La Constitution À L'assaut De La Pauvreté
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de la Ligue La Chronique des droits de l’Homme asbl Juin - Juillet 2009 - N°133 Bureau de dépôt : Bruxelles X - Périodique bimestriel [email protected] - www.liguedh.be BELGIQUE - BELGÏE Editeur responsable : Benoît Van der Meerschen Tél. 02.209 62 80 - Fax 02.209 63 80 P.P. 22, rue du Boulet à 1000 Bruxelles BRUXELLES X 1/2730 PAUVRETE, N° D’AGRÉMENT P801323 PRECARITE, FRATERNITE - La Constitution à l’assaut de la pauvreté - Précarisation du travail - Femmes et précarité COMMUNIQUES DE PRESSE Les communiqués de presse suivants ont été rédigés entre mars et avril 2009. 3 «Ne dites pas à ma mère que je suis militant, elle croit que je suis terroriste». 30 Avril 2009 3 Non assistance à personne en danger dans la Prison de Namur ? Pour un service minimum dans les prisons. 31 Mars 2009 3 Le casier judiciaire, l’imagination au pouvoir ? 24 Mars 2009 3 Commission des plaintes en centres fermé: de qui se moque la Ministre Turtelboom ? 24 Mars 2009 informations 3 Violences policière: la Belgique condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme. 11 Mars 2009 Les contenus des communiqués de presse sont disponibles dans leur intégralité sur www.liguedh.be Comité de rédaction Dessins La Ligue des droits de l’Homme Remerciements : Emmanuelle Delplace, Max Tilgenkamp est membre de la Fédération La Ligue travaille grâce à l’aide David Morelli, www.stripmax.com internationale des Ligues des droits du Réseau Financement Alternatif, Dominique Rozenberg, de l’Homme (FIDH), organisation de Credal et de la Province Olivier Sebasoni. Graphisme non gouvernementale ayant statut du Brabant wallon. ® Laboratoire Graphique consultatif auprès des Nations Unies Afin d’étayer sa réflexion, Ont participé à ce numéro Daniel Renzoni de l’Unesco, du Conseil La Ligue des droits de l’Homme Jean-Marie Coen, [email protected] de l’Europe et d’observateur auprès utilise constamment les Codes Larcier. Cécile de Borman, www.laboratoiregraphique.be de la Commission africaine des droits Cécile de Wandeleer, de l’Homme et des Peuples. Avec le soutien de Laurie Devolder, Yves Martens, David Morelli, Aline Piccarelle, Axelle Piret, Céline Romainville, Maxime Stroobant, Edgar Szoc, Benoît Van der Meerschen, 2 Evelyne Van Meesche Dossier précarité 1 > 17 Agenda/Recensions 18 > 19 Culture : Cinéma/DVD 20 > 22 édito David Morelli, membre de la Commission Droits économiques, sociaux et culturels LDH De la nature de la précarité « Tous les progrès sont précaires, et la solution d’un problème nous confronte à un autre problème» déclarait Martin Luther King dans « La force d’aimer » . Si, 40 ans après l’assassinat du grand humaniste, cette citation reste d’une imparable lucidité, force est de constater que, loin des idéaux des grands mouvements sociaux qui ont marqué la fin des années 60, le terme « progrès » n’est plus très à la mode. Et, lorsqu’il est encore mentionné, il est plus souvent accolé aux termes « technologique » , « scientifique » ou « financier » qu’au terme « social » . En cette fin de décennie, le progrès semble désormais ne plus être partagé que par quelques uns et la précarité être à la portée de tous. Une précarité qui s’ancre durablement dans le quotidien et se transforme, en se banalisant, en une évidence sociale, presqu’en une loi naturelle. Laurence Parisot, présidente du Mouvement des entreprises de France ne déclarait- elle pas, il y a quelques mois, que « La vie, la santé, l’amour sont précaires. Pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? ». Et donc, pour aller jusqu’au bout de cette lumineuse maxime, pourquoi le logement, l’éducation ou la justice devraient-ils faire exception ? Et pourquoi la démocratie et les droits humains auraient-ils le privilège de ne pas être, eux aussi, précaires ? Parisot et MLK disent la même chose : rien n’est jamais acquis pour l’éternité. Mais au message de lutte permanente pour le progrès social s’est substitué un intolérable appel à la soumission, à l’inféodation des droits fondamentaux des citoyens à la logique (?) implacable du marché et de ses vicissitudes. Il y a une différence de taille entre la fragilité des constructions sociales et leur sabotage, entre une précarité naturelle et une précarisation structurelle. Oui, la démocratie est fragile et exige du citoyen une attention soutenue bien au delà des dimanches de vote. Oui, les droits humains sont fragiles et exigent de leurs bénéficiaires – nous tous, au quotidien – d’être vigilants et critiques face à des logiques, prétendument naturelles, qui ne les placent plus comme l’enjeu ultime de toute politique. Non, les principes qui fondent la démocratie, les valeurs qui fondent les droits humains et les droits qui en découlent ne peuvent être en aucune manière précarisés, affaiblis ou mis en concurrence (sécurité vs liberté, droit au travail vs droit de grève…) pour se conformer aux objectifs d’un modèle artificiel qui tend à les considérer comme un obstacle à son développement. Non, la précarité n’est pas une loi, ni humaine et encore moins naturelle… sauf à appréhender la vie, la santé et l’amour sous l’angle exclusif de l’échec. La crise économique, sociale, démocratique, que nous traversons et la précarisation, voire la paupérisation qu’elle entraîne, est un douloureux orage dont les coups de tonnerre socialement destructeurs pourraient opportunément réveiller la conscience citoyenne quelque peu assoupie par l’idée trompeuse d’une évidence démocratique et de droits fondamentaux « naturels » . Un électrochoc peut-être salutaire. Ces droits, socles fondamentaux de la dignité humaine acquis de haute lutte, sont des progrès civilisationnels, pas des dons de mère Nature. Nous devons donc veiller à les entretenir, à les protéger. Nous avons le devoir de continuer à rêver de les faire progresser. PS : Quelques semaines après avoir prononcé sa petite phrase, la société de la Présidente du MEDEF, Phone City, a été condamnée pour recours abusifs aux Contrats à durée déterminée et pour licenciements abusifs. Les contrats à durée déterminée ont été requalifiés en CDI par la justice… L’abus semble, lui aussi, être précaire… 3 L’article 23 de la Constitution : une assise fondamentale pour lutter contre la pauvreté David Morelli Les droits sociaux fondamentaux énoncés à l’article 23 de la Constitution sont censés permettre de lutter contre les diverses formes de l’exclusion dossier précarité sociale. Mais cet article capital répond-t-il aux besoins d’une politique réellement protectrice de ces droits fondamentaux ? Si la Belgique reste l’un des pays les plus riches du monde, cette richesse y est inégalement répartie. La pauvreté gagne du terrain avec, comme conséquence, la limitation croissante de l’exercice de certains de leurs droits essentiels par les personnes vivant dans l’indigence. Au-delà de la responsabilité du système économique dans l’apparition et la persistance de la pauvreté, le caractère complexe de ce phénomène et les politiques à mettre en œuvre relèvent de choix idéologiques, de choix de société. La Belgique a mis sur pied des institutions et des politiques d’actions qui tentent de faire face aux mutations de la vie économique et à ses conséquences sociales. Mais elle a aussi introduit dans sa Constitution un article 23, article qui intègre la problématique de la pauvreté dans les droits socioéconomiques. A l’heure où les mécanismes de répartition des richesses sont enrayés – et la crise actuelle ne risque pas de mettre de l’huile dans les rouages -, il est intéressant de se pencher sur les principes de base de cet article 23 et sur sa capacité à répondre aux besoins d’une politique progressiste en matière de pauvreté. Action indirecte Le problème de la pauvreté est aussi vieux que la Belgique. Il a toujours été explicitement à l’ordre du jour dans l’histoire sociale de notre pays. Ce n’est pourtant qu’en 1994 qu’a été approuvée par le Parlement fédéral une proposition de loi insérant les droits économiques et sociaux dans la Constitution. Comme les autorités n’ont – heureusement – pas attendu cette date pour mettre en place des politiques contre la pauvreté, les droits fondamentaux n’ont donc pas été un instrument essentiel dans leur mise en oeuvre. Toutefois, ils auront désormais leur utilité, étant donné qu’ils définissent une série de règles fondamentales permettant d’orienter la politique. Lors des débats autour de la faisabilité, du caractère immédiatement exécutoire ou «Chacun a le droit applicable du futur article 23, tant les partis politiques que les partenaires sociaux étaient très réticents à cette proposition de loi. Cette réticence était due à la crainte que les autorités publiques de mener une vie se voient tenues d’assumer d’importantes obligations supplémentaires. Le constituant a résolu conforme le problème en stipulant que l’article 23 de la Constitution n’aurait pas d’effet direct, sa mise en œuvre étant de la responsabilité des différents parlements compétents. à la dignité Par ailleurs, il est important de rappeler que la problématique de la pauvreté s’inscrit dans un ensemble complexe de règles de droit allant de la législation constitutionnelle à la réglementation humaine». internationale. L’article 23 ne constitue donc qu’un élément de cet ensemble de règles. Article 23 de la Constitution La charité ou l’aide sociale ? Que dit concrètement ce fameux article 23 ? On remarque d’abord que cet article donne un aperçu des droits fondamentaux qui sont les éléments constitutifs d’une vie conforme à la dignité humaine: droit au travail, droit au libre choix d’une activité professionnelle, droit à la sécurité sociale, droit à la protection de la santé et à l’aide sociale, médicale et juridique, droit à un logement décent, droit à la protection d’un environnement sain et droit à l’épanouissement culturel et social.