Sauve. Antique Et Curieuse Cité
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SAUVE ANTIQUE ET CURIEUSE CITÉ JEAN GERMAIN SAUVE ANTIQUE ET CURIEUSE CITÉ PRÉFACE DE ANDRÉ CHAMSON 15 GRAVURES HORS-TEXTE IMPRIMERIE DE LA PRESSE MONTPELLIER 1952 COPYRIGHT 1952 by JEAN GERMAIN 3, place Saint-Côme, Montpellier. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. IMPRIMÉ EN FRANCE. PREFACE Sans doute, le mystère est-il partout, dans le monde et, sans doute aussi, l'Histoire pèse-t-elle d'un même poids sur toutes les parcelles de notre planète. Il y a des millions d'années dans le moindre grain de sable et des millions de secrets dans chaque grain de poussière. Il existe pourtant des lieux privilégiés où nous sentons, avec une brusque intensité, la présence de ce mystère et de cette histoire. Le passé de l'homme et le passé de la terre semblent s'y confondre dans une perspective sacrée. Des vestiges de monuments, des souvenirs d'événements abolis, mais résonnant dans notre mémoire comme peuvent le faire nos pas sur le sol de quelque immense caverne, se mêlent ici avec les aspects d'une de ces grandes curiosités géologiques dont nous éprouvons à la fois l'attirance et l'horreur... Telle fut la Cité Sainte de Delphes qui s'éleva sur la bouche de l'antre où prophétisait la sibylle... Telle est aussi la petite ville de Sauve, bâtie sur les gouffres du Vidourle. Le voyageur le moins attentif qui traverse le territoire de cette petite cité ne peut manquer de ressentir une impression d'étrangeté, une sorte d'appel du mystère. L'aspect du monde extérieur s'est modifié autour de lui. La terre, les rochers et les arbres eux-mêmes semblent revêtir une autre forme. Les lits des torrents sont sans eau et, cependant, l'univers minéral qui s'étend autour de nous semble avoir été sculpté par des puissances liquides. J'ai souvent éprouvé cette sensation d'étrangeté en suivant les routes du Salavès. Devant ces paysages minéraux, il me semblait brusquement que j'étais entouré par d'invisibles présences et je connaissais assez bien l'histoire de ce pays pour donner des noms à tous les fantômes qui se levaient alors devant moi. Fantômes de villes d'abord... Au temps où j'achevais mes études, à l'Ecole des Chartes, j'avais fait ma thèse sur l'antique Evêché d'Arisitum. Je m'étais donc plongé dans la Géographie de Ptolémée et j'avais passé des heures à rechercher les secrets de la table de Peutinger. A cette époque-là, je m'étais demandé bien souvent où s'était élevée la Ville de Vindomagus, disparue sans laisser de traces, et je n'avais pas été sans m'arrêter à l'hypothèse que c'était peut-être la Cité de Salvia qui est, aujourd'hui, la ville de Sauve... J'avais aussi rêvé quelquefois sur les ruines chaoti- ques de Mus... et tout un monde détruit avait relevé ses ruines dans mon imagination de jeune homme. Le travail de M. Jean Germain rejoint ainsi quelques-uns des rêves de ma jeunesse et j'imagine que, s'il répondra aussi aux curiosités que l'on peut éprouver à tous les âges de l'existence, il répondra surtout, dans la suite des temps, aux rêveries que formeront les jeunes hommes de notre pays quand ils voudront découvrir les secrets de leur héritage. Pour moi, j'ai lu ce livre avec l'âme enchantée de l'adoles- cence. Qui ne se laisserait prendre aux sourires de Madame de Sauve et de Madame de Canges ? Qui ne se laisserait prendre à la tentation de refaire l'Histoire autrement qu'elle n'a été, en rêvant sur le destin des Bermond ? Qui ne s'éton- nerait en découvrant, au delà du Florian de la légende, la véritable personnalité de cet écrivain, sans doute trop sensible aux modes de son époque mais sensible aussi à des valeurs de l'esprit qui nous touchent encore et qui ne touchaient pas ses contemporains ? L'histoire d'une ville et de son domaine immédiat est tou- jours comme un résumé de toutes les chances de l'homme. Mais quand cette ville est aussi riche de souvenirs que la petite cité dont M. Jean Germain a écrit la monographie, ce résumé prend une valeur d'exemple et d'enseignement... Si je n'étais né à Nîmes, si je n'avais pas grandi dans les hautes Cévennes, si je n'étais, par naissance et par adoption, homme de l'Aigoual, comme j'aurais voulu naître à Sauve, concitoyen de ses belles pécheresses, de ce grand écrivain et de ce savant docteur Astruc, fils d'une fontaine sacrée aux gouffres mys- térieux. Lecteur, mon ami, ce livre est pour toi ! En m'adressant la préface dont il a bien voulu l'honorer, M. André CHAMSON m'a écrit : « J'ai beaucoup aimé votre livre sur Sauve ; c'est vivant, divers, passionnant ». J'espère que, toi aussi, tu le liras avec un intérêt soutenu jusqu'à sa dernière page, que tu sentiras au travers de ses lignes tout ce que j'y ai mis de mon âme, et que tu l'aimeras. Mais je n'aurai pleinement atteint mon but que si j'ai éveillé en toi un sentiment de curiosité, le désir de voir ces lieux à la personnalité si marquée et dont tu ne retrouveras rien de semblable nulle part ailleurs. Je dois franchement te prévenir que si tu vas à Sauve, il ne faut point t'attendre à du grandiose ou du sensationnel, non ! mais seulement à un ensemble de traits et de caractères, physiques et moraux, visibles et cachés, qui font de ce petit coin de France comme une sorte d'îlot au milieu d'un océan. Tout y est curieux, extraordinaire, étrange ! Un paysage de cataclysme fait de milliers de rocs aux formes fantastiques et tout de couleur cendrée, taraudé d'innombrables précipices en majeure partie inviolés ; Des gouffres ou avens remplis d'eau, où cache ses réserves le Vidourle souterrain ; Des ruines et vestiges divers de toutes les époques de l'His- toire de l'Homme, depuis son apparition sur la terre ; Les « fourchiers », ces arbres dont tu ne rencontreras nulle part les mêmes ; Un village vertical extrêmement pittoresque, qui respire l'Afrique et la Judée, entassé derrière ses portes et au pied duquel coule la rivière et jaillissent des sources intarissables, jadis déifiées ; Une population repliée sur elle-même et qui, par un tellu- risme naturel, tranche nettement sur tout ce qui l'environne, dans sa manière de vivre, sa mentalité, ses coutumes et ses mœurs, et même dans son langage ; C'est tout cela qu'offriront à tes regards et à tes médita- tions Sauve et son territoire ! J'aime Sauve comme chacun aime l'endroit où il est né et où il a vécu ses années d'enfance ; mille de mes souvenirs y sont accrochés comme le lierre à ses rochers. Mais mon attachement est peut-être plus intense parce que j'ai vécu au loin depuis l'âge de dix-huit ans, que je n'y ai fait depuis lors que de courts séjours parfois très espacés, et que j'ai chaque fois constaté avec une profonde amertume l'accentuation d'un déclin qui paraît inexorable. On aime plus fortement ce qui est débile et qui souffre, et l'on est plus frappé de ses changements quand on ne le voit pas tous les jours. Mon village, qui fut autrefois grande cité, serait-il trop vieux, aurait-il trop vécu ?... Je vois, chaque fois que je m'y rends, sa population plus réduite, ses terres plus incultes, ses maisons plus en ruines... La démolition, l'année dernière, du Château Russe qui, en le dominant, l'auréolait comme d'un nimbe, m'a crevé le cœur. On doit arrêter cette chute, on le doit et on le peut. Mes concitoyens sont gens intelligents, actifs, industrieux ; teur terre est prodigieusement féconde, la bonneterie et la boissellerie y sont prospères. Dans notre temps de bougeotte, ils sauront attirer le touriste, le campeur, l'amateur d'archéo- logie ou de spéléologie. je leur fais toute confiance pour un salutaire réveil. Quand j'ai pris la décision d'écrire ce livre, il y a plusieurs années, je savais la longueur et les difficultés de la tâche, je savais que plusieurs autres avant moi avaient eu l'intention de le faire mais y avaient renoncé. Tandis que de nombreuses cités voisines, dont le passé est très loin de renfermer les richesses de celui de Sauve, avaient eu leur historien, rien de complet n'avait jamais été imprimé sur, mon pays natal. J'ai eu à cœur de combler ce que je considérais comme une lacune. Je me suis mis courageuse- ment à l'œuvre, et il m'est infiniment agréable de l'avoir menée à bonne fin. Patiemment, avec un intérêt et un plaisir toujours gran- dissants, j'ai dépouillé des centaines et des centaines de volumes divers dans plusieurs bibliothèques, des archives à Paris, à Nîmes, à Montpellier et à Sauve même ; en y joignant des notes privées, écrites et orales, que certaines personnes ont bien voulu me confier, et en y ajoutant mes connaissances et souvenirs personnels, je suis parvenu à colliger une énorme documentation. J'aurais pu me contenter de narrer les événements dans leur suite chronologique, mais j'ai voulu fuir cette sécheresse et faire de mon récit quelque chose de vivant. Alors, j'ai brassé tous mes documents, je les ai classés par sujet et enchaînés les uns aux autres ; puis j'ai dû fortement les con- denser, en supprimer même avec regret, car le livre aurait été trop long.