Ocíete Des Sciences
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BULLETIN DES SÉANCES DE LA OCÍETE DES SCIENCES DE NANCY Ancienne Société des Sciences Naturelles de Strasbourg FONDEE EN 1828 Série III. — Tome XV. — Fascieule/HI 15 ANNÉE — AVRIL-DÉCEMBRE 1914 NANCY IMPRIMERIE ALBERT BARBIER 4, QUAI CHOISEUL, 4 1915 LES CHAMPIGNONS VÉNÉNEUX par A. SAETORY PARTIE TO XI CO LOGIQUE CHAPITRE I EMPOISONNEMENTS PAR LES CHAMPIGNONS AVARIÉS Les champignons, lorsqu'ils sont trop vieux, peuvent même — s'ils sont comestibles — donner lieu à des accidents tout à fait semblables à ceux que provoque l'ingestion de viandes gâtées ou de légumes avariés. Il se forme dans ces chairs sanieuses, par suite de la'pul- lulation microbienne, des produits plus ou moins toxiques parmi lesquels nous citerons certains acides, ammoniaques, phénols et dérivés des aminés diverses (ptomaïnes, cryp- tomaïnes de A. HOUDÉ). Citons seulement : la neurine C-fPN (CH:i):iOH, les betaïnes qui sont des monooxyneurines ou des dioxyneurines, la choline C'-H',OHN(CH:!):i0H, très proche parente de la muscarine qui n'est sans doute qu'une choline oxydée. D'ailleurs, plusieurs de ces produits se rencontrent dans des champignons même frais. WEISS (1) a insisté, avec raison, croyons-nous, sur les analogies qui existent entre les empoisonnements par la charcuterie altérée (botulisme) et les champignons trop (1) HUGO WEISS, lieber Pilzvergiftungen. Wiener med. Wochen schrift, 1897, p. 618. BULLETIN DES SÉANCES — № 1 1 2 BULLETIN DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES DE NANCY avancés; dans les deux cas, on a de la diarrhée fétide, des vomissements et des troubles nerveux, cérébraux et ocu laires. Les Clavaires passent pour être dangereuses dès qu'elles ne sont plus très fraîches. Le Clitocybe geotropa BULL, paraît dans le même cas. BUTIGNOT (1) nous raconte ce qui suit : Une femme de 48 ans mange à 7 heures 1/2 du soir des têtes de moine cueillies 10 jours auparavant. Le mari trouve les champi gnons trop vieux et n'en mange pas. Dès 8 heures 1/4, la femme se trouve indisposée, entre 11 heures et minuit, elle a des nausées, des maux de tète et de la diarrhée très fétide. De plus, elle ressent des douleurs dans l'abdomen, les reins et les jambes. Elle a une soif très grande et une température de -j-39°2 avec un pouls de 126. Les nausées ne prennent fin qu'après 48 heures. JEANNERET (2) de Genève, raconte un fait analogue qui pourrait s'expliquer aussi par l'ingestion de vieux exem plaires de Clitocybe. Des Bolets (Herrenpilze) avariés ont amené chez des ma lades de KLINGER (3) des vomissements, de la diarrhée, des vertiges, des maux de tète et même des convulsions avec cyanose. Des Russules gâtées paraissent devoir être incriminées dans les cas rapportés par FREY (4). Il y eut trois malades et deux morts : deux enfants. Des morilles récoltées par temps chaud et orageux amenè rent des désordres sans gravité chez Ch. Demay (5). (1) BUTIGNOT. Gastro-entérite aiguë produite par le Clgtocybe geo tropa BULL. B. SOC. Mycol. de France, 1910, XXVI, p. 266. (2) Revue médicale de la Suisse romande, 1912. p. 857. (3) HUGO KLINGER. Ueber Pilzvergiftung, Wiener Klinische Rundschau, 1906, XX, p. 636. (4) W. FREY. Zwei tödlich verlaufene Fälle von Pilzvergiftung mit Milchsäure und Vermehrung der Aminosäuren im Urin. Zeitschrift fur Klin. Med., 1912, LXXV, p. 455. — Le même cas est rapporté par H. HUNZIKER. Ueber Pilzvergiftungen Schweizerische Rundschau für Medizin , 27 janv. 1912, X, p 97. (5) CH. DEMAY. Empoisonnement par les morilles. Bull. Soc. Mycol. de France, 1912, p. 411. BULLETIN DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES DE NANCY 3 Les champignons conservés peuvent, si les conserves sont mal effectuées ou avariées produire des accidents parfois très graves (1). Les champignons séchés trop lentement et conservés dans un endroit humide peuvent devenir la cause de désagré ments. HOCKHAUF (2) en a rapporté plusieurs exemples con cernant les Bolets, exemples d'autant plus significatifs qu'il n'y avait pas d'espèces toxiques mêlées aux comestibles. En 1888, G. JONQUIÈRE, B. STUDER et R. DEMME (3) rap portent que des Gyromitra esculenta avariés provoquèrent chez une personne des douleurs de ventre, des vomisse ments, des selles jaunâtres claires avec ténesme. Les poisons formés seraient des ptomaïnes voisines de la neurine. On cite également ce fait assez bizarre. Une famille se trouve empoisonnée pour avoir mangé des Chanterelles ayant poussé sur un terrain où était enfoui depuis peu le cadavre d'un animal (4). Citons, enfin, pour passer en revue tous les méfaits attri bués aux champignons avariés, les accidents d'éruptions cutanées, suppuration, gangrène, etc., signalés par quel ques auteurs, mais sans preuves suffisantes. « C'est ainsi qu'on rapporte le cas d'une femme et de ses quatre enfants qui périrent à la suite d'éruptions sur diverses parties du corps, d'abcès à pus séreux et même rapidement gangreneux, sans qu'on put attribuer la maladie à une autre cause que l'usage exclusif de champignons pendant deux mois, tandis que le père qui habitait avec la famille, mais travaillait au dehors et usait d'une autre nourriture, ne fut pas atteint (5) ». (Voir Gillot.) (1) RONDOT. Revue sanitaire de Bordeaux et du Sud-Ouest, 10 déc. 1884, III, p. 26. (2) J. HOCKHAUF. Zur Kritik der Pilzvergiftungen Wiener Klinische Wochenschrift, 1904, p. 731. (3) G. JONQUIÈKE, B. STUDER, R. ÜEMME. Berlinerblattes Vergiftung durch die Speiselorchel (H. esculenta) in folge von PtomaÜnbildung, Mitlh. der Natur forsch Gesellschaft, in Bern, 1888, p. 104. (4) E. ROBERT-TISSOT. — Les empoisonnements par les champi gnons. Le Rameau de sapin, 1901, p. 33. (5) Rust's Magasine, t. XVI, p. 115, d'après RAIGE-DELORME, dict. de méd. en 30 vol., VII, p. 204. Art. champignons. 4 BULLETIN DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES DE NANCY En dehors de ces cas assez fréquents d'urticaire alimen taire, certains autres faits d'ulcération ou sphacèle, pour raient très bien être imputables à l'usage des champignons malfaisants, frais ou altérés et les rapprochent des accidents bien connus du scorbut, delà pellagre ou de Yergotisme. Les accidents par les champignons avariés seraient dus, comme nous l'avons dit il y a un instant, aux Cryptomaïnes, Cryptomaïnes. - Ce sont des produits alcalins, encore inconnus, de la putréfaction des champignons. A. HOUDÉ et Roux en avaient commencé l'étude en 1885 en comprenant sous ce nom plusieurs principes de nature alcaloïdique très toxiques. Ces Cryptomaïnes produites par les champignons altérés se présentent à l'état liquide et amorphe ; leur couleur est un peu foncée, leur saveur amère. L'odeur en est forte et, comme le tabac, provoque l'éternuement. Leur réaction, à la manière des bases éner giques, est très alcaline. Elles se dissolvent comme les pto- maïnes ordinaires, dans des liquides variés. HOUDÉ a vu des champignons de couche donner naissance à des cryp tomaïnes éthérées, chloroformiques, amyliques, etc.. Ces poisons sont, en général, très toxiques et peuvent fournir l'explication de cas d'empoisonnement par les champignons avariés. Citons pour mémoire également certains alcaloïdes dou teux, tels que YAgarythrine de PHIPSQN retiré de Russula rubra. CHAPITRE II EMPOISONNEMENTS SPÉCIFIQUES 1° Champignons d'Europe Comment les classer? La division tout empirique en champignons mortels seuls dignes du nom de vénéneux (A. phalloïde, etc.), champi gnons dangereux et champignons irritants, ou bien celle de POUCHET en espèces toxiques, malfaisantes et espèces suspectes ne nous conviennent pas beaucoup, car elles n'analysent pas les phénomènes. A. V. CORRADI (1) partage les champignons en narcotiques irritants, narcotiques et irritants. GILLOÏ (2) envisage surtout le syndrome phallinien et le syndrome muscarinien. LEWIN (3) distingue les symptômes d'intoxication qui se montrent de préférence : a) dans les tractus gastro-intesti naux (fungisme gastrique) ; b) dans le sang (fungisme héma- tique) ; c) dans le cerveau (fungisme cérébral) ; d) du côté du cœur (fungisme cardiaque) ; toutefois, il n'en fait pas la base de son exposé qui est rédigé selon l'ordre botanique. ROCH (4), de Genève, à qui nous devons un superbe travail sur les empoisonnements par les champignons et auquel nous faisons beaucoup d'emprunts, propose cinq groupes qui en partie concordent avec ceux des classifications déjà indi- (1) A. CORRADI. Del veneno de funghi. Studio critico. Annali uni versali di Med Janv., févr., avril, juin, 1878. (2) Gii.i.oT. Thèse sur les champignons et empoisonnements, 1900. (3) LEWIN. Traité de toxicologie. Traduit et annoté par G. Pou chet, Paris 1903, page 892. (4) M. ROCH. Les empoisonnements par les champignons. Bull. Soc. Bolanique de. Genève. Vol. V, 2e série, 1913, p. 50. 6 BULLETIN DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES DE NANCY quées. C'est d'ailleurs à la classification de ROCH, que noir donnons la préférence. 1° Les champignons contenant des principes excitant l'appa reil musculaire, spécialement les fibres musculaires lisses (uté rus, vaisseaux, etc). Nous n'avons guère à nous occuperici de cette catégorie de cryptogames, sauf de Y ergot de seigle et des organismes provoquant la pellagre (?) 2° Les champignons contenant des principes hémolgtiques. Ici nous signalons les empoisonnements par les helvelles (Gyromitra esculenta R.), contenant de Yacide helvellique. 3" Les champignons qui contiennent des principes irritants amenant de la gastro-entérite par action directe sur les mu queuses digestives. (Russules, lactaires à lait acre, contenant des résines irritantes). Nous ajoutons à ce groupe un certain nombre d'espèces pouvant produire des désordres très sérieux et même la mort (Entoloma lividum) (1). Et à côté d'elles, le Pleurote de l'olivier, les Bolets, Lepiota helveola,-etc., qui amènent de la gastro-entérite, mais qui ne paraissent pas totalement dépourvus d'action sur le sys tème nerveux.