FACULTE DE DROIT D’ECONOMIE DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE

DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

Master II

Régulation sociale des conflits liés à

l’occupation des espaces de pâturage:

Cas de la grande parcelle de Saririaky, Commune rurale d’, District d’, Région

Présenté par : SOLEMAN KONE Francis Hary

Président : Professeur RAMANDIMBIARISON Jean Claude

Juge : Monsieur ETIENNE Stefano Raherimalala, Maître de conférences

Directeur de mémoire : Professeur RAMANDIBIARISON Noëline

Date de soutenance : 13 Avril 2015

Année universitaire : 2013-2014

Remerciements

Je tiens tout d'abord à remercier le Professeur Emérite RAMANDIMBIARISON Jean Claude, qui me fait l'honneur de présider le comité de jury.

Je suis très reconnaissant aussi à Mr ETIENNE Stefano Raherimalala, Maître de Conférences, membre de jury de me faire l’honneur d’être le juge et l’assesseur critique de ce mémoire.

Mes remerciements vont également au directeur de recherche, Professeur RAMANDIMBIARISON Noeline, pour tout ce parcours accompli ensemble. Je la remercie pour son soutien si constructif dans ce mémoire. Elle a contribué par leurs nombreuses remarques et suggestions à améliorer la qualité de ce mémoire, et j’en suis très reconnaissant.

I

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE

METHODOLOGIE

Première partie : CONCEPTUALISATION THEORIQUE DU CONFLIT ET DE LA REGULATION SOCIALE

Chapitre1 : Cadre théorique de l’acteur et le système

Chapitre 2 : Approche méthodologique et présentation du terrain

Deuxième partie : IDENTIFICATION ET ANALYSE DES DETERMINANTS DU CONFLIT ET DE LA REGULATION SOCIALE

Chapitre 3 : Approche descriptive des données

Chapitre 4 : Approche analytique

Troisième partie : LOGIQUE DE REGULATION SOCIALE, APPROCHE PROSPECTIVE ET DE REFLEXION

Chapitre 5 : Validation des hypothèses

Chapitre 6 : Approche prospective et piste de réflexion

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIERES

ANNEXES LISTE DES ABREVIATIONS LISTE DES TABLEAUX LISTE DES CARTES LISTE DES FIGURES

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Introduction générale

La globalisation peut être appréhendée comme la généralisation d’un capitalisme évolutif et la diffusion des échanges. Les transformations des rapports marchands, qui l’accompagnent, n’épargnent aucun espace de la société traditionnelle, quel que soit son éloignement apparent. Les conséquences de la globalisation sont évidentes à travers l’envahissement de la monétarisation et des relations marchandes.

Le phénomène que nous proposons d’étudier ne nous semble plus étranger en ce moment de la globalisation. L’accaparement de terres agricoles par les sociétés multinationales dans le plateau d’ Ihorombe nous inspire une problématique, étant donné que la société bara est un terrain d’investigations éthnographiques sur un groupe social particulier. Des types d’échanges et des rapports marchands se mettent en place dans cette localité, condensant les éléments symboliques, politiques et économiques dans l’intégration aux dynamiques mondialisées.

L’espace de pâturage d’Ihorombe constitue une part importante du territoire national. La politique régionale d’investissement et d’aménagement du territoire incite les investisseurs en agro-business à l’exploiter. Les terres longtemps considérées comme terres des ancêtres sont actuellement marchandisées.

Depuis l’arrivée des investisseurs dans la Région, les bara n’ont plus d’autorité pour gérer leurs patrimoines. Les autochtones ressentent la raréfaction des surfaces de pâturages propices à l’élevage extensif, due à l’extension des terres agricoles et ne comprennent plus l’attitude du « Fanjakà » car pour eux, ils conçoivent différemment leurs droits. Des conflits autour de la dynamique de l’occupation et l’usage de l’espace sont accrus. Cet espace devient davantage un support des activités agro-business au détriment des activités agropastorales.

Or cet espace est traversé de conflits et devient un lieu d’affrontement entre plusieurs groupes stratégiques pour modifier un rapport de force. Les conflits sont un des meilleurs "fils directeurs" qui soient pour "pénétrer" une société locale et sont aussi des indicateurs privilégiés de son fonctionnement. Les changements profonds et brusques dus à la mondialisation provoquent des conflits, car la population autochtone n’accepte pas facilement

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un tel changement. Mais à l’instar de Georg Simmel, ces conflits peuvent provoquer un changement social (valeurs, morales, règles).

Cependant, la société bara à l’ère de la mondialisation est devenue une société dynamique avec une pluralité des acteurs collectifs qui composent la vie sociale et les mouvements complexes qui les animent et qui ne peuvent pas fonctionner au sein d’un ensemble de règles statiques. Il existe des forces qui tendent à la désagrégation et à la désolidarisation.

Une question qui semble à priori d’une portée restreinte se pose parfois sur les mécanismes sociaux qui assurent la stabilité et l'inertie des règles sociales dans un corps social composé d’acteurs devenus plus complexes et plus imprévisibles dans leurs réactions. Un corps social composé d’acteurs engagés ne se régule certainement pas comme s’il restait composé d’agents (obéissants et passifs), notamment en ce qui concerne le traitement des multiples tensions et confits qui ne manquent pas de survenir dans tout ensemble humain.

Chaque acteur (spatial) développe intentionnellement des stratégies qui le font entrer en interaction avec d’autres opérateurs. Pour assurer le bon fonctionnement social de l’organisation, il faut une régulation. Le déficit de régulation sociale évoque la non faculté de la société à changer le système de régulation par rapport aux besoins du contexte et à l’évolution de l’environnement.

I. Choix du thème et du terrain Le thème met en évidence la multi-rationalité des acteurs dans un conflit social afin de parvenir à une régulation. L’étude de la réalité du terrain doit donc se focaliser sur les différentes régulations qu’ils produisent et les conflits,les négociations et accords qui découlent généralement de la confrontation de ces différentes régulations.

Nous avons choisi comme terrain de recherche le périmètre agro-pastoral de Saririaky , dans la Commune rurale d’ Andiolava , District d’ Ihosy , Région Ihorombe . De nombreux motifs ont été à l’origine de ce choix :

-Primo, le pouvoir de contrôle par rapport à la terre et les pratiques sociales changent avec le temps, ce qui affecte le fonctionnement de l’organisation sociale ;

-Secundo, la pluralité des acteurs en conflits autour des enjeux économiques et sociaux dans ce périmètre de 7000 hectares.

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II. Problématique :

L’interaction des acteurs (groupes stratégiques) dans le champ social autour d’enjeux à la fois économiques, politiques et symboliques dans cet espace ne permet-elle pas de créer un système de régulation et de produire une règle en vue de la gestion patrimoniale des espaces ?

III. Objectifs

• Objectif général

Le présent mémoire se propose comme objectif général d’analyse des groupes stratégiques, des types d’interactions en jeu et les conflits dans l’espace agro-pastoral.

Pour atteindre cet objectif général, trois objectifs spécifiques ont été formulés :

• Objectifs spécifiques

1. Appréhender le rapport entre les groupes stratégiques, les modes de pensée et les croyances culturelles qui gouvernent les rapports sociaux, les conflits,les alliances qui en résultent.

2. Etudier les dispositifs d’ordonnancement du conflit.

3. Proposer un système de régulation à titre de recommandations partielles.

IV. Hypothèses

En réponse à la problématique posée, nous avançons à titre d’hypothèse que :

-d’abord la thèse interactionniste avec l’accent mis sur les jeux et stratégies d’acteurs ne donne pas la possibilité de disposer d’un modèle systémique du jeu social qui permet de fédérer les acteurs individuels sur des projets collectifs. Cela suppose un projet commun dans la gestion patrimoniale.

- ainsi, l’interactionnismene semble pas approprié pour développer une trilogie « Espace – Acteur – Aménagement » dans une société où s’enchevêtrent des logiques sociales des acteurs. Les espaces publics de résolution de conflit, qu’ils soient formés à l’enseigne de la négociation ou de la concertation, doivent toujours reposer sur la question du poids des structures sociales et économiques ainsi que des appareillages normatifs socialement construits, pour tracer des voies de compromis et mettre l’accent sur des

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solutions. De ce fait, la réponse systémique de la régulation sociale permet de réconcilier les logiques sociales vraisemblablement opposées.

V- Méthodologie

Dans le cadre de la réalisation de toute recherche sociologique, il est d’usage de recourir à une démarche méthodologique afin de collecter les données et informations utiles, qui permettent une meilleure appréhension de l’objet d’étude.

En vue d’expliquer un phénomène et de présenter scientifiquement la réalité sociale, la méthode qualitative et la méthode quantitative sont les outils usuellement adoptés en sociologie. Pour notre travail, nous allons utiliser les deux méthodes de façon complémentaire puisqu’il est à la fois question de faire une analyse à partir de la mise en relation de variables et de déceler une logique dans le conflit social.

• Procédé d’analyse : Les réponses aux questions du questionnaire et de l’entretien libre seront transcrites et rapportées en données quantitatives et qualitatives dans des volets d’analyse. L’étape de traitement des données consistera à mettre en relation les variables retenues.

En ce qui concerne la base théorique de notre recherche, nous avons choisi d’établir des grilles d’analyse qui se situent entre l’objectivisme et le subjectivisme. Nous avons emprunté également diverses approches théoriques (structuro-fonctionnaliste, interactionniste…).

• La documentation : La documentation nous a été d’une grande utilité et ce, durant les différents stades de notre travail. Il nous a fallu effectuer préalablement une étude bibliographique qui nous a permis de choisir notre thème. C’est également à l’issue des ouvrages que nous avons pu définir de façon explicite notre sujet d’étude. Le long de la recherche, nous nous sommes référés à des documents pour apporter plus de précision et d’explication dans la formulation grâce à ces ouvrages dont les sources sont variées. Nous avons, en effet, exploité des documents, des rapports des articles et des publications.

• L’entretien : Des entretiens ont eu lieu pour compléter les données bibliographiques et pour collecter sur terrain les données utiles à la vérification des hypothèses. Des entretiens libres ou semi directifs ont été destinés aux acteurs dont les points de vue sont jugés importants. Il s’agit du

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maire de la commune rurale d’ Andiolava , des chefs de Fokontany d’ Ambatofotsy et d’ Ambondrobe , des lonaky des villages, les éleveurs.

• Le questionnaire : Pour comprendre et élucider les débats autour du conflit social, il faudra obtenir l’opinion des villageois par l’intermédiaire d’une enquête par questionnaire auprès des individus. Nous allons sectionner le questionnaire en plusieurs rubriques conformément aux données que nous souhaitions exploiter.

Nous avons privilégié les questions ouvertes pour permettre le recueil de l’opinion et de la perception de l’individu.

• L’échantillonnage : Comme il nous est impossible de recueillir l’opinion sur l’ensemble des villageois de notre terrain de recherche, nous avons travaillé sur une base d’échantillon et nous avons donc procédé à l’échantillonnage.

La technique d’échantillonnage que nous avons choisie est la méthode probabiliste. La détermination des individus retenus pour faire partie de l’échantillon est faite intégralement par hasard. Ainsi chaque individu de la population concernée a une probabilité connue (et non nulle) d'appartenir à l'échantillon. Les listes de tous les individus de la population (chef de ménage) ont été consultées auprès des chefs de fokontany. L’échantillon a été tiré au sort avant même de commencer le terrain.

Tableau n°01 : Tableau de l’échantillonnage avant les entretiens

Fokontany Villages Personnes enquêtées Ambondrobe Ambondrobe Soatanimbary 30 personnes enquêtées Soatana Ambatofotsy Ambatofotsy Vavalovo 30 personnes enquêtées Nanarena Ihosy Autres personnes 2 responsables des sociétés agricoles enquêtées 2 responsables des Collectivités Territoriales Décentralisées (Région, Commune) 2 responsables de Services Techniques Déconcentrés (Tribunal, Service des Domaines et Topographie) TOTAL 66 personnes enquêtées

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VI. Problèmes rencontrés et limites de la recherche

L’investigation sur terrain nous a permis de déterminer les problèmes et la limite académique de la recherche.

Premièrement, il faut prendre en compte que nous avons travaillé exclusivement au niveau local, donc aux villages. Notre étude a volontairement décidé de ne pas dépasser les limites de la communauté locale. En d’autres termes les réseaux des groupes stratégiques en dehors du village n’ont pas fait l’objet d’étude. Pourtant, des enquêtes et des recoupements ont été faits au niveau de tous les groupes stratégiques identifiés.

Deuxièmement, nous avons travaillé dans 6 villages, répartis sur 2fokontany pour avoir des informations sur l’organisation sociopolitique des communautés en général. Une seule descente dans chaque village ne peut pas fournir des réponses à toutes les questions qui se posent dans le cadre de la recherche.

VII. Plan

Notre travail s’est fait en trois parties : la première partie est consacrée à la conceptualisation théorique du conflit et de la régulation sociale, la deuxième partie traite de l’identification et analyse des déterminants du conflit social, quant à la troisième et dernière partie, elle portera sur l’approche prospective et une piste de réflexion.

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PARTIE I- CONCEPTUALISATION THEORIQUE DU CONFLIT ET DE REGULATION SOCIALE

Chapitre 1 : Cadre théorique de l’acteur et le système

1.1- Méthodes d’approche

Dans les sciences sociales, il n’y a finalement que deux grandes familles de paradigme: les paradigmes individualistes /interactionnistes d’un côté, les paradigmes structuralistes et sociétaux de l’autre.

S’il n’y a pas de société sans agrégation d’individus, on peut également affirmer, à l’inverse, qu’il n y a pas non plus d’individus sans société. Les rapports entre le groupe social et l’individu sont analysés différemment par deux courants de pensée apparemment contradictoires : le courant de le holisme, et le courant de l’individualisme méthodologique.

1-1-1- Le Holisme méthodologique

Le Holisme : Le tout

Le holisme est un courant de pensée qui part du tout social pour expliquer les comportements, les choix, les décisions des individus. Selon les sociologues holistes, la société exerce des contraintes sur les individus au cours du processus de socialisation pour les amener à s’intégrer, à s’insérer dans le « tout social » et leur permettre de s’y épanouir. Ces contraintes déterminent les rôles tenus par les individus au sein de la société. C’est pourquoi cette façon de penser est appelée : « déterminisme social ».

Le holisme appliqué aux systèmes humains, par essence complexes, consiste à expliquer les faits sociaux par d’autres faits sociaux, dont les individus ne sont que des vecteurs passifs. Les comportements individuels sont socialement déterminés : la société exerce une contrainte (pouvoir de coercition) sur l’individu qui intériorise (ou « naturalise ») les principales règles et les respecte. Le libre arbitre individuel n’est pas pour autant totalement éliminé, mais statistiquement ce qu’un individu choisit de ne pas faire, un autre le fera, pour un résultat social identique.

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Le Holisme : Caractéristiques

La structure prime l’individu. Elle ne se réduit pas à une somme d’actions individuelles. Elle exerce une contrainte absolue ou forte sur les actions individuelles.

Selon Emile Durkheim, considéré comme « le Père de la sociologie », les faits sociaux existent, ils consistent en « des manières d’agir, de penser et de sentir qui s’imposent à l’individu ». Ces faits relèvent d’une discipline nouvelle, la sociologie, qui doit enquêter et chercher à expliquer les faits sociaux par d’autres faits sociaux : il suffit d’observer les faits sociaux pour noter une certaine constance des comportements dans des circonstances similaires.

Pour Durkheim, la cause déterminante d’un fait social doit être recherchée par rapport aux faits sociaux antérieurs et non parmi les états de conscience individuelle. (Les règles de la méthode sociologique). Les actes individuels sont expliqués par la société et les normes sociales qu’elle impose à ses membres. L’individu intériorise des comportements, des façons de penser. L’être humain est un être social, il est le « produit » de la société dans laquelle il est élève et grandit.

Selon Pierre Bourdieu (sociologue holiste contemporain, 1930 – 2002), in « Le déterminisme social », les individus héritent d’un habitus, c’est-à-dire d’un ensemble « de dispositions durables et transposables », héritées de leur milieu social d’origine, qui structure leur comportement. Il s’agit de « l’incorporation des expériences » vécues par chacun et qui vont jouer un rôle déterminant dans les décisions prises. Bourdieu est ici l’héritier de la pensée de Durkheim, selon lequel la société exerce des contraintes sur l’individu pour la mener à s’insérer dans le groupe social. Ces contraintes vont déterminer le rôle social de l’individu.

1-1-2- L’individualisme méthodologique

Selon Raymond Boudon, il faut prendre acte du fait que tout phénomène collectif est l’effet d’actions, de croyances ou de comportements individuels, (2004). On cherche à comprendre les phénomènes sociaux à partir des interactions individuelles (on part d’en bas). « Seul l’individu est doté d’un esprit. Seul l’individu éprouve, sent et perçoit. Seul l’individu peut adopter des valeurs et faire des choix. Seul l’individu peut agir »1.

1ROTHBARD (M), 1979 , « Six mythes au sujet du libertarianisme », Edition du Seuil, P .164

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Selon Max Weber, sociologue allemand, 1864 – 1920 « La sociologie compréhensive », l’homme est un « être de conscience » qui agit en fonction de sa compréhension du monde et des intentions qu’il a. Analyser le social, c’est donc partir de ces actions et des intentions qui les constituent. Weber reconnaît qu’une partie du comportement est déterminée par le contexte social dans lequel l’individu a grandi. Cependant selon lui, le facteur le plus important est la motivation individuelle, c’est elle qui va guider les choix fondamentaux de l’individu. C’est pourquoi il parle d’interactivité : le groupe social agit sur l’individu et celui – ci va agir sur le groupe en fonction de sa personnalité. L’individu, atome de la société : selon Max Weber, « La sociologie de la compréhension doit considérer l’individu particulier et son action comme s’il s’agissait vraiment d’un atome ».

Selon Boudon, le sociologue doit mettre au jour les bonnes raisons que peut avoir l’individu d’agir comme il le fait. Il a pour tâche de chercher à comprendre les motivations profondes qui poussent l’individu à prendre telle décision plutôt que telle autre. Il ne se sous- estime pas les contraintes qu’exerce la société, le tout social, sur l’individu, mais il pense que l’individu est un acteur de sa propre vie et qu’il interagit sur la société. Selon Boudon, l’individu est rationnel, il opère des choix après avoir réalisé des calculs « couts-avantages » qui tiennent compte du coût de tel choix et des avantages qu’il présente.

1-1-3- Débats

Première critique , selon les durkheimiens et des behavioristes : Une sociologie scientifique ne saurait accorder de l’importance à la subjectivité des acteurs, car cette subjectivité est inobservable . Tous les behavioristes et tous les durkheimiens prétendent limiter leurs investigations à ce qui est observable. Ils refusent donc de prendre en compte les états de conscience des acteurs sociaux. Mais pour Boudon, l’individualisme méthodologique ne vise pas à reconstituer toutes les motivations des individus. Il ne s’agit pas de retrouver tous les états d’âme de chaque acteur ou la psychologie particulière à un individu, il s’agit d’isoler les motifs essentiels d’action d’un groupe d’individus placés dans une situation donnée. Les motivations particulières de chaque individu sont effectivement souvent non connaissables, par contre la logique globale de choix d’acteurs individuels soumis aux mêmes contraintes peut être mise en évidence.

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Deuxième critique ,et pour les marxistes : Selon eux, la conscience de l’acteur est toujours un reflet – déformé – de sa situation réelle ; c’est un épiphénomène. L’acteur en situation de domination est aveuglé par ses intérêts, l’acteur en situation de dominé est aliéné. L’acteur est donc le plus souvent inconscient des mécanismes sociaux réels. Sa conscience est erronée et a besoin d'être éclairée par d’autres, par la science des faits sociaux. En réponse à cette critique, Boudon pense que tout individu agit avec une certaine rationalité, même s’il s’agit d’une rationalité complexe, difficile à mettre en évidence. Dans certaines situations d’interdépendance entre acteurs, le choix rationnel n’est pas évident, la rationalité peut être ambiguë. Mais une analyse fine doit toujours chercher à reconstituer cette rationalité des acteurs individuels, postulée par le modèle de l’individualisme méthodologique.

Troisième critique, par contre pour des tenants du « culturalisme » : pour les culturalistes, le comportement de l’acteur résulte de l’intériorisation de valeurs et de normes. Il agit mécaniquement, en appliquant les habitus, les systèmes de dispositions qu’il a intériorisés. Il agit en conscience très faible de son intérêt. Il n’est pas un acteur rationnel, mais un agent déterminé pas les normes culturelles.

Au total, selon Boudon, toutes les objections que l’on peut faire à l’individualisme méthodologique sont faibles. Ce paradigme est le plus fructueux pour expliquer les phénomènes sociaux. Il est beaucoup plus satisfaisant que toutes les problématiques globalisantes, « holistes » ou structuralistes, qui prétendent comprendre un élément du système social à partir de la totalité que constitue ce système. Il ne faut pas expliquer le social par le social, ou une structure sociale par l’ensemble du système. Il faut expliquer une structure sociale par les comportements individuels dans une situation donnée. Il n’y a finalement que deux grandes familles de paradigme dans les sciences sociales : les paradigmes individualistes et interactionnistes d’un côté, les paradigmes structuralistes et sociétaux de l’autre qui refusent de s’intéresser aux motivations individuelles. Les premiers reconnaissent une part de liberté aux acteurs individuels alors que les seconds insistent sur le déterminisme social.

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1.2- Revue des travaux socio-anthropologiques sur les conflits

1.2-1. Postulats

D'une part, d’un constat empirique: toutes les sociétés sont traversées de conflits. Le conflit est donc un élément inhérent à toute vie sociale. D'autre part, d’une analyse structurelle : les conflits renvoient à des différences de positions. Les conflits sont l'expression de "contradictions" structurelles. Enfin, un postulat fonctionnaliste : les conflits, qui semblent vouer les sociétés à l'émiettement ou à l'anarchie, concourent au contraire à la reproduction sociale et au renforcement en dernière analyse de la cohésion sociale: ils permettent de maintenir le lien social. Pour Weber, la rivalité pour diverses sortes de biens est un fonctionnement normal. Simmel considère que le conflit est non seulement inévitable mais nécessaire pour la cohésion des sociétés.

Actuellement, on peut aisément comprendre en quoi le postulat fonctionnaliste est aujourd'hui obsolète, et au contraire le constat empirique reste lui toujours valable. Mais encore il apparaît que les conflits peuvent aussi bien mener à la désagrégation d’un ensemble social qu’à sa reproduction, ce qui est contraire à la thèse de Simmel.

1.2-2. Amendement du postulat structuraliste

Le postulat structuraliste mérite quelques aménagements. Certes, les conflits renvoient des positions différentes dans la structure sociale, il convient de rappeler l’existence d’une << marge de manœuvre >> pour les individus. L’émergence, la gestion et l’issue des conflits sont loin d’être régulés à l’avance. Un conflit entre personnes ou entre groupes n’est pas seulement l’expression d’intérêts « objectifs » opposés, c’est aussi l’effet de stratégies personnelles, plus ou moins insérées dans des réseaux et organisées en alliances, et de phénomènes idiosyncratiques. L’analyse structurelle doit être complétée par une analyse stratégique.

Les caractéristiques structurelles peuvent être considérées comme des contraintes et des ressources pour les acteurs sociaux, contraintes et ressources qui varient selon les positions respectives de ces acteurs dans la structure sociale. Mais chaque situation sociale concrète relève de plus d'un système de normes. En d'autres termes, les acteurs "jouent" avec les contraintes et les ressources structurelles, à l'intérieur d'une certaine marge de manœuvre. En outre, chaque acteur appartient à plus d'une structure, et a plus d'un rôle à jouer, plus d'une identité à gérer.

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Autrement dit les sociétés, aussi petites soient-elles, et aussi dépourvues quelle que soient les formes institutionnalisées de "gouvernement", sont divisées et clivées. Ces divisions et ces clivages sont entretenus par des "coutumes", c'est-à-dire des normes, des règles morales, des conventions. Les conflits expriment donc des intérêts différents liés à des positions sociales différentes et sont culturellement structurés.

1.3- La notion de conflit et la théorie de régulation

Selon Georg SIMMEL, le conflit explique la “ théorie sociologique du conflit ” qui couvre un champ de notions assez vaste. Simmel interprète la dialectique conflit/régulation comme mécanisme qui équilibre le système social. 2

Plusieurs reproches de sociologues ont porté sur la représentation de conflit comme régulateur social. Durkheim critique la vision de Simmel et estime que le conflit est le revers de la régulation sociale, dans le sens où, le conflit naît d’un déficit de régulation sociale. Il définit le conflit comme un dysfonctionnement social et un état pathologique, et la régulation sociale comme un instrument modérateur de la société sur les individus et d’autorité morale. On peut aussi comprendre qu’un conflit se règlera plus facilement car même dans une organisation très bien organisée, il est rare que les conflits s’autogèrent entre les membres concernés.

D’abord, la notion de conflit est un concept central de la théorie de régulation. En un premier sens, le conflit ouvert est l’expression d’un mécontentement qui n’a pu se régler autrement que par ce mode d’expression. Pour lui, le conflit n’est pas le signe d’une « anomie », et l’on pourrait dire que dans la théorie de la régulation sociale, ce serait l’absence durable de conflit qui constituerait à tout le moins une « anomalie ». Le conflit est un mode « normal » de fonctionnement, puisque chaque acteur est porteur d’une rationalité qu’il tente de faire admettre aux autres pour infléchir leurs comportements. La rencontre de ces acteurs au travers du conflit les constitue en une communauté capable de construire une action collective, de définir un intérêt commun, de s’engager ensemble, en un mot de gérer leurs interactions sociales en inventant des règles communes et admises par les parties en présence, qui seront les règles du jeu. C’est l’analyse du conflit qui « montre jusqu’où la régulation fonctionne, dans quels cas elle est insuffisante ou incohérente et quels sont les

2Simmel, G , 2003, Le conflit, (), Paris, Circé, coll. ''Poche", p. 19.

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éléments de changement qui la menacent; l’étude du conflit montre les limites et les faiblesses de la régulation et permet de faire des hypothèses sur les changements possibles de cette régulation ». Guy Groux 3montre que le conflit « sur » les règles n’épuise pas la notion de conflit qui peut être étendue aux conflits « de » règles, « des conflits qui agissent au sein même du système de règles et qui deviennent donc partie prenante de la production de règles et de régulations»..

La posture pour cette théorie est d’une part, un renversement de perspective à l’égard du courant majeur que représente le fonctionnalisme et d’autre part, une critique des théories standard de l’organisation qui articulent l’objectivisme et son complément, le subjectivisme. La Théorie de Régulation Sociale propose une autre voie centrée sur le paradigme de la négociation. Cette théorie qui rend compte de l’action et de ce qui la contraint propose la notion de régulation sociale pour indiquer la pluralité des sources normatives. La théorie de la régulation sociale est une critique radicale des deux approches complémentaires que sont l’holisme et l’individualisme méthodologique. Retenons que la théorie de la régulation sociale est une théorie générale en sciences sociales qui concerne la production de règles comme paradigme de l’échange social.

1.4- La Théorie de Régulation de Jean-Daniel Reynaud

La théorie de la régulation de Jean-Daniel Reynaud est une synthèse entre différents courants sociologiques. Elle articule autour de quelques concepts pivots comme ceux de règles et d’action collective, des théories aussi variées et éloignées que l’individualisme méthodologique, les théories de l'école durkheimienne, l’école de sociologie française des organisations développée par Crozier, ou encore les théories développées par Alain Touraine 4. Mais au-delà de la synthèse, une des originalités de cette théorie tient peut- être dans sa tentative de reformuler la problématique de la cohésion sociale dans le cadre d'une réflexion qui se focalise sur les notions de règles et de régulation. A l'une des questions fondamentales de J. D. Reynaud qui peut sembler à priori d'une portée plus restreinte : « Quels sont les mécanismes sociaux qui assurent la stabilité et l'inertie des règles sociales ? ». Rappelons que la problématique de la cohésion sociale, qui a déjà été

3Groux (G), 2001, « L'action publique négociée. Un nouveau mode de régulation ? Pour une sociologie politique de la négociation », Négociations 1/ p. 223 4Touraine dit : "la société se fait, elle est action sur soi" alors que Bourdieu dit : "la société se reproduit à partir des positions sociales des individus qui obéissent à un "habitus".

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soulevée à de nombreuses reprises en sociologie (Marcel Mauss, Talcott Parsons, Michel Crozier...), revient à se demander comment une organisation ou un groupe peuvent conserver une certaine cohésion, stabilité ou identité malgré les divergences d’intérêts entre les membres ou acteurs collectifs qui les composent, et malgré la présence de forces qui tendent à les désagréger et les désolidariser.

Pour répondre à ce questionnement, si fondamental en sociologie, Reynaud élabore un modèle théorique qui se centre autour de la notion de règle . Mais il le fait, conformément à son parti-pris épistémologique, en y intégrant une dimension complémentaire, la dimension individuelle et les conséquences qu'elle peut avoir dans la production de l'ordre social, par une combinaison complexe d'effets d'agrégation. Dans cette perspective, le problème de la cohésion sociale se réduit alors selon lui, à comprendre comment des individus parviennent à coordonner des comportements interdépendants et des décisions isolées, ou prises en collectivité, dans le dessein de produire une action collective qui les transcende (il exclut en cela l'étude des effets pervers qui sont des combinaisons d'actions non intentionnelles conduisant à la formation de régularités ou à la production d'externalités négatives).

De ce fait, l'interdépendance des phénomènes, qu'il étudie, le conduit naturellement à développer une approche systémique : les règles qui coordonnent et régulent l'action s'organisent en systèmes qui possèdent des caractéristiques propres et qui répondent à une finalité propre (dans le cas contraire, on aurait de simples effets d'agrégation). Ces ensembles de règles s'avèrent irréductibles à la somme de leurs éléments et à une combinaison simple d'actions individuelles. En quelque sorte la règle n'est autre qu'une contrainte réfléchie, pensée et négociée par les acteurs engagés dans les interactions sociales , dotée d'une certaine inertie et canalisant les actions de manière à assurer une action collective ou un ordre social.

En résumé, la théorie de la régulation sociale distingue et relie entre elles 3 dimensions analytiques principales :

• L’acteur . C’est-à-dire l’individu qui peut effectuer une action. Une telle action n’est pas nécessairement rationnelle au sens économique. Elle est cependant généralement raisonnable au sens de Raymond Boudon, elle doit pouvoir se justifier, on doit pouvoir en communiquer le sens. Elle a finalement un caractère normatif, l’acteur en cherchant à justifier ses actions, produit les règles de l’action, il contribue à leur

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établissement. La rationalité, le sens de l'action s’entend donc par rapport à la règle. Nous retrouvons à peu de choses près la conception parsonienne de l'action 5

• Les règles . Ce sont des principes organisateurs opérant dans le champ symbolique et qui régulent les interactions sociales. Elles sont liées à un projet d’action commun et en ce sens, elles fournissent les bases à l’organisation de la vie sociale. Toutefois, les règles ne peuvent être comprises pleinement en dehors de l’activité de régulation qui, pour Reynaud, recouvre les activités de création, de destruction, de modifications, et de maintien des règles à l’intérieur des systèmes sociaux.

• L ’action collective , c’est à dire l’action commune qui engage les acteurs dans un projet. L’orientation, la finalité, l’intention définissant alors le groupe parlent d'intentionnalité collective pour caractériser ce phénomène : un regroupement d'acteurs qui partagent des règles communes et une finalité, un projet partagé. Or, une telle action collective ne peut s'effectuer et se consolider que sur la base d'une régulation collective, car sans elle, il paraît improbable que les acteurs coordonnent correctement leurs activités. Par conséquent, « les règles sont propres à la vie sociale, mais elles sont d’origine collective, elles tirent leur caractère contraignant du fait qu’elles sont les conditions d’une collectivité ».

En fin de compte, les règles sociales en vigueur sont liées à un projet particulier et à la connaissance par ce groupe de ce projet. « S’il est vrai qu’un acteur collectif ne peut se définir de l’extérieur par une communauté d’intérêts objectifs, qu’il est nécessaire au minimum, pour qu’une communauté capable d’actions se constitue, qu’elle se découvre un sens commun et même des règles communes, la connaissance des règles et de l'action collective contribue à leur production et en modèle la forme, de même que certaines prophéties se réalisent du fait même qu'on les a énoncées, comme l'avait déjà remarqué Robert K. Merton.

La régulation peut se définir d’une manière plus générale encore comme le processus de production et de négociation des règles qui organisent le monde social. Au sein de la théorie de la régulation sociale, la négociation est centrale, car elle désigne l’effort et les concessions que les protagonistes font pour élaborer ensemble des règles et les rendre communes: « Le conflit oblige à rechercher et à formuler une définition commune et

5D. Martucelli,1999, «Sociologie de la modernité»: Poche – p. 120-124

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mutuellement acceptable de son enjeu. La négociation découvre ou invente des points de convergence des attentes mutuelles ». 6

1-5- Approche théorique Un cadre théorique pertinent à l’analyse des conflits s’inscrit dans une perspective interactionniste : l’approche socio-anthropologique du développement.

L’approche socio-anthropologique se fonde sur l’interactionnisme symbolique et l’analyse stratégique. On ne saurait donc comprendre pleinement l'interactionnisme symbolique sans se référer à cette dimension « contestataire », à ce mouvement de rejet qui va réunir dans un même élan bon nombre de sociologues insatisfaits par la domination de la sociologie mertonnienne ou parsonnienne.

Les sociologues fonctionnalistes conçoivent la société comme un système structuré, réifié, relativement statique à court terme, composé d'acteurs guidés ou contraints par des normes et des valeurs qui découlent de phénomènes structurels. Les sociologues interactionnistes vont édifier, à partir d'observations minutieuses et systématiques, une vision alternative beaucoup plus souple, qui se focalise en priorité sur la construction continue de l'ordre social par les individus, et qui se recentre d'avantage sur les interactions entre des sujets.

L’interactionnisme symbolique postule que les acteurs agissent en fonction du sens qu’ils donnent à leurs actions, tout en interagissant autour d’enjeux sur une scène donnée. Ce postulat est repris par la socio-anthropologie du développement qui considère chaque société locale comme une arène sociopolitique dans laquelle s’affrontent différents « groupes stratégiques » en interaction permanente autour d’enjeux communs 7. Ces groupes instrumentalisent les dispositifs participatifs en adoptant des stratégies afin d’atteindre leurs divers objectifs.

En tant que cadre général, l’interactionnisme se présente comme un paradigme venu s’intercaler entre deux paradigmes antinomiques qui lui préexistent. L’analyse ne relève pas

6Ibid, p. 235

7Bierschenk& Olivier de Sardan, 1998, « Les arènes locales face à la décentralisation et à la démocratisation. Analyses comparatives en milieu rural béninois » Karthala, p. 78

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d'une posture relevant de l'individualisme méthodologique de Boudon considérant qu’il y a une marge de manœuvre offerte aux acteurs et que l’autonomie d’action de l’individu est toujours possible. L’étude ne se focalise pas pour autant sur une approche populiste prenant la défense des autochtones qui pourrait handicaper notre démarche scientifique. C’est donc une approche interactionniste méthodologique centrée sur l'analyse de l'imbrication des logiques sociales permettant d’étudier les interactions entre des acteurs appartenant à des univers sociaux très variés, relevant de statuts différents, dotés de ressources hétérogènes, et poursuivant des stratégies distinctes. L’avantage de cette approche est la considération de l'existence de réalités multiples et de champs où divers types de "mondes de vie" et de logiques se confrontent. Ces acteurs sont dotés de capitaux" divers (capital économique, symbolique, social...) et sont en concurrence, dans un espace d'enjeux locaux relevant d'un rapport de forces entre groupes stratégiques en vue de l'appropriation de ressources. Dans cet espace, tous les acteurs n'ont ni les mêmes intérêts, ni les mêmes représentations. Mais ces acteurs ne peuvent pas se permettre de faire n’importe quoi. Trouver la solution «la plus satisfaisante» pour tous les acteurs est un des paramètres à prendre en compte.

Cela étant, l’interaction peut être dure, plus portée sur la contradiction que sur la complémentarité, comme dans les courants dit dialectiques ou conflictualistes ; ou elle peut être molle, plus soucieuse de complémentarité que de contradiction, comme dans le systémisme ; ou encore elle peut-être « dialogique », recherchant les complémentarités tout en assumant les contradictions, selon la pensée complexe d’Edgar MORIN. 8

Notre souci est de pouvoir passer d’une intention à une démarche opérationnalisée pour le rapprochement des valeurs des acteurs inscrites dans l’espace tout en considérant l'enchevêtrement des logiques sociales des acteurs. Ce rapprochement part de la diversité des logiques sociales et de l’opposition des intérêts pour dépasser la logique utilitariste du «chacun pour soi» pour trouver une vision globalisante. Les aspects culturels du système social mettent des limites à toute action inspirée de la logique utilitariste voyant le système social comme un affrontement d’intérêts entre les divers acteurs et un entrelacs de stratégies. En parlant d’aménagement, on ne doit pas supposer que l’espace est homogène et sans

8MORIN ( Ed), 1986, La Connaissance de la connaissance (t. 3), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1992

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conflits. De ce fait, la réponse systémique se propose de rapprocher les logiques sociales apparemment antinomiques. Le conflit autour des espaces de pâturages contraint les acteurs en interaction à limiter leur rationalité et à rechercher dans la négociation des points de convergence des attentes mutuelles pour une gestion patrimoniale. L’enchevêtrement des logiques sociales comme approche permettant d’élaborer ensemble des règles.

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Chapitre2 : Approche méthodologique et présentation du terrain

2-1- Approche méthodologique D’emblée, nous allons considérer que le terrain d’étude qu’ est la parcelle de Saririaky est une communauté unie par la tradition, cimentée par le consensus, organisée par une "vision du monde"partagée, et régie par une culture commune...

Nous avons procédé à une Enquête d'identification des conflits et des groupes stratégiques...) de durée de trois mois qui est basée sur le postulat selon lequel cette parcelle est une arène, traversée de conflits, où se confrontent divers "groupes stratégiques". De cette enquête de terrain aux interprétations, on traite des données de terrain et à leur interprétation, c’est-à-dire le cheminement des données empiriques jusqu'à leur traitement interprétatif. On passe en revue les différents types de production de données, qu'il s'agisse des entretiens individuels, entretien collectif avec des membres d'un même groupe stratégique, l'analyse des stratégies individuelles pour les études de cas de conflits.

À cet effet, même si elle est en grande partie qualitative, l’enquête menée repose sur la triangulation de plusieurs techniques de collecte de données pour rendre compte de la complexité des processus en cours. Grâce à un choix d’échantillonnage raisonné, soixante-six (66) entrevues ont été réalisées auprès de divers pouvoirs ruraux : 60notables locaux, 2 responsables des sociétés agricoles, 2 responsables des Collectivités Territoriales Décentralisées (Région, Commune), 2 responsables de Services Techniques Déconcentrés (Tribunal, Service des Domaines et Topographie).

Nous avons voulu collecter des informations intensives quant aux jeux relationnels de ces groupes stratégiques (conflits, alliances, jeux d’influence et logiques), l’enjeu n’étant pas le nombre d’entrevues réalisées, mais la prise en considération de la variété des interviewés. À ces entrevues individuelles s’ajoutent trois focus groups auxquels ont participé au total 15 personnes. Des discussions semi-dirigées avec des groupes « naturels » ont été menées afin de mettre en évidence des plages de convergence et de divergence à propos des conflits. Les participants étaient invités, d’abord à parler de leur vécu de la période « avant-conflit», ensuite à signaler les changements intervenus, enfin à comparer les deux situations pour en déduire des perspectives d’avenir

L’enquête de terrain se déroule en 4 phases, comme on la présente dans le tableau n°02 ci-dessous. On notera que la démarche est un continuel va-et-viententre enquêtes

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individuelles et enquêtes collectives (focus group), à la différence des méthodes d'enquêtes accélérées qui privilégient l'enquête collective de courte durée. Dans l’annexe, on a proposé un canevas et la mise au point d'indicateurs qualitatifs pour les enquêtes empiriques menées sur des sites différents.

Tableau n° 02 : Les phases de l’enquête

Etape Contenu Enquête de Identification sommaire des principaux enjeux locaux (en fonction repérage du thème de la recherche), afin de pouvoir prédéterminer des groupes stratégiques (c'est-à-dire proposer des groupes stratégiques provisoires pour l'enquête à venir), et de regrouper les catégories d'acteurs dont on peut présumer qu'ils partagent un même rapport global à ces enjeux, l'existence d'enjeux d’espaces de pâturage, de conflits agriculteurs/éleveurs, Documentation Travaux de documentation sur les sites de recherche, secondaire Définition d’une série d'indicateurs qualitatifs provisoires susceptibles de guider les recherches Enquête Entretiens individuels, avec des personnes aussi variées que possible individuelle à l'intérieur du groupe stratégique Focus group Descente sur les sites et séjour de deux jours sur chaque site. Focalisation sur un groupe stratégique local. Confrontation à l'approche d'un problème via la notion de groupe stratégique, ainsi que de se confronter à la variété et à la relativité des groupes stratégiques. Identification au fil de l'enquête du maximum possible de conflits et de contradictions.

On s’est attaché à multiplier et organiser des observations suivies de prises de notes sur le champ ou a posteriori . Par là on produit des données et constitue des corpus qui seront dépouillés et traités ultérieurement. Ces corpus prennent la forme concrète du carnet de terrain. Dans tous les cas, les informations et connaissances acquises peuvent soit être consignées plus ou moins systématiquement. Toute information émanant d'une seule personne est à trianguler. Le corpus de données collectées n'acquiert le qualificatif de scientifique que lorsqu'il est issu du terrain. Seul le terrain de recherche permet le test des hypothèses.

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2-2- Présentation du terrain 2-2-1- Le Cadre physique La localisation géographique de la Région d’Ihorombe La région d’Ihorombe se situe dans le Centre-Sud de et fait partie de la province de . Elle est délimitée au Nord par la région de Haute Matsiatra, au Sud par la région de l’Anosy, à l’Est par la région d’Atsimo Atsinanana, et à l’Ouest par la région d’Atsimo Andrefana.

Carte n°1: Carte de localisation géographique de la Région d’Ihorombe Source : Plan Régional de Développement d’Ihorombe 2006 Elle s’étend géographiquement entre les longitudes 44°98’ et 46°62’ et les latitudes 21°61’ et 23°10’, sur une longueur allant de100 km à 120 km, d’une largeur d’environ 200 km,et une superficie de 26 930 km2.

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La localisation géographique de la Commune rurale d’Andiolava Andiolava est une commune rurale ( Kaominina ) située dans la région d'Ihorombe (province de Fianarantsoa ), dans le sud de Madagascar. Superficie : 1225 km 2

Les Commune périphérique s ou limitrophes sont représentées sur la carte n°02 :

• au n ord : • à l’o uest : • à l’est : Ambatolahy • au sud : Ambatolahy-

Carte n°2: Carte de localisation géographique de la Commune rurale d’Andiolava ( Source : Plan Communal de Développement d’Andiolava 2007)

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L’origine du nom de la commune : Le nom Andiolava vient de la fusion de 2 mots : « Lio » (mare) et « Lava » (profonde) c'est-à-dire « mare profonde » qui s’est située au Nord du village où l’on trouve une source d’eau nommée n qui entre au niveau de la rivière Ihazofoty .

Historique du peuplement : La population locale est l’ethnie « bara » typiquement originaire de la région possédant des terres. Pasteurs semi-nomades vivant dans les steppes du plateau de l'Ihorombe, les bara gardent leurs grands troupeaux de zébus, armés de sagaies et de fusils par crainte des voleurs de troupeaux qui sévissent encore dans la région: les dahalo . D’autres groupes ethniques comme les Antandroy, Antesaka, Merina sont minoritaires dans la localité suivant la raison de leurs migrations.

La population est inégalement répartie dans l’ensemble du territoire de la Commune comme le montre le tableau suivant

0-5 06-11 11-17 18-60 60 et+ TOTAL H F H F H F H F H F Andiolava 189 199 163 337 90 202 130 370 21 30 1731 Ambatofotsy 88 109 106 113 110 105 247 274 16 21 1189 Ambondrobe 36 37 15 14 15 26 45 40 3 6 237 Vatambe 54 61 61 69 78 88 136 153 10 12 722 Ankazoabokely 18 18 18 21 24 27 41 46 3 4 218 Amboloando 156 134 73 76 99 59 205 221 12 7 1042 Vohimasy 22 27 21 16 18 24 66 65 3 5 267 5406

Tableau n°03 : Structure par âge de la population dans la commune rurale d’Andiolava Source : Commune Rurale d’Andiolava (Mars 2013)

2-2-2- Environnement naturel Pour la région d’Andiolava , la période pluvieuse commence en Octobre avec un maximum au mois de Décembre. A partir de Janvier, on constate une élévation de température et il commence à faire chaud mais la pluviométrie accroît pour tendre aux valeurs maximales voire nulles à partir du mois d’Avril. De là jusqu’au mois de Juin, on remarque une diminution de la température, c’est pourquoi il fait un peu froid par rapport aux autres périodes. Enfin, la période sèche s’étend du mois de juillet en septembre. Dans l’ensemble, la Région Ihorombe a un climat subhumide avec, en moyenne, 1 000 mm /an de pluie.

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Caractéristiques du sol Pédologiquement, la région d’Andiolava se distingue par l’existence de sols ferrugineux, de sols faiblement ferralitiques. On constate l’absence de montagne dans le milieu, mais seulement des plateaux.

Ressources minières Les principales ressources du sous-sol sont composées d’une variété de pierres précieuses comme le saphir, émeraude, quartz piézoélectrique, or,….

Carte n°03 : Localisation du périmètre pastoral de Saririaky Source : Tozzi Green – Décembre 2013 Le périmètre pastoral de Saririaky s’étend sur une superficie de 1400 hectares et essentiellement pour le pâturage autant par les troupeaux locaux que par les éleveurs transhumants du plateau d’Ihorombe régions de plaine.

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2-2-3- Réalités socioculturelles La commune d’ Andiolava connaît des réalités socioculturelles particulières enracinées dans une forte culture traditionnelle et ancestrale. Le zébu, symbole de richesse, tient une place importante dans tous les événements familiaux et les cérémonies.

Education Chaque personne adulte est responsable de l’éducation informelle des enfants et jeunes des villages. On transmet les savoirs, les us et les coutumes et tout ce qui tourne autour des zébus (couleur de la robe, garde....). Chaque événement est une occasion pour les transmettre de génération en génération : réunion des villageois, tsipirano 9, bilo 10 , tandra- vady 11 , funérailles…

Les enfants ont une place très importante dans chaque village. Les parents ont une soif d’avoir beaucoup d’enfants, ils ont toujours des rêves pour que ces enfants aient une place notable dans leur vie future : fonctionnaires, « patrons », des personnes

9C’est une cérémonie de bénédiction, un rituel sensé apaiser ou « rafraichir » l’assistance et garantir le bon déroulement du sacrifice. Pour cette occasion, le tradi-praticien prépare une décoction d’eau et de plantes dont les vertus sont qualifiées dans le registre des connaissances magico-religieuses ( vinta ). Le précieux breuvage est ensuite distribué à l’assistance et la cuillère passe de bouche en bouche tel un calice symbolisant la communion.

10 Brève narration du « bilo » que nous avons assisté dans le village de Vavalovo en date du 24 novembre 2013 : « Une malade épuisée, mélancolique, voire désespéré et rongé par un mal qui résiste à tout traitement et était censée être habitée par un esprit malfaisant. Les ancêtres du lignage manifestaient en rêve à l’un de ses parents et la malade avait été déclarée « bilo » (en grand danger). Pour le sauver il fallait « l’élever » au rang des ancêtres. Ce rituel du bilo , a duré 3 jours, réunissait toute la famille. La malade dansait jour après jour au son de la radio carte, au rythme musical kilalaky de Barinjaka. Elle était honorée et fêtée telle une princesse. Elle ne devait rien faire, chacun était à son service ». ------11 Le tandra est un contre-don (souvent en espèces) dont la finalité est soit de lever un interdit (c’est-à- dire l’inceste) soit de réparer la violation d’un interdit. Pour lever tout interdit éventuel, un jeune homme qui veut demander en mariage une jeune fille doit donner le tandra (vady ) ou alafady ou tako- maso destiné à tous les hommes membres de sa famille, avec les quels elle ne peut pas avoir de relation sexuelle. Une fois son projet concrétisé, le jeune homme doit donner ensuite le vodiondry (en nature ou en espèces) pour sceller définitivement le contrat de mariage.

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exemplaires....Mais, il y a peu de gens qui arrive à atteindre leurs objectifs dû à la précarité du cadre éducatif formel dans la commune.

Santé Le Centre de Santé de Base de niveau II (CSB II) de la Commune d’ Andiolava dispose d’un médecin généraliste, d’un infirmier et de deux aides-soignants et ne dispensent que les services de vaccination et les soins de santé de base.

L’ ombiasy (guérisseur, Shaman)a aussi le rôle de diagnostiquer les maux frappants moralement ou corporellement les villageois : maladies, divers troubles... dus à des forces surnaturelles. Il pratique l’art divinatoire ou le s ikidy et peut procurer les médicaments traditionnels pour les divers maux et maladies. Il a le répertoire des diverses plantes médicinales. Ainsi dans la plupart des villages enquêtés, on trouve des personnes qui possèdent certaines connaissances ou qui sont censées posséder des pouvoirs de guérison, à base de matières naturelles et notamment de plantes. Ils sont connus pour avoir la faculté d'entrer en contact avec les ancêtres qui leur dicteront les méthodes à employer, afin de guérir telle ou telle maladie ou manifestation clinique. Ces ombiasy jouent évidemment un rôle important au sein de la communauté tant sur le plan politique que social.

Communication – information

Les gens de la Commune d’Andiolava aiment se communiquer et s’informer. A défaut de moyens de communication adéquats : radio, télévision, et journaux, ils utilisent les moyens traditionnels à leur disposition pour s’informer des nouvelles. Le marché d’ Andiolava qui se tient tous les samedis, est un lieu de rencontre et d’échanges d’informations des villageois. Chaque famille ne dispose pas nécessairement un poste radio. Dans chaque village, on compte au plus 3 radios. Chaque soir, les gens se réunissent autour de ces postes pour écouter les nouvelles transmises par la Radio Avec 12 .

Religion et croyance.

Les villageois, comme tous les malgaches, pratiquent la religion traditionnelle monothéiste. Ils croient au Zanahary : Dieu créateur. Les ancêtres qui étaient leurs proches, servent de médiateurs auprès de Zanahary qu’ils pensent et croient être inaccessible. Alors, dans tout ce qu’ils font, ils demandent l’aide et la bénédiction de ces ancêtres et aussi de

12 Radio du Diocèse Catholique qui émet d’Ihosy vers presque toutes les communes du District.

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Zanahary . Toutes les cérémonies religieuses et familiales s’inspirent de cette croyance et pratiques ancestrales.

2-2-4- Réalités économiques

Dans la commune d’Andiolava, 1500 têtes pâturent et font de la transhumance sur la zone d’enquête de Saririaky. Les zébus ont une place importante au niveau économique, surtout par le nombre. Ces zébus sont entre les mains d’une minorité, il en résulte que sa répartition par village et par personne demeure inégale. Les zébus représentent le statut d’une personne, et servent d’objet d’immolation dans les divers événements, mais rarement comme source de revenus. Plus on a de zébus, plus on est estimé et considéré dans la communauté.

Les bara font beaucoup de dépenses pour entretenir leur cheptel : vaccins, divers taxes, mise à jour des cahiers de registre .... Par tous les moyens, l’augmentation en nombre des têtes demeure parmi leur première préoccupation. Ils ne vendent leurs zébus que lorsqu’ils se trouvent en difficulté : grave maladie, famine, problème juridique, problème relationnel...

La population de la commune d’Andiolava était principalement pastorale avant l’arrivée des migrants betsileo et antesaka vers 1902, et l’élevage était avant tout à but cérémoniel (sacrifices ou offrandes lors des funérailles et circoncision). L’installation de migrants betsileo venant du Nord, qui ont introduit la riziculture irriguée et l’exploitation des tanety pour la culture de manioc, maïs, arachide, a incité les premiers occupants à développer eux-mêmes l’agriculture. L’utilisation des bœufs est devenue courante pour le transport et les travaux de champs, en particulier, le labour et le piétinement des rizières. La possession de zébus conditionne la possibilité pour les ménages l’extension des exploitations agricoles. Les ménages qui n’ont pas de zébus recourent aux prêts. Le système de métayage y est aussi largement développé. L’occupation actuelle d’anciens pâturages abandonnés (diminution du cheptel bovin lié au vol) par les migrants antesaka, crée des conflits et des litiges forts entre migrants et autochtones.

Les vols de bœufs constituent un handicap pour le développement du secteur agro- pastoral. Les conditions de vie des ruraux se sont dégradées. L’importance des vols de bœufs influe sur les stratégies de certains gros éleveurs qui se replient sur de nouveaux types

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d’investissements: construction immobilière en ville pour location, achat de rizières et de tanety pour la production de riz pluvial et de manioc.

2-2-5- L’organisation et la structuration des communautés locales Pour comprendre l’organisation socio-politique des communautés locales autour de la grande parcelle de Saririaky , voici quelques informations de base :

Structure clanique Dans un village, existent un ou plusieurs clans parmi lesquels un clan autochtone, qui vit depuis longtemps sur ses terres ancestrales, et les membres appartenant à des clans allochtones, immigrés et vivant aujourd’hui sur les terres d’autrui, loin de leurs terres d’origine. Chaque clan se subdivise en plusieurs lignées. Chaque lignée autochtone occupe ou exploite une parcelle de terre dans les limites du respect du patrimoine clanique.

Les autorités au village : les chefs de clan et le chef de fokontany Dans un village classique de Saririaky , le pouvoir est symbolisé et effectué par le chef de clan appelé « lonaky » et le chef de fokontany .

Le chef de clan ou lonaky , dont le pouvoir est coutumier, se place au sommet et détient plus de pouvoir que le chef de fokontany . Il gère la terre et la propriété de clan, et protège son clan et règle les conflits fonciers intra ou inter-claniques. Il est aussi le chef de son village, c’est celui qui dirige et qui cherche à chaque instant la bonne marche du village dans tous les domaines. Il est celui qui donne l’ordre et aussi à qui on a confiance, c’est l’exemple ou le référence à chaque décision ou à chaque événement. Chaque décision est prise à travers lui et ces conseillers, qui sont les personnes âgées du village.

Un fokontany, à l'origine, est un village traditionnel malgache. Il est aujourd'hui une subdivision administrative de base au niveau de la Commune. Le chef de fokontany est le relais entre la population et l’Etat. Les tâches principales du chef de fokontany consistent à sensibiliser la communauté à l’assainissement, à sécuriser la communauté, mais aussi à veiller sur elle, à régler des conflits fonciers au premier degré avec le chef de clan.La marge de manœuvre du chef de village est entre autre limitée par le fait qu’il n’a pas de budget affecté par l’Etat pour réaliser des projets au village.

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Au niveau du Fokontany, il existe un comité des sages ou olobe dirigé par le chef du fokontany qui réunit les lonaky et les Ray aman-dReny . En cas de problème non résolu aux villages, ce comité se réunit pour la recherche des solutions.

La baisse des effectifs bovins en possession des lonaky contribue à affaiblir les anciens pouvoirs lignagers et a fait émerger de nouveaux riches ou « mpanarivo ». Le rôle de ces derniers sur l’économie régionale est important. Ils occupent de grands espaces. Les nouvelles formes de clientélisme induisent des mécanismes de dépendance quasi-féodaux car ces mpanarivo ont confié à quelques habitants alliés, localisés dans des villages de la Commune, la garde de leurs troupeaux.

2-2-6- Les conflits autour de l’occupation des espaces de pâturages La question sur l’occupation des espaces de pâturages est d’une brûlante actualité dans la commune d’Andiolava en raison de l’émergence de nouveaux acteurs et des nouveaux comportements liés aux pratiques et stratégies des différents acteurs. Avec la création de la nouvelle commune d’Andiolava dont les fokontany avaient été rattachés aux communes de Ranohira , de Satrokala , d’Andiolava et d’Ambatolahy , la question foncière a pris une place de choix dans les espaces disputés entre les différents fokontany.

Il apparaît évident que dans cet espace agropastoral, l’occupation des espaces de pâturage est un objet de dispute entre autorités traditionnelles actuelles qui en détiennent la gestion et les responsables communaux. Les limites des fokontany et des communes ne sont pas précises et il y a plusieurs espaces intercommunautaires à cheval entre plusieurs fokontany et groupements. La délimitation administrative est parfois différente des délimitations traditionnelles. Cette situation favorise l’émergence de conflits liés à l’occupation des espaces ainsi que des stratégies de positionnement et de permanente négociation entre les différents acteurs des arènes locales. Ainsi, la course vers l’appropriation des ressources foncières provoque le développement des conflits.

Dans le cadre de cette étude, nous nous intéresserons aux conflits liés à l’appropriation de l’espace, et nous allons plutôt nous focaliser sur les conflits agriculteurs/éleveurs et les conflits pasteurs/pasteurs.

Les sociétés multinationales Tozzi Green (filiale du groupe italien Tozzi Renewable Energy)et Land Mark(Société Indienne)ont des projets agricoles très ambitieux, axés essentiellement sur le jatropha et le maïs dans ce vaste plateau de l’Ihorombe en visant une

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superficie agricole de plus de 100 000 ha. La société Tozzi Green dispose d’un bail emphytéotique de 25 ans sur un terrain de 2000 ha. Or parmi ces 2000 ha, certains terrains sont toutefois déjà occupés par des villageois. Un lonaky de Soatanimbary qui s’appelle « Girady » témoignait lors de notre enquête: "la semaine dernière, j’ai assisté à un bornage au nom de l’Etat d’une partie de mon pâturage qui sera loué à la société étrangère. Je l’ai cédé à contrecœur car l’héritage laissé par mes ancêtres diminue ».

Au niveau national, les faits sur le terrain ont été rapportésdans les colonnes du journal Midi Madagascar paru le 16 novembre 2012 comme suit : « Dix représentants de neuf villages situés dans les communes de Satrokala, Andiolava, Ambatolahy sont venus à Antananarivo et ont tenu une conférence de presse pour manifester leur opposition à cette exploitation et pour « exprimer leur détresse ». Ils se sont déplacés pour faire connaître leurs plaintes car les droits des habitants ont été piétinés. « Nous n’avons plus aucune prise sur nos terres, des personnes étrangères à nos mœurs y imposent leurs lois. Elles ont étendu progressivement la surface de leurs cultures et utilisent aussi nos terres maintenant. Nous, petits paysans, sommes obligés de partir car ce sont des gens munis d’armes qui nous expulsent de nos terres. La perte de l’herbe où les zébus pouvaient brouter va entraîner la diminution du bétail sur place. Ils ont détruit les tombes de nos ancêtres. Les lieux sacrés ont déjà tous été détruits par les tracteurs ». Ils sont complètement désemparés actuellement, et font appel à l’Etat central.

Ces plaintes rejoignent les propos et revendications des habitants des villages de Satrokala, Andiolava, Soatanimbary et Ambatolahy dont le Collectif TANY 13 a reçu des témoignages. Ils ont dit avoir hérité des terres de leurs arrière-grands-parents qui avaient cultivé là selon les coutumes ancestrales. Ces terrains ne sont pas titrés et bornés mais constituent des possessions familiales coutumières depuis plusieurs générations. Ces terres renferment aussi l’histoire de leurs ancêtres. Si l’Etat les leur prend de force, ils seront perdus, leurs descendants seront décimés car ces terres sont des zones de pâturages de leur bétail et les revenus provenant de l’élevage de zébus leur procurent de revenu pour l’achat de nourriture,des habits,construction de case etc.

13 C’est une association interpelle tous les responsables et décideurs et réitère sa demande d’annulation de la possibilité pour les sociétés étrangères d’acheter des terres à Madagascar. Le Collectif TANY insiste sur l’urgence de renforcer de manière effective les droits des paysans malgaches sur leurs terres ancestrales

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Au niveau du chef-lieu de District d’Ihosy, les natifs et les intellectuels bara se posaient des questions sur les clauses du contrat de bail : « Sur combien d’hectares portent les contrats actuels ? Comment sont formulées les procédures et les conditions d’extensions progressives de la mise à disposition des terres pour la société ? Quels critères sont utilisés par le Comité de Pilotage 14 pour évaluer les réalisations et décider d’approuver une nouvelle extension ? Les citoyens doivent être informés du contenu intégral des contrats : quelles autorités les ont signées, quelles compensations y sont prévues ? Quel sort y est réservé aux populations qui vivent sur ces terres? ».

Les communautés d’éleveurs se mobilisent et sollicitent une meilleure considération des dirigeants de l’Etat. Au mois d’octobre 2012, un très haut responsable de l’Etat en charge du foncier est passé à Ihosy pour réceptionner un véhicule tout-terrain et des ordinateurs destinés aux services des Domaines et de la Topographie (fruit de la collaboration avec la Société Tozzi Green ». Le passage du haut responsable coïncidait avec une nouvelle extension des zones attribuées à ladite société, ce qui a accru l’inquiétude des populations. L’idée lancée est même allée loin jusqu’au financement de la mise en place par cette société d’un guichet foncier ou Birao Ifoton’ny Fananan-tany (BIF) - qui va gérer la délivrance de certificats fonciers sur les propriétés privés non titrées.

Certes la démarche s’inscrivait dans une logique de gestion des territoires, on devrait toujours réfléchir à un mode durable de gestion de ces espaces qui suppose un partage cohérent des ressources entre les différents types d’acteurs, en restant dans une logique gagnant/gagnant pour se prémunir de l’augmentation de conflits. Ainsi, l’identification et l’analyse » des déterminants du conflit et de la régulation s’avèrent prépondérantes pour arriver à un mode durable de gestion patrimoniale des espaces.

14 Ce comité a été institué par les autorités régionales en 2010 pour le suivi de la réalisation des engagements des sociétés agrobusiness. Y sont représentées : la direction régionale de l’agriculture, la direction régionale des forets, le service régional des domaines et de la topographie, la Région

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PARTIE II- IDENTIFICATION ET ANALYSE DES DETERMINANTS DU CONFLIT SOCIAL ET DE LA REGULATION

Chapitre 3- Approche descriptive des données

3-1- L’Espace de pâturage comme arène

Les activités agropastorales mettent en rapport direct ou indirect une série d’acteurs relevant de catégories variées : paysans de statuts divers, les migrants, notables ruraux (lonaky ), les éleveurs en quête de pâturage , représentants des services techniques déconcentrés, les élus locaux dirigeants des collectivités territoriales décentralisées etc.

L’espace de pâturage bien que local est un lieu d’affrontement des acteurs, et pour lesquels l’espace de pâturage est un soit un enjeu de survie, soit un enjeu économique. Si l’on reprend la terminologie de Crozier et Friedberg, cet espace de pâturage pourrait être considéré comme la confrontation de plusieurs « structures d’action collective »15 , ou « systèmes d’action organisée ».

Dans cet espace de pâturage considéré comme une arène, des groupes stratégiques hétérogènes s’affrontent, mû par des intérêts (matériels ou symboliques) plus ou moins compatibles, les acteurs étant tous dotés de pouvoirs relationnels plus ou moins inégalement distribués. Mais on y trouve aussi des centres locaux de pouvoirs, des positions particulières de pouvoir institué : le lonaky ou le chef de lignage qui est le détenteur de pouvoirs spécifiques, liés à sa fonction et reconnus comme tels.

3-2- Typologie des conflits

On constate l’existence d’un conflit à partir du moment où l’opposition entre les parties se manifeste sous une forme quelconque telles que des plaintes orales,plaintes écrites, altercations physiques, pétitions, campagnes de presse et publications diverses, la constitution ou le rattachement à un groupe de pression,des actes de malveillance, les manifestations ou encore l’assignation en justice.

Nous pouvons classer les conflits identifiés selon plusieurs variables : les causes, les lieux, la période. On se focalisera sur les acteurs impliqués.

15 Crozier ( M), Friedberg (E) , 1977 "L’acteur et le système : Les contraintes de l'action collective" Editions du Seuil, 1981.

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3.2.1. Les conflits Sociétés agrobusiness / éleveurs

Chaque catégorie d’acteurs accuse l’autre d’être responsable des conflits. Depuis l’arrivée des sociétés agrobusiness dans la commune, les éleveurs n’ont plus d’autorité pour gérer leur patrimoine. Les éleveurs autochtones ressentent la raréfaction des surfaces de pâturage propices à l’élevage extensif due à l’extension des terres agricoles et ne comprennent plus l’attitude du « Fanjakà ». Les éleveurs autochtones conçoivent différemment leurs droits. Ils revendiquent le droit sur un espace donné, présumé champs de cultures ou pâturages, or les sociétés agro business sont en possession de contrat de bail avec l’Etat central. Des tensions autour de la dynamique de l’occupation et l’usage de l’espace sont accrues. En seulement quelques années, l’espace agricole des sociétés étrangères augmente, tandis que celui occupé par les éleveurs se réduit continuellement d’année en année.

D’après les données collectées auprès du Service Régional du Domaine et de la Topographie d’Ihosy, durant la transition de 2009 à 2012, les superficies agricoles occupées par les sociétés dans le plateau d’Ihorombe passaient de 500 hectares à 7058 hectares avec un taux d’accroissement moyen annuel de 143.97%.

Tableau n°04 : Évolution de l’occupation de l’espace dans les communes d’Andiolava et de Satrokala

Année 2009 2010 2011 2012 Superficie occupée par les sociétés 500 1200 2460 7058 agrobusiness (ha) Source : Service Régional du Domaine –Ihosy( 2013)

Evolution de la superficie occupée par les sociétés agrobusiness (ha) 8000 6000 4000 Evolution de la superficie occupée par les sociétés 2000 d’agribusiness (ha) 0 2009 2010 2011 2012

Graphe n° 01 : Evolution de la superficie occupée par les sociétés agrobusiness dans les communes d’Andiolava et de Satrokala

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Tableau n°05 : Comparaison des espaces de pâturages occupés par les éleveurs

Espaces de pâturages (ha) Dorénavant inaccessible entre les mois Éleveurs/lonaky Avant Restante de décembre Diminution en enquetés Village (2009) (2013) et Mars % Jeannot Vavalovo 300 120 180 40.00% Jean Bory Soatanimbary 640 210 430 32.81% Tohy Ambondrombe 700 360 340 51.43% Kisa Soatana 300 140 160 46.67% Tsikanda Ambatofotsy 450 200 250 44.44% Marolahy Nanarena 240 150 90 62.50% TOTAL 2630 1180 1450 Source : Enquêtes menées auprès des 6 villages bordant la grande parcelle de Saririaky (Décembre 2013)

La carte ci-après nous montre par exemple les conflits sur le périmètre d’Ambondrobe (partie ouest de la parcelle de Saririaky)

------: Délimitation initiale du périmètre

------: Surface travaillée non contestée

Carte n°04 : Carte des conflits sur le périmètre d’Ambondrobe (Source : Tozzi Green Satrokala – Mars 2012)

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Commentaire de la carte n°04

Surface A : 280 ha opposée par les lonaky Kisa, Jean Bory, Renibia) car la première délimitation est trop proche de leur village. Mais ils acceptent de négocier. Surface B : 82 ha de zone de pâturage et 50 ha de passages à bœufs, opposées par 2 gros éleveurs de zébus (Manintea et Souvenira) Surface C : 90ha opposée par le fokonolona d'Ambondrobe Surface D : 124ha en Empiétement avec la commune d'Ambatolahy ( hors zone d’intervention) Surface E : Environs150 ha proposées en substitution du terrain B en litige avec Manintea et Souvenira

A titre d’illustration, le tableau des parcelles contestées nous montre que l’implantation de la société Tozzi Green dans 6 fokontany de la commune d’Andiolava est contestée par les villageois. .

Tableau n°06 : Liste des parcelles contestes et non contestées

Non TITRE N° Contenance Contestée contestée et plantée Lieu dit FKT Commune ANDRANOVORIN'AMBANIANDRO Mangabe Vohimara ANDIOLAVA 875-AU 341.84 175.00 165.00 VATOMAHARIVO Vatomaharivo ANDIOLAVA 873-AU 877.67 0.00 387.10 AMBARARATABE Ambararatabe ANDIOLAVA 873-AU 116.74 0.00 112.00 VATOMAHARIVO Soavinonjy ANDIOLAVA 873-AU 56.32 0.00 0.00 ANDOHAN'AMBATOFOTSY Ambatofotsy ANDIOLAVA 870-AU 396.48 223.48 45.00 AMBONDROBE Ambondrobe ANDIOLAVA 871-AU 1,670.45 626.45 881.40 ATALY Saririaka2 ANDIOLAVA 872-AU 550.45 550.45 0.00 ANDRANOVORIN'AMBANIANDRO Andoharano Bloc 5 ANDIOLAVA 875-AU 72.00 17.00 55.00 ANDRANOVORIN'AMBANIANDRO Andoharano ANDIOLAVA 875-AU 391.00 125.00 265.20

TOTAL SUPERFICIE en Hectare 4,472.94 1,717.38 1,910.70 Source : Tozzi Green – Mai 2013 et l’accord de principe n °BE : 1876/11-MATD/SG/DGSF du 21/10/11

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On déduit de ce tableau que 38.39% des parcelles qui font l’objet du contrat de bail sont contestées à cause de l’élevage bovin extensif des bara . C’est le système d'élevage prédominant dans la zone. Le pâturage naturel y représente pratiquement l'unique alimentation du bétail. La saison des pluies qui s'étend de novembre à mars, est le plus souvent entrecoupée de pluies erratiques et la saison sèche s’étend d’avril à octobre. La savane fait l'objet de feux de brousses allumés soit par les villageois, soit par les pasteurs pour une repousse de l'herbe. La qualité des pâturages dépend des périodes de l'année:

• au début de la saison des pluies, les savanes se couvrent d'une herbe abondante et de bonne qualité lorsque le bétail rentre de transhumance; • au milieu de la saison des pluies, la qualité des pâturages reste bonne; • la fin de la saison des pluies et le début de la saison sèche sont la période la plus difficile pour le bétail, où les mortalités des bovidés sont le plus élevées. L'herbe est en quantité abondante mais de qualité médiocre et lignifiée. Les troupeaux se déplacent vers les bas-fonds humides à la recherche de pâtures de meilleure qualité et à potentiel de repousse plus important.

La conduite des troupeaux s'explique par la qualité de l'herbe au cours de l'année. Cette transhumance «traditionnelle» consiste en une recherche de pâtures convenables et de points d'eau pour l'équilibre alimentaire. L’appauvrissement en qualité et cette réduction en quantité des pâturages sont les aspects conjoints de la dégradation amplifiée des pâtures. Les raisons en sont moins une densité de bétail trop élevée que l'absence de gestion des pâtures dans une optique durable par le contrôle des feux et de la charge du bétail. Le rythme du troupeau s'accorde à celui des pâturages et de la dynamique de ses repousses. Cependant le trajet habituel pour la transhumance change aussi avec l'arrivée des sociétés agrobusiness. Ces dernières n’ont prévu que très peu de couloir de passage.

La société Land Mark a eu également beaucoup de litiges avec les villageois environnants de la zone de plantation à cause de destructions de cultures de maïs par les troupeaux. La loi n° 2001-004 du 25 octobre 2001portant réglementation générale des Dina en matière de sécurité publique 16 est toujours en vigueur dans la Commune d’Andiolava. Elle prévoit les devoirs et obligations du Fokonolona en matière de sécurité générale (vol de bœufs, détention d'armes, ivresse publique, violations des tombeaux ou de sépultures, délit de

16 J.O. n° 2746 du 19.11.2001, p. 3047

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destruction de culture, réglementation des marchés etc...). L’article 3 de ladite loi stipule que « la violation des règles édictées par le Dina entraîne l'application du vonodina qui consiste en des réparations pécuniaires ou en nature au profit de la victime et du Fokonolona telles que prévues dans le dina ». L’article 19 est également applicable, stipulant que « Le propriétaire dont les animaux causent des dommages aux terrains d'autrui ensemencés ou chargés de récoltes est contraint de réparer ou de dédommager la victime en plus de l'application du vonodina et sans préjudice des peines prévues par l'article 472-13° du Code pénal ». Nombreux villageois ont dû payer des vonodina s’élevant parfois à 100.000 ariary. Ce montant est calculé à partir des récoltes attendues sur une surface détruite.

En outre, les villageois reprochent aux sociétés d’agrobusiness d’être à l’origine de la mortalité élevée des cheptels bovins dans la zone. « A cause du manque de pâturages, nos troupeaux résistent mal aux différentes maladies », disait Jean-Bory, un lonaky de Soatanimbary. Selon les chiffres émanant de la Direction Régionale de l’Élevage d’Ihorombe, plus de 7.000 zébus du district d’Ihosy sont morts en 2013. , Les autorités locales veulent s'attaquer de front à la mortalité élevée qui a sévi au cœur de la Région d'Ihorombe. La ministre de l’Élevage, Ihanta Randriamandranto, a notamment annoncé le déblocage du Fonds de l’élevage (598 milliards d’ariary) et la création d’une caisse d’avance spécifique pour les éleveurs, alors que la filière avait enregistré des pertes en 2013 estimées à 4,2 milliards d'ariary. Ainsi, les éleveurs dont le cheptel sera frappé par une épidémie auront le droit à une indemnisation, comme l'indique le journal L'Express de Madagascar du 22 mars 2014. Certes, la sècheresse et la faible pluviométrie enregistrées au cœur de la région Ihorombe dans les zones de pâturage des animaux seraient la principale cause de cette hécatombe, mais les raisons avancées par les éleveurs autochtones sont aussi plausibles.

Quoi qu’il en soit, la tendance à la diminution des espaces de pâturages va continuer dans les 5 prochaines années vu que les sociétés projettent l’extension de leurs zones de plantation dans le futur, comme le montre cette carte.

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Carte n°05 :Carte de la zone de plantation actuelle et de la zone d’extension future des sociétés agrobusiness /Source : Société Tozzi Green 2013

La première tentative de la Région Ihorombe d’attirer des investisseurs dans la zone en transformant le plateau d’Ihorombe en pôle secondaire agricoles a modifié la

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spatialisation des activités économiques et enclenche des faits socio-économiques. Il en résulte des déséquilibres spatiaux qui s’accentuent chaque jour davantage.

3.2.2- Les conflits Gros éleveurs / petits éleveurs

En général, les rapports entre pasteurs se fondent sur des accords tacites et historiques pour l’accès aux espaces de pâturages. Il y a une vision partagée de l’espace commun. Mais le rétrécissement de la zone pastorale et l’avancée du front cultural ont donné naissance à de nouveaux types de comportements. On assiste de plus en plus à une volonté d’appropriationde l’espace et des ressources hydrauliques. On constate que sur la parcelle de Saririaky , les conflits pasteurs/pasteurs opposent de plus en plus les gros éleveurs appelés communément « les Patron’aombe » et les éleveurs autochtones. Les premiers veulent qu’on évolue vers une appropriation privative de l’espace à l’image de ce qui se passe en zone agricole. La plupart de ces gros éleveurs privilégient un élevage commercial et honorent un contrat de vente de milliers de tètes chaque année.

Ces gros éleveurs sont des migrants d’origine antesaka et sont très souvent en conflit avec les pasteurs autochtones qui voient d’un mauvais œil l’émiettement de leur espace. Les pasteurs autochtones sont de moins en moins enclins à partager les pâturages et l’eau avec les gros éleveurs venant de la Commune d’Ambatolahy . Les Patron’Aombe en tant qu’acteurs dans les arènes locales ont émergé depuis l’année 2000. Ils sont très critiqués vis-à-vis de l’administration et des différentes instances de gestion des conflits qui, selon eux, font le jeudes Sociétés agrobusiness. Ils sont aussi actifs dans la zone pastorale de la commune d’Andiolava et ses environs où ils disputent aux éleveurs autochtones le contrôle de l’espace de pâturage.

En analysant les causes profondes du problème, on constate que le secteur bovin illustre parfaitement les spécificités et la dimension géostratégique de l’élevage. Il est en proie à des mutations structurelles profondes, tant sur le versant de la production que sur celui de la consommation, dans un contexte de volatilité accrue des prix et des intrants. Enclenchée au détour des années 80, la mondialisation semble n’avoir épargné aucun secteur d’activité. L’agriculture et l’industrie agroalimentaire, ainsi que l’élevage ont été progressivement entraînées par ce processus d’ouverture économique et commerciale. Les mutations ont été les plus profondes dans le domaine des viandes. Comparativement aux autres secteurs animaux, les échanges mondiaux de viande bovine sont parmi les moins dynamiques. La

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croissance de la demande mondiale s’explique à la fois par une élévation de niveau de vie, poussant les consommateurs à manger davantage de viande rouge, et par une production qui est, dans certains cas, insuffisantes pour couvrir les besoins intérieurs. « Depuis l’indépendance jusqu’à ce jour, le cheptel bovin n’a cessé de diminuer en nombre alors que la population a connu une ascension. Nous n’avons plus que 8 à 10 millions de têtes pour 22 millions de population. Si les exportations se font seulement à base de collecte, et qu’aucune action pour améliorer la production n’est prise, toutes les chances sont là pour que ce cheptel disparaisse», avancent les vétérinaires 17 .

Ces déséquilibres entre l’offre et la demande ont été à l’origine d’une nette remontée des prix, incitant certains gros éleveurs à opérer une dynamique de recapitalisation. C’est la raison pour laquelle les cheptels des gros éleveurs ne cessent d‘augmenter depuis l’année 2010 selon le vétérinaire mandataire de Ranohira. D’après les résultats du Recensement National Agricole de 2005 (RNA 2005) recueillis auprès du Service Régional de l’Elevage d’Ihosy, le cheptel de bovin de la Région Ihorombe était constitué, au total, de 456.983 têtes en 2005, dont près de 60 % étaient localisé dans le district d’Ihosy, mais d’autres sources avancent que l’effectif du cheptel bovin de la région est bien moins que cela. Ainsi, la Direction régionale du Développement Rurale avait estimé la taille du cheptel bovin à 215.568 têtes, en 2005, dont 70 % étaient basés dans le district d’Ihosy. Ce sont ces chiffres qui ont été retenus dans le Plan Régional de Développement de la Région Ihorombe et dans les documents des études environnementales relatives à la région. Par ailleurs, pour le Service régional de l’Elevage, la taille du cheptel bovin de la région est passée de 197 442 têtes en 2007 à 247 906 têtes en 2010.

Tableau n°07 : Estimation du Cheptel bovin de la Région Ihorombe, 2006-2010

2006 2007 2008 2009 2010

Nombre n.d. 197 442 207 163 212 452 247 906

Source : Service régional de l’Elevage, 2012 ; Note : n.d. = non disponible

Si d’une manière générale, c’est dans le district d’Ihosy que l’on retrouve l’essentiel de cheptel de bovin de la région, il convient de noter qu’il y a, dans la région, des zones de concentration du cheptel où les troupeaux sont massés. Il s’agit précisément des communes

17 Source : Rapport annuel sur l’élevage bovin à Madagascar. Année 2013. MAEP

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d’Andiolava, Satrokala, , , et Ranotsara-Nord (RNA 2005, PRD 2005).Ces 6 communes rassemblaient, en 2005, 47 % du cheptel de la région, soit 114.674 têtes. Ce sont des zones enclavées renfermant de vastes étendus de pâturages et les troupeaux de zébus y sont massés précisément en raison de l’étendu du pâturage et de la sécurité qu’elles offrent (PRD 2005). Cependant, cette augmentation exerce une forte pression sur les espaces de pâturages du plateau d’Ihorombe. Et d’après l’estimation du Maire d’Andiolava, Monsieur MARA Jean de Dieu 18 , 70% du cheptel de la commune appartiennent au groupe des gros éleveurs. Ils vendent leurs bétails aux marchés de bovidés d’Andiolava ou d’Ihosy.

Tableau n° 08 : Evolution des prix des zébus (2010-2013) Prix Prix de vente (2010) Prix de vente (2013) Vositra 19 600.000 à 800.000 ariary 800.000 à 1.000.000 ariary Maota 20 300.000 à 500.000 ariary 400.000 à 600.000 ariary Source : Commune d’Andiolava (Décembre 2014)

Interrogées sur la pression sur les espaces de pâturages, 42 % des 60 personnes approchées dans le cadre de l’enquête individuelle désignent, comme responsables, les gros éleveurs qui arrivent ainsi entête des dénonciations sans être majoritaires. Parmi eux, les sociétés agrobusiness sont désignés par 53 % des enquêtés. 3% des enquêtés n’ont pas voulu se prononcer. D’après l’étude du registre de la commune d’Andiolava, les conflits entre les éleveurs autochtones et les sociétés agrobusiness ne représentent que 2 % des usagers. Ce qui est évidemment un chiffre noir ou dark number car les éleveurs autochtones ont généralement peur de porter l’affaire à la commune, car selon eux, le « Fanjakà » se penche toujours du côté des vazaha . Les gros éleveurs, en revanche, sont mis en cause dans près de 80% des cas soit en raison de l’invasion de leurs troupeaux dans les zones des éleveurs autochtones. Il est

18 Les chiffres exacts du cheptel sont difficiles à estimer du fait que les gros éleveurs cachent les nombres en raison de la sécurité. 19 Taureaux castrés destinés à être en graissés 20 Zébu à peine sevré

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à rappeler que ces gros éleveurs sont généralement des migrants 21 antesaka qui viennent multiplier leurs troupeaux dans la zone. Quand il s’agit de défendre leurs intérêts, les bara de clan zafimandomboky habitant la grande parcelle de Saririaky se montre solidaire vis-à-vis des migrants antandroy et antesaka.

D’après les données recueillies au niveau du bureau de la Commune d’Andiolava,

Tableau n°09 : Évolution de la plainte enregistrée liée aux conflits d’espaces de pâturages

2009 2010 2011 2012 Nombre de plaintes reçues 8 14 18 24 Source des données : Cahier de registre d’arrivée de la Commune d’Andiolava – Décembre 2013 Ces chiffres ne reflètent pas la réalité car les gens préfèrent se plaindre auprès du Maire verbalement à cause du taux élevé d’analphabète dans la zone.

L’échelle des conflits évolue. Dans certains cas, le conflit reste confiné à l’échelle communautaire. La mobilisation des acteurs demeure circonscrite au périmètre où se manifestent les causes pratiques du conflit (lieu de compétition pour l’accès au point d’eau et aux aires de pâturages). Dans d’autres situations, l’aire de mobilisation des groupes stratégiques s’accroît progressivement, de l’échelon local vers l’échelle communale voire régionale bien au-delà des sites directement concernés. Cette extension s’accompagne d’une montée en généralité des arguments employés car généralement, entraînent des personnes qui n’ont pas d’intérêt immédiat en jeu à s’impliquer dans le conflit. Le média audiovisuel tel que la Radio Avec et le réseau social Facebook 22 jouent alors un rôle crucial dans l’extension des conflits.

Ces points de discorde avancés précédemment ont provoqué de vives tensions entre les sociétés agrobusiness et les éleveurs autochtones. La problématique de l’appropriation de

21 Ils sont sédentaires dans la commune d’Ambatolahy, mais les zones de pâturages se trouvent dans la commune d’Andiolava 22 www.facebook.com/nonaccaparementterreIhorombe?fref=ts est le lien pour les bloggeurs de la Protection Ihorombe Contre Les Voleurs De Terre

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l’espace montre que les conflits pour l’espace agro-pastoral sont tellement violents que la confrontation se traduit par des rapports de forces, où les enjeux sont sociaux, politiques, économiques, juridiques et symboliques. Pour rendre compte de ces rapports de force, des stratégies sont mises en œuvre par les acteurs. Il est nécessaire de combiner l’analyse historique et l’observation sur le terrain des pratiques concrètes et visibles des acteurs qui prennent la forme d’un marquage de l’espace, et de l’appropriation.

3-3- Stratégies des acteurs

Le terme de stratégie est trop fort pour désigner, ce qui, en réalité, n'est que de la tactique, c'est-à-dire des choix permettant d'atteindre un objectif stratégique définis par ailleurs. En tout état de cause, ces jeux ou stratégies d'acteurs désignent les positions de ces différents acteurs, respectivement, par rapport au système (la représentation, la vision qu'ils en ont), ainsi que les positions de ces différents acteurs les uns par rapport aux autres, dans l'absolu et relativement au système : conflits, alliances, etc.

L'analyse des jeux d'acteurs consiste dès lors à repérer les positions des acteurs, vis-à- vis du système, et vis-à-vis des autres acteurs, à les caractériser, les interpréter en termes de conflits ou d'alliances (potentiels), enfin à rechercher des moyens pour faire évoluer ces positions dans un sens plus favorable à l'un des acteurs du système.

Dans cette analyse, on peut faire des approches très différentes, de proposer des méthodes d'analyse, des modèles,des grilles de lecture, bref, des outils de questionnement, d'interprétation, de situations souvent complexes. Souvent, ces outils s'appuient sur des représentations graphiques (" mapping ") pour faciliter l'appréhension et la compréhension de la "complexité" des positions relatives des acteurs. Dans sa forme la plus simple, on a utilisé les sociogrammes qui visent à décrire les relations de proximité ou d'hostilité entre les acteurs. Le sociogramme des niveaux d'alliances et d'oppositions est un tableau à double entrée qui représente les relations qu'entretiennent les acteurs du point de vue qualitatif. Il y a double intérêt : d’abord pour mieux cerner la position de chaque acteur dans le réseau relationnel du projet, ensuite disposer une représentation visuelle qui facilite la production de la grille des stratégies d'acteurs. Les mesures (ou appréciations) sont faites de façon déclarative,et/ou subjectives. Le plus souvent, ces mesures se traduisent par des représentations graphiques, plus ou moins aisées à représenter. On trouvera ci-après la

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représentation du mapping 23 "attraction / répulsion" proposé par Fauvet 24 sur les conflits liés à l’occupation des espaces de pâturages.

Carte n°06 : Mapping de type "attraction - répulsion "

Région A A A R R

Elus locaux A R R R R

Gros éleveurs A A R R R

Sociétés A A R A R agrobusiness

Lonaky R R R A

SOLLICITATION / DEMANDE DEMANDE / SOLLICITATION Eleveurs A R R A autochtones Élus Gros Sociétés Eleveurs Région Lonaky locaux éleveurs agrobusiness autochtones

A : attraction R: répulsion

Ce sociogramme représente schématiquement les relations entre les acteurs, dans laquelle on repère les alliances, les conflits, les dépendances entre acteurs (qui choisit qui? qui rejette qui?).

Ces acteurs développent tous des stratégies menées selon des critères multiples : renforcer le patrimoine foncier pour certains, améliorer une position institutionnelle, se rendre indispensable, gagner plus d’argent, rester dans son coin et éviter tout risque, etc.

Plusieurs stratégies sont utilisées. Chaque acteur développe sa stratégie de marquage et d’appropriation de l’espace. Les éleveurs locaux doivent affronter des acteurs puissants issus de l’extérieur de la localité. Ils créent des petits villages à partir des « toetsaombe »

23 Fauvet Jean - Christian, 1973. Comprendre les conflits sociaux : déclenchement, déroulement, issue - Les éditions d'organisation ; page 79 24 Jean-Christian Fauvet est l'initiateur de la sociodynamique. Il commença ses recherches pour concevoir une méthode d’analyse des situations de conflit .

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pour marquer le terrain. Les sociétés agrobusiness possèdent d’énormes possibilités en matière de mise en valeur. La capacité de ces opérateurs privés à mobiliser les moyens financiers importants dont ils disposent leur procurent d’excellents atouts pour accéder à la terre et l’exploiter. Aussi la tentation est grande chez les élus de leur concéder les meilleures et les plus grandes surfaces. D’ailleurs, ces entrepreneurs agricoles sont craints par 70 % des populations interrogées au moyen du questionnaire. Pour le cas des gros éleveurs, ils disposent de moyens financiers et bénéficient de protection en haut-lieu. Ainsi, l’application du code pastoral (dina) est parfois en leur faveur lors de la restitution. Pour avoir plus d’accès aux divers espaces de pâturage, ils élargissent leur réseau social en donnant des avantages en nature aux villageois qui acceptent de collaborer. Ils achètent aussi de vastes parcelles auprès des éleveurs.

Les pratiques des pouvoirs

Une pluralité de pouvoirs s’inter-influencent, s’allient ou s’opposent selon des modalités multiples et des stratégies commandées par des enjeux ponctuels. L’analyse montre que les jeux concrets d’influence sont principalement exercés sur les chefs traditionnels et les entrepreneurs privés.

Quoique son pouvoir soit remis en cause par le nouvel ordre politico-institutionnel, les lonaky gardent aussi le pouvoir de noyauter l’instance décentralisée comme le Fokontany et la Commune. Concrètement, les chefs de village et chefs coutumiers du fait de leur capital symbolique opposent de fortes résistances au changement. Leur statut lié à la tradition et le haut degré de légitimité conféré par leur appartenance à de « grandes familles » permettent à ces autorités traditionnelles d’influer sur les nouvelles formes de décision.

De même, les agrobusiness en raison de leur capital économico-financier énorme occupent des positions d’influence importantes. Ces entrepreneurs agricoles parviennent en effet à amener les élus à leur affecter de larges étendues de terres. En décembre 2012, un protocole d’accord portant le numéro n°01 – RIH/DVLP entre la Région Ihorombe et la Société Tozzi Green. En application de l’article 7 sur les « Dispositions particulières du cahier de charges que cette Société agrobusiness a contracté avec la Vice-Primature en charge du Développement et de l’Aménagement du Territoire en date du 17 Décembre 2012, ce protocole porte les engagements des deux parties :

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Engagement de la Région Ihorombe

- Inventaire et analyse des besoins sociaux de la population locale : sur la base du

Plan Régional de Développement (PRD) et des Plans Communaux de Développement (PCD)

- Information des Communes concernées sur les activités de la Société Tozzi Green et de ses actions - Gestion de proximité des litiges nés des relations de travail entre les Collectivités

Territoriales Décentralisées (Région, Communes, Fokontany, Fokonolona) et la Société Tozzi Green

Engagement de la Région Ihorombe de la Société Tozzi Green

- Respect des us, coutumes, des habitudes et tabous observés par les habitants - Respect du code de travail malgache

- Règlement à temps de toutes les obligations financières dues vis-à-vis du système fiscal et des collectivités locales - Réalisation des projets sociaux suivants selon le chronogramme convenu

Source : Extrait du protocole d’accord. Région Ihorombe / Novembre 2013

Le chronogramme de réalisation de ces engagements socio-économiques, extrait du protocole d’accord, se présente comme suit :

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Source des documents photocopiés : Extrait du protocole d’accord (Page 2 et Page 3). Région Ihorombe / Novembre 2013

Finalement, seulement le quart des investissements sociaux a été réalisé la première année 2013, ce qui a envenimé les tensions.

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Concernant les alliances de pouvoir, elles se mettent en place à travers les pratiques de clientélisme et de corruption. On peut en donner quelques faits : le comité de recrutement a favorisé les proches parents du Maire et des lonaky qui ont donné du terrain pour la société, le Maire reçoit mensuellement une somme de 400.000 ariary à titre d’indemnité. En réalité, c’est une faveur injustifiée accordée au Maire en échange de son approbation. Le tableau ci- après nous montre ces pratiques.

Tableau n°10 : Les composantes des pratiques des acteurs

Pratiques Actes concrets Objectifs Moyens Région Jeux d’influence sur Influence sur les Occuper des Pouvoir légal les élus locaux et les Collectivités et les positions chefs de fokontany démembrements d’influence de l’État central Jeux d’alliance avec Clientélisme Contrôle des Arrêté régional opérateurs privés ressources et conservation des positions de pouvoir Maire et élus Jeux de conflits avec Conflit de Contrôle des Arrêté locaux les lonaky compétence ressources et communal conservation des positions de pouvoir Jeux d’alliance avec Clientélisme Argent Négociation opérateurs privés Gros éleveurs Jeux d’alliance avec Clientélisme Accès aux Négociation les villageois ressources Achat de terre foncières Alliance matrimoniale Sociétés Jeux d’alliance avec Corruption Accès aux Négociation agrobusiness les autorités ressources régionales, les Clientélisme foncières lonaky et le Maire Achat de terre Les lonaky Jeux d’alliance avec Clientélisme Argent Négociation opérateurs privés Les éleveurs Pratique de Revendication de Accès à la terre Information des autochtones maximisation des la légitimité pour éviter natifs espaces de pâturages qu’elle tombe entre les mains Affectation des agrobusiness

Source : Résultat de l’analyse des pratiques des acteurs. Décembre 2013

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Les jeux de conflits, quant à eux, renvoient à des rapports de force entre des pouvoirs qui cherchent à changer les règles du jeu. Il en est ainsi des conflits de légalité entre élus et la région, des conflits de compétence entre élus et lonaky.

Ces jeux conflictuels constituent une forme de contestation qui exprime une frustration de la part des acteurs. Par exemple, intercédant auprès de l’organe délibérant la commune (conseil communal) en faveur des intérêts fonciers des sociétés agrobusiness pour l’adoption du dina « destruction de cultures », les éleveurs autochtones s’opposent aux dépossessions arbitraires, contestent le monopole des agrobusiness sur la terre et s’offusquent de la non-satisfaction de leurs demandes suite aux promesses non tenues par la société en matière de projets socio-économiques.

Les lonaky , pour leur part, s’érigent contre la volonté des élus de les écarter de la prise de décision sur l’octroi de terrain. D’autre part, les éleveurs mettent en place des pratiques autant pour accéder à la terre que pour la mettre en valeur.

La conversion des éleveurs en agriculteurs pour mettre en valeur la terre. Ces pratiques permettent aux éleveurs d’aller à la conquête de » nouvelles terres et de contrer les velléités des entrepreneurs agricoles. Une fois appropriées, les terres doivent cependant être réellement exploitées, d’où une autre contrainte à laquelle ils font face. Les éleveurs sont contraints de limiter les risques de désaffectation relatifs à l’absence ou à l’insuffisance de mise en valeur. Pour y parvenir, ils scellent des contrats de prêts pour réaliser des aménagements sommaires.

En effet, les acteurs réagissent différemment compte tenu des opportunités qui leur sont offertes et des contraintes qui pèsent sur eux .Si les pouvoirs s’engagent dans divers jeux conflits, d’alliances et d’influences pour occuper des positions dominantes dans le jeu politique, les éleveurs inventent ou réactualisent des stratégies afin d’accéder à la terre et de la mettre en valeur.

D’un côté, les agrobusiness puissants se mettent à la conquête de positions de pouvoir dans la perspective de contrôler les ressources foncières. Celles-ci constituent des enjeux de pouvoir qu’ils manipulent en leur faveur, c’est-à-dire a des fins personnels, et non à des fins d’intérêt public ou communautaire. En agissant de cette manière, le maire et les élus communaux, non seulement instrumentalisent les dispositifs, mais ils reproduisent les mécanismes de domination à l’œuvre dans la société.

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C’est ainsi qu’il faut comprendre la résurgence relative de la chefferie traditionnelle, l’omniprésence de l’administration territoriale et le dynamisme du mouvement associatif paysan. Si la Région revendique la légalité de son pouvoir, les lonaky revendiquent leur compétence en matière foncière. Les éleveurs revendiquent leur légitimité en termes de défense des droits des usagers des espaces de pâturages, or le pôle politico-institutionnel constitué par des élus revendique aussi à lui seul toutes ces formes de légitimité. Cette pluralité crée un processus d’hybridation où s’entremêlent légalité et légitimité, loi et tradition, aspects formels et informels. Les pratiques effectives de pouvoir, à juste titre, sont largement décalées par rapport aux règles juridico-institutionnelles. Ce décalage réside en ce que les élus négocient le contrôle du pouvoir foncier souvent au mépris des dispositifs légitimant leurs postes d’autorité.

À travers l’analyse de ces pratiques socio-foncières, il ressort clairement que la décentralisation (vue par les élus locaux) est synonyme d’accaparement des ressources par des acteurs mus par des intérêts divergents. Les agriculteurs désirent accéder à la terre en guise de réponse à la « course à la terre » lancée et menée par les entrepreneurs agricoles étrangers. Par contre, les éleveurs sont surtout guidés par le souci de limiter la pression agricole sur l’espace pastoral.

Dans tous les cas, les acteurs sont à la recherche permanente de gains fonciers. Leurs pratiques laissent apparaître la coexistence de la tradition et de la loi, du mode traditionnel de tenure foncière et du mode de gestion foncière décentralisée. Ainsi, les pratiques traditionnelles d’accès à la terre persistent malgré la mise en place de modalités et procédures. La voie officielle est généralement ignorée par des acteurs qui s’inscrivent surtout dans une logique de survie.

3.4- Les instances de prévention et de gestion des conflits

La prévention et la gestion des conflits dans ces parcelles sont considérées comme une préoccupation majeure et un important dispositif institutionnel et juridique a été mis en place. La procédure de prévention et de gestion des conflits se fonde sur le principe de subsidiarité, autrement dit le primat de l’échelon inférieur sur l’échelon supérieur. Pour éviter des conflits entre les éleveurs et les autres utilisateurs, la Commune d’Andiolava avait mis en place un code pastoral ( Dina ). Ce code devait permettre de se partager d’une manière pacifique les ressources naturelles.

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La prévention et la gestion des conflits sont prises en charge par des mécanismes formels et des mécanismes informels. Nous allons les passer en revue en partant des échelons inférieurs vers les échelons supérieurs et en essayant de montrer, à la lumière de notre enquête, les écarts entre principes et pratiques, les conflits entre les différentes instances, et les stratégies des acteurs.

Dans le règlement des conflits, les acteurs font recours volontairement à des systèmes de normes et de légitimité différentes selon les contextes et leurs propres intérêts. Il est rare d’avoir affaire à une seule règle du jeu et une seule instance d’arbitrage, reconnues par tous, y compris, et peut-être même surtout, du côté des villageois. Les villageois préfèrent le kabarim -pokonolona et le dina qui constituent la règle du jeu local et réel et qui régissent les relations sociales et traditionnelles), tandis que les gros éleveurs préfèrent en effet en même temps le dina et sur les réglementations modernes (qui constituent la règle du jeu officielle en cas de non satisfaction).

Plus généralement la multiplicité des instances alternatives mobilisées pour régler les conflits se présentent comme suit :

Assemblée des fokonolona – kabarim -pokonolona :

C’est le premier degré du règlement au village qui peut prendre la forme d’un « arrangement à l’amiable » au cours d’un palabre ou Kabary au cours duquel on aborde les sujets concernant la vie de la communauté. Il y a le rituel de la palabre, les parties de conflit s’adressent au lonaky , pour résoudre les conflits. Des enquêtes approfondies sont ouvertes par le conseil de village, aidé en cela, par les vieilles personnes (les sages). Les personnes en cause sont entendues. La parole est donnée à chacune pour s’expliquer et construire sa défense, le plus souvent à huis clos. Les membres du conseil de village après avoir écouté toutes les parties, les témoins, se donnent du temps pour se concerter, avant de prendre une décision. L’assemblée donne un jugement dans les conflits. Lorsque la décision est prise, les intéressés sont informés. Mais l’information portée au public est « travaillée autrement » pour préserver la dignité des protagonistes et protéger leur honneur surtout lorsqu’il s’agit des personnalités influentes du village.

Dans la Région bara , la chefferie traditionnelle occupe encore une place importante dans la gestion des affaires locales et ce, depuis la période coloniale. Les chefs traditionnels ont été sollicités par l’administration coloniale en leur conférant un pouvoir de conciliation,

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mais aussi de règlement selon la coutume, de l’utilisation par les familles et les individus des terres des cultures et des espaces pastoraux.

En cas de litige, les protagonistes dans les arènes locales recherchent une solution entre eux. En principe, chaque conciliation doit faire l’objet d’un procès-verbal adressé à l’échelon supérieur. Par exemple, le chef de Fokontany doit transmettre le procès-verbal de conciliation au Maire. Dans la pratique, les chefs traditionnels ne se limitent pas à leur pouvoir de conciliation. Ils rendent des jugements. C’est ce qui explique leur faible empressement à envoyer à la justice les procès-verbaux des conciliations. Cette situation explique aussi en partie les nombreuses dénonciations des jugements rendus par les chefs traditionnels et les Chefs de Fokontany .

Dans la pratique coutumière, la portée des jugements ne prête à aucune confusion. Il n’est pas besoin de faire appel à un autre degré de juridiction pour interpréter le verdict. Tous les procès dans leur finalité recherchent la cohésion sociale et communautaire. Les valeurs sociales que les institutions locales tentent de défendre sont l’Esprit des ancêtres (règle suprême),la dignité humaine (honneur, la parole donnée), la cohésion communautaire (intérêt public). Ainsi, dans ce mode de règlement, la terre est considérée comme un bien précieux qui doit demeurer éternellement intact. Elle a été donnée au lignage pour assurer sa souveraineté alimentaire et pour préserver sa dignité humaine (car un village affamé est facilement convertible en mendiant). La Terre est un bien qui ne meurt pas, donc « indestructible ». Elle doit nécessairement passer à travers les mains de plusieurs générations. Ce bien est communautaire et avant tout biologique, doté de droits éternels transmissibles à des fins d’usages éternels, conformément aux clauses culturelles et sociales. Ces droits immenses et denses sont pourtant « ignorés » des pouvoirs publics. Ce qui pose problème et invite à se poser des questions, puisque plus de 80 % des populations vivent ces droits et préfèrent ce mode de règlement, les connaissent, les respectent et les acceptent. Même l’État a fini par les reconnaître, d’abord avec beaucoup d’hésitation au début, puis maintenant avec force et conviction ce mode de règlement de conflits.

Mairie réunissant les responsables communaux

C’est le deuxième degré du règlement. Si les groupes stratégiques en conflit ne s’entendent pas, ils s’adressent au chef de a compétence sur le territoire où le différent a été enregistré. Chaque fois que le besoin se fait sentir, ils peuvent être renvoyés à l’échelon supérieur commençant par le Chef de District et/ou le Chef de la Région.

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Les phénomènes constatés depuis quelques années obligent de plus en plus à une révision des rapports : arrivée de nouveaux occupants, démographie galopante et des sécheresses successives (avancée du désert, pluviométrie limitée dégradation de l’écosystème, tarissement des mares, etc.).

Le phénomène de la corruption très généralisé et l’esprit partisan accentué ont contribué aussi à délégitimer les autorités administratives. Leur rôle de médiateur dans le règlement du différend autour de l’aire de pâturage est souvent remis en cause par les éleveurs.

L’Administration régionale

L’Etat intervient dans la gestion du foncier à travers ses services déconcentrés, notamment la Région d’Ihorombe , les services régionaux du Domaine et de la Topographie. Le Chef de la Région est la figure centrale de l’administration locale. Il est le représentant du Gouvernement. La loi lui reconnaît des pouvoirs de conciliation en matière de litiges fonciers. Il n’est en principe saisi que lorsque les chefs traditionnels ou les Responsables communaux n’arrivent pas à concilier des parties en conflit.

Il dispose des forces de sécurité, qui sont appelées dans le cadre de la prévention des conflits, et de services techniques en charge des questions foncières. Mais ces derniers disent qu’ils sont de moins en moins sollicités en raison de la prise en charge directe par l’Etat central des questions foncières, et ils ne font qu’exécuter des ordres venant d’en haut.

Le Chef de la Région a une marge de manœuvre de plus en plus limitée. Comme il est désigné par l’Etat central, il doit tenir compte des protocoles ou accords signés d’en haut avec ou sans son accord. Les députés et les responsables des sections locales des partis au pouvoir interviennent aussi dans le règlement des conflits fonciers.

Les autorités coutumières et administratives sont des instances non juridictionnelles,elles n’ont pas de pouvoir de règlement. Ce pouvoir est dévolu au Tribunal de Première Instance d’Ihosy .

Le Tribunal de Première Instance

Selon le principe de subsidiarité qui préside au règlement des conflits fonciers, la justice est considérée comme le dernier recours. Elle n’est saisie en premier recours que lorsqu’ il y a violence. Cependant, même dans les autres cas, les protagonistes peuvent la

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saisir directement. Les juges sont assistés d’assesseurs locaux, spécialistes des coutumes locales.

Selon le Procureur de la République auprès du Tribunal de Première Instance d’Ihosy , la justice est de plus en plus sollicitée dans le domaine des questions foncières. Pour la période 2009-2012, les données de la Greffe du Tribunal de 1 ère Instance d’Ihosy révèlent une augmentation du nombre de jugements concernant un conflit lié à l’occupation des espaces de pâturages. Ces données concernent toutes les communes du District d’Ihosy.

Tableau n°11 :Evolution des litiges fonciers au Tribunal d’Ihosy,

Litiges fonciers 2009 2010 2011 2012

Nombre de jugements rendus sur les conflits 6 8 10 14 fonciers dans la zone rurale Source : Greffe du Tribunal de 1 ère Instance d’Ihosy- Janvier 2014

Nous avons analysé auprès des 60 personnes enquêtées leurs sentiments envers les lois et le système de justice moderne. Les répondants devaient répondre, en utilisant une échelle comportant quatre points allant de « très d'accord » à « fortement en désaccord », à l'énoncé selon lequel les lois et le système de justice sont fondamentalement justes, la réponse « n'est ni d'accord ni en désaccord » pouvant être donnée seulement de façon spontanée afin d'éviter le plus possible que les réponses régressent vers le milieu. Certes, la taille de l’échantillon n’est pas vraiment optimale sur un sondage d’opinion, mais les résultats montrés sur le tableau n° 12 peuvent être déjà significatifs et nous donnent une idée sur la confiance accordée par les villageois au système de justice.

Sur 60 personnes enquêtées, 44 individus disent être souvent ahuris devant des jugements contradictoires prononcés par les tribunaux et relatifs à une même affaire opposant les mêmes protagonistes. Souvent pour la même affaire, elles se retrouvent avec deux verdicts. Dans le premier prononcé, les populations qui ont gagné le procès fêtent leur victoire. Dans un deuxième temps, après la demande d’appel faite par la partie vaincue, le deuxième jugement vient donner raison à celles qui ont perdu au premier jugement. Ces renversements de situation déroutent les populations et portent un coup sérieux à la crédibilité des juridictions étatiques.

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Tableau n°12 : Équité des lois et du système de justice dans la société bara

Les lois et le système de justice sont Nombre % fondamentalement justes Très d'accord 6 10.0% Un peu d'accord 2 3.3% Un peu en désaccord 12 20.0% Fortement en désaccord 32 53.3% N'est pas certain 4 6.7% Aucune réponse 4 6.7% Total 60 Source : Enquête individuelle sur 60 individus dans les villages périphériques de la grande parcelle de Saririaky - Décembre 2013

D’après le Maire d’Andiolava qui a toujours suivi la suite de ces conflits, le dénouement des conflits résolus (soit 65 % des cas) se traduit par une décision judiciaire (30 % des cas résolus), administrative au niveau de la Commune (20 % des cas résolus), et plus rarement à l’amiable.

Tableau n° 13 : Instances de gestion de conflits

Instances Actions Points forts Points faibles Chefferies Conciliation Légitimité fondée Remise en cause des coutumières sur des solidarités conciliations, clientélisme historiques et social sociales Chef Fokontany Conciliation Légitimité Clientélisme politique, et Maire administrative corruption Chef de District/ Prévention, Légitimité Difficulté à gérer les tensions Région vulgarisation des administrative locales par rapport à la textes pression foncière entre les différentes activités à l’échelle régionale Tribunal de Jugement des cas Force exécutoire Manque de crédibilité vis-à- Première litigieux des verdicts vis des populations Instance Source : Enquête sur terrain à Andiolava - Décembre 2013

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La multiplicité des centres de pouvoir, la diversité des critères d’évaluation possibles, l’amas des formes de droit, tout cela ouvre considérablement les marges de manœuvres des uns et des autres.

Contrairement aux définitions sociologiques classiques des groupes sociaux, les "groupes stratégiques" varient selon les problèmes considérés, c'est-à-dire selon les enjeux locaux. Selon les contextes ou les circonstances, un acteur social est un membre potentiel de différents groupes stratégiques, en fonction de son intérêt. Ainsi, les relations entre les acteurs méritent une analyse afin de connaître leurs contraintes respectives et leurs stratégies à l’intérieur de leurs marges de manœuvre

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Chapitre 4- Approche analytique

4-1- Les acteurs en interaction

L'analyse vise à cerner les différents acteurs impliqués dans les tensions, ainsi que les enjeux qui gravitent autour de cette activité de régulation.

En empruntant l’étude du champ social de Bourdieu, nous allons présenter la topologie de l'espace social à plusieurs dimensions, sa structure est déterminée par la distribution des différentes espèces de capital : « capital économique », « capital culturel » et « capital social ». Plus qu'une théorie des classes sociales, Pierre Bourdieu propose une analyse multidimensionnelle de l'espace social, défini comme un ensemble de positions sociales distinctes qui entretiennent entre elles des relations de proximité ou d'éloignement plus ou moins importantes. Cette approche analytique présentera les relations objectives entre les acteurs dépendant de la distribution du capital qu'ils détiennent : de son volume, de sa composition et de leur évolution dans le temps. En analysant les interactions entre acteurs sociaux relevant de cultures différentes, on procède à l’inventaire des contraintes respectives auxquelles les uns et les autres sont soumis, et au décryptage des stratégies que les acteurs déploient à l’intérieur de leurs marges de manœuvre. On décrit les représentations et les systèmes de sens mobilisés par les groupes en interaction dans la production des règles.

Tableau n°14 : Tableau d’analyse multidimensionnelle de l'espace social

Acteurs Capital Enjeux et intérêts spécifiques Région / Commune Capital économique Loyer de terrain, Investissement socio- économique Gros éleveurs Capital économique Plus d’espaces de pâturages, Relations Capital social de réciprocité avec les autorités Sociétés agrobusiness Capital économique Accès à plus de superficies de terrain Lonaky Capital social Plus d’autorités sur l’espace Eleveurs Capital social Conservation des acquis en espaces de pâturage Source : Enquête sur terrain à Andiolava - décembre 2013

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Commentaire du tableau :

 L’acteur y apparaît en interaction avec son environnement. Il est défini que chaque acteur joue un rôle dans les structures spatiales, en étant mû par une intentionnalité particulière. Certes, les contraintes restent nombreuses et limitées, mais les acteurs sont de vrais acteurs, en prenant des décisions sur la mobilisation de ses moyens d’action, sur les compromis acceptables. Chaque acteur fait valoir des intérêts propres et s’engage à les défendre dans des relations de réciprocité. Ainsi le conflit est ici considéré comme un débat sur les normes sociales qui régissent les interactions sociales dans les situations de proximité et, dans l’optique de la géographie, à l’intérieur de systèmes territoriaux.

 L’espace de l’acteur dominant est défini par le volume global du capital que chaque acteur détient et qui le distingue des autres acteurs, ce qui lui laisse plus de marge manœuvres et conduit à un rapport asymétrique .

 Vu ce rapport de domination, les valeurs communes sans lesquelles la médiation est impuissante et le conflit ne peut pas être réglé.

 L’instance d’arbitrage légitime pour tous les acteurs sociaux dépend de sa reconnaissance et de sa capacité à réguler l’ensemble des rapports sociaux de la collectivité et des relations sociales conflictuelles.

 Crise du lien social : la dégradation de la qualité et de l'intensité du lien social dans la commune d’Andiolava dû à l'accroissement des litiges portées au tribunal.

4-2- Logiques de régulation antagonistes

L’instance d’arbitrage est sans cesse tiraillée par des logiques de régulation antagonistes dépendant des consensus et des accords à savoir :

 la régulation contrôlée exercée par l’extérieur sur les acteurs et essentiellement par la voie hiérarchique

 la régulation autonome qui n’est pas nécessairement en opposition avec les règles édictées par les dirigeants. Elle traduit simplement à un mécanisme d’auto- organisation.

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Parfois, cette régulation de contrôle vient contrecarrer les modes antérieurement existants de régulation autonome. Cela est surtout dû à la relation de subordination et la position des dirigeants.

Fréquemment, les modes de régulation varient suivant le contexte. Parfois, la présence de l'autorité contraint les acteurs à faire momentanément ce que l'autorité de régulation souhaite voir appliquer, puis une fois celle-ci éclipsée, ils reviennent à des pratiques informelles.

4-3- Déficits de régulation et précarité des règles sociales

L’étude sur terrain révèle une instabilité inhérente et, nous pourrions même ajouter une instabilité chronique des systèmes sociaux. Le jeu perpétuel entre les différents sous- systèmes et les conflits d’intérêts tendent à produire des rapports de pouvoir et de domination déséquilibrés entre les acteurs, et maintiennent les systèmes sociaux en équilibre précaire et les rendent constamment dépendantes d’une activité de régulation.

Au stade actuel, les règles s'affaiblissent trop durablement ou brutalement à cause de décroissance de l'activité de régulation et la faiblesse de la cohésion sociale.

Postuler que les règles définissent l'organisation de systèmes sociaux ne suffit pas à appréhender pleinement l'action sociale organisée, car sinon on négligerait deux dimensions centrales : l'activité de régulation , c'est-à-dire la façon dont se créent, se transforment, se maintiennent, se suppriment ou se diffusent ces règles, et la concurrence entre les différentes régulations au sein des systèmes sociaux, qui confrontent des régulations antagonistes ou complémentaires portées par des groupes sociaux différents. En réalité le maintien et la pérennisation des règles du jeu social ne sont jamais entièrement assurés dans cette société.

En effet, les groupes stratégiques doivent tenir compte dans leurs échanges, et dans l'action qu'ils produisent, de la présence d'autres acteurs avec lesquels ils peuvent entrer dans des conflits d'intérêt. Et en fonction de ce jeu d'intérêts, la régulation apparaît déterminée davantage par un enjeu social d'une nature complexe, mettant en concurrence différents groupes sociaux qui peuvent adhérer à des valeurs, principes ou intérêts divers.

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Cependant dans la société où on a mené la recherche, il est probable que la sphère économique va largement influer sur la forme du système juridique, comme le pensait Karl Marx. Il paraît alors difficile de séparer les ensembles de règles de l'organisation sociale et économique sous-jacente. Ainsi, même au sein d'un système différencié de rôles et de statuts, les acteurs gardent la possibilité d'adhérer en fonction de leurs stratégies, à certaines règles pour légitimer leurs conduites, et d'en rejeter d'autres qui sont contraire à leurs intérêts. Les règles deviennent alors des ressources servant à acquérir, soit un pouvoir d'action sociale ou économique, ou soit encore, une position avantageuse au sein du système social.

En fin de compte, la détermination des règles du jeu devient un enjeu stratégique majeur, elle participe à la forme même que prendra le jeu social. En effet, dans un jeu social, les acteurs défendent leurs intérêts en fonction des règles du jeu qui sont déjà en place, mais ils peuvent également tenter de le faire en transformant les règles du jeu. Ce qui explique la précarité et l’instabilité des règles.

4-4- Confrontation globale des deux logiques, utilitariste et culturaliste

Dans cet ensemble social, on assiste à une expression d’intérêts « objectifs » opposés.

• La logique qu’on peut qualifier d’ utilitariste ou interactionniste . Ceux de cette logique voient le système social comme un affrontement d’intérêts entre les divers acteurs et un entrecroisement de stratégies. Les acteurs sont supposés intelligents, c’est-à-dire dotés de capacités d’anticipation. Ils ne s’impliquent pas sans motif dans une relation sociale et cherchent en tout état de cause à maximiser leur intérêt. Les stratégies d’acteurs (conflits et coalitions) visent à accroître leur zone d’autonomie ou à réduire leur incertitude à l’instar des gros éleveurs de zébus qui ont plus d’intérêts pour l’élevage extensif. Ainsi, l’espace de pâturage est un bien marchand qui doit être valorisé et rentabilisé. - La logique qu’on peut qualifier de culturaliste qui récuse l’impérialisme du modèle d’explication utilitariste. Celui-ci, avec son insistance sur les jeux d’acteurs, les stratégies internes, les confits et les négociations, sous-estiment la dimension de «lieu social central». La société ne se réduit pas à un «théâtre» pour des jeux d’acteurs, mais elle se caractérise par une propension à produire des valeurs partagées, des modèles et des représentations, un sentiment d’appartenance, un consensus autour de

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projets. Il peut donc aussi y avoir confrontation entre les acteurs, mais sur fond de conflits de valeurs. Le facteur culturel reste surdéterminant.

En somme, si l’utilitarisme se réduit à des luttes d’intérêt et des stratégies d’alliance, il ne parait pas prendre théoriquement en compte tous les aspects culturels qui mettent des limites à l’action possible, et que tout n’est pas permis.

Les bara pratiquent une conception défensive de cet espace pastoral, par son contenu historique et spirituel. Sa gestion revient exclusivement au chef de lignage, qui autorise ou non l'exploitation, peut prêter une portion à un groupe voisin, ou décider d'abandonner l'exploitation et la surveillance de certains espaces. En réalité, la terre doit être abordée en termes d’utilisation, d’implantation (peuplements) et d’occupation. L’ensemble des techniques de gestion de la terre est régi par des us-et-coutumes, produits d’une longue histoire et résultant par ailleurs d’une longue résistance et ténacité des autorités et institutions locales, qui bon an mal an, devaient assurer la tranquillité et la paix dans les communautés.

Logée dans une vision sacrée, la terre ne peut être assimilée aux biens marchands. Comme la terre est un don de Dieu créateur, le chef de lignage respecte les lois de la nature régissant la Terre, au risque de mettre en colère son Créateur. D’ailleurs, c’est cette terre qui nourrit tous les membres de sa famille.

Dieu a créé la terre, mais en la créant, l’a fait habiter au début par des génies protecteurs. Ceux-ci ont ensuite délégué leurs pouvoirs au premier occupant, qui prendra possession du territoire et commencera à dessoucher ou à brûler. À partir de ce droit, le premier occupant devient le chef de toute la communauté (ancêtre). Ceux qui habiteront ces lieux, seront installés avec son autorisation, et à la condition de l’accomplissement symbolique et instantané d’un rituel. Ce rituel autorise l’occupant à s’installer et à utiliser la terre dans des clauses purement sacrificielles, nourricières et de droit d’usage éternel. Le droit d’occuper la terre, imposera toujours des obligations à la charge de l’occupant de contrôler des espaces étendus.

Par la terre, tous les utilisateurs passés, présents et futurs de la terre sont reliés et rattachés à l’ancêtre fondateur. Le village où est située la tombe de l’ancêtre est considéré comme le « tanindrazana ». Ce caractère « liant » ajouté à l’idée que la Terre est sacrée, lui donne une dimension « hors commerce », d’où son inaliénabilité.

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Entre les deux thèses, les positions sont bien tranchées, allant jusqu’au raidissement doctrinal. Pour Philippe d’Iribarne, il y a toujours des ajustements conjoncturels d’intérêts entre acteurs apparaissant parfois même au détriment des intérêts objectifs des dits acteurs. Il existe une limitation autre que rationnelle à la maximisation unilatérale du bénéfice individuel. Crozier lui-même ne peut ignorer, comme le montre Philippe d’Iribarne, «l’ensemble des "contrôles sociaux qui empêchent chacun des membres de tirer tous les avantages possibles de sa propre situation stratégique ».

4-5- L’abondance des conflits oblige à des réformes

Les conflits font l’objet de plusieurs rebondissements après le jugement des instances d’arbitrage. Les solutions proposées sont chaque fois remises en cause ou inexécutées sur le terrain. L’exécution des jugements judiciaires rencontre des difficultés et ne résout pas les tensions locales. Parfois, les jugements sont ouvertement contestés par les populations (refus d’obéissance des populations).

Toutefois, les groupes stratégiques devraient construire une vision commune dans la gestion du patrimoine (terre de pâturage) et confronter leurs logiques en vue d’une gestion du patrimoine. Cela exige une déconstruction des organisations dotées d’une hiérarchie fondée sur des rapports asymétriques favorisant la logique utilitariste.

C’est pourquoi la troisième partie se propose de réviser la gestion spatiale des ressources naturelles afin de proposer un processus global de gestion patrimoniale inclusif pour tous les acteurs présents sur un espace.

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Partie III : LOGIQUE DU CONFLIT, APPROCHE PROSPECTIVE ET DE REFLEXION

Chapitre 5 – Validation des hypothèses

5-1- Jeux des acteurs conduisant à un rapport de domination

Le positionnement entre les groupes stratégiques naît ou alimente un conflit et les relations entre eux sont foncièrement asymétriques : rapports d’exploitation (selon l’optique marxiste), de domination (selon Max Weber), et plus généralement rapports de subordination et de dépendance. L’idée d’asymétrie correspond ici à une absence de symétrie entre acteurs, c’est-à-dire à l’existence non seulement de différences mais aussi d’inégalités entre acteurs. Il y a l’idée de disproportion d’inégalité quantitative et de différence qualitative entre les acteurs.

La distribution des positions dans l'espace social est structurée à partir du volume du capital possédé, et sa structure, c'est-à-dire la part respective du capital économique et du capital social dans le capital global. Les inégalités ne sont pas seulement référées aux indicateurs habituellement invoqués (revenus, patrimoine) mais sont profondément ancrées dans le rapport de force par rapport à l’occupation de l’espace local.

Dans le conflit lié à l’occupation des espaces de pâturage, les groupes stratégiques en interdépendance, soit poursuivent des buts différents, défendent des valeurs contradictoires, ont des intérêts divergents ou opposés, soit poursuivent simultanément et compétitivement un même but. Le conflit naît dans un système qui s'apparente à un ensemble d'éléments inter dynamiques ayant une même finalité, dont tous les éléments participent à l'atteindre. Le conflit est donc une divergence dans la finalité.

L'interaction de type asymétrique suppose l'inégalité des forces des groupes stratégiques. Un conflit peut être mis en sommeil par la contrainte, la domination / soumission, la fuite, mais il n'est pas résolu pour autant. Le fait qu'un conflit trouve une issue n'implique pas qu'il ait été résolu. Un conflit peut disparaître avec les protagonistes ou se transmettre à leur lignée. S'il disparaît de cette manière, on ne pourra dire qu'il a été résolu. S'il y a écrasement de l'une des parties, cette solution ne résout pas le conflit. Celui-ci devient larvé, latent.

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Dans l’arène locale, chaque groupe stratégique se distingue par des dotations en capitaux différentes. Ce constat confirme la thèse de Pierre Bourdieu sur la structuration de l'espace social. Ces capitaux sont de 3 ordres : culturel, social et économique. Dans le jeu d’interaction, chaque acteur met en œuvre ces capitaux et se distingue de fait des autres. Ainsi l'espace social révèle un rapport de domination distinguant différentes classes en fonction du volume du capital.

Les effets pratiques de la domination capitaliste sur les rapports de parenté sont démontrés. Les rapports de parenté qui ont lié les lonaky entre eux, qui constituaient l’ensemble des mécanismes d’ajustement que le système social mettait en œuvre pour maintenir son équilibre interne se sont transformés spontanément en rapports marchands. Les rapports de parenté, basée sur l’idéologie du Fihavanana , sont déstructurés et sont soumis désormais aux rapports marchands. Cette transformation est accélérée par des actions volontaires de certains groupes stratégiques comme les sociétés agricoles et les gros éleveurs, et des responsables des Collectivités Territoriales Décentralisées successifs ( Région et Commune) à la constitution de grandes parcelles agricoles suite à la négociation foncière avec les lonaky . Ce qui conduit à la création d’une paysannerie différenciée au sein de la communauté, c’est-à-dire appauvrissement de la masse paysanne et enrichissement de quelques acteurs locaux comme les entrepreneurs agricoles et les gros éleveurs ainsi que les lonaky qui bénéficient de soutien financier presque mensuel de la part de la société agricole en contrepartie de l’octroi de terrain.

Le jeu perpétuel des acteurs s’est transformé en rapport de domination vu que le capital à la disposition des acteurs est inégal.

La transformation du rapport de parenté en rapport marchand sous les effets de plusieurs actions : - Création des besoins monétaires au sein des sociétés lignagères par l’achat de bœufs par les gros éleveurs et l’achat de terrains par les sociétés agricoles. Sur le plan juridique et politique, l’intention de l’Etat et ses démembrements se concrétise à travers l’immatriculation foncière et le bornage du terrain au nom de l’Etat qui facilite l’accaparement de terrain par les sociétés agricoles.

- L’accumulation individualisée et organisée au sein de la communauté. Les dépenses cérémonielles lignagères constituent le fondement de toute ostentation économique qui n’est autre que l’individualisation de la pratique économique de la

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production. Ainsi, le chef de lignage qui constitue le maître dans l’organisation des activités et de la répartition des ressources entre les membres de lignages donne du terrain en recevant de l’argent de la part des sociétés agricoles ou des gros éleveurs. La marchandisation des rapports sociaux s’accentue également.

- Accentuation des besoins monétaires : en dehors de l’impôt et de l’achat des produits manufacturés, les autres besoins monétaires ont été créés à savoir les dépenses cultuelles, les frais de scolarisation, les frais médicaux par l’utilisation de la médecine moderne. La marchandisation des services publics due aux fortes contraintes budgétaires qui pèsent sur le gouvernement a conduit à un régime d’externalisation. L’entreprise privée est invitée à servir les usagers. Dans la Région d’ Ihorombe , l’élevage constitue un secteur important de l'économie régionale. Cependant, depuis le désengagement des services de l'Etat d'un certain nombre d'activités au profit de vétérinaires mandataires privés investis d'un mandat sanitaire, les éleveurs paient les services zoo-sanitaires. Ainsi, le milieu subit l’influence de la logique marchande qui accule la société lignagère dans une situation de dépendance et de dénuement.

- L’individualisation au sein du lignage : la compétition et ses conséquences s’installent entre les membres du lignage Exemple, la rénovation de maison, l’achat des bœufs pour garnir le parc à bœufs.

- Le contrôle de l’appareil étatique local par certains acteurs tels que les gros éleveurs et les sociétés agricoles. Pour réaliser certains évènements dans la Région, les représentants de l’Etat sollicitent des dons des gros éleveurs et des opérateurs économiques ; or tout don implique en effet un contre don et dans toute société, donner, recevoir et rendre sont obligatoires. Si pour Mauss, le don regroupe ces trois opérations (donner, recevoir et rendre), Levi Strauss met l'accent sur la notion d'échange et de réciprocité. Le don revêt une logique sournoise consistant à maintenir celui qui reçoit sous la coupe du donateur qui le manipule à sa guise. Dans ce sens, il offre ici une image de rapport de force dans les rapports sociaux où seuls les donateurs détiennent le pouvoir.

A travers ces actions, nous avons vu donc comment le jeu perpétuel des acteurs se transforme en un mode de production dominé qui s’articule et se transforme grâce à un mode de production plus puissant qui le contrôle.

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Par conséquent, au lieu de rapprocher les acteurs, l’interaction des acteurs (groupes stratégiques) dans le champ social autour d’enjeux à la fois économiques, politiques et symboliques ne permet pas de rapprocher les diversités des logiques sociales et dépasser l’opposition des intérêts et la logique du chacun pour soi pour trouver une vision globalisante, et ensuite de créer un système de régulation et de produire une règle en vue de la gestion patrimoniale des espaces. Le modèle théorique selon lequel l’interaction des acteurs produit les règles s’avère insuffisant pour la régulation, surtout que ce modèle théorique s’affronte aux phénomènes sociaux réels, utilitarisme et culturalisme, qui apparaissent étroitement imbriqués. Dans l’espace local, objet de notre étude, deux modèles antinomiques se sont progressivement imposés: l’interactionnisme qui transpose au jeu social les rapports utilitaires d’intérêt de l’économie libérale, et le culturalisme qui fonde la cohésion sociale sur l’identification à des normes et à des valeurs.

Pourtant, il est possible de réconcilier ces deux modèles par l’approche systémique pour les rendre complémentaires afin de développer une trilogie « Espace – Acteur – Aménagement »dans une société où s’enchevêtrent des logiques sociales des acteurs et de fédérer les acteurs sur des projets collectifs de la gestion patrimoniale des espaces.

Même dans le pire des conflits, au cœur de l’affrontement utilitariste, les acteurs ne peuvent se permettre de faire n’importe quoi selon leur propre gré. Parmi les paramètres à prendre en compte pour trouver la solution «la plus satisfaisante», on trouve des exigences purement culturelles. Si un acteur ne les prend pas en compte, il risque de provoquer la riposte ou l’agression ou le rejet de son groupe d’appartenance, ce qui n’est pas son intérêt !

Dans la commune d’ Andiolava , le Hazofotsy ou le rejet social est toujours pratiqué. C’est une forme d'exclusion délibérée d’un individu d’une relation interpersonnelle ou d’une relation sociale. Un individu peut être rejeté, à cause d’une base individuelle, par un autre individu ou par un groupe entier de personnes. En outre, le rejet peut se manifester lors de harcèlements, d'intimidations, d'activités physiques et/ou morales blessantes et/ou ridicules ou passives, en infligeant à une personne une menace de mort. Dans cette société bara où tous les habitants ont une attitude sociale et hautement sensible aux valeurs, le rejet peut devenir problématique lorsqu’il est prolongé ou persistant, lorsque les enjeux d’un groupe stratégique sont importants dans l’espace territorial. Le rejet par un autre groupe stratégique peut avoir un effet négatif, particulièrement lorsqu’il engendre un isolement social. Cela entraîne également un sentiment d’insécurité et une haute sensibilité morale à de futurs rejets.

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Le rejet social incite souvent un groupe stratégique à tenter d’être conforme aux attentes d’un autre groupe qui l’a précédemment rejeté dans le but d’être accepté par celui-ci et essaye de trouver un consensus.

Et l’on retrouve alors la limite de l’utilitarisme par la «rationalité limitée» qui est devenue un socle de la régulation.

5-2- La rationalité limitée, comme socle de la régulation

Le comportement d'un individu (ici appelé acteur) face à un choix suppose que l'acteur économique a un comportement rationnel, mais que sa rationalité est limitée en termes de capacité cognitive et d'information disponible. Dès lors, l'acteur va généralement s'arrêter au

premier choix qu'il jugera satisfaisant.

Dans certaines situations, les agents économiques n'appliquent pas le principe de rationalité de la théorie micro-économique classique. L'homme ne cherche pas alors à atteindre le choix optimal, mais seulement un certain niveau d'aspiration. En effet, lorsque le contexte ne s'y prête pas, il ne dispose pas de tous les éléments lui permettant de faire le choix le meilleur, et la rationalité de son choix est limitée. Les agents, qui demeurent rationnels quant à leurs capacités à effectuer des choix, prennent des décisions "satisfaisantes" mais non-optimales.

La rationalité limitée provient de l’incapacité des individus à traiter l’ensemble des informations en provenance de leur environnement. La réflexion de l’acteur est limitée par son environnement qui conditionne sa décision. Le problème se construit en même temps que l’acteur le résout. Chacun se détermine en fonction de ce qu’il imagine être la stratégie de l’autre.

La connaissance de toutes les options étant impossible, l’acteur ne doit pas rechercher une solution optimale mais satisfaisante. La décision sera prise par rapport aux options connues, donc le résultat de la décision influencera l’environnement.

La rationalité individuelle est limitée par les habitudes et les réflexes, les valeurs, la perception du contexte, la conception des objectifs à atteindre, l’étendue des connaissances et informations. Il ne peut être rationnel au regard des buts de l’organisation que s’il est capable d’y arriver par sa propre voie, en ayant une connaissance claire des buts de l’organisation et une information claire des conditions de ses actions.

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Comme un corps social est composé d’acteurs engagés qui ne se régule certainement pas, comme s’il restait composé d’agents (obéissant et passif), notamment en ce qui concerne le traitement des multiples tensions et conflits qui ne manquent pas de survenir dans tout ensemble humain. Cette notion de rationalité limitée des acteurs constitue un socle pour la régulation sociale des conflits. Et c’est parfois les mécanismes à mettre en œuvre pour assurer cette régulation d’un corps social composé d’acteurs engagés devenu plus complexe et plus imprévisible dans ses réactions qui font défaut.

Ainsi la gestion commune du patrimoine, qu’est le vaste espace agropastoral, dépend fortement de la capacité des acteurs à établir de nouvelles règles de vie commune. Ainsi, loin d’être exclusif l’un de l’autre, les deux modèles s’imposent au contraire dans leur complémentarité systémique pour parvenir à la régulation sociale qui décrit de façon satisfaisante les stratégies d’acteurs en prenant en compte les facteurs culturels et la vision culturaliste.

Dans l’approche prospective et notre réflexion, nous nous interrogerons sur le modèle qui permet de faire marcher un ensemble des mécanismes d’ajustement que le corps social doit inventer et mettre en œuvre en permanence pour - maintenir son équilibre interne, s’adapter à, et anticiper l’évolution de ses divers environnements.

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Chapitre 6- Approche prospective et Piste de réflexion

On peut considérer comme acquis l’existence d’une pluri-rationalité des acteurs sociaux. Aux côtés des rationalités économiques, une place aux rationalités culturelles et symboliques qui pour autant n’exclut pas les premières. La société bara est, elle aussi, traversée de rationalités diverses. Il est possible de prospecter un modèle combinant les pluri- rationalités des acteurs et de définir une vision commune pour la gestion patrimoniale. En outre, nous nous lançons dans une réflexion sur le nouveau rôle de l’Etat à l’ère de la mondialisation afin que la politique publique soit concrète à l'échelon du territoire.

6-1- Essai d’approche systémique de la régulation sociale

Par l’approche systémique, il est vraiment possible de proposer un modèle articulant les deux grandes théories qui s’affrontent aujourd’hui dans le champ de la régulation sociale en reconnaissant à chacun d’eux sa part de vérité. Le modèle interactionniste peut fournir, en restant sur ses présupposés fondamentaux et ses arguments. Cependant, la valeur explicative d’un tel cadre théorique sur sa pertinence globale, ne date pas d’aujourd’hui, et on mettait en évidence les limites des stratégies individualistes en considération de la rationalité limitée des acteurs.

Comme J.D. Reynaud 25 nous le laissait supposer, la double référence aux modèles interactionniste et culturaliste se justifie par l’observation des phénomènes étudiés. Dans la vie de cette société bara à l’ère de la mondialisation, nous sommes confrontés à deux types de «réalités», apparemment contradictoires, mais qu’il convient de réconcilier par leurs pratiques, leurs conflits, leurs ajustements, les groupes stratégiques qui construisent de manière intentionnelle et/ou non-intentionnelle des représentations, des normes, des règles, des valeurs; et ces représentations vont venir à leur tour contraindre, orienter ou limiter les comportements des acteurs.

Pour mettre en ordre ces énoncés, nous allons recourir aux concepts propres à la pensée systémique : causalité circulaire, rétroactions positive et négative.

25 GILBERT de TERSSAC (D.), 2003 « La théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud - Débats et prolongements », La Découverte, Paris. Page. 46

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En premier lieu, le modèle de la boucle de rétroaction met bien en lumière l’imbrication permanente et la complémentarité des modèles culturaliste et utilitariste (voir Figure 1 : Rétroaction culture - jeu des acteurs.).

Source :Donna dieu (G) et Layole (G), 1995, « Essai d’interprétation systémique de la régulation sociale dans une organisation »26 IAE de Paris – GREGOR, p.6 Les acteurs sociaux produisent volontairement ou involontairement de nouvelles représentations et normes. Les contraintes comportementales que la culture fait peser, sur le jeu des acteurs.

Nous savons que pour les interactionnistes, l’acteur aborde les relations sociales dans une optique rationnelle : il cherche à «maximiser son avantage» en termes de gain ou de pouvoir. Mais nous savons aussi que sa vision n’est pas sans présenter quelque biais : il ne maîtrise pas tous les paramètres objectifs de la situation ; il ne peut envisager tous les choix possibles, ni en anticiper toutes les conséquences avec certitude. Cette limitation intrinsèque de sa rationalité se traduira par les écarts -parfois énormes pour l’observateur extérieur- entre enjeu réel et enjeu perçu. C’est ce qu’a bien mis en lumière l’analyse stratégique par acteur. C’est cette même rationalité limitée (par des facteurs autres que l’intérêt immédiat) qui conduit l’acteur en général à éviter les solutions «maximalistes» -tel l’anéantissement complet de l’adversaire- au profit d’un certain nombre de compromis jugés plus satisfaisants.

Source : Donnadieu (G) et Layole (G), 1995, « Essai d’interprétation systémique de la régulation sociale dans une organisation »27 IAE de Paris – GREGOR, p.7

26 Voir http://www.univ-paris1.fr/GREGOR/

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Nous retrouvons alors l’ajustement par le «conflit/coopération», concept imaginé par François Perroux dès les années soixante. Pour lui, « la dimension conflictuelle et d’affrontement de la vie sociale n’est pas niable. Mais pour éviter de tomber dans l’exacerbation des conflits, les acteurs sont conduits à établir des compromis provisoires qui constituent, selon son expression, autant d’armistices sociaux »28 . Il faut voir là l’origine des différents contrats, individuels ou collectifs, qui quadrillent l’espace social. Par une contractualisation ininterrompue d’accords du type «armistice social», le jeu des acteurs au sein de l’organisation fait ainsi émerger peu à peu un corps de règles qui s’impose à la conscience des acteurs (incrémentation des règles). On peut sans doute estimer que dans un premier temps, ce corps de règles ne modifie qu’accessoirement les comportements et les représentations sociales des diverses familles d’acteurs, ces dernières tirant leurs valeurs et leur identité d’appartenances externes à l’organisation. Il y a alors une véritable imprégnation des comportements, imprégnation d’autant plus forte que la règle a été l’enjeu d’un long et dur débat collectif.

Et en effet, ces règles deviennent vite modèles de comportement, quelquefois adoptées sans conscience réelle de leur origine comme «normes de groupe». Le consensus d’un groupe se fait «spontanément». Nous pouvons alors suivre au fil du temps leur déclinaison en «mythes, rites et interdits», noyau structurant de toute société humaine. La culture est née, consolidant le sentiment d’appartenance et d’identité de ses membres. Alors émergent les valeurs qui orientent profondément la «lecture» du monde objectif et conditionnent les jugements portés sur les différentes opportunités d’action (interprétation du réel): le «bien» et le «vrai». C’est ainsi armés, mais également limités dans leurs possibilités d’agir, que les acteurs se retrouvent sur le champ des relations sociales (inter-personnelles et inter-groupes).

27 Voir http://www.univ-paris1.fr/GREGOR/ 28 Perroux (F), Pouvoir et économie , Bordas, Paris 1973, page 86.

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Source : Donnadieu (G) et Layole (G), 1995, « Essai d’interprétation systémique de la régulation sociale dans une organisation »29 IAE de Paris – GREGOR, p.8 On le voit, le mécanisme tend, au final, à réduire de plus en plus l’incertitude de l’acteur par rapport au réel, lui conférant à la fois un statut, un rôle et un certain pouvoir dans le jeu social. Ces divers développements démontrent bien que, pour comprendre la régulation sociale dans une organisation, il faut tenir ensemble les deux pôles de la boucle de rétroaction, c’est-à-dire bien se garder d’ouvrir ou de couper celle-ci.

Il faut également noter que ce processus circulaire inclut impérativement le temps comme un paramètre. Il faut du temps pour faire émerger, par effets cumulatifs, une culture qui viendra fédérer et unifier une organisation à partir d’acteurs initialement séparés et autonomes. Ainsi, le résultat n’est pas garanti d’avance ni acquis irréversiblement. Une telle boucle de rétroaction peut favoriser aussi bien le renforcement des convergences de comportements des acteurs que leur divergence, l’appartenance à l’organisation que la désagrégation. Il devient alors nécessaire de contrôler et gérer ce désordre qui peut entraîner des conséquences graves pour la société. Mais ceci ne peut plus se réaliser par la production de règles et directives. Le facteur d’ordre nécessaire au bon fonctionnement de la société devient alors l’adhésion du plus grand nombre à un certain nombre de valeurs, de comportements et d’objectifs fédérateurs. La complexité et l’étendue du jeu des acteurs, la richesse de la culture ne sont donc pas en opposition mais se renforcent plutôt l’une l’autre, et la complémentarité des modèles interactionniste et culturaliste reste indissoluble.

29 Voir http://www.univ-paris1.fr/GREGOR/

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Ainsi, deux modalités de régulation sont en perspective :

- régulation sociale autonome , émanation spontanée des ajustements entre acteurs au sein du système social. La régulation conjointe qui résulte du compromis entre les parties en présence fournit un ensemble de règles générales, relativement cohérentes et acceptables par tous. La régulation conjointe ne se substitue pas pour autant au conflit ; elle n’en est que la solution provisoire. Une telle dynamique est observable dans les plus variés qui structurent les univers sociaux. Dans tous les cas, les régulations ne sont jamais purement fonctionnelles puisqu’elles emportent avec elles un ensemble de valeurs, de traditions et d’impératifs qui excèdent le plus souvent les besoins et intérêts des acteurs impliqués. Les dinam-pokonolona , sorte de convention collective passée entre les membres d’une même communauté qui s’impose à tous les membres de la communauté et dont l’inobservation peut être sanctionnée par des réparations pécuniaires ( vonodina ). Afin de réduire le conflit entre la loi nationale et les coutumes et normes sociales (appelés dina ), l’État malgache a progressivement décentralisé la gouvernance des patrimoines au niveau local. Le dina est élaboré par les membres de la communauté et homologué par le Tribunal. Les procédures d’application sont hiérarchiques, commençant au niveau du village mais avec recours aux niveaux supérieurs en cas d’échec d’application.

- régulation sociale de contrôle , action délibérée et consciente des dirigeants sur ce même système social. Tout groupe stratégique est ainsi le destinataire de consignes qui lui sont imposées de l’extérieur afin d’organiser son activité, de régler ses modalités de coopération et d’évaluer la qualité de ses résultats.

Munis désormais du modèle de synthèse utilitarisme/culturalisme, il nous devient possible de construire une représentation cartographique faisant apparaître parmi les diverses boucles de rétroaction celles qui vont se trouver directement concernées par la régulation de contrôle (voir figure 4). Ceci implique naturellement d’identifier et de faire ressortir séparément sur la «carte systémique» l’acteur «dirigeant» de l’ensemble des autres acteurs. Ce schéma permet de repérer la place et le rôle possible des différents sous-systèmes en cause : les dirigeants, le système organisationnel, le système culturel et les jeux des acteurs.

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Source : Donnadieu (G) et Layole (G), 1995, « Essai d’interprétation systémique de la régulation sociale dans une organisation » IAE de Paris – GREGOR, p.930 Les jeux des acteurs et système culturel sont en synergie au sein du système social, conformément à la boucle de rétroaction décrite précédemment (voir figure 1, 2, 3). Et de même, les acteurs sont en interaction complexe avec le système organisationnel dont ils subissent «l’emprise de structure» tout en disposant à son égard d’une capacité d’influence (même si elle est bien souvent à la marge). La place privilégiée occupée par les dirigeants apparaît alors clairement.

En tant qu’acteurs positionnés pour agir volontairement sur tous les sous-systèmes, les dirigeants sont en bonne posture pour exercer la régulation de contrôle. Ils ont en effet la possibilité :

- de modifier le système organisationnel, en changeant les règles et procédures, en déterminant la structure et les définitions des fonctions, en élaborant des décisions qui auront un impact sur l’ensemble du fonctionnement de l’organisation,

- de s’impliquer directement dans le jeu des acteurs en utilisant ou modifiant les enjeux, en négociant et en utilisant leur pouvoir statutaire,

- d’agir, dans une certaine mesure, sur le système culturel, en influençant les valeurs des acteurs ou, plus indirectement, en créant les conditions de leur émergence.

30 Voir http://www.univ-paris1.fr/GREGOR/

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Naturellement, ces actions ne sont pas sans réciprocité. Les différentes boucles de rétroaction fonctionnent la plupart du temps en interconnexion. Ainsi, toute modification de la structure, des procédures, des règles du jeu, déstabilise et repositionne les enjeux d’acteurs, induisant indirectement et directement des modifications des normes et valeurs, explicites ou non, du corps social. Les systèmes sociaux doivent être considérés comme le produit d’un ensemble de sources de régulation qui ont toute prétention à la légitimité. De ce point de vue, la réalité sociale première n’est pas la société mais l’acteur collectif. Celui-ci se constitue grâce à la production de règles qui servent un projet commun et délimitent les frontières des groupes impliqués dans l’action collective.

La modélisation systémique tient compte de la boucle de Crozier et de la boucle d’Irbane. Le jeu social se déroule entièrement sous la dépendance de ces deux boucles. Elle permet de fédérer les acteurs individuels sur des projets collectifs, que ceux-ci soient convergents avec les buts des dirigeants, soit qu’ils s’y opposent. Cela suppose un projet commun dans la gestion patrimoniale.

6-2- Vision commune pour une gestion patrimoniale.

Au cœur même de la logique utilitariste, et pour lui permettre de fonctionner, font irruption des éléments qui sont incontestablement d’ordre culturel : représentations sociales, cadre de référence, perception et valeur etc. Dans le contact des sociétés traditionnelles avec le capitalisme, il s’agit de préconiser en quelque sorte une croissance harmonisée. Ainsi il convient de se rendre compte de l’aspect relatif à la construction de nouveaux équilibres spatiaux favorables à l’apparition de nouveaux acteurs, et qui nous incite à considérer une nouvelle manière de comprendre le changement. Des démarches seront mises au point pour parvenir à un système négocié. Il s’agit de :

1- Analyser la confrontation des logiques des acteurs à la subordination du système économique des sociétés traditionnelles. Certains acteurs se situent dans des logiques traditionnelles et communautaires et d’autres dans des logiques capitalistes auxquelles il convient de confronter leur point de vue et leurs besoins. Dans ce changement socio-culturel, il y a une interaction conflictuelle entre un système traditionnel (dégradé) et un système moderne imposé par l’extérieur. Pour parvenir à la mise au point d’un système négocié, il faut se focaliser sur le social, se rendre compte des distorsions relevant des diverses logiques. En fait, il faut intégrer les sociétés

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traditionnelles dans le système économique marchand en réunissant les conditions d’intégration nécessaires. On suppose que le système capitaliste veut vivre en harmonie avec un système non capitaliste. Ainsi, la confrontation de ces 2 logiques devrait tendre vers une vision conciliable.

2- Analyser les rapports de force avec le capitalisme et les modes de légitimation de la pluralité des rationalités des acteurs en vue de détecter les formes de coalition sociale. La coalition sociale peut se réaliser par l’arrangement, la conversation en vue d’un ajustement, en vue de revitalisation, un bon dosage entre la tradition et la modernité

3- Déterminer les conditions favorables à l’exploration des relations sociales, l’enracinement et les espaces sociaux construits pour un ajustement économique porté par deux nouvelles dynamiques. Les relations sociales et les espaces sociaux devraient être construits pour des ajustements économiques portés par de nouvelles dynamiques. Ici, il s’agit de bien cerner un projet mobilisateur et un cadre organisateur, un cadre de référence à la construction de nouveaux équilibres spatiaux. Ainsi, il faut agencer les approches (ou opérationnaliser) et rendre compatible les différentes logiques à la présence de 3 formes d’économie : l’économie de subsistance, l’économie de marché local, l’économie de marché mondial.

En effet, l’échange par le marché est apparu progressivement dans cette société bara qui subit une mutation importante car le marché vient à maîtriser le système de parenté. Dans ces conditions, la connaissance de l’autre est appelée à s’améliorer et que soit pensé l’obligation de redéfinir les règles de jeu possible entre eux. Ainsi, la valorisation conjointe des facteurs de production, particulièrement la terre serait importante pour façonner un ajustement économique porté par de nouveaux dynamismes.

5 points sont à considérer à partir de ce travail de construction :

• La sécurité économique des groupes stratégiques s’inscrit avant tout dans le cadre des réseaux ou des liens familiaux se mélangeant aux liens économiques, politiques et sociaux. . Il convient ainsi de se mobiliser pour poser les enjeux de manière endogène. On reste dans l’informel mais en favorisant l’émergence des formes logiques spécifiques et de trouver un autre mode d’insertion de la société Bara dans le capitalisme ;

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• un ajustement économique s’impose pour trouver un bon dosage entre la tradition et la modernité puis pour parvenir à des systèmes véritablement internalisés dans le sens de la gestion patrimoniale des ressources ;

• la constitution d’une communauté de vision de tous les acteurs pour la gestion de l’espace est à mettre en évidence en acceptant la potentialité de l’espace, et que chacun y voit son intégration dans l’économie de marché ;

• la convention comme forme d’action institutionnelle est appelée à ouvrir ici une 3ème voie entre l’individualisme et l’holisme pour organiser les différents types d’exploitation économique, les structures agraires et les agents économiques demeurent intimement liés.

• la redistribution spatiale du patrimoine « Espaces de pâturage ». La patrimonialisation, qui engage tout un ensemble de protagonistes, redéfinit les relations entre eux et aboutit à une nouvelle modalité de l’aménagement de l’espace. Elle prend sens dans un double contexte : celui des transformations d’espaces de pâturage dans son ensemble, c’est-à-dire des rapports dynamiques entre espaces patrimonialisés et celui de la mondialisation.

6-3 Nouveau rôle de l’Etat à l’ère de la mondialisation, dans la perspective de l’approche systémique et de la gestion de patrimoine.

La richesse et l’importance du patrimoine, tant public que privé, mobilisent de multiples intervenants et de fortes ressources financières. Des acteurs multiples et variés interviennent dans la gestion du patrimoine sur un territoire. Le territoire traduit un mode de découpage et de contrôle de l’espace garantissant la spécificité et la permanence, la reproduction des groupes humains qui l’occupent. Le territoire construit résulte des interactions entre les différents acteurs impliqués dans une démarche collective. Aujourd’hui le succès de la notion de territoire est lié à sa nouvelle conception accordant plus de place aux acteurs, à l’expérimentation de nouveaux modes de gouvernance territoriale multi-niveaux. L’acteur est devenu omniprésent sur le territoire.

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En outre, la mondialisation, par le perpétuel mouvement qu’elle déploie, fait basculer de nombreux territoires dans un équilibre instable. Face à cette déferlante, des zones rurales voient leurs valeurs et leur identité s’érode et leurs sources internes de développement économique, social, politique et culturel brutalement soumises à des éléments dont ils n’ont plus tout à fait la maîtrise. Ces menaces et contraintes sont réelles, et de nombreux territoires subissent aujourd’hui de plein fouet les effets déstructurants (et parfois irréversibles)de la mondialisation. Cependant, l’expérience montre que certains territoires s’en sortent mieux que d’autres en résistant, en s’adaptant, voire en se réinventant par rapport à la mondialisation.

C’est au regard de ces exemples que la notion de « résilience territoriale » prend tout son sens. Pour un territoire, être résilient consiste non seulement à générer en son sein des capacités de résistance et d’adaptation lui permettant de maintenir ou de retrouver les bases de son développement et de sa spécificité à la suite de chocs plus ou moins brutaux, mais également à inventer et à déployer de nouvelles ressources et capacités lui permettant de s’insérer favorablement dans la dynamique de transformation impulsée par la mondialisation.

Madagascar est en pleine transition foncière. La gestion foncière traditionnelle semble reculer face à l’individualisation et à la marchandisation de la terre. La terre devient de plus en plus un bien marchand, qui s’exploite et s’échange avec ou sans le consentement des autorités traditionnelles. Ainsi, d’une part, les ruraux se tournent vers les représentants de l’Etat et ses services fonciers pour faire valoir leurs droits sur le sol. D’autre part, l’investisseur privé est contrarié par l’imbroglio sur le foncier : les producteurs ruraux ne sont pas incités à des investissements durables sur leurs terrains. Ils n’ont aucun intérêt à bonifier des parcelles dont ils ne sont pas assurés de l’exploitation à long terme. Les entrepreneurs ne peuvent se risquer à investir en infrastructures productives tant que leurs droits sur une parcelle ne sont pas garantis de manière transparente et fiable.

L’Etat définit toujours les grandes orientations au niveau régional et coordonne les politiques d’aménagement des territoires. Ainsi, la Région Ihorombe devrait jouer un rôle de fédérateur dans la gestion du patrimoine et dans le renforcement des capacités de résilience territoriale. Par le biais de mesures prises par arrêté régional, elle accompagne l’action des Communes rurales et des acteurs privés.

A l’épreuve de l’action territoriale, les politiques classiques de l’Etat en aménagement du territoire basées sur l’organisation administrative des territoires et sur des modèles

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centralisés et descendants de l’action publique se sont essoufflées à cause des dysfonctionnements territoriaux, de la remise en cause de la centralité de l’Etat, la participation marginale des acteurs locaux dans les projets d’aménagement, etc.

Depuis quelques années, en effet, dans la plupart des pays africains anglophones tels que la Tanzanie et la Zambie, l’organisation socio-économique du territoire ne se conçoit plus, seulement, comme un processus imposé d’en haut, mais comme une démarche ascendante. La logique centralisatrice et unitaire de contrôle du territoire est en train d’être battue en brèche par l’adoption de la décentralisation comme modèle d’organisation du territoire et de transfert de certaines compétences jusque-là exercées par l’Etat. Cette option, visant à responsabiliser les acteurs locaux, constitue un choix important dans le cadre de l’aménagement et du développement territorial.

Le contexte de la décentralisation fait que l’Etat n’est plus le seul acteur de l’aménagement du territoire. La Commune et la Région, de même que les acteurs économiques et sociaux, devraient occuper un rôle et une place de plus en plus importants dans le programme de développement, induisant ainsi la nécessité d’une action politique de plus en plus négociée, concertée et contractualisée avec tous les groupes stratégiques. Par conséquent, la décentralisation constitue un véritable instrument de développement local qui implique des logiques de concertation et de contractualisation permettant d'instaurer un dialogue entre toutes les catégories d’acteurs.

Les stratégies de développement territorial doivent réconcilier les échelons régional et national et faire émerger des territoires de projet tenant compte des interdépendances et des facteurs de cohésion économique et extra économique. En d’autres termes, la gouvernance territoriale renvoie à une vision ouverte et non « localiste » du territoire. En effet, les groupes stratégiques qui y sont localisés développent des interactions à la fois à l’échelle locale et à l’échelle globale.

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CONCLUSION GENERALE

Le cas de l’espace de pâturage de Saririaky apparaît comme un révélateur pertinent des dynamiques locales, en raison de ses importants enjeux économique, politique et socioculturel. Cet espace est traversé de conflits et devient un lieu d’affrontement entre plusieurs groupes stratégiques. Ces conflits suscitaient plusieurs interrogations auxquelles nous avons apporté des réponses, à savoir les acteurs impliqués et leurs modes d’appropriation, les relations de pouvoir à propos du contrôle des espaces, les logiques sous- jacentes aux pratiques des groupes stratégiques.

Après l’analyse des groupes stratégiques et des types d’interactions en jeu, de nombreux acteurs y interviennent et des enjeux fonciers cruciaux y sont accentués par la cohabitation conflictuelle des activités agricoles et pastorales. Chaque acteur (spatial) développe intentionnellement des stratégies. Ainsi, cette étude a développé une thématique dont l’enjeu est de montrer que le recours à l’interactionnisme permet d’aborder des phénomènes sans tomber dans une démarche purement holistique. L’approche interactionniste s’intéresse à l’enchevêtrement des logiques sociales des acteurs qui se confrontent dans des variations d’échelles entre le local et le global. Elle permet d’approfondir le rapport entre les groupes stratégiques, les modes de pensée et les croyances culturelles qui gouvernent les rapports sociaux, les conflits et les alliances qui en résultent. La perspective interactionniste apporte une contribution à des fins d’intervention en matière de renforcement de la gouvernance locale

Néanmoins, l’interaction des acteurs (groupes stratégiques) dans le champ social autour de différents enjeux ne permet pas de créer un système de régulation, et de produire une règle adaptée aux besoins du contexte et à l’évolution de l’environnement. Au lieu de rapprocher les acteurs, l’interaction des acteurs (groupes stratégiques) dans le champ social autour de différents enjeux ne permet pas de dépasser l’opposition des intérêts et la logique du « chacun pour soi » pour trouver une vision commune,. Ce modèle théorique selon lequel l’interaction des acteurs produit les règles s’avère insuffisant pour la régulation, surtout que ce modèle théorique s’affronte aux phénomènes sociaux réels, particulièrement l’imbrication étroite de l’utilitarisme et du culturalisme. Dans l’espace local que nous avons étudié, deux modèles antinomiques se sont progressivement imposés: l’utilitarisme qui transpose au jeu social les rapports utilitaires d’intérêt de l’économie libérale, et le culturalisme qui fonde la cohésion sociale sur l’identification à des normes et à des valeurs.

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Pourtant, par la réponse systémique, il est possible de réconcilier ces deux modèles par l’approche systémique pour les rendre complémentaires afin de développer une trilogie « Espace – Acteur – Aménagement » qui est une étape importante dans la gestion patrimoniale des espaces. Les résultats obtenus du développement de cette trilogie participent à l’émergence de nouveaux modes de compréhension de la décentralisation. De ce fait, celle- ci ne sera plus considérée comme un appareillage institutionnel, mais elle sera perçue comme étant un phénomène politique et social qui s’ancre dans un processus interactif. Politique, puisqu’elle concerne diverses relations de pouvoir qui échappent à l’instance locale de décision. Social, en ce sens qu’elle est forcément influencée par les rapports de domination à l’œuvre dans la société locale.

La minimisation de l’analyse des rapports sociaux dans l’étude de la politique publique en ce sens que les instances locales intègrent les relations inégalitaires fondées sur le capital à la disposition des acteurs suppose que la décentralisation, un « système politico-sociétal », est à implanter dans un milieu vierge inhabité. Ce qui nous amène à comprendre pourquoi les objectifs formels de la décentralisation s’écartent souvent des résultats obtenus dans un pays comme Madagascar, ce qui confirme l’importance de l’approche socio-anthropologique qui garantit le rapprochement entre les fonctionnements des écosystèmes et des valeurs des acteurs inscrits dans la sphère sociale.

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BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux

1. BRECHON (P), 2000, « Les grands courants de la sociologie », Edition Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble 2. CORCUFF (P). 1999, «Les nouvelles sociologies : constructions de la réalité sociale » , Paris, Nathan, 126p. 3. CROZIER ( M), FRIEDBERG (E) , 1977, «L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective, Paris, Seuil, collection Points Politique, Ed. de 1989, 500p . 4. GILBERT de TERSSAC (D.), 2003 « La théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud - Débats et prolongements », La Découverte, Paris.132p 5. METAYER (M.), 2002, « La théorie de la justice de Rawls » Tiré de : La philosophie éthique. Enjeux et débats actuels, Saint-Laurent, Éditions du Renouveau Pédagogique, chapitre 6, p. 132-138. 6. ANSART (P). 1990, « Les sociologies contemporaines », Paris, Seuil, 344p. 7. DERYCKE(P-H). 1992, « Espaces et dynamiques territoriales » , Paris, Economica, , 336p. 8. DI MEO(G), 1991,« L’homme, la société, l’espace », Paris, Anthropos, , 319p.

Ouvrages spécifiques,

9. BIERSCHENK & OLIVIER DE SARDAN (J.P), 1998, « Les arènes locales face à la décentralisation et à la démocratisation. Analyses comparatives en milieu rural béninois » Karthala 10. FAUVET (J.C), 1973,« Comprendre les conflits sociaux : déclenchement, déroulement, issue » - Les éditions d'organisation, p. 34-89 11. GROUX (G), 2001, « L'action publique négociée. Un nouveau mode de régulation ? Pour une sociologie politique de la négociation », Négociations 1/ p. 223 12. MARTUCELLI (D), 1999, «Sociologie de la modernité». Poche – p. 120-124 13. MORIN ( Ed), 1986, « La Connaissance de la connaissance », Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1992 14. OLIVIER DE SARDAN (J.P), 1995, « Anthropologie et développement, Essai en socio- anthropologie du changement social ». Éditions KARTHALA, Paris

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15. ROTHBARD (M), 1979, « Six mythes au sujet du libertarianisme », Edition du Seuil, P .164 16. SIMMEL (G), 2003, « Le conflit », Paris, Circé, coll. ''Poche", 180.

Revues et publications

17. DONNADIEU (G) et LAYOLE (G), 1995, « Essai d’interprétation systémique de la régulation sociale dans une organisation » IAE de Paris – GREGOR

Rapport

18. Région Ihorombe – UNFPA, 2010, « Rapport de mise en œuvre des priorités régionales », Cellule Régionale de Centralisation et d’Analyse 19. Commune d’Andiolava, 2007, « Plan Communal de Développement d’Andiolava » 2007

Journaux

20. Journal Midi Madagascar paru le 16 novembre 2012

21. J.O. n° 2746 du 19.11.2001, p. 3047, La loi n° 2001-004 du 25 octobre 2001portant réglementation générale des Dina en matière de sécurité publique Dictionnaires

22. BOUDON (R) ,1999. « Dictionnaire de Sociologie », Edition Larousse, Paris 23. ETIENNE (J) et BLOESS (F) ,2004. « Dictionnaire de Sociologie », Edition Hatier, Paris

Webographie

24. http://www.univ-paris1.fr/GREGOR/ (site consulté le 4 mars 2014) 25. http://www.mprdat.gov.mg/fkt.html/ /( site consulté le 15 septembre 2014) 26. http://www.institutdelasociodynamqiue.com (site consulté le 20 décembre 2014)

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TABLE DES MATIERES

Remerciements Sommaire INTRODUCTION GENERALE 1 I. Choix du thème et du terrain 2 II. Problématique 3 III. Objectifs 3 IV. Hypothèses 3 V- Méthodologie 4 VI. Problèmes rencontrés et limites de la recherche 6 VII. Plan 6 PARTIE I- CONCEPTUALISATION THEORIQUE DU CONFLIT ET DE 7 REGULATION SOCIALE Chapitre 1 : Cadre théorique de l’acteur et le système 7 1-1- Méthodes d’approche 7 1-1- 1- Le Holisme méthodologique 7 1-1- 2- L’Individualisme méthodologique 8 1-1- 3- Débats 9 1-2- Revue des travaux socio-anthropologiques sur les conflits 11 1-2- 1- Postulats 11 1-2- 2- Amendement du postulat structuraliste 11 1-3- La notion de conflit et la théorie de régulation 12 1-4- La Théorie de Régulation de Jean-Daniel Reynaud 13 1-5- Approche théorique 16

Chapitre2 : Approche méthodologique et présentation du terrain 19 2-1- Approche méthodologique 19 2-2- Présentation du terrain 21 2-2-1- Le Cadre physique 21 2-2-2- Environnement naturel 23 2-2-3- Réalités socioculturelles 25 2-2-4- Réalités économiques 27 2-2-5- L’organisation et la structuration des communautés locales 28

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2-2-6- Les conflits autour de l’occupation des espaces de pâturages 29 PARTIE II- IDENTIFICATION ET ANALYSE DES DETERMINANTS DU CONFLIT 32 SOCIAL ET DE LA REGULATION Chapitre 3- Approche descriptive des données 32 3-1- L’Espace de pâturage comme arène 32 3-2- Typologie des conflits 32 3.2.1. Les conflits Sociétés agrobusiness / éleveurs 33 3.2.2- Les conflits Gros éleveurs / petits éleveurs 39 3-3- Stratégies des acteurs 43 3.4- Les instances de prévention et de gestion des conflits 50 Chapitre 4- Approche analytique 57 4-1- Les acteurs en interaction 57 4-2- Logiques de régulation antagonistes 58 4-3- Déficits de régulation et précarité des règles sociales 59 4-4- Confrontation globale des deux logiques, utilitariste et culturaliste 60 4-5- L’abondance des conflits oblige à des réformes 62 Partie III : LOGIQUE DU CONFLIT, APPROCHE PROSPECTIVE ET DE 63 REFLEXION Chapitre 5 – Validation des hypothèses 63 5-1- Jeux des acteurs conduisant à un rapport de domination 63 5-2- La rationalité limitée, comme socle de la régulation 67 Chapitre 6- Approche prospective et Piste de réflexion 69 6-1- Essai d’approche systémique de la régulation sociale 69 6-2- Vision commune pour une gestion patrimoniale. 75 6-3- Nouveau rôle de l’Etat à l’ère de la mondialisation, dans la perspective de 77 l’approche systémique et de la gestion de patrimoine. CONCLUSION GENERALE 80 BIBLIOGRAPHIE 82

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Liste des abréviations

BIF : Birao Ifoton’ny Fananan-tany

CSB II : Centre de Santé de Base de niveau II

PCD : Plan Communal de Développement

PRD : Plan Régional de Développement

RNA : Recensement National Agricole

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Liste des tableaux

Tableau n°01: Tableau de l’échantillonnage avant les entretiens 5

Tableau n°02: Les phases de l’enquête 19

Tableau n°03 : Structure par âge d e la population dans la commune rural e 23 d’Andiolava

Tableau n°04 : Evolution de l’occupation de l’espace dans les communes 33 d’Andiolava et de Satrokala

Tableau n°05 : Comparaison des espaces de pâturages occupés par les éleveurs 34

Tableau n°06 : Liste des parcelles contestes et non contestées 35

Tableau n°07 : Estimation du Cheptel bovin de la Région Ihorombe, 2006-2010 40

Tableau n° 08: Evolution des prix des zébus (2010-2013) 41

Tableau n°09 : Evolution de la plainte enregistrée au bureau de la Commune 42 d’Andiolava liée aux conflits d’espaces de pâturages

Tableau n°10 : Les composantes des pratiques des acteurs 48

Tableau n°11 :Evolution des litiges fonciers au Tribunal d’Ihosy 54

Tableau n°12 : Équité des lois et du système de justice dans la société bara 54

Tableau n° 13 : Instances de gestion de conflits 55

Tableau n°14 :Tableau d’analyse multidimensionnelle de l'espace social 57

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Liste des cartes

Carte n°1: Carte de localisation géographique de la Région d’Ihorombe 21

Carte n°2: Carte de localisation géographique de la Commune rurale d’Andiolava 22

Carte n°03 : Carte de la Zone de plantation actuelle et de la Zone d’extension future des 23 sociétés agrobusiness

Carte n°04 : Carte des conflits sur le périmètre d’Ambondrobe 34

Carte n°05 :Carte de la zone de plantation actuelle et de la zone d’extension future des 38 sociétés agrobusiness Carte n°06 : Mapping de type "attraction - répulsion" 44

Liste des figures

Figure 1 : Rétroaction culture - jeu des acteurs 70

Figure 2 : L’interaction acteurs /culture – le jeu des acteurs 70

Figure 3 : L’interaction acteurs / culture – la culture 72

Figure 4 : Schéma général du contrôle social 74

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ANNEXE

GRILLE D’ENTRETIEN ET QUESTIONNAIRE

1- Depuis combien de temps résidez-vous dans la Communauté ? 2- Connaissez-vous l’importance que la population bara accorde à leur terre et à leurs pratiques culturelles ? 3- A votre avis, quel est le rôle le chef du village dans le village ? 4- Connaissez-vous les modes de subsistance de la population locale ? 5- Pourriez-vous me parler des modalités d’échange existant dans la région ? 6- A votre avis, quelles sont les raisons des réactions d’hostilité des habitants locaux face aux sociétés agrobusiness ? 7- Les conflits se rattachent-ils pour la plupart des cas à l’attachement à la terre et à la valeur des bœufs chez les bara ? 8- Croyez-vous la culture bara empêche le changement et l’évolution positive de la société ? 9- L’attachement à la terre et les valeurs sociales des bœufs entravent-ils la mise en œuvre des projets de développement ? 10- A votre avis, la population bara est-elle prête à faire face aux changements et à accepter les modèles de développement capitalistes ? 11- Pensez-vous que la société bara est trop conservatrice et que ce caractère l’empêcherait d’évoluer dans le temps et dans l’espace ? 12- Quelle est la réalité sociale cachée sous le terme fokonolona ? 13- Existence de l’assemblée des chefs de lignage ? 14- Les chefs de clan sont-ils les véritables possesseurs de bétail ? 15- Quelles occasions le fokonolona se réunit ? 16- pour quel type d’ordre du jour ? 17- Le fokonolona assure-t-il les pouvoirs judiciaires ? sur quelles affaires ? 18- Quid de la décision de l’admission d’un étranger dans le village ou pour attribuer des terres de culture à un jeune qui vient de se marier ou à un étranger ? 19- Quelle hiérarchie traditionnelle et hiérarchie administrative ? 20- Quid du déviant qui ne veut pas se soumettre aux règles de la communauté ? 21- Comment se fait le rejet social du déviant ? et son complice ? 22- Le cas de rejet est-il fréquent ? 23- La place du bœuf dans les croyances et les sacrifices traditionnels ?

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24- Combien de sortes de sacrifices ? 25- Quelles sortes de vols de bœufs ? 26- Quelles réparations en bœufs pour le voleur et ses complices s’ils sont découverts. 27- Dans la société, qui sont considérés comme étrangers ? 28- Quel système des valeurs pour les bara ? 29- Y a-t-il l’évolution dans le système de valeurs ? 30- La transformation économique va-t-elle de pair avec la transformation sociale ? 31- Qui est ce qui est en train de se perdre, ou de ce qui est encore jalousement gardé ? le respect du sacré et de la religion traditionnelle, le culte des morts et la solidarité familiale. 32- Quels sont les interdits en bara ? interdits communs et spécifique au clan ? 33- Quels interdits qui disparaissent ? 34- Quelle est la position sociale de chaque groupe stratégique ? 35- Quelle est la Situation de l’occupation de l’espace : Ménage et superficie occupée ? 36- Pourriez-vous montrer le croquis montrant les formes d’occupation de l’espace pastoral ? 37- Conflit : nombre de plaintes auprès de la commune ? 38- Quels sont les obstacles au dépôt de plainte ? 39- Règlement de conflit : quelle instance de régulation ? 40- Nombre de réunion de régulation au niveau du Fokonolona? 41- D’après vous quels groupes sont responsables la forte pression sur les espaces de pâturages ?

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CURRICULUM VITAE

Francis Hary SOLEMAN KONE Né le 15 Juillet 1971 à Moramanga Lot III I 105 Bis Soanierana ANTANANARIVO Contact : 033 12 684 90 / 034 80 913 42

Année DIPLOMES UNIVERSITAIRES 2006 D.E.S.S en Education et Formati on d’Adultes. Ecole Normale Supérieure. Université de Fianarantsoa

2008 Maitrise es -Sciences Sociales de Développement Option SOCIOLOGIE POLITIQUE Faculté de Droit et de Sciences Sociales de Développement - Université de Fianarantsoa

1995 Maîtrise Es -Sciences Economiques Option ECONOMIE NATIONALE FACDEGS – Université d’Antananarivo

CO -PUBLICATIONS « Revue et Analyse des Dépenses des ONG en Protection Sociale » vue sur le site de la Banque Mondiale http://fr.scribd.com/doc/66526146/Madagascar-Assessment-of-Social-Protection-and-Operational- Challenges-World-Bank-2011

«Guide illustré à l’usage des Gestionnaires des projets Ecolesau niveau des Collectivités Territoriales », Ministère de l’Education Nationale/FID –2008

« Nouveau Guide d’Elaboration, de Réactualisation et de mise en œuvre de Plan Communal de Développement », MDAT / GTZ / FID – 2007

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Coordonnées de l’impétrant

• Nom et prénom : SOLEMAN KONE Francis Hary • Adresse : c /o Conseil Diocésain de Développement – Tsianaloka - TOLIARY • Adresse électronique : [email protected]; Téléphone portable : +261 34 80 913 42

Panorama sur la recherche entreprise

• Champs de recherche : Sociologie de conflits, sociologie des acteurs • Titre du mémoire : Régulation sociale des conflits liés à l’occupation des espaces de pâturage: Cas de la grande parcelle de Saririaky, Commune rurale d’Andiolava, District d’Ihosy, Région Ihorombe • Résumé : L’approche interactionniste permet d’approfondir le rapport entre les groupes stratégiques, les modes de pensée et les croyances culturelles qui gouvernent les rapports sociaux, les conflits et les alliances. Au lieu de concilier les acteurs, l’interactionnisme dans le champ social autour de différents enjeux ne permet pas de dépasser l’opposition des intérêts et la logique du « chacun pour soi » pour trouver une vision commune. Pourtant, il est possible de réconcilier les deux modèles apparemment antinomiques, l’utilitarisme qui transpose au jeu social les rapports utilitaires d’intérêt de l’économie libérale, et le culturalisme qui fonde la cohésion sociale sur l’identification à des normes et à des valeurs, par l’approche systémique pour les rendre complémentaires. • Mots-clés : régulation, acteurs, espaces de pâturages, logique, interactionnisme, territoire

• Abstract: The interactionism approach deepens the relationship between strategic groups, ways of thinking and cultural beliefs that govern social relations, conflicts and alliances. Instead of reconciling the actors, interactionism in the social field around different issues does not overcome the opposition of interests and the logic of “every man for himself to find a common vision. Yet it is possible to reconcile the two seemingly contradictory models, utilitarianism which transposes social play commercial interest reports of liberal economics and culturalism that social cohesion based on the identification of standards and values, the systemic approach to make them complementary. • Key-words: regulation, actors, grazing areas, logical actors, interactionism, territory

• Nombre de pages : 81 • Nombre de tableaux : 14 • Nombre de figures : 04 • Nombre de cartes : 04

Nom du Directeur de recherche : RAMANDIMBIARISON Noeline (Professeur Titulaire) 92