équipement des espaces (desserte, emplois...) ainsi que par les ressentis habitants, et par les logiques et jeux d’acteurs. Les questions paysagères peuvent servir de composantes territoriales qui sont multiples : la composition, le périmètre, la forme, les types d’intervention…). Le sensible et ses attaches, le bien-être et ses lieux matériels ou idéels peuvent être considérés comme autres territoires des ITT.

Une démarche en trois temps Le calendrier de ces trois temps a été un peu modifié ; il s’agit : - d’un état de l'art sur bien-être qualité de vie, mais aussi sur sensible et paysage ; - d’un séminaire d’échanges, prévu au départ en amont, pour cadrer l’ensemble des termes (espace/ lieu/territoire ; paysage/ ambiance ; sensible/ sensoriel ; bien-être/ qualité de vie ; implication/ engagement/ mobilisation habitante ; acceptabilité/ adhésion sociale). Une diversité de disciplines et de thèmes a été choisie. Les thèmes de débat étaient les questions de formalisation paysagère, de participation, d’outils et d’instruments dialogiques. Finalement, le choix a été fait d’organiser ce séminaire plutôt en fin de travail ; - d’un travail empirique avec trois groupes de discussion : entre-temps, ces trois groupes de discussion, de type focus groups, se sont intercalés, ils sont axés sur les trois thèmes pensés pour le séminaire et sur deux terrains d’étude.

Les terrains d’étude L’un est le projet de Lignes à Grande Vitesse -Hendaye et Bordeaux-Toulouse, qui, selon les tronçons, en sont au stade des études d’avant projet sommaire. Deux groupes de discussion sont programmés dont l’un a déjà été réalisé. Ils visent à imaginer comment pourrait être le projet si bien- être, qualité de vie et paysage étaient placés au cœur des préoccupations. L’autre est le projet de Ligne à Grande Vitesse entre Belfort et Mulhouse (dont le tronçon C de la LGV Rhin-Rhône branche est) qui est en partie construite. Le groupe de discussion était plutôt à caractère évaluatif, ex post, et un retour d’expérience était demandé aux populations pour savoir quel était l’état de leur bien-être et de qualité de vie et s’ils estimaient que, dans le processus, le portage du projet avait intégré ces question de bien-être, de la qualité de vie par le paysage et selon quelles modalités, quels outils, documents, etc.

Les productions attendus À l’issue du séminaire seront remis une note de synthèse et un rapport d’analyse compréhensive des discours des habitants, organisée autour de deux ou trois grandes familles de résultats assortis de recommandations méthodologiques en matière de diagnostic et conception paysagers. Dans le rapport intermédiaire, l’accent a été mis sur deux aspects. Un état de l’art sur bien-être et qualité de vie dans leurs liens aux territoires. Cet état de l’art puise à de nombreuses sources disciplinaires, en particulier à celle des approches géographiques qui évoquent les systèmes territoriaux du bien-être et des approches sensibles du bien-être dans l’environnement local. Une autre source est celle de la psychologie cognitive et de la psychologie sociale qui parlent de satisfaction environnementale, d’ancrage spatial et de capacités individuelles de maîtrise qui serait au cœur du bien-être. Cet état de l’art a montré la nécessité de placer les capacités individuelles d’engagement (au sens de construire son propre environnement et sa propre satisfaction) au cœur de l’analyse du bien-être dans ses liens aux territoires des ITT. Un schéma, Bien-être environnemental et qualité de vie territoriale, a permis de situer les objets les uns par rapport aux autres et de hiérarchiser les enjeux spatiaux et territoriaux du bien-être et de la qualité de vie un certain nombre de critères qui renvoient à de grandes dimensions que sont les modes de vie et d’habiter, les conditions de vie et les niveaux de vie : conditions de vie et niveaux de vie renvoyant plutôt à la notion de qualité de vie, tandis que les modes de vie (l’engagement) seraient plus liés au bien-être, et entre les deux se situent les notions de capacité et de satisfaction. Ce schéma revient à dire que le bien-être serait ce qui permet de qualifier et de rendre signifiante la qualité de vie.

40 Pour l’état de l’art sur les paysages Les paysages du bien-être ou comment accéder aux territoires (politiques) de l’environnement, l’équipe a opéré sur les différences entre ambiances, paysages…, ce qui a permis d’apporter une qualification par rapport aux lieux et par rapport à l’espace. Le paysage, pour aller vers un bien-être et un engagement, a indéniablement une valeur ajoutée par rapport à d’autres termes comme celui d’ambiances ou d’esthétique environnementale, c’est une dimension politique, c’est un produit de choix d’aménagement ou de choix politique. Croiser l’état de l’art sur le bien-être et celui sur le paysage redouble la nécessité d’aller voir le bien-être comme une capacité qu’auraient les individus à pouvoir exprimer leur bien-être et le faire participer à son intégration dans différents projets. C’est sur cette base conceptuelle et notionnelle qu’a été mis en place le premier groupe de discussion, le focus group 12 appliqué au cas de la LGV Belfort-Mulhouse et plus précisément à la ligne Labergement-Foigney, un tronçon inauguré fin 2011, sur le thème : le bien-être dans les dispositifs de dialogue et dans la conduite de projets. Le cas d’étude a été choisi par la Setec avec l’accord de RFF. Sur ce cas d’étude, dans une situation où il n’y avait pas eu d’échanges sur le projet (le défaut de concertation préalable a été évoqué par les participants), l’équipe de recherche a constaté que la concertation officielle est un facteur qui ravive (ou exhume) un bien-être commun, un vecteur d’attachement collectif et un facteur d’identité interindividuelle. Toujours sur ce cas précis, le groupe de discussion a servi de catharsis en accueillant les frustrations et les demandes de prise en compte d’une identité locale, paysagère et environnementale.

La suite des travaux Il reste à réaliser une analyse des focus groups, à organiser le séminaire d’échanges et à rédiger le rapport final et des fascicules en direction du grand public. Le deuxième groupe de discussion, à Castelferrus (sur la rive gauche de la Garonne, à 6 km de Castelsarrasin, 25 de Montauban et 50 de Toulouse) était centré sur le thème des outils et des instruments paysagers. La phase d’analyse de ce groupe est en cours. Le troisième groupe de discussion, début 2012, sera à Montec/Bressols (site choisi par la SETEC) et sera axé sur le sensible et le bien-être Le séminaire final, Bien-être environnemental et rapports sensibles aux territoires, est fixé à avril 2012, avec un atelier participatif organisé autour des points chauds et des questions vives soulevées au cours des séminaires. Le rapport final de la recherche et les fascicules de présentation des résultats, méthodes et recommandations seront achevés en juin 2012.

Débat à propos de l’exposé Yannick Autret estime que ce projet de recherche est riche, dense et fait preuve d’originalité en mettant l’accent sur le volet « sociologie et acceptabilité ». Le projet sur le lynx dans le Jura, présenté précédemment par un sociologue, a aussi montré l’intérêt de disposer d’une approche sociologique et d’éléments humains vis-à-vis de ces questions d’infrastructures qui sont hautement technologiques. Denis Delbaere [École d’architecture de Paris-La Villette] demande sur quoi porte le dispositif de concertation ? Sur le projet d’infrastructure ? Sur les dispositifs prévus par le maître d’ouvrage en matière d’aménagement paysager pour favoriser une meilleure insertion de l’ITT ? Sur la perception que les personnes peuvent avoir de ce paysage ? Guillaume Faburel répond qu’à Labergement-Foigney, il y avait un cycle de réunions publiques, mais RFF a dérogé au nombre habituel en ajoutant deux réunions supplémentaires pour parler de l’intégration paysagère du projet d’ITT (et a mandaté la SETEC à ce sujet). Parallèlement, d’autres acteurs territoriaux ont, en accord avec RFF, mis en place d’autres dispositifs informels d’échanges et de débats.

12 La méthode des focus group consiste à réunir une segmentation sociale de 4 à 10 personnes, sur une durée de deux à quatre heures en plusieurs moments, avec pour but d’arriver à des objets ou à des sujets collectifs : avis partagés et/ou citoyens, éléments de symbole, identités locales, mondes communs, etc. Auparavant, des entretiens bilatéraux sont organisés à la fois pour recruter les participants au groupe de discussion et pour commencer à comprendre ce qui fait sens individuellement en termes d’environnement, leur rapport au projet d’infrastructure, etc.

41 Yannick Autret, à propos d’acceptabilité, cite le projet d’écoroute à Cergy (alors que depuis 25 ans, un projet d’autoroute urbaine était prévu). Il n’a pas l’impression que la bienveillance soit une position naturelle de la part des riverains. Ann Caroll Werquin, à ce sujet, dit que ce projet a bénéficié d’une opportunité qui est que le projet de contournement autoroutier allait provoquer un important effet de coupure au travers de milieux naturels et qu’il a été retardé puis qu’il a subi une opposition de la part d’habitants mais en raison de l’arrivée de la Francilienne. Ce type d’infrastructure allait à l’encontre de la notion de ville-paysage qu’essayaient de développer les aménageurs et 50% des habitants étaient pour la sauvegarde de leur milieu de vie. Ce n’est qu’après des débats avec la population et des visites sur le terrain que le projet d’autoroute a été abandonné au profit de l’écoroute et de tronçons de route qui ont recueilli l’assentiment des habitants.

42 Une recherche issue du Programme interdisciplinaire de recherche ville environnement [PIRVE] Ce projet de recherche ne fait pas partie du programme ITTECOP. Il est issu d’un autre programme du ministère, le PIRVE, mais y sont abordées des thématiques proches de celles d’ITTECOP. C’est la première présentation de ce projet qui est en phase de démarrage.

En marge… Paysage et biodiversité des délaissés infrastructurels de l’eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai Denis Delbaere École d’architecture de Paris-La Villette/LACTH, Lille L’objet de ce projet de recherche, commencé récemment, est d’inventorier, d’évaluer et de hiérarchiser les éléments de valeur paysagère et biologique des dépendances vertes des grandes infrastructures de transport (autoroutières, ferroviaires, fluviales) d’une grande métropole. L’équipe de recherche est composée : - de laboratoires dans le domaine des SHS : le LACTH (Laboratoire d'Architecture, Conception, Territoire, Histoire), laboratoire de l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille, qui est le pilote de ce travail et le Labo S, laboratoire d’urbanisme de l’Université de Gand (Département d’Architecture et d’Ingénierie) ; - de laboratoires des sciences de la terre et de la nature : le LGCgE (Laboratoire Génie Civil et géo- Environnement) et de deux sous-équipes qui aborderont le sujet, l’un plutôt sous l’angle faunistique : le Laboratoire Écologie Numérique et Ecotoxicologie de l’Université de Lille 1 et l’autre plutôt sous l’angle pédologique : le Laboratoire Sols et Environnement ; - de l’Institut Supérieur d’Agriculture de Lille ; - et de deux associations : le Conservatoire des Sites Naturels du Nord-Pas de Calais et le Conservatoire Botanique National de Bailleul (CBNB). La durée prévue pour ce travail est de trois années. Il est financé, via le programme PIRVE par le Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement (programme PIRVE), par Lille Métropole Communauté Urbaine, la Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société et des financements sont en cours de négociation avec la région Nord-Pas de Calais et le conseil général du Nord. Le constat, à l’origine du projet, était que la tendance actuelle était de supprimer un important patrimoine végétal arrivé à maturité, planté le long des grandes infrastructures de transports aménagées dans les années 1960-70 jusqu’au début des années 1980. Ce patrimoine est en voie de disparition avant qu’il n’ait été possible d’en établir un bilan. Ces espaces arborés n’ont en effet pas été entretenus et peuvent poser des questions de sécurité. Cette situation est d’autant plus absurde que deux hypothèses peuvent être formulées quant à la fonction actuelle des dépendances vertes : une fonction urbaine (les infrastructures comme espace public métropolitain) et une fonction environnementale (le maillage des dépendances vertes comme trame verte). Ces hypothèses posent à leur tour deux questions scientifiques : - un élément de discontinuité territoriale et de fragmentation peut-il être facteur de biodiversification des milieux anthropisés et de quelle manière ? Sur un territoire coexiste un ensemble de milieux initiaux à l’intérieur desquelles les infrastructures créées produisent une fragmentation de ces milieux et donc une réduction d’apports de biodiversité. Si l’on considère ces dépendances vertes et les connexions existantes entre ces dépendances vertes et les milieux qui ont été fragmentés par les infrastructures, on arrive à un objet hybride, à la fois anthropique et naturel, dont la nature pose question et peut donner lieu à une concurrence et à un appauvrissement des écosystèmes. L’autre hypothèse est que l’accroissement des interfaces peut favoriser la biodiversification. - la relation entre paysage et biodiversité : y a-t-il concordance entre ces deux termes ? Y a-t-il distinction ou opposition de ces deux termes ? L’enjeu est la question de la réception (ou de l’acceptabilité) sociale et culturelle des espaces naturels.

43 Le choix du terrain de la recherche, l’eurométropole, trouve sa pertinence du fait que c’est une conurbation enchevêtrée dans un carrefour infrastructurel européen et que cette métropole est en cours de constitution, à la recherche de sa lisibilité territoriale. Les situations de face-à-face ville/infrastructure sont multiples et diversifiées. Elles présentent une grande diversité des infrastructures, dans un contexte spatio-politique singulier : la Belgique et son plan vert autoroutier datant des années 1950 qui tente une mise en relation des différents pôles urbains entre eux.

La méthodologie Trois phases (une par année) sont prévues. 1. Un inventaire typologique sera réalisé par le biais essentiellement cartographique, à partir de données (fournies notamment par LMCU) sur l’environnement et sur les projets en cours sur le territoire eurométropolitain, pour aboutir à une détermination cartographique des typologies biologiques et paysagères des accotements et délaissés. Une mise en relation de ces deux niveaux d’analyse cartographique (biologique et paysager) sera effectuée et des linéaires-types et de sites concentrant les enjeux seront déterminés. Est visée la sélection de 50 km de linéaires et une vingtaine de sites à enjeux. Un premier séminaire-acteur sera organisé en avril 2012, au cours duquel l’état d’avancement des travaux sera présenté aux gestionnaires des différentes infrastructures concernées qui, à leur tour, feront part des contraintes qui pèsent sur les enjeux paysagers et environnementaux. 2. Une phase d’exploration et d’échantillonnage. Trois sites pilotes seront tout d’abord explorés physiquement (dans le cadre de la recherche pour le PIRVE), puis les 50 km de linéaires et les 20 sites à enjeux (si les demandes de cofinancements aboutissent). Cette exploration va permettre la réalisation d’un échantillonnage de la biodiversité pour deux espèces omniprésentes sur le terrain : le collembole (petit arthropode sauteur de couleur blanchâtre) et une petite mouche. Le deuxième niveau d’exploration prendra la forme d’un travail de terrain (coupes en travers de terrains, allant des lisières urbaines jusqu’aux infrastructures), avec des relevés fins des groupements végétaux et de la topographie. Le troisième niveau d’exploration sera photographique. 3. Une phase de synthèse et de mise en perspective pré-opérationnelle des résultats. Les données de l’exploration seront hiérarchisées et un deuxième séminaire-acteur sera organisé, plutôt à destination d’élus. Une carte de synthèse sera produite pour être un outil d’aide à la décision pour les gestionnaires afin de leur permettre de mieux organiser les initiatives qu’ils prennent les uns et les autres, souvent de manière un peu anarchique, en faveur de la biodiversité et de la qualité paysagère. Le périmètre de travail a été arrêté de façon théorique, à partir du moment où les réseaux et les infrastructures prennent la forme de fuseaux monodirectionnels (plus dans une logique de carrefour mais dans une logique de desserte bipolaire d’une ville à l’autre). Une carte schématique décompte les infrastructures à traiter (soit 650 km à traiter). Une carte environnementale est en cours de réalisation. Les travaux des écologues ont permis de répertorier 362 espèces végétales sauvages à Lille même (ce qui donne un pourcentage significatif sur les 1900 espèces de flore régionale, selon la base de données DIGITALE du Conservatoire botanique national de Bailleul). Des données montrent que les talus des voies ferrées sont des axes de migration vers le nord des plantes thermophiles, en particulier ceux qui sont orientés vers l’est. Les dépendances vertes servent souvent de refuges pour certaines espèces menacées par l’eutrophisation des espaces cultivés (en raison de l’utilisation massive d’herbicides). L’approche des typologies paysagères est menée sur plusieurs fronts, la notion de paysage étant polysémique. L’approche par le terrain a été effectuée grâce à des relevés filmés de l’ensemble des réseaux autoroutiers et des voies ferrées. Un travail de terrain a aussi été réalisé en zigzaguant autour des infrastructures pour les canaux et les petites lignes ferroviaires. Ce travail de terrain a été traduit en cartes pour chacune des infrastructures (les 650 km). Ces cartes font apparaître des critères d’évaluation déterminants comme le niveau d’ouverture sur le

44 paysage, la présence des sections en remblais ou en déblais, les buttes acoustiques, les masses végétales (rideaux arborés continus ou discontinus, friches, broussailles, roselière, etc.). Le deuxième niveau pour appréhender cette typologie paysagère est la perception urbaine (vue depuis les lisières urbaines) qui permet de modéliser les espaces accessibles à moins de 500 mètres en direction des grandes infrastructures ainsi que les cheminements utilisés ou susceptibles de l’être. La géographie physique est également étudiée (topographie, réseau hydraulique, podologie, etc.). Les archives permettent aussi d’aborder les projets d’infrastructures en montrant les plans de plantations initiaux à l’état t-zéro des dépendances vertes et en les comparant à la végétation actuelle pour en déduire des hypothèses sur la succession végétale mise en place au cours des années. Les archives permettent aussi de comprendre les objectifs des maîtres d’ouvrage et des maîtres d’œuvre des infrastructures et des projets de paysage qui ont été associés. Ont été retrouvés dans les archives les dossiers d’APS de toutes les autoroutes ainsi que l’histoire des doctrines urbaines et paysagères développées autour de ces projets (y compris dans la presse spécialisée de l’époque). Les études préalables réalisées sur le paysage ont aussi fait l’objet d’études pour le repérage d’entités paysagères et se pose la question des relations physiques existantes entre les modes de traitement de telle ou telle infrastructure et la physionomie de telle ou telle entité paysagère.

Débat à propos de l’exposé Ann Caroll Werquin a trouvé passionnant ce travail car de nombreuses plantations ont été faites le long des réseaux autoroutiers au cours des années 1970 qui méritent vraiment une attention partout en France. D’autres départements ou régions devraient s’y intéresser aussi. Grégoire Chelkoff trouve que la longueur de l'emprise (650 km) est vraiment très importante. Trouve-t-on des jardins le long de ces axes routiers ? Jusqu’à quel est le degré d’urbanisation des terrains s’intéresse ce travail ? Denis Delbaere répond que ce travail s’intéresse plus précisément aux espaces qui sont en relation entre lisière urbaine et infrastructures. Cependant, ils sont amenés à pénétrer parfois plus profondément dans les tissus urbains du fait de la particularité morphologique de l’agglomération lilloise où les pôles urbains se sont développés les uns à côté des autres et parfois en contact les uns des autres. Magali Paris demande à qui va servir ce travail et quels en sont les enjeux ? Les enjeux sont essentiellement de deux ordres, répond Denis Delbaere. Ce travail s'adresse aux gestionnaires qui veulent accroître la qualité biologique des espaces, d’abord à l’échelle des infrastructures dont ils ont la charge. Aborder efficacement ces questions en termes de connectivité et de trames n’est pas simple, d’où l’idée de mettre autour d’une même table RFF, la communauté urbaine de Lille, la direction des routes, le conseil général, etc. pour qu’ils se racontent ce qu’ils font. Il s’agira ensuite de hiérarchiser les espaces, de repérer ceux sur lesquels il y a concordance entre une forte qualité biologique et une forte qualité paysagère et ceux sur lesquels, au contraire, il y a sens de l’un ou de l’autre et ceux ou il y a un décalage entre les deux, ce qui pourra faire émerger, à l’intérieur du réseau, des linéaires et des sites sur lesquels il est évident que les efforts en faveur du paysage et de la biodiversité pourraient être utilement concentrés et d’autres sur lesquels les gestionnaires n’auraient pas à trop faire porter leurs efforts. Le deuxième enjeu est de faire en sorte que l’eurométropole, dans le cadre de sa constitution, puisse faire de ses réseaux infrastructurels un élément fort de sa construction territoriale.

45 Conclusion et perspectives Patrice Bueso adjoint au chef du service de la Recherche, MEDDTL Patrice Bueso remercie les personnes qui ont accueilli ces Journées à Cergy et participé à leur bon déroulement : Luc Raimbault, Ann Carol Werquin dont le projet de recherche a servi de trame à la première journée, Yves Luginbühl qui est l’un des initiateurs de ce programme de recherche et Bruno Villalba qui a repris le flambeau à la présidence du conseil scientifique. Il remercie aussi les équipes de recherche qui sont venues confronter leurs travaux en cours, le conseil scientifique, le comité d’orientation, l’équipe d’animation de ce programme ainsi que Yannick Autret.

Les actions du ministère dans le domaine de la recherche Les politiques publiques ont besoin, dans leur phase d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation, de s’appuyer sur les acquis de la science et demandent donc la mobilisation de compétences scientifiques. Le ministère organise un réseau d’organismes scientifiques et de services techniques centraux qui répondent à bon nombre des questions qu’il se pose. Certaines de ces questions sont soit très complexes, soit émergentes, certaines encore sont transversales et nécessitent de faire appel à une communauté plus large, aux connaissances diversifiées. Le ministère a alors mis en place le mécanisme de programmes de recherche assortis d’actions d’animation. L’objectif de ces programmes est de rassembler des chercheurs d’horizons variés dont les travaux permettent ensuite de construire ou d’évaluer les politiques publiques et de proposer à des agences de financements de la recherche une reprise ou un complément des programmes du ministère.

ITTECOP Les questionnements d’ITTECOP ont émergé en 2005 et se sont concrétisés en un programme de recherche en 2008. Ces questionnements sont assez différents et ont donné lieu à des recherches variées et très intéressantes qui répondent aux besoins de connaissance du ministère. Va se poser bientôt la question de la valorisation des résultats de ces travaux. Le conseil d’orientation du programme, en liaison avec le conseil scientifique, va se pencher sur les actions de valorisation à mener. Patrice Bueso souhaite que la richesse des résultats puisse se concrétiser, peut- être sous la forme de directives ou de conseils. Il rappelle certaines des orientations majeures d’ITTECOP que sont : l’interdisciplinarité des équipes de recherche et la capacité d’animation et de coordination du responsable scientifique ; l’échange avec les autres équipes de recherche ; que les recherches s’appuient sur des expériences réelles et qu’elles soient menées en collaboration avec les acteurs et les milieux professionnels locaux ; la prise en compte de la dimension « Appui aux politiques publiques ». Ce qu’il a entendu des recherches présentées lui a montré que les projets de recherche d’ITTECOP répondent dans l’ensemble aux orientations proposées et s’intéressent à des sujets divers : la dimension environnementale, les questions de décision et de gestion de l’espace, la concertation, la gestion à moyen et long terme. La notion d’appui aux politiques publiques est très présente dans les projets. La dimension environnementale présente dans les projets de recherche de ce programme permet de le rapprocher d’autres programme de recherche du ministère (programmes TVB, DIVA, PDD, CDE, PIRVE…13). Il est en effet important que les programmes du ministère ne soient pas cloisonnés et qu’une animation inter programmes se mettent en place. Ce programme paraît pouvoir avoir des liens très forts avec les politiques publiques déjà en œuvre, certaines recherches trouvant une utilité immédiate au sein d’actions du ministère sur la Trame verte et bleue ou sur la question des compensations, par exemple. Ce programme est très riche et trouve une parfaite complémentarité avec les actions menées par le ministère.

13 Trame verte et bleue, Action publique, agriculture & biodiversité, Paysage et développement durable, Concertation Décision Environnement, Programme interdisciplinaire de recherche Ville et Environnement.

46 Quelques éléments de bilan Bruno Villalba président du Conseil scientifique d’ITTECOP Bruno Villalba est maître de conférence en science politique, il poursuit l’œuvre d’Yves Luginbühl au sein du programme ITTECOP et inscrit son action en continuité avec ce dernier, mais parfois avec un autre regard du fait de la différence de discipline scientifique dont ils sont tous deux issus. Il propose, dans un premier temps, d’exposer ce qu’il a retenu des présentations des travaux, puis il soumettra quelques axes de débat.

À propos des projets de recherche présentées Il estime qu’un important travail a été fourni par les équipes et qu’il y a eu une bonne prise en compte des remarques faites par les uns et les autres au cours des Journées précédentes, en particulier ce celles de Montpellier. À ce propos, il regrette que certaines équipes n’aient pas participé aux deux Journées de Cergy car les échanges entre équipes lui paraissent indispensables (et rappelle que les équipes comprenant plusieurs personnes, il faudrait vraiment qu’un des membres de chaque équipe soit présent au cours des deux Journées). Parmi les éléments qu’il retient de ces deux jours, il relève : - une contribution effective à la compréhension et à l’évaluation des impacts des ITT ; - un investissement très important dans l’analyse des dispositifs de développement des ITT et en particulier sur la faisabilité de l’opération (allant de l’outil à la question de l’acceptation sociale) ; - une collaboration féconde avec les milieux professionnels (une continuité des relations, la capacité à reformuler les enjeux…) ; - un approfondissement significatif des méthodes employées avec des réflexions sur l’objectivation de l’évaluation et une innovation des outils déployés. L’utilisation d’outils virtuels, informatiques, conduit parfois à une dématérialisation de la réalité qui pose souvent la question des confrontations disciplinaires.

Proposition de quelques éléments de débat Selon Bruno Villalba, cinq questions découlent de ces présentations de recherche. 1. La permanence de l’ambiguïté d’usage de la notion de paysage (au mieux, on dit qu’elle est polysémique). Le même problème se pose avec d’autres notions comme celle d’environnement ou celle de ville. Est-ce une représentation ? Un mode d’usage ? Une matérialité ? En fait, il semble qu’il y ait une construction évolutive de cette notion vers la prise en compte de la notion de « projet » comme capacité de relier les différentes perceptions possibles du paysage. 2. Sur la notion d’infrastructure : une infrastructure modifie les règles des échanges entre acteurs (humains, non humains). Mais les infrastructures ne se résument pas à des objets matériels, elles sont aussi un ordre de représentation qui conditionne la manière dont le paysage est perçu (à propos de la mobilité par exemple). Cette non neutralité des infrastructures amène à se poser la question : - de leur compatibilité de l’infrastructure et de la gestion des contraintes écologiques ; - de la marge d’autonomie (dans la négociation) des acteurs concernés. Cette marge d’autonomie est souvent conditionnée par la finalité du projet d’infrastructures (le développement économique, le bien-être, bien-être, la diversité, etc.); - le contexte de production d’un projet d’infrastructure (ou de sa transformation si elle existe déjà) devrait davantage être interrogé. Le focus est un peu trop souvent mis sur le linéaire et sur les 200 mètres qui bordent l’infrastructure, or la prise en compte du contexte de production du projet est à la fois une pression européenne (la nécessité de continuités territoriales à l’échelle européenne) et une réponse à des besoins du territoire micro local. C’est ce contexte de production d’infrastructures qu’il est demandé de développer dans l’Appel à projets ITTECOP 2012. Ce contexte peut être le changement climatique, les évolutions des inégalités… 3. Approfondir l’interdisciplinarité par des confrontations disciplinaires (sur les méthodes et les concepts théoriques de départ, etc.).

47 4. Le risque de la technicité (qu’a souligné précédemment Yves Luginbühl) consiste à réfléchir davantage à l’efficience du dispositif, perçu comme clos sur lui-même, au lieu de chercher à voir comment faire pour être le plus fonctionnel possible et à répondre aux besoins des opérateurs. Un dispositif est une construction formelle (support matériel, procédures…) qui met en scène une intention ou répond à une intention (que souhaite-t-on tester à partir de la compréhension d’un tel dispositif ?) ; c’est aussi un outil de promotion d’une certaine vision de l’organisation des rapports politiques dans notre société (enjeux du développement local…) ; c’est enfin une compréhension plus complexe d’un projet d’aménagement (interactions continuelles infrastructures/écosystèmes…). Un dispositif s’inscrit donc dans un projet politique (choix de société, viabilité sociale et écologique des choix). 5. Enfin, il ne faut pas sous-estimer les dimensions prospectives : - les effets des temporalités en jeu qui sont contradictoires (temps du projet, temps de la nature, etc.). Comment les prendre réellement, concrètement en compte dans un projet d’infrastructure ? Pourquoi la question de la réversibilité des infrastructures est-elle toujours évacuée ? Combien de temps faut-il à une espèce pour pouvoir se redéployer sur un territoire ? Etc. - la hiérarchie des coûts à prendre en compte (choix financiers, écologiques, de développement…). Qui décide ? Qui paie ? - s’interroger sur les conséquences de ce que l’on produit. C’est l’aide à la décision qui est en jeu. Quelles sont les modalités de réappropriation par les acteurs locaux ? Cela légitime des procédures de décision publique, or ce n’est pas anodin et peut produire des effets rebonds. L’APR 2012 devrait permettre une continuité des recherches.

48 Liste des personnes venues à tout ou partie des Journées

Yannick AUTRET MEDDTL CGDD DRI SR Agnès BARBIERI Documentaliste, CA Cergy-Pontoise Bénédicte BAXERRES CETE du Sud-Ouest Christophe BAYLE Architecte Urbaniste SEMAPA Jessica BROUARD-MASSON MEDDTL DGALN DEB Patrice BUESO MEDDTL CGDD DRI SR Jérôme CAVAILHES SETRA Direction des études d’environnement Jérôme CHAMPRES CERTU Grégoire CHELKOFF École d’architecture de Grenoble CRESSON Karen CHEVALLIER Labo Aménités Université Paris Est Céline CLAUZEL Université de Franche-Comté MSHE THEMA Philippe CLERGEAU MNHN Ecobio CNRS UMR CERSP Denis DELBAERE Paysagiste ENSAPL LACTH Antoine DORÉ IRSTEA Grenoble Guillaume FABUREL Labo Aménités Université de Paris Est Jean-Christophe FOLTÊTE Université de Franche-Comté MSHE THEMA Jean GABER MEDDTL DGITM Ghislaine GARIN-FERRAZ Cité + Xavier GIRARDET Université de Franche-Comté MSHE THEMA Philippe GUTTINGER Université Paris 10 UFR Droit et Science Politique Raphaël JANNOT SETRA Environnement & paysage Michel JAOUEN Architecte Jos JONKHOF ALTERRA architecte urbaniste Marine LINGLART-LIME Ethno-écologue Agence Urban-Eco Yves LUGINBÜHL CNRS LADYSS Université Paris 1 Amandine ORSINI MEDDTL CGDD Infrastructures, transports & aménagement Magali PARIS École d’architecture de Grenoble CRESSON Luc RAIMBAULT CA Cergy Pontoise Judith RAOUL-DUVAL Zogma / Cité+ Jean-Claude RAULT CA Cergy Isabelle ROUSSEL APPA Joseph SALAMON CA Cergy Pontoise Pierre TAILLANT ADEME Socio-économie des transports Sybrand TJALLINGII Université de technologie de Delft Jean-Christophe VANDEVELDE RFF Sylvie VANPEENE IRSTEA Aix-en-Provence Bruno VILLALBA Sciences Po Lille CERAPS Ann Caroll WERQUIN Thalès

49